Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge

Depuis la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative le législateur tente vainement de désengorger les tribunaux en encourageant le recours aux modes alternatifs de règlement des différends.

À l’examen, ces incitations législatives successives n’ont, en effet, pas permis d’y parvenir. La raison en est que pour la plupart des justiciables, l’autorité du juge est difficilement substituable.

Reste que ce constat n’a pas découragé le législateur qui persiste à vouloir imposer les modes alternatifs de résolution des différents comme un prérequis à l’action judiciaire.

Aussi, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice s’attache à cet objectif puisqu’elle comporte des dispositions qui visent à développer les modes alternatifs de règlement des différends, en renforçant l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine du juge.

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le recours à des modes alternatifs de règlement des litiges était, par principe, facultatif.

Par exception, une obligation de conciliation pouvait peser sur les parties à l’instar de celle instituée dans le cadre de la procédure de divorce.

Ainsi, l’article 252 du Code civil prévoit que « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire ».

Plus récemment, l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a posé que :

« À peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la saisine du tribunal d’instance par déclaration au greffe doit être précédée d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, sauf :

 1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Si les parties justifient d’autres diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur litige ;

3° Si l’absence de recours à la conciliation est justifiée par un motif légitime. »

Ainsi, lorsque le montant de la demande formulée devant le Tribunal d’instance n’excédait pas 4.000 euros, le recours à la conciliation était obligatoire, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Des études ont révélé que pour les petits litiges du quotidien, la conciliation rencontre un grand succès qui repose sur plusieurs facteurs comme la gratuité du dispositif, la grande souplesse du processus, une bonne organisation des conciliateurs de justice et la possibilité de donner force exécutoire à la conciliation par une homologation du juge.

Il a en outre été démontré que la mise en place d’une obligation de tentative de conciliation préalable entraîne mécaniquement un allégement de la charge de travail des juridictions.

À cet égard, même en cas d’échec de la conciliation, la procédure judiciaire qui suit s’en trouve allégée car les différentes demandes ont déjà été examinées et formalisées lors de la tentative de conciliation préalable.

Fort de ce constat et afin de désengorger encore un peu plus les juridictions, le législateur a lors de l’adoption de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, souhaité développer les modes alternatifs de règlement des différends.

==> Réforme de la procédure civile

La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 comporte donc un certain nombre de dispositions qui intéressent les modes alternatifs de règlement des litiges.

Ces dispositions visent, d’une part, à généraliser le pouvoir du juge en toute matière, y compris en référé, d’enjoindre les parties de tenter de régler à l’amiable le litige qui les oppose et, d’autre part, à renforcer l’obligation pour les demandeurs de justifier d’une tentative de règlement amiable du litige préalablement à la saisine de la juridiction.

Cette réforme opérée par la loi du 23 mars 2019 a été précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019.

Ce décret s’attache, plus particulièrement, à définir le domaine d’application de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends qui a été assortie d’un certain nombre d’exclusions.

I) Domaine de l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

Issue de l’article 4 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, l’article 750-1 du Code de procédure civile dispose que, devant le Tribunal judiciaire, « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble de voisinage. »

Il ressort de cette disposition que pour un certain nombre de litiges, les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, quels sont les litiges concernés ?
  • D’autre part, quelles sont les modes de résolutions amiables admis ?

A) Sur les litiges soumis à l’exigence de recours à une mode de résolution amiable des différends

Le recours par les parties à un mode de résolution amiable des différends préalablement à la saisine du juge n’est pas exigé pour tous les litiges.

Sont seulement visés :

  • Les demandes qui tendent au paiement d’une somme de 5.000 euros
  • Les actions en bornage
  • Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
  • Les actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l’article 674 du code civil ;
  • Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
  • Les contestations relatives à l’établissement et à l’exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu’aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;
  • Les contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
  • Les contestations relatives à un trouble de voisinage

Il peut être observé que tous ces litiges relèvent de la compétence des Chambres de proximité, conformément à l’article D. 212-19-1 du Code de l’organisation judiciaire

B) Sur les modes de résolution amiable des différends admis comme préalable à la saisine du juge

L’article 750-1 du CPC prévoit que si les parties ont l’obligation de recourir à un mode de résolution des différends préalablement à la saisine du juge dans un certain nombre de cas, ils disposent néanmoins du choix du mode de règlement de leur litige.

Aussi, sont-ils libres d’opter pour :

  • La conciliation
  • La médiation
  • La procédure participative
  1. La conciliation et la médiation

En droit français, la médiation et la conciliation sont régies par les mêmes dispositions du code de procédure civile.

L’article 1529 dispose que les deux processus « s’appliquent aux différends relevant des juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière civile, commerciale, sociale ou rurale, sous réserve des règles spéciales à chaque matière et des dispositions particulières à chaque juridiction ».

Les méthodes utilisées par les conciliateurs et les médiateurs sont assez proches et se caractérisent par une grande souplesse d’adaptation aux situations particulières.

Quant aux effets des deux procédures, ils sont identiques. Si les parties parviennent à un accord, il est établi un procès-verbal qui n’a force exécutoire que s’il est homologué par le juge.

La différence entre conciliation et médiation réside dans le statut des intervenants. Tandis que le conciliateur de justice, auxiliaire du service de la justice, effectue une conciliation bénévole, le médiateur est un intervenant privé, rémunéré.

  • La conciliation
    • La conciliation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Si la conciliation est essentiellement conventionnelle, en ce sens qu’elle est initiée par les parties elles-mêmes, elle peut également être judiciaire (seuls 7 % des litiges traités par les conciliateurs de justice résultent de saisines dans un cadre judiciaire).
    • À cet égard, la conciliation est un préalable obligatoire pour certains contentieux comme en matière de divorce.
    • Le juge peut d’ailleurs conduire lui-même la conciliation ou la déléguer au conciliateur.
    • Les principaux contentieux pour lesquels la conciliation est utilisée sont les relations de voisinage, les relations propriétaire-locataire, le droit de la consommation.
    • S’agissant des conciliateurs de justice, ils ont été institués par le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, et rattachés aux tribunaux d’instance.
    • Ils exercent leur fonction bénévolement et reçoivent une indemnité forfaitaire annuelle qui vise à couvrir les menues dépenses de secrétariat, de téléphone, de documentation et d’affranchissement qu’ils exposent dans l’exercice de leurs fonctions.
    • La majorité des conciliateurs et des associations locales de conciliation est adhérente de la fédération nationale des conciliateurs de justice, ce qui améliore la diffusion des bonnes pratiques.
    • Le taux de réussite du processus de conciliation est relativement élevé, que la conciliation soit judiciaire ou conventionnelle.
  • La médiation
    • L’article 21 de la loi n°95-125 du 8 février 1995 définit la médiation comme « tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige».
    • À la différence de la conciliation, la médiation implique l’intervention d’un tiers et plus précisément d’une personne extérieure à la juridiction.
    • En outre, contrairement au conciliateur de justice qui est auxiliaire de justice et qui est bénévole, le médiateur est rémunéré pour l’exercice de sa mission.
    • À l’instar néanmoins de la conciliation, la médiation peut aussi bien être entreprise par les parties elles-même qu’initiée par le juge.
    • L’article 131-1 du CPC prévoit en ce sens que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Dans la mesure où le médiateur n’est pas un auxiliaire de justice le juge exercera sur lui un contrôle beaucoup plus resserré.
    • L’article 131-2 dispose à cet égard que « en aucun cas [la médiation] ne dessaisit le juge, qui peut prendre à tout moment les autres mesures qui lui paraissent nécessaires. »
    • Par ailleurs, comme la conciliation, la médiation peut porter sur tous les droits dont les personnes ont la libre disposition.
    • Elle peut encore porter sur tout ou partie du litige.

2. La procédure participative

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

II) Exceptions à l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends

L’article 750-1, al. 2 du CPC prévoit plusieurs exceptions à l’exigence de recours à un mode de résolution amiable des différents préalablement à la saisine du juge.

Plus précisément les parties bénéficient d’une dispense dans l’un des cas suivants :

🡺Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont déjà réglé leur différend, d’où l’existence d’une dispense de recourir à un mode de résolution amiable

🡺Lorsque l’exercice d’un recours préalable est obligatoire

Dans certains contentieux fiscaux et sociaux, les parties ont l’obligation, préalablement à la saisine du juge, d’exercer un recours auprès de l’administration

En cas d’échec de ce recours, le demandeur est alors dispensé de solliciter la mise en œuvre d’un mode de résolution amiable des différends

🡺Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable est justifiée par un motif légitime

Cette dispense tenant au motif légitime couvre trois hypothèses:

  • Première hypothèse
    • Le motif légitime tient à « l’urgence manifeste»
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence « lorsque qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur»
    • Le demandeur devra donc spécialement motiver l’urgence qui devra être particulièrement caractérisée 
  • Deuxième hypothèse
    • Le motif légitime tient « aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement»
    • Il en résulte que l’obligation de recours à un mode de résolution amiable des litiges est écartée lorsque les circonstances de l’espèce font obstacle à toute tentative de recherche d’un accord amiable
    • L’exception est ici pour le moins ouverte, de sorte que c’est au juge qu’il appartiendra d’apprécier le bien-fondé de sa saisine sans recours préalable à un mode de résolution amiable des différends
    • Cette exception vise également les procédures sur requête dont la mise en œuvre n’est pas subordonnée à la recherche d’un accord amiable ou encore la procédure d’injonction de payer qui, dans sa première phase, n’est pas contradictoire 
  • Troisième hypothèse
    • L’article 750-1 du CPC prévoyait initialement que le motif légitime justifiant l’absence de recours à un mode alternatif de règlement amiable pouvait tenir à « l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ».
    • Il fallait donc comprendre que dans l’hypothèse où le délai de prise en charge du litige était excessif, en raison notamment du grand nombre de dossiers à traiter, les parties étaient autorisées à saisir directement le juge.
    • Restait à savoir ce que l’on devait entendre par « délai manifestement excessif », ce que ne dit pas la loi
    • Selon une note de la direction des affaires civiles et du sceau, la dispense devait être appréciée en tenant compte du nombre de conciliateurs inscrits sur les listes de la cour d’appel.
    • Cela n’a toutefois pas convaincu le Conseil d’État qui par décision du 22 septembre 2022, a annulé l’article 750-1 du Code de procédure civile considérant qu’il ne définissait pas de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels l’indisponibilité du conciliateur pouvait être regardée comme établie.
    • Or s’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel précisent les juges de la Haute juridiction administrative, « l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen » (CE 22 sept. 2022, n°436939).
    • En réaction à cette décision qui censurait l’article 750-1 du Code de procédure civile, le gouvernement a adopté le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 qui, tout en maintenant l’obligation de tentative préalable de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalablement à l’introduction d’une action en justice pour certaines catégories de litiges, a modifié la dérogation relative à l’indisponibilité des conciliateurs.
    • Désormais, la dispense de recours à un mode alternatif de résolution admise est admise si l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraîne l’organisation de la première réunion de conciliation non plus « dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige », mais « dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ».
    • Autrement dit, l’indisponibilité du conciliateur est caractérisée lorsqu’un délai de plus de trois mois sépare sa saisine et l’organisation du premier rendez-vous.
    • Le texte précise qu’il appartient au demandeur de justifier par tout moyen de la saisine du conciliateur et de ses suites.
    • Il devra donc établir le dépassement du délai de trois mois pour justifier de la recevabilité de son action, ce qui suppose de démontrer deux éléments de fait :
      • Premier élément : la date de saisine du conciliateur
        • Pour se prévaloir d’une dispense de recours à un mode alternatif de règlement amiable, le demandeur devra donc s’appuyer sur une date de saisine d’un conciliateur.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « saine ».
        • Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 1536 du Code de procédure civile qui prévoit que « le conciliateur de justice institué par le décret du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice peut être saisi sans forme par toute personne physique ou morale. ».
        • Il ressort de cette disposition que la saisine d’un conciliateur ne requiert l’observation d’aucune forme particulière.
        • Le demandeur devra néanmoins se constituer une preuve, laquelle pourrait consister en l’accusé de réception d’un courrier de saisine adressé à un conciliateur ou celui délivré dans le cadre d’une démarche en ligne.
      • Second élément : l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine et l’organisation du premier rendez-vous
        • Pour être dispensé de l’obligation prévue à l’article 750-1 du CPC, le demandeur doit justifier de l’écoulement d’un délai de plus de trois mois entre la saisine du conciliateur et l’organisation du premier rendez-vous.
        • Le dépassement de ce délai pourra être établi en présentant la date d’envoi de la demande et la date de convocation à un premier rendez-vous figurant sur un courrier ou un mail émanant du conciliateur.
        • En cas d’absence de réponse du conciliateur dans un délai de trois mois suivant la saisine, le demandeur pourra immédiatement introduire son action en justice.
    • Il peut être observé que les dispositions nouvelles n’interdisent, ni n’imposent, d’entreprendre plusieurs démarches concomitantes ou consécutives.
    • Par ailleurs, le nouvel article 750-1 du CPC ne s’applique qu’aux seules instances introduites à compter du 1er octobre 2023.
    • Pour ce qui est des instances en cours au 22 septembre 2022, date de la décision d’annulation par le Conseil d’État de l’article 750-1 du CPC ou introduites antérieurement au 1er octobre 2023, le texte ne s’applique pas tant dans sa rédaction antérieure, que postérieure.

🡺Lorsque le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation

Tel est le cas

  • Devant le Tribunal judiciaire lorsque la procédure est orale
  • En matière de saisie des rémunérations dont la procédure comporte une phase de conciliation
  • En matière de divorce, la tentative de conciliation étant obligatoire préalablement à l’introduction de l’instance

🡺Lorsque le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution

Pour mémoire, l’article L. 125-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d’une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d’État ».

Cette procédure vise donc à faciliter le règlement des factures impayées et à raccourcir les retards de paiement, en particulier ceux dont sont victimes les entreprises.

Parce qu’il s’agit d’une procédure de recouvrement dont la conduite est assurée par le seul huissier de justice en dehors de toute intervention d’un juge, il ne peut y être recouru pour des petites créances, soit celles dont le montant n’excède pas 5.000 euros.

La mise en œuvre de cette procédure préalablement à la saisine du juge dispense le créancer de mettre en œuvre l’un des modes alternatifs de règlement amiable des litiges visés par l’article 750-1 du Code de procédure civile.

🡺Lorsque le litige est relatif au crédit à la consommation, au crédit immobilier, aux regroupements de crédits, aux sûretés personnelles, au délai de grâce, à la lettre de change et billets à ordre, aux règles de conduite et rémunération et formation du prêteur et de l’intermédiaire

Cette dispense est issue de l’article 4 modifié de la loi n°2016 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Cette disposition prévoit, en effet, que l’obligation de recourir à un mode de résolution amiable des différends “ne s’applique pas aux litiges relatifs à l’application des dispositions mentionnées à l’article L. 314-26 du code de la consommation.

L’exécution forcée en nature: régime juridique

Parce que les contrats sont pourvus de la force obligatoire (art. 1103 C. civ), lorsqu’une partie, qui s’est engagée à fournir une prestation ou une chose, ne s’exécute pas, elle devrait, en toute logique, pouvoir y être contrainte. C’est la raison pour laquelle la loi le lui permet.

Cette possibilité, pour le créancier, de contraindre le débiteur défaillant à honorer ses obligations vise à obtenir ce que l’on appelle l’exécution forcée.

Pratiquement, l’exécution forcée peut prendre deux formes :

  • Elle peut avoir lieu en nature : le débiteur est contraint de fournir ce à quoi il s’est engagé
  • Elle peut avoir lieu par équivalent : le débiteur verse au créancier une somme d’argent qui correspond à la valeur de la prestation promise initialement

Tandis que les rédacteurs du Code civil avaient fait de l’exécution par équivalent le principe, pour les obligations de faire et de ne pas faire, l’ordonnance du 10 février 2016 a inversé ce principe en généralisant l’exécution forcée en nature dont le recours n’est plus limité, en simplifiant à l’extrême, aux obligations de donner.

==>Droit antérieur

Pour mémoire, sous l’empire du droit antérieur, le Code civil distinguait trois sortes d’obligations :

  • L’obligation de donner
    • L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer au créancier un droit réel dont il est titulaire
    • Exemple: dans un contrat de vente, le vendeur a l’obligation de transférer la propriété de la chose vendue
  • L’obligation de faire
    • L’obligation de faire consiste pour le débiteur à fournir une prestation, un service autre que le transfert d’un droit réel
    • Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
  • L’obligation de ne pas faire
    • L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur en une abstention. Il s’engage à s’abstenir d’une action.
    • Exemple: le débiteur d’une clause de non-concurrence souscrite à la faveur de son employeur ou du cessionnaire de son fonds de commerce, s’engage à ne pas exercer l’activité visée par ladite clause dans un temps et sur espace géographique déterminé

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a abandonné la distinction entre ces obligations, à tout le moins elle n’y fait plus référence.

Le principal intérêt de la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire résidait dans les modalités de l’exécution forcée.

Pour le comprendre envisageons l’exécution forcée de chacune de ces obligations prises séparément.

  • L’obligation de donner
    • Lorsque l’engagement souscrit consiste en une obligation de donner, il y a lieu de distinguer selon qu’il s’agit de payer une somme d’argent ou selon qu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien :
      • Lorsqu’il s’agit d’une obligation de payer
        • Dans cette hypothèse, seule l’exécution forcée en nature est envisageable.
        • En pareil cas, il ne saurait y avoir d’exécution par équivalent, dans la mesure où, par hypothèse, il n’existe pas d’autre équivalent à l’argent que l’argent.
      • Lorsqu’il s’agit de transférer la propriété d’un bien
        • En cas de défaillance du débiteur, l’exécution forcée n’a pas lieu de jouer dans la mesure où la défaillance du débiteur intéresse l’effet translatif du contrat.
        • Aussi, est-ce plutôt une action en revendication qui devra être engagée par le créancier aux fins de voir reconnaître son droit de propriété
        • Quant à l’obligation de délivrance de la chose, elle relève de la catégorie, non pas des obligations de donner, mais de faire.
  • L’obligation de faire
    • Lorsque l’engagement pris consiste en une obligation de faire, les deux formes d’exécution forcée sont possibles.
    • Reste que, dans certains cas, l’exécution forcée en nature d’une obligation de faire soulèvera des difficultés.
    • En effet, forcer une personne à fournir la prestation promise pourrait être considéré comme trop attentatoire à la liberté individuelle.
    • Ajouté à cela, contrainte une personne à fournir une prestation contre sa volonté, serait susceptible d’exposer le créancier à une exécution défectueuse de cette prestation qui, dès lors, ne répondrait pas aux attendus stipulés dans le contrat.
  • L’obligation de ne pas faire
    • Il n’est guère plus envisageable de faire respecter, par la force, une obligation de ne pas faire sauf à porter atteinte à la liberté individuelle.
    • L’obligation de ne pas faire se prête ainsi difficilement à l’exécution forcée en nature.

Fort de ces constats, le législateur, en 1804, en avait tiré la conséquence à l’ancien article 1142 du Code civil qui disposait que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »

Le principe posé par ce texte était donc que les obligations de faire et les obligations de ne pas faire ne pouvaient faire l’objet que d’une exécution forcée par équivalent, soit se traduire par le versement d’une somme d’argent au créancier.

Par exception, la loi avait néanmoins envisagé certains cas où l’exécution forcée en nature était possible pour les obligations de faire et de ne pas faire :

  • L’ancien article 1143 prévoyait que « néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu »
  • L’ancien article 1145 disposait encore que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention ».

Portée par une doctrine majoritairement favorable à une extension du domaine de l’exécution forcée, la jurisprudence a progressivement admis qu’elle puisse être envisagée pour les obligations de faire et de ne pas faire, dès lors qu’elles ne sont pas intimement liées à la personne du débiteur (V. en ce sens pour les obligations de faire Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n°03-21.136 ; pour les obligations de ne pas faire Cass. 1ère civ., 16 janv. 2007, n°06-13.983).

Pour ce faire, la Cour de cassation s’est notamment appuyée sur une lecture audacieuse de l’ancien article 1184 du Code civil, combinée à une lecture restrictive de l’ancien article 1142.

En effet, l’ancien article 1184 du code civil semblait ouvrir la possibilité, pour toutes les obligations, de quelque nature qu’elles soient, d’une exécution forcée en nature au choix du créancier en prévoyant que « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ».

Toutefois, la lettre du texte de l’ancien article 1142 paraissait limiter aux seules obligations de donner la possibilité d’une exécution forcée en nature : « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »

Pour concilier ces deux textes, la Cour de cassation, suivant en cela la doctrine majoritaire, a inversé le principe posé par l’article 1142, pour revenir au fondement de la règle qu’il formule et considérer que seules sont exclues du champ d’application de l’exécution forcée en nature les atteintes directes à la liberté de la personne du débiteur.

D’ailleurs, les articles 1143 et 1144 nuançaient déjà l’affirmation posée par l’article 1142 en prévoyant des dérogations au principe de la condamnation à des dommages-intérêts.

Aussi, la jurisprudence a-t-elle fait une application très restrictive des termes de l’article 1142 du code civil, et paraît avoir reconnu, avec la majorité des auteurs, un véritable droit à l’exécution forcée en nature, en considérant que tout créancier peut exiger l’exécution de ce qui lui est dû lorsque cette exécution est possible (Cass. 3e civ., 19 février 1970, n°68-13.866 ; Cass. 3e civ., 3 novembre 2017, n°15-23.188). La possibilité d’obtenir l’exécution forcée en nature n’est donc exclue qu’en cas d’impossibilité matérielle, juridique ou morale.

Manifestement, les auteurs qui plaidaient pour un abandon de la soustraction des obligations de faire et de ne pas faire à l’exécution forcée en nature ont été entendus par le législateur qui n’a pas manqué l’occasion, lors de l’ordonnance du 10 février 2016, d’inverser le principe posé à l’ancien article 1142 du Code civil, conformément à la jurisprudence qui avait réduit à la portion congrue la portée de ce texte.

==>L’ordonnance du 10 février 2016

L’ordonnance du 10 février 2016 dispose désormais à l’article 1221 du Code civil que le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature.

Ainsi, ce texte rompt avec la lettre de l’ancien article 1142 du code civil, dont la Cour de cassation avait déjà retenu une interprétation contraire au texte et qui était également contredit par la procédure d’injonction de faire prévue par les articles 1425-1 à 1425-9 du code de procédure civile.

Le principe est donc dorénavant inversé. Il est indifférent que l’engagement souscrit consiste en une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire, le créancier est fondé, par principe, à solliciter l’exécution forcée en nature de son débiteur, sauf à ce que :

  • Soit l’exécution est impossible
  • Soit il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier.

À cet égard, le créancier dispose toujours d’une alternative prévue à l’article 1222 du Code civil qui consiste, « au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire ».

Aussi, convient-il de distinguer deux sortes d’exécution forcée en nature :

  • Celle qui intéresse l’intervention du débiteur
  • Celle qui intéresse l’intervention d’un tiers

I) L’exécution forcée en nature qui intéresse l’intervention du débiteur

A) Principe

1. Contenu du principe

L’article 1221 du Code civil issu de l’ordonnance du 10 février 2016 autorise donc le créancier à solliciter l’exécution forcée en nature en cas de défaillance de son débiteur.

Le principe ainsi posé est repris, en des termes plus généraux, par l’article 1341 du Code civil qui dispose que « le créancier a droit à l’exécution de l’obligation ; il peut y contraindre le débiteur dans les conditions prévues par la loi. »

==>Indifférence de la nature des obligations en cause

Tandis que sous l’empire du droit antérieur, cette forme d’exécution forcée ne pouvait intervenir que pour les obligations de payer, désormais, le texte ne distingue plus selon que la prestation inexécutée consiste en une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire.

Toutes les obligations, quelle que soit leur nature, sont susceptibles de faire l’objet d’une exécution forcée en nature.

Une interrogation demeure toutefois pour l’obligation de ne pas faire, dont on voit mal comment elle pourrait donner lieu à une exécution forcée en nature. En effet, contraindre le débiteur à s’abstenir de ne pas faire quelque chose que le contrat lui interdit, reviendrait, par hypothèse, à porter une atteinte excessive à sa liberté individuelle.

L’exécution forcée en nature est donc inenvisageable pour les obligations de ne pas faire, à l’exception du cas prévu à l’article 1222 du Code civil qui autorise le créancier à « détruire ce qui a été fait en violation » d’une obligation. Il pourra alors « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. »

En dehors du cas particulier de l’obligation de ne pas faire, l’exécution forcée en nature est à la portée du créancier.

==>Absence de hiérarchisation des sanctions

À cet égard, elle figure en bonne place dans la liste des sanctions attachées à l’inexécution du contrat énoncées à l’article 1217 du Code civil puisqu’elle figure en deuxième place après l’exception d’inexécution.

Est-ce à dire que l’exécution forcée en nature prime les autres sanctions que sont la réduction du prix ou la résolution du contrat ?

Dans le silence du texte, il y a lieu de considérer que le principe posé est le libre choix de la sanction dont se prévaut le créancier.

Aussi, le créancier est-il libre de solliciter la résolution du contrat plutôt que l’exécution forcée en nature.

À cet égard le rapport au Président de la république relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 précise que l’ordre de l’énumération des sanctions énumérées à l’article 1217 du Code civil n’a aucune valeur hiérarchique, le créancier victime de l’inexécution étant libre de choisir la sanction la plus adaptée à la situation.

Au surplus, le choix fait par le créancier s’impose au juge dès lors que les conditions d’application de la sanction invoquée sont réunies.

==>Possibilité de cumul des sanctions

Le dernier alinéa de l’article 1217 règle l’articulation entre les différentes sanctions qui, en application de ce texte, peuvent se cumuler, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles.

Que doit-on entendre par « sanctions incompatibles » ? L’article 1217 du Code civil ne le dit pas.

Il est néanmoins possible de conjecturer, au regard de la jurisprudence antérieure, que l’incompatibilité de sanctions se déduit des effets attachés à chacune d’elles.

Plusieurs combinaisons peuvent ainsi être envisagées :

  • Exécution forcée en nature et résolution
    • Tandis que l’exécution forcée en nature vise à contraindre le débiteur à fournir la prestation ou la chose convenue, la résolution a pour effet d’anéantir rétroactivement le contrat, soit de faire comme s’il n’avait jamais exigé.
    • Manifestement, les effets recherchés pour ces deux sortes de sanctions sont radicalement opposés.
    • Il en résulte que, en cas de défaillance du débiteur, exécution forcée en nature et résolution ne sauraient se cumuler (V. en ce sens Cass. 3e civ. 7 juin 1989, n°87-14.083).
  • Exécution forcée en nature et réduction du prix
    • L’obtention d’une réduction de prix suppose que l’obligation dont se prévaut le créancier n’a été qu’imparfaitement exécutée.
    • Aussi, cette sanction vise-t-elle à ramener le prix au niveau de la quotité ou de la qualité de la prestation qui a été effectivement fournie.
    • De son côté, l’exécution forcée en nature vise plutôt à contraindre le débiteur à parfaire l’exécution de l’obligation souscrite.
    • Il n’est donc pas question ici, pour le créancier, de renoncer à la quotité ou à la qualité de la prestation stipulée dans le contrat.
    • Les objectifs recherchés pour les deux sanctions sont, là encore, opposés.
    • Exécution forcée en nature et réduction de prix sont, dans ces conditions, incompatibles.
  • Exécution forcée en nature et dommages et intérêts
    • L’article 1217 du Code civil dispose que des dommages et intérêts peuvent toujours être sollicités quelle que soit la sanction choisie par le créancier.
    • Il en résulte que l’exécution forcée en nature peut être cumulée avec une demande d’octroi de dommages et intérêts.
    • Ces derniers visent à indemniser le créancier pour le préjudice subi en raison de l’inexécution totale ou partielle du contrat.

2. Conditions de mise en oeuvre

Pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, plusieurs conditions doivent être réunies :

  • D’une part, la créance dont se prévaut le créancier doit être certaine, liquide et exigible
  • D’autre part, le débiteur doit avoir préalablement été mis en demeure de s’exécuter

==>Caractère certain, liquide et exigible de la créance

Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil ne le prévoient pas expressément, l’exécution forcée en nature ne se conçoit que si la créance dont se prévaut le créancier est certaine, liquide et exigible.

  • Sur le caractère certain de la créance
    • Une créance présente un caractère certain lorsqu’elle est fondée dans son principe.
    • L’existence de la créance doit, autrement dit, être incontestable.
    • C’est la une condition indispensable à la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature, ne serait-ce que parce que, à défaut de certitude de la créance, le créancier échouera à obtenir un titre exécutoire et donc à s’attacher les services d’un huissier de justice aux fins qu’il instrumente une mesure d’exécution forcée.
  • Sur le caractère exigible de la créance
    • Une créance présente un caractère exigible lorsque le terme de l’obligation est arrivé à l’échéance.
    • Pour que l’exécution forcée en nature puisse être invoquée, encore faut-il que la créance dont se prévaut le créancier soit exigible
    • À défaut, il n’est pas fondé à en réclamer l’exécution et, par voie de conséquence, obtenir l’exécution forcée en nature de l’obligation en cause.
    • Pour déterminer si une obligation est exigible, il convient de se reporter au terme stipulé dans le contrat.
    • À défaut de stipulation d’un terme, l’article 1305-3 du Code civil dispose que « le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties ».
    • Ainsi, le terme est-il toujours présumé être stipulé à la faveur du seul débiteur.
    • L’instauration de cette présomption se justifie par les effets du terme.
    • La stipulation d’un terme constitue effectivement un avantage consenti au débiteur, en ce qu’il suspend l’exigibilité de la dette.
    • Le terme autorise donc le débiteur à ne pas exécuter la prestation prévue au contrat.
    • Il s’agit là d’une présomption simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.
    • Les parties ou la loi peuvent encore prévoir que le terme est stipulé, soit à la faveur du seul créancier, soit à la faveur des deux parties au contrat.
  • Sur le caractère liquide de la créance
    • Une créance présente un caractère liquide lorsqu’elle est susceptible d’être évaluable en argent.
    • À l’évidence, pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, encore faut-il que la prestation ou la chose promise soit déterminée.
    • À défaut, aucune exécution forcée ne saurait avoir lieu, faute de détermination de son objet.

==>Mise en demeure

Les articles 1221 et 1222 du Code civil subordonnent la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature à la mise en demeure préalable du débiteur.

Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.

Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.

Au fond, l’exigence de mise en demeure préalable à toute demande d’exécution forcée en nature vise à laisser une ultime chance au débiteur de s’exécuter.

À cet égard, l’absence de mise en demeure pourrait être invoquée par le débiteur comme un moyen de défense au fond lequel est susceptible d’avoir pour effet de tenir en échec la demande d’exécution forcée en nature formulée par le créancier.

Quant au contenu de la mise en demeure, l’acte doit comporter :

  • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
  • Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
  • La menace d’une sanction

En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure peut être notifiée au débiteur :

  • Soit par voie de signification
  • Soit au moyen d’une lettre missive

Par ailleurs, il ressort de l’article 1344 du Code civil que les parties au contrat peuvent prévoir que l’exigibilité des obligations stipulées au contrat vaudra mise en demeure du débiteur.

Dans cette hypothèse, la mise en œuvre de l’exécution forcée en nature ne sera donc pas subordonnée à sa mise en demeure.

==>Titre exécutoire

Bien que les articles 1221 et 1222 du Code civil suggèrent qu’il suffit au créancier de remplir les conditions énoncées ses textes pour que l’exécution forcée en nature puisse être mise en œuvre, il n’en est rien.

Cette dernière est, en effet, subordonnée à l’obtention, par le créancier, d’un titre exécutoire. L’article 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en ce sens que « le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution. »

Pour rappel, par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarées exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

À défaut de titre exécutoire, le droit pour le créancier à l’exécution forcée en nature de sa créance n’est que purement théorique, en ce sens qu’il demeure privé de la possibilité de requérir le ministère d’un huissier de justice pour mise en œuvre de l’exécution proprement dite.

L’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit, en effet, que « les huissiers de justice sont les officiers ministériels qui ont seuls qualité pour […] ramener à exécution les décisions de justice, ainsi que les actes ou titres en forme exécutoire ».

Ainsi, les huissiers de justice ne sont autorisés à diligenter une procédure d’exécution forcée qu’à la condition qu’ils justifient d’un titre exécutoire.

B) Exceptions

L’article 1221 du Code civil assortit le principe de l’exécution forcée en nature de deux exceptions :

  • L’existence d’une impossibilité d’exécution pour le débiteur
  • L’existence d’une disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt du créancier

1. L’impossibilité d’exécution pour le débiteur

L’article 1221 du Code civil pose que, dans l’hypothèse où il est avéré, que l’exécution de l’obligation en cause est impossible, le créancier ne peut en demander l’exécution forcée en nature.

Cette règle n’est pas sans faire écho à l’adage latin nullus tenetur ad impossibile qui signifie « à l’impossible nul n’est tenu ».

Surtout, elle ne fait que consacrer la jurisprudence antérieure qui, très tôt, avait admis que l’exécution forcée en nature soit exclue en cas d’impossibilité rencontrée par le débiteur.

Reste que la Cour de cassation a tours eu une approche pour le moins restrictive de cette exception dont le champ d’application était circonscrit à l’impossibilité :

  • Matérielle : arrêt de la fabrication du modèle du véhicule vendu (Cass. com., 5 octobre 1993, n°90-21.146), empiétement, s’il est impossible, de démolir et reconstruire l’immeuble à l’emplacement prévu (Cass. 3e civ., 15 février 1978, n°76-13.532)
  • Juridique : dans un arrêt du 27 novembre 2008, la première chambre civile a, par exemple, jugé que « viole l’article 1142 du code civil la cour d’appel qui ordonne sous astreinte au propriétaire d’un local à usage d’habitation de délivrer ce bien à celui avec qui il avait conclu un contrat de bail, alors qu’elle avait relevé que ce local avait été loué à un tiers » (Cass. 1ère civ., 27 novembre 2008, n°07-11.282)
  • Morale : tel est le cas lorsque l’obligation étant éminemment personnelle, son exécution forcée porterait une atteinte trop forte aux droits et libertés fondamentaux de celui qui y est tenu. À cet égard, dans un célèbre arrêt Whistler du 14 mars 1900, la Cour de cassation, après avoir affirmé que le contrat par lequel un artiste s’était engagé à peindre un portrait était « d’une nature spéciale, en vertu duquel la propriété du tableau n’est définitivement acquise à la partie qui l’a commandé, que lorsque l’artiste a mis ce tableau à sa disposition, et qu’il a été agréé par elle », a approuvé la cour d’appel de n’avoir pas ordonné l’exécution forcée de ce contrat au peintre qui refusait de terminer son tableau, le condamnant uniquement à des dommages-intérêts (Cass. civ., 14 mars 1900)

En l’absence de précision de l’article 1221 du Code civil sur le domaine de l’exception tenant à l’impossibilité pour le débiteur d’exécuter ses obligations, il est fort probable que les solutions adoptées par la jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 soient reconduites.

Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter au Rapport au Président de la République qui précise que « l’exécution forcée en nature ne peut être ordonnée en cas d’impossibilité (matérielle, juridique ou morale, en particulier si elle porte atteinte aux libertés individuelles du débiteur) ».

2. L’existence d’une disproportion manifeste entre le coût pour le débiteur et l’intérêt du créancier

L’impossibilité pour le débiteur d’exécuter la prestation promise n’est pas la seule exception au principe d’exécution forcée en nature.

L’ordonnance du 10 février 2016 a ajouté une nouvelle exception : l’exécution en nature ne peut être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier.

Cette nouvelle exception, selon le Rapport au Président de la République est directement inspirée des projets européens d’harmonisation du droit des contrats.

Au fond, elle vise à éviter certaines décisions jurisprudentielles très contestées : lorsque l’exécution forcée en nature est extrêmement onéreuse pour le débiteur sans que le créancier y ait vraiment intérêt, il apparaît en effet inéquitable et injustifié que celui-ci puisse l’exiger, alors qu’une condamnation à des dommages et intérêts pourrait lui fournir une compensation adéquate pour un prix beaucoup plus réduit.

Tel est le cas, lorsque par exemple, l’acquéreur d’une maison individuelle contraint le constructeur à la démolir pour la reconstruire, considérant que « le niveau de la construction présentait une insuffisance de 0,33 mètre par rapport aux stipulations contractuelles ». Nonobstant le coût des travaux à supporter par le constructeur, la Cour de cassation avait considéré que « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté peut forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible » (Cass. 3e civ., 11 mai 2005, n° 03-21.136).

La nouvelle exception introduite à l’article 1221 du Code civil a été présentée par le législateur comme une déclinaison de l’abus de droit, formulée de façon plus précise, pour encadrer l’appréciation du juge et offrir une sécurité juridique accrue.

Aussi, commettrait un abus de droit le créancier qui exigerait cette exécution alors que l’intérêt qu’elle lui procurerait serait disproportionné au regard du coût qu’elle représenterait pour le débiteur et que des dommages et intérêts pourraient lui fournir une compensation adéquate à un prix inférieur pour le débiteur.

La Cour de cassation semble avoir elle-même ouvert la voie en censurant un arrêt qui avait ordonné la démolition d’un ouvrage au motif que la cour d’appel n’avait pas recherché si cette démolition « constituait une sanction disproportionnée à la gravité des désordres et des non-conformités qui l’affectaient » (Cass., 3ème civ., 15 octobre 2015, n° 14-23.612).

En inscrivant cette exception dans la loi, les rédacteurs de l’ordonnance ont entendu mettre fin à ces hésitations de la jurisprudence, tout en limitant au maximum le jeu de cette exception qui constitue une atteinte à la force obligatoire du contrat.

En tout état de cause, pour faire échec à la demande d’exécution forcée en nature du créancier le débiteur devra démontrer qu’il existe une disproportion entre le coût de l’exécution et l’intérêt pour le créancier de la mise en œuvre de cette exécution.

C’est donc à un test de proportionnalité que les juridictions vont devoir se livrer pour apprécier l’application de l’exception au principe de l’exécution forcée en nature dont ne priveront pas d’invoquer les débiteurs en délicatesse avec les stipulations contractuelles.

La rédaction retenue pour l’article 1221 soulève cependant plusieurs interrogations de la part de la doctrine et des praticiens du droit.

L’exigence d’une « disproportion manifeste » entre le coût pour le débiteur et l’intérêt pour le créancier est certes plus précise et moins critiquée que la formule qui avait été retenue initialement dans le projet d’ordonnance, selon laquelle l’exécution en nature devait être écartée si son coût était « manifestement déraisonnable », cette appréciation ne prenant en considération que la situation du débiteur.

Toutefois, loin de priver la Cour de cassation de tout rôle normatif en ce domaine, la réforme soulève de nouvelles questions auxquelles elle devra répondre pour assurer l’unification de l’interprétation du nouveau droit des contrats.

La principale crainte exprimée est celle de voir dans l’article 1221 du Code civil une incitation pour le débiteur à exécuter son obligation de manière imparfaite toutes les fois où le gain attendu de cette inexécution sera supérieur aux dommages et intérêts qu’il pourrait être amené à verser, c’est-à-dire permettre au débiteur de mauvaise foi de profiter de sa « faute lucrative ».

Sans aller jusqu’à évoquer de véritables gains pour le débiteur, n’est-il pas à craindre qu’un constructeur ne pouvant honorer tous les contrats qu’il a en cours choisisse de privilégier l’exécution parfaite de certains contrats au détriment d’autres contrats, n’encourant plus l’exécution forcée en nature, le cas échéant très coûteuse, mais seulement le versement de dommages et intérêts ?

Pour résoudre cette difficulté, et éviter ce genre de calculs du débiteur, il a été précisé dans le texte qu’en cas de disproportion manifeste du coût pour le débiteur au regard de l’intérêt pour le créancier, il ne pourrait être fait échec à la demande d’exécution forcée en nature qu’au bénéfice du débiteur de bonne foi.

La question se pose encore de savoir si l’intérêt pour le créancier doit s’apprécier objectivement ou subjectivement ? Autrement dit, doit-on tenir compte des conséquences matérielles et financières sur la situation du créancier (appréciation subjective) ou doit-on ne se focaliser que sur les conséquences de l’inexécution contractuelle sur l’économie de l’opération (appréciation objective) ?

Dans le même sens, le coût de l’exécution forcée doit-il s’apprécier au regard du prix de la prestation fixée contractuellement ou au regard de la situation financière du débiteur ?

Ce sont là, autant de questions auxquels la jurisprudence devra répondre, faute de précisions apportées par le législateur sur les critères d’application de l’exception ainsi posée.

II) L’exécution forcée en nature qui intéresse l’intervention d’un tiers

L’article 1222 du Code civil prévoit que « après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. »

À l’analyse, cette disposition octroie au créancier une alternative en lui permettant, au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire.

Ce mécanisme, que l’on appelle la faculté de remplacement) n’est pas nouveau, puisqu’il reprend en substance les anciens articles 1143 et 1144 et ne fait, au fond.

L’ordonnance du 10 février 2016 innove néanmoins en abandonnant l’exigence d’obtention d’une autorisation judiciaire pour que puisse être exercée cette faculté, sauf à ce qu’il s’agisse de détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel principe est assorti d’une exception.

A) Principe : la faculté discrétionnaire de remplacement

Grande nouveauté introduite par la réforme du droit des obligations, l’article 1222 du Code civil facilite la faculté de remplacement par le créancier lui-même, puisqu’il supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation, le contrôle du juge n’intervenant qu’a posteriori en cas de refus du débiteur de payer ou de contestation de celui-ci.

En somme la faculté de remplacement conféré au créancier lui permet de solliciter les services d’un tiers aux fins qu’il exécute lui-même l’obligation de faire ce qui incombait au débiteur défaillant.

L’article 1222 précise que, en pareille circonstance, le créancier peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

==>Domaine

La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le contrat peut être atteint.

Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son obligation de délivrance.

L’exercice de la faculté de remplacement est également admis en matière de contrat d’entreprise.

La jurisprudence admet régulièrement en ce sens que le maître d’ouvrage puisse faire réaliser les travaux convenus par une entreprise autre que celle à qui le marché a initialement été confié.

Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.

==>Conditions

L’exercice de la faculté de remplacement conférée au créancier est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Première condition : la mise en demeure du débiteur
    • La faculté de remplacement ne peut être exercée par le créancier qu’à la condition que le débiteur ait été mis en demeure de s’exécuter.
    • Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de devoir supporter le coût de la prestation fournie par un tiers.
    • La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
  • Deuxième condition : l’observation d’un délai raisonnable
    • La faculté de remplacement dont dispose le créancier ne pourra être envisagée qu’à la condition que ce dernier ait attendu un délai raisonnable entre la date d’échéance de l’obligation et la sollicitation d’un tiers, ne serait-ce que parce qu’il a l’obligation d’adresser, au préalable, une mise en demeure.
    • Aussi, le débiteur doit-il disposer du temps nécessaire pour régulariser sa situation.
    • Reste à déterminer ce que l’on doit entendre par délai raisonnable
    • Sans doute doit-on considérer que le délai raisonnable commence à courir à compter de la mise en demeure du débiteur.
    • Quant au quantum de ce délai, il conviendra de prendre en compte, tout autant les impératifs du créancier, que la situation du débiteur.
  • Troisième condition : le respect d’un coût raisonnable
    • Dernière condition devant être remplie pour que le créancier soit fondé à exercer la faculté de remplacement que lui octroie l’article 1222, le coût de l’intervention du tiers doit être raisonnable
    • L’appréciation du caractère raisonnable de ce coût devra s’apprécier au regard du montant de la prestation stipulée dans le contrat.
    • L’intervention du tiers ne devra pas, en d’autres termes, engendrer des frais disproportionnés eu égard l’obligation à laquelle s’était engagé initialement le débiteur

B) Exception : l’exigence d’une autorisation judiciaire

Dans le cadre de l’exercice de la faculté de remplacement, l’obtention d’une autorisation judiciaire est exigée dans deux cas :

==>La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle

Si, l’ordonnance du 10 février 2016 a supprimé l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation inexécutée par un tiers, elle maintient, en revanche, la nécessité d’une autorisation pour obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en contravention de l’obligation, compte tenu du caractère irrémédiable d’une telle destruction afin d’éviter les abus de la part du créancier.

Reprenant les termes de l’ancien article 1444 du Code civil, le second alinéa de l’article 1222 oblige ainsi le créancier à saisir le juge, lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une disposition contractuelle.

Le texte ajoute que le créancier peut « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin »

Reste que c’est au juge, dans cette hypothèse, qu’il reviendra de trancher, soit d’autoriser ou de refuser l’intervention d’un tiers.

==>Le versement d’une avance sur frais exposés

Le second alinéa de l’article 1222 du Code civil complète le dispositif encadrant la faculté de remplacement conférée au créancier en lui permettant de solliciter la condamnation du débiteur à faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution ou la destruction en cause.

Ainsi, lorsque le créancier ne souhaite pas supporter temporairement le coût de l’intervention du tiers dans l’attente d’être remboursé par le débiteur, il n’aura d’autre choix que de saisir le juge.

Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

Sanction de l’inexécution du contrat: la faculté de remplacement du créancier

L’article 1222 du Code civil prévoit que « après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. »

À l’analyse, cette disposition octroie au créancier une alternative en lui permettant, au lieu de poursuivre l’exécution forcée de l’obligation concernée, de faire exécuter lui-même l’obligation ou détruire ce qui a été mal exécuté après mise en demeure du débiteur, et de solliciter ensuite du débiteur le remboursement des sommes exposées pour ce faire.

Ce mécanisme, que l’on appelle la faculté de remplacement) n’est pas nouveau, puisqu’il reprend en substance les anciens articles 1143 et 1144 et ne fait, au fond.

L’ordonnance du 10 février 2016 innove néanmoins en abandonnant l’exigence d’obtention d’une autorisation judiciaire pour que puisse être exercée cette faculté, sauf à ce qu’il s’agisse de détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.

L’article 1222 du Code civil doit ainsi être lu comme posant un principe, lequel principe est assorti d’une exception.

I) Principe : la faculté discrétionnaire de remplacement

Grande nouveauté introduite par la réforme du droit des obligations, l’article 1222 du Code civil facilite la faculté de remplacement par le créancier lui-même, puisqu’il supprime l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation, le contrôle du juge n’intervenant qu’a posteriori en cas de refus du débiteur de payer ou de contestation de celui-ci.

En somme la faculté de remplacement conféré au créancier lui permet de solliciter les services d’un tiers aux fins qu’il exécute lui-même l’obligation de faire ce qui incombait au débiteur défaillant.

L’article 1222 précise que, en pareille circonstance, le créancier peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.

==> Domaine

La faculté de remplacement dont est titulaire le créancier peut être exercée pour toutes les obligations de faire, dès lors que le résultat recherché et prévu dans le contrat peut être atteint.

Son domaine naturel d’élection est celui des obligations de fournir un bien mobilier. Ainsi, l’acheteur qui n’a pas été livré de la chose convenue, peut exiger qu’elle lui soit fournie par un tiers en cas de manquement par le vendeur à son obligation de délivrance.

L’exercice de la faculté de remplacement est également admis en matière de contrat d’entreprise.

La jurisprudence admet régulièrement en ce sens que le maître d’ouvrage puisse faire réaliser les travaux convenus par une entreprise autre que celle à qui le marché a initialement été confié.

Il en va de même pour le preneur qui, en cas d’inaction de son bailleur, peut faire solliciter les services d’un tiers pour que soient effectuées les réparations nécessaires à la jouissance paisible de la chose louée.

==> Conditions

L’exercice de la faculté de remplacement conférée au créancier est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Première condition : la mise en demeure du débiteur
    • La faculté de remplacement ne peut être exercée par le créancier qu’à la condition que le débiteur ait été mis en demeure de s’exécuter.
    • Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de devoir supporter le coût de la prestation fournie par un tiers.
    • La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.
  • Deuxième condition : l’observation d’un délai raisonnable
    • La faculté de remplacement dont dispose le créancier ne pourra être envisagée qu’à la condition que ce dernier ait attendu un délai raisonnable entre la date d’échéance de l’obligation et la sollicitation d’un tiers, ne serait-ce que parce qu’il a l’obligation d’adresser, au préalable, une mise en demeure.
    • Aussi, le débiteur doit-il disposer du temps nécessaire pour régulariser sa situation.
    • Reste à déterminer ce que l’on doit entendre par délai raisonnable
    • Sans doute doit-on considérer que le délai raisonnable commence à courir à compter de la mise en demeure du débiteur.
    • Quant au quantum de ce délai, il conviendra de prendre en compte, tout autant les impératifs du créancier, que la situation du débiteur.
  • Troisième condition : le respect d’un coût raisonnable
    • Dernière condition devant être remplie pour que le créancier soit fondé à exercer la faculté de remplacement que lui octroie l’article 1222, le coût de l’intervention du tiers doit être raisonnable
    • L’appréciation du caractère raisonnable de ce coût devra s’apprécier au regard du montant de la prestation stipulée dans le contrat.
    • L’intervention du tiers ne devra pas, en d’autres termes, engendrer des frais disproportionnés eu égard l’obligation à laquelle s’était engagé initialement le débiteur

II) Exception : l’exigence d’une autorisation judiciaire

Dans le cadre de l’exercice de la faculté de remplacement, l’obtention d’une autorisation judiciaire est exigée dans deux cas :

==> La destruction de ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle

Si, l’ordonnance du 10 février 2016 a supprimé l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour faire procéder à l’exécution de l’obligation inexécutée par un tiers, elle maintient, en revanche, la nécessité d’une autorisation pour obtenir la destruction de ce qui a été réalisé en contravention de l’obligation, compte tenu du caractère irrémédiable d’une telle destruction afin d’éviter les abus de la part du créancier.

Reprenant les termes de l’ancien article 1444 du Code civil, le second alinéa de l’article 1222 oblige ainsi le créancier à saisir le juge, lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une disposition contractuelle.

Le texte ajoute que le créancier peut « demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.. »

Reste que c’est au juge, dans cette hypothèse, qu’il reviendra de trancher, soit d’autoriser ou de refuser l’intervention d’un tiers.

==> Le versement d’une avance sur frais exposés

Le second alinéa de l’article 1222 du Code civil complète le dispositif encadrant la faculté de remplacement conférée au créancier en lui permettant de solliciter la condamnation du débiteur à faire l’avance des sommes nécessaires à l’exécution ou la destruction en cause.

Ainsi, lorsque le créancier ne souhaite pas supporter temporairement le coût de l’intervention du tiers dans l’attente d’être remboursé par le débiteur, il n’aura d’autre choix que de saisir le juge.

Cette obligation de saisir le juge vaut, tant lorsqu’il s’agit pour le créancier d’exercer sa faculté de remplacement, que lorsqu’il s’agit de faire détruire ce qui a été fait en violation d’une obligation contractuelle.