Si, comme aiment à le rappeler certains auteurs le mariage est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2], il demeure malgré tout impuissant à la mettre à l’abri des épreuves qui se dressent sur son chemin.
Pour paraphraser le titre d’un film désormais devenu célèbre mettant en scène deux familles qui évoluent dans des milieux sociaux radicalement opposés : la vie maritale n’est pas un long fleuve tranquille.
Nombre d’événements sont susceptibles d’affecter son cours, à commencer par ce qu’il y a de plus ordinaire, mais pas moins important : la maladie, les disputes et plus généralement toutes ces situations qui font obstacle au dialogue dans le couple.
Or sans dialogue, sans échange, sans compromis, le couple marié ne peut pas fonctionner, à tout le moins s’agissant de l’accomplissement des actes les plus graves, soit ceux qui requièrent le consentement des deux époux.
Que faire lorsque le couple rencontre des difficultés qui peuvent aller du simple désaccord à l’impossibilité pour un époux d’exprimer sa volonté ?
Afin de permettre au couple de surmonter ces difficultés, le législateur a mis en place plusieurs dispositifs énoncés aux articles 217, 219 et 220-1 du Code civil.
Parmi ces dispositifs qui visent spécifiquement à régler les situations de crise traversées par le couple marié on compte :
- L’autorisation judiciaire
- La représentation judiciaire
- La sauvegarde judiciaire.
Nous nous focaliserons ici sur la sauvegarde judiciaire.
En situation de crise conjugale, tandis que la représentation judiciaire (art. 219 C. civ.) et l’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) visent à étendre les pouvoirs d’un époux aux fins de lui permettre d’accomplir un ou plusieurs actes sans le consentement de son conjoint, il est des mesures qui produisent l’effet radicalement puisque consistant à réduire les prérogatives de ce dernier en l’interdisant d’agir.
Le point commun entre ces trois dispositifs réside dans leur finalité : ils ont vocation à permettre au couple de surmonter une crise et de préserver les intérêts de la famille.
S’agissant spécifiquement des mesures qui ont pour effet de restreindre les pouvoirs d’un époux, elles sont envisagées aux articles 220-1, 220-2 et 220-3 du Code civil.
Ces mesures sont issues de la loi n° 65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.
Le législateur justifiait leur instauration à l’époque en indiquant, dans l’exposé des motifs de la loi, que « tout cet effort en vue d’accomplir l’égalité entre l’homme et
la femme dans le régime matrimonial devait, si l’on voulait qu’il fût efficace, suivant une vision réaliste des choses, être complété par trois séries de mesures, quelque peu extérieures à la structure même des régimes matrimoniaux ».
Il poursuit en affirmant que, au nombre de ces mesures, doivent figurer « des mesures de protection adaptées au quotidien de la vie, contre les dangers que peut faire courir aux intérêts familiaux un époux irréfléchi ou malveillant.
Tel est la finalité des mesures envisagées aux articles 220-1 et suivants du Code civil : octroyer le droit à chaque époux, pour les situations matrimoniales de crise, de recourir au juge afin d’obtenir des mesures urgentes et provisoires tendant à empêcher des actes juridiques de disposition, voire des actes matériels de détournement.
Le prononcé de ces mesures est toutefois subordonné à la réunion de plusieurs conditions. Lorsqu’elles sont réunies, le juge dispose d’une relativement grande latitude quant au choix des mesures urgentes qui peuvent être prises.
I) Les conditions des mesures
L’article 220-1 du Code civil prévoit que « si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts. »
Il ressort de cette disposition que la prescription par le juge de mesures urgentes est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- D’une part, l’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs
- D’autre part, l’existence d’une mise en péril des intérêts de la famille
A) S’agissant du manquement grave de l’un des époux à ses devoirs
L’exigence d’établissement d’un manquement grave de l’un des époux à ses devoirs n’est pas sans faire écho à la notion de faute en matière de divorce contentieux.
Pour mémoire, l’article 242 du Code civil prévoit que « le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »
Si dans les deux cas le manquement aux devoirs du mariage doit être grave, là s’arrête la ressemblance.
En effet, l’article 220-1 du Code civil n’exige pas que ce manquement rende intolérable le maintien de la vie commune.
Par ailleurs, il est indifférent que ce manquement ne soit pas imputable au conjoint contre lequel les mesures urgences sont sollicitées, à tout le moins c’est la thèse que nous défendons.
Ce qui importe c’est qu’un manquement soit constaté, l’objectif recherché étant, moins de sanctionner un époux, que de sauvegarder les intérêts en péril de la famille.
Aussi, on pourrait envisager que des mesures urgentes puissent être prises à l’encontre d’un époux, alors même qu’il n’a commis aucune faute. Reste que sur ce point, la doctrine est divisée.
S’agissant des manquements susceptibles de justifier l’adoption de ces mesures, ils peuvent porter :
- Soit sur des devoirs qui relèvent du régime primaire impératif
- Soit sur des devoirs qui relèvent du régime matrimonial
Par ailleurs, les devoirs qui ont fait l’objet d’une violation peuvent tout aussi bien être d’ordre patrimonial, qu’extrapatrimonial.
Au nombre des devoirs dont le manquement est susceptible de donner lieu à l’adoption de mesures urgences on compte notamment :
- L’obligation de vie commune ( 215 al. 1 C. civ.)
- Le devoir de respect ( 212 C. civ.)
- Le devoir de fidélité ( 212 C. civ.)
- Le devoir de secours ( 212 C. civ.)
- Le devoir d’assistance ( 212 C. civ.)
- Le devoir conjugal ( 215, al. 1 C. civ.)
- L’obligation de contribuer aux charges du mariage ( 214 C. civ.)
- L’obligation de solidarité aux dettes ménagères ( 220 C. civ.)
Comme prévu par l’article 220-1, il ne suffit pas qu’un manquement aux devoirs de l’un des époux soit constaté pour que des mesures urgentes soient prises, qui rappelons le, conduisent à restreindre les pouvoirs d’un époux, ce qui n’est pas neutre.
Il faut encore que ce manquement soit « grave », en ce sens qu’il doit :
- Soit être renouvelé
- Soit être caractérisé
Un simplement manquement ne saurait justifier l’intervention du juge. Au fond, l’article 220-1 du Code civil ne peut être mobilisé par un époux que s’il y a lieu de résoudre une crise profonde traversée par le couple.
Le juge n’a pas vocation à régler les difficultés du quotidien que le couple est en mesure de surmonter lui-même, à tout le moins qui ne sont pas de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.
Car c’est là le critère décisif d’appréciation qui guidera le juge quant à l’opportunité de prononcer une mesure urgente.
B) S’agissant de la mise en péril des intérêts de la famille
Le manquement grave de l’un des époux à ses devoirs doit donc être apprécié en fonction des conséquences que ce manquement emporte et plus précisément du péril qu’il fait courir aux intérêts de la famille.
La question qui alors se pose est double :
- Que doit-on entendre par péril
- Que doit-on entendre par intérêt de la famille
==> Sur la notion de péril
Le texte est silencieux sur la notion de péril. Si l’on se reporte à la définition commune, il s’agit de l’état d’une personne qui court de grands risques, qui est menacée dans sa sécurité, dans ses intérêts ou dans son existence même.
Ce qu’il y a lieu de retenir de cette définition, c’est que lorsqu’il y a péril, le préjudice bien que, imminent, ne s’est pas encore réalisé.
Aussi, faut-il interpréter l’article 220-1 du Code civil comme autorisant à saisir le juge, alors même que les intérêts de la famille n’ont pas été contrariés. Ils sont seulement menacés par la conduite déviante d’un époux.
Afin d’empêcher que cette conduite ne cause un préjudice à la famille, il est nécessaire d’adopter des mesures préventives.
Pour mettre en jeu l’article 220-1 du Code civil, il est donc indifférent qu’un dommage se soit produit. Ce qui importe c’est que soit établi l’existence d’un risque imminent de réalisation de se dommage.
==> Sur la notion d’intérêt de la famille
Pour que des mesures urgentes soient prises par le juge, le manquement de l’un des époux doit être de nature à mettre en péril les intérêts de la famille.
La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par intérêt de la famille. Que recouvre cette notion que l’on retrouve dans de nombreuses autres dispositions du Code civil et notamment, en matière d’autorisation judiciaire (art. 217 C. civ.) ou encore en matière de changement de régime matrimonial (art. 1397 C. civ.) ?
À l’analyse, la notion d’intérêt de la famille n’est définie par aucun texte. La raison en est que le législateur a souhaité conférer une liberté d’appréciation au juge qui donc n’est pas entravé dans son appréhension de la situation qui lui est soumise.
Dans un arrêt du 6 janvier 1976, la Cour de cassation est seulement venue préciser, dans une affaire se rapportant à un changement de régime matrimonial, que « l’existence et la légitimé d’un tel intérêt doivent faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, le seul fait que l’un des membres de la famille de se trouver lésé n’interdisant pas nécessairement la modification ou le changement envisagé » (Cass. 1ère civ. 6 janv. 1976, n°74-12.212).
Il s’infère de cette décision que la notion d’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble.
Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier cet intérêt pris dans sa globalité, soit en considération des intérêts de chaque membre de la famille, étant précisé que la jurisprudence tient compte, tant des intérêts des époux, que de celui des enfants.
La Cour d’appel de Paris a jugé en ce sens que « les descendants des époux doivent être pris en compte pour l’appréciation objective qui doit être donnée de l’intérêt de la famille pris dans sa globalité » (CA Paris, 11 sept. 1997).
L’intérêt de la famille doit ainsi être apprécié par le juge comme constituant un tout, ce qui exige qu’il cherche à en avoir une vue d’ensemble.
Aussi, l’intérêt de la famille ne saurait se confondre avec l’intérêt personnel d’un seul de ses membres.
Et s’il est des cas où c’est la préservation d’un intérêt individuel qui guidera la décision de juge quant à retenir l’intérêt de la famille. Reste qu’il ne pourra statuer en ce sens qu’après avoir réalisé une balance des intérêts en présence.
Quelles sont les situations de mise en péril des intérêts de la famille susceptibles de justifier l’adoption de mesures urgentes ?
Il s’agit, la plupart du temps, de situations qui présentent un enjeu pécuniaire, bien que l’intérêt de la famille puisse être tout autant d’ordre patrimonial, que d’ordre extrapatrimonial.
S’agissant de la charge de la preuve, dans la mesure où l’intérêt de la famille doit faire l’objet d’une appréciation d’ensemble, elle pèserait, selon André Colomer, sur les deux époux, chacun devant convaincre le juge du caractère justifié ou injustifié du refus d’accomplir l’acte discuté.
Reste que, en cas de doute, il conviendra d’appliquer l’article 1353 du Code civil, qui fait peser la charge de la preuve sur l’époux qui sollicite une mesure urgente.
II) L’objet des mesures
Il ressort du premier alinéa de l’article 220-1 du Code civil que les mesures susceptibles d’être prises par le juge peuvent être classées en deux catégories :
- Les mesures prises en application d’un principe général
- Les mesures prises en application de dispositions spéciales
A) Les mesures prises en application d’un principe général
L’article 220-1 du Code civil pose un principe général aux termes duquel, lorsque les conditions sont réunies, le juge peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent les intérêts de la famille.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par mesures urgentes. Le texte ne fournit aucune définition.
Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).
Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts de la famille qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts de l’époux défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.
En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
En tout état de cause, les mesures urgentes peuvent être, tout aussi bien des mesures d’ordre patrimonial (interdiction d’accomplir un acte sur un bien) que des mesures extrapatrimoniales (éloignement du conjoint violent de la résidence familiale).
B) Les mesures prises en application de dispositions spéciales
L’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil envisage deux séries de mesures susceptibles d’être prises par le juge en situation de crise conjugale :
- En premier lieu, il peut interdire à un époux de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
- En second lieu, Il peut interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.
==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition
Il s’agit donc ici d’interdire à un époux d’accomplir des actes de disposition sans le consentement de son conjoint, ce qui revient à étendre, temporairement, le domaine de la cogestion.
Le texte ne précisant pas quels biens seraient concernés par cette mesure, on en déduit qu’il est indifférent qu’il s’agisse d’un bien commun ou d’un bien propre.
Il est encore indifférent que le bien consiste en un meuble ou un immeuble. Tous les biens sont susceptibles de faire l’objet d’une mesure de sauvegarde.
Par ailleurs, ce type de mesure peut être prononcé dans le cadre de n’importe quel régime matrimonial, notamment sous la séparation de biens. Il s’agit là d’une règle particulièrement dérogatoire au droit commun.
La seule contrainte qui s’impose au juge est que la mesure prise se limite à sauvegarder les intérêts de la famille, en ce sens qu’elle doit être adoptée à titre conservatoire.
Elle ne saurait produire des effets irréversibles au préjudice de l’époux contre lequel elle est prononcée.
Ainsi, est-il exclu que le juge puisse autoriser l’accomplissement d’un acte de disposition sur le fondement de l’article 220-1 du Code civil.
==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles
Il s’agit ici d’interdire à un époux de meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.
Là encore, le texte n’opère aucune distinction entre les biens, sinon celle tenant à leur caractère mobilier. Car seuls les meubles sont visés ici.
En revanche, il est indifférent que le bien soit commun ou appartienne en propre à un époux.
Le plus souvent, seront concernés par ce type de mesures les biens affectés à l’activité professionnelle d’un époux ou les meubles qui garnissent le logement familial.
À la vérité, il s’agit là d’une mesure qui sera prononcée en prévision de la mise en œuvre d’une procédure de divorce.
III) La mise en œuvre des mesures
A) Procédure
L’article 1290 du Code de procédure civile prévoit que « les mesures urgentes prévues à l’article 220-1 du code civil sont prescrites par le juge aux affaires familiales statuant en référé ou, en cas de besoin, par ordonnance sur requête. »
Le juge peut ainsi être saisi :
- Soit par voie d’assignation en référé
- Dans cette hypothèse, l’adoption de la mesure sollicitée féra l’objet d’un débat contradictoire
- Soit par voie de requête
- Dans cette hypothèse, la mesure pourra être prononcée par le juge sans discussion préalable entre les époux sur son bien-fondé
La voie la plus rapide est, sans aucun doute, la procédure sur requête. Elle est particulièrement indiquée lorsqu’il s’agit de provoquer un effet de surprise ou d’obtenir une décision dans l’urgence.
Elle présente néanmoins l’inconvénient de conduire à l’adoption d’une mesure pour le moins fragile puisque plus facilement révocable en raison de son caractère non contradictoire.
Pour ce faire, il appartiendra à l’époux défendeur d’engager une procédure de référé-rétraction qui, quelle que soit l’issue, aura pour effet de retarder la mise en œuvre de la mesure.
B) Durée de la mesure
L’article 220-1 al. 3e du Code civil prévoit que « la durée des mesures prises en application du présent article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans. »
Ainsi, s’il appartient au juge de fixer la durée de la mesure, cette durée ne peut excéder trois ans ce qui confère un caractère nécessairement provisoire à la mesure.
À cet égard, il est admis qu’en cas de circonstances nouvelles, de nouvelles mesures seraient susceptibles d’être prises à l’issue du délai de trois ans.
À l’inverse, en cas de disparition des circonstances qui justifiaient l’adoption de la mesure, le juge pourra être saisi pour en prononcer la révocation ou la modification.
Dans un arrêt du 25 octobre 1972, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’obligation faite aux juges […] de déterminer la durée des mesures de sauvegarde qu’il ordonne n’est pas prévue à peine de nullité de la décision qui a un caractère provisoire et dont les dispositions peuvent à tout moment être rapportée ou modifiées » (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 oct. 1972, n°71-13073).
C) Publicité de la mesure
S’agissant de la publicité de la mesure prononcée par le juge, elle n’est exigée que pour les mesures spécifiques visées par l’alinéa 2 de l’article 220-1 du Code civil, c’est-à-dire :
- L’interdiction d’accomplir des actes de disposition
- L’interdiction de déplacer des meubles
==> S’agissant de l’interdiction d’accomplir des actes de disposition
L’article 220-2, al. 1er du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de faire des actes de disposition sur des biens dont l’aliénation est sujette à publicité, elle doit être publiée à la diligence de l’époux requérant.
Lorsque le bien est un immeuble, la publicité devra être réalisée conformément aux règles de la publicité foncière.
En tout état de cause, cette publication cesse de produire effet à l’expiration de la période déterminée par l’ordonnance, sauf à la partie intéressée à obtenir dans l’intervalle une ordonnance modificative, qui sera publiée de la même manière.
==> S’agissant de l’interdiction de déplacer des meubles
L’article 220-2, al. 2e du Code civil prévoit que si l’ordonnance porte interdiction de disposer des meubles corporels, ou de les déplacer, elle est signifiée par le requérant à son conjoint, et a pour effet de rendre celui-ci gardien responsable des meubles dans les mêmes conditions qu’un saisi.
Lorsqu’elle est signifiée à un tiers, elle le constitue de mauvaise foi. Autrement dit, en cas d’acquisition du bien déplacé, il sera contraint de le restituer.
Si, en revanche, la mesure ne lui est pas signifiée, il sera présumé de bonne foi, de sorte qu’elle lui sera inopposable, sauf à ce qu’il soit établi qu’il en avait connaissance.
D) Sanction de l’inobservation de la mesure
- La nullité de l’acte
L’article 220-3 du Code civil prévoit que l’inobservation de la mesure de sauvegarde prononcée par le juge est sanctionnée par la nullité de l’acte.
Par nullité, il faut entendre l’anéantissement de l’acte, en ce sens qu’il est censé n’avoir jamais existé.
Il est donc supprimé de l’ordonnancement juridique, tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.
- Caractère de la nullité
Une lecture de l’article 220-3 du Code civil révèle que les actes accomplis en violation de l’ordonnance peuvent ne pas être systématiquement annulés. Ils sont seulement « annulables ».
La doctrine a déduit de cette formulation que la nullité visée par l’article 220-3 du Code civil était facultative, en ce sens qu’elle ne s’impose pas au juge.
Il lui est donc permis de ne pas prononcer la nullité de l’acte, alors mêmes que les conditions seraient réunies. Il dispose, en la matière, d’un large pouvoir d’appréciation.
- Titularité de l’action en nullité
L’article 220-3 du Code civil prévoit que les actes accomplis en violation de l’ordonnance sont annulables « à la demande du conjoint requérant ».
L’action appartient donc au seul époux que la mesure vise à protéger. Il s’agit là d’une nullité relative, car sanctionnant la violation d’une règle de protection.
- Les actes annulables
La question qui ici se pose est de savoir quels sont les actes accomplis en violation de l’ordonnance qui sont susceptibles d’être annulés.
L’article 220-3 du Code civil prévoit que sont annulables « tous les actes accomplis en violation de l’ordonnance, s’ils ont été passés avec un tiers de mauvaise foi, ou même s’agissant d’un bien dont l’aliénation est sujette à publicité, s’ils sont simplement postérieurs à la publication prévue par l’article précédent. »
Il s’infère de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer deux situations :
==> L’aliénation du bien discuté n’exige pas l’accomplissement d’une mesure de publicité
Dans cette hypothèse, l’acte de disposition ne pourra être annulé qu’à la condition que la mauvaise foi du tiers soit établie.
À cet égard, sa mauvaise foi sera présumée, dès lors que l’ordonnance lui aura été signifié. Il ne pourra, en effet, pas avancer qu’il ignorait l’existence de la mesure.
==> L’aliénation du bien discuté exige l’accomplissement d’une mesure de publicité
Dans cette hypothèse, l’article 220-3, al. 1er du Code civil distingue deux situations :
- Les actes ont été accomplis postérieurement à la publication de l’ordonnance
- Dans cette hypothèse, ils sont annulables peu importe que tiers soit de bonne ou de mauvaise moi.
- Il y a, en quelque sorte, présomption irréfragable de mauvaise foi du tiers.
- Les actes ont été accomplis antérieurement à la publication de l’ordonnance
- Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que le tiers est de bonne ou de mauvaise foi.
- S’il est de mauvaise foi, l’acte pourra être annulé
- S’il est de bonne foi, l’acte ne demeurera validé
- La bonne ou mauvaise foi du tiers tient à sa connaissance de la mesure
- Dans cette hypothèse, il y a lieu de distinguer selon que le tiers est de bonne ou de mauvaise foi.
- La prescription de l’action en nullité
L’article 220-3, al. 2e du Code civil prévoit que l’action en nullité est ouverte à l’époux requérant pendant deux années à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée, si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.
Cette disposition enferme ainsi l’action en nullité dans un double délai :
- Le requérant doit agir dans un délai de deux ans à compter du jour où il a connaissance de l’acte accompli en violation de l’ordonnance
- Le requérant ne pourra jamais agir au-delà d’un délai de deux ans, à compter de la date de publication de l’ordonnance.
[1] F. Terré, Droit civil – La famille, éd. Dalloz, 2011, n°325, p. 299
[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, Defrénois, coll. « Droit civil », 2006, n°47, p. 25.