Le recours en retranchement (art. 464 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en retranchement.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

==>Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

==>Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

II) Pouvoirs du juge

==>Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

==>Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

1. Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

2. Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

==>Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

==>Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

==>Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

==>Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

==>Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

==>Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

==>Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?

Le recours en omission de statuer (art. 463 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête)
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en omission de statuer.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que l’omission de statuer soit caractérisée :

  • Une demande omise
    • Il ressort de l’article 463 du CPC que l’omission de statuer consiste pour le juge à ne pas s’être prononcé sur un chef de demande formulé par une partie.
    • Autrement dit, il n’a pas tranché dans la décision rendue une ou plusieurs prétentions qui lui étaient pourtant soumises par les parties.
    • Pour déterminer s’il y a omission de statuer et quelle est son étendue, il y aura lieu de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement.
    • À cet égard, l’omission de statuer n’est pas caractérisée lorsque le juge ne répond pas directement à une demande précise formuler par une partie mais qu’il tranche la question dans le cadre d’une réponse qu’il apporte à un autre chef de demande (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 25 mai 2016, n°15-17.317).
    • Pour exemple, l’omission de statuer a été retenue dans les cas suivants :
      • Le juge ne se prononce pas sur l’octroi d’un article 700 (Cass. 2e civ. 19 févr. 1992)
      • Le juge omet de trancher la question de la validité d’un acte juridique (Cass. soc. 16 juin 1976)
      • Le juge omet de se prononcer sur l’octroi de dommages et intérêts (Cass. com. 21 févr. 1978).
      • Le juge omet de se prononcer sur sa compétence (Cass. 1ère civ. 5 janv. 1962)
      • Le juge omet de se prononcer sur la date de départ du versement d’une prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 2 déc. 1992).
  • Une demande régulièrement formée
    • Le juge n’est tenu de se prononcer que sur les demandes dont il a été régulièrement saisi.
    • Lorsque dès lors, la demande a été formulée dans des conclusions frappées d’irrecevabilité car déposées hors délai, l’omission de statuer ne saurait être soulevée (Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).
    • L’omission de statuer n’a pas vocation à réparer une irrégularité imputable aux parties.
    • Il est en revanche indifférent que la demande soit formulée dans le dispositif des écritures prises, dans leurs motifs ou encore qu’elle soit formée à titre subsidiaire ou incidente (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 1er juin 1983).
  • Une omission relative à une demande
    • L’omission du juge doit nécessairement porter sur un chef demande et non sur un moyen.
    • Pour mémoire :
      • Une demande est l’acte par lequel le juge soumet une prétention au juge,
      • Un moyen est quant à lui l’argument dont se prévaut une partie pour fonder sa demande ou assurer sa défense.
    • Selon que le juge omet de statuer sur une demande ou un moyen, la sanction n’est pas la même :
      • Lorsque le juge omet de statuer sur un moyen, le vice qui affecte la décision consiste en un défaut de réponse à conclusion sanctionné par la nullité du jugement (art. 455 CPC).
      • Lorsque le juge omet de statuer sur une demande, le vice consiste en un infra petita sanctionné par une simple rectification de l’omission sans que cela ait d’incidence sur la validité du jugement
    • Comme souligné par des auteurs « l’omission de statuer sur un chef de demande est sans influence sur la valeur des autres dispositions du jugement ; le jugement est incomplet et il convient seulement de le compléter. En revanche, lorsque le juge a omis d’examiner un moyen, c’est la valeur du dispositif du jugement qui se trouve atteinte : l’examen du moyen aurait pu modifier la décision et dès lors la Cour de cassation ne peut laisser subsister le chef du jugement qui se trouve affecté par le défaut de réponse à conclusions »[3].
    • Le défaut de réponse à conclusion pourrait consister, par exemple, en l’absence de réponse à un moyen de défense soulevé par une partie, tel qu’une fin de non-recevoir (Cass. 2e civ. 21 oct. 2004, n°02-20.286).
    • Une difficulté est née s’agissant du traitement à réserver à la formule de style régulièrement utilisée par les juges consistant à indiquer dans le jugement qu’une partie est déboutée de « toutes ses demandes » ou du « surplus de ses demandes ».
    • L’emploi de cette formule tombe-t-il sous le coup du défaut de réponse à conclusion, contraignant alors les plaideurs à se pourvoir en cassation, ou peut-on seulement y voir une omission de statuer lorsque le juge ne s’est pas prononcé sur un chef de demande ?
    • Dans un arrêt du 2 novembre 1999, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a opté pour la qualification d’omission de statuer (Cass. ass. Plen. 2 nov. 1999, n° 97-17.107).
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que la Cour d’appel, en recourant à la formule générale « déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires » dans le dispositif de son arrêt, elle « n’a pas statué sur le chef de demande relatif aux intérêts, dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision, qu’elle l’ait examiné.
    • Autrement dit, l’emploi de cette formule de style ne caractérise une omission de statuer qu’à la condition que les motifs ne confirment pas le rejet des prétentions.
    • Si, en revanche, le rejet est justifié dans la motivation de la décision, l’omission de statuer ne sera pas caractérisée (Cass. 3e civ. 27 févr. 1985).

II) Pouvoirs du juge

==>Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

==>Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

==>Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

==>Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

==>Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

==>Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

==>Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

==>Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

==>Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

==>Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

==>Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?
  3. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°383, p. 317. ?

Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.

Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.

Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».

Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »

Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

==> Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.

Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.

I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, quels sont les litiges concernés ?
  • D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?

A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge

L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.

Aussi, sont-ils libres d’opter pour :

  • La conciliation
  • La médiation
  • La procédure participative
  1. La conciliation et la médiation

En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.

L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.

Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.

La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.

  • La conciliation
    • La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
    • À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
    • Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
    • Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
    • S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
    • Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
    • La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
    • Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
  • La médiation
    • L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
    • À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
    • En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
    • À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
    • L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
    • L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
    • Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.

2. La procédure participative

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée 
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire 
  • Troisième hypothèse
    • L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
    • Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
    • Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
    • Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
    • Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
    • Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
    • En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
    • Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
    • Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
    • Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
    • Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
      • Premier élément : la date de saisine du conciliateur
        • Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
        • Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
        • Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
        • Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
      • Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
        • Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
        • Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
        • En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
    • Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
    • Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
    • Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.

🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation

Tel est le cas

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
  • En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
  • En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.

Déroulement des débats oraux: rapport d’audience, plaidoiries, intervention des parties et du ministère public

I) L’ouverture des débats

==>La date de l’audience

L’article 432, al. 1er du CPC prévoit que « les débats ont lieu au jour et, dans la mesure où le déroulement de l’audience le permet, à l’heure préalablement fixés selon les modalités propres à chaque juridiction. Ils peuvent se poursuivre au cours d’une audience ultérieure. »

Il ressort de cette disposition que la détermination de la date de l’audience est renvoyée aux règles propres à chaque juridiction.

S’agissant du Tribunal judiciaire, c’est vers l’article 799 du CPC qu’il convient de se tourner.

Cette disposition prévoit que « la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries. »

Le délai entre ces deux dates doit être raisonnable, en ce sens qu’il doit se compter en jours et, en cas de circonstances exceptionnelles en mois.

La règle énoncée par l’article 799 CPC n’est toutefois assortie d’aucune sanction, de sorte que les parties ne sauraient se prévaloir de la nullité de l’ordonnance.

S’agissant des demandes de renvoi, la juridiction saisie est investie d’un pouvoir discrétionnaire pour en apprécier l’opportunité, nonobstant l’accord des parties.

À cet égard, dans un arrêt du 24 novembre 1989, la Cour de cassation réunie en assemblée plénière a jugé que « si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral » (Cass. ass. plen. 24 nov. 1989, n°88-18188).

==>Moment de l’ouverture des débats

L’ouverture des débats est un moment décisif dans la mesure à compter de celui-ci la composition du Tribunal est figée : elle ne peut plus être modifiée conformément à l’article 432, al. 2 du CPC.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment peut-on considérer que les débats sont ouverts ?

Est-ce à l’heure de convocation des parties, lors de la prise de parole du Président du Tribunal ou encore lorsque le demandeur prend la parole ?

Il ressort de la jurisprudence que c’est la dernière hypothèse qui doit être retenue, soit le moment où la parole est donnée est demandeur (V. en ce sens TI Nancy, 11 août 1983).

==>Effets de l’ouverture des débats

L’ouverture des débats produit plusieurs effets :

  • Le premier effet notable est le dessaisissement du Juge de la mise en état lorsqu’il a été désigné pour instruire l’affaire
  • La composition du Tribunal est figée, de sorte que plus aucun changement ne peut intervenir
  • À compter de l’ouverture des débats, en application de l’article 371 du CPC l’instance ne peut plus faire l’objet d’une interruption

II) La discussion

L’article 440 du CPC dispose que « le président dirige les débats », de sorte que c’est à lui qu’il revient de s’assurer du respect de l’ordre des interventions qui vont se succéder.

Dans un arrêt du 15 mai 2014, la Cour de cassation a précisé que « le président dirige les débats et peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige » (Cass. 2e civ. 15 mai 2014, n°12-27035). Rien n’empêche donc ce dernier d’interpeller afin d’obtenir des précisions sur un point en particulier.

Ce pouvoir dont est investi le Président du Tribunal ne lui permet pas, néanmoins, de modifier la chronologie des différentes interventions qui répondent à un ordre très précis.

  • Le rapport d’audience
    • Devenu obligatoire dans la procédure devant le Tribunal judiciaire depuis l’entrée en vigueur du décret du 28 décembre 2005 ce rapport d’audience est envisagé à l’article 804 du CPC
    • Cette disposition prévoit que « le juge de la mise en état fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries. Exceptionnellement, le rapport peut être fait par le président de la chambre ou un autre juge qu’il désigne. »
    • Sur la forme, ce rapport consiste en un exposé oral de l’affaire en introduction de l’audience des plaidoiries.
    • L’article 804, al. 2e du CPC précise que « le rapport expose l’objet de la demande et les moyens des parties, il précise les questions de fait et de droit soulevées par le litige et fait mention des éléments propres à éclairer le débat, sans faire connaître l’avis du magistrat qui en est l’auteur ».
    • Ce rapport établi par le Juge de la mise en état et, le cas échéant par le Président de la chambre, doit donc rester objectif et ne pas dévoiler l’avis du magistrat qui en est l’auteur sur le litige.
  • Les plaidoiries
    • Après avoir donné la parole au rapporteur, en application de l’article 440, al. 2e du CPC le Président du Tribunal doit inviter, d’abord le demandeur, puis le défendeur, à exposer leurs prétentions
    • Ainsi, est-ce toujours le demandeur qui doit prendre la parole en premier et le défendeur la parole en dernier.
    • Dans un arrêt du 24 février 1987, la Cour de cassation a précisé que le non-respect de cet ordre de passage n’était pas sanctionné par la nullité (Cass. 1ère civ. 24 févr. 1987, n°85-10774)
    • Il convient d’observer que dans les procédures écrites, le juge ne peut se déterminer qu’en considération des seules écritures des parties
    • Le tribunal ne saurait retenir pour rendre sa décision un moyen de fait ou de droit qui n’aurait pas été soulevé dans les conclusions de la partie plaidante
    • La plaidoirie devant le Tribunal judiciaire n’a pour seule vocation que d’exposer oralement les écritures des parties, le cas échéant, éclairer les magistrats sur un point de fait ou de droit particulier.
    • Il ne s’agit nullement ici de poursuivre, ni de refaire, le débat contradictoire qui s’est tenu lors de l’instruction de l’affaire par voie d’échange de conclusions.
    • L’inobservation de cette règle est sanctionnée par l’irrecevabilité du moyen formulé par la partie plaidante.
  • Intervention des parties elles-mêmes
    • L’article 441, du CPC prévoit que « même dans les cas où la représentation est obligatoire les parties, assistées de leur représentant, peuvent présenter elles-mêmes des observations orales. »
    • Ainsi, rien n’interdit les parties à formuler des observations devant le Tribunal, quand bien la procédure requiert sa représentation par un avocat.
    • Il conviendra, néanmoins, d’obtenir l’autorisation du Président qui peut refuser de donner la parole à la partie elle-même.
    • L’article 441, al. 2 précise, à cet égard, que « la juridiction a la faculté de leur retirer la parole si la passion ou l’inexpérience les empêche de discuter leur cause avec la décence convenable ou la clarté nécessaire. »
  • Invitation à fournir des observations
    • L’article 442 du CPC prévoit que « Le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
    • Il ressort de cette disposition que le Tribunal dispose toujours de la faculté de solliciter des parties des explications sur un point de droit ou de fait qu’il convient d’éclairer, ce qui peut se traduire par la production de pièces (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 12 avr. 2005, n°03-20029).
    • Le Tribunal peut inviter, tant les avocats, que les parties elles-mêmes à fournir ces explications.
    • Lorsque le Tribunal exerce ce pouvoir, qui est purement discrétionnaire, il devra néanmoins le faire dans le respect du principe du contradictoire

L’article 440 du CPC prévoit que « lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense. »

La parole peut alors être donnée au ministère public lorsqu’il est présent à l’audience, ce qui n’est pas systématique.

III) Les conclusions du ministère public

==>Présence obligatoire du ministère public

L’article 431, al. 1er du CPC prévoit que « le ministère public n’est tenu d’assister à l’audience que dans les cas où il est partie principale, dans ceux où il représente autrui ou lorsque sa présence est rendue obligatoire par la loi. »

Il ressort de cette disposition que la présence du ministère public à l’audience n’est pas systématique.

Elle est obligatoire que dans les cas prévus par la loi qui sont au nombre de trois :

  • Il est partie principale au procès
    • Soit parce qu’il est à l’origine d’une contestation
    • Soit parce qu’il défend l’ordre public
  • Il représente autrui
    • Il en est ainsi lorsque le préfet demande au ministère public de représenter l’État à un litige auquel il est partie
  • Sa présence est requise par la loi
    • C’est le cas notamment dans les litiges relatifs à l’exercice de l’autorité parentale
    • C’est encore le cas dans les affaires de filiation

Lorsque la présence du ministère public à l’audience est obligatoire, le jugement doit mentionner sa présence, faute de quoi la sanction encourue est la nullité.

Dans un arrêt du 12 juillet 2005, la Cour de cassation a précisé que la mention aux termes de laquelle il est précisé que le Ministère public a déclaré s’en rapporter à justice « fait présumer la présence aux débats d’un représentant de cette partie, agissant à titre principal » (Cass. com. 12 juill. 2005, n°03-14045)

==>Présence facultative du ministère public

L’article 431, al. 2 du CPC prévoit que dans tous les autres cas visés à l’alinéa 1er le ministère public « peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience. »

Dans cette hypothèse, il agira comme une partie jointe à l’audience et il n’est pas nécessaire que sa présence soit précisée dans le jugement.

==>Audition du ministère public

Il convient de distinguer selon que le ministère public intervient comme partie principale ou comme partie jointe

  • Le ministère public intervient comme partie principale
    • Dans cette hypothèse, il prendra la parole selon les règles énoncées à l’article 440 du CPC.
    • Autrement dit, s’il est demandeur à l’action, il prend la parole en premier et, à l’inverse, s’il est défendeur, il s’exprimera en dernier.
  • Le ministère public intervient comme partie jointe
    • L’article 443, al. 1er du CPC dispose que « le ministère public, partie jointe, a le dernier la parole. »
    • Cette règle est d’ordre public de sorte que les avocats ne sauraient s’exprimer après lui.
    • L’alinéa 2 de l’article 443 précise néanmoins que « s’il estime ne pas pouvoir prendre la parole sur-le-champ, il peut demander que son audition soit reportée à une prochaine audience. »

==>Réponse aux conclusions du ministère public

L’article 445 du CPC prévoit que « après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ».

Ainsi, dans l’hypothèse où les parties souhaiteraient répondre aux conclusions du ministère public, à défaut de pouvoir prendre la parole en dernier, elles peuvent formuler des observations au moyen de notes en délibérés.

Cette faculté offerte aux parties de répondre au ministère public a été instaurée en suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt du 20 février 1996 (CEDH, 20 févr. 1996, Vermeulen c/ Belgique).

Dans cette décision, la Cour de Strasbourg avait considéré que le droit à une procédure contradictoire implique en principe la faculté pour les parties à un procès, pénal ou civil, de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, même par un magistrat indépendant, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter.

La Cour constate alors que cette circonstance constitue en elle-même une violation de l’article 6, §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

En application de cette jurisprudence, la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 octobre 2003 que « le ministère public, dans le cas où il est partie jointe, peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l’audience » (Cass. 3e civ. 8 oct. 2003, n°01-14561).

Il ressort de cette décision que, dans tous les cas, l’avis du ministère public doit être communiqué aux parties afin qu’elles soient mesure de lui répondre au moyen d’une note en délibéré.

Dans un arrêt du 21 décembre 2006, la Cour de cassation a considéré que cette exigence était satisfaite après avoir relevé que « le ministère public est intervenu à l’instance d’appel en qualité de partie jointe et avait la faculté, en application de l’article 431 du nouveau code de procédure civile, de faire connaître ses conclusions soit par écrit, soit oralement à l’audience ; qu’il ne résulte d’aucune disposition que lorsqu’il choisit de déposer des conclusions écrites, celles-ci doivent être communiquées aux parties avant l’audience ; qu’il suffit qu’elles soient mises à leur disposition le jour de l’audience » (Cass. 2e civ. 21 déc. 2006, n°04-20020).

IV) La clôture des débats

L’article 440, al. 3 prévoit que lorsque la juridiction s’estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties pour leur défense.

Ainsi, la clôture intervient-elle après les plaidoiries, nonobstant l’intervention du ministère public lorsqu’il est présent à l’audience.

La clôture des débats produit plusieurs effets :

  • Elle couvre les irrégularités relatives à la publicité des débats (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle couvre les irrégularités relatives au changement de composition du Tribunal (art. 446, al. 2e CPC)
  • Elle interdit les parties de déposer de nouvelles notes au soutien de leurs observations

V) Réouverture des débats

L’article 444 du CPC dispose que « le président peut ordonner la réouverture des débats ». Cette réouverture peut être obligatoire ou facultative

==>La réouverture des débats obligatoire

La réouverture des débats est obligatoire dans deux hypothèses :

  • Première hypothèse : l’inobservation du principe du contradictoire
    • La réouverture des débats peut intervenir « chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés ».
    • Lorsqu’ainsi, un point du litige n’a pas pu être débattu contradictoirement par les parties, le Président du Tribunal a l’obligation de procéder à la réouverture des débats.
    • Cette disposition agit comme un filet de sécurité à l’article 442 qui, pour mémoire, prévoit que « le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur. »
    • L’observation par le Tribunal du principe du contradictoire doit guider le Tribunal en toutes circonstances, y compris lorsque, au cours du délibéré, il relève d’office un moyen de pur droit ou de pur fait.
    • À cet égard, la question s’est posée de savoir si le juge pouvait, voire devait appliquer d’office au litige une règle de droit différente de celle qui est invoquée par les parties et qui le conduirait à ne pas observer le principe de la contradiction.
    • Il convient de rappeler que l’article 12 du CPC comportait initialement un alinéa 3 rédigé comme suit « il (le juge) peut relever d’office les moyens de pur droit quel que soit le fondement juridique invoqué par les parties ».
    • On sait que ce texte, dont le rapprochement avec l’article 620 du CPC s’impose, a été annulé, en même temps que l’article 16, alinéa 1er, par le Conseil d’État (CE, 12 octobre 1979), au motif qu’il laissait au juge la faculté de relever d’office des moyens de pur droit en le dispensant de respecter le caractère contradictoire de la procédure.
    • En dépit de cette annulation, il résulte de la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article16, que le juge « ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».
    • C’est dire, a contrario, qu’à condition de respecter le principe de la contradiction, le juge dispose du pouvoir de relever d’office un moyen de droit qui n’est plus qualifié « de pur droit ».
  • Seconde hypothèse : le changement dans la composition du Tribunal
    • L’article 444, al. 2e du CPC prévoit que « en cas de changement survenu dans la composition de la juridiction, il y a lieu de reprendre les débats. »
    • Pour que cette disposition s’applique deux conditions doivent être réunies :
      • Le changement dans la composition du Tribunal doit survenir postérieurement à l’ouverture des débats.
      • La composition de la juridiction doit rester identique lors des débats sur le fond de l’affaire.
    • Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont remplies que la réouverture des débats doit intervenir.
    • L’inobservation de cette exigence de réouverture des débats en cas de survenance d’un changement dans la composition du Tribunal est, en application de l’article 446, al. 1er du CPC, sanctionnée par la nullité du jugement.

==>La réouverture des débats facultative

En dehors des deux cas de réouverture obligatoire des débats visés par l’article 444 du CPC, le Tribunal dispose toujours de cette faculté qu’il peut exercer discrétionnairement.

C’est là le sens de l’alinéa 1er de l’article 444 du CPC qui est introduit par l’assertion suivante : « le président peut ordonner la réouverture des débats. »

Ce pouvoir de réouverture des débats dont le Président du Tribunal est investi est constitutif d’une mesure d’administration judiciaire, de sorte qu’elle est insusceptible de voie de recours.

Les pouvoirs du Juge de la mise en état

==>La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

==>Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

==>La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

==>L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

==>Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

==>Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

==>Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

==>Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

==>Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

==>Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

==>Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

==>Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 789 du CPC précisait que le juge de la mise en état ne pouvait emprunter au juge des référés ses pouvoirs que « postérieurement » à sa désignation.

Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 a substitué cet adverbe par la locution « à compter de ». Il s’agissait là, selon le législateur, de clarifier la règle qui reste inchangée.

Ce qu’il faut, en effet, retenir c’est que dès lors que le juge de la mise en état  est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

==>Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

==>Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

==>La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

==>L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

==>La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

==>L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état»[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).
  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

Procédure de divorce: les demandes reconventionnelles

==> Fondement

La demande reconventionnelle peut, à l’instar de la demande principale, être fondée sur l’un quelconque des cas de divorce prévu par l’article 257-1 du code civil soit :

  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
  • Le divorce pour faute
  • Le divorce accepté

Lorsque toutefois, l’acceptation des époux sur le principe de la rupture sans considération des faits à son origine a été constatée lors de l’audience de conciliation dans les formes requises par l’article 1123 du nouveau code de procédure civile, le divorce est automatiquement prononcé sur le fondement de L’article 233 du code civil.

Le principe énoncé à l’article 1077 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel la demande ne peut être fondée que sur un cas de divorce et toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas étant irrecevable, est applicable à la demande reconventionnelle.

==> Ordre d’examen des demandes

L’article 246 al. 1er du code civil contient une disposition essentielle s’agissant de l’ordre d’examen, par le juge, des demandes en divorce respectivement formées par les parties.

Aux termes de cette disposition, le juge n’examine plus systématiquement, en premier lieu, la demande principale en divorce.

En effet, lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, la demande pour faute sera toujours examinée en premier, même si celle-ci est présentée à titre reconventionnel.

En application de cette règle de primauté de l’examen de la demande de divorce pour faute deux situations doivent être distinguées :

  • La demande en divorce pour faute est formée à tire principale
    • La demande en divorce pour faute est accueillie
      • Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint sans que le juge n’ait à examiner la demande fondée sur l’article 237 du code civil.
    • La demande en divorce pour faute est rejetée
      • L’article 246, al. 2 prévoit alors que le juge statue sur la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal
      • Le divorce sera prononcé sur ce fondement quelle que soit la durée de séparation, ce en application de l’article 238, al. 2 du Code civil
  • La demande en divorce pour faute est formée à titre reconventionnel
    • La demande en divorce pour faute prime sur la demande en divorce pour altération du lien conjugal formée à titre principal
    • Toutefois, l’article 247-2 du Code civil autorise le demandeur à invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande
    • Ainsi, peut-il basculer sur une demande en divorce pour faute, par dérogation à l’article 1077 qui interdit de former des demandes subsidiaires
    • Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée, de sorte que la demande de M. X… tendant au prononcé du divorce aux torts partagés ne pouvait être regardée comme une demande formée à titre subsidiaire au sens de l’article 1077, alinéa 1, du code de procédure civile» ( 1ère civ. 11 sept. 2013)
    • Cette solution se justifie par la nécessité de permettre au demandeur principal qui se voit opposer un divorce pour faute à titre reconventionnel de se défendre et de ne pas encourir le risque d’être condamné à ses torts exclusifs.