Le recours en retranchement (art. 464 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en retranchement.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

?Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

?Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

II) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

1. Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

2. Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?

Les règles de représentation des parties devant les juridictions civiles: Tribunal judiciaire (JCP, JEX, JAF), Tribunal de commerce, Conseil de prud’hommes, Tribunal paritaire de baux ruraux etc.

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une réforme des règles de représentation applicables devant les juridictions civiles.

Désormais, la représentation est, par principe, obligatoire devant le Tribunal judiciaire. Tandis que le principe ainsi posé a été assorti d’un certain nombre d’exceptions, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a étendu la représentation obligatoire à plusieurs procédures qui n’exigeaient pas, jusqu’alors, que les parties constituent avocat.

Cette extension de la représentation obligatoire  concerne notamment:

  • La procédure de référé lorsque le montant de la demande est supérieur à 10.000 euros
  • La procédure d’expropriation
  • La procédure de fixation du loyer des baux commerciaux
  • Le contentieux fiscal relevant des juridictions civiles
  • La procédure d’adoption des enfants de moins de 15 ans
  • La procédure de révision de la prestation compensatoire
  • La procédure de retrait de l’autorité parentale et de délaissement parental
  • Le contentieux relevant du Tribunal de commerce lorsque le montant de la demande est supérieur à 10.000 euros

RÈGLES DE REPRÉSENTATION DES PARTIES
JuridictionDomainePrincipeReprésentantTexte
Tribunal judiciaire

Compétence générale
En toutes matières, sauf dispositions légales contrairesObligatoire
> 10,000 €

Facultatif
< 10,000 €
Si > 10,000 €

• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration

SI < 10,000 €

• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Articles

760
761, 3°
Tribunal judiciaire

Compétence spéciale
Contentieux électoral, à l'exception des contetations relatives à la consultation des salairés sur les accords d'entrepriseFacultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Article

761, 2°
Tribunal judiciaire

Compétences exclusives
Etat des personnes : mariage, filiation, adoption, déclaration d'absence ;Obligatoire• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Article

761, 3°
Annulation des actes d'état civil, les actes irrégulièrement dressés pouvant également être annulés par le procureur de la République ;
Amendes civiles encourues par les officiers de l'état civil ;
Successions ;
Actions immobilières pétitoires ;
Récompenses industrielles ;
Dissolution des associations ;
Sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire lorsque le débiteur n'exerce ni une activité commerciale ni une activité artisanale ;
Assurance contre les accidents et les maladies professionnelles des personnes non salariées en agriculture ;
Droits d'enregistrement, taxe de publicité foncière, droits de timbre et contributions indirectes et taxes assimilées à ces droits, taxes ou contributions ;
Baux commerciaux à l'exception des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, baux professionnels et conventions d'occupation précaire en matière commerciale ;
Inscription de faux contre les actes authentiques ;
Actions civiles pour diffamation ou pour injures publiques ou non publiques, verbales ou écrites ;
Contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et les autres affaires de douanes, dans les cas et conditions prévus au code des douanes.
Oppositions à contrainte dans les conditions prévues par les articles R. 1235-4 à R. 1235-9 du code du travail
Chambre de proximitéMatières énumérées au tableau IV – II annexé au COJFacultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Article

761, 2°
Juge des contentieux de la protectionLa sauvegarde de justice, la curatelle, la tutelle des majeurs et la mesure d'accompagnement judiciaire;

Les actions relatives à l'exercice du mandat de protection future;

Les demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d'état de manifester sa volonté, aux fins d'être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d'être habilité à le représenter;

La constatation de la présomption d'absence ;

Les demandes de désignation d'une personne habilitée et des actions relatives à l'habilitation familiale prévue à la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil.
Facultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Article

761, 1°
Les actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis sans droit ni titre.
Les actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
Les actions relatives à l'application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation.
Les actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l'article L. 751-1 du code de la consommation.
Les mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.
Juge de l'exécutionLe juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.Obligatoire
> 10,000 €

Facultatif
< 10,000 €
Si > 10,000 €

• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
SI < 10,000 €

• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration
CPC
Article

761
Le juge de l'exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.
Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Le juge de l'exécution exerce également les compétences particulières qui lui sont dévolues par le code des procédures civiles d'exécution.
Procédure de saisie des immeubles, navires, aéronefs et bateaux de navigation intérieure d'un tonnage égal ou supérieur à vingt tonnes.Obligatoire• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration
CPCE
Article

L. 121-4
La saisie des rémunérationsFacultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPCE
Article

L. 121-4
Les demandes relatives à l'expulsion
Juge aux affaires familialesDe l'homologation judiciaire du changement de régime matrimonial, des demandes relatives au fonctionnement des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ou entre concubins, de la séparation de biens judiciaire, sous réserve des compétences du président du tribunal judiciaire et du juge des tutelles des majeurs ;ObligatoireAvocatCPC
Article

760
Du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d'absence;CPC
Article

760
Actions liées au retrait total ou partiel de l'autorité parentale et à la déclaration judiciaire de délaissement parentaleCPC
Article

1203
Actions liées à la révision de la prestation compensatoire ou de ses modalités de paiement ;CPC
Article

1139
Actions liées au changement de prénom ;CPC
Article

760
Actions liées à la fixation de l'obligation alimentaire, de la contribution aux charges du mariage ou du pacte civil de solidarité et de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants ;Facultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
• Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
• Les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
CPC
Article

1139
Actions liées à l'exercice de l'autorité parentale
Actions liées à la protection de la personne majeure menacée de mariage forcé.
Actions liées aux demandes d'attribution à un concubin de la jouissance provisoire du logement de la famille en application de l'article 373-2-9-1 du code civil.
Actions liées à:

• l'émancipation ;
• l'administration légale et de la tutelle des mineurs ;
• la tutelle des pupilles de la nation.
Actions liées à la protection à l'encontre du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou du concubin violent ou d'un ancien conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou concubin violentCPC
Article

1136-6
Tribunal de commerceContentieux commercialObligatoire
> 10,000 €

Facultatif
< 10,000 €
Si > 10,000 €

• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration

SI < 10,000 €

• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Toute personne de leur choix
CPC
Article

853
Procédures qui intéressent les entreprises en difficulté (Livre VI du Code de commerce)Facultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Toute personne de leur choix
Litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés.
En matière de gage des stocks et de gage sans dépossession
Conseil de prud'hommesEn toutes matièresFacultatif• Les parties elles-mêmes
• Un avocat
• Le conjoint
• Le concubin
• Le partenaire
• Les parents ou alliés en ligne directe
• Les parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus
• les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
• L'Etat, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
C. Trav.
Article

R. 1453-1
Tribunal paritaire de baux rurauxContentieux des baux rurauxFacultatif• Les parties elles-mêmes
• Un avocat
• Un huissier de justice
• Un membre de leur famille
• Leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
• Un membre ou un salarié d'une organisation professionnelle agricole
CPC
Article

883
884
Cour d'appelEn toutes matières, sauf dispositions légales contrairesObligatoire• Avocat
• L'Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration
CPC
Article

899
Procédure sans représentation obligatoire (décisions qui intéressent l'état des personnes)Facultatif• Avocat
• Les parties elles-mêmes
• Représentation selon les règles applicables devant la juridiction dont émane le jugement.
CPC
Article

931
Cour de cassationEn toutes matières, sauf dispositions légales contrairesObligatoireAvocat près la Cour de cassation et le Conseil d'EtatCPC
Article

973

La signification d’avocat à avocat

==> Principe

L’article 678 du CPC dispose que « lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle ».

Ainsi, pour les procédures qui exigent la constitution d’un avocat par les parties, la notification de la décision doit, au préalable, être effectuée auprès du représentant ad litem.

Cette règle procède de l’idée que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, et professionnel du droit, est le plus à même :

  • D’une part, de comprendre les termes et la portée du jugement rendu
  • D’autre part, de conseiller la personne contre qui la décision est rendue quant à l’opportunité d’exercer une voie de recours

==> Domaine de l’exigence de notification

L’article 678 du CPC exige que la décision soit notifiée aux avocats que dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire, soit dans les procédures pendantes devant le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel.

Lorsque la représentation par avocat est facultative (Tribunal d’instance ou Tribunal de commerce), la notification au représentant ad litem n’est pas nécessaire. La notification peut, dans ces conditions, être effectuée directement à partie.

==> Représentation de plusieurs parties

Dans un arrêt remarqué du 6 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties qui ont procédé à la signification du jugement sont représentées par le même avocat que le destinataire de cette signification, la signification du jugement à partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant (Cass. 2e civ., 6 nov. 2008, n° 07-16812).

Dans un arrêt du 25 mars 1987, la Cour de cassation a également considéré que lorsque l’avocat représente plusieurs parties ayant des intérêts distincts et que la signification du jugement à avocat fait courir le délai d’appel, cette signification doit être faite en autant de copies que de parties représentées (Cass. 2e civ., 25 mars 1987).

==> Caractère préalable de la notification

Il ressort de l’article 678 du CPC que l’exigence de notification de la décision aux avocats n’est remplie qu’à la condition que cette notification soit intervenue préalablement à la notification aux parties elles-mêmes.

Aucun délai n’est exigé entre la notification à avocat et la notification à partie, de sorte qu’elles peuvent intervenir dans un intervalle extrêmement rapproché.

À cet égard, dans un arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que la satisfaction de l’exigence tenant au caractère préalable de la notification à avocat pouvait se déduire de la seule mention sur l’acte de signification, peu important que cette signification ait effectuée le même jour (Cass. 1er civ. 28 mai 2008, n°06-17313).

==> Modalités de la notification

L’article 671 du CPC prévoit que la notification des actes entre avocats « se fait par signification ou par notification directe ».

Deux modalités sont donc envisagées par le CPC s’agissant de la notification du jugement à avocat : la signification et la notification directe

  • S’agissant de la signification, l’article 672 du CPC prévoit qu’elle « est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire.»
  • S’agissant de la notification directe, l’article 673 prévoit qu’elle « s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé.»

Une fois, l’une ou l’autre forme de notification accomplie, l’article 678 du CPC dispose que la « mention de l’accomplissement de la notification préalable au représentant doit être portée dans l’acte de notification destiné à la partie »

À défaut, il appartiendra à la partie pour le compte de laquelle la notification est intervenue de rapporter la preuve de son accomplissement.

A contrario, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 23 février 2012 que la notification à avocat, ainsi que son caractère préalable, peut se déduire de la seule mention qui figure sur la signification à partie aux termes de laquelle le jugement a été notifié à avocat (Cass. 1ère civ. 23 févr. 2012, n°10-26117).

La notification ou signification des décisions de justice (jugements, arrêts et ordonnances)

Pour produire des effets juridiques, les actes de procédure doivent être portés à la connaissance des intéressés par voie de notification.

À cet égard, le bénéficiaire d’une décision de justice ne peut en poursuivre l’exécution forcée qu’après l’avoir notifiée à la partie perdante, cette notification faisant courir le délai d’appel contre la décision.

Si, la notification par acte d’huissier, appelée signification, constitue aujourd’hui le principe, la notification en la forme ordinaire, c’est-à-dire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, demeure l’exception.

Reste que quand bien même une autre forme aurait été prévue, la notification peut toujours être entreprise par voie de signification.

I) L’exigence de notification

A) Principe

L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »

Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution. Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.

Plus précisément, elle doit connaître les termes du jugement rendu afin d’être en mesure de s’exécuter spontanément. Elle doit également être informée sur ses droits dans la perspective éventuelle de l’exercice d’une voie de recours.

La notification de la décision s’impose en toutes circonstances, y compris dans l’hypothèse où la partie perdante interjette appel.

Si, en effet, la décision de première instance est assortie de l’exécution provisoire, cette mesure ne pourra être mise en œuvre qu’à la condition que la décision ait été notifiée.

B) Exceptions

En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :

?L’exécution volontaire

Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.

Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.

Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.

Dans un arrêt du 16 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé cette règle de bon sens en jugeant, au visa de l’article 503 du CPC, que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire » (Cass. 2e civ. 16 juin 2005, n°03-18.982)

?L’exécution au seul vu de la minute

L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »

Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :

  • Premier cas : les ordonnances sur requête
    • En application de l’article 495 du CPC les ordonnances sur requête sont, de plein droit, exécutoires au seul vu de la minute
    • La seule présentation de l’ordonnance à la personne contre qui est rendue l’ordonnance autorise l’huissier de justice instrumentaire à procéder à l’exécution de la décision
  • Deuxième cas : les ordonnances de référé
    • L’article 489 du CPC dispose s’agissant des ordonnances de référé que « en cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute. »
    • Ainsi, si l’ordonnance de référé est, de plein droit, assortie de l’exécution provisoire, elle n’est pas exécutoire au seul vu de la minute.
    • Par principe, elle doit donc être notifiée.
    • C’est seulement si le Président de la juridiction saisie le prévoit expressément dans son ordonnance de référé que son bénéficiaire sera dispensé de la notifier.
  • Troisième cas : les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
    • L’article 140 prévoit, s’agissant des décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers que « la décision du juge est exécutoire à titre provisoire, sur minute s’il y a lieu. »
    • Ce n’est donc qu’à la condition que l’ordonnance le prévoit expressément dans son dispositif qu’elle peut être exécutoire au seul vu de la minute.
  • Quatrième cas : les mesures d’instruction
    • L’article 154 du CPC prévoit que « les mesures d’instruction sont mises à exécution, à l’initiative du juge ou de l’une des parties selon les règles propres à chaque matière, au vu d’un extrait ou d’une copie certifiée conforme du jugement. »
    • Dans un arrêt du 22 juillet 1992, la Cour de cassation a interprété cette disposition comme dispensant le bénéficiaire d’une mesure d’instruction de notification de l’ordonnance qui la prévoit.

Il peut être observé que dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

II) Les destinataires de la notification

La notification du jugement doit être effectuée auprès de deux sortes de destinataires :

  • Les parties elles-mêmes en tout état de cause
  • Les avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

A) La notification aux parties elles-mêmes

L’article 677 du CPC dispose que « les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes. »

Par parties, il faut entendre toutes les personnes mises en cause dans le jugement. Il est indifférent qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales.

S’agissant des personnes physiques, la notification doit est faite à la personne elle-même du destinataire au lieu où elle demeure.

S’agissant des personnes morales, la notification du jugement doit être effectuée auprès de leur représentant légal ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

Pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection (curatelle ou tutelle), la notification doit être effectuée auprès du curateur ou du tuteur

Lorsqu’une même personne est concernée par un jugement à deux titres différents, par exemple en qualité de représentant de la personne morale et à titre personnel, la Cour de cassation a précisé que la notification doit indiquer clairement à quel titre elle est faite (Cass. 2e civ., 1er mars 1995, n°93-12.690).

Par ailleurs, lorsque plusieurs personnes physiques sont mises en cause, la décision doit être notifiée séparément à chacune d’elles.

À cet égard, l’article 529 du CPC précise que

  • D’une part, en cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l’une d’elles ne fait courir le délai qu’à son égard.
  • D’autre part, dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles.

B) La notification aux avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

?Principe

L’article 678 du CPC dispose que « lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle ».

Ainsi, pour les procédures qui exigent la constitution d’un avocat par les parties, la notification de la décision doit, au préalable, être effectuée auprès du représentant ad litem.

Cette règle procède de l’idée que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, et professionnel du droit, est le plus à même :

  • D’une part, de comprendre les termes et la portée du jugement rendu
  • D’autre part, de conseiller la personne contre qui la décision est rendue quant à l’opportunité d’exercer une voie de recours

?Domaine de l’exigence de notification

L’article 678 du CPC exige que la décision soit notifiée aux avocats que dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire.

Lorsque la représentation par avocat est facultative, la notification au représentant ad litem n’est pas nécessaire. La notification peut, dans ces conditions, être effectuée directement à partie.

?Représentation de plusieurs parties

Dans un arrêt remarqué du 6 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties qui ont procédé à la signification du jugement sont représentées par le même avocat que le destinataire de cette signification, la signification du jugement à partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant (Cass. 2e civ., 6 nov. 2008, n° 07-16.812).

Dans un arrêt du 25 mars 1987, la Cour de cassation a également considéré que lorsque l’avocat représente plusieurs parties ayant des intérêts distincts et que la signification du jugement à avocat fait courir le délai d’appel, cette signification doit être faite en autant de copies que de parties représentées (Cass. 2e civ., 25 mars 1987, n°85-12.318).

?Caractère préalable de la notification

Il ressort de l’article 678 du CPC que l’exigence de notification de la décision aux avocats n’est remplie qu’à la condition que cette notification soit intervenue préalablement à la notification aux parties elles-mêmes.

Aucun délai n’est exigé entre la notification à avocat et la notification à partie, de sorte qu’elles peuvent intervenir dans un intervalle extrêmement rapproché.

À cet égard, dans un arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que la satisfaction de l’exigence tenant au caractère préalable de la notification à avocat pouvait se déduire de la seule mention sur l’acte de signification, peu important que cette signification ait effectuée le même jour (Cass. 1er civ. 28 mai 2008, n°06-17.313).

?Modalités de la notification

L’article 671 du CPC prévoit que la notification des actes entre avocats « se fait par signification ou par notification directe ».

Deux modalités sont donc envisagées par le CPC s’agissant de la notification du jugement à avocat : la signification et la notification directe

  • S’agissant de la signification, l’article 672 du CPC prévoit qu’elle « est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire. »
  • S’agissant de la notification directe, l’article 673 prévoit qu’elle « s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé. »

Une fois, l’une ou l’autre forme de notification accomplie, l’article 678 du CPC dispose que la « mention de l’accomplissement de la notification préalable au représentant doit être portée dans l’acte de notification destiné à la partie »

À défaut, il appartiendra à la partie pour le compte de laquelle la notification est intervenue de rapporter la preuve de son accomplissement.

A contrario, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 23 février 2012 que la notification à avocat, ainsi que son caractère préalable, peut se déduire de la seule mention qui figure sur la signification à partie aux termes de laquelle le jugement a été notifié à avocat (Cass. 1ère civ. 23 févr. 2012, n°10-26.117)

III) La forme de la notification

?Principe

L’article 675, al. 1er du CPC dispose que « les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n’en dispose autrement. »

La définition de la signification est énoncée à l’article 651 du CPC qui prévoit que « la notification faite par acte d’huissier de justice est une signification. »

La notification des jugements est ainsi assujettie au régime juridique applicable à la signification des actes de procédure édicté aux articles 653 et suivants du CPC.

?Exceptions

Par exception et lorsque la loi le prévoit, les décisions de justice peuvent faire l’objet d’une notification par voie ordinaire. Cette forme de notification est régie aux articles 665 à 682 du CPC.

Lorsque la notification est effectuée par voie ordinaire, la charge incombe au greffe de la juridiction qui a rendu la décision. La notification se fait alors au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception au destinataire.

Au nombre des décisions qui peuvent être notifiées par voie ordinaire figurent :

  • Les décisions rendues en matière gracieuse
  • Les décisions rendues par le Conseil de prud’hommes
  • Les décisions rendues par le Tribunal paritaire des baux ruraux
  • Les décisions rendues par les tribunaux des affaires de sécurité sociale
  • Les décisions rendues par le Juge de l’exécution

Bien que, pour ces décisions, la loi autorise la notification par voie ordinaire, l’article 651 du CPC dispose que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »

La jurisprudence en déduit que, en cas de carence du greffe, il appartient aux parties de procéder à la notification de la décision rendue.

IV) Le contenu de la notification

En matière de notification, il convient de bien distinguer l’acte qui constate la notification (l’exploit d’huissier pour la signification) de l’acte notifié (l’acte de procédure tel que la décision rendue ou l’assignation).

A) L’acte objet de la notification

Pour que la notification d’une décision de justice soit valable, la jurisprudence considère qu’une copie intégrale de la décision rendue doit être remise entre les mains du destinataire.

L’article 676 du CPC précise que « les jugements peuvent être notifiés par la remise d’une simple expédition. »

Il n’est donc pas nécessaire que la copie de la décision notifiée soit revêtue de la formule exécutoire.

B) L’acte constatant la notification

1. Les règles communes à la notification des décisions

?Mentions obligatoires

L’article 680 du CPC prévoit que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »

Il ressort de cette disposition que plusieurs mentions obligatoires doivent figurer sur l’acte de notification :

  • Le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte
    • L’information communiquée doit être précise, soit porter sur la voie de recours pertinente susceptible d’être exercée par le destinataire de la décision
    • L’information communiquée ne doit pas être erronée, soit indiquer une voie de recours non ouverte par la loi au défendeur.
  • Les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé
  • La possibilité pour l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire d’être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie
    • Le destinataire de la notification doit ainsi être informé des conséquences auxquelles il s’expose en cas d’abus dans l’exercice d’une voie de recours

?Sanction

L’article 693 du CPC dispose que ce qui est prescrit à l’article 680 doit être observé à peine de nullité.

À cet égard, la jurisprudence considère que le défaut de mention ou l’indication erronée sur l’acte de signification est constitutif d’un vice de forme.

Aussi, convient-il d’appliquer les articles 112 à 116 du CPC, en particulier l’article 114, al. 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

L’alinéa 2 ajoute que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué.

En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n° 12-20.929).

2. Les règles propres à la notification par voie de signification et par voie ordinaire

?Les mentions propres à la notification par voie de signification

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées à l’article 448 du CPC qui prévoit que tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

  • Sa date ;
  • Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
  • Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
  • Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

?Les mentions propres à la notification ordinaires

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées aux articles 665 et 665-1 du CPC :

  • Les mentions exigées en tout état de cause (art. 665 CPC)
    • La notification doit
      • Contenir toutes indications relatives aux nom et prénoms ou à la dénomination ou raison sociale de la personne dont elle émane et au domicile ou siège social de cette personne.
      • Désigner de la même manière la personne du destinataire.
  • Les mentions exigées en cas de notification par le greffe (art. 665-1 CPC)
    • Lorsqu’elle est effectuée à la diligence du greffe, la notification au défendeur d’un acte introductif d’instance comprend, de manière très apparente :
      • Sa date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.

V) Les modalités de la notification

A) Les modalités de la notification par voie de signification

Il ressort de la combinaison des articles 654, 655, 656 et 659 du CPC que le législateur a institué une hiérarchisation des modalités de signification.

En effet, l’article 654 du CPC pose un impératif en exigeant que la signification soit faite à personne, impératif destiné à protéger les droits de la défense et à assurer le respect du principe de la contradiction.

Si une telle signification s’avère impossible, les textes suivants établissent une hiérarchie des modes subsidiaires, allant de la signification à domicile (art. 655 CPC) à la signification par la remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice instrumentaire, qui correspond à l’ancienne signification à domicile avec remise de l’acte en mairie (art. 656 CPC) et, enfin, à la signification par procès-verbal de recherches infructueuses (art. 659 CPC).

Ces textes imposent des formalités et des exigences très précises qui ont pour objet de démontrer que l’huissier de justice a vainement tenté d’utiliser, l’un après l’autre, les différents modes de signification.

1. La signification à personne

a. Primauté de la signification à personne

L’article 654, al. 1er du CPC exige que la signification soit faite à personne, ce qui constitue un objectif qui doit être atteint par l’huissier.

Ainsi, lui appartient-il d’accomplir un certain nombre de diligences afin de justifier qu’il a satisfait à cette exigence.

À l’inverse, pèse sur le requérant une obligation de loyauté, en ce sens qu’il doit concourir à la recherche de l’impératif fixé.

?Les diligences qui incombent à l’huissier de justice

Afin de justifier les diligences effectuées en vue de remplir l’impératif de signification à personne, en application de l’article 655 du CPC l’huissier de justice est tenu de mentionner dans l’acte :

  • D’une part, les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire
  • D’autre part, les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification

À cet égard, la jurisprudence se montre exigeante quant aux diligences de l’huissier de justice pour trouver le destinataire de l’acte.

L’huissier de justice doit, en effet, démontrer que la signification à personne était impossible et ses diligences doivent être mentionnées dans les originaux de l’acte.

En somme, l’huissier de justice est tenu de procéder à des recherches élémentaires imposées par le bon sens.

En pratique, il résulte de l’examen de la jurisprudence qu’il incombe à l’huissier de justice, préalablement à la délivrance de l’acte, de s’enquérir auprès du requérant :

En principe, l’impossibilité d’une signification à personne doit être constatée dans l’acte lui-même (Cass. 2e civ., 30 juin 1993, n° 91-21.216).

Toutefois, la seule circonstance que l’huissier de justice a mentionnée dans l’acte que la signification à personne s’est avérée impossible est insuffisante à caractériser une telle impossibilité.

L’huissier de justice doit mentionner non seulement les investigations concrètes qu’il a effectuées pour retrouver le destinataire, mais également les raisons qui ont empêché la signification à personne.

Il est admis que l’absence de son domicile du destinataire d’un acte rend impossible la signification à personne et qu’aucune disposition légale n’impose à l’huissier de justice de se présenter à nouveau au domicile de l’intéressé, ou au siège social de la personne morale, pour parvenir à une signification à personne (Cass. 2e civ., 28 mars 1984, n° 82-16.779), ce qui ne dispense pas l’huissier de justice, lorsqu’il connaît le lieu de travail de l’intéressé, de tenter la signification à personne en ce lieu.

Reste que l’huissier de justice n’est pas tenu de procéder à une nouvelle signification au vu d’éléments parvenus à sa connaissance ou à celle du requérant postérieurement à l’acte (Cass. 2e civ., 20 novembre 1991, n° 90-16.577) ou survenus postérieurement (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-17.883).

?L’obligation de loyauté qui pèse sur le requérant

En exécution d’un devoir de loyauté élémentaire, il incombe au requérant de faire signifier l’acte au lieu où il sait que le destinataire demeure ou réside ou même au lieu où il travaille.

Ainsi, la Cour de cassation a pu considérer que, est nulle la citation délivrée à une adresse où le destinataire n’est plus domicilié, et alors que celui-ci n’ayant plus de domicile, il réside chez ses parents, dont le requérant connaît l’adresse (Cass. 2e civ., 26 févr. 1992, n° 90-19.981).

De même, est nulle la signification d’un acte dès lors que le requérant a volontairement laissé l’huissier de justice dans l’ignorance de la véritable adresse du destinataire et a, de manière malicieuse, fait signifier cet acte en un lieu dont il sait que le destinataire est propriétaire mais où il ne réside pas (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-13.218).

b. Mise en œuvre de la signification à personne

Il ressort de l’article 654 du CPC que la signification à personne doit être appréhendée différemment selon que le destinataire est une personne physique ou une personne morale

?La signification aux personnes physiques

En application de l’article 689 du CPC, la signification d’un acte destiné à une personne physique peut être effectuée à trois endroits différents :

  • Au lieu où demeure le destinataire de l’acte, soit son domicile ou à défaut sa résidence (art. 689 al. 1er)
  • En tout autre lieu, notamment sur le lieu de travail de l’intéressé (art. 689, al. 2e)
  • Au domicile élu lorsque la loi l’admet ou l’impose (art. 689, al. 3e)

La signification à personne étant la règle, il appartient à l’huissier de justice de tenter de localiser le destinataire pour lui remettre l’acte.

Si la signification d’un acte à une personne physique peut être faite à domicile, il n’en demeure pas moins que la signification d’un acte doit être faite à personne et que l’acte ne peut être signifié selon une autre modalité que si une signification à personne s’avère impossible (Cass. 2e civ., 16 juin 1993, n° 90-18.256).

?La signification aux personnes morales

Pour que la signification à une personne morale soit valable, un certain nombre de conditions doivent être remplies :

  • Le lieu de la signification
    • L’article 689 du CPC dispose que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement et à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilités à la recevoir.
    • Le terme d’établissement ne doit pas être confondu avec celui du siège social, de sorte que la notification peut être effectuée en dehors de celui-ci (V. en ce sens Cass. 2e civ., 20 janv. 2005, n°03-12.267).
    • En effet, la notification d’un acte à une personne morale peut être effectuée :
      • Soit au lieu de son siège social
      • Soit au lieu de l’un de ses établissements secondaires ou complémentaires
      • Soit, à défaut, au lieu où se trouve la personne habilitée à recevoir la notification
    • Ainsi, l’agence de province d’une compagnie d’assurances ayant son siège social à Paris peut constituer l’établissement de cette compagnie au sens de l’article 690 (Cass. 2e civ., 27 nov. 1985, n° 84-13.740).
    • Reste que la jurisprudence considère que la signification destinée à une personne morale de droit privé étant faite au lieu de son établissement, l’huissier de justice n’a l’obligation de tenter la signification qu’au lieu du siège social dont l’existence n’est pas contestée (Cass. 2e civ., 23 oct. 1996, n° 94-15.194), sans être tenu, en ce cas, de demander un extrait K bis (Cass. 2e civ., 7 oct. 1992, Bull. 1992, n° 91-12.499), ou de son principal établissement s’il est situé ailleurs qu’au siège social (Cass. 2e civ., 20 nov. 1991, n° 90-14.723).
    • En particulier, dès lors que la personne morale a un siège social, l’huissier instrumentaire n’a pas à tenter de délivrer l’acte à la personne du gérant dont l’adresse est connue de lui-même ou du requérant (Cass. 2e civ., 21 févr. 1990, n° 88-17.230).
    • Il doit être noté que, s’agissant des personnes morales de droit privé, aucun texte n’autorise la signification des actes à domicile élu.
  • La personne habilitée à réceptionner la signification
    • L’article 654 du CPC prévoit que « la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »
    • Ainsi, pour être valable, la signification ne peut être effectuée qu’auprès du représentant légal de la personne morale ou d’une personne spécialement habilitée à cet effet.
    • Lorsque, dès lors, l’acte destiné à une personne morale est délivré à un employé dont il n’est pas mentionné dans cet acte qu’il est habilité à le recevoir, il ne vaut pas comme signification à personne (Cass. soc., 26 juin 1975, n° 74-40.669).
    • À cet égard, il peut être observé que lorsque l’huissier de justice remet, au siège social, la copie de l’acte à un employé de la société non habilité à le recevoir, mais qui accepte sa remise, il y a signification à personne présente au domicile
    • Il en résulte que l’huissier de justice doit alors constater et mentionner dans l’acte qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de délivrer l’acte à la personne d’un représentant légal, d’un fondé de pouvoir ou de toute autre personne habilitée à cet effet.
    • Enfin, lorsqu’une société est en liquidation, la signification doit être faite en la personne de son liquidateur et c’est seulement si cette signification s’avère impossible que l’acte peut être délivré à domicile ou à mairie, dès lors que la signification d’un acte à une personne morale doit être faite à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de celui-ci ou à toute autre personne habilitée à cet effet (Cass. 2e civ., 3 avril 1979, n° 77-15.446).
  • Formalités complémentaires
    • L’article 658, al. 2 du CPC prévoit que lorsque la signification est faite à une personne morale, « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656 ».
    • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification

2. Les modalités subsidiaires de signification

Lorsque la signification à personne est impossible, la loi prévoit trois modalités subsidiaires de signification hiérarchisées dans l’ordre suivant :

  • La signification à domicile ou à résident
  • La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice
  • La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

?La signification à domicile ou à résident

  • Une modalité subsidiaire de signification
    • L’article 655 du CPC dispose que « si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. »
    • Ainsi, la signification à domicile de la personne ne peut être accomplie qu’à titre subsidiaire, soit dans l’hypothèse où l’huissier de justice est dans la possibilité de la rencontrer.
  • Condition de la signification à domicile
    • En application de l’article 655, la signification à domicile n’est permise qu’à la condition que la personne présente au domicile et qui l’accepte déclare ses nom, prénoms et qualité.
  • Les personnes autorisées à réceptionner l’acte signifié
    • Principe
      • L’alinéa 3 de l’article 655 du CPC dispose que « la copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. »
    • Exception
      • La jurisprudence considère que, par exception, la seule personne présente au domicile à laquelle copie de l’acte ne peut pas être remise est le requérant (Cass. 2e civ., 19 décembre 1973, n° 72-13.183).
      • L’hypothèse se rencontrera notamment en matière de divorce
  • Formalités
    • Plusieurs formalités doivent être accomplies en cas de signification au domicile :
      • Première formalité : justification des diligences accomplies
        • L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
      • Deuxième formalité : le dépôt d’un avis de passage
        • L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
      • Troisième formalité : indication des modalités de remise de l’acte
        • L’article 657 du CPC prévoit que lorsque l’acte n’est pas délivré à personne, l’huissier de justice mentionne sur la copie les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée.
        • La copie de l’acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l’indication des nom et adresse du destinataire de l’acte et le cachet de l’huissier apposé sur la fermeture du pli.
      • Quatrième formalité : l’envoi d’une lettre simple
        • L’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
        • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
        • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
        • Dans un arrêt du 6 octobre 2006, la Cour de cassation a précisé que la mention dans l’acte aux termes de laquelle il est indiqué que la lettre prévue par l’article 658 du CPC était envoyée “dans les délais légaux prévus par l’article susvisé” fait foi jusqu’à inscription de faux (Cass. ch. Mixte 6 octobre 2006, n° 04-17.070).

?La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice

  • Modalité subsidiaire de signification
    • Il ressort de l’article 656 du CPC que lorsque la signification à personne et à domicile sont impossibles, l’huissier de justice peut conserver l’acte en son étude aux fins de remise ultérieure à son destinataire.
    • À cet égard, l’huissier de justice devra justifier des diligences accomplies s’il opte pour cette modalité de signification.
    • Plus précisément il doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir.
    • La Cour de cassation a précisé que l’huissier de justice doit non seulement préciser comment il a vérifié l’exactitude du domicile ou de la résidence, mais encore la raison pour laquelle il n’a pas pu signifier à personne ou indiquer que personne n’a pu ou voulu recevoir l’acte (Cass. 2e civ., 23 nov. 2000, n° 99-11.943).
  • Formalités
    • Mentions obligatoires
      • L’huissier doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir
      • L’absence de cette mention ou l’insuffisance de vérifications accomplies par l’huissier sont sanctionnées par la nullité de l’acte.
    • L’avis de passage
      • En cas de conservation de l’acte pour signification en étude, l’huissier doit laisser au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant
      • Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
    • Dépôt étude
      • L’acte qui n’a pas pu être signifié à personne ou à domicile est conservé en l’étude de l’huissier
      • Il appartient alors à son destinataire de se rendre à l’étude de ce dernier pour que la copie de l’acte lui soit délivrée.
      • L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.
    • Envoi d’une lettre simple
      • Comme pour la signification à domicile, l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
      • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
      • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
    • Délai de conservation de l’acte
      • La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois.
      • Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé, de sorte qu’il est autorisé à le détruire, étant précisé que l’acte original sera conservé au rang des minutes

?La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

  • L’absence de domicile, de résidence ou de lieu de travail connus
    • L’article 659 du CPC dispose que « lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. »
    • Il ressort de cette disposition que la signification par voie de procès-verbal de recherches infructueuses (qualifié également de PV 659) ne peut être effectuée que dans l’hypothèse où l’huissier de justice ignore où réside le destinataire de l’acte : son domicile, sa résidence et son lieu de travail sont inconnus.
    • Cette situation ne doit néanmoins pas faire obstacle à la signification de l’acte, à défaut de quoi elle encouragerait la personne visée à rester cachée aux fins d’échapper à toutes poursuites judiciaires et à l’exécution des décisions rendues contre elle.
    • Le législateur a donc institué un système qui consiste à signifier les actes de procédure à la dernière adresse connue du destinataire.
    • À cet égard, dans un arrêt du 2 mai 2001, la Cour de cassation a considéré que « la signification d’un jugement réputé contradictoire par voie de procès-verbal de recherches infructueuses fait courir le délai d’appel sans être contraire à l’exigence d’un procès équitable, dès lors que la régularité de cette signification, soumise par la loi à des conditions et modalités précises et à des investigations complètes de l’huissier de justice, peut être contestée, et que son destinataire dispose d’une procédure de relevé de la forclusion encourue » (Cass. com. 2 mai 2001, n°98-12.037).
    • Reste que pour recourir à la signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit avoir épuisé tous les moyens mis à sa disposition pour tenter de procéder à une signification selon les voies normales.
  • Justification des diligences accomplies
    • L’article 659 du CPC pose l’obligation pour l’huissier de justice de relater avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
    • Pour que cette modalité de signification soit valable, l’huissier de justice ne saurait se contenter de se rendre à la dernière adresse connue du destinataire, ni de contacter la mairie.
    • Il lui appartient d’accomplir plusieurs diligences qui doivent conduire à une recherche infructueuse quant à la domiciliation du destinataire de l’acte.
    • Ainsi, l’huissier de justice doit-il s’efforcer d’interroger le voisinage, de consulter l’annuaire téléphonique, d’interpeller la mairie, d’interroger les administrations auxquelles le destinataire de l’acte est susceptible d’être rattaché
    • Classiquement on admet que les diligences accomplies par l’huissier sont satisfaisantes, à partir de trois vérifications.
    • À cet égard, pour invoquer la nullité de la signification, le destinataire doit faire état d’éléments de faits concrets qui permettent de considérer qu’il aurait pu être retrouvé par l’huissier à la date de la signification de l’acte (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-11.148).
  • Formalités
    • En cas de signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit accomplir un certain nombre de formalités
      • Envoi d’une lettre recommandée
        • L’article 659, al. 2 du CPC prévoit que le même jour que celui où il dresse le procès-verbal de recherches infructueuses ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
      • Envoi d’une lettre simple
        • L’article 659, al. 3 du CPC prévoit que, en parallèle de l’envoi d’une lettre recommandée, Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
      • Personnes morales
        • L’article 659, al. 4 du CPC précise que la signification par voie de PV 659 est valable pour les personnes morales qui n’ont plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
        • Dans un arrêt du 14 octobre 2004 la Cour de cassation a néanmoins rappelé que :
          • D’une part, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement, et qu’à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un des membres habilité à la recevoir
          • D’autre part, que dès lors que l’huissier de justice avait précisé dans le procès-verbal de recherches infructueuses que la société n’avait plus d’activité et de lieu d’établissement, il ne pouvait pas se borner à mentionner l’identité et le domicile de son représentant sans autre diligence en vue de lui signifier l’acte (Cass. 2e civ., 14 octobre 2004, n° 02-18.540).
          • Dans ce cas, en effet, il reste possible de signifier l’acte au représentant de la personne morale à la condition que l’acte soit remis à sa personne.

B) Les modalités de la notification par voie ordinaire

L’article 667 du CPC prévoit que la notification par voie ordinaire peut être effectuée selon deux modalités distinctes :

  • Première modalité : l’envoi d’un pli postal
    • La notification peut être faite par voie postale et plus précisément au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception
    • L’article 670 du CPC précise que la notification est réputée faite :
      • Soit à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire.
      • Soit à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet
    • Par ailleurs, l’article 670-1 du CPC prévoit que, en cas de retour au greffe de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.
  • Seconde modalité : la remise en mains propres
    • L’article 667 du CPC prévoit que la notification peut être également effectuée par la remise de l’acte au destinataire contre émargement ou récépissé.
    • L’alinéa 2 précise que « la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n’aurait prévu que la notification par la voie postale. »

VI) Date de la notification

?La notification par voie de signification

L’article 664-1 du CPC prévoit que :

  • Pour la signification en la forme ordinaire, la date de la signification d’un acte d’huissier de justice est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l’article 659, celle de l’établissement du procès-verbal.
  • Pour la signification par voie électronique, la date et l’heure de la signification par voie électronique sont celles de l’envoi de l’acte à son destinataire.

À cet égard, l’article 664 du CPC précise que « aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n’est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité. »

Lorsque l’huissier de justice se déplace au domicile du destinataire de l’acte, il ne pourra donc le faire qu’à des jours ouvrables et dans les créneaux horaires autorisés par la loi.

?La notification en la forme ordinaire

L’article 668 du CPC prévoit que la date de la notification par voie postale est :

  • À l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition
  • À l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

L’article 669 précise que :

  • D’une part, la date de l’expédition d’une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d’émission
  • D’autre part, la date de la remise, lorsque la notification est faite en mains propres, est celle du récépissé ou de l’émargement
  • Enfin, la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

VII) Le délai de notification

A) Principe : le délai de 10 ans

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».

Il se déduit de cette disposition que le délai de principe pour notifier les décisions de justice est de 10 ans.

Ce délai peut être prorogé pour les créances qui se prescrivent par un délai plus long. Tel est le cas, par exemple, de la créance née de la survenance d’un dommage corporel causé par des tortures ou des actes de barbarie ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur qui n’est prescrite qu’au bout de vingt ans conformément à l’article 2226, al. 2e, du Code civil.

Dans cette hypothèse, le délai de signification de la décision rendue est identique à celui attaché à la prescription de l’action, soit 20 ans.

B) Tempérament : le délai de 2 ans

L’article 528-1 du CPC dispose que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »

Cette disposition pose ainsi une limite à la possibilité pour les parties d’interjeter appel, à l’expiration d’un délai de deux ans.

Dans un arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation a précisé que « si le jugement, qui tranche tout le principal ou qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, met fin à l’instance, n’est pas notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai » (Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-15.789).

Il ressort de cette disposition que le délai de forclusion ainsi institué pour interjeter appel fixé à deux ans est applicable pour :

  • Les jugements qui tranchent tout le principal
  • Les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance

A contrario, si la décision ne tranche qu’une partie du principal, tel un jugement mixte, l’article 528-1 du CPC n’est pas applicable.

Dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile a encore considéré que « les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n’étaient pas contraires aux dispositions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cass. 2e civ. 30 janv. 2003, n°99-19.488).

Pour la Cour de cassation il est indifférent que la partie susceptible d’exercer le recours, dans la mesure où « les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ne fixent pas le point de départ d’un délai de recours, mais le terme au-delà duquel aucun recours ne peut plus être exercé par la partie qui a comparu, peu important la date à laquelle cette partie a eu une connaissance effective de la décision » (Cass. 2e civ., 11 mars 1998, n°96-12.749).

C) Exception : le délai de 6 mois

L’article 478 du CPC dispose que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date ».

Ainsi, lorsque le jugement est rendu par défaut ou est réputé contradictoire, le délai de notification est de 6 mois sous peine de caducité de la décision.

La question qui alors se pose est de savoir ce que sont un jugement rendu par défaut et un jugement réputé contradictoire.

Pour rappel, un jugement est susceptible d’endosser trois qualifications différentes. Aussi, distingue-t-on :

  • Le jugement contradictoire
    • Aux termes de l’article 467 du Code de procédure civile « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée.»
    • Ainsi, le jugement est contradictoire dès lors que chacun des plaideurs a eu connaissance du procès, à tout le moins a été en mesure de présenter ses arguments.
  • Le jugement réputé contradictoire
    • La décision est réputée contradictoire lorsque :
      • Le défendeur n’a pas comparu
          • ET
      • La décision qui sera prononcée est susceptible d’appel
          • OU
      • La citation a été délivrée à personne
  • Le jugement par défaut
    • L’absence de comparution du défendeur ne doit pas faire obstacle au cours de la justice.
    • Aussi, l’article 468 du Code de procédure autorise-t-il le juge à statuer lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :
      • Le défendeur ne doit pas avoir comparu personnellement ou ne doit pas être représenté
      • L’assignation ne doit pas avoir été délivrée à personne
      • L’appel n’est pas ouvert contre l’acte introductif d’instance
    • La rigueur de ces conditions, s’explique par la volonté du législateur de restreindre les jugements rendus par défaut.

Le délai de 6 mois dont disposent les parties pour notifier la décision sous peine de caducité ne s’applique donc :

  • Au jugement rendu par défaut
  • Au jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel

Il en résulte que pour les jugements réputés contradictoires au motif que nonobstant l’absence de comparution du défendeur, la citation a été délivrée à personne, le délai de 6 mois n’est pas applicable.

VIII) Les effets de la notification

La notification de la décision rendue produit trois effets :

  • Premier effet : efficacité des dispositions adoptées par le Tribunal
    • La notification autorise la partie gagnante à s’en prévaloir, soit à tirer avantage ce qui a été décidé par le juge
    • Dans un arrêt du 16 décembre 2005, la chambre mixte a jugé en ce sens que « la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée » (Cass. ch. Mixte 16 déc. 2005, n°03-12.206).
  • Deuxième effet : exécution du jugement
    • Principe
      • L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »
      • Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution.
      • Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.
    • Exceptions
      • En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :
        • L’exécution volontaire
          • Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.
          • Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.
          • Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.
        • L’exécution au seul vu de la minute
          • L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »
          • Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :
            • les ordonnances sur requête
            • les ordonnances de référé
            • les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
            • les mesures d’instruction
  • Troisième effet : point de départ du délai d’exercice des voies de recours
    • L’article 678 CPC prévoit que « le délai pour exercer le recours part de la notification à la partie elle-même. »
    • L’article 528-1 précise que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »
    • Il ressort de ces deux dispositions que le délai d’exercice des voies de recours ne commence à courir qu’à compter de la notification de la décision.
    • À défaut, le délai ne court pas, à tout le moins dans la limite du délai butoir du délai butoir énoncé par l’article 528-1 du CPC.

Débats oraux: la police de l’audience

?Principe

L’article 439 al. 1er du CPC pose le principe que « les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. »

À cet égard, cette disposition poursuit en précisant que « il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit. »

L’article 439 du CPC fait indéniablement écho au premier alinéa de l’article 24 qui dispose que « les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. »

?Pouvoirs du Président

Le pouvoir de police de l’audience est assuré par le Président du Tribunal qui, en application de l’article 438, al. 1er du CPC veille à l’ordre de l’audience.

Afin de faire cesser le trouble survenu à l’audience, le Président dispose de plusieurs alternatives. Il peut :

  • Adresser des injonctions à la personne à l’origine de ce trouble (art. 24, al. 2e CPC)
  • Faire expulser cette personne si elle n’obtempère pas (art. 439, al. 2e CPC)
  • Prononcer, même d’office, suivant la gravité des manquements supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements (art. 24, al. 2e CPC)

L’article 438 du CPC précise que « tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté ». Le Président du Tribunal pourra ainsi solliciter le concours de la force publique afin, notamment, de procéder à l’expulsion de la personne à l’origine du trouble.

?Sanctions encourues par les avocats

Sous l’empire du droit antérieur, le serment de l’avocat, tel qu’énoncé par la loi du 22 ventôse an XII, l’obligeait notamment à exercer sa profession « dans le respect des lois et des tribunaux » ainsi qu’à « ne rien dire de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix public ».

Il en résultait la possibilité pour la juridiction saisie d’un litige de prononcer directement à l’endroit de l’avocat qui avait manqué son serment, une sanction disciplinaire.

Considérant qu’il y avait là « une intrusion u pouvoir judiciaire dans la fonction de défense qui requiert essentiellement la liberté », le législateur a retiré au juge cette faculté de prononcer une sanction l’avocat.

Désormais, l’article 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « toute juridiction qui estime qu’un avocat a commis à l’audience un manquement aux obligations que lui impose son serment, peut saisir le procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant l’instance disciplinaire dont il relève. »

Ainsi, en cas de délit d’audience, il appartient au Président du Tribunal de saisir le Procureur général auquel il appartiendra de diligenter des poursuites ou de classer l’affaire.

En cas de poursuites contre l’avocat, le procureur général peut alors saisir l’instance disciplinaire qui doit statuer dans le délai de quinze jours à compter de la saisine.

Faute d’avoir statué dans ce délai, l’instance disciplinaire est réputée avoir rejeté la demande et le procureur général peut interjeter appel.

La cour d’appel ne peut prononcer de sanction disciplinaire qu’après avoir invité le bâtonnier ou son représentant à formuler ses observations.

Lorsque le manquement a été commis devant une juridiction de France métropolitaine et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située dans un département ou un territoire d’outre-mer ou à Mayotte, le délai dont dispose l’instance disciplinaire pour statuer sur les poursuites est augmenté d’un mois.

Il en est de même lorsque le manquement a été commis devant une juridiction située dans un département ou un territoire d’outre-mer, ou à Mayotte, et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située en France métropolitaine.

La suspension de l’instance: le sursis à statuer

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

Nous nous focaliserons ici sur le sursis à statuer.

?Notion de sursis à statuer

Le sursis à statuer est défini à l’article 378 du CPC comme la décision qui « suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Classiquement, on distingue deux sortes de sursis à statuer : le sursis à statuer obligatoire et le sursis à statuer facultatif.

  • S’agissant du sursis à statuer obligatoire
    • Il s’agit du sursis à statuer qui s’impose au juge, tel que prévu à l’article 108 du CPC.
    • Cette disposition prévoit que le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit :
      • Soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer
      • Soit d’un bénéfice de discussion ou de division
      • Soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi.
  • S’agissant du sursis à statuer facultatif
    • Il s’agit du sursis à statuer qui résulte d’un événement que le juge a déterminé
    • Les articles 109 et 110 du CPC prévoient, en ce sens, que le juge peut suspendre l’instance :
      • Soit pour accorder un délai au défendeur pour appeler un garant
      • Soit lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation
    • D’autres cas de sursis à statuer facultatif que ceux prévus par la loi ont été découverts par la jurisprudence tels que la formulation d’une question préjudicielle ou l’existence d’un litige pendant devant le Juge pénal

?Nature du sursis à statuer

En dépit de l’apparente clarté de cette dichotomie, la doctrine s’est rapidement interrogée sur la nature du sursis à statuer.

En effet, le Code de procédure civile aborde le sursis à statuer à deux endroits différents :

  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 108 et suivants du CPC comme une exception dilatoire, laquelle n’est autre qu’une variété d’exception de procédure dont le régime est fixé par le chapitre II relevant d’un Titre V consacré aux moyens de défense des parties
  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 378 et suivants du CPC comme une variété d’incident d’instance, incident dont la particularité est d’avoir pour effet de suspendre le cours de l’instance

La question qui alors se pose est de savoir à quelle catégorie le sursis à statuer appartient-il ? De la réponse à cette question dépend le régime applicable. Or selon que le sursis à statuer est qualifié d’exception de procédure ou d’incident d’instance le régime applicable n’est pas le même.

  • Si l’on retient la qualification d’exception de procédure, il en résultera une conséquence majeure :
    • En application de l’article 789 du CPC le Juge de la mise en état est seul compétent pour connaître du sursis à statuer
    • L’exception doit donc être soulevée devant lui avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (Art. 74 CPC).
    • La demande de sursis à statuer est alors irrecevable devant la formation de jugement, lors de l’ouverture des débats (art. 799 in fine CPC).
    • Reste que si le sursis à statuer est sollicité dans le cadre d’une demande incidente, il pourra être soulevé en tout état de cause, les demandes incidences échappant au régime des exceptions de procédure.
    • Autre conséquence de la qualification d’exception de procédure : les voies de recours.
    • L’article 794 du CPC prévoit que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789. »
    • Aussi, des voies de recours différentes sont prévues par les articles 795 et 914 du CPC selon que la décision du juge a ou non autorité de chose jugée.
  • Si l’on retient la qualification d’incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, la conséquence sera radicalement différente
    • La demande de sursis à statuer pourra être présentée pour la première fois devant la juridiction de jugement
    • S’agissant de la voie de recours, en application de l’article 380 du CPC la décision statuant sur l’incident ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Quelle est la qualification retenue par la jurisprudence ?

Selon le service de documentation et d’études de la Cour de cassation « si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que (…) ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état ».

À l’examen, la grande majorité des décisions émanant des cours d’appel qualifient le sursis à statuer d’exception de procédure, en se fondant notamment sur la définition large de l’article 73 du CPC. En revanche, certains arrêts réfutent cette qualification, mettant notamment en avant le plan du code, en ce que le sursis à statuer se situe sous le Titre XI relatif aux incidents d’instance.

Certains arrêts de cours d’appel (CA Toulouse, 15 juin 2007, RG 03/02229 ; CA Douai, 14 juin 2007, RG 07/00197 ; CA Versailles, 5 avril 2007, RG 06/01963 ; CA Versailles, 5 janvier 2006, RG 04/08622), rejoignant ainsi certaines études doctrinales, distinguent selon que le sursis est obligatoire ou facultatif.

La distinction est notamment fondée sur l’article 108 du CPC (« délai d’attente en vertu de la loi ») et sur le rôle du juge.

  • Lorsque le sursis est impératif, ne laissant au juge aucun pouvoir d’appréciation, il s’agirait d’une exception de procédure relevant du magistrat chargé de la mise en état.
  • Lorsque le sursis est facultatif, le juge a un rôle plus actif en ce qu’il doit rechercher si l’événement invoqué a une incidence sur l’affaire qui lui est soumise. Ce faisant, le magistrat est amené à examiner le fond de l’affaire qui relèverait de la seule formation de jugement.

Certains auteurs se sont penchés sur cette dichotomie estimant qu’une distinction pourrait être utilement faite entre :

  • Le sursis impératif prévu par la loi, qu’il est logique d’assimiler à une exception dilatoire au sens de l’article 108 du CPC in fine qui dispose : « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit (…) d’un délai d’attente en vertu de la loi » et qui relèverait de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état, comme exception de procédure,
  • Et le sursis facultatif qui conduit le juge à analyser les incidences de l’événement sur le jugement de l’affaire au fond avant de se prononcer, cas où le sursis pourrait conserver sa nature d’incident ne mettant pas fin à l’instance et échapperait à la compétence exclusive du magistrat de la mise en état.

L’exemple utilisé à cette fin est le sursis sollicité au titre de l’article 4 du code de procédure pénale, lequel offre, depuis la réforme du 5 mars 2007, deux possibilités :

  • L’alinéa 2 : la suspension de l’instance civile s’impose dès lors que l’action civile a pour objet de demander réparation du dommage causé par l’infraction dont est saisi le juge répressif ; il s’agit ici d’un cas de sursis imposé au juge ;
  • L’alinéa 3 : la suspension soumise à l’appréciation du juge civil au regard de l’influence que pourra exercer la décision pénale sur l’infraction, mais alors que l’action civile a un autre objet que la réparation de l’infraction ; il s’agit ici d’un cas de sursis facultatif.

Dans le premier cas, le sursis relèverait de la compétence du magistrat de la mise en état, dans le second, il ressortirait à la compétence de la seule formation de jugement, même avant dessaisissement du magistrat de la mise en état (CA Paris, 13 juin 2006, JurisData n° 2006-311819).

Mais cette dualité de juge pose bien des difficultés, notamment celle soulevée par Mme Fricero : n’est-il pas paradoxal que pour un sursis imposé par la loi, il ne soit plus possible de le soulever devant le juge du fond en raison de l’irrecevabilité prévue par l’article 789 du code de procédure civile, alors que l’empêchement disparaîtrait pour un sursis facultatif ?

Ne serait-il pas plus cohérent de le soumettre au même juge, le magistrat de la mise en état, qui serait compétent pour statuer, quelle que soit la cause de la demande de sursis, et purger la procédure de tous ses aléas ?

Il sera observé que l’article 789, 1° du CPC, ne fait aucune distinction entre des exceptions de procédure qui seraient impératives et d’autres qui seraient facultatives pour le juge.

Bien avant la réforme de décembre 2005, certains praticiens exprimaient déjà leur souhait qu’une révision du code de procédure civile soumette à un même régime tout moyen de procédure ayant pour objet d’entraîner un sursis à statuer.

La distinction entre sursis obligatoire et sursis facultatif ne paraît pas adaptée aux exigences de la pratique.

Quoi qu’il en soit, sollicitée sur la question de la nature du sursis à statuer, dans un avis n°0080007P du 29 septembre 2008 la Cour de cassation a considéré « la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure ». Il y a donc lieu de lui appliquer le régime juridique attaché aux exceptions de procédure, en particulier la règle exigeant qu’elles soient soulevées in limine litis, soit avant toute demande au fond.

1. Les causes du sursis à statuer

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

?Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagés par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

?Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

2. Les effets du sursis à statuer

L’article 378 du CPC prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine »

Il ressort de cette disposition que le sursis à statuer a pour effet de suspendre l’instance :

  • Soit pendant un temps fixé par le Juge
  • Soit jusqu’à la survenance d’un événement déterminé

En tout état de cause, il appartient au Juge de prévoir le fait générateur de la reprise de l’instance.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le Juge, de sorte qu’il dispose de la faculté de revenir sur sa décision, à tout le moins d’abréger ou de proroger le délai fixé.

À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Ainsi, tant les parties que le Juge peuvent provoquer la reprise de l’instance, à l’instar de l’interruption d’instance. Aucun acte formel n’est exigé par l’article 379 du CPC pour que la reprise de l’instance soit opérante.

Suivant les circonstances, le Juge peut encore révoquer le sursis ou en abréger le délai initialement fixé, en particulier s’il considère que ce délai n’est plus justifié.

3. Les recours contre la décision de sursis à statuer

L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

Lorsque la décision de sursis à statuer est rendue en dernier ressort, elle peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.

Exceptions de procédure, fins de non-recevoir et défenses au fond: régime juridique

Pour faire échec aux prétentions du requérant, la partie adverse peut, pour assurer sa défense, soutenir trois sortes de moyens qui consisteront à faire déclarer la demande :

  • Soit irrégulière
  • Soit irrecevable
  • Soit mal-fondée

S’agissant de la demande irrégulière, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une exception de procédure, soit d’une irrégularité qui procède, par exemple, de l’incompétence du Juge ou encore de la nullité d’un acte.

S’agissant de la demande irrecevable, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une fin de non-recevoir, soit d’une règle qui prive le demandeur du droit d’agir.

S’agissant de la demande mal-fondée, il s’agit de celle n’est pas justifiée en droit et/ou en fait, de sorte que le Juge, après examen du fond de cette demande, ne peut pas l’accueillir favorablement

Lorsque les moyens ci-dessus énoncés sont soulevés alternativement ou cumulativement dans des conclusions en défense, ils doivent être exposés dans un ordre déterminé par le Code de procédure civile.

Plus précisément, il ressort des textes que doivent être distingués les moyens devant être soulevées avant toute défense au fond (in limine litis), de ceux qui peuvent être soulevés en tout état de cause.

Section 1: Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis

Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

§1: Règles communes

 I) Exception de procédure, défense au fond et fin de non-recevoir

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

II) Liste des exceptions de procédure

 Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

Quant au régime juridique des exceptions de procédure, il obéit à des règles strictes fixées par l’article 74 du CPC : « les exceptions doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et la deuxième chambre civile, le 8 juillet 2004, puis le 14 avril 2005 a précisé, montrant la rigueur de ces dispositions, qu’une partie n’était pas recevable à soulever une exception de procédure après une fin de non-recevoir, peu important que les incidents aient été présentés dans les mêmes conclusions.

III) Spécificité des exceptions de procédure: la présentation in limine litis

Pour qu’une exception de procédure prospère, l’article 74 du CPC prévoit qu’elle doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Cette disposition précise qu’il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public (V. en ce sens Cass. soc., 5 janv. 1995, n° 92-19823).

Il s’infère de l’article 74 du CPC que les exceptions de procédure ne peuvent donc pas être soulevées n’importe quand. Plusieurs règles doivent être observées par les parties.

==> Avant toute défense au fond

  • Principe
    • Il est de principe que les exceptions de procédure doivent être soulevées in limine litis, soit avant toute défense au fond.
    • Pour mémoire, par défense au fond il faut entendre, selon l’article 71 du CPC, « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.»
    • Dès lors que l’exception de procédure est soulevée après la prise de conclusions exposant les prétentions, fussent-elles banales et de pure forme, ou l’exercice d’un recours, elle est irrecevable.
    • Ainsi, il a par exemple été jugé que le fait de s’en rapporter à justice constitue une défense au fond, interdisant ensuite de soulever une exception d’incompétence ( 2e civ., 7 juin 2007, n°06-15920).
    • Cette règle est applicable devant toutes les juridictions, y compris devant la Cour d’appel.
    • S’agissant spécifiquement de la procédure applicable devant le Tribunal de grande, l’article 771 du CPC prévoit que les exceptions de procédure ne peuvent être soulevées que devant le Juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur ces dernières.
    • Les parties ne sont donc plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement.
    • Dans un arrêt du 12 mai 2016, la Cour de cassation a précisé que le conseiller de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées ( 2e civ.,12 mai 2016, n° 14-25054).
    • En application, d’ailleurs, de l’article 775 du CPC « si les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas au principal autorité de la chose jugée, il est fait exception pour celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance».
  • Tempérament
    • Nonobstant la prise de conclusions au fond, il est admis que le plaideur puisse soulever, par la suite, une exception de procédure en cas de formulation d’une demande incidente par la partie adverse
    • Peu importe la nature de la demande incidente (reconventionnelle, additionnelle ou en intervention), la partie contre qui cette demande est formulée peut, en réponse, opposer une exception d’incompétence en réponse

==> Simultanéité

L’article 74 prévoit expressément que, pour être recevable, les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément

Cette règle a été posée afin d’éviter qu’un plaideur ne se livre à des manœuvres dilatoires, en étirant dans le temps, pour faire durer la procédure, l’invocation des exceptions de procédure.

Il en résulte un certain nombre de points de vigilances pour les plaideurs, tant en matière de procédure écrite, qu’en matière de procédure orale.

  • En matière de procédure écrite
    • Obligation est faite aux parties de soulever toutes les exceptions de procédures en même temps, ce qui implique qu’elles doivent figurer dans le même jeu de conclusions.
    • À cet égard, si la Cour de cassation admet que les exceptions de procédure puissent être présentées dans les mêmes écritures, elles doivent être formellement abordées par le plaideur avant l’exposé des défenses au fond.
    • Ajouté à cette exigence, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’exposé d’une fin de non-recevoir, fût-ce à titre subsidiaire.
  • En matière de procédure orale
    • Les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’ouverture des débats.
    • La question s’est longtemps posée de savoir si la prise de conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries ne rendait pas irrecevable les exceptions de procédure qui seraient soulevées pour la première fois le jour de l’audience.
    • Dans un arrêt du 6 mai 1999, la Cour de cassation a répondu positivement à cette question estimant qu’il était indifférent que la procédure soit orale : dès lors que des défenses au fond sont présentées par une partie, cela fait obstacle à l’invocation d’exceptions de procédure ( 2e civ., 6 mai 1999, n°96-22143).
    • Fortement critiquée par la doctrine, la Cour de cassation est revenue sur sa position dans un arrêt du 16 octobre 2003 considérant au visa de l’article 74 du CPC que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure» ( 2e civ., 16 oct. 2003, n°01-13036).
    • Peu importe désormais que des conclusions au fond aient été prises avant l’audience des plaidoiries : les exceptions de procédure peuvent être soulevées, en tout état de cause, le jour de l’audience.
    • Seul l’ordre de présentation oral doit donc être considéré et il suffit, par conséquent, que l’exception de procédure soit exposée verbalement à l’audience, in limine litis, lors des plaidoiries, avant les autres explications orales touchant au fond de l’affaire, pour être recevable.
    • Selon les mêmes principes, un tribunal de commerce ne saurait relever d’office – qui plus est sans observer le principe de la contradiction et inviter les parties à présenter leurs observations – l’irrecevabilité d’une exception d’incompétence en se déterminant d’après la seule chronologie des conclusions du défendeur contenant ses différents moyens de défense, alors même que celui-ci aurait soulevé l’exception d’incompétence après une défense au fond exprimée dans des conclusions antérieures écrites( 2e civ., 20 nov. 2003).
    • C’est donc bien uniquement au jour des plaidoiries qu’il convient de se placer pour apprécier l’ordre des moyens de défense présentés par un plaideur et que doit, en particulier, être examinée l’antériorité de l’exception d’incompétence par rapport aux autres moyens.
    • Dans un arrêt du 22 juin 2017, la Cour de cassation est néanmoins venue apporter un tempérament à sa position en considérant, s’agissant de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce que lorsque le juge a organisé les échanges écrits entre les parties conformément au dispositif de mise en état de la procédure orale prévu par l’article 446-2 du code de procédure civile, la date de leurs prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles dès lors qu’un calendrier de mise en état a été élaboré par le juge ( 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-17118)
    • En cas de calendrier fixé par le Juge, dans le cadre d’une procédure orale, la date de l’exposé des moyens et des prétentions qui doit être prise en compte est celle de leur communication entre parties et non celle de l’audience

==> Succession de procédures

Quid lorsque l’exception de procédure est soulevée pour la première fois, consécutivement à une procédure de référé, une tentative de conciliation ou encore dans le cadre d’un appel ou d’un pourvoi en cassation ?

  • L’exception de procédure consécutivement à une procédure de référé
    • Il est de jurisprudence constante que les exceptions de procédure peuvent être soulevées dans le cadre d’une procédure de référé, alors même qu’elles n’auraient pas été préalablement présentées dans le cadre d’une instance en référé.
    • La raison en est que les deux procédures sont distinctes : tandis que le juge des référés statue au provisoire, le juge saisi du fond du litige statue au principal.
    • Dans un arrêt du 29 mai 1991, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’instance de référé étant distincte de l’instance au fond, la cour d’appel a justement retenu que le fait par une partie de ne pas invoquer une clause attributive de compétence dans le cadre d’une instance de référé ne manifestait pas la volonté non équivoque de cette partie de renoncer à s’en prévaloir dans le cadre d’une instance ultérieure au fond, quand bien même les deux instances concerneraient le même litige» ( com. 28 mai 1991, n°89-19683).
  • L’exception de procédure consécutivement à une tentative de conciliation
    • Principe
      • En matière de conciliation, la solution retenue par la Cour de cassation est identique à celle adoptée pour la procédure de référé.
      • En effet, l’invocation, pour la première fois, d’une exception de procédure postérieurement à la tentative de conciliation n’est pas frappée d’irrecevabilité, alors même que des défenses au fond auraient été présentées dans le cadre de cette dernière procédure ( soc., 22 janv. 1975).
      • Il importe peu que la tentative de conciliation ait ou non été obligatoire ; en tout état de cause elle ne fait pas obstacle à la présentation d’une exception de procédure.
    • Exception
      • En matière de divorce, les exceptions de procédure doivent être dès l’audience de conciliation, faute de quoi elles deviennent irrecevables dans le cadre de l’instance en divorce
      • L’article 1073 du CPC prévoit en ce sens que « le juge aux affaires familiales est, le cas échéant, juge de la mise en état.»
      • Dans la mesure où le juge de la mise en état possède une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, il est certain que le juge aux affaires familiales dispose des mêmes pouvoirs
  • L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un appel
    • Principe
      • Lorsqu’une exception de procédure est soulevée pour la première fois en appel elle est, par principe, irrecevable, dans la mesure où, par hypothèse, des défenses au fond ont été présentées en première instance.
      • La condition tenant à l’invocation à titre in limine litis des exceptions de procédure n’est donc pas remplie (V. en ce sens 1ère civ., 14 avr. 2010, n°09-12.477).
      • Cette solution s’applique quand bien même c’est la compétence d’une juridiction étrangère qui serait revendiquée.
    • Exception
      • Il est de jurisprudence constante que, par dérogation, une exception d’incompétence peut être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu’elle est soulevée avant toute défense au fond, ce qui sera le cas lorsque le défendeur n’a pas comparu en première instance.
      • La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 25 novembre 1981 qu’il n’était pas nécessaire que l’exception d’incompétence figure dans la déclaration d’appel
      • Elle peut valablement être soulevée dans des conclusions postérieures ( 2e civ. , 25 nov. 1981)
  • L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un pourvoi en cassation
    • À l’instar de la procédure d’appel, la Cour de cassation considère que les exceptions de procédure ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un pourvoi en cassation ( 1ère civ., 28 févr. 2006, n° 03-21048)
    • La règle posée à l’article 74 du CPC est d’interprétation stricte de sorte que dès lors que des défenses au fond ont été soulevées en première instance ou en appel par le plaideur, il lui est défendu d’exciper des exceptions de procédure devant la haute juridiction, quand bien même l’exception soulevée serait d’ordre public (, ass. plén., 26 mai 1967, n°63-12709).

§2: Règles spécifiques

I) L’exception d’incompétence

L’exception d’incompétence est régie par les articles 75 à 91 du Code de procédure civile. Le moyen tiré de l’incompétence consiste à contester à la juridiction saisie :

  • Soit sa compétence matérielle
  • Soit sa compétence territoriale

A) Incompétence et défaut de pouvoir

L’incompétence ne doit pas être confondue avec le défaut de pouvoir du Juge.

  • Une juridiction peut avoir été valablement saisie par une partie, sans pour autant être investie du pouvoir de trancher le litige.
    • Tel sera le cas du Juge des référés qui, nonobstant les règles qui régissent sa compétence matérielle et territoriale, ne dispose pas du pouvoir de statuer au principal
    • Tel sera encore le cas du Juge-commissaire dont le pouvoir est limité à la vérification des créances, de sorte qu’il lui est interdit de statuer sur leur validité
  • Une Juridiction peut, à l’inverse, être pleinement investie du pouvoir de trancher une question qui lui est soumise, sans pour autant être matériellement ou territorialement compétente pour statuer.
    • Tel sera le cas du Tribunal judiciaire qui dispose du pouvoir de statuer au principal tout en étant incompétent pour se prononcer sur un litige de nature commerciale
    • Il en va de même pour le Tribunal de commerce de Paris qui dispose du pouvoir de statuer sur l’ouverture d’une procédure collective, mais qui n’est pas compétent pour se prononcer sur une procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre d’un débiteur dont le siège social est situé à Marseille

Tandis que l’incompétence relève de la catégorie des exceptions de procédure, et qui donc ne peut être soulevée qu’in limine litis, le défaut de pouvoir est constitutif d’une fin de non-recevoir et peut, dès lors, être soulevée en tout état de cause.

B) Le déclinatoire d’incompétence

L’article 75 du CPC dispose que s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité

  • D’une part, la motiver, soit exposer les raisons en fait et en droit qui fonde l’incompétence excipée
  • D’autre part, désigner la juridiction compétence, faute de quoi l’incompétence soulevée est irrecevable

C) L’invocation de l’exception d’incompétence

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

==> L’incompétence soulevée par les parties

L’exception d’incompétence n’étant envisagée par le Code de procédure civile que comme un moyen de défense, le demandeur est irrecevable à contester la compétence de la juridiction qu’il a saisie (V. en ce sens Cass. 3e civ., 29 avr. 2002, n° 00-20973)

==> L’incompétence relevée par le Juge

Il ressort des articles 76 et 77 du Code de procédure civile qu’il convient de distinguer selon que le juge soulève d’office son incompétence matérielle ou territoriale

  • L’incompétence matérielle
    • Principe
      • L’article 76 du CPC prévoit que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.
      • Cette disposition précise que l’incompétence matérielle ne peut l’être qu’en ces cas.
      • Le pouvoir du juge de soulever d’office son incompétence matérielle reste une faculté, de sorte qu’il ne le fera que si les intérêts de l’une des parties sont menacés.
      • En cas d’inaction du juge ou des parties, la compétence de la juridiction saisie pourra donc être prorogée
    • Tempérament
      • L’alinéa 2 de l’article 76 du CPC ajoute que devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.
  • L’incompétence territoriale
    • Principe
      • Il ressort de l’article 76 du CPC que l’incompétence territoriale ne peut jamais être soulevée en matière contentieuse.
      • En matière gracieuse, en revanche, l’article 77 prévoit que le juge peut relever d’office son incompétence territoriale
      • Là encore, il ne s’agit que d’une simple faculté, de sorte que la compétence territoriale de la juridiction saisie peut être prorogée en cas d’inaction du juge ou des parties.
    • Exception
      • Le juge ne peut relever d’office son incompétence territoriale en matière contentieuse que dans les litiges relatifs à l’état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas.

==> Cas particulier de l’exception de compétence au sein du Tribunal judiciaire

Animé par le souci de limiter les incidents d’instance, le législateur a, dans concomitamment à la fusion du Tribunal de grande instance et du Tribunal d’instance, introduit un article 82-1 dans le Code de procédure civile qui vise à régler les questions de compétence au sein du Tribunal judiciaire.

La création de nouvelle disposition est issue du rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.qui comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « mettre fin aux exceptions d’incompétence et simplifier la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité » (proposition n°18)

À cette fin il était notamment suggéré :

  • D’une part, dans l’attente de l’instauration du point d’entrée unique que pourrait constituer le tribunal judiciaire, de permettre au juge de trancher les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle au sein du tribunal de grande instance, voire au sein du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance
  • D’autre part, en cas de mise en place du Tribunal judiciaire, de permettre au juge de statuer sur les exceptions d’incompétence par simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de recours, puisque seule la compétence territoriale sera concernée, à l’instar des juridictions administratives.

Le tribunal judiciaire ayant finalement été créé, c’est la seconde option qui a été retenue par le législateur.

  • Principe : règlement de l’incident de compétence par l’adoption d’une mesure judiciaire
    • L’article 82-1 du CPC dispose en ce sens que « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge.»
    • Ainsi, lorsqu’un incident de compétence survient dans le cadre d’une instance pendante devant le Tribunal judiciaire et que la difficulté d’attribution est interne, celui-ci peut être réglé par l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire.
    • La conséquence en est que, contrairement à un incident de compétence ordinaire, la mesure prise par le juge est insusceptible de voie de recours.
    • La difficulté de compétence peut être réglée
      • Soit à la demande des parties
      • Soit d’office par le juge
    • S’agissant de la difficulté de compétence en elle-même, elle peut concerner l’attribution de l’affaire au juge des contentieux de la protection, au juge de l’exécution, au Juge aux affaires familiale ou encore au Président de la juridiction
  • Formalités
    • En ce que le règlement de l’incident de compétence interne au Tribunal judiciaire consiste en l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire, la décision du juge se traduit, non pas par le prononcé d’une décision, mais par l’apposition d’une mention au dossier tenu par le greffe
  • Notification
    • Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine.
  • Renvoi
    • Une fois le juge compétent (JCP, JEX, JAF etc.) désigné par le juge saisi à tort, le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.
  • Contestations
    • À l’examen, les parties sont susceptibles de contester la compétence du juge désigné à deux stades de la procédure
      • Contestation devant le juge désigné par le premier Juge saisi
        • La compétence du juge à qui l’affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois.
        • Le délai pour contester la compétence du juge désigné est donc de trois mois, ce qui est un délai bien plus longtemps que le délai de droit commun pour interjeter appel d’une décision statuant sur un incident de compétence, lequel est de 15 jours à compter de la notification de la décision ( 84 CPC).
        • En cas de contestation de la compétence du juge désigné, la procédure se déroule en deux temps
          • Premier temps: le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renvoie l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire.
          • Second temps: le président renvoie l’affaire, selon les mêmes modalités, au juge qu’il désigne, étant précisé que sa décision n’est pas susceptible de recours.
      • Contestation devant le Juge désigné par le Président du tribunal judiciaire
        • Lorsque l’affaire est renvoyée par le Président du tribunal judiciaire, la compétence du Juge désigné peut être contestée par les parties
        • En pareil cas, la décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues aux articles 83 à 91 du CPC.
        • Le délai pour interjeter appel est donc ici, non pas de trois mois, mais de 15 jours.

D) La décision du Juge

Lorsqu’une exception d’incompétence est caractérisée, le juge dispose de deux options :

  • Soit il admet l’exception d’incompétence
  • Soit il rejette l’exception d’incompétence

1. La décision admettant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge initialement saisi se déclare incompétent, il convient de distinguer deux hypothèses :

  • Soit il invite seulement les parties à mieux se pourvoir
  • Soit il désigne la juridiction compétente

==> Invitation à mieux se pourvoir

L’article 81 du CPC prévoit que « lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. »

Dans ces hypothèses, la désignation de la juridiction compétente est donc prohibée puisque le juge n’a pas le pouvoir d’imposer sa compétence à ces juridictions.

Ainsi, le juge peut se contenter, dans le dispositif de son jugement, d’inviter les parties à saisir la juridiction compétente, sans pour autant la désigner. Il les invitera donc à « mieux se pourvoir ».

==> Désignation de la juridiction compétente

Lorsque le litige relève de la compétence d’une juridiction autre que des juridictions répressives, administratives arbitrales ou étrangères, le juge qui se déclare incompétent a l’obligation, conformément à l’article 81 du CPC, de désigner la juridiction qu’il estime compétente.

Tel sera le cas lorsque le litige relèvera de la compétence des juridictions civiles ou commerciales.

Précision qui n’est pas sans importance, l’alinéa 2 in fine de l’article 81 du CPC prévoit que la désignation par le juge de la juridiction compétente « s’impose aux parties et au juge de renvoi ».

Cela signifie que, quand bien même le juge de renvoi s’estimerait incompétent, il n’a d’autre choix que de statuer le litige qui lui est soumis en suite d’une déclaration d’incompétence.

==> Modalités du renvoi

L’article 82 du CPC prévoit que, en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l’affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai.

Dans un arrêt du 6 juillet 2000, la Cour de cassation a précisé que, en cas de carence du greffe, les dispositions de l’article 82 du CPC « ne dispensent pas les parties d’accomplir, s’il y a lieu, les diligences propres à éviter la péremption de l’instance » (Cass. 2e civ. 6 juill. 2000, n°98-17893)

Lorsque le greffe accomplit sa tâche, dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l’instance et, s’il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d’un mois à compter de cet avis.

Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat dans le mois de l’invitation qui leur a été faite en application de l’alinéa précédent.

==> Effets de la déclaration d’incompétence

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le juge invite les parties à mieux se pourvoir
    • Dans cette hypothèse le juge est immédiatement dessaisi et l’instance est éteinte.
    • Il en résulte que les parties sont dans l’obligation :
      • Soit d’interjeter appel si elles entendent contester cette déclaration d’incompétence
      • Soit d’introduire une nouvelle instance devant la juridiction compétente qui
    • En toute hypothèse, il leur reviendra de déterminer la juridiction compétente qui, par hypothèse, n’a pas été désignée.
  • Le juge désigne la juridiction qu’il estime compétente
    • Dans cette hypothèse, il est dessaisi de l’affaire, sans pour autant qu’il en résulte une extinction de l’instance
    • En effet, l’instance a vocation à se poursuivre devant la juridiction désignée
    • Les parties sont donc dispensées d’accomplir des formalités de saisine, soit concrètement de faire délivrer une nouvelle assignation.
    • L’instance est suspendue tant que le délai pour interjeter appel de la déclaration d’appel n’a pas écoulé.
    • Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que le dossier de l’affaire est transmis à la juridiction désignée.

En tout état de cause l’article 79 du CPC précise que « lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

L’alinéa 2 précise que « sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond ».

Il ressort de la règle ainsi posée que lorsque le juge est contraint, pour statuer sur sa compétence, de trancher une question de fond, sa décision aura autorité de la chose jugée sur cette question de fond.

Par exception, la décision rendue par le juge des référés ne sera jamais revêtue de cette autorité de la chose jugée. Et pour cause, celui-ci ne statue jamais au principal. Sa décision est toujours rendue au provisoire.

2. La décision rejetant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge s’estime compétent, il dispose de deux options :

  • Soit il dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire
  • Soit il statue sur le tout dans un même jugement

==> Le juge dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire

Dans cette hypothèse, le juge statuera en deux temps :

  • Première phase
    • Il statue sur sa compétence et corrélativement sursoit à statuer sur le fond
    • En application de l’article 80 du CPC, dans cette hypothèse l’instance est alors suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision.
    • L’incident de compétence sera ainsi définitivement réglé avant que le juge ne se prononce sur le fond
  • Seconde phase
    • Le juge statue sur le fond du litige, étant précisé que toutes les voies de recours seront épuisées contre la décision qui a préalablement tranché la question de la compétence
    • L’appel de cette décision ne pourra donc porter que sur le fond et non plus sur la compétence.

==> Le juge statue sur le tout dans un même jugement

L’article 78 du CPC prévoit que le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

Ainsi, la possibilité s’offre au juge de ne pas dissocier la question de la compétence du reste de l’affaire. Il optera notamment pour cette option lorsque l’incident de compétence n’est pas sérieux, à tout le moins ne soulève aucune difficulté.

Le juge est sûr de son fait, de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’il dissocie la compétence du fond.

Reste que l’article 78 du CPC lui impose de trancher par dispositions distinctes dans son dispositif.

Par ailleurs, il doit avoir préalablement et expressément invité les parties à conclure sur le fond, étant précisé que cette obligation pèse sur toutes les juridictions, y compris les Cours d’appel.

E) Les voies de recours

Jusqu’en 2017 il existait une dualité des voies de recours pour contester une décision statuant sur la compétence d’une juridiction : le contredit et l’appel.

Ces deux recours étaient tous deux portés devant la cour d’appel, et leur existence interdisait le pourvoi en cassation contre la décision des premiers juges même rendue en premier et dernier ressort mais ils n’étaient pas utilisables indifféremment.

Cette dualité des voies de recours a été supprimée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 à la faveur de l’appel qui est désormais la seule voie de recours pour contester une décision qui tranche une question de compétence.

Reste que le Code distingue désormais deux procédures d’appel, selon que le jugement contesté statue exclusivement sur la compétence ou selon qu’elle statue sur la compétence et sur le fond du litige

1. L’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence

==> Une voie de recours unique : l’appel

L’article 83 du CPC pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration d’incompétence soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

==> Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

==> Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
      • La représentation n’est pas obligatoire
        • L’article 933 prévoit quant à lui que :
          • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
          • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
          • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
        • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

==> Instruction et jugement

L’article 85 du CPC prévoit que l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.

==> La décision de la Cour d’appel

Qu’elle confirme ou infirme la décision contestée, en application de l’article 86 du CPC, il échoit à la Cour d’appel de renvoyer l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge.

==> Notification

Le greffier de la cour notifie aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

==> Voies de recours

Si l’arrêt rendu par la Cour d’appel n’est pas susceptible d’opposition, il peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Le délai de pourvoi en cassation (deux mois) court à compter de sa notification.

==> Évocation au fond

  • Principe
    • L’article 88 du CPC autorise la Cour d’appel à évoquer le fond
    • Autrement dit, il lui est permis de se prononcer au-delà de la compétence de la juridiction saisie en première instance, ce qui revient à priver les parties d’un double degré de juridiction
    • C’est la raison pour laquelle cette faculté est subordonnée à la satisfaction de conditions
  • Conditions
    • Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la Cour d’appel soit autorisée à évoquer l’affaire qui lui est déférée au fond :
      • D’une part, elle doit être la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • La Cour d’appel doit ainsi posséder une plénitude de juridiction
        • La juridiction qu’elle considère comme compétence doit, en particulier, se situer dans son ressort
      • D’autre part, l’évocation de l’affaire au fond est permise si la Cour d’appel estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.
        • Cette condition, purement subjective, est laissée à l’appréciation souveraine de la Cour d’appel
  • Procédure
    • L’article 89 du CPC pose que quand elle décide d’évoquer, la cour invite les parties, le cas échéant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à constituer avocat dans le délai qu’elle fixe, si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent cette constitution.
    • Si aucune des parties ne constitue avocat, la cour peut prononcer d’office la radiation de l’affaire par décision motivée non susceptible de recours.
    • Copie de cette décision est portée à la connaissance de chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile ou à leur résidence.

2. L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige

L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige est régi par les articles 90 et 91 du CPC.

Il ressort de ces dispositions qu’il convient de distinguer selon que le jugement critiqué a été rendu en premier ressort ou en dernier ressort.

Les pouvoirs de la Cour d’appel sont, en effet, différents selon que l’on se trouve dans l’une ou l’autre situation.

En tout état de cause, le délai pour interjeter appel de la décision de première instance est d’un mois à compter de la notification de la décision.

==> Le jugement critiqué a été rendu en premier ressort

Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC pose que le jugement critiqué peut alors être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions.

Les modalités d’application de ce principe diffèrent toutefois selon que l’arrêt rendu confirme ou infirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence

  • L’arrêt de la Cour d’appel confirme le jugement du chef de la compétence
    • Lorsque la Cour confirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence, rien ne fait obstacle à ce qu’elle se prononce, dans le même temps, sur le fond du litige.
    • Dans cette hypothèse, c’est donc la même Cour d’appel qui est amenée à statuer sur l’ensemble des dispositions du jugement critiqué.
  • L’arrêt de la Cour d’appel infirme le jugement du chef de la compétence
    • Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC distingue deux situations :
      • La Cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • En pareil cas, l’article 90, al. 2e du CPC dispose que la Cour d’appel saisie statue néanmoins sur le fond du litige
        • Ainsi, l’incompétence de la juridiction de première instance ne fait pas obstacle à ce que la Cour statue sur le fond du litige
        • La solution est logique puisque cette dernière est, en tout état de cause, la juridiction compétente pour connaître de l’appel sur le fond dont est frappé le jugement rendu en première instance
      • La Cour n’est pas la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • Dans cette hypothèse, l’article 90 al. 3 du CPC prévoit que la Cour doit renvoyer l’affaire devant la cour qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance.
        • Cette décision s’impose alors aux parties et à la cour de renvoi.
        • Quand bien même cette dernière s’estimerait incompétente, elle n’aura donc d’autre choix que de statuer.

==> Le jugement critiqué a été rendu en dernier ressort

  • Principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en dernier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel exclusivement sur la compétence.
    • Ainsi l’effet dévolutif de l’appel ne pourra pas s’étendre aux dispositions sur le fond.
    • La raison en est que le jugement frappé d’appel a été rendu en dernier ressort, ce qui dès lors implique qu’il est insusceptible d’être frappé d’appel sur le fond du litige.
    • Tout au plus les parties pourront former un pourvoi en cassation, si elles souhaitent critiquer les dispositions du jugement sur le fond.
  • Mise en œuvre du principe
    • L’alinéa 2 de l’article 91 précise que, en cas d’appel, lorsque la cour infirme la décision attaquée du chef de la compétence, elle renvoie l’affaire devant la juridiction qu’elle estime compétente à laquelle le dossier est transmis à l’expiration du délai du pourvoi ou, le cas échéant, lorsqu’il a été statué sur celui-ci.
    • Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Renvoi devant la juridiction compétente
        • En cas d’infirmation du jugement rendu en dernier ressort du chef de la compétence, la Cour d’appel doit renvoyer l’affaire devant la juridiction compétence
        • À cet égard le texte précise que la décision de renvoi s’impose aux parties et à la juridiction de renvoi.
        • Cette dernière n’aura ainsi d’autre choix que de statuer, quand bien même elle s’estimerait compétente
      • Délai du renvoi
        • L’affaire est renvoyée à la juridiction compétente seulement à l’expiration du délai de pouvoir, soit deux mois à compter de la notification de la décision
      • Réformation des dispositions sur le fond
        • Lorsque la Cour d’appel infirme le jugement qui lui est déféré du chef de la compétence, quand bien même il a été rendu en dernier ressort, le renvoi devant la juridiction compétence a pour conséquence de réformer les dispositions du jugement sur le fond.
        • C’est là une véritable entorse au principe qui pose l’absence d’un double degré de juridiction pour les décisions rendues en dernier ressort.
  • Exception au principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que, un pourvoi formé à l’encontre des dispositions sur le fond rend l’appel irrecevable.
    • Ainsi, si les parties entendent former un pourvoi en cassation, elles se privent de la possibilité d’interjeter appel de la décision rendue en dernier ressort du chef de la compétence.
    • Dans l’hypothèse, où la compétence serait discutable, les parties auront dès lors tout intérêt à saisir d’abord la Cour d’appel avec cette perspective de voir leur affaire rejuger sur le fond en cas d’arrêt infirmatif.

II) La litispendance

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

Pour ce qui nous concerne, à savoir l’exception de litispendance, elle est envisagée à l’article 100 du CPC qui prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande ».

Il ressort de cette disposition que la situation de litispendance se caractérise par la saisine de deux juridictions différentes, mais compétentes, qui ont vocation à statuer sur un même litige.

Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour que cette situation conduise à ce que l’une des juridictions saisies décline sa compétence au profit de l’autre.

A) Conditions de l’incident de litispendance

Pour qu’une situation de litispendance soit caractérisée plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Les litiges pendants devant les juridictions saisies doivent être identiques
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions compétentes

==> Une identité de litige

Pour qu’il y ait litispendance, l’article 100 du CPC exige qu’un « même litige » soit pendant devant deux juridictions.

Fondamentalement, la question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « même litige ». Quels sont les critères ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à la finalité de la règle qui pose l’obligation pour l’une des juridictions saisies de se dessaisir au profit de l’autre.

À l’examen, cette règle vise à éviter que deux décisions contradictoires soient rendues. Surtout, le danger réside dans l’autorité de la chose jugée dont sont susceptibles d’être pourvues ces décisions, ce qui conduirait à une situation inextricable.

Aussi, est-ce à la lumière de l’autorité de la chose jugée que la notion d’identité de litige se définit. En effet, il y aura litispendance lorsque la demande formulée en second aurait été déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée que posséderait le jugement qui aurait statué sur la première demande.

Pour mémoire, l’article 1355 du CPC dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il s’infère de cette disposition que l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’examen d’une demande en justice dès lors qu’il y a :

  • Identité des parties
    • Il y aura donc litispendance lorsque les litiges pendants devant des juridictions distinctes opposent les mêmes parties
  • Identité d’objet
    • L’article 4 du CPC prévoit que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties»
    • La situation de litispendance sera donc caractérisée lorsque les prétentions des parties soumises aux juridictions saisies seront identiques
  • Identité de cause
    • Dans le silence des textes, la cause de la demande est définie par la doctrine comme le fondement juridique de la prétention des parties
    • Il y aura ainsi litispendance lorsque le fondement juridique dont les parties se prévalent aux fins qu’il soit fait droit à leurs demandes respectives par les juridictions saisies est le même.

Au bilan, la situation de litispendance sera caractérisée lorsque l’on constatera une identité des parties, une identité d’objet des demandes et une identité de leurs causes.

==> Un litige pendant devant deux juridictions

L’article 100 du CPC prévoit que la litispendance suppose que le litige soit pendant « devant deux juridictions de même degré ».

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions
    • Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.
      • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16799).
      • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…)
  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions distinctes
    • Pour qu’il y ait litispendance il faut que deux juridictions distinctes soient saisies.
    • Il peut s’agir
      • Soit de deux juridictions de premier degré ( 100 CPC)
      • Soit de deux juridictions second degré ( 100 CPC)
      • Soit d’une juridiction de premier degré et d’une juridiction de second degré ( 102 CPC)
    • Ce qui importe c’est qu’il s’agisse de juridictions différentes, ce qui exclut l’hypothèse de litiges pendants devant des chambres ou des formations de jugement différentes au sein d’une même juridiction
    • Cette situation correspondrait, en effet, à un cas de connexité qui se règle au moyen d’une mesure d’administration judiciaire ( 107 CPC)

==> Un litige pendant devant deux juridictions compétentes

L’article 100 du CPC précise que, pour qu’il y ait litispendance, il est nécessaire que les deux juridictions saisies soient compétentes pour connaître du litige.

La raison en est que dans l’hypothèse où l’une des deux juridictions ne serait pas compétence, la situation relèvera du régime de l’exception d’incompétence et non de litispendance.

À cet égard, si elles sont du même degré, c’est à la juridiction saisie en second qu’il appartient de vérifier sa compétence.

Si, en revanche, les juridictions saisies sont d’un degré différent, la juridiction de premier degré doit vérifier que c’est le même litige qui est pendant devant la Cour d’appel. Dans l’affirmative, elle devra se dessaisir à la faveur de la Cour.

Si, lorsque la caractérisation de la litispendance ne soulève pas de difficulté lorsque les deux juridictions saisies sont compétence, plus délicate sont les hypothèses où leur compétence est contestée ou contestable :

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle été conduite à préciser que la situation de litispendance sera caractérisée lorsque :

  • Soit la juridiction dont la compétence est contestée se déclare compétente
  • Soit en cas de prorogation de compétence en raison de l’inaction des parties
  • Soit dans l’hypothèse où la juridiction qui se déclare incompétence renvoie l’affaire par-devant une juridiction différente de celle saisie du même litige

B) Résolution de l’incident de litispendance

  1. L’invocation de l’exception de litispendance

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

==> La litispendance soulevée par les parties

Il ressort de l’article 100 du CPC que l’exception de litispendance peut être soulevée, tant par le demandeur, que par le défendeur.

Cette exception se distingue, sur ce point, de l’exception d’incompétence qui n’est envisagée que comme un moyen de défense de sorte que le demandeur est irrecevable à la soulever.

En tout état de cause, comme l’exception d’incompétence, l’exception de litispendance doit nécessairement être soulevée in limine litis, soit avant toute défense au fond, conformément à l’article 74 du CPC.

==> La litispendance relevée par le Juge

L’article 100 du CPC prévoit que, à défaut d’invocation de l’exception de litispendance par les parties, elle peut être relevée d’office par le juge.

Il s’agit là d’une simple faculté, faculté qu’il ne peut exercer qu’à titre subsidiaire, en cas de carence des parties.

Lorsque les juridictions saisies sont de même degré, il s’évince de l’article 100 du CPC que cette faculté est réservée à la juridiction saisie en second.

Lorsque, en revanche, elles sont d’un degré différent, c’est à la juridiction de degré inférieur qu’il appartient de relever d’office l’exception de litispendance, encore qu’il s’agit, ici encore, d’une simple faculté.

2. La décision du juge

==> Les modalités de règlement de l’incident

Lorsque la situation de litispendance est caractérisée, il est nécessaire que l’une des juridictions saisies se dessaisisse au profit de l’autre afin de mettre un terme à l’incident, faute de quoi il est un risque que deux décisions contradictoires soient rendues.

Aussi, le Code de procédure civil a-t-il posé des règles qui permettent de déterminer quelle juridiction saisie doit se dessaisir au profit de l’autre.

  • Les juridictions saisies sont du premier degré
    • Il est acquis qu’il appartient à la juridiction saisie en second de vérifier sa compétence, le cas échéant de se dessaisir et de renvoyer l’affaire devant la juridiction saisie en premier
    • La décision de renvoi s’impose à la juridiction désignée
  • Les juridictions saisies sont du second degré
    • Dans cette hypothèse, l’exception de litispendance devrait être déclarée irrecevable dans la mesure où elle aurait dû être soulevée en première instance.
    • Reste que si l’une des parties n’a pas comparu dans le cadre de la première instance, elle sera toujours fondée à soulever l’exception en appel
    • Si la situation se produisait ce serait donc à la Cour d’appel saisie en second de se dessaisir au profit de la première Cour d’appel
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • En pareil cas, l’article 102 du CPC prévoit qu’il appartient à la juridiction de degré inférieur de vérifier sa compétence et de renvoyer, le cas échéant, l’affaire devant la Cour d’appel.
    • En application de l’article 105 du CPC la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné.
    • Une Cour d’appel ne pourra donc pas décliner sa compétence, quand bien même elle serait désignée à tort.

==> Le recours contre la décision

  • Principe
    • L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.
    • Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC
    • À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.»
    • La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire».
    • Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.
  • Délai d’appel
    • L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.
    • En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.
    • En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
  • Déclaration d’appel
    • L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel
    • Cette déclaration d’appel doit contenir :
      • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
        • La représentation est obligatoire
          • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
            • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
            • L’indication de la décision attaquée ;
            • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
            • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
            • Elle est signée par l’avocat constitué.
            • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
            • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
        • La représentation n’est pas obligatoire
          • L’article 933 prévoit quant à lui que :
            • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
            • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
            • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
          • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
  • Recours multiples
    • L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

III) La connexité

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

Pour ce qui nous concerne, à savoir l’exception de connexité, elle est envisagée à l’article 101 du CPC qui prévoit que « s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction ».

La connexité correspond ainsi à la situation où deux litiges différents sont pendants devant deux juridictions distinctes et qui, en raison du lien étroit qu’ils entretiennent, commande une jonction d’instance par souci de bonne administration de la justice.

À la différence de la situation de litispendance, la connexité implique que les affaires portées devant les juridictions saisies ne soient pas identiques, soit en raison des parties qui s’opposent, soit en raison de l’objet ou de la cause des demandes.

Bien que les affaires doivent être différentes pour que la connexité soit caractérisée, un lien étroit doit les unir, à défaut de quoi la jonction demande de jonction d’instance sera irrecevable.

À cet égard, il ressort de l’article 101 du CPC que plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que la situation de connexité soit établie.

A) Conditions de l’incident de connexité

==> Un lien étroit entre deux affaires

Pour que la situation de connexité soit caractérisée, l’article 101 du CPC exige que soit établi un lien entre les deux affaires. Quelle doit être la teneur de ce lien, son intensité ? Le texte ne le dit pas.

L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.

Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.

==> Intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble

Non seulement il doit exister un lien entre les deux affaires pour la connexité soit établie, mais encore il est nécessaire que leur jonction soit justifiée par l’« intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble ».

C’est la raison pour laquelle, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que l’admission de l’exception de connexité est une simple faculté laissée à l’appréciation du juge (Cass. 1ère civ., 20 oct. 1987).

==> Deux affaires pendantes

Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.

  • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16799).
  • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…)

==> Deux affaires pendantes devant des juridictions distinctes

Pour que l’exception de connexité puisse être soulevée, encore faut-il que l’affaire soit pendante devant deux juridictions distinctes et compétentes.

L’article 107 du CPC précise que s’il s’élève sur la connexité des difficultés entre diverses formations d’une même juridiction, elles sont réglées sans formalité par le président, étant précisé que sa décision est une mesure d’administration judiciaire.

Cette décision est, en conséquence, dépourvue de l’autorité de la chose jugée, à la différence d’une décision qui statuerait sur l’exception de connexité.

B) Résolution de l’incident de connexité

  1. L’invocation de l’exception de connexité

==> Par qui ?

À la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, l’exception de connexité ne peut être soulevée que par les parties. Elle ne peut pas être relevée d’office par le juge, faute de texte qui lui confère cette faculté.

==> Quand ?

L’article 103 du CPC dispose que « l’exception de connexité peut être proposée en tout état de cause. »

Ainsi, à la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, il est indifférent que l’exception de connexité soit soulevée in limine litis.

Elle peut être soulevée à n’importe quel stade de la procédure, ce qui est une dérogation majeure au principe posée à l’article 74 du CPC.

Pour mémoire cette disposition prévoit que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre pub ».

Tel n’est pas le cas pour l’exception de connexité qui peut être soulevée en tout état de cause, ce qui la rapproche, sur ce point, d’une fin de non-recevoir ou d’une défense au fond.

Reste que l’article 103 du CPC exige que cette exception soit soulevée le plus tôt possible. En cas de manœuvre dilatoire de la partie adverse, le juge disposera toujours de la faculté de l’écarter.

==> Devant quelle juridiction ?

L’article 101 du CPC ne précise pas devant quelle juridiction l’exception de connexité doit être soulevée. En matière de litispendance, l’exception doit être soulevée devant la seconde juridiction saisie.

En matière de connexité, c’est égal. Cette exception peut être indifféremment soulevée devant l’une ou l’autre juridiction, voire devant les deux. Selon le cas, le régime applicable diffère.

 Il convient ici de distinguer deux hypothèses :

  • Les juridictions saisies sont du même degré
    • Dans cette hypothèse plusieurs situations peuvent se présenter :
      • Une juridiction de droit commun (TGI) et une juridiction d’exception (TI, TC etc.) sont saisies
        • C’est alors devant la juridiction d’exception que l’exception de connexité doit être soulevée
        • Entre les deux, c’est la juridiction d’exception qui a vocation à se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun
      • Parmi les juridictions saisies, l’une d’entre elle possède une compétence exclusive
        • L’exception de connexité doit être soulevée devant la juridiction dont la compétence est exclusive
        • Entre les deux juridictions saisies, c’est la juridiction dont la compétence n’est pas exclusive qui doit se dessaisir
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • Dans cette hypothèse, l’article 102 du CPC prévoit que l’exception ne peut être soulevée que devant la juridiction de premier degré, quand bien même elle aurait été saisie antérieurement à la date de saisine de la Cour d’appel

2. La décision du juge

==> Les modalités de règlement de l’incident

  • Le dessaisissement
    • Pour déterminer quelle juridiction doit se dessaisir en cas d’admission de l’exception de connexité, il convient de distinguer plusieurs hypothèses
      • Une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception sont saisies
        • C’est à la juridiction d’exception de se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun, cette dernière étant seule compétence pour connaître de l’entier litige
      • L’une des deux juridictions saisies possède une compétence exclusive
        • C’est la juridiction qui ne possède pas de compétence exclusive qui doit se dessaisir au profit de l’autre juridiction
      • Les juridictions saisies sont des juridictions d’exception
        • C’est à la juridiction saisie en second de se dessaisir au profit de la juridiction saisie en premier
  • Le renvoi
    • L’article 105 du CPC dispose que « la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie, soit à la suite d’un recours s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné. »
    • Ainsi, après avoir admis l’exception de connexité, le juge qui a statué doit renvoyer l’affaire devant l’autre juridiction saisie.
    • Cette décision s’impose à la juridiction de renvoi qui ne peut pas décliner sa compétence
    • Dans l’hypothèse où l’exception de connexité serait soulevée devant les deux juridictions, l’article 106 du CPC précise que « dans le cas où les deux juridictions se seraient dessaisies, la décision intervenue la dernière en date est considérée comme non avenue. »
    • Ainsi, c’est la juridiction qui a statué en second sur la demande de renvoi qui devra connaître l’affaire dans son ensemble.

==> Le recours contre la décision

  • Principe
    • L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.
    • Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC
    • À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.»
    • La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire».
    • Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.
  • Délai d’appel
    • L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.
    • En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.
    • En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
  • Déclaration d’appel
    • L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel
    • Cette déclaration d’appel doit contenir :
      • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
        • La représentation est obligatoire
          • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
            • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
            • L’indication de la décision attaquée ;
            • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
            • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
            • Elle est signée par l’avocat constitué.
            • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
            • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
        • La représentation n’est pas obligatoire
          • L’article 933 prévoit quant à lui que :
            • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
            • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
            • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
          • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
  • Recours multiples
    • L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

IV) L’exception dilatoire

A) Définition de l’exception dilatoire

L’exception dilatoire, qui est comptée parmi les exceptions de procédure, se définit par sa finalité. Elle constitue un moyen par lequel une partie demande au juge de surseoir à statuer.

En effet, l’exception dilatoire a vocation, pour le plaideur qui l’invoque, à suspendre la procédure.

Plus précisément, elles créent un obstacle temporaire à la poursuite de l’instance et obligent le juge ou l’autorisent à suspendre l’instance jusqu’à l’expiration d’un certain délai.

Les exceptions dilatoires sont régies aux articles 108 à 111 du CPC.

B) Liste des exceptions dilatoires

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

==> Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division», étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagées par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

==> Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens , civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état» en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

C) La recevabilité de l’exception dilatoire

  • Qui peut soulever l’exception dilatoire ?
    • Dans la mesure où l’exception dilatoire consiste en un moyen de défense, classiquement on considère seul le défendeur est recevable à s’en prévaloir
    • Reste que, en matière de question préjudicielle, la jurisprudence admet qu’elle puisse être invoquée par le demandeur ( 2e civ., 20 déc. 2012, n° 11-18095).
  • Quand soulever l’exception dilatoire ?
    • En application de l’article 74 du CPC l’exception dilatoire doit être soulevée in limine litis, soit avant la présentation de toute défense au fond.
    • Il est néanmoins dérogé à l’exigence de simultanéité de présentation des exceptions de procédure s’agissant de la mise en œuvre de l’exception dilatoire tenant au délai d’option successorale.
    • L’article 111 du CPC prévoit, en effet, que « le bénéficiaire d’un délai pour faire inventaire et délibérer peut ne proposer ses autres exceptions qu’après l’expiration de ce délai».
    • Autrement dit, dans ce cas précis, l’exception dilatoire et les autres exceptions de procédure pourront être soulevées séparément.
  • Quid de l’office du Juge ?
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’aucune obligation ne pèse sur le juge de relever d’office une exception dilatoire
    • Il s’agit là pour lui d’une simple faculté
    • Dans un arrêt du 6 février 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens s’agissant de l’exception dilatoire qui tenait au principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » qu’elle « n’est pas une fin de non-recevoir que le juge serait tenu de relever d’office en raison de son caractère d’ordre public, mais constitue une exception tendant à suspendre le cours de l’action»
    • Elle en déduit que « la cour d’appel n’était donc pas tenue de surseoir à statuer dès lors qu’aucune demande en ce sens ne lui était soumise» ( soc. 6 févr. 1996, n°92-44964).

D) La décision

==> Nature de la décision

Lorsque le juge accueille favorablement l’invocation de l’exception dilatoire, en application de l’article 378 du CPC, il rend une décision de sursis à statuer.

À cet égard, cette disposition prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Surtout, à la différence des mesures d’administration judiciaire, les décisions de sursis à statuer sont de véritables jugements de sorte qu’elles sont assujetties à des voies de recours.

==> Effets de la décision

Lorsque l’exception dilatoire est retenue par le juge, elle a pour effet de suspendre le cours de l’instance, de sorte qu’il y a interruption du délai de péremption.

Aussi, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

==> Voie de recours

  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue est susceptible d’une voie de recours, sauf à ce qu’elle tranche, concomitamment, le litige au principal.
    • La décision ne peut donc faire l’objet, ni d’un appel, ni d’un pourvoi en cassation.
    • Elle aura la même valeur qu’un jugement avant dire droit
  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue s’apparente à une décision de sursis à statuer.
    • Il en résulte qu’elle peut faire l’objet d’une voie de recours
    • L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
    • Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
    • S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

V) Les nullités

==> Notion

La nullité est la « sanction encourue par un acte juridique entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond qui consiste dans l’anéantissement de l’acte »[1].

Si en droit public les nullités sont en principe toujours absolues et existent sans texte, en droit privé il n’en est pas de même.

Ainsi la procédure civile opère-t-elle une distinction majeure entre les nullités pour vice de fond et les nullités pour vice de forme.

  • Les nullités pour vice de forme sont réglées par l’article 114, alinéa 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public».
  • Les nullités pour vice de fond sont énumérées à l’article 117 du CPC. Il s’agit du défaut de capacité d’ester en justice et du défaut de pouvoir.

La distinction entre nullités de forme et de fond est la principale difficulté du système actuel des nullités.

Aux nullités de forme, qui constituent le régime général des nullités procédurales, dont l’article 114 du nouveau code de procédure civile précise qu’elles ne peuvent être sanctionnées que si la nullité est « expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public », s’opposent donc les nullités de fond énumérées de façon exhaustive à l’article 117.

Entre les deux catégories de nullités, le critère général de distinction certainement voulu par les rédacteurs du code consiste en ce que les vices de forme affectent l’instrumentum, alors que les nullités pour irrégularités de fond atteignent le negotium.

Récusé par une partie de la doctrine, au sein de laquelle M. Perrot critique en particulier le recours, selon lui inadapté à la nature des actes de procédure, à des catégories issues du droit civil, ce critère général de distinction est toutefois le plus souvent admis. L’importance du débat tient au fait que les deux sortes de nullités ont des régimes très différents.

Alors que la nullité de forme doit être soulevée in limine litis, et que, selon l’article 114, elle « ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public », ces restrictions ne s’appliquent pas aux nullités de fond.

La distinction entre nullité de fond et nullité de forme présente ainsi un intérêt procédural, raison pour laquelle il convient de les envisager séparément.

A) Les nullités des actes de procédure pour vice de forme

  1.  Les causes de nullité pour vice de forme

Au nombre des causes de nullités d’actes de procédure, on rencontre d’abord le très vaste domaine des vices de forme auquel le législateur a délibérément donné la prééminence en y incluant la plupart des déficiences de nature à affecter la validité d’un acte et en soumettant l’admission de la nullité comme sanction à des conditions très contraignantes.

L’exception doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Elle n’aura d’effet que si aucune régularisation ultérieure n’est venue effacer rétroactivement le vice initial et si celui qui s’en prévaut démontre l’existence du grief que lui cause l’irrégularité.

Surtout, l’article 114 du CPC prévoit qu’aucun acte ne peut être déclaré nul en ce cas si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi. Est ainsi énoncé par cette disposition le fameux principe : point de nullité sans texte.

Ce principe est toutefois assorti d’une exception en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public (formalité qui donne à l’acte sa nature, ses caractères, qui en constitue sa raison d’être)

==> Principe : pas de nullité sans texte

En matière de nullité pour vice de forme, l’anéantissement de l’acte ne sera encouru qu’à la condition qu’un texte le prévoit expressément.

Pour déterminer les causes de nullité pour vice de conforme, il convient, par conséquent, de se reporter à toutes les règles qui sont prescrites à « peine de nullité ».

Un petit tour d’horizon révèle qu’elles sont nombreuses, à tel point que la nullité pour vice de forme représente la plupart des causes de nullité d’actes de procédure.

Parmi les vices de forme pouvant entacher un acte de procédure et entraîner sa nullité, on peut citer notamment :

  • Les mentions qui doivent figurer sur l’assignation
  • L’omission ou l’inexactitude de certaines mentions propres à l’acte d’huissier de justice
  • Les mentions qui doivent figurer sur l’acte de déclaration d’appel
  • Les formalités de notification des actes de procédure et des décisions de justice

==> Exception : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Le principe énoncé à l’article 114 du CPC selon lequel « pas de nullité sans texte » est assorti d’une exception remarquable : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Cette exception est issue de l’ancienne distinction opérée par la jurisprudence entre les formalités substantielles et les formalités secondaires.

Dans un arrêt du 18 novembre 1947, la Cour de cassation avait, en effet, écarté l’application du principe « pas de nullité sans grief » (introduit par un décret-loi du 30 octobre 1935) en cas de violation d’une formalité substantielle.

Elle en avait donné la définition dans un arrêt du 3 mars 1955, aux termes duquel elle avait jugé que « le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d’être et lui est indispensable pour remplir son objet » (Cass. 3e civ., 3 mars 1955).

Une partie de la doctrine avait critiqué cette jurisprudence, contraire selon elle aux vœux du législateur, en faisant valoir notamment qu’elle consistait à raisonner inexactement comme si la violation d’une formalité substantielle frappait l’acte d’inexistence.

Cela n’a pas empêché la jurisprudence de maintenir la distinction entre les formalités substantielles, dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité alors qu’aucun texte ne le prévoit, des formalités secondaires assujetties au principe « pas de nullité sans texte ».

Pour déterminer si l’on est en présence d’une formalité substantielle ou secondaire il convient donc de se demander si la formalité qui lui est attachée est indispensable à la réalisation de son objet.

À l’examen, les formalités reconnues par la jurisprudence comme substantielles sont rares. Il en va ainsi de l’exigence de production d’un certificat médical au soutien d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou encore l’exigence de signature de l’auteur de l’acte de procédure.

2. L’exigence d’un grief

L’article 114, al. 2 du CPC prévoit que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief. Cette règle est résumée par la formule « pas de nullité sans grief ».

La cause de la nullité est indifférente : ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’un vice de forme. Cette exigence de justification d’un grief trouve sa source dans la volonté du législateur de prévenir les manœuvres dilatoires des parties.

Cette règle s’inspire, à certains égards, du droit de la responsabilité civile qui subordonne le succès d’une action en réparation à la démonstration d’un préjudice.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué. En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n° 12-20.929).

Cependant, exceptionnellement certaines juridictions s’en tiennent à l’importance de la règle transgressée lorsqu’elle porte par elle-même atteinte aux droits de la défense (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n° 14-12809)

L’interprétation in abstracto aurait, de toute évidence, pour effet de dénaturer et plus encore de limiter la portée de la règle « nullité sans grief n’opère rien », ce qui équivaudrait pratiquement à revenir au système des nullités substantielles.

C’est la raison pour laquelle cette appréciation du grief in abstracto est limitée aux cas d’inexistence de l’acte (absence de signature, acte formalisé par un officier ministériel incompétent, sans qualité etc.).

Dans un arrêt du 3 décembre 2015, la Cour de cassation a déduit, en ce sens, l’existence d’un grief de la seule omission de mentions essentielles à la validité d’un congé (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12809)

Dans ces circonstances, le préjudice résulte, en quelque sorte, par lui-même, de l’importance de la règle transgressée, de sorte qu’il ne saurait être question d’accorder une valeur quelconque à un acte qui n’existe pas, le préjudice existant de plano.

Reste les cas dans lesquels la nullité d’un acte de procédure est prononcée en l’absence de démonstration d’un grief et en présence d’un vice qui n’entre pas dans l’énumération de l’article 117. La doctrine les range en trois catégories.

  • Tout d’abord, il s’agit, des actes affectés d’un vice qui porte atteinte aux règles d’organisation judiciaire, par exemple l’acte signifié par un huissier de justice instrumentant en dehors de son ressort territorial.
  • Ensuite, seraient en cause également des actes portant gravement atteinte aux droits de la défense (encore qu’on puisse penser que dans les affaires concernées, la nullité aurait généralement pu être aussi prononcée sur le fondement de l’article 114 en constatant l’existence d’un grief).
  • Enfin, il s’agit des actes omis, catégorie qui, elle-même, se subdivise entre les hypothèses où l’acte n’a pas été accompli du tout, et celles où a été fait un acte à la place d’un autre requis par la loi (ainsi la jurisprudence retient-elle que l’appel interjeté dans une forme autre que celle prévue équivaut à une absence d’acte).

Toutes ces décisions sont en général approuvées par les auteurs, y compris par ceux qui estiment que l’énumération de l’article 117 est limitative, parce qu’ils considèrent, soit qu’elles entrent en réalité dans les cas de nullités de fond ou de forme prévus par la loi, soit, pour ce qui concerne les omissions d’actes que la Cour de cassation sanctionne par la nullité (Cass. 2e civ. 27 nov. 1996) en évitant de parler de vice de fond, qu’il s’agit d’un type de nullité légitimement créé par la jurisprudence.

3. La régularisation de la nullité pour vice de forme

L’article 115 du CPC prévoit que « la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Il ressort de cette disposition que tout n’est pas perdu en cas de nullité pour vice de forme. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 115 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de forme soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • Il pourra s’agir, par exemple, en cas d’omission de mentions prescrites à peine de nullité, de délivrer à la partie adverse une nouvelle assignation ou de procéder à de nouvelles formalités de notifications ou de saisie.
  • Deuxième condition
    • Aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte
    • Reste que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il est peu de chance que cette situation se rencontre dans la mesure où, en application de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion.
    • L’article 2242 précise que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 115 du CPC exige qu’elle ne laisse subsister aucun grief.
    • Cela signifie donc que l’irrégularité dont était frappé l’acte ne doit plus causer aucun tort à la partie adverse, faute de quoi cette dernière sera toujours fondée à se prévaloir de la nullité
    • Il en résulte que la régularisation devra intervenir dans les plus brefs délais, sans quoi il est un risque que la défense de l’adversaire s’en trouve durablement perturbée.

4. Mise en œuvre de la nullité pour vice de forme

  • Présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • Seule la partie destinataire de l’acte entaché d’une irrégularité ou celle au préjudice de laquelle il est accompli sont recevables à se prévaloir de la nullité pour vice de forme.
    • Dans un arrêt du 21 juillet 1986, la Cour de cassation avait jugé en ce sens, en des termes généraux, qu’un acte de procédure ne pouvait être annulé pour vice de forme que sur la demande d’une partie « intéressée » ( 2e civ., 21 juill. 1986).
  • Office du Juge
    • À la différence de la nullité pour vice de fond, le Juge n’est pas investi du pouvoir de soulever d’office une nullité pour vice de forme.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 112 du CPC prévoit que « la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
    • L’article 113 poursuit en disposant que « tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été. »
    • Il ressort de ces deux dispositions :
      • D’une part, que l’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée à mesure que les actes susceptibles d’être affectés par une irrégularité sont accomplis
      • D’autre part, que cette exception doit être présentée avant toute défense au fond, ce qui implique, lorsque l’acte irrégulier intervient postérieurement à la présentation d’un moyen de défense, de se référer à la date de l’acte pour apprécier la recevabilité de l’exception de nullité

B) Les nullités des actes de procédure pour vice de fond

  1. Les causes de nullité pour vice de fond

L’article 117 du CPC prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

  • Le défaut de capacité d’ester en justice
    • Il peut s’agir soit d’une personne frappée d’une incapacité, doit d’un groupement qui ne dispose pas de la personnalité juridique (société en participation, société de fait, créée de fait etc..)
  • Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice
    • Il s’agit ici du défaut de pouvoir de représentation, soit d’une personne morale, soit d’une personne physique
  • Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice
    • Ce cas renvoie ici à l’hypothèse de la représentation ad litem, soit au pouvoir de représentation d’une personne en justice
    • Si ce pouvoir de représentation est présumé pour les avocats, pour les autres personnes il doit être prouvé, sans compter que selon la juridiction saisie les règles de représentation diffèrent

Très vite, la question s’est posée de savoir si la liste des irrégularités de fond énoncées par cette disposition était ou non limitative ?

Pendant longtemps, la doctrine et la jurisprudence se sont divisées sur ce point.

Si la Cour de cassation a plusieurs fois posé en principe que « seules affectent la validité d’un acte indépendamment du grief qu’elles ont pu causer les irrégularités de fond limitativement énumérées par l’article 117 du nouveau code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 mars 1989), des décisions font exception à ce principe.

Quant à la doctrine, elle considère en majorité que l’énumération de l’article 117 n’est pas limitative, justifiant sa position par :

  • Un argument de texte : l’emploi de l’article indéfini « des» à l’article 117 « Constituent des nullités de fond… » impliquerait qu’il peut y en avoir d’autres
  • Un argument d’opportunité, qui tiendrait à la nécessité de ne pas laisser sans sanction, pour la seule raison qu’elles n’auraient pas causé grief, des irrégularités très graves qui affectent la substance de l’acte, et où selon une expression de M. Perrot, l’irrégularité de forme n’est que la projection d’un vice de fond sous-jacent, si bien qu’elles portent atteinte à l’organisation judiciaire ou aux droits de la défense.

Depuis un arrêt rendu en date du 7 juillet 2006, il semble que la position de la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, soit arrêtée désormais (Cass. ch. mixte, 7 juill. 2006, n°03-20026).

Aux termes de cet arrêt, il a été jugé que « quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile »

Depuis lors, la position de la Cour de cassation est demeurée inchangée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 janv. 2008, n°06-14380)

2. La régularisation de la nullité pour vice de fond

L’article 121 du CPC prévoit que « dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. »

Il ressort de cette disposition que, à l’instar de la nullité pour vice de forme, tout n’est pas perdu en cas de nullité pour irrégularité de fond. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 21 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de fond soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • En cas de défaut de pouvoir de l’auteur de l’acte, il s’agira pour la personne valablement investie de ce pouvoir de réitérer l’acte.
  • Deuxième condition
    • Pour que la régularisation soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité soit susceptible d’être couverte.
    • On en déduit alors que toutes les nullités ne peuvent pas être couvertes.
    • Le texte ne pose cependant aucun critère permettant de déterminer les nullités éligibles à une régularisation.
    • Ce qui est a priori acquis c’est que pour que la nullité puisse être couverte aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte.
    • Pour le reste, les juridictions apprécieront la possibilité d’une couverture de la nullité au cas par cas.
    • La jurisprudence a, en tout état de cause, estimé que le caractère d’ordre public d’une nullité n’était, en soi, pas rédhibitoire (V. en ce sens 3e 11 janv. 1984).
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité ait disparu au jour où le juge statue.
    • Cette disparition doit, en conséquence, intervenir avant la clôture des débats.

3. La mise en œuvre de la nullité pour vice de fond

À l’examen, le régime juridique auquel sont assujetties les nullités pour vice de fond se rapproche plus de celui applicable aux fins de non-recevoir que de celui auquel sont soumises les nullités pour vice de forme.

  • Absence de justification d’un grief
    • L’article 119 du CPC prévoit que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse. »
    • De toute évidence, c’est là une grande différence avec les nullités pour vice de forme dont la recevabilité est précisément subordonnée à l’établissement d’un grief
    • Dès lors que la nullité pour irrégularité de fond est caractérisée, elle peut être soulevée, alors même que l’existence de cette nullité ne cause aucun tort à la partie adverse.
  • Office du Juge
    • À la différence des nullités pour vice de forme qui ne peuvent, en aucune manière, être relevées d’office par le Juge, lorsqu’il s’agit d’une nullité pour vice de fond, l’article 120 du CPC confère au Juge ce pouvoir dès lors que nullité en question présente un caractère d’ordre public.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 118 du CPC dispose que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »
    • Il ressort de cette disposition que, par principe, les nullités pour vice de fond peuvent être soulevées en tout état de cause, soit à n’importe quel moment de la procédure.
    • Si toutefois leur invocation procède d’une manœuvre dilatoire de la partie qui s’en prévaut, ce qui devra être démontré, le juge pourra octroyer à la victime de cette manœuvre des dommages et intérêts.
    • Est ainsi énoncée la même règle qu’en matière de fin de non-recevoir (V. en ce sens l’article 123 du CPC).

Section 2: Les moyens de défense pouvant être soulevés en tout état de cause

Deux sortes de moyens peuvent être soulevées en tout état de cause, soit au cours des débats :

  • Les fins de non-recevoir
  • Les défenses au fond

Dans la mesure où, en cas de succès, la fin de non-recevoir dispensera le juge d’examiner la demande au fond, elle doit être soulevée en premier.

I) Les fins de non-recevoir

==> Définition

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille(procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

  • Le défaut de qualité
    • Avoir qualité, c’est être titulaire du droit litigieux ou être le représentant légal ou conventionnel du titulaire.
  • Le défaut d’intérêt
    • Il n’existe pas de définition juridique de l’intérêt, mais il est certain qu’avoir intérêt est la condition première pour pouvoir saisir la justice ainsi que le souligne l’adage bien connu : « Pas d’intérêt pas d’action ».
    • Le défaut d’intérêt se double souvent, d’ailleurs, d’un défaut de qualité.
    • L’intérêt doit être légitime, né et actuel ; un intérêt simplement éventuel n’est pas suffisant.
  • La prescription
    • La prescription extinctive a pour effet d’éteindre l’action du créancier attaché au droit dont il est titulaire par le seul écoulement du temps
    • Toutefois elle laisse subsister une obligation naturelle à la charge du créancier
  • Délai préfix
    • On appelle délai « préfix » un délai de rigueur, fondé sur l’intérêt général, qui échappe entièrement à la volonté des parties.
    • La déchéance encourue résulte automatiquement et nécessairement de l’expiration du délai.
    • Le délai préfix n’est, en principe, pas susceptible d’être suspendu, ce qui le différencie du délai de prescription.
    • Par ailleurs, il n’est pas possible de renoncer à se prévaloir d’un délai préfix et, à la différence de ce qui se passe pour la prescription, le tribunal doit soulever ce moyen d’office.
  • Chose jugée
    • L’expression « chose jugée » dans le langage juridique s’applique à la décision prise par un jugement.
    • Dès que celui-ci est rendu, on lui reconnaît « autorité de chose jugée », en ce qu’il met fin au litige.
    • Le point sur lequel il a été statué ne peut plus, en principe, être remis en question dès lors qu’une présomption de vérité est attachée au jugement rendu.
    • Le principe de l’autorité de la chose jugée a été posé par le code civil qui prévoit en son article 1355 que
    • L’article 1351 du code civil énonce que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement.
    • Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
    • Ainsi, l’autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux est subordonnée à la triple identité des parties, d’objet et de cause.
    • L’autorité de la chose jugée peut être ou non définitive selon que les décisions auxquelles elle s’attache sont devenues ou non inattaquables.
    • C’est pourquoi, on distingue :
      • Les jugements passés en force de chose jugée irrévocable qui ne peuvent être remis en question devant aucun tribunal (lorsque les délais des voies de recours ordinaires et extraordinaires sont expirés ou qu’il a été fait usage en vain de ces voies de droit)
      • Les jugements qui ont acquis simplement la force de chose jugée, lesquels ne peuvent être attaqués que par des voies de recours extraordinaires (tierce opposition, recours en révision, pourvoi en cassation) ;
      • Les jugements qui n’ont que l’autorité de la chose jugée, et sont susceptibles d’être attaqués par les voies de recours ordinaires.
    • La notion d’autorité de la chose jugée répond à un souci de sécurité juridique et de paix sociale : il est en effet primordial que les relations entre les particuliers eux-mêmes ou entre les particuliers et l’administration demeurent stables et ne soient pas sans cesse remises en cause devant les juridictions.
    • À cet égard, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et peut être opposée par l’une des parties pour empêcher que la partie adverse ne remette en question un point litigieux déjà tranché.

==> Conditions

Contrairement aux exceptions de procédure les fins de non-recevoir, elles peuvent être invoquées en tout état de cause, à cette nuance près que l’article 123 du CPC réserve au juge la possibilité de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt.

L’article 124 précise, par ailleurs, que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

==> Pouvoirs du Juge

En application de l’article 125 du CPC, le juge est investi du pouvoir de relever d’office les fins de non-recevoir, dès lors qu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

S’agissant de relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée, aucune obligation ne pèse sur le juge. Il dispose d’une simple faculté.

==> Régularisation

L’article 126 du CPC prévoit que l’irrégularité tirée d’une fin de non-recevoir peut être couverte si elle a disparu au moment où le juge statue.

Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

II) Les défenses au fond

L’article 71 du CPC définit la défense au fond comme « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Il ressort de cette disposition que la défense au fond n’a d’autre objet ou finalité que d’obtenir le rejet, comme non fondée, de la prétention adverse en déniant le droit prétendu de l’adversaire.

Autrement dit, c’est « un moyen directement dirigé à l’encontre de la prétention du demandeur pour établir qu’elle est injustifiée, non fondée »[2]

La défense au fond se situe ainsi sur le fond du droit, et non plus sur le terrain de la procédure ou du droit d’agir. Il s’agit de combattre la demande de la partie adverse en démontrant qu’elle est mal-fondée en fait et/ou en droit.

À l’instar de la fin de non-recevoir, la défense au fond peut être proposée en tout état de cause. Mieux, elle n’est soumise à aucune condition de recevabilité.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 1992, p. 545

[2] S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, Procédure civile, Dalloz, 2010, 30 ème édition, n° 317

 

La postulation de l’avocat: régime juridique

==> Généralités

L’article 411 du CPC prévoit que « le mandat de représentation en justice emporte pouvoir et devoir d’accomplir au nom du mandant les actes de la procédure. »

Il ressort de cette disposition que la mission de représentation dont est investi l’avocat consiste à endosser la qualité de mandataire.

Lorsque l’avocat intervient en tant que représentant de son client, il est mandaté par lui, en ce sens qu’il est investi du pouvoir d’accomplir au nom et pour son compte des actes de procédure.

Aussi, dans cette configuration, les actes régularisés par l’avocat engagent son client comme si celui-ci les avait accomplis personnellement.

À cet égard, la mission de représentation de l’avocat ne se confond pas avec sa mission d’assistance.

==> Représentation et assistance

La différence entre la représentation et l’assistance tient à l’étendue des pouvoirs dont est investi l’avocat dans l’une et l’autre mission.

  • Lorsque l’avocat assiste son client, il peut :
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
  • Lorsque l’avocat représente son client, il peut
    • Lui fournir des conseils
    • Plaider sa cause
    • Agir en son nom et pour son compte

Lorsque dès lors l’avocat plaide la cause de son client dans le cadre de sa mission d’assistance, il ne le représente pas : il ne se fait que son porte-voix.

Lorsque, en revanche, l’avocat se livre à la joute oratoire dans le cadre d’un mandat de représentation, ses paroles engagent son client comme s’il s’exprimait à titre personnel.

Ainsi, la mission de représentation est bien plus large que la mission d’assistance. C’est la raison pour laquelle l’article 413 du CPC prévoit que « le mandat de représentation emporte mission d’assistance, sauf disposition ou convention contraire ».

Tandis que l’avocat investi d’un mandat de représentation est réputé à l’égard du juge et de la partie adverse avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement, tel n’est pas le cas de l’avocat seulement titulaire d’un mandat d’assistance.

La raison en est que dans cette dernière hypothèse, l’avocat n’agit pas au nom et pour le compte de son client. Il ne peut donc accomplir aucun acte qui l’engagent personnellement.

En tout état de cause, à la différence de la mission d’assistance qui peut être exercée par l’avocat devant n’importe quelle juridiction ou organe disciplinaire, sans qu’aucune restriction territoriale ne puisse lui être opposée, la mission de représentation est encadrée par des règles qui, tout en conférant un monopole à l’avocat devant certaines juridictions, limitent sa compétence territoriale devant ces mêmes juridictions.

I) Le monopole de la postulation

A) Principe

==> Notion

La postulation est, selon le dictionnaire du vocabulaire juridique du doyen Cornu, « la mission consistant à accomplir au nom d’un plaideur les actes de la procédure qui incombent, du seul fait qu’elle est constituée, à la personne investie d’un mandat de représentation en justice ».

En d’autres termes, la postulation pour autrui est la représentation appliquée à des hypothèses limitées où la partie ne peut être admise elle-même à faire valoir ses droits et où la loi prévoit que cette représentation obligatoire sera confiée à une personne qualifiée.

Parfois qualifié de mandat ad litem, le mandat de représentation confère à l’avocat la mission de conduire le procès.

Lorsque la représentation est obligatoire, cette situation correspond à l’activité de postulation de l’avocat, laquelle se distingue de sa mission d’assistance qui comprend, notamment, la mission de plaidoirie.

Les avocats sont investis d’un monopole de postulation à quatre niveaux :

  • Au niveau du Tribunal judiciaire
  • Au niveau de la Cour d’appel
  • Au niveau de la Cour de cassation, le Conseil d’État et le Tribunal des conflits

Ce monopole dont jouit l’avocat se traduit par l’obligation posée par les textes de « constituer » avocat lorsque le litige est porté devant l’une des juridictions ci-dessus énoncées.

==> Postulation et plaidoirie

L’activité de postulation de l’avocat ne doit pas être confondue avec l’activité de plaidoirie à plusieurs titres :

  • Tout d’abord
    • Tandis que la plaidoirie relève de la mission d’assistance de l’avocat, la postulation relève de sa mission de représentation.
      • Lorsque, en effet, l’avocat plaide la cause de son client, il n’est que son porte-voix, en ce sens que son intervention se limite à une simple assistance.
      • Lorsque, en revanche, l’avocat postule devant une juridiction, soit accomplit les actes de procédure que requiert la conduite du procès, il représente son client, car agit en son nom et pour son compte.
  • Ensuite
    • L’avocat « postulant » est seul investi du pouvoir d’accomplir les actes de procédure auprès de la juridiction devant laquelle la représentation est obligatoire.
    • L’avocat « plaidant », ne peut, quant à lui, que présenter oralement devant la juridiction saisie la défense de son client.
  • Enfin
    • Les avocats sont autorisés à plaider devant toutes les juridictions et organes disciplinaires sans limitation territoriale
    • Les avocats ne sont, en revanche, autorisés à postuler que devant les Tribunaux judiciaires dépendant de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle

==> Fondement

Le monopole de postulation de l’avocat s’évince de l’article 5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et de certaines dispositions du Code de procédure civile.

L’article 18 de ce Code prévoit, à cet égard, que les parties peuvent se défendre elles-mêmes, sous réserve des cas dans lesquels la représentation est obligatoire.

L’article 751 dispose encore que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le Tribunal judiciaire ».

De telles dispositions contraires sont prévues, par exemple, en matière de contentieux électoral, de bail d’habitation, d’exercice de l’autorité parentale ou encore de crédit à la consommation.

Le recours imposé à un avocat est principalement justifié par la complexité de la procédure suivie devant certaines juridictions au nombre desquelles figure le Tribunal judiciaire.

Alors que les parties sont tenues d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis, il est dans leur intérêt d’être représentées par un avocat.

Réservée jadis aux seuls avoués près les tribunaux civils, la postulation en matière civile relève, depuis la fusion des professions judiciaires, du monopole des avocats notamment devant le Tribunal judiciaire en matière civile.

==> Conformité à la constitution

Dans sa décision n°2015-715 DC du 5 août 2015 le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution celles des dispositions de l’article 51 qui sont relatives aux règles de postulation des avocats.

Selon les juges de la Rue de Montpensier, ces règles n’affectent, en aucune manière, les conditions d’accès au service public de la justice et ne méconnaissent, ni le principe d’égalité devant la justice, ni l’objectif de bonne administration de la justice.

==> Conformité au droit européen

Au demeurant, une telle exigence est parfaitement conforme au droit européen et international. Si les normes européennes ou internationales visent à garantir les droits procéduraux fondamentaux de « toute personne », celles-ci ne font pas obstacle à ce que soient prévus, dans les législations internes, des cas de représentation obligatoire.

Ainsi, par une décision du 11 janvier 1995 (H. G. c/France, n° 24013/94), la Cour européenne des droits de l’Homme, après avoir rappelé sa jurisprudence constante aux termes de laquelle l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’Homme ne s’oppose pas à ce que les Parties Contractantes réglementent l’accès des justiciables aux tribunaux, pourvu que cette réglementation ait pour but d’assurer une bonne administration de la justice, a retenu que « l’obligation imposée aux justiciables qui se présentent devant certaines juridictions de se faire représenter par un professionnel du droit vise de toute évidence à assurer une bonne administration de la justice », pour déclarer irrecevable la requête d’un justiciable arguant de ce qu’il avait été contraint de constituer avocat en application notamment de l’article 751 du code de procédure civile.

B) Exceptions

En premier lieu, les avocats ne disposent d’aucun monopole de postulation devant le Tribunal de commerce, le Conseil de prud’hommes ou encore le Tribunal paritaire des baux ruraux.

En second lieu, lorsque le litige est pendant devant le Tribunal judiciaire ou devant la Cour d’appel, il est un certain nombre de cas où l’avocat est susceptible d’être concurrencé par d’autres personnes autorisées par la loi à représenter le justiciable en justice :

  • S’agissant du Tribunal judiciaire, il en va ainsi en matière commerciale, familiale ou encore publique.
  • S’agissant de la Cour d’appel, la représentation n’est pas obligatoire en matière familiale et administrative

B) Mise en oeuvre

Tableau récapitulatif des règles de représentation

II) La territorialité de la postulation

==> Principe

Selon l’article 5, al. 2, de la loi du 31 décembre 1971, les avocats « peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel ».

La règle ainsi énoncée pose le principe de la territorialité de la postulation. Celle-ci est réservée aux avocats du barreau établi près la Cour d’appel où le procès se déroule.

Ainsi, les avocats sont autorisés à postuler devant plusieurs Tribunaux judiciaires, dès lors qu’ils dépendent de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle est établie leur résidence professionnelle.

Dans le cas contraire, l’avocat ne peut pas postuler : il ne pourra que plaider, l’activité de plaidoirie ne faisant l’objet d’aucune restriction territoriale.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

Il peut être observé que l’avocat exerçant en bureau secondaire ne peut postuler que dans le ressort de la juridiction auprès de laquelle est implantée sa résidence professionnelle. Et, même sous le couvert d’un bureau secondaire, un avocat salarié ne peut postuler pour le compte de son employeur que dans le barreau de ce dernier.

==> Tempérament

L’article 5, al. 3 de la loi du 31 décembre 1971 pose une limite au monopole de la postulation de l’avocat dans le ressort de la Cour d’appel dans lequel sa résidence professionnelle est établie.

Ce texte dispose, en effet, que les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle

  • En matière de procédures de saisie immobilière
  • En matière de procédures de partage et de licitation
  • Lorsqu’ils interviennent au titre de l’aide juridictionnelle
  • Dans les affaires où ils ne sont pas avocats plaidants

Ainsi, dans ces quatre hypothèses, le monopole de postulation de l’avocat est limité au ressort du Tribunal judiciaire dans lequel il est établi et non plus au ressort de la Cour d’appel dont il dépend.

==> Exceptions

  • La multipostulation
    • L’exception à la règle posant une limitation territoriale au monopole de postulation de l’avocat procède du découpage du département de la Seine par la loi du 10 juillet 1964 et du morcellement qui s’en est suivi par décret du 16 octobre 1967 du tribunal de Paris entre les tribunaux judiciaire de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil.
    • Il en est résulté à l’article 5-1 de la loi du 31 décembre 1971 l’institution d’un système dit de « multipostulation » permettant aux avocats inscrits à l’un de ces barreaux de postuler devant chacune de ces juridictions.
    • Le texte précise que les avocats peuvent postuler
      • Auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux judiciaire de Paris, Bobigny et Créteil
      • Auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal de judiciaire de Nanterre.
  • Les sociétés d’exercice professionnel inter-barreaux
    • L’article 8 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit que l’association ou la société peut postuler auprès de l’ensemble des tribunaux judiciaire du ressort de cour d’appel dans lequel un de ses membres est établi et devant ladite cour d’appel par le ministère d’un avocat inscrit au barreau établi près l’un de ces tribunaux.
    • Cette disposition précise que l’association ou la société ne peut postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établi un de ses membres ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ce dernier ne serait pas maître de l’affaire chargé également d’assurer la plaidoirie.

III) La sanction de la méconnaissance des règles de postulation

L’irrégularité tenant à la méconnaissance des règles relatives à la postulation s’analyse en un défaut de capacité d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.

Comme telle, elle constitue une irrégularité de fond affectant l’acte au sens de l’article 117 du code de procédure civile, de sorte que la nullité qui est encourue ne nécessite pas la preuve d’un grief.

L’absence de signature de l’avocat postulant au pied de la requête affecte celle-ci d’une nullité de fond, la réalité de la postulation ne pouvant résulter des seules mentions figurant en tête de l’acte (Cass. 2e civ., 24 février 2005).

Il a également été jugé que lorsqu’un avocat a été constitué en première instance par une partie qu’il n’avait pas la capacité de représenter, la constitution d’un avoué en appel par cette même partie n’a pas pu avoir pour effet de régulariser la procédure de première instance (Cass. 2e civ., 23 octobre 2003 ; Cass. com., 19 juin 2007).

Enfin, si la deuxième chambre civile a jugé, en matière de saisie immobilière, que les enchères étant portées par ministère d’avocat, la méconnaissance de cette règle n’était sanctionnée par la nullité que si l’irrégularité avait eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties, c’est en faisant application de l’article 715 de l’ancien code de procédure civile qui prévoyait expressément que la formalité prévue par l’article 704 du même code n’était prescrite à peine de nullité que si l’irrégularité avait eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts des parties en cause (Cass. 2e civ., 16 décembre 2004).

La procédure de référé devant le Tribunal judiciaire: représentation des parties, instance, ordonnance et voies de recours

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

?Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

I) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Si, sous l’empire du droit antérieur, en matière de référé les parties disposaient de la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire représenter, la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié la règle.

Désormais, la procédure de référé est, s’agissant de la représentation des parties, alignée sur les mêmes règles que celles applicables dans le cadre de la procédure au fond.

Le principe est donc que la représentation est obligatoire. Par exception, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire représenter.

?La représentation obligatoire

L’article 760 du CPC prévoit que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

La représentation est ainsi, par principe, obligatoire devant le Tribunal judiciaire.

Cette représentation obligatoire relève, à cet égard, du monopole de postulation des avocats.

Il en résulte que les avocats ne sont autorisés à accomplir des actes de procédure que devant les tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

Pour les avocats extérieurs au ressort de la Cour d’appel, leur intervention ne pourra se limiter qu’à l’activité de plaidoirie.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

?La représentation facultative

Devant le Tribunal judiciaire, la représentation par avocat n’est facultative que par exception.

L’article 761 du CPC prévoit en ce sens que les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

Lorsque la représentation est facultative, l’article 762 du CPC dispose que les parties peuvent :

  • Soit se défendre elles-mêmes.
  • Soit se faire assister ou représenter par :
    • Un avocat ;
    • Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
    • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
  • L’article 761, al. 3 du CPC précise que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
  • Lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties disposent ainsi du choix d’assurer leur propre défense ou de désigner un mandataire.
  • Lorsqu’elles choisissent de se faire représenter, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

?L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

?Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal judiciaire, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure.

La teneur de ces mentions diffère selon que la représentation est obligatoire ou selon qu’elle est facultative

La représentation obligatoire

Mentions de droit commun
Art. 54A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 752• Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.
Art. 760• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

• La constitution de l'avocat emporte élection de domicile.
Art. 763Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation. Toutefois, si l'assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l'audience, il peut constituer avocat jusqu'à l'audience.
Art. 764• Dès qu'il est constitué, l'avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l'acte de constitution est remise au greffe.

• L'acte comporte, le cas échéant, l'accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

La représentation facultative

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56• L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 753• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France lorsqu'il réside à l'étranger.

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• L'acte introductif d'instance rappelle en outre les dispositions de l'article 832 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.
Art. 832• Sans préjudice des dispositions de l'article 68, la demande incidente tendant à l'octroi d'un délai de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l'appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l'audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

• L'auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s'il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 762• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes.

• Les parties peuvent se faire assister ou représenter par :

-un avocat ;
-leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
-leurs parents ou alliés en ligne directe ;
-leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
-les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

• Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

2. La constitution d’avocat

?Représentation obligatoire/représentation facultative

La constitution d’avocat n’est exigée, en matière de référé, que pour les cas où la représentation est obligatoire, ce qui, devant le Tribunal judiciaire est, en application de l’article 760 du CPC, le principe.

Pour mémoire, en vertu de l’article 761 du CPC, la représentation n’est facultative que lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

?L’obligation de constitution

L’article 760 du Code de procédure civile dispose que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire. »

L’article 763 précise que « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation. »

Le texte précise toutefois que « si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience. »

Par ailleurs, en application de l’article 760, al. 2e, « la constitution de l’avocat emporte élection de domicile », ce qui signifie que tous les actes de procédure dont le défendeur est destinataire devront être adressés à son avocat et non lui être communiqués à son adresse personnelle.

Lorsque la représentation est obligatoire ne peuvent se constituer que les avocats inscrits au barreau du ressort de la Cour d’appel compétente.

Dans certains cas (procédures de saisie immobilière, partage et de licitation, en matière d’aide juridictionnelle etc.), seuls les avocats inscrits au Barreau relevant du Tribunal judiciaire sont autorisés à se constituer.

?Le délai de constitution

  • Principe
    • Le défendeur dispose d’un délai de 15 jours pour constituer avocat à compter de la délivrance de l’assignation.
    • Ce délai est calculé selon les règles de computation des délais énoncées aux articles 640 et suivants du CPC.
  • Exceptions
    • Si l’assignation est délivrée au défendeur dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.
    • Lorsque le défendeur réside dans les DOM-TOM ou à l’étranger le délai de constitution d’avocat est d’augmenter d’un ou deux mois selon la situation (art. 643 et 644 CPC)
    • Lorsque l’assignation n’a pas été délivrée à personne, l’article 471 du CPC prévoit que « le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne. »

?La sanction du défaut de constitution

Le défaut de constitution d’avocat emporte des conséquences très graves pour le défendeur puisque cette situation s’apparente à un défaut de comparution.

Or aux termes de l’article 472 du CPC « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. »

La conséquence en est, selon l’article 54 que « faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ».

Dans cette hypothèse deux possibilités :

  • Soit le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
  • Soit le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

?Le formalisme de la constitution

  • Contenu de l’acte de constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que l’acte de constitution d’avocat indique
      • Si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
      • Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.
    • L’article 764, al. 2e ajoute que « l’acte comporte, le cas échéant, l’accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. »
  • Notification de la constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
    • En application de l’article 764 précise qu’une copie de l’acte de constitution doit être remise au greffe.
    • L’article 767 précise que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite soit dès leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine du tribunal, avec la remise de la copie de l’assignation.
    • En outre, cette dénonciation doit s’opérer soit par voie de RPVA soit en requérant les services des huissiers audienciers
    • En application de l’article 769 du CPC la remise au greffe de l’acte de constitution est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
  • Notification du greffe aux avocats constitués
    • L’article 773 du CPC prévoit qu’il appartient au greffe d’aviser aussitôt les avocats dont la constitution lui est connue du numéro d’inscription au répertoire général, des jour et heure fixés par le président du tribunal pour l’appel de l’affaire et de la chambre à laquelle celle-ci est distribuée.
    • Cet avis est donné aux avocats dont la constitution n’est pas encore connue, dès la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution.

3. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

?Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 754 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

?Règles spécifiques au Tribunal judiciaire

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

4. L’enrôlement de l’affaire

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

4.1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours.
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

4.2. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

4.3. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulé par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

3. La procédure sans audience

L’article 836-1 prévoit que « à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. Dans ce cas, il est fait application de l’article 828 et, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, de l’article 829. »

Il convient donc de distinguer selon que la représentation par avocat est obligatoire ou facultative :

  • La représentation par avocat est obligatoire
    • L’article 828 prévoit que, dans ce cas, les parties formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit. Le jugement est contradictoire.
    • Le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
  • La représentation par avocat est facultative
    • L’article 829 prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :
      • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
      • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
    • Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

4. Orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 836-2 du CPC prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues à l’article aux articles 774-1 à 774-4. »

Ce dispositif a été créé par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 aux fins de favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire.

Plus précisément, il permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’accompagner les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose.

L’article 774-2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ».

À cet égard, l’audience de règlement amiable se distingue des autres modes alternatifs de règlement des conflits en ce que le juge joue ici un rôle central.

Tandis que dans le cadre d’une transaction, d’une médiation ou d’une conciliation amiable, sa mission se cantonne bien souvent à homologuer l’accord conclu par les parties, dans le cadre de l’audience de règlement amiable c’est à lui qu’il revient de conduire la procédure en rappelant aux parties les grands principes de droit applicables au litige qui les oppose et en les accompagnant dans la recherche d’un compromis.

L’audience de règlement amiable est régie aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

À l’issue de l’audience de règlement amiable, le juge chargé de cette audience informe le juge saisi qu’il y est mis fin par soi-transmis.

Deux issues sont possibles :

  • Succès de l’audience de règlement amiable
    • En application de l’article 774-4 du CPC en cas d’accord trouvé par les parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, ces dernières peuvent décider de formaliser cet accord.
    • Il s’agit là toutefois d’une simple faculté.
    • Si elles choisissent d’exercer cette faculté, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où les parties parviendraient à un accord après la tenue de l’audience de règlement amiable, elles peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi.
    • Elles peuvent également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas de formalisation de leur accord par voie d’acte contresigné par avocats.
  • Échec de l’audience de règlement amiable
    • Le juge en charge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment s’il estime que les conditions de la recherche d’un accord amiable ne sont plus réunies.
    • Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire qui ne requiert aucune motivation particulière et qui, surtout, est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

Compte tenu de ce que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance principale, pour que cette instance puisse reprendre son cours à l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties devront accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens ou par citation (art. 373 CPC).

À défaut, le juge saisi informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable devra convoquer les parties à une audience afin :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens ou citation
  • Soit radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti aux parties

L’article 392 du CPC prévoit que « lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »

En tout état de cause, il revient au juge saisi de, soit mettre fin à l’instance, soit poursuivre la mise en état de l’affaire.

Deux situations sont alors envisageables :

  • Les parties sont parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi constatera le désistement des parties ainsi que l’extinction de l’instance.
  • Les parties ne sont pas parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi sera informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable et devra en tirer toutes les conséquences sur l’orientation de l’instance dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • Dans le cadre de cette audience il pourra :
      • Soit constater le désistement des parties ou radier l’affaire faute pour les parties de comparaître ou si elles le lui demandent
      • Soit réintroduire l’affaire dans le circuit procédural normal au stade où l’instance avait été interrompue, étant précisé qu’en cas d’accord partiel intervenu entre les parties, il ne sera statué par la juridiction de jugement que sur les prétentions résiduelles de ces dernières.

5. Renvoi de l’affaire au fond

?Le renvoi de l’affaire

L’article 837, al. 1er du CPC dispose « à la demande de l’une des parties et si l’urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

Par ailleurs, l’article 837, al. 2 in fine précise que « lorsque le président de la juridiction a ordonné la réassignation du défendeur non comparant, ce dernier est convoqué par acte d’huissier de justice à l’initiative du demandeur. »

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

?Le jugement au fond de l’affaire

L’alinéa 2 de l’article 837 du CPC précise que lorsque la représentation est obligatoire, il y a lieu de faire application d’un certain nombre de règles empruntées à la procédure à jour fixe :

  • D’une part, le défendeur est tenu de constituer avocat avant l’audience (art. 842 CPC)
  • D’autre part, le juge auquel l’affaire est renvoyée dispose de trois options :
    • Première option
      • S’il considère que l’affaire est en état d’être jugée, le juge peut décider qu’elle sera plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales.
    • Deuxième option
      • En application de l’article 779 du CPC, le président peut décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui, à une date d’audience qu’il fixe, pour conférer une dernière fois de l’affaire s’il estime qu’un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces suffit à mettre l’affaire en état ou que les conclusions des parties doivent être mises en conformité avec les dispositions de l’article 768.
    • Troisième option
      • Le juge peut considérer que l’affaire n’est pas en état d’être jugée raison pour laquelle il y a lieu de la renvoyer devant le juge de la mise en état aux fins d’instruction
      • Dans cette hypothèse, l’affaire sera ainsi redirigée vers la voie du circuit long.
      • Elle sera donc instruite selon les règles énoncées aux articles 780 à 797 du CPC.

II) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

?Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

?Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

?Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

?L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

?L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

?La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

?Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

De l’irrecevabilité de la tierce opposition formée par le Commissaire à l’exécution du plan à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan (Cass. Com. 29 nov. 2017)

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation précise le régime juridique des voies de recours ouvertes à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

==> Faits

Une société est placée en redressement judiciaire par jugement du 18 novembre 2002.

Alors que le 6 septembre 2004 elle avait bénéficié de l’arrêt d’un plan, elle est assignée en redressement judiciaire par l’URSSAF

==> Demande

Le commissaire à l’exécution du plan forme une tierce opposition au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

==> Procédure

Par un arrêt du 31 mars 2016, la Cour d’appel de Pau déclare la tierce opposition formée par le commissaire à l’exécution du plan.

Les juges du fond constatent que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance.

Ils en déduisent que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable.

==> Solution

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.

Elle justifie sa décision en relevant :

  • d’une part, que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan.
  • d’autre part, que toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci.

Fort de ce constat, la chambre commerciale en conclut que le commissaire à l’exécution était bien irrecevable à en former tierce opposition.

==> Analyse

Pour mémoire, l’article L. 626-27, I du Code de commerce prévoit que la résolution du plan peut intervenir dans deux hypothèses :

  • Soit en cas d’inexécution des engagements pris par le débiteur
    • Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
  • Soit en cas de survenance d’un état de cessation des paiements
    • Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Tandis que la première cause de résolution du plan est facultative, en ce sens que le juge n’est pas tenu par le constat de l’inexécution des engagements du débiteur, la cessation des paiements entraîne, à l’inverse, de plein droit, la résolution du plan.

Le litige soumis à la Cour de cassation en l’espèce portait sur cette seconde cause de résolution du plan.

Plus précisément, la question se posait de savoir si le Commissaire à l’exécution du plan était recevable à former tierce opposition au jugement prononçant la résolution.

Plusieurs règles sont applicables au prononcé de ce jugement :

  • Contenu du jugement
    • Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du troisième alinéa du I de l’article L. 626-27, il ouvre, dans le même jugement, une procédure, selon le cas, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur.
  • Notification du jugement
    • Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcé aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l’exception du ministère public.
    • Il est communiqué aux personnes mentionnées à l’article R. 621-7, soit
      • Aux mandataires de justice désignés ;
      • Au procureur de la République ;
      • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.
  • Publicité
    • Le jugement qui décide la résolution du plan fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 621-8.
    • Le greffier doit ainsi informer la personne chargée de réaliser l’inventaire de sa désignation par tout moyen.
  • Voies de recours
    • Initialement, les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises relatives aux voies de recours en matière de sauvegarde ne visaient pas expressément le jugement prononçant la résolution du plan.
    • Toutefois, dans la mesure où la résolution du plan impliquait nécessairement l’ouverture d’une procédure collective, il suffisait de transposer au jugement de résolution, le régime des voies de recours applicable au jugement d’ouverture.
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté est venue combler ce vide en introduisant un 8° à l’article L. 661-1, dans le Code de commerce.
    • Cette disposition dispose que « sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation […] les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public. »
    • L’article L. 661-1, 8° désigne comme personnes ayant qualité à agir notamment
      • Le débiteur
      • Le Commissaire à l’exécution du plan
      • Le Comité d’entreprise
      • À défaut de CE, les représentants du personnel
      • Le créancier poursuivant
      • Le ministère civil
    • Ainsi, contrairement à ce qui avait été décidé par la Cour d’appel de Pau, le Commissaire à l’exécution du plan avait bien qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan.
    • Quant à la tierce opposition, conformément à l’article L. 661-3 du Code de commerce, elle est seulement ouverte en cas de décision arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan.
    • À l’inverse, l’alinéa 3 de cette disposition précise qu’il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.
    • En l’espèce, le Commissaire au plan ayant qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan, la voie de la tierce opposition lui était en toute hypothèse fermée.
    • La solution adoptée par la Cour de cassation doit, en conséquence, être approuvée.

Cass. com. 29 nov. 2017
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-27, L. 661-1, 8° et L. 661-3, alinéa 2 , du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan ; qu’en application du deuxième, toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci ; que le commissaire à l’exécution est irrecevable à en former tierce opposition ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Eléments, mise en redressement judiciaire le 18 novembre 2002, a bénéficié d’un plan arrêté le 6 septembre 2004, M. X... étant désigné commissaire à l’exécution du plan, ultérieurement remplacé par la société Y... (le commissaire à l’exécution du plan) ; que le tribunal, sur assignation de l’URSSAF Midi-Pyrénées, a ouvert le redressement judiciaire de la société Eléments ; que le commissaire à l’exécution du plan a formé tierce-opposition à ce jugement ;

Attendu que, pour déclarer la tierce opposition du commissaire à l’exécution du plan recevable, l’arrêt relève que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance, et en déduit que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré à la partie en demande ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

TEXTES

Code de commerce

Article L. 626-27

I ? En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l’exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l’exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

II ? Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public.

III. ? Après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l’état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. Bénéficient également de la dispense de déclaration, les créances portées à la connaissance de l’une des personnes mentionnées au IV de l’article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte.

Article L. 661-1

I.-Sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation :

1° Les décisions statuant sur l’ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;

2° Les décisions statuant sur l’ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

3° Les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public ;

4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;

5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d’une période d’observation de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

6° Les décisions statuant sur l’arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

6° bis Les décisions statuant sur la désignation d’un mandataire prévue au 1° de l’article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l’article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;

7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.

II.-L’appel du ministère public est suspensif, à l’exception de celui portant sur les décisions statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

III.-En l’absence de comité d’entreprise ou de délégué du personnel, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article.

Article L. 661-3

Les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan sont susceptibles de tierce opposition.

Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d’appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.

Il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.