Modes alternatifs de règlement des conflits: la conciliation judiciaire

?Essor des modes alternatifs de règlement des conflits

Lorsque survient un différend entre justiciables, la saisine du juge constitue toujours un échec pour ces derniers.

Car en effet, porter son litige devant une juridiction c’est renoncer à son pouvoir de décision à la faveur d’une tierce personne.

Plus précisément, c’est accepter de faire dépendre son sort d’un aléa judiciaire, lequel est susceptible de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

Certes, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction des éléments de preuve produits par les parties. Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera, en définitive, selon son intime conviction.

Or cette intime conviction du juge est difficilement sondable. Il y a donc bien un aléa qui est inhérent à toute action en justice, ce qui est de nature à placer les parties dans une situation précaire dont elles n’ont pas la maîtrise.

Au surplus, quelle que soit la décision entreprise par le juge – le plus souvent après plusieurs années de procédure – il est un risque qu’elle ne satisfasse aucune des parties pour la raison simple que cette décision n’aura, par hypothèse, pas été voulue par ces dernières.

Est-ce à dire que la survenance d’un litige condamne nécessairement les parties à une relégation au rang de spectateur, compte tenu de ce qu’elles n’auraient d’autre choix que de subir une solution qui leur aura été imposée ?

À l’analyse, la conduite d’un procès n’est pas la seule solution qui existe pour éteindre un litige ; il est une autre voie susceptible d’être empruntée.

Cette voie réside dans le choix de ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des conflits désignés couramment sous l’appellation générique de MARC.

Les MARC désignent tous les modes de règlement des conflits autres que le mode contentieux judiciaire traditionnel. Ils offrent la possibilité aux parties, seules ou avec l’aide d’un tiers, assistées ou non d’un avocat, d’être acteurs de leur propre litige.

Depuis le milieu des années 1990, les MARC connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Dans sa décision rendue le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a affirmé que la démarche du législateur visant à réduire le nombre des litiges soumis au juge participe de la poursuite de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits, qui constituent autant d’alternatives au procès, il en est trois qui ont été particulièrement mis en avant à l’occasion des dernières réformes entreprises par le législateur : il s’agit de la conciliation, de la médiation et de la procédure participative.

Nous nous focaliserons ici sur la conciliation.

?Évolution

La conciliation est apparue en France dès l’époque révolutionnaire. Elle a été instituée, pour la première fois, par la loi des 16 et 24 août 1790, qui conférait aux juges de paix le pouvoir de statuer en équité pour les affaires dont ils étaient saisis.

Très vite ce pouvoir dont ils étaient investis a été regardé comme une mission consistant à inviter les parties à tenter une conciliation préalablement à l’introduction d’une instance.

Puis, cette mission de conciliation implicitement dévolue aux juges de paix a été consacrée par la loi du 25 mai 1838. Facultative dans un premier temps, la tentative de conciliation des parties est devenue un préalable obligatoire à l’instance contentieuse par la loi du 2 mai 1855.

Par suite, le législateur a fait franchir à la conciliation les portes de l’instance, en conférant au juge le pouvoir de convoquer les parties au cours du procès afin de tenter une nouvelle conciliation.

L’adoption du nouveau Code de procédure civile a marqué une étape décisive dans le développement de la conciliation en la généralisant à toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, mais également en l’élevant au rang de principe directeur du procès civil.

Issu du décret n°75-1123 du 5 décembre 1975, l’article 21 du Code de procédure civile, toujours en vigueur aujourd’hui, dispose que « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »

Il ressort de cette disposition que la mission confiée au juge est désormais double :

  • Trancher le litige qui lui est soumis conformément aux règles de droit applicables (art. 12, al. 1er CPC) ;
  • Tenter de concilier les parties au lieu et au moment qu’il estime favorables (art. 21 CPC)

Dans les deux cas, l’objectif poursuivi est le même : la résolution du litige. Seule la voie empruntée diffère.

À cet égard, il peut être observé que le domaine de la conciliation déborde désormais le cadre de l’instance judiciaire, et ce à plusieurs titres :

En premier lieu, la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative a, en effet, admis que le juge puisse déléguer la mission de conciliation, en cours d’instance, à une tierce personne.

L’article 129 du CPC prévoit en ce sens que « le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation ».

En second lieu, les parties ont dorénavant la faculté de solliciter l’intervention d’un conciliateur de justice en dehors de toute instance judiciaire.

L’article 1536 du CPC prévoit, en effet, que, en cas de survenance d’un litige, un conciliateur de justice « peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. »

Aussi, la conciliation ne relève plus du monopole du juge ; elle est devenue un mode de résolution amiable des différends autonome.

?Notion

Classiquement, la conciliation peut être définie comme le processus par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends.

Bien que très proche de la médiation, la conciliation s’en distingue sur plusieurs points :

  • L’intervention d’une tierce personne
    • À la différence de la médiation, la conciliation ne requiert pas nécessairement l’intervention d’un tiers.
    • Ainsi, l’article 128 du CPC prévoit-il que « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance. »
    • La médiation quant à elle ne se conçoit que lorsque, dans leur recherche d’accord, les parties sont assistées par une tierce personne : le médiateur.
  • L’implication de la tierce personne désignée
    • Lorsque la conciliation est conduite par une tierce personne, le conciliateur a pour mission de proposer une solution aux parties, alors que le médiateur est chargé de conduire les parties à trouver une solution d’elles-mêmes.
    • Le tiers n’est ainsi pas impliqué de la même manière dans la conciliation et dans la médiation.
  • Le coût du mode alternatif de résolution du litige
    • Lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un conciliateur de justice, le service fourni est gratuit, le conciliateur étant un auxiliaire de justice bénévole.
    • L’article R. 131-12 du Code de l’organisation judiciaire prévoit en ce sens que les conciliateurs de justice ont « pour mission, à titre bénévole, de rechercher le règlement amiable d’un différend ».
    • Tel n’est pas le cas lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un médiateur, lequel exerce une profession libérale et qui, à ce titre, fournit son service aux parties moyennant le paiement d’honoraires.

?Domaine

Le domaine de la conciliation est des plus étendu. En effet, ce mode alternatif de règlement des litiges est abordé dans un titre qui relève du Livre 1er du Code de procédure civile.

Or ce livre s’intitule : « dispositions communes à toutes les juridictions ». Il s’en déduit que la conciliation est susceptible d’intervenir devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.

A cet égard, le domaine de la conciliation ne se limite pas au cadre judiciaire, puisqu’il peut y être recouru en dehors de l’instance. La conciliation peut, en effet, être conventionnelle. Elle sera alors régie par les dispositions qui relèvent du livre V du Code de procédure civile consacré à la résolution amiable des différends.

S’agissant de l’objet de la conciliation son domaine est, quant à lui, plus limité. En effet, bien qu’aucun texte ne l’énonce expressément, il est admis que la conciliation ne peut porter, à l’instar de la composition amiable ou de la transaction, que sur les seuls droits disponibles.

Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer et plus précisément un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.

Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.

Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.

Ainsi, selon cette distinction, une conciliation ne pourrait porter que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :

  • Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
  • Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)

Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :

  • Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
  • Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
  • Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)

?Règles applicables

Si le recours à la conciliation a, dans un premier temps, été circonscrit au seul périmètre de l’instance, sous l’impulsion d’un législateur désireux de désengorger les juridictions et de favoriser la recherche d’accords amiables, elle s’est par suite développée en dehors du palais de justice, à telle enseigne que l’on identifie aujourd’hui deux sortes de conciliation :

  • La conciliation judiciaire
    • Il s’agit de celle qui relève de l’office du juge, lequel a notamment pour mission de concilier les parties
    • Cette forme de conciliation est régie par :
      • Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 127 à 131 du CPC
      • Par des règles spéciales propres à chaque procédure applicable devant les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.
  • La conciliation extrajudiciaire
    • Il s’agit de la conciliation qui intervient en dehors de toute instance.
    • Cette forme de conciliation relève de la catégorie des modes de résolution amiable des différends
    • Elle est régie aux articles 1536 à 1541 du CPC

Nous nous focaliserons ici sur la conciliation judiciaire.

L’article 21 du CPC prévoit que « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »

Il ressort de cette disposition que la conciliation n’est pas un simple accessoire à l’instance. Elle fait partie intégrante de l’office du juge, de telle sorte qu’elle a été érigée par le législateur comme un principe directeur du procès civil.

Il en résulte que la mission de conciliation du juge n’est plus circonscrite au seul domaine des petits contentieux, comme cela était le cas lorsqu’elle était l’apanage des juges de paix ; la conciliation joue désormais en toutes matières et peut être exercée devant n’importe quelle juridiction relevant de l’ordre judiciaire.

A) Initiative de la conciliation

La conciliation peut être tantôt imposée par la loi, tantôt à l’initiative du juge ou des parties.

1. La conciliation imposée par la loi

Il est des cas où la loi impose aux parties de tenter de se concilier préalablement à la prise en charge de l’affaire par le juge auquel il reviendra, faute d’accord amiable trouvé entre ces dernières, de trancher leur différend.

La phase de conciliation est obligatoire notamment devant la juridiction prud’homale et devant le Tribunal paritaire des baux ruraux.

  • La tentative de conciliation devant la juridiction prud’homale
    • L’article R. 1454-10 du Code du travail prévoit que, après avoir été saisi, le bureau de conciliation et d’orientation doit entendre les explications des parties, mais également s’efforcer de les concilier.
    • Ce n’est qu’en l’absence de conciliation ou en cas de conciliation partielle poursuit l’article R. 1454-18 que l’affaire est orientée vers le bureau de jugement approprié au règlement de l’affaire.
  • La tentative de conciliation devant le Tribunal paritaire des baux ruraux
    • L’article 887 du Code de procédure civile prévoit que « au jour indiqué, il est procédé, devant le tribunal, à une tentative de conciliation dont il est dressé procès-verbal »
    • Ainsi, devant le Tribunal paritaire des baux ruraux la tentative de conciliation est obligatoire.
    • À défaut de conciliation, ou en cas de non-comparution de l’une des parties, l’affaire est renvoyée pour être jugée à une audience dont le président indique la date aux parties présentes (art. 888 CPC).

2. La conciliation à l’initiative du juge

a. Principes généraux

La conciliation entrant dans la mission du juge (art. 21 CPC), il lui est reconnu la faculté d’en être à l’initiative « tout au long de l’instance » (art. 128 CPC).

À cet égard, le juge peut selon les circonstances :

  • Soit proposer aux parties de tenter de se concilier
    • L’article 129, al. 1er du CPC prévoit en ce sens que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe. »
    • Ainsi, c’est au juge de déterminer au cours de l’instance s’il perçoit qu’un accord amiable est possible de proposer aux parties de tenter de se concilier.
  • Soit imposer aux parties une tentative de conciliation
    • L’article 129, al. 2 du CPC prévoit que « le juge qui doit procéder à une tentative préalable de conciliation peut enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur de justice qui les informera sur l’objet et le déroulement de la conciliation, dans les conditions prévues par l’article 22-1 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995. »
    • Dans cette hypothèse, le juge cherchera à provoquer une conciliation en imposant aux parties de rencontrer une tierce personne : le conciliateur de justice.
  • Soit constater la conciliation des parties
    • L’article 171-1 prévoit que « le juge chargé de procéder à une mesure d’instruction ou d’en contrôler l’exécution peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • Il ressort de cette disposition que, dans le cadre de la mise en état de l’affaire, le juge peut décider d’entériner de sa propre initiative l’accord, aussi minime soit-il, auquel seraient parvenues les parties.

b. Règles spéciales

?La procédure applicable devant le Tribunal judiciaire

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé un nouveau mode alternatif de règlement des litiges : l’audience de règlement amiable.

Ce nouveau dispositif procédural, qui vise à favoriser la conclusion d’un accord amiable entre les parties et, accessoirement, diminuer le flux des affaires, n’est autre qu’une extension de la mission de conciliation dévolue au juge raison pour laquelle nous l’abordons dans cette étude.

L’audience de règlement amiable ne pourra être proposée que dans le cadre de certaines procédures :

  • La procédure écrite ordinaire devant le Tribunal judiciaire
  • La procédure de référé devant :
    • le Président du tribunal judiciaire
    • le juge des contentieux de la protection

Concrètement, dit l’article 774-1 du CPC, « le juge saisi d’un litige portant sur des droits dont les parties ont la libre disposition peut, à la demande de l’une des parties ou d’office après avoir recueilli leur avis, décider qu’elles seront convoquées à une audience de règlement amiable tenue par un juge qui ne siège pas dans la formation de jugement dans les cas prévus par la loi ».

L’article 774-2 du CPC précise que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »

Il peut être observé que, dans le cadre de la procédure écrite, l’audience de règlement amiable peut être proposée par le juge à tous les stades de l’instance.

Elle peut, en effet, intervenir :

  • Au stade de l’orientation de l’affaire (art. 776 CPC).
  • Au stade de la mise en état (art. 785 CPC)
  • Au stade de l’ordonnance de clôture (art. 803 CPC)

?La procédure applicable devant le Tribunal de commerce

Il ressort de la combinaison des articles 860-2 et 861 du CPC que, une fois saisie, la formation de jugement du Tribunal de commerce dispose de quatre options :

  • Première option : la désignation d’un conciliateur de justice
    • Lorsque la formation de jugement considère qu’une conciliation entre les parties est envisageable, elle dispose de la faculté de désigner un conciliateur de justice.
  • Deuxième option : l’ouverture immédiate des débats
    • Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire est en état d’être jugée, elle peut ordonner l’ouverture des débats et trancher le litige consécutivement.
  • Troisième option : le renvoi de l’affaire à une audience ultérieure
    • Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, mais que la désignation d’un juge rapporteur n’est pas nécessaire, elle renvoie l’affaire à une audience ultérieure.
  • Quatrième option : la désignation d’un juge rapporteur
    • Lorsque la formation de jugement considère que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle peut procéder à la désignation d’un juge rapporteur qui sera chargé d’instruire l’affaire

Si la formation de jugement opte pour la première option, c’est donc l’article 860-2 du CPC qui s’applique.

Cette disposition prévoit la faculté pour le tribunal de commerce de désigner un conciliateur de justice, dont le statut est d’ores et déjà déterminé par le décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.

Le juge optera généralement pour ce choix lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.

Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.

L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015.

Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.

3. La conciliation à l’initiative des parties

En application de l’article 128, al. 1er du Code de procédure civile « les parties peuvent se concilier d’elles-mêmes […] tout au long de l’instance ».

Cette tentative de conciliation peut être initiée, tantôt par les deux parties, tantôt par le demandeur à l’instance.

a. La tentative de conciliation initiée par les deux parties

Afin de se concilier, les parties peuvent, de concert, opter pour :

  • Soit la soumission d’un accord au juge
  • Soit la sollicitation du retrait du rôle de l’affaire

?La soumission d’un accord au juge

Lorsque, en cours d’instance, les parties sont parvenues à un accord, elles peuvent s’en ouvrir auprès du juge afin de mettre un terme au procès.

L’article 129-1 du CPC prévoit en ce sens que « les parties peuvent toujours demander au juge de constater leur conciliation. »

?La sollicitation du retrait du rôle de l’affaire

Afin de se concilier, les parties peuvent convenir de retirer l’affaire du rôle. Cette démarche leur permet de prendre le temps de conduire des pourparlers sans être pressées par le respect des délais imposé par le déroulement d’une instance.

Car, en effet, le retrait de rôle a pour effet de suspendre à titre provisoire l’instance et donc de différer la décision du juge.

Pour être acceptée, la demande de retrait du rôle doit toutefois remplir un certain nombre de conditions.

Aussi, l’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »

Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.

Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.

En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.

L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.

La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.

?La césure

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a institué, aux côtés de l’audience de règlement amiable, un second outil procédural visant à favoriser la résolution du litige dans le cadre de l’instance : la césure.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

En application de l’article 807-1 du CPC, la césure du procès ne peut être à l’initiative que des seules parties.

Le texte précise, par ailleurs, que la césure peut être sollicitée à tout moment de la mise en état.

Pour ce faire, elles devront produire, à l’appui de leur demande, un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles elles sollicitent un jugement partiel.

S’il fait droit à la demande, le juge ordonne alors la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties.

À cet égard, le jugement partiel tranche dans son dispositif les seules prétentions faisant l’objet de la clôture partielle prévue à l’article 807-1.

Pour ce qui est du surplus des prétentions qui n’entrent pas dans le champ de la césure, la mise en état se poursuit.

Aussi, le juge de la mise en état conserve tous ses pouvoirs et peut ainsi ordonner toutes les mesures d’instruction qu’il jugera utile, constater la conciliation des parties ou encore ordonner la clôture de l’instruction et renvoyer l’affaire en plaidoirie.

Quant aux parties, elles peuvent continuer de conclure et éventuellement former de nouvelles demandes. Elles peuvent également s’employer à trouver un accord sur le reste de prétentions qui n’ont pas fait l’objet de la clôture partielle en recourant notamment à la médiation, à la conciliation ou encore à l’audience de règlement amiable.

En tout état de cause, la mise en état ne pourra être totalement close sur les prétentions non concernées par la clôture partielle, que lorsque le jugement partiel ne peut plus faire l’objet d’un appel, soit parce que le délai d’appel est expiré, soit parce que la Cour d’appel a statué après qu’un appel a été interjeté.

b. La tentative de conciliation initiée par une seule partie

Il est des cas où la tentative de conciliation pourra être initiée, dans le cadre du procès civil, par une seule partie.

?L’audience de règlement amiable

En application de l’article 774-1 du CPC, l’audience de règlement amiable peut être sollicitée par l’une des parties.

Toutefois, parce qu’elle s’analyse en une mesure d’administration judiciaire, la décision de renvoi vers l’audience de règlement amiable appartient au seul juge.

?La procédure orale devant le Tribunal judiciaire

Dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le demandeur dispose d’une option procédurale :

  • Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
  • Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement

Dans le premier cas, l’article 820, al. 1er du CPC dispose que « la demande aux fins de tentative préalable de conciliation est formée par requête faite, remise ou adressée au greffe. »

Il peut être observé que cette demande de tentative de conciliation ne s’analyse pas en une citation en justice.

La conséquence en est que, en cas d’échec de cette procédure, le juge ne sera nullement tenu par les termes de la conciliation.

Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.

Cette règle, énoncée par l’article 820, al. 2e du CPC ne fait que reprendre les termes de l’article 2238 du Code civil qui dispose que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

En tout état de cause, la tentative de conciliation peut être menée :

  • soit par un conciliateur délégué à cet effet
  • soit par le juge lui-même

B) Déroulement de la conciliation

En application de l’article 128 du CPC, la conciliation peut donc intervenir tout au long de l’instance et être à l’initiative ou des parties ou du juge.

À cet égard, la conciliation judiciaire présente la particularité de pouvoir être conduite :

  • Soit par le juge lui-même
  • Soit par un conciliateur de justice désigné par le juge

1. La conciliation conduite par le juge lui-même

?Règles procédurales applicables

Le juge dispose de la faculté de conduire lui-même la conciliation des parties ; et pour cause, il s’agit là de l’une des missions comprises dans son office (art. 21 CPC).

En tout état de cause, lorsque c’est le juge qui assure la fonction de conciliateur, la conciliation se déroulera selon les règles de procédure applicable devant la juridiction saisie.

Si, par exemple, la tentative de conciliation intervient dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, l’article 825 du CPC dispose que le greffe avise le demandeur par tout moyen des lieu, jour et heure auxquels l’audience de conciliation se déroulera.

?Pouvoirs du juge

L’objectif de souplesse, favorable à l’émergence d’une conciliation des parties, est conforté par la précision apportée à l’article 128 du CPC aux termes de laquelle le juge fixe les modalités de la tentative de conciliation.

Il sera ainsi possible pour le juge, s’il n’estime pas nécessaire de mobiliser un greffier pendant la tentative de conciliation se déroulant en dehors d’une audience de fond, de dispenser celui-ci d’y assister.

Cette dispense ne pourra toutefois pas concerner la phase finale de la conciliation : en cas d’accord des parties, il appartient au greffier d’établir le procès-verbal de conciliation, sous le contrôle du juge et en présence des parties, dont le greffier pourra ainsi attester du consentement.

Bien que la précision ne figure pas dans les dispositions propres à la procédure de tentative préalable de conciliation, celle-ci pourra toujours avoir lieu dans le cabinet du juge.

À cet égard, l’article 129 du CPC dispose que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe ».

?Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • En cas d’accord, même partiel, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord est consignée dans un procès-verbal signé par les parties et le juge
    • Des extraits de ce procès-verbal valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
  • Échec de la conciliation
    • En cas d’échec total ou partiel de la tentative de conciliation, ce sont les règles de procédure applicable devant la juridiction saisie qui devront être observées.
    • Lorsqu’ainsi la tentative de conciliation intervient dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire, l’article 826 du CPC prévoit que le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales.

2. La conciliation déléguée à un conciliateur de justice

a. Le statut du conciliateur de justice

À la différence d’un conciliateur qui pourrait être choisi par les parties en dehors de l’instance judiciaire, le conciliateur de justice jouit d’un statut particulier.

Ce statut est défini par le décret n°78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice.

?Principes directeurs du procès

L’article 1er de ce texte prévoit que « il est institué des conciliateurs de justice qui ont pour mission de rechercher le règlement amiable d’un différend dans les conditions et selon les modalités prévues au code de procédure civile. »

Il s’infère de cette disposition que le conciliateur de justice est soumis aux principes directeurs du procès civil.

À ce titre, il doit exercer sa mission en observant les principes d’impartialité, du contradictoire, d’équité et de confidentialité.

  • Impartialité
    • Le conciliateur de justice ne doit pas prendre parti ni intervenir lorsqu’il a intérêt personnel dans le différend.
    • Dans ce dernier cas, il doit le signaler au juge afin qu’il désigne un autre conciliateur.
  • Contradictoire
    • Le conciliateur doit veiller à ce que chaque partie puisse prendre connaissance des arguments de droit et de fait avancer par l’autre partie et qu’elle puisse y répondre.
    • Autrement dit, chaque partie doit pouvoir exprimer ses griefs et son point de vue.
  • Équité
    • Le conciliateur de justice a pour mission de rechercher un compromis en équité.
    • Cela exige nécessairement que chaque partie fasse des concessions en vue de la résolution du litige.
    • Pour favoriser le dialogue, le conciliateur peut éventuellement éclairer les parties en leur rappelant les règles de droit applicables, sous réserve qu’elles ne soient pas contestées par les parties étant précisé que seul le juge est habilité à « dire le droit ».
  • Confidentialité
    • Le conciliateur est tenu à la confidentialité des échanges qui interviennent entre les parties.
    • C’est là une obligation déontologique qui vise à favoriser la conclusion d’un accord des parties.
    • La confidentialité leur garantit, en effet, la faculté de s’exprimer en toute confiance, sans craindre que ce qu’elles puissent dire soit utilisé contre elles en cas de saisine du juge.

?Conditions d’accès

Pour accéder à la fonction de conciliateur de justice il faut remplir un certain nombre de conditions :

Le conciliateur de justice doit :

  • D’une part, jouir de ses droits civils et politiques
  • D’autre part, justifier d’une formation ou d’une expérience juridique
  • Enfin, il faut justifier d’une compétence ou d’une activité particulièrement qualifiante pour exercer la fonction de conciliateur

?Incompatibilités

Ne peuvent être chargés des fonctions de conciliateur de justice :

  • Les officiers publics et ministériels
  • Les personnes qui exercent, à quelque titre que ce soit, des activités judiciaires
  • Les personnes qui participent au fonctionnement du service de la justice
  • Les personnes qui sont investies d’un mandat électif dans le ressort dans lequel elles auraient vocation à exercer leurs fonctions

?Nomination

Le conciliateur de justice est nommé, pour une première période d’un an par ordonnance du premier président de la cour d’appel, après avis du procureur général, sur proposition du magistrat coordonnateur de la protection et de la conciliation de justice.

À l’issue de celle-ci, le conciliateur de justice peut, dans les mêmes formes, être reconduit dans ses fonctions pour une période renouvelable de trois ans.

Le conseil départemental de l’accès au droit est informé de ces nominations.

Chaque cour d’appel tient une liste des conciliateurs de justice exerçant dans son ressort.

Elle actualise cette liste au 1er mars et au 1er septembre de chaque année et la met à la disposition du public par tous moyens, notamment par affichage au sein des locaux des juridictions du ressort et des conseils départementaux d’accès au droit.

L’ordonnance nommant le conciliateur de justice indique le ressort dans lequel il exerce ses fonctions.

Elle indique le tribunal judiciaire ou, le cas échéant, l’une de ses chambres de proximité, auprès duquel le conciliateur de justice doit déposer les constats d’accord.

Lors de sa première nomination aux fonctions de conciliateurs de justice, celui-ci prête devant la cour d’appel le serment suivant : « Je jure de loyalement remplir mes fonctions avec exactitude et probité et d’observer en tout les devoirs qu’elles m’imposent ».

?Formation

Le conciliateur de justice suit une journée de formation initiale au cours de la première année suivant sa nomination. Il suit une journée de formation continue au cours de la période de trois ans suivant chaque reconduction dans ses fonctions.

La formation initiale et la formation continue des conciliateurs de justice sont organisées par l’École nationale de la magistrature.

À l’issue de la journée de formation initiale ou continue, l’École nationale de la magistrature remet au conciliateur de justice une attestation individuelle de formation, sous réserve d’assiduité.

?Indemnisation

Les fonctions de conciliateur de justice sont exercées à titre bénévole.

Cependant, les conciliateurs de justice peuvent bénéficier d’une indemnité forfaitaire destinée à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de matériels informatiques et de télécommunications, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.

b. Délégation de la conciliation à un conciliateur

?Faculté de délégation

Il ressort de l’article 129-2 du CPC que le juge dispose de la faculté de déléguer sa mission de conciliation à un conciliateur.

Il ne pourra toutefois exercer cette faculté dit le texte qu’à la condition qu’une disposition particulière le prévoit.

Tel est, par exemple, le cas dans le cadre de la procédure orale devant le Tribunal judiciaire.

L’article 821 du CPC dispose, en effet, que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation. »

Tel est également le cas, dans le cadre de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce.

L’article 860-2 du CPC prévoit en ce sens que « si une conciliation entre les parties apparaît envisageable, la formation de jugement peut désigner un conciliateur de justice à cette fin. Cette désignation peut revêtir la forme d’une simple mention au dossier ».

En tout état de cause, la désignation d’un conciliateur aux fins de trouver une issue au litige qui oppose les parties est toujours une simple faculté laissée au juge qu’il peut choisir de ne pas exercer.

Le juge optera pour ce choix, lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.

Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.

L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 lorsque la tentative de conciliation est engagée notamment en procédure orale devant le Tribunal judiciaire.

Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.

?Modalités de la mission confiée au conciliateur

L’article 129-2 du CPC prévoit que lorsque le juge délègue sa mission de conciliation à un conciliateur, il doit :

  • D’une part, fixer la durée de sa mission
  • D’autre part, indiquer la date à laquelle l’affaire sera rappelée

La durée initiale de la mission confiée au conciliateur ne peut excéder trois mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du conciliateur.

c. Déroulement de la conciliation conduite par un conciliateur

?La convocation des parties

Une fois le conciliateur de justice désigné par le juge, le greffier accomplit deux formalités successives :

  • D’une part, il avise par tous moyens le défendeur de la décision du juge.
    • L’avis précise les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur et l’objet de la demande.
  • D’autre part, dans l’hypothèse où le défendeur ne refuse pas la désignation d’une tierce personne, il avise le demandeur et le conciliateur de justice de la décision du juge.
    • Une copie de la demande est adressée au conciliateur.

Pour procéder à la tentative de conciliation, l’article 129-3 du CPC dispose que le conciliateur de justice convoque les parties aux lieu, jour et heure qu’il détermine.

Cette disposition précise que cette convocation n’a lieu qu’« en tant que de besoin ». En effet, elle ne sera pas nécessaire lorsque le conciliateur est déjà présent à l’audience, comme cela se pratique devant de nombreux tribunaux.

?Assistance des parties

L’alinéa 2 de l’article 129-3 du CPC dispose que lors de leur comparution devant le conciliateur de justice, les parties peuvent être assistées par une personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction ayant délégué la conciliation.

En procédure orale devant le Tribunal judiciaire il s’agira donc des personnes figurant sur la liste énoncée à l’article 762 du CPC.

En matière de procédure écrite en revanche, la représentation par avocat est obligatoire, de sorte que seul un avocat pourra assister les parties dans le cadre de la conciliation conduite par le conciliateur.

?Pouvoirs du conciliateur

À l’instar des mesures d’« investigation » que le conciliateur peut mener dans un cadre extrajudiciaire, il est prévu qu’il peut, avec l’accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile et qui l’accepte.

Il est précisé à l’article 129-4 du CPC que les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure, sans l’accord des parties, ni, en tout état de cause, dans une autre instance.

L’article 129-5 du CPC ajoute que le conciliateur de justice doit tenir le juge informé des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission, ainsi que de la réussite ou de l’échec de la conciliation.

?Mission du conciliateur

La mission assignée au conciliateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.

L’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.

Le conciliateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.

Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.

Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le conciliateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable et les inconvénients d’un procès.

En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.

Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et renoncer à poursuivre la conciliation.

Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le conciliateur doit en aviser les parties.

?Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • Lorsque les parties parviennent à se concilier, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord, même partiel, est consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • À défaut de saisine du juge par le conciliateur, l’article 131 du CPC dispose que, à tout moment, les parties ou la plus diligente d’entre elles peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice.
    • Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience.
    • L’homologation relève de la matière gracieuse.
    • Aussi, le juge ne sera pas tenu de convoquer les parties avant de statuer sur la demande d’homologation (art. 28 CPC).
    • Une telle requête pourra ainsi être présentée avant l’audience de rappel de l’affaire, pour éviter aux parties d’avoir à se déplacer à cette audience
    • Une fois l’accord dûment formalisé, des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés.
    • L’article 131 du CPC précise que ces extraits valent titre exécutoire.
  • Échec de la conciliation
    • L’article 129-5, al. 2 du CPC prévoit que le juge peut mettre fin à tout moment à la conciliation, à la demande d’une partie ou à l’initiative du conciliateur.
    • Il peut également y mettre fin d’office lorsque le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis.
    • Cette décision est une mesure d’administration judiciaire, prise sans forme et non susceptible de recours (art. 129-6 CPC).
    • Le greffier en avise le conciliateur et les parties.
    • La procédure reprend son cours, soit à la date qui avait été fixée par le juge pour le rappel de l’affaire, soit à une autre date dont les parties sont alors avisées conformément aux règles de procédure applicables devant la juridiction considérée.
    • En dehors de cette hypothèse, l’échec de cette tentative est constaté par le conciliateur qui en avise la juridiction (art. 129-5 CPC), en lui précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle le conciliateur a constaté cet échec.

C) Effets de la conciliation

1. Effets de la tentative de conciliation

Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.

L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

L’alinéa 2 de ce texte précise que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.

2. Effets de l’accord de conciliation

Lorsque, dans le cadre d’une instance en cours, les parties parviennent à se concilier, se pose la question des effets de cet accord.

À l’analyse, ces effets diffèrent selon que l’accord a ou non été constaté par le juge.

a. L’accord non constaté par le juge

?Force obligatoire

Lorsque l’accord conclu entre les parties n’a pas été constaté par le juge, ses effets se limitent à ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.

Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.

L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de conciliation non constaté par le juge ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.

?Force exécutoire

La conclusion d’un accord amiable dans le cadre d’une conciliation judiciaire ne lui confère pas automatiquement la force exécutoire.

En effet, tout dépend des modalités de formalisation de l’accord :

  • L’accord amiable a été conclu par voie d’acte notarié
    • Dans cette hypothèse, l’accord amiable sera automatiquement pourvu de la force exécutoire.
    • L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en effet que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires.
  • L’accord amiable a été conclu par voie d’acte sous signature privée
    • Principe
      • Les actes sous signature privée sont, par principe, dépourvus de toute force exécutoire, quand bien même il a été conclu dans le cadre d’une conciliation judiciaire.
      • Pour obtenir l’exécution forcée des engagements stipulés dans l’acte, les parties doivent nécessairement saisir le juge aux fins qu’il confère à l’accord une force exécutoire.
    • Tempéraments
      • Lorsqu’un acte sous seing privé a été établi dans le cadre d’une conciliation judiciaire, les parties disposent d’une option procédurale pour que l’accord constaté dans l’acte se voit conférer la force exécutoire.
      • Les parties peuvent, en effet, faire constater l’accord conclu par le juge conformément à l’article 129 du CPC.
      • Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « les parties peuvent toujours demander au juge de constater leur conciliation. »
      • Une fois l’accord constaté par le juge, celui-ci délivre aux parties des extraits du procès-verbal qu’il dresse, lesquels extraits « valent titre exécutoire ».

?Absence d’effet extinctif

À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une conciliation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.

En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.

Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Si l’accord issu d’une conciliation non constaté par le juge est dépourvu de tout effet extinctif, les parties disposent de deux options pour y remédier :

  • La conclusion d’une transaction
    • Afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord dans les formes et conditions d’une transaction.
    • Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
    • Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :
      • D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
      • D’autre part, stipuler des concessions réciproques
    • Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.
  • Le désistement d’action
    • Pour mettre fin définitivement au litige, les parties pourront également opter pour un désistement mutuel d’action.
    • Pour mémoire, le désistement d’action consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande.
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice.
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé.
    • En application de l’article 384 du CPC, « l’extinction de l’instance est constatée par une décision de dessaisissement. »

b. L’accord constaté par le juge

?Force obligatoire

Parce qu’il s’analyse en un contrat, l’accord amiable constaté par le juge est pourvu de la force obligatoire, ce qui implique que les engagements pris par les parties, aux termes de cet accord, s’imposent à elles.

Cette force obligatoire ne joue toutefois qu’entre les parties ; en application du principe de l’effet relatif des conventions, l’accord ne saurait créer d’obligation à la charge des tiers.

?Force probante renforcée

En constatant l’accord amiable conclu par les parties, le juge lui confère la valeur d’acte authentique.

Dans un arrêt du 31 mars 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les constatations faites par les juges dans leurs décisions concernant les déclarations faites devant eux par les parties font foi jusqu’à inscription de faux » (Cass. com. 31 mars 1981, n°79-10.952).

En ayant la valeur d’acte authentique, l’accord amiable est doté d’une force probante renforcée, dans la mesure où il fait foi jusqu’à inscription en faux.

?Force exécutoire

Lorsque l’accord conclu dans le cadre d’une conciliation judiciaire est constaté par le juge il est pourvu de la force exécutoire.

L’article 131 du CPC dispose en ce sens que « des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent être délivrés. Ils valent titre exécutoire. »

Aussi, les parties ont-elles tout intérêt à faire constater les accords auxquels elles seraient parvenues par le juge.

À cet égard, il peut être observé que tant que l’affaire est inscrite au rôle de la juridiction, le juge demeure compétent pour connaître des éventuelles difficultés d’exécution ou d’interprétation de l’accord amiable.

La Cour de cassation a statué en ce sens pour une transaction dans un arrêt du 12 juin 1991 (Cass. 2e civ. 12 juin 1991, n°90-14.841).

?Absence d’autorité de la chose jugée

La constatation de l’accord amiable par le juge ne lui confère pas l’autorité de la chose jugée.

Il en résulte que les parties demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Aussi, si elles souhaitent mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties doivent :

  • Soit conclure leur accord dans les formes et conditions d’une transaction à laquelle est attaché, par nature, un effet extinctif
  • Soit opérer mutuellement un désistement d’action, ce qui aura pour effet d’éteindre l’instance

Dans les deux cas, néanmoins, l’article 384 du CPC précise que l’extinction de l’instance doit être constatée par une décision de dessaisissement rendue par le juge.

Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.

Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.

Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».

Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »

Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

==> Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.

Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.

I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, quels sont les litiges concernés ?
  • D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?

A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge

L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.

Aussi, sont-ils libres d’opter pour :

  • La conciliation
  • La médiation
  • La procédure participative
  1. La conciliation et la médiation

En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.

L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.

Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.

La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.

  • La conciliation
    • La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
    • À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
    • Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
    • Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
    • S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
    • Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
    • La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
    • Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
  • La médiation
    • L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
    • À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
    • En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
    • À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
    • L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
    • L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
    • Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.

2. La procédure participative

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée 
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire 
  • Troisième hypothèse
    • L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
    • Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
    • Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
    • Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
    • Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
    • Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
    • En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
    • Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
    • Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
    • Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
    • Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
      • Premier élément : la date de saisine du conciliateur
        • Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
        • Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
        • Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
        • Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
      • Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
        • Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
        • Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
        • En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
    • Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
    • Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
    • Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.

🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation

Tel est le cas

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
  • En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
  • En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.

Procédure devant le Tribunal d’instance: la tentative préalable de conciliation

En application de l’article 829 du CPC, devant le Tribunal d’instance, le demandeur dispose d’une option procédurale :

  • Soit il choisit de provoquer une tentative préalable de conciliation
  • Soit il choisit d’assigner aux fins de jugement

La tentative de conciliation provoquée par le demandeur est régie par les articles 830 à 836 du CPC.

I) La demande de conciliation

A) La présentation de la demande de conciliation

==> Forme de la demande

L’article 830, al. 1er du CPC dispose que « la demande aux fins de tentative préalable de conciliation est formée par déclaration faite, remise ou adressée au greffe ».

==> Contenu de la demande

L’article 830, al. 2e prévoit que la déclaration faite au greffe doit comporter :

  • D’une part, les nom, prénoms, profession et adresse des parties
  • D’autre part, l’objet des prétentions du demandeur

B) Les effets de la demande de conciliation

A titre de remarque liminaire, il convient d’observer que la demande aux fins de tentative préalable de conciliation formée par déclaration faite au greffe ne s’analyse pas en une citation en justice.

La conséquence en est que, en cas d’échec de cette procédure, le juge d’instance ne sera nullement tenu par les termes de la conciliation.

Le principal effet de la demande de conciliation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice à compter de la date d’enregistrement de la déclaration faite au greffe.

Cette règle, énoncée par l’article 830, al. 3e du CPC ne fait que reprendre les termes de l’article 2238 du Code civil qui dispose que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

II) le déroulement de la conciliation

La tentative de conciliation peut être menée :

  • soit par un conciliateur délégué à cet effet
  • soit par le juge lui-même

A) La conciliation déléguée à un conciliateur de justice

==> La faculté de délégation

L’article 831 du CPC dispose que « le juge peut déléguer à un conciliateur de justice la tentative préalable de conciliation. »

IL ressort de cette disposition que la désignation d’un conciliateur aux fins de trouver une issue au litige qui oppose les parties est une simple faculté laissée au juge qu’il peut choisir de ne pas exercer.

Le juge optera pour ce choix, lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée, ce qui permettra d’accélérer le processus de conciliation.

Sous l’empire du droit antérieur l’exercice de cette faculté était subordonné à l’accord des parties.

L’exigence de cet accord a été supprimée par le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 lorsque la tentative de conciliation est engagée notamment devant le Tribunal d’instance.

Le législateur a considéré que dans la mesure où les parties sont d’accord sur le principe de la conciliation, les modalités de cette conciliation doivent être librement décidées par le juge, c’est-à-dire qu’il peut soit procéder directement à cette conciliation, soit la déléguer à un conciliateur de justice.

==> La convocation des parties

Une fois le conciliateur de justice désigné par le juge, le greffier accomplit deux formalités successives :

  • D’une part, il avise par tous moyens le défendeur de la décision du juge.
    • L’avis précise les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur et l’objet de la demande.
  • D’autre part, dans l’hypothèse où le défendeur ne refuse pas la désignation d’une tierce personne, il avise le demandeur et le conciliateur de justice de la décision du juge.
    • Une copie de la demande est adressée au conciliateur.

Pour procéder à la tentative de conciliation, l’article 129-3 du CPC dispose que le conciliateur de justice convoque les parties aux lieu, jour et heure qu’il détermine.

Cette disposition précise que cette convocation n’a lieu qu’« en tant que de besoin ». En effet, elle ne sera pas nécessaire lorsque le conciliateur est déjà présent à l’audience, comme cela se pratique devant de nombreux tribunaux d’instance.

==> Assistance des parties

L’alinéa 2 de l’article 129-3 du CPC dispose que lors de leur comparution devant le conciliateur de justice, les parties peuvent être assistées par une personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction ayant délégué la conciliation.

Devant le Tribunal d’instance il s’agira donc des personnes figurant sur la liste énoncée à l’article 828 du CPC au nombre desquelles figurent :

  • L’avocat ;
  • Le conjoint ;
  • Le concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Les parents ou alliés en ligne directe ;
  • Les parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise
  • Les fonctionnaires ou agents de l’administration lorsque l’État, les départements, les régions, les communes ou les établissements publics sont parties à l’instance

L’article 832-1 du CPC précise que « les avis adressés aux parties par le greffier précisent que chaque partie peut se présenter devant le conciliateur avec une personne ayant qualité pour l’assister devant le juge ».

==> Pouvoirs du conciliateur

À l’instar des mesures d’« investigation » que le conciliateur peut mener dans un cadre extrajudiciaire, il est prévu qu’il peut, avec l’accord des parties, se rendre sur les lieux et entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile et qui l’accepte.

Il est précisé à l’article 129-4 du CPC que les constatations du conciliateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure, sans l’accord des parties, ni, en tout état de cause, dans une autre instance.

L’article 129-5 du CPC ajoute que le conciliateur de justice doit tenir le juge informé des difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission, ainsi que de la réussite ou de l’échec de la conciliation.

En cas d’échec de la conciliation, l’article 832 du CPC prévoit, à cet égard, que « le conciliateur de justice en informe le juge en précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle il a constaté cet échec. »

==> Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • En cas d’accord, il est établi un constat signé des parties et du conciliateur de justice.
    • En application de l’article 833 du CPC il s’ensuit la formulation d’une demande d’homologation du constat d’accord qui doit être transmise au juge par le conciliateur, étant précisé qu’une copie du constat doit y être jointe.
    • À défaut de saisine du juge par le conciliateur, l’article 131 du CPC dispose que, à tout moment, les parties ou la plus diligente d’entre elles peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le conciliateur de justice.
    • Le juge statue sur la requête qui lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience.
    • L’homologation relève de la matière gracieuse.
    • Aussi, le juge ne sera pas tenu de convoquer les parties avant de statuer sur la demande d’homologation ( 28 CPC).
    • Une telle requête pourra ainsi être présentée avant l’audience de rappel de l’affaire, pour éviter aux parties d’avoir à se déplacer à cette audience
    • En tout état de cause, conformément à l’article 130 du CPC la teneur de l’accord, même partiel, doit être consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Des extraits du procès-verbal dressé par le juge peuvent alors être délivrés.
    • L’article 131 du CPC prévoit que ces extraits valent titre exécutoire.
  • Échec de la conciliation
    • L’article 129-5, al. 2 du CPC prévoit que le juge peut mettre fin à tout moment à la conciliation, à la demande d’une partie ou à l’initiative du conciliateur.
    • Il peut également y mettre fin d’office lorsque le bon déroulement de la conciliation apparaît compromis.
    • Cette décision est une mesure d’administration judiciaire, prise sans forme et non susceptible de recours ( 129-6 CPC).
    • Le greffier en avise le conciliateur et les parties. La procédure reprend son cours, soit à la date qui avait été fixée par le juge pour le rappel de l’affaire, soit à une autre date dont les parties sont alors avisées conformément aux règles de procédure applicables devant la juridiction considérée.
    • En dehors de cette hypothèse, l’échec de cette tentative est constaté par le conciliateur qui en avise la juridiction ( 129-5 CPC), en lui précisant la date de la réunion à l’issue de laquelle le conciliateur a constaté cet échec (art. 832 CPC).
    • Cette date est importante à un double titre.
      • D’une part, à la différence du droit antérieur, cette date clôt la procédure de tentative de conciliation et constitue donc la date à compter de laquelle cesse l’interruption de la prescription.
      • D’autre part, elle constitue le point de départ du délai d’un mois offert au demandeur pour bénéficier de la « passerelle » permettant de saisir la juridiction par déclaration au greffe.

B) La conciliation menée par le juge d’instance

Le juge peut souhaiter mener lui-même la tentative de conciliation ou les parties s’opposer à la délégation d’un conciliateur de justice.

Dans ce cas, le régime de la tentative de conciliation est détaillé dans une section II du chapitre I, regroupant les articles 834 et 835 du CPC.

==> Convocation des parties

Lorsque donc le juge décide de procéder lui-même à la conciliation ou que l’une des parties a refusé la désignation d’un conciliateur, l’article 834 du CPC dispose que le greffe avise le demandeur par tout moyen des lieu, jour et heure auxquels l’audience de conciliation se déroulera.

Ainsi, le demandeur est-il désormais avisé « par tout moyen » et non plus seulement par lettre simple, ce qui permet ainsi l’utilisation de moyens modernes de communication, à charge pour celui qui est en demande de donner les moyens de nature à lui transmettre utilement l’information.

Quant à la convocation du défendeur, elle intervient par lettre simple. L’article 834 al. 2 exige que la convocation mentionne les nom, prénoms, profession et adresse du demandeur ainsi que l’objet de la demande.

Enfin, l’avis et la convocation doivent préciser que chaque partie peut se faire assister par une des personnes énumérées à l’article 828.

==> Pouvoirs du juge

L’objectif de souplesse, favorable à l’émergence d’une conciliation des parties, est conforté par la précision apportée à l’article 128 du CPC aux termes de laquelle le juge fixe les modalités de la tentative de conciliation.

Il sera ainsi possible pour le juge, s’il n’estime pas nécessaire de mobiliser un greffier pendant la tentative de conciliation se déroulant en dehors d’une audience de fond, de dispenser celui-ci d’y assister.

Cette dispense ne pourra toutefois pas concerner la phase finale de la conciliation : en cas d’accord des parties, il appartient au greffier d’établir le procès-verbal de conciliation, sous le contrôle du juge et en présence des parties, dont le greffier pourra ainsi attester du consentement.

Bien que la précision ne figure pas dans les dispositions propres à la procédure de tentative préalable de conciliation, celle-ci pourra toujours avoir lieu dans le cabinet du juge.

À cet égard, l’article 129 du CPC dispose que « la conciliation est tentée, sauf disposition particulière, au lieu et au moment que le juge estime favorables et selon les modalités qu’il fixe ».

==> Issue de la conciliation

  • Succès de la conciliation
    • En cas d’accord, même partiel, l’article 130 du CPC prévoit que la teneur de l’accord est consignée dans un procès-verbal signé par les parties et le juge
    • Des extraits de ce procès-verbal valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
  • Échec de la conciliation
    • En cas d’échec de la tentative de conciliation, l’article 835 du CPC envisage deux options :
      • Première option
        • L’alinéa 1er de l’article 835 du CPC prévoit que, à défaut de conciliation, l’affaire peut être immédiatement jugée si les parties y consentent.
        • Dans ce cas, il est procédé selon les modalités de la présentation volontaire.
      • Seconde option
        • Dans l’hypothèse où les parties n’ont pas consenti à ce que l’affaire soit jugée immédiatement au fond, elles sont avisées que la juridiction peut être saisie aux fins de jugement de la demande, en application de l’article 836 dont les dispositions sont reproduites.
        • Cette disposition prévoit, pour mémoire, que, en cas d’échec total ou partiel de la tentative préalable de conciliation, le demandeur peut saisir la juridiction aux fins de jugement de tout ou partie de ses prétentions initiales.
        • La saisine de la juridiction est alors faite selon les modalités prévues par l’article 829 du CPC qui dispose que la demande est formée :
          • Soit par assignation à fin de conciliation et, à défaut, de jugement, sauf la faculté pour le demandeur de provoquer une tentative de conciliation.
          • Soit par une requête conjointe remise au greffe
          • Soit par la présentation volontaire des parties devant le juge
          • Soit, dans le cas prévu à l’article 843, par une déclaration au greffe.