Le cas pratique : conseils méthodologiques

« Ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal c’est de l’appliquer bien »[1].

Leçon :

En comparaison avec le commentaire de texte (décision de justice ou énoncé législatif. voy. l’article “Le commentaire de texte : conseils méthodologiques”) et la dissertation juridique, le cas pratique est un exercice peu redouté par les étudiants. Pourtant, il est redoutable. Il y aurait maintes raisons à exposer. Je n’en soulignerai qu’une : sa résolution exige d’être doué de capacités d’analyse et d’avoir quelques aptitudes à la synthèse. Comprenez bien que c’est très certainement un exercice de décomposition (analyse), mais c’est aussi, par certains de ses aspects, un exercice de composition (synthèse). En somme, les étudiants qui peinent à commenter un arrêt ou à rédiger une dissertation commettent des impairs dans la résolution d’un cas pratique. Tantôt, la qualification juridique des faits est douteuse. Tantôt les règles de droit sont malmenées : parfois elles sont en nombre insuffisant, d’autres fois, elles sont en surabondance. Tantôt la présentation de l’un et de l’autre est expédiée. Dans tous les cas, la résolution est sujette à de nombreuses critiques.

L’étudiant est bien souvent étonné par la capacité de ses aînés et/ou de ses maîtres (professeurs qu’ils soient théoriciens et/ou praticiens) à solutionner un cas pratique. Il n’y a pourtant pas lieu de l’être, à tout le moins pas toujours. Motulsky, que vous seriez avisés de (re)lire, a décrit la démarche intellectuelle du juriste chargé de la réalisation du droit[2]. Voici en substance son enseignement.

Animé d’une réaction première en face des problèmes dont il se trouve saisi, le juriste averti est envahi d’une vue générale des choses, laquelle lui permet d’arrêter un premier jugement. C’est ce que Mostulsky nomme le « syncrétisme juridique ». Ensuite, il tente d’identifier plus avant la règle possible (c’est l’hypothèse). Enfin, il s’assure que les faits de l’espèce coïncident avec le texte en question (c’est la vérification de l’hypothèse) ; il arrête en d’autres termes la règle applicable. Pour l’auteur, la phase première se réduit à « une première vue…générale, compréhensive, mais obscure (et peut-être) inexacte, où il n’y a, tout au plus que divination et pressentiment »[3]. Il importe donc de vérifier méticuleusement la pertinence technique de son intuition, laquelle intuition est d’autant plus heureuse que la culture juridique du rédacteur est grande. En bref : l’apprentissage des leçons de droit des obligations est absolument nécessaire…mais certainement pas suffisant.

Dit autrement : il est proprement illusoire de penser résoudre valablement un cas pratique s’en rien entendre des enseignements dispensés par le chargé de cours et complétés (nécessairement) par des lectures (nombreuses et fondamentales).

Il est tout aussi vain de s’aventurer à présenter l’état de sa réflexion sans ordre. Il importe, en toute circonstance, de « conduire par ordres [ses pensées], en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusques à la connaissance des plus composées (…) »[4]. N’oubliez pas que la résolution d’un cas pratique doit être explicitée avec la plus grande clarté. Je vous exhorte donc à présenter vos réponses dans un plan (d’exposition systématique). Ne vous méprenez pas : il ne saurait s’agir d’élaborer un plan bipartite. Pratiquez autant de parties que vous aurez identifié de problèmes juridiques pertinents. Quant aux intitulés desdites parties, votre chargé de travaux dirigés vous aidera à les formuler. Disons qu’on peut s’accorder quelques latitudes.

À titre personnel, j’utilise la formule usitée en pratique suivante : « Sur tel ou tel problème ». Exemple qui vous est familier : « 1.- Sur la demande en réparation du dommage moral de la victime » ; «  2.- Sur l’action en responsabilité dirigée contre le commettant, etc.

Il reste la question débattue de l’introduction. Considérez que si les faits de l’espèce ne font l’objet d’aucune discussion, et s’ils sont connus de toutes les parties intéressées, ne les reprenez pas. Rédacteur et lecteur ont des intérêts qui convergent : le premier fera l’économie de la paraphrase ; le second aura tout le loisir de sanctionner l’essentiel. Tous gagneront du temps. Dites, autant que de besoin, que l’énoncé des faits se suffit à lui-même. N’omettez toutefois pas de présenter les problèmes juridiques relevés en l’espèce ni d’exposer la méthode que vous suivrez pour les résoudre. C’est là l’important en définitive.

On le répétera jamais assez. La résolution d’un cas pratique ne consiste pas à faire de la dissertation. Un style un tantinet télégraphique ne déplaira pas : sujet, verbe, complément. Les transitions entre les réponses abordées ne sont d’aucune utilité. Quant au plan, tout vous a été dit. Autant de parties que de problèmes. 5 problèmes de droit repérés : 5 parties.

Avant de vous donner quelques recommandations, vous devez avoir une idée de la manière dont le sujet est très souvent préparé et la notation élaborée. Plus particulièrement en L1 et L2, votre professeur imagine sur quel point de droit il souhaite vérifier votre connaissance des règles de droit et de leur économie générale. Chose faite, il rédige le cas. C’est la raison pour laquelle la compréhension des faits est en général assez simple et le repérage des faits que le droit appréhende peu compliqué…à tout le moins pour celles et ceux qui se sont donnés la peine de monter en connaissances (fond) et en compétences (méthode) – ce qui demande beaucoup, il faut le reconnaître. En bref, lorsque, à la lecture des faits, vous ne voyez pas quoi dire en droit, c’est que les apprentissages doivent être continués et renforcés.

Prenons un exemple. Vous êtes inscrits en L2 droit. Votre professeur vous indique qu’un accident est survenu aux alentours de la faculté. Formulé ainsi, le sujet serait bien difficile à traiter dans le temps imparti. En pratique, il vous importerait de poser quelques questions, car les systèmes de solution(s) (pré-conçus) et possiblement applicables sont relativement nombreux dans le cas particulier. Vous ne pourriez rien faire du tout sans les connaître. C’est du reste à l’aune de vos connaissances que, petit à petit, question posée après question, vous seriez en mesure d’écarter tel ou tel système (ou régime juridique) pour, en définitive, opter pour le ou les système(s) de règles idoines (à noter qu’un cumul d’actions tout à fait possible).

Ayez encore à l’esprit que votre professeur affecte en général des points aux réponses attendues. Si vous ratez une hypothèse de travail, aussitôt votre note est amputée de x points. Par voie de conséquence, la moyenne est abaissée.

Il vous importe donc d’être vif et logique.

Comme je vous l’ai indiqué plus haut, un rappel des faits en guise d’introduction n’est d’aucune utilité. Il ne serait que répétition. Seule la présentation des problèmes de droit pertinents importe. Il y a une autre bonne raison à cela. C’est que vous devrez partir des faits de l’espère à chaque reprise. Il ne saurait en être autrement. Votre job est de plaquer des règles juridiques sur des situations factuelles. Il importe donc de dire les faits puis le droit applicable au cas particulier. Mais pas tout le droit : seules les règles dont l’évocation est de nature à résoudre le conflit de droits/intérêts/libertés. Notez bien que la résolution d’un cas pratique n’est pas une leçon sur tel ou tel droit ou bien encore une exposé. Délayer ne vous apportera rien. Vous ne tromperez pas votre lecteur 🙂


[1] R. Descartes, Discours de la méthode, GF-Flammarion, p. 23 (Première partie).

[2] H. Motulsky, Les principes d’une réalisation méthodique du droit privé, préf. P. Roublier, Dalloz réédition, 2002, pp. 47 et s.).

[3] Ibid.

[4] R. Descartes, Discours de la méthode, op. cit., pp. 39, 40 (Seconde partie).

La note de synthèse : conseils méthodologiques

Antienne : « chi va piano, va sano e va lontano »

Qui est en mesure de voir les choses de haut et à embrasser un ensemble de données est doué d’un esprit de synthèse. L’aptitude à la composition est jugée dans les tous les examens professionnels et concours qui recrutent pour des postes de responsabilité.

La synthèse s’applique à tout type de documents (ouvrages, articles de doctrine, notes de jurisprudence, textes de loi, décisions de justice, not.), à l’exception notable des notes de cours. Synthétiser ces dernières notes, c’est amputer par trop la substance de la leçon de droit. En vérité, seules les lectures complémentaires au cours magistral doivent être synthétisées. N’inversez pas l’ordre des facteurs. Mais vous le savez bien.

La note de synthèse est une épreuve redoutable et redoutée. Pourtant, il s’agit d’une épreuve qui n’exige aucune connaissance spécifique, mais seulement une méthode. Comprenez bien que c’est un exercice contraint fait de figures imposées (https://www.enm.justice.fr/devenir-magistrat/preparer-les-concours/ressources-utiles)

« La note de synthèse ne s’analyse ni en une critique des documents constituant le dossier, ni en une expression de l’avis du candidat sur le thème auquel ceux-ci se rapportent. Elle doit présenter, objectivement et intelligemment, en considération de ce thème, la teneur desdits documents. Il est de l’essence de la note de synthèse que ceux-ci soient variés, tels des décisions de justice, des articles de doctrine juridique, des textes normatifs, des articles de presse, des extraits d’ouvrage divers à caractère littéraire, scientifique, politique, social, économique, historique, voire des dessins, étant observé que cette énumération, purement indicative, ne peut être regardée comme constitutive d’un « dossier type ».

Pour une épreuve d’une durée de 5 heures, le dossier comprend habituellement 25 documents environ dont le volume total est de l’ordre de 40 pages, ces données chiffrées ne constituant pas des limites impératives.

Il incombe au candidat d’exprimer, non son savoir juridique, mais, exclusivement, sa capacité à analyser et à synthétiser un dossier, caractérisée par l’aptitude à faire un choix éclairé parmi les informations contenues dans les documents y figurant, étant observé que ceux doivent, tous, être utilisés.

La provenance de chaque information doit être clairement déterminée à tout le moins par l’identification du document qui la contient au moyen de la mention, entre parenthèses ou non, de sa numérotation au sein du dossier. La référence à plusieurs documents dans une même mention ne se justifie que par l’unicité de l’analyse développée, à moins qu’il ne s’agisse d’étudier plusieurs aspects, judicieusement regroupés, d’un même concept.

Tout contresens juridique ne peut être que sévèrement sanctionné.

La qualité rédactionnelle du compte rendu est évidemment prise en compte dans l’appréciation de la valeur de celui-ci. Aussi, les déficiences orthographiques et syntaxiques, les impropriétés de termes, l’inélégance du style affectent-elles la note. L’exigence de lisibilité de la copie est essentielle. La lecture de celle-ci ne constitue pas un exercice de décryptage. Tout obstacle à la lisibilité (calligraphie absconse, ratures, surcharges, ponctuation inadéquate) appelle une sanction qui peut conduire, en présence d’un obstacle majeur, à l’attribution d’une note proche de zéro.

Le discours doit être impersonnel (l’emploi des pronoms « je » et « nous » est prohibé).

La citation exacte du texte d’un document, nécessairement courte et apparente, est exceptionnelle.

L’introduction est indispensable. D’une longueur d’environ une demi-page, elle s’appuie exclusivement sur les documents figurant au dossier pour présenter et délimiter le thème, avant d’annoncer le plan selon lequel il sera rendu compte de la teneur de ceux-ci.

Les développements doivent être organisés. Il est, sinon impérativement demandé, à tout le moins communément admis, que le plan soit divisé en deux parties, lesquelles sont divisées, chacune, en deux sous-parties.

La division retenue doit apparaître clairement.

Si les transitions entre les parties, voire entre les sous-parties, comme les chapeaux introductifs à celles-ci, sont admis, ils ne sont pas indispensables, pourvu que lesdites parties et sous-parties soient alors annoncées par des titres à la fois suffisamment explicites et conformes à l’exigence de neutralité.

L’aptitude à la concision peut ainsi trouver à s’exprimer dans des titres destinés à retenir l’attention du lecteur et à l’inviter à poursuivre sa lecture.

Les titres et sous-titres ne dispensent pas le candidat de faire œuvre rédactionnelle. Aussi, la pratique dite du plan détaillé est-elle à proscrire.

Les parties, comme les sous-parties, doivent être équilibrées.

La longueur du compte-rendu idéal est d’environ quatre pages, soit la copie double mise à la disposition des candidats et le recto d’un intercalaire.

La conclusion est inutile, la dernière phrase des développements devant être conçue selon le mode conclusif. »

V. égal. M. Deyra, L’essentiel de la note de synthèse, 9ème éd., Lextenso-Gualino, 2017 ; G. Goubeaux et Ph. Bihr, Les épreuves écrites en droit civil, 12ème éd., L.G.D.J., 2013 – Les méthodes du droit, 2013 ; C. Watin-Drouin, La note de synthèse, Méthode appliquée et expliquée, (examen d’entrée au Centre régional de formation professionnelle des avocats), Gazette du Palais (Lextenso éditions), 2011*.

Le commentaire de texte : conseils méthodologiques

Toute démonstration, toute recherche de vérité consiste ou bien dans une analyse ou bien dans une synthèse. « La manière de démontrer est double. L’une se fait par l’analyse, ou résolution, et l’autre par la synthèse, ou composition »[1] .

Un commentaire est l’ensemble des explications, des remarques à propos d’un texte (Le petit Robert). Le commentaire est un travail d’analyse, non pas de synthèse (dissertation ou composition).

L’analyse est l’action de décomposer un tout en ses éléments constituants. Il s’agit de diviser chacune des difficultés examinées en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour mieux résoudre[2].

En droit, l’analyse se fait par voie de commentaire de lois, d’arrêts, de doctrine.

« Le besoin d’analyse vient des limites des règles de droit. Les lois sont incapables d’apporter une réponse immédiate et sûre à tous les problèmes qu’on se pose, parce qu’elles sont peu explicites et ne peuvent tout prévoir. La confrontation des règles avec le vécu est à l’origine d’innombrables questions qui ne peuvent trouver de réponse que par l’analyse, soit de la règle, soit du vécu, soit des deux. Elle est un pont entre la règle et le vécu »[3].

Le commentaire est fort utile pour le praticien et le justiciable. Il explicite la loi nouvelle promulguée, l’arrêt nouveau rendu (voy. l’art. “Le commentaire d’arrêt : conseils méthodologiques”).

Il importe que l’étudiant en droit s’y exerce, plus encore lorsqu’il est en master, car, dans quelques mois, c’est tout seul qu’il lui importera de procéder.

Le commentaire d’un texte n’est pas le fruit de l’imagination fertile du commentateur ou de sa fantaisie. L’analyse est imposée et dictée par le texte sous étude.

Le texte commenté est bien souvent présenté isolément, en dehors de son contexte. Aussi, avant d’analyser le texte, il convient de le replacer dans son contexte.


1.- Contexte

Le contexte des mots (d’un article) est matériel et fonctionnel.

Contexte matériel. Il importe d’identifier la nature des mots analysés eu égard à leur source. Il faut s’interroger sur la question de savoir si les termes employés sont les mots du parlement (loi ou article de loi) ou les mots du gouvernement (décret ou article d’un décret ; ordonnance ou article d’une ordonnance) voire les mots d’un organe spécialisé (Cour de cassation, rapport ; autorité administrative indépendante, rapport ; etc.) – si l’on raisonne en droit interne –. En bref, il convient d’identifier l’auteur du texte normatif.

À noter que la fonction prime sur l’individu (ex. la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui a été prise en réaction contre une décision de la Cour de cassation (Cass. 17 nov. 2000, Perruche), est qualifiée de « loi Kouchner ». C’est trompeur, bien que pas complément anodin (…).

La chose est facilitée. L’identification de la nature juridique des articles d’un code se fait par une ou plusieurs lettres de référence placées avant le numéro. Ce sera LO pour une loi organique (v. par ex. les art. LO 111-3 et s. C. sécu. soc.), L pour une loi ordinaire, R pour les décrets pris en Conseil d’État, D. pour les décrets simples (i.e. ne nécessitant ni consultation du Conseil d’ État tat, ni délibération en conseil des ministres) et A. pour les arrêtés[4]. N’omettez pas de tirer les conséquences de ces observations sur la compétence du « normateur », en contemplation de la répartition des pouvoirs organisée aux articles 34 et 37 de la Constitution du 4 octobre 1958 (in Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement).

Chose faite, il importe de prendre formellement connaissance de la table d’exposition systématique du code dans lequel le texte est inséré – si le texte considéré est codifié – ou de la place du texte soumis à analyse dans la loi (comprise au sens matérielle) qui le contient. Car, si l’article est l’unité de base de la division des textes, à tout le moins en France, il existe des regroupements de rang supérieur (titres, chapitres, sections), qui circonscrivent le domaine de l’article considéré (contexte matériel vertical). Et ce n’est pas tout. La compréhension du texte est étroitement dépendante de son insertion dans un environnement normatif. Il convient alors de prendre connaissance des dispositions qui précédent l’article commenté et celles qui suivent (contexte matériel horizontal).

Une fois cette appréhension liminaire du texte soumis à examen faite, il convient de s’interroger sur le contexte fonctionnel de l’article considéré.

Contexte fonctionnel. L’intention de légiférer – entendu lato sensu – présuppose l’existence d’un problème. En saisir ses causes et ses caractéristiques participe de la démarche méthodique. La nécessité de légiférer est étroitement dépendante de cette étape analytique. Autrement dit, il s’agit de s’interroger sur la ratio legis du texte (v. pour un commentaire d’arrêt : la ratio decidendi). Il faut rechercher sa raison d’être. Pour ce faire, il importe de prendre en compte le contexte historique, juridique, politique et sociologique du texte analysé. Et toute considération contextuelle doit être assortie d’un enseignement. Il importe également de rechercher les intérêts du texte : « pourquoi on en parle ? »

2.- Texte

Formellement, le texte est un article composé d’un ou de plusieurs alinéas. On considère qu’il y a changement d’alinéa chaque fois qu’un élément de texte commence à la ligne, précédé ou non d’un signe tel que tiret, point ou numérotation. Le nombre d’alinéas est donc simple à compter. Une fois encore, le commentaire n’est pas un exercice de synthèse, mais une analyse. Le texte commenté doit être décomposé en autant de parties qu’il en contient. Trois alinéas dans le texte ? Trois parties (a priori). Plusieurs phrases dans l’alinéa considéré, plusieurs sous-parties. Plusieurs propositions dans la phrase, plusieurs parties. Plusieurs mots importants dans la proposition. Plusieurs parties. En un mot « il faut se plier au texte »[5]. Notez que l’on doit pouvoir parfois regrouper les alinéas…

La construction du texte doit retenir l’attention. Elle n’est pas une donnée brute. Elle repose bien souvent sur des critères hétérogènes : typographiques, grammaticaux et logiques.

La typographie invite à prendre en compte le nombre de retours à la ligne. On écrit que le nombre de paragraphes est souvent un indice du découpage du contenu. Lorsqu’il y en a très peu, ce petit nombre peut refléter une concentration de la matière traitée en quelques points forts clairement distincts. Si, au contraire, la composition est moins concentrée, il faut être attentif aux enchaînements[6].

La grammaire qui nous occupe est la construction syntaxique proprement dite. C’est aussi la grammaire normative.

La syntaxe est la partie de la grammaire traditionnelle qui étudie les relations entre les mots constituant une proposition ou une phrase, leurs combinaisons, et les règles qui président à ces relations, à ces combinaisons. En principe, un texte est balisé par des conjonctions de coordination, des adverbes d’opposition ou d’enchaînement. Il faut les repérer ; ils matérialisent le fil du texte.

L’énoncé de la règle légale porte, dans sa structure, les marques de la fonction législative ou normative. Il faut bien voir que le texte de loi est « un modèle de discours »[7]. Un texte de loi renferme des marques linguistiques de souveraineté : des verbes explicites qui expriment la contrainte (devoir, obliger, falloir, pouvoir, défendre, interdire, prohiber, etc.), et/ou un faisceau de verbes qui expriment le droit (permettre, avoir droit, choisir, etc.). Il faut encore noter l’existence de conventions de langage. L’emploi de l’indicatif présent dans l’énoncé de la règle légale, généralisé, exprime le droit et marque l’obligation. En législation, l’indicatif vaut impératif. Un exemple. L’article 12 du code procédure civile dispose “Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables”. Question : doit-on comprendre que le juge doit trancher (impératif) ou bien est ce qu’il peut trancher (facultatif) conformément auxdites règles ? Eh bien, en droit, il n’a aucune latitude. Le texte ne souffre pas la discussion. Un initié le saura, pas un profane. On compte encore, au titre des conventions de langage, la référence implicite à l’émetteur dans l’énoncé législatif. « Toutes les dispositions écrites dans la loi émanent de l’organe législatif. Elles ont toutes un seul et même auteur, le législateur. C’est à sa volonté que, d’emblée, citoyens et interprètes rapportent la règle »[8].

Un texte renferme ce que le Doyen Cornu nomme des marques linguistiques de généralité. Ce sont des termes indéfinis qui mettent la généralité en pleine évidence : « tout », « chacun », « nul », aucun », « quiconque », « autrui », etc.).

La construction logique doit enfin être mise au jour. Songez bien que les relations entre les propositions, lorsqu’elles ont la plus grande rigueur, sont de nature déductive.

Le contexte alimentera l’introduction. Le texte alimentera les développements.

Nota bene

Toute définition (analyse sémantique d’un mot par l’indication de son genre prochain et de ses traits spécifiques, et/ou par sa mise en relation avec un ou plusieurs autres mots du discours ou de la langue) poursuit un double but. Elle doit permettre, d’une part, de décrire la chose en soi et, d’autre part, de distinguer cette chose d’autres choses avec laquelle elle pourrait être confondue. C’est la distinction du contenu et du contenant. Le contenant définit la chose par ses contours, de l’extérieur, et fixe ainsi la frontière avec les notions voisines. Le contenu la définit en soi, de l’intérieur.

En droit, le travail de définition commande une double démarche : il faut d’abord chercher à définir la chose en soi et ensuite la distinguer de notions voisines. Apparaît alors une définition claire et distincte.

Le droit n’appréhende pas les choses directement, dans leur individualité, mais indirectement au travers de catégories. Le droit classe tout. À chaque catégorie est affecté un régime juridique. D’où le couple nature-régime. C’est la nature d’une chose qui dicte son régime. Rechercher la nature d’une chose consiste à déterminer la catégorie connue dont elle relève. C’est un travail d’analyse qu’on appelle la qualification. C’est un travail qu’il vous faut entreprendre.

3.- Illustration

Jean Carbonnier, Droit civil, tome 3, Les biens, P.U.F., coll. Thémis (lecture recommandée)

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »

« Le C.C., dans son a. 544, a donné de la propriété une définition célèbre qui mérite d’être commentée de près, à la façon analytique dont les glossateurs et les post-glossateurs étudièrent certains textes du Digeste. Il y a dans la formule légale deux parties : la notion même du droit de propriété et (la césure étant placée juste avant « pourvu que ») les restrictions à ce droit.

Plan :

1/ Le droit de propriété

La propriété(a) est le droit(b) de(c) jouir(d) et disposer(e) des choses(f) de la manière(g) la plus(h) absolue(i).

2/ Les restrictions au droit de propriété

Pourvu(j) qu’on n’en fasse pas(k) un usage(l) prohibé(m) par les lois(n) ou par les règlements(o). »


[1] Descartes, Méditations métaphysiques, GF-Flammarion, 1979, p. 253 cité par F. Grua, Méthode des études du droit, Dalloz, 2006, 1ère éd., p. 37.

[2] Descartes, Discours de la méthode, 2nde partie, GF-Flammarion, 1992, p. 40.

[3] F. Grua in Méthode des études du droit, op. cit., p. 40.

[4] Conseil d’Etat, Secrétariat du gouvernement, Guide de légistique, La documentation française, 3ème éd., 2017

https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Guide-de-legistique2

[5] F. Grua, Méthode des études du droit, op. cit.

[6] J.-L. Sourioux et P. Lerat, L’analyse de texte, 5ème éd., Dalloz, 2004, p. 13.

[7] G. Cornu, Linguistique juridique, 3ème éd., Montchrestien, 2005, n° 65.

[8] G. Cornu, Linguistique juridique, op. cit., n° 67, p. 269.

Le commentaire d’arrêt : conseils méthodologiques

1.- Le commentaire en général

Toute démonstration, toute recherche de vérité consiste ou bien dans une analyse ou bien dans une synthèse. « La manière de démontrer est double. L’une se fait par l’analyse, ou résolution, et l’autre par la synthèse, ou composition »[1] .

Un commentaire est l’ensemble des explications, des remarques à propos d’un texte (Le petit Robert). Le commentaire est un travail d’analyse, de décomposition (tandis que la dissertation est un travail de synthèse, de composition).

L’analyse est l’action de décomposer un tout en ses éléments constituants. Il s’agit de diviser chacune des difficultés examinées en autant de parcelles qu’il se pourrait, et qu’il serait requis pour mieux résoudre [2].

En droit, l’analyse se fait par voie de commentaire de lois, d’arrêts, de doctrine.

« Le besoin d’analyse vient des limites des règles de droit. Les lois sont incapables d’apporter une réponse immédiate et sûre à tous les problèmes qu’on se pose, parce qu’elles sont peu explicites et ne peuvent tout prévoir. La confrontation des règles avec le vécu est à l’origine d’innombrables questions qui ne peuvent trouver de réponse que par l’analyse, soit de la règle, soit du vécu, soit des deux. Elle est un pont entre la règle et le vécu »[3].

Le commentaire est fort utile pour le praticien et le justiciable. Il explicite la loi nouvelle qui a été promulguée, l’arrêt nouveau qui a été rendu.

Il importe que l’étudiant en droit s’y exerce. Le moment arrivera vite où ce dernier se retrouvera tout seul pour lire voire dire le droit.

Le commentaire d’un texte n’est pas le fruit de l’imagination fertile du commentateur ou de sa fantaisie. Il ne faut jamais perdre de vue que l’analyse est imposée et dictée par le texte sous étude.

Le texte commenté est bien souvent présenté isolément. Avant d’analyser le texte, il convient donc de le replacer dans son contexte. C’est l’objet de ce qu’on appelle volontiers la fiche de jurisprudence.

Il faut bien se souvenir que la motivation des arrêts de la Cour de cassation n’est pas réductible à celle des jugements et arrêts rendus par les du fond. Juges de première instance et conseillers d’appel doivent impérativement motiver leurs décisions dans le dessein (entre autres raisons) de permettre à la Cour de cassation d’exercer, en cas de saisine, un contrôle de légalité (ou de normativité) (art. 604 c. pr. civ.). En l’état du droit positif, l’exigence de motivation est moindre pour la Cour régulatrice. C’est fâcheux au passage parce que « le défaut de justification des arrêts (…) encourage la processivité : moins on est apte à maîtriser la ratio decidendi, et donc à présenter les grandes articulations d’une question, plus les plaideurs sont incités à tenter leur chance »[4]. Ce n’est pas à dire toutefois que la Cour de cassation ne cherche pas ici et là à enrichir sa motivation[5] (voy. not. sur ce sujet l’art. “Le secret de la délibération”, https://aurelienbamde.com/2019/05/13/le-secret-de-la-deliberation).

En bref, c’est la raison pour laquelle l’analyse des arrêts de la Cour de cassation est déterminante ! L’exercice est exigeant. Sa maîtrise est de première importance. Il échoit à tout un chacun de s’entraîner encore et encore. Un juriste ne saurait commettre d’erreur sur le sens, la valeur et la portée d’une décision de justice.

2.- L’analyse de l’arrêt en particulier

On peut dire pour se rassurer que le commentaire consiste tout simplement à partir de ce qui est dit par le locuteur (la Cour de cassation pour ce qui nous occupe) pour voir ce qu’il y a à en dire. Reconnaissons toutefois qu’il faut du temps et de l’entrainement pour maîtriser cet exercice analytique. À la manière d’un jeune apprenti tailleur de pierre qui découvre la chose à façonner, les outils pour bien faire (à tout le moins essayer) et les consignes de son maître artisan, l’étudiant se voit remettre un document avec des mots graves (“Au nom du peuple Français”), mille et une considérations, des paragraphes bizarrement découpés et un langage faussement familier. En bref, un sentiment d’étrangeté gagne vite le lecteur. Aventurier dans l’âme, convaincu qu’il doit pouvoir faire comme ses aînés avant lui (et il aurait bien tort de penser le contraire), l’étudiant se lance bille en tête dans la lecture de la décision. La fluorite au fusil. En l’espace de quelques minutes, tout est surligné. Et les plus équipés de badigeonner le texte de jaune, de vert, de rose fluo. Un enfer pour les yeux…et le bon sens. Ce qui fait volontiers dire au professeur, un tantinet moqueur : “mais dites-moi, j’imagine que l’important en définitive est ce qui n’a pas été souligné !”.

En résumé : c’est très précisément ce qu’il ne faut pas faire.

Commenter un arrêt suppose de commencer par l’examiner tout simplement. On n’imaginerait pas contempler un pochoir de Banksy le nez sur le mur ni l’huile d’un artiste versé dans le mouvement pointilliste la truffe sur son tableau. On ne verrait pas du tout de quoi il s’agit. A quoi pourrait bien servir les quelques notes qui seraient prises en première intention tandis qu’on ne sait rien du sujet ? La contemplation d’une œuvre suppose nécessairement une prise de recul, d’opter pour le plus large focus. Ce n’est pas que les architectes de musées ou de centres de création contemporaine sont en mal d’occupation ou bien qu’ils ne regarderaient pas à la dépense lorsqu’ils s’ingénient à dessiner les plus grands et beaux espaces d’exposition. C’est qu’on ne saurait s’y prendre autrement pour apprécier une proposition artistique. Eh bien, c’est la même chose de la proposition juridique de la Cour de cassation (ou du Conseil d’État).

Sans lire l’arrêt, sans jamais surligné aucun mot (ni souligner quoi que ce soit) de la décision, il importe d’observer la décision.

1ère question à se poser avant même de lire la décision. L’arrêt est-il relativement concis ou bien, au contraire, est-il plutôt bavard ? La concision est volontiers l’apanage des arrêts de cassation tandis que l’arrêt relativement long est bien souvent un arrêt de rejet. Il y a une bonne raison à cela : dans le second cas, la Cour de cassation reprend le raisonnement que le demandeur a déroulé au soutien du pourvoi (ce qu’on appelle un moyen de cassation). Il expose les critiques qu’il formule contre la décision qui a été prise à son encontre. L’hypothèse de travail que le lecteur de l’arrêt vient de faire est vérifiée en une fraction de seconde. A la toute fin de l’arrêt, la Cour de cassation dit la nature de sa décision. Soit la Cour prononce un rejet du pourvoi en cassation. Elle estime donc que la juridiction dont la décision est frappée de pourvoi a bien jugé. Soit c’est un arrêt de cassation qui est rendu. La Cour estime alors que l’auteur du pourvoi a formulé de justes critiques. Le procès doit être recommencé à l’aide de son éclairage. En bref, un arrêt de cassation qui serait fort long ou, à l’inverse, un arrêt de rejet qui serait des plus concis doit déjà retenir l’attention…

2ème question préalable. Quelle chambre de la Cour de cassation a rendu l’arrêt sous étude ? Dans un souci de bonne administration de la justice, et en raison de la complexité croissante de la matière juridique (non que le droit soit compliqué par nature mais simplement parce que la réalité qu’il s’agit d’appréhender est complexe), le travail juridictionnel a été réparti entre plusieurs chambres et, à l’intérieur de chacune d’elles, entre plusieurs sections. Le lecteur doit donc connaître le domaine de compétences des chambres de la Cour de cassation. Le livre du président Weber intitulé “La Cour de cassation” doit être lu. Il est à disposition dans toutes les bonnes BU. Il faut bien avoir en tête que le contentieux n’est jamais complétement l’apanage d’une chambre. Le contentieux social est typique. Le droit du travail est l’affaire de la Chambre sociale. Le droit de la sécurité sociale, celle de la 2ème Chambre civile. Il y a suffisamment de points de contact dans ces deux droits pour que la doctrine d’une chambre puisse différer de celle de la seconde. C’est plus vrai encore en droit des contrats, les règles qui commandent l’obligation contractuelle sont l’affaire de toutes les chambres ou presque. Le commentateur doit donc avoir le réflexe de s’assurer, lorsqu’il replace la décision sous étude dans un contexte jurisprudentiel, que le contentieux est bien l’affaire de la chambre saisie et que la doctrine de cette dernière ne se télescope pas avec celle de son homologue voire de plusieurs.

Les réponses à ces questions liminaires prennent moins d’une minute.

Le temps de la lecture de la décision est venu. Attention : il n’est pas encore l’heure de se munir d’un fluo ou bien d’un stylo. Les épaules sont relâchées. Tout le monde se détend. Plaisanterie mise à part, il y a une raison à cette consigne : le sur(sous)lignage marque un temps d’arrêt dans la lecture. Si la suite logique des propositions est alors manquée, le sens de l’affaire ne pourra donc être (bien) compris. Il faut garder à l’esprit que tant que les faits ne sont pas saisis, ce n’est pas la peine de s’aventurer à commenter quoi que ce soit. Comment sait-on si lesdits faits sont compris ? Eh bien en relevant la tête et en essayant avec ses propres mots de se raconter l’histoire. Ne perdez jamais de vu que le droit n’existe pas pour lui même, que les règles juridiques ne sont pas écrites par des légistes en mal d’occupation (encore qu’il y aurait bien quelques exemples). La règle a été pensé pour répondre à un problème. Si donc ce dernier n’est pas compris, comment valablement saisir le sens, la valeur et la portée de la règle appliquée dans le cas particulier ? Les apprentis juristes – les jeunes padawans – liront plusieurs fois la décision. Et puis, à mesure que l’exercice sera plus familier, que les outils seront mieux maîtrisés – que la Force sera connue puis maîtrisée –, une lecture en one shot pourra se révéler suffisante.

À présent que la décision a été lue une première fois, que le tableau d’ensemble a été repéré, il faut se rapprocher un peu. Armé de n’importe quel outil scripteur, le travail du lecteur consiste à bien identifier qui parle : le demandeur, la juridiction dont le jugement ou l’arrêt est critiqué, la Cour de cassation. Si une erreur est commise sur l’identité du locuteur, l’analyse risque de fleurter avec le zéro pointé. Tout simplement parce que l’analyse n’aura pas porté sur la décision rendue dans le cas particulier par la Cour de cassation (ou le Conseil d’État). C’est l’occasion de fixer au fluo les signes linguistiques qui marquent une première proposition logique puis une deuxième etc. D’indiquer dans la marge : Demandeur / Cour d’appel / cour de cassation par exemple.

Pour bien faire à ce stade préliminaire de l’analyse (qui se fait assez vite avec un peu d’entraînement), il est important de bien connaître les cas d’ouverture à cassation. La saisine de la Cour régulatrice n’est pas laissée à la fantaisie des justiciables. Le demandeur au pourvoi doit exciper un grief d’une certaine nature. Pour mémoire, les cas principaux d’ouverture à cassation sont notamment la violation de la loi, le manque de base légale, la dénaturation du contrat, le défaut de réponse à conclusion. Dans le 1er cas, il est reproché aux juges du fond de n’avoir pas fondés la décision critiquée au vu des règles en principe applicables. La Cour de cassation a eu l’occasion par exemple de rappeler qu’une personne qui fait une chute à l’entrée d’un magasin à grande surface ne saurait être indemnisée du préjudice subi sur le fondement de l’inexécution d’une obligation contractuelle de sécurité mais à la condition qu’elle satisfasse les conditions de l’article 1242 du Code civil (anc. art. 1384, al. 1er). Il peut être également reproché au juge du fond d’avoir ajouté ou retiré une condition à l’action en justice. Les arrêts de cassation pour violation de la loi peuvent se révéler fort intéressants particulièrement lorsque les juges sont hésitants sur le fondement légal à travailler pour valablement peser les mérites et les torts. Ce fut le cas dans l’arrêt suggéré à l’instant. Dans le 2ème cas, la critique est un tantinet différente. Le juge n’a pas commis d’erreur dans le corps de règles applicables au cas d’espèce. En revanche, soit il n’a pas vérifié que toutes les conditions de la loi étaient réunies, soit il ne s’est pas suffisamment expliqué sur les raisons pour lesquelles il estime que les conditions de la loi sont remplies dans le cas particulier. Ces arrêts-là peuvent se révéler fort instructifs. Ils peuvent être l’occasion pour la Cour régulatrice de renseigner les lecteurs et les justiciables sur la politique jurisprudentielle qu’elle entend mener relativement à tel ou tel contentieux. Veut-elle faciliter l’action ?, alors il lui suffit d’être libérale relativement à la réunion des conditions de l’action. Veut-elle, bien au contraire, compliquer l’action ?, il lui importe alors d’être particulièrement exigeante relativement à la charge probatoire que le demandeur à l’action en justice devra supporter.

En bref, et pour chaque cas d’ouverture à cassation, il y a une économie générale que le lecteur doit nécessairement avoir à l’esprit. Le livre du président Weber sera une nouvelle fois d’une grande aide. Il faut toujours avoir à l’esprit que le sens, la valeur et la portée de la décision sont relatifs au cas particulier – c’est en général bien su – mais plus encore en relation étroite avec le cas d’ouverture à cassation. C’est ce qui est échappe bien souvent et qui à l’origine d’âneries qui sont écrites sur l’arrêt…tant sur ce qui est dit en l’espèce que sur ce qui aurait dû être dit…Âneries aggravées (ce devrait être une nouvelle infraction) lorsque le commentateur junior oublie que la Cour de cassation, comme n’importe quelle juridiction du reste, est tenue par le principe dispositif à savoir qu’elle ne saurait statuer ni ultra petita (c’est-à-dire en accordant plus qu’il n’est demandé ou bien tout à fait autre chose) ni infra petita (c’est-à-dire en faisant fi de sa saisine). Tout ceci est strictement encadré par le code de procédure civile et le code de justice administrative.

À ce stade avancé de l’exercice, et ce qui suit est particulièrement vrai de la préparation d’une séance de travaux dirigés, il faut stopper net la lecture de l’arrêt. À présent que l’on sait de quoi il retourne, une question doit recevoir une réponse sur le champ : les connaissances sont-elles acquises sur le sujet, particulièrement sur le problème soulevé en l’espèce et les solutions inventées jusqu’alors par le législateur, les parties au contrat et précisées par le juge ? Si la réponse est négative : il faut retourner étudier. Ce n’est qu’à l’aune de connaissances théoriques (science juridique), techniques (règles de droit) et pratiques (vécu) que les enjeux du commentaire s’imposeront à l’esprit. En bref, il s’agira de monter en connaissances. Si la réponse est positive, le lecteur voit assez vite de quoi il retourne et la raison pour laquelle le professeur a donné l’arrêt à commenter.

Relativement aux connaissances qu’il va s’agir de mobiliser, il importe de redire que la leçon du professeur, aussi savante soit-elle, aussi didactique qu’elle soit, n’est pas le droit. Le cours magistral qui est proposée tout particulièrement à un étudiant de licence a pour objet de rendre accessible la matière juridique qui est objet d’étude. C’est un travail de vulgarisation théorique et technique. Vulgariser est un exercice qui consiste à rendre accessible. Voilà l’une des fonctions premières de la leçon de droit. Vous comprendrez bien que s’y arrêter, et ne pas plus étudier, c’est se situer très en deçà des attentes académiques de son professeurs et de la ligne de flottaison technique qui doit être celle d’un étudiant en droit. Fort des ces premiers enseignements magistraux, l’étudiant peut désormais se repérer dans les rayonnages de la bibliothèque universitaire, dans la table des matières de ses manuels de prédilection. Reste que le travail qui est attendu n’est toujours pas complet si ce dernier s’arrête à ce stade. On a dit que droit et le cours ou le manuel de droit n’était pas la même chose. Alors qu’est-ce que le droit qu’il faut approcher pour accéder à la lumière ? Eh bien le droit dit par le législateur et précisé par le juge. Pour être très clair, et pour que les choses soient dites une fois pour toute : il faut lire la loi et ce in extenso. La leçon de droit extrapatrimonial de la famille, par exemple, sera d’un bien maigre secours, si l’étudiant inscrit en L1 ne prend pas le temps de lire la loi pour comprendre les articles du code civil consacrés à cette question, s’il ne prend pas de temps pour parcourir la table d’exposition systématique du code et étudier l’art et la manière suivis par le législateur pour ordonner le tout. En bref : on ne saurait en une trentaine d’heures de cours saisir tous les tenants et les aboutissants du droit de la famille. Pendant que le maître d’école dit la vérité à l’élève. Le maître à penser dit ses doutes à ses étudiants. Le premier est éclairé pour avancer en relative sécurité. Le second est encouragé à progresser par sa seule marche (“Avance sur ta route, car elle n’existe que par ta marche”. Saint Augustin).

Reste un mot à dire de la construction du plan. À quoi sert-il pour commencer ? D’abord, il assure formellement le balisage de la pensée. Partant, il est censé permettre au lecteur de suivre facilement les développements et leur enchainement proposés par le rédacteur. En bref, il s’impose pour faciliter la compréhension de l’autre. Une consigne est généralement donnée à la faculté à savoir qu’un plan ce sont deux parties sinon rien. C’est un peu plus compliqué que cela en vérité. Un commentaire étant un exercice de décomposition, le nombre de parties est dicté par le nombre de propositions de l’auteur du texte sous étude. Il faut être très clair : 5 propositions = 5 parties. Il ne sert à rien de forcer le cadre établi par l’auteur. C’est une pure perte de temps. Et ce n’est pas conforme aux attendus. De nombreux étudiants peinent à arrêter un plan de commentaire d’arrêt et ce toutes les fois que la décision sous étude comporte plusieurs moyens irréductibles à deux propositions. La crainte est alors grande de présenter à son correcteur un plan qui ne semble pas respecter les canons académiques. Ce biais méthodologique force les étudiants à jouer les équilibristes. Les plus agiles, ceux qui ont été correctement initiés, savent bien que la commande du correcteur tient souvent de la gageure. Ils profitent alors de l’introduction du commentaire pour écarter un des moyens au pourvoi par exemple. Reconnaissons qu’il arrive souvent au professeur de sélectionner les moyens pertinents qu’il soumet à l’analyse.

Ceci étant dit, le plan bipartite en droit n’est pas une occupation rituélique saugrenue. D’abord, alors que l’objet d’étude est relativement complexe, l’exposition de sa pensée en deux parties participe une fois encore de la compréhension du lecteur. Une chose exposée puis une autre, c’est autrement moins compliqué à saisir qu’une première proposition, puis une deuxième, une troisième etc. Ensuite, le droit – à tout le moins sa structuration – est fondamentalement binaire : nature/régime ; conditions/effets ; principe/exception ; si/alors… Last but not least, la loi est souvent rédigée de la sorte. Rien de si surprenant que cela en définitive à ce que l’on recommande autant que possible d’exposer le fruit de l’analyse dans un plan en 2 parties.


[1] Descartes, Méditations métaphysiques, GF-Flammarion, 1979, p. 253 cité par F. Grua, Méthode des études du droit, Dalloz, 2006, 1ère éd., p. 37.

[2] Descartes, Discours de la méthode, 2nde partie, GF-Flammarion, 1992, p. 40.

[3] F. Grua et N. Cayrol, Méthode des études du droit, 4ème éd., 2017.

[4] R. Libchaber, Retour sur la motivation des arrêts de la Cour de cassation, et le rôle de la doctrine, RTD civ. 2000, p. 679. Voy. not. J. Bourdoiseau, « Le secret de la délibération » in La délibération, Revue Procédures (Lexisnexis), mars 2011, n° 3 . Voy. encore La pédagogie au service du droit (ss. dir. Ph. Raimbault), L.G.D.J., Presses universitaires de Toulouse 1 Capitole, 2011.

[5] Voy. en ce sens P. Deumier, Motivation enrichie : bilan et perspective, D. 2017.1783.

Le recours en retranchement (art. 464 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en retranchement.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

?Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

?Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

II) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

1. Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

2. Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?

Comment rédiger des conclusions en réponse: méthodologie?

[N°] Chambre [intitulé]
N° R.G. : [X]
Affaire : [nom du demandeur] C/ [nom du défendeur]
Conclusions notifiées le [date] par RPVA
Audience du [date] à [heure]

CONCLUSIONS EN RÉPONSE PAR-DEVANT LE TRIBUNAL DE [Juridiction]  DE [Ville]

POUR :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], à [ville de naissance], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

 La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

DEMANDEUR/DÉFENDEUR

Ayant pour avocat constitué :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Au cabinet duquel il est fait élection de domicile

[Si postulation]

Ayant pour avocat plaidant :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

CONTRE :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], à [ville de naissance], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

 La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

DEMANDEUR/DÉFENDEUR

Ayant pour avocat constitué :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Au cabinet duquel il est fait élection de domicile

[Si postulation]

Ayant pour avocat plaidant :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

EN PRÉSENCE DE :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], à [ville de naissance], de nationalité [pays], de profession [profession], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

 La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

DEMANDEUR/DÉFENDEUR

Ayant pour avocat constitué :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Au cabinet duquel il est fait élection de domicile

[Si postulation]

Ayant pour avocat plaidant :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

PLAISE AU TRIBUNAL

Suivant exploit d’huissier de justice délivré en date du [date], [Identité du demandeur] a attrait [identité du ou des défendeur(s)] devant le Tribunal de céans aux fins de voir :

[Énoncer le dispositif de l’assignation]

Toutefois, cette demande est irrecevable et mal fondée et il ne saurait y être fait droit ainsi qu’il le sera démontré ci-après.

I) RAPPEL DES FAITS

  • Exposer les faits de façon synthétique et objective, tel qu’ils pourraient être énoncés dans la décision à intervenir
  • Chaque élément de fait doit, en toute rigueur, être justifié au moyen d’une pièce visée dans le bordereau joint en annexe, numérotée et communiquée à la partie adverse et au juge

II) DISCUSSION

Pour faire échec aux prétentions du requérant, la partie adverse peut, pour assurer sa défense, soutenir trois sortes de moyens qui consisteront à faire déclarer la demande :

  • Soit irrégulière
  • Soit irrecevable
  • Soit mal-fondée

S’agissant de la demande irrégulière, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une exception de procédure, soit d’une irrégularité qui procède, par exemple, de l’incompétence du Juge ou encore de la nullité d’un acte.

S’agissant de la demande irrecevable, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une fin de non-recevoir, soit d’une règle qui prive le demandeur du droit d’agir.

S’agissant de la demande mal-fondée, il s’agit de celle n’est pas justifiée en droit et/ou en fait, de sorte que le Juge, après examen du fond de cette demande, ne peut pas l’accueillir favorablement

Lorsque les moyens ci-dessus énoncés sont soulevés alternativement ou cumulativement dans des conclusions en défense, ils doivent être exposé dans un ordre déterminé par le Code de procédure civile.

Plus précisément, il ressort des textes que doivent être distinguées les moyens devant être soulevées avant toute défense au fond (in limine litis), de ceux qui peuvent être soulevés en tout état de cause.

Enfin, il convient d’observer que, après avoir exposé un ou plusieurs moyens de défense, le défendeur dispose également de la faculté de formuler des demandes reconventionnelles, en sus de celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

A) Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis

Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence ( 75 à 99 du CPC)
    • L’exception d’incompétence peut être soulevé par les parties ou relevée d’office par le Juge
  • Les exceptions de litispendance et de connexité ( 100 à 107 du CPC)
    • Les situations de litispendance et de connexité sont visées aux articles 100 et 101 du CPC
      • S’agissant de l’exception de litispendance, l’article 100 du CPC prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d’office. »
      • S’agissant de l’exception de connexité, l’article 101 du CPC prévoit que « s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction.»
  • Les exceptions dilatoires ( 108 à 111 du CPC)
    • L’article 108 du CPC dispose que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer, soit d’un bénéfice de discussion ou de division, soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »
  • Les exceptions de nullité ( 112 à 121 du CPC)
    • Le Code de procédure civile distingue la nullité des actes pour vice de forme de la nullité des actes pour irrégularité de fond
      • La nullité des actes pour irrégularité de fond
        • L’article 117 du CPC prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :
          • Le défaut de capacité d’ester en justice ;
          • Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice ;
          • Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice.
        • Il ressort de la jurisprudence que cette liste n’est pas limitative ; elle fournit seulement une indication au Juge qui dispose du pouvoir de découvrir d’autres cas de nullités pour irrégularité de fond.
        • L’article 118 précise que les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
        • Il n’est donc pas nécessaire pour la partie qui se prévaut d’une nullité de fond de justifier d’un grief ou d’un contexte, contrairement à ce qui est exigé pour les nullités de forme
      • La nullité des actes pour vice de forme
        • Le Code de procédure civile ne définit pas ce qu’est une nullité pour vice de forme.
        • On peut en déduire qu’il s’agit de toutes celles qui ne sont pas des nullités pour irrégularité de fond
        • En toute état de cause, deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la nullité d’un acte pour vice de forme puisse être retenue :
          • D’une part, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
          • D’autre part, la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.
        • L’article 112 du CPC précise que la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.
        • En outre, en application de l’article 116, la nullité de forme est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.

Pour qu’une exception de procédure prospère, l’article 74 du CPC prévoit qu’elle doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public.

B) Les moyens de défense pouvant être soulevés en tout état de cause

Deux sortes de moyens peuvent être soulevés en tout état de cause, soit au cours des débats :

  • Les fins de non-recevoir
  • Les défenses au fond

Dans la mesure où, en cas de succès, la fin de non-recevoir dispensera le juge d’examiner la demande au fond, elle doit être soulevée en premier.

  1. Les fins de non-recevoir

==> Définition

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille(procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

==> Conditions

Contrairement aux exceptions de procédure les fins de non-recevoir, elles peuvent être invoquées en tout état de cause, à cette nuance près que l’article 123 du CPC réserve au juge la possibilité de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt.

L’article 124 précise, par ailleurs, que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

==> Pouvoirs du Juge

En application de l’article 125 du CPC, le juge est investi du pouvoir de relever d’office les fins de non-recevoir, dès lors qu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

S’agissant de relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée, aucune obligation ne pèse sur le juge. Il dispose d’une simple faculté.

==> Régularisation

L’article 126 du CPC prévoit que l’irrégularité tirée d’une fin de non-recevoir peut être couverte si elle a disparu au moment où le juge statue.

Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

2. Les défenses au fond

L’article 71 du CPC définit la défense au fond comme « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Il ressort de cette disposition que la défense au fond n’a d’autre objet ou finalité que d’obtenir le rejet, comme non fondée, de la prétention adverse en déniant le droit prétendu de l’adversaire.

Autrement dit, c’est « un moyen directement dirigé à l’encontre de la prétention du demandeur pour établir qu’elle est injustifiée, non fondée »[1]

La défense au fond se situe ainsi sur le fond du droit, et non plus sur le terrain de la procédure ou du droit d’agir. Il s’agit de combattre la demande de la partie adverse en démontrant qu’elle est mal-fondée en fait et/ou en droit.

A l’instar de la fin de non-recevoir, la défense au fond peut être proposée en tout état de cause. Mieux, elle n’est soumise à aucune condition de recevabilité.

C) Les demandes incidentes

Les demandes incidentes sont : la demande reconventionnelle, la demande additionnelle et l’intervention (Art. 63 CPC).

Elles ont pour objet :

  • Soit d’étendre le domaine du litige en ajoutant de nouvelles demandes au débat (demandes reconventionnelles ou additionnelles) ;
  • Soit de faire entrer dans le débat une ou plusieurs parties qui y étaient jusqu’alors restées étrangères (intervention volontaire et intervention forcée).

1. Les demandes reconventionnelles

==> Définition

L’article 64 du CPC prévoit que « constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire ».

Ainsi, la demande reconventionnelle, même si elle est formée en réponse à celle du demandeur, tend à l’obtention d’un avantage particulier qui ne se résout pas dans le seul rejet de la prétention du demandeur. C’est du reste pourquoi elle est qualifiée de demande.

==> Demande reconventionnelle « pure »

Les demandes reconventionnelles pures ou simples ne se confondent pas avec une défense au fond, tout simplement parce qu’elles ont un objet propre et n’exercent aucune influence sur le sort de la demande principale.

C’est en ce sens qu’elles sont dites pures, ou pures et simples : ainsi, à propos d’une demande reconventionnelle en communication des résultats d’une analyse médicale formée par le client d’un laboratoire auquel celui-ci demandait le paiement d’une facture (Cass. 1ère civ.1re, 4 octobre 1989) ; ou d’une demande reconventionnelle en divorce pour faute en réponse à une demande principale en divorce pour faute, dès lors qu’il n’existe aucune relation entre les deux catégories de faute.

==> Demande reconventionnelle hybride

Le plus souvent, les demandes reconventionnelles sont des demandes hybrides, comme on a pu les qualifier, en ce sens qu’elles mêlent défense et demande, constituent à la fois une défense et une demande, ce qui a pour conséquence de brouiller la distinction entre défense au fond et demande reconventionnelle.

Pour Régine Génin-Méric « la demande reconventionnelle (hybride) participe à la fois de la notion de défense au fond et de la notion de demande en justice. En effet, dans la mesure où elle tend à neutraliser la demande initiale, à la priver de sens en s’attaquant au fondement même de la prétention adverse, elle s’apparente à la défense au fond, voire même à une fin de non-recevoir. Mais la demande reconventionnelle a également pour objet, ce qui la caractérise, de procurer à son auteur un avantage particulier ».

Ainsi, en est-il de la demande en dommages et intérêts opposée par le défendeur poursuivi par le demandeur en paiement d’une créance ou de la demande en nullité ou résolution de contrat opposée par le défendeur poursuivi en exécution forcée d’un contrat.

La demande reconventionnelle hybride ne cesse pas d’être, de part sa nature, une demande reconventionnelle.

Le cas type en est la compensation judiciaire (Cass. com., 26 mai 1998) : « la demande en compensation est une défense, puisque, si elle est admise, il y aura rejet de la demande initiale ; mais elle est judiciaire, et c’est la fonction d’attaque, car, à l’occasion de sa défense, le défendeur devra soumettre au juge un autre rapport d’obligation dont il tire argument pour ne pas payer sa dette ; en opportunité, on comprend qu’il soit logique de relier les deux rapports d’obligation pour, éventuellement, les compenser. Mais juridiquement, le second rapport d’obligation devra passer par une demande reconventionnelle »[2].

==> Recevabilité

L’article 70 du CPC dispose que la demande reconventionnelle n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Si la demande reconventionnelle offre la possibilité au défendeur de modifier l’objet du litige, ce qui donc lui permet de faire l’économie d’un nouveau procès, il ne faudrait pas qu’il détourne l’enjeu des prétentions initiales, au risque que la demande ainsi formée soit purement dilatoire.

Afin d’éviter que la demande reconventionnelle n’élargisse trop le périmètre du litige soumis initialement au juge, il est donc nécessaire qu’il existe un lien suffisant entre cette dernière et la demande initiale.

En l’absence de définition textuelle du « lien suffisant », il convient de se reporter à une autre notion qui s’en rapproche et qui est envisagée par le Code de procédure civile : la notion de lien connexité.

L’article 101 prévoit, en effet, qu’un tel lien existe lorsque l’intérêt d’une bonne justice serait de faire instruire et juger ensemble deux affaires portées devant deux juridictions distinctes

Le lien suffisant sera en particulier caractérisé, dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.

Afin d’éviter cette situation fâcheuse sinon préjudiciables pour les justiciables, le juge devra systématiquement apprécier l’existence de ce lien suffisant entre la demande initiale et la demande reconventionnelle.

Le principe ainsi posé par l’article 70 du CPC n’est toutefois pas absolue. L’alinéa 2 de cette disposition prévoit, en effet, que « la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout ».

Pour rappel, la compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

A cet égard, l’article 1348 du Code civil prévoit que « la compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible. A moins qu’il n’en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision. »

L’article 1349 précise que « le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l’une des obligations ne serait pas liquide ou exigible. »

Reste que dans cette dernière hypothèse, en application de l’article 70, al. 2 du CPC, le juge disposera toujours de la faculté de disjoindre la demande de compensation de créances connexes si son examen risque de retarder à l’excès le procès.

Il en ira ainsi notamment lorsqu’une expertise sera nécessaire pour déterminer le montant de l’une des créances connexes.

2. Les demandes additionnelles

Constitue une demande additionnelle la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures (art. 65 CPC).

La demande additionnelle peut modifier, tant une demande initiale, qu’une demande reconventionnelle ou encore une demande formulée en intervention.

A l’instar de la demande reconventionnelle, la demande additionnelle doit présenter un lien suffisant avec la demande formée initialement par la partie.

3. Les demandes en intervention

Constitue une intervention la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires (Art. 66 CPC).

  • L’intervention est volontaire lorsque la demande émane du tiers
  • L’intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie

Pour que l’intervention soit recevable, il faut qu’elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant (art. 325 CPC).

Si l’intervention risque de retarder à l’excès le jugement, le juge statue d’abord sur la demande principale puis sur l’intervention (art. 326 CPC).

==> L’intervention volontaire

L’intervention volontaire est le fait d’une personne qui, de son propre chef, se présente à une instance à laquelle à l’origine elle n’était pas partie, pour y faire valoir ses droits ou soutenir ceux d’une partie.

Le code de procédure civile distingue deux formes d’intervention volontaire :

  • L’intervention est principale, lorsqu’elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n’est recevable que si son auteur a le droit d’agir relativement à cette prétention ( 329 CPC)
  • L’intervention est accessoire, lorsqu’elle appuie les prétentions d’une partie. Elle n’est recevable que si son auteur a intérêt pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie. L’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention ( 330 CPC).

L’intervention est soumise aux mêmes conditions de présentation que les demandes principales (Art 68 CPC).

A cet égard, elle est faite à l’encontre des parties défaillantes ou des tiers dans les formes prévues pour l’introduction de l’instance. En appel, elle l’est par voie d’assignation.

==> L’intervention forcée

Il y a intervention forcée ou mise en cause lorsque l’une des deux parties engagées dans un procès y appelle un tiers.

Le juge peut également inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige (Art. 332 CPC).

Il s’agit en quelque sorte d’une mise en cause d’office par le tribunal, encore que le juge ne soit pas en mesure d’assigner directement le tiers ; il ne peut qu’inviter les parties à assigner.

Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :

  • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation ( 331 CPC) ;
  • La mise en cause pour jugement commun ( 331 CPC) :
  • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée ( 334 et s.).

D) Exécution provisoire, frais irrépétibles et les dépens

Pour conclure la discussion, il convient de ne pas omettre de solliciter :

  • L’exécution provisoire si elle est compatible avec la demande reconventionnelle formulée
  • La condamnation du défendeur au paiement des frais irrépétibles
  • La condamnation du défendeur aux entiers dépens

==> Sur l’exécution provisoire

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 l’exécution provisoire est désormais de droit pour les décisions de première instance (art. 514 CPC).

Par exception, elle est susceptible d’être écartée dans trois cas :

  • Lorsque la loi le prévoit
  • Lorsque le juge le décide, d’office ou sur la demande des parties, considérant que ;
    • Soit elle est incompatible avec la nature de l’affaire
    • Soit qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
  • Lorsque, en cas d’appel de la décision rendue, trois conditions cumulatives sont réunies :
    • D’une part, il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation
    • D’autre part, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
    • Enfin, si le demandeur a fait valoir ses observations sur l’exécution provisoire en première instance, auquel cas cette dernière n’est recevable, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance

Dans la mesure où l’évocation de l’exécution provisoire en première instance est une condition de recevabilité de sa suspension en cas d’appel, il y a lieu de systématiquement la discuter dans les conclusions.

[Si demande tendant à écarter l’exécution provisoire]

Compte tenu de ce que l’exécution provisoire [est incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans ou risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives] il n’y a lieu de l’écarter.

[Si demande tendant à maintenir l’exécution provisoire]

L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.

==> Sur les dépens

Les dépens sont régis aux articles 695 et suivants et Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les dépens sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
    • Les dépens sont énumérés à l’article 695 du Code de procédure civile
    • Il s’agit de frais répétibles, en ce sens qu’ils sont supportés par la partie perdante
  • Les frais compris dans les dépens
    • Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
      • Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
      • Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
      • Les indemnités des témoins ;
      • La rémunération des techniciens ;
      • Les débours tarifés ;
      • Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
      • La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
      • Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
      • Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
      • Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
      • La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ;
      • Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8.
  • La charge des dépens
    • Principe : la partie succombant au procès
      • L’article 696 du CPC prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
    • Tempéraments : responsabilité des auxiliaires de justice
      • L’article 697 dispose que les avocats, anciens avoués et huissiers de justice peuvent être personnellement condamnés aux dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution accomplis en dehors des limites de leur mandat.
      • L’article 698 énonce encore que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution injustifiés sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont faits, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il en est de même des dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution nuls par l’effet de leur faute.

 ==> Sur les frais irrépétibles

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les frais irrépétibles se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • L’originalité de l’article 700 du Code de procédure civile tient au fait que, par définition, les frais irrépétibles sont ceux dont la partie gagnante ne peut obtenir le remboursement.
    • Or, ce texte a justement pour objet de lui permettre d’obtenir, à titre de compensation, une indemnisation forfaitaire de ses frais non compris dans les dépens (honoraires d’avocat, frais de transport et de séjour pour les besoins du procès, frais d’expertise amiable, etc.)
  • Conditions
    • L’existence d’une instance
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile a une portée très générale dans la mesure où il concerne toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale (article 749 du nouveau Code de procédure civile).
      • Il est toutefois limité aux instances contentieuses et contradictoires.
    • La succombance de l’une des parties
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile désigne la partie que le juge a la faculté de condamner au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles : il s’agit, en principe, de la partie tenue au paiement des dépens de l’instance dans les procédures avec dépens.
      • Ainsi, c’est normalement la charge des dépens qui va permettre au juge de déterminer la partie qui va devoir supporter la charge des frais irrépétibles.
      • À titre dérogatoire, dans les procédures gratuites ou sans dépens, la « partie perdante » pourra, le cas échéant, être condamnée par le juge à supporter la charge des frais irrépétibles.
      • La partie qui doit supporter l’intégralité des dépens ne peut demander d’indemnité pour frais irrépétibles.
    • L’existence de frais non compris dans les dépens
      • En principe, il s’agit de dépenses effectuées à l’occasion de l’instance par une partie non comprises dans les dépens.
      • Il n’est pas nécessaire que les dépenses aient été effectuées au moment de la demande.
      • En pratique, le justiciable n’est donc pas tenu de produire en justice une facture acquittée à l’appui de la demande de remboursement de ses frais irrépétibles.
    • La présentation d’une demande au titre des frais irrépétibles
      • À la différence de la condamnation aux dépens, le juge n’est pas tenu de statuer sur les frais irrépétibles, s’il n’est pas saisi d’une demande en ce sens.
      • En cas de désistement d’instance au principal, la demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par le demandeur peut être maintenue.
      • Réciproquement, ce désistement ne fait pas obstacle à une demande du défendeur en paiement des frais irrépétibles.
  • Frais concernés
    • Les frais irrépétibles comprennent notamment :
      • Les honoraires d’avocat
      • Les frais de déplacement, de démarches, de voyage et de séjour
      • Les frais engagés pour obtenir certaines pièces ;
      • Les honoraires versés à certains consultants techniques amiables (brevet, informatique, etc.) ou experts amiables

==> Formulation de la demande

Compte tenu de ce qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts, il est parfaitement fondé à solliciter la condamnation de [nom du défendeur] le paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.

PAR CES MOTIFS

Il est de principe que le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Cette règle impose, autrement dit, aux parties de synthétiser leurs prétentions dans un « dispositif » introduit par la formule « par ces motifs ».

Le dispositif constitue, en quelque sorte, la conclusion du raisonnement juridique.

A cet égard, le juge ne sera tenu de se prononcer que sur les termes de ce dispositif, soit sur les prétentions qui y sont énoncées.

Il est d’usage que le dispositif soit rédigé en ces termes :

Vu les articles […]
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

Il est demandé au Tribunal de […] de [ville] :

I) In limine litis

  • DÉCLARER le Tribunal de céans incompétent à la faveur du Tribunal de [Juridicition] de [Ville]
  • PRONONCER la nullité de l’assignation
  • ORDONNER un sursis à statuer dans l’attente de […]

II) A titre principal

  • CONSTATER que […]
  • DIRE ET JUGER que […]

 En conséquence,

  • ORDONNER […]
  • PRONONCER […]
  • CONDAMNER

III) A titre subsidiaire

[…]

IV) A titre reconventionnel

  • CONSTATER que […]
  • DIRE ET JUGER que […]

 En conséquence,

  • ORDONNER […]
  • PRONONCER […]
  • CONDAMNER

V) En tout état de cause

1. Sur l’irrecevabilité de l’action

  • CONSTATER la prescription de l’action
  • CONSTATER le défaut de qualité à agir du demandeur
  • CONSTATER le défaut d’intérêt à agir du demandeur

En conséquence,

  • DÉCLARER irrecevable l’action engagée par le demandeur

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

  • DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts

En conséquence,

  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] aux entiers dépens

3. Sur l’exécution provisoire

  • DIRE ET JUGER que l’exécution provisoire [est incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans ou risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives]

[OU]

  • DIRE ET JUGER que l’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.

En conséquence,

  • ÉCARTER l’exécution provisoire

[OU]

  • ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir

SOUS TOUTES RESERVES ET CE AFIN QU’ILS N’EN IGNORENT.

DEMANDE FONDÉE SUR LES PIÈCES SUIVANTES :

1.

2.

3.

[1] S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, Procédure civile, Dalloz, 2010, 30 ème édition, n° 317

[2] S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, op. cit. n° 304, note 2

Comment rédiger une assignation: méthodologie?

ASSIGNATION PAR-DEVANT LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE [Ville]

L’AN DEUX MILLE […]

ET LE

À LA DEMANDE DE :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Ayant pour avocat constitué :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Lequel se constitue sur la présente assignation et ses suites

[Si postulation]

Ayant pour avocat plaidant :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

J’AI HUISSIER SOUSSIGNÉ :

DONNÉ ASSIGNATION À :

[Si personne physique]

 Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], demeurant à [adresse]

Où étant et parlant à :

[Si personne morale]

 La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Où étant et parlant à :

D’AVOIR À COMPARAÎTRE :

Le [date] à [heures]

Par-devant le Tribunal judiciaire de [ville], [chambre], siégeant en la salle ordinaire de ses audiences au Palais de justice de [ville], sis [adresse]

ET L’INFORME :

Qu’un procès lui est intenté pour les raisons exposées ci-après.

TRÈS IMPORTANT

[Si représentation obligatoire]

Que dans un délai de QUINZE JOURS, à compter de la date du présent acte, conformément aux articles 54, 56, 752 et 763 du Code de procédure civile, il est tenu de constituer avocat pour être représenté par-devant ce tribunal.

Toutefois, si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.

Que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

Qu’à défaut, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Il est, par ailleurs, rappelé les articles de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 reproduits ci-après :

Article 5

Les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale devant toutes les juridictions et organismes juridictionnels ou disciplinaires, sous les réserves prévues à l’article 4.

Ils peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

 Par dérogation au deuxième alinéa, les avocats ne peuvent postuler devant un autre tribunal que celui auprès duquel est établie leur résidence professionnelle ni dans le cadre des procédures de saisie immobilière, de partage et de licitation, ni au titre de l’aide juridictionnelle, ni dans des instances dans lesquelles ils ne seraient pas maîtres de l’affaire chargés également d’assurer la plaidoirie.

Article 5-1

Par dérogation au deuxième alinéa de l’article 5, les avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny, Créteil et Nanterre peuvent postuler auprès de chacune de ces juridictions. Ils peuvent postuler auprès de la cour d’appel de Paris quand ils ont postulé devant l’un des tribunaux judiciaires de Paris, Bobigny et Créteil, et auprès de la cour d’appel de Versailles quand ils ont postulé devant le tribunal judiciaire de Nanterre.

 La dérogation prévue au dernier alinéa du même article 5 leur est applicable.

Il est encore rappelé les dispositions du Code de procédure civile suivantes :

Article 640

Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Article 641

Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Article 642

Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

 Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Article 642-1

Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

Article 643

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :

  1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
  1. Deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

[Si demande en justice visant, en matière immobilière, à remettre en cause des droits soumis à publicité foncière]

Lorsque la demande en justice doit faire l’objet d’une publication, l’article 54, 4° du Code de procédure civile, exige que soient reproduites les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier qui figurent à l’article 76 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955.

Dans un arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation est venue préciser que « le défaut de publication d’une demande tendant à l’annulation de droits résultant d’actes soumis à publicité constitue une fin de non-recevoir et non un vice de forme en affectant la validité » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-22.275).

Il est enfin indiqué au défendeur, en application des articles 56 et 752 du Code de procédure civile :

Que, le demandeur [consent/ ne consent pas] à ce que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Que les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

[Si représentation facultative]

Que, en application des articles 753 et 762 du Code de procédure civile il est tenu :

==> Soit de se présenter à cette audience, seul ou assisté de l’une des personnes suivantes :

  • Un avocat
  • Le conjoint ;
  • Le concubin ;
  • La personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Un parent ou allié en ligne directe ;
  • Un parent ou allié en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Une personne exclusivement attachée à son service personnel ou à son entreprise.

==> Soit de se faire représenter par un avocat, ou par l’une des autres personnes ci-dessus énumérées, à condition qu’elle soit munie d’un pouvoir écrit et établi spécialement pour ce procès.

Que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

Qu’à défaut de comparaître à cette audience ou à toute autre à laquelle l’examen de cette affaire serait renvoyé, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Il est, par ailleurs, indiqué au défendeur les dispositions du Code de procédure civile suivantes :

Article 817

Lorsque les parties sont dispensées de constituer avocat conformément aux dispositions de l’article 761, la procédure est orale, sous réserve des dispositions particulières propres aux matières concernées.

Article 827

Le juge s’efforce de concilier les parties.

Article 830

A défaut de conciliation constatée à l’audience, l’affaire est immédiatement jugée ou, si elle n’est pas en état de l’être, renvoyée à une audience ultérieure. Dans ce cas, le greffier avise par tous moyens les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience.

Article 832

Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées.

Il est encore rappelé la disposition du Code civil suivante :

Article 1343-5

Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

 Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.

 Il peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

 La décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

 Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

 Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.

[Si demande en justice visant, en matière immobilière, à remettre en cause des droits soumis à publicité foncière]

Lorsque la demande en justice doit faire l’objet d’une publication, l’article 54, 4° du Code de procédure civile, exige que soient reproduites les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier qui figurent à l’article 76 du décret n°55-1350 du 14 octobre 1955.

Dans un arrêt du 7 novembre 2012, la Cour de cassation est venue préciser que « le défaut de publication d’une demande tendant à l’annulation de droits résultant d’actes soumis à publicité constitue une fin de non-recevoir et non un vice de forme en affectant la validité » (Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-22.275).

Il est enfin indiqué au défendeur, en application des articles 56 et 752 du Code de procédure civile :

Que, le demandeur [consent/ ne consent pas] à ce que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire.

Que les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

PLAISE AU TRIBUNAL

==> Condition de recevabilité de la demande tenant à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Sont visées :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme inférieure à 5.000 euros
  • Les demandes relatives à un conflit de voisinage (actions visées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du COJ)

[Si exigence de tentative de règlement amiable du litige]

Conformément à l’article 750-1 du Code de procédure civile, préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] a tenté de résoudre amiablement le litige en proposant, dans le cadre d’une [conciliation menée par un conciliateur de justice / de médiation / de procédure participative] à [identité du défendeur] de [préciser les diligences accomplies] :

Toutefois, cette tentative de règlement amiable n’a pas abouti pour les raisons suivantes : [préciser les raisons de l’échec]

[Si dispense de tentative de règlement amiable du litige]

En application de l’article 750-1 du Code de procédure civile, préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] n’a pas tenté de résoudre amiablement le litige pour la raison suivante :

  • L’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord
  • L’exercice d’un recours préalable était obligatoire
  • L’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime
  • Le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation
  • Le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

I) RAPPEL DES FAITS

  • Exposer les faits de façon synthétique et objective, tel qu’ils pourraient être énoncés dans le jugement à intervenir
  • Chaque élément de fait doit, en toute rigueur, être justifié au moyen d’une pièce visée dans le bordereau joint en annexe, numérotée et communiquée à la partie adverse et au juge

II) DISCUSSION

À titre de remarque liminaire, il convient de distinguer :

  • La prétention qui est le contenu de la demande
  • Le moyen qui est le raisonnement façonné pour justifier la demande
  • L’argument qui est un élément de fait ou de droit qui structure le moyen

1. Exposé des prétentions

Il s’agit ici d’exposer les prétentions formulées auprès de la Juridiction saisie en développant une argumentation juridique articulée autour de moyens en fait et en droit.

2. Hiérarchisation des prétentions

Lorsque plusieurs prétentions sont formulées par le demandeur, il y a lieu de les hiérarchiser en identifiant :

  • La demande principale
    • Il s’agit de la demande qui exprime la prétention la plus importance, soit celle qui prime sur toutes les autres
    • Le juge doit dès lors examiner la demande principale avant de statuer sur les demandes subsidiaires
  • Les demandes subsidiaires
    • Il s’agit des demandes alternatives, en ce sens qu’elles ne doivent être examinées par le Juge que dans l’hypothèse où il déciderait de ne pas faire droit à la demande principale
  • Les demandes accessoires
    • Il s’agit de demandes complémentaires qui se rattachent aux demandes principales et subsidiaires
    • Elles sont formulées, le plus souvent, en tout état de cause
    • Ces demandes consistent, par exemple, à réclamer la condamnation de la partie adverse aux dépens et au paiement des frais irrépétibles au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

3. Présentation des prétentions

Les prétentions formulées par le demandeur doivent être présentées au moyen d’un plan, lequel vise à faciliter la lecture de l’acte par le juge.

Deux situations peuvent être distinguées :

  • Les prétentions formulées par le demandeur sont cumulatives, car d’égale importance
  • Les prétentions formulées par le demandeur sont alternatives, car d’inégale importance

==> Les prétentions du demandeur sont cumulatives

Dans cette hypothèse, il conviendra de présenter les prétentions selon une logique chronologique, en les ordonnant, par exemple, de la plus pertinente à celle qui a le moins de chance d’être retenue par le Juge, en terminant par celles relatives à l’exécution provisoire (si justifiée), aux frais irrépétibles et aux dépens

  • Sur la demande A
  • Sur la demande B
  • Sur la demande C

                   […]

  • Sur l’exécution provisoire
  • Sur les frais irrépétibles et les dépens

==> Les prétentions du demandeur sont alternatives

Dans cette hypothèse, il conviendra de présenter les prétentions selon une logique hiérarchique :

I) A titre principal, sur la demande A

II) A titre subsidiaire, sur la demande B

III) A titre infiniment subsidiaire, sur la demande C

                            […]

 IV) En tout état de cause

  1. Sur la demande D
  2. Sur les frais irrépétibles et les dépends

4. Formulation des prétentions

La rédaction d’une assignation ou d’un jeu de conclusions obéit à deux règles fondamentales :

  • La nécessité de recourir au syllogisme juridique aux fins de justifier les prétentions
  • L’obligation de viser les pièces produites au soutien de chaque prétention

==> Sur la nécessité de recourir au syllogisme juridique aux fins de justifier les prétentions

Qu’il s’agisse d’une assignation ou de conclusions, les écritures judiciaires doivent formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.

Autrement dit, chaque moyen développé au soutien d’une prétention doit être formulé sous la forme d’un raisonnement juridique façonnée au moyen d’un syllogisme.

Le syllogisme consiste en un raisonnement logique qui met en relation trois propositions :

  • La majeure: l’énoncé de la règle de droit applicable
  • La mineure: l’énoncé des faits du litige
  • La conclusion: l’application de la règle de droit aux faits

Exemple :

  • Tous les hommes sont mortels (majeure)
  • Or Socrate est un homme (mineure)
  • Donc Socrate est mortel (conclusion)

Les deux prémisses sont des propositions données et supposées vraies : le syllogisme permet d’établir la validité formelle de la conclusion, qui est nécessairement vraie si les prémisses sont effectivement vraies.

==> Sur l’obligation de viser les pièces produites au soutien de chaque prétention

Toutes les demandes et tous les arguments soulevés en demande et en défense doivent être prouvés par celui qui les allègue (articles 4 et 9 du CPC).

C’est la raison pour laquelle, toutes les pièces produites au cours des débats doivent être communiquées à la partie adverse dans les formes requises.

  • Obligation de communication des pièces
    • L’article 132 du Code de procédure civile prévoit que
      • D’une part, la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance.
      • D’autre part, la communication des pièces doit être spontanée.
  • Obligation de viser les pièces et de les numéroter
    • L’article 768 du Code de procédure civile prévoit que chacune des prétentions doit être fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation.
  • Obligation d’établir un bordereau de pièces
    • L’article 768, al. 1er in fine du Code de procédure civile prévoit que, un bordereau énumérant les pièces justifiant les prétentions doit être annexé à l’assignation.

5. Exécution provisoire, frais irrépétibles et dépens

Pour conclure la discussion, il convient de ne pas omettre de solliciter :

  • L’exécution provisoire si elle est compatible avec la demande formulée
  • La condamnation du défendeur au paiement des frais irrépétibles
  • La condamnation du défendeur aux entiers dépens

==> Sur l’exécution provisoire

Depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 l’exécution provisoire est désormais de droit pour les décisions de première instance (art. 514 CPC).

Par exception, elle est susceptible d’être écartée dans trois cas :

  • Lorsque la loi le prévoit
  • Lorsque le juge le décide, d’office ou sur la demande des parties, considérant que ;
    • Soit elle est incompatible avec la nature de l’affaire
    • Soit qu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
  • Lorsque, en cas d’appel de la décision rendue, trois conditions cumulatives sont réunies :
    • D’une part, il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation
    • D’autre part, que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
    • Enfin, si le demandeur a fait valoir ses observations sur l’exécution provisoire en première instance, auquel cas cette dernière n’est recevable, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, que si l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance

==> Sur les dépens

Les dépens sont régis aux articles 695 et suivants et Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les dépens sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
    • Les dépens sont énumérés à l’article 695 du Code de procédure civile
    • Il s’agit de frais répétibles, en ce sens qu’ils sont supportés par la partie perdante
  • Les frais compris dans les dépens
    • Les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution comprennent :
      • Les droits, taxes, redevances ou émoluments perçus par les greffes des juridictions ou l’administration des impôts à l’exception des droits, taxes et pénalités éventuellement dus sur les actes et titres produits à l’appui des prétentions des parties ;
      • Les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi ou par un engagement international ;
      • Les indemnités des témoins ;
      • La rémunération des techniciens ;
      • Les débours tarifés ;
      • Les émoluments des officiers publics ou ministériels ;
      • La rémunération des avocats dans la mesure où elle est réglementée y compris les droits de plaidoirie ;
      • Les frais occasionnés par la notification d’un acte à l’étranger ;
      • Les frais d’interprétariat et de traduction rendus nécessaires par les mesures d’instruction effectuées à l’étranger à la demande des juridictions dans le cadre du règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale ;
      • Les enquêtes sociales ordonnées en application des articles 1072, 1171 et 1221 ;
      • La rémunération de la personne désignée par le juge pour entendre le mineur, en application de l’article 388-1 du code civil ;
      • Les rémunérations et frais afférents aux mesures, enquêtes et examens requis en application des dispositions de l’article 1210-8.
  • La charge des dépens
    • Principe : la partie succombant au procès
      • L’article 696 du CPC prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
    • Tempéraments : responsabilité des auxiliaires de justice
      • L’article 697 dispose que les avocats, anciens avoués et huissiers de justice peuvent être personnellement condamnés aux dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution accomplis en dehors des limites de leur mandat.
      • L’article 698 énonce encore que les dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution injustifiés sont à la charge des auxiliaires de justice qui les ont faits, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Il en est de même des dépens afférents aux instances, actes et procédures d’exécution nuls par l’effet de leur faute.

==> Sur les frais irrépétibles

Les frais irrépétibles sont régis par l’article 700 du Code de procédure civile.

  • Notion
    • Les frais irrépétibles se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • L’originalité de l’article 700 du Code de procédure civile tient au fait que, par définition, les frais irrépétibles sont ceux dont la partie gagnante ne peut obtenir le remboursement.
    • Or, ce texte a justement pour objet de lui permettre d’obtenir, à titre de compensation, une indemnisation forfaitaire de ses frais non compris dans les dépens (honoraires d’avocat, frais de transport et de séjour pour les besoins du procès, frais d’expertise amiable, etc.)
  • Conditions
    • L’existence d’une instance
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile a une portée très générale dans la mesure où il concerne toutes les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale, rurale ou prud’homale (article 749 du nouveau Code de procédure civile).
      • Il est toutefois limité aux instances contentieuses et contradictoires.
    • La succombance de l’une des parties
      • L’article 700 du nouveau Code de procédure civile désigne la partie que le juge a la faculté de condamner au paiement d’une indemnité au titre des frais irrépétibles : il s’agit, en principe, de la partie tenue au paiement des dépens de l’instance dans les procédures avec dépens.
      • Ainsi, c’est normalement la charge des dépens qui va permettre au juge de déterminer la partie qui va devoir supporter la charge des frais irrépétibles.
      • À titre dérogatoire, dans les procédures gratuites ou sans dépens, la « partie perdante » pourra, le cas échéant, être condamnée par le juge à supporter la charge des frais irrépétibles.
      • La partie qui doit supporter l’intégralité des dépens ne peut demander d’indemnité pour frais irrépétibles.
    • L’existence de frais non compris dans les dépens
      • En principe, il s’agit de dépenses effectuées à l’occasion de l’instance par une partie non comprises dans les dépens.
      • Il n’est pas nécessaire que les dépenses aient été effectuées au moment de la demande.
      • En pratique, le justiciable n’est donc pas tenu de produire en justice une facture acquittée à l’appui de la demande de remboursement de ses frais irrépétibles.
    • La présentation d’une demande au titre des frais irrépétibles
      • À la différence de la condamnation aux dépens, le juge n’est pas tenu de statuer sur les frais irrépétibles, s’il n’est pas saisi d’une demande en ce sens.
      • En cas de désistement d’instance au principal, la demande formée au titre de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile par le demandeur peut être maintenue.
      • Réciproquement, ce désistement ne fait pas obstacle à une demande du défendeur en paiement des frais irrépétibles.
  • Frais concernés
    • Les frais irrépétibles comprennent notamment :
      • Les honoraires d’avocat
      • Les frais de déplacement, de démarches, de voyage et de séjour
      • Les frais engagés pour obtenir certaines pièces ;
      • Les honoraires versés à certains consultants techniques amiables (brevet, informatique, etc.) ou experts amiables

==> Formulation de la demande

Compte tenu de ce qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts, il est parfaitement fondé à solliciter la condamnation de [nom du défendeur] le paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire pendante par-devant le Tribunal de céans, elle sera ordonnée dans la décision à intervenir.

PAR CES MOTIFS

Il est de principe que le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

Cette règle impose, autrement dit, aux parties de synthétiser leurs prétentions dans un « dispositif » introduit par la formule « par ces motifs ».

Le dispositif constitue, en quelque sorte, la conclusion du raisonnement juridique.

A cet égard, le juge ne sera tenu de se prononcer que sur les termes de ce dispositif, soit sur les prétentions qui y sont énoncées.

Il est d’usage que le dispositif soit rédigé en ces termes :

Vu les articles […]
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

Il est demandé au Tribunal judiciaire de [ville] de :

Déclarant la demande de [Nom du demandeur] recevable et bien fondée,

I) À titre principal

  • CONSTATER que […]
  • DIRE ET JUGER que […]

 En conséquence,

  • ORDONNER […]
  • PRONONCER […]
  • CONDAMNER

II) À titre subsidiaire

[…]

III) À titre infiniment subsidiaire

[…]

IV) En tout état de cause

  • DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts

En conséquence,

  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] aux entiers dépens
  • ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir

SOUS TOUTES RESERVES ET CE AFIN QU’ILS N’EN IGNORENT

DEMANDE FONDÉE SUR LES PIÈCES SUIVANTES :