Instruction de la demande en partage: la procédure applicable en présence d’opérations de partage complexes

Le partage des biens indivis repose sur une distinction établie par le Code de procédure civile, qui prévoit deux cadres procéduraux adaptés à la nature des opérations à réaliser.

D’une part, la procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, se déploie dans les cas où les opérations de liquidation ne présentent aucune difficulté majeure. Dans ce cadre, le tribunal demeure l’unique acteur des opérations de partage. L’ensemble des démarches est centralisé sous son autorité exclusive, permettant une exécution rapide et directe des opérations.

Cette procédure allégée se distingue également par l’absence d’intervention d’un notaire ou d’un juge commis. Le jugement prononcé par le tribunal ne se limite pas à ordonner le partage, mais tient lui-même lieu d’acte de partage.

D’autre part, la procédure longue, organisée par les articles 1364 à 1376, s’impose dans les hypothèses où la complexité des opérations justifie une analyse approfondie des droits en présence ou la résolution de désaccords persistants.

Contrairement à la procédure simplifiée, cette voie implique l’intervention coordonnée de trois acteurs : le tribunal, un notaire et un juge commis.

  • Le tribunal, autorité juridictionnelle, ordonne le partage et assure le contrôle de la régularité des opérations, notamment par l’homologation de l’état liquidatif établi au terme des travaux.
  • Le notaire commis, désigné par le tribunal, est chargé de conduire les opérations de liquidation et de dresser l’état liquidatif, véritable clé de voûte du partage. Ce document, élaboré avec soin, établit les comptes entre les indivisaires, précise la masse partageable et définit la composition des lots.
  • Le juge commis, quant à lui, intervient pour surveiller le bon déroulement des opérations et veiller au respect des délais impartis. Il peut également, en cas de désaccord persistant, tenter une conciliation ou statuer sur les incidents procéduraux, tout en transmettant les différends non résolus au tribunal pour décision.

Dans ce cadre, à la différence de la procédure simplifiée, le partage prend corps non pas dans le jugement, mais dans un acte distinct : l’état liquidatif. Ce dernier, établi par le notaire, fait l’objet d’une homologation par le tribunal, qui en garantit la régularité et la conformité au droit. Ce processus, bien que plus long et complexe, répond aux exigences d’une gestion rigoureuse des situations litigieuses ou techniquement délicates.

Instaurée par la réforme de 2006, cette dualité procédurale traduit une volonté d’adaptation aux spécificités de chaque situation. Tandis que la procédure simplifiée répond au besoin d’une exécution rapide et efficace dans les cas simples, la procédure longue offre un cadre structuré et collaboratif, mobilisant les compétences conjuguées du tribunal, du notaire et du juge commis, pour résoudre les situations les plus complexes.

Nous nous focaliserons ici sur La procédure applicable en présence d’opérations de partage complexes.

L’article 1364 du Code de procédure civile prévoit que, lorsque la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour conduire les opérations de partage et commet un juge pour en surveiller le déroulement. Cette procédure s’applique lorsque des éléments tels que la composition de la masse partageable, les rapports de libéralités ou encore l’évaluation des biens rendent nécessaire une instruction approfondie de l’affaire.

Le notaire, au cœur de cette organisation, est chargé de structurer et de diriger les opérations, avec la possibilité de s’adjoindre un expert ou de solliciter l’intervention du juge pour surmonter des difficultés. Le juge, quant à lui, veille au respect des délais et au bon déroulement de la procédure, pouvant intervenir pour faciliter une conciliation ou statuer sur des points litigieux. Cette coordination rigoureuse entre notaire et juge garantit une gestion efficace des opérations de partage complexes tout en sécurisant les droits des indivisaires.

A) La désignation du notaire liquidateur

1. Modalités de choix du notaire

En vertu de l’article 1364 du Code de procédure civile, lorsque la complexité des opérations de partage le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations et commet un juge pour en assurer la surveillance. Le choix du notaire est, en priorité, laissé aux copartageants. Cette faculté, subordonnée à un accord unanime, confère aux parties un pouvoir décisionnel direct, leur permettant de sélectionner un officier public avec lequel elles ont une relation de confiance ou qui dispose d’une expertise adaptée aux spécificités de l’indivision. Cette approche vise à préserver l’autonomie des indivisaires et à encourager une coopération active dans les opérations de partage.

Lorsque les copartageants échouent à désigner un notaire, le tribunal intervient alors pour procéder à cette désignation. La jurisprudence constante confirme que le tribunal est entièrement maître de son choix et n’a pas à motiver sa décision (V. notamment Cass. 1ère civ., 6 mars 1963)

Il est toutefois attendu que le notaire désigné exerce dans le ressort du tribunal, afin de garantir une proximité géographique et une connaissance des spécificités locales. Bien que le tribunal puisse consulter le Président de la chambre départementale des notaires pour guider son choix, cette consultation reste facultative, le juge conservant l’entière responsabilité de la désignation.

Dans certaines situations complexes, le tribunal peut désigner plusieurs notaires pour mener à bien les opérations de partage. Cette solution, bien que rare, est admise par la jurisprudence lorsque les circonstances l’exigent (Cass. req. 8 janv. 1947). Toutefois, la désignation conjointe de plusieurs notaires suppose une coordination étroite entre eux, sous peine de nullité des actes accomplis en leur absence mutuelle.

En outre, chaque partie conserve la faculté de contester la désignation effectuée par le tribunal. Elle peut ainsi interjeter appel du jugement en vue de faire désigner un autre notaire, si elle estime que le choix initial n’est pas approprié. Ce recours constitue une garantie procédurale importante, permettant de prévenir toute situation où l’impartialité ou les compétences du notaire désigné pourraient être mises en doute.

Par ailleurs, un projet de partage élaboré à la demande de certains indivisaires seulement, et sans que le tribunal ait désigné formellement le notaire, est inopposable aux autres copartageants. Une telle situation empêche l’homologation du projet, protégeant ainsi les droits des indivisaires non impliqués dans le choix initial (Cass. 1ère civ., 11 juill. 2019, n°17-31.091).

Enfin, il peut être observé que l’article 1364 du Code de procédure civile n’impose pas que la désignation du notaire intervienne au moment même du jugement ordonnant le partage. Ainsi, cette désignation peut être effectuée ultérieurement, si le tribunal constate en cours d’instance que les opérations requièrent une expertise notariale en raison de leur complexité.

2. Rôle du notaire

Le rôle du notaire désigné va bien au-delà de la formalisation des actes constatant les opérations de partage. Il devient l’architecte de l’ensemble des opérations, avec la responsabilité d’organiser le partage, de liquider les comptes entre copartageants, et de déterminer la composition des lots. Véritable arbitre technique des opérations de partage, il est fréquemment confronté à des enjeux complexes et à des intérêts contradictoires, exigeant un positionnement rigoureux et impartiale.

Dans l’exécution de cette mission, le notaire est tenu à une stricte objectivité et neutralité, principes essentiels pour garantir l’équité et préserver la confiance des parties. Il lui revient ainsi de s’entourer des renseignements nécessaires et de rechercher l’ensemble des documents pertinents, tels que les titres de propriété, les justificatifs de dettes ou les donations antérieures, afin d’éclairer pleinement le processus (Cass. req. 13 janv. 1908).

Sa mission couvre des tâches techniques variées, notamment l’évaluation des biens mobiliers et immobiliers, l’intégration des libéralités et des dettes dans la masse partageable, ainsi que la composition des lots à répartir de manière équitable entre les indivisaires. Chaque étape requiert une expertise approfondie et une attention soutenue, particulièrement lorsque des biens complexes ou des points litigieux sont en jeu.

Par ailleurs, le notaire engage sa responsabilité dans l’exécution de sa mission. Toute faute ou négligence de sa part, notamment en cas d’erreurs affectant la liquidation, peut engager sa responsabilité. Néanmoins, une jurisprudence ancienne a retenu que cette responsabilité n’était pas engagée pour des erreurs de fait ou de calcul si l’état liquidatif, comprenant ces erreurs, avait été homologué par la justice sans qu’elles aient été rectifiées par les parties ou les magistrats (CA Pau, 30 avr. 1860).

3. Prérogatives du notaire

Le notaire, investi d’un rôle central, dispose de prérogatives spécifiques qui lui permettent de mener à bien les opérations de partage, conformément aux articles 1365 à 1368 du Code de procédure civile.

==>Convocation des parties

Conformément à l’article 1365 du Code de procédure civile, le notaire est investi du pouvoir de convoquer les parties impliquées dans les opérations de partage et de leur demander la production de tous documents nécessaires à la réalisation de sa mission. Ces documents peuvent inclure des titres de propriété, des justificatifs relatifs aux dettes et libéralités, ou encore des éléments essentiels à l’évaluation des biens composant la masse partageable.

Le texte ne spécifie aucune forme particulière pour cette convocation, ce qui laisse place à différentes modalités. Traditionnellement, dans le cadre judiciaire, elle peut être réalisée par acte d’avocat à avocat lorsqu’une constitution d’avocat a été effectuée, ou par acte d’huissier, signifié à personne ou à domicile, en l’absence de constitution. Cependant, dans un souci de simplification et d’économie, l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception s’est imposé comme une solution courante.

Face à l’inertie ou à la résistance d’un indivisaire, le notaire dispose de moyens coercitifs. Il peut notamment signifier une mise en demeure par acte extrajudiciaire, comme l’exige l’article 841-1 du Code civil, laquelle déclenche un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, l’héritier demeure défaillant, le notaire est habilité à saisir le juge pour que ce dernier désigne un représentant au copartageant absent.

==>Désignation d’un expert

Le notaire, chargé des opérations de partage, bénéficie de la faculté d’élargir son champ d’action en s’adjoignant un expert lorsque la nature ou la valeur des biens indivis l’exige. Cette prérogative, prévue par l’article 1365, alinéa 3, du Code de procédure civile, vise à garantir une évaluation précise des biens ou une analyse approfondie de leur consistance, en particulier lorsque des compétences spécifiques dépassant celles du notaire sont requises.

L’expert peut être choisi d’un commun accord entre les parties, ce qui favorise la transparence et l’acceptabilité des conclusions tirées. À défaut d’un tel accord, la désignation revient au juge commis, qui agit dans un souci d’impartialité.

Le recours à un expert est particulièrement pertinent en présence de situations complexes qui requièrent, par exemple, l’évaluation de biens atypiques ou d’une grande valeur, la vérification de droits litigieux, ou encore la détermination de la consistance d’une masse indivise incluant des actifs difficiles à estimer. L’expertise permet alors de lever les incertitudes, de prévenir les contestations et d’établir une base solide pour les opérations de partage.

==>Sollicitation de mesures d’instructions

Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire liquidateur peut se heurter à des obstacles susceptibles de ralentir ou de compromettre le déroulement des opérations de partage. Pour surmonter ces difficultés, l’article 1365 du Code de procédure civile lui reconnaît la faculté de solliciter l’intervention du juge commis.

Le notaire, confronté à des blocages tels que la rétention de documents essentiels, le refus de coopération d’un indivisaire ou des divergences sur des points techniques, dispose ainsi d’un recours efficace. En rendant compte des difficultés rencontrées, il peut demander au juge de prendre des mesures destinées à faciliter la poursuite de sa mission. Ces mesures, qui s’inscrivent dans l’objectif d’une gestion rapide et équitable des opérations, peuvent revêtir diverses formes.

Le juge commis est habilité à émettre des injonctions, par exemple pour exiger la communication de documents ou la coopération d’une partie récalcitrante. Il peut également prononcer des astreintes pour inciter au respect des obligations des copartageants. De plus, en cas de nécessité, le juge peut autoriser le notaire à recourir à des mesures spécifiques, telles que la désignation d’un expert ou la mise en œuvre de recherches complémentaires.

Cette collaboration étroite entre le notaire et le juge vise à assurer l’efficacité des opérations de partage, le notaire apportant son expertise technique tandis que le juge, en sa qualité d’autorité juridictionnelle, intervient pour résoudre les difficultés dépassant le champ des compétences techniques du notaire.

==>Conciliation des parties

S’agissant des désaccords susceptibles de survenir entre les parties, le notaire se trouve impuissant à les trancher, étant dépourvu de tout pouvoir juridictionnel. Sa mission, bien que primordiale dans l’organisation des opérations de partage, ne saurait empiéter sur les prérogatives contentieuses réservées au juge. Toute tentative de sa part visant à résoudre un litige excéderait les limites de son rôle, exposant les actes ainsi établis à une nullité certaine (Cass 1ère civ. 1re, 30 mars 1954).

De même, le tribunal ne saurait abdiquer ses prérogatives juridictionnelles au profit du notaire, au risque de méconnaître les limites de sa propre compétence (Cass. 1ère civ., 23 mai 2012, n°11-12.813).

Pour autant, il serait erroné de considérer le notaire comme dépourvu de leviers d’action face aux différends. Le législateur lui a conféré des prérogatives lui permettant d’accompagner les parties dans une recherche de solution amiable, notamment par le recours à la conciliation, conformément à l’article 1366 du Code de procédure civile.

Cette disposition confère au notaire le pouvoir de solliciter l’intervention du juge commis pour convoquer les parties ou leurs représentants en vue d’une tentative de conciliation. Cette procédure, qui se déroule en présence du notaire et du juge, s’inscrit dans une logique de règlement alternatif des différends. Elle vise à promouvoir une solution consensuelle en établissant un cadre propice à la coopération. Le notaire, dans ce contexte, joue un rôle actif en identifiant les points de divergence et en suggérant des pistes de compromis, tandis que l’intervention du juge permet de trancher les désaccords.

Toutefois, si ces efforts de conciliation demeurent infructueux, le notaire est tenu d’établir un procès-verbal consignant les positions respectives des parties, accompagné d’un projet d’état liquidatif. Ce document est ensuite transmis au juge commis, qui poursuit l’instruction des contestations persistantes, voire en réfère au tribunal pour un règlement définitif.

4. Etablissement de l’état liquidatif

==>Mission confiée au notaire

L’établissement de l’état liquidatif constitue une étape primordiale dans la réalisation des opérations de partage. Conformément à l’article 1368 du Code de procédure civile, le notaire désigné par le juge est chargé de dresser cet état, qui formalise les comptes entre les copartageants, détermine la masse partageable, précise les droits de chacun et fixe la composition des lots à répartir.

Il s’agit d’une mission technique, exigeant du notaire une parfaite objectivité et une rigueur méthodologique. Afin d’assurer l’exhaustivité et la précision des informations consignées, le notaire est tenu de collecter l’ensemble des éléments nécessaires, tels que les titres de propriété, les justificatifs de dettes ou encore les données relatives aux libéralités. Cette recherche approfondie est indissociable de son devoir de neutralité, garantissant ainsi la confiance des parties.

==>Le délai imparti pour établir l’état liquidatif

En application de l’article 1368 du Code de procédure civil, le notaire dispose d’un délai d’un an pour établir l’état liquidatif.

Ce délai vise à assurer un règlement rapide des opérations de partage tout en laissant au notaire le temps nécessaire pour accomplir sa mission.

Cependant, il peut être suspendu, précise l’article 1369 du Code civil dans les cas suivants :

  • En cas de désignation d’un expert et jusqu’à la remise du rapport ;
  • En cas d’adjudication ordonnée en application de l’article 1377 et jusqu’au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
  • En cas de demande de désignation d’une personne qualifiée en application de l’article 841-1 du code civil et jusqu’au jour de sa désignation ;
  • En cas de renvoi des parties devant le juge commis en application de l’article 1366 et jusqu’à l’accomplissement de l’opération en cause.

L’article 1370 du Code de procédure civile ajoute que lorsque la complexité des opérations le justifie une prorogation du délai, ne pouvant excéder un an, peut être accordée par le juge commis saisi sur demande du notaire ou sur requête d’un copartageant.

==>Le traitement des désaccords liés à l’état liquidatif

S’il est attendu du notaire qu’il dresse un état liquidatif précis et conforme aux droits des parties, il n’est pas rare que cette étape donne lieu à des désaccords entre les copartageants. L’article 1373 du Code de procédure civile encadre avec soin le processus destiné à résoudre ces différends, en combinant les compétences techniques du notaire et l’autorité juridictionnelle du juge commis.

  • Transmission au juge commis d’un procès-verbal de situation
    • Lorsque des contestations surgissent à propos du projet d’état liquidatif, le notaire, dépourvu de tout pouvoir juridictionnel, est tenu de transmettre un procès-verbal au juge commis.
    • Ce document, véritable pierre angulaire de la phase contentieuse, consigne les dires respectifs des parties ainsi que les points litigieux liés au projet d’état liquidatif.
    • En sa qualité de technicien des opérations, le notaire y détaille les éléments de divergence, préparant ainsi le terrain pour une résolution des différends.
  • Invitation des parties à constituer avocat
    • Une fois le procès-verbal transmis, le greffe intervient pour inviter les parties non représentées à constituer un avocat.
  • Tentative de conciliation
    • Le juge commis, en possession du procès-verbal et des éléments transmis par le notaire, peut convoquer les parties ou leurs représentants en vue de tenter une conciliation.
    • La réunion, conduite sous l’égide du juge et en présence éventuelle du notaire, offre un espace de dialogue où les parties peuvent clarifier leurs positions.
    • Ce cadre encourage la coopération et favorise l’émergence de compromis.
  • Rapport au tribunal
    • Si la tentative de conciliation échoue, l’article 1373 prévoit que le juge commis dresse un rapport exhaustif des points de désaccord subsistants.
    • Ce document, qui clôt la phase devant le juge commis, est ensuite transmis au tribunal compétent.
    • Ce dernier, seul habilité à statuer sur les différends non résolus, dispose alors de tous les éléments nécessaires pour trancher le litige.

B) Le rôle du juge commis

Dans le cadre du partage judiciaire, le juge commis, désigné conformément à l’article 1364 du Code de procédure civile, occupe une place centrale dans le bon déroulement des opérations. Investi d’une mission de supervision et d’encadrement, il intervient pour garantir la régularité des procédures et pour résoudre les éventuelles difficultés rencontrées au cours de la liquidation et du partage.

Aux termes de l’article 1371, le juge commis veille au respect des délais impartis pour l’établissement de l’état liquidatif, conformément à l’article 1369. Sa mission ne se limite pas à une simple supervision passive : il est doté de prérogatives spécifiques lui permettant de veiller à la régularité des opérations de partage. A cet égard, il peut, même d’office, adresser des injonctions, tant aux parties qu’au notaire, pour lever d’éventuels obstacles procéduraux. Ces injonctions permettent notamment de rappeler aux acteurs leur obligation de coopération dans le cadre de la procédure.

En cas de manquements persistants ou de blocages majeurs, le juge dispose également de la faculté de prononcer des astreintes pour inciter les parties ou le notaire à respecter leurs obligations. Cette mesure coercitive, prévue explicitement par l’article 1371, alinéa 2, constitue un puissant levier pour garantir l’exécution des opérations dans les délais impartis. Si, malgré tout, la situation n’évolue pas, le juge peut aller jusqu’à procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal, une décision exceptionnelle qui souligne l’importance de l’efficacité dans la gestion des partages judiciaires.

Le juge commis joue également un rôle déterminant dans la gestion des difficultés procédurales ou des incidents qui pourraient entraver la progression des opérations. Comme vu précédemment, en cas de désaccord entre les parties sur le projet d’état liquidatif, l’article 1373 prévoit que le notaire transmette un procès-verbal consignant les dires respectifs des copartageants et les points litigieux. Ce document devient alors la base d’une intervention judiciaire, où le juge peut convoquer les parties ou leurs représentants pour tenter une conciliation.

Outre son rôle de supervision et de conciliation, l’article 1371, alinéa 3, attribue au juge commis la compétence pour statuer sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été désigné. Ces demandes, qui concernent notamment les incidents ou difficultés procédurales, relèvent de sa compétence exclusive. Toutefois, ses pouvoirs juridictionnels sont strictement encadrés : il ne peut statuer sur le fond du droit ou préjuger des modalités de partage, ces attributions relevant du tribunal.

Par sa mission de surveillance, ses prérogatives coercitives et son rôle actif dans la gestion des désaccords, le juge commis incarne le garant de la régularité et de l’équité dans les opérations de partage. Il agit en chef d’orchestre procédural, coordonnant les efforts du notaire et des parties pour que le partage soit réalisé dans des conditions justes et conformes au droit.

Instruction de la demande en partage: la procédure applicable en présence d’opérations de partage simples

Le partage des biens indivis repose sur une distinction établie par le Code de procédure civile, qui prévoit deux cadres procéduraux adaptés à la nature des opérations à réaliser.

D’une part, la procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, se déploie dans les cas où les opérations de liquidation ne présentent aucune difficulté majeure. Dans ce cadre, le tribunal demeure l’unique acteur des opérations de partage. L’ensemble des démarches est centralisé sous son autorité exclusive, permettant une exécution rapide et directe des opérations.

Cette procédure allégée se distingue également par l’absence d’intervention d’un notaire ou d’un juge commis. Le jugement prononcé par le tribunal ne se limite pas à ordonner le partage, mais tient lui-même lieu d’acte de partage.

D’autre part, la procédure longue, organisée par les articles 1364 à 1376, s’impose dans les hypothèses où la complexité des opérations justifie une analyse approfondie des droits en présence ou la résolution de désaccords persistants.

Contrairement à la procédure simplifiée, cette voie implique l’intervention coordonnée de trois acteurs : le tribunal, un notaire et un juge commis.

  • Le tribunal, autorité juridictionnelle, ordonne le partage et assure le contrôle de la régularité des opérations, notamment par l’homologation de l’état liquidatif établi au terme des travaux.
  • Le notaire commis, désigné par le tribunal, est chargé de conduire les opérations de liquidation et de dresser l’état liquidatif, véritable clé de voûte du partage. Ce document, élaboré avec soin, établit les comptes entre les indivisaires, précise la masse partageable et définit la composition des lots.
  • Le juge commis, quant à lui, intervient pour surveiller le bon déroulement des opérations et veiller au respect des délais impartis. Il peut également, en cas de désaccord persistant, tenter une conciliation ou statuer sur les incidents procéduraux, tout en transmettant les différends non résolus au tribunal pour décision.

Dans ce cadre, à la différence de la procédure simplifiée, le partage prend corps non pas dans le jugement, mais dans un acte distinct : l’état liquidatif. Ce dernier, établi par le notaire, fait l’objet d’une homologation par le tribunal, qui en garantit la régularité et la conformité au droit. Ce processus, bien que plus long et complexe, répond aux exigences d’une gestion rigoureuse des situations litigieuses ou techniquement délicates.

Instaurée par la réforme de 2006, cette dualité procédurale traduit une volonté d’adaptation aux spécificités de chaque situation. Tandis que la procédure simplifiée répond au besoin d’une exécution rapide et efficace dans les cas simples, la procédure longue offre un cadre structuré et collaboratif, mobilisant les compétences conjuguées du tribunal, du notaire et du juge commis, pour résoudre les situations les plus complexes.

Nous nous focaliserons ici sur la procédure applicable aux opérations de partage simples, régie par les articles 1361 à 1363 du Code de procédure civile. Cette procédure se caractérise par sa souplesse et son efficacité, adaptées aux situations où les opérations de liquidation et de répartition ne présentent pas de complexité particulière.

I) Orientation

L’article 1361 du Code de procédure civile prévoit que « le tribunal ordonne le partage, s’il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies. » Il s’infère de cette disposition que c’est au juge qu’il appartient de déterminer, en fonction des circonstances de l’affaire, si les conditions sont réunies pour procéder à un partage des biens indivis ou, à défaut, de décider la vente par licitation. Cette appréciation suppose une analyse des droits en présence, de la composition des biens à partager, ainsi que des éventuelles oppositions entre les indivisaires, afin de choisir la voie procédurale la plus appropriée pour parvenir à une liquidation équitable de l’indivision.

Ainsi, lorsque les conditions sont réunies, c’est-à-dire que la masse partageable ne comporte pas d’éléments complexes à partager et que les droits des indivisaires sont clairement établis, le tribunal peut ordonner le partage des biens. Ce mécanisme suppose que les biens puissent être attribués ou répartis sans nécessiter une instruction approfondie. Le partage peut alors s’opérer par l’établissement de lots ou par la conclusion d’accords entre les indivisaires.

Dans l’hypothèse où les biens indivis ne peuvent pas être facilement partagés ou attribués à raison, soit de leur nature, soit de leur indivisibilité matérielle ou encore de l’existence de divergences persistantes entre les indivisaires, le tribunal peut opter pour la vente des biens par licitation, conformément à l’article 1378 du Code de procédure civile. La vente par licitation est cependant subordonnée à l’observation de conditions strictes. Tous les indivisaires doivent être capables juridiquement, présents ou dûment représentés. Si cette condition est remplie, ils peuvent, à l’unanimité, décider que l’adjudication se limite aux seuls membres de l’indivision. À défaut d’unanimité, la vente est ouverte à des tiers,

En outre, le second alinéa de l’article 1361 du Code de procédure civile confère au tribunal la faculté de désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, cette désignation peut s’avérer particulièrement opportune, notamment lorsque le partage porte sur des biens immobiliers nécessitant des formalités de publicité foncière. Le recours à un notaire dans ce contexte assure une formalisation adéquate des opérations, renforçant la sécurité juridique des actes établis et facilitant leur opposabilité aux tiers.

Il convient toutefois de souligner que la mission confiée ici au notaire diffère de celle qui lui est attribuée dans le cadre des opérations de partage complexes. En procédure simplifiée, le rôle du notaire se limite essentiellement à une mission d’instrumentation : il est chargé d’établir l’acte constatant le partage, sans pour autant intervenir dans la phase préalable de liquidation ou de réalisation des opérations. En revanche, dans le cadre des partages complexes régis par les articles 1364 et suivants du Code de procédure civile, le notaire se voit confier une mission de liquidation beaucoup plus vaste, incluant l’évaluation des biens, la composition des lots et, le cas échéant, la résolution des différends sous la supervision d’un juge commis.

II) Désignation d’un expert

L’article 1362 du Code de procédure civile prévoit la faculté pour le tribunal de désigner un expert en cours d’instance afin de résoudre les divergences entre indivisaires concernant l’évaluation des biens ou la composition des lots. Cette mesure, bien qu’entièrement facultative, revêt une importance pratique non négligeable, en particulier lorsque les patrimoines à partager présentent une complexité qui dépasse les compétences ordinaires du tribunal ou des parties.

L’intervention d’un expert trouve son utilité dans des contextes où les biens indivis requièrent une expertise technique approfondie pour être correctement évalués ou organisés en lots. Par exemple, des actifs immobiliers de grande valeur, des œuvres d’art, ou des entreprises intégrées dans l’indivision peuvent nécessiter des connaissances spécialisées pour en déterminer la juste valeur. Dans ces cas, l’expert agit sous l’autorité du tribunal, apportant un éclairage technique indispensable pour assurer un partage équitable.

Cette possibilité offerte au tribunal ne constitue pas une obligation, mais elle s’inscrit dans une logique d’efficacité procédurale. En effet, trancher à l’audience des contestations complexes sur la seule base des écritures des parties risquerait d’être insuffisant, voire inadapté, face à la technicité des enjeux en présence. L’expertise ainsi ordonnée vise à prévenir des erreurs d’évaluation susceptibles de compromettre la justice du partage.

En outre, la désignation d’un expert en application de l’article 1362 ne prive pas le tribunal de recourir à une expertise avant même l’introduction de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Cette faculté, qui permet d’obtenir des éléments probatoires en amont du contentieux, est particulièrement utile lorsque les parties pressentent des difficultés d’évaluation susceptibles de bloquer les négociations amiables ou de rallonger les débats judiciaires.

Enfin, l’expert désigné dans le cadre de cette procédure ne se substitue pas au notaire commis pour dresser l’acte constatant le partage, tel que prévu par l’article 1361 du Code de procédure civile. Les rôles de ces deux intervenants demeurent distincts. Alors que le notaire se limite à l’aspect formel des opérations, l’expert, quant à lui, apporte une solution technique à des différends spécifiques, consolidant ainsi le processus décisionnel du tribunal.

III) Modalités de réalisation du partage

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord sur la répartition des biens, il est procédé à un tirage au sort des lots. Conformément au premier alinéa de l’article 1363, ce tirage doit se dérouler devant le notaire désigné par le tribunal, conformément aux termes de l’article 1361. Si aucun notaire n’a été commis, ou en cas d’impossibilité, le tirage au sort peut être réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué.

Ce mécanisme vise à garantir l’objectivité dans l’attribution des lots, en éliminant tout risque de favoritisme ou de partialité. En outre, la présence d’un notaire ou d’une autorité judiciaire lors du tirage confère aux opérations une sécurité juridique renforcée, essentielle pour prévenir d’éventuelles contestations ultérieures.

Pour éviter tout retard dans les opérations de partage, l’article 1363 prévoit également une mesure expéditive en cas de défaillance d’un indivisaire. En vertu du second alinéa de cet article, si un héritier est absent ou refuse de participer, le président du tribunal judiciaire ou son délégué peut, d’office, désigner un représentant chargé d’agir en son nom. Cette désignation peut intervenir soit directement lors du tirage au sort devant le juge, soit à la suite de la transmission d’un procès-verbal dressé par le notaire.

Cette procédure déroge aux règles ordinaires, qui exigeraient normalement la mise en demeure préalable de l’héritier défaillant, suivie d’un délai pouvant aller jusqu’à trois mois avant toute intervention judiciaire (C. civ., art. 841-1). En réduisant considérablement les formalités et délais, cette disposition vise à empêcher des manœuvres dilatoires susceptibles de paralyser les opérations de partage.

Enfin, il convient de souligner que, quelle que soit la procédure suivie, une fois le jugement ordonnant le partage devenu irrévocable, il n’est plus possible de contester les opérations ou de demander un nouveau partage, même en présence de circonstances nouvelles. Cette règle découle du principe de l’autorité de la chose jugée (V. en ce sens notamment Cass. 1ère civ., 10 févr. 1964).

Opérations de partage: l’attribution des lots par tirage au sort

Dans le cadre du partage judiciaire, l’allotissement des copartageants repose, en principe, sur le tirage au sort. Ce mécanisme, consacré par l’article 1363 du Code de procédure civile, incarne l’idéal d’impartialité et d’équité dans la répartition des biens indivis. Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à s’accorder sur l’attribution des lots, le recours au sort s’impose comme la solution la plus juste, car il écarte toute possibilité de favoritisme ou d’influence subjective. En laissant le hasard déterminer l’attribution, la procédure garantit une neutralité absolue, préservant ainsi l’égalité des droits entre les parties. 

§1: Le tirage au sort comme modalité d’attribution des lots

I) Principe

Le tirage au sort constitue le mode d’attribution des lots de principe dans le cadre d’un partage judiciaire. Consacré par l’article 1363 du Code de procédure civile, il vise à garantir l’impartialité et l’égalité entre les copartageants, en évitant que les attributions ne fassent l’objet de contestations liées à des considérations subjectives.

L’opération de tirage au sort intervient après que les biens indivis ont été évalués et regroupés en lots de valeurs égales ou compensées par des soultes (art. 826 C. civ.). Il convient de rappeler que cette procédure ne porte que sur l’attribution des lots, et non sur leur composition, laquelle relève d’une étape distincte préalable. 

Dans un arrêt du 11 mars 1986, la Cour de cassation a jugé en ce sens que le tirage au sort ne peut être utilisé pour résoudre des désaccords relatifs à la composition des lots, mais uniquement pour leur attribution, conformément aux dispositions des articles 834 du Code civil et 12, alinéa 1er, du Code de procédure civile (Cass. 1ère civ., 11 mars 1986, n°84-16.596).

En l’espèce, deux indivisaires possédaient en indivision un jardin d’une superficie de 220 mètres carrés. Afin de mettre fin à cette indivision, un expert judiciaire avait proposé deux solutions de partage, consistant en deux tracés différents d’une ligne séparative entre les parcelles. Les parties ne s’étant pas accordées sur l’un des tracés, la Cour d’appel avait ordonné un tirage au sort pour déterminer laquelle des deux propositions serait retenue.

La Haute juridiction a censuré cette décision, estimant qu’il incombait aux juges du fond, dès lors que le différend portait sur la composition des lots, de se prononcer en usant de leur pouvoir souverain d’appréciation. En optant pour un tirage au sort, ces derniers ont abdiqué la mission essentielle qui leur revient : apprécier, au regard des intérêts en présence, les avantages et inconvénients des tracés proposés par l’expert. La Cour de cassation a rappelé avec fermeté que le tirage au sort ne saurait être employé pour décider de la composition des lots, la loi réservant cette procédure à leur seule attribution. 

Aussi, ressort-il de cette décision une distinction essentielle entre la composition des lots, qui relève exclusivement du pouvoir souverain du juge ou de l’accord des parties, et leur attribution, laquelle peut, en vertu des dispositions légales, être effectuée par tirage au sort. Ce dernier, conçu comme une modalité impartiale, est strictement réservé à la répartition des lots déjà constitués, excluant tout recours à celui-ci au stade de la composition des lots. 

II) Tempéraments

Bien que le tirage au sort constitue le principe, cette modalité d’attribution des lots n’est pas sans limites. Le recours à ce procédé peut être écarté dans certaines hypothèses spécifiques, justifiées par la nature des biens, les circonstances particulières de l’affaire ou la volonté des parties.

==>La nature des biens partagés

Le tirage au sort est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit de répartir des biens corporels indivis en plusieurs lots de valeurs équivalentes. Cependant, lorsque la masse à partager se compose de biens aisément divisibles, tels que des sommes d’argent ou des créances, le recours à ce mécanisme devient inutile, voire superflu.

En effet, les sommes d’argent, en raison de leur nature fongible, peuvent être réparties en parts égales ou proportionnelles sans qu’il soit nécessaire d’en constituer des lots préalablement. Dans un arrêt rendu le 9 janvier 1996, la Cour de cassation a ainsi validé un partage portant uniquement sur des fonds indivis, effectué par simple répartition sans recours au tirage au sort (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1996, n° 93-20.720). Il en est de même pour des créances, dont la valeur peut être attribuée proportionnellement aux droits des copartageants, dans le respect des règles de la liquidation.

==>L’inadéquation du tirage au sort

Le tirage au sort, bien que visant à garantir l’impartialité, peut être écarté dans certaines situations où son application stricte produirait des résultats inappropriés ou contraires à l’intérêt des parties. Dans un tel cas, il appartient au juge d’intervenir et de procéder lui-même à l’attribution des lots aux fins de préserver une répartition équitable et conforme aux droits des indivisaires. 

C’est ce qui a été décidé par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile rendu le 28 novembre 2007 (Cass. 1ère civ., 28 nov. 2007, n° 06-18.490).

Dans cette affaire, une parcelle indivise cadastrée était située devant les propriétés respectives de deux branches familiales. Le tribunal avait ordonné le partage de la parcelle en deux lots de valeur égale, mais avait attribué chaque lot de façon à ce qu’il soit contigu à la propriété appartenant à la branche familiale concernée. Cette décision visait à éviter une attribution aléatoire qui aurait pu attribuer à chaque branche une parcelle située devant la propriété de l’autre, créant ainsi une situation potentiellement conflictuelle.

La Cour d’appel avait justifié cette dérogation au principe du tirage au sort en estimant que son application stricte risquait de produire des conséquences incohérentes et contraires à l’intérêt des indivisaires.

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a validé cette solution en affirmant que « la règle du tirage au sort prescrite par l’article 834 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, doit être écartée lorsque l’application qui en est demandée est constitutive d’un abus de droit ». La Haute juridiction a ainsi considéré qu’un tirage au sort, dans les circonstances de l’espèce, aurait conduit à « la dévolution, à chacune des deux branches, du lot situé devant la propriété de l’autre », donnant lieu à une situation inadéquate et, surtout source de conflits. 

En validant la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation a ainsi rappelé que le recours au tirage au sort, bien que consacré par la loi, n’est pas absolu. Lorsqu’il est susceptible de produire des effets manifestement inéquitables ou contraires à l’intérêt des parties, les juges du fond doivent faire usage de leur pouvoir d’appréciation pour garantir une répartition équitable et adaptée aux circonstances de l’espèce.

Ce tempérament au principe du tirage est susceptible de s’appliquer à d’autres situations où cette modalité d’attribution peut conduire à un résultat inapproprié. 

Supposons qu’un terrain agricole indivis doive être partagé entre deux indivisaires, chacun exploitant une partie distincte du terrain depuis plusieurs années. Si le tirage au sort attribuait à l’un des indivisaires la parcelle habituellement cultivée par l’autre, cela pourrait compromettre les investissements réalisés sur le terrain ou la viabilité de l’exploitation. Dans ce cas, le juge pourrait décider d’écarter le tirage au sort pour attribuer les parcelles en fonction de leur usage préexistant.

De la même manière, imaginons que deux maisons, situées sur des lots adjacents, soient liées par une servitude de passage. Si le tirage au sort attribue à l’un des indivisaires le lot comportant la maison principale, tandis que l’autre reçoit un lot ne permettant pas un accès aisé à la voie publique, cette répartition pourrait créer une situation déséquilibrée ou source de litiges. Le juge pourrait ici intervenir pour répartir les lots de manière à préserver l’accès et l’usage équilibré des biens.

Enfin, dans une indivision successorale, si un bien indivis, tel qu’une résidence familiale ou un objet à forte valeur sentimentale, est l’objet de préférences marquées de la part d’un héritier, un tirage au sort risquerait de susciter des tensions inutiles. Un juge pourrait privilégier une attribution spécifique, compensée par une soulte, pour éviter des conflits familiaux prolongés.

==>Les accords amiables entre les parties

Même dans le cadre d’un partage judiciaire, les copartageants conservent la faculté de s’accorder sur une répartition amiable des lots, conformément aux articles 835 et 842 du Code civil, ainsi qu’à l’article 1372 du Code de procédure civile. Cette faculté, qui reflète le primat de l’autonomie des volontés, permet d’éviter le recours au tirage au sort dès lors que les parties parviennent à un consensus respectant leurs droits respectifs.

Pour être valable, l’accord amiable doit toutefois respecter plusieurs conditions :

  • D’une part, tous les copartageants doivent tous consentir à la répartition des lots telle qu’elle est proposée. 
  • D’autre part, l’accord doit respecter les droits de chaque indivisaire, en garantissant notamment une égalité de valeur entre les lots attribué.
  • Enfin, l’accord doit être formalisé par écrit. Lorsqu’il concerne des biens soumis à publicité foncière, l’article 835 du Code civil impose qu’un acte authentique soit établi par un notaire. 

L’accord amiable présente plusieurs avantages, notamment sa souplesse. Il permet aux parties de tenir compte de leurs préférences personnelles et de la nature spécifique des biens indivis. Ce mécanisme est particulièrement utile lorsque les biens en indivision possèdent une valeur d’usage particulière pour l’un des copartageants, comme une résidence principale ou un bien familial d’importance symbolique. De plus, il permet de prévenir des conflits et d’éviter une procédure contentieuse, souvent coûteuse et émotionnellement éprouvante.

Dans un arrêt rendu le 15 mai 2008, la Cour de cassation a jugé en ce sens qu’un indivisaire n’ayant pas contesté les attributions proposées dans le cadre d’un projet de partage, mais uniquement les évaluations des biens, ne pouvait exiger le recours au tirage au sort (Cass. 1ère civ., 15 mai 2008, n° 07-16.226).

En l’espèce, les biens issus de la succession comprenaient des liquidités et deux immeubles situés à Lyon. Ces biens avaient été répartis par le notaire chargé du partage : les liquidités avaient été attribuées intégralement entre les copartageants, tandis que les immeubles avaient fait l’objet d’une répartition distincte, l’un étant attribué en totalité à une indivisaire, et l’autre étant partagé entre plusieurs indivisaires en nue-propriété et en usufruit. L’une des indivisaires avait alors contesté le projet de partage, non pas sur le principe des attributions, mais sur les évaluations des biens immobiliers, estimant que leur valeur, non réévaluée depuis le rapport d’expertise, n’était plus représentative au jour du partage. Elle soutenait en conséquence que les lots auraient dû être tirés au sort.

La Cour de cassation a rejeté cette argumentation, considérant que « l’attribution des lots proposée, dès lors qu’elle n’a pas été contestée dans son principe, dispense de procéder à un tirage au sort ». Selon la Haute juridiction, le litige portant uniquement sur les évaluations, et non sur le principe même des attributions, le tirage au sort des lots n’était pas requis. 

Cet arrêt illustre que le recours au tirage au sort, bien qu’il soit la règle de principe en matière de partage judiciaire, devient superflu dès lors que les copartageants ne contestent pas les attributions proposées. 

Cependant, l’accord amiable reste rare dans la pratique, en raison des fréquentes dissensions entre indivisaires. Lorsque l’unanimité fait défaut, le partage amiable devient impossible, et le recours au tirage au sort s’impose. De plus, dans certaines situations, notamment lorsque l’un des copartageants est, soit frappé d’une incapacité, soit présumé absent, le tirage au sort redevient obligatoire aux fins de préservation des intérêts de tous. Il est toutefois possible, dans ces hypothèses, de soumettre uniquement le lot de l’incapable au tirage au sort, les autres copartageants s’accordant sur la répartition du reste des biens.

Enfin, il convient de noter qu’en présence de désaccords sérieux, les parties peuvent également recourir à une transaction pour résoudre leurs différends. Encadrée par les articles 2044 et suivants du Code civil, la transaction permet de trouver un compromis tout en respectant les droits des parties protégées. Par exemple, une transaction homologuée par le conseil de famille ou le juge des tutelles peut permettre d’éviter le recours au tirage au sort dans les situations complexes impliquant des incapables.

Ainsi, bien qu’elle repose sur une unanimité souvent difficile à obtenir, la conclusion d’un accord amiable constitue une solution efficace et adaptée pour organiser un partage équitable, tout en évitant les aléas et les rigueurs d’un tirage au sort.

§2: La procédure d’attribution des lots par tirage au sort

I) La procédure simplifiée

La procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, s’applique dans les situations où le partage des biens ne présente aucune complexité particulière. Elle est réservée aux hypothèses où la masse successorale est clairement définie, exempte de biens complexes, et où les indivisaires ne sont pas en désaccord sur les modalités de répartition.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire joue un rôle central. Il se charge de la constitution des lots et de leur évaluation, sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’intervention d’un notaire. Lorsque le tirage au sort est requis, il est supervisé par le président du tribunal judiciaire ou son délégué, garantissant ainsi la transparence et l’équité des opérations. 

Tous les indivisaires sont convoqués afin d’assister aux opérations, leur présence étant essentielle pour la régularité de la procédure. Toutefois, si l’un d’eux fait défaut, le président du tribunal peut désigner un représentant chargé de préserver ses droits, en vertu des dispositions de l’article 1363 du Code de procédure civile.

Une fois le tirage au sort réalisé, le tribunal dresse un procès-verbal constatant les résultats des opérations. Ce document revêt une importance capitale, car il officialise l’attribution des lots et sert de fondement à l’acte de partage. Le jugement qui en résulte tient lieu d’acte de partage, scellant ainsi la répartition des biens de manière rapide et sécurisée.

Bien que cette procédure offre une simplicité procédurale et une certaine célérité, elle demeure peu utilisée en pratique. Cela s’explique par la préférence des parties pour des solutions amiables ou pour des partages supervisés par un notaire, jugés plus adaptés à la gestion de situations patrimoniales souvent complexes. En outre, la procédure simplifiée se limite aux cas où les biens à partager ne requièrent ni expertise particulière ni négociations, ce qui restreint son champ d’application.

II) La procédure sous supervision d’un notaire

Dans les hypothèses où les indivisaires s’accordent sur la composition des lots mais ne parviennent pas à s’entendre sur leur attribution, l’article 1363 du Code de procédure civile institue le recours à un tirage au sort, placé sous la supervision d’un notaire.

Le tribunal judiciaire intervient en amont pour désigner le notaire commis, chargé de superviser les opérations. Si la situation le requiert, le tribunal peut également ordonner une expertise préalable afin de procéder à l’évaluation des biens indivis, garantissant ainsi une répartition conforme aux droits de chaque copartageant. Une fois cette étape achevée, les lots constitués sont transmis au notaire, qui prend en charge l’organisation et la réalisation du tirage au sort.

Le tirage au sort est effectué lors d’une séance formelle convoquée par le notaire, en présence de tous les copartageants ou de leurs représentants. Le notaire veille au strict respect des principes de transparence et d’équité tout au long de l’opération. Le procédé peut revêtir différentes formes, qu’il s’agisse d’un tirage manuel, par exemple via des bulletins, ou d’un recours à des moyens électroniques modernes, pourvu que ces derniers garantissent une impartialité absolue et la sécurité juridique requise.

Une fois les lots attribués, le notaire dresse un procès-verbal constatant les résultats du tirage au sort. Celui-ci est alors intégré à l’acte authentique de partage que le notaire établit ensuite. Cet acte, qui met fin à l’indivision, est soumis aux formalités de publicité foncière si les biens attribués le requièrent, conformément aux exigences de l’article 835 du Code civil.

Bien que le notaire joue un rôle déterminant dans la phase finale de cette procédure, son intervention se limite à la supervision du tirage au sort et à la formalisation du partage. Il ne participe pas, sauf mission spécifique confiée par le tribunal ou les parties, à l’évaluation des biens ni à la constitution des lots.

III) La procédure longue sous supervision d’un juge commis

La procédure longue, régie par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, constitue le cadre procédural applicable lorsque les opérations de partage sont marquées par une certaine complexité ou par des désaccords persistants entre les indivisaires. Cette procédure donne lieu à la désignation d’un juge commis chargé de superviser les opérations de partage dont la réalisation est confiée à un notaire. 

En effet, le notaire liquidateur, désigné par le tribunal, est chargé des principales opérations techniques et préparatoires. Sa mission inclut l’évaluation des biens indivis, la liquidation des comptes entre les indivisaires et la constitution des lots en tenant compte des droits de chacun. Il établit ensuite un projet d’état liquidatif, qui détaille la composition et la valeur des lots. 

Une fois le projet finalisé, le notaire le transmet au juge commis, accompagné d’un éventuel procès-verbal de difficultés si des désaccords subsistent. Le juge commis, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de tenter une conciliation entre les parties. En cas d’échec, il peut soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire, qui tranchera définitivement.

En application de l’article 1375 du CPC, le tirage au sort, lorsqu’une attribution aléatoire des lots s’impose, est ordonné par le tribunal dans le jugement d’homologation. Cette opération, essentielle pour garantir l’impartialité de la répartition des lots peut être réalisée selon deux modalités :

  • Par le notaire liquidateur : si les différends entre les indivisaires ont été résolus ou s’ils n’entravent pas la régularité des opérations, le notaire procède au tirage au sort en présence des indivisaires ou de leurs représentants.
  • Par le juge commis ou son délégué : lorsque les désaccords persistent ou que la situation nécessite une intervention judiciaire, le tirage au sort est réalisé sous l’autorité directe du juge commis. Ce dernier supervise l’attribution des lots pour garantir la transparence et le respect des droits de chaque indivisaire.

Dans tous les cas, la présence des indivisaires ou de leurs représentants est requise pour garantir la régularité et la validité des opérations de tirage au sort, conformément aux dispositions des articles 1376 et 1363 du Code de procédure civile.

Lorsque le tirage au sort des lots est ordonné, l’article 1376 prévoit que, si un copartageant fait défaut, le juge commis dispose des pouvoirs conférés au président du tribunal judiciaire par l’article 1363, alinéa 2. En application de ce dernier texte, le président du tribunal judiciaire, ou son délégué, peut désigner un représentant pour l’indivisaire défaillant. Cette désignation peut intervenir d’office, si le tirage au sort a lieu devant le président lui-même, ou sur la base du procès-verbal transmis par le notaire en cas de carence.

Cette mesure vise à éviter que l’absence injustifiée d’un indivisaire ne paralyse le déroulement des opérations de partage. Le représentant désigné agit alors au nom et pour le compte du copartageant défaillant, garantissant ainsi que les droits de ce dernier soient respectés tout au long de la procédure. Par ailleurs, le représentant s’assure que les opérations se déroulent conformément aux principes d’impartialité et de transparence qui gouvernent le tirage au sort des lots.

En tout état de cause, à l’issue du tirage au sort, un procès-verbal est établi, consignant les résultats et les modalités de l’attribution. Ce document, validé par le tribunal, sert de fondement à l’acte authentique de partage que le notaire formalise. Si des biens immobiliers sont concernés, cet acte est soumis aux formalités de publicité foncière, en vertu de l’article 835 du Code civil. Ces formalités marquent l’extinction de l’indivision et assurent l’opposabilité du partage aux tiers.

Opérations de partage: le contenu des lots

Le partage des biens indivis doit répondre à une double exigence d’équité et de préservation économique. Si la priorité est donnée au partage en nature, il arrive que les circonstances rendent cette solution difficilement praticable. Le Code civil prévoit alors des mécanismes alternatifs permettant d’assurer une répartition juste entre les copartageants, tout en tenant compte des contraintes matérielles et économiques.

La démarche à suivre pour constituer les lots repose ainsi sur une logique progressive : il convient d’abord de rechercher si l’égalité entre les copartageants peut être atteinte par un partage en nature. En cas de difficulté, plusieurs alternatives s’offrent au juge ou aux parties, allant de l’ajustement par le biais de soultes jusqu’à la licitation des biens.

I) La recherche d’un partage en nature

Le partage en nature constitue historiquement la règle de principe en matière de répartition des biens indivis. Bien que la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006 ait consacré le principe d’égalité en valeur à l’article 826 du Code civil, le partage en nature demeure la voie prioritaire qu’il y a lieu d’emprunter lorsqu’il peut être réalisé sans compromettre l’intégrité économique des biens. L’attribution à chaque copartageant d’une part en nature des biens indivis permet de garantir le respect des droits patrimoniaux de chacun et d’assurer une répartition concrète des actifs à partager.

La finalité du partage en nature est d’attribuer à chaque héritier un lot composé de biens matériels équivalant à ses droits dans l’indivision. Concrètement, cette répartition implique que chaque lot soit constitué d’une proportion comparable de biens meubles, immeubles, créances ou autres actifs de même nature. Par exemple, il ne saurait être question d’attribuer exclusivement des liquidités à un héritier et des biens immobiliers à un autre, sauf à porter atteinte à l’équilibre du partage. L’objectif est d’éviter une rupture d’égalité entre les copartageants.

Ainsi, un partage en nature rigoureusement équilibré pourrait se traduire par une répartition homogène des biens selon leur nature : chaque lot comprenant, par exemple, une part de terrains agricoles, une part de biens mobiliers et une part de liquidités. Cette approche permet d’assurer que chaque copartageant soit alloté de manière équitable, tant en valeur qu’en substance, préservant ainsi ses droits patrimoniaux de manière tangible.

A l’analyse, le partage en nature présente deux atouts majeurs :

  • D’une part, il favorise la sécurité juridique des opérations de partage en réduisant les aléas liés à l’évaluation des biens. En effet, les biens immobiliers, les titres financiers ou les objets d’art peuvent être soumis à des fluctuations de valeur parfois difficiles à anticiper. En attribuant directement une part matérielle à chaque héritier, le risque de contestations ultérieures est considérablement atténué.
  • D’autre part, le partage en nature favorise l’équilibre économique des opérations. Il évite que certains copartageants soient exclusivement alloties en liquidités, tandis que d’autres se voient attribuer des biens difficiles à liquider ou susceptibles de perdre de la valeur. Cette méthode de répartition assure une forme d’équité durable, car elle préserve les droits de chacun de manière concrète et immédiate.

Prenons un exemple pratique pour illustrer cette logique. Imaginons une succession comprenant deux appartements identiques situés dans un même immeuble. Il apparaît naturel et équitable d’attribuer un appartement à chacun des deux copartageants, évitant ainsi de recourir à une soulte ou à une vente. Une telle répartition permet d’assurer une égalité instantanée entre les parties, tout en évitant les frais et les délais qu’implique une procédure de licitation.

Dans une situation similaire, lorsque la masse partageable comprend des terrains agricoles de même qualité ou des actions d’une même société, il est tout aussi pertinent d’allouer à chaque héritier une fraction équivalente de ces biens. Cette approche garantit que chaque copartageant bénéficie d’une part concrète du patrimoine transmis, sans dépendre d’une évaluation incertaine ou d’une compensation monétaire qui pourrait, à terme, s’avérer inadaptée.

Toutefois, le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines configurations, trouve sa limite dès lors que la division matérielle des biens risque d’en compromettre la valeur ou l’utilité économique. Il en est ainsi des biens indivis dont le fractionnement entraînerait une dépréciation significative ou rendrait leur exploitation impossible.

L’article 830 du Code civil invite précisément à éviter la division des unités économiques et autres ensembles patrimoniaux dont le morcellement pourrait porter préjudice à leur viabilité. Ce texte traduit la volonté du législateur de préserver la cohérence économique des patrimoines partagés, notamment lorsqu’il s’agit de biens tels que des exploitations agricoles, des fonds de commerce ou des immeubles à usage locatif.

La jurisprudence, fidèle à cette exigence, rappelle que le juge du partage dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour déterminer si un morcellement est approprié ou s’il constitue une atteinte à l’intégrité économique du bien concerné. Ainsi, dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour de cassation a validé la décision d’une cour d’appel ayant refusé la division matérielle d’un immeuble composé de deux appartements (Cass. 1ère civ., 11 mai 2016, n°15-18.993). Les juges avaient relevé que les installations communes des deux logements (chauffage, canalisations d’eau, installations électriques) rendaient leur séparation techniquement complexe et économiquement inopportune, en raison des coûts élevés de mise aux normes nécessaires pour assurer leur indépendance.

Dans cette affaire, le partage en nature aurait nécessité des travaux coûteux qui auraient compromis la rentabilité des biens. La solution retenue a donc été d’attribuer l’ensemble de l’immeuble à un seul héritier, moyennant le versement d’une soulte aux autres copartageants, afin de rétablir l’équilibre en valeur.

Cette jurisprudence illustre parfaitement la nécessité de préserver l’intégrité des biens lorsque leur division entraînerait une dévalorisation. Le partage en nature, bien qu’idéal dans certaines hypothèses, ne saurait être réalisé au mépris des réalités économiques. Le juge doit donc, dans chaque situation, rechercher l’option la plus adaptée pour garantir l’équilibre entre les parties tout en préservant la valeur des actifs.

La question du morcellement se pose avec une acuité particulière lorsqu’il s’agit de biens à vocation économique, tels que les exploitations agricoles. Le législateur a d’ailleurs prévu un mécanisme spécifique d’attribution préférentielle pour ces biens, permettant à un héritier exploitant de se voir attribuer l’ensemble de l’exploitation, afin d’en assurer la pérennité.

Prenons l’exemple d’une exploitation agricole composée de plusieurs parcelles de terres cultivables et de bâtiments d’exploitation. La division matérielle de cet ensemble pourrait compromettre sa viabilité, en raison de la nécessité de maintenir une cohérence fonctionnelle entre les différentes parcelles et infrastructures. Dans une telle situation, le partage en nature serait inopportun, car il nuirait à la rentabilité économique de l’exploitation. Il serait donc préférable d’attribuer l’ensemble à un seul héritier, moyennant une compensation financière versée aux autres copartageants.

Cette solution permet non seulement de préserver l’intégrité de l’exploitation, mais également d’éviter les pertes économiques qui découleraient d’un morcellement. Elle illustre la nécessité d’adopter une approche pragmatique dans les opérations de partage, en tenant compte des spécificités des biens indivis et des intérêts économiques en jeu.

II) Les alternatives au partage en nature

Lorsque le partage en nature s’avère impossible ou préjudiciable, trois solutions alternatives peuvent être envisagées : le recours à la soulte, la division des biens comme moindre mal, ou la licitation.

A) Première alternative : le recours à la soulte pour rétablir l’égalité en valeur

Lorsque les biens à partager présentent des disparités de valeur, l’égalité parfaite en nature devient une entreprise délicate, parfois même impossible à réaliser sans porter atteinte à l’intégrité des biens attribués. Afin de remédier à cette difficulté, le législateur a prévu un mécanisme correctif indispensable : la soulte.

Consacrée au quatrième alinéa de l’article 826 du Code civil, la soulte permet de compenser les écarts de valeur entre les lots attribués aux copartageants, tout en préservant la substance des biens indivis. Loin d’être une mesure accessoire, elle s’impose comme un véritable « levier d’équité » dans la recherche d’un partage équilibré, évitant ainsi de recourir à des solutions plus radicales, telles que la division matérielle des biens ou leur licitation.

Le principe d’égalité en valeur, énoncé par le Code civil, impose que chaque héritier reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision. Cependant, la nature des biens — immeubles, fonds de commerce, titres financiers ou encore objets d’art — ne permet pas toujours d’assurer une répartition parfaitement proportionnée. C’est précisément pour combler ces écarts que la soulte intervient, en permettant d’ajuster la valeur des lots par le versement d’une compensation financière.

La soulte offre ainsi une solution pragmatique et souple, conciliant les exigences d’égalité avec la préservation des unités économiques. Toutefois, son recours est strictement encadré par le législateur, afin de garantir qu’elle demeure proportionnée à l’écart réel entre les lots et qu’elle ne porte atteinte ni aux droits ni aux intérêts des copartageants.

==>Définition et nature de la soulte

La soulte est une somme d’argent destinée à compenser une inégalité de valeur entre les lots attribués aux copartageants dans le cadre d’un partage. Cette inégalité peut résulter de la nature des biens indivis, qui ne se prêtent pas toujours à une division en parts de valeur identique. Dès lors, la soulte permet de rétablir l’équilibre en valeur entre les lots, conformément au principe énoncé à l’article 826 du Code civil, selon lequel « l’égalité dans le partage est une égalité en valeur ».

  • Une créance indissociable du partage
    • La soulte ne peut voir le jour qu’au moment du partage.
    • Contrairement aux dettes qui précèdent le partage, la soulte naît exclusivement lors de l’opération de répartition des biens indivis. 
    • Michel Grimaldi insiste sur ce point en précisant que « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, puisque c’est à cette date seulement que les biens sont évalués et que peut être alors constatée et mesurée l’inégalité qu’elle a pour objet de compenser ».
    • Cette nature spécifique de la soulte emporte plusieurs conséquences :
      • Première conséquence
        • La soulte ne peut être prévue à titre provisionnel avant le partage. 
        • Il est impossible d’anticiper son montant ou d’en exiger le paiement avant la réalisation effective du partage. 
        • Cette impossibilité découle du fait que l’inégalité qu’elle vise à compenser ne peut être constatée qu’une fois les biens indivis évalués et les lots constitués.
      • Seconde conséquence
        • La soulte est une créance liquidée au moment du partage.
        • Elle devient exigible dès que le partage est devenu définitif, sauf si les parties conviennent d’un délai de paiement. 
        • En cas d’accord, le paiement peut être différé, notamment pour tenir compte des contraintes financières du débiteur de la soulte.
  • Une créance distincte des dettes antérieures au partage
    • La soulte doit être clairement distinguée des dettes préexistantes à l’opération de partage.
    • Alors que les dettes antérieures concernent les rapports juridiques établis avant la dissolution de l’indivision, la soulte est exclusivement liée à la répartition des biens.
    • Comme le précise Philippe Malaurie, « la soulte constitue une dette nouvelle, née du partage, et non la prolongation d’une obligation antérieure. Sa finalité est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants ».
    • À titre d’exemple, imaginons une masse successorale composée d’un bien immobilier unique d’une valeur de 500 000 euros, attribué à un seul héritier en raison de son caractère indivisible. 
    • Si cet héritier possède des droits successoraux limités à 300 000 euros, il devra verser une soulte de 200 000 euros aux autres copartageants afin de rétablir l’égalité en valeur.

==>Conditions de la soulte

La constitution d’une soulte répond à une finalité précise : rétablir l’égalité en valeur entre les copartageants lorsque la répartition en nature des biens indivis ne permet pas de respecter les droits de chacun. Ce mécanisme, loin d’être automatique, n’intervient que sous certaines conditions encadrées par le Code civil, notamment par l’article 826, alinéa 4, qui dispose que « si la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur, leur inégalité se compense par une soulte ».

Cette règle traduit une volonté du législateur d’assurer une répartition juste et équitable entre les héritiers, tout en tenant compte des contraintes pratiques liées à la nature des biens indivis. Toutefois, la constitution d’une soulte ne doit pas être envisagée comme une solution systématique, mais plutôt comme un correctif exceptionnel destiné à garantir l’équilibre des opérations de partage.

En pratique, la soulte est principalement justifiée lorsque les biens indivis sont des actifs indivisibles ou difficiles à fractionner en lots de valeur équivalente. Cette situation se rencontre fréquemment dans les successions comprenant des biens immobiliers, des œuvres d’art, des entreprises familiales ou des terrains agricoles.

Prenons l’exemple d’un bien immobilier unique, tel qu’une maison d’une valeur de 400 000 euros. Si les héritiers sont trois, avec des droits successoraux différents — le père ayant droit à 1/4 de la masse et les deux frères à 3/8 chacun —, la répartition en nature se révélera complexe, voire impossible. La maison ne pouvant être divisée matériellement en plusieurs lots, le bien sera attribué à un seul copartageant, et une soulte sera versée aux autres pour compenser l’inégalité de valeur entre les lots.

Cet exemple illustre le caractère correctif de la soulte. Il est essentiel de rappeler que celle-ci n’intervient qu’en dernier recours, lorsqu’il est impossible de constituer des lots d’égale valeur en nature. Comme le souligne le professeur Philippe Malaurie, « le principe fondamental reste le partage en nature des biens indivis, la soulte n’étant qu’un mécanisme subsidiaire destiné à corriger les déséquilibres qui peuvent apparaître lors de la composition des lots ».

La soulte ne saurait être perçue comme une solution légale systématique. Son adoption suppose la démonstration d’une inégalité de valeur entre les lots attribués, laquelle ne peut être corrigée autrement que par le versement d’une compensation monétaire.

Le professeur Alain Sériaux insiste sur le caractère exceptionnel de ce mécanisme : « le partage en nature des biens entre tous les copartageants reste de principe. Les cas où une soulte est nécessaire doivent demeurer exceptionnels, afin de préserver l’intégrité des biens partagés et d’éviter leur morcellement excessif ».

Cette observation trouve une résonance particulière dans le contexte des successions comportant des biens patrimoniaux spécifiques. Par exemple, l’attribution préférentielle d’une entreprise familiale ou d’un fonds de commerce à l’un des héritiers peut nécessiter le versement d’une soulte aux autres copartageants. Toutefois, cette solution doit être encadrée pour éviter les effets pervers d’une « pulvérisation » du patrimoine, qui pourrait nuire à sa valeur économique globale.

L’article 826 du Code civil précise à cet égard que la soulte n’intervient que lorsque « la consistance de la masse ne permet pas de former des lots d’égale valeur ». Le législateur n’a donc pas entendu encourager une approche systématique du mécanisme, mais a plutôt cherché à en limiter l’usage aux situations où le partage en nature se révèle matériellement impossible ou économiquement inefficace.

L’objectif ultime de la constitution de soultes est d’assurer une stricte égalité en valeur entre les copartageants. Cependant, il convient de rappeler que cette égalité ne signifie pas nécessairement une répartition en nature parfaite. Comme le rappelle régulièrement la Cour de cassation, l’égalité dans le partage est une égalité en valeur et non en nature » (Cass. 1ère civ., 15 sept. 2021, n°19-24.014).

Le législateur a introduit ce principe pour concilier les exigences du droit de l’indivision avec les contraintes économiques et pratiques inhérentes au partage des biens indivis. L’objectif est de garantir une équité entre les copartageants, tout en évitant des situations de blocage ou des morcellements excessifs des biens partagés.

À titre d’exemple, une succession comprenant plusieurs biens de nature différente — un appartement, une collection d’œuvres d’art, et un portefeuille d’actions — pourrait conduire à une répartition inégale en valeur si l’un des héritiers reçoit le bien immobilier, tandis que les autres se voient attribuer des biens moins facilement monétisables. Dans ce cas, la soulte viendra compenser cet écart de valeur, afin que chaque copartageant reçoive un lot correspondant à ses droits dans l’indivision.

Bien que la soulte soit un outil précieux pour rétablir l’égalité en valeur, le principe prépondérant demeure le partage en nature. Le législateur et la jurisprudence veillent à préserver autant que possible l’intégrité des biens partagés, afin d’éviter leur dispersion ou leur liquidation forcée.

Comme le rappelle le professeur Catala, « le partage en nature des biens est la règle, car il permet de préserver la substance des patrimoines familiaux, tout en respectant les volontés des défunts et les intérêts des héritiers ».

Cependant, dans certaines situations, l’attribution préférentielle de certains biens à un héritier peut justifier le recours à une soulte. Par exemple, un héritier qui exploite déjà une exploitation agricole ou dirige une entreprise familiale peut se voir attribuer ce bien en priorité, afin d’assurer la continuité de son activité. Dans ce cas, le paiement d’une soulte aux autres héritiers permettra de compenser l’écart de valeur entre les lots, tout en respectant l’intérêt général de la famille.

==>Paiement de la soulte

Le paiement de la soulte constitue une étape essentielle des opérations de partage. Il intervient généralement au moment même de la répartition des biens indivis afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots attribués aux copartageants. 

Toutefois, la rigueur de ce principe connaît plusieurs aménagements, permettant d’adapter les modalités de paiement aux spécificités de la situation patrimoniale ou aux capacités financières du débiteur de la soulte. 

Ces aménagements visent à concilier les impératifs d’équité successorale avec les réalités économiques des héritiers.

  • Le paiement immédiat de la soulte
    • En principe, la soulte doit être payée au moment de la réalisation du partage, sous la supervision du notaire chargé d’instrumenter l’acte de partage. 
    • Ce paiement immédiat garantit une exécution complète et définitive des opérations de répartition, évitant ainsi toute contestation ultérieure.
    • Le paiement peut être effectué en numéraire, par le versement d’une somme d’argent équivalente à la différence de valeur entre les lots, ou sous la forme d’une compensation entre les lots. 
    • Cette dernière modalité de paiement peut être envisagée lorsque le débiteur de la soulte dispose d’un actif liquide ou d’un droit à percevoir une somme d’argent dans le cadre du partage. 
    • Par exemple, si un copartageant reçoit un bien immobilier excédant la valeur de ses droits dans l’indivision, il peut compenser cet excédent en renonçant à une créance incluse dans la masse partageable.
    • Cependant, il convient d’attirer l’attention sur les risques juridiques liés à un paiement effectué hors comptabilité notariale. 
    • Si le créancier de la soulte délivre une quittance indiquant que la somme a été réglée sans que le notaire en ait la preuve formelle, les règles strictes de la preuve par écrit s’imposeront en cas de litige. 
    • La Cour de cassation a ainsi rappelé que « l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible » (Cass. 1ère civ., 9 mai 2019, n°18-10.885). Par cette décision, la Haute juridiction réaffirme le caractère probant de la quittance délivrée hors comptabilité notariale, tout en soulignant que seule une preuve écrite peut en contredire le contenu.
    • L’affaire soumise aux juges portait sur une donation-partage aux termes de laquelle l’une des héritières avait reçu un lot assorti d’une soulte à verser à ses cohéritiers. 
    • Ces derniers avaient initialement délivré une quittance reconnaissant avoir perçu les sommes dues hors comptabilité notariale, avant de se rétracter en alléguant que le paiement n’avait jamais été effectué.
    • Ils invoquaient à l’appui de leur demande un aveu extrajudiciaire verbal de leur sœur, reconnaissant le non-paiement des soultes. 
    • La Cour de cassation a censuré cette argumentation, jugeant qu’un tel aveu ne pouvait suffire à remettre en cause la quittance initiale, faute d’être corroboré par une preuve écrite conforme aux exigences légales.
    • Cette solution met en lumière l’importance d’une traçabilité rigoureuse des paiements dans le cadre des opérations de partage, en particulier lorsqu’une soulte est due.
    • Le paiement d’une soulte, bien qu’effectué hors comptabilité notariale, doit être constaté par des documents écrits. 
    • En pratique, il est fortement recommandé de formaliser le paiement dans l’acte de partage lui-même ou, à tout le moins, de conserver des preuves écrites telles qu’un reçu signé par le créancier ou une attestation de paiement délivrée par le notaire. Cette précaution permet d’éviter toute difficulté probatoire ultérieure et de prévenir les contestations portant sur la réalité du paiement.
    • En l’absence de preuve écrite, les créanciers d’une soulte s’exposent à des difficultés probatoires considérables, rendant toute revendication ultérieure particulièrement hasardeuse. 
    • La quittance initiale conserve alors toute sa valeur libératoire et protège efficacement le débiteur de la soulte contre les risques de remise en cause du partage.
    • L’arrêt du 9 mai 2019 incite ainsi les praticiens à une vigilance accrue lors de la formalisation des paiements intervenant dans le cadre d’un partage. 
    • À défaut d’une traçabilité suffisante, les créanciers pourraient se retrouver dans une situation irréversible, privés de tout recours en l’absence de preuve écrite admissible.
  • Le paiement différé de la soulte
    • Le législateur a prévu la possibilité d’aménager les modalités de paiement de la soulte, notamment en autorisant son paiement différé, afin de répondre aux réalités économiques des copartageants. 
    • Cette possibilité permet d’éviter une situation où le débiteur de la soulte, bien que propriétaire d’un lot de valeur, ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires pour régler la somme due.
    • Cette faculté est particulièrement utile dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit, où un copartageant se voit attribuer un bien en nue-propriété, tandis que l’usufruit est conservé par le donateur jusqu’à son décès. 
    • Dans une telle configuration, il apparaît équitable que le paiement de la soulte soit différé jusqu’à la consolidation des droits de propriété complète, c’est-à-dire au décès de l’usufruitier.
    • L’article 828 du Code civil encadre cette faculté en permettant de prévoir un délai de paiement de la soulte, lequel peut être stipulé dans l’acte de partage avec l’accord de toutes les parties concernées.
    • À cet égard, un auteur souligne que « lorsque le débiteur de la soulte se trouve privé de la jouissance de son lot, parce qu’alloti en nue-propriété, il apparaît équitable de stipuler la soulte payable à terme, soit, en pratique, au décès du donateur ».
    • Imaginons une donation-partage effectuée par un parent au profit de ses trois enfants. L’actif indivis comprend une maison d’une valeur de 600 000 euros, attribuée à l’aîné en nue-propriété, tandis que le parent conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Les deux autres enfants reçoivent des biens mobiliers d’une valeur totale de 400 000 euros. Afin de rétablir l’égalité en valeur entre les lots, l’aîné doit verser une soulte de 100 000 euros à ses frères et sœurs.
    • Toutefois, comme l’aîné ne dispose pas immédiatement des liquidités nécessaires, il est convenu que le paiement de la soulte interviendra au décès du parent usufruitier. 
    • Cette solution permet d’éviter une vente forcée du bien immobilier pour régler la soulte et garantit que le débiteur de la soulte pourra en disposer pleinement une fois son droit de propriété consolidé.
    • Cette possibilité d’aménagement du paiement de la soulte de façon différée a été rappelé à plusieurs reprise par la jurisprudence.
    • Par exemple, la Cour de cassation a jugé que la stipulation d’un délai de paiement n’affecte pas la nature juridique de la soulte, qui reste une créance née du partage, mais en adapte simplement l’exigibilité (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).
      • Ella a ainsi cassé une décision d’appel qui avait annulé une donation-partage au motif qu’un des copartageants avait été alloté sous forme d’une soulte payable six mois après le décès du donateur.
      • Dans cette affaire, la Cour d’appel de Grenoble avait considéré qu’une soulte différée, non immédiatement exigible et non productive d’intérêts, ne pouvait être qualifiée de « bien présent », condition requise par l’article 1076 du Code civil pour les donations-partages. 
      • Cette analyse avait conduit les juges du fond à conclure que l’allotissement sous forme de soulte différée ne répondait pas aux exigences légales.
      • La Cour de cassation a censuré cette interprétation, rappelant que la soulte, même différée dans son paiement, constitue une créance certaine au bénéfice du copartageant auquel elle est attribuée. 
      • Elle a précisé que le fait de reporter l’exigibilité de la soulte à une date postérieure au partage – en l’espèce, six mois après le décès du donateur – n’affecte pas sa nature juridique de créance née du partage, mais constitue une simple adaptation des modalités de paiement. 
      • La Première chambre civile a également rappelé que la soulte pouvait, le cas échéant, être révisée en fonction des variations économiques, en application des dispositions des articles 833-1 et 1075-2 du Code civil.
      • Cette solution met en lumière la distinction qu’il y a lieu de faire entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité, qui peut être différée par accord entre les parties ou en raison de circonstances particulières, notamment dans le cadre des donations-partages avec réserve d’usufruit. 
      • Comme l’a souligné le professeur Michel Grimaldi, « la soulte ne peut naître que du partage lui-même, mais son paiement peut être adapté aux circonstances, afin de garantir à chaque copartageant une répartition équilibrée des biens, tout en tenant compte des contraintes financières de chacun ».
      • Dans cette perspective, il est recommandé que les délais de paiement des soultes soient formalisés dans l’acte de partage afin de prévenir tout risque de contentieux ultérieur. 
      • La stipulation d’une attestation de paiement délivrée par le notaire ou la conservation d’une quittance signée par le créancier constitue une garantie supplémentaire pour le débiteur de la soulte. 
      • Cette formalisation est d’autant plus nécessaire que les paiements différés peuvent faire l’objet d’une révision en cas de variation significative de la valeur des biens indivis, comme le prévoit l’article 828 du Code civil.
      • L’arrêt du 30 novembre 1982 illustre ainsi la souplesse offerte par le législateur en matière de paiement des soultes, permettant de concilier les exigences d’une répartition équitable et les réalités économiques des copartageants.

==>Révision de la soulte

Le paiement différé d’une soulte n’est pas sans risque. Entre le moment du partage et celui du règlement effectif, des fluctuations économiques peuvent significativement affecter la valeur des biens attribués. Pour garantir une répartition équitable malgré ces variations, le législateur a prévu, à l’article 828 du Code civil, la possibilité de réviser le montant des soultes lorsque celles-ci sont payables à terme.

Cette révision vise à ajuster le montant de la soulte en fonction des évolutions du marché, qu’il s’agisse d’une hausse ou d’une baisse de la valeur des biens composant le lot du débiteur de la soulte. Ce mécanisme assure ainsi une forme de pérennité de l’équilibre économique du partage, en évitant que l’un des copartageants ne bénéficie, à terme, d’un avantage ou ne subisse un préjudice injustifié en raison des circonstances économiques.

La révision d’une soulte payable à terme n’est toutefois pas automatique. Elle n’est envisageable que si deux conditions cumulatives sont réunies :

  • Une variation de valeur de plus du quart
    • L’article 828 du Code civil exige que la valeur des biens attribués au débiteur de la soulte augmente ou diminue de plus de 25 % entre le jour du partage et celui du paiement effectif. 
    • Une variation moindre ne justifierait pas un réajustement, le législateur ayant institué ce seuil afin d’éviter des révisions systématiques.
  • Une variation imputable aux circonstances économiques
    • Seules les fluctuations de valeur résultant de facteurs économiques extérieurs sont prises en compte pour la révision de la soulte.
    • Les variations dues à l’activité personnelle du débiteur, telles que des travaux d’amélioration réalisés sur le bien ou une gestion particulièrement fructueuse d’un actif, ne peuvent être retenues.
    • Comme le souligne Pierre Catala, « seules les variations de valeur dues aux circonstances économiques peuvent justifier une révision de la soulte. Les variations résultant de l’activité personnelle du débiteur ne doivent pas être prises en compte ».
    • Cette exigence permet de préserver la logique du partage : les copartageants doivent bénéficier des évolutions économiques générales, mais ne peuvent réclamer une révision fondée sur des choix ou des actions individuelles du débiteur.

Lorsque les conditions de révision sont réunies, le montant de la soulte doit être ajusté proportionnellement à la variation de valeur du bien. Ce mécanisme s’applique aussi bien en cas d’augmentation que de diminution de la valeur des biens attribués.

Prenons un exemple concret pour illustrer ce mécanisme. Imaginons qu’un bien immobilier soit attribué à un copartageant pour une valeur de 400 000 euros, avec une soulte de 50 000 euros à verser dans les cinq ans. Si, à l’échéance, la valeur de ce bien a augmenté à 550 000 euros en raison de l’évolution du marché immobilier, le montant de la soulte devra être ajusté à la hausse afin de rétablir l’équilibre entre les copartageants. 

À l’inverse, si la valeur du bien diminue de manière significative pendant cette période, la soulte devra être révisée à la baisse, sauf clause contraire insérée dans l’acte de partage. Ce mécanisme vise à préserver l’équité successorale en tenant compte des évolutions économiques postérieures au partage.

Cette faculté de révision, introduite par la réforme de 2006, trouve son fondement dans des dispositions antérieures, notamment les anciens articles 833-1 et 1075-2 du Code civil. La très grande proximité des régimes anciens et actuels a conduit la jurisprudence à conserver la pertinence de ses décisions rendues sous l’empire du droit ancien. Ainsi, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 19 février 1980, que les dispositions prévoyant la révision de la soulte s’appliquent lorsque celle-ci est stipulée payable à terme. Dans cette affaire, une soulte devait être versée six mois après le décès des ascendants donateurs. La Cour a souligné que la révision permet de protéger le créancier de la soulte contre les risques économiques liés au report de son paiement (Cass. 1ère civ., 19 févr. 1980, n°78-14.927).

La jurisprudence a également précisé le domaine de la soulte révisable. Dans un arrêt du 30 novembre 1982, la Cour de cassation a validé une soulte attribuée à un donataire copartagé, sous la forme d’une créance certaine dont l’exigibilité était reportée à la date du décès du disposant. La Haute juridiction a rappelé que la nature juridique de la soulte reste inchangée, même si son paiement est différé. L’arrêt précise que la révision est possible dans ce cas, afin d’ajuster le montant de la soulte aux fluctuations économiques intervenues avant le paiement effectif (Cass. 1ère civ., 30 nov. 1982, n°81-15.519).

Plus récemment, dans un arrêt du 14 mai 2014, la Haute juridiction a étendu le domaine de la révision aux prix de licitation. Lorsqu’un bien indivis est attribué à un copartageant à l’issue d’une vente par licitation, le prix convenu est assimilé à une soulte. Si la valeur du bien évolue de plus du quart entre le moment de la licitation et le paiement du prix, celui-ci doit être ajusté en application des dispositions de l’article 828 du Code civil (Cass. 1ère civ., 14 mai 2014, n°13-10.830).

Cette jurisprudence démontre que le mécanisme de révision des soultes dépasse le cadre des simples partages successoraux pour s’étendre à d’autres situations patrimoniales, comme les donations-partages avec réserve d’usufruit ou les licitations. 

Toutefois, le champ d’application de la révision reste strictement encadré. Seules les fluctuations économiques intervenues avant l’échéance contractuelle peuvent justifier une révision. À cet égard, la Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 30 mars 2004, que la révision de la soulte payable à terme ne peut être envisagée que si la variation de la valeur des biens attribués au débiteur dépasse le quart entre la date du partage et celle de l’échéance prévue pour le paiement de la soulte (Cass. 1re civ., 30 mars 2004, n°01-14.542).

Dans cette affaire, un copartageant avait reçu plusieurs lots de copropriété moyennant le versement d’une soulte payable entre février et août 1988. N’ayant procédé qu’à un paiement partiel en 1990, le créancier a sollicité une revalorisation de la soulte sur le fondement de l’ancien article 833-1 du Code civil. La cour d’appel a accueilli cette demande, en considérant que la variation de la valeur devait être appréciée sur toute la période écoulée jusqu’à l’introduction de la demande judiciaire. Cette analyse a été censurée par la Cour de cassation, qui a précisé que la révision ne pouvait prendre en compte que les fluctuations survenues avant l’échéance contractuelle.

Cette solution illustre la nécessité de respecter les termes de l’accord initial conclu entre les copartageants, tout en tenant compte des évolutions économiques survenues avant le paiement de la soulte. La distinction entre la naissance de la créance, qui intervient au moment du partage, et son exigibilité différée permet d’assurer une sécurité juridique accrue aux opérations de partage.

Enfin, la révision des soultes s’applique également aux libéralités-partages. L’article 1075-4 du Code civil prévoit que les dispositions de l’article 828 sont applicables aux soultes mises à la charge des donataires, « nonobstant toute convention contraire ». Cette règle prohibe toute clause excluant la révision de la soulte dans les donations-partages. Toutefois, la Cour de cassation a précisé que cette interdiction s’applique uniquement aux clauses stipulées dans les actes de donation-partage. Une convention conclue entre les donataires après la mort des ascendants donateurs reste valable, même si elle déroge au principe de révision (Cass. 1re civ., 19 janv. 1982, n°81-10.608).

Ce mécanisme de révision n’est pas sans rappeler les dispositions encadrant le paiement différé des soultes. Lorsque le paiement d’une soulte est reporté à une date ultérieure, il est essentiel que les parties prévoient dans l’acte de partage les conditions de ce paiement et, le cas échéant, les modalités d’ajustement du montant de la soulte. Par exemple, dans le cadre d’une donation-partage avec réserve d’usufruit, un copartageant peut recevoir un bien en nue-propriété tandis que le donateur conserve l’usufruit jusqu’à son décès. Dans une telle situation, il est fréquent de reporter le paiement de la soulte au décès de l’usufruitier. Cette solution permet de préserver les intérêts du débiteur de la soulte en évitant une vente forcée du bien pour régler immédiatement la somme due.

B) Deuxième alternative : la division des biens comme moindre mal

Lorsque le recours à la soulte ne permet pas de rétablir l’équilibre entre les lots ou qu’il s’avère matériellement impossible d’attribuer certains biens indivis à un copartageant sans porter atteinte à l’égalité en valeur, la division matérielle des biens peut constituer une solution envisageable. Bien qu’elle soit loin d’être idéale, cette alternative peut apparaître comme le « moindre mal » dans des situations où le maintien de l’intégrité des biens indivis n’est ni économiquement justifiable ni juridiquement tenable.

Le morcellement des biens, tout en restant une opération délicate, peut alors se justifier dès lors qu’il permet d’éviter des solutions plus radicales, telles que la vente aux enchères. Toutefois, cette division doit être conduite avec prudence et discernement, afin de ne pas compromettre la valeur des actifs partagés ni les intérêts des copartageants.

==>La division acceptable des biens

La division matérielle des biens peut s’envisager dès lors que le morcellement n’entraîne pas une dépréciation excessive de leur valeur ou une perte d’utilité économique. Cette solution, bien que moins élégante que le partage en nature ou le recours à la soulte, peut se révéler appropriée dans certaines hypothèses concrètes.

Prenons l’exemple d’un terrain agricole de grande superficie, exploitable sous forme de plusieurs parcelles distinctes. Si chacune de ces parcelles présente une viabilité économique propre — c’est-à-dire qu’elle peut être exploitée de manière autonome sans perte significative de rendement — il est alors envisageable de les attribuer à différents copartageants. Une telle division permet d’éviter la vente forcée du terrain tout en respectant les droits de chacun.

De même, la répartition d’un portefeuille d’actions peut être envisagée lorsque chaque lot conserve une diversification adéquate. Dans cette hypothèse, la fragmentation du portefeuille ne porte pas atteinte à sa valeur intrinsèque ni à la capacité de chaque héritier de profiter d’un rendement équilibré. Il s’agit d’une solution pragmatique qui permet d’éviter le recours à des soultes trop importantes ou à une vente du portefeuille, qui pourrait être défavorable aux copartageants dans un contexte de marché défavorable.

En revanche, certains biens ne se prêtent pas à une division matérielle sans entraîner une perte significative de leur valeur ou de leur fonctionnalité. Il en va ainsi, par exemple, d’un immeuble d’habitation dont la division en plusieurs lots entraînerait des coûts de mise aux normes disproportionnés ou une dévalorisation globale du bien. Dans une telle situation, la division des biens ne saurait être retenue comme solution adéquate, et d’autres alternatives devront être envisagées.

==>Le rôle du juge dans l’appréciation du morcellement des biens

La division matérielle des biens indivis ne peut être réalisée sans un contrôle rigoureux du juge du partage, lequel joue un rôle central dans l’évaluation de l’opportunité d’un tel morcellement. Ce dernier doit s’assurer que la fragmentation des biens ne porte pas atteinte aux droits des copartageants ni à la valeur économique des actifs partagés.

Le pouvoir d’appréciation du juge en la matière est d’autant plus important que l’article 830 du Code civil invite à éviter la division des unités économiques ou des ensembles de biens dont le fractionnement entraînerait une dépréciation. Il revient donc au juge d’évaluer, au cas par cas, si la division matérielle envisagée est pertinente ou si elle risque de compromettre la viabilité économique des biens.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 22 janvier 1985, que la division des biens devait être préférée à la licitation dès lors qu’elle permettait de préserver une partie de leur valeur économique (Cass. 1ère civ., 22 janvier 1985, n°83-12.994). Cet arrêt illustre parfaitement le rôle du juge dans la recherche d’un équilibre entre le respect des droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En l’espèce, la Première chambre civile a censuré une décision de licitation prononcée par une cour d’appel, au motif que la division matérielle des biens, bien qu’imparfaite, aurait permis de constituer des lots équilibrés tout en évitant une vente aux enchères préjudiciable. La Haute juridiction a ainsi réaffirmé que la licitation devait être envisagée en dernier recours, lorsqu’aucune autre solution ne permet de garantir un partage équitable.

Le contrôle exercé par le juge sur le morcellement des biens répond à une logique de pragmatisme. Il s’agit d’éviter des solutions excessives ou disproportionnées, tout en veillant à ce que les droits des copartageants soient respectés. Le juge doit également s’assurer que la division des biens ne crée pas de nouvelles sources de contentieux, en prenant soin d’apprécier l’impact économique du morcellement sur les lots constitués.

Prenons l’exemple d’une exploitation viticole composée de plusieurs parcelles. Si la division de ces parcelles permet de constituer des lots cohérents, chacun conservant une capacité de production autonome, le juge pourra valider la répartition proposée. En revanche, si la division implique la fragmentation de l’unité de production — par exemple, en séparant les parcelles des installations de vinification — le juge pourrait refuser le morcellement au motif qu’il compromet la viabilité économique de l’exploitation.

==>L’appréciation du caractère inopportun du morcellement

Le caractère inopportun d’une division matérielle des biens s’apprécie au regard de plusieurs critères : la dépréciation potentielle du bien, les coûts engendrés par la division, et l’impact sur l’utilité économique du bien attribué. À cet égard, le juge dispose d’une grande liberté d’appréciation, mais doit motiver sa décision par des éléments concrets et pertinents.

L’article 830 du Code civil invite à éviter la division des ensembles de biens lorsque celle-ci entraîne une dépréciation notable. Il en résulte que la division doit être écartée si elle engendre une perte de valeur significative ou des frais disproportionnés. Le juge doit ainsi rechercher un juste équilibre entre les droits des copartageants et la préservation des actifs partagés.

En somme, la division matérielle des biens constitue une solution de compromis, qui ne peut être retenue que si elle permet de préserver une part significative de la valeur économique des actifs partagés. Elle doit être envisagée avec précaution, sous le contrôle vigilant du juge, afin de garantir que le partage demeure équitable et respecte les droits de chacun des copartageants.

C) Troisième alternative : la vente ou la licitation des biens comme dernier recours

Lorsque les opérations de partage achoppent sur des difficultés insurmontables — qu’il s’agisse de l’impossibilité de constituer des lots équilibrés en nature ou de l’incapacité d’un indivisaire à verser une soulte suffisante —, le législateur ouvre la voie au mécanisme de la licitation. Ce procédé, prévu à l’article 827 du Code civil, permet de mettre un terme à l’indivision par la vente d’un bien indivis et la répartition du produit de cette vente entre les copartageants, selon leurs droits respectifs.

La licitation, qui se définit comme l’opération mettant fin à la coexistence de plusieurs droits sur un même bien, peut être amiable ou judiciaire, suivant généralement la nature du partage. Elle constitue un mécanisme visant à désamorcer les situations de blocage en permettant de convertir les droits indivis en numéraire. Toutefois, elle n’est pas nécessairement synonyme de vente publique aux enchères. Le processus peut varier selon qu’un accord entre les indivisaires est trouvé ou qu’une intervention judiciaire s’avère nécessaire.

La licitation amiable s’opère lorsque les indivisaires parviennent à un accord sur les modalités de la vente. Elle peut se faire soit de gré à gré, c’est-à-dire par une cession directe à un tiers acquéreur sans appel au public ni adjudication, soit par adjudication amiable, si les indivisaires décident de soumettre le bien aux enchères dans un cadre qu’ils définissent eux-mêmes. Cette voie, moins contraignante, offre une plus grande souplesse en permettant aux indivisaires de maîtriser les conditions de la cession.

La licitation judiciaire, quant à elle, intervient lorsqu’aucun consensus n’est possible entre les indivisaires. Elle est alors ordonnée par le juge, et la vente s’effectue par adjudication publique, suivant les formes prévues pour la saisie immobilière lorsqu’il s’agit de biens immobiliers, ou pour la saisie-vente lorsqu’il s’agit de biens mobiliers (CPC, art. 1377, al. 2). Ce cadre rigoureux garantit la transparence et la protection des droits de tous les indivisaires.

Le recours à la licitation répond à une double finalité : mettre fin aux situations de blocage en dissolvant une indivision conflictuelle, tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente entre les indivisaires. Toutefois, ce mécanisme présente des risques économiques non négligeables, notamment celui d’une adjudication à un prix inférieur à la valeur réelle du bien, ce qui pourrait entraîner une perte patrimoniale pour les copartageants. Par ailleurs, la licitation conduit souvent à la dissolution d’unités économiques (par exemple, un domaine agricole ou un fonds de commerce), compromettant ainsi la pérennité d’un patrimoine indivis.

C’est pourquoi la jurisprudence insiste sur le caractère subsidiaire de la licitation. Elle doit être envisagée en dernier recours, uniquement lorsque toutes les autres alternatives ont échoué — qu’il s’agisse du partage en nature, du recours à une soulte ou d’une division matérielle des biens. Le juge, dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation, doit s’assurer que la licitation n’entraîne pas une dévalorisation excessive du patrimoine ni une atteinte disproportionnée aux intérêts des indivisaires.

==>Notion

La licitation, issue du verbe latin liceri signifiant « mettre à prix », désigne une procédure par laquelle un bien indivis est vendu aux enchères afin de répartir équitablement le produit de cette vente entre les indivisaires. Bien qu’elle apparaisse comme une solution exceptionnelle, elle constitue un outil précieux pour remédier aux situations de blocage, lorsque le partage en nature s’avère impossible ou inopportun.

La doctrine a progressivement affiné les contours de la notion de licitation, en identifiant plusieurs acceptions qui correspondent à des situations spécifiques dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé. Gérard Cornu, dans son dictionnaire juridique, distingue trois formes principales de licitation. Bien que répondant à des hypothèses distinctes — qu’il s’agisse de démêler une situation de propriété complexe ou d’organiser le partage entre cohéritiers —, elles partagent une même finalité : prévenir la pérennisation d’une indivision conflictuelle ou économiquement stérile, tout en assurant la meilleure valorisation du bien cédé et une répartition équitable du produit entre les indivisaires.

Quoi qu’il en soit, la notion de licitation revêt ainsi une double dimension :

  • D’une part, elle permet aux indivisaires d’échapper au maintien forcé dans une indivision susceptible de compromettre leurs intérêts. 
  • D’autre part, elle organise l’aliénation du bien indivis de manière à garantir une valorisation optimale, tout en assurant le respect des droits de chaque indivisaire.

Comme le soulignait Pothier en son temps « la licitation n’est pas une simple vente ; elle est un acte de partage, destiné à mettre fin aux contestations entre indivisaires par une adjudication qui, en faisant émerger un acquéreur, offre à chacun sa part en valeur ».

Ainsi, la licitation ne se réduit pas à une opération de cession forcée, mais s’inscrit dans une logique d’apaisement des conflits successoraux et de préservation des intérêts patrimoniaux, en conjuguant efficacité économique et sécurité juridique.

==>La licitation comme alternative au partage en nature

Le principe du partage en nature irrigue l’ensemble du droit des successions et de l’indivision. Il repose sur l’idée que chaque indivisaire a vocation à recevoir un lot composé de biens physiques, pour une valeur correspondant à ses droits dans l’indivision. Ce postulat, issu d’une tradition civiliste séculaire, trouve son ancrage dans l’article 815 du Code civil, qui consacre la liberté de demander le partage comme un droit imprescriptible. Ce principe est toutefois tempéré par une réalité économique et pratique : certains biens, en raison de leur nature ou de leur consistance, ne peuvent être commodément divisés. C’est dans ces circonstances que le mécanisme de la licitation intervient, en tant qu’alternative au partage en nature.

Ce mécanisme, qui consiste en la mise aux enchères d’un bien indivis afin d’en répartir le produit entre les indivisaires, répond à une logique pratique visant à éviter la pérennisation d’une indivision stérile ou conflictuelle. Il ne saurait toutefois être admis que de manière restrictive. Le partage en nature demeure la règle. Cette prééminence a été réaffirmée par la réforme des successions opérée par la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, qui a modifié les articles 825 à 832 du Code civil. L’article 826, alinéa 2, dispose désormais que « chaque copartageant reçoit des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision ». Cette disposition vise à éviter le recours systématique à la licitation, en privilégiant une répartition des biens existants selon leur valeur, plutôt qu’une mise en vente systématique des biens indivis.

A cet égard, la doctrine reconnaît que cette réforme a renforcé la primauté du partage en nature en instaurant une égalité en valeur, plutôt qu’en nature. Comme l’a souligné Claude Brenner « en substituant une exigence d’équité en valeur à l’égalité parfaite en nature, le législateur a voulu limiter le recours à la licitation, souvent source de conflits et de dévalorisation des biens ». Cette nouvelle approche permet d’éviter que des biens indivis, pourtant partageables en théorie, ne soient vendus aux enchères faute de pouvoir être répartis de manière parfaitement égale.

Cette volonté de limiter le recours à la licitation témoigne d’une approche pragmatique du législateur, soucieux de concilier les impératifs économiques et patrimoniaux inhérents aux opérations de partage. La priorité donnée au partage en nature traduit une exigence de préservation du droit de propriété individuel, tout en évitant que la pérennisation d’une indivision ne devienne un obstacle à la gestion efficace des biens communs. Cependant, malgré les efforts déployés pour favoriser une répartition des biens selon leur valeur, certaines situations rendent inévitable la mise en œuvre d’une licitation.

En effet, lorsque le partage en nature se heurte à des impossibilités matérielles ou juridiques, ou lorsqu’il compromet l’équité due à chaque copartageant, la licitation s’impose comme une solution nécessaire, bien que strictement encadré. Ce mécanisme, envisagé à titre subsidiaire, permet de convertir la valeur des biens en numéraire, garantissant ainsi une répartition juste et équilibrée du produit de leur cession. Toutefois, son caractère exceptionnel appelle une application prudente et raisonnée, afin d’éviter toute atteinte disproportionnée au droit de propriété des indivisaires.

La licitation trouve son fondement dans l’article 1377 du Code de procédure civile, qui prévoit que le tribunal peut ordonner la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être aisément partagés ou attribués. Cette disposition traduit l’exigence d’un contrôle juridictionnel rigoureux : le juge ne saurait autoriser une telle mesure qu’après avoir constaté que toutes les alternatives de partage en nature ont été envisagées et se sont révélées impraticables. Il lui incombe de vérifier que l’attribution en pleine propriété à l’un des indivisaires n’est pas envisageable ou que le partage matériel du bien compromettrait l’équité patrimoniale. Ce n’est qu’à défaut de solutions raisonnables que la mise aux enchères peut être ordonnée.

Cependant, le caractère dérogatoire de cette mesure ne saurait être éludé. En effet, la licitation implique une conversion forcée de droits réels en une valeur monétaire, altérant ainsi la nature même du droit de propriété. Cette transformation, qui peut être perçue comme une dénaturation du patrimoine indivis, soulève des interrogations quant au respect des prérogatives fondamentales des indivisaires. La doctrine souligne, à cet égard, que la licitation « doit demeurer une exception à la règle du partage en nature, interprétée de manière restrictive ».

Cette approche restrictive s’explique également par les effets particulièrement lourds de la licitation, laquelle emporte, de facto, une forme d’expropriation privée. Les indivisaires opposés à la vente se trouvent contraints de céder leurs droits sur le bien commun, en contrepartie du produit de la vente. Une telle aliénation, imposée par voie judiciaire, nécessite donc un encadrement strict pour éviter toute atteinte arbitraire aux droits des copartageants. Comme le rappelle Gérard Cornu, « le partage en nature est le mode naturel de répartition des biens indivis ; la vente par licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, doit être envisagée avec la plus grande prudence ».

En définitive, la licitation apparaît comme une réponse pragmatique aux situations de blocage, permettant de sortir d’une indivision stérile tout en assurant une répartition équitable du produit de la vente. Toutefois, elle ne saurait être admise comme une solution de facilité. Son caractère exceptionnel impose que le juge veille à ce que toutes les tentatives de partage en nature aient été épuisées avant d’envisager une telle mesure. Il lui incombe ainsi de préserver un équilibre délicat entre, d’une part, le respect du droit de propriété individuel et, d’autre part, l’impératif d’une gestion économique optimale des biens indivis. 

==>Nature juridique de la licitation

La licitation se distingue des autres formes de vente en ce qu’elle est intrinsèquement liée au régime de l’indivision et aux opérations de partage. Si elle emprunte certaines caractéristiques formelles à la vente judiciaire aux enchères, elle ne saurait être confondue avec une cession ordinaire, car son objet principal reste la dissolution d’une indivision devenue inextricable. Sa nature juridique oscille donc entre vente et partage, une qualification qui dépend principalement de l’identité de l’adjudicataire.

Lorsque le bien indivis est adjugé à un tiers, la licitation produit les effets d’une vente classique. Le bien sort définitivement du patrimoine indivis pour rejoindre celui du nouvel acquéreur, mettant ainsi fin aux relations juridiques des indivisaires avec le bien cédé. Dans ce cas, les indivisaires perçoivent le produit de la vente en proportion de leurs droits respectifs, mais perdent toute prétention sur le bien lui-même. Cette situation, bien que juridiquement fondée, s’apparente parfois à une forme d’expropriation privée. En effet, les indivisaires opposés à la vente se voient contraints de céder leurs droits en contrepartie du prix obtenu lors de l’adjudication, une mesure qui ne peut être justifiée que par l’impossibilité matérielle ou juridique de procéder à un partage en nature.

À l’inverse, lorsque l’adjudicataire est un indivisaire, la licitation est assimilée à une opération de partage, produisant un effet déclaratif. Conformément à l’article 883 du Code civil, chaque indivisaire est réputé avoir été propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision. Cette fiction juridique vise à garantir une continuité dans la titularité du bien, tout en évitant les effets d’une vente purement translatrice de propriété. En d’autres termes, la licitation-partage ne modifie pas substantiellement les droits des indivisaires, mais les réorganise autour d’une attribution individuelle.

Cette dualité entre vente et partage illustre le caractère hybride de la licitation, qui oscille entre ces deux régimes en fonction des circonstances de l’adjudication. Cette ambivalence a d’ailleurs suscité des interrogations en jurisprudence quant à sa nature exacte. Toutefois, la Cour de cassation est venue apporter des éclaircissements précieux dans un arrêt du 25 novembre 1971. La Haute juridiction a jugé que le droit de demander la licitation découle directement du droit de provoquer le partage, consacré par l’article 815 du Code civil. En censurant une cour d’appel qui avait refusé de prononcer la licitation d’un bien indivis sous prétexte qu’une indivision existait déjà entre les parties, la Première chambre civile a rappelé que nul ne peut être contraint de demeurer dans une indivision, affirmant ainsi que la licitation constitue une modalité particulière de sortie de cette situation (Cass. 1ère civ., 25 nov. 1971, n° 70-13.278).

Cette position a été confortée par un second arrêt rendu le 5 janvier 1977, aux termes duquel la Cour de cassation a précisé que la licitation, lorsqu’elle bénéficie à un indivisaire, doit être assimilée à un partage avec effet déclaratif. En revanche, si l’adjudication profite à un tiers, elle conserve les caractéristiques d’une vente, entraînant un transfert définitif de propriété. En l’espèce, la Haute juridiction avait été saisie d’une demande de licitation portant sur un domaine agricole, que la cour d’appel avait refusé d’ordonner en se fondant sur des dispositions testamentaires supposées contraires. La Cour de cassation a censuré cette décision, rappelant que l’article 815 du Code civil consacre le droit absolu de provoquer le partage, nonobstant toute clause prohibitive. Elle a ainsi réaffirmé que la licitation constitue un outil juridique permettant de surmonter les blocages patrimoniaux, à condition de respecter les exigences légales encadrant son recours (Cass. 1re civ., 5 janv. 1977, n° 75-15.199).

Cette approche jurisprudentielle témoigne de la reconnaissance d’un équilibre délicat entre le droit de propriété individuel et la nécessité de mettre fin à une indivision économiquement stérile. La doctrine abonde dans ce sens : Gérard Cornu a souligné que « la licitation, bien qu’utilitaire dans certaines circonstances, demeure une mesure d’exception, assimilée au partage lorsqu’elle intervient entre indivisaires ». De même, Baudry-Lacantinerie et Saignat insistent sur le fait que « la licitation doit être interprétée comme une modalité de sortie de l’indivision, et non comme une simple vente judiciaire ».

En définitive, la licitation se présente comme un mécanisme pragmatique visant à dénouer les situations d’indivision conflictuelle ou inextricable. Toutefois, son recours doit être strictement encadré pour éviter qu’elle ne se transforme en un outil de dépossession injustifiée. Le juge, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit veiller à ce que la licitation ne devienne pas une solution de facilité, mais reste fidèle à sa finalité première : faciliter le partage des biens indivis lorsque le partage en nature se révèle impossible ou inéquitable.

==>Textes applicables

Le recours à la licitation obéit à un cadre juridique rigoureux, à la croisée des règles de fond posées par le Code civil et des exigences procédurales prévues par le Code de procédure civile. Cette double source normative traduit la volonté du législateur de circonscrire ce mécanisme à des hypothèses strictement encadrées, afin de préserver les droits des indivisaires tout en favorisant une gestion économique efficace des biens indivis.

Dans le Code civil, les dispositions relatives à la licitation se trouvent au sein du chapitre VII intitulé « De la licitation », intégré au titre VI relatif à la vente. Les articles 1686 à 1688 définissent les principales hypothèses dans lesquelles ce mécanisme peut être mobilisé.

L’article 1686 consacre ainsi le principe selon lequel la licitation ne peut être envisagée que lorsqu’un bien indivis « ne peut être commodément partagé en nature ». Ce texte reflète une philosophie jurisprudentielle constante : la vente par licitation doit demeurer une solution d’exception, réservée aux cas où le partage matériel des biens se heurte à des obstacles insurmontables. Cette impossibilité peut être d’ordre matériel — lorsque la division physique du bien porterait atteinte à sa valeur ou à son utilité — ou juridique, en raison de la configuration des droits concurrents des indivisaires.

L’article 1687 ajoute que, « sauf accord entre les indivisaires », la vente doit être effectuée aux enchères publiques. Cette exigence vise à garantir la transparence et l’objectivité du processus, en assurant que le bien sera cédé au plus offrant. La publicité des enchères permet d’éviter toute suspicion de dévalorisation artificielle du patrimoine indivis, tout en protégeant les intérêts de chacun des copartageants.

Quant à l’article 1688, il renvoie aux dispositions du Code de procédure civile, qui précise les formalités applicables à la licitation. Ce renvoi témoigne de la volonté du législateur d’assurer une articulation cohérente entre les règles de fond régissant la licitation et les exigences procédurales encadrant son exécution devant les juridictions.

Au titre des opérations de partage, la licitation est régie par le chapitre VIII « Du partage » du titre Ier relatif aux successions, dans le livre III du Code civil, consacré aux différentes manières d’acquérir la propriété. Cette réglementation s’inscrit dans la logique d’une alternative au partage en nature, lorsqu’une répartition matérielle des biens hérités s’avère impossible ou inopportune.

L’article 817 dispose ainsi que la licitation peut porter sur l’usufruit, la nue-propriété, ou la pleine propriété d’un bien indivis. Cette précision témoigne de la volonté du législateur de permettre une adaptation des modalités de partage à la nature particulière des droits en jeu. L’article 818 vient compléter cette disposition en précisant que, dans le cadre des successions, les héritiers peuvent demander la licitation lorsque les biens indivis ne peuvent être commodément répartis en nature.

Par ailleurs, l’article 883 prévoit que la licitation opérée au bénéfice d’un indivisaire produit un effet déclaratif, propre aux opérations de partage. Cette fiction juridique permet de considérer que chaque indivisaire est réputé propriétaire exclusif du bien qui lui est attribué depuis l’ouverture de l’indivision, assurant ainsi une continuité dans la titularité des droits, tout en évitant les effets d’une simple vente translatrice de propriété.

Sur le plan procédural, les articles 1377 et 1378 du Code de procédure civile viennent renforcer cette approche restrictive. L’article 1377 dispose que « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». Cette disposition confère au juge un rôle central dans l’appréciation des conditions de la licitation. Il lui incombe de vérifier que toutes les solutions alternatives ont été explorées avant d’autoriser une telle vente. En particulier, le juge doit s’assurer que le bien indivis ne peut être attribué préférentiellement à l’un des indivisaires ou partagé sous une autre forme, notamment par voie de compensation financière.

L’article 1378 précise les modalités pratiques de la vente par adjudication, en imposant le respect des règles applicables aux ventes judiciaires. Ces exigences procédurales visent à garantir que la licitation s’opère dans un cadre rigoureux et impartial, en évitant tout risque d’arbitraire ou de favoritisme.

Ces textes traduisent une préoccupation constante du législateur : faire de la licitation un mécanisme strictement subsidiaire, destiné à surmonter les blocages patrimoniaux Car en effet, la licitation ne saurait être perçue comme une solution de facilité ; elle doit demeurer une exception au principe fondamental du partage en nature.

1. Domaine de la licitation

La licitation est une modalité spécifique du partage permettant de vendre aux enchères un bien indivis lorsque celui-ci ne peut être commodément partagé ou attribué à l’un des indivisaires. Si cette procédure permet de surmonter les difficultés liées à l’indivision, elle ne peut être systématiquement envisagée. Elle répond à un cadre juridique précis, alternant situations dans lesquelles elle peut être ordonnée et cas où elle est expressément exclue. Nous développerons cette analyse selon deux axes : les situations d’intervention de la licitation, puis les hypothèses dans lesquelles elle est prohibée.

1.1 Les situations dans lesquelles la licitation est admise

La licitation trouve principalement à s’appliquer dans les cas d’indivision, qu’il s’agisse d’une indivision en pleine propriété, d’une indivision en usufruit ou d’une indivision en nue-propriété. Cette modalité de partage peut être sollicitée tant dans le cadre d’une indivision successorale que d’une indivision résultant d’un régime matrimonial ou d’un démembrement de propriété.

a. L’indivision en pleine propriété

La situation la plus classique donnant lieu à une licitation est celle d’une indivision en pleine propriété. Ce mécanisme s’applique aux biens indivis, indépendamment de leur origine, qu’elle soit légale, conventionnelle ou successorale. Il s’agit d’une démarche subsidiaire destinée à pallier l’impossibilité de procéder à un partage en nature, tout en préservant l’égalité entre les indivisaires.

L’ancien article 827 du Code civil prévoyait que la licitation pouvait être ordonnée pour des immeubles qui ne pouvaient être commodément partagés ou attribués. Bien que ce texte ait été abrogé par la loi du 23 juin 2006, la licitation de la pleine propriété indivise est unanimement admise. A cet égard, le champ d’application de la licitation ne se limite pas aux immeubles. L’article 1686 du Code civil, en évoquant les “choses communes à plusieurs”, englobe également les biens meubles. Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence, qui admet que certains contrats indivis (par exemple les baux) puissent également être licités. Ainsi, la licitation répond à une logique d’unité en ce qu’elle permet de mettre fin à une situation d’indivision, même lorsqu’elle porte sur des objets divers.

L’article 815-5-1 du Code civil, issu de la réforme de 2006, envisage la licitation comme ne pouvant porter, en première intention, que sur les biens indivis pris isolément ; d’où l’emploi du singulier dans la formulation, le texte visant explicitement « le bien indivis » et non « les biens indivis ». Cette précision commande de limiter chaque demande de licitation à un seul bien, en respectant ainsi l’esprit du partage en nature, principe cardinal du régime de l’indivision. Toutefois, cette limitation n’exclut pas la possibilité d’engager plusieurs procédures, pourvu que chaque requête s’appuie sur des motifs légitimes et dûment justifiés, tels que la dégradation progressive du bien ou le risque avéré d’une diminution substantielle de sa valeur. Une telle exigence illustre l’équilibre recherché entre la préservation des droits des indivisaires et la nécessité de sauvegarder la valeur patrimoniale des biens en indivision.

Enfin, la licitation dans le cadre de l’indivision en pleine propriété ne saurait être confondue avec d’autres situations juridiques. Lorsqu’un bien est grevé d’usufruit, il n’y a pas lieu de liciter la pleine propriété, faute d’indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire. En effet, comme le rappellent l’indivision suppose la coexistence de droits de même nature sur un bien commun. Cette analyse est corroborée par une jurisprudence ancienne mais constante, qui insiste sur l’impossibilité d’un partage entre deux titulaires de droits de nature différentes (Cass. 1re civ., 29 mars 1989, n°87-12.187).

b. L’indivision en usufruit

Il est admis que l’usufruit d’un bien puisse faire l’objet d’une indivision. Est-ce à dire que ce droit particulier, par nature temporaire et portant sur l’usage et les fruits d’un bien, se prête aisément au partage ? En réalité, le droit civil impose des solutions adaptées pour répondre aux spécificités de cette indivision.

En principe, le partage porte directement sur l’usufruit, qui peut être cantonné sur un ou plusieurs biens déterminés. Cette modalité permet à chaque usufruitier de disposer d’un droit exclusif sur des biens spécifiques, évitant ainsi la complexité d’une gestion collective. Toutefois, lorsque le cantonnement s’avère impossible, soit en raison de la nature du bien soit en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord entre les usufruitiers, le recours à la licitation devient une alternative envisageable.

La Cour de cassation a expressément consacré cette possibilité dans un arrêt du 25 juin 1974, où elle a reconnu que la licitation de l’usufruit pouvait être ordonnée lorsque ce dernier ne pouvait faire l’objet d’un partage en nature (Cass. 1ère civ. 25 juin 1974, n°72-12.451). 

Dans cette affaire, les héritiers des époux décédés avaient procédé au partage de leurs successions, attribuant à trois copartageants un quart en usufruit sur une propriété, tandis qu’un quatrième bénéficiait des trois quarts en nue-propriété et d’un quart en pleine propriété. La propriété en question, exploitée en carrière, faisait l’objet d’un différend persistant entre les usufruitiers et les héritiers du nu-propriétaire, empêchant toute mise en valeur effective de l’usufruit.

Les juges du fond avaient relevé que cette mésentente prolongée avait conduit à la cessation de l’exploitation de la carrière pendant plusieurs années. La Cour d’appel, constatant que la jouissance ne pouvait être répartie de manière équitable entre les copartageants et qu’aucun accord amiable ne semblait envisageable, avait ordonné la licitation de l’usufruit. Cette mesure, selon l’arrêt attaqué, constituait « le seul moyen d’obtenir, sans nuire à la valeur foncière du bien, la reprise de l’exploitation ou le désintéressement des cohéritiers ».

La Haute juridiction a confirmé cette décision en jugeant qu’il existe une indivision entre l’usufruitier et le nu-propriétaire quant à la jouissance d’un bien lorsque le droit d’usufruit porte sur une quote-part indivise. Elle a rappelé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature de cette jouissance, il peut être procédé à une vente par licitation, non pas du bien lui-même, mais de la jouissance de l’usufruit. Ce mécanisme permet de préserver les intérêts patrimoniaux des parties tout en évitant l’inaction susceptible de dégrader la valeur économique du bien.

Cependant, il convient de rappeler que la licitation de l’usufruit demeure une solution d’exception. Elle ne saurait être ordonnée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres voies de partage ont échoué. Cette exception s’inscrit dans une logique de préservation des droits de chaque usufruitier, tout en assurant une équité dans la répartition patrimoniale. Ainsi, l’approche adoptée par le législateur et par la jurisprudence garantit un équilibre subtil entre les impératifs de gestion collective et les intérêts individuels des parties.

c. L’indivision en nue-propriété

De manière similaire à l’usufruit, l’indivision peut porter sur la nue-propriété d’un bien. Le principe consacré par l’article 818 du Code civil, qui renvoie à l’article 817, privilégie le partage de la nue-propriété par cantonnement. Cette solution consiste à attribuer la nue-propriété sur un ou plusieurs biens spécifiques, et elle est historiquement reconnue comme la méthode de référence pour éviter une liquidation globale de l’indivision.

La licitation de la nue-propriété ne peut être envisagée que dans l’hypothèse où le cantonnement s’avère impossible. Ce principe est expressément consacré par la jurisprudence, qui insiste sur la subsidiarité de cette mesure (Cass. 1re civ., 14 mai 1996, n° 94-15.028). En l’espèce, la Cour de cassation a précisé qu’en cas de désaccord persistant entre les nus-propriétaires sur le partage en nature, et lorsque ce dernier est impossible, le juge peut ordonner la licitation limitée à la nue-propriété, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits des autres indivisaires, notamment les usufruitiers.

A cet égard, lorsque la licitation de la nue-propriété seule est impossible pour mettre fin à une indivision, l’article 818 du Code civil prévoit que la licitation de la pleine propriété peut être ordonnée, mais cette mesure exceptionnelle est soumise à des conditions strictes, notamment le consentement de l’usufruitier, comme l’exige l’article 815-5, alinéa 2, du Code civil.

Historiquement, la jurisprudence faisait une distinction selon que l’usufruit portait sur un bien déterminé ou sur une quote-part successorale. Dans le premier cas, la licitation demandée par un nu-propriétaire ne pouvait porter que sur la nue-propriété du bien. Dans le second, la licitation pouvait s’étendre à la pleine propriété des biens successoraux pour fixer l’assiette de l’usufruit (Cass. req., 9 avr. 1877). Cette distinction, bien que logique à l’époque, soulevait des incertitudes pratiques, notamment en matière d’opposabilité des droits de l’usufruitier.

La loi n° 76-1286 du 31 décembre 1976 a constitué une avancée majeure dans la préservation des droits de l’usufruitier. Elle a inséré, à l’article 815-5 du Code civil, une disposition qui énonçait que « le juge ne peut toutefois, sinon aux fins de partage, autoriser la vente de la pleine propriété d’un bien grevé d’usufruit, contre la volonté de l’usufruitier ». Par cette règle, le législateur a entendu limiter de manière explicite les atteintes potentielles aux droits d’usage et de jouissance de l’usufruitier, en faisant de son consentement une condition impérative pour toute licitation de la pleine propriété.

L’apport de cette loi réside dans l’équilibre qu’elle établit entre les prérogatives des indivisaires et la nécessaire protection des intérêts de l’usufruitier. Désormais, l’usufruitier bénéficie d’un droit d’opposition effectif, sauf dans le cadre spécifique d’un partage, rendant ainsi impossible toute décision judiciaire imposant la vente globale du bien sans son accord.

Ce principe a été strictement appliqué par la jurisprudence. Dans un arrêt remarqué du 11 mai 1982, la Cour de cassation a annulé une décision ayant ordonné la licitation de la pleine propriété en méconnaissance de cette exigence légale (Cass. 1re civ., 11 mai 1982, n°81-13.055). La Haute juridiction a alors rappelé que, même face à des difficultés d’indivision, le juge ne peut passer outre le consentement de l’usufruitier, envisagé comme un véritable garde-fou juridique.

Par suite la loi n° 87-498 du 6 juillet 1987 a opéré une réforme décisive en supprimant, dans l’article 815-5 du Code civil, la précision textuelle « sinon aux fins de partage ». Par cette modification, le législateur a étendu la protection accordée à l’usufruitier en rendant son consentement impératif dans tous les cas de licitation de la pleine propriété, sans exception. Cette réforme a marqué une avancée significative en consolidant la protection de l’usufruitier. Elle a ainsi fermé la porte à toute tentative des nus-propriétaires ou des indivisaires de contourner l’exigence de consentement sous le prétexte d’un partage judiciaire. Désormais, le droit d’usage et de jouissance de l’usufruitier ne peut être compromis sans son accord,

Dans le sillon de la loi di 6 juillet 1987, la Cour de cassation a, dans son arrêt du 13 octobre 1993, confirmé que la licitation de la pleine propriété ne peut être imposée sans le consentement de l’usufruitier (Cass. 1re civ., 13 oct. 1993, n° 91-20.707). En l’espèce, la Haute juridiction a censuré une décision ayant ordonné une licitation de la pleine propriété d’un bien indivis, au motif que l’ex-épouse usufruitière n’avait pas donné son accord. Un autre arrêt marquant, rendu le 14 mai 1996 a précisé qu’en cas d’impossibilité de partage en nature, le juge doit privilégier la licitation de la nue-propriété avant d’envisager la pleine propriété (Cass. 1ère civ., 14 mai 1996, n°94-15.028). 

1.2. Les situations dans lesquelles la licitation n’est pas admise

La licitation, bien qu’elle constitue l’un des moyens pour sortir de l’indivision, ne saurait être admise dans toutes les situations. Le législateur, soucieux de préserver certains équilibres juridiques et économiques, a posé des limites à son recours. Ces restrictions trouvent leur fondement dans des considérations variées, telles que la nécessité de maintenir l’affectation collective de certains biens, de protéger des intérêts spécifiques ou encore de respecter les conventions liant les indivisaires.

Qu’il s’agisse des copropriétés forcées, des hypothèses de maintien imposé dans l’indivision, des conventions d’indivision ou encore des cas d’attribution préférentielle, chacune de ces situations traduit une volonté d’encadrer le droit au partage afin de concilier les droits des indivisaires avec des impératifs supérieurs. 

a. Les copropriétés forcées

Les copropriétés forcées se distinguent par leur caractère inaliénable et insusceptible de partage ou de licitation, une interdiction clairement posée par l’article 6 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 régissant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Ce texte interdit toute demande de partage concernant les parties communes indispensables à l’usage collectif, telles que les chemins nécessaires à la desserte de plusieurs propriétés. Cette disposition vise à préserver la fonctionnalité et l’utilité commune de ces biens.

La règle exprimée par cette disposition dépasse cependant le cadre strict des immeubles bâtis pour s’étendre à toutes les copropriétés forcées et perpétuelles. La Cour d’appel de Paris a ainsi affirmé, dans un arrêt du 5 octobre 1964, que le partage ou la licitation d’un chemin nécessaire à la desserte de plusieurs propriétés était exclu, en raison de son caractère indispensable à l’usage collectif (CA Paris, 5 oct. 1964).

b. Les cas de maintien forcé dans l’indivision

Par ailleurs, la licitation est exclue dans plusieurs cas où la loi impose le maintien forcé dans l’indivision. Ces hypothèses, prévues aux articles 820 à 824 du Code civil, concernent notamment les biens dont l’indivision est ordonnée pour protéger les intérêts de certaines personnes, comme les mineurs ou les incapables. De manière similaire, l’article 1377 du Code de procédure civile dispose que la vente par adjudication ne peut être prononcée que si le bien ne peut être commodément partagé ou attribué. Avant de prononcer une telle vente, le juge est tenu de vérifier que le bien ne répond pas aux conditions d’un partage en nature et que ni l’attribution préférentielle ni d’autres solutions ne sont envisageables.

c. Les conventions d’indivision

L’article 815-1 du Code civil permet aux indivisaires de conclure une convention d’indivision. Lorsqu’une telle convention est à durée déterminée, la licitation ne peut être demandée pendant la durée de la convention, sauf en cas de justes motifs.

En revanche, si la convention est à durée indéterminée, le partage, y compris par licitation, peut être provoqué à tout moment, mais il ne doit pas l’être de mauvaise foi ou à contretemps (art. 1873-3 C. civ.).

d. L’attribution préférentielle

L’attribution préférentielle constitue un obstacle majeur à la licitation. Ce mécanisme, consacré par les articles 832 et suivants du Code civil, offre à un indivisaire la possibilité de se voir attribuer un bien indivis en priorité, moyennant le versement d’une compensation équitable à ses coindivisaires. Par essence, lorsque cette demande est valablement formulée, la licitation devient inenvisageable, sauf à ce que l’attribution soit rejetée ou manifestement injustifiée.

Historiquement, la place centrale occupée par l’attribution préférentielle dans le cadre des opérations de partage a été explicitée dès l’adoption du décret-loi du 17 juin 1938, introduisant dans le Code civil une disposition spécifique à cet effet. L’ancien article 827 du Code civil, aujourd’hui remplacé par l’article 1377, réservait la licitation aux biens « qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». En vertu de ce principe, le juge, avant de prononcer une licitation, doit s’assurer que le bien concerné ne peut être intégré dans un partage en nature et qu’aucun indivisaire ne sollicite ou ne pourrait valablement solliciter son attribution préférentielle. Cette double vérification, autrefois essentielle pour garantir une stricte égalité dans la composition des lots, conserve son importance à l’heure où prévaut le principe de l’égalité en valeur des lots.

La jurisprudence a, à maintes reprises, rappelé la prééminence de l’attribution préférentielle sur la licitation. Dès 1947, la Cour de cassation a précisé que l’attribution préférentielle pouvait être sollicitée jusqu’à l’achèvement du partage (Cass. civ., 14 janv. 1947). Toutefois, lorsque la licitation a été ordonnée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée, l’attribution préférentielle ne saurait plus prospérer, la licitation devenant alors irrévocable. Dans un arrêt du 9 mars 1971, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « la licitation constitue une modalité de partage incompatible avec l’attribution préférentielle. des lors que la licitation d’un immeuble a été ordonnée par une précédente décision devenue irrévocable, un tribunal ne peut sans méconnaitre l’autorité de la chose jugée, prononcer l’attribution préférentielle du même bien indivis » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1971, 70-10.072)

Dans sa mise en œuvre, l’attribution préférentielle impose au juge une analyse minutieuse des prétentions en concurrence. Lorsqu’un indivisaire sollicite l’attribution préférentielle d’un bien pendant que d’autres réclament sa licitation, la juridiction saisie doit prioritairement examiner la demande d’attribution, sauf à constater qu’elle contredit les intérêts légitimes des coindivisaires ou qu’elle est matériellement irréalisable. À cet égard, la jurisprudence a notamment rejeté des demandes d’attribution lorsque l’indivisaire demandeur était dans l’incapacité de s’acquitter des soultes nécessaires (Cass. 1re civ., 17 mars 1987, n°85-17.241). 

En outre, l’attribution préférentielle revêt une importance particulière lorsque le maintien de l’usage d’un bien indivis répond à des besoins essentiels. Ainsi, la jurisprudence a privilégié l’attribution du logement familial à l’époux ayant la garde des enfants, au détriment d’une demande concurrente de licitation émanant de l’autre conjoint (TGI Chaumont, 10 juin 1963). Toutefois, cette priorité n’est pas absolue. Des juridictions ont pu refuser une attribution préférentielle lorsque les motifs invoqués ne justifiaient pas un tel choix, comme dans le cas d’un château réclamé pour des raisons purement sentimentales, conduisant à la licitation du bien (TGI Paris, 13 nov. 1970).

Cependant, l’attribution préférentielle n’est pas une prérogative absolue. Elle peut être écartée si l’équilibre des intérêts commande une licitation, notamment lorsque le maintien de l’indivision est matériellement ou économiquement insoutenable. Cette approche pragmatique permet de concilier les droits individuels des indivisaires avec les impératifs collectifs, assurant ainsi le respect des principes d’équité et de justice. 

2. Les conditions de la licitation

2.1. L’impossibilité d’un partage en nature

a. Le contenu de l’exigence

Dans le cadre d’un partage, la licitation n’intervient qu’à titre subsidiaire, lorsqu’un partage en nature des biens indivis s’avère impossible. À cet égard, l’article 1377 du Code de procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués ». 

Cette règle fait directement écho au principe posé à l’article 1686 du Code civil, relevant du droit commun de la vente, qui dispose que la licitation peut être ordonnée « si une chose commune à plusieurs ne peut être partagée commodément et sans perte ».

Il s’infère de ces deux dispositions que l’impossibilité de partage en nature peut résulter, soit de l’incommodité de la division du biens indivis, soit du risque de perte en cas de division. 

==>L’incommodité de la division du bien indivis

L’incommodité matérielle de la division d’un bien indivis s’entend de l’impossibilité pratique de le fractionner tout en préservant son intégrité physique, son utilité et les conditions normales de jouissance. Ce critère repose sur les attributs essentiels du bien, qu’il s’agisse de sa configuration, de son usage envisagé ou de sa destination économique. L’analyse de cette incommodité exige une attention particulière aux caractéristiques propres au bien, telles que son état, sa structure ou sa finalité, afin de déterminer si une division pourrait être réalisée sans altérer sa nature ni compromettre sa vocation première.

En premier lieu, certains biens, en raison de leur structure physique ou de leur fonction, ne peuvent être aisément divisés sans altérer leur valeur ou leur utilité. Par exemple, la division d’un terrain peut exiger des aménagements onéreux, tels que l’installation de clôtures ou la modification des réseaux hydrauliques pour garantir une autonomie d’usage des parcelles nouvellement constituées. Une jurisprudence ancienne mais éclairante illustre ce point : la fragmentation d’un bien foncier a été jugée inappropriée en raison des frais disproportionnés qu’elle impliquait et de son impact négatif sur l’exploitation rationnelle des parcelles (CA Dijon, 15 avril 1907). Cet exemple met en lumière l’importance d’une analyse circonstanciée de la faisabilité matérielle du partage.

De même, la division d’une exploitation agricole ou d’un immeuble à vocation spécifique peut entraîner une désorganisation structurelle qui compromettrait sa finalité première. Ainsi, le morcellement d’une ferme en plusieurs unités indépendantes peut nécessiter des investissements supplémentaires pour réorganiser les infrastructures communes, telles que les systèmes d’irrigation ou les espaces de stockage, réduisant ainsi l’efficacité globale de l’exploitation. Cette incommodité matérielle s’observe également dans le cas d’immeubles complexes ou de bâtiments historiques, dont le fractionnement risquerait de porter atteinte à leur vocation patrimoniale ou culturelle, voire de rendre leur entretien structurellement irréalisable.

En second lieu, l’incommodité matérielle ne se limite pas à l’existence d’obstacles purement physiques, mais couvre également les effets sur les conditions normales de jouissance. Un partage matériellement possible peut néanmoins être jugé incommode si la division altère de manière significative les modalités d’exploitation ou d’utilisation des lots. Par exemple, la création de nouvelles parcelles ou d’espaces indépendants peut, dans certains cas, générer une répartition déséquilibrée des ressources essentielles à leur exploitation, ou nécessiter des servitudes complexes, telles que des droits de passage ou des aménagements communs. Ces contraintes, susceptibles de compliquer la jouissance individuelle des lots, justifient le recours à une licitation plutôt qu’à un partage en nature.

Enfin, l’incommodité matérielle doit également être évaluée en tenant compte de la préservation de l’intégrité des unités économiques ou des ensembles de biens indivis. L’article 830 du Code civil, qui énonce l’objectif de limiter le fractionnement des exploitations agricoles ou des ensembles économiques, reflète cette préoccupation. Lorsqu’une division compromet l’exploitation optimale d’un bien indivis ou engendre une dépréciation du bien, la licitation peut s’imposer comme la solution la plus rationnelle. La jurisprudence a ainsi affirmé que la division en plusieurs lots, même matériellement envisageable, peut être écartée si elle entraîne des effets excessivement complexes ou onéreux pour les indivisaires (CA Montpellier, 8 juin 1954).

==>Le risque de perte en cas de division du bien indivis

Au-delà des obstacles matériels, l’incommodité d’un partage peut également résider dans ses répercussions économiques, lesquelles peuvent compromettre de manière significative les intérêts des indivisaires. L’article 1686 du Code civil institue ainsi le principe selon lequel le partage en nature doit être écarté lorsque la division entraîne une perte de valeur du bien, préjudiciable à l’ensemble des indivisaires.

Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la Cour de cassation a, par exemple, estimé que l’incommodité d’un partage pouvait justifier une licitation lorsqu’un morcellement, bien que matériellement possible, engendrait une dépréciation économique significative et préjudiciable pour les indivisaires Dans cette affaire, le litige portait sur une demeure historique dépendant d’une succession. L’un des indivisaires demandait un partage en nature accompagné d’une attribution préférentielle d’une partie de l’immeuble, tandis que les autres plaidaient en faveur de la licitation. La Cour d’appel, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation, a constaté que la valeur totale de l’immeuble pris dans son ensemble, estimée à 7 950 000 francs, dépassait significativement la somme des valeurs des lots envisagés dans le cadre d’un partage en nature, laquelle n’atteignait que 6 200 000 francs. Une telle dépréciation économique, jugée inacceptable pour l’ensemble des indivisaires, rendait économiquement inopportune une division pourtant réalisable matériellement.

Cet arrêt met en lumière l’une des caractéristiques de l’incommodité économique : la préservation de la valeur globale du bien indivis. Une division matérielle, bien que techniquement envisageable, peut entraîner une perte de valeur si les lots ainsi constitués s’avèrent individuellement moins valorisables que le bien pris dans sa globalité. Cette approche vise à protéger les intérêts collectifs des indivisaires, en évitant qu’un partage en nature ne devienne source d’injustice économique.

Par ailleurs, l’incommodité économique ne se limite pas à la perte de valeur globale. Elle inclut également les effets sur l’équité entre les indivisaires, notamment lorsque la fragmentation d’un bien rend nécessaire la constitution de soultes disproportionnées ou difficilement applicables. Ces situations, susceptibles de générer des déséquilibres majeurs, justifient souvent le recours à la licitation pour assurer une répartition équitable des bénéfices issus de la vente.

Conscient de ces enjeux, le législateur a introduit des mécanismes visant à atténuer les effets économiques défavorables d’un partage, notamment à travers le principe de l’égalité en valeur consacré par l’article 826 du Code civil. Ce principe permet d’ajuster les écarts entre les lots au moyen de soultes, favorisant ainsi une répartition équilibrée. Toutefois, lorsque la division d’un bien indivis conduit à une dépréciation significative ou compromet les intérêts économiques des indivisaires, ces outils ne suffisent pas toujours à garantir une solution satisfaisante. Dans ces circonstances, la licitation s’impose comme une alternative incontournable, préservant à la fois la valeur intrinsèque du bien et l’équité entre les indivisaires.

b. Appréciation de l’exigence

==>Une appréciation d’ensemble

L’impossibilité de procéder à un partage en nature d’un bien indivis repose sur des considérations tant matérielles qu’économiques, lesquelles doivent être appréciées au regard de critères précis. Cette impossibilité n’est cependant pas absolue et s’évalue à l’aune de la nature, de la configuration et de la finalité du bien, mais également en tenant compte de l’ensemble des biens composant l’indivision. Une analyse globale de la situation patrimoniale s’impose, permettant de déterminer si un partage en nature peut être envisagé sans compromettre l’équité entre les indivisaires ou l’intégrité économique des lots.

A cet égard, l’un des principes devant guider l’appréciation du juge réside dans l’exigence de considérer l’ensemble des biens indivis comme un tout cohérent, plutôt que de les examiner isolément. Une telle approche, déjà consacrée par la jurisprudence avant la réforme de 2006, reflète l’exigence de maintenir le partage en nature comme principe directeur, même face à des difficultés apparentes. Ainsi, l’indivisibilité d’un bien spécifique, tel qu’un immeuble unique, ne saurait en elle-même constituer un obstacle insurmontable au partage si d’autres éléments de la masse permettent de constituer des lots équivalents en valeur (Cass. 1ère civ.12 janv. 1972, n°71-11.435). 

À titre d’exemple, un immeuble matériellement indivisible peut être attribué en totalité à un indivisaire, à condition que des biens meubles ou des compensations monétaires viennent rétablir l’équilibre des droits entre les copartageants (Cass. 1ère civ., 21 janv. 1958). Cette flexibilité, inhérente au principe d’équité, permet de concilier l’impossibilité matérielle d’un découpage physique avec les exigences d’une répartition équitable.

En outre, lorsque l’ensemble des biens ne peut être aisément réparti, la licitation ne doit intervenir que dans les limites strictement nécessaires. Les juges sont alors appelés à circonscrire la licitation aux seuls biens dont le partage en nature est impraticable ou manifestement préjudiciable. Cette approche reflète le souci de préserver autant que possible le principe du partage en nature, tout en évitant des solutions qui porteraient atteinte à l’équilibre des intérêts en présence (Cass. 1ère civ., 11 juill. 1983, n°82-11.815). Ainsi, si un immeuble indivis ne peut être partagé matériellement, mais que la masse comprend des biens meubles ou d’autres actifs, ces derniers doivent être mobilisés pour constituer des lots équilibrés, réduisant ainsi la nécessité de recourir à la licitation.

Pour éclairer leur décision, les juges peuvent recourir à une expertise destinée à examiner les conditions matérielles et économiques propres au partage. Bien que les conclusions de l’expert ne s’imposent pas aux juges, elles constituent un élément déterminant dans leur appréciation de la faisabilité d’un partage en nature (Cass. 1ère civ., 9 oct. 1967). Ce recours à l’expertise vise à identifier les contraintes objectives qui pourraient rendre une division matériellement irréalisable ou économiquement désavantageuse.

Ainsi, l’expert est-il souvent chargé d’évaluer les implications concrètes d’un partage en nature, en tenant compte de la configuration des biens indivis, de leur usage actuel et des adaptations nécessaires pour les rendre autonomes après la division. Par exemple, dans le cas d’un terrain agricole, il pourrait être démontré que sa division entraînerait des aménagements disproportionnés, tels que la construction de nouvelles clôtures, la mise en place de systèmes d’irrigation distincts ou la création de voies d’accès séparées. De tels travaux, s’ils engendrent des coûts excessifs ou compromettent l’utilisation optimale des biens, constituent des éléments justifiant l’incommodité matérielle et, par conséquent, l’impossibilité d’un partage équitable en nature.

Les juges, sur la base du rapport d’expertise, peuvent ainsi conclure que la licitation est nécessaire pour préserver les intérêts des parties, en évitant des solutions qui seraient coûteuses, complexes et potentiellement sources de litiges ultérieurs. L’expertise, en ce sens, dépasse une simple évaluation technique et s’inscrit dans une démarche visant à garantir une répartition équilibrée et réaliste des biens indivis.

==>Contrôle de la motivation

L’appréciation de l’impossibilité de procéder à un partage en nature relève du pouvoir souverain des juges du fond, lesquels doivent s’attacher à motiver leur décision avec précision. Cette exigence trouve sa justification dans la nature exceptionnelle de la licitation, qui ne peut être ordonnée qu’en dernier recours, dès lors que l’impossibilité de la répartition physique des biens est établie de manière circonstanciée et irréfutable. À ce titre, la seule affirmation d’une incertitude quant à la faisabilité du partage en nature, ou encore la mention de dissensions entre indivisaires, ne saurait suffire à légitimer une telle mesure. De même, un simple constat de la multiplicité des biens et de la diversité des droits des parties, sans qu’il ne soit démontré en quoi ces éléments empêchent concrètement un partage en nature, expose la décision à la censure (Cass. 1re civ., 31 janv. 1989, n°87-16.718). À l’inverse, une motivation s’appuyant sur des éléments factuels et techniques solides, tels qu’un rapport d’expertise concluant à la faisabilité du partage en nature et à sa conformité aux intérêts des parties, satisfait pleinement aux exigences jurisprudentielles (Cass. req. 31 oct. 1893).

Le rôle de la Cour de cassation se limite traditionnellement à un contrôle de la motivation, sans remise en cause de l’appréciation des faits réalisée par les juges du fond. Il incombe à ces derniers de démontrer précisément en quoi les biens indivis ne peuvent être commodément répartis. Dès lors, une décision ordonnant la licitation, qui se contenterait de relever l’incertitude d’un partage ou de mentionner sa faisabilité technique sans expliciter les obstacles concrets qui s’y opposent, ne saurait prospérer (Cass. 1ère civ., 12 mai 1987, n°85-18.160).

Si, par le passé, une certaine souplesse pouvait être observée, permettant aux juges du fond de motiver leurs décisions de manière parfois implicite, cette pratique tend à être remise en question dans le cadre d’une jurisprudence contemporaine plus exigeante. La réforme de 2006, consacrant le principe d’égalité en valeur des lots (art. 826 du Code civil), renforce cette exigence de motivation, dans un souci de transparence et de respect du caractère subsidiaire de la licitation. Ainsi, il ne suffit plus, comme autrefois, de faire allusion à l’indivisibilité supposée d’un bien pour justifier une vente forcée (Cass. 3e civ., 4 mai 2016, n°14-28.243).

La Cour de cassation, sans excéder son rôle, veille désormais à ce que les juges du fond ne cèdent pas à la facilité, en exigeant une démonstration complète et convaincante de l’impossibilité matérielle ou juridique du partage en nature. Cette évolution, bien qu’elle ne rompe pas totalement avec certaines tolérances antérieures, reflète une volonté affirmée de garantir la primauté du partage en nature tout en respectant l’équilibre des intérêts des indivisaires.

2.2. Mise en œuvre

L’impossibilité de partager un bien indivis peut avoir pour cause des contraintes juridiques, matérielles, économiques ou pratiques, chacune reflétant la complexité inhérente à la diversité des biens concernés et des situations d’indivision.

==>Les difficultés matérielles de partage

L’une des causes de l’impossibilité de procéder à un partage en nature réside dans les contraintes matérielles, intrinsèquement liées aux caractéristiques des biens indivis. La difficulté réside, le plus souvent, dans l’impossibilité technique ou pratique de diviser un bien sans compromettre son intégrité ou son utilité économique.

Certains biens, par leur nature même, se prêtent mal au fractionnement. Ainsi, un domaine agricole, comprenant des bâtiments, des dépendances et des terres formant un tout économique cohérent, ne saurait être morcelé sans que son exploitation n’en pâtisse gravement (Cass. 1ère civ., 29 mars 1960). De même, Une clinique médicale, dont le fonctionnement repose sur une organisation spatiale spécifique, constitue un exemple caractéristique de bien dont la division matérielle compromettrait irrémédiablement l’usage et l’exploitation (Cass. 1ère civ., 2 oct. 1979, n°78-11.385). 

Par ailleurs, même lorsque les biens paraissent à première vue partageables, certaines configurations rendent le partage matériellement inéquitable. Un exemple peut être trouvé dans la difficulté de répartir équitablement des parcelles de terrain de dimensions ou de valeurs très disparates. 

Outre la nature spécifique des biens, l’hétérogénéité de l’ensemble composant l’indivision peut elle-même constituer un frein au partage en nature. Lorsque les biens diffèrent significativement par leur localisation, leur état ou leur destination, il devient difficile, sinon impossible de constituer des lots de valeur équivalente. Cette disparité, combinée à l’impossibilité de parvenir à une évaluation consensuelle, peut légitimer une licitation comme ultime recours pour garantir l’équité entre les parties (Cass. 1ère civ., 14 févr. 1962).

Enfin, le nombre d’indivisaires et l’inégalité de leurs droits accentuent les difficultés matérielles du partage. Lorsque la division des biens suppose de composer un grand nombre de lots pour satisfaire des droits successoraux complexes et souvent très inégaux, le partage en nature devient un exercice presque insurmontable, tant sur le plan pratique que logistique (Cass. 1ère civ., 28 juin 1977, n°75-12.487). 

==>Les difficultés juridiques de partage

La loi peut imposer des restrictions au partage en nature lorsque la division physique d’un bien compromet son utilité, son exploitation, ou son intégrité économique. Ces barrières légales, parfois explicites, trouvent leur justification dans des impératifs d’intérêt général ou de préservation de l’efficacité économique des biens concernés.

A cet égard, certaines catégories de biens, en raison de leur nature intrinsèque, sont insusceptible de faire l’objet d’un partage en nature. Les mines, par exemple, furent historiquement considérées comme indivisibles, car leur exploitation exige une unité structurelle pour être rentable et conforme aux normes techniques en vigueur (Cass. req., 21 avr. 1857). Cette indivisibilité découle moins d’une contrainte matérielle que de l’exigence de préserver la finalité économique du bien, en évitant une division qui rendrait son exploitation inefficace ou impossible.

De manière similaire, un terrain constructible peut devenir juridiquement insusceptible de partage lorsque son morcellement compromet l’obtention d’un permis de construire ou sa viabilité. Cette impossibilité résulte de normes d’urbanisme qui conditionnent l’utilisation d’un terrain à une superficie minimale ou à des exigences d’aménagement spécifiques (CA Nancy, 18 janv. 1989).

Les biens soumis au régime de la copropriété illustrent également cette tension entre indivisibilité et partage. Dans un immeuble d’habitation indivis, les parties communes, par définition, ne peuvent être fractionnées sans remettre en cause la structure juridique et pratique de la copropriété. La jurisprudence a affirmé que l’unité des parties communes prime sur toute tentative de division en étages ou appartements, rendant le partage en nature juridiquement incompatible avec ce régime (Cass. 1ère civ., 19 janv. 1960). Ces principes visent à garantir l’usage collectif des parties communes et à préserver la cohérence fonctionnelle du bien immobilier.

Au-delà des dispositions légales, les indivisaires peuvent eux-mêmes convenir de règles encadrant les modalités de partage. En vertu de l’article 1103 du Code civil, un accord unanime entre les indivisaires, qu’il prévoie une licitation ou un partage en nature, s’impose avec la même force qu’un contrat. Une fois signé, cet engagement lie non seulement les parties, mais aussi le juge chargé de superviser l’exécution du partage.

Ainsi, un accord visant à exclure le partage en nature doit être respecté, sauf en cas de dispositions contraires à l’ordre public ou manifestement inéquitables (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). Cette contractualisation des modalités de partage permet aux indivisaires de surmonter des situations conflictuelles ou de prévenir des litiges futurs en définissant des règles précises.

La volonté exprimée par le de cujus dans un testament peut également influer sur les modalités de partage. Par exemple, lorsqu’un legs particulier attribue un bien spécifique à un héritier, ce bien échappe au partage dès lors que la disposition respecte la limite de la quotité disponible. Ce type de disposition testamentaire peut être perçu comme une restriction à la divisibilité du bien, car il confère à un héritier un droit exclusif sur celui-ci.

Cependant, une clause testamentaire ne peut, à elle seule, empêcher une licitation si celle-ci est indispensable pour respecter les droits des autres héritiers. En cas d’impossibilité de partager équitablement un bien en nature, le juge peut être conduit à écarter une disposition testamentaire pour ordonner une vente et préserver l’équilibre patrimonial entre les cohéritiers (Cass. 1ère civ., 5 janv. 1977, n°75-15.199). 

==>Les difficultés économiques de partage

Au-delà des obstacles matériels et juridiques, des considérations économiques peuvent justifier l’impossibilité d’un partage en nature. Ainsi, certaines divisions matérielles peuvent entraîner une dépréciation substantielle des biens indivis. Un exemple classique est celui d’une exploitation agricole : son morcellement compromettrait la viabilité économique du domaine, rendant l’ensemble des parcelles moins attractif sur le marché (Cass. 1re civ., 16 oct. 1967). De manière similaire, la division d’un terrain de faible superficie peut aboutir à des lots inadaptés à une utilisation efficace, diminuant ainsi leur valeur intrinsèque (Cass. 1ère civ., 11 juin 1985, n°84-12.325). 

Une autre contrainte économique peut découler de l’incapacité à constituer des lots de valeur équivalente. Lorsque les biens indivis diffèrent considérablement par leur nature, leur localisation ou leur état, il devient impossible de composer des lots respectant l’équité entre les indivisaires sans recourir à des soultes disproportionnées. Par exemple, dans une affaire relative à un ensemble de biens immobiliers, la nécessité de prévoir des soultes trop élevées pour équilibrer les lots a conduit le juge à privilégier la licitation, considérée comme une solution plus adaptée pour garantir l’équité patrimoniale (Cass. 1re civ., 15 mai 1962).

La question des actions et parts sociales illustre parfaitement les enjeux économiques liés à la division en nature. Bien que ces biens soient techniquement divisibles, leur répartition peut entraîner une perte de contrôle ou de minorité de blocage au sein d’une société. Cela compromet non seulement la gestion de l’entreprise, mais réduit également la valeur des parts en raison de l’incertitude juridique et économique générée par une telle division. Dans une affaire emblématique, la répartition d’actions aurait menacé la stabilité de l’entreprise en remettant en cause les droits de contrôle. Le juge a alors ordonné une licitation pour préserver l’intégrité économique et les intérêts des parties (CA Paris, 2 juill. 2002).

Outre la dépréciation des biens, les coûts associés à la division peuvent également justifier une licitation. Par exemple, la division d’un immeuble en plusieurs appartements ou l’aménagement nécessaire pour rendre un bien partageable peut impliquer des dépenses considérables, rendant économiquement irrationnelle toute tentative de partage en nature (TGI Nice, 6 juill. 1962). Ces coûts peuvent inclure la création de nouvelles infrastructures, la gestion des servitudes ou encore les frais de mise aux normes, autant de facteurs susceptibles de miner la rentabilité des biens divisés.

==>Les difficultés personnelles

Enfin, les relations entre indivisaires peuvent elles-mêmes constituer un frein au partage en nature, en particulier lorsque des tensions ou des dissensions profondes altèrent toute perspective de gestion harmonieuse des biens communs. Ces conflits, qu’ils trouvent leur origine dans des différends familiaux, des ruptures conjugales ou des désaccords patrimoniaux, rendent souvent impraticable une répartition équitable des biens, tant sur le plan matériel qu’émotionnel.

Lorsqu’une indivision découle d’une séparation conjugale, par exemple, les relations tendues entre anciens partenaires peuvent transformer la cohabitation dans un bien indivis en un exercice insupportable. La gestion commune d’espaces partagés, comme une maison ou un appartement, devient rapidement source de conflits incessants, compromettant toute possibilité de coexistence pacifique. Ces situations, souvent aggravées par l’absence de dialogue ou par des griefs passés, justifient fréquemment une licitation, seule mesure apte à mettre un terme aux conflits prolongés (CA Metz, 11 mars 2010).

Les tensions ne se limitent pas aux relations conjugales. Au sein d’une famille élargie ou entre héritiers, les divergences d’intérêts ou de vision sur l’avenir des biens indivis peuvent provoquer un blocage total. L’un des indivisaires peut, par exemple, contester systématiquement les décisions relatives à l’exploitation ou à la répartition des biens, refusant de collaborer à leur entretien ou à leur valorisation. De tels comportements conflictuels paralysent l’indivision, rendant tout accord amiable illusoire et nécessitant une intervention judiciaire pour sortir de l’impasse.

Dans ces contextes, le juge joue un rôle déterminant. Chargé de garantir l’équité et de préserver la paix sociale, il est amené à ordonner une licitation lorsque les tensions rendent impossible le maintien de l’indivision ou la mise en œuvre d’un partage en nature. Une telle décision, bien que pragmatique, n’est pas dénuée de conséquences psychologiques pour les indivisaires. La vente forcée d’un bien, souvent chargé d’une forte valeur symbolique ou sentimentale, peut engendrer des sentiments de perte ou d’injustice. Il appartient donc au juge d’accompagner sa décision d’une motivation claire, exposant en quoi la licitation constitue la solution la plus adaptée pour protéger les intérêts de chacun.

3. Le régime de la licitation

3.1 Principes directeurs

==>Saisine

En vertu de l’article 840 du Code civil, la licitation judiciaire ne peut être envisagée qu’à l’occasion d’une instance en partage. À cet égard, dans le cadre de cette instance, la demande en partage est formulée à titre principal, tandis que la demande de licitation est nécessairement formulée à titre incident. 

En effet, la licitation, par sa nature subsidiaire, ne saurait être sollicitée qu’à titre incident, lorsqu’un partage en nature s’avère matériellement impraticable ou compromet l’équité entre les indivisaires. Ce dispositif met en lumière la primauté du partage en nature, qui demeure le fondement même du régime de l’indivision, tandis que la licitation, exception par essence, est rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement de sa finalité.

Le Code de procédure civile organise ainsi une interdépendance entre les demandes en partage et en licitation, la seconde ne pouvant être introduite indépendamment de la première. Dans un arrêt du 15 juin 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la demande en licitation d’un bien indivis […] ne peut être formée qu’à l’occasion d’une instance en partage judiciaire » (Cass. 1ère civ., 15 juin 2017, n°16-16.031). Fondant sa décision sur les articles 840 et 1686 du Code civil, la Haute juridiction a rappelé que la licitation, en raison de son caractère subsidiaire, ne peut exister indépendamment d’une demande principale en partage.

En l’espèce, des héritiers avaient sollicité la licitation d’un immeuble dépendant d’une succession en raison de désaccords portant sur l’attribution et l’estimation des lots. Sans qu’aucune instance en partage judiciaire n’ait été introduite, la cour d’appel avait fait droit à cette demande. La Cour de cassation a censuré cette décision, estimant que la procédure de licitation ne peut être envisagée qu’à titre incident, dans le cadre plus large d’un partage judiciaire. Elle a ainsi annulé l’arrêt de la cour d’appel au motif que celle-ci avait ordonné la licitation en violation des exigences procédurales établies par les textes. Cet arrêt illustre avec clarté que la licitation ne constitue pas une voie autonome mais bien une exception procédurale, subordonnée à la démonstration préalable de l’impossibilité ou de l’inopportunité d’un partage en nature. 

À l’analyse, ce cadre procédural poursuit une double ambition. D’une part, il consacre la primauté du partage en nature, expression de l’idéal d’égalité patrimoniale entre les indivisaires, en veillant à ce que chaque solution retenue préserve, autant que faire se peut, l’intégrité des droits de chacun. D’autre part, il encadre strictement le recours à la licitation, n’autorisant cette mesure, par essence exceptionnelle, qu’en dernier ressort, lorsqu’un partage amiable se heurte à des obstacles matériels ou juridiques insurmontables.

Toutefois, cette subordination stricte n’est pas exempte de critiques. Certains auteurs ont estimé que l’impossibilité manifeste d’un partage en nature dès l’introduction de l’instance pourrait justifier une demande en licitation à titre principal, sans compromettre pour autant l’équilibre procédural. Cette position, bien que séduisante, entre en contradiction avec la volonté du législateur de privilégier une approche prudente et graduée, afin de prévenir tout usage abusif de la licitation.

==>Compétence juridictionnelle

En premier lieu, la licitation relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire. Cette règle s’applique de manière uniforme, quelles que soient les circonstances spécifiques entourant l’indivision. Ainsi, même lorsque l’un des indivisaires est soumis à une procédure collective, le tribunal judiciaire demeure compétent pour connaître des demandes de licitation et de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145). Dans ce contexte particulier, le liquidateur, agissant non dans l’intérêt personnel du débiteur mais en qualité de représentant des créanciers, peut solliciter la licitation des biens indivis. Dans un arrêt du 28 novembre 2000, la Cour de cassation a confirmé que le liquidateur, habilité à défendre les droits des créanciers, est en mesure de provoquer une licitation dans le cadre des opérations de partage (Cass. com., 28 nov. 2000, n° 98-10.145).

En second lieu, la compétence territoriale de la juridiction qui a vocation à connaitre d’une procédure de licitation judiciaire obéit à des règles qui visent garantir à la fois proximité et efficacité dans le traitement des litiges. L’article 841 du Code civil confère ainsi compétence au tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession pour connaître des actions en partage, ainsi que des contestations qui peuvent en découler, notamment celles relatives à la licitation ou à la garantie des lots. Lorsque la licitation ne procédure pas du partage d’une indivision successorale, l’article 45 du Code de procédure civile désigne le tribunal du lieu de situation des biens indivis comme juridiction compétente.

Ce cadre territorial vise à concentrer les litiges devant une juridiction proche des biens concernés. En opérant ce choix, le législateur entend non seulement simplifier les démarches pour les parties, mais également tenir compte des spécificités matérielles et économiques propres aux biens indivis, contribuant ainsi à une gestion plus fluide et plus rapide des procédures.

Enfin, il convient de souligner que cette compétence juridictionnelle, tant d’attribution que territoriale, est d’ordre public. Dès lors, elle ne saurait être modifiée par la volonté des parties.

==>La fixation des conditions de la vente

En application de l’article 1377 du Code de procédure civile, le juge se voit confier la responsabilité de fixer les conditions particulières de la vente par adjudication dans le cadre d’une licitation, qu’il s’agisse de biens meubles ou immeubles. Ce pouvoir embrasse notamment la détermination de la mise à prix, paramètre essentiel pour garantir le bon déroulement de la procédure et prévenir toute sous-évaluation susceptible de léser les intérêts des indivisaires. Cette intervention du juge, gage d’une équité procédurale, est toutefois tempérée par la possibilité, offerte aux indivisaires capables et présents, de convenir unanimement des modalités de la licitation. Cet accord, lorsqu’il est atteint, lie le tribunal, reflétant ainsi l’importance accordée au consentement des parties dans le processus de partage.

Cette souplesse procédurale est néanmoins contrebalancée par la rigueur imposée au déroulement de la licitation. Ainsi, bien que la possibilité d’un sursis temporaire à la vente pour tenter une cession de gré à gré ait été évoquée lors des travaux préparatoires des réformes législatives, cette faculté n’a pas été retenue. Le législateur a manifestement craint qu’une telle mesure ne ralentisse inutilement les procédures, préférant privilégier une approche plus directe pour éviter des délais incompatibles avec les impératifs de gestion des indivisions.

Le cahier des charges, document structurant de la licitation, peut par ailleurs comporter des dispositions spécifiques destinées à encadrer l’attribution des biens adjugés. Parmi celles-ci figure la clause d’attribution, qui stipule que si la dernière enchère est portée par un indivisaire, celui-ci ne sera pas déclaré adjudicataire, mais se verra attribuer le bien au prix fixé par l’adjudication dans le cadre du partage à intervenir. Ce mécanisme, validé par la jurisprudence (Cass. 1ère, 7 oct. 1997, n°95-17.071), favorise une organisation rationnelle et équitable des opérations, tout en préservant les intérêts patrimoniaux des copartageants. En complément, des clauses de substitution peuvent permettre à un adjudicataire de céder son droit à un tiers désigné, offrant ainsi une flexibilité supplémentaire sans compromettre la transparence de la procédure.

==>La recherche de l’intérêt collectif

Il est de principe que toutes les décisions prises par le juge dans le cadre de la procédure de licitation doivent être guidées par la recherche de l’intérêt collectif des copartageants. Cette exigence se traduit par une double obligation pour la juridiction saisie : d’une part, le juge doit s’attacher à optimiser la valeur d’adjudication des biens indivis, gage d’une protection économique des droits des parties. D’autre part, il lui incombe de garantir une répartition équitable des fruits de la vente, en tenant compte des spécificités des biens et des situations individuelles des indivisaires.

L’optimisation de la valeur d’adjudication implique que le tribunal organise la procédure de manière à maximiser la concurrence entre les enchérisseurs. À cet égard, la rédaction du cahier des charges revêt une importance cruciale. Ce document doit non seulement préciser les caractéristiques du bien mis en vente, mais également faire état de toute information susceptible d’influencer les enchères, comme l’existence de droits locatifs ou de servitudes. Ainsi, a été consacré par la jurisprudence l’obligation de mentionner dans le cahier des charges les droits locatifs grevant un bien indivis. Dans un arrêt du 18 juin 1973, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que l’adjudicataire devait être informé des droits d’occupation existants, ces derniers influant directement sur la valeur vénale du bien et, par conséquent, sur les intérêts des indivisaires. 

Par ailleurs, la répartition équitable des fruits de la vente doit également guider les décisions prises par le juge. Celui-ci doit veiller à ce que les modalités de la licitation ne créent pas de déséquilibre injustifié entre les indivisaires. Par exemple, si un indivisaire est lui-même locataire d’un bien indivis, comme ce fut le cas dans l’affaire précitée, il ne saurait être tenu de payer la différence entre la valeur libre et la valeur occupée du bien dont il est adjudicataire. Une telle solution, validée par la Cour de cassation, reflète un souci d’équité : elle empêche qu’un indivisaire se retrouve pénalisé dans l’attribution d’un bien au détriment des autres parties.

Le rôle du tribunal ne se limite donc pas à la définition des conditions formelles de la vente. Il s’étend à une analyse fine et précise des circonstances particulières de chaque indivision, afin d’adopter les mesures les mieux adaptées à l’intérêt collectif des indivisaires. Ainsi, lorsque les biens indivis présentent des caractéristiques spécifiques – qu’il s’agisse d’un immeuble à usage mixte ou d’un terrain à forte valeur économique – le juge peut prévoir des dispositions particulières pour préserver leur rentabilité ou leur attractivité. Par exemple, en cas de licitation d’un fonds de commerce dépendant d’un immeuble indivis, il est d’usage que le cahier des charges impose à l’adjudicataire de l’immeuble de consentir un bail à l’adjudicataire du fonds, si ces deux lots ne sont pas attribués à une même personne. 

==>Les personnes admises à participer à la licitation

L’article 1378 du Code de procédure civile prévoit que « si tous les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ils peuvent décider à l’unanimité que l’adjudication se déroulera entre eux. À défaut, les tiers à l’indivision y sont toujours admis. » Il ressort de cette disposition que les enchères, dans le cadre d’une licitation, peuvent être restreintes aux seuls indivisaires.

Plus précisément, la limitation des enchères aux copartageants est envisageable lorsque tous les indivisaires remplissent simultanément plusieurs conditions : ils doivent être juridiquement capables, présents ou représentés par des mandataires disposant d’un pouvoir exprès. De surcroît, cette restriction requiert leur consentement unanime, traduisant une volonté commune d’éviter l’intervention de tiers dans la procédure. Cette faculté permet de maintenir la licitation dans une sphère strictement interne à l’indivision, tout en favorisant une résolution rapide et consensuelle du partage.

Toutefois, dès lors que l’une de ces conditions fait défaut, la procédure impose l’ouverture des enchères à des tiers. Ce mécanisme vise à prévenir tout risque de collusion ou de manœuvres entre indivisaires pouvant entraîner une adjudication à un prix injustement bas. En admettant des tiers, le législateur entend préserver l’intégrité des enchères, s’assurant que celles-ci reflètent la valeur réelle du bien mis en vente.

Cette ouverture des enchères devient obligatoire lorsque l’un des indivisaires est mineur ou incapable. Conformément à l’article 1687 du Code civil, dans une telle hypothèse, les tiers doivent impérativement être admis à participer à la licitation. Ce principe a trouvé une application dans une affaire où un indivisaire incapable s’opposait à une adjudication exclusive entre indivisaires. Le tribunal, rappelant les termes de l’article 1687, avait exigé l’ouverture des enchères aux tiers pour garantir une adjudication équitable, reflétant la valeur véritable des biens mis en vente (TGI Nantes, 27 juin 1967).

A cet égard, il peut être souligné que l’admission des tiers contribue également à maximiser la valeur d’adjudication, au bénéfice de l’ensemble des indivisaires. En augmentant le nombre de participants potentiels, cette ouverture crée une véritable dynamique compétitive lors des enchères, limitant ainsi le risque d’un prix d’adjudication trop bas. 

3.2. Règles particulières

a. La licitation des meubles

Conformément à l’article 1377 du Code de procédure civile, la licitation des meubles s’effectue dans les formes définies par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions empruntent, en matière mobilière, au régime de la vente forcée sur saisie-vente, lequel assure une publicité, une organisation et une transparence optimales des opérations. Toutefois, il convient de distinguer entre les meubles corporels, directement visés par ces textes, et les meubles incorporels, soumis à un régime spécifique.

i. La licitation des meubles corporels

==>Le lieu de la vente

En vertu de l’article R. 221-33 du Code des procédures civiles d’exécution, la détermination du lieu de la vente des meubles dans le cadre d’une licitation obéit à des critères mêlant pragmatisme et efficacité économique. La vente peut être organisée soit au lieu où se trouvent les biens, soit dans une salle des ventes ou tout autre espace public, en fonction de la situation géographique la plus adaptée à solliciter la concurrence tout en minimisant les coûts. 

La localisation des meubles constitue le premier critère à considérer. Organiser la vente sur place permet de limiter les frais de déplacement et de transport des biens, ce qui est particulièrement pertinent lorsque ceux-ci se situent dans une région densément peuplée ou facilement accessible aux enchérisseurs. Toutefois, lorsque le lieu de situation des meubles ne favorise pas une concurrence suffisante, le tribunal peut opter pour un lieu plus stratégique, tel qu’une salle des ventes située dans une zone urbaine ou à proximité d’un marché plus dynamique. Cette approche vise à maximiser le produit de la vente en attirant un nombre accru d’enchérisseurs potentiels.

Le tribunal, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, doit également tenir compte des règles encadrant la compétence territoriale des officiers ministériels chargés de la vente, conformément à l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816. Dans les communes où les commissaires-priseurs judiciaires exercent un monopole, leur intervention doit être respectée, sous peine d’irrégularité de la procédure. Ce cadre juridictionnel, bien que contraignant, garantit une cohérence dans l’organisation des ventes tout en respectant les prérogatives des professionnels habilités.

L’organisation de la vente, qu’elle soit réalisée sur place ou dans un lieu public, doit également répondre à une exigence de transparence. En choisissant des espaces accessibles et ouverts à tous les enchérisseurs, la procédure prévient tout risque de collusion ou de manipulation des enchères. Cette publicité garantit ainsi une valorisation optimale des biens tout en renforçant la confiance des parties dans le déroulement de la licitation. Le choix du lieu devient alors un élément central de la procédure, combinant efficacité économique et respect des intérêts des indivisaires.

==>L’information de la vente

  • L’information des copartageants
    • L’article R. 221-35 du CPC prévoit que les indivisaires soient informés par l’officier ministériel des lieu, jour et heure de la vente, au moins huit jours avant celle-ci. 
    • Cette notification, effectuée par lettre simple ou tout autre moyen approprié, garantit que les parties intéressées puissent assister à la vente et défendre leurs droits.
    • Il doit en être fait mention dans le certificat prévu à l’article R. 221-34 du CPCR
  • La publicité de la vente
    • L’article R. 221-34 exige que la vente soit précédée d’une publicité appropriée, réalisée au moins huit jours avant la date fixée pour l’adjudication. 
    • Cette publicité est effectuée par affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci et la nature des biens saisis.
    • Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente. 
    • La publicité obligatoire est faite à l’expiration du délai prévu au dernier alinéa de l’article R. 221-31 et huit jours au moins avant la date fixée pour la vente.
    • La vente peut également être annoncée par voie de presse.
    • L’huissier de justice doit certifier l’accomplissement des formalités de publicité.

==>Les modalités d’adjudication

  • La vérification des biens avant adjudication
    • Avant l’adjudication, l’officier ministériel chargé de la vente procède à une vérification scrupuleuse de la consistance et de la nature des biens à réaliser, conformément aux exigences de l’article R. 221-36 du Code des procédures civiles d’exécution. 
    • Cette formalité consiste à examiner les biens afin de relever tout objet manquant ou dégradé, garantissant ainsi une transparence totale sur les biens soumis aux enchères. 
    • Ce contrôle donne lieu à l’établissement d’un acte, qui constitue une pièce essentielle de la procédure et permet d’assurer la régularité de la vente.
    • Par ailleurs, l’article R. 221-12 du même code confère à l’huissier de justice la faculté de photographier les objets, si cela s’avère nécessaire. 
    • Ces photographies, conservées par l’huissier, servent de preuve objective et fiable dans l’hypothèse où une contestation surviendrait ultérieurement. 
    • Bien que leur communication soit strictement encadrée et ne puisse avoir lieu qu’en cas de litige porté devant le juge, elles renforcent la crédibilité de l’inventaire des biens, en fournissant une documentation visuelle précise.
    • Cette procédure de vérification, bien qu’historiquement liée aux risques spécifiques des saisies, trouve également sa place dans le cadre de la licitation. 
    • Elle vise à prémunir les indivisaires contre tout doute ou litige relatif à l’état des biens mis en vente. 
    • En outre, elle participe de la protection des droits des copartageants en offrant une garantie supplémentaire sur la consistance des biens à liciter.
  • Les conditions de la vente
    • En application de l’article R. 221-37, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
    • L’article R. 221-38 précise que l’adjudication est réalisée au plus offrant, après trois criées.
    • Le prix est payable comptant, et en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, l’objet est revendu sur réitération des enchères, dite “à la folle enchère”.
    • Cette règle vise à garantir la rapidité et l’efficacité des opérations tout en limitant les risques d’impayés.
  • L’établissement de l’acte de vente
    • L’article R. 221-39 prévoit qu’il doit être dressé acte de la vente. 
    • Cet acte contient la désignation des biens vendus, le montant de l’adjudication et l’énonciation déclarée des nom et prénoms des adjudicataires. 
    • Il y est annexé un extrait des inscriptions au registre mentionné à l’article R. 521-1 du code de commerce levé en application de l’article R.221-14-1.
    • Il est procédé, sur justification du paiement du prix, à la radiation des inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi.

ii. La licitation des meubles incorporels

Les biens incorporels, tels que les droits d’associé ou les valeurs mobilières, échappent au régime classique applicable aux meubles corporels, régi par les articles R. 221-33 à R. 221-39 du Code des procédures civiles d’exécution. En raison de leur nature immatérielle, la licitation de ces biens requiert un encadrement procédural spécifique, énoncé aux articles R. 233-3 à R. 233-9 du même code. Contrairement aux meubles corporels, dont la valeur repose sur leur consistance matérielle, les biens incorporels tirent leur valorisation de droits abstraits, impliquant des règles distinctes adaptées à leurs spécificités juridiques et économiques.

Cette différence de traitement se justifie par la complexité inhérente à ces actifs, qui nécessitent une évaluation préalable approfondie, des formalités de publicité appropriées et la prise en compte de mécanismes contractuels ou statutaires, tels que les droits d’agrément ou de préemption. Ces exigences garantissent la transparence des opérations, la protection des intérêts des parties et la préservation de la sécurité juridique.

Toutefois, le cadre procédural applicable à ces biens incorporels diffère selon que les valeurs mobilières concernées sont ou non admises à la négociation sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation.

==>Les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières admises à la négociation sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-3 et R. 233-4 du Code des procédures civiles d’exécution. Ces dispositions établissent un cadre procédural visant à assurer à la fois la simplicité, la rapidité et la transparence des opérations, tout en respectant les droits des débiteurs et des créanciers.

En premier lieu, l’article R. 233-3 confère au débiteur la faculté, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la saisie, de donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies. Ce délai offre une marge de manœuvre permettant au débiteur de conserver une certaine maîtrise sur la gestion de ses actifs, tout en répondant aux impératifs de la procédure. Il est précisé que « le produit de la vente est indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier ». Cette indisponibilité garantit que les créanciers bénéficient en priorité du produit de la vente, protégeant ainsi leurs droits. En cas de vente excédant les sommes nécessaires pour désintéresser les créanciers, « l’indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs mobilières saisies », restituant ainsi le solde au débiteur.

En second lieu, l’article R. 233-4 précise que, jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur conserve la possibilité d’indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières doivent être vendues. Ce pouvoir de priorisation permet d’optimiser la cession des actifs en fonction des préférences ou des contraintes économiques du débiteur. À défaut d’instruction expresse, « aucune contestation n’est recevable sur leur choix », ce qui confère à l’intermédiaire habilité une liberté d’exécution nécessaire à l’efficacité de la procédure.

Le déroulement de la procédure s’articule autour des étapes suivantes :

  • Signification de la saisie au débiteur : cette étape marque le point de départ du délai d’un mois imparti au débiteur pour donner l’ordre de vente des valeurs mobilières saisies, conformément à l’article R. 233-3.
  • Instruction de la vente par le débiteur : le débiteur peut ordonner la vente des valeurs mobilières, en précisant si nécessaire l’ordre dans lequel elles doivent être cédées, en application des articles R. 233-3 et R. 233-4.
  • Vente des valeurs mobilières : l’intermédiaire habilité procède à la vente selon les instructions du débiteur ou, à défaut, selon sa propre appréciation. Les produits de la vente sont indisponibles jusqu’à ce que les créanciers soient désintéressés.
  • Affectation des fonds : le produit de la vente est affecté prioritairement au paiement des créanciers. En cas d’excédent, le surplus est restitué au débiteur, mettant fin à l’indisponibilité.

==>Les valeurs mobilières non admises aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation

La licitation des valeurs mobilières non admises aux négociations sur des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation est régie par les articles R. 233-5 à R. 233-9 du Code des procédures civiles d’exécution. 

  • Tentative de vente amiable préalable
    • Conformément à l’article R. 233-5, la procédure débute par une tentative de vente amiable des valeurs mobilières. 
    • Si cette vente ne peut être réalisée dans les conditions prévues aux articles R. 221-30 à R. 221-32, une adjudication judiciaire est alors ordonnée. 
    • Cette étape préalable reflète une volonté de privilégier les solutions consensuelles et de réduire les coûts et les délais associés à une vente judiciaire.
  • Élaboration d’un cahier des charges
    • Avant la mise en vente, un cahier des charges doit être établi en application de l’article R. 233-6. Ce document joue un rôle central dans la procédure, car il contient :
      • Les statuts de la société concernée, afin de permettre une évaluation précise des droits mis en vente.
      • Tout document nécessaire à l’appréciation de la consistance et de la valeur des droits, garantissant ainsi la transparence des informations fournies aux enchérisseurs potentiels. 
    • Il peut être observé que les conventions instituant un agrément ou créant un droit de préférence au profit des associés ne s’imposent à l’adjudicataire que si elles figurent expressément dans le cahier des charges. 
  • Notification du cahier des charges
    • L’article R. 233-7 impose la notification du cahier des charges à la société concernée, qui doit à son tour en informer les associés.
    • Simultanément, une sommation est notifiée aux créanciers opposants, leur permettant de consulter le cahier des charges et, le cas échéant, de formuler des observations sur son contenu. 
    • Ces observations doivent être faites dans un délai de deux mois suivant la notification initiale, après quoi elles ne sont plus recevables. 
    • Ce mécanisme garantit que tous les intéressés disposent d’une opportunité équitable de participer au processus.
  • Publicité de la vente
    • Une fois le cahier des charges validé, une publicité de la vente est organisée conformément à l’article R. 233-8. 
    • Cette publicité doit indiquer les jour, heure et lieu de l’adjudication et est réalisée par voie de presse, voire par affichage si nécessaire. 
    • Elle doit être effectuée dans un délai compris entre quinze jours et un mois avant la date fixée pour la vente. 
    • Par ailleurs, le débiteur, la société et les créanciers opposants doivent être informés de cette date par notification individuelle.
  • Mise en œuvre des mécanismes conventionnels spécifiques
    • Avant l’adjudication, les mécanismes légaux ou conventionnels d’agrément, de préemption ou de substitution sont mis en œuvre conformément à l’article R. 233-9. 
    • Ces mécanismes permettent aux associés ou aux créanciers d’exercer leurs droits conformément aux statuts de la société ou aux conventions en vigueur.
  • Adjudication
    • L’adjudication elle-même suit les principes généraux des ventes judiciaires. 
    • L’adjudicataire, une fois déclaré, devient titulaire des droits incorporels cédés, sous réserve des restrictions éventuelles mentionnées dans le cahier des charges. 
    • Cette étape clôt la procédure et permet d’affecter le produit de la vente au paiement des créanciers, dans le respect des priorités établies.

b. La licitation des immeubles

L’article 1377, alinéa 2 du Code de procédure civile prévoit que « la vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 ». Ainsi, la licitation des immeubles dans le cadre d’un partage judiciaire est encadrée par des règles qui établissent un régime spécifique hérité de la tradition juridique antérieure, notamment de l’article 972 de l’ancien Code de procédure civile. Ce dernier renvoyait aux articles 953 et suivants lesquels régissaient la vente des biens immobiliers appartenant à des mineurs, reflétant déjà une volonté de protéger les intérêts des parties les plus vulnérables.

Ces dispositions, désormais modernisées, s’appliquent à la vente judiciaire des immeubles indivis, qu’ils appartiennent à des mineurs, à des majeurs en tutelle ou à plusieurs indivisaires dans le cadre d’un partage. Elles traduisent une continuité dans la recherche d’un équilibre entre la nécessité de mettre fin à l’indivision et la garantie d’une procédure équitable et sécurisée pour toutes les parties. 

i. Détermination des modalités de la vente

Conformément à l’article 1272 du Code de procédure civile, la licitation des biens immobiliers peut être réalisée soit à l’audience des criées, sous la supervision d’un juge désigné, soit devant un notaire commis à cet effet par le tribunal. Ce choix de modalité incombe au tribunal, qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire, lui permettant d’opter pour l’une ou l’autre de ces solutions en fonction des circonstances et des intérêts en présence. Ce pouvoir, largement reconnu par la jurisprudence (Cass. civ., 20 janv. 1880, DP 1880, 1, p. 161), dispense le juge de motiver sa décision quant à la désignation d’un notaire ou à la tenue des enchères au tribunal.

Toutefois, une limite s’impose à ce pouvoir discrétionnaire. Lorsque tous les indivisaires, capables et présents, s’accordent unanimement pour demander une vente devant notaire, le tribunal est tenu de respecter cette demande, y compris en ce qui concerne le choix du notaire. Cette prérogative des indivisaires s’inscrit dans une logique de respect de la volonté collective des parties et s’applique indépendamment de la complexité de la situation ou de la nature des biens concernés.

En l’absence d’accord entre les indivisaires, le tribunal conserve l’entière maîtrise des modalités de la vente. Il peut notamment désigner un ou plusieurs notaires pour superviser la licitation. Lorsqu’il commet deux notaires, sans leur attribuer de mission particulière, ces derniers doivent agir de manière concertée. Ils ne peuvent agir indépendamment l’un de l’autre, notamment pour des actes aussi fondamentaux que l’établissement du cahier des charges. Cette exigence vise à garantir une parfaite régularité des opérations.

L’absence d’un notaire dans un tel cadre ne saurait être régularisée par la seule présence de témoins. Toutefois, il a été jugé que le cahier des charges établi par un notaire unique, bien que deux notaires aient été initialement désignés, reste valable dès lors que l’autre partie et son notaire s’étaient volontairement abstenus de comparaître (CA Rennes, 10 juill. 1957).

Le tribunal conserve par ailleurs un pouvoir discrétionnaire concernant le remplacement des notaires désignés. Ainsi, en cas de décès ou d’empêchement d’un notaire, il peut nommer un autre notaire ou, s’il en a désigné plusieurs avec une hiérarchie entre eux, intervertir les rôles initialement définis (Cass. 1ère civ., 9 janv. 1979, n°76-10.880).

Le choix entre la licitation à la barre du tribunal et celle devant notaire repose souvent sur des considérations pratiques. La licitation judiciaire, en raison des garanties procédurales qu’elle offre, est généralement privilégiée lorsqu’il existe des indivisaires mineurs ou incapables. À l’inverse, la licitation devant notaire tend à être plus attractive pour les tiers enchérisseurs, notamment lorsque l’étude notariale est située à proximité du bien immobilier concerné. Ce cadre flexible permet ainsi d’adapter les modalités de la procédure à l’intérêt des indivisaires et aux spécificités de chaque dossier.

ii. Fixation des conditions de vente

Une fois la licitation des biens immobiliers ordonnée, le tribunal est chargé de fixer les conditions essentielles de la vente. Conformément à l’article 1273 du Code de procédure civile, cette prérogative intéresse principalement la détermination de la mise à prix de chaque bien concerné. Le tribunal peut également prévoir que, si aucune enchère n’atteint cette mise à prix initiale, la vente puisse s’effectuer sur une mise à prix inférieure, qu’il fixe lui-même. Ce mécanisme, souvent étagé, vise à garantir la réalisation effective de la vente tout en préservant au mieux les intérêts des indivisaires.

La mise à prix constitue un élément central de la procédure de licitation. Elle correspond au montant minimum à partir duquel les enchères peuvent débuter. Si les indivisaires, tous capables et présents, s’accordent à l’unanimité sur les conditions de la vente, ils peuvent convenir eux-mêmes de cette mise à prix et des modalités y afférentes. Cependant, en l’absence d’un tel accord, il revient au tribunal de trancher et de fixer les conditions de manière souveraine (art. 1377, al. 1er CPC).

Dans l’exercice de cette prérogative, le tribunal dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il peut, par exemple, décider que la mise à prix initiale pourra être abaissée en cas d’absence d’enchères atteignant ce montant. Ce mécanisme progressif, par paliers successifs (par exemple, un quart ou une moitié en moins), est conçu pour assurer l’attractivité de la vente tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur des biens (Cass. 1re civ., 23 juill. 1979, n°78-10.067).

Pour fixer une mise à prix réaliste et adaptée, le tribunal peut ordonner une estimation totale ou partielle des biens si leur consistance ou leur valeur le justifie (art. 1273, al. 2 CPC). Cette mesure est néanmoins facultative et relève de la seule appréciation du juge. Ainsi, le tribunal n’est pas tenu d’ordonner une expertise, même si elle est sollicitée, ni de se conformer aux conclusions du rapport d’un expert lorsqu’il en a désigné un (Cass. 1ère civ., 2 mars 1966). 

En tout état de cause, la fixation des conditions de vente par le tribunal doit reposer sur une analyse, au cas par cas, des circonstances. L’objectif est d’assurer une juste valorisation des biens indivis tout en facilitant leur réalisation lors de la vente. Cette démarche équilibrée tient compte des intérêts des indivisaires et de l’attractivité nécessaire pour susciter l’intérêt des enchérisseurs.

iii. L’établissement du cahier des charges

Le cahier des charges, pièce essentielle de la procédure de licitation, constitue le cadre juridique définissant les modalités de la vente et les engagements des parties. Prévu par l’article 1275 du Code de procédure civile, il doit être établi avec rigueur, car il devient la « loi des parties » une fois déposé. Ce document, obligatoire selon la jurisprudence (Cass. 3e civ., 27 févr. 2002, n°00-15.317), joue un rôle central en structurant les étapes de la vente, garantissant ainsi la transparence et l’équité de la procédure.

==>La rédaction du cahier des charges

Le rédacteur du cahier des charges est désigné en fonction de la modalité choisie pour la licitation :

  • Licitation à l’audience des criées : dans ce cas, l’avocat représentant le copartageant à l’origine de la procédure est chargé de la rédaction. Il lui revient de déposer le cahier des charges au greffe du tribunal, conformément aux règles procédurales applicables. Ce dépôt garantit l’accessibilité du document à toutes les parties intéressées, notamment les autres indivisaires.
  • Licitation devant notaire : lorsque la vente est confiée à un notaire commis par le tribunal, c’est à ce dernier que revient la responsabilité de rédiger le cahier des charges. Cette attribution est cohérente avec les missions du notaire en tant qu’officier public, garantissant la régularité et la sécurité juridique des opérations.

S’agissant du contenu du cahier des charges, il est déterminé par les parties lorsqu’elles parviennent à un accord unanime. À défaut d’un tel accord, il appartient au tribunal de fixer les conditions essentielles de la vente dans son jugement. Ce document doit obligatoirement comporter les éléments suivants :

  • Le jugement ayant ordonné la vente : cette mention permet d’identifier précisément la base légale et la décision judiciaire ayant autorisé la licitation.
  • La description détaillée des biens à vendre : le cahier des charges doit fournir une description précise et exhaustive des biens concernés, y compris leur nature, leur situation géographique et, le cas échéant, leur état locatif. Cette exigence vise à garantir que les enchérisseurs potentiels disposent de toutes les informations nécessaires pour évaluer les biens et formuler des offres éclairées.
  • La mise à prix et les conditions essentielles de la vente : le document doit préciser le montant de la mise à prix fixé par le tribunal ou convenu par les parties, ainsi que les modalités de l’adjudication. Ces conditions incluent notamment les délais de paiement et les éventuelles garanties exigées des enchérisseurs.
  • Vente d’un fonds de commerce : lorsque la vente porte sur un fonds de commerce, le cahier des charges spécifie la nature et la situation tant du fonds que des divers éléments qui le composent, ainsi que les obligations qui seront imposées à l’acquéreur, notamment quant aux marchandises qui garnissent le fonds.

==>La mie à disposition du cahier des charges

Une fois rédigé, le cahier des charges devient un élément essentiel de la procédure de licitation, car il formalise les conditions de vente et sert de référence pour toutes les parties impliquées. Sa mise à disposition est encadrée de manière à garantir une transparence totale et à permettre aux indivisaires, ainsi qu’à tout tiers intéressé, de participer efficacement à la procédure.

Le mode de dépôt ou de mise à disposition du cahier des charges dépend de la modalité de licitation choisie :

  • Dans le cadre d’une licitation à la barre : lorsque la vente a lieu à l’audience des criées, le cahier des charges est déposé au greffe du tribunal. Ce dépôt revêt une importance particulière, car il permet à toutes les parties concernées de prendre connaissance des termes de la vente avant que les enchères ne soient réalisées. Il garantit ainsi l’équité procédurale en offrant à chaque indivisaire une possibilité d’examen des conditions fixées.
  • Dans le cadre d’une licitation devant notaire : lorsque la vente est organisée par un notaire, le cahier des charges est tenu à disposition dans l’étude notariale. Cette modalité, plus flexible, permet une consultation directe par les indivisaires ou par les tiers intéressés, qui peuvent se rendre chez le notaire pour en prendre connaissance. Cela est particulièrement avantageux lorsque le notaire est situé à proximité des biens à vendre, facilitant ainsi l’accès à l’information pour les personnes concernées.

Dans les deux cas, l’objectif de cette mise à disposition est de garantir une information complète et accessible, tout en permettant aux parties de préparer leur éventuelle participation aux enchères ou d’émettre des observations sur le contenu du cahier des charges.

Historiquement, l’ancien article 973 du Code de procédure civile imposait une sommation formelle aux copartageants de prendre connaissance du cahier des charges dans un délai de huit jours suivant son dépôt. Cette disposition visait à instituer une procédure rigoureuse, offrant un cadre temporel précis pour s’assurer que chaque partie avait été informée des conditions de la vente et pouvait, en cas de désaccord, soulever des observations ou contestations.

En cas de difficulté ou de litige concernant le cahier des charges, les contestations étaient réglées à l’audience, permettant au tribunal d’intervenir pour trancher les désaccords. Cette procédure renforçait la sécurité juridique et offrait une voie directe de résolution des différends avant la tenue des enchères.

Cependant, cette exigence de sommation formelle n’a pas été reprise dans les textes actuels. Son absence a été critiquée, car elle laisse une zone d’incertitude quant à la manière dont les parties doivent être informées. En pratique, cette lacune impose désormais aux tribunaux une responsabilité accrue pour s’assurer que les indivisaires et les autres parties intéressées soient dûment informés et disposent d’une possibilité effective de consultation.

Bien que les textes actuels ne prévoient plus de sommation formelle, la nécessité d’informer les parties reste une exigence implicite. Les juridictions, en particulier dans le cadre des licitations à la barre, veillent à ce que les copartageants soient informés de la mise à disposition du cahier des charges et disposent d’un délai raisonnable pour en prendre connaissance.

Il est souvent palier à ce silence textuel par les pratiques notariales ou judiciaires. Les notaires, par exemple, adoptent des mesures pratiques pour garantir l’accessibilité du cahier des charges, notamment en informant directement les indivisaires ou en utilisant des moyens de communication modernes comme les courriers électroniques. De même, les greffes des tribunaux facilitent la consultation des documents déposés.

Le cahier des charges, en plus de constituer un cadre pour la vente, permet aux indivisaires et aux tiers intéressés d’exercer pleinement leurs droits. Sa consultation préalable est cruciale pour que les parties puissent :

  • Vérifier les conditions de la vente et la mise à prix fixée ;
  • Identifier les éventuelles erreurs ou omissions dans la description des biens ;
  • Proposer des rectifications ou formuler des observations avant l’enchère.

Les éventuels désaccords ou observations des parties peuvent être soumis au tribunal ou au notaire, selon la modalité de licitation choisie, avant la finalisation de la vente. Ainsi, le cahier des charges joue un rôle non seulement informatif, mais également participatif, en permettant aux parties de contribuer au bon déroulement de la procédure.

==>La force obligatoire du cahier des charges

Il est admis que le cahier des charges s’analyse comme une véritable offre de vente formulée aux conditions qu’il définit, son acceptation par l’adjudicataire entraînant la formation du contrat (art. 1103 C. civ.). Ce document, qui fixe les règles et conditions essentielles de la vente, tient ainsi lieu de « loi aux parties » et ne peut être modifié unilatéralement après son dépôt.

En effet, une fois déposé au greffe ou tenu à disposition dans l’étude notariale, le cahier des charges acquiert une force obligatoire. En conséquence, aucun copartageant ne peut le modifier de manière unilatérale. Cette règle a été consacrée par la jurisprudence, qui a affirmé que toute tentative de modification sans l’accord des autres parties est nulle et non avenue (Cass. 1re civ., 27 janv. 1998, n°95-15.296). 

Toutefois, avant qu’il ne devienne définitif, le cahier des charges n’est qu’un projet, soumis à l’approbation des indivisaires. Cette étape préliminaire permet aux parties de proposer des rectifications légitimes, lesquelles doivent être intégrées, sous réserve d’un consensus. En cas de désaccord persistant entre les indivisaires, ces rectifications peuvent être soumises à l’appréciation du tribunal, qui tranchera la question.

Le notaire ou l’avocat chargé de la rédaction du cahier des charges agit comme mandataire des parties. À ce titre, il doit prendre en considération la volonté collective des indivisaires et veiller à exprimer fidèlement leurs intérêts communs. Bien qu’il dispose d’une certaine autonomie dans la rédaction du document, il a l’obligation d’accueillir favorablement toute demande de modification justifiée par l’un des indivisaires et de consulter les autres parties sur ces propositions.

Ce rôle de mandataire implique également une responsabilité en cas d’omission ou d’erreur dans le cahier des charges. Si le rédacteur néglige de prendre en compte des observations légitimes ou ne respecte pas les exigences légales, les parties concernées peuvent solliciter une révision du document ou engager sa responsabilité.

La jurisprudence, notamment par un arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 1972, a rappelé qu’il est possible, même après qu’une décision irrévocable a ordonné une licitation, de demander la stipulation d’une clause dans le cahier des charges, sous réserve que cette demande ne porte pas sur un point ayant acquis l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 25 oct. 1972, n°71-11.018).

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait rejeté une demande d’ajout d’une clause d’attribution préférentielle d’une villa au motif qu’un arrêt antérieur, devenu irrévocable, avait ordonné une licitation « pure et simple ». Toutefois, la Cour de cassation a censuré cette position en considérant que l’arrêt antérieur n’avait pas statué sur la question de l’attribution préférentielle et ne pouvait donc avoir autorité de chose jugée sur ce point. Elle a précisé que l’autorité de la chose jugée ne s’applique qu’aux éléments expressément tranchés par la décision initiale, laissant ainsi la possibilité d’adapter le cahier des charges à des éléments non réglés dans le jugement de licitation.

Cette souplesse dans l’élaboration ou la modification du cahier des charges est toutefois encadrée par des limites strictes. Une fois la licitation réalisée, les possibilités de modification deviennent considérablement réduites. Par exemple, une clause stipulée au profit d’un indivisaire mais non approuvée par les autres copartageants ne peut leur être imposée. Cette position a été clairement établie par la jurisprudence (Cass. Com., 4 févr. 1970, n° 68-11.811).

En outre, une « déclaration d’adjudicataire » déposée après l’adjudication, sans être reprise dans le cahier des charges, est considérée comme nulle. La Cour de cassation, dans un arrêt du 27 janvier 1998 a fermement rappelé que le cahier des charges fait la loi des parties (Cass. 1ère civ. 1re, 27 janv. 1998, n°95-15.296). En l’espèce, une déclaration déposée postérieurement à l’adjudication, par laquelle certains indivisaires tentaient de modifier les modalités de la vente pour prévoir une attribution à titre de partage et non de licitation, n’a pas été reconnue comme valable.

La Haute juridiction a souligné que le cahier des charges, qui fixe les conditions essentielles de la vente, est un document juridiquement contraignant. Une fois adopté, il constitue un cadre immuable qui ne peut être modifié que dans les formes prévues par la procédure. La « déclaration d’adjudicataire » en question, déposée après l’adjudication, n’ayant pas été reprise dans le cahier des charges avant cette dernière, n’avait donc aucune valeur juridique et ne pouvait être opposée ni aux autres indivisaires ni au nouvel adjudicataire.

En refusant de donner effet à cette déclaration tardive, la Cour de cassation a réaffirmé non seulement la force obligatoire du cahier des charges, mais également l’exigence de rigueur et de sécurité juridique qui préside à la procédure de licitation. En effet, permettre de telles modifications après coup compromettrait l’équité entre les parties et ouvrirait la voie à des contestations pouvant déstabiliser le processus de vente.

Ainsi, cette solution, protectrice des droits des parties, garantit que les termes de la vente restent inchangés après leur adoption, conformément au principe de force obligatoire des conventions (art. 1103 C. civ.). En l’absence de toute stipulation préalable dans le cahier des charges, une déclaration postérieure ne saurait avoir d’effet juridique, quel que soit son contenu ou les intentions des parties concernées.

==>Les clauses spécifiques du cahier des charges

Le cahier des charges peut comporter des clauses spécifiques destinées à encadrer la procédure et à clarifier les droits des parties. Parmi celles-ci, deux clauses méritent une attention particulière : la clause de substitution et la mention relative à l’état locatif des biens.

  • La clause de substitution
    • La clause de substitution permet à un indivisaire de se substituer à l’adjudicataire tiers dans un délai déterminé, sous réserve des conditions précisées dans le cahier des charges. 
    • Cette clause, parfaitement licite au regard de l’article 1102 du Code civil, s’analyse en un prolongement des droits de substitution déjà prévus par l’article 815-15 du Code civil. 
    • Tandis que ce dernier s’applique uniquement lorsque l’adjudication porte sur les droits indivis d’un indivisaire, la clause stipulée dans le cahier des charges peut élargir ce droit à l’ensemble des biens indivis.
    • La jurisprudence a confirmé la validité de cette clause, en précisant qu’elle doit figurer dans le cahier des charges pour produire ses effets. 
    • Ainsi, dans un arrêt du 17 mars 2010, il a été jugé par la Cour de cassation que « le cahier des charges faisant la loi des parties à l’adjudication », une clause de substitution figurant dans celui-ci est parfaitement valable (Cass. 1ère civ., 17 mars 2010, n°08-21.554). 
    • A cet égard, lorsque plusieurs indivisaires invoquent la clause, la substitution est accordée à celui qui en fait la demande en premier, conformément au principe prior tempore potior jure (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1997, n°95-17.071).
    • Enfin, le cahier des charges peut exiger le dépôt préalable du prix d’adjudication par l’indivisaire souhaitant exercer la substitution (Cass. 2e civ., 6 oct. 1993, n°90-18.590). 
    • Cette condition vise à prévenir toute contestation ultérieure et à garantir la sécurité de la transaction.
  • La mention relative à l’état locatif des biens
    • Le cahier des charges doit également comporter une mention sur l’état locatif des biens, en application de l’article 1112-1 du Code civil. 
    • Cette obligation d’information permet à l’adjudicataire de connaître l’existence éventuelle de baux en cours, ceux-ci étant opposables, même s’ils ont été conclus par un seul des indivisaires (Cass. 1ère civ., 19 mars 1991, n°89-20.352).
    • La jurisprudence a fermement établi qu’un bail régulièrement consenti par un indivisaire engage l’adjudicataire, lequel devra le respecter (Cass. 1ère civ., 18 juin 1973, n° 72-11.239).
    • En revanche, si un doute persiste quant aux droits du locataire, notamment en cas de contentieux en cours, une mention explicative doit figurer dans le cahier des charges (Cass. 2e civ., 13 nov. 1959).
    • Par ailleurs, l’absence d’une telle mention dans le cahier des charges pourrait engager la responsabilité du rédacteur si elle entraîne un préjudice pour l’adjudicataire. 
    • Toutefois, cette responsabilité ne saurait être retenue si l’adjudicataire avait connaissance de l’existence du bail (Cass. 1ère civ., 26 nov. 1996, n°94-20.334).

iv. La publicité de la vente

La publicité de la vente est une étape importante de la procédure de licitation, car elle vise à garantir à la fois la transparence et une concurrence loyale entre les enchérisseurs potentiels. Elle est encadrée par l’article 1274 du Code de procédure civile, qui confère au tribunal la mission de déterminer les modalités de cette publicité en tenant compte de trois critères : la valeur, la nature et la situation des biens concernés.

==>Les critères d’appréciation du juge

Le tribunal exerce un pouvoir discrétionnaire pour adapter les modalités de publicité aux spécificités du bien à vendre. Ainsi, il doit tenir compte : 

  • De la valeur du bien : un bien immobilier de grande valeur peut nécessiter une publicité plus large, par exemple au niveau national, afin d’attirer des acquéreurs disposant des ressources nécessaires. À l’inverse, pour un bien de moindre valeur, une publicité locale peut suffire.
  • De la nature du bien : un immeuble résidentiel, un local commercial ou un terrain nu n’attireront pas le même type d’enchérisseurs. Le choix des supports publicitaires doit donc être adapté au public cible.
  • De la situation géographique des biens : les biens situés dans des zones rurales, moins fréquentées, peuvent nécessiter une publicité étendue pour compenser leur faible visibilité locale, tandis que les biens situés en centre-ville peuvent bénéficier d’une couverture plus ciblée.

==>Les formes de publicité

En pratique, la publicité prend des formes variées, définies en fonction des critères précités et des usages locaux. 

Elle inclut généralement :

  • Des annonces dans des journaux : les annonces légales publiées dans des journaux spécialisés ou locaux constituent une méthode classique de publicité. Ces annonces doivent préciser les informations essentielles, telles que la description du bien, la mise à prix, la date et le lieu de l’adjudication.
  • Des affiches : l’apposition d’affiches sur les lieux du bien est également une méthode fréquente, permettant d’informer les riverains et les passants.
  • D’autres moyens adaptés : le tribunal peut également prescrire l’utilisation de supports numériques, comme des annonces sur des sites spécialisés dans les ventes immobilières, ou encore des campagnes de diffusion via des agences immobilières.

==>Finalité de la publicité

La principale finalité de la publicité est de garantir une information large et accessible, afin d’attirer un maximum d’enchérisseurs potentiels. Cette mise en concurrence permet de maximiser le prix obtenu lors de la vente, ce qui est dans l’intérêt des indivisaires. En outre, la publicité renforce la transparence de la procédure, en minimisant les risques de contestation liés à un manque d’information.

==>Contrôle des mesures de publicité

Le tribunal joue un rôle central dans le contrôle de la publicité. Il peut, si nécessaire, exiger des preuves de la réalisation des mesures publicitaires prescrites, comme des attestations de publication ou des photographies des affiches apposées. 

En cas de manquement aux modalités fixées, la procédure de vente pourrait être annulée, mettant en jeu la responsabilité du rédacteur du cahier des charges ou des officiers publics impliqués.

v. L’information des indivisaires

L’article 1276 du Code de procédure civile institue une obligation d’informer les indivisaires de la vente d’un bien indivis au moins un mois avant la réalisation de cette dernière. 

Cette notification de la vente aux indivisaires conditionne la régularité de la procédure. Elle vise à garantir que chaque indivisaire, qu’il soit présent ou absent, puisse prendre connaissance de l’opération envisagée et exercer ses droits, notamment celui de contester ou d’intervenir dans la procédure. En effet, la vente d’un bien indivis affecte directement les droits patrimoniaux des indivisaires, qui détiennent chacun une quote-part dans l’indivision.

Le délai d’un mois prévu par l’article 1276 constitue un minimum légal, permettant à chaque indivisaire de disposer du temps nécessaire pour évaluer l’opération, solliciter des conseils juridiques ou formuler d’éventuelles observations. Ce délai doit être strictement respecté, sous peine de nullité de la procédure.

Le soin de notifier la vente aux indivisaires incombe au rédacteur du cahier des charges, généralement un notaire ou un avocat désigné dans le cadre de la procédure. Ce professionnel a une mission essentielle : veiller à ce que tous les indivisaires, sans exception, soient informés de manière claire et précise. Cette notification doit mentionner les éléments suivants :

  • La date et le lieu de la vente ;
  • Les modalités de cette dernière (vente amiable ou vente judiciaire) ;
  • Les informations relatives au bien vendu (descriptif, mise à prix, etc.) ;
  • Les droits dont disposent les indivisaires, notamment la possibilité d’en contester les conditions.

Le rédacteur du cahier des charges doit s’assurer que la notification soit effectuée par un moyen permettant d’en garantir la réception, par exemple par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte d’huissier. En cas de difficulté, notamment en cas d’indivisaires introuvables ou absents, le professionnel peut solliciter l’autorisation du juge afin de procéder à une notification par voie de publication ou par tout autre moyen adapté.

L’absence ou l’insuffisance de la notification peut entraîner de lourdes conséquences juridiques. En cas de non-respect de cette obligation, l’indivisaire lésé dispose d’un recours en annulation de la vente. La jurisprudence est constante sur ce point, estimant que toute atteinte aux droits procéduraux des indivisaires constitue une irrégularité substantielle.

En outre, l’absence de notification peut également engager la responsabilité civile du rédacteur du cahier des charges, si ce manquement cause un préjudice aux indivisaires. Par exemple, si la vente est annulée en raison de cette irrégularité, les frais supplémentaires engagés pourront être réclamés au professionnel défaillant.

Dans les situations où les indivisaires sont en conflit ou en cas de difficulté particulière dans la gestion de l’indivision, cette obligation d’information revêt une importance particulière. Elle permet d’éviter que certains indivisaires ne soient écartés des décisions importantes et garantit que la vente s’effectue dans des conditions transparentes et conformes aux règles légales.

vi. La procédure d’adjudication

L’adjudication d’un bien indivis, qu’elle soit réalisée à la barre du tribunal ou devant un notaire, constitue une étape cruciale du processus de vente. Régie par les articles 1277 et 1278 du Code de procédure civile ainsi que par les dispositions spécifiques du Code des procédures civiles d’exécution, cette phase requiert un respect rigoureux des règles de publicité et des formalités prescrites. Ces règles, empruntées à la saisie immobilière, visent à garantir la transparence et l’équité de la procédure tout en protégeant les intérêts des parties concernées.

==>Les règles générales d’adjudication

  • Les modalités d’adjudication
    • L’adjudication se tient selon les modalités fixées par le tribunal dans le cadre de la vente en indivision. Elle peut se dérouler dans deux contextes distincts :
      • À l’audience des criées : les enchères doivent être portées par le ministère d’un avocat, conformément à l’article R. 322-40 du Code des procédures civiles d’exécution. L’avocat, en sa qualité de mandataire de l’acheteur, ne peut être porteur que d’un seul mandat, ce qui garantit l’intégrité et l’indépendance de la procédure.
      • Devant un notaire : dans ce cas, les enchères peuvent être reçues directement par ce dernier, sans que le recours au ministère d’un avocat soit requis (CPC, art. 1278, al. 2). Ce mécanisme vise à simplifier la procédure tout en assurant la sécurité juridique grâce à l’intervention d’un officier public.
  • La capacité des enchérisseurs
    • L’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) établit des restrictions quant aux personnes pouvant participer aux enchères publiques lors d’une procédure d’adjudication. 
    • Ces restrictions visent à prévenir les conflits d’intérêts, à protéger l’intégrité de la procédure et à maintenir la confiance des parties impliquées et du public dans la transparence des opérations.
    • Au nombre des personnes frappées d’une encapacité de participer aux enchères figurent :
      • Le débiteur saisi
        • Le débiteur saisi est interdit de participer aux enchères, que ce soit directement ou par personne interposée. 
        • Cette interdiction s’applique essentiellement dans le cadre des ventes sur saisie immobilière mais peut être étendue par analogie aux ventes en licitation judiciaire lorsqu’un indivisaire demande la vente.
        • Cette incapacité vise à éviter que le débiteur, tenu de vendre ses biens pour apurer ses dettes ou régler une situation d’indivision, ne puisse racheter son propre bien pour échapper à l’obligation de paiement.
        • Une telle participation compromettrait la finalité de la procédure, qui est d’organiser une redistribution équitable du produit de la vente entre créanciers ou indivisaires.
      • Les auxiliaires de justice ayant participé à la procédure
        • Les auxiliaires de justice étant intervenu dans la procédure à un quelconque titre (avocats, notaires, huissiers, ou même mandataires judiciaires) sont également frappés d’une incapacité de participer aux enchères.
        • Cette interdiction s’explique par leur rôle central dans le bon déroulement de la procédure : ces professionnels doivent garantir l’impartialité et l’équilibre entre les parties.
        • Une participation de leur part serait perçue comme contraire à leur obligation de neutralité et pourrait engendrer des soupçons de conflit d’intérêts ou de favoritisme.
        • Exemple : un avocat qui a rédigé le cahier des charges ou représenté une des parties dans la procédure pourrait être accusé d’avoir utilisé ses connaissances privilégiées pour influencer ou manipuler le processus.
      • Les magistrats de la juridiction ayant ordonné la vente
        • Les magistrats ayant pris part à la juridiction où la vente a été ordonnée ou supervisée sont également exclus des enchères.
        • Cette incapacité découle directement des principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité de la justice.
        • Permettre à un magistrat de participer aux enchères soulèverait des doutes sur la légitimité des décisions rendues, notamment en cas de fixation d’une mise à prix jugée favorable ou d’autres conditions de vente.
    • La participation d’une personne frappée d’incapacité peut entraîner des conséquences importantes :
        • Nullité de l’enchère et de l’adjudication : toute enchère portée par une personne incapable est frappée de nullité (articles R. 322-48 et R. 322-49 du CPCE).
        • Responsabilité disciplinaire ou pénale : Pour les auxiliaires de justice ou magistrats, une telle participation pourrait donner lieu à des poursuites disciplinaires pour manquement à leurs obligations professionnelles, voire à des sanctions pénales en cas de collusion ou d’abus de fonction.
  • La représentation des enchérisseurs
    • La représentation des enchérisseurs lors d’une adjudication diffère selon que la procédure se déroule devant le tribunal ou devant un notaire. 
      • Ministère obligatoire d’un avocat devant le tribunal
        • Lorsqu’une adjudication se déroule à la barre du tribunal, les enchères doivent obligatoirement être portées par le ministère d’un avocat inscrit au barreau du tribunal judiciaire compétent. Cette obligation poursuit plusieurs objectifs essentiels :
          • Garantir la sécurité juridique : l’avocat, en tant que professionnel du droit, maîtrise les règles de la procédure et peut éviter à son mandant des erreurs susceptibles d’entraîner la nullité des enchères ou des contestations.
          • Assurer la transparence et l’équité de la procédure : en n’autorisant qu’un avocat par enchérisseur, le législateur prévient tout conflit d’intérêts ou stratégie dilatoire. En effet, l’article R. 322-40 du CPCE stipule que l’avocat ne peut représenter qu’un seul client, ce qui garantit l’impartialité des enchères.
          • Encadrer les garanties financières : avant de porter une enchère, l’avocat doit se faire remettre par son client une caution bancaire ou un chèque de banque couvrant au moins 10 % de la mise à prix, conformément à l’article R. 322-41 du CPCE.
        • Cette garantie vise à éviter que des enchères soient portées par des personnes insolvables.
        • L’avocat agit en qualité de mandataire exclusif de l’enchérisseur.
        • A cet égard, il est responsable de vérifier que son mandant respecte les exigences de capacité (articles R. 322-39 et R. 322-41-1 du CPCE) et qu’il dispose des moyens financiers nécessaires.
        • À l’issue de l’audience, il déclare au greffier l’identité de son mandant et fournit les documents requis, notamment les attestations de capacité ou de garanties financières (article R. 322-46 du CPCE).
      • Dispense de représentation par avocat devant le notaire
        • En application de l’article 1278, alinéa 2, du Code de procédure civile, les enchères portées devant un notaire ne nécessitent pas le ministère d’un avocat. 
        • La raison en est que les enchères devant un notaire sont souvent moins formelles que celles organisées par un tribunal.
        • Par ailleurs, en tant qu’officier public, le notaire est lui-même garant de la sécurité juridique et peut remplir certaines fonctions qu’un avocat aurait assumées devant le tribunal.
        • En outre, lorsqu’une licitation judiciaire est organisée devant un notaire, les participants sont souvent limités aux indivisaires ou à des tiers connus, ce qui réduit le risque de contentieux.
        • Bien que le ministère d’avocat ne soit pas obligatoire, le notaire doit veiller à l’application des règles essentielles, notamment :
          • Le respect des dispositions prévues dans le cahier des charges.
          • Le respect des garanties financières prévues à l’article R. 322-41 du CPCE ;
          • L’application des règles d’incapacité posées par l’article R. 322-39 du CPCE, excluant notamment les magistrats et auxiliaires de justice impliqués dans la procédure.
        • Enfin, c’est au notaire, qu’il incombe de rédiger le procès-verbal d’adjudication, qui constitue la base du titre de propriété.

==>Déroulement de l’audience d’adjudication

L’audience d’adjudication est le moment décisif de la procédure, où les enchères sont portées publiquement afin de déterminer l’adjudicataire final du bien indivis. Elle est encadrée par des règles strictes prévues par le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), afin de garantir la transparence, l’équité et la sécurité juridique des opérations. L’audience se déroule en plusieurs phases :

  • Ouverture des enchères
    • Annonce des frais
      • conformément à l’article R. 322-42 du CPCE, le juge ouvre les enchères en commençant par annoncer publiquement les frais liés à la procédure, notamment :
        • Les frais de poursuite, engagés par le créancier poursuivant pour mener à bien la procédure.
        • Les frais de surenchère, si applicable, justifiés par le surenchérisseur éventuel.
      • Cette étape garantit que l’ensemble des participants soit informé des coûts qui s’ajouteront au prix d’adjudication.
      • Toute somme exigée au-delà des frais annoncés est réputée non écrite.
    • Rappel du montant de la mise à prix
      • Ensuite, le juge rappelle que les enchères partiront du montant de la mise à prix, tel que fixé dans le cahier des charges ou par une décision judiciaire (article R. 322-43 du CPCE).
      • La mise à prix est le montant minimal en dessous duquel aucune enchère ne peut être validée, sauf en cas de remise en vente à prix réduit (prévue par l’article R. 322-47 du CPCE).
      • Ce rappel par le juge vise à garantir que les enchères débutent sur une base claire et connue de tous les participants.
      • Cette étape marque l’ouverture officielle des enchères et donne le cadre dans lequel elles se dérouleront.
  • Port des enchères
    • Le port des enchères suit des règles strictes, destinées à garantir l’équité entre les participants et à permettre une progression ordonnée des offres.
      • Des enchères pures et simples (article R. 322-44 du CPCE)
        • Les enchères doivent être pures et simples, c’est-à-dire :
          • Sans condition ni réserve : Chaque enchère est définitive et engage immédiatement celui qui la porte.
          • Progression obligatoire : Chaque enchère doit couvrir l’enchère précédente, ce qui exclut les offres inférieures ou égales à la dernière enchère.
        • Ce principe assure une montée progressive des offres et empêche tout blocage ou stratégie dilatoire de la part des participants.
      • Temps limite pour les enchères (article R. 322-45 du CPCE)
        • Les enchères sont arrêtées dès lors qu’un délai de 90 secondes s’écoule sans qu’aucune nouvelle enchère ne soit portée.
        • Ce délai est mesuré par un système visuel ou sonore, qui signale au public chaque seconde écoulée.
        • Ce mécanisme évite les hésitations prolongées et favorise un déroulement fluide de l’audience.
        • Ce temps limite est particulièrement utile pour clôturer les enchères dans un cadre clair, en laissant une opportunité raisonnable aux participants de se manifester sans prolonger inutilement la procédure.
  • Constatation de l’adjudication
    • Une fois les enchères arrêtées, le juge constate immédiatement le montant de la dernière enchère et en tire les conséquences juridiques :
      • Si la dernière enchère atteint ou dépasse la mise à prix, l’adjudication est définitive. 
      • Dans le cas contraire, une adjudication provisoire peut être prononcée en attendant une éventuelle nouvelle audience, conformément à l’article 1277 du Code de procédure civile.
      • Le juge établit un procès-verbal d’adjudication, qui formalise le transfert du bien à l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
      • Ce procès-verbal servira de base pour la délivrance du titre de propriété (article R. 322-59 du CPCE).

==>Conséquences de l’adjudication

L’adjudication, point culminant de la vente aux enchères, peut être qualifiée de définitive ou provisoire selon que l’enchère atteint ou non le montant de la mise à prix fixée. Chaque qualification, encadrée par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) et du Code de procédure civile, emporte des conséquences juridiques et pratiques distinctes.

  • L’enchère atteint le montant de la mise à prix : l’adjudication définitive
    • L’adjudication est qualifiée de définitive dès lors que l’enchère couvre ou dépasse le montant fixé comme mise à prix dans le cahier des charges ou par décision judiciaire. 
    • Conformément à l’article R. 322-45 du CPCE, le juge constate immédiatement cette adjudication, ce qui engage irrévocablement l’enchérisseur déclaré adjudicataire.
    • L’adjudication définitive emporte des effets juridiques majeurs. 
    • Elle entraîne d’abord le transfert de propriété au bénéfice de l’adjudicataire, sous réserve du paiement intégral du prix d’adjudication et des frais taxés. 
    • Ce transfert de propriété est juridiquement certain et opposable aux tiers dès la prononciation du jugement d’adjudication. 
    • Ainsi, l’adjudication garantit aux créanciers ou indivisaires que le bien a été vendu à un prix conforme aux attentes, qu’il s’agisse de la mise à prix initiale ou des conditions du marché.
    • L’adjudicataire a également l’obligation de s’acquitter du prix et des frais dans les délais prescrits par la loi. 
    • En cas de défaillance, il s’expose à une réitération des enchères, assortie de sanctions financières, conformément à l’article R. 322-66 du CPCE. 
    • Ce mécanisme vise à protéger les intérêts des créanciers ou indivisaires en assurant que l’adjudication atteigne son objectif final.
  • L’enchère n’atteint pas le montant de la mise à prix : l’adjudication provisoire ou la remise en vente
    • Lorsque les enchères ne permettent pas de couvrir la mise à prix fixée dans le cahier des charges ou par décision judiciaire, la procédure prévoit deux issues distinctes : la remise en vente immédiate ou l’adjudication provisoire.
      • La remise en vente immédiate bien (article R. 322-47 du CPCE)
        • Si aucune enchère ne parvient à couvrir le montant de la mise à prix initiale, le juge peut prévoir, dès l’établissement du cahier des charges, une remise en vente immédiate du bien.
        • La remise en vente immédiate repose sur un mécanisme de réduction successive de la mise à prix. 
        • Le montant de la mise à prix peut être progressivement diminué par paliers, afin d’accroître les chances de susciter l’intérêt des enchérisseurs. 
        • Ce processus se poursuit jusqu’à ce qu’une enchère soit portée ou, à défaut, jusqu’au montant minimal prévu dans le cahier des charges.
        • Cette nouvelle mise en vente est organisée dans les mêmes conditions de publicité et de transparence que l’adjudication initiale. 
        • Les formalités légales de publicité doivent être respectées pour garantir que les nouvelles conditions de la vente soient portées à la connaissance de tous les participants potentiels, assurant ainsi l’équité de la procédure.
        • L’objectif principal de la remise en vente est d’éviter une situation de blocage qui pourrait compromettre la vente.
        • En procédant ainsi, le juge maximise les opportunités de trouver un acquéreur tout en préservant les intérêts économiques des indivisaires ou des créanciers concernés.
      • Adjudication provisoire (article 1277 du Code de procédure civile)
        • Si le cahier des charges ou la décision du juge n’autorise pas une remise en vente immédiate, une adjudication provisoire peut être prononcée au profit de l’enchérisseur ayant formulé l’offre la plus élevée, même si cette dernière reste inférieure au montant de la mise à prix.
        • Contrairement à l’adjudication définitive, l’adjudication provisoire n’emporte pas de transfert immédiat de propriété. 
        • Elle confère à l’adjudicataire un droit conditionnel, subordonné à une validation ultérieure par le tribunal. Cette situation permet de temporiser, tout en maintenant la procédure ouverte.
        • Le rôle du tribunal, tel que prévu à l’article 1277, alinéa 2, du Code de procédure civile, est central dans cette configuration.
        • Une fois saisi à la requête d’une partie intéressée, qu’il s’agisse d’un indivisaire ou d’un créancier, le tribunal dispose de deux options :
          • Valider l’adjudication provisoire : si les conditions sont jugées acceptables, l’adjudication provisoire devient définitive. La propriété est alors transférée à l’adjudicataire sous réserve du paiement du prix et des frais.
          • Ordonner une nouvelle vente : si le tribunal estime que l’adjudication provisoire ne permet pas de satisfaire les intérêts des parties, notamment en raison d’un prix insuffisant, il peut décider de procéder à une nouvelle adjudication. Cette nouvelle vente doit être organisée dans un délai minimum de 15 jours. Elle implique une nouvelle mise à prix, adaptée à la situation, ainsi que des formalités de publicité conformes aux exigences légales pour assurer une transparence optimale.

==>Jugement d’adjudication et titre de vente

  • La fonction du jugement d’adjudication
    • Le jugement d’adjudication constitue l’acte juridique par excellence constatant le transfert de propriété du bien vendu aux enchères. 
    • Cet acte, établi par le juge ayant supervisé la procédure, remplit une double fonction : il constate l’attribution du bien à l’adjudicataire et rend ce transfert de propriété opposable aux tiers.
    • En premier lieu, le jugement d’adjudication matérialise juridiquement l’attribution du bien à l’enchérisseur ayant remporté l’adjudication. Il ne s’agit pas seulement d’un constat formel, mais bien d’un acte fondateur conférant à l’adjudicataire la possibilité d’exercer pleinement ses droits sur le bien, sous réserve du paiement intégral du prix et des frais.
    • En second lieu, et conformément à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution, le jugement d’adjudication ne se limite pas à constater l’achèvement de la procédure d’adjudication. Son établissement est également une condition préalable à l’inscription des droits de propriété de l’adjudicataire au registre foncier. En effet, l’inscription au registre foncier, qui garantit la publicité et l’opposabilité des droits de propriété, ne peut être réalisée sans ce jugement, lequel sert de fondement à l’ensemble des démarches postérieures.
  • Les mentions obligatoires du jugement
    • Le jugement d’adjudication doit comporter plusieurs mentions obligatoires, prévues à l’article R. 322-59 du Code des procédures civiles d’exécution.
      • Référence au cahier des charges
        • Le jugement doit mentionner le cahier des charges qui régit les conditions de la vente. 
        • Pour mémoire, ce document encadre les modalités de l’adjudication et les obligations de l’adjudicataire. 
        • En faisant référence à ce cahier, le jugement garantit que l’adjudication a respecté les conditions fixées.
      • Formalités de publicité accomplies
        • Le jugement doit préciser les actes de publicité réalisés ainsi que leurs dates. 
        • Ces formalités assurent que la procédure a été menée de manière transparente, permettant à tous les participants potentiels d’être informés de la vente. 
        • Une omission ou une irrégularité dans l’accomplissement de ces formalités pourrait affecter la validité de l’adjudication.
        • La mention des publicités dans le jugement offre ainsi une preuve que tous les participants potentiels ont pu être informés de manière adéquate, évitant ainsi toute contestation ultérieure sur ce fondement
  • Désignation du bien vendu
    • Une description précise de l’immeuble objet de l’adjudication est nécessaire. 
    • Cette désignation doit comporter les informations essentielles permettant d’identifier sans ambiguïté le bien concerné, telles que l’adresse, les références cadastrales, et, le cas échéant, ses caractéristiques spécifiques (surface, nature du bien, etc.). 
    • Cette exigence vise à écarter tout risque de confusion ou de litige concernant le bien transféré, garantissant ainsi que les droits de l’adjudicataire portent sur un objet clairement défini.
  • Identité de l’adjudicataire et montant de l’adjudication
    • Le jugement doit mentionner avec précision l’identité de l’adjudicataire, en indiquant ses nom et prénom, ou, dans le cas d’une personne morale, sa dénomination sociale et son numéro SIREN. 
    • Par ailleurs, le montant exact de l’enchère retenue ainsi que les frais taxés liés à la procédure doivent être expressément indiqués. 
    • Ces informations permettent non seulement d’identifier l’acquéreur de manière claire, mais aussi de calculer les montants à répartir entre les créanciers ou les indivisaires, garantissant ainsi la transparence financière de l’opération.
  • La délivrance du titre de vente
    • Une fois le jugement d’adjudication établi, celui-ci est revêtu de la formule exécutoire et remis à l’adjudicataire. 
    • Cette formalité, prévue à l’article R. 322-62 du Code des procédures civiles d’exécution, constitue l’aboutissement de la procédure d’adjudication. 
    • Elle confère à l’adjudicataire un titre de propriété officiel, permettant de faire valoir ses droits auprès des tiers.
    • En ce qui concerne la procédure de délivrance, le greffier ou le notaire ayant supervisé la vente remet à l’adjudicataire une expédition du jugement d’adjudication. 
    • Ce document constitue le titre de propriété du bien. 
    • Si la vente porte sur plusieurs lots adjugés à des acquéreurs différents, chaque adjudicataire reçoit une expédition distincte, accompagnée des quittances attestant du paiement des frais taxés. 
    • Le titre de vente ainsi délivré permet à l’adjudicataire de procéder à l’inscription de ses droits au registre foncier, officialisant ainsi son statut de propriétaire. 
    • Cette inscription est une étape essentielle, car elle assure la publicité et l’opposabilité des droits de propriété à l’égard des tiers. 
    • Elle confère également à l’adjudicataire une protection juridique renforcée en cas de litige ou de revendications ultérieures concernant le bien. 
  • Les effets du jugement
    • Le jugement d’adjudication emporte des effets juridiques immédiats tant pour l’adjudicataire que pour les tiers.
      • Le transfert de propriété
        • Le jugement d’adjudication formalise le transfert de propriété du bien adjugé au profit de l’adjudicataire dès sa prononciation. 
        • Toutefois, ce transfert reste conditionné au paiement intégral du prix d’adjudication ainsi que des frais taxés.
        • Tant que cette obligation n’a pas été exécutée, l’adjudicataire ne peut jouir pleinement de ses droits.
        • Une fois le paiement effectué, l’adjudicataire devient propriétaire du bien adjugé.
        • Il acquiert ainsi tous les droits attachés à la propriété, notamment ceux d’usage, de jouissance et d’aliénation. 
        • Il peut utiliser le bien comme bon lui semble, percevoir les fruits qu’il génère, ou encore le vendre, le donner ou le grever de droits réels.
        • Par ailleurs, ce transfert de propriété est opposable aux tiers. 
        • Cela signifie que les droits de l’adjudicataire ne peuvent être contestés par des tiers, sauf en cas de vices graves affectant la régularité de la procédure elle-même. 
      • L’effet déclaratif
        • Le jugement d’adjudication, dans le cadre d’une licitation, ne se limite pas à transférer la propriété du bien.
        • Il produit également un effet déclaratif, conférant à l’adjudicataire un titre qui purge les éventuels vices affectant les transmissions antérieures et stabilise la situation juridique du bien.
        • La raison en est que, en vertu de l’article 883 du Code civil, l’effet déclaratif attribue à l’adjudicataire une position rétroactive, le plaçant comme s’il avait toujours été seul propriétaire du bien depuis l’origine de l’indivision. 
        • Cet effet s’applique tant à l’égard des co-indivisaires qu’à l’égard du défunt dans les indivisions successorales.
        • L’effet déclaratif du jugement d’adjudication a une portée corrective et purgative. Il purge la chaîne de propriété en éteignant rétroactivement les droits ou actes des co-indivisaires sur le bien adjugé. 
        • Par exemple, un acte de disposition (vente, hypothèque ou bail) établi par un indivisaire non adjudicataire est anéanti rétroactivement, tandis que ceux établis par l’adjudicataire sont validés, consolidant ainsi ses droits.
        • Dans cette logique, la licitation-partage n’est pas considérée comme une mutation à titre onéreux mais comme un acte de partage. 
        • Elle échappe donc aux règles applicables aux ventes ordinaires, y compris aux actions en rescision pour lésion, sauf en cas de dispositions contraires inscrites dans le cahier des charges.
        • Cet effet déclaratif est particulièrement précieux lorsque le bien adjugé a été l’objet de litiges ou d’irrégularités dans les transmissions antérieures. 
        • Le jugement d’adjudication stabilise la situation juridique en consolidant les droits de l’adjudicataire, garantissant ainsi une propriété purgée de tous vices. 

==>La défaillance de l’adjudicataire et la réitération des enchères

Lorsqu’un adjudicataire ne s’acquitte pas du prix d’adjudication et des frais dans les délais impartis, le bien peut être remis en vente dans les conditions prévues par l’article R. 322-66 du CPCE.

  • Certificat de défaillance et organisation d’une nouvelle audience
    • La première étape en cas de défaillance de l’adjudicataire consiste en l’établissement d’un certificat de défaillance.
    • Ce document, dressé par le notaire ou le greffier, constate officiellement que l’adjudicataire n’a pas satisfait à ses obligations de paiement.
    • Conformément à l’article R. 322-67 du CPCE, le certificat est signifié à l’adjudicataire défaillant. Cette signification marque le point de départ d’un délai pendant lequel ce dernier peut, le cas échéant, régulariser sa situation.
    • Si aucune régularisation n’intervient, une nouvelle audience est fixée par le tribunal. 
    • Cette audience doit se tenir dans un délai compris entre deux et quatre mois suivant la signification du certificat de défaillance (article R. 322-69 du CPCE). 
    • Ce délai permet d’organiser les formalités de publicité nécessaires et de garantir une reprise transparente de la procédure.
  • Formalités de publicité et déroulement des nouvelles enchères
    • Pour garantir la transparence et l’égalité entre les participants, les formalités de publicité initiales doivent être intégralement renouvelées. Ces formalités sont effectuées selon les prescriptions de l’article R. 322-70 du CPCE.
    • La publicité doit inclure l’ensemble des informations prévues pour la vente initiale, auxquelles s’ajoute le montant de l’adjudication défaillante. Cette précision permet aux nouveaux enchérisseurs d’avoir une connaissance complète des conditions entourant la vente.
    • Le jour de l’audience, les enchères sont reprises dans les mêmes conditions que celles de la première vente, conformément à l’article R. 322-71 du CPCE.
    • Les règles relatives au déroulement des enchères, notamment la durée limite de 90 secondes entre deux enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent également à cette nouvelle vente.
  • Conséquences pour l’adjudicataire défaillant
    • La défaillance de l’adjudicataire n’est pas sans conséquences pour ce dernier.
    • L’adjudicataire défaillant demeure redevable des frais liés à la première vente, même si le bien est remis en vente. 
    • En outre, il doit payer des intérêts au taux légal sur le montant de son enchère, calculés jusqu’à la date de la nouvelle vente (article R. 322-72 du CPCE). 
    • Si la nouvelle vente se conclut à un prix inférieur à celui de l’enchère initiale, l’adjudicataire défaillant peut être tenu de compenser la différence, afin de préserver les droits des créanciers ou des indivisaires.

==>La faculté de surenchère

La licitation, par essence, vise à obtenir le meilleur prix pour le bien mis en vente, afin de garantir une juste valorisation au bénéfice des parties concernées. Toutefois, il peut arriver que l’adjudication initiale ne reflète pas pleinement la valeur réelle du bien, soit en raison d’une concurrence insuffisante, soit du fait de circonstances particulières ayant limité les enchères. C’est pour répondre à de telles situations que la faculté de surenchère a été instituée.

Prévue par l’article 1279, alinéa 1er, du Code de procédure civile, ainsi que par les articles R. 322-50 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère offre la possibilité, dans un délai strictement encadré de 10 jours, de rouvrir la procédure en proposant une offre supérieure d’au moins 10 % au prix principal de l’adjudication initiale. Ce mécanisme garantit à la fois la transparence et l’équité, tout en assurant que le bien puisse être vendu à sa juste valeur.

  • Initiation de la procédure de surenchère
    • Délai de 10 jours
      • La surenchère ne peut être exercée que dans un délai de 10 jours suivant l’adjudication définitive, conformément à l’article 1279 du Code de procédure civile. 
      • Ce délai impératif commence à courir à compter du jour où l’adjudication a été prononcée.
    • Déclaration de la surenchère
      • La première étape de la procédure consiste en la déclaration de surenchère. 
      • Cette déclaration, réservée à toute personne souhaitant contester l’adjudication initiale, doit respecter des exigences formelles rigoureuses.
      • Conformément à l’article R. 322-51 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), la surenchère doit être formée par acte d’avocat, déposé au greffe du tribunal compétent. 
      • Cette formalité, essentielle pour garantir la solennité et la validité de la procédure, témoigne de l’engagement sérieux de la personne souhaitant exercer ce droit.
      • L’avocat, dans le cadre de la déclaration de surenchère, doit attester avoir reçu de son client une garantie financière. 
      • Celle-ci prend la forme d’une caution bancaire irrévocable ou d’un chèque de banque équivalant à 10 % du montant principal de l’adjudication initiale. 
      • L’obligation de fourniture d’une garantie financière vise à prévenir les surenchères abusives en exigeant du surenchérisseur la preuve de sa capacité à honorer son engagement.
  • Dénonciation de la surenchère
    • Une fois déposée, la surenchère doit être dénoncée aux parties intéressées dans un délai de trois jours ouvrables. 
    • Cette dénonciation s’effectue par acte d’huissier, conformément à l’article R. 322-52 du CPCE. 
    • Elle garantit que les parties concernées (notamment l’adjudicataire initial, le créancier poursuivant et, le cas échéant, les indivisaires) sont informées de la reprise des enchères.
    • Cette notification comprend une copie de l’attestation bancaire mentionnée ci-dessus, ce qui conforte la crédibilité de la démarche du surenchérisseur.
    • Le non-respect des délais et formalités entraîne l’irrecevabilité de la surenchère.
  • Organisation de la nouvelle audience
    • Une fois la surenchère valablement formée et dénoncée, le tribunal organise une nouvelle audience d’enchères. 
    • Cette étape, strictement réglementée par les articles R. 322-53 à R. 322-55 du CPCE, marque la reprise de la procédure d’adjudication dans un cadre renouvelé.
      • Fixation de la date
        • Le tribunal fixe une nouvelle audience dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter de la déclaration de surenchère. 
        • Ce délai, prévu par l’article R. 322-53 du CPCE, permet de renouveler les formalités de publicité et de garantir une préparation adéquate des enchérisseurs potentiels.
      • Renouvellement des formalités de publicité
        • Les formalités de publicité initiales doivent être réitérées avant la nouvelle audience.
        • Selon l’article R. 322-54 du CPCE, ces formalités sont réalisées à la diligence du surenchérisseur ou, à défaut, du créancier poursuivant. 
        • Elles incluent la mention de la nouvelle mise à prix, correspondant au montant de l’adjudication initiale majoré d’au moins 10 %. 
        • Ce renouvellement vise à informer le public des nouvelles conditions et à attirer de potentiels enchérisseurs.
  • Déroulement de la nouvelle audience
    • La nouvelle audience d’enchères suit les mêmes règles que l’audience initiale, en respectant toutefois les spécificités liées à la surenchère.
      • Reprise des enchères
        • Conformément à l’article R. 322-55 du CPCE, les enchères reprennent sur la base de la nouvelle mise à prix fixée par la surenchère.
        • Les règles habituelles des enchères publiques, notamment celles relatives au temps imparti pour porter les enchères (article R. 322-45 du CPCE), s’appliquent.
      • Résultat de l’audience
        • Si aucune enchère ne dépasse la mise à prix actualisé, le surenchérisseur est déclaré adjudicataire. 
        • Ce mécanisme récompense son initiative tout en garantissant que le bien ne soit pas vendu à un prix inférieur à la surenchère initiale.
  • Limites de la surenchère
    • Afin de préserver la sécurité juridique et d’éviter des prolongations abusives, une seconde surenchère est expressément exclue.
    • L’article R. 322-55 du CPCE prévoit que l’adjudication issue de la nouvelle audience est définitive et ne peut plus être remise en cause par une nouvelle surenchère.
    • Cette limitation garantit la stabilité des droits acquis et marque la fin de la procédure, assurant ainsi que la vente atteigne son objectif ultime : obtenir une juste valorisation du bien dans des conditions de transparence et d’équité.

Opérations de partage: les modalités de composition des lots

La constitution des lots constitue une étape essentielle des opérations de partage, visant à assurer une répartition équitable des biens indivis, dans le strict respect des droits de chaque héritier. Selon la complexité de la masse à partager et les éventuels différends opposant les indivisaires, le Code de procédure civile prévoit, pour chaque procédure applicable, des modalités spécifiques encadrant la composition des lots.

La mise en œuvre de ces procédures mobilise tantôt l’intervention directe du tribunal judiciaire, tantôt celle d’un notaire commis par le juge, voire celle d’un expert désigné en cours d’instance. Si le rôle des différents acteurs varie selon la voie procédurale retenue, la finalité demeure la même : garantir la sécurité juridique des opérations tout en veillant à préserver les droits individuels de chaque indivisaire dans le cadre du partage.

==>Dans le cadre de la procédure simplifiée

Régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, la procédure simplifiée s’applique lorsque le partage ne soulève aucune difficulté majeure. Elle se prête particulièrement aux situations où la masse successorale est clairement définie et ne comporte ni biens complexes ni ne fait l’objet de différends entre les indivisaires.

Dans ce cadre, le tribunal judiciaire se voit confier un rôle central dans la constitution des lots, sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir un notaire pour superviser les opérations. Conformément au premier alinéa de l’article 1361, le juge peut ordonner le partage des biens indivis ou, si le partage est impraticable, décider la vente par licitation lorsque les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies.

Lorsque le tribunal opte pour le partage, il lui appartient d’évaluer la masse partageable et de déterminer la composition des lots en fonction des droits de chaque indivisaire. Le jugement rendu par le tribunal tient alors lieu d’acte de partage, formalisant ainsi la répartition des biens entre les héritiers. Ce mécanisme présente l’avantage d’offrir une solution rapide, alliant simplicité procédurale et sécurité juridique.

Dans les cas où la nature des biens exige une expertise spécifique, le juge peut s’adjoindre un expert, conformément à l’article 1362. Cette mesure facultative vise à garantir une évaluation précise des actifs à répartir, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de meubles ou de droits incorporels. L’expert peut également proposer une répartition des lots en tenant compte de la valeur des biens et des droits des indivisaires. Cependant, dans les situations simples, le tribunal peut directement procéder à la composition des lots et au tirage au sort, sans recourir à une expertise particulière.

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, est réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette opération permet de garantir une attribution impartiale des biens, tout en évitant tout soupçon de favoritisme ou de partialité dans la répartition.

Bien que prévue par le Code de procédure civile, cette procédure semble toutefois peu usitée dans la pratique, probablement en raison de la préférence des parties pour des solutions amiables ou des partages supervisés par un notaire. Comme le souligne Michel Grimaldi, la procédure simplifiée présente toutefois l’avantage d’être « rapide et peu formaliste », ce qui permet d’écarter des coûts et des délais supplémentaires liés à la désignation d’un notaire ou d’un expert.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots par tirage au sort sous la supervision d’un notaire

Lorsque les indivisaires s’entendent sur la composition des lots mais demeurent en désaccord quant à leur attribution, le Code de procédure civile instaure un mécanisme de tirage au sort, régi par l’article 1363, destiné à prévenir les blocages et à garantir une répartition impartiale. Ce mécanisme, qui repose sur le hasard, vise à écarter toute suspicion de favoritisme et à renforcer la sécurité juridique des opérations de partage.

Dans cette configuration, deux acteurs interviennent successivement : le tribunal judiciaire et le notaire désigné. En premier lieu, le tribunal forme la masse partageable, évalue les biens et compose les lots, le cas échéant avec l’assistance d’un expert, conformément aux articles 1361 et 1362. Ce n’est qu’après cette étape que le notaire entre en scène pour présider au tirage au sort des lots et dresser l’acte authentique constatant le partage.

Le rôle du notaire dans cette procédure est essentiellement formel et limité. Il ne participe ni à la liquidation des comptes ni à la constitution des lots, mais se borne à garantir la régularité du tirage au sort et à authentifier l’acte de partage. Comme le souligne Michel Grimaldi, « le notaire se trouve ici dans une posture d’instrumentation, n’intervenant qu’en bout de chaîne, une fois les lots constitués par le tribunal ». Ainsi, sa mission se distingue nettement de celle du notaire liquidateur dans les procédures complexes, où il est directement impliqué dans l’ensemble des opérations de partage.

Le tirage au sort peut avoir lieu devant le notaire commis par le tribunal ou, à défaut, devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué. Cette faculté, prévue par l’article 1363, alinéa 1er, permet d’assurer la neutralité des opérations tout en évitant de mobiliser des ressources lorsque cela n’est pas indispensable.

En cas d’absence ou de défaillance d’un héritier, la continuité des opérations est garantie par la désignation d’un représentant à l’indivisaire défaillant. Cette désignation, effectuée par le président du tribunal judiciaire, peut intervenir d’office ou sur transmission du procès-verbal de carence établi par le notaire (art. 1363, al. 2 CPC). 

==>La composition des lots dans le cadre de la procédure longue sous la supervision d’un juge commis

Lorsque les opérations de partage présentent une complexité particulière ou que des désaccords profonds persistent entre les indivisaires, la procédure longue, encadrée par les articles 1364 à 1376 du Code de procédure civile, devient nécessaire. À la différence des procédures simplifiées, la procédure longue repose sur une organisation plus élaborée des rôles, où le tribunal judiciaire, le notaire liquidateur et le juge commis interviennent de manière coordonnée, chacun apportant sa contribution spécifique afin d’assurer une répartition équitable et sécurisée des biens indivis.

Le notaire liquidateur, désigné par le tribunal en l’absence d’accord entre les parties (art. 1364, al. 2 CPC), joue un rôle primordial dans la constitution des lots. Contrairement aux procédures simplifiées, où le tribunal est directement impliqué dans la composition des lots, ici, cette mission incombe au notaire. Celui-ci doit procéder à l’évaluation des biens, à la liquidation des comptes entre les indivisaires, et à l’établissement d’un projet d’état liquidatif, lequel fixe la composition des lots à attribuer.

Pour mener à bien cette mission, le notaire dispose de pouvoirs étendus. Il peut, en vertu de l’article 1365, convoquer les parties, demander la communication de toutes pièces utiles à la liquidation et, si nécessaire, solliciter l’intervention d’un expert pour évaluer les biens ou proposer une répartition équitable des lots. Cette expertise s’avère particulièrement utile lorsqu’il s’agit de biens complexes ou difficiles à estimer, tels que des immeubles, des parts sociales, ou encore des œuvres d’art.

Si des difficultés surgissent lors de la préparation du projet d’état liquidatif, le notaire peut s’en remettre au juge commis. Ce dernier, en tant que garant du bon déroulement de la procédure, a la faculté de prononcer des injonctions, de fixer des astreintes, voire de remplacer le notaire si celui-ci manque à ses obligations (art. 1371, al. 2 CPC).

La procédure longue comporte plusieurs étapes encadrées par le Code de procédure civile :

  • Convocation des parties et collecte des informations
    • Le notaire commence par convoquer les parties et recueillir les documents nécessaires à l’évaluation de la masse partageable.
    • Si des désaccords apparaissent quant à la valeur des biens ou à leur répartition, il peut recourir à un expert pour estimer les biens et proposer une composition des lots (art. 1365, al. 3 CPC).
  • Tentative de conciliation sous la supervision du juge commis
    • Avant de finaliser le projet d’état liquidatif, le notaire peut demander au juge commis d’organiser une tentative de conciliation en présence des parties.
    • Cette étape vise à réduire les points de litige et à favoriser un accord amiable sur la répartition des biens (art. 1366 CPC).
  • Élaboration du projet d’état liquidatif
    • Une fois les biens évalués et les comptes liquidés, le notaire établit un projet d’état liquidatif détaillant la composition des lots.
    • Ce document, clé de voûte de la procédure, précise la valeur des biens attribués à chaque indivisaire, en tenant compte de leurs droits respectifs dans la masse partageable (art. 1368 CPC). 
    • Si un expert a été désigné, c’est lui qui procède à l’évaluation des biens et à la composition des lots.
  • Transmission au juge commis et traitement des contestations
    • Le projet d’état liquidatif est ensuite transmis au juge commis, accompagné d’un procès-verbal de difficultés si les parties ont formulé des contestations.
    • Le juge commis peut alors tenter une nouvelle conciliation ou, en cas d’échec, soumettre les points litigieux au tribunal judiciaire (art. 1373 CPC).

Le tirage au sort des lots, lorsqu’il est nécessaire, peut avoir lieu soit devant le notaire, soit devant le juge commis ou son délégué. Si un héritier fait défaut, un représentant peut être désigné pour y assister, conformément aux dispositions de l’article 1376 du Code de procédure civile. Cette mesure vise à éviter que l’absence d’un indivisaire ne paralyse les opérations de partage.

Le tribunal judiciaire, après avoir examiné le projet d’état liquidatif et les éventuelles contestations des parties, peut soit homologuer l’état liquidatif et ordonner le tirage au sort des lots, soit renvoyer le notaire à ses travaux pour apporter les corrections nécessaires (art. 1375 CPC).

Le notaire dispose en principe d’un délai d’un an pour établir le projet d’état liquidatif (art. 1368 CPC). Ce délai peut toutefois être suspendu pour diverses raisons — expertises, tentatives de conciliation, désignation d’un représentant pour un héritier défaillant — ou prorogé d’une année supplémentaire en cas de complexité des opérations (art. 1370 CPC).

L’instruction de la demande en partage ou les différentes voies procédurales

Le partage des biens indivis repose sur une distinction établie par le Code de procédure civile, qui prévoit deux cadres procéduraux adaptés à la nature des opérations à réaliser.

D’une part, la procédure simplifiée, régie par les articles 1359 à 1363 du Code de procédure civile, se déploie dans les cas où les opérations de liquidation ne présentent aucune difficulté majeure. Dans ce cadre, le tribunal demeure l’unique acteur des opérations de partage. L’ensemble des démarches est centralisé sous son autorité exclusive, permettant une exécution rapide et directe des opérations.

Cette procédure allégée se distingue également par l’absence d’intervention d’un notaire ou d’un juge commis. Le jugement prononcé par le tribunal ne se limite pas à ordonner le partage, mais tient lui-même lieu d’acte de partage.

D’autre part, la procédure longue, organisée par les articles 1364 à 1376, s’impose dans les hypothèses où la complexité des opérations justifie une analyse approfondie des droits en présence ou la résolution de désaccords persistants.

Contrairement à la procédure simplifiée, cette voie implique l’intervention coordonnée de trois acteurs : le tribunal, un notaire et un juge commis.

  • Le tribunal, autorité juridictionnelle, ordonne le partage et assure le contrôle de la régularité des opérations, notamment par l’homologation de l’état liquidatif établi au terme des travaux.
  • Le notaire commis, désigné par le tribunal, est chargé de conduire les opérations de liquidation et de dresser l’état liquidatif, véritable clé de voûte du partage. Ce document, élaboré avec soin, établit les comptes entre les indivisaires, précise la masse partageable et définit la composition des lots.
  • Le juge commis, quant à lui, intervient pour surveiller le bon déroulement des opérations et veiller au respect des délais impartis. Il peut également, en cas de désaccord persistant, tenter une conciliation ou statuer sur les incidents procéduraux, tout en transmettant les différends non résolus au tribunal pour décision.

Dans ce cadre, à la différence de la procédure simplifiée, le partage prend corps non pas dans le jugement, mais dans un acte distinct : l’état liquidatif. Ce dernier, établi par le notaire, fait l’objet d’une homologation par le tribunal, qui en garantit la régularité et la conformité au droit. Ce processus, bien que plus long et complexe, répond aux exigences d’une gestion rigoureuse des situations litigieuses ou techniquement délicates.

Instaurée par la réforme de 2006, cette dualité procédurale traduit une volonté d’adaptation aux spécificités de chaque situation. Tandis que la procédure simplifiée répond au besoin d’une exécution rapide et efficace dans les cas simples, la procédure longue offre un cadre structuré et collaboratif, mobilisant les compétences conjuguées du tribunal, du notaire et du juge commis, pour résoudre les situations les plus complexes.

I) La procédure applicable en présence d’opérations de partage simples

La procédure applicable aux opérations de partage simples, régie par les articles 1361 à 1363 du Code de procédure civile, se caractérise par sa souplesse et son efficacité, adaptées aux situations où les opérations de liquidation et de répartition ne présentent pas de complexité particulière.

A) Orientation

L’article 1361 du Code de procédure civile prévoit que « le tribunal ordonne le partage, s’il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l’article 1378 sont réunies. » Il s’infère de cette disposition que c’est au juge qu’il appartient de déterminer, en fonction des circonstances de l’affaire, si les conditions sont réunies pour procéder à un partage des biens indivis ou, à défaut, de décider la vente par licitation. Cette appréciation suppose une analyse des droits en présence, de la composition des biens à partager, ainsi que des éventuelles oppositions entre les indivisaires, afin de choisir la voie procédurale la plus appropriée pour parvenir à une liquidation équitable de l’indivision.

Ainsi, lorsque les conditions sont réunies, c’est-à-dire que la masse partageable ne comporte pas d’éléments complexes à partager et que les droits des indivisaires sont clairement établis, le tribunal peut ordonner le partage des biens. Ce mécanisme suppose que les biens puissent être attribués ou répartis sans nécessiter une instruction approfondie. Le partage peut alors s’opérer par l’établissement de lots ou par la conclusion d’accords entre les indivisaires.

Dans l’hypothèse où les biens indivis ne peuvent pas être facilement partagés ou attribués à raison, soit de leur nature, soit de leur indivisibilité matérielle ou encore de l’existence de divergences persistantes entre les indivisaires, le tribunal peut opter pour la vente des biens par licitation, conformément à l’article 1378 du Code de procédure civile. La vente par licitation est cependant subordonnée à l’observation de conditions strictes. Tous les indivisaires doivent être capables juridiquement, présents ou dûment représentés. Si cette condition est remplie, ils peuvent, à l’unanimité, décider que l’adjudication se limite aux seuls membres de l’indivision. À défaut d’unanimité, la vente est ouverte à des tiers,

En outre, le second alinéa de l’article 1361 du Code de procédure civile confère au tribunal la faculté de désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation, cette désignation peut s’avérer particulièrement opportune, notamment lorsque le partage porte sur des biens immobiliers nécessitant des formalités de publicité foncière. Le recours à un notaire dans ce contexte assure une formalisation adéquate des opérations, renforçant la sécurité juridique des actes établis et facilitant leur opposabilité aux tiers.

Il convient toutefois de souligner que la mission confiée ici au notaire diffère de celle qui lui est attribuée dans le cadre des opérations de partage complexes. En procédure simplifiée, le rôle du notaire se limite essentiellement à une mission d’instrumentation : il est chargé d’établir l’acte constatant le partage, sans pour autant intervenir dans la phase préalable de liquidation ou de réalisation des opérations. En revanche, dans le cadre des partages complexes régis par les articles 1364 et suivants du Code de procédure civile, le notaire se voit confier une mission de liquidation beaucoup plus vaste, incluant l’évaluation des biens, la composition des lots et, le cas échéant, la résolution des différends sous la supervision d’un juge commis.

B) Désignation d’un expert

L’article 1362 du Code de procédure civile prévoit la faculté pour le tribunal de désigner un expert en cours d’instance afin de résoudre les divergences entre indivisaires concernant l’évaluation des biens ou la composition des lots. Cette mesure, bien qu’entièrement facultative, revêt une importance pratique non négligeable, en particulier lorsque les patrimoines à partager présentent une complexité qui dépasse les compétences ordinaires du tribunal ou des parties.

L’intervention d’un expert trouve son utilité dans des contextes où les biens indivis requièrent une expertise technique approfondie pour être correctement évalués ou organisés en lots. Par exemple, des actifs immobiliers de grande valeur, des œuvres d’art, ou des entreprises intégrées dans l’indivision peuvent nécessiter des connaissances spécialisées pour en déterminer la juste valeur. Dans ces cas, l’expert agit sous l’autorité du tribunal, apportant un éclairage technique indispensable pour assurer un partage équitable.

Cette possibilité offerte au tribunal ne constitue pas une obligation, mais elle s’inscrit dans une logique d’efficacité procédurale. En effet, trancher à l’audience des contestations complexes sur la seule base des écritures des parties risquerait d’être insuffisant, voire inadapté, face à la technicité des enjeux en présence. L’expertise ainsi ordonnée vise à prévenir des erreurs d’évaluation susceptibles de compromettre la justice du partage.

En outre, la désignation d’un expert en application de l’article 1362 ne prive pas le tribunal de recourir à une expertise avant même l’introduction de l’instance, conformément aux dispositions de l’article 145 du Code de procédure civile. Cette faculté, qui permet d’obtenir des éléments probatoires en amont du contentieux, est particulièrement utile lorsque les parties pressentent des difficultés d’évaluation susceptibles de bloquer les négociations amiables ou de rallonger les débats judiciaires.

Enfin, l’expert désigné dans le cadre de cette procédure ne se substitue pas au notaire commis pour dresser l’acte constatant le partage, tel que prévu par l’article 1361 du Code de procédure civile. Les rôles de ces deux intervenants demeurent distincts. Alors que le notaire se limite à l’aspect formel des opérations, l’expert, quant à lui, apporte une solution technique à des différends spécifiques, consolidant ainsi le processus décisionnel du tribunal.

C) Modalités de réalisation du partage

Lorsque les indivisaires ne parviennent pas à un accord sur la répartition des biens, il est procédé à un tirage au sort des lots. Conformément au premier alinéa de l’article 1363, ce tirage doit se dérouler devant le notaire désigné par le tribunal, conformément aux termes de l’article 1361. Si aucun notaire n’a été commis, ou en cas d’impossibilité, le tirage au sort peut être réalisé devant le président du tribunal judiciaire ou son délégué.

Ce mécanisme vise à garantir l’objectivité dans l’attribution des lots, en éliminant tout risque de favoritisme ou de partialité. En outre, la présence d’un notaire ou d’une autorité judiciaire lors du tirage confère aux opérations une sécurité juridique renforcée, essentielle pour prévenir d’éventuelles contestations ultérieures.

Pour éviter tout retard dans les opérations de partage, l’article 1363 prévoit également une mesure expéditive en cas de défaillance d’un indivisaire. En vertu du second alinéa de cet article, si un héritier est absent ou refuse de participer, le président du tribunal judiciaire ou son délégué peut, d’office, désigner un représentant chargé d’agir en son nom. Cette désignation peut intervenir soit directement lors du tirage au sort devant le juge, soit à la suite de la transmission d’un procès-verbal dressé par le notaire.

Cette procédure déroge aux règles ordinaires, qui exigeraient normalement la mise en demeure préalable de l’héritier défaillant, suivie d’un délai pouvant aller jusqu’à trois mois avant toute intervention judiciaire (C. civ., art. 841-1). En réduisant considérablement les formalités et délais, cette disposition vise à empêcher des manœuvres dilatoires susceptibles de paralyser les opérations de partage.

Enfin, il convient de souligner que, quelle que soit la procédure suivie, une fois le jugement ordonnant le partage devenu irrévocable, il n’est plus possible de contester les opérations ou de demander un nouveau partage, même en présence de circonstances nouvelles. Cette règle découle du principe de l’autorité de la chose jugée (V. en ce sens notamment Cass. 1ère civ., 10 févr. 1964).

II) La procédure applicable en présence d’opérations de partage complexes

L’article 1364 du Code de procédure civile prévoit que, lorsque la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour conduire les opérations de partage et commet un juge pour en surveiller le déroulement. Cette procédure s’applique lorsque des éléments tels que la composition de la masse partageable, les rapports de libéralités ou encore l’évaluation des biens rendent nécessaire une instruction approfondie de l’affaire.

Le notaire, au cœur de cette organisation, est chargé de structurer et de diriger les opérations, avec la possibilité de s’adjoindre un expert ou de solliciter l’intervention du juge pour surmonter des difficultés. Le juge, quant à lui, veille au respect des délais et au bon déroulement de la procédure, pouvant intervenir pour faciliter une conciliation ou statuer sur des points litigieux. Cette coordination rigoureuse entre notaire et juge garantit une gestion efficace des opérations de partage complexes tout en sécurisant les droits des indivisaires.

A) La désignation du notaire liquidateur

1. Modalités de choix du notaire

En vertu de l’article 1364 du Code de procédure civile, lorsque la complexité des opérations de partage le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations et commet un juge pour en assurer la surveillance. Le choix du notaire est, en priorité, laissé aux copartageants. Cette faculté, subordonnée à un accord unanime, confère aux parties un pouvoir décisionnel direct, leur permettant de sélectionner un officier public avec lequel elles ont une relation de confiance ou qui dispose d’une expertise adaptée aux spécificités de l’indivision. Cette approche vise à préserver l’autonomie des indivisaires et à encourager une coopération active dans les opérations de partage.

Lorsque les copartageants échouent à désigner un notaire, le tribunal intervient alors pour procéder à cette désignation. La jurisprudence constante confirme que le tribunal est entièrement maître de son choix et n’a pas à motiver sa décision (V. notamment Cass. 1ère civ., 6 mars 1963)

Il est toutefois attendu que le notaire désigné exerce dans le ressort du tribunal, afin de garantir une proximité géographique et une connaissance des spécificités locales. Bien que le tribunal puisse consulter le Président de la chambre départementale des notaires pour guider son choix, cette consultation reste facultative, le juge conservant l’entière responsabilité de la désignation.

Dans certaines situations complexes, le tribunal peut désigner plusieurs notaires pour mener à bien les opérations de partage. Cette solution, bien que rare, est admise par la jurisprudence lorsque les circonstances l’exigent (Cass. req. 8 janv. 1947). Toutefois, la désignation conjointe de plusieurs notaires suppose une coordination étroite entre eux, sous peine de nullité des actes accomplis en leur absence mutuelle.

En outre, chaque partie conserve la faculté de contester la désignation effectuée par le tribunal. Elle peut ainsi interjeter appel du jugement en vue de faire désigner un autre notaire, si elle estime que le choix initial n’est pas approprié. Ce recours constitue une garantie procédurale importante, permettant de prévenir toute situation où l’impartialité ou les compétences du notaire désigné pourraient être mises en doute.

Par ailleurs, un projet de partage élaboré à la demande de certains indivisaires seulement, et sans que le tribunal ait désigné formellement le notaire, est inopposable aux autres copartageants. Une telle situation empêche l’homologation du projet, protégeant ainsi les droits des indivisaires non impliqués dans le choix initial (Cass. 1ère civ., 11 juill. 2019, n°17-31.091).

Enfin, il peut être observé que l’article 1364 du Code de procédure civile n’impose pas que la désignation du notaire intervienne au moment même du jugement ordonnant le partage. Ainsi, cette désignation peut être effectuée ultérieurement, si le tribunal constate en cours d’instance que les opérations requièrent une expertise notariale en raison de leur complexité.

2. Rôle du notaire

Le rôle du notaire désigné va bien au-delà de la formalisation des actes constatant les opérations de partage. Il devient l’architecte de l’ensemble des opérations, avec la responsabilité d’organiser le partage, de liquider les comptes entre copartageants, et de déterminer la composition des lots. Véritable arbitre technique des opérations de partage, il est fréquemment confronté à des enjeux complexes et à des intérêts contradictoires, exigeant un positionnement rigoureux et impartiale.

Dans l’exécution de cette mission, le notaire est tenu à une stricte objectivité et neutralité, principes essentiels pour garantir l’équité et préserver la confiance des parties. Il lui revient ainsi de s’entourer des renseignements nécessaires et de rechercher l’ensemble des documents pertinents, tels que les titres de propriété, les justificatifs de dettes ou les donations antérieures, afin d’éclairer pleinement le processus (Cass. req. 13 janv. 1908).

Sa mission couvre des tâches techniques variées, notamment l’évaluation des biens mobiliers et immobiliers, l’intégration des libéralités et des dettes dans la masse partageable, ainsi que la composition des lots à répartir de manière équitable entre les indivisaires. Chaque étape requiert une expertise approfondie et une attention soutenue, particulièrement lorsque des biens complexes ou des points litigieux sont en jeu.

Par ailleurs, le notaire engage sa responsabilité dans l’exécution de sa mission. Toute faute ou négligence de sa part, notamment en cas d’erreurs affectant la liquidation, peut engager sa responsabilité. Néanmoins, une jurisprudence ancienne a retenu que cette responsabilité n’était pas engagée pour des erreurs de fait ou de calcul si l’état liquidatif, comprenant ces erreurs, avait été homologué par la justice sans qu’elles aient été rectifiées par les parties ou les magistrats (CA Pau, 30 avr. 1860).

3. Prérogatives du notaire

Le notaire, investi d’un rôle central, dispose de prérogatives spécifiques qui lui permettent de mener à bien les opérations de partage, conformément aux articles 1365 à 1368 du Code de procédure civile.

==>Convocation des parties

Conformément à l’article 1365 du Code de procédure civile, le notaire est investi du pouvoir de convoquer les parties impliquées dans les opérations de partage et de leur demander la production de tous documents nécessaires à la réalisation de sa mission. Ces documents peuvent inclure des titres de propriété, des justificatifs relatifs aux dettes et libéralités, ou encore des éléments essentiels à l’évaluation des biens composant la masse partageable.

Le texte ne spécifie aucune forme particulière pour cette convocation, ce qui laisse place à différentes modalités. Traditionnellement, dans le cadre judiciaire, elle peut être réalisée par acte d’avocat à avocat lorsqu’une constitution d’avocat a été effectuée, ou par acte d’huissier, signifié à personne ou à domicile, en l’absence de constitution. Cependant, dans un souci de simplification et d’économie, l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception s’est imposé comme une solution courante.

Face à l’inertie ou à la résistance d’un indivisaire, le notaire dispose de moyens coercitifs. Il peut notamment signifier une mise en demeure par acte extrajudiciaire, comme l’exige l’article 841-1 du Code civil, laquelle déclenche un délai de trois mois. Si, à l’issue de ce délai, l’héritier demeure défaillant, le notaire est habilité à saisir le juge pour que ce dernier désigne un représentant au copartageant absent.

==>Désignation d’un expert

Le notaire, chargé des opérations de partage, bénéficie de la faculté d’élargir son champ d’action en s’adjoignant un expert lorsque la nature ou la valeur des biens indivis l’exige. Cette prérogative, prévue par l’article 1365, alinéa 3, du Code de procédure civile, vise à garantir une évaluation précise des biens ou une analyse approfondie de leur consistance, en particulier lorsque des compétences spécifiques dépassant celles du notaire sont requises.

L’expert peut être choisi d’un commun accord entre les parties, ce qui favorise la transparence et l’acceptabilité des conclusions tirées. À défaut d’un tel accord, la désignation revient au juge commis, qui agit dans un souci d’impartialité.

Le recours à un expert est particulièrement pertinent en présence de situations complexes qui requièrent, par exemple, l’évaluation de biens atypiques ou d’une grande valeur, la vérification de droits litigieux, ou encore la détermination de la consistance d’une masse indivise incluant des actifs difficiles à estimer. L’expertise permet alors de lever les incertitudes, de prévenir les contestations et d’établir une base solide pour les opérations de partage.

==>Sollicitation de mesures d’instructions

Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire liquidateur peut se heurter à des obstacles susceptibles de ralentir ou de compromettre le déroulement des opérations de partage. Pour surmonter ces difficultés, l’article 1365 du Code de procédure civile lui reconnaît la faculté de solliciter l’intervention du juge commis.

Le notaire, confronté à des blocages tels que la rétention de documents essentiels, le refus de coopération d’un indivisaire ou des divergences sur des points techniques, dispose ainsi d’un recours efficace. En rendant compte des difficultés rencontrées, il peut demander au juge de prendre des mesures destinées à faciliter la poursuite de sa mission. Ces mesures, qui s’inscrivent dans l’objectif d’une gestion rapide et équitable des opérations, peuvent revêtir diverses formes.

Le juge commis est habilité à émettre des injonctions, par exemple pour exiger la communication de documents ou la coopération d’une partie récalcitrante. Il peut également prononcer des astreintes pour inciter au respect des obligations des copartageants. De plus, en cas de nécessité, le juge peut autoriser le notaire à recourir à des mesures spécifiques, telles que la désignation d’un expert ou la mise en œuvre de recherches complémentaires.

Cette collaboration étroite entre le notaire et le juge vise à assurer l’efficacité des opérations de partage, le notaire apportant son expertise technique tandis que le juge, en sa qualité d’autorité juridictionnelle, intervient pour résoudre les difficultés dépassant le champ des compétences techniques du notaire.

==>Conciliation des parties

S’agissant des désaccords susceptibles de survenir entre les parties, le notaire se trouve impuissant à les trancher, étant dépourvu de tout pouvoir juridictionnel. Sa mission, bien que primordiale dans l’organisation des opérations de partage, ne saurait empiéter sur les prérogatives contentieuses réservées au juge. Toute tentative de sa part visant à résoudre un litige excéderait les limites de son rôle, exposant les actes ainsi établis à une nullité certaine (Cass 1ère civ. 1re, 30 mars 1954).

De même, le tribunal ne saurait abdiquer ses prérogatives juridictionnelles au profit du notaire, au risque de méconnaître les limites de sa propre compétence (Cass. 1ère civ., 23 mai 2012, n°11-12.813).

Pour autant, il serait erroné de considérer le notaire comme dépourvu de leviers d’action face aux différends. Le législateur lui a conféré des prérogatives lui permettant d’accompagner les parties dans une recherche de solution amiable, notamment par le recours à la conciliation, conformément à l’article 1366 du Code de procédure civile.

Cette disposition confère au notaire le pouvoir de solliciter l’intervention du juge commis pour convoquer les parties ou leurs représentants en vue d’une tentative de conciliation. Cette procédure, qui se déroule en présence du notaire et du juge, s’inscrit dans une logique de règlement alternatif des différends. Elle vise à promouvoir une solution consensuelle en établissant un cadre propice à la coopération. Le notaire, dans ce contexte, joue un rôle actif en identifiant les points de divergence et en suggérant des pistes de compromis, tandis que l’intervention du juge permet de trancher les désaccords.

Toutefois, si ces efforts de conciliation demeurent infructueux, le notaire est tenu d’établir un procès-verbal consignant les positions respectives des parties, accompagné d’un projet d’état liquidatif. Ce document est ensuite transmis au juge commis, qui poursuit l’instruction des contestations persistantes, voire en réfère au tribunal pour un règlement définitif.

4. Etablissement de l’état liquidatif

==>Mission confiée au notaire

L’établissement de l’état liquidatif constitue une étape primordiale dans la réalisation des opérations de partage. Conformément à l’article 1368 du Code de procédure civile, le notaire désigné par le juge est chargé de dresser cet état, qui formalise les comptes entre les copartageants, détermine la masse partageable, précise les droits de chacun et fixe la composition des lots à répartir.

Il s’agit d’une mission technique, exigeant du notaire une parfaite objectivité et une rigueur méthodologique. Afin d’assurer l’exhaustivité et la précision des informations consignées, le notaire est tenu de collecter l’ensemble des éléments nécessaires, tels que les titres de propriété, les justificatifs de dettes ou encore les données relatives aux libéralités. Cette recherche approfondie est indissociable de son devoir de neutralité, garantissant ainsi la confiance des parties.

==>Le délai imparti pour établir l’état liquidatif

En application de l’article 1368 du Code de procédure civil, le notaire dispose d’un délai d’un an pour établir l’état liquidatif.

Ce délai vise à assurer un règlement rapide des opérations de partage tout en laissant au notaire le temps nécessaire pour accomplir sa mission.

Cependant, il peut être suspendu, précise l’article 1369 du Code civil dans les cas suivants :

  • En cas de désignation d’un expert et jusqu’à la remise du rapport ;
  • En cas d’adjudication ordonnée en application de l’article 1377 et jusqu’au jour de réalisation définitive de celle-ci ;
  • En cas de demande de désignation d’une personne qualifiée en application de l’article 841-1 du code civil et jusqu’au jour de sa désignation ;
  • En cas de renvoi des parties devant le juge commis en application de l’article 1366 et jusqu’à l’accomplissement de l’opération en cause.

L’article 1370 du Code de procédure civile ajoute que lorsque la complexité des opérations le justifie une prorogation du délai, ne pouvant excéder un an, peut être accordée par le juge commis saisi sur demande du notaire ou sur requête d’un copartageant.

==>Le traitement des désaccords liés à l’état liquidatif

S’il est attendu du notaire qu’il dresse un état liquidatif précis et conforme aux droits des parties, il n’est pas rare que cette étape donne lieu à des désaccords entre les copartageants. L’article 1373 du Code de procédure civile encadre avec soin le processus destiné à résoudre ces différends, en combinant les compétences techniques du notaire et l’autorité juridictionnelle du juge commis.

  • Transmission au juge commis d’un procès-verbal de situation
    • Lorsque des contestations surgissent à propos du projet d’état liquidatif, le notaire, dépourvu de tout pouvoir juridictionnel, est tenu de transmettre un procès-verbal au juge commis.
    • Ce document, véritable pierre angulaire de la phase contentieuse, consigne les dires respectifs des parties ainsi que les points litigieux liés au projet d’état liquidatif.
    • En sa qualité de technicien des opérations, le notaire y détaille les éléments de divergence, préparant ainsi le terrain pour une résolution des différends.
  • Invitation des parties à constituer avocat
    • Une fois le procès-verbal transmis, le greffe intervient pour inviter les parties non représentées à constituer un avocat.
  • Tentative de conciliation
    • Le juge commis, en possession du procès-verbal et des éléments transmis par le notaire, peut convoquer les parties ou leurs représentants en vue de tenter une conciliation.
    • La réunion, conduite sous l’égide du juge et en présence éventuelle du notaire, offre un espace de dialogue où les parties peuvent clarifier leurs positions.
    • Ce cadre encourage la coopération et favorise l’émergence de compromis.
  • Rapport au tribunal
    • Si la tentative de conciliation échoue, l’article 1373 prévoit que le juge commis dresse un rapport exhaustif des points de désaccord subsistants.
    • Ce document, qui clôt la phase devant le juge commis, est ensuite transmis au tribunal compétent.
    • Ce dernier, seul habilité à statuer sur les différends non résolus, dispose alors de tous les éléments nécessaires pour trancher le litige.

B) Le rôle du juge commis

Dans le cadre du partage judiciaire, le juge commis, désigné conformément à l’article 1364 du Code de procédure civile, occupe une place centrale dans le bon déroulement des opérations. Investi d’une mission de supervision et d’encadrement, il intervient pour garantir la régularité des procédures et pour résoudre les éventuelles difficultés rencontrées au cours de la liquidation et du partage.

Aux termes de l’article 1371, le juge commis veille au respect des délais impartis pour l’établissement de l’état liquidatif, conformément à l’article 1369. Sa mission ne se limite pas à une simple supervision passive : il est doté de prérogatives spécifiques lui permettant de veiller à la régularité des opérations de partage. A cet égard, il peut, même d’office, adresser des injonctions, tant aux parties qu’au notaire, pour lever d’éventuels obstacles procéduraux. Ces injonctions permettent notamment de rappeler aux acteurs leur obligation de coopération dans le cadre de la procédure.

En cas de manquements persistants ou de blocages majeurs, le juge dispose également de la faculté de prononcer des astreintes pour inciter les parties ou le notaire à respecter leurs obligations. Cette mesure coercitive, prévue explicitement par l’article 1371, alinéa 2, constitue un puissant levier pour garantir l’exécution des opérations dans les délais impartis. Si, malgré tout, la situation n’évolue pas, le juge peut aller jusqu’à procéder au remplacement du notaire commis par le tribunal, une décision exceptionnelle qui souligne l’importance de l’efficacité dans la gestion des partages judiciaires.

Le juge commis joue également un rôle déterminant dans la gestion des difficultés procédurales ou des incidents qui pourraient entraver la progression des opérations. Comme vu précédemment, en cas de désaccord entre les parties sur le projet d’état liquidatif, l’article 1373 prévoit que le notaire transmette un procès-verbal consignant les dires respectifs des copartageants et les points litigieux. Ce document devient alors la base d’une intervention judiciaire, où le juge peut convoquer les parties ou leurs représentants pour tenter une conciliation.

Outre son rôle de supervision et de conciliation, l’article 1371, alinéa 3, attribue au juge commis la compétence pour statuer sur les demandes relatives à la succession pour laquelle il a été désigné. Ces demandes, qui concernent notamment les incidents ou difficultés procédurales, relèvent de sa compétence exclusive. Toutefois, ses pouvoirs juridictionnels sont strictement encadrés : il ne peut statuer sur le fond du droit ou préjuger des modalités de partage, ces attributions relevant du tribunal.

Par sa mission de surveillance, ses prérogatives coercitives et son rôle actif dans la gestion des désaccords, le juge commis incarne le garant de la régularité et de l’équité dans les opérations de partage. Il agit en chef d’orchestre procédural, coordonnant les efforts du notaire et des parties pour que le partage soit réalisé dans des conditions justes et conformes au droit.

Action en partage: les parties à l’instance

L’action en partage repose sur un principe fondamental : la participation obligatoire de l’ensemble des indivisaires à la procédure. Cette exigence garantit que chaque coindivisaire puisse faire valoir ses droits et que les décisions rendues soient opposables à tous. Le caractère indivisible de l’action impose ainsi l’assignation de tous les indivisaires, sans laquelle la procédure serait irrégulière. Parallèlement, le partage judiciaire se distingue par la réciprocité des qualités de demandeur et de défendeur entre les indivisaires, chacun pouvant indifféremment formuler des demandes ou des moyens de défense tout au long de la procédure. Ce mécanisme assure une pleine égalité procédurale et favorise une gestion souple et équilibrée des intérêts en présence.

I) La nécessité d’assigner tous les indivisaires

L’action en partage ne saurait être valablement introduite sans que tous les coindivisaires soient appelés à y participer. Ce principe, qui confère à l’action en partage un caractère indivisible, vise à garantir que chaque indivisaire dispose de la faculté de faire valoir ses droits et de présenter ses observations. Il en résulte que les décisions rendues dans l’instance doivent être opposables à tous, y compris à ceux qui n’auraient pas activement participé ou qui seraient restés silencieux.

La jurisprudence a clairement établi que l’omission d’un indivisaire est de nature à entacher la procédure d’irrégularité. Toutefois, cette irrégularité peut être couverte par l’intervention volontaire de l’indivisaire omis ou par son appel en la cause au cours de l’instance (Cass. 1ère civ., 18 juill. 1963). Néanmoins, le coindivisaire omis conserve la faculté d’exiger que l’intégralité de la procédure soit reprise contradictoirement avec lui. À défaut, il est admis qu’il puisse former une tierce opposition contre le jugement ordonnant le partage ou la licitation. En revanche, lorsqu’un indivisaire s’abstient volontairement de participer, notamment dans des circonstances excluant toute justification valable, il ne sera pas admis à contester un partage homologué sous prétexte qu’il ne protégerait pas suffisamment ses intérêts (Cass. civ. 1re, 7 juin 1988).

A cet égard, en pratique, il est fréquent qu’un indivisaire, par inertie ou indifférence, s’abstienne de participer activement aux opérations de partage. Cette attitude, bien qu’entravant la bonne marche de la procédure, ne saurait toutefois bloquer indéfiniment les opérations. Aussi, l’article 841-1 du Code civil, prévoit des mécanismes pour pallier cette inertie.

Conformément à l’article 841-1 du Code civil « si le notaire commis pour établir l’état liquidatif se heurte à l’inertie d’un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter ». L’article 1367 du Code civil précise que la mise en demeure signifiée à l’indivisaire défaillant « mentionne la date prévue pour réaliser les opérations de partage ». Elle doit, par ailleurs, informer l’indivisaire des conséquences de sa défaillance.

Faute pour l’indivisaire d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète des opérations. Pour ce faire, le notaire dresse un procès-verbal et le transmet au juge commis afin que soit désigné un représentant à l’héritier défaillant.

La désignation d’un tel mandataire a des conséquences importantes. En effet, si elle permet d’éviter les blocages procéduraux, elle prive l’indivisaire défaillant de toute possibilité d’intervention directe dans les décisions prises au cours des opérations. Toutefois, il conserve un droit à l’information, garantissant un équilibre minimal entre l’avancement de la procédure et le respect de ses droits (Cass. 1ère civ., 7 juin 1988).

Enfin, il peut être observé que le principe d’indivisibilité de l’action en partage ne se limite pas à la première instance, il joue également dans le cadre d’une procédure d’appel ou de cassation. En cas d’exercice d’une voie de recours, l’ensemble des indivisaires doit être mis en cause, sous peine de voir le recours formé frappé d’irrecevabilité. Par ailleurs, un appel interjeté par un seul indivisaire bénéficie à tous, confirmant une nouvelle fois le caractère indissociable de leurs intérêts.

II) La réciprocité des qualités de demandeur et défendeur

Une caractéristique essentielle du partage judiciaire réside dans la réciprocité des qualités de demandeur et de défendeur entre les indivisaires. Dès l’introduction de l’instance, chaque partie peut indifféremment formuler des demandes principales ou incidentes, qu’elles portent sur l’établissement de l’actif, du passif ou encore sur les modalités de répartition.

Ainsi, toute demande formulée, qu’elle soit principale ou incidente, est traitée comme une défense à une prétention adverse, offrant aux parties une grande souplesse procédurale (Cass. 1ère civ., 25 sept. 2013, n°12-21.280). Ce principe favorise une dynamique où les défendeurs peuvent développer leurs propres demandes reconventionnelles ou additionnelles, touchant aussi bien à l’établissement de l’actif qu’à la répartition des charges du passif.

La réciprocité des qualités joue également dans le cadre de l’exercice des voies de recours, consolidant le caractère collectif et indivisible de l’action en partage. Ainsi, l’appel interjeté par un seul indivisaire profite à tous les autres, leur permettant de bénéficier des effets de l’appel sans avoir à le former eux-mêmes.

Par ailleurs, le principe de réciprocité des qualités déroge à la règle générale de concentration des moyens, qui impose, sous peine d’irrecevabilité, que toutes les prétentions soient présentées dans le premier jeu de conclusions adressées à la Cour d’appel.

Cette règle est écartée dans le cadre du partage, où les parties, étant respectivement demanderesses et défenderesses, peuvent introduire des demandes nouvelles en cours d’instance ou même en appel. Par exemple, des prétentions relatives à l’ajout de biens omis, à la contestation d’un acte de recel ou à la reconnaissance d’un droit à attribution préférentielle restent recevables, même si elles ne figuraient pas dans les premières conclusions (Cass. 1ère civ. 9 juin 2022, n°19-24.368).

Partage judiciaire: l’action en partage

Lorsque les voix des indivisaires divergent, ou lorsque l’incapacité, l’absence ou la défaillance d’un copartageant érigent des obstacles à la libre répartition de l’indivision, le recours à la justice s’impose. Le partage judiciaire, en sa solennité, se présente alors comme l’ultime remède destiné à restaurer l’équilibre des droits et à assurer la sortie de l’indivision.

Historiquement, le Code civil a consacré une réglementation rigoureuse du partage judiciaire, témoin de la volonté napoléonienne d’instaurer un cadre protecteur dans des situations souvent marquées par la discorde. Régi par les anciens articles 819 à 842, ce cadre, bien que parfois jugé complexe et formaliste, portait l’empreinte d’un souci d’équité manifeste, visant à protéger les droits de chacun tout en maintenant un équilibre entre les prétentions des copartageants.

Toutefois, le poids de la tradition n’a pas fait obstacle à l’œuvre réformatrice des siècles suivants. Le législateur, inspiré par un désir d’assouplissement et d’efficacité, a progressivement adapté ce régime aux exigences modernes. De la loi du 14 décembre 1964 à celle du 23 juin 2006, suivies des réformes de 2015 et 2019, le partage judiciaire a vu son domaine se restreindre, son fonctionnement se simplifier, et sa vocation devenir subsidiaire. Désormais, il n’intervient qu’en ultime recours, lorsque le partage amiable se révèle impossible, que ce soit en raison d’un désaccord entre les parties ou de l’absence d’autorisation ou d’approbation dans les cas prévus par la loi (art. 840 C. civ.).

Le tribunal, investi du rôle d’arbitre des différends, veille scrupuleusement au respect du principe cardinal d’égalité en valeur, énoncé à l’article 826 du Code civil. À cette exigence fondamentale s’ajoutent les dispositions du Code de procédure civile, qui précisent avec soin les modalités d’exécution de cette opération, assurant ainsi une cohérence et une sécurité juridique à chaque étape du processus.

Cependant, la modernité du droit du partage judiciaire réside dans sa souplesse retrouvée : à tout moment, les indivisaires peuvent abandonner les voies judiciaires pour revenir au partage amiable, si les conditions le permettent (art. 842 C. civ.). Ainsi, le partage judiciaire, bien que nécessaire dans certaines circonstances, n’est jamais irréversible, préservant toujours la primauté de la volonté commune sur l’autorité imposée.

Nous nous focaliserons ici sur l’action en partage.

I) Compétence

A) Principes généraux

1. Détermination de la juridiction compétente

==>Compétence exclusive du Tribunal judiciaire

Aux termes de l’article 841 du Code civil, il est expressément prévu que le Tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître des actions en partage et des contestations qui s’élèvent dans le cadre des successions ou des communautés dissoutes. Cette compétence générale et exclusive découle de la volonté du législateur d’unifier le traitement des litiges se rapportant au partage d’indivisions au sein d’une juridiction unique, garantissant ainsi une cohérence dans l’application du droit.

La doctrine et la jurisprudence confirment que cette exclusivité s’applique à toutes les phases du partage, depuis la demande initiale jusqu’aux contestations relatives à la nullité d’un partage ou au complément de part. La nature civile des litiges écarte par ailleurs toute compétence du Tribunal de commerce. Ainsi, il a été jugé que les litiges concernant l’homologation d’un partage successoral ou communautaire échappent à la compétence du tribunal de commerce, même lorsqu’un indivisaire est en liquidation judiciaire (Cass. 1re civ., 28 févr. 2006, n°03-19.853).

Les juridictions spécialisées, comme la chambre des saisies immobilières, peuvent intervenir dans certains cas limités, notamment lorsqu’une licitation est liée à une procédure de saisie (Cass. 2e civ., 19 févr. 2009, n°08-11.869). Toutefois, cette compétence reste une extension de celle du tribunal judiciaire.

==>Compétence territoriale

En matière successorale, la compétence territoriale est fixée au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, conformément à l’article 841 du Code civil et à l’article 45 du Code de procédure civile. Ce lieu correspond, selon l’article 720 du Code civil, au dernier domicile du défunt. Cette règle permet une gestion des litiges au plus près des éléments matériels, tels que les biens de la succession et les témoins éventuels.

En cas de dissolution d’une communauté conjugale, les principes applicables aux successions s’étendent également au partage des biens communs. L’article 1476 du Code civil assimile ainsi les règles de compétence territoriale des partages successoraux à celles des partages communautaires. Par exemple, la jurisprudence ancienne, mais toujours pertinente, a confirmé que le tribunal compétent est celui du lieu de dissolution de la communauté (Cass. civ. 31 juill. 1918).

Pour les sociétés, la jurisprudence reconnait la compétence du Tribunal judiciaire du lieu du siège social en cas de liquidation et de partage des biens entre associés (Cass. civ., 3 déc. 1980). En revanche, une procédure collective est sans incidence sur cette répartition de compétence si le litige porte exclusivement sur des aspects civils et non commerciaux.

==>Compétence matérielle

L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour traiter l’ensemble des litiges relatifs au partage, qu’il s’agisse de successions, de communautés dissoutes ou d’autres indivisions. Cette compétence s’étend non seulement aux actions principales — telles que la demande en partage, les actions en nullité ou en complément de part, et les garanties entre copartageants — mais également à des questions accessoires qui découlent du partage ou s’y intègrent directement.

  • Les opérations principales de partage
    • L’article 841 du Code civil confère au tribunal judiciaire une compétence matérielle exclusive pour toutes les questions relatives aux opérations principales de partage.
    • Cette compétence embrasse tant la demande initiale de partage que les actions en nullité, en complément de part, ainsi que les litiges liés aux garanties des lots entre copartageants.
    • Le partage, moment cardinal dans le processus de liquidation des indivisions successorales ou post-communautaires, a pour finalité d’assurer une répartition équitable des biens composant le patrimoine indivis, dans le respect des droits de chaque indivisaire.
    • En conséquence, toute contestation portant sur la validité ou l’équité de cette répartition, qu’elle soit fondée sur un vice du consentement ou une disproportion manifeste, relève exclusivement de la compétence du tribunal judiciaire, seul à même d’en garantir les droits des copartageants.
    • Cette compétence ne se limite pas aux opérations de partage proprement dites, mais s’étend également à leurs suites nécessaires, dès lors que ces dernières trouvent leur origine dans l’acte de partage initial.
    • À ce titre, des contentieux tels que la remise de sommes ou de titres devant être rapportés à la masse successorale, ou encore la reddition de comptes par un indivisaire ayant exercé des fonctions d’administration, doivent être portés devant la juridiction ayant connu du partage.
    • En outre, le Tribunal judiciaire dispose du pouvoir d’ordonner des licitations, lorsque la vente publique des biens indivis s’avère indispensable pour permettre une répartition équitable.
    • Il lui incombe également de statuer sur les contestations relatives à une déclaration de surenchère formulée dans le cadre d’une adjudication sur licitation, veillant ainsi à garantir la cohérence et l’unité de la procédure, tant dans sa mise en œuvre que dans ses effets.
  • Les opérations accessoires au partage
    • Outre les opérations principales de partage, l’article 841 du Code civil investit le Tribunal judiciaire d’une compétence exclusive pour connaître des opérations accessoires au partage, lesquelles visent à régir les conditions particulières de l’indivision, tant avant qu’au cours de la liquidation.
      • Le maintien dans l’indivision
        • En vertu des articles 820 à 823 du Code civil, le Tribunal judiciaire peut, dans certaines circonstances, ordonner un sursis au partage afin de préserver l’intérêt commun des indivisaires.
        • Ce sursis peut être motivé par la nécessité de prévenir une dépréciation des biens indivis ou de permettre à un indivisaire de reprendre une activité économique dépendant de la succession.
        • Le conjoint survivant ou les héritiers mineurs peuvent également solliciter le maintien dans l’indivision pour conserver l’usage d’un bien à des fins d’habitation ou professionnelles.
        • Ces mesures, dont la durée est strictement encadrée mais renouvelable, visent à concilier les exigences économiques et sociales des parties, tout en préservant les droits des indivisaires.
      • L’attribution préférentielle
        • L’attribution préférentielle, régie par les articles 831 à 834 du Code civil, permet à un indivisaire d’obtenir, en contrepartie d’une indemnisation, l’attribution exclusive d’un bien déterminé.
        • Ce mécanisme, intrinsèquement lié au partage, favorise la préservation de certains biens dans le patrimoine familial, tels qu’une exploitation agricole, une entreprise ou une résidence principale.
        • Le tribunal judiciaire, seul compétent pour statuer sur de telles demandes, évalue les prétentions des parties en tenant compte de leurs intérêts respectifs, ainsi que de l’aptitude du demandeur à gérer et à valoriser le bien concerné (art. 832-3 C. civ.).
        • Lorsqu’un conflit surgit entre plusieurs prétendants, il revient au tribunal de désigner le candidat le plus à même de préserver la pérennité du bien.
      • L’attribution éliminatoire
        • Lorsque certains indivisaires souhaitent demeurer dans l’indivision tandis qu’un autre sollicite un partage global, le tribunal judiciaire peut, en application de l’article 824 du Code civil, ordonner une attribution éliminatoire.
        • Ce mécanisme permet d’attribuer aux indivisaires restants la part de celui qui souhaite se retirer, moyennant une indemnisation équitable.
        • La jurisprudence exige toutefois que cette attribution soit précédée d’une demande explicite de partage global formulée par l’indivisaire concerné (Cass. 1re civ., 15 mai 2008, n° 07-13.179).

2. Caractère d’ordre public de la compétence

Il est admis que l’article 841 du Code civil, qui confère au tribunal judiciaire une compétence exclusive en matière de partage, présente un caractère d’ordre public. Ce caractère impératif interdit aux parties de déroger aux règles légales de compétence, notamment en désignant une juridiction autre que celle prévue par le texte, sous peine de nullité.

Historiquement, la reconnaissance de ce caractère d’ordre public à cette règle de compétence a été le fruit d’une lente maturation jurisprudentielle. Sous l’empire des anciennes dispositions des articles 822 du Code civil et 59 de l’ancien Code de procédure civile, la jurisprudence oscillait entre la reconnaissance d’une compétence impérative et une certaine souplesse dans son application.

Ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la Cour de cassation s’est fermement prononcée en faveur de l’attribution exclusive de compétence au tribunal du lieu d’ouverture de la succession, par des arrêts marquants tels que celui du 20 juin 1898, qui opéra une véritable consolidation de ce principe.

La loi du 15 mars 1928 a achevé de consacrer cette évolution en érigeant, à peine de nullité, le respect des règles de compétence territoriale en matière successorale en un principe impératif.

Dans sa rédaction actuelle, l’article 841 ne mentionne plus explicitement la nullité comme sanction de la violation des règles de compétence, mais il ne fait aucun doute que ce caractère impératif subsiste. Les travaux préparatoires de la réforme n’apportent aucun élément suggérant un abandon du caractère d’ordre public de la règle.

Quoi qu’il en soit, ce caractère d’ordre public impose une stricte application des règles de compétence, sous le contrôle exclusif du Tribunal judiciaire territorialement compétent. Même lorsque certaines opérations, comme la licitation d’immeubles, sont déléguées à une autre juridiction ou à un notaire, le Tribunal du lieu d’ouverture de la succession demeure seul compétent pour connaître, en dernier lieu, des opérations de partage.

Néanmoins, l’impérativité attachée à cette compétence n’exclut pas la possibilité d’aménagements procéduraux dictés par les exigences d’une bonne administration de la justice. Il est ainsi permis d’autoriser la jonction d’instances lorsque plusieurs successions ouvertes dans des ressorts différents révèlent une connexité manifeste, permettant de les regrouper devant une même juridiction pour en garantir une gestion cohérente et harmonieuse.

De surcroît, il peut être admis qu’une action relative à la liquidation d’une communauté dissoute et aux successions indivises des époux soit portée devant le tribunal compétent pour la première dissolution, dès lors que cette concentration des contentieux apparaît conforme à l’exigence d’efficacité procédurale, tout en assurant une unité dans le traitement des intérêts en cause.

B) Règles spécifiques en matière matrimoniale

Sous l’empire du droit antérieur, c’est le principe général de la compétence du Tribunal judiciaire pour le partage de la succession qui s’appliquait au partage judiciaire consécutif à la dissolution d’une communauté le juge du divorce n’étant pas investi d’une compétence spécifique pour en connaître. Ce dernier, limité à statuer sur la rupture du lien conjugal et ses conséquences immédiates, était dépourvu de toute compétence pour trancher les questions relatives à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux des époux. Cette dichotomie procédurale marquait une stricte séparation entre le contentieux matrimonial et les aspects patrimoniaux, lesquels devaient être portés devant le tribunal compétent pour connaître du partage, souvent le tribunal du lieu de dissolution du régime matrimonial. Cette situation, source de complexité et de dédoublement des instances, imposait aux époux des démarches souvent longues et coûteuses, prolongeant inutilement les litiges liés à la désunion.

Cette stricte séparation entre le contentieux du divorce et celui du partage de l’indivision post-communautaire s’inscrivait dans une vision procédurale fragmentée, où chaque étape relevait de procédures distinctes. En pratique, cela signifiait que, même une fois le divorce prononcé, les époux devaient introduire une nouvelle instance, distincte et autonome, pour régler la liquidation et le partage de leur communauté. Cette démarche, non seulement chronophage, mais également économiquement contraignante, imposait souvent une double mobilisation des juridictions et des professionnels du droit, sans garantir pour autant une réelle coordination entre les décisions.

La situation évolua progressivement sous l’impulsion du législateur, qui prit conscience des écueils liés à une telle dispersion. La loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 marqua un premier tournant en introduisant dans le Code civil un article 264-1, prévoyant que le juge statuant sur le divorce pouvait également ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux, ainsi que trancher sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision ou l’attribution préférentielle. Cette disposition initia une certaine concentration des contentieux matrimoniaux dans une logique d’efficience procédurale.

Cependant, c’est la réforme opérée par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 qui consacra véritablement une évolution majeure dans l’organisation procédurale du partage consécutif au divorce. En instaurant une architecture procédurale profondément renouvelée, cette réforme attribua au juge aux affaires familiales une compétence exclusive en matière de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux des époux. Désormais, conformément à l’article 267 du Code civil, le juge est chargé de statuer, à défaut d’un règlement amiable entre les époux, sur des demandes telles que le maintien dans l’indivision, l’attribution préférentielle ou encore l’avance sur part de communauté ou de biens indivis. Cette centralisation des contentieux sous l’autorité d’un magistrat unique répondait à une double exigence : simplifier les procédures et renforcer leur efficacité, tout en garantissant une cohérence décisionnelle accrue.

Dans le droit fil de cette réforme, l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 vint renforcer et préciser le cadre procédural, introduisant des exigences destinées à structurer et encadrer les litiges patrimoniaux. Les époux, lorsqu’ils ne parviennent pas à un règlement amiable, doivent désormais justifier de leurs désaccords par la production d’une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire ou d’un projet de liquidation établi par un notaire désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil. Ce dispositif vise à faciliter le travail juridictionnel en circonscrivant précisément les points de contentieux. En l’absence de telles diligences, les parties doivent engager une nouvelle procédure devant le Tribunal judiciaire, compétent pour statuer sur les litiges relatifs à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux.

Depuis ces réformes, le juge aux affaires familiales s’est affirmé comme un acteur central dans la résolution des différends patrimoniaux consécutifs au divorce. L’article 267 du Code civil, dans sa version issue de l’ordonnance de 2015, confère à ce magistrat une large latitude pour statuer sur des enjeux essentiels à la préservation des droits des parties. Parmi ces prérogatives figurent notamment la possibilité d’ordonner le maintien de certains biens en indivision, d’attribuer des biens à titre préférentiel, en particulier lorsqu’il s’agit du logement familial ou de biens à usage professionnel, ou encore d’accorder des avances sur les parts de communauté ou de biens indivis.

Le rôle du notaire dans ce dispositif a également été consolidé. Désigné par le juge, le notaire est chargé d’établir un inventaire détaillé des biens, de proposer un projet de partage et de clarifier les points de désaccord entre les époux. Ces missions, prévues à l’article 255, 10° du Code civil, constituent une étape préparatoire cruciale pour orienter les décisions judiciaires et, lorsque cela est possible, favoriser une résolution amiable des conflits. Toutefois, la suppression de l’ordonnance de non-conciliation par la réforme de 2019 a significativement réduit les délais de la procédure de divorce, soulevant des inquiétudes quant à la capacité des notaires à mener à bien ces expertises dans un temps désormais plus restreint.

Le partage consécutif à un divorce ne saurait être réduit à une simple opération comptable. En vertu de l’article 1476 du Code civil, le partage de la communauté est régi, mutatis mutandis, par les règles successorales, lesquelles encadrent les formes du partage, le maintien dans l’indivision, la licitation des biens, les garanties des lots et les soultes éventuelles. Cette assimilation témoigne de la volonté du législateur d’assurer une cohérence procédurale et substantielle entre ces deux régimes, tout en adaptant leurs mécanismes aux spécificités du contentieux matrimonial.

Cependant, lorsque le partage de la communauté s’entrelace avec une succession, notamment en cas de décès de l’un des époux, la compétence revient au Tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession. Cette articulation délicate entre compétences matrimoniales et successorales illustre la complexité des enjeux patrimoniaux, tout en visant à concilier les exigences d’équité et d’efficacité procédurale.

Enfin, conformément à l’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales conserve une compétence élargie pour statuer sur des demandes connexes, telles que celles relatives aux régimes matrimoniaux des concubins ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Toutefois, les règlements successoraux et les partages non matrimoniaux restent de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, garantissant ainsi une répartition claire des compétences juridictionnelles.

II) Conditions préliminaires de l’action en partage

A) L’intérêt pour agir

Conformément à l’article 31 du Code de procédure civile, l’introduction d’une action en partage suppose que le demandeur justifie d’un intérêt personnel, direct et actuel à agir. Cet intérêt découle naturellement de la qualité d’indivisaire, lui conférant le droit de solliciter la fin de l’indivision. Cette qualité trouve son fondement dans l’article 815 du Code civil, qui consacre le droit de chaque indivisaire à provoquer le partage de l’indivision, sauf s’il en a été convenu autrement.

Cependant, cet intérêt doit demeurer concret : l’action ne peut être exercée que si le demandeur justifie d’un droit dans l’indivision. Ainsi, un tiers étranger ou un héritier potentiel non encore reconnu ne saurait introduire une telle action, sauf à se heurter à une fin de non-recevoir.

B) Prescription de l’action

L’action en partage est imprescriptible. La raison en est que, conformément à l’article 815 du Code civil, nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision. Cette disposition garantit ainsi à tout indivisaire le droit de solliciter à tout moment la dissolution de l’indivision. Le caractère imprescriptible de l’action en partage a été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt de la première chambre civile du 12 décembre 2007 (Cass. 1re civ., 12 déc. 2007, n° 06-20.830).

Dans cette affaire, un indivisaire avait sollicité en 2005 l’ouverture de la succession de son ascendant décédé en 1932, dans le cadre du partage de la succession de son autre ascendant, décédé en 1995. La cour d’appel avait rejeté cette demande, en estimant qu’elle était prescrite, au motif que le délai écoulé depuis le décès survenu en 1932 faisait obstacle à l’action. La Cour de cassation a cassé cette décision en rappelant qu’en vertu de l’article 815 du Code civil, le droit de demander le partage est imprescriptible. En l’espèce, elle a jugé que l’indivisaire pouvait légitimement provoquer le partage, nonobstant le délai écoulé.

Toutefois, si l’action principale en partage est imprescriptible, certaines prétentions accessoires, comme les demandes de rapport ou de réduction, peuvent être soumises à des délais de prescription spécifiques. Ces délais, qui relèvent des règles de droit commun, doivent être soigneusement distingués du droit principal de demander le partage. Par exemple, une demande tendant à contester une libéralité excessive ou à intégrer des biens dans la masse partageable pourrait être frappée par la prescription si elle n’est pas exercée dans les délais impartis.

Enfin, bien que l’action en partage ne soit pas affectée par la prescription extinctive, la prescription acquisitive peut venir limiter ses effets dans certaines hypothèses. Ainsi, si un indivisaire a exercé une possession exclusive sur un bien indivis pendant une durée suffisante pour en acquérir la propriété, ce bien pourrait être soustrait de la masse partageable. Cette exception, bien que marginale, illustre que l’imprescriptibilité de l’action ne confère pas un caractère absolu à tous les droits liés à l’indivision, mais s’inscrit dans un cadre cohérent avec les principes du droit civil.

C) Publicité foncière préalable

Contrairement à d’autres actions judiciaires impliquant des droits immobiliers, la demande en partage ne nécessite pas de publicité préalable au service de la publicité foncière, même lorsque le patrimoine indivis comprend des immeubles. Cette spécificité résulte de la nature même de l’action en partage, qui vise avant tout à organiser la répartition des biens entre les indivisaires sans produire immédiatement d’effets à l’égard des tiers.

L’article 28, 4, c) du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 impose une obligation de publicité pour les demandes en justice tendant à obtenir la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’un acte portant sur des droits immobiliers soumis à publicité foncière. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas à l’action en partage, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 15 février 2006 (Cass. 3e civ, 15 févr. 2006, n°04-20.521).

Dans cette affaire, un créancier, invoquant des titres exécutoires, avait assigné un indivisaire pour obtenir l’annulation de sa déclaration de renonciation à succession ainsi que l’ouverture des opérations de partage, incluant la licitation d’un bien immobilier indivis. La cour d’appel avait déclaré ces demandes irrecevables au motif que les actes d’assignation n’avaient pas été publiés au service de la publicité foncière.

La Cour de cassation a censuré cette décision en considérant que l’obligation de publicité foncière, prévue par l’article 28, 4, c) du décret précité, ne s’applique qu’aux demandes tendant à l’anéantissement rétroactif d’un droit antérieurement publié. Or, dans le cadre d’une action en partage, les biens indivis conservent leur nature collective jusqu’à l’homologation du partage, ce qui exclut toute modification opposable aux tiers tant que cette formalisation n’est pas intervenue. Ainsi, l’absence de publicité ne peut constituer une cause d’irrecevabilité de l’action en partage.

La décision illustre que l’action en partage échappe à l’exigence de publicité foncière lors de son introduction, contrairement aux actions visant à modifier ou supprimer un droit inscrit au fichier immobilier. Cela simplifie la procédure, en réduisant les formalités et les coûts pour les indivisaires ou les créanciers qui souhaitent engager une telle action.

Cependant, cette absence de publicité implique que les tiers, notamment les créanciers hypothécaires, ne soient pas informés des premières étapes de la procédure, ce qui peut engendrer des difficultés. Par exemple, une mutation de droits entre indivisaires pourrait se produire à l’insu des tiers avant l’homologation du partage.

Il convient de souligner que, si la publicité n’est pas requise au stade de l’introduction de l’action, elle devient obligatoire au moment de la formalisation du partage, lorsque les biens indivis sont attribués ou cédés à titre individuel. À ce stade, les mutations doivent être inscrites au fichier immobilier aux fins d’information des tiers, encore que le défaut de publicité ne soit sanctionné, ni par la nullité du partage, ni par l’inopposabilité. Tout au plus, les tiers pourraient solliciter l’octroi de dommages et intérêts s’ils justifient d’un préjudice.

III) Introduction de l’instance

Le partage judiciaire, visant à mettre fin à une indivision, peut être introduit par deux types d’actes : l’assignation, mode ordinaire de saisine du Juge, et la requête conjointe, solution privilégiée lorsque les indivisaires consentent à une demande commune.

A) Introduction de l’instance par voie d’assignation

1. Assignation unique

a. Conditions de recevabilité de l’assignation

L’article 1360 du Code de procédure civile prévoit que « à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable. »

Il s’infère de cette disposition que l’assignation en partage, pour être recevable, doit satisfaire à trois conditions spécifiques à peine d’irrecevabilité.

==>Le descriptif sommaire du patrimoine à partager

L’assignation en partage doit impérativement comporter une description précise de l’ensemble des éléments composant l’indivision. Cette exigence s’étend à tous les biens constitutifs de la masse partageable, qu’il s’agisse de biens immobiliers, de biens mobiliers, de créances, de passifs ou de tout autre actif indivis. Dans un arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de cassation a précisé que l’état descriptif du patrimoine à partager pouvait n’être que sommaire. Plus précisément, elle a affirmé que, si l’absence d’un descriptif suffisant exposait l’assignation à une fin de non-recevoir, il n’était pas exigé que celui-ci fournisse la consistance et la valeur exacte du patrimoine (Cass. 1ère civ., 28 janv. 2015, n°13-50.049).

Cet état descriptif sommaire constitue un préalable indispensable à l’organisation des opérations liquidatives en permettant à la juridiction saisie d’appréhender avec précision l’étendue de l’indivision et les enjeux patrimoniaux qui en découlent. A cet égard, dans les situations complexes, telles que celles impliquant des successions comprenant de multiples biens ou des libéralités sujettes à rapport ou réduction, la description devra comprendre ces informations conformément aux exigences des articles 843 et suivants du Code civil. À titre d’illustration, l’indivisaire demandeur pourra mentionner une donation antérieure dont il entend obtenir le rapport à la masse partageable, ou encore les libéralités qui excéderaient la quotité disponible et nécessiteraient une réduction.

De surcroît, lorsque plusieurs indivisions coexistent entre les mêmes personnes, qu’elles portent sur des biens identiques ou différents, il appartient au demandeur de signaler leur regroupement éventuel dans le cadre d’une procédure unique, en application de l’article 840-1 du Code civil. Cette disposition vise à éviter une multiplication des contentieux et à privilégier une gestion cohérente et globale des opérations de partage.

En tout état de cause, un descriptif lacunaire ou imprécis pourrait entraîner de lourdes conséquences procédurales. Une telle omission exposerait l’assignation à une fin de non-recevoir, dès lors qu’elle empêcherait le tribunal de remplir pleinement sa mission juridictionnelle, comme l’a souligné la jurisprudence à plusieurs reprises.

==>Les intentions du demandeur quant à la répartition des biens

L’article 1360 du Code de procédure civile oblige le demandeur à indiquer avec précision dans l’assignation ses prétentions relatives à la répartition des biens. Cette obligation s’inscrit dans une démarche visant à baliser le champ des débats, à clarifier les enjeux et à garantir un traitement équitable des intérêts en présence.

Parmi les prétentions susceptibles d’être formulées, il peut s’agir d’exprimer une demande d’attribution préférentielle. Prévue par l’article 831-2 du Code civil, cette faculté permet à un indivisaire de requérir l’attribution prioritaire d’un bien, sous réserve de remplir certaines conditions légales. Il peut s’agir, par exemple, pour le demandeur d’établir que le bien est occupé à titre de résidence principale, qu’il est affecté à une exploitation agricole, ou encore qu’il répond à des besoins impérieux découlant d’une situation de dépendance économique.

Cette demande, qui doit être explicitement formulée dans l’assignation, permet au juge d’anticiper les modalités de répartition et d’organiser les opérations liquidatives en conséquence. À défaut d’une justification suffisante ou d’une formulation claire, la juridiction saisie pourrait être amenée à rejeter la prétention, ce qui ne serait pas sans créer des incertitudes dans la conduite des opérations de partage.

Outre l’attribution préférentielle, le demandeur peut également formuler des revendications relatives à des créances. C’est notamment le cas de la créance de salaire différé prévue par l’article L. 321-13 du Code rural. Cette disposition offre la possibilité à un descendant ayant participé sans rémunération à l’exploitation familiale de réclamer une créance au titre de sa contribution.

Une telle revendication doit être formulée dans l’assignation, en précisant les éléments factuels et juridiques justifiant son bien-fondé. La mention de cette revendication dans l’assignation est indispensable pour permettre au Tribunal de statuer sur la validité de la créance et d’intégrer celle-ci dans les opérations liquidatives. À défaut, la créance pourrait être écartée ou faire l’objet de contestations susceptibles d’allonger inutilement la procédure.

==>Les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable

L’article 1360 du Code de procédure civile renforce le caractère subsidiaire du partage judiciaire en imposant au demandeur de justifier des démarches entreprises pour tenter de parvenir à un partage amiable. Cette exigence, loin d’être purement formelle, s’inscrit dans une volonté de favoriser les solutions négociées et de préserver l’équilibre entre les droits des indivisaires.

Les démarches doivent refléter une tentative sérieuse et sincère de résolution amiable du différend. Parmi celles-ci figurent notamment :

  • Les tentatives de médiation ou de conciliation : ces procédures, qu’elles soient judiciaires ou extrajudiciaires, permettent aux indivisaires de rechercher un accord sous l’égide d’un tiers impartial. La jurisprudence a souligné l’importance de telles démarches, qui témoignent de la bonne foi du demandeur.
  • Les propositions concrètes de répartition ou de valorisation des biens : les échanges écrits ou les comptes rendus de négociations doivent traduire une véritable volonté de parvenir à un accord. Par exemple, la soumission de projets de partage détaillés ou l’évaluation commune des biens indivis peut constituer une preuve suffisante des efforts entrepris.

La jurisprudence a régulièrement souligné l’importance de cette obligation. Dans un arrêt du 4 janvier 2017, la Cour de cassation a, par exemple, jugé que les diligences attendues doivent être concrètes, étayées et documentées (Cass. 1ère civ., 4 janv. 2017, n°15-25.655). De simples velléités ou déclarations d’intention ne sauraient suffire : les démarches doivent refléter des actions tangibles, effectuées avant l’introduction de l’instance.

A cet égard, il importe de distinguer les diligences prescrites par l’article 1360 du Code de procédure civile des exigences plus strictes énoncées à l’article 54 du même code, lequel impose, dans d’autres matières, une tentative obligatoire préalable de conciliation ou de médiation. Ces deux dispositifs, bien que convergents dans leur finalité pacificatrice, répondent à des logiques distinctes.

L’article 1360, loin d’édicter une contrainte procédurale rigide, traduit avant tout le principe de subsidiarité du partage judiciaire. En exigeant que les parties démontrent avoir épuisé les voies amiables avant de solliciter l’intervention du juge, il cherche à favoriser la résolution consensuelle des différends, tout en préservant l’intervention judiciaire comme un ultime recours.

Cette approche trouve un écho particulier dans la possibilité, offerte aux indivisaires non contestataires mais demeurant silencieux, de faire désigner un représentant ad hoc. Cette faculté, qui s’inscrit dans une logique de pragmatisme procédural, vise à organiser les opérations de partage à l’amiable en contournant l’inertie des parties, tout en préservant les intérêts de l’indivision.

Enfin, l’irrecevabilité pour insuffisance de diligences est d’autant plus rigoureuse qu’elle ne peut être régularisée qu’en ce qui concerne les aspects formalistes de l’assignation. Les diligences, quant à elles, doivent précéder l’introduction de l’instance et ne sauraient être reconstituées a posteriori.

Enfin, l’irrecevabilité pour insuffisance de diligences est d’autant plus rigoureuse qu’elle ne peut être régularisée qu’en ce qui concerne les exigences de mention de l’état descriptif du patrimoine à partager et l’intention du demandeur. En effet, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 21 septembre 2016, les diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable doivent précéder la délivrance de l’assignation et ne sauraient être couvertes a posteriori (Cass. 1ère civ., 21 sept. 2016, n°15-23.250). Cette exigence repose sur la finalité même de l’article 1360 du Code de procédure civile, qui impose au demandeur de démontrer, dès l’introduction de l’instance, que le recours au partage judiciaire résulte de l’échec avéré des voies amiables.

Dans cette affaire, la Première chambre civile a jugé que l’omission, dans l’assignation, de toute mention relative aux efforts entrepris pour parvenir à un accord amiable exposait irrémédiablement la demande à une fin de non-recevoir. Elle a également précisé que la production, postérieure à l’assignation, de documents attestant de démarches amiables, telles qu’une sommation interpellative, ne pouvait pallier l’insuffisance initiale. Ainsi, le juge n’est pas tenu de prendre en considération des initiatives entreprises après l’introduction de l’instance.

Cette décision met en exergue l’importance de l’anticipation et de la sincérité dans la mise en œuvre des diligences. Il ne suffit pas de formuler des protestations de bonne foi ou de s’appuyer sur des démarches superficielles. Il est exigé que les efforts déployés avant l’assignation soient concrets, documentés et reflètent une réelle volonté de parvenir à un accord amiable.

En adoptant cette position stricte, la jurisprudence inscrit la subsidiarité du partage judiciaire au cœur de la procédure. L’objectif est de limiter l’intervention judiciaire aux seuls cas où toutes les tentatives amiables ont échoué, protégeant ainsi les droits des indivisaires tout en garantissant une gestion cohérente et respectueuse des litiges survenant dans le cadre d’un partage

b. Sanctions des conditions de recevabilité de l’assignation

Le non-respect des exigences prescrites par l’article 1360 du Code de procédure civile est sanctionné par une fin de non-recevoir. L’irrecevabilité de la demande formulée par voie d’assignation peut être invoquée tant par les défendeurs que relevée d’office par le Juge, conformément à l’article 122 du Code de procédure civile.

A cet égard, l’appréciation de la recevabilité des assignations en partage relève désormais de la compétence du juge de la mise en état, en application de l’article 789 du Code de procédure civile, modifié par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Aussi, ce juge, qui intervient dès les phases préparatoires du litige, dispose désormais de la compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées du non-respect des exigences de l’article 1360.

Ce recentrage procédural, motivé par un souci d’efficacité et de fluidité dans le traitement des affaires, confère au juge de la mise en état un rôle clé dans la régulation des litiges intéressant le partage. Il lui appartient d’apprécier la validité formelle et substantielle de l’assignation, en vérifiant notamment que les diligences amiables invoquées par le demandeur répondent aux exigences légales et jurisprudentielles.

2. Pluralité d’assignations

L’article 1359 du Code de procédure civile tranche les conflits procéduraux susceptibles de naître lorsqu’une pluralité d’indivisaires introduit des demandes en partage concurrentes. Ce texte dispose que « en cas de pluralité d’assignations, le demandeur au partage est celui qui a fait en premier enrôler son assignation au greffe du tribunal judiciaire ».

C’est donc la règle de priorité d’enrôlement qui a vocation à départager les demandes concurrentes. Cette règle repose sur un critère chronologique, visant à garantir l’ordre dans la gestion des instances de partage. Toutefois, cette règle de priorité n’est pas sans limites : elle est conditionnée à la validité de l’assignation initiale. Une assignation frappée de nullité ou irrégulière, notamment pour défaut de notification à tous les indivisaires ou vice de forme, ne saurait bénéficier de cette priorité.

La règle énoncée par l’article 1359 s’inscrit dans la continuité de l’ancien article 967 du Code de procédure civile, qui prévoyait que la priorité revenait à celui ayant fait viser en premier l’original de son exploit par le greffe, avec mention du jour et de l’heure. Désormais, c’est l’enrôlement de l’assignation qui constitue le critère déterminant. Toutefois, cette rédaction a été critiquée pour son imprécision : il aurait été préférable de se référer au placement de l’assignation, car l’enrôlement dépend en réalité de l’initiative du greffe.

Il peut être observé que lorsque deux ou plusieurs assignations sont enrôlées le même jour, le texte reste silencieux sur les modalités de départage. La jurisprudence a parfois privilégié le demandeur représentant les intérêts les plus significatifs dans l’instance ou, en cas d’égalité, l’ancienneté de l’avocat représentant les parties. Cependant, dans ces hypothèses, il appartient au tribunal d’exercer son pouvoir souverain pour trancher le conflit.

Dans le cas particulier où une première assignation n’a pas encore été notifiée à tous les indivisaires, certaines juridictions ont admis que cette omission pouvait être régularisée à condition qu’elle n’entrave pas le déroulement de l’instance. Toutefois, une telle régularisation reste délicate et peut être contestée sur le fondement du principe fraus omnia corrumpit, notamment si elle vise à priver un autre demandeur de la priorité.

B) Introduction de l’instance par voie de requête conjointe

Les dispositions du Code de procédure civile dédiées au partage judiciaire sont silencieuses sur la possibilité d’introduire l’instance par voie de requête conjointe. Est-ce à dire que cet acte introductif d’instance n’est pas admis pour engager une procédure de partage ? Une lecture attentive des textes applicables permet d’écarter cette hypothèse.

En effet, la requête conjointe trouve sa source dans les articles 54, 57 et 757 du Code de procédure civile, qui l’érigent en mode ordinaire de saisine du tribunal judiciaire. Si elle n’est pas expressément mentionnée dans la sous-section consacrée au partage judiciaire, rien dans la lettre ou l’esprit du texte n’interdit son application à ce type de procédure, dès lors que tous les indivisaires s’accordent pour solliciter l’intervention du juge.

Cette possibilité s’inscrit dans une tradition ancienne, héritée du mécanisme de la requête collective, qui permettait déjà aux indivisaires d’introduire une instance en partage en dehors des situations conflictuelles. Bien que la réforme de la protection juridique des majeurs opérée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 ait transformé ce cadre procédural, la requête conjointe demeure un outil juridique adapté pour saisir le juge dans un esprit de coopération.

La requête conjointe offre des avantages indéniables, à commencer par la simplicité de sa mise en œuvre. Elle permet d’éviter les formalités de notification inhérentes à l’assignation, tout en réduisant les délais et les coûts associés à l’introduction d’une procédure contentieuse. En outre, ce mode de saisine favorise une dynamique apaisée entre les indivisaires, en misant sur un minimum de consensus préalable.

Par ailleurs, ce mécanisme est particulièrement adapté dans des contextes où l’intervention judiciaire est requise pour surmonter des obstacles purement techniques ou administratifs, sans qu’un véritable différend n’oppose les parties. Il peut ainsi être utilisé pour solliciter un partage total ou partiel, qu’il prenne la forme d’une répartition en nature ou d’une licitation.

Néanmoins, la requête conjointe n’échappe pas aux règles générales de procédure civile. Les exigences des articles 54, 57 et 757 du Code de procédure civile doivent être respectées, notamment en ce qui concerne la précision des demandes et l’identification des parties. Toute irrégularité dans la rédaction de la requête pourrait entraîner son irrecevabilité.

Il convient également de noter que, contrairement à l’ancienne requête collective, la requête conjointe n’entraîne pas automatiquement un jugement rendu en chambre du conseil. Le traitement de l’affaire suit les règles ordinaires applicables devant le tribunal judiciaire, sauf disposition spécifique.

IV) Parties à l’instance

A) La nécessité d’assigner tous les indivisaires

L’action en partage ne saurait être valablement introduite sans que tous les coindivisaires soient appelés à y participer. Ce principe, qui confère à l’action en partage un caractère indivisible, vise à garantir que chaque indivisaire dispose de la faculté de faire valoir ses droits et de présenter ses observations. Il en résulte que les décisions rendues dans l’instance doivent être opposables à tous, y compris à ceux qui n’auraient pas activement participé ou qui seraient restés silencieux.

La jurisprudence a clairement établi que l’omission d’un indivisaire est de nature à entacher la procédure d’irrégularité. Toutefois, cette irrégularité peut être couverte par l’intervention volontaire de l’indivisaire omis ou par son appel en la cause au cours de l’instance (Cass. 1ère civ., 18 juill. 1963). Néanmoins, le coindivisaire omis conserve la faculté d’exiger que l’intégralité de la procédure soit reprise contradictoirement avec lui. À défaut, il est admis qu’il puisse former une tierce opposition contre le jugement ordonnant le partage ou la licitation. En revanche, lorsqu’un indivisaire s’abstient volontairement de participer, notamment dans des circonstances excluant toute justification valable, il ne sera pas admis à contester un partage homologué sous prétexte qu’il ne protégerait pas suffisamment ses intérêts (Cass. civ. 1re, 7 juin 1988).

A cet égard, en pratique, il est fréquent qu’un indivisaire, par inertie ou indifférence, s’abstienne de participer activement aux opérations de partage. Cette attitude, bien qu’entravant la bonne marche de la procédure, ne saurait toutefois bloquer indéfiniment les opérations. Aussi, l’article 841-1 du Code civil, prévoit des mécanismes pour pallier cette inertie.

Conformément à l’article 841-1 du Code civil « si le notaire commis pour établir l’état liquidatif se heurte à l’inertie d’un indivisaire, il peut le mettre en demeure, par acte extrajudiciaire, de se faire représenter ». L’article 1367 du Code civil précise que la mise en demeure signifiée à l’indivisaire défaillant « mentionne la date prévue pour réaliser les opérations de partage ». Elle doit, par ailleurs, informer l’indivisaire des conséquences de sa défaillance.

Faute pour l’indivisaire d’avoir constitué mandataire dans les trois mois de la mise en demeure, le notaire peut demander au juge de désigner toute personne qualifiée qui représentera le défaillant jusqu’à la réalisation complète des opérations. Pour ce faire, le notaire dresse un procès-verbal et le transmet au juge commis afin que soit désigné un représentant à l’héritier défaillant.

La désignation d’un tel mandataire a des conséquences importantes. En effet, si elle permet d’éviter les blocages procéduraux, elle prive l’indivisaire défaillant de toute possibilité d’intervention directe dans les décisions prises au cours des opérations. Toutefois, il conserve un droit à l’information, garantissant un équilibre minimal entre l’avancement de la procédure et le respect de ses droits (Cass. 1ère civ., 7 juin 1988).

Enfin, il peut être observé que le principe d’indivisibilité de l’action en partage ne se limite pas à la première instance, il joue également dans le cadre d’une procédure d’appel ou de cassation. En cas d’exercice d’une voie de recours, l’ensemble des indivisaires doit être mis en cause, sous peine de voir le recours formé frappé d’irrecevabilité. Par ailleurs, un appel interjeté par un seul indivisaire bénéficie à tous, confirmant une nouvelle fois le caractère indissociable de leurs intérêts.

B) La réciprocité des qualités de demandeur et défendeur

Une caractéristique essentielle du partage judiciaire réside dans la réciprocité des qualités de demandeur et de défendeur entre les indivisaires. Dès l’introduction de l’instance, chaque partie peut indifféremment formuler des demandes principales ou incidentes, qu’elles portent sur l’établissement de l’actif, du passif ou encore sur les modalités de répartition.

Ainsi, toute demande formulée, qu’elle soit principale ou incidente, est traitée comme une défense à une prétention adverse, offrant aux parties une grande souplesse procédurale (Cass. 1ère civ., 25 sept. 2013, n°12-21.280). Ce principe favorise une dynamique où les défendeurs peuvent développer leurs propres demandes reconventionnelles ou additionnelles, touchant aussi bien à l’établissement de l’actif qu’à la répartition des charges du passif.

La réciprocité des qualités joue également dans le cadre de l’exercice des voies de recours, consolidant le caractère collectif et indivisible de l’action en partage. Ainsi, l’appel interjeté par un seul indivisaire profite à tous les autres, leur permettant de bénéficier des effets de l’appel sans avoir à le former eux-mêmes.

Par ailleurs, le principe de réciprocité des qualités déroge à la règle générale de concentration des moyens, qui impose, sous peine d’irrecevabilité, que toutes les prétentions soient présentées dans le premier jeu de conclusions adressées à la Cour d’appel.

Cette règle est écartée dans le cadre du partage, où les parties, étant respectivement demanderesses et défenderesses, peuvent introduire des demandes nouvelles en cours d’instance ou même en appel. Par exemple, des prétentions relatives à l’ajout de biens omis, à la contestation d’un acte de recel ou à la reconnaissance d’un droit à attribution préférentielle restent recevables, même si elles ne figuraient pas dans les premières conclusions (Cass. 1ère civ. 9 juin 2022, n°19-24.368).

Compétence territoriale des juridictions civiles et commerciales: règles communes

PRINCIPE
Enoncé de la règleLa juridiction territorialement compétente est celle du lieu où demeure le défendeur.

Le défendeur est la personne physique ou morale qui est citée à comparaître en justice par celui qui est à l'initiative du procès.
Art. 42, al. 1er CPC
Mise en œuvre de la règleLe défendeur est une personne physique
La juridiction compétence est celle de son domicile ou, à défaut, sa résidence.

Par domicile, il faut entendre le lieu où la personne a son principal établissement (art. 102 C. civ.).
Art. 43 CPC
Le défendeur est une personne morale
La juridiction compétente est celle du lieu où la personne morale est établie, soit, du lieu où est situé son siège social,

>==> Principe : le siège social statutaire

Le siège social d'une personne morale peut être défini comme le "centre de la vie juridique" de la structure, le lieu unique où, en principe, fonctionnent les organes de directions et les principaux services de la société.

Le siège social d'une personne morale est ce que le domicile est à une personne physique. C'est un élément d'identité qui doit figurer, à ce titre, dans ses statuts et qui se retrouvera sur son extrait Kbis.

>==> Exception : le siège social réel

Lorsque le siège social statutaire est fictif, la jurisprudence estime la juridiction compétente est celle du lieu où la personne morale a établi son siège social réel.

En matière commerciale, plusieurs critères permettent d'identifier le siège réel d'une société:

- La localisation des centres d’intérêts principaux de l’entreprise
- Le lieu de domiciliation du compte bancaire de la société
- Le lieu où est tenue la comptabilité
- Le lieu où se tiennent les assemblées générales des associés
- Le lieu où sont signés les principaux contrats (contrats fournisseurs, contrats clients, contrats de travail etc.)
Art. 43 CPC
Aménagements de la règlePluralité de défendeurs
S'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux.Art. 42, al. 2e CPC
Absence de domicile ou de résidence connue
Si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir :

• Soit la juridiction du lieu de son domicile s'il demeure en France
• Soit la juridiction de son choix s'il demeure à l'étranger
Art. 42, al. 3e CPC
EXCEPTIONS OBLIGATOIRES OU LES CAS PARTICULIERS
Actions réelles immobilièresEn matière réelle immobilière, la juridiction compétente est celle du lieu où est situé l'immeuble.Art. 44 CPC
Actions successoralesEn matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession, soit lieu du dernier domicile du défunt :

• Les demandes entre héritiers ;
• Les demandes formées par les créanciers du défunt ;
• Les demandes relatives à l'exécution des dispositions à cause de mort

Cette compétence territoriale s'applique jusqu'aux opérations de partage de la succession inclusivement.
Art. 45 CPC
Demandes en intervention forcéeLa juridiction compétente est celle qui a été saisie de la demande originaire, sans que le défendeur puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.Art. 333 CPC
Actions en matière de voies d'exécution• Le juge de l'exécution territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure. Lorsqu'une demande a été portée devant l'un de ces juges, elle ne peut l'être devant l'autre.

• Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la mesure.
Art. R. 121-2 CPCE
Les actions se rapportant aux frais émoluments et débours des auxiliaires de justice et officiers ministériels• Si les frais, émoluments et débours ont été exposés dans le cadre d'une instance

La juridiction compétente est celle devant laquelle s'est tenue l'instance

• Si les frais, émoluments et débours n'ont pas été exposés dans le cadre d'une instance

La juridiction compétence est le tribunal judiciaire dans le ressort duquel l'officier public ou ministériel ou l'auxiliaire de justice exerce ses fonctions.
Art. 52 CPC
Les demandes se rapportant à une procédure collective>==> Principe : le lieu où est situé le siège social du débiteur

Le tribunal territorialement compétent pour connaître des procédures collectives est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité.

A défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France.

>==> Tempérament : le changement de siège social

En cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent.

Ce délai court à compter de l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés du siège initial.
Art. R. 600-1 C. com.
EXCEPTIONS FACULTATIVES OU LES OPTIONS OFFERTES AU DEMANDEUR
En matière contractuellePrincipe
Lorsque la demande se rapporte à un contrat, le demandeur peut saisir à son choix :

• Soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur
• Soit la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose
• Soit la juridiction du lieu de l'exécution de la prestation de service
Art. 46 CPC
Exceptions
Le contrat d'assurance
>==> Principe

Lorsque la demande se rapporte à la fixation ou au règlement des indemnités dues au titre d’un contrat d’assurance, la juridiction compétente est celle du lieu du domicile de l’assuré

>==> Exceptions

• Lorsque la demande se rapporte à une indemnité d’assurance en matière d'immeubles ou de meubles par nature, la juridiction compétente est celle de la situation des objets assurés.
• S'il s'agit d'assurances contre les accidents de toute nature, la juridiction compétence est celle du lieu où s'est produit le fait dommageable.
Art. R. 114-1 C. ass.
Le contrat de travail
>==> Règle de compétence commune au salarié et à l’employeur

Lorsque la saisine est indifféremment le fait du salarié ou de l’employeur, la juridiction compétente est :

• Soit celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ;
• Soit, lorsque le travail est accompli à domicile ou en dehors de toute entreprise ou établissement, celui dans le ressort duquel est situé le domicile du salarié.

>==> Règle de compétence spécifique en cas de saisine par le salarié

Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi par le salarié, celui-ci peut opter :

• Soit pour la juridiction du lieu où le contrat de travail a été conclu
• Soit la juridiction du lieu où l'employeur est établi.
Art. R. 1412-1 C. trav.
En matière délictuelleLorsque la demande se rapporte à un délit ou un quasi-délit, le demandeur peut saisir à son choix :

• Soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur
• Soit la juridiction du lieu du fait dommageable
• Soit la juridiction dans le ressort de laquelle le dommage a été subi
Art. 46 CPC
En matière mixte immobilièreEn cas d’action mixte immobilière, le demandeur dispose de la faculté de saisir au choix :

• Soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur
• Soit la juridiction du lieu où est situé l’immeuble

Par action mixte immobilière, il faut entendre celle qui a pour objet tout à la fois un droit réel et un droit personnel, lesquels droits résultent d’une même opération juridique.

Tel est, par exemple, le cas de l’action visant à obtenir l’exécution d’un contrat de vente immobilière qui comporte deux objets simultanés :
- La revendication de la propriété de l’immeuble
- La délivrance de l’immeuble
Art. 46 CPC
En matière d'aliments ou de contribution aux charges du mariageLe demandeur peut saisir à son choix :

• Soit la juridiction du lieu où demeure le défendeur
• Soit la juridiction du lieu où demeure le créancier
Art. 46 CPC
Le litige intéresse un magistrat ou auxiliaire de justiceLorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe.

Il est indifférent que la demande émane du demandeur lui-même, du défendeur ou d'une partie en cause d'appel

Lorsque la demande, émane du défendeur ou de toutes les parties en cause d'appel, le texte précise que le renvoi de l'affaire a lieu devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions.
Art. 47 CPC
En matière de droit des sociétésLorsqu’une action en justice est exercée à l’encontre d’une personne morale, il est admis qu’elle puisse être citée à comparaître :

• Soit devant la juridiction du lieu de son siège social
• Soit devant la juridiction dans le ressort de laquelle est établie une succursale

Par succursale, faute de définition légale, elle est communément définie comme une forme d'établissement secondaire (donc distinct de l'établissement principal mais n'ayant pas de personnalité morale propre), disposant d'une certaine autonomie.

La succursale exerce une activité dans des locaux et avec un personnel distinct de ceux de l'établissement principal. Elle doit avoir à sa tête un salarié de la "maison-mère", habilité à traiter avec les tiers.

Pour que l’action puisse être portée devant la juridiction du lieu où est établie une succursale, encore faut-il que le litige se rapporte à l’activité de cette succursale.
Cass. req., 15 mai 1844
Cass. civ., 18 juin 1876

Traitement des situations de crise traversées par le couple marié: les mesures de sauvegarde (art. 220-1 et s. C. civ.)

Si, comme aiment à le rappeler certains auteurs le mariage est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2], il demeure malgré tout impuissant à la mettre à l’abri des épreuves qui se dressent sur son chemin.

Pour paraphraser le titre d’un film désormais devenu célèbre mettant en scène deux familles qui évoluent dans des milieux sociaux radicalement opposés : la vie maritale n’est pas un long fleuve tranquille.

Nombre d’événements sont susceptibles d’affecter son cours, à commencer par ce qu’il y a de plus ordinaire, mais pas moins important : la maladie, les disputes et plus généralement toutes ces situations qui font obstacle au dialogue dans le couple.

Or sans dialogue, sans échange, sans compromis, le couple marié ne peut pas fonctionner, à tout le moins s’agissant de l’accomplissement des actes les plus graves, soit ceux qui requièrent le consentement des deux époux.

Que faire lorsque le couple rencontre des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté ?

Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.

Parmi ces dispositifs qui visent spécifiquement à régler les situations de crise traversées par le couple marié on compte :

  • L’autorisation judiciaire
  • La représentation judiciaire
  • La sauvegarde judiciaire.

Nous nous focaliserons ici sur la sauvegarde judiciaire.

En situation de crise conjugale, tandis que la représentation judiciaire (art. 219 C. civ.) et l’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) visent à étendre les pouvoirs d’un époux aux fins de lui permettre d’accomplir un ou plusieurs actes sans le consentement de son conjoint, il est des mesures qui produisent l’effet radicalement puisque consistant à réduire les prérogatives de ce dernier en l’interdisant d’agir.

Le point commun entre ces trois dispositifs réside dans leur finalité : ils ont vocation à permettre au couple de surmonter une crise et de préserver les intérêts de la famille.

S’agissant spécifiquement des mesures qui ont pour effet de restreindre les pouvoirs d’un époux, elles sont envisagées aux articles 220-1, 220-2 et 220-3 du Code civil.

Ces mesures sont issues de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.

Le législateur justifiait leur instauration à l’époque en indiquant, dans l’exposé des motifs de la loi, que « tout cet effort en vue d’accomplir l’égalité entre l’homme et

la femme dans le régime matrimonial devait, si l’on voulait qu’il fût efficace, suivant une vision réaliste des choses, être complété par trois séries de mesures, quelque peu extérieures à la structure même des régimes matrimoniaux ».

Il poursuit en affirmant que, au nombre de ces mesures, doivent figurer « des mesures de protection adaptées au quotidien de la vie, contre les dangers que peut faire courir aux intérêts familiaux un époux irréfléchi ou malveillant.

Tel est la finalité des mesures envisagées aux articles 220-1 et suivants du Code civil : octroyer le droit à chaque époux, pour les situations matrimoniales de crise, de recourir au juge afin d’obtenir des mesures urgentes et provisoires tendant à empêcher des actes juridiques de disposition, voire des actes matériels de détournement.

Le prononcé de ces mesures est toutefois subordonné à la réunion de plusieurs conditions. Lorsqu’elles sont réunies, le juge dispose d’une relativement grande latitude quant au choix des mesures urgentes qui peuvent être prises.

I) Les conditions des mesures

L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »

Il ressort de cette disposition que la prescription par le juge de mesures urgentes est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, l’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs
  • D’autre part, l’existence d’une mise en péril des intérêts de la famille

A) S’agissant du manquement grave de l’un des époux à ses devoirs

L’exigence d’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs n’est pas sans faire écho à la notion de faute en matière de divorce contentieux.

Pour mémoire, l’article 242 du Code civil prévoit que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Si dans les deux cas le manquement aux devoirs du mariage doit être grave, là s’arrête la ressemblance.

En effet, l’article 220-1 du Code civil n’exige pas que ce manquement rende intolérable le maintien de la vie commune.

Par ailleurs, il est indifférent que ce manquement ne soit pas imputable au conjoint contre lequel les mesures urgences sont sollicitées, à tout le moins c’est la thèse que nous défendons.

Ce qui importe c’est qu’un manquement soit constaté, l’objectif recherché étant, moins de sanctionner un époux, que de sauvegarder les intérêts en péril de la famille.

Aussi, on pourrait envisager que des mesures urgentes puissent être prises à l’encontre d’un époux, alors même qu’il n’a commis aucune faute. Reste que sur ce point, la doctrine est divisée.

S’agissant des manquements susceptibles de justifier l’adoption de ces mesures, ils peuvent porter :

  • Soit sur des devoirs qui relèvent du régime primaire impératif
  • Soit sur des devoirs qui relèvent du régime matrimonial

Par ailleurs, les devoirs qui ont fait l’objet d’une violation peuvent tout aussi bien être d’ordre patrimonial, qu’extrapatrimonial.

Au nombre des devoirs dont le manquement est susceptible de donner lieu à l’adoption de mesures urgences on compte notamment :

  • L’obligation de vie commune ( 215 al. 1 C. civ.)
  • Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
  • Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
  • Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
  • Le devoir conjugal ( 215, al. 1 C. civ.)
  • L’obligation de contribuer aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
  • L’obligation de solidarité aux dettes ménagères ( 220 C. civ.)

Comme prévu par l’article 220-1, il ne suffit pas qu’un manquement aux devoirs de l’un des époux soit constaté pour que des mesures urgentes soient prises, qui rappelons le, conduisent à restreindre les pouvoirs d’un époux, ce qui n’est pas neutre.

Il faut encore que ce manquement soit « grave », en ce sens qu’il doit :

  • Soit être renouvelé
  • Soit être caractérisé

Un simplement manquement ne saurait justifier l’intervention du juge. Au fond, l’article 220-1 du Code civil ne peut être mobilisé par un époux que s’il y a lieu de résoudre une crise profonde traversée par le couple.

Le juge n’a pas vocation à régler les difficultés du quotidien que le couple est en mesure de surmonter lui-même, à tout le moins qui ne sont pas de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.

Car c’est là le critère décisif d’appréciation qui guidera le juge quant à l’opportunité de prononcer une mesure urgente.

B) S’agissant de la mise en péril des intérêts de la famille

Le manquement grave de l’un des époux à ses devoirs doit donc être apprécié en fonction des conséquences que ce manquement emporte et plus précisément du péril qu’il fait courir aux intérêts de la famille.

La question qui alors se pose est double :

  • Que doit-on entendre par péril
  • Que doit-on entendre par intérêt de la famille

==> Sur la notion de péril

Le texte est silencieux sur la notion de péril. Si l’on se reporte à la définition commune, il s’agit de l’état d’une personne qui court de grands risques, qui est menacée dans sa sécurité, dans ses intérêts ou dans son existence même.

Ce qu’il y a lieu de retenir de cette définition, c’est que lorsqu’il y a péril, le préjudice bien que, imminent, ne s’est pas encore réalisé.

Aussi, faut-il interpréter l’article 220-1 du Code civil comme autorisant à saisir le juge, alors même que les intérêts de la famille n’ont pas été contrariés. Ils sont seulement menacés par la conduite déviante d’un époux.

Afin d’empêcher que cette conduite ne cause un préjudice à la famille, il est nécessaire d’adopter des mesures préventives.

Pour mettre en jeu l’article 220-1 du Code civil, il est donc indifférent qu’un dommage se soit produit. Ce qui importe c’est que soit établi l’existence d’un risque imminent de réalisation de se dommage.

==> Sur la notion d’intérêt de la famille

Pour que des mesures urgentes soient prises par le juge, le manquement de l’un des époux doit être de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par intérêt de la famille. Que recouvre cette notion que l’on retrouve dans de nombreuses autres dispositions du Code civil et notamment, en matière d’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) ou encore en matière de changement de régime matrimonial (art. 1397 C. civ.) ?

À l’analyse, la notion d’intérêt de la famille n’est définie par aucun texte. La raison en est que le législateur a souhaité conférer une liberté d’appréciation au juge qui donc n’est pas entravé dans son appréhension de la situation qui lui est soumise.

Dans un arrêt du 6 janvier 1976, la Cour de cassation est seulement venue préciser, dans une affaire se rapportant à un changement de régime matrimonial, que « l’existence et la légitimé d’un tel intérêt doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, le seul fait que l’un des membres de la famille de se trouver lésé n’interdisant pas nécessairement la modification ou le changement envisagé » (Cass. 1ère civ. 6 janv. 1976, n°74-12.212).

Il s’infère de cette décision que la notion d’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble.

Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier cet intérêt pris dans sa globalité, soit en considération des intérêts de chaque membre de la famille, étant précisé que la jurisprudence tient compte, tant des intérêts des époux, que de celui des enfants.

La Cour d’appel de Paris a jugé en ce sens que « les descendants des époux doivent être pris en compte pour l’appréciation objective qui doit être donnée de l’intérêt de la famille pris dans sa globalité » (CA Paris, 11 sept. 1997).

L’intérêt de la famille doit ainsi être apprécié par le juge comme constituant un tout, ce qui exige qu’il cherche à en avoir une vue d’ensemble.

Aussi, l’intérêt de la famille ne saurait se confondre avec l’intérêt personnel d’un seul de ses membres.

Et s’il est des cas où c’est la préservation d’un intérêt individuel qui guidera la décision de juge quant à retenir l’intérêt de la famille. Reste qu’il ne pourra statuer en ce sens qu’après avoir réalisé une balance des intérêts en présence.

Quelles sont les situations de mise en péril des intérêts de la famille susceptibles de justifier l’adoption de mesures urgentes ?

Il s’agit, la plupart du temps, de situations qui présentent un enjeu pécuniaire, bien que l’intérêt de la famille puisse être tout autant d’ordre patrimonial, que d’ordre extrapatrimonial.

S’agissant de la charge de la preuve, dans la mesure où l’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, elle pèserait, selon André Colomer, sur les deux époux, chacun devant convaincre le juge du caractère justifié ou injustifié du refus d’accomplir l’acte discuté.

Reste que, en cas de doute, il conviendra d’appliquer l’article 1353 du Code civil, qui fait peser la charge de la preuve sur l’époux qui sollicite une mesure urgente.

II) L’objet des mesures

Il ressort du premier alinéa de l’article 220-1 du Code civil que les mesures susceptibles d’être prises par le juge peuvent être classées en deux catégories :

  • Les mesures prises en application d’un principe général
  • Les mesures prises en application de dispositions spéciales

A) Les mesures prises en application d’un principe général

L’article 220-1 du Code civil pose un principe général aux termes duquel, lorsque les conditions sont réunies, le juge peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent les intérêts de la famille.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par mesures urgentes. Le texte ne fournit aucune définition.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts de la famille qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts de l’époux défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

En tout état de cause, les mesures urgentes peuvent être, tout aussi bien des mesures d’ordre patrimonial (interdiction d’accomplir un acte sur un bien) que des mesures extrapatrimoniales (éloignement du conjoint violent de la résidence familiale).

B) Les mesures prises en application de dispositions spéciales

L’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil envisage deux séries de mesures susceptibles d’être prises par le juge en situation de crise conjugale :

  • En premier lieu, il peut interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
  • En second lieu, Il peut interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.

==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition

Il s’agit donc ici d’interdire à un époux d’accomplir des actes de disposition sans le consentement de son conjoint, ce qui revient à étendre, temporairement, le domaine de la cogestion.

Le texte ne précisant pas quels biens seraient concernés par cette mesure, on en déduit qu’il est indifférent qu’il s’agisse d’un bien commun ou d’un bien propre.

Il est encore indifférent que le bien consiste en un meuble ou un immeuble. Tous les biens sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde.

Par ailleurs, ce type de mesure peut être prononcé dans le cadre de n’importe quel régime matrimonial, notamment sous la séparation de biens. Il s’agit là d’une règle particulièrement dérogatoire au droit commun.

La seule contrainte qui s’impose au juge est que la mesure prise se limite à sauvegarder les intérêts de la famille, en ce sens qu’elle doit être adoptée à titre conservatoire.

Elle ne saurait produire des effets irréversibles au préjudice de l’époux contre lequel elle est prononcée.

Ainsi, est-il exclu que le juge puisse autoriser l’accomplissement d’un acte de disposition sur le fondement de l’article 220-1 du Code civil.

==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles

Il s’agit ici d’interdire à un époux de meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.

Là encore, le texte n’opère aucune distinction entre les biens, sinon celle tenant à leur caractère mobilier. Car seuls les meubles sont visés ici.

En revanche, il est indifférent que le bien soit commun ou appartienne en propre à un époux.

Le plus souvent, seront concernés par ce type de mesures les biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux ou les meubles qui garnissent le logement familial.

À la vérité, il s’agit là d’une mesure qui sera prononcée en prévision de la mise en œuvre d’une procédure de divorce.

III) La mise en œuvre des mesures

A) Procédure

L’article 1290 du Code de procédure civile prévoit que « les mesures urgentes prévues à l’article 220-1 du code civil sont prescrites par le juge aux affaires familiales statuant en référé ou, en cas de besoin, par ordonnance sur requête. »

Le juge peut ainsi être saisi :

  • Soit par voie d’assignation en référé
    • Dans cette hypothèse, l’adoption de la mesure sollicitée féra l’objet d’un débat contradictoire
  • Soit par voie de requête
    • Dans cette hypothèse, la mesure pourra être prononcée par le juge sans discussion préalable entre les époux sur son bien-fondé

La voie la plus rapide est, sans aucun doute, la procédure sur requête. Elle est particulièrement indiquée lorsqu’il s’agit de provoquer un effet de surprise ou d’obtenir une décision dans l’urgence.

Elle présente néanmoins l’inconvénient de conduire à l’adoption d’une mesure pour le moins fragile puisque plus facilement révocable en raison de son caractère non contradictoire.

Pour ce faire, il appartiendra à l’époux défendeur d’engager une procédure de référé-rétraction qui, quelle que soit l’issue, aura pour effet de retarder la mise en œuvre de la mesure.

B) Durée de la mesure

L’article 220-1 al. 3e du Code civil prévoit que « la durée des mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »

Ainsi, s’il appartient au juge de fixer la durée de la mesure, cette durée ne peut excéder trois ans ce qui confère un caractère nécessairement provisoire à la mesure.

À cet égard, il est admis qu’en cas de circonstances nouvelles, de nouvelles mesures seraient susceptibles d’être prises à l’issue du délai de trois ans.

À l’inverse, en cas de disparition des circonstances qui justifiaient l’adoption de la mesure, le juge pourra être saisi pour en prononcer la révocation ou la modification.

Dans un arrêt du 25 octobre 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’obligation faite aux juges […] de déterminer la durée des mesures de sauvegarde qu’il ordonne n’est pas prévue à peine de nullité de la décision qui a un caractère provisoire et dont les dispositions peuvent à tout moment être rapportée ou modifiées » (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 oct. 1972, n°71-13073).

C) Publicité de la mesure

S’agissant de la publicité de la mesure prononcée par le juge, elle n’est exigée que pour les mesures spécifiques visées par l’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil, c’est-à-dire :

  • L’interdiction d’accomplir des actes de disposition
  • L’interdiction de déplacer des meubles

==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition

L’article 220-2, al. 1er du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de faire des actes de disposition sur des biens dont l’aliénation est sujette à publicité, elle doit être publiée à la diligence de l’époux requérant.

Lorsque le bien est un immeuble, la publicité devra être réalisée conformément aux règles de la publicité foncière.

En tout état de cause, cette publication cesse de produire effet à l’expiration de la période déterminée par l’ordonnance, sauf à la partie intéressée à obtenir dans l’intervalle une ordonnance modificative, qui sera publiée de la même manière.

==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles

L’article 220-2, al. 2e du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de disposer des meubles corporels, ou de les déplacer, elle est signifiée par le requérant à son conjoint, et a pour effet de rendre celui-ci gardien responsable des meubles dans les mêmes conditions qu’un saisi.

Lorsqu’elle est signifiée à un tiers, elle le constitue de mauvaise foi. Autrement dit, en cas d’acquisition du bien déplacé, il sera contraint de le restituer.

Si, en revanche, la mesure ne lui est pas signifiée, il sera présumé de bonne foi, de sorte qu’elle lui sera inopposable, sauf à ce qu’il soit établi qu’il en avait connaissance.

D) Sanction de l’inobservation de la mesure

  1. La nullité de l’acte

L’article 220-3 du Code civil prévoit que l’inobservation de la mesure de sauvegarde prononcée par le juge est sanctionnée par la nullité de l’acte.

Par nullité, il faut entendre l’anéantissement de l’acte, en ce sens qu’il est censé n’avoir jamais existé.

Il est donc supprimé de l’ordonnancement juridique, tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.

  1. Caractère de la nullité

Une lecture de l’article 220-3 du Code civil révèle que les actes accomplis en violation de l’ordonnance peuvent ne pas être systématiquement annulés. Ils sont seulement « annulables ».

La doctrine a déduit de cette formulation que la nullité visée par l’article 220-3 du Code civil était facultative, en ce sens qu’elle ne s’impose pas au juge.

Il lui est donc permis de ne pas prononcer la nullité de l’acte, alors mêmes que les conditions seraient réunies. Il dispose, en la matière, d’un large pouvoir d’appréciation.

  1. Titularité de l’action en nullité

L’article 220-3 du Code civil prévoit que les actes accomplis en violation de l’ordonnance sont annulables « à la demande du conjoint requérant ».

L’action appartient donc au seul époux que la mesure vise à protéger. Il s’agit là d’une nullité relative, car sanctionnant la violation d’une règle de protection.

  1. Les actes annulables

La question qui ici se pose est de savoir quels sont les actes accomplis en violation de l’ordonnance qui sont susceptibles d’être annulés.

L’article 220-3 du Code civil prévoit que sont annulables « tous les actes accomplis en violation de l’ordonnance, s’ils ont été passés avec un tiers de mauvaise foi, ou même s’agissant d’un bien dont l’aliénation est sujette à publicité, s’ils sont simplement postérieurs à la publication prévue par l’article précédent. »

Il s’infère de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer deux situations :

==> L’aliénation du bien discuté n’exige pas l’accomplissement d’une mesure de publicité

Dans cette hypothèse, l’acte de disposition ne pourra être annulé qu’à la condition que la mauvaise foi du tiers soit établie.

À cet égard, sa mauvaise foi sera présumée, dès lors que l’ordonnance lui aura été signifié. Il ne pourra, en effet, pas avancer qu’il ignorait l’existence de la mesure.

==> L’aliénation du bien discuté exige l’accomplissement d’une mesure de publicité

Dans cette hypothèse, l’article 220-3, al. 1er du Code civil distingue deux situations :

  • Les actes ont été accomplis postérieurement à la publication de l’ordonnance
    • Dans cette hypothèse, ils sont annulables peu importe que tiers soit de bonne ou de mauvaise moi.
    • Il y a, en quelque sorte, présomption irréfragable de mauvaise foi du tiers.
  • Les actes ont été accomplis antérieurement à la publication de l’ordonnance
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que le tiers est de bonne ou de mauvaise foi.
      • S’il est de mauvaise foi, l’acte pourra être annulé
      • S’il est de bonne foi, l’acte ne demeurera validé
    • La bonne ou mauvaise foi du tiers tient à sa connaissance de la mesure
  1. La prescription de l’action en nullité

L’article 220-3, al. 2e du Code civil prévoit que l’action en nullité est ouverte à l’époux requérant pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée, si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.

Cette disposition enferme ainsi l’action en nullité dans un double délai :

  • Le requérant doit agir dans un délai de deux ans à compter du jour où il a connaissance de l’acte accompli en violation de l’ordonnance
  • Le requérant ne pourra jamais agir au-delà d’un délai de deux ans, à compter de la date de publication de l’ordonnance.

[1] F. Terré, Droit civil – La famille, éd. Dalloz, 2011, n°325, p. 299

[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, Defrénois, coll. « Droit civil », 2006, n°47, p. 25.