==> Vue générale
Dans son discours préliminaire du Code civil, Portalis définissait le mariage comme « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et pour partager leur commune destinée. »
Il ressort de cette définition que le mariage n’est pas seulement une union des personnes, il s’agit également d’une union des biens.
Cette union des personnes et des biens implique que les époux collaborent entre eux faute de quoi leur engagement formulé lors de la célébration du mariage de faire vie commune ne demeurerait qu’un vœu pieux.
La communauté de vie, telle qu’envisagée par le Code civil requiert un minimum d’association entre les époux qui, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis, se sont obligés à mettre un commun des ressources matérielles aux fins de subvenir aux besoins du ménage.
Aussi, dès 1804, cette volonté du législateur de faire du mariage une sorte de société de moyens s’est traduite par l’instauration d’une obligation pour les époux de contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
Tels sont les termes de l’article 214 du Code civil qui constitue le socle du régime primaire impératif. Et pour cause, le statut matrimonial de base des époux se résumait à cette disposition.
Il faut attendre la reconnaissance progressive, au cours du XXe siècle, de l’égalité entre la femme mariée et son époux pour voir un régime primaire impératif, qui régi les conséquences pécuniaires de l’union matrimoniale, émerger.
Désormais, la contribution aux charges du mariage, qui à l’origine ne pesait que sur le seul mari, appartient à un corpus normatif composé d’une dizaine de dispositions.
Cette obligation opère notamment aux côtés du principe institué à l’article 220 du Code civil qui prévoit une solidarité des époux s’agissant du règlement des dettes ménagères.
Les deux dispositifs ne doivent toutefois pas être confondus. Il s’agit là de deux mécanismes bien distincts et complémentaires.
==> Contribution aux charges du mariage et solidarité des dettes ménagères
L’obligation de contribution aux charges du mariage envisagée à l’article 214 du Code civil doit donc fondamentalement être distinguée du principe de solidarité des dettes ménagères énoncé à l’article 220.
Tandis que l’une se rapporte à ce que l’on appelle la contribution à la dette, l’autre intéresse l’obligation à la dette.
- L’obligation à la dette
- L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des tiers, au cours de la vie commune, s’agissant des créances qu’ils détiennent à l’encontre des époux.
- Autrement dit, elle répond à la question de savoir si un tiers peut actionner en paiement le conjoint de l’époux avec lequel il a contracté et, si oui, dans quelle mesure.
- Exemple:
- Un époux se porte acquéreur d’un véhicule sans avoir obtenu, au préalable, le consentement de son conjoint.
- La question qui immédiatement se pose est de savoir si, en cas de défaut de paiement de l’époux contractant, le vendeur pourra se retourner contre son conjoint, alors même que celui-ci n’a pas donné son consentement à l’opération et qu’il n’est donc pas partie au contrat.
- Les règles qui régissent l’obligation à la dette répondent à cette question.
- Aussi, l’obligation à la dette intéresse les rapports entre les tiers et les époux.
- Elle est notamment traitée à l’article 220 du Code civil qui institue un principe de solidarité pour le règlement des dettes ménagères.
- La contribution à la dette
- La contribution à la dette se distingue de l’obligation à la dette en ce qu’elle détermine la part contributive de chaque époux dans les charges du mariage.
- Autrement dit, elle répond à la question de savoir dans quelles proportions les époux doivent-ils réciproquement supporter les dépenses exposées dans le cadre du fonctionnement du ménage.
- L’article 214 du Code civil prévoit, à cet égard, que la part contributive de chaque époux est proportionnelle à leurs facultés respectives.
- Exemple :
- Les dépenses de fonctionnement d’un couple marié s’élèvent à 1.000 euros
- L’un des époux perçoit un salaire de 3.000 euros, tandis que le salaire de l’autre est de 1.500 euros
- Celui qui gagne 3.000 euros devra donc contribuer deux fois plus que son conjoint aux charges du mariage.
- La contribution à la dette intéresse ainsi les rapports que les époux entretiennent entre eux et non les relations qu’ils nouent avec les tiers.
- Cette contribution est réglée par l’article 214 du Code civil qui règle la contribution aux charges du mariage.
En résumé, lorsqu’un époux est actionné en paiement par un tiers pour le règlement d’une dette contractée par son conjoint, il pourra toujours se retourner contre ce dernier, après avoir désintéressé le créancier, au titre de l’obligation de contribution aux charges du mariage.
Aussi, le traitement d’une difficulté relative au règlement d’une dette contractée par un époux sans le consentement de son conjoint, supposera de toujours raisonner en deux temps :
- Premier temps : l’obligation à la dette
- Le tiers peut-il agir contre le conjoint de l’époux qui a contracté la dette ?
- S’il s’agit d’une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil, il pourra actionner indifféremment l’un des deux époux pour le tout.
- Une fois le règlement de la dette effectué, la détermination de sa répartition entre les époux relève de la question de la contribution aux charges du mariage
- Second temps : la contribution à la dette
- L’époux qui a désintéressé le tiers, alors même qu’il n’avait pas contracté la dette, peut-il se retourner contre son conjoint et, si oui, dans quelle proportion ?
- Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 214 du Code civil qui prévoit qu’une telle action n’est recevable qu’à la condition que la dette qui a été réglée endosse la qualification de charge du mariage.
- Il faut encore que soit démontré que l’époux contre lequel l’action est dirigée n’a pas contribué aux charges du mariage à proportion de ses facultés.
- Si tel est le cas, ce dernier devra supporter à titre définitif, une partie, voire la totalité, du poids de la dette
Dans cette étude, consacrée à l’obligation de contribution aux charges du mariage, nous ne nous focaliserons donc que sur la question de la contribution à la dette dont relève l’obligation de contribution aux charges du mariage.
==> Champ d’application
L’article 214 du Code civil relève de ce que l’on appelle le régime primaire impératif applicable.
Par hypothèse, l’application du régime primaire est subordonnée à la satisfaction d’une condition : le mariage.
Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage et plus particulièrement de l’application du régime primaire.
Régulièrement, la Cour de cassation refuse de faire application de l’article 214 du Code civil qui régit la contribution aux charges du mariage pour régler la répartition des frais de fonctionnement de couples de concubins.
Dans un arrêt du 19 mars 1991, elle a, par exemple, jugé « qu’aucune disposition légale ne réglant la contribution des concubins aux charges de la vie commune, chacun d’eux doit, en l’absence de volonté expresse à cet égard, supporter les dépenses de la vie courante qu’il a exposées » (Cass. 1ère civ. 19 mars 1991, n°88-19400).
Le refus de faire bénéficier les concubins du régime primaire vient de ce que la famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage.
Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[1] et plus encore, comme son « acte fondateur »[2].
Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où la célèbre formule prêtée à Napoléon qui aurait dit que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux ».
Quant à l’application de l’article 214 du Code civil aux partenaires, c’est également exclu, le pacs étant régi par des règles spécifiques énoncées aux articles 515-1 et suivants du Code civil.
Une disposition similaire s’applique néanmoins à eux. L’article 515-4 prévoit, en effet, que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. »
§1 : L’obligation de contribution aux charges du mariage
I) Le contenu de l’obligation de contribution aux charges du mariage
Pour assurer le fonctionnement du ménage, l’article 214 du Code civil prévoit que les époux doivent contribuer à ce que l’on appelle les charges du mariage, contribution qui, sauf convention contraire, est proportionnelle à leurs facultés respectives.
A) L’objet de la contribution
Si, l’obligation de contribution aux charges du mariage vise à contraindre les époux à pourvoir aux besoins du ménage, elle se distingue du devoir de secours qui présente un caractère purement alimentaire.
- Une obligation de contribution visant à pourvoir aux besoins du ménage
==> Notion
Le Code civil est silencieux sur la notion de charges du mariage qui n’est définie par aucune disposition.
Aussi, est-ce vers la doctrine et la jurisprudence qu’il y a lieu de se tourner aux fins de cerner la notion.
Une première approche consiste à définir les charges du mariage comme toutes les dépenses qui visent à assurer le fonctionnement du ménage, soit celles relatives à la nourriture, au logement, à l’éducation des enfants ou encore à l’habillement.
Une seconde approche conduit à définir les charges du mariage en les distinguant des dépenses ménagères visées à l’article 220 du Code civil, soit les dépenses qui, pour rappel, peuvent être accomplies par un seul époux et qui, à ce titre, engagent l’autre conjoint solidairement.
Dans un arrêt du 6 avril 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la contribution aux charges du mariage, distincte par son fondement et par son but de l’obligation alimentaire, comprend non seulement les dépenses indispensables de logement, de nourriture, de vêtements et de transports, mais également les frais d’entretien et d’éducation des enfants communs » (Cass. 1ère civ. 6 avr. 1994, n°93-12976).
À l’examen, les charges du mariage couvrent un périmètre bien plus large que les dépenses ménagères envisagées à l’article 220 comme celles qui ont pour objet « l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants ».
Les dépenses ménagères correspondent, autrement dit, à toutes les dépenses strictement nécessaires au fonctionnement du ménage (nourriture, logement, habillement, frais de scolarité des enfants, frais de santé, électricité, gaz, téléphone etc). Il s’agit donc de dépenses primaires dont le couple ne peut pas faire l’économie.
Quant aux charges du mariage, non seulement elles incluent ces dépenses primaires, mais encore elles comprennent toutes les dépenses qui sont liées au train de vie des époux.
Par train de vie, il faut entendre toutes les dépenses d’agrément et plus généralement toutes celles en lien avec l’épanouissement du couple et dont l’accomplissement est conforme à l’intérêt de la famille.
==> Application
Parce que les charges du mariage se rapportent au train de vie du ménage, la jurisprudence admet que puissent relever de leur périmètre les frais exposés pour les vacances des époux, voire pour l’acquisition d’une résidence secondaire, puisque constituant, au fond, des dépenses d’agrément.
Dans un arrêt du 20 mai 1981, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « la contribution des époux aux charges du ménage est distincte, par son fondement et par son but, de l’obligation alimentaire et peut inclure des dépenses d’agrément » (Cass. 1ère civ. 20 mai 1981).
La Cour de cassation a encore considéré que des dépenses d’investissement visant à acquérir le logement familial pouvaient être qualifiées de charges du mariage (Cass. 1ère civ. 12 juin 2013, 11-26748).
Il en va de même des dépenses d’aménagement de la résidence familiale (Cass. 1ère civ. 15 mai 2013, n°11-26933).
Lorsque, en revanche, la dépense exposée par un époux excède le train de vie du ménage, la doctrine considère que, pour relever de la catégorie des charges du mariage, elle doit avoir été approuvée par le conjoint.
Par ailleurs, lorsque la dépense est relative à un impôt qui grève le revenu d’un époux, il est de jurisprudence constante que cette dépense ne peut pas être qualifiée de charge du mariage (Cass. 1ère civ. 25 juin 2002, n°00-11238), alors même qu’il s’agit d’une dépense qui donne lieu à la solidarité des époux, en application de l’article 1691 bis du Code général des impôts.
La première chambre civile justifie cette exclusion en affirmant que « l’impôt sur le revenu, constituant une charge découlant directement des revenus personnels à chaque époux, ne figure pas au nombre des charges du mariage auxquelles chacun des époux doit contribuer » (Cass. 1ère civ. 5 nov. 2014, n° 13-22605).
En synthèse, les charges du mariage comprennent :
- D’une part, les dépenses strictement nécessaires au fonctionnement du ménage : elles incluent donc les dépenses ménagères visées à l’article 220 du Code civil
- D’autre part, les dépenses liées au train de vie du ménage, soit toutes les dépenses d’agrément et de loisir ce qui étend leur périmètre au-delà de la sphère des dépenses ménagères.
2. Une obligation de contribution qui se distingue du devoir de secours
Si, comme l’a indiqué la Cour de cassation dans un arrêt du 22 février 1978 l’obligation de contribution aux charges du mariage porte sur « tout ce qui est nécessaire aux besoins de la famille » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1978), elle ne se confond pas avec le devoir de secours qui présente un caractère purement alimentaire.
Plusieurs critères permettent de distinguer les deux dispositifs :
- Premier critère
- Le devoir de secours ne joue que dans l’hypothèse où un époux ne peut plus subvenir seul à ses besoins alimentaires les plus primaires.
- L’obligation de contribution aux charges du mariage n’est, quant à elle, pas subordonnée à cette exigence de besoin vitale.
- À cet égard, la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que l’époux créancier de l’obligation de contribution aux charges du mariage n’avait pas à justifier de son état de besoin.
- Dans un arrêt du 23 juin 1970 elle a, par exemple, jugé que chacun des époux est « tenu de contribuer aux charges du ménage selon ses facultés, même si son conjoint n’est pas dans le besoin» ( 1ère civ. 23 juin 1970, n°68-13.491).
- Aussi, la créance de dette de contribution aux charges du mariage est, à la différence du devoir de secours, exigible en permanence, car elle vise à pourvoir aux besoins quotidiens du ménage.
- Deuxième critère
- Le périmètre de l’obligation de contribution aux charges du mariage est bien plus large que celui du devoir de secours qui consiste seulement en une dette d’aliment.
- Dans un arrêt du 6 avril 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la contribution aux charges du mariage, distincte par son fondement et par son but de l’obligation alimentaire, comprend non seulement les dépenses indispensables de logement, de nourriture, de vêtements et de transports, mais également les frais d’entretien et d’éducation des enfants communs» ( 1ère civ. 6 avr. 1994, n°93-12976).
- Les charges du mariage comprennent, plus généralement, toutes les dépenses liées au train de vie de ménage, y compris les dépenses d’agrément.
- Troisième critère
- Tandis que l’obligation de contribution aux charges du mariage s’éteint au concomitamment à sa dissolution, tel n’est pas le cas du devoir de secours.
- Celui-ci est, en effet, dans certaines circonstances, susceptible de survivre à la dissolution du mariage.
- Il en va ainsi en matière de divorce où il prend la forme d’une rente viagère consentie à un époux au titre de la prestation compensatoire ( 276 C. civ.).
- L’octroi de cette rente peut être décidé par le juge, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.
Pour être complet il peut être observé qu’une partie de la doctrine plaide pour assimilation du devoir de secours à l’obligation de contribution aux charges du mariage.
- Tout d’abord, les deux dispositifs instituent des obligations réciproques, obligations qui participent du devoir général d’entraide entre les époux
- Ensuite, certains auteurs arguent que le devoir de secours ne serait autre qu’une manifestation de l’obligation de contribution aux charges du mariage en ce sens qu’il n’aurait vocation à être activé que dans des circonstances exceptionnelles, soit lorsque l’un des époux se retrouve dans un état de besoin. Cette activation du devoir de secours aurait pour conséquence d’obliger son débiteur à contribuer aux charges du mariage au-delà de sa part contributive.
- Enfin, le recouvrement des sommes dues au titre l’obligation de contribution aux charges du mariage et du devoir de secours mobilisent les mêmes procédures de en cas de manquement d’un époux à son obligation. Au surplus, comme la contribution aux charges du mariage la créance de devoir de secours est susceptible de faire l’objet d’une indexation ( 1er civ. 31 mai. 1988, n°86-14019).
B) Le montant de la contribution
L’article 214 du Code civil prévoit que les époux doivent contribuer aux charges du mariage « à proportion de leurs facultés respectives », sous réserve, prévient le texte, que cette contribution ne soit pas réglée par une convention matrimoniale.
- Principe
Le principe posé par l’article 214 du Code civil, c’est que les époux contribuent aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
La clé de répartition de la contribution tient donc au montant des ressources dont dispose chaque époux. Le législateur a ainsi entendu instaurer un principe d’égalité géométrique, principe qui s’inspire de la justice distributive.
Sous l’empire du droit antérieur, le second alinéa de l’article 214 prévoyait que « l’obligation d’assumer ces charges pèse, à titre principal, sur le mari. Il est obligé de fournir à la femme tout ce qui est nécessaire pour les besoins de la vie selon ses facultés et son état. »
Il y avait donc une inégalité quant à la répartition des charges du mariage entre l’homme et la femme.
Cette inégalité qui se justifiait, à l’époque, par la grande disparité de revenus qui existait entre eux. Le rôle de la femme mariée était cantonné, le plus souvent, à l’entretien du foyer et à l’éducation des enfants, tandis que le mari exerçait une activité professionnelle, d’où le ménage tirait ses principaux revenus.
Cet état du droit est désormais révolu. Il a été réformé par la loi du 2 juillet 1975 qui a institué une égalité parfaite entre la femme mariée et son mari.
Tous deux doivent contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives.
Pour déterminer la part contributive de chaque époux, encore faut-il néanmoins s’entendre sur ce qui doit être compté dans les ressources des époux.
À l’examen, elles comprennent, tant les revenus professionnels des époux que ceux tirés de leurs biens propres.
Il a également été admis que, en cas d’insuffisance de revenus d’un époux, il puisse être prélevé sur le capital qu’il possède, celui-ci pouvant être pris en compte dans l’évaluation de ses ressources (Cass. 1ère civ. 7 juin 1974)
À cet égard, dans un arrêt du 17 décembre 1965, la Cour de cassation a précisé que l’on devait tenir compte « des revenus qu’une gestion utile du capital pouvait procurer » (Cass. 1ère civ. 17 déc. 1965).
Pour déterminer la part contributive de chaque époux, il convient, en outre, de tenir compte des charges de chacun, dès lors qu’elles présentent un caractère utile et nécessaire.
S’agissant de l’appréciation du montant de la part contributive de chaque époux, elle relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 1ère civ. 22 déc. 1964).
Le contrôle exercé par la Cour de cassation se limite, pour elle, à vérifier que la juridiction saisie a accompli les recherches nécessaires quant à l’évaluation de la capacité contributive de chaque époux.
- Tempérament
==> L’aménagement conventionnel de la contribution
L’article 214 du Code civil prévoit que si les époux doivent contribuer aux charges du mariage à proportion de leurs facultés respectives, c’est sous réserve qu’ils n’aient pas aménagé leur obligation de contribution au moyen d’une convention matrimoniale.
La Jurisprudence a précisé que cet aménagement pouvait également procéder d’un accord conclu entre les époux en dehors de tout contrat de mariage
Dans un arrêt du 3 février 1987, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’engagement librement pris par un époux et accepté par l’autre, en dehors du contrat de mariage, pour déterminer la contribution aux charges du ménage, est valable et qu’en conséquence, son exécution peut être demandée en justice, sous réserve de la possibilité pour chacun des époux d’en faire modifier le montant à tout moment en considération de la situation des parties » (Cass. 1ère civ. 3 févr. 1987, n°84-14.612).
Il s’infère donc de l’article 214 du Code civil que les époux sont libres de prévoir une clé de répartition des charges du mariage différente de celle prévue par défaut.
La question qui alors se pose est de savoir de quelle latitude disposent les époux pour aménager leur contribution aux charges du mariage, étant précisé qu’il s’agit là d’une règle qui relève du régime primaire. En raison de son caractère d’ordre public, elle ne peut, dans ces conditions, pas être totalement privée d’effet.
L’article 1388 du Code civil prévoit, à cet égard, que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle. »
Reste que la jurisprudence admet, lorsque la clause ne revient pas à exonérer un époux de son obligation, de nombreuses variétés d’aménagement de la contribution.
Les époux peuvent donc affecter la prise en charge de certaines dépenses à l’un d’eux ou encore prévoir que le montant de la contribution correspondra à une somme fixe versée chaque mois ou à une fraction de leurs revenus.
Il est encore admis qu’un époux puisse être réputé exécuter son obligation en raison des tâches domestiques qu’il accomplit au profit du ménage ou de sa collaboration à l’activité professionnelle de son conjoint.
==> Focus sur la clause de non-recours
Dans les contrats de mariage établissant une séparation de biens, il est d’usage de prévoir une clause aux termes de laquelle il est stipulé que « chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature ».
Une autre variante de cette clause consiste à stipuler que « les époux sont réputés avoir fourni au jour le jour leur part contributive dans les charges du mariage, de sorte qu’ils ne sont assujettis à aucun compte entre eux ni à requérir à ce sujet aucune quittance l’un de l’autre ».
À l’examen, la stipulation d’une telle clause revient à faire présumer l’exécution par les époux de leur obligation de contribution aux charges du mariage « au jour le jour ».
La question s’est alors posée en jurisprudence de savoir si la présomption ainsi instituée était simple ou irréfragable.
- Si l’on considère qu’il s’agit d’une présomption irréfragable, l’insertion de la clause dans la convention matrimoniale fait obstacle à tout recours d’un époux contre son conjoint au titre de la contribution aux charges du mariage.
- Si l’on considère, au contraire, qu’il s’agit d’une présomption simple, alors la clause ne fait nullement obstacle à ce qu’un époux agisse contre son conjoint aux fins de le contraindre à exécuter son obligation de contribution aux charges du mariage
Dans un arrêt du 13 mai 2020 la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de la seconde solution (Cass. 1ère civ. 13 mai 2020, n°19-11.444). Pour ce faire, elle raisonne en deux temps
- Premier temps
- La Cour de cassation juge que la stipulation d’une clause de non-recours est valable dans son principe.
- Plus précisément elle affirme que la clause, qui stipulait non seulement « que chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet », mais également « qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature », avait la portée d’une fin de non-recevoir.
- La première chambre civile considère donc que la clause de non-recours qui remplit la fonction d’une fin de non-recevoir interdit à un époux d’agir contre son conjoint pour revoir la clé de répartition des charges du mariage.
- Second temps
- La Cour de cassation estime que si, par principe, la clause de non-recours est valable, elle ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.
- Ainsi, en cas d’inexécution par un époux de son obligation de contribution aux charges du mariage il pourra, nonobstant la clause de non-recours, être contraint par son conjoint de satisfaire à son obligation.
- La raison en est que, pour la Cour de cassation, la présomption posée par la clause de non-recours est une présomption, non pas irréfragable, mais simple de sorte qu’elle souffre de la preuve contraire.
Cass. 1ère civ. 13 mai 2020 |
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Douai, 22 novembre 2018), Mme D… et M. Q… , mariés le […] sous le régime de la séparation de biens, ont vécu séparément à compter de l’année 2013. Par acte du 28 juin 2016, Mme D… a assigné son époux en contribution aux charges du mariage. Celui-ci a engagé parallèlement une procédure de divorce. Un jugement du 5 mai 2017 l’a condamné à verser à son épouse une somme mensuelle de 3 000 euros au titre de la contribution aux charges du mariage du 1er janvier 2016 jusqu’au 10 mars 2017, date de l’ordonnance de non-conciliation.
Examen du moyen
Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches
Énoncé du moyen
2. Mme D… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande de contribution aux charges du mariage alors :
« 1°/ que la fin de non-recevoir est un moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir ; qu’en déclarant Mme D… irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », motif tendant au rejet de l’action en contribution aux charges du mariage, et non à son irrecevabilité, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 122 du code de procédure civile ;
2°/ que si les contrats sur la preuve sont valables lorsqu’ils portent sur des droits dont les parties ont la libre disposition, ils ne peuvent établir au profit de l’une des parties une présomption irréfragable ; qu’en déclarant Mme D… irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris qu’ « en raison de la volonté commune des époux et du caractère irréfragable de la clause précitée, Mme D… ne peut rapporter la preuve contraire », la cour d’appel a violé l’article 6 du code civil, ensemble l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à l’espèce. »
Réponse de la Cour
3. Ayant constaté que la clause figurant dans le contrat de mariage des époux stipulait non seulement « que chacun d’eux sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet », mais également « qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature », faisant ainsi ressortir qu’elle instituait expressément une clause de non-recours entre les parties, la cour d’appel en a exactement déduit que celle-ci avait la portée d’une fin de non-recevoir.
4. Le moyen, inopérant en sa dernière branche, qui critique un motif surabondant, ne peut donc être accueilli.
Mais sur la deuxième branche du moyen
Énoncé du moyen
5. Mme D… fait grief à l’arrêt de déclarer irrecevable sa demande de contribution aux charges du mariage alors « que l’obligation de contribution aux charges du mariage est d’ordre public ; que les parties ne peuvent conventionnellement interdire, durant le mariage, tout recours aux fins de contraindre l’époux qui ne remplit pas son obligation de contribuer aux charges du mariage ; qu’en déclarant Mme D… irrecevable en sa demande de contribution aux charges du mariage, motifs pris que « la clause figurant dans le contrat de mariage qui stipule que chacun des époux est réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive, signifie qu’ils ne seront assujettis à aucun compte entre eux », la cour d’appel a violé l’article 214, ensemble les articles 226 et 1388 du code civil. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. M. Q… conteste la recevabilité du moyen, Mme D… n’ayant pas conclu devant la cour d’appel.
7. Cependant, aux termes de l’article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile relatif à la procédure devant la cour d’appel, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement.
8. Le jugement du 5 mai 2017 a retenu que la clause stipulée dans le contrat de mariage n’empêchait pas un des époux de saisir le juge aux affaires familiales aux fins de contraindre l’autre qui ne respecterait pas son obligation de contribuer aux charges du mariage.
9. Mme D… , qui n’a pas conclu, étant réputée s’en approprier les motifs, le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 214, 226 et 1388 du code civil :
10. Il résulte de l’application combinée de ces textes que les conventions conclues par les époux ne peuvent les dispenser de leur obligation d’ordre public de contribuer aux charges du mariage.
11. Dès lors, en présence d’un contrat de séparation de biens, la clause aux termes de laquelle « chacun [des époux] sera réputé avoir fourni au jour le jour sa part contributive, en sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature », ne fait pas obstacle, pendant la durée du mariage, au droit de l’un d’eux d’agir en justice pour contraindre l’autre à remplir, pour l’avenir, son obligation de contribuer aux charges du mariage.
12. Pour déclarer irrecevable la demande de l’épouse tendant à une fixation judiciaire de la contribution aux charges du mariage à compter de la date de son assignation, l’arrêt se fonde sur la clause figurant au contrat de mariage.
13. En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 22 novembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Douai ; |
II) La durée de l’obligation de contribution aux charges du mariage
==> Principe
L’obligation de contribution aux charges du mariage échoit aux époux aussi longtemps que le mariage perdure.
Aussi, seule la dissolution de l’union matrimoniale est susceptible de mettre fin à cette obligation.
La séparation de fait des époux est donc, en principe, sans incidence sur l’obligation de contribution aux charges du mariage.
À cet égard, dans un arrêt du 6 janvier 1981, la Cour de cassation a affirmé que « l’action en contribution aux charges du mariage n’implique pas l’existence d’une communauté de vie entre les conjoints, sauf la possibilité pour les juges du fond, de tenir compte, à cet égard, des circonstances de la cause » (Cass. 1ère civ. 6 janv. 1981).
La doctrine justifie la solution retenue par la Cour de cassation en reliant l’obligation de contribution aux charges du mariage à l’obligation de communauté de vie.
La séparation de fait étant constitutive d’une violation de l’obligation de communauté de vie, elle ne saurait dispenser les époux de contribuer aux charges du mariage.
Dans un arrêt du 19 novembre 1991, la Première chambre civile a jugé en ce sens que « l’action en contribution aux charges du mariage n’implique pas l’existence de la communauté de vie entre les époux et que c’est au conjoint, tenu par principe de contribuer à ces charges » (Cass. 1ère civ. 19 nov. 1991, n°90-11320).
Surtout, l’article 258 du Code civil prévoit que « lorsqu’il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. »
Ainsi, appartient-il au juge, en cas de rejet d’une demande en divorce, de statuer formellement sur les modalités de fonctionnement de la séparation de fait des époux et notamment sur la répartition des charges du mariage. Le texte suggère donc que l’obligation de contribution aux charges du mariage a vocation à survivre à la rupture la vie commune.
==> Tempérament
En principe, l’obligation de contribution aux charges du mariage n’est donc pas affectée par la séparation des époux, qu’elle procède d’une situation de fait ou d’une dispense de vie commune consentie par le juge.
La Cour de cassation a toutefois admis qu’il puisse être dérogé à la règle lorsque la séparation était imputable à un époux. Dans un arrêt du 16 octobre 1984, elle a notamment jugé que « si l’action en contribution aux charges du mariage n’implique pas l’existence d’une communauté de vie entre les conjoints, il appartient aux juges du fond de tenir compte, à cet égard, des circonstances de la cause » (Cass. 1ère civ. 16 oct. 1984, n°83-13739)
Par circonstances de la cause, il faut entendre les fautes imputables à un époux qui pourrait se voir condamner à supporter seul l’obligation de contribution aux charges du mariage (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 18 déc. 1978).
Il s’infère de la jurisprudence que la charge de la preuve pèse, en la matière, sur l’époux qui se prévaut de la dispense de contribution aux charges du mariage, étant précisé qu’il ne s’agit pas nécessairement de celui qui a dû quitter le logement familial celui-ci pouvant y avoir été contraint par son conjoint (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 juill. 1985)
§2 : L’exécution de l’obligation de contribution aux charges du mariage
I) Les modalités de l’exécution
La détermination des modalités de contribution aux charges du mariage est laissée à la discrétion des époux, la seule contrainte pour eux étant que cette contribution ait lieu.
Classiquement, la doctrine distingue trois modalités de contribution différentes :
- La contribution pécuniaire
- Elle consiste pour les époux à pouvoir aux besoins quotidiens du ménage en versant, à échéance régulière, une somme d’argent.
- Cette forme de contribution est désormais la plus répandue.
- Les versements effectués par les époux se feront au gré des dépenses qui doivent être supportées par le couple
- À cet égard, il peut être observé que ces versements effectués par les époux procéderont d’un prélèvement sur leurs ressources respectives, soit les gains et salaires que leur procure leur activité professionnelle, ainsi que sur les revenus de leurs biens propres.
- La contribution en nature
- Cette forme de contribution consiste pour un époux à affecter un bien, tel qu’un immeuble, dont il est personnellement propriétaire à l’usage du ménage.
- En cas de séparation de fait des époux, le juge pourra ainsi, en application de l’article 258 du Code civil, octroyer à un époux la jouissance, à titre gratuit, du logement familial appartenant en propre à son conjoint.
- Cette mise à disposition de la résidence de famille à la faveur d’un époux est regardée par la jurisprudence comme une modalité d’exécution de l’obligation de contribution aux charges du mariage ( 1ère civ. 6 mars 1990, n°88-17555).
- La contribution en industrie
- Il est admis que l’obligation de contribution aux charges du mariage puisse être exécutée par l’apport en industrie fait par un époux.
- Cet apport en industrie peut prendre la forme :
- Soit de l’accomplissement de tâches domestiques, l’activité d’un époux pouvant consister à assurer l’entretien du foyer et l’éducation des enfants
- Soit d’une collaboration à l’activité professionnelle du conjoint, dès lors que cette collaboration consiste en la fourniture d’une prestation matérielle productrice de valeur économique
- Sous l’empire du droit antérieur, cette modalité de contribution aux charges du mariage était expressément prévue par l’alinéa 3 de l’article 214 du Code civil.
- Le texte énonçait que « la femme s’acquitte de sa contribution aux charges du mariage par ses apports en dot ou en communauté et par les prélèvements qu’elle fait sur les ressources personnelles dont l’administration lui est réservée. »
- Le législateur avait ainsi envisagé la contribution aux charges du mariage sous la forme d’un apport en industrie comme l’apanage de la femme mariée.
- Cette règle se justifiait, à l’époque, par la répartition genrée des tâches au sein du ménage : tandis que le mari était chargé de pourvoir aux besoins du ménage en exerçant une activité, la femme mariée devait parfois l’assister dans son activité et, en tout état de cause, assurer l’entretien du foyer et l’éducation des enfants.
- L’évolution des mœurs et l’émancipation de la femme mariée ont conduit le législateur à abolir l’alinéa 3 de l’article 214 du Code civil.
- Cela ne signifie pas pour autant que l’obligation de contribution aux charges du mariage ne peut plus prendre la forme d’un apport en industrie.
- Désormais, cet apport peut être indifféremment réalisé par l’un ou l’autre époux.
La contribution aux charges du mariage peut donc se faire selon ces trois modalités, étant précisé qu’il est fréquent qu’elles se combinent les unes entre elles, le couple marié disposant d’une totale liberté en la matière.
II) La sanction de l’inexécution
L’inexécution de l’obligation de contribution aux charges du mariage peut intervenir, d’une part, au cours du mariage et, d’autre part, au moment de sa dissolution.
A) La sanction de l’inexécution au cours du mariage
L’article 214, al. 2e du Code civil prévoit que « si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au code de procédure civile. »
Aussi, convient-il de se reporter au Code de procédure civile pour déterminer la procédure devant être mise en œuvre par le créancier de l’obligation de contribution aux charges du mariage souhaitant contraindre son conjoint à exécuter son obligation.
Depuis la réforme de la procédure civile qui est intervenue fin 2019, l’obligation de contribution aux charges du mariage est régie, pour son aspect procédural, par :
- Les dispositions générales applicables à toutes les procédures familiales ( 1070 à 1074-1 du CPC)
- Les dispositions relatives aux autres procédures relevant de la compétence du juge aux affaires familiales ( 1137 à 1143 CPC).
En substance, il appartient au Juge aux affaires familiales de se prononcer sur la contribution des époux aux charges du mariage. La décision qu’il rend est, par principe, assortie de l’exécution provisoire
B) La sanction de la dissolution à la dissolution du mariage
À la dissolution du mariage, un état des comptes sera fait entre les époux afin de déterminer si chacun d’eux a contribué aux charges du mariage à hauteur de sa part contributive.
Trois situations sont alors susceptibles de se rencontrer :
- Les époux ont contribué aux charges du mariage à hauteur de leurs facultés respectives, le cas échéant conformément à la proportion fixée dans leur régime matrimonial
- L’un des époux n’a pas contribué aux charges du mariage ou en deçà de sa part contributive
- L’un des époux a contribué aux charges du mariage au-delà de sa part contributive
Tandis que la première situation ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas des deux autres hypothèses qui conduisent à s’interroger sur l’existence d’un rééquilibrage des contributions.
==> Situation de l’époux qui n’a pas contribué aux charges du mariage ou en deçà de sa part contributive
Il peut tout d’abord être observé qu’en matière d’obligation de contribution aux charges du mariage, l’adage « aliments ne s’arréragent pas » n’est pas applicable.
Cette règle signifie, en substance, que le créancier de l’obligation qui n’a pas réclamé le paiement à son débiteur ne peut pas se rappeler à son bon souvenir plus tard, car s’il ne l’a pas fait au jour de l’exigibilité de sa créance, on présume que c’est parce qu’il n’en avait pas besoin.
Cette règle étant écartée s’agissant de la contribution aux charges du mariage, est-ce à dire que celui qui n’a pas satisfait à son obligation peut être actionné en paiement par son conjoint au jour de la dissolution du mariage ?
Lorsqu’un contrat de mariage a été établi par les époux et que celui-ci prévoit une clause stipulant que l’obligation de contribution aux charges du mariage est réputée être exécutée au jour le jour, il semble qu’il faille répondre par la négative à cette question.
Reste que la présomption posée par cette clause est simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire (Cass. 1ère civ. 13 mai 2020, n°19-11.444)
Si dès lors, le créancier de l’obligation parvient à établir que son conjoint a manqué à son obligation de contribution aux charges du mariage, il pourra obtenir d’une juge une compensation pécuniaire.
A fortiori, il en va de même en l’absence de contrat de mariage, l’article 214 du Code civil ne posant aucune présomption d’exécution de l’obligation.
==> Situation de l’époux qui a contribué aux charges du mariage au-delà de sa part contributive
Lorsque l’un des époux aura contribué aux charges du mariage au-delà de sa part contributive, la jurisprudence a admis qu’il puisse réclamer le trop versé sur le fondement de l’enrichissement sans cause.
Encore faudra-t-il qu’il soit en mesure de démontrer que les conditions de l’action de in rem verso énoncées aux articles 1303-1 et suivants du Code civil sont réunies.
Par ailleurs, le trop versé devra être significatif, élément soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mai 1981).
[1] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.
[2] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.