Modes alternatifs de règlement des conflits: la médiation

🡺Essor des modes alternatifs de règlement des conflits

Lorsque survient un différend entre justiciables, la saisine du juge constitue toujours un échec pour ces derniers.

Car en effet, porter son litige devant une juridiction c’est renoncer à son pouvoir de décision à la faveur d’une tierce personne.

Plus précisément, c’est accepter de faire dépendre son sort d’un aléa judiciaire, lequel est susceptible de faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre.

Certes, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction des éléments de preuve produits par les parties. Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera, en définitive, selon son intime conviction.

Or cette intime conviction du juge est difficilement sondable. Il y a donc bien un aléa qui est inhérent à toute action en justice, ce qui est de nature à placer les parties dans une situation précaire dont elles n’ont pas la maîtrise.

Au surplus, quelle que soit la décision entreprise par le juge – le plus souvent après plusieurs années de procédure – il est un risque qu’elle ne satisfasse aucune des parties pour la raison simple que cette décision n’aura, par hypothèse, pas été voulue par ces dernières.

Est-ce à dire que la survenance d’un litige condamne nécessairement les parties à une relégation au rang de spectateur, compte tenu de ce qu’elles n’auraient d’autre choix que de subir une solution qui leur aura été imposée ?

À l’analyse, la conduite d’un procès n’est pas la seule solution qui existe pour éteindre un litige ; il est une autre voie susceptible d’être empruntée.

Cette voie réside dans le choix de ce que l’on appelle les modes alternatifs de règlement des conflits désignés couramment sous l’appellation générique de MARC.

Les MARC désignent tous les modes de règlement des conflits autres que le mode contentieux judiciaire traditionnel. Ils offrent la possibilité aux parties, seules ou avec l’aide d’un tiers, assistées ou non d’un avocat, d’être acteurs de leur propre litige.

Depuis le milieu des années 1990, les MARC connaissent un essor considérable en France, le législateur ayant adopté une succession de mesures tendant à en assurer le développement auprès des justiciables jusqu’à, dans certains cas, les rendre obligatoires.

Aujourd’hui, il existe une grande variété de MARC : arbitrage, conciliation, médiation, convention de procédure participative, transaction…

Les dernières réformes en date qui ont favorisé le recours aux modes alternatifs de règlement des conflits ne sont autres que :

  • La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle qui a notamment introduit l’obligation de réaliser une tentative amiable de résolution du litige préalablement à la saisine de l’ancien Juge d’instance
  • La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a renforcé les obligations de recours à la conciliation ou à la médiation en conférant notamment au juge le pouvoir d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Plus récemment encore, le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a créé deux nouveaux outils procéduraux visant à favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire : l’audience de règlement amiable et la césure du procès civil.

Dans sa décision rendue le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a affirmé que la démarche du législateur visant à réduire le nombre des litiges soumis au juge participe de la poursuite de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice.

Parmi les modes alternatifs de règlement des conflits, qui constituent autant d’alternatives au procès, il en est trois qui ont été particulièrement mis en avant à l’occasion des dernières réformes entreprises par le législateur : il s’agit de la conciliation, de la médiation et de la procédure participative.

Nous nous focaliserons ici sur la médiation.

🡺Évolution

À la différence de la conciliation qui prend ses racines dès la Révolution française, la médiation est un mode alternatif de règlement des litiges d’apparition relativement récente.

Le premier texte à avoir institué la médiation en France n’est autre que la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

Elle a été complétée par un décret n°96-652 du 22 juillet 1996 qui a introduit dans le Code de procédure civile les articles 131-1 à 131-15.

Ces dispositions confèrent notamment au juge le pouvoir de désigner une tierce personne, après avoir obtenu l’accord des parties, pour procéder soit à une tentative de conciliation préalable, soit à une médiation pour tenter de parvenir à un accord entre les parties.

La médiation est ainsi désormais envisagée comme un mode alternatif de résolution d’un litige dans un cadre judiciaire.

Guy Canivet, ancien Premier Président de la Cour de cassation a dit de cette introduction de la médiation dans le Code de procédure civile qu’elle révélait l’émergence d’« une conception moderne de la justice, une justice qui observe, qui facilite la négociation, qui prend en compte l’exécution, qui ménage les relations futures entre les parties, qui préserve le tissu social ».

Consécutivement à l’adoption de la loi du 8 février 1995, la médiation s’est, par suite, particulièrement développée sous l’impulsion de l’Union européenne qui a cherché à favoriser les modes alternatifs de règlement des litiges.

Après avoir été envisagée comme un instrument de règlement amiable des litiges dans le cadre judiciaire, la médiation a vu son domaine être étendu pour devenir une alternative à la saisine du juge.

Les États membres se sont ainsi accordés, au cours du Conseil européen de Vienne des 11 et 12 décembre 1998, puis au cours du Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999, à créer des procédures de substitution extrajudiciaires.

C’est dans ce contexte qu’a été adopté par la Commission européenne, le 19 mars 2002, un Livre vert sur les modes alternatifs de résolution des conflits relevant du droit civil et commercial.

La directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, est inspirée de ces travaux.

En substance cette directive a été adoptée aux fins d’encourager le recours à la médiation, regardée comme « une solution extrajudiciaire économique et rapide aux litiges en matière civile et commerciale ».

Cette directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011, laquelle a donné lieu à l’adoption du décret d’application n°2012-66 en date du 20 janvier 2012.

Ce décret a notamment introduit dans le Code de procédure civile un livre V consacré à la résolution amiable des différends en dehors de toute procédure judiciaire.

Là ne s’est pas arrêté le développement de la médiation. Le législateur européen a poursuivi ce qu’il avait entrepris en 2008 en adoptant la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

L’objectif affiché par ce texte était d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs en faisant en sorte qu’ils puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables.

La directive du 21 mai 2013 généralise, en somme, le recours à la médiation en ce qu’elle devient une véritable alternative au règlement judiciaire des litiges de consommation.

Cette directive a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, laquelle a introduit dans le livre 1er du Code de la consommation un titre V dédié à « la Médiation des litiges de consommation ».

La transposition de la directive du 21 mai 2013 s’est achevée par l’adoption du décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 pris en application de l’ordonnance du 20 août 2015.

Ce dispositif de médiation relatif aux litiges de consommation a été complété par la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, laquelle comporte des dispositions qui visent à sécuriser le cadre juridique de l’offre en ligne de résolution amiable des différends.

En effet, compte tenu du développement des plateformes en ligne qui se sont spécialisées dans la fourniture de services de résolution des différends ne faisant pas appel à la justice étatique, il est apparu nécessaire de mettre en adéquation les offres proposées et la demande du public en matière de conciliation, de médiation ou d’arbitrage en ligne, dans un cadre sécurisé.

Aussi, est-il désormais imposé aux sites internet qui fournissent des prestations en ligne d’aide à la résolution amiable des différends de s’assurer que les personnes physiques opérant pour leur compte respectent des conditions d’impartialité, de compétence et de diligence et d’assurer l’information des parties lorsque la médiation est proposée à l’aide d’un algorithme.

Au bilan, il ressort de l’ensemble de ces textes qui se sont succédé sur une période de près de 20 années que le domaine de la médiation est aujourd’hui des plus larges. Il peut y être recouru tant au cours d’une instance que, en dehors du cadre judiciaire.

En parallèle, la médiation est devenue un élément central du dispositif de résolution des litiges de consommation, l’obligation étant faite au professionnel de s’y soumettre en cas de sollicitation d’un consommateur.

🡺Notion

La médiation est définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

Le législateur a ainsi opté pour définition large de la médiation dont l’objet est, selon la Cour de cassation, de « procéder à la confrontation des prétentions respectives des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur » (Cass. 2e civ. 16 juin 1993, n°91-332).

Compte tenu du vaste champ d’application de la médiation, il peut apparaître difficile de la distinguer d’un autre mode de règlement alternatif des litiges : la conciliation.

Bien que toutefois très proche de la conciliation, la médiation s’en distingue sur plusieurs points :

  • L’intervention d’une tierce personne
    • À la différence de la conciliation, la médiation requiert nécessairement l’intervention d’un tiers.
    • La médiation ne se conçoit, en effet, que lorsque, dans leur recherche d’accord, les parties sont assistées par une tierce personne : le médiateur.
    • À cet égard, tant l’article 21 de la loi du 8 février 1995 que l’article 3 de la directive du 21 mai 2008 envisagent la médiation comme un mode de résolution des litiges orchestré par un médiateur.
    • Tel n’est pas le cas de la conciliation qui ne suppose pas nécessairement l’intervention d’un conciliateur.
    • L’article 128 du CPC prévoit en ce sens « les parties peuvent se concilier, d’elles-mêmes ou à l’initiative du juge, tout au long de l’instance. »
  • L’implication de la tierce personne désignée
    • Lorsque la conciliation est conduite par une tierce personne, le conciliateur a pour mission de proposer une solution aux parties, alors que le médiateur est chargé de conduire les parties à trouver une solution d’elles-mêmes.
    • Le tiers n’est ainsi pas impliqué de la même manière dans la conciliation et dans la médiation.
  • Le rôle du juge
    • Tandis qu’en matière de conciliation, le juge peut décider d’exercer la fonction de conciliateur et donc de procéder lui-même à la conciliation des parties, tel n’est pas le cas pour la médiation.
    • En effet, le juge ne peut pas procéder lui-même à une médiation ; il doit nécessairement s’en remettre à un tiers qui endosse le statut de médiateur.
  • Le coût du mode alternatif de résolution du litige
    • Lorsque les parties sollicitent l’intervention d’un médiateur, le service fourni est payant, dans la mesure où ce dernier exerce une profession libérale.
    • Il n’en va pas de même en cas de sollicitation d’un conciliateur qui, parce qu’il est un auxiliaire de justice bénévole, fournit un service purement gratuit.
    • L’article R. 131-12 du Code de l’organisation judiciaire prévoit en effet que les conciliateurs de justice ont « pour mission, à titre bénévole, de rechercher le règlement amiable d’un différend ».

🡺Règles applicables

Qu’il s’agisse de la médiation judiciaire ou de la médiation conventionnelle, ces deux formes de médiation sont soumises aux dispositions de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’article 21-1 de ce texte prévoit en ce sens que « la médiation est soumise à des règles générales qui font l’objet de la présente section, sans préjudice de règles complémentaires propres à certaines médiations ou à certains médiateurs. »

Le cadre normatif de la médiation est ainsi constitué d’un tronc commun (la loi du 8 février 1995) et de dispositions spéciales qui s’articulent autour de la distinction entre la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle.

Section1 : Règles communes

I) Le domaine de la médiation

Le domaine de la médiation est des plus étendu. En effet, ce mode alternatif de règlement des litiges est abordé dans un titre qui relève du Livre 1er du Code de procédure civile.

Or ce livre s’intitule : « dispositions communes à toutes les juridictions ». Il s’en déduit que la médiation est susceptible d’intervenir devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire.

À cet égard, le domaine de la médiation ne se limite pas au cadre judiciaire, puisqu’il peut y être recouru en dehors de l’instance. La médiation peut, en effet, être conventionnelle. Elle sera alors régie notamment par les dispositions qui relèvent du livre V du Code de procédure civile consacré à la résolution amiable des différends.

S’agissant du domaine tenant à l’objet de la médiation il est, quant à lui, plus limité, en ce sens que tous les litiges ne peuvent pas être résolus au moyen d’une médiation.

L’article 21-4 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit, en effet, que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition. »

Ainsi, à l’instar de la conciliation ou de la transaction, la médiation ne peut porter que sur les seuls droits disponibles.

Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer et plus précisément un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.

Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.

Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.

Ainsi, selon cette distinction, une conciliation ne pourrait porter que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :

  • Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
  • Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)

Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :

  • Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
  • Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
  • Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)

II) Le statut du médiateur

L’article 3 de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale définit le médiateur comme « tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence, quelle que soit l’appellation ou la profession de ce tiers dans l’État membre concerné et quelle que soit la façon dont il a été nommé pour mener ladite médiation ou dont il a été chargé de la mener. »

En premier lieu, il ressort de cette définition que le médiateur peut être « tout tiers sollicité » sans autre précision quant à la nature ou à la qualité de la personne qui exerce la fonction de médiateur.

Il s’en déduit qu’il peut s’agir, tant d’une personne physique, que d’une personne morale, ce qui est confirmé par les articles L. 131-4 et L. 1532 du CPC.

À cet égard, l’un et l’autre texte prévoient, dans les mêmes termes, que « lorsque le médiateur est une personne morale, il désigne, avec l’accord des parties, la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation ».

En second lieu, il apparaît que la fonction de médiateur est accessible au plus grand nombre dans la mesure où son exercice ne requiert pas, sauf pour la médiation familiale[1], de justifier d’un diplôme particulier.

Est-ce à dire qu’il peut être accédé au statut de médiateur sans conditions ? Il n’en est rien.

Pour exercer la fonction de médiateur, les textes exigent de satisfaire à des conditions d’honorabilité, de qualification, d’expérience et d’aptitude au regard de la mission confiée.

À cet égard, les conditions requises diffèrent sensiblement, selon que le médiateur intervient dans le cadre d’une médiation judiciaire (art. L. 131-5 CPC) ou dans le cadre d’une médiation conventionnelle (art. 1533 CPC).

III) Conduite de la médiation

A) Principes directeurs

L’article 21-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 prévoit que « le médiateur accomplit sa mission avec impartialité, compétence, indépendance et diligence. »

Il s’infère de cette disposition que la médiation obéit à des principes directeurs qui se rapprochent trait pour trait de ceux gouvernant le procès, à savoir l’impartialité, la compétence, l’indépendance et la diligence.

Ces principes sont définis par le Code de conduite européen pour les médiateurs comme suit :

  • Impartialité
    • L’action du médiateur doit en permanence être impartiale et doit être vue comme telle.
    • Aussi, le médiateur doit-il s’engager à servir toutes les parties d’une manière neutre et équitable.
    • Cela implique qu’il ne doit jamais prendre position pour une l’une ou l’autre partie.
  • Compétence
    • Pour exercer sa mission, le médiateur doit disposer des connaissances suffisantes et de la qualification requise au regard de la nature du différend dans le cadre duquel il a vocation à intervenir.
    • Autrement dit, il doit être en capacité d’éclairer et de guider utilement les parties dans la recherche d’un accord amiable.
    • Concrètement, cela qui suppose que le médiateur qu’il ait une aptitude à comprendre le contexte juridique et qu’il possède une connaissance des techniques de médiation ainsi que des compétences en communication.
  • Indépendance
    • Le médiateur doit agir, aussi longtemps que dure la médiation, en toute indépendance.
    • Cela signifie que, avant d’entamer ou de poursuivre sa médiation, le médiateur doit divulguer toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance ou entraîner un conflit d’intérêts ou qui sont susceptibles d’être considérées comme telles.
    • Ces circonstances peuvent être :
      • toute relation d’ordre privé ou professionnel avec une des parties,
      • tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l’issue de la médiation, ou le fait que le médiateur, ou un membre de son cabinet, a agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.
    • Lorsque l’une de ces circonstances se présente le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que s’il est certain de pouvoir la mener en toute indépendance et en toute neutralité afin de garantir une impartialité totale et à condition que les parties donnent leur consentement exprès.
  • Diligence
    • L’exigence de diligence qui pèse sur les médiateurs signifie qu’ils doivent agir avec soin, attention et promptitude dans l’exercice de leurs fonctions pour servir les intérêts des parties.
    • Concrètement cela implique que le médiateur respecte les délais convenus, maintienne une communication claire avec les parties et veille à ce que le processus de médiation progresse de manière ordonnée.

B) Confidentialité de la médiation

🡺Principe

L’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit que « sauf accord contraire des parties, la médiation est soumise au principe de confidentialité. »

Il en résulte, précise le texte, que « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties. »

Ainsi, le médiateur est-il tenu au secret professionnel, lequel couvre, tant les informations partagées dans le cadre du processus de médiation, que le fait même qu’une médiation doit avoir lieu ou a eu lieu.

À cet égard, il peut être observé que, en pratique, avant d’engager le processus de médiation, les parties signent généralement un accord de médiation qui comporte une clause de confidentialité. Cet accord souligne l’engagement des parties et du médiateur à se soumettre au principe de confidentialité.

Dans un arrêt du 9 juin 2022, la Cour de cassation a jugé que « l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la

partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge » (Cass. 2e civ., 9 juin 2022, n°19-21.798).

🡺Tempéraments

Par exception, le secret professionnel auquel est tenu le médiateur peut être levé :

  • Soit en cas d’accord des parties ;
  • Soit en présence de raisons impérieuses d’ordre public ou de motifs liés à la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant ou à l’intégrité physique ou psychologique de la personne ;
  • Soit, lorsque la révélation de l’existence ou la divulgation du contenu de l’accord issu de la médiation est nécessaire pour sa mise en œuvre ou son exécution

Section 2 : Règles spéciales

Classiquement, on distingue deux sortes de médiations, car obéissant à des règles différentes : la médiation judiciaire et la médiation conventionnelle.

  • La médiation judiciaire
    • Il s’agit de celle qui relève de l’office du juge, lequel a notamment pour mission d’accompagner les parties dans la recherche d’un compromis.
    • Cette forme de médiation est régie par :
      • Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 131-1 à 131-15 du CPC.
      • Par des règles spéciales propres à chaque procédure applicable devant les juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre administratif.
  • La médiation conventionnelle
    • Il s’agit de la médiation qui intervient en dehors de toute instance.
    • Cette forme de médiation est régie par :
      • Par un droit commun, constitué de règles énoncées aux articles 1532 à 1535 du CPC.
      • Par des règles spécifiques propres à certains types ou certaines formes de médiations telle que celle relative aux litiges de consommation ou la médiation en ligne.

§1 : La médiation judiciaire

Dans un arrêt du 16 juin 1993, la Cour de cassation a présenté la médiation comme « une modalité d’application de l’article 21 du Code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 16 juin 1993, n°91-15.332).

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « il entre dans la mission du juge de concilier les parties. »

La médiation ne constituerait donc pas un simple accessoire à l’instance. Elle s’analyserait, au contraire, comme une composante de la mission assignée au juge.

À cet égard, les dernières réformes portant sur la procédure civile se sont en particulier concentrées sur la promotion des modes alternatifs de règlement des conflits. Aussi, peut-il être désormais être recouru à la médiation dans de nombreux cas.

I) L’initiative de la médiation judiciaire

A) La médiation initiée par le juge

1. Principes généraux

La médiation entrant dans la mission du juge (art. 21 CPC), il lui est reconnu la faculté d’en être à l’initiative tout au long de l’instance.

Si, en principe, l’adoption d’une mesure de médiation par le juge est soumise à l’accord des parties, ce dernier peut, toutefois, s’il l’estime nécessaire, la leur imposer.

🡺Principe : la proposition de médiation

L’article 127 du CPC prévoit que « le juge peut proposer aux parties qui ne justifieraient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige une mesure de conciliation ou de médiation. »

Il ressort de cette disposition que le juge saisi d’un litige peut proposer aux parties une mesure de médiation.

L’adoption d’une telle mesure est subordonnée, dit le texte, à la réunion de deux conditions :

  • Première condition
    • Le juge ne peut proposer une mesure de médiation aux parties que si elles ne justifient pas de diligences entreprises pour parvenir à une résolution amiable du litige.
    • Autrement dit, le juge doit constater qu’aucune recherche d’accord amiable n’a été engagée par les parties préalablement à sa saisine.
  • Seconde condition
    • Bien que l’article 127 du CPC ne le dise pas explicitement, l’adoption d’une mesure de médiation par le juge ne peut se faire que si les parties y consentent.
    • L’exigence de cet accord des parties est expressément formulée par l’article 22 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

🡺Exception : l’injonction à la médiation

L’article 127-1 du CPC prévoit que « à défaut d’avoir recueilli l’accord des parties prévu à l’article 131-1, le juge peut leur enjoindre de rencontrer, dans un délai qu’il détermine, un médiateur chargé de les informer de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation ».

Il ressort de cette disposition, issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, que le juge est investi du pouvoir d’ordonner aux parties d’entreprendre une médiation, s’il n’est pas parvenu à recueillir leur accord.

L’article 22-1 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative précise que le juge pourra emprunter la voie de l’injonction lorsqu’il estime qu’une résolution amiable du litige est possible.

En tout état de cause, comme énoncé par l’article 127-1 du CPC, l’injonction délivrée aux parties par le juge de rencontrer un médiateur constitue « une mesure d’administration judiciaire ».

Il en résulte qu’elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

2. Règles spéciales

Si les dispositions du Code de procédure civile, qui régissent la médiation judiciaire, ont, en principe, vocation à s’appliquer en toutes matières, il est dérogé à la règle pour les conflits familiaux.

Ce type de conflits relève, en effet, de ce que l’on appelle la médiation familiale, laquelle obéit à un régime particulier.

À cet égard, il peut être recouru à la médiation notamment dans le cadre d’une procédure de divorce ou dans le cadre d’un conflit relatif à l’exercice de l’autorité parentale.

  • La mise en œuvre de la médiation familiale dans le cadre d’une procédure de divorce
    • L’article 255 du Code civil prévoit que le juge peut :
      • Soit proposer aux époux une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder.
      • Soit enjoindre aux époux, sauf si des violences sont alléguées par l’un des époux sur l’autre époux ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des époux sur son conjoint, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation.
    • Ainsi, en matière de médiation familiale, le juge est-il investi du pouvoir de proposer ou d’imposer aux parties la rencontre d’un médiateur.
    • L’article 1071 du CPC précise que « la décision enjoignant aux parties de rencontrer un médiateur familial en application des articles 255 […] n’est pas susceptible de recours. »
  • La mise en œuvre de la médiation familiale dans le cadre d’un litige relatif à l’exercice de l’autorité parentale
    • Dans cette hypothèse, le juge dispose sensiblement des mêmes pouvoirs que ceux qui lui sont attribués dans le cadre d’une procédure de divorce.
    • L’article 373-2-10 du Code civil lui confère, en effet, le pouvoir de soit proposer aux parties une mesure de médiation, soit les enjoindre de rencontrer un médiateur.
      • Le juge propose aux parties une mesure de médiation
        • Cette faculté est prévue par le deuxième alinéa de l’article 373-2-10 du Code civil qui dispose que « à l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le juge peut leur proposer une mesure de médiation, sauf si des violences sont alléguées par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent, et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder, y compris dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale ».
      • Le juge impose aux parties une mesure de médiation
        • Cette faculté est envisagée au troisième alinéa de l’article 373-2-10 du Code civil qui énonce que le juge « peut de même leur enjoindre, sauf si des violences sont alléguées par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, ou sauf emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure. »
    • L’article 1071, al. 3e du CPC précise que la décision enjoignant aux parties de rencontrer un médiateur familial en application des articles 255 et 373-2-10 du code civil n’est pas susceptible de recours.

B) La médiation imposée par la loi

La loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 a instauré à titre expérimental un dispositif dérogeant à l’article 373-2-10 du Code civil qui, pour mémoire, confère au juge le pouvoir de proposer ou d’imposer aux parties une mesure de médiation dans le cadre d’un conflit relatif à l’exercice de l’autorité parentale.

Ce dispositif expérimental prévu par le législateur consiste à rendre obligatoire la tentative de médiation préalablement à la saisine du juge pour certaines affaires familiales.

Ce dispositif qui prenait fin le 31 décembre 2019 a été reconduit par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

L’article 7 de ce texte prévoit que la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation familiale pour les litiges intéressant :

  • Soit l’exercice de l’autorité parentale
  • Soit la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant
  • Soit les stipulations contenues dans la convention homologuée

Le manquement à cette obligation est sanctionné par l’irrecevabilité de la demande, laquelle peut être soulevée d’office par le juge.

Le recours obligatoire à la médiation familiale préalable n’est toutefois pas obligatoire, dit le texte, dans trois cas :

  • Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du Code civil ;
  • Si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;
  • Si des violences ont été commises par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant.

L’expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire devait initialement durer jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la loi, soit jusqu’au 31 décembre 2019. Elle a fait l’objet de trois prorogations :

  • une prorogation d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2020 par l’article 242 de la loi n°2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
  • une prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2022, en loi de finances pour 2021 par l’article 237 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.
  • une prorogation de deux ans, soit jusqu’au 31 décembre 2024, par l’article 188 de la loi n°2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

La liste des tribunaux judiciaires concernés par cette expérimentation est fixée par l’arrêté du 16 mars 2017 pris par le Garde des sceaux désignant les juridictions habilitées à expérimenter la tentative de médiation préalable obligatoire à la saisine du juge en matière familiale.

Aujourd’hui, 11 tribunaux sont aujourd’hui concernés, il s’agit de ceux de Bayonne, Bordeaux, Cherbourg-en-Cotentin, Évry, Montpellier, Nantes, Nîmes, Pontoise, Rennes, Saint-Denis de la Réunion et Tours.

II) L’objet de la médiation judiciaire

L’article 131-2 du CPC prévoit que « la médiation porte sur tout ou partie du litige ».

Il ressort de cette disposition qu’il peut être recouru à la médiation pour traiter soit le litige tout entier, tel que soumis au juge, soit seulement certains aspects du désaccord des parties.

L’objectif recherché ici est de permettre au juge d’évacuer, autant que possible, tous les chefs de litiges susceptibles de faire l’objet d’un accord amiable.

Dans le cadre d’un litige complexe, il peut, en effet, exister plusieurs points de désaccord en jeu. La médiation offre alors la flexibilité nécessaire pour aborder ces différents chefs de litige pris séparément ou dans leur ensemble.

La décision de recourir à une médiation globale ou partielle dépend de divers facteurs, tels que la complexité du litige, les relations entre les parties, les ressources disponibles pour la médiation, et les intérêts ou objectifs spécifiques des parties.

En optant pour une médiation partielle, les parties peuvent souvent résoudre des aspects clés de leur litige de manière plus efficace et moins conflictuelle, tout en laissant le soin au juge de trancher les questions plus contentieuses ou complexes.

III) Déroulement de la médiation judiciaire

A) La désignation d’un médiateur

La médiation présente la particularité, et c’est là une différence notable avec la conciliation, de ne pas pouvoir être conduite par le juge lui-même.

Aussi, la médiation implique-t-elle nécessairement la désignation par le juge d’un médiateur auquel il appartiendra d’aider les parties à trouver une solution amiable à leur différend.

1. Faculté de désignation

En application des articles 127 et 127-1 du CPC, le juge peut donc :

  • Soit proposer aux parties une mesure de médiation
  • Soit enjoindre les parties de rencontrer un médiateur

Dans les deux cas, il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire conféré au juge qu’il peut choisir d’exercer ou de ne pas exercer.

Reste que, en pratique, il optera pour ce choix, lorsqu’il estimera qu’une solution au litige est susceptible d’être rapidement trouvée.

2. Moment de la désignation

En application des articles 22 et 22-1 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, la faculté de désignation d’un médiateur peut être exercée par le juge « en tout état de la procédure, y compris en référé ».

Ainsi, la médiation est-elle susceptible d’intervenir à tous les stades de l’instance, l’opportunité de proposer ou d’imposer aux parties l’intervention d’un médiateur relevant, en tout état de cause, du seul pouvoir du juge.

3. Le choix du médiateur

L’exercice de la fonction de médiateur judiciaire est subordonné à la satisfaction d’un certain nombre de conditions définies à l’article 131-5 du CPC.

À cet égard, pour faciliter le travail des juges chaque Cour d’appel dresse une liste des médiateurs en exercice à laquelle ces derniers peuvent se référer.

a. Les conditions d’obtention du statut de médiateur judiciaire

L’article 131-5 du CPC prévoit que pour exercer la fonction de médiateur judiciaire, la personne physique susceptible d’être désignée par le juge doit répondre à un certain nombre de conditions :

  • Elle ne doit pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n°2 du casier judiciaire ;
  • Elle ne doit pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
  • Elle doit posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ;
  • Elle doit justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ;
  • Elle doit présenter les garanties d’indépendance nécessaires à l’exercice de la médiation.

Il peut être observé que l’activité de médiation peut être exercée par les avocats, lesquels sont de plus en plus nombreux à proposer ce service à leurs clients.

À cet égard, l’article 21 du décret n°2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats dispose que « la profession d’avocat est compatible avec les fonctions […] de médiateur ».

Dans le même sens, l’article 6.3.1 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN) prévoit que l’avocat peut recevoir des missions de justice. À ce titre, il peut notamment être investi d’une mission de médiateur.

Si la compatibilité de la profession d’avocat avec la fonction de médiateur ne soulève pas de difficulté, elle n’en a pas moins donné lieu à un contentieux tranché par la Conseil d’État.

Par un arrêt du 25 octobre 2018, la haute juridiction administrative a, en effet, annulé la décision de modification du RIN visant à subordonner l’exercice par un avocat de la fonction de médiateur à son référencement auprès du Centre national de médiation des avocats (CE, 25 oct. 2018, n° 411373).

Elle justifie sa décision en avançant notamment que cette modification, qui aurait pour effet de porter atteinte à la liberté d’exercice de la profession d’avocat, n’a pas de fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d’Etat prévus par l’article 53 de la loi du 31 décembre 1971, et ne peut davantage être regardée comme une conséquence nécessaire d’une règle figurant au nombre des traditions de la profession.

b. L’établissement d’une liste des médiateurs judiciaires

i. Modalités d’établissement et de diffusion de la liste des médiateurs

🡺Établissement de la liste

L’article 22-1-A de la loi n°95-125 du 8 février 1995 prévoit qu’il est établi, pour l’information des juges, une liste des médiateurs dressée par chaque cour d’appel.

Pris en application de cette disposition, le décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017 prévoit que :

  • D’une part, la liste comporte une rubrique spéciale pour les médiateurs familiaux et une rubrique spéciale pour les services en ligne fournissant des prestations de médiation.
  • D’autre part, elle est dressée tous les trois ans et peut être modifiée à tout moment, si nécessaire, par ajout, retrait ou radiation.
  • Enfin, la validité de l’ensemble des inscriptions, y compris celles auxquelles il a été procédé postérieurement à la publication de la liste, prend fin trois ans après cette publication.

🡺Diffusion de la liste

La liste des médiateurs dressée par chaque Cour d’appel est mise à la disposition du public sur le site internet de la cour d’appel ou, à défaut, du ministère de la justice.

Par ailleurs, les juridictions, les conseils départementaux de l’accès au droit ainsi que les services d’accueil unique du justiciable, situés dans le ressort de la cour d’appel, doivent informer le public par tous moyens de l’existence de cette liste.

ii. Conditions d’inscription sur la liste des médiateurs

🡺Conditions de droit commun

Les conditions d’inscription sur cette liste ont été définies par le décret n° 2017-1457 du 9 octobre 2017.

À cet égard, ces conditions diffèrent selon que le candidat à l’inscription est une personne physique ou une personne morale.

  • Les conditions d’inscription applicables aux personnes physiques
    • L’article 2 du décret du 9 octobre 2017 prévoit qu’une personne physique ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs près la cour d’appel que si elle réunit, indépendamment de celles requises par des dispositions propres à certains domaines particuliers et de celles spécialement prévues à l’article 131-5 du code de procédure civile pour l’exécution d’une mesure de médiation, les conditions suivantes :
      • Ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire ;
      • Ne pas avoir été l’auteur de faits contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs ayant donné lieu à une sanction disciplinaire ou administrative de destitution, radiation, révocation, de retrait d’agrément ou d’autorisation ;
      • Justifier d’une formation ou d’une expérience attestant l’aptitude à la pratique de la médiation.
  • Les conditions d’inscription applicables aux personnes morales
    • Une personne morale exerçant l’activité de médiateur ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d’appel que si elle réunit les conditions suivantes :
      • Ses dirigeants remplissent les conditions prévues aux 1° et 2° de l’article 2 ;
      • Ses statuts prévoient qu’elle peut accomplir des missions de médiation ;
      • Chaque personne physique qui assure l’exécution des mesures de médiation doit satisfaire aux conditions prévues à l’article 2.

🡺Conditions propres à la médiation en ligne

L’article 3-1 du décret du 9 octobre 2017 précise que la personne qui propose un tel service ne peut être inscrite sur la liste des médiateurs de la cour d’appel que si elle fournit les pièces justifiant que les conditions mentionnées aux articles 4-1 et 4-3 de la loi du 18 novembre 2016 susvisée sont remplies.

  • L’article 4-1 prévoit que les personnes physiques ou morales proposant, de manière rémunérée ou non, un service en ligne de conciliation ou de médiation, telle que définie à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, administrative et pénale, sont soumises aux obligations relatives à la protection des données à caractère personnel et, sauf accord des parties, de confidentialité. Le service en ligne délivre une information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée.
  • L’article 4-3 prévoit que les services en ligne mentionnés aux articles 4-1 et 4-2 ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel. Lorsque ce service est proposé à l’aide d’un tel traitement, les parties doivent en être informées par une mention explicite et doivent expressément y consentir. Les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre sont communiquées par le responsable de traitement à toute partie qui en fait la demande. Le responsable de traitement s’assure de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer, en détail et sous une forme intelligible, à la partie qui en fait la demande la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard.

iii. Constitution du dossier d’inscription

Un arrêté du garde des sceaux fixe la liste des pièces jointes à la demande d’inscription qui justifient le respect des conditions d’inscription à la liste.

De son côté, le Premier président de la cour d’appel fixe les modalités de dépôt des demandes d’inscription, qui peuvent être envoyées par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par courrier électronique à une adresse dédiée.

Le conseiller de la cour d’appel chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs et de coordonner leur action dans le ressort de la cour d’appel, instruit la demande et vérifie que le candidat remplit les conditions requises.

Il peut recevoir le candidat et recueillir tout renseignement sur les mérites de celui-ci ainsi que tous les avis qui lui paraissent nécessaires.

iv. Publication de la liste et renouvellement

L’assemblée générale des magistrats du siège de la cour d’appel dresse la liste des médiateurs en matière civile, commerciale et sociale au cours du mois de novembre, en vue d’une publication au 1er janvier de l’année qui suit.

Cette assemblée peut déléguer l’établissement de la liste à la commission restreinte.

En tout état de cause, l’assemblée générale ou, le cas échéant, la commission restreinte se prononce après avoir entendu le conseiller chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs.

Par ailleurs, à l’expiration du délai de trois ans, la liste est intégralement renouvelée. Les personnes désirant être inscrites à nouveau déposent une demande au moins six mois avant l’expiration de leur inscription. Celle-ci est instruite conformément aux dispositions des articles 4 et 5.

v. Radiation de la liste

La radiation d’un médiateur est prononcée par l’assemblée générale des magistrats du siège ou, le cas échéant, par la commission restreinte, sur le rapport du conseiller chargé de suivre l’activité des conciliateurs de justice et des médiateurs, après avis du procureur général, dès lors que l’une des conditions prévues aux articles 2 à 3-1 cesse d’être remplie ou que le médiateur a méconnu de manière caractérisée les obligations qui s’appliquent à l’exercice de la médiation.

Le médiateur concerné est invité à faire valoir ses observations.

L’intéressé peut solliciter sa radiation ou son retrait à titre temporaire. La décision de radiation ou de retrait temporaire est prise par le premier président après avis du procureur général.

vi. La décision de refus d’inscription, de retrait ou de radiation de la liste

🡺Motivation et notification de la décision

La décision de refus d’inscription, de retrait ou de radiation prise sur le fondement des articles 2, 3 et 8 est motivée.

La décision est notifiée à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La personne morale à laquelle appartient l’intéressé en est informée.

🡺Voies de recours

La décision de refus d’inscription ou de radiation ne peut donner lieu qu’à un recours devant la Cour de cassation. Ce recours doit être motivé à peine d’irrecevabilité.

Il est formé dans un délai d’un mois, par déclaration au greffe de la Cour de cassation ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée à ce greffe.

Le délai court, à l’égard du procureur général, du jour de la notification du procès-verbal de l’assemblée générale ou, le cas échéant, de la commission restreinte établissant la liste des médiateurs civils et commerciaux et des médiateurs familiaux et à l’égard du médiateur, du jour de la notification de la décision.

vii. Prestation de serment

Lors de leur première inscription sur la liste ou de leur réinscription après radiation, les médiateurs doivent prêter serment devant la cour d’appel sur la liste de laquelle ils sont inscrits.

La formule du serment est la suivante :

« Je jure d’exercer ma mission de médiateur en mon honneur et conscience et de ne rien révéler ou utiliser de ce qui sera porté à ma connaissance à cette occasion ».

Pour une personne morale, le serment est prêté par son président ou son représentant légal, même si ce dernier est membre d’une profession judiciaire ou juridique réglementée. Chacun des médiateurs pouvant être désigné par cette personne morale doit prêter serment.

Les membres, y compris à titre honoraire, des professions juridiques et judiciaires réglementées sont dispensés de serment pour leur inscription en tant que personne physique.

4. La décision de désignation du médiateur

a. Contenu de la décision

Selon que la mesure de médiation adoptée par le juge est facultative ou obligatoire, le contenu de la décision rendue ne sera pas le même.

🡺La mesure de médiation est facultative

La mesure de médiation est facultative lorsque son adoption procède d’une proposition formulée par le juge aux parties, lesquelles sont libres de l’accepter ou de la refuser.

Pour le cas où cette proposition a été acceptée par les parties, l’article 131-6, al. 1er du CPC prévoit la décision qui ordonne la médiation doit mentionner :

  • L’accord des parties de rencontrer un médiateur
  • La désignation du médiateur
  • la durée initiale de sa mission et indique la date à laquelle l’affaire sera rappelée à l’audience.

En outre, la décision ordonnant la médiation doit fixer :

  • D’une part, le montant de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible
  • D’autre part, le délai dans lequel les parties qu’elle désigne procéderont à son versement, directement entre les mains du médiateur. Si plusieurs parties sont désignées, la décision précise dans quelle proportion chacune effectuera le versement.

🡺La mesure de médiation est obligatoire

La mesure de médiation est obligatoire lorsqu’elle est imposée aux parties nonobstant l’absence d’accord de ces dernières.

Dans cette hypothèse, l’article 127-1 du CPC prévoit que la décision prise par le juge d’enjoindre les parties de rencontrer un médiateur doit mentionner :

  • La désignation d’un médiateur chargé d’informer les parties de l’objet et du déroulement d’une mesure de médiation
  • Le délai dans lequel la rencontre du médiateur doit intervenir

b. Notification de la décision

L’article L. 131-7al. 1er du CPC prévoit que dès le prononcé de la décision désignant le médiateur, le greffe de la juridiction en notifie copie par lettre simple :

  • aux parties
  • au médiateur

c. Effets de la décision

🡺Interruption de certains délais en appel

L’article 910-2 du CPC prévoit que, dans le cadre d’une procédure d’appel, les délais impartis pour conclure et former appel incident sont interrompus :

  • D’une part, par la décision qui enjoint aux parties de rencontrer un médiateur en application de l’article 127-1 (mesure de médiation obligatoire)
  • D’autre part, par la décision qui ordonne une médiation en application de l’article 131-1 (mesure de médiation facultative).

Par un arrêt du 20 mai 2021, la Cour de cassation a précisé que seule la décision d’ordonner une médiation interrompt les délais pour conclure et non la simple convocation des parties par le médiateur à une réunion d’information (Cass. 2e civ. 20 mai 2021, n°20-13-912).

En tout état de cause, comme énoncé par l’article 910-2 du CPC, l’interruption des délais « produit ses effets jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur. »

🡺Absence de dessaisissement du juge

L’article 131-2 du CPC prévoit que, en aucun cas, la médiation « ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires ».

Il en résulte que le juge conserve le contrôle de la mesure de médiation dont l’exécution demeure sous son autorité et plus généralement de l’instance.

Aussi, le juge est-il toujours investi du pouvoir d’adopter toute mesure qui vise à mettre en état l’affaire, le cas échéant en parallèle de la médiation qui suit son cours.

À cet égard, comme prévu par l’article 131-10 du CPC le juge peut mettre fin d’office à la médiation lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu’elle est devenue sans objet.

d. Voies de recours

En application de l’article 131-15 du CPC, la décision ordonnant une mesure de médiation constitue une mesure d’administration judiciaire.

La Cour de cassation a rappelé cette règle dans un arrêt du 5 avril 2023, aux termes duquel elle a affirmé que « la décision d’ordonner une médiation judiciaire, qui ne peut s’exécuter qu’avec le consentement des parties, est une mesure d’administration judiciaire » (Cass. soc., 5 avr. 2023, n°21-25.323).

Il en va de même pour la décision enjoignant les parties de rencontrer un médiateur (art. 127-1 CPC).

La conséquence en est qu’elles sont toutes deux insusceptibles de faire l’objet d’une voie de recours. Elles s’imposent donc aux parties, sans que celles-ci puissent les contester.

B) La mission du médiateur

1. Le contenu de la mission du médiateur

L’article 131-1, al. 1er du CPC prévoit que « le médiateur désigné par le juge a pour mission d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »

Il ressort de cette disposition que la mission assignée au médiateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.

L’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.

Le médiateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.

Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.

En tout état de cause, le médiateur judiciaire doit toujours demeurer neutre et impartial. Il ne doit jamais prendre parti, ni donner d’avis juridique. Sa mission se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.

Aussi, contrairement à un juge ou à un arbitre, le médiateur ne rend pas de décision. Les parties conservent le contrôle sur l’issue de la médiation.

Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le médiateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable.

En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.

Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et en référer au juge afin qu’il mette fin à sa mission.

Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le médiateur doit en aviser les parties.

2. La durée de la mission du médiateur

🡺Principe

  • La durée initiale de la mission
    • L’article 131-3 du CPC prévoit que la durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois à compter du jour où la provision à valoir sur la rémunération du médiateur est versée entre les mains de ce dernier.
    • Il peut être observé que la durée de la mission du médiateur doit être fixée dans la décision prise par le juge ordonnance la médiation (art. 131-6 CPC).
  • La durée renouvelable de la mission
    • L’article 131-3 du CPC précise que la mission du médiateur peut être renouvelée une fois, pour une même durée, soit trois mois, à la demande du médiateur.

🡺Exception

L’article 22-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit que les dispositions régissant la durée de la mission du médiateur ne sont pas applicables « lorsque le juge ordonne la médiation dans la décision statuant définitivement sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. »

Il en résulte que, pour cette matière, la mission du médiateur peut avoir une durée qui excède les six mois.

C) La rémunération du médiateur au titre de sa mission

C’est là une différence majeure avec la conciliation, la médiation n’est pas gratuite. Le médiateur exerçant une profession libérale, le service qu’il fournit est payant.

Aussi, la conduite de sa mission lui ouvre droit à rémunération dont le montant et le règlement sont régis par le Code de procédure civile.

À cet égard, dans un arrêt du 22 mars 2007, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « le montant de la rémunération du médiateur ne peut dépendre de la circonstance que les parties sont ou non parvenues à un accord » (Cass. 2e civ. 22 mars 2007, n°06-11.790).

1. La fixation de la rémunération du médiateur

Il peut être observé que la fixation de la rémunération du médiateur s’opère en deux temps :

🡺Premier temps : fixation de la provision à valoir sur la rémunération du médiateur

En application de l’article 131-6 du CPC, dès la décision ordonnant la médiation, le juge doit fixer le montant de la provision mentionnée à l’article 131-3 à un niveau aussi proche que possible de la rémunération prévisible.

Il doit également désigner la partie à laquelle il incombe de verser la provision (art 22-2, al. 4e de la loi n°95-125 du 8 février 1995).

Dans le même temps, doit être fixé le délai dans lequel les parties que la décision désigne procéderont au versement de la provision.

Si plusieurs parties sont désignées, la décision ordonnant la médiation doit préciser dans quelle proportion chacune doit effectuer le versement.

À cet égard, le versement de la provision doit se faire directement entre les mains du médiateur.

Conformément à l’article 131-7 du CPC, c’est au médiateur qu’il revient d’informer les parties sur les modalités de versement de la provision qui lui est due.

Il peut être observé que le versement de la provision au médiateur marque le point de départ du délai qui lui est imparti pour remplir la mission qui lui a été confiée par le juge (art. 131-3 CPC).

Ce n’est donc que lorsqu’il a reçu paiement de sa provision que le médiateur convoquera les parties (art 131-7 CPC).

Dans l’hypothèse toutefois, où la partie désignée serait bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, elle est dispensée du versement de la provision, à la condition d’apporter une justification au médiateur.

Enfin, l’article 131-6, al. 3e du CPC précise que « à défaut de versement intégral de la provision dans le délai prescrit, la décision est caduque et l’instance se poursuit. »

🡺Second temps : fixation de la rémunération définitive du médiateur

  • Principe
    • Conformément à l’article 131-13, al. 1er du CPC, à l’issue de la mission du médiateur, il y a lieu de fixer le montant de la rémunération qui lui est définitivement due.
    • En principe, la fixation du montant définitif se fait en accord avec les parties.
    • L’article 131-13, al. 1er in fine précise que l’accord sur la rémunération du médiateur peut être soumis à l’homologation du juge afin de le rendre exécutoire dans les conditions prévues à l’article 1565 du CPC.
  • Exception
    • À défaut d’accord des parties sur la rémunération définitive du médiateur, elle est fixée par le juge (art. 131-13, al. 2e CPC).
    • Deux situations sont alors susceptibles de se présenter :
      • Le montant de la rémunération définitive est inférieur au montant demandé par le médiateur
        • Dans cette hypothèse, le juge invitera le médiateur à formuler ses observations.
        • S’il y a lieu, le médiateur doit restituer aux parties la différence entre le montant de la provision versée et celui de sa rémunération.
      • Le montant de la rémunération définitive est supérieur à la provision versée
        • Dans cette hypothèse, le juge ordonnera le versement de sommes complémentaires après déduction de la provision.
        • Dans le même temps, il doit désigner la ou les parties qui en ont la charge.
        • L’alinéa 6 de l’article 131-13, al. 6e du CPC précise qu’« une copie exécutoire de la décision est délivrée au médiateur, sur sa demande. »
        • La délivrance de cette copie exécutoire vise à permettre au médiateur de faire diligenter par un huissier de justice des mesures d’exécution forcée aux fins de recouvrer sa créance en cas de non-paiement du complément de rémunération qui lui serait dû.
    • Il peut être observé que les règles encadrant la fixation de la rémunération du médiateur sont directement inspirées de celles qui régissent la rémunération de l’expert judiciaire.

2. La charge des frais de la médiation

L’article 131-13, al. 4e du CPC prévoit que « la charge des frais de la médiation est répartie conformément aux dispositions de l’article 22-2 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative ».

Aussi, est-ce vers la disposition visée par ce texte qu’il y a lieu de se reporter. La lecture de cette disposition conduit à distinguer selon que l’aide juridictionnelle est octroyée à l’une des parties.

  • Aucune partie ne bénéficie de l’aide juridictionnelle
    • Dans cette hypothèse, le principe posé par l’article 22-2 de la loi du 8 février 1995 est qu’il revient aux parties de déterminer librement la répartition des frais de médiation.
    • En cas de désaccord, ces frais sont répartis à parts égales, à moins que le juge n’estime qu’une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties.
  • L’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle
    • Dans cette hypothèse, le troisième alinéa de l’article 22-2 de la loi du 8 février 1995 prévoit que la répartition de la charge des frais de la médiation est établie selon les règles prévues à l’alinéa 2 du même article.
    • Il en résulte que les frais de médiation doivent être répartis à parts égales entre les parties, à moins que le juge n’estime qu’une telle répartition est inéquitable au regard de la situation économique des parties.
    • En tout état de cause, les frais incombant à la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle sont à la charge de l’État, sous réserve des dispositions de l’article 50 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

D) Les modalités de déroulement de la médiation

🡺Acceptation par le médiateur de sa mission

Pour mémoire, en application de l’article 131-7 du CPC dès le prononcé de la décision désignant le médiateur, le greffe de la juridiction en notifie copie par lettre simple aux parties et au médiateur.

Le médiateur doit alors :

  • D’une part, faire connaître sans délai au juge son acceptation
  • D’autre part, informer les parties des modalités de versement de la provision à valoir sur sa rémunération

🡺Convocation des parties

L’article 131-7, al. 3e du CPC prévoit que, dès qu’il a reçu la provision qui lui est due, Le médiateur convoque les parties.

🡺Assistance des parties

L’article 131-7, al. 4e du CPC prévoit que « les parties peuvent être assistées devant le médiateur par toute personne ayant qualité pour le faire devant la juridiction qui a ordonné la médiation. »

En procédure orale devant le Tribunal judiciaire il s’agira donc des personnes figurant sur la liste énoncée à l’article 762 du CPC.

En matière de procédure écrite en revanche, la représentation par avocat est obligatoire, de sorte que seul un avocat pourra assister les parties dans le cadre de la médiation.

🡺Pouvoirs du médiateur

Le médiateur est investi de pouvoirs relativement importants dans la mesure où il a faculté :

  • D’une part, d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose (art. 131-1, al. 2e CPC)
  • D’autre part, entendre les tiers pour les besoins de la médiation à la condition que les parties et la personne auditionnée y consentent (art. 131-8, al. 1er CPC)

En revanche, conformément à l’article 131-8 du CPC, le médiateur, ne dispose d’aucun pouvoir d’instruction, ni ne peut être commis par le juge, au cours de l’instance dans laquelle il intervient, pour effectuer une mesure d’instruction.

🡺Confidentialité

L’article 131-14 du CPC rappelle que les informations dont a connaissance le médiateur dans le cadre de sa mission sont couvertes par le secret professionnel.

Cette disposition prévoit en ce sens que « les constatations du médiateur et les déclarations qu’il recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties, ni en tout état de cause dans le cadre d’une autre instance. »

🡺Information du juge sur les difficultés rencontrées

Dans la mesure où la médiation ne dessaisit pas le juge, celui-ci demeure compétent pour connaître de tous les événements susceptibles d’affecter l’évolution du litige qui lui est soumis.

Aussi, l’article 131-9 du CPC prévoit qu’il appartient au médiateur de tenir le juge strictement informé de toutes les difficultés qu’il rencontre dans l’accomplissement de sa mission.

Une fois informé des difficultés éventuellement rencontrées, le juge pourra, en application de l’article 131-2 du CPC, notamment prendre toutes les mesures d’instruction qui lui apparaîtront nécessaires.

🡺La fin de la médiation

  • Fin anticipée de la mission du médiateur
    • En application de l’article 131-10 du CPC, il peut être mis fin de façon anticipée à la mission du médiateur
      • Soit sur la demande de l’une des parties
      • Soit à l’initiative du médiateur
      • Soit d’office par le juge lui-même lorsque le bon déroulement de la médiation apparaît compromis ou lorsqu’elle est devenue sans objet
    • Dans tous les cas, l’affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cette audience, le juge, s’il met fin à la mission du médiateur, peut poursuivre l’instance.
    • Le médiateur est alors informé de la décision.
    • Devant la Cour de cassation, l’affaire est appelée à la date d’audience fixée par le président de la formation à laquelle elle a initialement été distribuée.
  • Fin à l’échéance de la mission du médiateur
    • L’article 131-11 du CPC prévoit que, à l’expiration de sa mission, le médiateur doit informer par écrit le juge de ce que les parties sont ou non parvenues à trouver une solution au conflit qui les oppose.
    • Le jour fixé, l’affaire revient devant le juge.
    • Devant la Cour de cassation, cette information est communiquée par le médiateur avant la date d’audience fixée par le président de la formation.

E) L’issue de la médiation

  • Le succès de la médiation
    • Lorsque les parties parviennent à trouver un accord, l’article 131-12 du CPC prévoit que cet accord, même partiel, peut être soumis par les parties ou par la plus diligence d’entre elles, à l’homologation du juge.
    • Comme énoncé par l’article 21-5 de la loi du 8 février 1995, cette homologation vise à conférer à l’accord « force exécutoire ».
    • Dans un arrêt du 18 juillet 2001, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « le juge n’est pas tenu d’homologuer l’accord qui lui est soumis par les parties mais doit vérifier qu’il préserve les droits de chacune d’elles » (Cass. soc. 18 juill. 2001, n°99-45.534).
    • S’agissant des règles procédurales applicables à la demande d’homologation, il s’agit de celles relevant de la matière gracieuse (art. 131-12, al. 2e CPC).
    • Quant à la saisine du juge, elle se fait par voie de requête, laquelle lui est présentée sans débat, à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties à l’audience (art. 131-12, al. 1er CPC).
    • Aussi, le juge ne sera pas tenu de convoquer les parties avant de statuer sur la demande d’homologation (art. 28 CPC).
    • Une telle requête pourra ainsi être présentée avant l’audience de rappel de l’affaire, pour éviter aux parties d’avoir à se déplacer à cette audience.
  • L’échec de la médiation
    • La médiation débouchera sur un échec lorsque les parties ne seront pas parvenues à trouver un accord.
    • Dans cette hypothèse, parce que le juge est demeuré saisi durant toute la mission du médiateur, l’affaire doit revenir devant lui et l’instance reprend son cours
    • Lorsqu’il aura été mis fin à la médiation de façon anticipée, l’article 131-11 précise que l’affaire doit être préalablement rappelée à une audience à laquelle les parties sont convoquées à la diligence du greffe par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cette audience, après avoir mis fin à la mission de médiateur, le juge prononce la poursuite de l’instance.
    • Le médiateur est alors informé de la décision prise par le juge.
    • Devant la Cour de cassation, l’affaire est appelée à la date d’audience fixée par le président de la formation à laquelle elle a initialement été distribuée.

IV) L’effet de la médiation

A) Effets de la tentative de médiation

Le principal effet de la tentative de médiation est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice.

L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation […] ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation […]. »

L’alinéa 2 de ce texte précise que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur déclarent que la médiation est terminée.

B) Effets de l’accord de médiation

Lorsque, dans le cadre d’une instance en cours, les parties parviennent à trouver un accord dans le cadre d’une mesure de médiation, se pose la question des effets de cet accord.

À l’analyse, ces effets diffèrent selon que l’accord a ou non été homologué par le juge.

1. L’accord non homologué par le juge

🡺Force obligatoire

Lorsque l’accord conclu entre les parties n’a pas été homologué par le juge, ses effets se limitent à ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.

Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.

L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de médiation non homologué par le juge ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.

🡺Force exécutoire

La conclusion d’un accord amiable dans le cadre d’une médiation judiciaire ne lui confère pas automatiquement la force exécutoire.

En effet, tout dépend des modalités de formalisation de l’accord :

  • L’accord amiable a été conclu par voie d’acte notarié
    • Dans cette hypothèse, l’accord amiable sera automatiquement pourvu de la force exécutoire.
    • L’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en effet que les actes notariés revêtus de la formule exécutoire constituent des titres exécutoires.
  • L’accord amiable a été conclu par voie d’acte sous signature privée
    • Principe
      • Les actes sous signature privée sont, par principe, dépourvus de toute force exécutoire, quand bien même il a été conclu dans le cadre d’une médiation judiciaire.
      • Pour obtenir l’exécution forcée des engagements stipulés dans l’acte, les parties doivent nécessairement saisir le juge aux fins qu’il confère à l’accord une force exécutoire.
    • Tempéraments
      • Lorsqu’un acte sous seing privé a été établi dans le cadre d’une médiation judiciaire, les parties disposent d’une option procédurale pour que l’accord constaté dans l’acte se voit conférer la force exécutoire.
      • Les parties peuvent, en effet, faire contresigner cet acte par leurs avocats respectifs.
      • En effet, depuis l’adoption de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la saisine du juge aux fins d’homologation n’est plus la seule voie possible pour conférer une force exécutoire à l’accord de médiation.
      • Ce texte a, en effet, créé une nouvelle voie qui consiste pour les parties à faire contresigner l’accord de médiation par leurs avocats respectifs, ce qui lui confère la valeur de titre exécutoire.
      • L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que « les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »
      • Il ressort de ce texte que pour que l’accord de médiation puisse se voir reconnaître la valeur de titre exécutoire en dehors de l’intervention du juge deux conditions doivent être remplies
        • D’une part, l’accord doit avoir été signé par l’avocat de chacune des parties, ce qui implique que chaque partie soit individuellement représentée.
        • D’autre part, l’accord doit avoir été visé par le greffe auquel il appartient d’apposer la formule exécutoire
      • Lorsque ces deux conditions sont remplies, l’accord de médiation vaut titre exécutoire.
      • En cas d’inexécution par une partie de ses obligations, l’autre partie peut faire diligenter des mesures d’exécution forcée par voie d’huissier de justice.

🡺Absence d’effet extinctif

À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une médiation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.

En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.

Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Si l’accord issu d’une médiation non homologué par le juge est dépourvu de tout effet extinctif, les parties disposent de deux options pour y remédier :

  • La conclusion d’une transaction
    • Afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord dans les formes et conditions d’une transaction.
    • Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».
    • Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :
      • D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
      • D’autre part, stipuler des concessions réciproques
    • Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.
  • Le désistement d’action
    • Pour mettre fin définitivement au litige, les parties pourront également opter pour un désistement mutuel d’action.
    • Pour mémoire, le désistement d’action consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande.
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice.
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé.
    • En application de l’article 384 du CPC, « l’extinction de l’instance est constatée par une décision de dessaisissement. »

2. L’accord homologué par le juge

🡺Force obligatoire

Parce qu’il s’analyse en un contrat, l’accord de médiation homologué par le juge est pourvu de la force obligatoire, ce qui implique que les engagements pris par les parties, aux termes de cet accord, s’imposent à elles.

Cette force obligatoire ne joue toutefois qu’entre les parties ; en application du principe de l’effet relatif des conventions, l’accord ne saurait créer d’obligation à la charge des tiers.

🡺Force probante renforcée

En constatant l’accord amiable conclu par les parties, le juge lui confère la valeur d’acte authentique.

Dans un arrêt du 31 mars 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les constatations faites par les juges dans leurs décisions concernant les déclarations faites devant eux par les parties font foi jusqu’à inscription de faux » (Cass. com. 31 mars 1981, n°79-10.952).

En ayant la valeur d’acte authentique, l’accord amiable est doté d’une force probante renforcée, dans la mesure où il fait foi jusqu’à inscription en faux.

🡺Force exécutoire

Lorsque l’accord conclu dans le cadre d’une médiation judiciaire est homologué par le juge il est pourvu de la force exécutoire.

L’article 21-5 de la loi 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative prévoit en ce sens que « sans préjudice du 7° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, l’accord auquel parviennent les parties peut être soumis à l’homologation du juge, qui lui donne force exécutoire. »

Aussi, les parties ont-elles tout intérêt à faire homologuer les accords auxquels elles seraient parvenues par le juge.

À cet égard, il peut être observé que tant que l’affaire est inscrite au rôle de la juridiction, le juge demeure compétent pour connaître des éventuelles difficultés d’exécution ou d’interprétation de l’accord amiable.

La Cour de cassation a statué en ce sens pour une transaction dans un arrêt du 12 juin 1991 (Cass. 2e civ. 12 juin 1991, n°90-14.841).

🡺Absence d’autorité de la chose jugée

L’homologation de l’accord amiable par le juge ne lui confère pas l’autorité de la chose jugée.

Il en résulte que les parties demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Aussi, si elles souhaitent mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties doivent :

  • Soit conclure leur accord dans les formes et conditions d’une transaction à laquelle est attaché, par nature, un effet extinctif
  • Soit opérer mutuellement un désistement d’action, ce qui aura pour effet d’éteindre l’instance

Dans les deux cas, néanmoins, l’article 384 du CPC précise que l’extinction de l’instance doit être constatée par une décision de dessaisissement rendue par le juge.

§2 : La médiation conventionnelle

🡺Vue générale

Le procès n’est pas le seul cadre dans lequel la médiation est susceptible d’intervenir. Il est également admis que les parties puissent rencontrer un médiateur en dehors de l’instance.

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats. »

Le livre visé par cette disposition n’est autre que celui consacré à « la résolution amiable des différends », soit aux modes de règlement des litiges qui interviennent en dehors des prétoires.

Aussi, la médiation n’est-elle pas nécessairement judiciaire ; elle peut également être conventionnelle.

À cet égard, l’article 1530 du Code de procédure civile définit la médiation conventionnelle comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

La médiation conventionnelle est régie aux articles 1528 à 1541 du Code de procédure civile. Là ne sont toutefois pas les seules règles qui lui sont applicables.

En effet, la médiation conventionnelle n’est pas un mode alternatif de règlement amiable des litiges qui obéirait à un seul et même corps de règles ; elle est multiple.

Cette forme de médiation comporte des ramifications au nombre desquelles figurent notamment la médiation des litiges de la consommation, la médiation des entreprises, la médiation de la sécurité sociale ou encore la médiation administrative.

Nous nous limiterons ici à aborder la médiation des litiges de consommation, laquelle est régie par le Code de la consommation après avoir étudié la médiation conventionnelle ordinaire qui obéit au Code de procédure civile.

I) La médiation conventionnelle ordinaire

Les règles du Code de procédure civile qui encadrent la médiation qui intervient en dehors de l’instance forment une sorte de droit commun de la médiation conventionnelle

A) Les cas de médiation conventionnelle ordinaire

La médiation conventionnelle ordinaire est susceptible d’intervenir dans trois cas distincts. En effet, le recours à cette forme de médiation peut :

  • Soit être spontané
  • Soit être stipulé dans une clause
  • Soit être imposé par la loi

1. Le recours à la médiation conventionnelle spontané

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative […] tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance […] d’un médiateur […] ».

Il ressort de cette disposition que des parties peuvent spontanément, en cas de survenance d’un litige, solliciter les services d’un médiateur afin qu’il les assiste dans le processus de médiation dans lequel elles souhaitent s’engager.

En l’absence d’exigence formulée par le texte, cette saisine ne requiert pas l’observation de formes ou de conditions particulières, sinon l’existence d’un différend à régler et pourvu que ce différend relève de la compétence des juridictions judiciaires dans les matières énumérées à l’article 1529 du CPC.

2. Le recours à la médiation conventionnelle stipulé dans une clause

a. Principe

Il est admis que les parties à un contrat puissent prévoir une clause stipulant l’obligation pour ces dernières d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à l’introduction de toute action en justice devant les juridictions compétentes.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 8 avril 2009 aux termes duquel elle a confirmé la décision entreprise par une Cour d’appel qui avait déclaré irrecevable une action en justice engagée par une partie au mépris d’une clause de médiation préalable (Cass. 1ère civ. 8 avr. 2009, n°08-10.866).

L’exigence de recours préalable à la médiation doit toutefois résulter d’une stipulation contractuelle ; elle ne saurait être tirée d’un usage professionnel (V. en ce sens pour une conciliation Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).

b. Domaine

S’il est par principe admis de prévoir dans un contrat une clause de médiation, la règle ne vaut pas pour tous les contrats.

La clause de médiation sera notamment sans effet :

  • Dans les contrats soumis au droit de la consommation
    • L’article 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »
    • En application de l’article R. 212-2, 10 du même Code une telle clause serait présumée comme étant abusive.
    • Dans un arrêt du 16 mai 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause qui contraint le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. 1ère civ. 16 mai 2018, n°17-16.197).
    • Aussi, dans les rapports entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, la clause de médiation est-elle réputée non écrite.
  • Dans les contrats de travail
    • Dans un arrêt du 14 juin 2022, la Cour de cassation a affirmé « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Cass. soc. 14 juin 2022, n°22-70.004).
    • Il ressort de cette décision que, lorsqu’elles sont stipulées dans un contrat de travail, les clauses de médiation sont réputées sans effet.

c. Conditions

Pour être valable, la clause de médiation préalable doit satisfaire deux conditions :

  • Première condition
    • La clause doit être expressément stipulée dans le contrat qui lie les parties.
    • Aussi, ne peut-elle jamais être tacite, ni s’inférer d’un usage professionnel (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
  • Seconde condition
    • La clause de médiation doit prévoir avec suffisamment de précision ses modalités de mise en œuvre.
    • Dans un arrêt du 3 octobre 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause litigieuse, par laquelle les parties au contrat se bornaient à prendre l’engagement de résoudre à l’amiable tout différend par la saisine d’un médiateur, faute de désigner celui-ci ou de préciser, au moins, les modalités de sa désignation, ne pouvait être mise en œuvre, de sorte que son non-respect ne pouvait fonder une fin de non-recevoir » (Cass. com., 3 oct. 2018, n°17-21.089).

d. Effets

La clause de médiation préalable produit deux effets :

  • Elle fait obstacle à la saine directe du juge
  • Elle suspend la prescription

i. Fin de non-recevoir

🡺Principe

La stipulation d’une clause de médiation a pour effet d’obliger les parties d’entreprendre une tentative de médiation préalablement à la saisine du juge.

Aussi, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a-t-elle jugé, s’agissant que « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir ».

Cette solution est transposable à la clause de médiation laquelle constitue également une fin de non-recevoir en cas de saisine directe du juge.

À cet égard, il peut être observé que

Dans un arrêt du 12 décembre 2014, la Cour de cassation a précisé que « la situation donnant lieu à la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en œuvre d’une clause contractuelle qui institue une procédure, obligatoire et préalable à la saisine du juge, favorisant une solution du litige par le recours à un tiers, n’est pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance » (Cass. ch. Mixte, 12 déc. 2014, n°13-19.684).

La troisième chambre civile a réitéré cette solution spécifiquement pour une clause de médiation dans un arrêt du 6 octobre 2016 (Cass. 3e civ. 6 oct. 2016, n°15-17.989).

Si donc la clause de médiation constitue une fin de non-recevoir interdisant la saisie directe du juge, la Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 22 juin 2017, qu’elle n’empêchait pas, en revanche, la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée.

Plus précisément, la deuxième chambre civile a jugé dans cette décision « qu’une clause imposant ou permettant une médiation préalablement à la présentation d’une demande en justice relative aux droits et obligations contractuels des parties ne peut, en l’absence de stipulation expresse en ce sens, faire obstacle à l’accomplissement d’une mesure d’exécution forcée » (Cass. 2e civ. 22 juin 2017, n°16-11.975).

🡺Tempérament

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à la règle qui fait de la clause de médiation une fin de non-recevoir.

  • Premier tempérament
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que « des dispositions légales instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2022, n°21-18.796 ; V. également en ce sens Cass. 1ère civ. 24 nov. 2021, n°20-15.789).
    • Il ressort de cette décision que les effets de la clause de médiation préalable peuvent être neutralisés si l’urgence le commande.
    • La position prise ici par la Cour de cassation est directement inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
    • Dans un arrêt du 18 mars 2010, les juges luxembourgeois ont, en effet, affirmé que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire, pour autant que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
  • Second tempérament
    • Il est admis que la clause de médiation ne fait pas obstacle à l’introduction d’une action en justice sur le fondement de l’article 145 du CPC, soit une action visant à obtenir des mesures d’instruction in futurum
    • Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens, s’agissant d’un contrat de maîtrise d’œuvre, que « la clause instituant, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat d’architecte, un recours préalable à l’avis du conseil régional de l’ordre des architectes, n’était pas applicable à l’action des époux Z…fondée sur l’article 145 du nouveau code de procédure civile dans le but de réunir des preuves et d’interrompre un délai » (Cass. 3e civ. 28 mars 2007, n°06-13.209).

ii. Suspension de la prescription

Il est admis que la clause de médiation préalable a pour effet de suspendre la prescription (Cass. 1ère civ. 27 janv. 2004, n°00-22.320).

Cette solution a, par suite, été reprise et généralisé par le nouvel article 2238 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».

3. Le recours à la médiation conventionnelle imposé par la loi

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de médiation extrajudiciaire préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).

À cet égard, on recense en droit français plusieurs textes réglementaires qui instituent une obligation de médiation obligatoire. Nous nous limiterons ici à aborder l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, en droit commun, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation ou de médiation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée par le Code de déontologie des architectes.

En tout état de cause, des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, les modes alternatifs de règlement amiable des litiges rencontrent un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la grande souplesse des processus proposés, une bonne organisation des médiateurs et des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à l’accord trouvé par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation ou de médiation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec du mode alternatif de règlement des litiges mis en œuvre, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conclusion d’un accord amiable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a, lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

🡺Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

En application de cette loi, le gouvernement a adopté le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, qui a notamment introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit l’obligation pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire d’entreprendre une tentative préalable de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

L’absence de recours à l’un de ces trois modes de règlement amiable préalablement à la saisine du juge est sanctionnée par l’irrecevabilité de la demande dit le texte. Le principe énoncé par l’article 750-1 est toutefois assorti d’un certain nombre de dérogations.

a. Domaine de l’obligation de tentative préalable de règlement amiable

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est toutefois pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du Code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du Code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

b. Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre, pour la médiation, deux hypothèses :

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste »
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur »
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée.
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement »
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire.

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit qu’« une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancier de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends « ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation. »

B) Le déroulement de la médiation conventionnelle ordinaire

1. Le choix du médiateur

En matière de médiation conventionnelle, les parties sont libres de choisir le médiateur qui leur sied, pourvu qu’il remplisse les exigences énoncées aux articles 1532 et 1533 du CPC.

En premier lieu, le médiateur choisi peut être une personne physique ou modale. Dans ce second cas, il devra désigner, avec l’accord des parties, la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation (art. 1532 CPC).

En second lieu, l’article 1533 du CPC prévoit que pour exercer la fonction de médiateur, la personne désignée doit :

  • D’une part, ne pas avoir fait l’objet d’une condamnation, d’une incapacité ou d’une déchéance mentionnées sur le bulletin n° 3 du casier judiciaire ;
  • D’autre part, posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du différend ou justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation.

2. Mission du médiateur

🡺Durée de la mission

En matière de médiation conventionnelle, la mission du médiateur n’est enfermée dans aucun délai.

Aussi, le processus de médiation peut durer aussi longtemps qu’il est nécessaire, étant précisé que l’une ou l’autre des parties est libre de mettre un terme, à tout moment, à la tentative de médiation.

Par ailleurs, le médiateur doit veiller à ce que la recherche de compromis ne s’étire pas trop dans le temps, dans la mesure où le rallongement des délais a une incidence directe sur la période de suspension de la prescription.

Si dès lors, la médiation ne paraît plus envisageable, il appartient au médiateur d’y mettre un terme par la délivrance d’un constat d’échec.

🡺Contenu de la mission

La mission assignée au médiateur est de favoriser la recherche d’un compromis entre les parties.

Comme pour la médiation judiciaire, l’objectif visé est que ce compromis se dégage naturellement du dialogue entre les parties, lesquelles expriment tour à tour leur point de vue et leurs arguments.

Le médiateur a pour rôle d’écouter les parties et de les accompagner dans la recherche d’une solution amiable.

Pour ce faire, il pourra notamment suggérer aux parties de se consentir des concessions réciproques, mais également les inviter à trouver un accord qui serait assis sur l’équité.

En tout état de cause, le médiateur doit toujours demeurer neutre et impartial. Il ne doit jamais prendre parti, ni donner d’avis juridique. Sa mission se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.

Aussi, contrairement à un juge ou à un arbitre, le médiateur ne rend pas de décision. Les parties conservent le contrôle sur l’issue de la médiation.

Si aucun accord ne se dégage des échanges intervenant entre les parties et qu’il constate une situation de blocage, le médiateur peut rappeler les avantages de l’adoption d’une solution amiable.

En revanche, il doit s’abstenir de pousser les parties à rechercher un compromis coûte que coûte.

Si l’affaire est trop complexe, ou si elle met en cause un principe d’ordre public, il ne doit pas hésiter à en informer les parties et en référer au juge afin qu’il mette fin à sa mission.

Par ailleurs, s’il estime que le compromis dégagé par les parties n’est pas équitable, le médiateur doit en aviser les parties.

3. L’issue de la médiation

3.1. Le succès de la médiation

a. La conclusion d’un accord

La médiation aura réussi lorsque les parties seront parvenues à un accord. Cet accord peut être :

  • Soit total
    • Dans cette hypothèse, l’accord porte sur tous les chefs du litige, de sorte que celui-ci est résolu.
    • Cette issue évite ainsi aux parties de saisir le juge
  • Soit partiel
    • Dans cette hypothèse, l’accord portera seulement sur certains chefs du litige, de sorte que celui-ci ne sera pas totalement épuisé.
    • Les parties pourront alors saisir le juge afin de faire trancher le surplus

Dans l’un ou l’autre cas, l’accord trouvé par les parties devra être dûment formalisé, ne serait-ce que pour que ces dernières se ménagent une preuve des engagements pris dans le cadre du processus de médiation.

b. Les effets de l’accord

b.1. Force obligatoire

Les effets que l’on reconnaît à l’accord intervenu dans le cadre d’une médiation conventionnelle sont ceux que l’on reconnaît à n’importe quel contrat.

Aussi, est-il pourvu de ce que l’on appelle la force obligatoire qui prend sa source à l’article 1103 du Code civil. Cette disposition prévoit que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

Parce que l’accord amiable est pourvu de la force obligatoire, il ne peut être modifié ou révoqué qu’avec l’accord des deux parties.

L’article 1193 du Code civil énonce en ce sens que « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. »

Par ailleurs, il peut être observé que la force obligatoire attachée à l’accord de médiation ne joue qu’entre les seules parties, en application du principe de l’effet relatif des conventions.

b.2. Force exécutoire

🡺Absence de force exécutoire

L’article 502 du Code de procédure civile prévoit que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

Il ressort de cette disposition que pour que des obligations puissent faire l’objet d’une exécution forcée, l’acte constatant ces obligations doit revêtir ce que l’on appelle la « formule exécutoire ».

Cette formule est ce qui confère à l’acte ou à la décision de justice sur laquelle elle est apposée sa valeur de titre exécutoire.

À cet égard, conformément à l’article L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution, seul le créancier muni d’un tel titre peut poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur les biens de son débiteur.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment se procurer un titre exécutoire.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution qui dresse une liste limitative des titres exécutoires.

L’examen de cette liste révèle que les actes constatant un accord intervenu dans le cadre d’une médiation conventionnelle n’en font pas partie.

Il s’en déduit qu’un accord de médiation, bien que résultant de l’intervention d’un médiateur, est dépourvu de toute force exécutoire.

Autrement dit, en cas d’inexécution d’une obligation, le créancier n’aura d’autre choix que d’entreprendre des démarches auprès d’un juge aux fins d’obtenir un titre exécutoire.

La seule présentation de l’acte constatant l’accord de médiation à un commissaire de justice, est donc impuissante à déclencher la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée. Le commissaire de justice ne peut intervenir que s’il est en possession d’un titre exécutoire.

Si donc, par principe, l’accord de médiation est dépourvu de toute force exécutoire, deux options s’offrent aux parties pour y remédier :

  • Saisir le juge aux fins d’homologation de l’accord de médiation
  • Faire contresigner l’accord de médiation par les avocats en présence

i. L’homologation de l’accord

🡺Principe

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Il ressort de cette disposition que, consécutivement à la conclusion d’un d’accord dans le cadre d’une médiation, la faculté est ouverte aux parties de saisir le juge aux fins de faire homologuer cet accord.

Cette possibilité d’homologation, qui doit être évoquée par le médiateur, présente l’avantage pour les parties de conférer immédiatement à leur accord une force exécutoire sans qu’il leur soit besoin d’attendre la survenance d’une éventuelle inexécution, ce qui les contraindrait dès lors à devoir engager une procédure au fond.

La procédure d’homologation est quant à elle bien moins lourde et bien moins coûteuse à mettre en œuvre.

🡺Procédure

S’agissant de la procédure d’homologation judiciaire, elle est régie aux articles 1565 à 1566 du CPC.

  • Compétence
    • Le juge compétent pour homologuer un accord de médiation est, selon l’article 1565 du CPC, celui-là même qui est compétent « pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »
  • Saisine du juge
    • L’article 1534 du CPC prévoit que « la demande tendant à l’homologation de l’accord issu de la médiation est présentée au juge par requête de l’ensemble des parties à la médiation ou de l’une d’elles, avec l’accord exprès des autres ».
    • Il ressort de cette disposition que la saisine s’opère nécessairement au moyen d’une requête qui est présentée au juge sans débat.
    • L’article 1566 du CPC précise toutefois que le juge peut entendre les parties s’il l’estime nécessaire.
  • Pouvoirs du juge
    • L’article 1565 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. »
    • Ainsi, est-il fait interdiction au juge de modifier l’accord de médiation qui lui est soumis.
    • Son pouvoir se limite à soit homologuer l’accord des parties, soit à rejeter la demande d’homologation qui lui est adressée, s’il considère que l’accord conclu ne répond pas aux exigences légales.
  • Décision du juge
    • Le juge dispose donc de deux options :
      • Première option : le juge accède à la demande d’homologation de l’accord de médiation
        • Dans cette hypothèse, le juge rend une ordonnance d’homologation qui confère à l’accord de médiation une force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 2e du CPC précise toutefois que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision. »
        • Cela signifie que dans l’hypothèse où l’accord de médiation porterait atteinte aux droits de tiers, ils disposent d’un recours aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance d’homologation rendue par le juge.
      • Seconde option : le juge rejette la demande d’homologation de l’accord de médiation
        • Le juge peut refuser d’homologuer l’accord de médiation qui lui est soumise s’il estime qu’elle ne répond pas aux exigences légales ou qu’elle porte atteinte à l’ordre public.
        • En tout état de cause, dans cette hypothèse, l’accord de médiation demeurera dépourvu de toute force exécutoire.
        • L’article 1566, al. 3e du CPC précise que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.
        • Cet appel doit alors être formé par déclaration au greffe de la cour d’appel.
        • La Cour d’appel statuera selon la procédure gracieuse.

ii. La contresignature de l’accord par des avocats

🡺Principe

Depuis l’adoption de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, la saisine du juge aux fins d’homologation n’est plus la seule voie possible pour conférer une force exécutoire à l’accord de médiation.

Ce texte a, en effet, créé une nouvelle voie qui consiste pour les parties à faire contresigner l’accord de médiation par leurs avocats respectifs, ce qui lui confère la valeur de titre exécutoire.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que « les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties et revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente. »

Selon le législateur, l’objectif poursuivi par la création de ce nouveau titre exécutoire vise à favoriser le recours aux modes alternatifs de résolution des litiges, en renforçant l’efficacité des accords conclus par les parties.

À cet égard, l’acte contresigné par les avocats de chacune des parties apporte un certain nombre de garanties quant à la réalité et à la régularité de l’accord auquel elles sont parvenues.

En effet, pour mémoire, l’article 1374 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».

En apposant leur contresignature à l’acte, les avocats des parties confèrent ainsi une valeur probante à l’origine de l’accord. Plus précisément, en contresignant, ils attestent l’identité des parties dont ils sont les conseils ainsi que l’authenticité de leur écriture et de leur signature.

L’autre garantie apportée par la contresignature de l’acte par les avocats est qu’elle permet d’opérer une partie du contrôle formel qui est habituellement réalisé par le juge de l’homologation.

🡺Domaine

Pour qu’un accord de médiation puisse se voir reconnaître la valeur de titre exécutoire en dehors de l’intervention du juge de l’homologation, il doit avoir été contresigné, dit l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, par les avocats de chacune des parties.

Cela signifie donc que cette voie, qui permet de conférer à l’accord de médiation une force exécutoire sans qu’il soit besoin de saisir le juge, ne peut être empruntée que si toutes les parties sont représentées par un avocat.

Cette obligation, qui existe déjà par exemple dans le cadre du divorce par consentement mutuel sous signature privée prévu à l’article 229-1 du Code civil, est de nature à éviter tout conflit d’intérêts.

Aussi, dans l’hypothèse où les parties seraient représentées par un seul avocat, la contresignature ne conférera pas à l’acte la valeur de titre exécutoire.

Elles conservent toutefois la possibilité de recourir à l’homologation par le juge sur le fondement de l’article 1565 du CPC.

🡺Insuffisance de la contresignature d’avocats

S’il est désormais plus facile pour les parties de rendre exécutoire l’accord de médiation qu’elles ont conclu, le caractère de titre exécutoire n’est pas conféré directement à l’acte contresigné par les avocats, mais nécessite, en outre, l’apposition de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente.

L’article L. 111-3, 7° du Code des procédures civiles d’exécution prévoit en ce sens que l’accord de médiation ne peut valoir titre exécutoire qu’à la double condition qu’il soit :

  • D’une part, contresigné par les avocats de chacune des parties
  • D’autre part, revêtu de la formule exécutoire apposée par le greffe de la juridiction compétente

Il ressort des travaux parlementaires que cette intervention du greffe vise à écarter le risque d’inconstitutionnalité pesant sur un dispositif qui aurait placé l’avocat comme seul acteur du contrôle de l’acte.

En effet, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur les conditions dans lesquelles le législateur peut autoriser une personne morale de droit privé à délivrer des titres exécutoires.

Dans sa décision n°99-416 DC du 23 juillet 1999, le Conseil constitutionnel a notamment jugé que « si le législateur peut conférer un effet exécutoire à certains titres délivrés par des personnes morales de droit public et, le cas échéant, par des personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public, et permettre ainsi la mise en œuvre de mesures d’exécution forcée, il doit garantir au débiteur le droit à un recours effectif en ce qui concerne tant le bien-fondé desdits titres et l’obligation de payer que le déroulement de la procédure d’exécution forcée ».

Il ressort notamment de cette décision que si une personne de droit privé peut être habilitée par le législateur à émettre des titres exécutoires, c’est à la condition qu’elle soit chargée d’une mission de service public.

La question qui alors se pose est de savoir comment identifier une personne de droit privé chargé d’une mission de service public.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à un arrêt APREI rendu par le Conseil d’État le 22 février 2007, aux termes duquel il a été jugé qu’« une personne privée qui assure une mission d’intérêt général sous le contrôle de l’administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l’exécution d’un service public » (CE, 22 févr. 2007, n°26541).

À l’analyse, l’avocat contresignant un acte sous seing privé ne satisfait pas aux critères d’identification de la personne privée chargée d’une mission de service public énoncés dans cette décision.

D’une part, l’avocat n’exerce pas une mission de service public en tant que telle mais agit en tant que représentant de son client dont il cherche à préserver les intérêts.

La Cour de cassation a d’ailleurs qualifié l’avocat de « conseil représentant ou assistant l’une des parties en litige » et exclut de ce fait sa qualité de collaborateur occasionnel du service public de la justice (Cass. 1ère civ. 13 oct. 1998, n°96-13.862).

D’autre part, le critère du contrôle de l’administration ne saurait davantage être retenu à l’égard d’une profession libérale qui, contrairement aux notaires ou aux commissaires de justice dont certains actes ont valeur de titre exécutoire en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution, sont des officiers publics ministériels.

C’est donc pour écarter le risque d’inconstitutionnalité d’un dispositif centré sur le seul acte contresigné par avocats qu’a été ajoutée la condition d’apposition par le greffe de la formule exécutoire.

🡺Procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe

La procédure d’apposition de la formule exécutoire par le greffe sur un acte contresigné par des avocats est régie par les articles 1568 à 1571 du Code de procédure civile.

  • Auteur de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568 du CPC prévoit que la demande d’apposition de la formule exécutoire sur un accord de médiation contresigné par des avocats peut être formulée par l’une ou l’autre partie.
  • Forme de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • La demande d’apposition de la formule exécutoire doit être formée par écrit et en double exemplaire, auprès du greffe de la juridiction du domicile du demandeur matériellement compétente pour connaître du contentieux de la matière dont relève l’accord.
  • Instruction de la demande d’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1568, al. 3e du CPC prévoit que le greffier n’appose la formule exécutoire qu’après avoir vérifié :
      • Sa compétence
      • La nature de l’acte qui lui est soumis
  • Communication et conservation de la décision du greffier
    • Le greffier accède à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • L’acte contresigné par avocats et revêtu de la formule exécutoire, est alors remis ou adressé au demandeur par lettre simple.
      • Le double de la demande ainsi que la copie de l’acte sont conservés au greffe.
    • Le greffier n’accède pas à la demande d’apposition de la formule exécutoire
      • La décision de refus du greffier d’apposer la formule exécutoire est notifiée par lettre simple au demandeur
      • Elle est conservée au greffe avec le double de la demande ainsi que la copie de l’acte
  • Contestation de l’apposition de la formule exécutoire
    • L’article 1570 du CPC prévoit que toute personne intéressée peut former une demande aux fins de suppression de la formule exécutoire devant la juridiction dont le greffe a apposé cette formule.
    • La demande est alors formée, instruite et jugée selon les règles de la procédure accélérée au fond.

b.3. Absence d’effet extinctif

À la différence d’une transaction, l’accord issu d’une médiation ne produit aucun effet extinctif, en ce sens qu’il ne met pas fin définitivement au litige.

En effet, cet accord n’a pas pour effet d’éteindre le droit d’agir en justice des parties.

Ces dernières demeurent toujours libres, postérieurement à la conclusion de l’accord, de saisir le juge aux fins de lui faire trancher des prétentions qui auraient le même objet.

Si l’accord issu d’une médiation est dépourvu de tout effet extinctif, les parties peuvent y remédier en lui conférant la valeur d’une transaction.

En effet, afin de mettre définitivement fin au litige qui les oppose, les parties peuvent opter pour la conclusion de l’accord de médiation dans les formes et conditions d’une transaction.

Pour rappel, l’article 2044 du Code civil définit la transaction comme « un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ».

Il s’infère de cette définition que pour valoir transaction, l’accord conclu par les parties devra :

  • D’une part, exprimer dans l’acte leur volonté d’éteindre le litige qui les oppose
  • D’autre part, stipuler des concessions réciproques

Lorsque ces conditions sont remplies, la conclusion d’une transaction fait obstacle à toute saisine postérieure du juge, à tout le moins s’agissant de prétentions qui auraient le même objet.

3.2 L’échec de la médiation

🡺Cas d’échec de la médiation

La tentative de médiation est réputée avoir échoué lorsque :

  • Soit, l’une des parties ne répond pas à l’invitation qui lui a été adressée par le médiateur
  • Soit, l’une des parties a répondu à l’invitation du médiateur, mais ne souhaite pas poursuivre la procédure de médiation
  • Soit les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que le litige qui les oppose n’est pas résolu

🡺Formalisation de l’échec de la médiation

Dans l’hypothèse où le processus de médiation n’aboutit pas, compte tenu de ce que la tentative de médiation emporte des effets juridiques, il est vivement recommandé de formaliser un écrit dont les parties pourront se prévaloir, lors d’une éventuelle instance en justice.

Deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Première situation
    • L’une des parties refuse de s’engager dans le processus de médiation.
    • Dans cette hypothèse, le médiateur devra établir un constat de carence
  • Seconde situation
    • Une rencontre des parties sous l’égide du médiateur a bien eu lieu ; ces dernières ne parviennent toutefois pas à trouver un accord.
    • Dans cette hypothèse, le médiateur devra établir un constat d’échec.

C) Les effets de la tentative de médiation conventionnelle

En soi, la médiation conventionnelle ne produit pas vraiment d’effet juridique. Elle vise surtout à favoriser la conclusion d’un accord entre les parties, lequel accord bénéficiera tout au plus de la force exécutoire en cas d’homologation par le juge ou de contresignature par les avocats.

Comme vu précédemment, il ne sera toutefois pas pourvu de l’autorité de la chose jugée, de sorte que l’on ne saurait le regarder comme mettant définitivement fin au litige.

Il en résulte que, nonobstant la conclusion de cet accord, sauf à ce qu’il prenne la forme d’une transaction, il ne fera nullement obstacle à l’introduction d’une action en justice postérieurement à sa conclusion.

À l’analyse, le seul effet juridique qu’emporte la médiation conventionnelle, c’est d’interrompre la prescription et les délais pour agir en justice.

L’article 2238 du Code civil prévoit en ce sens que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

Il peut être observé que le point de départ de la suspension de la prescription est non pas la date de saisine du médiateur, mais :

  • Soit la date à laquelle les parties ont convenu par écrit de recourir à la médiation conventionnelle
  • Soit, à défaut d’accord écrit, la date de comparution des parties à la première réunion suite à l’invitation qui leur a été envoyée par le médiateur

S’agissant de la date marquant la fin de la période d’interruption du délai de prescription, l’article 2238, al. 2e du Code civil précise que le délai de prescription recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée.

Il peut être observé que la preuve de la suspension du délai de prescription, pourra se faire au moyen de l’acte établi par le médiateur (constat d’échec ou constat de carence), attestant de la tentative de médiation et de la date des réunions.

II) La médiation des litiges de consommation

🡺Origines

L’instauration d’un dispositif de médiation pour les litiges de consommation est issue d’une démarche européenne qui a commencé à germer à partir de la fin des années 1990.

Le processus législatif a été engagé par l’adoption de deux recommandations émanant de la Commission européenne en date des 30 mars 1998 et 4 avril 2001. Ces deux recommandations visaient à énoncer les grands principes applicables aux organes responsables pour la résolution extrajudiciaire des litiges de consommation.

Puis, le législateur européen a adopté la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Cette directive a été envisagée afin de faciliter l’accès à des procédures alternatives de résolution des litiges et de favoriser le règlement amiable des litiges en encourageant le recours à la médiation et en garantissant une articulation satisfaisante entre la médiation et les procédures judiciaires. Elle a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2011-1540 du 16 novembre 2011.

Jugeant que les modes alternatifs de règlement extrajudiciaire n’étaient pas encore suffisamment développés au sein de l’Union européenne pour les litiges de consommation, en raison notamment d’une méconnaissance par les consommateurs de leur existence, le législateur européen a adopté un nouveau texte, la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Le principal objectif assigné par le législateur européen à cette directive est de « contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur, en faisant en sorte que les consommateurs puissent, à titre volontaire, introduire des plaintes contre des professionnels auprès d’entités appliquant des procédures de règlement extrajudiciaire des litiges indépendantes, impartiales, transparentes, efficaces, rapides et équitables ».

Ce texte vise, autrement dit, à garantir aux consommateurs un accès à des solutions de résolution de leurs litiges simples, rapides, efficaces et peu onéreuses comme alternative à la voie judiciaire qui est souvent longue, coûteuse et dont l’issue est très aléatoire.

La directive du 21 mai 2013 a été transposée en droit français par l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015.

Cette ordonnance a introduit plusieurs dispositions dans la partie législative du Code de la consommation regroupées sous un titre dédié à la « Médiation ».

Ces dispositions ont été complétées par le décret n°2015-1382 du 30 octobre 2015 qui a parachevé la transposition de la directive du 21 mai 2013.

Aujourd’hui, la médiation des litiges de la consommation est régie :

  • D’une part, par les articles L. 611-1 à L. 616-3 et L. 641-1 du Code de la consommation
  • D’autre part, par les articles R. 612-1 à R. 616-2 du Code de la consommation

Il peut être observé que, compte tenu de ce que la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation a posé un certain nombre d’exigences spécifiques relatives au statut du médiateur et au processus de médiation, les règles du Code de procédures civiles régissant la médiation conventionnelle n’ont pas vocation à s’appliquer à la médiation des litiges de consommation, quand bien même cette forme de médiation présente un caractère conventionnel.

Comme relevé par la doctrine la médiation des litiges de consommation doit ainsi être regardée comme « une médiation conventionnelle d’un nouveau type »[2].

🡺Notion

Bien que la médiation des litiges de consommation présente une véritable singularité dans le domaine de la médiation conventionnelle, le législateur n’a pas jugé bon de lui conférer une définition spécifique.

L’article L. 611-1 du Code de la consommation renvoie, en effet, à la définition générique de la médiation qui est énoncée à l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et de la procédure civile, pénale et administrative ou un autre processus de médiation conventionnelle prévu par la loi.

Pour mémoire, cette disposition définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »

L. 611-4 du Code de la consommation précise toutefois que ne sont pas considérés comme des litiges de consommation, au sens du présent titre, les litiges concernant :

  • Les services d’intérêt général non économique
    • Si l’on s’en rapporte à une communication de la Commission européenne 2016/C 262/01 du 19 juillet 2016, sont visées ici les activités en lien avec :
      • L’armée ou la police
      • La sécurité et le contrôle de la navigation aérienne
      • Le contrôle et la sécurité du trafic maritime
      • La surveillance antipollution
      • L’organisation, le financement et l’exécution des peines d’emprisonnement
      • La valorisation et la revitalisation de terrains publics par des autorités publiques
      • La collecte de données à utiliser à des fins publiques sur la base d’une obligation légale pour les entreprises concernées de communiquer de telles données
      • La sécurité sociale
  • Les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, l’administration et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux
    • Sont ici visés tous les actes réalisés par des professionnels de santé au sens du Code de la santé publique.
    • À cet égard, les professionnels de santé recouvrent trois catégories de professions :
      • Les professions médicales : médecins, odontologistes, chirurgiens-dentistes et sages-femmes (art. L. 4111-1 à L. 4163-10 CSP) ;
      • Les professions de la pharmacie et de la physique médicale : pharmaciens d’officine (exerçant en ville) et hospitaliers et physiciens médicaux (art. L. 4211-1 à L. 4252-3 CSP) ;
      • Les professions d’auxiliaires médicaux : aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers, assistant dentaires, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens-lunetiers, prothésistes, orthésistes, diététiciens (art. L. 4311-1 à L. 4394-4 CSP).
  • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur
    • Les prestataires publics de l’enseignement supérieur ne sont pas soumis au dispositif de la médiation des litiges de consommation car ils n’exercent pas une activité économique

Pour ces trois catégories de litiges, le dispositif de médiation des litiges de consommation n’est donc pas applicable.

🡺Champ d’application

  • Principe
    • L’article L. 611-2 du Code de la consommation prévoit que « la médiation de la consommation s’applique à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel ».
    • Il ressort de cette disposition que le dispositif que le dispositif de médiation des litiges de consommation s’applique, par principe, à tous les professionnels sans distinction.
    • Pour rappel, par professionnel il faut entendre au sens de l’article liminaire du Code de la consommation « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».
    • Quant au consommateur, il s’agit, selon le même article, de « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
    • Aussi, dès lors qu’un différend survient entre un consommateur et un professionnel dans le cadre de leur relation contractuelle ou précontractuelle, celui-ci peut être porté devant un médiateur de la consommation.
  • Exclusions
    • Si par principe le dispositif de médiation institué dans le Code de la consommation a vocation à s’appliquer à tous les litiges opposant un consommateur à un professionnel, le législateur a prévu un certain nombre d’exclusions.
    • En application de l’article L. 611-3 du Code de la consommation prévoit ainsi que la médiation des litiges de la consommation ne s’applique pas
      • Aux litiges entre professionnels ;
      • Aux réclamations portées par le consommateur auprès du service clientèle du professionnel ;
      • Aux négociations directes entre le consommateur et le professionnel ;
      • Aux tentatives de conciliation ou de médiation ordonnées par un tribunal saisi du litige de consommation ;
      • Aux procédures introduites par un professionnel contre un consommateur.

A) Le statut du médiateur de la consommation

1. Conditions d’obtention du statut de médiateur de la consommation

🡺Conditions générales

En premier lieu, il peut être observé que, conformément à l’article L. 611-1, 6° du Code de la consommation, le médiateur de la consommation peut être tout autant une personne physique, qu’une personne morale.

En second lieu, l’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que l’obtention du statut de médiation de la consommation est subordonnée à la réunion des conditions suivantes :

  • Posséder des aptitudes dans le domaine de la médiation ainsi que de bonnes connaissances juridiques, notamment dans le domaine de la consommation ;
  • Être nommé pour une durée minimale de trois années ;
  • Être rémunéré sans considération du résultat de la médiation ;
  • Ne pas être en situation de conflit d’intérêts et le cas échéant le signaler.
  • Il est inscrit sur la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne.

Ces conditions ont vocation à s’appliquer à tous les médiateurs de la consommation.

🡺Conditions spécifiques

Des conditions supplémentaires s’appliquent lorsque la personne désignée pour exercer la fonction de médiateur de la consommation est employée ou rémunérée exclusivement par le professionnel ou par un organisme ou une fédération professionnelle :

  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par le professionnel
    • Dans cette hypothèse, le médiateur de la consommation doit satisfaire aux conditions supplémentaires suivantes :
      • Il doit être désigné, selon une procédure transparente, par un organe collégial mis en place par l’entreprise, comprenant des représentants d’associations de défense des consommateurs agréées et des représentants du professionnel, ou relevant d’une instance nationale consultative dans le domaine de la consommation ou propre à un secteur d’activité dans des conditions fixées par décret ;
      • À l’issue de son mandat, le médiateur a l’interdiction de travailler pendant au moins trois ans pour le professionnel qui l’a employé ou pour la fédération à laquelle ce professionnel est affilié ;
      • Aucun lien hiérarchique ou fonctionnel entre le professionnel et le médiateur ne peut exister pendant l’exercice de sa mission de médiation. Le médiateur doit être clairement séparé des organes opérationnels du professionnel et dispose d’un budget distinct et suffisant pour l’exécution de ses missions.
  • Le médiateur est employé ou rémunéré exclusivement par un organisme ou une fédération professionnelle
    • Dans cette hypothèse, outre la satisfaction des conditions énoncées à l’article L. 613-1 du Code de la consommation, il doit disposer d’un budget distinct et suffisant pour mener à bien sa mission, hormis le cas où il appartient à un organe collégial, composé à parité de représentants d’associations agréées de défense des consommateurs et de représentants des professionnels.

B) Les obligations pesant sur le médiateur de la consommation

1. Obligations relatives à la communication du médiateur auprès des consommateurs

🡺Mise en place d’un site internet

En application de l’article L. 614-1 du Code de la consommation, il appartient à tout médiateur de la consommation de mettre en place un site internet consacré à la médiation et fournissant un accès direct aux informations relatives au processus de médiation.

Sur demande, ces informations peuvent être mises à disposition sur un autre support durable.

🡺Les informations devant être publiées sur le site internet du médiateur

Le médiateur doit fournir aux consommateurs un certain nombre d’informations via son sur internet.

Ces informations sont relatives, d’une part, à son statut et à sa compétence et, d’autre part, au rapport d’activité qu’il doit publier chaque année

  • S’agissant des informations relatives au statut et à la compétence du médiateur
    • Conformément à l’article R. 614-1 du Code de la consommation, le site internet du médiateur de la consommation doit comprendre les informations suivantes :
      • Les adresses postale et électronique du médiateur ;
      • La mention de son inscription sur la liste des médiateurs établie conformément à l’article L. 615-1 ;
      • La décision de sa nomination et la durée de son mandat ;
      • Ses diplômes ou son parcours professionnel ;
      • Son appartenance, le cas échéant, à des réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Les types de litiges relevant de sa compétence ;
      • La référence aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la médiation des litiges de consommation ;
      • Les cas dans lesquels, en application de l’article L. 612-2, un litige ne peut faire l’objet d’une médiation ;
      • La liste des langues utilisées pour la médiation ;
      • Le lien vers le site internet de la Commission européenne dédié à la médiation de la consommation.
    • L’article L. 614-2 du Code de la consommation précise que le médiateur doit fournir sur son site internet un lien électronique vers la plate-forme européenne de résolution en ligne des litiges prévue par le règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CEE) n° 2006/2004 et la directive n° 2009/22/CE (règlement relatif au RLLC).
  • S’agissant des informations relatives au rapport annuel du médiateur
    • En application de l’article R. 614-2 du Code de la consommation,
    • Le médiateur doit mettre à la disposition du public sur son site internet ou communiquer sur demande son rapport annuel d’activité comprenant les informations suivantes :
      • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
      • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
      • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
      • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
      • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
      • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
      • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
      • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

2. Obligations relatives à la mission du médiateur

🡺Principes directeurs

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur de la consommation doit accomplir sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable.

Cette disposition ne fait que reprendre les principes directeurs énoncés par l’article 21-2 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 auxquels sont soumis tous les médiateurs sans distinction.

Ces principes sont définis par le Code de conduite européen pour les médiateurs comme suit :

  • Impartialité
    • L’action du médiateur doit en permanence être impartiale et doit être vue comme telle.
    • Aussi, le médiateur doit-il s’engager à servir toutes les parties d’une manière neutre et équitable.
    • Cela implique qu’il ne doit jamais prendre position pour une l’une ou l’autre partie.
  • Compétence
    • Pour exercer sa mission, le médiateur doit disposer des connaissances suffisantes et de la qualification requise au regard de la nature du différend dans le cadre duquel il a vocation à intervenir.
    • Autrement dit, il doit être en capacité d’éclairer et de guider utilement les parties dans la recherche d’un accord amiable.
    • Concrètement, cela qui suppose que le médiateur qu’il ait une aptitude à comprendre le contexte juridique et qu’il possède une connaissance des techniques de médiation ainsi que des compétences en communication.
  • Indépendance
    • Le médiateur doit agir, aussi longtemps que dure la médiation, en toute indépendance.
    • Cela signifie que, avant d’entamer ou de poursuivre sa médiation, le médiateur doit divulguer toutes les circonstances qui sont de nature à affecter son indépendance ou entraîner un conflit d’intérêts ou qui sont susceptibles d’être considérées comme telles.
    • Ces circonstances peuvent être :
      • toute relation d’ordre privé ou professionnel avec une des parties,
      • tout intérêt financier ou autre, direct ou indirect, dans l’issue de la médiation, ou le fait que le médiateur, ou un membre de son cabinet, a agi en une qualité autre que celle de médiateur pour une des parties.
    • Lorsque l’une de ces circonstances se présente le médiateur ne peut accepter ou poursuivre la médiation que s’il est certain de pouvoir la mener en toute indépendance et en toute neutralité afin de garantir une impartialité totale et à condition que les parties donnent leur consentement exprès.
  • Diligence
    • L’exigence de diligence qui pèse sur les médiateurs signifie qu’ils doivent agir avec soin, attention et promptitude dans l’exercice de leurs fonctions pour servir les intérêts des parties.
    • Concrètement cela implique que le médiateur respecte les délais convenus, maintienne une communication claire avec les parties et veille à ce que le processus de médiation progresse de manière ordonnée.
  • Transparence
    • L’obligation de transparence du médiateur implique qu’il communique aux consommateurs les informations relatives à
      • Son statut et sa compétence
      • Le processus de médiation
      • Son activité
    • Ces informations doivent être communiquées via son site internet ou, sur demande, via tout autre support durable.

L’article R. 613-1 du Code de la consommation précise que le médiateur de la consommation doit informer sans délai les parties de la survenance de toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance, son impartialité ou de nature à créer un conflit d’intérêts ainsi que de leur droit de s’opposer à la poursuite de sa mission.

Si l’une des parties refuse en conséquence de poursuivre la médiation, il est mis fin à la mission du médiateur. Lorsque le médiateur est une personne morale, il est pourvu au remplacement de la personne physique chargée d’accomplir la mission de médiation.

En tout état de cause, compte tenu de l’indépendance à laquelle est tenu le médiateur, il ne peut recevoir aucune instruction des parties (art. R. 613-1, al. 2 C. conso).

Par ailleurs, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a pu indiquer que l’engagement pris par un professionnel d’accepter, par avance, d’entrer en médiation et toute proposition de solution du médiateur de la consommation contrevenait à la nature même du processus de résolution amiable du litige entre les parties et est susceptible d’affecter l’office du médiateur, lequel doit accomplir sa mission « en toute indépendance et impartialité, dans le cadre d’une procédure transparente, efficace et équitable » (art. L.613-1 C. conso.)

🡺Obligation de confidentialité

L’article L. 612-3 du code la consommation dispose que la médiation des litiges de consommation est soumise à l’obligation de confidentialité prévue par l’article 21 -3 de la loi n° 95-l 25 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’alinéa 2 de l’article 21-3 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 précise que « les constatations du médiateur et les déclarations recueillies au cours de la médiation ne peuvent être divulguées aux tiers ni invoquées ou produites dans le cadre d’une instance judiciaire ou arbitrale sans l’accord des parties ».

Conformément à l’interprétation retenue par la Cour de cassation dans un arrêt du 9 juin 2022, cette obligation de confidentialité s’étend à la proposition de solution que le médiateur transmet aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation (Cass. 2e civ., 09 juin 2022, n°19-21.798).

Cette dernière a, en effet, jugé « qu’en dehors des cas dérogatoires prévus par la loi, l’atteinte à l’obligation de confidentialité de la médiation impose que les pièces produites sans l’accord de la partie adverse, soient, au besoin d’office, écartées des débats par le juge ».

L’obligation de confidentialité ainsi attachée à une tentative préalable de médiation s’étend de la décision de recevabilité de la saisine du médiateur de la consommation jusqu’à la proposition de solution du médiateur.

La conséquence en est que cette proposition de solution qui est adressée aux parties, ne saurait être produite en justice dans l’hypothèse où l’une d’elles déciderait de saisir le juge.

En revanche, les décisions qui sont un préalable à la conduite des médiations telles que les refus d’entrer en médiation ou le retrait de l’une ou l’autre des parties en cours de médiation ne sont pas soumises à la confidentialité de la médiation.

🡺Obligation d’établir un rapport annuel

L’article L. 613-1 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit établir chaque année un rapport sur son activité qui doit comporter les informations suivantes :

  • Le nombre de litiges dont il a été saisi et leur objet ;
  • Les questions les plus fréquemment rencontrées dans les litiges qui lui sont soumis et ses recommandations afin de les éviter ;
  • La proportion de litiges qu’il a refusé de traiter et l’évaluation en pourcentage des différents motifs de refus ;
  • Le pourcentage des médiations interrompues et les causes principales de cette interruption ;
  • La durée moyenne nécessaire à la résolution des litiges ;
  • S’il est connu, le pourcentage des médiations qui sont exécutées ;
  • L’existence de la coopération au sein de réseaux de médiateurs de litiges transfrontaliers ;
  • Pour les médiateurs rémunérés ou employés exclusivement par un professionnel, le pourcentage des solutions proposées en faveur du consommateur ou du professionnel ainsi que le pourcentage des litiges résolus à l’amiable.

3. Obligations relatives à l’inscription du médiateur sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

En application de l’article L. 614-4 du Code de la consommation tout médiateur de la consommation doit communiquer à la Commission d’Évaluation et de Contrôle de la Médiation de la Consommation (CECMC) les informations relatives à ses compétences, son organisation et son activité.

C) La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation

Les médiateurs de la consommation sont supervisés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation (CECMC)

1. Composition de la CECMC

Tout d’abord, la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation mentionnée à l’article L. 615-1 est composée :

  • D’un conseiller d’État ;
  • D’un conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire ;
  • De quatre personnalités qualifiées dans le domaine juridique ou en matière de médiation ;
  • De deux représentants des associations de consommateurs agréées au plan national ;
  • De deux représentants d’organisations professionnelles.

Ensuite, les membres de la commission sont nommés par arrêté du ministre chargé de l’économie pour une durée de trois ans renouvelable, sur proposition du vice-président du Conseil d’État pour le conseiller d’État et sur proposition du premier président de la Cour de cassation pour le conseiller à la Cour de cassation.

Des suppléants sont désignés en nombre égal et dans les mêmes formes.

Le président et le vice-président de la commission sont choisis, le Conseiller d’État et le Conseiller à la Cour de cassation désignés, par arrêté du ministre chargé de l’économie.

Enfin les dispositions de l’article 74 de la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et du décret n° 2015-354 du 27 mars 2015 relatif à l’égal accès des femmes et des hommes aux commissions et instances consultatives ou délibératives placées auprès du Premier ministre, des ministres ou de la Banque de France sont applicables à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

2. Missions de la CECMC

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, deux missions principales sont assignées à la CECMC :

  • La mise à jour et la notification auprès de la Commission européenne de la liste européenne des médiateurs de la consommation
  • L’évaluation et le contrôle de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

a. Mission relative à la liste européenne des médiateurs de la consommation

🡺Établissement et mise à jour de la liste

L’article R. 615-5 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient à la CECMC d’examiner les candidatures des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs de la consommation au vu des informations communiquées en application de l’article R. 614-3 et décide de leur inscription sur cette liste.

Pour ce faire, elle peut faire appel à des rapporteurs appartenant aux services de l’État en charge des secteurs d’activité concernés pour l’instruction des dossiers nécessaires à l’établissement de la liste des médiateurs notifiée à la Commission européenne, ainsi que pour leur évaluation (art. L. 616-4 C. conso).

À cette même fin, la commission peut également saisir, pour avis, les autorités publiques indépendantes et les autorités administratives indépendantes, dans les domaines d’activité où elles interviennent.

Dans l’exercice de ses missions, la commission coopère avec ses homologues étrangers.

🡺Notification de la liste auprès de la Commission européenne

Une fois la liste des médiateurs actualisée, la CECMC doit la notifier à la Commission européenne en précisant que les médiateurs inscrits sur la liste satisfont aux exigences de qualité et remplissent les conditions prévues aux articles R. 612-1 à R. 612-5.

La liste doit préciser pour chaque médiateur :

  • Son nom, ses coordonnées et l’adresse de son site internet ;
  • La ou les langues dans lesquelles les demandes de médiation peuvent être introduites et les processus de médiation se dérouler ;
  • Les types de litiges relevant du champ de compétence du médiateur
  • Les secteurs et les catégories de litiges relevant de sa compétence ;
  • Le cas échéant, les frais de sa prestation facturés au professionnel ;
  • La nécessité ou la possibilité de la présence physique des parties ou de leurs représentants ainsi que le caractère oral ou écrit du processus de médiation ;
  • Le caractère non contraignant de l’issue de la procédure de médiation ;
  • Les hypothèses dans lesquelles un litige ne peut être traité par le médiateur.

Si ces informations font l’objet de modifications dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article R. 614-3, la commission doit actualiser sans délai la liste et notifier les informations pertinentes à la Commission européenne.

🡺Publication de la liste

L’article R. 615-9 du Code de la consommation prévoit que la commission doit mettre à la disposition du public la liste actualisée des médiateurs sur son site internet et fournit le lien vers le site internet de la Commission européenne consacré à la médiation de la consommation ainsi que le lien vers le site internet du Centre européen des consommateurs France.

Cette liste est également publiée au Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

b. Évaluation et contrôle des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation

🡺S’agissant de l’évaluation des médiateurs

L’article R. 615-7 du Code de la consommation prévoit que la CECMC doit évaluer régulièrement les médiateurs afin de vérifier qu’ils répondent toujours aux conditions et exigences de qualité propres à l’exercice de la mission de médiateur de la consommation.

Si elle estime qu’un médiateur ne satisfait plus à ces exigences, elle doit aviser ce dernier, par décision motivée, des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

🡺S’agissant du contrôle des médiateurs

En application de l’article L. 615-1 du Code de la consommation, la CECMC a notamment pour mission de contrôler la régularité de l’activité des médiateurs inscrits sur la liste européenne des médiateurs de la consommation.

Si un médiateur ne satisfait pas aux conditions exigées au présent titre, la CECMC doit refuser son inscription sur la liste prévue par l’article L. 615-1.

S’il est déjà inscrit et qu’il ne répond plus à ces conditions ou ne respecte pas les obligations lui incombant, elle peut décider du retrait de l’intéressé de cette liste.

La décision prononçant le refus d’inscription ou le retrait de la liste est prise par décision qui doit être motivée. La CECMC doit par ailleurs aviser l’intéressé des manquements constatés et lui demander de se mettre en conformité dans un délai de trois mois à compter de la date de sa décision.

À l’expiration de ce délai, la commission statue sur le retrait du médiateur de la liste mentionnée à l’article L. 615-1.

3. Fonctionnement de la CECMC

🡺Pouvoirs

L’article R. 615-10 du Code de la consommation prévoit que la CECMC peut entendre toute personne et se faire communiquer tout document en vue de l’accomplissement de sa mission.

🡺Secrétariat

Son secrétariat est assuré par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Il est chargé d’assister la commission dans ses travaux, de recueillir les demandes des personnes souhaitant être inscrites sur la liste des médiateurs et d’informer ces dernières des décisions rendues par la commission.

🡺Délibération

S’agissant des modalités de délibération de la CECMC, elle ne peut régulièrement délibérer qu’en présence de son président ou de son vice-président et d’au moins trois de ses membres.

Ses séances ne sont pas publiques.

🡺Rapport sur la médiation

L’article R. 615-9 du Code de la consommation fait obligation à la CECMC de publier sur son site internet, tous les quatre ans, un rapport sur l’évolution et le fonctionnement des médiations de la consommation et le communique à la Commission européenne.

Ce rapport doit contenir :

  • Le recensement des bonnes pratiques des médiateurs ;
  • Les dysfonctionnements des processus de médiation relevés à l’aide de statistiques ;
  • Des recommandations en vue de l’amélioration du fonctionnement effectif des médiations et de l’efficacité des médiateurs.

D) Le processus de médiation de la consommation

1. Droit à la médiation

a. Contenu du droit de recourir à un dispositif de médiation

🡺Principe

L’article 612-1 du Code de la consommation prévoit que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel ».

Il ressort de cette disposition que le recours à un dispositif de médiation en cas de survenance d’un différend avec un professionnel est une faculté pour le consommateur.

Cela signifie que celui-ci est libre de saisir ou de ne pas saisir le médiateur de la consommation.

🡺Tempérament

Si le recours à une médiation est un droit dont l’exercice est laissé à la discrétion du consommateur, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il est admis qu’un texte puisse imposer aux justiciables la mise en œuvre préalable d’une procédure de règlement amiable des litiges préalablement à l’introduction d’une action en justice (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).

C’est ce que le législateur français a fait à l’occasion de l’adoption de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a par suite été complétée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce texte a, en effet, introduit dans le Code de procédure civile un article 750-1 lequel prévoit que devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage »

Le recours à la médiation, à tout le moins à l’un des trois modes alternatifs de règlement amiable des litiges est ainsi devenu obligatoire pour certains litiges mineurs portés devant le Tribunal judiciaire.

La saisine d’un médiateur constitue l’une de ces voies devant être empruntée préalablement à la saisine du juge.

b. Garantie du recours effectif à un dispositif de médiation

🡺Obligations pesant sur le professionnel

L’article L. 612-1 du Code de la consommation prévoit qu’il appartient au professionnel de garantir au consommateur « le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation ».

De cette obligation qui pèse sur la tête du médiateur découle plusieurs exigences énoncées par le Code de la consommation :

  • Affiliation à un médiateur
    • Il appartient à tout professionnel de s’affilier à un médiateur afin d’être en capacité de fournir aux consommateurs un dispositif de médiation
    • Pour ce faire, le professionnel dispose de deux options :
      • Soit il met en place son propre dispositif de médiation de la consommation
      • Soit il propose au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation
    • L’article L. 612-1 du Code de la consommation précise que lorsqu’il existe un médiateur de la consommation dont la compétence s’étend à l’ensemble des entreprises d’un domaine d’activité économique dont il relève, le professionnel permet toujours au consommateur d’y recourir.
  • Information sur le dispositif de médiation
    • L’article L. 616-1 du Code de la consommation prévoit que le professionnel a l’obligation de communiquer au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs compétents dont il relève.
    • Il est également tenu de fournir cette même information au consommateur, dès lors qu’un litige n’a pas pu être réglé dans le cadre d’une réclamation préalable directement introduite auprès de ses services.
    • S’agissant des modalités de communication de cette information, l’article R. 616-1 du Code de la consommation précise que le professionnel communique au consommateur les coordonnées du ou des médiateurs de la consommation dont il relève, en inscrivant ces informations de manière visible et lisible sur son site internet, sur ses conditions générales de vente ou de service, sur ses bons de commande ou, en l’absence de tels supports, par tout autre moyen approprié.
    • Il doit y mentionner également l’adresse du site internet du ou de ces médiateurs.
  • Gratuité du recours au dispositif de médiation
    • Principe
      • En application de l’article L. 612-1 du Code de la consommation, le professionnel doit garantir au consommateur le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation.
      • Aussi, le coût de la médiation est-il à la charge exclusive du professionnel.
      • Ce système vise à favoriser l’exercice par le consommateur de son droit à saisir un médiateur de la consommation.
    • Tempéraments
      • Si le recours à un dispositif de médiation est, en principe, gratuit, le consommateur conserve toutefois à sa charge les frais engendrés lorsque :
        • Soit il décide de se faire faire représenter par un avocat ou assister par toute autre personne de son choix
        • Soit il sollicite l’avis d’un expert, sauf à ce que la sollicitation soit conjointe auquel cas les frais sont partagés entre les parties.

🡺Interdiction s’imposant au professionnel

L’article L. 612-4 du Code de la consommation prévoit que « est interdite toute clause ou convention obligeant le consommateur, en cas de litige, à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge. »

Cette disposition vise à garantir au consommateur la liberté de ne pas recourir au dispositif de médiation proposé par le professionnel en cas de litige et incidemment le droit de saisir directement le juge, sauf à ce que les conditions d’application de l’article 750-1 du Code de procédure civile soient réunies.

2. Saisine du médiateur

a. Cas de saisine du médiateur

Si le recours à un dispositif de médiation est un droit reconnu à tout consommateur, le médiateur ne peut être saisi que dans certains cas très précis.

L’article L. 612-2 du Code de la consommation prévoit en ce sens qu’un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Positivement cela signifie que pour être recevable à saisir le médiateur le consommateur doit :

  • D’une part, avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • D’autre part, avoir saisi le médiateur dans un délai d’un an à compter de la réclamation écrite adressée au professionnel
  • Enfin, avoir saisi le médiateur pour un litige qui :
    • Relève de son domaine de compétence, soit un litige de consommation au sens de l’article L. 611-2 du Code de la consommation
    • Ne fait pas partie des exclusions du champ d’application du dispositif de médiation des litiges de la consommation énoncées par l’article L. 611-3 du Code de la consommation

b. Modalités de la saisine du médiateur

En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, le médiateur peut être saisi :

  • Soit par voie postale
    • L’article L. 614-3 du Code de la consommation prévoit que « les parties doivent toujours avoir la possibilité de recourir à la médiation par voie postale. »
    • L’article R. 612-1 énonce dans le même sens que la médiation des litiges de la consommation doit être aisément accessible par courrier simple à toutes les parties, consommateur ou professionnel
  • Soit par voie électronique
    • Le consommateur doit pouvoir saisir le médiateur
      • Soit via son site internet
        • L’article L. 614-1 du Code de la consommation prévoit que le site internet qui doit être mis en place par tout médiateur doit permettre aux consommateurs de déposer en ligne une demande de médiation accompagnée des documents justificatifs.
      • Soit par voie de courrier électronique
        • En application de l’article R. 612-1 du Code de la consommation, la médiation des litiges de la consommation mentionnée doit être aisément accessible par voie électronique à toutes les parties, consommateur ou professionnel.

c. Étude de la recevabilité de la saisine

🡺Compétence exclusive du médiateur

Comme énoncé par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la recevabilité d’un dossier relève de la seule compétence du médiateur de la consommation.

Aussi, ne saurait-elle être examinée conjointement avec le professionnel ou son représentant.

Si dans le cadre de l’instruction de la saisine, il est loisible au médiateur de solliciter du professionnel des précisions sur des éléments du dossier qui feraient défaut, le médiateur demeure seul responsable de l’appréciation, à la fois, des litiges entrant dans le champ d’application de la médiation de la consommation en application de l’article L.611-3 du code de la consommation et de la recevabilité de la saisine au regard des dispositions de l’article L.612-2 du même code.

En tout état de cause, le professionnel, qui est partie à l’éventuelle médiation, ne saurait interférer dans cette appréciation.

🡺Les cas d’irrecevabilité de la saisine

En application de l’article R. 612-2 du Code de la consommation « dès réception des documents sur lesquels est fondée la demande du consommateur, le médiateur de la consommation notifie aux parties par voie électronique ou par courrier simple sa saisine. »

Ainsi pèse sur le médiateur l’obligation d’accuser bonne réception de la demande du consommateur.

À réception de la demande qui lui est adressée, le médiateur procède à une étude de recevabilité du dossier.

Il vérifiera notamment si l’un des cas d’irrecevabilité énoncés à l’article L. 612-2 du Code de la consommation n’est pas caractérisé.

Pour mémoire, un litige ne peut pas être examiné par le médiateur de la consommation lorsque :

  • Soit le consommateur ne justifie pas avoir tenté, au préalable, de résoudre son litige directement auprès du professionnel par une réclamation écrite selon les modalités prévues, le cas échéant, dans le contrat ;
  • Soit la demande est manifestement infondée ou abusive ;
  • Soit le litige a été précédemment examiné ou est en cours d’examen par un autre médiateur ou par un tribunal ;
  • Soit le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel ;
  • Soit le litige n’entre pas dans le champ de compétence du médiateur.

Aucune autre condition ne peut être opposée au consommateur. Il n’est ainsi pas possible de demander au consommateur de vérifier si son dossier est complet pour le déclarer recevable.

C’est au médiateur de la consommation seul qu’il revient d’apprécier si le dossier est complet ou non et, dans la négative, de demander tout document complémentaire au consommateur.

La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que l’irrecevabilité n’est pas opposable par le médiateur au consommateur dans les deux cas suivants :

  • Lorsque le litige a été examiné ou est en cours d’examen par un conciliateur de justice ;
  • Lorsque le consommateur a saisi des faits litigieux le procureur de la République, la demande ne pouvant être regardée comme examinée ou en cours d’examen par un tribunal. En effet, le seul dépôt d’une plainte auprès du procureur n’implique pas nécessairement que des poursuites pénales seront engagées, le procureur étant seul maître de l’opportunité des poursuites. Par ailleurs, le procureur de la République ne tranche pas lui-même les litiges. Enfin, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que le procureur de la République ne peut être regardé comme une “autorité judiciaire” au sens de la convention européenne des droits de l’homme, faute en particulier d’indépendance par rapport au pouvoir exécutif (V. en ce sens CEDH 10 juillet 2008, req n° 3394/03, Medvedyev c. France, pt 61.)

🡺Examen des pièces du dossier

Seuls les documents strictement nécessaires à l’étude de la recevabilité de la demande au sens des articles L. 612-2 et L. 611-1 du Code de la consommation peuvent être exigés du consommateur.

Dans le cas où le consommateur ne disposerait plus d’un document (lettre de réclamation adressée au professionnel, contrat…), il est loisible au médiateur de la consommation de le demander au professionnel.

Une fois la saisine déclarée recevable, il appartient au médiateur de la consommation de demander aux parties tout document complémentaire lui permettant d’apprécier au mieux le litige.

🡺Issue de l’étude de la recevabilité de la saisine

À réception par le médiateur du dossier du consommateur, deux situations sont susceptibles de se présenter :

  • Première situation : la demande du consommateur est jugée recevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier aux parties par voie électronique ou par courrier la recevabilité de la demande qui lui est adressée.
    • À cet égard, il doit indiquer aux parties qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser de s’engager dans un processus de médiation.
    • Il doit également leur être rappelé que, à tout moment, elles peuvent se retirer du processus.
    • À cet égard, il peut être observé que si le professionnel a l’obligation de garantir au consommateur le recours effectif à un dispositif de médiation, il n’est pas obligé d’accepter d’entrer en médiation à réception du courrier qui lui est adressé par le médiateur.
    • En pareil cas, le médiateur devra toutefois constater le refus du professionnel afin que le consommateur puisse justifier, le cas échéant, d’une tentative de médiation auprès de la juridiction compétente qu’il entendrait saisir.
    • Compte tenu de ce que le Code de la consommation ne précise pas les modalités d’expression de ce refus, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande au médiateur de constater explicitement ce refus, par exemple en mentionnant dans le courrier de notification de la saisine du médiateur que le silence du professionnel pendant XX jours sera interprété comme un refus, ou en adressant un courrier de relance au professionnel lui indiquant que son silence persistant sera interprété comme un refus.
    • La Commission a toutefois précisé que, en cas de refus systématique ou réitéré d’un professionnel d’entrer en médiation, le médiateur doit en demander les raisons au professionnel afin de vérifier que le professionnel met réellement tout en œuvre pour garantir un recours effectif à son dispositif de médiation. Le médiateur peut également faire mention dans son rapport d’activité de ces refus systématiques et de leurs causes.
  • Seconde situation :la demande du consommateur est jugée irrecevable
    • Dans cette hypothèse, le médiateur doit notifier au consommateur l’irrecevabilité de sa demande qui lui a été adressée.
    • Tout rejet pour cause d’irrecevabilité doit être dûment motivé.
    • L’article L. 612-2 du Code de la consommation précise que le consommateur doit être informé par le médiateur, dans un délai de trois semaines à compter de la réception de son dossier, du rejet de sa demande de médiation pour cause d’irrecevabilité.
    • Pour le cas spécifique où le consommateur ne justifie pas de la formulation écrite d’une réclamation préalable auprès du professionnel, le médiateur doit :
      • Soit l’inviter à accomplir cette démarche auprès du service clientèle concerné en lui fournissant toute information de nature à faciliter cette démarche ;
      • Soit transmettre directement sa demande au service clientèle du professionnel, sous réserve que le consommateur ait donné son accord ou n’ait pas manifesté son opposition après en avoir été informé par écrit par le médiateur.
    • Afin de faciliter l’accès du consommateur à la médiation, la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation recommande aux médiateurs d’admettre la recevabilité des saisines deux mois après que le consommateur a transmis sa réclamation écrite préalable au professionnel quel que soit le service saisi.

d. Effets de la saisine

En application des dispositions de l’article 2238 du Code civil, la saisine du médiateur a pour effet de suspendre la prescription de l’action en justice attachée au droit litigieux.

Plus précisément, la prescription est suspendue à compter de la date de notification aux parties de la recevabilité de la saisine, cette notification devant en faire expressément mention.

La prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date de notification de la solution proposée par le médiateur aux parties en application de l’article R. 612-4 du code de la consommation.

3. Instruction du dossier

🡺Représentation et assistance des parties

L’article R. 612-1 du Code de la consommation prévoit que « les parties ont la faculté, à leur charge, de se faire représenter par un avocat ou de se faire assister par toute personne de leur choix à tous les stades de la médiation ».

Les parties sont également autorisées à solliciter l’avis d’un expert, dont les frais sont à leur charge.

En cas de demande conjointe d’expertise, les frais sont partagés entre les parties.

🡺Pouvoirs du médiateur

Afin de mener à bien sa mission et conformément à l’article R. 612-3, al. 2e du Code de la consommation, le médiateur peut recevoir les parties ensemble ou séparément.

En pratique, cette faculté sera rarement sinon jamais exercé par le médiateur, le processus de médiation étant toujours écrit.

🡺Respect du principe du contradictoire

L’article R. 612-3, al. 1er du Code de la consommation prévoit que « le médiateur communique, à la demande de l’une des parties, tout ou partie des pièces du dossier. »

Il s’agit là d’une expression du principe du contradictoire qui s’impose au médiateur et qui doit le guider dans la conduite du processus de médiation.

Il peut être observé que l’article 9.1 de la Directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation est bien plus précis s’agissant de la mise en œuvre du principe du contradictoire.

Cette disposition prévoit en effet que chaque partie doit avoir la possibilité, dans un délai raisonnable, d’exprimer son point de vue, de recevoir du médiateur les arguments, les éléments de preuve, les documents et les faits avancés par l’autre partie, toute déclaration faite et tout avis rendu par des experts, et de formuler des observations à leur propos.

Le législateur a manifestement opté pour une transposition minimale de la directive en droit français.

🡺Durée de l’instruction du dossier

L’article R. 612-5 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit statuer sur le dossier qui lui est soumis, au plus tard, dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la date de notification de sa saine aux parties.

Le médiateur peut toutefois prolonger ce délai à tout moment, en cas de litige complexe. Il doit alors immédiatement en aviser les parties.

4. Issue de la médiation

Toute demande de médiation d’un consommateur déclarée recevable et pour laquelle le professionnel a accepté d’entrer en médiation doit aboutir à une proposition de solution par le médiateur à moins que les parties aient préalablement trouvé un accord ou que l’une des deux parties se soit désistée au cours du processus comme le prévoit l’article R.612-2 du code de la consommation.

Par conséquent, la pratique consistant pour un médiateur à clore le dossier lorsque le consommateur ne donne pas de réponse à la proposition du professionnel que lui a transmise le médiateur contrevient aux dispositions de l’article R. 612-3 du même code qui impose au médiateur, à défaut d’accord amiable entre les parties, de leur proposer une solution pour régler le litige.

Aussi, le processus de médiation ne peut avoir que deux issues :

🡺Première issue

Grâce à l’intervention du médiateur les parties sont parvenues à trouver un accord amiable qui met fin à leur litige.

Elles doivent alors le faire savoir au médiateur, ce qui a pour conséquence de mettre fin à sa mission.

🡺Seconde issue

  • La formulation d’une proposition de solution par le médiateur
    • Les parties ne sont pas parvenues à trouver un accord, de sorte que leur différend subsiste.
    • Dans cette hypothèse, l’article R. 612-3 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit proposer aux parties une solution pour régler le litige.
    • C’est là une différence majeure avec la médiation conventionnelle ordinaire dans le cadre de laquelle la mission du médiateur se limite à conduire les parties à trouver un accord sans proposer directement de solution.
    • En matière de médiation des litiges de consommation, le rôle du médiateur est bien moins effacé dans la mesure où il doit statuer faute d’accord amiable trouvé d’elles-mêmes par les parties.
    • Lorsque toutefois le médiateur se prononce, il ne rend pas une sentence comme le ferait un arbitre ou un jugement à l’instar d’un juge ; il émet seulement un avis.
    • La différence tient au caractère non contraignant de cet avis, lequel ne s’impose pas aux parties.
    • Elles sont, en effet, parfaitement libres de suivre ou de ne pas suivre la solution proposée par le médiateur.
  • Le contenu de la proposition de solution par le médiateur
    • La proposition de solution formulée par le médiateur doit contenir l’exposé des circonstances de fait, de droit et d’équité qui motivent cette proposition.
  • La notification de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • L’article R. 612-4 du Code de la consommation prévoit que le médiateur doit faire connaître par courrier simple ou par voie électronique aux parties sa proposition de solution.
    • Cette notification doit, par ailleurs, leur rappeler :
      • Qu’elles sont libres d’accepter ou de refuser sa proposition de solution ;
      • Que la participation à la médiation n’exclut pas la possibilité d’un recours devant une juridiction ;
      • Que la solution peut être différente de la décision qui serait rendue par un juge.
    • Le médiateur doit préciser, en outre, quels sont les effets juridiques de l’acceptation de la proposition de solution et fixe un délai d’acceptation ou de refus de celle-ci.
  • Les effets de la proposition de solution formulée par le médiateur
    • Comme indiqué précédemment, la proposition de solution formulée par le médiateur est non contraignante, de sorte que les parties ne sont pas tenues de la suivre.
    • C’est la raison pour laquelle dans le courrier de notification de la proposition de solution, il doit leur être indiqué qu’elles sont libres de l’accepter ou de la refuser.
    • Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, compte tenu de ce que la proposition de solution formulée par le médiateur est couverte par la confidentialité de la médiation, elle ne saurait être produite en justice par l’une ou l’autre partie, sous peine d’être déclarée irrecevable par le juge.
  • Prise de position des parties
    • Les parties acceptent la proposition de solution
      • En cas d’acceptation par les parties de la proposition de solution formulée par le médiateur, la médiation est close.
      • Comme rappelé toutefois par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de faire signer un protocole transactionnel aux parties en cause.
      • Dès lors, si ces dernières souhaitent recourir à ce type d’accord, une telle démarche ne peut relever que de leur propre initiative et ne peut être entreprise qu’après la clôture de la médiation.
      • Au surplus, il peut être observé que pour conférer à leur accord la force exécutoire, il appartient aux parties de saisir le juge aux fins d’homologation dans les conditions énoncées à l’article 1565 du Code de procédure civile.
      • Cette disposition prévoit, pour mémoire, que l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.
      • Le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes.
    • L’une des parties refuse la proposition de solution
      • Lorsque la proposition de solution du médiateur de la consommation n’est pas acceptée par l’une des parties, la médiation est close.
      • Dans une telle situation, il n’entre pas dans la mission du médiateur de la consommation de proposer un autre mode de résolution des litiges, les parties étant alors libres de procéder comme elles l’entendent, et notamment de saisir la juridiction.
      • La question s’est posée de savoir quelles conséquences tirées de l’absence de réponse d’une des parties à la proposition de solution formulée par le médiateur.
      • Pour la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, l’interprétation du silence de l’une des parties à la solution proposée par le médiateur ne saurait être appréciée au cas par cas.
      • Il appartient au médiateur d’indiquer expressément aux parties, dès l’engagement du processus de médiation, si ce silence vaut acceptation ou refus, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation ou le refus sont constatés.
  • Vérification par le médiateur de la position des parties
    • La Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation a eu l’occasion de préciser que le médiateur exerce un rôle d’intermédiaire jusqu’à la clôture du dossier.
    • Aussi, son rôle ne s’arrête pas à la notification de sa proposition de solution aux parties.
    • Il lui appartient ensuite de vérifier personnellement l’accord des parties sur cette proposition.
    • Ainsi, la pratique consistant à demander au professionnel de confirmer directement au consommateur s’il accepte ou s’il refuse la proposition du médiateur de la consommation, est proscrite.

5. Clôture de la médiation

Comme énoncé par la jurisprudence de la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, la médiation de la consommation prend fin au moment où :

  • Soit les deux parties parviennent à un accord ou acceptent la proposition du médiateur, ce qui scelle le succès de la médiation,
  • Soit l’une au moins des parties refuse cette proposition, ce qui traduit l’échec de la médiation.

Aussi, est-il nécessaire, pour assurer la sécurité juridique de chacun, que :

  • Le délai de prise de décision des parties soit prédéterminé et limité dans le temps ;
  • Le médiateur soit informé de ces décisions, fût-ce en tirant les conséquences d’un silence.

Dans cette perspective, les systèmes suivants sont validés :

  • Le médiateur fixe un délai au consommateur et au professionnel pour accepter ou refuser sa proposition de solution
  • L’absence de réponse dans ce délai est assimilée soit à un refus, soit à un accord. Encore faut-il que les parties aient été préalablement informées, de façon claire et non équivoque, des conséquences attachées à leur silence

Cette information doit figurer dans le courrier de notification de la proposition aux parties.

Enfin, le médiateur joint à sa proposition de solution un formulaire de réponse afin que les parties puissent lui signifier aisément leur acceptation ou leur refus.

La médiation prend donc fin soit à la date où les parties acquiescent ou font connaître leur refus, soit, si l’une au moins garde le silence, à l’expiration du délai qui lui a été imparti pour se prononcer.

Dans le cas où la proposition de solution s’avère totalement défavorable au consommateur, la médiation peut être considérée comme close après l’expiration du délai figurant dans la notification qui lui est adressée sous réserve que le consommateur soit clairement informé de la possibilité de saisir la juridiction compétente (CECMC Plén. 26 mai 2021 ; CECMC Plén., 17 nov. 2021).

  1. Le décret n°2003-1166 du 2 décembre 2003 et l’arrêté du 12 février 2004 ont créé un diplôme d’Etat de médiateur familial qui atteste des compétences nécessaires pour intervenir auprès de personnes en situation de rupture ou de séparation afin de favoriser la reconstruction de leur lien familial et aider à la recherche de solutions répondant aux besoins de chacun des membres de la famille.
  2. S. Bernheim-Desvaux, « Résolution extrajudiciaire des litiges de consommation », éd. Lexisnexis, JurisClasseur Concurrence-Consommation, fasc. 1230, § 35.

La clause de conciliation préalable: régime

?Vue générale

Le procès n’est pas le seul cadre dans lequel la conciliation est susceptible d’intervenir. Il est également admis que les parties puissent se concilier en dehors de l’instance.

L’article 1528 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « les parties à un différend peuvent, à leur initiative et dans les conditions prévues par le présent livre, tenter de le résoudre de façon amiable avec l’assistance d’un médiateur, d’un conciliateur de justice ou, dans le cadre d’une procédure participative, de leurs avocats. »

Le livre visé par cette disposition n’est autre que celui consacré à « la résolution amiable des différends », soit aux modes de règlement des litiges qui interviennent en dehors des prétoires.

Aussi, la conciliation n’est-elle pas nécessairement judiciaire ; elle peut également être conventionnelle.

À cet égard, l’article 1530 du Code de procédure civile définit la conciliation conventionnelle comme « tout processus structuré, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord, en dehors de toute procédure judiciaire en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers choisi par elles qui accomplit sa mission avec impartialité, compétence et diligence. »

La conciliation conventionnelle est régie aux articles 1528 à 1541 du Code de procédure civile.

?Domaine

L’article 1529 du CPC prévoit expressément que les règles encadrant la conciliation conventionnelle s’appliquent à tous les « différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction. »

Quant à l’objet de la conciliation conventionnelle, à l’instar de la conciliation judiciaire, elle ne peut porter que sur les seuls droits disponibles, soit tous ceux qui ne sont pas regardés comme étant hors du commerce (les droits patrimoniaux).

A cet égard, la conciliation conventionnelle est susceptible d’intervenir dans trois cas distincts. En effet, le recours à cette forme de conciliation peut:

  • Soit être spontané
  • Soit être stipulé dans une clause
  • Soit être imposé par la loi

Nous nous focaliserons ici sur le recours à la conciliation conventionnelle stipulé dans un clause.

I) Principe

Il est admis que les parties à un contrat puissent prévoir une clause stipulant l’obligation pour ces dernières d’entreprendre une tentative de conciliation préalablement à l’introduction de toute action en justice devant les juridictions compétentes.

Dans un arrêt du 14 février 2003, la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, a jugé en ce sens « qu’il résulte des articles 122 et 124 du nouveau Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge » (Cass. ch. Mixte, 14 févr. 2003, n°00-19.423).

Dans un arrêt du 6 mai 2003, la Première chambre civile a précisé que « la procédure préalable de conciliation ne pouvait résulter que d’une stipulation contractuelle » (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).

Aussi, pour être opposable aux parties, l’obligation de se concilier ne saurait être tirée, comme c’était le cas en l’espèce, d’un usage professionnel.

La Haute juridiction a, en revanche, admis que la clause préalable de conciliation puisse se transmettre au tiers subrogé dans les droits et actions de l’une des parties au contrat, en dépit du fait qu’il n’en aurait pas eu personnellement connaissance (Cass. 3e civ. 28 avr. 2011, n°10-30.721).

II) Domaine

S’il est par principe admis de prévoir dans un contrat une clause de conciliation, la règle ne vaut pas pour tous les contrats.

La clause de conciliation sera notamment sans effet :

  • Dans les contrats soumis au droit de la consommation
    • Dans un arrêt du 5 décembre 2022, la Cour de cassation a jugé que « la clause, qui contraint le consommateur, en cas de litige avec un professionnel, à recourir obligatoirement à un mode alternatif de règlement des litiges avant la saisine du juge, est présumée abusive, sauf au professionnel à rapporter la preuve contraire » (Cass. 3e civ. 19 janv. 2022, n°21-11.095)
    • Ainsi, dans les rapports entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, la clause de conciliation est réputée non écrite.
  • Dans les contrats de travail
    • Dans un arrêt du 5 décembre 2012, la Cour de cassation a affirmé que « qu’en raison de l’existence en matière prud’homale d’une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de conciliation préalable en cas de litige survenant à l’occasion de ce contrat n’empêche pas les parties de saisir directement le juge prud’homal de leur différend » (Cass. soc. 5 déc. 2012, n°11-20.004).
    • Il ressort de cette décision que, lorsqu’elles sont stipulées dans un contrat de travail, les clauses de conciliation sont réputées sans effet.

III) Conditions

Pour être valable, la clause de conciliation préalable doit satisfaire deux conditions :

  • Première condition
    • La clause doit être expressément stipulée dans le contrat qui lie les parties.
    • Aussi, ne peut-elle jamais être tacite, ni s’inférer d’un usage professionnel (Cass. 1ère civ. 6 mai 2003, n°01-01-291).
  • Seconde condition
    • La clause de conciliation doit prévoir avec suffisamment de précision ses modalités de mise en œuvre.
    • Dans un arrêt du 29 avril 2014, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci » (Cass. com. 29 avr. 2014, n°12-27.004).

IV) Effets

La clause de conciliation préalable produit deux effets :

  • Elle fait obstacle à la saine directe du juge
  • Elle suspend la prescription

A) Fin de non-recevoir

?Principe

La stipulation d’une clause de conciliation a pour effet d’obliger les parties d’entreprendre une tentative de conciliation préalablement à la saisine du juge.

Aussi, dans un arrêt du 22 février 2005, la Cour de cassation a-t-elle jugé que « la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge constitue une fin de non-recevoir ».

Il en résulte, dit la Haute juridiction :

?Tempérament

La jurisprudence a apporté deux tempéraments à la règle qui fait de la clause de conciliation une fin de non-recevoir.

  • Premier tempérament
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2022, la Cour de cassation a jugé que « des dispositions légales instituant une procédure de médiation préalable et obligatoire ne font pas obstacle à la saisine du juge des référés en cas de trouble manifestement illicite ou de dommage imminent » (Cass. 3e civ. 13 juill. 2022, n°21-18.796 ; V. également en ce sens Cass. 1ère civ. 24 nov. 2021, n°20-15.789).
    • Il ressort de cette décision que les effets de la clause de conciliation préalable peuvent être neutralisés si l’urgence le commande.
    • La position prise ici par la Cour de cassation est directement inspirée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
    • Dans un arrêt du 18 mars 2010, les juges luxembourgeois ont, en effet, affirmé que le principe de protection juridictionnelle effective ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui impose la mise en œuvre préalable d’une procédure de conciliation extrajudiciaire, pour autant que des mesures provisoires sont envisageables dans les cas exceptionnels où l’urgence de la situation l’impose (CJUE, arrêt du 18 mars 2010, Alassini et a., C-317/08, C-318/08, C- 319/08 et C-320/08).
  • Second tempérament
    • Il est admis que la clause de conciliation ne fait pas obstacle à l’introduction d’une action en justice sur le fondement de l’article 145 du CPC, soit une action visant à obtenir des mesures d’instruction in futurum
    • Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Troisième chambre civile a jugé en ce sens, s’agissant d’un contrat de maîtrise d’œuvre, que « la clause instituant, en cas de litige portant sur l’exécution du contrat d’architecte, un recours préalable à l’avis du conseil régional de l’ordre des architectes, n’était pas applicable à l’action des époux Z…fondée sur l’article 145 du nouveau code de procédure civile dans le but de réunir des preuves et d’interrompre un délai » (Cass. 3e civ. 28 mars 2007, n°06-13.209).

B) Suspension de la prescription

Il est admis que la clause de conciliation préalable a pour effet de suspendre la prescription (Cass. 1ère civ. 27 janv. 2004, n°00-22.320).

Cette solution a, par suite, été reprise et généralisé par le nouvel article 2238 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».

 

Rédiger l’accord de médiation ?

Article rédigé par Martin Oudin, Maître de conférences hdr – directeur honoraire du Master Juriste d’entreprise – Université de Tours

Au plan purement théorique, il est possible de conclure oralement un accord de médiation[1]. Accord de volontés destiné à créer des effets de droit, l’accord de médiation est avant tout un contrat[2]. Or, en matière de contrats, l’écrit est l’exception. Lorsqu’aucune règle spéciale ne l’impose, les parties sont libres d’y recourir ou non. Comme tout contrat de droit commun, l’accord de médiation peut donc être purement verbal.
Cependant, dans une relation qui, par hypothèse, a été par le passé source de conflit, il est prudent de constater par écrit l’accord de médiation. En pratique, la forme écrite est fréquente. Certaines législations nationales l’imposent[3]. D’autres font de l’écrit une condition sans laquelle l’accord ne peut produire certains effets. Ainsi, en droit français, l’homologation de l’accord de médiation est impossible si aucun écrit n’existe. L’article 131-12 du code de procédure civile est sans ambiguïté pour ce qui concerne la médiation judiciaire, puisqu’il énonce que « les parties peuvent soumettre à l’homologation du juge le constat d’accord établi par le médiateur de justice. » L’article 1565 al. 1er est moins clair pour l’accord de médiation conventionnelle[4], mais on voit mal comment un accord non écrit pourrait être soumis au juge. On peut enfin souligner que si les parties veulent conférer à l’accord de médiation la valeur d’une transaction, elles devront le rédiger par écrit, conformément à l’article 2044 du code civil[5].
Compte tenu de sa nature très particulière, l’accord de médiation doit être rédigé avec prudence. De nombreuses précautions doivent être prises, dès avant que les premiers mots soient couchés sur le papier.

1.- Les rédacteurs


La question même de savoir qui va rédiger l’accord soulève des interrogations. Bien souvent, les parties n’ont pas la compétence technique nécessaire. Quand bien même elles auraient cette compétence, le risque est grand de voir le conflit ressurgir dans la phase rédactionnelle, soit que les parties ne s’entendent pas sur la façon de transcrire leurs échanges, soit que l’une d’elles saisisse cette occasion pour revenir sur les propos qu’elle a tenus. L’accompagnement d’un tiers paraît donc indispensable, sous peine de compromettre tout le processus.
Ce tiers est parfois tout désigné par l’objet même du litige. Ainsi, si celui-ci porte sur des droits immobiliers, la nécessité de recourir à la forme authentique imposera la sollicitation d’un notaire. Rien de tel en matière de conflits individuels de travail : aucune règle ou contrainte particulière ne désigne un rédacteur spécifique.

1.1.- Rédaction par le médiateur ?

Il est naturel de songer que le tiers rédacteur peut – ou doit – être le médiateur qui a aidé les parties à parvenir à un accord. La solution est pourtant loin d’être évidente pour les médiateurs eux-mêmes.
Certains doutent tout d’abord que le médiateur soit habilité à rédiger l’accord. Il n’existe pourtant aucune prohibition expresse en ce sens. On cite souvent l’article 60 de la loi du 31 décembre 1971[6]. Selon ce texte, « Les personnes exerçant une activité professionnelle non réglementée pour laquelle elles justifient d’une qualification reconnue par l’Etat ou attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé peuvent, dans les limites de cette qualification, donner des consultations juridiques relevant directement de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privé qui constituent l’accessoire nécessaire de cette activité. » Il est vrai que tous les médiateurs ne sont pas tenus de justifier d’une « qualification » au sens de l’article 60 de la loi de 1971[7]. Mais nombreux sont ceux qui sont titulaires d’un diplôme universitaire ou délivré par un organisme de formation agréé. Ne s’agit-il pas alors d’une qualification « attestée par un organisme public ou un organisme professionnel agréé » ? Par ailleurs, ne peut-on pas considérer que l’accord de médiation constitue « l’accessoire nécessaire » de l’activité de médiation ?
Quoi qu’il en soit, l’obstacle majeur à la rédaction de l’accord par le médiateur est d’une autre nature. Il tient à la crainte, pour les médiateurs, de voir leur responsabilité engagée en leur qualité de rédacteurs d’acte. Les rédacteurs d’actes sont tenus d’une obligation de conseil envers les parties en présence et doivent s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’ils confectionnent, comme l’affirment certains textes[8] et une jurisprudence constante. C’est surtout à propos des professionnels du droit – notaires[9], avocats[10] et huissiers de justice[11] – que la Cour de cassation a régulièrement l’occasion de rappeler ce principe[12]. Mais elle l’a également étendu à d’autres professionnels, tels les agents immobiliers[13] ou les experts comptables[14]. Il semble qu’en fait le principe puisse être généralisé à tous les professionnels rédacteurs d’acte, comme le suggèrent certaines formules utilisées par la Cour de cassation : « les rédacteurs d’actes sont tenus d’une obligation de conseil envers toutes les parties en présence et doivent s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’ils confectionnent »[15] ; « les rédacteurs d’actes doivent s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’ils confectionnent ; à défaut, ils engagent leur responsabilité envers toutes les parties en présence »[16]. On ne voit pas pour quelle raison cette responsabilité ne devrait pas être appliquée au médiateur. Bien sûr, il n’est pas a priori un spécialiste de la rédaction d’actes. Mais il est un professionnel rémunéré pour sa prestation de médiation. S’il décide d’étendre celle-ci à la rédaction d’un accord, il doit s’acquitter de cette tâche en bon professionnel. Ce qui implique, nous semble-t-il, qu’il prenne connaissance a minima des conditions de validité et d’efficacité de l’accord. Si par exemple il acceptait de rédiger un accord par lequel les parties renonceraient à des droits indisponibles, il est probable que celles-ci pourraient ensuite mettre en cause sa responsabilité.
La loi de 1971 exige que les rédacteurs d’acte soient couverts par une assurance souscrite personnellement ou collectivement et qu’ils justifient d’une garantie financière[17]. Or, les assurances souscrites par les médiateurs ne couvrent pas toujours ce type de risques. C’est pourquoi, en pratique, de nombreux médiateurs s’abstiennent purement et simplement de rédiger eux-mêmes des accords de médiation. D’autres ont recours à des stratégies de contournement : ils se limitent à rédiger de simples « projets d’accord » ou indiquent expressément que la rédaction a été faite sous la dictée des parties. Il n’est pas certain que ces expédients leur permettent d’échapper à une éventuelle responsabilité. Deux affaires portées devant la Cour de cassation témoignent en effet de la sévérité de celle-ci.
Dans la première, un avocat avait établi un projet d’acte de cession de fonds de commerce à la demande du propriétaire du fonds, l’acte de vente n’étant dressé que quelques jours plus tard hors la présence de l’avocat. Un litige était ensuite survenu avec le propriétaire du local dans lequel le fonds était exploité, au sujet d’une clause du contrat de bail que l’acte de vente n’avait pas prise en considération. Pour retenir la responsabilité de l’avocat, les juges relèvent que le projet d’acte établi par lui « était si complet et si détaillé [qu’il] ne pouvait ignorer qu’il serait utilisé comme modèle par les parties »[18].
La seconde affaire concerne un acte de cession de parts sociales établi, à la demande du cédant, par un avocat et signé hors la présence de ce dernier. Le cessionnaire ayant été poursuivi en paiement de dettes de la société dont il avait acquis des parts, il se retourna contre l’avocat. Pour la Cour de cassation, dès lors que l’avocat « avait remis [au cédant], non un simple modèle, mais un projet finalisé entièrement rédigé par ses soins, la cour d’appel en a exactement déduit qu’en qualité d’unique rédacteur d’un acte sous seing privé, l’avocat était tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la portée des engagements souscrits de part et d’autre, peu important le fait que l’acte a été signé en son absence après avoir été établi à la demande d’un seul des contractants »[19].
Il n’est pas certain que la jurisprudence se montrerait aussi sévère à l’encontre du médiateur qu’elle l’est avec l’avocat, professionnel du droit. La prudence devrait néanmoins inciter le médiateur, sinon à renoncer à tout acte rédactionnel, du moins à souscrire une solide assurance s’il souhaitait prêter son concours à la rédaction de l’accord final.

1.2.- Rédaction par les avocats ?

Les choses se présentent différemment lorsque les parties sont assistées par des avocats au cours de la médiation. En ce cas, les avocats peuvent prendre en charge la rédaction de l’accord. Ils sont rompus à la rédaction d’actes. Celle-ci constitue une part importante de leur activité et elle est à ce titre couverte par leurs assurances de responsabilité civile. De deux choses l’une :
Soit les avocats ont assisté à l’ensemble du processus de médiation. Il leur est alors aisé de transcrire l’accord auquel sont parvenues les parties en un document que celles-ci seront disposées à signer. Ce cas de figure n’est sans doute pas le plus fréquent, au moins parmi les médiations conventionnelles.
Soit les avocats n’ont pas assisté aux échanges entre les parties. Le risque est alors que leur intervention marque une rupture dans le processus ; que les parties, spontanément ou sous l’impulsion de leurs avocats, revoient leurs positions et reviennent sur des concessions faites.
La meilleure solution réside sans doute dans une collaboration entre médiateur et avocats des parties. Le médiateur, qui a tenu la plume pour les parties tout au long de leurs échanges, peut fournir aux avocats la matière brute de l’accord (un simple relevé de décisions). Il peut ensuite assister ces derniers dans leur travail rédactionnel, mais seulement dans la mesure nécessaire au respect des intentions formulées par les parties.

1.3.- Signature

Reste la délicate question de la signature de l’accord par le médiateur. Certains droits nationaux l’imposent, à l’instar du droit belge[20]. La signature du médiateur peut alors apparaître comme la garantie que l’accord est issu d’un processus de médiation conduit par un médiateur accrédité ou assermenté[21]. Mais en France, où l’accréditation n’est pas une condition d’exercice, quel sens aurait cette signature ? Serait-elle de nature à rassurer les parties sur la solidité de l’accord ? Encouragerait-elle le médiateur à faire preuve de plus de diligence dans la conduite du processus (voire dans la relecture de l’accord) ? Cela reste à démontrer. Il existe en revanche un danger : celui que cette signature soit analysée (notamment par les tribunaux) comme la marque d’une approbation par le médiateur de la licéité de l’accord, voire de l’équilibre des dispositions qu’il recèle. En ce cas, le médiateur s’exposerait à nouveau à un risque élevé de responsabilité. En tout état de cause, de nombreux médiateurs évitent de signer l’accord de médiation, essentiellement par crainte de voir leur responsabilité engagée. En l’absence de certitude à cet égard, cette posture paraît sage.

2.- Le contenu de l’accord

Parce qu’il est un contrat, l’accord de médiation est gouverné par un principe général de liberté : liberté de contracter ou non, mais aussi de « déterminer le contenu et la forme du contrat », ainsi que l’affirme l’article 1102 du code civil. Cette liberté n’est toutefois pas sans limite, comme l’annonce le second alinéa du même article[22], ainsi que, de façon plus précise, l’article 1162[23]. Ces textes énoncent tous deux une même limite à la liberté contractuelle : le respect de l’ordre public. Les accords de médiation n’y échappent pas. Comment, pour ce qui les concerne, ce principe général de respect de l’ordre public se traduit-il ?

2.1.- Médiation, ordre public et droits indisponibles

En matière de modes alternatifs de règlement des conflits, l’ordre public est surtout sollicité pour préserver les prérogatives de la justice étatique ; plus exactement, pour encadrer la liberté de renoncer à la justice étatique et à la protection que celle-ci assure aux justiciables.
En ce sens, l’article 2060 du code civil énonce, s’agissant de l’arbitrage : « On ne peut compromettre sur les questions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps ou sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l’ordre public. » La formulation est malheureuse, car elle donne à croire qu’il est interdit de compromettre dès lors que le litige touche à l’ordre public. En réalité, il est permis de compromettre, mais dans le respect de l’ordre public[24]. L’article 2060 vise l’ordre public juridictionnel, en ce sens qu’il interdit de porter atteinte aux règles qui attribuent compétence aux juridictions étatiques[25]. Cet ordre public juridictionnel se double parfois d’un ordre public de protection, destiné à préserver les droits subjectifs des parties au litige lorsque celles-ci renoncent à la protection du juge étatique.[26] C’est souvent à travers la notion de droits indisponibles que s’exprime cet ordre public de protection : les parties ne peuvent se soustraire à la protection du juge étatique que pour les droits dont elles ont la libre disposition. C’est ce qu’énonce l’article 2059 du code civil[27].
La réaction de l’ordre public à l’arbitrage s’explique par le fait que celui-ci substitue une justice privée à la justice étatique. Cette question est particulièrement sensible en droit du travail[28] et passablement compliquée par la compétence exclusive attribuée aux conseils de prud’hommes par l’article 1411-4 du code du travail[29]. La médiation, quant à elle, n’opère aucune substitution ; elle complète volontiers la justice étatique et peut être préconisée par le juge lui-même. L’ordre public juridictionnel n’a donc pas lieu d’être sollicité. En revanche, si les parties parviennent à un accord à l’issue de la médiation, le juge ne sera pas à leurs côtés pour veiller à la préservation de leurs droits. Cette affirmation doit bien sûr être nuancée, car le juge pourra toujours contrôler a posteriori le respect des droits indisponibles si une demande d’homologation lui est présentée[30]. Il n’en reste pas moins que l’accord se formera hors la présence du juge et qu’il échappera parfois totalement à son contrôle. L’ordre public de protection doit donc pleinement jouer son rôle. Voilà pourquoi la loi du 8 février 1995, tandis qu’elle est silencieuse sur « l’ordre public » (judiciaire), énonce à l’article 21-4 que « l’accord auquel parviennent les parties ne peut porter atteinte à des droits dont elles n’ont pas la libre disposition »[31]. De façon similaire et pour les mêmes raisons, on retrouvera la réserve des droits indisponibles, sans référence plus générale à l’ordre public, en matière de transaction[32] ou de procédure participative.[33]

2.2.- Contenu des droits disponibles

Quels sont les droits dont les parties peuvent disposer par un accord de médiation ? Il n’est pas simple de répondre à cette question, qui justifie pour partie la réticence des médiateurs à rédiger eux-mêmes les accords de médiation. La doctrine approfondit peu la question, qui n’est guère alimentée par la jurisprudence. On cherchera en vain des décisions de la Cour de cassation interprétant l’article 21-4 de la loi de 1995. On trouvera en revanche des éléments de réponse ou de réflexion dans les sources relatives à d’autres modes alternatifs : arbitrage et transaction, voire procédure participative.
Il apparaît tout d’abord que les droits extrapatrimoniaux, dont les droits de la personnalité, sont frappés d’une indisponibilité permanente.[34] Ces droits sont exclus de tout commerce juridique et ne peuvent faire l’objet d’aucune convention, ce qui inclut les accords de médiation. Mais en réalité, ne sont prohibés que les accords remettant en cause le droit lui-même, dans son principe ou son étendue. Il est possible en revanche de conclure des contrats portant sur certains usages de ces droits – par exemple sur l’utilisation de l’image ou du nom d’un salarié. Dans les cas où cette patrimonialisation est admise, il n’y a pas de raison que les droits en cause ne puissent faire l’objet d’un accord de médiation.[35] Mais peut-être la question est-elle assez théorique : il est peu probable que les droits de la personnalité soient l’enjeu d’une médiation en entreprise.
La question des droits patrimoniaux est plus délicate. Il est admis qu’en principe, ils sont indisponibles tant qu’ils ne sont pas acquis. Des droits à venir ne peuvent faire l’objet ni d’un arbitrage[36] ni d’une transaction[37]. A nouveau, il n’y a pas de raison de traiter différemment les accords de médiation. Mais suffit-il qu’un droit soit acquis pour que l’on puisse en disposer ? C’est avec cette question que commencent les difficultés. Il faut ici distinguer entre les droits du salarié à l’égard de son employeur et les droits du salarié à l’égard d’autres salariés.
Dans la relation entre le salarié et son employeur, il est certain que les droits relevant de l’ordre public absolu – qui regroupe les règles insusceptibles de quelque dérogation que ce soit, même en faveur des salariés[38] – sont indisponibles. S’agissant des droits relevant de l’ordre public social – règles protectrices du salarié et auxquelles il ne peut être dérogé qu’en faveur de celui-ci – il est souvent admis que le lien de subordination fait obstacle à leur libre disposition. Pour de nombreux auteurs, la situation d’infériorité du salarié justifie une protection particulière pendant toute la durée du contrat. En conséquence, les droits spécifiquement protégés par le code du travail seraient temporairement insusceptibles de renonciation, donc indisponibles[39]. Il en va sans doute de même des droits protégés par une convention collective. Cette indisponibilité cesserait au jour de l’extinction du lien contractuel. Le droit de l’arbitrage évoque parfois une inarbitrabilité temporaire liée à la subordination[40]. Au sujet de la transaction, on a surtout discuté de la validité de principe d’une transaction antérieure à la rupture (dans les faits, la grande majorité des transactions sont postérieures à la rupture et portent sur les conséquences de celle-ci). Certains ont affirmé que le lien de subordination l’interdisait, mais la Cour de cassation les a démentis à plusieurs reprises[41]. Dès lors qu’elle a pour objet de mettre fin à un différend portant sur l’exécution du contrat, la transaction survenue pendant la durée du contrat est donc admise. On ignore en revanche quels sont les droits dont on peut disposer, la Cour de cassation n’ayant eu que trop rarement l’occasion de se prononcer[42].
Qu’en est-il de la médiation ? Il faut d’abord souligner que le médiateur, du fait de sa neutralité, n’a pas pour mission ou objectif de veiller à la protection des droits du salarié. Un accord de médiation conclu avant la rupture n’apporterait donc aucune garantie particulière quant à la préservation de ces droits. Ceci explique d’ailleurs que la médiation soit parfois présentée comme dangereuse pour les salariés[43]. Faut-il pour autant être plus suspicieux envers l’accord de médiation qu’à l’égard de la transaction[44] ? Rien ne le justifie. Au contraire, la présence d’un médiateur garantit que les parties ne s’engagent pas à la légère. Certes, il n’est pas leur conseil juridique, mais il les aide par sa posture éthique et le cadre dont il est le garant à évaluer pleinement leur situation, dans son entièreté. La protection de leur consentement est donc renforcée – plus encore si l’accord est ensuite constaté par écrit, ce qui devrait être la norme. Il nous semble donc qu’à tout le moins, l’accord de médiation peut porter sur les mêmes droits qu’une transaction.
Par ailleurs, avant comme après la rupture, il n’y pas d’obstacle à ce que le salarié dispose de droits qui n’auraient pas leur origine dans les dispositions protectrices du code du travail ou d’une convention collective. Il peut s’agir en particulier de conditions ou d’avantages particuliers prévus au contrat. Plus généralement, le conflit porté en médiation porte très souvent sur des propos, des comportements, qui ne font pas l’objet de dispositions contractuelles ou légales. Peut-être ne relèvent-ils même pas du droit et il est probable qu’ils ne pourraient pas faire l’objet d’une action en justice, faute d’intérêt sérieux et légitime à agir[45]. La question de leur disponibilité ne se pose pas.
Il en va de même, bien souvent, des conflits entre salariés. Le droit s’en désintéresse largement, aussi longtemps du moins qu’aucune infraction n’est commise. Mais c’est alors le droit pénal du travail qui entre en scène. Quant au droit du travail, « droit du pouvoir »[46], il est tout entier tourné vers la situation de subordination. Un conflit horizontal, opposant deux salariés sans lien de subordination, ne se règlera pas par le recours au code du travail. Partant, l’accord de médiation est peu susceptible de porter atteinte aux droits indisponibles consacrés par ce code.

2.3.- Contrôle du respect de l’ordre public et des droits indisponibles

La question est importante pour le médiateur : doit-il, au cours de la médiation puis lors de l’établissement de l’accord, veiller au respect de l’ordre public et des droits indisponibles ? La loi ne l’y oblige pas expressément. Certains en déduisent que « si l’accord conclu comporte des dispositions illégales ou contraires à l’ordre public, on ne peut le reprocher au médiateur puisqu’il ne participe pas à l’accord final qui est trouvé par les parties elles-mêmes »[47]. Mais cette affirmation ne se justifie que si l’on admet que le médiateur, lorsqu’il accepte de mettre en forme l’accord des parties, n’en devient pas rédacteur d’acte pour autant, avec la responsabilité qui en découle[48]. Or, cela ne paraît pas évident à la lumière de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation[49]. La prudence devrait conduire le médiateur à refuser de prêter concours à la rédaction d’un accord en cas de doute sur le respect des droits indisponibles des parties, d’autant que ceux-ci restent très mal délimités. On a pu écrire que l’ordonnance de 2011 lui faisait même obligation de s’abstenir[50].
Selon le Code national de déontologie des médiateurs, si le médiateur « a un doute sur la faisabilité et/ou l’équité d’un accord, connaissance d’un risque d’une atteinte à l’ordre public… il invite expressément les personnes à prendre conseil auprès du professionnel compétent avant tout engagement ». C’est dire qu’il ne lui appartient pas de déterminer lui-même s’il y a ou non atteinte à l’ordre public. Quelle est la valeur de cette sage recommandation, contenue dans une codification privée ? Peut-être les juges accepteraient-ils, si cette recommandation n’était pas respectée, d’y voir l’indice d’un comportement fautif, comme ils le font volontiers lorsqu’un professionnel n’a pas respecté un code d’éthique ou de déontologie[51].


Article initialement publié dans « La médiation en entreprise, affirmation d’un modèle », ouvrage collectif dirigé par F. et M. Oudin, paru en septembre 2022 aux éditions Médias & Médiations

[1] Je tiens à remercier chaleureusement Bertrand Delcourt pour son aimable et bienveillante relecture.
[2] V. N. Fricero, « Médiation et contrat », AJ contrat 2017, p. 356.
[3] Par exemple, l’article 1732 du Code judiciaire belge énonce que « Lorsque les parties parviennent à un accord de médiation, celui-ci fait l’objet d’un écrit daté et signé par elles et le médiateur. »
[4] « L’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée ».
[5] L’écrit n’est toutefois pas dans ce cas une condition de validité du contrat, mais une simple exigence de preuve : Cass. 1ère civ., 18 mars 1986, n° 84-16817, Bull. civ. I, n° 74, p. 71.
[6] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
[7] Le code de procédure civile est assez contraignant pour les médiateurs judiciaires, qui doivent posséder « la qualification requise eu égard à la nature du litige » et « justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation » (art. 131-5). Il l’est moins à l’égard des médiateurs conventionnels, qui doivent posséder « la qualification requise eu égard à la nature du différend » ou « justifier, selon le cas, d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation » (art. 1533).
[8] V. p. ex. art. 7.2 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat.
[9] V. p. ex. Cass. 1ère civ., 7 févr. 1989, °86-18559 ; Cass. 1ère civ., 9 nov. 1999, n° 97-14521 ; Cass. 1ère civ., 12 févr. 2002, n° 99-11106 ; Cass. 1ère civ., 11 juill. 2006, n° 03-18.528.
[10] V. p. ex. Cass. 1ère civ., 12 janv. 1982, n° 80-16456 ; Cass. 1ère civ., 14 janv. 1997, n° 94-16769 ; Cass. 1ère civ., 27 nov. 2008, n° 07-18142.
[11] V. Civ. 1ère, 15 décembre 1998, n° 96-15321.
[12] V. P. Cassuto-Teytaud, « La responsabilité des professions juridiques devant la première chambre civile », in Rapport de la Cour de cassation 2002.
[13] Cass. 1ère civ., 25 nov. 1997, n° 96-12325.
[14] Cass. com., 4 déc. 2012, n° 11-27454.
[15] Civ. 1ère, 14 janvier 1997, précité, arrêt rendu au visa des articles 1991 et 1992 du code civil relatifs aux obligations du mandataire.
[16] Cass. com., 16 nov. 1999, n° 97-14280.
[17] Art. 55.
[18] Cass. 1ère civ., 12 janv. 1982, n° 80-16456.
[19] Cass. 1re civ., 27 nov. 2008, n° 07-18142.
[20] Code judiciaire, art. 1732 : « Lorsque les parties parviennent à un accord de médiation, celui-ci fait l’objet d’un écrit daté et signé par elles et le médiateur. »
[21] J. Mirimanoff et alii, Dictionnaire de la médiation et d’autres modes amiables, Bruylant, 2019, p. 44.
[22] « La liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public ».
[23] « Le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »
[24]  Sur le sens aujourd’hui donné à cette disposition, v. E. Loquin, « Arbitrage. Conventions d’arbitrage. Conditions de fond. Litige arbitrable », JCl. Procédure civile, Fasc. 1024.
[25] E. Loquin, op. cit. n° 8 et s.
[26] Op. cit., n° 24.
[27] « Toutes personnes peuvent compromettre sur les droits dont elles ont la libre disposition. »
[28] V. J.-F. Cesaro, « Contentieux du travail – Les alternatives aux contentieux », JCP S 2019-164.
[29] V. sur cette délicate question et les hésitations de la Cour de cassation G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, 33ème éd., Dalloz, 2019, p. 151. Pour une lecture très favorable à l’arbitrabilité, v. T. Clay, « L’arbitrage des conflits du travail », Bull. Joly Travail 2019/2, p. 35.
[30] Sur ce contrôle, v. notamment X. Vuitton, « Quelques réflexions sur l’office du juge de l’homologation dans le livre V du code de procédure civile », RTD Civ. 2019 p.771 ; B. Gorchs, « Le contrôle judiciaire des accords de règlement amiable », Revue de l’arbitrage 2008-1, p. 33.
[31] Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. La référence aux droits indisponibles a été introduite par l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, transposant la directive européenne du 21 mai 2008.
[32] C. civ., art. 2045.
[33] C. civ., art. 2064.
[34] V. L.-F. Pignarre, Rép. de droit civil, Convention d’arbitrage, n° 65.
[35] Sur l’arbitrabilité de ces questions, v. E. Loquin, op. cit., n° 87.
[36] V. p. ex. E Loquin, op. cit., n° 89.
[37] V. p. ex. F. Julienne, J.-Cl. Civil Code, Art. 2044 à 2052, Fasc. 20 : Transaction, n° 57 ; P. Chauvel, Rép. de droit civil, Transaction – Domaine de la transaction, n° 173.
[38] Relèvent par exemple de l’ordre public absolu les règles relatives à la compétence de la juridiction prud’homale ou les incriminations pénales. Sur cette notion et sa distinction d’avec l’ordre public social, v. A. Pinson et D. Soukpraseuth, « Retour sur l’ordre public en droit du travail et son application par la Cour de cassation », BICC n° 740, avr. 2011, p. 6.
[39] V. F. Guiomard, « Que faire de la médiation conventionnelle et de la procédure participative en droit du travail ? », Revue du travail 2015, p. 628.
[40] E. Loquin, op. cit., n° 89 et n° 106 s. ; L.-F. Pignarre, op. cit., n° 68.
[41] V. Cass. soc., 10 mars 1998, n° 95-43094 ; Cass. Soc., 16 oct. 2019, n° 18-18287.
[42] V. toutefois Cass. soc., 10 mars 1998, précité : « la cour d’appel, qui a répondu aux conclusions invoquées, a exactement décidé que la transaction n’emportait pas renonciation aux dispositions d’un accord collectif et, que, partant, elle avait été valablement conclue » ; l’arrêt précité du 16 octobre 2019 ne traite pour sa part que de la portée d’une transaction relative à l’exécution du contrat de travail.
[43] V. G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, op. cit., n°103 et références citées en note 3 p. 129.
[44] Cette question n’a de sens que pour les accords de médiation auxquels les parties n’ont pas voulu conférer la valeur d’une transaction.
[45] Soit que la prétention soit jugée dérisoire, soit qu’elle apparaisse insuffisamment juridique. Sur les prétentions indignes d’un examen au fond, v. N. Cayrol, Rép. de procédure civile, V° Action en justice – Intérêt sérieux et légitime, n° 241 s.
[46] G. Auzero, D. Baugard et E. Dockès, Droit du travail, op. cit., n° 3.
[47] B. Gorchs, « La responsabilité civile du médiateur civil », Droit et procédures, 2014, p. 194.
[48] Id.
[49] Supra, 1.1.
[50] N. Nevejans, « L’ordonnance du 16 novembre 2011 – Un encouragement au développement de la médiation ? », JCP G 2012.148.

[51] V. L. Maurin, « Le droit souple de la responsabilité civile », RTD civ. 2015, p. 517.

La médiation au service des relations individuelles de travail

par Federica Rongeat-Oudin (Directrice du DU médiation – Université de Tours) et Martin Oudin (Maître de conférences Hdr – Université de Tours)

Une médiation intra entreprise, dite aussi médiation en entreprise, est une médiation qui intervient au service d’une relation de travail fragilisée.  Le médiateur en entreprise est sollicité pour aider des salariés qui, confrontés à des difficultés relationnelles qui se mêlent souvent à des difficultés liées à l’organisation du travail, voient leur motivation entamée et parfois même leur santé mentale et physique atteinte. Leur relation de travail est ainsi mise à mal par des malentendus, des incompréhensions, des difficultés de communication qui peuvent nourrir un sentiment de stress, susciter un comportement d’évitement ou provoquer un conflit ouvert. L’ambition de la médiation en entreprise est précisément la restauration et l’amélioration de la qualité de cette relation de travail.

Dans ce contexte, les entreprises qui ont recours à la médiation la choisissent rarement comme une alternative à une procédure judiciaire. Elles recherchent plus souvent une voie pour aider des salariés à renouer un dialogue rompu. En effet, si le médiateur en entreprise est parfois appelé à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail, la plupart de ses interventions se déroulent en amont, lorsque l’enjeu est de sauver et de poursuivre la relation de travail dans un climat de confiance et de coopération.

Par ailleurs, les relations de travail à propos desquelles le médiateur en entreprise est sollicité sont le plus souvent les relations dites individuelles. La médiation en entreprise va réunir une équipe, un service, deux ou plusieurs collaborateurs, avec ou sans lien hiérarchique. Nous n’envisagerons donc pas dans ces quelques lignes la médiation dans les relations collectives de travail, d’autant plus que le médiateur qui intervient dans ce cadre a un rôle qui le distingue beaucoup des autres médiateurs[1].

Depuis quelques années, la médiation en entreprise s’est imposée peu à peu dans le panorama des interventions sollicitées par les entreprises. Elle est aujourd’hui reconnue comme un outil original de gestion des relations de travail.

Pour dresser son portrait, nous avons choisi deux angles de vue selon qu’on observe la médiation en entreprise au regard des autres types de médiations ou au regard de l’entreprise. Aussi, le premier angle présentera les traits du médiateur en entreprise, tantôt singuliers, tantôt communs aux autres médiateurs. Le second, propre à l’entreprise, dessinera la médiation en entreprise dans le contexte de la protection de la santé au travail.

I – Le médiateur en entreprise : singularités et points communs avec les autres médiateurs

Comme tout médiateur, la posture du médiateur en entreprise et le cadre d’intervention qu’il propose sont des garanties indispensables pour susciter la confiance des personnes reçues. Ce n’est que dans un climat de confiance – si ce n’est dans l’autre personne, du moins dans le médiateur et le processus  – que les personnes pourront parvenir à coopérer en vue de surmonter leurs difficultés.
Les règles de droit qui définissent sa posture et régissent son intervention sont donc les mêmes que celles qui régissent les autres médiateurs dits de droit commun. Il existe bien un texte singulier dans le code du travail consacré à la médiation dans le cas de harcèlement moral (art. L. 1152-6 C. trav., v. infra) mais les modalités qu’il propose sont facultatives, si bien que le médiateur en entreprise reste avant tout au regard de la loi un médiateur de droit commun.
Cependant, lorsque l’on observe dans le détail la mise en œuvre de ces règles, on constate quelques singularités qu’il conviendra de souligner.

A – La posture du médiateur en entreprise 

Indépendance – Le médiateur en entreprise, comme tout médiateur, mène sa mission de façon indépendante, sans recevoir d’instructions de la part de la direction de l’entreprise ou de quiconque. Une fois menée, il ne rend pas non plus compte du contenu précis de celle-ci, à moins que les parties ne lui aient demandé de le faire (V. infra sur la confidentialité).
L’indépendance n’est cependant pas inscrite dans le code de procédure civile pour ce médiateur (elle ne l’est que pour le médiateur judiciaire). La source de cette règle réside dans le code national de déontologie des médiateurs de 2009 auquel le médiateur peut choisir d’adhérer.
L’indépendance concerne aussi bien le médiateur en entreprise qui exerce son activité à titre libéral que le médiateur salarié de l’entreprise qui lui confie cette mission. En pratique, le médiateur en entreprise est sollicité et choisi par la direction de l’entreprise. Le médiateur contractualise alors son intervention avec la direction en prévoyant le respect par celle-ci de son indépendance ainsi que du cadre d’intervention propre à la médiation (et notamment les principes de liberté et de confidentialité vus infra). Cette contractualisation se fera pour le médiateur salarié au moment de la définition de sa mission et, pour le médiateur en exercice libéral, à l’occasion de la signature du contrat de prestation de services. Ce contrat qui lie le médiateur à la direction prescriptrice ne doit pas être confondu avec l’engagement à la médiation (dit aussi protocole d’entrée en médiation) que prennent les personnes qui acceptent de participer à une médiation. Ainsi, là où dans d’autres contextes, un seul acte regroupe les engagements du médiateur, ses conditions d’intervention et l’engagement des parties à la médiation, ici il faut prévoir deux actes : le contrat de prestation de services entre le médiateur et le prescripteur et l’engagement à la médiation des participants.

Impartialité – Le médiateur est impartial en ce sens qu’il agit sans prévention ni préférence pour l’une ou l’autre partie (Code de procédure civile, art. 1530). Cette impartialité est intimement dépendante de l’indépendance de médiateur. En effet, ce principe d’indépendance que le médiateur en entreprise annonce aux personnes impliquées dans le conflit mais aussi aux différentes parties prenantes (délégués du personnel, agent de prévention, DRH, hiérarchie non directement impliquée), est indispensable pour convaincre ces mêmes personnes de son impartialité. Cela est d’autant plus vrai lorsque la médiation réunit deux salariés unis par un lien hiérarchique.

Neutralité – Le médiateur est aussi tenu à la neutralité et s’abstient de donner son opinion ou de faire des propositions sur la façon de surmonter un différend (Code national de déontologie du médiateur). Cette neutralité est la condition de la responsabilisation des participants qui trouveront par eux-mêmes leur solution sans attendre du tiers qu’il la leur donne. En cela, la neutralité est indissociable de l’impartialité, laquelle pourrait être mise à mal si le médiateur devait faire une proposition pouvant être perçue comme plus favorable à l’un qu’à l’autre. On notera cependant l’originalité de la « procédure de médiation » proposée en cas de harcèlement moral par l’art. 1152-6 du Code du travail. Il est prévu que le médiateur qui ne parviendrait pas à concilier les parties peut soumettre des propositions en vue de mettre fin au harcèlement. Ce texte laisse les praticiens perplexes car il laisse entendre que le médiateur a pour mission de vérifier la réalité harcèlement, ce qui le place dans un rôle d’enquêteur incompatible avec l’esprit de la médiation. 

B – Les principes d’intervention du médiateur en entreprise  

Liberté – Comme dans toute médiation, le principe de liberté s’applique de manière différenciée pour le médiateur et pour les parties. Il signifie pour ces dernières qu’elles sont à la fois libres d’entrer dans la démarche et libres de la quitter à tout moment, sans avoir à se justifier (Code national de déontologie précité). Cette liberté reste présente alors même que la médiation a été voulue et est financée par la direction de l’entreprise. Dans le contrat conclu avec le médiateur, la direction s’engage à respecter ce principe de liberté et s’interdit de faire pression sur les salariés. Il faut cependant bien admettre que le seul fait que l’intervention d’un médiateur soit proposée par la direction est de nature à faire pression sur les salariés impliqués. Enfin, les salariés sont aussi libres dans la recherche de leurs solutions, dans la mesure bien entendu où ces solutions n’impliquent pas le pouvoir organisationnel. Le périmètre de leur négociation a pour limite leur pouvoir de décision. Comme bien souvent les solutions impliquent en partie la direction, celle-ci est associée à ce stade de la médiation. Il arrive aussi que les parties aboutissent non pas à des décisions mais à des propositions de solutions qu’elles décident de porter ensemble à la direction.
La liberté est un principe qui concerne aussi la personne du médiateur en entreprise (v. code national de déontologie). Celui-ci peut à tout moment cesser sa mission, et même d’ailleurs refuser de l’engager par exemple à la suite de la rencontre d’information avec qualiles participants. Il le fera lorsqu’il craint que la médiation ne fragilise davantage un participant. Il pourrait aussi décider d’y mettre fin s’il constatait que le processus de médiation était instrumentalisé par une des parties. Cependant, il n’a pas à préciser les raisons à la direction, sous peine de contrevenir à son engagement de confidentialité.

Confidentialité – La confidentialité lie bien évidemment le médiateur en entreprise. La confidentialité porte sur le contenu des échanges et signifie que le médiateur ne rend pas compte de ce que les parties ont échangé même s’il est sollicité par la direction ou par les délégués du personnel. Le contenu de l’accord issu de la médiation n’est cependant pas couvert par la confidentialité si sa divulgation est nécessaire pour sa mise en œuvre (art. 21-3 L. n° 95-125 du 8 févr. 95). En pratique, la direction est informée de cet accord – ou des propositions convenues entre les parties – par les salariés eux-mêmes. Parfois même, la direction a déjà été associée au stade de la recherche des solutions parce qu’elles impliquaient le pouvoir organisationnel.
La confidentialité est aussi un engagement que chaque partie prend à l’égard de l’autre lorsqu’elles adhèrent au processus de médiation. Elles s’interdisent de dévoiler le contenu de leurs échanges à d’autres. Cette confidentialité s’entend aussi comme une obligation de loyauté par laquelle les parties s’engagent à ne pas se servir des échanges contre l’autre, par exemple lors d’une évaluation ou d’une procédure contentieuse. En pratique, conscient que les parties seront interrogées par leurs collègues, le médiateur les invite à chaque fin de séance à préciser ensemble de ce qu’elles décident de garder confidentiel et de ce qu’elles peuvent partager avec leurs collègues. 

Responsabilisation – La responsabilisation des parties est enfin un principe fondamental de la médiation (elle découle implicitement de l’art. 1530 CPC qui précise que ce sont les parties qui recherchent un accord). Elle implique pour chaque partie d’accepter la possibilité de reconnaître sa part de responsabilité dans la relation conflictuelle. Elle implique pour le médiateur de résister aux tentatives des parties, conscientes ou inconscientes, d’en faire un tiers qui leur donnerait raison en cherchant à le convaincre, en lui demandant son opinion, en lui soumettant des pièces pour qu’il les instruise, etc. Le principe de responsabilisation pousse ces dernières à trouver elles-mêmes l’issue à leurs différends et constitue le gage d’une exécution spontanée de leur accord.
Après avoir rendu compte de la médiation en entreprise et de ses singularités par rapport à d’autres médiations, il reste à préciser, du point de vue des entreprises, comment elle s’inscrit dans la politique de prévention des atteintes portées à la santé des salariés. 

II – La médiation en entreprise dans le contexte de la santé au travail 

La médiation est pour une entreprise un outil précieux pour prévenir certains risques psychosociaux et améliorer la qualité de vie au travail. Du point de vue de l’employeur, elle est une mesure de prévention qui lui permet de satisfaire à son obligation de protéger la santé mentale et physique de ses salariés[2].

A – La médiation en entreprise, un outil pour prévenir les risques psychosociaux et améliorer la qualité des relations de travail

Médiation et risques psychosociaux – Les travailleurs sont parfois exposés à des risques liés à leur environnement de travail qui, lorsqu’ils se réalisent, les affectent psychiquement et parfois aussi physiquement. Ils sont définis comme les « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. »[3]
Les relations de travail sont au cœur de cette problématique. Des relations de travail tendues peuvent affecter de façon considérable des salariés. Lorsqu’ils n’y trouvent plus de soutien, de solidarité, de confiance et de respect, mais au contraire de la compétition, du contrôle excessif, de la méfiance, ils résistent difficilement aux contraintes et aux changements dans l’organisation du travail et développent du stress et/ou un profond mal-être.
Ces relations de travail tendues, conflictuelles, peuvent trouver leur source dans des facteurs de risques liés à l’organisation du travail. Par exemple, dans une situation de travail où le facteur de risque réside dans ce que l’on appelle les exigences du travail, comme une activité au rythme très soutenu, ce facteur va conduire les salariés à être tendus, inquiets, ce qui pourra avoir pour conséquence de créer des conflits dans une équipe et, au sein de cette équipe, certains développeront des TMS directement liés à cette situation. 
On reconnait aujourd’hui que les relations entre collègues ont un impact sur la santé psychosociale des collaborateurs[4]. Lorsque la coopération n’est plus possible dans une équipe, lorsqu’une personne n’est pas intégrée dans un collectif, lorsque les collaborateurs disent souffrir d’un management trop contrôlant, chacune de ces situations est potentiellement source de stress et de mal-être pour les personnes concernées[5].
Allant plus loin, des relations conflictuelles vont avoir à leur tour un impact sur l’organisation du travail. Illustrons ce phénomène fréquent par l’exemple suivant : à la suite d’une fusion, un service est réorganisé. Cette réorganisation a nourri un conflit entre deux personnes contraintes désormais de partager les mêmes tâches. Ce conflit qui ne concernait directement que ces deux personnes a fini par créer deux clans dans l’équipe. Cette situation de nature relationnelle conduit les personnes à adopter de nouveaux comportements : les réunions hebdomadaires deviennent mensuelles, certains dossiers ne sont plus contrôlés par telle personne, etc. On voit ici comment des difficultés relationnelles modifient l’organisation du travail au sein d’une équipe qui s’adapte inconsciemment en suivant de nouvelles règles d’organisation.
C’est pourquoi, conscientes que les relations de travail sont souvent au cœur des situations qui mettent en jeu la santé psychosociale des salariés, les entreprises choisissent de recourir à la médiation. Elles offrent ainsi aux salariés la possibilité d’exprimer leurs difficultés et de discuter des voies de solution possibles, sachant que la discussion portera à la fois sur les difficultés relationnelles mais aussi de leur impact sur l’organisation du travail. 

Médiation et qualité de vie au travail – Ces dernières années est apparue la notion de « qualité de vie au travail », laquelle traduit une approche plus positive que celle de la prévention des risques psychosociaux. Cette notion est associée à l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle »[6]. Elle marque l’engagement des entreprises de tenir compte de l’impact de l’environnement de travail sur le développement personnel et professionnel du salarié. Cet engagement va au-delà de la seule lutte contre les atteintes à la santé et implique de considérer les différentes composantes de la qualité de vie au travail que sont les relations de travail, l’information ou bien encore les relations sociales.
Si l’on s’en tient aux relations de travail, une multitude d’actions peuvent être imaginées pour contribuer à améliorer leur qualité[7]. L’ANI préconise certaines d’entre elles, parmi lesquelles la mise en place d’espaces de discussion pour favoriser l’expression des salariés sur leur travail (article 12). Ces espaces de discussion s’entendent comme des : « (…) espaces collectifs qui permettent une discussion centrée sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes. (…)»[8]. Donner un temps et un lieu pour que les salariés puissent s’exprimer sur leur travail est une initiative salutaire. Mais un des dangers qui guette un tel espace de discussion est le découragement voire l’épuisement de leurs participants qui peuvent avoir le sentiment que les discussions tournent en rond et ne produisent rien.
Pour se prémunir de ce risque d’épuisement, les modalités de ces réunions doivent être soigneusement pensées. En particulier, ces discussions doivent être menées dans un cadre très précis tenu par un tiers facilitateur. Ce facilitateur, « chargé d’animer le groupe et d’en restituer l’expression » à la hiérarchie est spécialement visé dans l’ANI à l’article 12. Un médiateur, formé à tenir un cadre strict pour encadrer des discussions à l’occasion de relations conflictuelles, est à même de mener une telle mission. Il sait non seulement animer un groupe en réunissant les conditions pour libérer et canaliser la parole, mais il sait aussi accompagner les participants dans une co-construction de propositions ou de solutions.
L’espace de discussion peut ainsi avoir pour objet de discussion non seulement le travail et ses conditions d’exercice mais aussi les relations de travail elles-mêmes[9]. Dans ce cas, l’objectif sera de déployer des initiatives pour les enrichir afin qu’elles deviennent une ressource sur laquelle les salariés pourront s’appuyer pour faire face plus sereinement aux événements et bouleversements organisationnels.
On le constate, la médiation est aujourd’hui un outil incontournable, qu’il s’agisse de l’inscrire dans une démarche de prévention des risques psychosociaux ou bien d’amélioration de la qualité de vie au travail. Elle peut aider des salariés à retrouver du sens à leur travail et à leur collaboration. L’employeur quant à lui, outre l’avantage de retrouver des salariés motivés et performants, se plie à son obligation de protéger la santé de ses salariés.obligation

B – La médiation en entreprise, un moyen pour l’employeur d’accomplir son obligation de sécurité

En effet, du point de vue de l’employeur, la médiation est une des mesures de prévention qu’il peut prendre pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Cependant, l’art. L. 4121-1 du Code du travail qui consacre cette obligation de sécurité ne détaille pas les mesures à prendre pour réaliser cette protection. L’art. L. 4121-1 du Code du travail vise de façon générale des « actions de prévention des risques professionnels», des « actions d’information et de formation » et des actions portant sur l’organisation du travail. Les principes de prévention énoncés à l’article suivant mettent l’accent sur les mesures collectives et sur celles qui relèvent de la prévention dite primaire, c’est-à-dire celle visant à l’élimination du risque psychosocial.
La médiation n’est citée que dans le cas spécifique du traitement d’une situation de harcèlement moral (L. 1152-6 du Code du travail et Accord National Interprofessionnel du 26 mars 2010 qui vise aussi la violence).
Mais en dehors de ces derniers textes spéciaux, on ne trouve pas de référence expresse à la médiation en tant que mesure de prévention.
Parce que les mesures individuelles ne sont pas jugées prioritaires, ainsi que les mesures dites de prévention secondaire (où le risque est présent) ou tertiaire (où le dommage est apparu ; on parle aussi de mesures curatives), on peut légitimement se demander si la médiation relève bien des mesures dites de prévention. 

Médiation, mesure à la fois individuelle et collective – A y regarder de plus près cependant, la médiation est une mesure individuelle qui a un effet sur le collectif. Une difficulté vécue entre deux ou plusieurs salariés touche, par un effet systémique, l’entourage professionnel (et personnel aussi) que sont les autres collègues, la hiérarchie si elle n’est pas déjà directement impliquée, les autres services, les clients, les fournisseurs, etc.  En agissant pour dépasser cette difficulté et amener les parties à trouver un mode de fonctionnement leur permettant de continuer à travailler ensemble ou au contraire à se séparer sereinement, la médiation agit indirectement sur l’ensemble des personnes impactées par le malaise que créait cette tension. 

Médiation, mesure curative ou véritablement préventive – Il est aussi vrai que la médiation apparaît de prime abord comme une mesure curative plus que préventive. Dans la pratique pourtant, elle n’est pas cantonnée à une situation où le risque psychosocial est apparu. Elle est aussi déployée au titre de la prévention dite primaire, par exemple pour anticiper la fusion de deux services en donnant la possibilité aux salariés d’exprimer et partager leurs craintes et d’anticiper ce changement en concevant des solutions d’adaptation. On retrouve aussi la médiation au niveau de la prévention dite secondaire, pour réduire le risque présent, dans des actions de sensibilisation et de formation de managers et agents à la gestion des conflits en adoptant les outils du médiateur.

Médiation dans la jurisprudence récente – Si l’on examine maintenant la jurisprudence récente rendue sur le fondement de l’art. 4121-1 du Code du travail, on observe un changement majeur de perspective. Désormais, l’employeur peut, s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires, être exonéré de sa responsabilité. Ainsi, l’obligation de sécurité qui pèse sur lui n’a pas plus pour seul but « de faciliter la réparation du dommage subi par le salarié, mais d’assurer l’effectivité du principe de prévention »[10].  Ce principe de prévention retrouve ainsi son sens premier en incitant l’employeur à non seulement réagir immédiatement dès qu’il a connaissance de troubles, mais avant tout à prendre des mesures véritablement préventives. La Cour de cassation a consacré cette lecture dans un arrêt du 1er juin 2016[11]. Elle énonce que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; ».
Mais si l’employeur est désormais admis à s’exonérer de sa responsabilité, les conditions sont néanmoins très sévères : il ne peut pas attendre passivement la production du dommage pour agir, il doit anticiper et, lorsque le pire n’a pu être évité, réagir immédiatement[12]. Dans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt de juin 2016, une procédure d’alerte en cas de harcèlement avait été prévue et une médiation avait eu lieu. Mais la Cour souligne qu’il aurait fallu en amont avoir également réalisé des actions d’information et de formation « propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. » La Cour distingue clairement les mesures de prévention (information, formation) des mesures pour faire cesser les faits de harcèlement (alerte, enquête, médiation).
Cet assouplissement de l’obligation de sécurité a surpris, d’autant plus que l’arrêt a été rendu dans une situation de harcèlement où la sévérité était de mise. En effet, même si une telle évolution avait été amorcée dans l’arrêt Air France du 25 nov. 2015[13], on doutait de sa portée dans une telle situation. L’assouplissement est cependant confirmé dans le rapport publié par la Cour de cassation : « la solution adoptée le 25 novembre 2015 est étendue à la situation de harcèlement moral en ce sens que l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise, mais pas à n’importe quelles conditions. »[14]
Certains commentateurs voient dans cette décision la consécration d’une obligation de résultat désormais atténuée, d’autres d’une obligation de moyens renforcée[15]. D’autres encore relèvent au contraire l’abandon de cette distinction entre obligation de moyens et de résultat[16]. Ramenée à la médiation, cette évolution jurisprudentielle nous confirme que la médiation est une mesure parmi d’autres qui enrichit l’éventail des mesures propres à protéger la santé des salariés[17]
. Elle n’est cependant bien évidemment pas suffisante à elle seule. On a vu que cet éventail devait être déployé dès le stade de l’anticipation des risques et ne devait pas se cantonner à des mesures curatives. A ce sujet, on rappellera que la médiation, si elle a été menée dans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt du 1er juin 2016 à titre curatif, peut aussi constituer une mesure véritablement préventive si elle intervient avant ou au moment de la naissance d’un conflit relationnel, c’est-à-dire au titre de la prévention primaire et secondaire. Il faut bien reconnaître que la médiation se présente alors ici davantage comme un outil de gestion que comme un mode alternatif de résolution des conflits. Mais c’est précisément dans cette optique que les entreprises y ont aujourd’hui de plus en plus souvent recours.


Article initialement publié in La lettre des médiations, n° 5, mai 2018.

[1] Il rédige une recommandation pour mettre fin au litige et un rapport sur le différend, art. L. 2523-5 et s. Code du travail.
[2] Sur l’ensemble de la question, OUDIN F., ROULET V. et OUDIN M., (dir.), L’essor de la médiation en entreprise, Médias & Médiations, 2014, 117p ; BRET J.M, La médiation : un mode innovant de gestion des risques psychosociaux, Médias & Médiations, 2016.
[3] Rapport dit Gollac sur le suivi statistique des risques psychosociaux, 2011, p. 31.
[4] Rapport dit Gollac précité.
[5] V. aussi le rapport de 2014 EUROFOUND qui vise les relations interpersonnelles, horizontales et verticales, p. 27, à télécharger sur http://www.eurofound.europa.eu.
[6] Un arrêté d’extension du 15 avril 2014 rend obligatoires, pour les employeurs et les salariés compris dans le champ d’application de l’Accord, ses dispositions. Sur cet accord, LANOUZIERE, H (2013), Un coup pour rien ou un tournant décisif ?, Sem. Soc. Lamy, 16 sept. 2013, n° 1597.
[7] Sur cette question v. BECARD A.C., OUDIN F. et OUDIN M. (2015), La qualité des relations de travail, IRES, 165p.
[8] JOURNAUD S., Discuter du travail pour mieux le transformer, Revue Travail & Changement n° 358, janv. févr. mars 2015, p. 2.
[9] La qualité des relations de travail, op. cit. p. 52.
[10] En ce sens, FANTONI-QUITON S., VERKINDT P-Y., Obligation de résultat en matière de santé au travail, à l’impossible, l’employeur est tenu?, rev. Droit social 2013.229.
[11] N° 14-19.702, FS P+B+R+I, MOULY J., L’assouplissement de l’obligation de sécurité en matière de harcèlement moral, JCP G 2016, note 822 ; RADE Ch., Feue la responsabilité de plein droit de l’employeur en matière de harcèlement : le mieux, ennemi du bien, Lexbase Hebdo, éd. soc. 16 juin 2016 n° 656 ; Loiseau G., Le renouveau de l’obligation de sécurité, sem. Jur. Social, n° 24, 21 juin 2016, 1220 ; CORRIGNA-CARSIN D., JCP G 2016, act. 683, p. 1180.
[12] V. déjà Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-69.444 et n° 09-70.902,  Lexbase Hebdo éd. soc. n° 448, 14 juill. 2011, RADE Ch., Harcèlement dans l’entreprise : l’employeur doit réagir vite !.
[13] Cass. soc. n° 14-24.444 ; ANTONMATTEI P-H., Obligation de sécurité de résultat : virage jurisprudentiel sur l’aile !, Dr. Soc. 2016.457 ; ICARD J., L’incidence de la jurisprudence Air France dans le contentieux du harcèlement moral. Essai de prospective, Cah. Soc. 2016.214.
[14] https://www.courdecassation.fr/IMG///Commentaire_arret1068_version201605.pdf.
[15] Op. cit. MOULY J.
[16] En ce sens, LOISEAU G., op. cit.
[17] V. déjà Cass. soc. 3 déc. 2014, n° 13-18.743. Dans cet arrêt, la médiation est expressément citée parmi les mesures prises : « N’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat l’employeur qui justifie avoir tout mis en oeuvre pour que le conflit personnel entre deux salariées puisse se résoudre au mieux des intérêts de l’intéressée, en adoptant des mesures telles que la saisine du médecin du travail et du CHSCT et en prenant la décision, au cours d’une réunion de ce comité, de confier une médiation à un organisme extérieur. »

Le recours en retranchement (art. 464 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en retranchement.

L’article 5 du CPC prévoit que « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. »

Parce que le litige est la chose des parties, par cette disposition, il est :

  • D’une part, fait interdiction au juge de se prononcer sur ce qui ne lui a pas été demandé par les parties
  • D’autre part, fait obligation au juge de se prononcer sur ce tout ce qui lui est demandé par les parties

Il est néanmoins des cas ou le juge va omettre de statuer sur une prétention qui lui est soumise. On dit qu’il statue infra petita. Et il est des cas où il va statuer au-delà de ce qui lui est demandé. Il statue alors ultra petita.

Afin de remédier à ces anomalies susceptibles d’affecter la décision du juge, le législateur a institué des recours permettant aux parties de les rectifier.

Comme l’observe un auteur bien que l’ultra et l’infra petita constituent des vices plus graves que l’erreur et l’omission matérielle, le législateur a admis qu’ils puissent être réparés au moyen d’un procédé simplifié et spécifique énoncés aux articles 463 et 464 du CPC[2].

Il s’agira, tantôt de retrancher à la décision rendue ce qui n’aurait pas dû être prononcé, tantôt de compléter la décision par ce qui a été omis.

I) Conditions de recevabilité du recours

?Principe d’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Le recours un retranchement vise à rectifier une décision aux termes de laquelle le juge s’est prononcé sur quelque chose qui ne lui était pas demandé.

L’article 4 du CPC prévoit pourtant que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties »

Aussi, est-il fait interdiction au juge de statuer en dehors du périmètre du litige fixé par les seules parties, ce périmètre étant circonscrit par les seules prétentions qu’elles ont formulées.

Dans un arrêt du 7 décembre 1954, la Cour de cassation a jugé en ce sens que les juges du fond « ne peuvent modifier les termes du litige dont ils sont saisis, même pour faire application d’une disposition d’ordre public, alors que cette disposition est étrangère aux débats » (Cass. com. 7 déc. 1954).

Concrètement, cela signifie que le juge ne peut :

  • Ni ajouter aux demandes des parties
  • Ni modifier les prétentions des parties

À cet égard, l’article 464 du CPC prévoit que les dispositions qui règlent le recours en omission de statuer « sont applicables si le juge s’est prononcé sur des choses non demandées ou s’il a été accordé plus qu’il n’a été demandé. »

Dès lors afin d’apprécier la recevabilité du recours en retranchement, il y a lieu d’adopter la même approche que celle appliquée pour le recours en omission de statuer.

Pour déterminer si le juge a statué ultra petita, il conviendra notamment de se reporter aux demandes formulées dans l’acte introductif d’instance ainsi que dans les conclusions prises ultérieurement par les parties et de les comparer avec le dispositif du jugement (Cass. 2e civ. 6 févr. 1980).

C’est d’ailleurs à ce seul dispositif du jugement qu’il y a lieu de se référer à l’exclusion de sa motivation, la jurisprudence considérant qu’elle est insusceptible de servir de base à la comparaison (Cass. soc. 29 janv. 1959).

Comme pour l’omission de statuer, cette comparaison ne pourra se faire qu’avec des conclusions qui ont été régulièrement déposées par les parties et qui sont recevables (V. en ce sens Cass. 2e civ. 25 oct. 1978).

À l’examen, les situations d’ultra petita admises par la jurisprudence sont pour le moins variées. Le recours en retranchement a ainsi été admis pour :

  • L’octroi par un juge de dommages et intérêts dont le montant était supérieur à ce qui était demandé (Cass. 2e civ. 19 juin 1975).
  • L’annulation d’un contrat de bail, alors que sa validité n’était pas contestée par les parties (Cass. 3e civ. 26 nov. 1974)
  • La condamnation des défendeurs in solidum alors qu’aucune demande n’était formulée en ce sens (Cass. 3e civ. 11 janv. 1989)

?Tempérament à l’interdiction faite au juge de se prononcer sur ce qui ne lui est pas demandé

Si, en application du principe dispositif, le juge ne peut se prononcer que sur ce qui lui est demandé, son office l’autorise parfois à adopter, de sa propre initiative, un certain nombre de mesures.

En application de l’article 12 du CPC, il dispose notamment du pouvoir de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

C’est ainsi qu’il peut requalifier une action en revendication en action en bornage ou encore requalifier une donation en un contrat de vente.

Le juge peut encore prononcer des mesures qui n’ont pas été sollicitées par les parties. Il pourra ainsi préférer la réparation d’un préjudice en nature plutôt qu’en dommages et intérêts.

En certaines circonstances, c’est la loi qui confère au juge le pouvoir d’adopter la mesure la plus adaptée à la situation des parties. Il en va ainsi en matière de prestation compensatoire, le juge pouvant préférer l’octroi à un époux d’une rente viagère au versement d’une somme en capital.

Le juge des référés est également investi du pouvoir de retenir la situation qui répondra le mieux à la situation d’urgence qui lui est soumise.

L’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit encore que « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. »

II) Pouvoirs du juge

?Interdiction de toute atteinte à l’autorité de la chose jugée

Qu’il s’agisse d’un recours en omission de statuer ou d’un recours en retranchement, en application de l’article 463 du CPC il est fait interdiction au juge dans sa décision rectificative de « porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Ainsi sont fixées les limites du pouvoir du juge lorsqu’il est saisi d’un tel recours : il ne peut pas porter atteinte à l’autorité de la chose jugée.

Concrètement cela signifie que :

  • S’agissant d’un recours en omission de statuer, il ne peut modifier une disposition de sa décision ou en ajouter une nouvelle se rapportant à un point qu’il a déjà tranché
  • S’agissant d’un recours en retranchement, il ne peut réduire ou supprimer des dispositions de sa décision que dans la limite de ce qui lui avait initialement été demandé

Plus généralement, son intervention ne saurait conduire à conduire à modifier le sens ou la portée de la décision rectifiée.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

?Rétablissement de l’exposé des prétentions et des moyens

Tout au plus, le juge est autorisé à « rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens. »

Il s’agira, autrement dit, pour lui, s’il complète une omission de statuer ou s’il retranche une disposition du jugement de modifier dans un sens ou dans l’autre l’exposé des prétentions et des moyens des parties.

Cette exigence procède de l’article 455 du CPC qui prévoit que « le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. »

III) Procédure

A) Compétence

1. Principe

En application de l’article 463 du CPC, le juge compétent pour connaître d’un recours en omission de statuer ou en retranchement est celui-là même qui a rendu la décision à rectifier.

Cette règle s’applique à toutes les juridictions y compris à la Cour de cassation qui peut se saisir d’office.

Il n’est toutefois nullement exigé qu’il s’agisse de la même personne physique. Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personne.

2. Tempéraments

Il est plusieurs cas où une autre juridiction que celle qui a rendu la décision à rectifier aura compétence pour statuer :

  • L’introduction d’une nouvelle instance
    • Dans un arrêt du 23 mars 1994, la Cour de cassation a jugé que la procédure prévue à l’article 463 du CPC « n’exclut pas que le chef de demande sur lequel le juge ne s’est pas prononcé soit l’objet d’une nouvelle instance introduite selon la procédure de droit commun » (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Ainsi, en cas d’omission de statuer les parties disposent d’une option leur permettant :
      • Soit de saisir le juge qui a rendu la décision contestée aux fins de rectification
      • Soit d’introduire une nouvelle instance selon la procédure de droit commun
    • Cette seconde option se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • À cet égard, la Cour de cassation a précisé que, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, les parties n’étaient pas assujetties au délai d’un an qui subordonne l’exercice d’un recours en omission de statuer (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Appel
    • En cas d’appel, il y a lieu de distinguer selon que la juridiction du second degré est saisie uniquement aux fins de rectifier l’omission ou selon qu’elle est également saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
      • La Cour d’appel est saisie pour statuer sur des chefs de demande qui ont été tranchés
        • Dans cette hypothèse, l’effet dévolutif de l’appel l’autorise à se prononcer sur l’omission de statuer.
        • Les parties ne se verront donc pas imposer d’exercer un recours en omission de statuer sur le fondement de l’article 463 du CPC (Cass. 2e civ. 29 mai 1979).
      • La Cour d’appel est saisie uniquement pour statuer sur l’omission de statuer
        • Dans cette hypothèse, la doctrine estime que l’exigence d’un double degré de juridiction fait obstacle à ce que la Cour d’appel se saisisse d’une question qui n’a pas été tranchée en première instance.
        • Cette solution semble avoir été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 octobre 1997 aux termes duquel elle a jugé que « dès lors que l’appel n’a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer, il appartient à la cour d’appel, en raison de l’effet dévolutif, de statuer sur la demande de réparation qui lui est faite » (Cass. 2e civ. 22 oct. 1997, n°95-18.923).
  • Pourvoi en cassation
    • La Cour de cassation considère qu’une omission de statuer ainsi que l’ultra petita ne peuvent être réparés que selon la procédure des articles 463 et 464 du CPC (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).
    • La raison en est que la Cour de cassation est juge du droit. Elle n’a donc pas vocation à réparer une omission de statuer qui suppose d’une appréciation en droit et en fait.
    • Dans un arrêt du 26 mars 1985, la Cour de cassation a néanmoins précisé que « le fait de statuer sur choses non demandées, s’il ne s’accompagne pas d’une autre violation de la loi, ne peut donner lieu qu’à la procédure prévue par les articles 463 et 464 du nouveau code de procédure civile et n’ouvre pas la voie de la cassation » (Cass. 1ère civ. 26 mars 1985).
    • Autrement dit, lorsque l’omission est doublée d’une irrégularité éligible à l’exercice d’un pourvoi, la Cour de cassation redevient compétente.

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

?Principe

L’article 463 du CPC prévoit que « la demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l’arrêt d’irrecevabilité. »

Ainsi à la différence du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui n’est enfermé dans aucun délai, le recours en omission de statuer et en retranchement doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

Pour rappel, l’article 500 du CPC prévoit que « a force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».

À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée.

?Exceptions

  • Introduction d’une nouvelle instance
    • En matière d’omission de statuer, l’expiration du délai d’un an ferme seulement la voie du recours fondé sur l’article 463 du CPC.
    • La Cour de cassation a néanmoins admis qu’une nouvelle instance puisse être introduite selon les règles du droit commun (Cass. 2e civ. 23 mars 1994, n°92-15.802).
    • Cette solution se justifie par l’absence d’autorité de la chose jugée qui, par hypothèse, ne peut pas être attachée à ce qui n’a pas été tranché.
    • C’est la raison pour laquelle la possibilité d’introduire une nouvelle instance est limitée à la seule omission de statuer, à l’exclusion donc de la situation d’ultra ou d’extra petita.
    • Aussi, en cas d’introduction d’une nouvelle instance, la Cour de cassation considère que les parties ne sont pas assujetties au délai d’un an (Cass. 2e civ. 25 juin 1997, n°95-14.173).
  • Recours introduit par Pôle emploi
    • La jurisprudence a jugé que lorsqu’un recours en omission de statuer est exercé par les ASSEDIC (désormais pôle emploi) consécutivement à une décision ayant statué sur le remboursement des indemnités de chômage (art. L. 1235-4 C. trav.), le délai d’un an court à compter, non pas du jour où la décision à rectifier est passée en force de chose jugée, mais du jour à l’organisme a eu connaissance de cette décision (Cass. soc. 7 janv. 1992)

2. Auteur de la saisine

À la différence de la procédure en rectification d’erreur ou d’omission matérielle qui peut être initiée par le juge qui dispose d’un pouvoir de se saisir d’office, les procédures d’omission de statuer et en retranchement ne peuvent être engagées que par les parties elles-mêmes.

Il est fait interdiction au juge de se saisir d’office.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 463 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Les recours en omission de statuer et en retranchement doivent ainsi être exercés par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • En cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.
    • Il appartient au juge de provoquer le débat contradictoire entre les parties.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut notamment intervenir par voie d’assignation devant la juridiction compétente (CA Paris, 14 mars 1985).

C) Convocation des parties

L’article 463, al. 3e du CPC prévoit que le juge « statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées. »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

Il s’agit ici pour le juge de faire respecter le principe du contradictoire conformément aux articles 15 et 16 du CPC.

Aussi, bien que l’instance soit introduite par voie de requête, il y a lieu d’aviser la partie adverse de la demande de rectification.

Quant au juge, il lui est fait obligation de s’assurer que les moyens soulevés ont pu être débattus contradictoirement par les parties (V. en ce sens Cass. 2e civ. 3 janv. 1980).

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure d’omission de statuer ou en retranchement répond aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. En cas de représentation facultative, la requête pourra, dans ces conditions, être déposée par les parties elles-mêmes.

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

L’article 463, al. 4e di CPC prévoit que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Ainsi, la décision rectificative vient-elle s’incorporer à la décision initiale. Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

?Notification de la décision rectificative

L’article 463, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Le texte précise que « la décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

En application de l’article 463, al. 4e du COC, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée (Cass. 3e civ. 27 mai 1971). Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif.

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. 2e civ. 15 nov. 1978).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause.

  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. J. Héron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, éd. , n°382, p. 316. ?

La procédure participative aux fins de résolution du litige

==> Vue générale

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

Il ressort de l’article 1543 du CPC que la procédure participative comporte deux phases :

  • Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
  • Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé

Dans cette dernière phase, la procédure participative est conduite aux fins de jugement. Elle est alors régie par des dispositions communes qui s’appliquent quel que soit le cadre dans lequel le juge est saisi.

Des règles spécifiques encadrent ensuite la procédure aux fins de jugement, selon que la demande s’inscrit dans le cadre d’une mise en état conventionnelle de l’affaire ou de la résolution d’un litige.

I) Tronc procédural commun

==> Juridiction compétente

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Si, dès lors, l’accord porte sur un litige de nature commerciale, c’est le Tribunal de commerce qui sera compétent pour connaître de son homologation.

Si, en revanche, le différend qui opposait les parties présente un caractère civil, c’est le Tribunal judiciaire qui devra être saisi.

Il convient ainsi de se reporter aux règles qui régissent les compétences d’attribution des différentes juridictions.

==> Demande

L’article 1566 du CPC prévoit que la demande est formée par voie de requête, laquelle peut, être, selon les cas, soit conjointe, soit unilatérale.

==> Pouvoirs du juge

L’article 1565, al. 2 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. » Aussi ne peut-il que se borner à constater l’accord, après quoi il lui appartient de l’homologuer.

Tout au plus, l’article 1566 autorise le juge à entendre les parties s’il l’estime nécessaire. Il le fera lorsqu’il aura un doute sur les termes de l’accord conclu entre les parties.

==> Décision du juge

Lorsque l’accord est homologué par le juge, la décision a pour effet de rendre cet accord exécutoire.

Pratiquement, cela signifie que, en cas défaillance de l’une des parties, l’autre disposera d’un titre exécutoire qui lui permettra de solliciter auprès d’un huissier de justice l’exécution forcée de l’accord.

==> Voies de recours

L’article 1566, al. 3 du CPC dispose que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.

Cet appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.

II) Règles spécifiques

L’article 1556 du CPC dispose que « à l’issue de la procédure conventionnelle et exception faite des demandes en divorce ou en séparation de corps sur lesquelles il est statué conformément aux dispositions de la section II du chapitre V du titre Ier du livre III, le juge peut être saisi de l’affaire ou celle-ci être rétablie à la demande d’une des parties, selon le cas, pour homologuer l’accord des parties mettant fin en totalité au différend ou au litige, pour homologuer un accord partiel des parties et statuer sur la partie du litige persistant ou pour statuer sur l’entier litige. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les parties empruntent la voie de la procédure aux fins de jugement il convient de distinguer deux situations :

  • La convention de procédure participative a été conclue, avant la saisine du juge, aux fins de résolution du litige
  • La convention de procédure participative a été conclue, après la saisine du juge, aux fins de mise en état de l’affaire

Nous nous focaliserons ici sur la première la situation.

Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige, le juge peut être saisi, à l’issue de la procédure conventionnelle, pour deux raisons bien distinctes :

  • Homologuer l’accord mettant fin à l’entier différend
  • Trancher le différend persistant qui oppose les parties

A) L’homologation de l’accord mettant fin à l’entier différend

==> Demande

L’article 1557 du CPC dispose que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément à l’article 1555 est présentée au juge par requête de la partie la plus diligente ou de l’ensemble des parties.

La requête peut donc être, soit unilatérale, soit conjointe. Selon le cas, elle devra comporter les mentions propres à la forme de requête retenue.

À cet égard, l’article 1557 du CPC précise que « lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la requête mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat. »

La requête devra ainsi comporter cette mention spécifique, faute de quoi la demande sera irrecevable.

Au surplus, et là encore à peine d’irrecevabilité,la requête doit être accompagnée de la convention de procédure participative qui constate les termes de l’accord, étant précisé que cet accord doit énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

==> Force exécutoire de l’accord

En application de l’article 1565 du CPC l’homologation par le juge de l’accord conclu entre les parties à pour effet de le rendre exécutoire.

La conséquence en est que cet accord, pourvu de la force exécutoire, constitue un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

En cas d’inexécution par l’une des parties des termes de l’accord, l’autre peut donc requérir un huissier de justice aux fins d’exécution forcée.

À défaut d’homologation de l’accord par le juge, celui-ci s’apparente à un acte sous seing privé insusceptible de fonder une mesure d’exécution forcée. Le créancier de l’obligation inexécutée sera donc contraint de saisir le juge pour obtenir un titre exécutoire. D’où l’intérêt de faire homologuer l’accord une fois conclu.

B)  Trancher le différend persistant qui oppose les parties

Lorsque le différend entre les parties persisite au terme de la convention de procédure participative, elles disposent de la faculté de saisir le juge auquel il appartient de trancher.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel
  • La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Reste que dans les deux cas, les parties bénéficieront d’une instance accélérée, sauf modification de la demande initiale ou ajout de nouveaux moyens.

1. Règles communes : une instance accélérée

Les articles 1558 et 1559 prévoient que, lorsque le juge est saisi au terme d’une convention de procédure participative, l’instance est accélérée dans deux cas :

==> Premier cas : la dispense de tentative préalable de conciliation ou de médiation

L’article 1558 du Code civil prévoit que lorsque les règles de procédure applicables devant le juge saisi aux fins de statuer sur tout ou partie du litige sur le fondement du paragraphe 2 ou 3 de l’article 2066 du Code civil prévoient une tentative préalable de conciliation ou de médiation, l’affaire est directement appelée à une audience pour y être jugée.

À cet égard, l’article 2066 dispose que lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention conclue avant la saisine d’un juge, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue.

Ainsi, cette dispense a-t-elle pour conséquence d’opérer un renvoi de l’affaire directement en audience de jugement.

Tel sera le cas devant le Tribunal judiciaire en procédure orale.

==> Second cas : la dispense de mise en état de l’affaire

  • Principe
    • L’article 1559 du CPC dispose que devant le tribunal judiciaire et à moins que l’entier différend n’ait été soumis à la procédure de droit commun, l’affaire est directement appelée à une audience de jugement de la formation à laquelle elle a été distribuée.
    • Ainsi, là encore, au terme de la convention de procédure participative, l’affaire n’a pas vocation à emprunter le circuit classique qui consiste à la soumettre à une mise en état.
    • Elle est directement renvoyée à une audience de jugement, ce qui, pour les parties, constitue un gain de temps considérable
    • Tel sera notamment le cas en procédure écrite, soit pour les cas où la représentation par avocat est obligatoire
  • Exceptions
    • Deux exceptions à la dispense de mise en état sont prévues par l’article 1559 du CPC
      • Première exception
        • L’entier différend a, en amont, été soumis à la procédure de droit commun
        • Dans cette hypothèse, l’affaire devra emprunter le circuit classique et devra donc éventuellement faire l’objet d’une instruction si elle n’est pas en état d’être jugée
      • Seconde exception
        • L’article 1559 in fine dispose que l’affaire ne peut être renvoyée devant le juge de la mise en état que dans les cas prévus au deuxième et au troisième alinéa de l’article 1561.
        • Aussi, le renvoi devant le juge de la mise en état sera possible dans les situations suivantes :
          • Les parties modifient leurs prétentions, sauf à ce qu’il s’agisse
            • Soit d’actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive
            • Soit d’opposer un paiement ou une compensation ultérieur
            • Soit faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
          • Les parties modifient le fondement juridique de leur demande ou soulèvent de nouveaux moyens, sauf à ce qu’il s’agisse de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

2. La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel

Lorsque les parties ont trouvé un accord seulement partiel à leur différend, plusieurs options s’offrent à elles :

  • Se limiter à la formaliser l’accord en établissant un acte sous seing privé
  • Faire seulement homologuer l’accord partiel par le juge selon la procédure prévue à l’article 1557 du CPC
  • Faire homologuer l’accord partiel par le juge et lui demander de trancher, dans le même temps, le différend résiduel

L’article 1556 du CPC envisage cette dernière hypothèse qui donc à mettre définitivement un terme au litige dans toutes ses composantes.

==> Saisine du juge

L’article 1560 du CPC prévoit que lorsque les parties ne sont parvenues qu’à un accord partiel, elles peuvent saisir le juge à l’effet qu’il statue sur le différend résiduel selon deux modalités différentes :

  • Soit selon la procédure applicable devant lui
  • soit par une requête conjointe

Lorsque la saine du juge s’opère par voie de requête conjointe, l’acte doit comporter un certain de mentions, outre celles visées à l’article 57 du CPC, au nombre desquelles figurent :

  • La signature des avocats ayant assisté les parties au cours de la procédure participative
  • Les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, dont elles peuvent demander au juge l’homologation dans la même requête ;
  • Les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

L’exigence ainsi posée est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête conjointe, irrecevabilité qui peut être soulevée d’office par le juge.

Par ailleurs, sous la même sanction, la requête doit être accompagnée de plusieurs éléments attachés en annexe :

  • La convention de procédure participative
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

==> Périmètre du litige

  • Principe
    • L’article 1561 du CPC prévoit que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles que formulées dans l’acte de saisine du juge.
    • Il ressort de cette disposition que ce sont les parties qui déterminent le périmètre du différend résiduel qu’elles soumettent au juge aux fins de jugement
    • Il s’agit là d’un rappel de l’article 4 du CPC qui pose le principe dispositif, soit le principe selon lequel ce sont les parties qui déterminent le contenu du procès
  • Exceptions
    • L’article 1561 du CPC pose deux limites à la liberté des parties de déterminer le périmètre du différend résiduel
      • Première limite
        • Les parties ne peuvent modifier leurs prétentions, si ce n’est pour actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive, opposer un paiement ou une compensation ultérieur ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
      • Seconde limite
        • Les parties ne peuvent modifier le fondement juridique de leur demande ou soulever de nouveaux moyens qu’en vue de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

3. La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Au terme de la convention de procédure participative, les parties peuvent n’avoir trouvé aucun accord, de sorte que leur différend persiste dans son entier.

En pareil cas, elles disposent de la faculté de saisir le juge aux fins de jugement, selon la procédure prévue aux articles 1562 à 1564 du CPC

==> Saisine du juge

L’article 1562 du CPC dispose que lorsque le différend entre les parties persiste en totalité, le juge peut en connaître :

  • soit conformément aux règles régissant la procédure applicable devant lui ;
  • soit sur requête conjointe
  • soit sur requête unilatérale sur laquelle il statue suivant les règles applicables devant lui

==> Formalisme de la requête

Lorsque le Juge est saisi par voie de requête, plusieurs règles de forme énoncées par l’article 1563 du CPC doivent être observées par les parties.

  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe par l’avocat de la partie la plus diligente.
    • À peine d’irrecevabilité, ce dépôt doit intervenir dans un délai de trois mois suivant le terme de la convention de procédure participative.
  • Mentions obligatoires
    • Outre les mentions prescrites, à peine de nullité, par l’article 58, la requête doit :
      • D’une part, contenir un exposé des moyens de fait et de droit
      • D’autre part, être accompagnée de la liste
        • Des pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
        • Des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Constitution d’avocat
    • Devant le Tribunal judiciaire, dans les cas où la représentation est obligatoire, le dépôt de la requête au greffe doit contenir la constitution de l’avocat.

==> Notification

L’article 1563 du CPC prévoit que l’avocat qui procède au dépôt en informe la partie adverse elle-même ainsi que l’avocat l’ayant assisté au cours de la procédure conventionnelle, selon le cas, par notification ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La requête a été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la notification doit indiquer que la partie adverse doit constituer avocat dans un délai de quinze jours suivant cette notification.
  • La requête n’a pas été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, l’avocat du requérant est informé par le greffe, dès remise de la requête, de la date de la première audience utile à laquelle l’affaire sera appelée.
    • Cette date est alors portée à la connaissance de la partie adverse dans la notification qui doit être effectuée par l’avocat du requérant.

Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.

Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.

Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».

Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »

Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

==> Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.

Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.

I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, quels sont les litiges concernés ?
  • D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?

A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge

L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.

Aussi, sont-ils libres d’opter pour :

  • La conciliation
  • La médiation
  • La procédure participative
  1. La conciliation et la médiation

En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.

L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.

Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.

La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.

  • La conciliation
    • La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
    • À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
    • Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
    • Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
    • S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
    • Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
    • La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
    • Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
  • La médiation
    • L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
    • À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
    • En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
    • À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
    • L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
    • L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
    • Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.

2. La procédure participative

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée 
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire 
  • Troisième hypothèse
    • L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
    • Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
    • Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
    • Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
    • Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
    • Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
    • En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
    • Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
    • Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
    • Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
    • Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
      • Premier élément : la date de saisine du conciliateur
        • Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
        • Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
        • Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
        • Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
      • Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
        • Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
        • Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
        • En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
    • Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
    • Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
    • Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.

🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation

Tel est le cas

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
  • En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
  • En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.

Procédure de divorce: la phase de conciliation

Aux termes de l’article 252 du Code civil « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire. »

Ainsi, quel que soit le niveau de tension au sein du couple, les époux ont l’obligation de passer par la phase de conciliation.

L’alinéa 2 de l’article 252 précise l’objet de la conciliation, en confiant au juge le soin de chercher à concilier les époux « tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

La mission de conciliation « sur le principe du divorce » doit donc être entendue au sens large.

En effet, elle doit non seulement permettre aux époux de déterminer :

  • D’une part, le cas de divorce sur lequel se fondera l’assignation mais également porter sur le fait même de divorcer
  • D’autre part, les conséquences du divorce afin de permettre de dégager des solutions négociées et mieux adaptées à la situation de chacun et ce, le plus en amont possible.

I) La convocation des époux

La convocation des époux à l’audience de conciliation répond à un formalisme très précis décrit à l’article 1108 du Code de procédure civile :

==> Notification de la convocation

  • Au défendeur
    • L’époux qui n’a pas présenté la requête est convoqué par le greffe à la tentative de conciliation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, confirmée le même jour par lettre simple.
    • À peine de nullité, la lettre recommandée doit être expédiée quinze jours au moins à l’avance et accompagnée d’une copie de l’ordonnance.
    • L’ordonnance annexée à la convocation est celle rendue par le JAF au stade de la requête initiale ( 1107 CPC)
  • Au demandeur
    • La convocation à l’audience de conciliation n’a pas directement à être adressée au demandeur
    • C’est le greffe qui avise l’avocat de l’époux qui a présenté la requête.

==> Contenu de la convocation

La convocation adressée à l’époux qui n’a pas présenté la requête l’informe qu’il doit se présenter en personne, seul ou assisté d’un avocat.

Elle précise en outre que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du mariage.

À la notification par lettre recommandée est également jointe, à titre d’information, une notice exposant, notamment, les dispositions des articles 252 à 254, soit les règles relatives :

  • aux mesures provisoires susceptibles d’être prises par le JAF à l’issue de l’audience de conciliation
  • à la médiation familiale

II) L’audience de conciliation

L’importance de l’audience de conciliation a été renforcée par la réforme du 26 mai 2004, en raison de l’instauration du tronc commun procédural.

Au-delà des mesures provisoires susceptibles d’être prises pour organiser la vie séparée de la famille, cette audience doit être l’occasion d’un débat sur le principe même de la rupture et peut s’avérer déterminante sur l’orientation de la procédure de divorce.

Elle doit enfin favoriser la mise en place d’un accompagnement adapté des époux, les incitant à la préparation responsable des conséquences de leur séparation, notamment au travers de la médiation familiale ou des mesures relatives à la liquidation anticipée de leur régime matrimonial.

==> Formalités préalables

Au jour indiqué, le juge statue d’abord, s’il y a lieu, sur la compétence.

Par ailleurs, il doit rappeler aux époux les dispositions de l’article 252-4 du code civil.

Cette disposition prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »

Cette disposition prend un relief particulier dans le nouveau dispositif procédural puisque, désormais, le choix du cas de divorce retenu ne se fera qu’à l’occasion de l’assignation et il importe d’éviter que des faits relatés à l’occasion de la tentative de conciliation ne soient ensuite utilisés pour fonder sa demande de divorce, par exemple sur la faute.

==> L’entretien individuel avec les époux

Après avoir procédé aux formalités d’usage, le Juge doit engager la tentative de conciliation selon les prescriptions des articles 252-1 à 253 du même code.

L’article 252-1 du Code civil prévoit que lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s’entretenir personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.

Dans le cas où l’époux qui n’a pas formé la demande ne se présente pas à l’audience ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le juge s’entretient avec l’autre conjoint et l’invite à la réflexion.

En toute hypothèse, le juge doit entendre chacun des époux sur le principe de la rupture

==> L’intervention des avocats

Après que les époux ont été entendus séparément par le JAF les avocats sont appelés à assister et à participer à l’entretien.

Ils n’interviennent ainsi que dans un second temps.

Leur participation à l’entretien n’est toutefois pas subordonnée à la demande des époux mais est obligatoire.

==> Suspension de la tentative de conciliation

L’article 252-2 du Code civil prévoit que la tentative de conciliation peut être suspendue et reprise sans formalité, en ménageant aux époux des temps de réflexion dans une limite de huit jours.

Si un plus long délai paraît utile, le juge peut décider de suspendre la procédure et de recourir à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus.

Il ordonne, s’il y a lieu, les mesures provisoires nécessaires.

III) L’ordonnance de non-conciliation

Sauf à ce que la conciliation ait abouti, ce qui relève du cas d’école, à l’issue de l’audience de conciliation le JAF rend une ordonnance de « non-conciliation » qui comporte un certain nombre de points :

==> Sur les suites de la procédure

Si le Juge constate que le demandeur maintient sa demande, il dispose de deux options :

  • Soit il renvoie les parties à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus
  • Soit il autorise immédiatement les époux à introduire l’instance en divorce

Dans les deux cas, il peut ordonner tout ou partie des mesures provisoires prévues aux articles 254 à 257 du code civil.

==> Sur les obligations des époux

L’ordonnance de non-conciliation doit alerter les époux sur plusieurs points :

  • Le délai d’introduction de l’instance
    • Lorsque le juge autorise les époux à introduire l’instance en divorce, il doit rappeler que dans les trois mois du prononcé de l’ordonnance, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce.
    • Passé ce délai, l’autre époux sera autorisé à introduire l’instance
    • L’article 1113 du Code de procédure civile précise que, en cas de réconciliation des époux ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
  • Invitation à régler les conséquences du divorce
    • L’article 252-3 du Code civil prévoir que lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.
    • Par ailleurs, il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce.
    • L’intérêt de ces accords, recherchés tout au long de la procédure, est important dans la mesure où ils ont vocation à être homologués par le juge

IV) Les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

A) Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

B) Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

==> Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

  • Initier une médiation familiale
    • Cette invitation peut consister pour le Juge :
      • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
      • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation
    • Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.
    • Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel
  • Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux
    • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
    • Il organise leur vie séparée.
    • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.
  • Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance
    • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
    • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
    • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
    • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
    • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
    • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.
  • Ordonner la remise des vêtements et objets personnels
  • Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes
    • Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.
    • Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.
  • Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire
  • Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial
    • La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.
    • Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.
    • Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.
  • Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux
  • Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager
    • Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.
    • En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

==> Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

  • Sur la résidence de l’enfant
    • L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
    • La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents
      • En présence d’un accord
        • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
      • En l’absence d’accord
        • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
        • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
      • Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.
      • Deux modalités de garde sont envisageables :
        • La garde alternée
          • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
          • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
        • La garde exclusive
          • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
          • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
          • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
          • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.
        • Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :
          • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
          • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
          • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
          • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
          • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
          • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
  • Sur la pension alimentaire
    • L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
    • Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.
    • Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.
    • Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.
    • Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

C) Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.

V) Les voies de recours

L’article 1112 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance de non-conciliation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification, mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires.

Pour le reste, les époux ne pourront pas faire appel de la décision du JAF.