Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.
À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.
Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.
Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.
==> Droit antérieur
Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.
Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.
Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».
Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :
« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :
1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;
2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;
3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »
Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.
Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.
Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.
À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.
Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.
==> Réforme de la procédure civile
La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.
Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.
Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.
Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.
I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends
Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »
Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.
Deux questions alors se posent :
- D’une part, quels sont les litiges concernés ?
- D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?
A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends
Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.
Sont seulement visés :
- Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
- Les actions en bornage
- Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
- Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
- Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
- Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
- Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
- Les contestations relatives à un trouble de voisinage
Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire
B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge
L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.
Aussi, sont-ils libres d’opter pour :
- La conciliation
- La médiation
- La procédure participative
- La conciliation et la médiation
En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.
L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».
Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.
Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.
La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.
- La conciliation
- La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
- Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
- À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
- Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
- Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
- S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
- Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
- La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
- Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
- La médiation
- L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
- À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
- En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
- À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
- L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
- Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
- L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
- Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
- Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.
2. La procédure participative
Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.
La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.
Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.
La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.
À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».
Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.
==> Intérêts de la procédure participative
Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :
- Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
- L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
- Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
- En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
- Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
- Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
- Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
- À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
- Maîtrise de la procédure
- Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
- Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
- Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
- Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
- L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
- Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
- C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.
Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.
Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.
Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :
- Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
- Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
- Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
- Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
- D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
- D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;
Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.
II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends
L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.
Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :
🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord
Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable
🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire
Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration
En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends
🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime
Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:
- Première hypothèse
- Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
- Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
- Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée
- Deuxième hypothèse
- Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
- Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
- L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
- Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire
- Troisième hypothèse
- L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
- Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
- Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
- Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
- Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
- Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
- En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
- Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
- Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
- Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
- Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
- Premier élément : la date de saisine du conciliateur
- Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
- La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
- Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
- Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
- Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
- Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
- Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
- Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
- En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
- Premier élément : la date de saisine du conciliateur
- Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
- Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
- Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.
🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation
Tel est le cas
- Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
- En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
- En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance
🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution
Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».
Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.
Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.
La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.
🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire
Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.“