==> Vue générale
Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.
Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.
À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».
Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.
==> Intérêts de la procédure participative
Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :
- Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
- L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
- Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
- En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
- Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
- Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
- Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
- À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
- Maîtrise de la procédure
- Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
- Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
- Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
- Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
- L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
- Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
- C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.
Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.
Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.
Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :
- Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
- Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
- Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
- Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
- D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
- D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;
Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.
Cette procédure comporte, à l’examen, deux phases :
- Première phase : la conclusion de la convention de procédure participative
- Seconde phase : la mise en œuvre de la convention de procédure participative
S’agissant de la seconde phase, elle se subdivise en deux phases également:
- Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
- Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé
Nous nous focaliserons ici exclusivement sur la phase conventionnelle.
L’article 1544 du CPC prévoit que « les parties, assistées de leurs avocats, œuvrent conjointement, dans les conditions fixées par convention, à un accord mettant un terme au différend qui les oppose ou à la mise en état de leur litige. »
Il ressort de cette disposition que la phase conventionnelle de la procédure participative peut s’inscrire dans deux cadres bien distincts :
- Soit en dehors de toute instance, l’objectif recherché par les parties étant de trouver un accord amiable
- Soit en cours d’instance, l’objectif recherché par les parties étant la mise en état de l’affaire
Dans les deux cas, quel que soit l’objectif poursuivi par les parties, l’article 2062 du Code civil leur commande d’œuvrer conjointement et de bonne foi.
- La conduite de la procédure
La procédure participative étant, dans sa première phase, de nature conventionnelle sa conduite est, par hypothèse, assurée par les parties, à tout le moins par l’entremise de leurs avocats.
Outre les termes de la convention qui a pour objet de régler les modalités de mise en état du litige ou de conduite des discussions, elles peuvent recourir à plusieurs outils procéduraux encadrés par les textes au nombre desquels figurent notamment, l’accomplissement d’actes d’avocats ou encore le recours à un technicien.
==> L’accomplissement d’actes d’avocats :
Lorsque la convention le prévoit, les parties disposent de la faculté d’accomplir des actes de procédure d’avocats aux fins de :
- Énumérer les faits ou les pièces qui ne l’auraient pas été dans la convention, sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent ;
- Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;
- Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
- Recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 ;
- Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le cas échéant, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement ;
- Consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter ;
- Consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation. L’acte contient les mentions prévues au deuxième alinéa de l’article 202. Le témoin fait précéder sa signature de la mention prévue au troisième alinéa du même article ;
- Consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats.
Cette faculté de recourir à l’acte d’avocats est ouverte aux parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, en dehors ou dans le cadre d’une procédure participative.
==> Le recours à un technicien
Dans le cadre de la procédure participative, les parties désignent, de concert des techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
À cet égard, le recours par les parties à un technicien est régi par les articles 1547 à 1554 du CPC, étant précisé que, en application de l’article 1546-3 du CPC, les constatations formulées par ce technicien pourront faire l’objet d’une consignation par acte d’avocats.
- La désignation du technicien
- En application de l’article 1547 du CPC lorsque les parties envisagent de recourir à un technicien, elles le choisissent d’un commun accord et déterminent sa mission.
- Il s’agit ici d’assurer la légitimité de la désignation afin qu’elle ne puisse pas être remise en cause.
- À cet égard, lorsque le technicien accepte sa mission il doit de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance afin que les parties en tirent les conséquences qu’elles estiment utiles.
- Ainsi, doit-il faire état de l’existence de toute situation de conflit d’intérêts dans laquelle il est susceptible de se trouver.
- Quant à la rémunération du technicien, il est rémunéré par les parties selon les modalités convenues entre eux.
- La mission du technicien
- Objet de la mission
- L’objet de la mission confiée au technicien est défini dans le contrat régularisé avec les parties qui en fixe le périmètre.
- L’article 1550 du CPC précise que, à la demande du technicien ou après avoir recueilli ses observations, les parties peuvent modifier la mission qui lui a été confiée ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.
- Déroulement de la mission
- L’article 1549 du CPC prévoit que le technicien commence ses opérations dès que les parties et lui-même se sont accordés sur les termes de leur contrat.
- Il doit accomplir sa mission avec conscience, diligence et impartialité, dans le respect du principe du contradictoire.
- Cette exigence se justifie par la possibilité, pour les parties, de produire le rapport en justice (art. 1554, al. 2e CPC)
- Afin que le technicien puisse mener à bien sa mission, l’article 1551 du CPC exige des parties qu’elles lui communiquent les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
- À cet égard, en application de l’article 1552, tout tiers intéressé peut, avec l’accord des parties et du technicien, intervenir aux opérations menées par celui-ci.
- Le technicien l’informe qu’elles lui sont alors opposables.
- En cas d’inertie d’une partie qui empêche le technicien de mener à bien sa mission, il dispose de la faculté convoque l’ensemble des parties en leur indiquant les diligences qu’il estime nécessaires.
- Dans l’hypothèse où la partie à l’origine de la difficulté d’exécution de la mission du technicien, ne défère pas à sa demande, il est autorisé à poursuivre sa mission à partir des seuls éléments dont il dispose.
- Objet de la mission
- La fin de la mission
- La mission du technicien prend fin dans deux cas :
- Achèvement des opérations
- La mission du technicien prend fin lorsque les opérations menées par lui sont, conformément aux termes du contrat, achevées.
- À l’issue des opérations, le technicien remet un rapport écrit aux parties, et, le cas échéant, au tiers intervenant.
- Ce rapport peut être produit en justice.
- Révocation du technicien
- La mission du technicien peut prendre fin en cas de révocation de celui-ci.
- Cette révocation ne peut intervenir que si les parties y consentent à l’unanimité.
- Achèvement des opérations
- La mission du technicien prend fin dans deux cas :
2. L’issue de la procédure conventionnelle
En substance, la procédure participative peut avoir pour issue :
- Soit l’adoption d’un accord
- Soit l’absence d’accord
==> L’absence d’accord
À l’issue de la procédure participative, les parties peuvent ne pas avoir trouvé d’accord sur le différend qui les oppose.
Cette absence d’accord entre les parties met fin à la procédure participative :
- Soit en cas d’arrivée du terme de la convention
- Soit en cas de résiliation anticipée de la convention par les parties assistées de leurs avocats
- Soit en cas d’inexécution par l’une des parties de la convention
- Soit en cas de saisine du Juge dans le cadre d’une procédure participative aux fins de mise en état, aux fins de statuer sur un incident, sauf si la saisine émane de l’ensemble des parties
Cette absence d’accord ouvre aux parties deux options : renoncer à leurs prétentions respectives ou saisir le juge pour trancher leur différend.
Dans cette dernière hypothèse, il leur appartiendra d’établir un acte constatant la persistance de tout ou partie du différend.
==> L’adoption d’un accord
À l’issue de la procédure participative, les parties sont susceptibles de trouver un accord qui peut être soit total, soit partiel.
- Lorsque l’accord trouvé est total, l’article 1555, 3° du CPC prévoit qu’il s’agit là d’une cause d’extinction de la procédure.
- Lorsque l’accord trouvé est partiel, les parties disposent de la faculté de faire trancher par le juge le différend résiduel
En tout état de cause, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.
Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.
Parce que l’accord est régularisé au moyen d’un acte d’avocat, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause.
À cet égard, les avocats des parties sont tenus à une obligation de résultat quant à l’efficacité de l’acte.
L’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’avocat prévoit en ce sens que, de manière générale, « l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties ».
Une fois l’accord régularisé par acte d’avocat, les parties disposent de la faculté de le soumettre, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.