Le recours en retranchement (art. 464 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en retranchement.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

?Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

?Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

II) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

1. Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

2. Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?

Modèle de requête aux fins d’ordonnance par-devant le Président près le Tribunal de commerce (art. 874 CPC)

Modèle d’assignation en référé urgence par-devant le Président près le Tribunal de grande instance (art. 808 CPC)

 

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ASSIGNATION EN RÉFÉRÉ
PAR-DEVANT LE PRÉSIDENT
PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE […]

L’AN DEUX MILLE […]
ET LE

 

A LA DEMANDE DE :

[Si personne physique]

Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], [profession], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Ayant pour avocat :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Au cabinet duquel il est fait élection de domicile

 

J‘AI HUISSIER SOUSSIGNÉ :

 

DONNÉ ASSIGNATION À :

[Si personne physique]

Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], [profession], demeurant à [adresse]

Où étant et parlant à :

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Où étant et parlant à :

 

D’AVOIR À COMPARAÎTRE :

Le [date] à [heures]

Par-devant le Président près le Tribunal de Grande Instance de [ville], séant dite ville [adresse]

 

ET L’INFORME :

Qu’un procès lui est intenté pour les raisons exposées ci-après.

Que, les parties se défendent elles-mêmes ou ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat.

Qu’à défaut de comparaître à cette audience ou à toute autre à laquelle l’examen de cette affaire serait renvoyé, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

 

TRÈS IMPORTANT

Il est, par ailleurs, rappelé au défendeur les articles du Code de procédure civile reproduits ci-après :

Article 640

Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Article 641

Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Article 642

Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

 Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Article 642-1

Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

Article 643

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :

1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;

2. Deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

 

PLAISE AU TRIBUNAL

Préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] a tenté de résoudre amiablement le litige en proposant à [identité du défendeur] de [préciser les diligences accomplies] :

Toutefois, cette tentative de règlement amiable n’a pas abouti pour les raisons suivantes : [préciser les raisons de l’échec]

I) RAPPEL DES FAITS

  • Exposer les faits de façon synthétique et objective, tel qu’ils pourraient être énoncés dans le jugement à intervenir
  • Chaque élément de fait doit, en toute rigueur, être justifié au moyen d’une pièce visée dans le bordereau joint en annexe, numérotée et communiquée à la partie adverse et au juge

II) DISCUSSION

A) Sur la mesure d’urgence consistant à [préciser la mesure sollicitée]

  1. En droit

1.1 Sur la recevabilité de la demande

L’article 808 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

La recevabilité de l’action est ainsi subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • L’établissement d’un cas d’urgence
  • L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

a) Sur l’établissement d’un cas d’urgence

Première condition à remplir pour solliciter le Juge des référés sur le fondement de l’article 808 du CPC : l’établissement d’un cas d’urgence.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 808 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, pourvoi no 04-11121).

b) L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

Pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 808 du CPC, l’établissement d’un cas d’urgence ne suffit pas. Il faut encore démontrer que la mesure sollicitée :

  • Soit ne se heurte à aucune contestation sérieuse
  • Soit se justifie par l’existence d’un différend

Il convient d’observer que ces deux conditions énoncées, en sus de l’exigence d’urgence, sont alternatives, de sorte que la non satisfaction de l’une ne fait pas obstacle à l’adoption par le juge de la mesure sollicitée par le demandeur (Cass. 2e civ., 19 mai 1980).

Ainsi, dans l’hypothèse où ladite mesure se heurterait à une contestation sérieuse, tout ne serait pas perdu pour le requérant qui peut toujours obtenir gain cause si l’adoption de la mesure est justifiée par l’existence d’un différend.

Reste que, en pareille hypothèse, le pouvoir du Juge des référés sera limité à l’adoption d’une mesure conservatoire, soit d’une mesure qui ne consistera pas en l’application de la règle de droit substantielle, objet du litige.

A contrario, en l’absence de contestation sérieuse, le juge sera investi d’un pouvoir des plus étendue, en sorte qu’il pourra prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 808 du CPC, l’étendue du pouvoir du Juge des référés dépend ainsi de l’existence d’une contestation sérieuse, la démonstration de l’existence d’un différend n’étant nécessaire qu’en présente d’une telle contestation.

==> Sur l’absence de contestation sérieuse

Dès lors que la mesure sollicitée se heurtera à une contestation sérieuse, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 808 du CPC sera contraint de rejeter la demande formulée par le requérant.

Il convient d’observer que l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas une exception d’incompétence, mais s’apparente à un défaut de pouvoir du juge. Elle n’a donc pas à être soulevée avant toute défense au fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-17.524).

À l’instar de la notion d’urgence, la référence à l’absence de contestation sérieuse ne se laisse pas aisément définir. Que faut-il entendre par cette formule ?

Elle doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond. En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Plusieurs exemples peuvent être convoqués pour illustrer les limites du pouvoir du juge des référés saisi sur le fondement de l’article 808 du CPC.

Ont été considérés comme constitutifs d’une contestation sérieuse et donc ne relevant pas du pouvoir du juge des référés :

  • L’interprétation de la volonté des parties ( 3e civ., 9 mars 2011, n°09-70930)
  • L’appréciation du bien-fondé d’un droit de rétention ( com., 1er févr. 2000, n° 96-22028)
  • L’appréciation de la validité d’un arrêté préfectoral autorisant la résiliation d’un bail ( 3e civ., 25 févr. 2016, n° 14-15.719)
  • L’appréciation de la nullité éventuelle d’un contrat ( 2e civ., 6 juill. 2016, n° 15-18763)

==> Sur l’existence d’un différend

Si la démonstration de l’existence d’un différend n’est pas nécessaire lorsque, en cas d’urgence, il est établi l’absence de contestation sérieuse, tel n’est pas le cas en présence d’une contestation sérieuse.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra, en effet, au demandeur, de démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par l’existence d’un différend.

Par différend, il faut entendre tout litige ou désaccord, de quelque nature que ce soit, entre les parties.

Reste que pour que le juge prononce une mesure conservatoire s’il constate l’existence d’un différend entre les parties, celui-ci devra justifier l’adoption de la mesure.

Autrement dit, la mesure sollicitée ne devra pas être étrangère au différend. Elle devra être en lien avec lui.

Il pourra, par exemple, s’agir de la désignation d’un mandataire ad hoc en cas de mésentente entre associés d’une société (Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n°11-23153).

La mesure prise peut encore consister en la suspension d’un commandement de payer en cas de litige entre le créancier et son débiteur (Cass. com., 26 févr. 1980)

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 1er févr. 2011, n°10-10353).

1.2 Sur les mesures prononcées

==> Les mesures autorisées

Pour mémoire, l’article 808 du CPC prévoir que, lorsque le juge des référés en cas d’urgence il peut « ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

À l’examen, il apparaît que l’article 808 du CPC confère au juge le pouvoir de prononcer deux sortes de mesures, selon qu’il existe ou non une contestation sérieuse :

  • En l’absence de contestation sérieuse
    • Le juge dispose du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation, soit des mesures qui sont très proches de celles susceptibles d’être prononcées à l’issue de l’instance au fond.
    • Dans cette hypothèse, l’application de la règle de droit substantielle n’est contestée, de sorte que le juge des référés dispose du pouvoir de lui faire produire ses effets
  • En présence d’une contestation sérieuse
    • Le juge des référés sera privé de son pouvoir de prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.
    • Il ne pourra prononcer des mesures conservatoires, soit des mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Il pourra s’agir, par exemple, de la désignation d’un administrateur provisoire ou de la mise sous séquestre d’une somme d’argent.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle (suspension de travaux dans l’attente de la décision du juge du fond, désignation d’un administrateur judiciaire pour une association ou une copropriété, suspension des effets d’un commandement de payer, désignation d’un séquestre etc.)

==> Les mesures interdites

Bien que le Juge des référés dispose, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 808 du CPC du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation de la décision au fond, il lui est interdit d’ordonner une mesure qui se heurte à une contestation sérieuse.

Ainsi lui est-il interdit de prononcer une mesure qui procède :

  • Soit de l’appréciation du statut des personnes ou de biens
  • Soit de l’appréciation du bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit de l’interprétation des termes d’un acte juridique ou de l’appréciation de sa validité

2. En l’espèce

 

[…]

 

==> En conséquence, il est donc demandé au Président du Tribunal de céans d’ordonner à [nom de la partie visée] de [préciser la mesure à ordonner], ce sous une astreinte de [X euros] par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir.

B) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de ce qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts et faire valoir ses droits, il est parfaitement fondé à solliciter la condamnation de [nom du défendeur] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Les pièces justificatives visées par le requérant sont énumérées dans le bordereau annexé aux présentes écritures.

 

PAR CES MOTIFS

 

Vu l’article 808 du Code de procédure civile
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

Il est demandé au Tribunal de Grande Instance de [ville] de :

Déclarant la demande de [Nom du demandeur] recevable et bien fondée,

  • DIRE ET JUGER que [préciser la mesure sollicitée] ne se heurte à aucune contestation sérieuse

[OU]

  • DIRE ET JUGER que [préciser la mesure sollicitée] est justifiée par l’existence d’un différend
  • DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts

En conséquence,

  • ORDONNER à [nom de la partie visée] de [préciser la mesure à ordonner], ce sous une astreinte de [X euros] par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [identité de l’avocat concerné], avocat, en application de l’article 699 du Code de procédure civile
  • ORDONNER, vu l’urgence, l’exécution provisoire de l’ordonnance sur minute

 

 

SOUS TOUTES RÉSERVES ET CE AFIN QU’ILS N’EN IGNORENT

 


Bordereau récapitulatif des pièces visées au soutien de la présente assignation :

La clause résolutoire: régime juridique

L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil une sous-section consacrée à la résolution du contrat.

Cette sous-section comprend sept articles, les articles 1224 à 1230, et est organisée autour des trois modes de résolution du contrat déjà bien connus en droit positif que sont :

  • La clause résolutoire
  • La résolution unilatérale
  • La résolution judiciaire

Selon le rapport au Président de la république, il est apparu essentiel de traiter de la résolution du contrat parmi les différents remèdes à l’inexécution, et non pas seulement à l’occasion des articles relatifs à la condition résolutoire qui serait toujours sous-entendue dans les contrats selon l’ancien article 1184.

Ainsi l’article 1224 énonce les trois modes de résolution du contrat précités, la résolution unilatérale et la résolution judiciaire étant soumises à une condition de gravité suffisante de l’inexécution, par opposition à la clause résolutoire dont l’effet est automatique dès lors que les conditions prévues au contrat sont réunies.

Surtout, fait marquant de la réforme, l’ordonnance du 10 février 2016 a introduit la résolution unilatérale du contrat, alors qu’elle n’était admise jusqu’alors par la Cour de cassation que comme une exception à notre traditionnelle résolution judiciaire.

Aussi, dans les textes, le contractant, victime d’une inexécution suffisamment grave, a désormais de plusieurs options :

  • Soit il peut demander la résolution du contrat au juge
  • Soit il peut la notifier au débiteur sa décision de mettre fin au contrat
  • Soit il peut se prévaloir de la clause résolutoire si elle est stipulée dans le contrat

Nous ne nous focaliserons ici que sur la résolution conventionnelle.

Reconduisant la règle qui était déjà énoncée sous l’empire du droit antérieur l’article 1224 du Code civil prévoit que la résolution du contrat peut résulter « de l’application d’une clause résolutoire ».

?L’intérêt de la clause résolutoire

Si, avec la consécration de la résolution unilatérale, la clause résolutoire a perdu une partie de son utilité, sa stipulation dans un contrat conserve un triple intérêt

  • Premier intérêt
    • La stipulation d’une clause résolutoire présente l’avantage, pour le créancier, de disposer d’un moyen de pression sur le débiteur.
    • Un cas d’inexécution de l’une de ses obligations visées par la clause, il s’expose à la résolution du contrat.
    • La stipulation d’une clause résolutoire apparaît ainsi comme un excellent moyen de garantir l’efficacité du contrat.
    • Ajouté à cela, cette clause ne fait nullement obstacle à la mise en œuvre des autres sanctions contractuelles qui restent à la disposition du créancier.
    • Rien n’empêche, en effet, ce dernier de solliciter l’exécution forcée du contrat, de se prévaloir de l’exception d’inexécution ou de saisir le juge aux fins d’obtenir la résolution judiciaire.
    • La liberté du créancier quant au choix des sanctions demeure la plus totale, nonobstant la stipulation d’une clause résolutoire.
  • Deuxième intérêt
    • Tout d’abord, la mise en œuvre de la clause résolutoire n’est pas subordonnée à la démonstration « d’une inexécution suffisamment grave » du contrat.
    • Dès lors qu’un manquement contractuel est visé par la clause résolutoire, le créancier est fondé à mettre automatiquement fin au contrat, peu importe la gravité du manquement dénoncé.
    • Mieux, dans un arrêt du 24 septembre 2003, la Cour de cassation a jugé que la bonne foi du débiteur « est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire » (Cass. 3e civ. 24 sept. 2003, n°02-12.474).
    • À l’examen, seuls comptent les termes de la clause qui doivent être suffisamment précis pour couvrir le manquement contractuel dont se prévaut le créancier pour engager la résolution du contrat.
  • Troisième intérêt
    • La clause résolutoire a pour effet de limiter les pouvoirs du juge dont l’appréciation se limite au contrôle des conditions de mise en œuvre de la clause (Cass. com. 14 déc. 2004, n°03-14.380).
    • Lorsque la résolution est judiciaire ou unilatérale, il appartient au juge d’apprécier la gravité de l’inexécution contractuelle.
    • Tel n’est pas le cas lorsqu’une clause résolutoire est stipulée, ce qui n’est pas sans protéger les parties de l’ingérence du juge.
    • La stipulation d’une clause résolutoire est ainsi source de sécurité contractuelle.
    • D’où l’enjeu de la rédaction de la clause qui doit être suffisamment large et précise pour rendre compte de l’intention des parties et plus précisément leur permettre de mettre fin au contrat chaque fois que le manquement contractuel en cause le justifie.

1. Le contenu de la clause résolutoire

L’article 1225 du Code civil dispose que « la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat. »

?L’étendue de la clause

Il ressort de cette disposition qu’il appartient aux contractants de viser précisément dans la clause les manquements contractuels susceptibles d’entraîner la résolution du contrat.

Le champ d’application de la clause résolutoire est ainsi exclusivement déterminé par les prévisions des parties.

Aussi, les contractants sont-ils libres de sanctionner n’importe quel manquement par l’application de la clause résolutoire. Sauf stipulation expresse, la gravité du manquement est donc indifférente, l’important étant que l’inexécution contractuelle dont se prévaut le créancier soit visée par la clause.

À cet égard, lors des travaux préparatoires portant sur la loi de ratification de l’ordonnance du 10 février 2016, certains auteurs se sont demandé si l’obligation pour les parties de préciser « les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat » devait les contraindre à dresser la liste, engagement par engagement et si, de ce fait, les clauses résolutoires visant de manière générale tout type de manquement, courantes en pratique, seraient désormais invalidées.

Pour la Commission des lois, tel ne devrait pas être le cas. Le texte autoriserait, selon elle, la survivance de ces clauses dites « balais ».

À l’examen, l’article 1225 exige seulement que la clause exprime les cas dans lesquels elle jouera, et ne s’oppose donc pas à l’insertion d’une clause qui préciserait qu’elle jouera en cas d’inexécution de toute obligation prévue au contrat. La jurisprudence antérieure validant ce type de clauses a donc vocation à survivre.

?La rédaction de la clause

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle que « la clause résolutoire de plein droit, qui permet aux parties de soustraire la résolution d’une convention à l’appréciation des juges, doit être exprimée de manière non équivoque, faute de quoi les juges recouvrent leur pouvoir d’appréciation » (Cass. 1ère civ. 25 nov. 1986, n°84-15.705).

La clause résolutoire doit ainsi être rédigée en des termes clairs et précis, faute de quoi le juge peut écarter son application.

À cet égard, en cas d’ambiguïté de la clause, l’article 1190 du Code civil prévoit que « dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé. »

Aussi, non seulement la clause doit clairement viser les manquements contractuels susceptibles d’entraîner la résolution du contrat, mais encore elle doit, selon la Cour de cassation, « exprimer de manière non équivoque la commune intention des parties de mettre fin de plein droit à leur convention » (Cass. 1ère civ., 16 juill. 1992, n° 90-17.760).

?Dispositions spéciales

Dans certaines matières, le législateur a encadré la stipulation de clauses résolutoires, le plus souvent par souci de protection de la partie réputée la plus faible.

  • En matière de bail d’habitation, l’article 4 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 dispose que « est réputée non écrite toute clause […] qui prévoit la résiliation de plein droit du contrat en cas d’inexécution des obligations du locataire pour un motif autre que le non-paiement du loyer, des charges, du dépôt de garantie, la non-souscription d’une assurance des risques locatifs ou le non-respect de l’obligation d’user paisiblement des locaux loués, résultant de troubles de voisinage constatés par une décision de justice passée en force de chose jugée »
  • En matière de bail commercial, l’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. »
  • En matière de procédure collective, l’article L. 622-14 du Code de commerce dispose que « lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement. »
  • En matière de contrat d’assurance-vie, l’article L. 132-20 du Code des assurances pose que « lorsqu’une prime ou fraction de prime n’est pas payée dans les dix jours de son échéance, l’assureur adresse au contractant une lettre recommandée par laquelle il l’informe qu’à l’expiration d’un délai de quarante jours à dater de l’envoi de cette lettre le défaut de paiement, à l’assureur ou au mandataire désigné par lui, de la prime ou fraction de prime échue ainsi que des primes éventuellement venues à échéance au cours dudit délai, entraîne soit la résiliation du contrat en cas d’inexistence ou d’insuffisance de la valeur de rachat, soit la réduction du contrat. »

2. La mise en œuvre de la clause résolutoire

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la clause résolutoire puisse être mise en œuvre.

?Le droit d’option du créancier

Parce que le principe qui préside à l’application des sanctions attachées à l’inexécution contractuelle est celui du libre choix du créancier, la mise en œuvre de la clause résolution est à sa main.

Autrement dit, nonobstant la stipulation d’une clause résolutoire, le créancier peut renoncer à la mettre en œuvre.

À cet égard, dans un arrêt du 27 avril 2017, la Cour de cassation a jugé, après avoir relevé que « la clause résolutoire avait été stipulée au seul profit du bailleur et que celui-ci demandait la poursuite du bail […] que la locataire ne pouvait se prévaloir de l’acquisition de la clause » (Cass. 3e civ. 27 avr. 2017, n°16-13.625)

À l’analyse, seule la stipulation d’une clause résolutoire dont la mise en œuvre est automatique, soit n’est pas subordonnée à la mise en demeure du débiteur, est susceptible de faire échec à la renonciation du créancier à se prévaloir d’une autre sanction, en particulier de l’exécution forcée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 21 mars 1995, n° 93-12.177).

?La mise en demeure du débiteur

L’article 1225 du Code civil pris en son second alinéa dispose que « la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement : l’exigence de mise en demeure du débiteur
    • L’application de la clause résolutoire est subordonnée à la mise en demeure du débiteur.
    • Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de subir l’anéantissement du contrat.
    • Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.
    • La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
    • Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.
    • En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure peut être notifiée au débiteur :
      • Soit par voie de signification
      • Soit au moyen d’une lettre missive
  • Deuxième enseignement : l’exigence de mention de la clause résolutoire
    • En application de l’article 1225 du Code civil, pour valoir mise en demeure, l’acte doit expressément viser la clause résolutoire.
    • À défaut, le créancier sera privé de la possibilité de se prévaloir de la résolution du contrat.
    • Pour être valable, la mise en demeure doit donc comporter
      • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
      • Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
      • La menace d’une sanction
      • La mention de la clause résolutoire
  • Troisième enseignement : la dispense de mise en demeure
    • Si l’article 1223 du Code civil pose érige au rang de principe l’exigence de mise en demeure, ce texte n’en est pas moins supplétif.
    • C’est la raison pour laquelle il précise que l’exigence de mise en demeure n’est requise que si les parties n’ont pas convenu que la clause résolutoire jouerait du seul fait de l’inexécution.
    • Dans ces conditions, libre aux contractants d’écarter l’exigence de mise en demeure.
    • La résolution du contrat opérera, dès lors, automatiquement, sans qu’il soit besoin pour le créancier de mettre en demeure le débiteur : il lui suffit de constater un manquement contractuel rentrant dans le champ de la clause.
    • Reste que dans un arrêt du 3 février 2004, la Cour de cassation a précisé que pour que la dispense de mise en demeure soit efficace, elle doit être expresse et non équivoque (Cass. 1ère civ. 3 févr. 2004, n°01-02.020).

?La bonne foi des parties

Bien que l’article 1225 soit silencieux sur la bonne foi des parties, il est de jurisprudence constante que :

  • La bonne foi du créancier, d’une part, est une condition de mise en œuvre de la clause résolutoire
    • Régulièrement la Cour de cassation rappelle que la mauvaise foi du créancier neutralise l’application de la clause résolutoire dont il ne peut alors pas se prévaloir (Cass. 1ère civ. 16 févr. 1999, n°9—21.997).
    • Cette règle procède du principe général énoncé à l’article 1104 du Code civil aux termes duquel « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »
    • Ainsi, est-il constant que le bailleur se voit refuser l’acquisition de la clause résolutoire en raison de la mauvaise foi dont il a fait montre au cours de l’exécution du contrat (V. en ce sens Cass. 3e civ. 3 nov. 2010, n°09-15.937).
  • La bonne foi du débiteur, d’autre part, ne saurait fait échec au jeu de la clause résolutoire
    • Dans un arrêt du 24 septembre 2003, la Cour de cassation a jugé que « en cas d’inexécution de son engagement par le débiteur sa bonne foi est sans incidence sur l’acquisition de la clause résolutoire » (Cass. 3e civ., 24 sept. 2003, n° 02-12.474).
    • L’intérêt de stipuler une clause résolutoire réside dans l’objectivité du critère de sa mise en œuvre : elle est acquise en cas manquement contractuel rentrant dans son champ d’application et indépendamment de la gravité de l’inexécution.
    • Lier sa mise en œuvre à la bonne foi du débiteur reviendrait alors à vider de sa substance l’intérêt de sa stipulation.

La rédaction des jugements: forme, mentions obligatoires, motivation, dispositif et force probante

I) La forme du jugement

?Un écrit

Bien qu’aucun texte ne prévoit expressément que les jugements soient établis par écrit, cette exigence se déduit des articles 450 à 466 du CPC qui prescrivent un certain nombre de mentions qui doivent être reproduites.

Un jugement ne peut donc pas prendre une forme orale. L’original qui constate par écrit la décision des juges est qualifié de minute. Cette minute alors est conservée par le greffier, ce qui permet d’assurer la publicité du jugement et son exécution.

À cet égard, l’article R. 123-5 du COJ prévoit que le greffier « est dépositaire, sous le contrôle des chefs de juridiction, des minutes et archives dont il assure la conservation ; il délivre les expéditions et copies et a la garde des scellés et de toutes sommes et pièces déposées au greffe. »

?Un écrit papier ou électronique

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2012-1515 du 28 décembre 2012, il est indifférent que le jugement soit établi sous forme papier ou électronique.

L’article 456 du CPC prévoit en ce sens que « le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. »

Cette disposition précise néanmoins que « lorsque le jugement est établi sur support électronique, les procédés utilisés doivent en garantir l’intégrité et la conservation. Le jugement établi sur support électronique est signé au moyen d’un procédé de signature électronique sécurisée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique. »

?Le registre d’audience

L’établissement du jugement donne lieu à l’actualisation du registre d’audience dont la tenue est assurée par le greffier.

À cet égard, l’article 728 du CPC prévoit que le greffier de la formation de jugement tient un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier, ce qui lui confère la force probante d’un acte authentique au même titre que le jugement.

La fonction du registre d’audience est éminemment importante dans la mesure où, en application de l’article 459 du CPC, sa consultation permet de régulariser les omissions ou inexactitudes de mentions que comporte le jugement.

II) Le contenu du jugement

Les jugements rendus par le Tribunal judiciaire doivent comporter un certain nombre de mentions nécessaires. En outre, ils doivent être motivés.

La décision proprement dite en constitue le dispositif. Enfin, l’expédition du jugement doit être revêtue de la formule exécutoire.

A) Les mentions obligatoires

Le code de procédure civile prescrit que le jugement doit comporter des indications relatives à sa régularité formelle ainsi que l’exposé des prétentions respectives des parties et leurs moyens.

Enfin le jugement doit être signé.

?Mentions relatives à la régularité formelle du jugement

L’article 454 du CPC prévoit que le jugement doit contenir l’indication :

  • Rendu au nom du peuple français
  • De la juridiction dont il émane ;
  • Du nom des juges qui en ont délibéré, ou du juge s’il y a eu juge unique ;
  • De sa date, qui est celle de son prononcé ;
  • Du nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ;
  • Du nom du secrétaire ;
  • De l’identité ainsi que du domicile ou du siège social des parties et, le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties.

?Énonciations relatives aux prétentions respectives des parties

L’article 455 du CPC prévoit que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens.

Cet exposé succinct exigé par l’article 455 du CPC, outre qu’il peut être utile pour le rédacteur de la décision dans la mesure où il lui rappelle les points sur lesquels il doit se prononcer, est nécessaire, d’une part pour permettre aux parties de vérifier que le Tribunal a bien statué sur l’objet de la demande après avoir examiné les moyens qui la fondent, d’autre part pour permettre à la Cour d’appel, le cas échéant, de s’assurer que le Tribunal de première instance :

  • D’une part, n’a pas modifié l’objet du litige ou n’est pas sortie de ses limites, ce qui entraînerait une réformation du jugement au visa de l’article 4 du CPC.
    • Modifier l’objet du litige, c’est altérer les prétentions des parties, par exemple en déformant leurs demandes, en retenant pour principal ce qui n’était que subsidiaire.
    • Toutefois les juges ne modifient pas l’objet du litige lorsque, après avertissement préalable donné aux parties pour respecter le principe de la contradiction, ils se bornent à donner leur exacte qualification aux faits et aux actes, ou bien lorsqu’ils ne font que changer le fondement juridique invoqué par les parties, ou encore lorsque les conclusions présentées étaient confuses, ambiguës ou inintelligibles, de telle sorte que le Tribunal s’est trouvé dans la nécessité de les interpréter (Cass. com., 17 déc. 1996, n° 94-17.901).
    • Les prétentions sont fixées dans les conclusions en demande ou en défense, peu important que les prétentions soient exprimées dans les motifs et non dans le dispositif des écritures (Cass. com., 11 déc. 1990, n°89-17.454 ; Cass. 3e Civ., 26 mai 1992).
  • D’autre part, a répondu aux moyens présentés par les parties, car, à défaut, le jugement encourt la censure, au visa de l’article 455 du CPC, pour absence de réponse à conclusions, qui constitue un défaut de motifs.
    • Il convient donc que le jugement apporte une réponse aux moyens
    • À cet égard, dans les procédures soumises à la représentation obligatoire, les moyens à prendre en considération sont seulement ceux qui sont exprimés dans les « dernières conclusions déposées ».
    • Il n’y a donc pas lieu de tenir compte, pour leur apporter une réponse, des moyens présentés dans les conclusions antérieures et non repris dans les dernières, étant observé que les parties ne peuvent pas procéder par voie de renvoi ou de référence à leurs précédentes écritures (Cass. 2e civ., 10 mai 2001, n° 99-19.898 ; Cass. 2e civ., 28 juin 2001, n° 00-10.124).
    • La Cour de cassation, si elle exige qu’il soit répondu aux moyens, n’oblige pas les juges du fond à suivre les parties dans le détail de leur argumentation.
    • Telle est également la doctrine de la Cour européenne des droits de l’homme qui considère que « l’article 6.1 de la Convention oblige les tribunaux à motiver leur décision, mais il ne peut se comprendre comme exigeant une réponse détaillée à “chaque argument » (CEDH, 19 avril 1994, X…c/ Pays-Bas, requête n° 16034/90).
    • Le moyen peut être décrit comme un raisonnement qui, partant d’un fait, d’un acte ou d’un texte, aboutit à une conclusion juridique propre à justifier une prétention (en demande ou en défense).
    • S’il n’est évidemment pas demandé aux juges de s’expliquer sur chacun des faits allégués, sur chacun des documents produits, ils doivent prendre en considération ceux de ces éléments qui, dans la mesure où ils sont constants et constatés, et ayant un caractère déterminant sur la solution du litige, sont de nature à fonder la déduction juridique envisagée.
    • La frontière entre le moyen et l’argument est cependant imprécise.
    • Si un doute existe sur le point de savoir si une allégation n’est qu’un simple argument, il convient de se prononcer sur elle.
    • Une attention particulière doit être apportée au rapport à justice.
      • Si une partie s’en rapporte à justice, elle élève une contestation.
      • La Cour considère en ce sens que « le fait, pour une partie, de s’en rapporter à justice sur le mérite d’une demande implique de sa part, non un acquiescement à cette demande, mais la contestation de celle-ci » (Cass. 2e Civ., 10 nov. 1999, n° 98-13.957 ; Cass. 1ère civ., 24 oct. 2000, n° 98-19.606).
      • Par suite, d’une part le Tribunal ne peut pas accueillir la prétention au motif qu’elle n’est pas contestée ; d’autre part la partie reste recevable à relever appel, bien qu’elle s’en fût rapportée à justice en première instance : elle élève à nouveau la contestation.
      • Mais, à l’appui d’un pourvoi en cassation, la partie ne sera pas recevable à contester la solution retenue, car s’étant rapportée, le moyen de cassation serait nouveau et irrecevable (Cass. 2e civ., 3 mai 2001, n° 98-23.347).

L’exposé succinct des prétentions respectives des parties et de leurs moyens peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date sans qu’il soit nécessaire d’annexer à la décision une copie de ces écritures.

?Omission ou inexactitude d’une mention

Le code de procédure civile précise les cas dans lesquels il y a lieu à nullité du fait de l’omission ou de l’inexactitude d’une des mentions.

Ainsi doivent être observées à peine de nullité les prescriptions concernant :

  • La mention du nom des juges ;
  • L’exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ;
  • La signature par le président et par le secrétaire ainsi que, le cas échéant, la mention de l’empêchement (art. 458 CPC).

Toutefois, l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience, ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été en fait observées (art. 459 CPC).

B) La motivation du jugement

?Enjeux

Les enjeux de la motivation d’une décision sont cruciaux. Moralement la motivation est censée garantir de l’arbitraire, mais ses vertus sont aussi d’ordre rationnel, intellectuel, car motiver sa décision impose à celui qui la prend la rigueur d’un raisonnement, la pertinence de motifs dont il doit pouvoir rendre compte.

Le cas échéant, la motivation donnera l’appui nécessaire pour contester de façon rationnelle la décision. C’est rappeler ainsi que la motivation, en ce qu’elle livre à autrui les raisons qui expliquent la décision, constitue également une information.

Comme l’observe Michel Grimaldi, « ce peut être une simple information : la motivation vise à renseigner, mais n’appelle pas la discussion. […]. Ce peut être aussi une motivation en vue d’un contrôle. Souvent, le plus souvent même, l’obligation de motiver se prolonge par la soumission à un contrôle. Et l’on rejoint ici la première observation : le droit à la motivation, s’il existe, ce n’est pas seulement le droit de savoir, c’est aussi l’amorce du droit de contester ».

?Finalité

En matière civile, l’obligation de motivation des jugements répond à une triple finalité.

  • En premier lieu, elle oblige le juge au raisonnement juridique, c’est-à-dire à la confrontation du droit et des faits.
  • En deuxième lieu, elle constitue pour le justiciable la garantie que ses prétentions et ses moyens ont été sérieusement et équitablement examinés. En cela, elle est aussi un rempart contre l’arbitraire du juge ou sa partialité.
  • En dernier lieu, elle permet à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et d’expliquer sa jurisprudence. En motivant sa décision, le juge s’explique, justifie sa décision, étymologiquement la met en mouvement en direction des parties et des juridictions supérieures pour la soumettre à leur critique et à leur contrôle. Il ne s’agit donc pas d’une exigence purement formelle mais d’une règle essentielle qui permet de vérifier que le juge a fait une correcte application de la loi dans le respect des principes directeurs du procès.

?Textes

En droit positif, l’exigence de motivation résulte de l’article 455 du CPC qui énonce, on ne peut plus simplement, que « le jugement doit être motivé ».

Bien qu’issue d’un texte de nature réglementaire , l’obligation de motivation a sans aucun doute une valeur supérieure puisque, aussi bien, le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme, en ont consacré le principe.

Ainsi le Conseil a-t-il reconnu à l’exigence de motivation des jugements la valeur d’un principe fondamental en considérant notamment, en matière d’expropriation, que cette exigence relevait du domaine de la loi (Cons. const., décision du 3 novembre 1977, no 77-101 L.)

La jurisprudence de la Cour de Strasbourg est plus fournie, puisque, alors que l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne fait pas expressément référence à la nécessité de motiver le jugement, la Cour a posé pour principe que l’article 6 § 1 oblige les tribunaux à motiver leurs décisions et que la motivation ne peut être totalement absente (CEDH, Higgins et autres c. France, 19 février 1998, requête no 20124/92), même si ce texte n’exige pas une réponse détaillée à chaque argument (CEDH, Van de Hurk c. Pays-Bas, 19 avril 1994, requête no 16034/90) et si l’étendue de ce devoir peut varier selon la nature de la décision et doit s’analyser à la lumière des circonstances de chaque espèce.

On signalera aussi que, pour la première chambre civile de la Cour de cassation, la reconnaissance d’une décision étrangère non motivée est contraire à la conception française de l’ordre public international de procédure, lorsque ne sont pas produits des documents de nature à servir d’équivalent à la motivation défaillante (Cass. 1ère civ., 28 nov. 2006, n°04-19.031 ; Cass. 1ère civ., 22 oct. 2008, n° 06-15.577).

?Domaine

  • Principe
    • Le domaine de la motivation est général. L’obligation s’applique indistinctement et, sauf exceptions, à toutes les décisions de justice.
    • Doivent ainsi être motivés les jugements contentieux comme les décisions rendues en matière gracieuse, les jugements avant dire droit et les jugements statuant au fond, les jugements en premier ressort comme ceux rendus en dernier ressort.
    • Aucune distinction n’est opérée selon que le jugement est contradictoire ou réputé contradictoire ou qu’il a été prononcé par défaut. La comparution des parties est sans incidence sur l’exigence de motivation et la Cour de cassation censure régulièrement, au visa de l’article 472 du CPC, les jugements qui déduisent de l’absence du défendeur un acquiescement aux prétentions du demandeur, la solution valant aussi bien en première instance (Cass. 2e civ., 8 juillet 2010, n°09-16.074), qu’en cause d’appel (Cass. 2e civ., 30 avril 2003, n°01-12.289).
    • On entend par motifs d’un jugement ce qui détermine chacune des dispositions dont il se compose ou encore les raisons données par le juge à l’appui de sa décision.
    • Les motifs doivent être particuliers à chaque affaire et suffisamment précis et développés pour permettre leur contrôle, dans le cadre d’un éventuel recours.
  • Exceptions
    • Les exceptions prévues par les textes
      • Les exceptions légales à l’obligation de motivation sont peu nombreuses.
      • On cite souvent le jugement d’adoption (art. 353 C. civ.) ou certaines décisions rendues en matière de divorce, comme le jugement sans énonciation des torts et griefs à la demande des parties (art. 245-1 C. civ. et art. 1128 CPC).
      • On signalera aussi les dispositions de l’article 955 du CPC, selon lesquelles lorsqu’elle confirme un jugement, la cour d’appel est réputée avoir confirmé les motifs de ce jugement qui ne sont pas contraires aux siens.
      • Ce texte, qui renferme une présomption de motivation, permet à la Cour de cassation de s’emparer des motifs des premiers juges pour suppléer une motivation insuffisante ou défaillante d’un arrêt faisant l’objet d’un pourvoi (Cass. 2e civ., 1er juill. 2010, n°09-66.712 et 09-68.869).
      • Il ne doit néanmoins pas être compris comme instituant une dispense de motivation, c’est-à-dire de réexamen de l’affaire, qui est le propre de l’appel.
    • Les exceptions prévues par la jurisprudence

?Contenu de l’exigence de motivation

Motiver, c’est, pour le juge, fonder sa décision en fait et en droit. Cette obligation de motivation comporte deux aspects : quantitatif et qualitatif :

  • Sur le plan quantitatif
    • Il appartient au juge d’analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits.
    • Il ne peut statuer par des considérations générales (Cass. 1ère civ., 17 févr. 2004, n°02-10.755), ni se déterminer sur la seule allégation d’une partie ou sur des pièces qu’il n’analyse pas (Cass. soc., 1er févr. 1996, n°94-15.354), même si le juge n’est pas tenu de s’expliquer spécialement sur les éléments de preuve qu’il décide d’écarter (Cass. 1ère civ., 3 juin 1998, n°96-15.833 ; Cass. com., 9 févr. 2010, n°08-18.067).
    • La motivation doit porter sur chacun des chefs de demande et sur chacun des moyens invoqués au soutien des conclusions.
    • Le défaut de réponse à conclusions, qu’il importe de ne pas confondre avec l’omission de statuer, est sanctionné au titre d’une méconnaissance des exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
    • Enfin, on sait que la motivation doit être intrinsèque et que la jurisprudence proscrit toute motivation par référence aux motifs d’une décision rendue dans une autre instance (Cass. 3e civ., 26 oct. 1983, n°81-14.861 ; Cass. 2e civ., 2 avril 1997, n 95-17.937), sauf naturellement lorsque cette motivation procède d’une adoption des motifs des premiers juges.
    • La Cour de cassation ne fait ici que mettre en œuvre le principe de la prohibition des arrêts de règlement.
  • Sur le plan qualitatif
    • La motivation implique pour le juge l’obligation d’expliquer clairement les raisons qui le conduisent à se déterminer.
    • Il importe donc que ses motifs soient rigoureux et pertinents.
    • La rigueur commande d’abord au juge de se prononcer par des motifs intelligibles, de se garder de formuler des hypothèses, d’émettre des doutes ou d’éviter de se contredire.
    • Les arrêts de cassation ne sont pas rares qui censurent l’énoncé de motifs contradictoires, dubitatifs, hypothétiques, voire incompréhensibles.
    • La motivation du jugement sera ensuite pertinente si elle est opérante, c’est-à-dire si elle est propre à justifier la réponse apportée par le juge aux moyens et prétentions des parties.
    • Cette exigence s’impose chaque fois que la Cour de cassation exerce un contrôle de la qualification des faits mais aussi, de façon plus inattendue, lorsque l’appréciation des éléments du litige est abandonnée aux juges du fond.
    • En effet, même dans les matières où la jurisprudence consacre l’existence d’un pouvoir souverain, la Cour de cassation s’assure que les motifs des juges sont de nature à justifier la décision prise, qu’ils sont propres à démontrer la solution retenue.

?Sanction de l’exigence de motivation

Selon l’alinéa 1er de l’article 458 du CPC, ce qui est prescrit à l’article 455, en particulier l’obligation de motiver le jugement, doit être observé à peine de nullité.

Né de la décision attaquée, le vice de motivation n’est jamais un grief nouveau devant la Cour de cassation.

Le défaut de motif ou l’insuffisance des motifs se différencient du défaut de base légale, qui sanctionne un vice de fond, à savoir une motivation qui ne met pas la Cour en mesure d’exercer son contrôle sur les conditions de fond d’application de la loi. Le vice de motivation est pour sa part un vice de forme du jugement.

C’est pourquoi le contrôle de la Cour de cassation présente en ce domaine un caractère essentiellement disciplinaire.

C) Le dispositif du jugement

1. Limitation du champ de l’autorité de la chose jugée au dispositif formel

Le dispositif est la partie du jugement qui énonce la décision du tribunal (art. 455 CPC). Elle est la partie la plus importante de la décision, en ce qu’elle contient la solution du litige à laquelle est attachée l’autorité de la chose jugée.

L’article 455, al. 3e du CPC prévoit en ce sens que le jugement « énonce la décision sous forme de dispositif. »

Le dispositif des jugements varie avec chaque litige ; il doit répondre à tous les chefs de demande, mais il ne doit pas aller au-delà de ce qui a été demandé (ultra petita).

En outre, il ne peut apporter de modification, ni à l’objet, ni à la cause de la demande : le juge est en effet lié par le cadre du procès tracé par les parties.

L’autorité de la chose jugée, même positive, est limitée aux seules énonciations du dispositif (Cass. 3e civ., 4 janv. 1991, n°89-14.624 ; Cass. 1ère civ. 8 juill. 1994, n°91-17.250, Cass. com. 6 févr. 2001, n°98-15.671).

C’est donc à cette composante du jugement qu’il convient de se reporter pour déterminer l’étendue de l’autorité de la chose jugée.

Reste que des maladresses dans la rédaction de la décision peuvent conduire le juge à placer dans les motifs des dispositions relatives à la solution du litige, et la question se pose alors de savoir si ces motifs peuvent avoir autorité de la chose jugée.

2. Exclusion du champ de l’autorité de la chose jugée des motifs décisoires et décisifs

Classiquement on distingue les motifs décisoires des motifs décisifs :

  • Les motifs décisoires
    • Il s’agit des motifs qui statuent sur l’un des chefs des prétentions litigieuses, mais, par suite d’une erreur rédactionnelle, la décision n’est pas reprise dans le dispositif.
    • Ce sont des éléments du dispositif qui se sont égarés dans les motifs.
    • Ils résultent d’une rédaction défectueuse du jugement dont un élément n’est pas à sa place.
  • Les motifs décisifs
    • Ils sont le soutien nécessaire du dispositif, ou de certains des chefs de décision que l’on retrouve dans ce dernier.
    • Un motif est dit décisif, lorsqu’il est un élément nécessaire du raisonnement qui a abouti à la décision.

En principe seules les questions litigieuses effectivement tranchées par le juge, qui ont donné lieu à un débat entre les parties et contenues dans le dispositif ont autorité de la chose jugée.

La conséquence de ce principe est favorable au plaideur victime de l’oubli. Le jugement qui contient une omission de statuer sur un chef de demande n’ayant logiquement aucune autorité de la chose jugée sur le chef omis, l’intéressé peut saisir une nouvelle fois le juge sur ce chef.

La lecture de la jurisprudence qui s’est développée au sujet des jugements mixtes ou avant dire droit notamment, révèle que seul le dispositif stricto sensu de la décision concernée est pris en considération pour déterminer si l’autorité de la chose jugée s’y attache (Cass. 3e civ., 1er oct. 2008, n°07-17.051).

Désormais, motifs décisoires et motifs décisifs sont dépourvus de l’autorité de la chose jugée, laquelle n’a lieu qu’à l’égard de ce qui est tranché dans le dispositif.

Pour bien comprendre la position actuelle remémorons-nous l’évolution de la jurisprudence.

Trois périodes peuvent être distinguées : avant le nouveau code de procédure civile de 1975, entre le nouveau code de procédure civile et 1991, et depuis 1991.

?Avant le nouveau code de procédure civile de 1975 : la conception non formaliste

Pendant très longtemps, et en l’absence de dispositions contraires, le parti a été implicitement retenu de considérer que le jugement était un acte de volonté du juge et qu’indépendamment de la forme, il fallait rechercher, en scrutant l’ensemble des éléments de sa décision, ce qu’il avait voulu décider et ce sur quoi il s’était fondé.

Peu importait donc que les chefs de décision aient été insérés dans les motifs ou dans le dispositif.

Ainsi, la jurisprudence a longtemps reconnu l’autorité de chose jugée des motifs décisoires pour la raison qu’il convenait de s’en tenir à ce que le juge avait effectivement jugé, sans s’arrêter à l’apparence formelle du jugement (V. en ce sens Cass. com., 29 oct. 1964).

Au demeurant, les constats de fait qui avaient été réalisés dans un procès, de même que les qualifications qui avaient été données à ces faits, pouvaient être repris, dans un autre procès opposant les mêmes parties et considérés comme couverts par l’autorité de la chose jugée, dès lors du moins que ces éléments, puisés dans les motifs de la précédente décision, constituaient le soutien nécessaire de celle-ci.

Les décisions anciennes qui reconnaissaient aux motifs décisifs l’autorité de chose jugée sont innombrables (Cass. 2e civ., 17 nov. 1971 ; Cass. 3e civ., 28 oct. 1974).

Ainsi, le dispositif est doté de l’autorité de la chose jugée, parce que c’est lui qui contient les décisions du juge ; mais l’autorité s’étend à la motivation dans la mesure où celle-ci contient les éléments nécessaires à ces décisions ; les motifs ont également autorité de chose jugée si, en raison éventuellement d’un vice de rédaction du jugement, des décisions du juge y figurent.

En outre, la jurisprudence étendait l’autorité de chose jugée à des points non expressément jugés, en considérant qu’ils avaient été implicitement ou virtuellement jugés (Cass. soc., 24 mars 1971).

Le critère substantiel, qui s’attache à la volonté du juge, avait pour mérite de « tenir exactement compte de la réalité » et de ne pas faire dépendre l’autorité de la décision de sa forme.

Les maladresses rédactionnelles du juge étaient ainsi sans incidence. L’inconvénient était cependant, selon Jacques Normand, qu’« on ne pouvait toujours savoir au premier examen ce qui avait été effectivement décidé, déterminer sans hésitation la nature (avant dire droit ou mixte) de la décision rendue. Il fallait se livrer à une recherche délicate, aléatoire. Cette imprécision était source de contestations, de retards, elle était génératrice de manœuvres dilatoires ».

?Entre le nouveau code de procédure civile et 1991

Le nouveau code de procédure civile a substitué à ces solutions une conception beaucoup plus formaliste : les décisions prises par le juge n’ont l’autorité de chose jugée que si elles figurent dans le dispositif (V. art. 455, 480, 482, 544 et 606 CPC).

Ainsi, seul le dispositif du jugement devait renseigner sur ce qui avait été jugé. Seules ses énonciations avaient autorité de la chose jugée (art. 480 CPC). Seules elles permettaient de savoir si la décision contenant un avant dire droit était susceptible d’appel ou de pourvoi immédiat (art. 544 et 606 CPC).

Ce nouveau système « imposait au juge une très grande discipline dans la formulation de sa décision ».

C’est la raison pour laquelle comme le relevait Jean-Pierre Dintilhac, « Malgré la clarté de cette rédaction, la jurisprudence, confrontée à l’épreuve des situations concrètes souvent difficiles à enfermer dans une formulation juridique forcément abstraite et réductrice, a opéré une distinction entre les motifs décisoires et les motifs décisifs ».

En effet, la jurisprudence a eu quelque mal à se soumettre à ce formalisme. Longtemps, les textes du nouveau code de procédure civile n’ont guère été respectés en la matière. S’ensuivit alors « une longue période d’incertitude, marquée par les jurisprudences divergentes des différentes chambres de la Cour de cassation (…) un premier courant dont participaient la deuxième chambre civile et la chambre commerciale, appliquait strictement l’article 480 et déniait toute autorité aux motifs soutien nécessaire »[1]. Un courant contraire réunissait la première et la troisième chambre civile lesquelles continuaient à reconnaître l’autorité des motifs décisifs (Cass. 3e civ., 27 avr. 1982).

La jurisprudence semble s’être ralliée pour ce qui concerne les motifs décisoires, avec moins de résistance que pour les motifs décisifs, à la solution imposée par les dispositions du nouveau code de procédure civile.

Elle dénie l’autorité de chose jugée aux décisions qui ne figurent pas dans le dispositif, mais seulement dans les motifs (V. Cass. 2e civ. 16 nov. 1983).

?Depuis 1991 : la consécration du critère formel

À partir de 1991, la jurisprudence de toutes les chambres de la Cour de cassation s’en tient strictement au seul critère formel de la distinction entre motifs et dispositif pour refuser toute autorité de la chose jugée aux premiers. Comme le souligne Jacques Normand « une harmonisation des jurisprudences s’est réalisée, les première et troisième chambres ayant rejoint la deuxième chambre et la chambre commerciale dans une application stricte de l’article 480 ».

À l’origine de la jurisprudence nouvelle, se situerait selon Jacques Ghestin, un article publié par Jacques Normand en 1988 en faveur du refus de l’autorité de la chose jugée des motifs.

Après avoir montré les conflits de jurisprudence opposant, deux par deux, la 2e chambre civile et la chambre commerciale refusant toute autorité aux motifs, d’une part, aux première et troisième chambre civile de la Cour de cassation qui admettaient l’autorité des motifs, d’autre part, J. Normand « à la recherche d’une issue » écrivait : « Deux chambres contre deux, et aucune n’ayant voix prépondérante…On ne saurait admettre longtemps une telle confusion. Elle discrédite l’institution judiciaire. Elle fonde chez le justiciable le sentiment d’être le jouet du hasard ».

La jurisprudence actuelle, par une interprétation plus littérale de l’article 480 du code de procédure civile, a donc abandonné les solutions qui avaient pu être dégagées antérieurement, à partir des années 1970/80.

Tout ce qui ne figure pas dans le dispositif n’a pas autorité de la chose jugée, même s’il s’agit de motifs « inséparables du dispositif » (Cass. 2e civ., 5 avril 1991).

Cette dernière position a le mérite de lever toute incertitude quant à l’étendue de l’autorité de la chose jugée, et devrait être préférée pour cette raison.

Dès lors, les arrêts rendus à partir de 1991 doivent être interprétés comme s’opposant à la reconnaissance d’une autorité positive de chose jugée, même s’il y a parfois, selon Jacques Normand, quelques « accrocs dans l’unanimité qu’on croyait restaurée ».

Désormais, les motifs, dits décisoires, qui se prononcent sur une question litigieuse sont, dans le silence du dispositif, clairement dépourvus de l’autorité de la chose jugée (Cass. 1ère civ., 7 oct. 1998, n°97-10.548 ; Cass. 2e civ., 8 juin 2000, n°98-19.038) et il en est de même des motifs décisifs définis classiquement comme constituant le soutien nécessaire du dispositif (Cass. 2e civ., 10 juill. 2003 ; Cass. 1ère civ., 13 déc. 2005 ; Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-17.503).

Dans sa jurisprudence la plus récente, la Cour de cassation, au sujet de motifs décisoires, rappelle que seul le dispositif est doté de l’autorité de la chose jugée, mais en prenant le soin de préciser qu’il en est ainsi même lorsque la motivation constitue le soutien nécessaire du dispositif, formule qui marque, par la même occasion, l’abandon de la thèse des motifs décisifs (Cass. 2e civ., 10 juillet 2003 ; Cass. 2e civ., 22 janv. 2004).

Néanmoins, Jacques Normand soulignait en 2004 que « des disparités subsistent entre les chambres de la Cour de cassation, des réticences se manifestent chez les juges du fond (ce dont témoigne en particulier le nombre des arrêts de cassation). Tout ceci est pour le moins le signe d’un malaise ».

3. Exclusion du champ de l’autorité de la chose jugée du dispositif virtuel ou implicite

Pour interdire à la partie adverse de remettre en cause une question qui a été invoquée incidemment au cours d’une instance précédente, et pour s’assurer ainsi une position inattaquable, l’un des plaideurs peut chercher à étendre l’autorité de la chose jugée en s’efforçant d’établir que le tribunal a implicitement tranché cette question incidente.

Se pose alors la question de savoir dans quelle mesure il est permis d’étendre la chose jugée aux décisions implicites.

La problématique des décisions implicites doit être distinguée de celle des motifs décisoires ou décisifs.

En effet, il s’agit, non d’accorder une quelconque autorité aux motifs de la décision, mais de rechercher dans le dispositif ce qui est virtuellement compris, afin d’étendre l’autorité de la chose jugée à toutes les questions nécessairement engagées dans le litige. Tantôt il s’agit d’un préalable nécessaire de la décision.

Dans d’autres cas, la chose non exprimée est implicitement jugée parce qu’elle est une suite inéluctable de ce qui a été jugé.

Aux termes de la jurisprudence, seul ce qui est expressément jugé dans le dispositif a autorité de la chose jugée.

Il avait parfois été admis que l’autorité de la chose jugée devait être attachée, non seulement aux points litigieux qui ont été expressément résolus dans le dispositif, mais aussi qu’elle devait être reconnue aux questions implicitement résolues dans le dispositif, que le juge a dû obligatoirement trancher pour prendre sa décision, parce qu’elles constituent les antécédents nécessaires de cette décision.

Si ces questions implicitement résolues venaient à être démenties, le jugement serait privé de tout fondement logique : il faut donc éviter une remise en question de ces éléments, et leur conférer l’autorité de la chose jugée.

Cette solution, au demeurant peu rigoureuse et difficilement compatible avec le dispositif de rectification des omissions de statuer, présentait l’inconvénient majeur de heurter bien souvent le principe de la contradiction, considéré comme un des principes directeurs du procès civil, lorsque l’implicitement jugé n’a pas été débattu entre les parties.

En effet, comme l’a rappelé Jean-Pierre Dintilhac « la chose jugée ne peut traduire la vérité qu’autant que les parties en litige, sous le contrôle actif du juge, se sont attachées, tout au long du procès, à respecter avec loyauté le principe de la contradiction qui constitue l’élément fondamental du procès équitable ».

Pour l’ensemble de ces considérations, la thèse du dispositif virtuel ou implicite est désormais condamnée par la jurisprudence dominante (Cass. 1ère civ., 16 juill. 1997 ; Cass. 2e civ., 19 févr. 2004, n° 03-10.167).

Cette jurisprudence a été entérinée par un arrêt de la chambre mixte rendu en date du 13 mars 2009 (Cass. ch. mixte, 13 mars 2009, n° 07-17.670).

Une conclusion s’impose donc, seul le dispositif exprès est doté de l’autorité de la chose jugée.

Cette affirmation a pour corollaire un devoir pour le juge, lequel doit veiller à soigner la rédaction du dispositif de sa décision pour y inclure l’ensemble des questions tranchées.

4. Exclusion du champ de l’autorité de la chose jugée du dispositif réservé

Le dispositif qui comporte des réserves, même implicites, n’a pas, sur le point concerné, autorité de la chose jugée (Cass 3e civ., 9 octobre 1974).

Toutefois, l’expression « déboute en l’état », parfois utilisée pour permettre un réexamen de l’affaire en cas d’évolution de la situation ou après constitution d’un nouveau dossier plus étayé, est sans portée.

La décision ainsi rendue sur le fond dessaisit le juge et acquiert l’autorité de la chose jugée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 16 mai 2006, n° 02-14.488). La formule est donc à proscrire.

À cet égard, selon Jean-Pierre Dintilhac « ce refus d’admettre une nouvelle action en cas de découverte de nouveaux éléments de preuve, au nom de la sécurité juridique, de la paix sociale et pour prévenir la saturation de l’institution judiciaire déjà passablement encombrée, illustre combien cette “vérité de la chose jugée” est une vérité bien particulière qui tient non à une certitude quant au caractère véridique des éléments sur lesquels repose la décision, mais à la volonté de mettre un terme à la contestation et au refus d’ouvrir à nouveau des débats à partir d’éléments qui existeraient lors de l’examen qui précédait la décision, alors même que l’une des parties n’en aurait pas eu connaissance »

D) La signature du jugement

L’article 456 du CPC prévoit que le jugement doit être « signé par le président et par le greffier ». À défaut, le jugement encourt la nullité.

  • S’agissant du Président
    • Selon une jurisprudence constante, seul le Président ayant assisté aux débats est habilité à signer le jugement (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 juill. 1997).
    • À défaut, le jugement encourt la nullité
    • Dans un arrêt du 18 juin 2003, la troisième chambre civile a précisé que « s’il résulte des mentions de l’arrêt que le magistrat qui l’a régulièrement prononcé était conseiller lors des débats et du délibéré, il est présumé, à défaut de preuve contraire et de mention d’un empêchement, que la signature qui y figure sous la mention de président est celle du magistrat ayant présidé l’audience et participé au délibéré en cette qualité » (Cass. 3e civ. 18 juin 2003, n°01-12.886).
    • L’article 456 du CPC précise encore « en cas d’empêchement du président, mention en est faite sur la minute qui est signée par l’un des juges qui en ont délibéré »
    • Seul un juge qui donc a participé au délibéré peut signer le jugement.
  • S’agissant du Greffier
    • Dans un arrêt du 6 octobre 2009, la Cour de cassation a jugé « qu’est seul qualifié pour signer le jugement le greffier qui a assisté à son prononcé » (Cass. com., 6 oct. 2009, n°08-12.478).
    • Afin de limiter les actions en nullité, la deuxième chambre civile a précisé, dans un arrêt du 10 juin 2004 « qu’il y a présomption que le greffier qui a signé la décision est celui qui a assisté à son prononcé » (Cass. 2e civ. 10 juin 2004, n°03-13.172).

III) La force probante du jugement

?Principe

L’article 457 du CPC prévoit que « le jugement a la force probante d’un acte authentique ». Le caractère authentique dont est pourvu le jugement tient à la qualité d’officier public du juge signataire.

Une telle authenticité oblige à tenir pour vrai, sauf inscription de faux, ce que le jugement énonce comme ayant été personnellement constaté par ses deux signataires, président et greffier.

Et ce que constate le greffier signataire n’est autre que le prononcé de la décision et son contenu. Au nombre des conditions d’établissement de tout acte authentique figure d’évidence l’intervention, par sa signature, d’un agent public légalement compétent et habilité, tel pour un jugement, outre le président, le greffier assistant au prononcé.

L’absence ou l’insuffisance d’une telle intervention (ici elle doit être double) est incompatible avec l’authenticité. C’est donc la double signature qui donne au jugement la force probante d’un acte authentique.

?Tempéraments

Bien que le jugement possède la force probante d’un acte authentique, trois tempéraments sont apportés à cette règle :

  • Premier tempérament
    • La force probante du jugement n’est attachée qu’aux seuls éléments que le juge a pu vérifier, soit qu’ils se sont produits en sa présence, soit parce qu’il en est à l’origine
    • Les mentions relatives à la notification de la décision au ministère public ne bénéficient donc pas de la force probante du jugement
  • Deuxième tempérament
    • L’article 459 du CPC prévoit que « l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité du jugement ne peut entraîner la nullité de celui-ci s’il est établi par les pièces de la procédure, par le registre d’audience ou par tout autre moyen que les prescriptions légales ont été, en fait, observées. »
    • Certaines irrégularités peuvent ainsi être réparées lorsqu’il est établi, notamment au moyen du registre légale, que les prescriptions légales ont été respectées.
  • Troisième tempérament
    • L’article 462 du CPC dispose que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »
    • Les parties disposent ainsi toujours d’une action en rectification d’erreur matérielle.
    • Le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d’office.
    • La décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement.
  1. J. Normand, La chose jugée -L’étendue de la chose jugée au regard des motifs et du dispositif, Rencontres Université- Cour de cassation, 23 janvier 2004. ?