La procédure de référé devant le Tribunal judiciaire: représentation des parties, instance, ordonnance et voies de recours

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

?Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

I) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Si, sous l’empire du droit antérieur, en matière de référé les parties disposaient de la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire représenter, la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié la règle.

Désormais, la procédure de référé est, s’agissant de la représentation des parties, alignée sur les mêmes règles que celles applicables dans le cadre de la procédure au fond.

Le principe est donc que la représentation est obligatoire. Par exception, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire représenter.

?La représentation obligatoire

L’article 760 du CPC prévoit que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

La représentation est ainsi, par principe, obligatoire devant le Tribunal judiciaire.

Cette représentation obligatoire relève, à cet égard, du monopole de postulation des avocats.

Il en résulte que les avocats ne sont autorisés à accomplir des actes de procédure que devant les tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

Pour les avocats extérieurs au ressort de la Cour d’appel, leur intervention ne pourra se limiter qu’à l’activité de plaidoirie.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

?La représentation facultative

Devant le Tribunal judiciaire, la représentation par avocat n’est facultative que par exception.

L’article 761 du CPC prévoit en ce sens que les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

Lorsque la représentation est facultative, l’article 762 du CPC dispose que les parties peuvent :

  • Soit se défendre elles-mêmes.
  • Soit se faire assister ou représenter par :
    • Un avocat ;
    • Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
    • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
  • L’article 761, al. 3 du CPC précise que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
  • Lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties disposent ainsi du choix d’assurer leur propre défense ou de désigner un mandataire.
  • Lorsqu’elles choisissent de se faire représenter, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

?L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

?Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal judiciaire, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure.

La teneur de ces mentions diffère selon que la représentation est obligatoire ou selon qu’elle est facultative

La représentation obligatoire

Mentions de droit commun
Art. 54A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 752• Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.
Art. 760• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

• La constitution de l'avocat emporte élection de domicile.
Art. 763Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation. Toutefois, si l'assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l'audience, il peut constituer avocat jusqu'à l'audience.
Art. 764• Dès qu'il est constitué, l'avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l'acte de constitution est remise au greffe.

• L'acte comporte, le cas échéant, l'accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

La représentation facultative

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56• L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 753• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France lorsqu'il réside à l'étranger.

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• L'acte introductif d'instance rappelle en outre les dispositions de l'article 832 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.
Art. 832• Sans préjudice des dispositions de l'article 68, la demande incidente tendant à l'octroi d'un délai de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l'appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l'audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

• L'auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s'il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 762• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes.

• Les parties peuvent se faire assister ou représenter par :

-un avocat ;
-leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
-leurs parents ou alliés en ligne directe ;
-leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
-les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

• Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

2. La constitution d’avocat

?Représentation obligatoire/représentation facultative

La constitution d’avocat n’est exigée, en matière de référé, que pour les cas où la représentation est obligatoire, ce qui, devant le Tribunal judiciaire est, en application de l’article 760 du CPC, le principe.

Pour mémoire, en vertu de l’article 761 du CPC, la représentation n’est facultative que lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

?L’obligation de constitution

L’article 760 du Code de procédure civile dispose que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire. »

L’article 763 précise que « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation. »

Le texte précise toutefois que « si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience. »

Par ailleurs, en application de l’article 760, al. 2e, « la constitution de l’avocat emporte élection de domicile », ce qui signifie que tous les actes de procédure dont le défendeur est destinataire devront être adressés à son avocat et non lui être communiqués à son adresse personnelle.

Lorsque la représentation est obligatoire ne peuvent se constituer que les avocats inscrits au barreau du ressort de la Cour d’appel compétente.

Dans certains cas (procédures de saisie immobilière, partage et de licitation, en matière d’aide juridictionnelle etc.), seuls les avocats inscrits au Barreau relevant du Tribunal judiciaire sont autorisés à se constituer.

?Le délai de constitution

  • Principe
    • Le défendeur dispose d’un délai de 15 jours pour constituer avocat à compter de la délivrance de l’assignation.
    • Ce délai est calculé selon les règles de computation des délais énoncées aux articles 640 et suivants du CPC.
  • Exceptions
    • Si l’assignation est délivrée au défendeur dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.
    • Lorsque le défendeur réside dans les DOM-TOM ou à l’étranger le délai de constitution d’avocat est d’augmenter d’un ou deux mois selon la situation (art. 643 et 644 CPC)
    • Lorsque l’assignation n’a pas été délivrée à personne, l’article 471 du CPC prévoit que « le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne. »

?La sanction du défaut de constitution

Le défaut de constitution d’avocat emporte des conséquences très graves pour le défendeur puisque cette situation s’apparente à un défaut de comparution.

Or aux termes de l’article 472 du CPC « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. »

La conséquence en est, selon l’article 54 que « faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ».

Dans cette hypothèse deux possibilités :

  • Soit le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
  • Soit le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

?Le formalisme de la constitution

  • Contenu de l’acte de constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que l’acte de constitution d’avocat indique
      • Si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
      • Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.
    • L’article 764, al. 2e ajoute que « l’acte comporte, le cas échéant, l’accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. »
  • Notification de la constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
    • En application de l’article 764 précise qu’une copie de l’acte de constitution doit être remise au greffe.
    • L’article 767 précise que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite soit dès leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine du tribunal, avec la remise de la copie de l’assignation.
    • En outre, cette dénonciation doit s’opérer soit par voie de RPVA soit en requérant les services des huissiers audienciers
    • En application de l’article 769 du CPC la remise au greffe de l’acte de constitution est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
  • Notification du greffe aux avocats constitués
    • L’article 773 du CPC prévoit qu’il appartient au greffe d’aviser aussitôt les avocats dont la constitution lui est connue du numéro d’inscription au répertoire général, des jour et heure fixés par le président du tribunal pour l’appel de l’affaire et de la chambre à laquelle celle-ci est distribuée.
    • Cet avis est donné aux avocats dont la constitution n’est pas encore connue, dès la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution.

3. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

?Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 754 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

?Règles spécifiques au Tribunal judiciaire

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

4. L’enrôlement de l’affaire

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

4.1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours.
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

4.2. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

4.3. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulé par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

3. La procédure sans audience

L’article 836-1 prévoit que « à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. Dans ce cas, il est fait application de l’article 828 et, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, de l’article 829. »

Il convient donc de distinguer selon que la représentation par avocat est obligatoire ou facultative :

  • La représentation par avocat est obligatoire
    • L’article 828 prévoit que, dans ce cas, les parties formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit. Le jugement est contradictoire.
    • Le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
  • La représentation par avocat est facultative
    • L’article 829 prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :
      • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
      • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
    • Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

4. Orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 836-2 du CPC prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues à l’article aux articles 774-1 à 774-4. »

Ce dispositif a été créé par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 aux fins de favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire.

Plus précisément, il permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’accompagner les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose.

L’article 774-2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ».

À cet égard, l’audience de règlement amiable se distingue des autres modes alternatifs de règlement des conflits en ce que le juge joue ici un rôle central.

Tandis que dans le cadre d’une transaction, d’une médiation ou d’une conciliation amiable, sa mission se cantonne bien souvent à homologuer l’accord conclu par les parties, dans le cadre de l’audience de règlement amiable c’est à lui qu’il revient de conduire la procédure en rappelant aux parties les grands principes de droit applicables au litige qui les oppose et en les accompagnant dans la recherche d’un compromis.

L’audience de règlement amiable est régie aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

À l’issue de l’audience de règlement amiable, le juge chargé de cette audience informe le juge saisi qu’il y est mis fin par soi-transmis.

Deux issues sont possibles :

  • Succès de l’audience de règlement amiable
    • En application de l’article 774-4 du CPC en cas d’accord trouvé par les parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, ces dernières peuvent décider de formaliser cet accord.
    • Il s’agit là toutefois d’une simple faculté.
    • Si elles choisissent d’exercer cette faculté, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où les parties parviendraient à un accord après la tenue de l’audience de règlement amiable, elles peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi.
    • Elles peuvent également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas de formalisation de leur accord par voie d’acte contresigné par avocats.
  • Échec de l’audience de règlement amiable
    • Le juge en charge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment s’il estime que les conditions de la recherche d’un accord amiable ne sont plus réunies.
    • Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire qui ne requiert aucune motivation particulière et qui, surtout, est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

Compte tenu de ce que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance principale, pour que cette instance puisse reprendre son cours à l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties devront accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens ou par citation (art. 373 CPC).

À défaut, le juge saisi informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable devra convoquer les parties à une audience afin :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens ou citation
  • Soit radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti aux parties

L’article 392 du CPC prévoit que « lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »

En tout état de cause, il revient au juge saisi de, soit mettre fin à l’instance, soit poursuivre la mise en état de l’affaire.

Deux situations sont alors envisageables :

  • Les parties sont parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi constatera le désistement des parties ainsi que l’extinction de l’instance.
  • Les parties ne sont pas parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi sera informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable et devra en tirer toutes les conséquences sur l’orientation de l’instance dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • Dans le cadre de cette audience il pourra :
      • Soit constater le désistement des parties ou radier l’affaire faute pour les parties de comparaître ou si elles le lui demandent
      • Soit réintroduire l’affaire dans le circuit procédural normal au stade où l’instance avait été interrompue, étant précisé qu’en cas d’accord partiel intervenu entre les parties, il ne sera statué par la juridiction de jugement que sur les prétentions résiduelles de ces dernières.

5. Renvoi de l’affaire au fond

?Le renvoi de l’affaire

L’article 837, al. 1er du CPC dispose « à la demande de l’une des parties et si l’urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

Par ailleurs, l’article 837, al. 2 in fine précise que « lorsque le président de la juridiction a ordonné la réassignation du défendeur non comparant, ce dernier est convoqué par acte d’huissier de justice à l’initiative du demandeur. »

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

?Le jugement au fond de l’affaire

L’alinéa 2 de l’article 837 du CPC précise que lorsque la représentation est obligatoire, il y a lieu de faire application d’un certain nombre de règles empruntées à la procédure à jour fixe :

  • D’une part, le défendeur est tenu de constituer avocat avant l’audience (art. 842 CPC)
  • D’autre part, le juge auquel l’affaire est renvoyée dispose de trois options :
    • Première option
      • S’il considère que l’affaire est en état d’être jugée, le juge peut décider qu’elle sera plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales.
    • Deuxième option
      • En application de l’article 779 du CPC, le président peut décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui, à une date d’audience qu’il fixe, pour conférer une dernière fois de l’affaire s’il estime qu’un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces suffit à mettre l’affaire en état ou que les conclusions des parties doivent être mises en conformité avec les dispositions de l’article 768.
    • Troisième option
      • Le juge peut considérer que l’affaire n’est pas en état d’être jugée raison pour laquelle il y a lieu de la renvoyer devant le juge de la mise en état aux fins d’instruction
      • Dans cette hypothèse, l’affaire sera ainsi redirigée vers la voie du circuit long.
      • Elle sera donc instruite selon les règles énoncées aux articles 780 à 797 du CPC.

II) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

?Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

?Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

?Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

?L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

?L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

?La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

?Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

Ordonnance sur requête: procédure devant le Tribunal judiciaire

?Particularités

Les procédures sur requête présentent cette particularité de déroger au principe du contradictoire, en ce sens que le défendeur ne sera pas appelé par le juge à opposer au requérant ses arguments en défense.

L’article 493 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Pratiquement, les procédures sur requête ont été envisagées par le législateur avec cet objectif de ménager un effet de surprise.

À cet égard, elles offrent la possibilité au requérant, qui remplit les conditions requises, d’obtenir d’une juridiction présidentielle une décision (ordonnance) provisoire aux fins, non pas de trancher le fond d’un litige, mais d’obtenir l’accomplissement d’un acte ou l’adoption d’une mesure.

Les procédures sur requête peuvent être engagées, tant avant le procès, qu’en cours d’instance.

?Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé sont exécutoires immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

?Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 493 à 498 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 874 à 876-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 897 et 898 du CPC
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 958 et 959 du CPC.

I) La compétence

?Sur la compétence matérielle

Le juge compétent pour connaître d’une procédure sur requête est le Président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige.

Naturellement, la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire fait de son Président le juge des requêtes de droit commun.

Quant au Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’homale, dans le silence des textes sur la procédure sur requête, c’est au Président du Tribunal judiciaire qu’il revient de statuer.

Enfin, dans un arrêt du 17 novembre 1981, la Cour de cassation est venue préciser que le Juge de la mise en état n’est jamais compétent pour statuer sur une requête qui lui serait adressée par une partie.

L’article 774 du CPC prévoit, en effet, que, en procédure écrite ordinaire, les avocats sont susceptibles d’être entendus ou appelés avant qu’il ne prononce sa décision, ce qui est incompatible avec la procédure sur requête qui, par nature, est non-contradictoire (Cass. 3e civ. 17 nov. 1981, n°80-10.372).

?Sur la compétence territoriale

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 novembre 1992, que « le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du Tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée » (Cass. 2e civ. 18 nov. 1992, n°91-16.447).

Cette décision a été confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015 aux termes duquel la deuxième chambre civile a rappelé que « le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées » (Cass. 2e civ., 15 oct. 2015, n°14-17.564).

Dans le cas où il y a une pluralité de mesures, la cour de cassation a admis la possibilité pour un Président d’ordonner une mesure de constat devant être effectuée dans un autre ressort territorial que le sien, mais à la double condition toutefois que l’une au moins de ces mesures ait lieu dans le ressort du Président qui l’a ordonnée et que cette juridiction soit compétente pour connaître de l’éventuelle instance au fond (Cass. 2e civ. 5 mai 2011, n°10-20.435).

Au bilan, le juge territorialement compétent pour connaître d’une procédure sur requête est :

  • Soit, le Président de la juridiction saisie au fond
  • Soit, le Président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée

II) Recevabilité de la requête

?Principe

L’article 750, al. 2e du CPC prévoit que, outre l’assignation, la demande en justice peut être formée par voie de « requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement. »

Il ressort de cette disposition que la saisine du Tribunal judiciaire par voie de requête est limitée aux seules demandes dont le montant n’excède pas 5.000 euros, soit aux petits litiges.

Lorsque le montant de la demande excède ce seuil, l’instance ne peut être introduite qu’au moyen d’une assignation ou d’une requête conjointe.

Aussi, pour les demandes dont le montant est compris entre 5.000 et 10.000 euros, en cas de désaccord entre les parties, le demandeur sera contraint de saisir le juge par voie d’assignation alors même que la représentation n’est pas obligatoire.

En raison de la difficulté de l’exercice de rédaction d’une assignation, c’est là un facteur qui, en pratique, conduit à renforcer la nécessité pour les parties de se faire représenter par un avocat.

?Exceptions

Par exception, l’instance pourra être introduite par voie de requête sans considération du montant de la demande dans deux cas :

  • Soit lorsqu’elle est introduite aux fins de conciliations, en application de l’article 820 du CPC
  • Soit lorsque la loi prévoit expressément que le juge est saisi par requête, conformément, par exemple, à l’article 845, al. 2 du CPC

III) Conditions de la requête

Il ressort des textes applicables à chaque juridiction que le juge peut être saisi par voie de requête :

  • Soit pour ordonner des mesures dans les cas spécifiés par la loi.
  • Soit pour ordonner dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

A) Les cas spécifiés par la loi

Un certain nombre de textes prévoient la possibilité pour une personne physique ou morale d’obtenir du Président d’une juridiction une ordonnance de requête, lorsque la dérogation au principe du contradictoire s’avère nécessaire.

Les conditions de recevabilité de la requête sont alors fixées par chaque texte spécifique, étant précisés que ces textes sont épars et disposent en toute matière.

?Exemples de cas prévoyant la saisine d’une juridiction par voie de requête

  • En matière de copropriété, l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que « à défaut de nomination du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires convoquée à cet effet, le syndic est désigné par le président du judiciaire saisi à la requête d’un ou plusieurs copropriétaires, du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble. »
  • En matière de saisie-contrefaçon, l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « en matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire. »
  • En matière d’effet de commerce, l’article L. 511-38 du Code de commerce dispose qu’en cas de recours du porteur contre les endosseurs faute de paiement ou d’acception, « les garants contre lesquels un recours est exercé dans les cas prévus par le b et le c du I peuvent, dans les trois jours de l’exercice de ce recours adresser au président du tribunal de commerce de leur domicile une requête pour solliciter des délais. Si la demande est reconnue fondée, l’ordonnance fixe l’époque à laquelle les garants sont tenus de payer les effets de commerce dont il s’agit, sans que les délais ainsi octroyés puissent dépasser la date fixée pour l’échéance. L’ordonnance n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. »
  • En matière de procédure civile, l’article 840 du Code de procédure civile prévoit que « dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

?Cas particulier des mesures d’instruction in futurum

L’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

De toute évidence, cette disposition présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il n’en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent. Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché (V. en ce sens Cass. 2e civ. 13 mai 1987, n°86-11.098).

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n° 00-11.134).

Dans un arrêt du 8 janvier 2015, elle a encore exigé que cette circonstance devait être énoncée expressément dans la requête, faute de quoi la demande serait frappée d’irrecevabilité (Cass. 2e civ. 8 janv. 2015, n°13-27.740).

Pratiquement, la nécessité de déroger au principe du contradictoire sera caractérisée dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire

Lorsque cette condition préalable est satisfaite, le requérant devra alors justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation exigeait encore que le requérant démontre l’urgence du prononcé de la mesure d’instruction.

Cette exigence a toutefois été abandonnée par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 15 janvier 2009. Elle a affirmé en ce sens que « l’urgence n’est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009, n°08-10.771).

Cette solution se justifie par l’autonomie de la procédure sur requête fondée sur l’article 145 du CPC, principe qui conduit à écarter l’application des conditions propres au référé.

C’est la raison pour laquelle, ni la condition d’urgence, ni la condition tenant à l’absence de contestation sérieuse (Cass. 2e civ. 7 nov. 1989, n°88-15.482), ne sont requises pour solliciter par voie de requête une mesure d’instruction in futurum.

Au bilan, les deux seules conditions qui doivent être réunies sont :

  • D’une part, l’existence de circonstances particulières qui justifient de déroger au principe du contradictoire
  • D’autre part, l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, le Président de la juridiction peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831). Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises.

B) L’existence de circonstances qui exigent que des mesures urgentes soient prises non contradictoirement

L’article 845, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que le Président du Tribunal compétent « peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. »

En dehors des cas spécifiques prévus par la loi, le Président de la juridiction compétente peut donc être saisi par voie de requête aux fins d’adoption de toute mesure utile lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

  • Il existe des circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement
  • Les mesures sollicitées doivent être urgentes

?L’existence de circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement

L’article 845 du Code de procédure civile pose que pour saisir le Juge par voie de requête, le requérant doit justifier de circonstances qui exigent l’absence de débat contradictoire.

Quelles sont ces circonstances ? Elles sont notamment caractérisées dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il est besoin de constater un adultère ou des manœuvres de concurrence déloyale.

L’effet de surprise n’est pas le seul motif susceptible d’être invoquée au soutien d’une demande formulée par voie de requête.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire.

Il a encore été admis que le Juge puisse être saisi par voie de requête lorsque l’identification des défendeurs s’avère délicate, sinon impossible.

Dans un arrêt du 17 mai 1977 la Cour de cassation a ainsi admis qu’une décision rendue dans le cadre d’une procédure de référé puisse valoir ordonnance sur requête, dès lors qu’il était établi que des salariés en grève occupant une usine ne pouvaient pas être identifiés, et, par voie de conséquence, mis en cause par voie d’action en référé.

La chambre sociale a notamment avancé, au soutien de sa décision, que « le Président du Tribunal qui a le pouvoir d’ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient prises contradictoirement ne devait pas en l’espèce statuer de la sorte à l’égard des autres occupants, sous réserve de la faculté pour ceux-ci de lui en référer, en raison de l’urgence à prévenir un dommage imminent, de la difficulté pratique d’appeler individuellement en cause tous les occupants et de la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de grevé de présenter les moyens de défense communs à l’ensemble du personnel » (Cass. soc. 17 mai 1977, n°75-11.474).

?L’urgence de la prise de mesures

Pour que le juge soit saisi par voie de requête, outre l’établissement de circonstances qui exigence l’absence de débat contradictoire, le requérant doit démontrer que les mesures sollicitées sont urgentes

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence. Il ressort de la jurisprudence que l’urgence doit être appréciée comme en matière de référé.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, la détermination de l’urgence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

IV) Formalisme de la requête

A) Présentation de la requête

?Notion

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

?Sur la forme

L’article 494 du Code de procédure civile prévoit que :

  • D’une part, la requête est présentée en double exemplaire
  • D’autre part, elle doit être motivée (en fait et en droit)
  • Enfin, elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

Cette disposition ajoute que, si la requête est présentée à l’occasion d’une instance en cours, elle doit indiquer la juridiction saisie.

Enfin, il est d’usage que la requête soit assortie du projet d’ordonnance afin de faciliter la tâche du magistrat.

Reste que ce dernier pourra préférer rédiger sa propre ordonnance. Aucune règle formelle n’existe en la matière, de sorte que l’absence de pré-rédaction de l’ordonnance ne saurait être un motif de rejet de la requête pour vice de forme.

Rien n’interdit, par ailleurs, le juge consécutivement au dépôt de la requête de demander à entendre le requérant, en personne, ou par l’entremise de son avocat.

?Sur les mentions

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l'accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l'avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête

(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer

(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire

(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient :

1° L'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

B) Dépôt

?Sur le lieu du dépôt

  • Principe
    • La requête doit être déposée au greffe du Président de la juridiction saisie
  • Exception
    • L’article 494 al. 3 prévoit que, en cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.

?Sur le coût du dépôt

Le dépôt de la requête n’est, par principe, soumis à aucun droit de timbre à l’exception de l’hypothèse où elle serait déposée auprès du Président du tribunal de commerce

Devant la juridiction commerciale, le dépôt de la requête est payant. Le prix est affiché sur le site web des greffes des Tribunaux de commerce.

C) Représentation

?Principe

L’article 846 du CPC prévoit que la requête est présentée :

  • Soit par un avocat
  • Soit par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.

?Exceptions

L’alinéa 2 de l’article 846 du CPC précise que « dans les cas où les parties sont dispensées de représentation par avocat, la requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou par tout mandataire. »

Ainsi, lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties peuvent présenter la requête elles-mêmes ou se faire représenter par le mandataire de leur choix.

Pour mémoire, devant le Tribunal judiciaire, la représentation n’est pas obligatoire notamment dans les cas énoncés à l’article 761 du CPC qui prévoit les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

V) Effets de la requête

Le dépôt de la requête produit deux effets :

  • Ouverture d’une instance, raison pour laquelle la requête s’apparente à un acte introductif d’instance au sens de l’article 54 du Code de procédure civil, lequel prévoit que « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction ».
  • Interruption de la prescription en application de l’article 2241 du Code civil qui prévoit que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »

VI) L’ordonnance

L’article 493 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • D’une part, l’ordonnance sur requête est provisoire
  • D’autre part, elle procède d’une procédure non-contradictoire.

L’article 495 du CPC ajoute que l’ordonnance sur requête doit être motivée et qu’elle est exécutoire sur minute.

A) Une décision provisoire

L’ordonnance sur requête partage avec l’ordonnance de référé ce point commun d’être une décision rendue à titre provisoire.

Dans un arrêt du 15 mai 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire, dépourvue de l’autorité de la chose jugée » (Cass. 2e civ. 15 mai 2001, 99-17.008).

Autrement dit, elle ne possède pas l’autorité de la chose jugée, de sorte que, en cas de saisine du Juge au fond, il ne sera pas lié à la décision prise.

L’affaire pourra, dans ces conditions, être rejugée dans tous ses aspects,

B) Une décision non-contradictoire

Bien que l’ordonnance sur requête ait en commun avec l’ordonnance de référé d’être rendue à titre provisoire, elle s’en distingue en ce qu’elle procède d’une procédure non-contradictoire.

Autrement dit, il n’est pas besoin que s’instaure un débat entre le requérant et le mis en cause pour que le Juge rende sa décision. Il dispose de la faculté de rendre une ordonnance sur la seule foi de la requête et des pièces qui lui sont soumis.

Reste que le contradictoire n’est pas totalement écarté, l’article 496 du CPC prévoyant que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

Ainsi, appartient-il à quiconque justifie d’un intérêt à agir de solliciter la restauration du principe de contradictoire.

Dans un arrêt du 4 septembre 2014, la Cour de cassation a rappelé cette faculté en jugeant que « l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile [qui exige la remise d’une copie de la requête au défendeur] a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d’apprécier l’opportunité d’un éventuel recours » (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n° 13-22.971).

C) Une décision motivée

?Sur le fond

L’article 494 du CPC prévoit que l’ordonnance sur requête doit être motivée, en ce sens que le Juge doit justifier sa décision.

Cette motivation est attendue, tant en cas d’acceptation de la demande, qu’en cas de rejet.

?Sur la forme

En application de l’article 454 du CPC, l’ordonnance doit contenir :

  • La juridiction dont il émane ;
  • Le nom du juge qui a délibéré ;
  • La signature du magistrat
  • Sa date ;
  • Le nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ;
  • Le nom du greffier ;
  • Les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
  • Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;

D) Une décision exécutoire

L’article 495 du CPC dispose que l’ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute. »

Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit signifiée à la partie mise en cause, contrairement à l’ordonnance de référé qui doit être notifiée à l’intéressée.

À cet égard, dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

VII) Voies de recours

Il convient de distinguer selon que l’ordonnance fait droit à la demande du requérant ou selon qu’elle le déboute de sa demande.

A) L’admission de la requête

?Le référé-rétractation

En cas d’admission de la requête par la juridiction saisie, la personne contre qui elle est rendue dispose d’une voie de recours qui consiste en un référé-rétractation.

L’article 496 du CPC prévoit en ce sens que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

En application de l’article 497 le juge dispose alors de trois options :

  • Soit il maintient son ordonnance
  • Soit il modifie son ordonnance
  • Soit il rétracte son ordonnance

?Délai

Dans le silence des textes, le recours en rétractation de l’ordonnance peut être exercé tant que l’ordonnance n’a pas épuisé tous ses effets

L’article 497 du CPC précise d’ailleurs que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire »

?Procédure

  • Compétence du juge
    • Le Juge compétent pour connaître du recours en rétractation est celui-là même qui a rendu l’ordonnance contestée et non le juge des référés
  • Recevabilité
    • Contrairement à l’action en référé qui n’est recevable qu’à la condition de démontrer l’existence d’une urgence ou l’absence de contestation sérieuse, le juge ayant vocation à connaître d’un recours en rétractation n’est pas soumis à ses conditions
    • Le recours peut donc être exercé, sans qu’il soit besoin pour son auteur de justifier d’une urgence ou d’établir d’absence de contestation sérieuse.
  • Pouvoirs du juge
    • Bien que le juge saisi d’un recours en rétractation ne soit pas le juge des référés, il est invité à statuer comme en matière de référé.
    • Plus précisément, dans un arrêt du 19 février 2015, la Cour de cassation a considéré que le juge statuant sur une demande de rétractation ne peut statuer « qu’en exerçant les pouvoirs du juge des référés que lui confère exclusivement l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile ».
    • Cela signifie, en somme, que le juge ne peut, en rétablissant le contradictoire, que maintenir, modifier ou rétracter son ordonnance.
    • Pour ce faire, il doit vérifier que toutes les conditions étaient remplies lorsqu’il a rendu son ordonnance et que la demande était fondée.
    • Dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour de cassation a précisé que l’« instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet » (Cass. 2e civ. 9 sept. 2010, n°09-69.936).
  • Acte introductif d’instance
    • Le recours en rétractation s’exerce par voie d’assignation
    • Aussi, conviendra-t-il pour le défendeur d’assigner en référé aux fins de rétractation de l’ordonnance contestée (Cass. 2e civ., 7 janv. 2010, n°08-16.486).
  • Décision
    • La décision rendue par le Juge saisi consistera en une ordonnance de référé, contradictoire, mais dépourvue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que les juges du fond ne seront pas liés par ce qui a été décidé.

B) Le rejet de la requête

L’article 496, al. 1 du CPC prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel ».

C’est donc la voie de l’appel qui est ouverte au requérant en cas de rejet de sa requête.

Il dispose alors d’un délai de quinze jours à compter du jour où l’ordonnance a été rendue. L’appel ne peut être interjeté qu’auprès du magistrat qui a rendu l’ordonnance.

L’article 496, al. 1 in fine précise que « l’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. »

Il convient alors de se reporter aux articles 950 à 953 du CPC qui encadre la procédure d’appel en matière gracieuse.

Il est notamment prévu par l’article 950 que « l’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. »

Procédure de divorce: la phase de conciliation

Aux termes de l’article 252 du Code civil « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire. »

Ainsi, quel que soit le niveau de tension au sein du couple, les époux ont l’obligation de passer par la phase de conciliation.

L’alinéa 2 de l’article 252 précise l’objet de la conciliation, en confiant au juge le soin de chercher à concilier les époux « tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

La mission de conciliation « sur le principe du divorce » doit donc être entendue au sens large.

En effet, elle doit non seulement permettre aux époux de déterminer :

  • D’une part, le cas de divorce sur lequel se fondera l’assignation mais également porter sur le fait même de divorcer
  • D’autre part, les conséquences du divorce afin de permettre de dégager des solutions négociées et mieux adaptées à la situation de chacun et ce, le plus en amont possible.

I) La convocation des époux

La convocation des époux à l’audience de conciliation répond à un formalisme très précis décrit à l’article 1108 du Code de procédure civile :

==> Notification de la convocation

  • Au défendeur
    • L’époux qui n’a pas présenté la requête est convoqué par le greffe à la tentative de conciliation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, confirmée le même jour par lettre simple.
    • À peine de nullité, la lettre recommandée doit être expédiée quinze jours au moins à l’avance et accompagnée d’une copie de l’ordonnance.
    • L’ordonnance annexée à la convocation est celle rendue par le JAF au stade de la requête initiale ( 1107 CPC)
  • Au demandeur
    • La convocation à l’audience de conciliation n’a pas directement à être adressée au demandeur
    • C’est le greffe qui avise l’avocat de l’époux qui a présenté la requête.

==> Contenu de la convocation

La convocation adressée à l’époux qui n’a pas présenté la requête l’informe qu’il doit se présenter en personne, seul ou assisté d’un avocat.

Elle précise en outre que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du mariage.

À la notification par lettre recommandée est également jointe, à titre d’information, une notice exposant, notamment, les dispositions des articles 252 à 254, soit les règles relatives :

  • aux mesures provisoires susceptibles d’être prises par le JAF à l’issue de l’audience de conciliation
  • à la médiation familiale

II) L’audience de conciliation

L’importance de l’audience de conciliation a été renforcée par la réforme du 26 mai 2004, en raison de l’instauration du tronc commun procédural.

Au-delà des mesures provisoires susceptibles d’être prises pour organiser la vie séparée de la famille, cette audience doit être l’occasion d’un débat sur le principe même de la rupture et peut s’avérer déterminante sur l’orientation de la procédure de divorce.

Elle doit enfin favoriser la mise en place d’un accompagnement adapté des époux, les incitant à la préparation responsable des conséquences de leur séparation, notamment au travers de la médiation familiale ou des mesures relatives à la liquidation anticipée de leur régime matrimonial.

==> Formalités préalables

Au jour indiqué, le juge statue d’abord, s’il y a lieu, sur la compétence.

Par ailleurs, il doit rappeler aux époux les dispositions de l’article 252-4 du code civil.

Cette disposition prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »

Cette disposition prend un relief particulier dans le nouveau dispositif procédural puisque, désormais, le choix du cas de divorce retenu ne se fera qu’à l’occasion de l’assignation et il importe d’éviter que des faits relatés à l’occasion de la tentative de conciliation ne soient ensuite utilisés pour fonder sa demande de divorce, par exemple sur la faute.

==> L’entretien individuel avec les époux

Après avoir procédé aux formalités d’usage, le Juge doit engager la tentative de conciliation selon les prescriptions des articles 252-1 à 253 du même code.

L’article 252-1 du Code civil prévoit que lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s’entretenir personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.

Dans le cas où l’époux qui n’a pas formé la demande ne se présente pas à l’audience ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le juge s’entretient avec l’autre conjoint et l’invite à la réflexion.

En toute hypothèse, le juge doit entendre chacun des époux sur le principe de la rupture

==> L’intervention des avocats

Après que les époux ont été entendus séparément par le JAF les avocats sont appelés à assister et à participer à l’entretien.

Ils n’interviennent ainsi que dans un second temps.

Leur participation à l’entretien n’est toutefois pas subordonnée à la demande des époux mais est obligatoire.

==> Suspension de la tentative de conciliation

L’article 252-2 du Code civil prévoit que la tentative de conciliation peut être suspendue et reprise sans formalité, en ménageant aux époux des temps de réflexion dans une limite de huit jours.

Si un plus long délai paraît utile, le juge peut décider de suspendre la procédure et de recourir à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus.

Il ordonne, s’il y a lieu, les mesures provisoires nécessaires.

III) L’ordonnance de non-conciliation

Sauf à ce que la conciliation ait abouti, ce qui relève du cas d’école, à l’issue de l’audience de conciliation le JAF rend une ordonnance de « non-conciliation » qui comporte un certain nombre de points :

==> Sur les suites de la procédure

Si le Juge constate que le demandeur maintient sa demande, il dispose de deux options :

  • Soit il renvoie les parties à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus
  • Soit il autorise immédiatement les époux à introduire l’instance en divorce

Dans les deux cas, il peut ordonner tout ou partie des mesures provisoires prévues aux articles 254 à 257 du code civil.

==> Sur les obligations des époux

L’ordonnance de non-conciliation doit alerter les époux sur plusieurs points :

  • Le délai d’introduction de l’instance
    • Lorsque le juge autorise les époux à introduire l’instance en divorce, il doit rappeler que dans les trois mois du prononcé de l’ordonnance, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce.
    • Passé ce délai, l’autre époux sera autorisé à introduire l’instance
    • L’article 1113 du Code de procédure civile précise que, en cas de réconciliation des époux ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
  • Invitation à régler les conséquences du divorce
    • L’article 252-3 du Code civil prévoir que lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.
    • Par ailleurs, il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce.
    • L’intérêt de ces accords, recherchés tout au long de la procédure, est important dans la mesure où ils ont vocation à être homologués par le juge

IV) Les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

A) Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

B) Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

==> Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

  • Initier une médiation familiale
    • Cette invitation peut consister pour le Juge :
      • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
      • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation
    • Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.
    • Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel
  • Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux
    • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
    • Il organise leur vie séparée.
    • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.
  • Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance
    • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
    • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
    • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
    • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
    • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
    • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.
  • Ordonner la remise des vêtements et objets personnels
  • Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes
    • Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.
    • Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.
  • Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire
  • Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial
    • La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.
    • Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.
    • Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.
  • Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux
  • Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager
    • Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.
    • En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

==> Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

  • Sur la résidence de l’enfant
    • L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
    • La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents
      • En présence d’un accord
        • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
      • En l’absence d’accord
        • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
        • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
      • Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.
      • Deux modalités de garde sont envisageables :
        • La garde alternée
          • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
          • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
        • La garde exclusive
          • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
          • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
          • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
          • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.
        • Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :
          • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
          • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
          • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
          • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
          • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
          • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
  • Sur la pension alimentaire
    • L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
    • Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.
    • Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.
    • Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.
    • Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

C) Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.

V) Les voies de recours

L’article 1112 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance de non-conciliation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification, mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires.

Pour le reste, les époux ne pourront pas faire appel de la décision du JAF.

Procédure commune à tous les cas de divorce contentieux

La loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a réorganisé la procédure applicable aux divorces autres que par consentement mutuel.

Cette procédure est décrite dans la troisième section du chapitre II du titre VI du livre Ier du code civil, qui comporte cinq paragraphes, respectivement consacrés à :

  • la requête initiale
  • la conciliation
  • aux mesures provisoires
  • l’instance en divorce
  • aux preuves

Reflétant les grandes étapes de la procédure contentieuse, ce nouveau découpage accroît sa lisibilité du dispositif.

Surtout, la réorganisation de la procédure contentieuse s’articule autour de la mise en place d’un « tronc commun procédural » qui est à la fois une source de simplification, de souplesse et de pacification par rapport au droit antérieur.

Ainsi, la procédure est désormais commune :

  • au divorce accepté
  • au divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • au divorce pour faute.

L’unité procédurale des divorces contentieux permet alors aux parties de modifier en cours de procédure le fondement de leur demande, par le jeu des « passerelles » qui sont prévues aux articles 247 à 247-2 du Code civil.

Limitées en 1975 pour éviter les stratégies, une personne « tentant d’abord sa chance » en fondant sa demande sur la faute de son conjoint avant de se « rabattre » sur un autre cas de divorce, ces passerelles permettent au conjoint de former plus facilement une demande de divorce accepté puisque le choix du fondement ne se fera plus au stade de la requête initiale mais de l’assignation, après que la conciliation ait pu permettre de « sonder les intentions de l’autre conjoint ».

En outre, l’institution d’un tronc commun est un facteur de pacification puisque ce n’est qu’au stade de l’assignation que sera déterminé le cas de divorce invoqué.

I) La requête initiale

Aux termes de l’article 251 du Code civil « l’époux qui forme une demande en divorce présente, par avocat, une requête au juge, sans indiquer les motifs du divorce. »

Lorsqu’elle est contentieuse, la procédure de divorce est engagée au moyen d’un acte unilatéral d’un époux : la requête initiale.

A) Présentation de la requête

La présentation de la requête initiale obéit à deux règles :

  • Compétence du Juge aux affaires familiales
    • Principe
      • L’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire prévoit que c’est le Juge aux affaires familiales qui est compétent pour connaître de la procédure de divorce
    • Exceptions
      • Formation collégiale
        • Toutefois, l’article L. 213-4 du même Code autorise le JAF à renvoyer à la formation collégiale du tribunal de grande instance qui statue comme juge aux affaires familiales.
          • Ce renvoi est de droit à la demande des parties pour le divorce et la séparation de corps
          • La formation collégiale comprend le juge qui a ordonné le renvoi.
      • Dessaisissement à la faveur des avocats
        • L’article 247 du Code civil prévoit que, dans l’hypothèse où le ou les enfants mineurs du couple ne souhaitent être entendus par le Juge, les époux peuvent, à tout moment de la procédure, divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire
        • Le JAF ou la formation collégiale sont alors immédiatement dessaisis à la faveur des avocats des époux
  • Ministère d’avocat
    • L’article 1106 du Code de procédure civile prévoit que la requête initiale ne peut être adressée au juge que par l’entremise d’un avocat.
    • La requête ne pouvant, en matière contentieuse, qu’être un acte unilatéral, l’avocat ne pourra intervenir que pour le compte de l’époux à l’initiative de la demande en divorce

B) Le contenu de la requête

La requête initiale est désormais indifférenciée et ne doit plus indiquer les motifs du divorce.

Elle doit cependant contenir les demandes formées au titre des mesures provisoires ainsi qu’un exposé sommaire de leurs motifs.

Comme auparavant, il est toujours possible de solliciter dès le dépôt de la requête des mesures urgentes.

  1. Absence d’indication des motifs du divorce

L’article 251 du Code civil prévoit que la requête initiale ne doit pas « indiquer les motifs du divorce ».

La portée de cette interdiction est précisée à l’article 1106 du Code de procédure civile qui dispose que « la requête n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l’origine de celle-ci. »

L’exigence tenant à l’absence d’indication des motifs du divorce dans la requête prend ses racines dans la solution jurisprudentielle adoptée sous l’empire du droit antérieur en matière de divorce pour faute.

Les juridictions considéraient qu’il n’était pas nécessaire que la requête initiale en divorce pour faute énonce les faits invoqués comme cause de divorce.

Françoise Dekeuwer-Défossez a justifié cette solution en avançant que l’énonciation des griefs, dès la requête initiale, cristallise une atmosphère contentieuse et agressive.

Tel époux qui aurait accepté de plus ou moins bon gré l’idée d’un divorce, se sent personnellement mis en cause et insulté par l’énoncé des griefs outrancièrement grossis pour convaincre le tribunal de l’existence de véritables et graves fautes. Dès lors, il va rendre coup pour coup et les espoirs d’apaisement deviendront illusoires.

Il a été objecté que l’interdiction d’énoncer les motifs du divorce dans la requête initiale serait en pratique très désavantageuse pour le défendeur qui ignorerait tout des dispositions de son conjoint.

À cet argument, il peut toutefois être répondu que jusqu’à l’assignation, le choix du cas de divorce n’est pas fait, la tentative de conciliation devant être l’occasion d’éclaircir ce point et, le cas échéant, de constater l’accord des époux sur le principe du divorce, leur permettant ensuite de se diriger vers la procédure la moins contentieuse.

Par conséquent, les mesures provisoires seront prises sans considération pour les circonstances de la rupture.

Quid de la sanction en cas de violation de l’interdiction d’énoncer les motifs du divorce dans la requête initiale ?

Les textes ne prévoient aucune sanction en cas de violation de la règle édictée à l’article 251 du Code civil.

On peut en déduire que si, au mépris de cette interdiction, une telle indication devait encore figurer dans la requête initiale, elle n’aurait aucun effet, le requérant demeurant totalement libre, lors de l’acte introductif d’instance, de choisir le cas de divorce sur lequel il entend fonder son action.

Dans un arrêt rendu en date du 22 septembre 2009, la Cour d’appel de Bordeaux a pourtant considéré que la requête qui fait état des griefs du demandeur est irrecevable (CA Bordeaux, 22 sept. 2009, n° 09/01146)

Il convient néanmoins de relever que l’interdiction d’énoncer dans la requête les motifs du divorce n’empêche nullement les époux, dans cet acte ou à l’audience, de porter à la connaissance du juge tous les éléments de droit et de fait susceptibles d’étayer leur demande au titre des mesures provisoires.

2. Mention des demandes formées au titre des mesures provisoires et d’un exposé sommaire de leurs motifs

L’article 1106 du Code de procédure civile prévoit que la requête contient les demandes formées au titre des mesures provisoires et un exposé sommaire de leurs motifs.

Cette règle tend à permettre l’observation du principe du contradictoire et de la nécessaire transparence du débat judiciaire.

Il ne s’agit pas ici d’exposer les motifs du divorce, mais seulement de justifier les mesures provisoires sollicitées en vue de l’audience de conciliation.

Aussi, cela permet à chacune des parties de connaître avant l’audience les demandes de l’autre et de pouvoir par conséquent s’y préparer.

Compte tenu du principe d’oralité des débats, elle n’a cependant pas pour effet d’interdire toute demande nouvelle lors de l’audience de conciliation, en cas de comparution des deux époux.

En revanche, en l’absence de l’une ou l’autre des parties, la présentation d’une demande nouvelle à l’audience sera impossible, sauf à ce que cette demande lui ait été préalablement notifiée.

3. Mesures urgentes

Conformément à l’article 257 du Code civil, il est possible à l’époux demandeur de solliciter l’adoption de mesures urgentes.

L’article 1106 du Code de procédure civile exige, lorsqu’un époux sollicite des mesures urgentes, qu’il se présente en personne devant le JAF.

Toutefois, en cas d’empêchement dûment constaté, le magistrat se rend à la résidence de l’époux.

Au stade de la requête initiale, les pouvoirs du juge en matière de mesures conservatoires sont limités :

==> Les mesures admises

Elles se classent en deux catégories :

  • Les mesures urgences ordinaires
    • Ces mesures sont énoncées à l’article 257 qui prévoit que le demandeur peut demander notamment :
      • l’autorisation de résider séparément, le cas échéant avec les enfants mineurs
      • toutes mesures conservatoires telles que l’apposition de scellés sur les biens communs
  • Les mesures urgentes extraordinaires
    • Ces mesures sont envisagées à l’article 220-1 du Code civil
    • Elles ne peuvent être sollicitées qu’en cas d’extrême urgence
    • Le texte prévoit en ce sens que si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes que requièrent ces intérêts.
    • Le Juge pourra alors si les conditions d’application de l’article 220-1 du Code civil sont réunies :
      • Interdire à l’époux fautif de faire, sans le consentement de l’autre, des actes de disposition sur ses propres biens ou sur ceux de la communauté, meubles ou immeubles.
      • Interdire le déplacement des meubles, sauf à spécifier ceux dont il attribue l’usage personnel à l’un ou à l’autre des conjoints.
    • La durée des mesures prises en application de cet article doit être déterminée par le juge et ne saurait, prolongation éventuellement comprise, dépasser trois ans.

==> Les mesures exclues

  • Seules les mesures visées par l’article 257 du Code civil peuvent être prises par le JAF au stade de la requête initiale, soit les mesures urgentes
  • Cela signifie que sont exclues les mesures qui relèvent des articles 254 et 255 du Code civil, soit les mesures provisoires de droit commun qui ont vocation à être adoptées à l’issue de la tentative de conciliation.

4. Renseignements complémentaires

Plusieurs documents justificatifs doivent accompagner la requête initiale, l’article 1075 du Code de procédure civile insistant sur le respect de cette exigence « dès le début de la procédure ».

À cet égard plusieurs informations doivent être communiquées par les époux au juge spontanément ou sur sa demande.

Ces informations visent à permettre au juge d’apprécier leurs situations respectives

  • Les affiliations aux organismes sociaux
    • L’article 1075 exige que les époux communiquent les informations relatives à :
      • leur identification
      • la caisse d’assurance maladie à laquelle ils sont affiliés
      • les services ou organismes qui servent les prestations familiales
      • les pensions de retraite ou tout avantage de vieillesse
      • la dénomination et l’adresse de ces caisses, services ou organismes.
  • Déclaration sur l’honneur
    • L’article 1075-1 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur mentionnée à l’article 272 du code civil.
    • Cette déclaration consiste pour les parties à attester sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
  • Justification des ressources et charges
    • Aux termes de l’article 1075-2 du Code de procédure civile les époux doivent, à la demande du juge, justifier de leurs charges et ressources, notamment par la production de déclarations de revenus, d’avis d’imposition et de bordereaux de situation fiscale.
    • Ils doivent également, à sa demande, produire les pièces justificatives relatives à leur patrimoine et leurs conditions de vie, en complément de la déclaration sur l’honneur permettant la fixation de la prestation compensatoire.

5. L’ordonnance du JAF

==> Contenue de l’ordonnance

À réception de la demande de l’époux à l’initiative de la procédure de divorce, l’article 1107 du Code de procédure civile invite le Juge à :

  • Indiquer, au bas de la requête, les jour, heure et lieu auxquels il procédera à la tentative de conciliation.
  • Prescrire, s’il y a lieu, les mesures d’urgence prévues à l’article 257 du code civil

==> Voies de recours

  • Principe
    • L’ordonnance rendue par le Juge dans cette phase de la procédure ne peut faire l’objet d’aucun recours.
    • Les parties devront donc attendre jusqu’à la tentative de conciliation pour faire valoir leurs observations en répliques et demandes complémentaires
  • Exception
    • La voie du référé-rétractation demeure toutefois ouverte s’agissant de la contestation des mesures urgentes éventuellement prises par le JAF (V. en ce sens 2e civ. 30 janv. 2003).
    • L’article 497 du Code de procédure civile prévoit que, lorsqu’il est saisi par requête, le juge dispose toujours de la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.

II) La conciliation

Aux termes de l’article 252 du Code civil « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire. »

Ainsi, quel que soit le niveau de tension au sein du couple, les époux ont l’obligation de passer par la phase de conciliation.

L’alinéa 2 de l’article 252 précise l’objet de la conciliation, en confiant au juge le soin de chercher à concilier les époux « tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

La mission de conciliation « sur le principe du divorce » doit donc être entendue au sens large.

En effet, elle doit non seulement permettre aux époux de déterminer :

  • D’une part, le cas de divorce sur lequel se fondera l’assignation mais également porter sur le fait même de divorcer
  • D’autre part, les conséquences du divorce afin de permettre de dégager des solutions négociées et mieux adaptées à la situation de chacun et ce, le plus en amont possible.

A) La convocation des époux

La convocation des époux à l’audience de conciliation répond à un formalisme très précis décrit à l’article 1108 du Code de procédure civile :

==> Notification de la convocation

  • Au défendeur
    • L’époux qui n’a pas présenté la requête est convoqué par le greffe à la tentative de conciliation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, confirmée le même jour par lettre simple.
    • À peine de nullité, la lettre recommandée doit être expédiée quinze jours au moins à l’avance et accompagnée d’une copie de l’ordonnance.
    • L’ordonnance annexée à la convocation est celle rendue par le JAF au stade de la requête initiale ( 1107 CPC)
  • Au demandeur
    • La convocation à l’audience de conciliation n’a pas directement à être adressée au demandeur
    • C’est le greffe qui avise l’avocat de l’époux qui a présenté la requête.

==> Contenu de la convocation

La convocation adressée à l’époux qui n’a pas présenté la requête l’informe qu’il doit se présenter en personne, seul ou assisté d’un avocat.

Elle précise en outre que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du mariage.

À la notification par lettre recommandée est également jointe, à titre d’information, une notice exposant, notamment, les dispositions des articles 252 à 254, soit les règles relatives :

  • aux mesures provisoires susceptibles d’être prises par le JAF à l’issue de l’audience de conciliation
  • à la médiation familiale

B) L’audience de conciliation

L’importance de l’audience de conciliation a été renforcée par la réforme du 26 mai 2004, en raison de l’instauration du tronc commun procédural.

Au-delà des mesures provisoires susceptibles d’être prises pour organiser la vie séparée de la famille, cette audience doit être l’occasion d’un débat sur le principe même de la rupture et peut s’avérer déterminante sur l’orientation de la procédure de divorce.

Elle doit enfin favoriser la mise en place d’un accompagnement adapté des époux, les incitant à la préparation responsable des conséquences de leur séparation, notamment au travers de la médiation familiale ou des mesures relatives à la liquidation anticipée de leur régime matrimonial.

==> Formalités préalables

Au jour indiqué, le juge statue d’abord, s’il y a lieu, sur la compétence.

Par ailleurs, il doit rappeler aux époux les dispositions de l’article 252-4 du code civil.

Cette disposition prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »

Cette disposition prend un relief particulier dans le nouveau dispositif procédural puisque, désormais, le choix du cas de divorce retenu ne se fera qu’à l’occasion de l’assignation et il importe d’éviter que des faits relatés à l’occasion de la tentative de conciliation ne soient ensuite utilisés pour fonder sa demande de divorce, par exemple sur la faute.

==> L’entretien individuel avec les époux

Après avoir procédé aux formalités d’usage, le Juge doit engager la tentative de conciliation selon les prescriptions des articles 252-1 à 253 du même code.

L’article 252-1 du Code civil prévoit que lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s’entretenir personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.

Dans le cas où l’époux qui n’a pas formé la demande ne se présente pas à l’audience ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le juge s’entretient avec l’autre conjoint et l’invite à la réflexion.

En toute hypothèse, le juge doit entendre chacun des époux sur le principe de la rupture

==> L’intervention des avocats

Après que les époux ont été entendus séparément par le JAF les avocats sont appelés à assister et à participer à l’entretien.

Ils n’interviennent ainsi que dans un second temps.

Leur participation à l’entretien n’est toutefois pas subordonnée à la demande des époux mais est obligatoire.

==> Suspension de la tentative de conciliation

L’article 252-2 du Code civil prévoit que la tentative de conciliation peut être suspendue et reprise sans formalité, en ménageant aux époux des temps de réflexion dans une limite de huit jours.

Si un plus long délai paraît utile, le juge peut décider de suspendre la procédure et de recourir à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus.

Il ordonne, s’il y a lieu, les mesures provisoires nécessaires.

C) L’ordonnance de non-conciliation

Sauf à ce que la conciliation ait abouti, ce qui relève du cas d’école, à l’issue de l’audience de conciliation le JAF rend une ordonnance de « non-conciliation » qui comporte un certain nombre de points :

==> Sur les suites de la procédure

Si le Juge constate que le demandeur maintient sa demande, il dispose de deux options :

  • Soit il renvoie les parties à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus
  • Soit il autorise immédiatement les époux à introduire l’instance en divorce

Dans les deux cas, il peut ordonner tout ou partie des mesures provisoires prévues aux articles 254 à 257 du code civil.

==> Sur les obligations des époux

L’ordonnance de non-conciliation doit alerter les époux sur plusieurs points :

  • Le délai d’introduction de l’instance
    • Lorsque le juge autorise les époux à introduire l’instance en divorce, il doit rappeler que dans les trois mois du prononcé de l’ordonnance, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce.
    • Passé ce délai, l’autre époux sera autorisé à introduire l’instance
    • L’article 1113 du Code de procédure civile précise que, en cas de réconciliation des époux ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
  • Invitation à régler les conséquences du divorce
    • L’article 252-3 du Code civil prévoir que lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.
    • Par ailleurs, il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce.
    • L’intérêt de ces accords, recherchés tout au long de la procédure, est important dans la mesure où ils ont vocation à être homologués par le juge

D) Les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

  1. Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

2. Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

==> Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

  • Initier une médiation familiale
    • Cette invitation peut consister pour le Juge :
      • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
      • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation
    • Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.
    • Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel
  • Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux
    • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
    • Il organise leur vie séparée.
    • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.
  • Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance
    • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
    • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
    • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
    • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
    • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
    • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.
  • Ordonner la remise des vêtements et objets personnels
  • Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes
    • Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.
    • Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.
  • Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire
  • Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial
    • La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.
    • Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.
    • Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.
  • Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux
  • Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager
    • Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.
    • En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

==> Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

  • Sur la résidence de l’enfant
    • L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
    • La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents
      • En présence d’un accord
        • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
      • En l’absence d’accord
        • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
        • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
      • Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.
      • Deux modalités de garde sont envisageables :
        • La garde alternée
          • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
          • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
        • La garde exclusive
          • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
          • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
          • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
          • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.
        • Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :
          • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
          • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
          • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
          • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
          • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
          • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
  • Sur la pension alimentaire
    • L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
    • Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.
    • Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.
    • Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.
    • Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

3. Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.

E) Les voies de recours

L’article 1112 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance de non-conciliation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification, mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires.

Pour le reste, les époux ne pourront pas faire appel de la décision du JAF.

III) L’instance

A) L’introduction de l’instance

==> Délais

  • Le délai de trois mois
    • L’article 1113 du Code de procédure civile prévoit que pendant les trois mois suivant le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner
    • À l’expiration de ce délai, cette faculté est ouverte à l’époux le plus diligent.
    • En effet, l’autorisation d’introduire l’instance accordée par le juge dans l’ordonnance de non-conciliation vise désormais les deux époux et non plus seulement celui des deux qui a déposé la requête initiale
    • Il convient toutefois d’observer que le premier alinéa de l’article 1113 ne vise que « l’assignation» en divorce formée par un époux et non « l’introduction de l’instance ».
    • Ainsi, le privilège reconnu au requérant pour assigner dans les trois mois de l’ordonnance de non-conciliation ne s’applique pas à la requête conjointe, laquelle peut être présentée par les époux immédiatement après l’ordonnance de non-conciliation.
  • Le délai de trente mois
    • L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que, en cas de réconciliation des époux, ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
    • Ainsi, l’instance doit être introduite dans le délai maximum de trente mois, à défaut de quoi l’ordonnance de non-conciliation devient caduque, y compris l’autorisation d’assigner
    • Il appartiendra alors aux époux de déposer une nouvelle requête initiale

==> L’acte introductif d’instance

L’introduction de l’instance peut, conformément aux dispositions prévues en matière contentieuse devant le tribunal de grande instance, s’effectuer :

  • par assignation
  • par requête conjointe

Cette dernière présente un intérêt particulier en matière de divorce accepté.

Le recours à la requête conjointe est même obligatoire lorsque les époux s’accordent après l’ordonnance de non-conciliation sur le prononcé d’un divorce sans considération des faits à l’origine de la rupture

==> Choix du cas de divorce

  • Liberté de choix
    • Principe
      • Les époux sont libres de choisir le cas de divorce sur le fondement duquel ils envisagent d’assigner
      • Cette liberté est renforcée par l’article 252-4 du code civil qui prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »
    • Exception
      • Il n’existe qu’une seule exception à la liberté de choisir le cas de divorce.
      • Si, lors de l’audience de conciliation, ou à tout autre moment de la procédure, les époux ont déclaré accepter le principe de la rupture du mariage et le prononcé du divorce sur le fondement de l’article 233 du code civil, l’instance ne peut être introduite que sur ce fondement
      • La voie du divorce pour faute ou pour altération définitive du lien conjugal leur sera fermée.
  • Exclusivité du cas de divorce
    • L’article 1077 du Code de procédure civile prévoit que la demande ne peut être fondée que sur un seul des cas prévus au troisième à sixième alinéas de l’article 229 du code civil.
    • Aussi, toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas est irrecevable.

==> Proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux

L’article 257-2 du Code civil prévoit que « à peine d’irrecevabilité, la demande introductive d’instance comporte une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux ».

L’objectif recherché est, sans retarder à l’excès l’engagement de la procédure, de permettre au juge d’appréhender, dès ce stade, la réalité de la situation patrimoniale des époux.

L’article 1115 du Code de procédure civile précise la nature de cette proposition en indiquant qu’elle contient un descriptif sommaire du patrimoine des époux et les intentions du demandeur quant à la liquidation de la communauté ou de l’indivision, et, le cas échéant, quant à la répartition des biens :

  • Contenu de la proposition
    • La description du patrimoine doit comporter les éléments aussi bien actifs que passifs qui le composent.
    • Elle doit viser les biens communs et indivis des époux mais également les biens propres du demandeur.
    • S’agissant de la description du patrimoine propre du défendeur, cette exigence doit s’apprécier en fonction des difficultés pratiques, voire des obstacles, que le demandeur peut rencontrer.
    • Le caractère sommaire du descriptif ne doit pas dispenser le demandeur d’une obligation de sincérité, en particulier pour les biens dont il a la connaissance particulière à raison de l’usage qu’il en fait.
    • Cette obligation de sincérité résulte directement du principe de loyauté procédurale.
  • Nature de la proposition
    • Afin que les « intentions » du demandeur ne puissent s’analyser comme des demandes au sens processuel du terme, l’article 1115, al. 2 précise que cette proposition ne constitue pas une prétention au sens de l’article 4 du nouveau code de procédure civile.
    • Le juge n’a donc pas à statuer
      • ni sur les intentions du demandeur quant à la liquidation
      • ni sur les moyens que la partie adverse aurait pu exposer pour les contredire
  • Sanction
    • Pour éviter toute manœuvre dilatoire, l’exception d’irrecevabilité doit être invoquée avant toute défense au fond.
    • Dans la mesure où elle ne constitue pas une exception d’ordre public, elle ne peut être soulevée d’office par le juge.

B) La demande reconventionnelle

==> Fondement

La demande reconventionnelle peut, à l’instar de la demande principale, être fondée sur l’un quelconque des cas de divorce prévu par l’article 257-1 du code civil soit :

  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal,
  • Le divorce pour faute
  • Le divorce accepté

Lorsque toutefois, l’acceptation des époux sur le principe de la rupture sans considération des faits à son origine a été constatée lors de l’audience de conciliation dans les formes requises par l’article 1123 du nouveau code de procédure civile, le divorce est automatiquement prononcé sur le fondement de L’article 233 du code civil.

Le principe énoncé à l’article 1077 du nouveau code de procédure civile aux termes duquel la demande ne peut être fondée que sur un cas de divorce et toute demande formée à titre subsidiaire sur un autre cas étant irrecevable, est applicable à la demande reconventionnelle.

==> Ordre d’examen des demandes

L’article 246 al. 1er du code civil contient une disposition essentielle s’agissant de l’ordre d’examen, par le juge, des demandes en divorce respectivement formées par les parties.

Aux termes de cette disposition, le juge n’examine plus systématiquement, en premier lieu, la demande principale en divorce.

En effet, lorsqu’une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande pour faute sont concurremment présentées, la demande pour faute sera toujours examinée en premier, même si celle-ci est présentée à titre reconventionnel.

En application de cette règle de primauté de l’examen de la demande de divorce pour faute deux situations doivent être distinguées :

  • La demande en divorce pour faute est formée à tire principale
    • La demande en divorce pour faute est accueillie
      • Le divorce est prononcé aux torts exclusifs du conjoint sans que le juge n’ait à examiner la demande fondée sur l’article 237 du code civil.
    • La demande en divorce pour faute est rejetée
      • L’article 246, al. 2 prévoit alors que le juge statue sur la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal
      • Le divorce sera prononcé sur ce fondement quelle que soit la durée de séparation, ce en application de l’article 238, al. 2 du Code civil
  • La demande en divorce pour faute est formée à titre reconventionnel
    • La demande en divorce pour faute prime sur la demande en divorce pour altération du lien conjugal formée à titre principal
    • Toutefois, l’article 247-2 du Code civil autorise le demandeur à invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande
    • Ainsi, peut-il basculer sur une demande en divorce pour faute, par dérogation à l’article 1077 qui interdit de former des demandes subsidiaires
    • Dans un arrêt du 11 septembre 2013, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’article 247-2 du code civil ouvre au demandeur la possibilité de solliciter le prononcé du divorce aux torts partagés pour le cas où la demande reconventionnelle en divorce pour faute de son conjoint serait admise, sans le contraindre à renoncer à sa demande principale en divorce pour altération du lien conjugal, pour le cas où cette demande reconventionnelle serait rejetée, de sorte que la demande de M. X… tendant au prononcé du divorce aux torts partagés ne pouvait être regardée comme une demande formée à titre subsidiaire au sens de l’article 1077, alinéa 1, du code de procédure civile» ( 1ère civ. 11 sept. 2013)
    • Cette solution se justifie par la nécessité de permettre au demandeur principal qui se voit opposer un divorce pour faute à titre reconventionnel de se défendre et de ne pas encourir le risque d’être condamné à ses torts exclusifs.

C) Les passerelles

Dans un souci de pacification de la procédure, le législateur a souhaité, en 2004, faciliter l’évolution de l’instance vers une forme plus consensuelle et à interdire toute évolution vers une forme plus contentieuse, sauf le cas particulier prévu à l’article 247-2 du code civil.

Ainsi, est-il désormais permis aux époux de modifier le fondement de leur demande en divorce au moyen de passerelles instituées aux articles 247 et 247-1 du Code civil

==> Passerelle conduisant au divorce par consentement mutuel conventionnel

L’article 247, 1° prévoit que, à tout moment de la procédure, les époux peuvent divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire

Concrètement cela signifie que qu’il existe une passerelle entre le divorce par consentement mutuel conventionnel et

  • Le divorce pour faute
  • Le divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Le divorce accepté

Ces passerelles sont toutefois à sens unique : elles ne peuvent être empruntées que pour aller d’un divorce contentieux vers un divorce par consentement mutuel.

La demande aux fins de passerelle peut intervenir tant qu’aucune décision sur le fond n’a été rendue.

Elle peut donc être formulée dès après l’ordonnance de non-conciliation et postérieurement à la clôture.

==> Passerelle conduisant du divorce par consentement mutuel judiciaire

L’article 247, 2° prévoit que dans l’hypothèse où la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée en raison de la demande d’audition d’un enfant mineur par le juge, les époux peuvent toujours basculer vers le divorce par consentement mutuel judiciaire.

À cette fin, il leur appartient de demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

==> Passerelle conduisant au divorce accepté

L’article 247-1 du Code civil prévoit que les époux peuvent également, à tout moment de la procédure, lorsque le divorce aura été demandé pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, demander au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage.

Cette passerelle peut ainsi être empruntée à partir :

  • Du divorce pour faute
  • Du divorce pour altération définitive du lien conjugal

Cette demande doit être formulée de façon expresse et concordante dans les conclusions respectives des époux.

Chaque époux aura préalablement signé une déclaration d’acceptation qui sera annexée aux conclusions de son avocat, conformément aux prescriptions de l’article 1123 alinéa 5 du Code de procédure civile, et rappellera qu’elle n’est pas susceptible de rétractation.

==> Passerelle conduisant au divorce pour faute

L’article 247-2 du Code civil envisage une passerelle qui ne peut être empruntée que par une seule partie :

L’époux qui a choisi d’introduire l’instance sur le fondement de l’altération définitive du lien conjugal (art. 237 C. civ.) peut modifier sa demande en la fondant sur la faute (art. 242 C. civ.) si son conjoint a lui-même formé une demande reconventionnelle en divorce pour faute.

L’objectif de ce mécanisme est d’encourager la volonté de pacification de l’époux demandeur qui choisit d’introduire l’instance pour altération définitive du lien conjugal.

Il conserve ainsi la possibilité de revenir à un divorce plus contentieux, au vu de la réaction procédurale de son conjoint.

Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge: conditions et procédure

==> Ratio legis

L’institution du divorce par consentement mutuel, grande innovation de la loi du 11 juillet 1975, a répondu à une profonde et ancienne demande de la société et à un immense besoin d’égalité de la femme dans le couple.

Surtout, il a permis aux époux de sortir des liens du mariage, sans avoir à prouver la faute de l’autre, ce qui a pu conduire à des situations de tensions extrêmes entre conjoints.

Librement négociés, les accords entre époux permettent de dégager des solutions mieux adaptées aux cas d’espèce ; mieux exécutés que des décisions judiciaires imposées, ils sont ainsi souvent le gage d’un après-divorce apaisé, particulièrement important lorsque sont impliqués des enfants.

Le succès du divorce par consentement mutuel a été immédiat et grandissant. Il représente aujourd’hui plus de la moitié des procédures.

La particularité de cette procédure est donc l’intervention du Juge. Lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 certains professionnels du droit avaient milité pour une déjudiciarisation totale du divorce par consentement mutuel, lorsqu’il n’y a, ni biens, ni enfants.

Toutefois, le législateur a préféré maintenir son rôle dans la procédure. Les parlementaires ont estimé que le contrôle du juge permettait de garantir effectivement la volonté librement exprimée de chacun des époux, l’équité des accords et le respect des intérêts de chacun.

C’est ainsi qu’en 2004, une procédure simplifiée a été instituée en remplacement de l’ancien divorce sur requête conjointe instauré par la loi du 11 juillet 1975.

L’innovation principale résulte de la suppression des deux phases de la procédure, le divorce étant prononcé à l’issue d’une seule audience.

Il en résulte que l’ensemble des conséquences de la séparation doit être réglé en amont de la saisine du juge, y compris la liquidation du régime matrimonial (article 1091 du nouveau code de procédure civile).

L’actuelle procédure de divorce par consentement mutuel homologué par un juge n’a pas été modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Ce texte n’a fait qu’ajouter une variante au divorce par consentement mutuel, en offrant la possibilité aux époux de se passer du Juge.

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

==> Domaine d’application

Lors de l’adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

En toute hypothèse, c’est désormais seulement par exception que la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire pourra être engagée.

I) Le principe

Aux termes de l’article 230 du Code civil « dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat, le divorce par consentement mutuel judiciaire suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que d’emprunter la voie du divorce contentieux.

Si, au contraire, les époux parviennent à s’entendre, leur accord doit être matérialisé par une convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

Nouveauté introduite par la loi du 26 mai 2004, le divorce par consentement mutuel peut être demandé dans les six premiers mois de l’union, la condition tenant à l’existence d’une durée minimale du mariage ayant supprimé (abrogation du 3e alinéa de l’article 230).

II) Conditions

==> La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel judiciaire est fermée.

==> Le consentement

L’article 232, al. 1er du Code civil dispose que « le juge homologue la convention et prononce le divorce s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. »

Il ressort de cette disposition que le consentement des époux est le pilier central du divorce par consentement mutuel.

Le Juge ne pourra homologuer la convention que s’il constate que les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets

Pour qu’il y ait accord, encore faut-il qu’ils y aient consenti.

Ainsi, revient-il au juge de s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé.

Toutefois, dès lors qu’il estime respectées la réalité, la liberté et la persistance des consentements, il ne peut mettre en cause l’accord de principe des époux quant au divorce, dont par ailleurs il n’a pas à connaître les causes.

III) Procédure

A) La requête

==> Présentation de la requête

La demande est formée par une requête unique des époux (article 1089 CPC).

L’article 250 du Code civil prévoit que la demande peut être présentée :

  • Soit par les avocats respectifs des parties
  • Soit par leur avocat choisi d’un commun accord

==> Contenu de la requête

À peine d’irrecevabilité, la requête doit remplir un certain nombre de conditions de forme (art. 1090 CPC).

  • La requête comporte
    • Des mentions relatives aux époux
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de leur mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants
      • Les renseignements prévus à l’article 1075, soit les informations relatives à la caisse d’assurance maladie à laquelle ils sont affiliés, les services ou organismes qui servent les prestations familiales, les pensions de retraite ou tout avantage de vieillesse ainsi que la dénomination et l’adresse de ces caisses, services ou organismes.
    • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
    • Le nom des avocats chargés par les époux de les représenter, ou de celui qu’ils ont choisi à cet effet d’un commun accord.
    • La date et la signature de chacun des époux et de leur avocat.
  • La requête ne comporte pas
    • Les faits à l’origine de la demande
    • En matière de divorce par consentement mutuel, ce qui importe c’est le consentement des époux
    • Aussi, les circonstances de la rupture n’intéressent pas le Juge dont le rôle se limitera au contrôle de la réalité du consentement des époux et à la préservation de leurs intérêts respectifs
    • Quand bien même une faute serait imputable à l’un des époux, le juge n’a donc pas vocation à en tenir compte

==> Documents annexés à la requête

Là encore à peine d’irrecevabilité, la requête doit être assortie de documents annexes énumérés par les articles 1075-1 et 1091 du Code de procédure civile.

  • Le formulaire d’information de l’enfant mineur demandant à être entendu daté et signé par lui
    • Pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.
    • Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.
    • Ce formulaire visé à l’article 1144 du Code de procédure qui prévoit que « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »
    • Le formulaire d’information poursuit un double objectif :
      • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
      • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur
    • Dans l’hypothèse où l’enfant mineur décide à être entendu, la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée à ces parents.
  • La convention de divorce
    • Sur la forme
      • Il s’agit de la convention de divorce qui doit porter règlement de toutes les conséquences du divorce.
      • Cette convention inclut
        • Soit un état liquidatif du régime matrimonial
        • Soit la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
      • La convention doit être datée et signée par chacun des époux et leur avocat
    • Sur le fond
      • Le sort des biens
        • Il est régi par l’état liquidatif qui doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière
        • Plus généralement, l’état liquidatif doit comporter
          • La répartition de l’actif
          • La répartition du passif
          • L’octroi de récompenses
      • Le sort des enfants
        • L’article 373-2-7 prévoit qu’il appartient aux parents d’organiser les modalités d’exercice de l’autorité parentale et de fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (pension alimentaire
        • Le juge homologuera la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement
      • La prestation compensatoire
        • L’article 278 du Code civil prévoit que les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention établie par acte sous signature privée contresigné par avocats ou dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge.
        • Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé.
        • La prestation peut prendre la forme d’une rente attribuée pour une durée limitée.
        • L’alinéa 2 précise néanmoins que le Juge peut toutefois, refuser d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.
  • Une déclaration sur l’honneur en cas d’octroi d’une prestation compensatoire
    • L’article 1075-1 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur
    • À cet égard, l’article 272 du Code civil précise que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie

Chaque document doit être daté et signé par chacun des époux et leur avocat. Toutes ces dispositions sont édictées à peine d’irrecevabilité (article 1091 CPC).

L’irrecevabilité porte tant sur l’absence d’un document que sur le non-respect des dispositions de forme prévues.

==> Dépôt de la requête

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi par la remise au greffe de la requête, qui vaut conclusions.

Ainsi, la requête doit-elle être adressée au greffe du Tribunal de grande instance

B) L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est ouverte aux époux qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvre la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire.
    • Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) L’audience

==> Convocation des époux

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que, après l’audition de l’enfant mineur, le juge procède à deux formalités :

  • Il convoque chacun des époux par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date qu’il fixe pour leur audition
  • Il avise le ou les avocats.

==> L’examen de la demande des époux

Le jour fixé, il examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

Après avoir vérifié la recevabilité de la requête (article 1099 CPC), il doit s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé (article 232 alinéa 1 C. civ.).

Au cours de l’audience, il peut faire supprimer ou modifier les clauses de la convention qui lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux (article 1099 alinéa 2 CPC).

Toutefois, il ne peut le faire qu’avec l’accord des parties, recueilli en présence de leur avocat.

Dans l’hypothèse d’une modification de la teneur de la convention au cours de l’audience, une attention toute particulière doit être appelée sur la concordance des termes entre la convention ainsi modifiée et l’acte liquidatif éventuellement joint.

S’il s’agit d’un acte notarié, le prononcé du divorce ne peut intervenir qu’après la mise en conformité de cet acte par le notaire, ce qui implique que le juge ne peut homologuer la convention sans avoir laissé un délai aux parties pour le faire modifier.

Lorsque les conditions prévues à l’article 232 du code civil sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

D) L’homologation de la convention

Trois hypothèses doivent être distinguées

  1. L’homologation pure et simple

Il peut être procédé à l’homologation pure et simple de la convention de divorce lorsque le Juge :

  • D’une part, s’est assuré que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé
  • D’autre part, a vérifié que la convention préserve suffisamment les intérêts des époux et des enfants

Après avoir accompli ces vérifications, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

2. L’homologation précédée de modifications et suppressions

L’article 1099, al. 2 du Code civil autorise le juge à modifier ou supprimer certaines clauses de la convention de divorce si elles lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux.

Cette immixtion du juge dans l’accord conclu entre les parties est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives :

  • L’accord des époux
  • La présence du ou des avocats

Si ces deux conditions sont remplies, le Juge rend alors sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce.

3. Le refus d’homologation

==> Motifs du refus

L’article 232 du code civil prévoit que le juge peut refuser d’homologuer la convention et ne pas prononcer le divorce s’il constate que les intérêts des enfants ou de l’un des époux sont insuffisamment préservés.

Il refusera également de prononcer le divorce s’il a un doute sur la réalité du consentement d’un époux

==> Ordonnance d’ajournement

Si le juge refuse d’homologuer la convention, il rend sur-le-champ une ordonnance et ajourne sa décision sur le prononcé du divorce jusqu’à présentation d’une nouvelle convention (article 1100 CPC).

Il informe alors les époux à l’audience que celle-ci devra être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois.

L’ordonnance porte mention à la fois de ce délai et de l’information qui a été donnée oralement.

Elle précise, en outre, les conditions ou les garanties auxquelles seront subordonnés l’homologation de la nouvelle convention et, en conséquence, le prononcé du divorce.

==> Mesures provisoires

  • Principe
    • L’ordonnance d’ajournement comprend, le cas échéant, les mesures provisoires homologuées par le juge (article 1100 CPC).
    • L’objectif est de permettre, dans ce cas particulier, l’organisation judiciaire de la séparation des époux, en garantissant leurs droits respectifs ainsi que la protection de l’intérêt des enfants.
    • L’article 250-2 du code civil précise les modalités d’une telle homologation.
  • Les mesures envisageables
    • Peuvent être homologuées les mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de conciliation prévue pour les autres cas de divorce.
    • Sont donc concernées, au sens de l’article 254 du même code, toutes les mesures nécessaires pour organiser l’existence des époux et celle des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée.
  • Exigence d’un accord des époux
    • Les pouvoirs du juge en matière de consentement mutuel ne peuvent être identiques à ceux qui lui sont conférés dans les autres cas de divorce.
    • En conséquence, sont exclusivement concernées les mesures que les parties s’accordent à prendre.
  • L’homologation des mesures
    • La forme de l’homologation étant libre, le juge peut faire mention des mesures provisoires homologuées directement dans l’ordonnance d’ajournement.
    • Il peut également homologuer les mesures prises par les parties dans un document annexé à l’ordonnance.
    • À défaut d’accord entre les parties ou si le juge estime que les mesures proposées ne sont pas conformes à l’intérêt du ou des enfants, la décision d’ajournement sera cependant prise sans homologation de mesures provisoires, celle-ci n’étant aucunement imposée par les textes.
    • Lorsque le juge refuse d’homologuer les mesures provisoires, il doit motiver sa décision.

==> Procédure postérieure à la décision d’ajournement

Les époux disposent d’un délai de six mois à compter du prononcé de la décision d’ajournement pour déposer une nouvelle convention (article 250-2 C. civ.).

Ce délai est suspendu en cas d’appel (article 1101 CPC).

Deux cas de figure doivent alors être distingués :

  • Premier cas de figure
    • Aucune convention n’est déposée dans le délai imparti.
    • Le juge constate alors d’office par ordonnance la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 2 CPC).
  • Second cas de figure
    • Les parties déposent une nouvelle convention dans le délai légal.
    • Elles sont alors convoquées par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date fixée pour leur audition.
    • À l’audience, soit le juge accepte cette nouvelle convention, l’homologue, et prononce le divorce, soit il refuse une nouvelle fois de l’homologuer.
    • Dans ce dernier cas, il rend une ordonnance constatant la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 3 CPC).
    • Il n’est donc pas possible d’ordonner un second ajournement.

E) Les voies de recours

  • Le jugement de divorce
    • L’appel
      • L’article 1102 du Code de procédure civile prévoit que la décision qui prononce le divorce est insusceptible d’appel.
      • Cette solution se justifie par l’existence d’un accord conclu entre les parties
    • Le pourvoi
      • Le jugement de divorce est susceptible de pourvoi en cassation dans les quinze jours de son prononcé (article 1103 CPC).
      • L’article 1086 précise que :
        • D’une part, le délai de pourvoi en cassation suspend l’exécution de la décision qui prononce le divorce.
        • D’autre part, que le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.
      • Toutefois, l’article 1087 al. 2 du Code de procédure civile apporte un tempérament à l’effet suspensif du pourvoi.
      • Cette disposition prévoit, en effet, que l’effet suspensif qui s’attache au pourvoi en cassation ainsi qu’à son délai ne s’applique pas aux dispositions de la décision ou de la convention homologuée qui concernent :
        • les pensions
        • la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant
        • l’exercice de l’autorité parentale.
      • Il est donc apparu indispensable, pendant le délai du pourvoi en cassation et son éventuel exercice, de prévoir le maintien de mesures permettant d’organiser la vie des époux ainsi que celle des enfants.
  • L’ordonnance d’ajournement
    • L’appel
      • L’ordonnance qui refuse l’homologation de la convention et entérine le cas échéant des mesures provisoires est susceptible d’appel ( 1102 CPC)
      • Le délai d’appel est de quinze jours
      • Il commence à courir à compter de la date de la décision
    • Le pourvoi
      • L’arrêt rendu par la Cour d’appel est susceptible de faire l’objet d’un pouvoir dans le délai ordinaire de 2 mois prévu par l’article 612 du Code de procédure civile

F) La délivrance de la copie exécutoire du jugement

Jusqu’au 1 er janvier 2005, l’article 862 du Code général des impôts conditionnait la délivrance de la copie exécutoire du jugement de divorce rendu sur requête conjointe à l’acquittement préalable des droits d’enregistrement.

Cette exigence, limitée au divorce gracieux, pouvait avoir pour conséquence de priver d’effet le prononcé du divorce sur le seul motif du défaut de paiement des droits fiscaux.

Aussi, la loi du 26 mai 2004 a modifié les dispositions du Code Général des Impôts et supprimé cette condition.

Le régime applicable en la matière est désormais unifié, quel que soit le cas de divorce : la délivrance des copies exécutoires des jugements de divorce par consentement mutuel est donc possible même si les formalités d’enregistrement n’ont pas été exécutées.

G) Les dépens de l’instance

L’article 1105 du Code de procédure civile prévoit que les dépens de l’instance sont partagés par moitié entre les époux.

Toutefois, leur convention peut en disposer autrement sous réserve de l’application des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’un des époux bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Cette dernière disposition prévoit que la convention de divorce ne peut mettre à la charge de la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle plus de la moitié des dépens de cette instance.

IV) Les effets du divorce

A) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

La notification des ordonnances du Juge-commissaire à l’initiative d’une partie à la procédure doit intervenir par voie de signification (Cass. com. 24 janv. 2018)

Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les modalités de notification des ordonnances du Juge-commissaire lorsque ce sont les parties à la procédure qui sont à l’initiative de cette formalité (Cass. com. 24 janv. 2018, n°16-20.197).

  • Faits
    • Le liquidateur d’une société exerce un recours à l’encontre d’une ordonnance du Juge-commissaire rendue le 18 novembre 2014.
    • Cette décision faisait droit à une action en revendication engagée par un créancier de la société placée en liquidation judiciaire.
  • Procédure
    • Saisie du litige, par un arrêt du 12 mai 2016, la Cour d’appel de Lyon déclare irrecevable le recours formé contre la décision du Juge-commissaire.
    • Les juges du fonds relèvent que tandis que le créancier avait notifié l’ordonnance au liquidateur par voie de lettre recommandée le 1er décembre 2014, celui-ci a seulement exercé son recours le 6 janvier 2015, soit au-delà du délai dix 10 jours prévu à l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce.
    • La Cour d’appel en déduit que le liquidateur était forclos pour contester la décision du Juge-commissaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon.
    • Au visa des articles R. 621-21 du code de commerce et 651 du code de procédure civile elle considère que tandis que « selon le premier de ces textes, […] les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe […] en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification».
    • La chambre commerciale en conclut que, dans ces conditions, la notification de l’ordonnance du Juge-commissaire au liquidateur effectuée à l’initiative du créancier revendiquant était irrégulière, car accomplit par voie de lettre recommandée.
    • Or il aurait fallu procéder par voie de signification, conformément à l’article 651, al. 3 du Code de procédure civile.
  • Analyse
    • Pour bien comprendre la décision de la Cour de cassation il convient de se reporter aux deux textes qui fondent sa décision.
    • S’agissant de l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce, il dispose que « les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. »
    • Il ressort de cette disposition que, en principe, c’est au greffe qu’il appartient de notifier les ordonnances rendues par le Juge-commissaire aux parties.
    • En l’espèce, il apparaît que le greffe du Tribunal de commerce saisi n’a pas accompli cette diligence, à tout le moins il a été devancé par le créancier revendiquant.
    • Celui-ci était sans doute animé par la volonté de purger, sans attendre, les voies de recours ouvertes contre l’ordonnance du Juge-commissaire qui faisait droit à sa demande.
    • En effet, l’article R. 621-21, al. 4 du Code de commerce prévoit que les ordonnances du Juge-commissaire « peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.»
    • Le liquidateur disposait donc de dix jours pour interjeter appel à compter de la notification de l’ordonnance.
    • La question qui toutefois se posait en l’espèce était de savoir si la notification de la décision du Juge-commissaire était régulière.
    • Le premier enseignement que le peut tirer de la décision de la Cour de cassation est que le greffe ne dispose pas du monopole de la notification.
    • Les parties peuvent également être à l’initiative de cette formalité.
    • Dans un arrêt du 10 mars 2015 la Cour de cassation a estimé en ce sens « qu’il résulte de l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile qu’est autorisée la notification d’un jugement par voie de signification à l’initiative d’une partie, alors même que la loi la prévoit en la forme ordinaire à la diligence du greffe»
    • La chambre commerciale ajoute que, pour être valable, la notification doit reproduire « de manière très apparente l’article R. 621-21 du code de commerce qui précise le délai du recours et ses modalités» ( com. 10 mars 2015).
    • Une question demeurait néanmoins en suspens : la notification doit-elle nécessairement prendre la forme d’une signification ou peut-elle être intervenir par voie de recommandé comme exigé pour le greffe ?
    • Bien que dans l’arrêt du 10 mars 2015 il était question de signification, la Cour de cassation ne répondait pas vraiment à cette question.
    • Aussi, l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 24 janvier 2018 met fin à l’incertitude.
    • Lorsque la notification procède de l’initiale d’une partie à la procédure, elle doit être nécessairement être accomplie par voie de signification.
    • La Cour de cassation justifie sa solution en visant l’article 651, al.3 du Code de procédure civile qui prévoit que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »
    • Cette disposition doit être combinée avec l’article 680 du même Code qui dispose que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »
    • En conclusion, deux enseignements peuvent être retirés de la présente décision
      • Premier enseignement
        • la notification des ordonnances du Juge commissaire peut être accomplie à l’initiative d’une partie à la procédure.
        • L’intérêt sera pour elle de purger les voies de recours le plus rapidement possible, voire de pallier la carence du greffe.
      • Second enseignement
        • Lorsque c’est une partie à la procédure qui notifie l’ordonnance du Juge-commissaire elle doit procéder par voie de signification
        • À défaut, le délai d’appel est réputé n’avoir pas commencé à courir

Cass. com. 24 janv. 2018
Sur le moyen relevé d’office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l’article R. 621-21, alinéas 3 et 4, du code de commerce, ensemble l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe ; que si, en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le liquidateur judiciaire de la société Indepol environnement a formé un recours contre l’ordonnance rendue par le juge-commissaire le 18 novembre 2014 ayant fait droit à la demande en revendication formée par la société Epicap ;

Attendu que pour déclarer ce recours irrecevable comme tardif, l’arrêt retient que la société Epicap a adressé au liquidateur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 1er décembre 2014 qui vise l’ordonnance et que le recours du liquidateur a été formé au-delà du délai de dix jours prévu à l’article R. 621-21, alinéa 3, du code de commerce pour avoir été formé le 6 janvier 2015 ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Riom ;

TEXTES

Code de procédure civile

Article 651

Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite.

La notification faite par acte d’huissier de justice est une signification.

La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme.

Article 680

L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie.

Code de commerce

Article R. 621-21

Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l’exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête ou par déclaration au greffe de la juridiction, sauf s’il en est disposé autrement.

Si le juge-commissaire n’a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d’une partie ou du ministère public.

Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public.

Ces ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.

Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l’ordonnance.

L’examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés.

De la distinction entre le jugement contradictoire, le jugement réputé contradictoire et le jugement par défaut

Un jugement est susceptible d’endosser trois qualifications différentes. Aussi, distingue-t-on :

  • Le jugement contradictoire
  • Le jugement réputé contradictoire
  • Le jugement par défaut

I) Intérêt de la distinction

==> Jugement contradictoire et Jugement réputé contradictoire

  • Voies de recours
    • Voies de recours ordinaires pour les deux sorties de jugement
  • Signification
    • Signification ordinaire pour le jugement contradictoire
    • Signification dans les six mois pour le jugement réputé contradictoire

==> Jugement contradictoire et jugement par défaut

  • Voies de recours
    • Voies de recours ordinaires pour le jugement contradictoire
    • Opposition pour le jugement par défaut
      • Faculté pour le président de la juridiction saisie de relever le défendeur de la forclusion
  • Signification
    • Signification ordinaire pour le jugement contradictoire
    • Signification dans les six mois pour le jugement par défaut

==> Jugement réputé contradictoire et jugement par défaut

  • Voies de recours
    • Voies de recours ordinaires ouvertes pour le jugement contradictoire
    • Opposition pour le jugement par défaut
      • Faculté pour le président de la juridiction saisie de relever le défendeur de la forclusion
  • Signification
    • Signification dans les six mois pour le jugement par défaut
    • Signification ordinaire uniquement si la citation a été délivrée à personne

II) Exposé de la distinction

==> Le jugement contradictoire

  • Principe
    • Aux termes de l’article 467 du Code de procédure civile « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée.»
    • Ainsi, le jugement est contradictoire dès lors que chacun des plaideurs a eu connaissance du procès, à tout le moins a été en mesure de présenter ses arguments.
  • Tempérament
    • La nature contradictoire de la décision ne se limite pas à la comparution des parties
    • Il existe deux cas où bien qu’une partie ne comparaisse pas, la décision sera malgré tout rendue contradictoirement
      • Le demandeur a pris l’initiative de l’instance
        • Dans cette hypothèse, s’il ne comparaît pas ou ne sollicite pas un renvoi, le défendeur peut demander à ce qu’un jugement soit rendu sur le fond
        • Ce jugement sera alors qualifié de contradictoire.
        • Le magistrat pourra néanmoins, soit renvoyer l’affaire, soit prononcer la caducité de la citation
      • L’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de procédure après avoir comparu
        • Dans cette hypothèse, le juge statuera en s’appuyant sur les seules pièces qui lui ont été communiquées
        • Le jugement sera qualifié de contradictoire.
        • Si les deux parties n’accomplissent pas les actes de procédure nécessaire, le juge peut radier l’affaire du rôle

==> Le jugement par défaut

  • Principe
    • L’absence de comparution du défendeur ne doit pas faire obstacle au cours de la justice. Aussi, l’article 468 du Code de procédure autorise-t-il le juge à statuer lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :
      • Le défendeur ne doit pas avoir comparu personnellement ou ne doit pas être représenté
      • L’assignation ne doit pas avoir été délivrée à personne
      • L’appel n’est pas ouvert contre l’acte introductif d’instance
    • La rigueur de ces conditions, s’explique par la volonté du législateur de restreindre les jugements rendus par défaut.
  • Pluralité de défendeurs
    • En cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet lorsque la décision n’est pas susceptible d’appel et que l’une au moins des parties qui n’a pas comparu n’a pas été citée à personne, le jugement est rendu par défaut.
  • Tempérament
    • Le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne.
    • La citation est, sauf application des règles particulières à certaines juridictions, réitérée selon les formes de la première citation.
    • Le juge peut cependant ordonner qu’elle soit faite par acte d’huissier de justice (assignation) lorsque la première citation avait été faite par le greffier de la juridiction (notification)
    • La nouvelle citation doit faire mention, selon le cas, des dispositions des articles 472 et 473 ou de celles de l’article 474 (alinéa 2).
    • Le juge peut aussi informer l’intéressé, par lettre simple, des conséquences de son abstention.
  • Contenu de la décision
    • Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
    • Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
  • Voies de recours
    • Le jugement rendu par défaut ne ferme la voie pour le défendeur
    • L’article 476 du Code de procédure civile prévoit ainsi que le jugement rendu par défaut peut être frappé d’opposition, sauf dans le cas où cette voie de recours est écartée par une disposition expresse.
  • Signification
    • Le jugement rendu par défaut est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.
    • La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.

==> Le jugement réputé contradictoire

  • Principe
    • La décision est réputée contradictoire lorsque
      • Le défendeur n’a pas comparu
        • ET
      • La décision qui sera prononcée est susceptible d’appel
        • OU
      • La citation a été délivrée à personne
  • Pluralité de défendeurs
    • En cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque l’un au moins d’entre eux ne comparaît pas, le jugement est réputé contradictoire à l’égard de tous si la décision est susceptible d’appel ou si ceux qui ne comparaissent pas ont été cités à personne.
  • Tempérament
    • Le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne.
    • La citation est, sauf application des règles particulières à certaines juridictions, réitérée selon les formes de la première citation.
    • Le juge peut cependant ordonner qu’elle soit faite par acte d’huissier de justice (assignation) lorsque la première citation avait été faite par le greffier de la juridiction (notification)
    • La nouvelle citation doit faire mention, selon le cas, des dispositions des articles 472 et 473 ou de celles de l’article 474 (alinéa 2).
    • Le juge peut aussi informer l’intéressé, par lettre simple, des conséquences de son abstention.
  • Contenu de la décision
    • Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond.
    • Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
  • Signification
    • La citation a été délivrée à personne
      • La décision doit être notifiée selon les modalités ordinaires de la signification
    • La citation n’a pas été délivrée à personne
      • Le jugement réputé contradictoire est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date.
      • La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive.
  • Voies de recours
    • Le jugement réputé contradictoire ne peut être frappé de recours que par les voies ouvertes contre les jugements contradictoires.

De l’irrecevabilité de la tierce opposition formée par le Commissaire à l’exécution du plan à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan (Cass. Com. 29 nov. 2017)

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation précise le régime juridique des voies de recours ouvertes à l’encontre du jugement statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

==> Faits

Une société est placée en redressement judiciaire par jugement du 18 novembre 2002.

Alors que le 6 septembre 2004 elle avait bénéficié de l’arrêt d’un plan, elle est assignée en redressement judiciaire par l’URSSAF

==> Demande

Le commissaire à l’exécution du plan forme une tierce opposition au jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

==> Procédure

Par un arrêt du 31 mars 2016, la Cour d’appel de Pau déclare la tierce opposition formée par le commissaire à l’exécution du plan.

Les juges du fond constatent que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance.

Ils en déduisent que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable.

==> Solution

Par un arrêt du 29 novembre 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.

Elle justifie sa décision en relevant :

  • d’une part, que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan.
  • d’autre part, que toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci.

Fort de ce constat, la chambre commerciale en conclut que le commissaire à l’exécution était bien irrecevable à en former tierce opposition.

==> Analyse

Pour mémoire, l’article L. 626-27, I du Code de commerce prévoit que la résolution du plan peut intervenir dans deux hypothèses :

  • Soit en cas d’inexécution des engagements pris par le débiteur
    • Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.
  • Soit en cas de survenance d’un état de cessation des paiements
    • Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Tandis que la première cause de résolution du plan est facultative, en ce sens que le juge n’est pas tenu par le constat de l’inexécution des engagements du débiteur, la cessation des paiements entraîne, à l’inverse, de plein droit, la résolution du plan.

Le litige soumis à la Cour de cassation en l’espèce portait sur cette seconde cause de résolution du plan.

Plus précisément, la question se posait de savoir si le Commissaire à l’exécution du plan était recevable à former tierce opposition au jugement prononçant la résolution.

Plusieurs règles sont applicables au prononcé de ce jugement :

  • Contenu du jugement
    • Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du troisième alinéa du I de l’article L. 626-27, il ouvre, dans le même jugement, une procédure, selon le cas, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire du débiteur.
  • Notification du jugement
    • Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcé aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l’exception du ministère public.
    • Il est communiqué aux personnes mentionnées à l’article R. 621-7, soit
      • Aux mandataires de justice désignés ;
      • Au procureur de la République ;
      • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.
  • Publicité
    • Le jugement qui décide la résolution du plan fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 621-8.
    • Le greffier doit ainsi informer la personne chargée de réaliser l’inventaire de sa désignation par tout moyen.
  • Voies de recours
    • Initialement, les dispositions de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises relatives aux voies de recours en matière de sauvegarde ne visaient pas expressément le jugement prononçant la résolution du plan.
    • Toutefois, dans la mesure où la résolution du plan impliquait nécessairement l’ouverture d’une procédure collective, il suffisait de transposer au jugement de résolution, le régime des voies de recours applicable au jugement d’ouverture.
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté est venue combler ce vide en introduisant un 8° à l’article L. 661-1, dans le Code de commerce.
    • Cette disposition dispose que « sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation […] les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public. »
    • L’article L. 661-1, 8° désigne comme personnes ayant qualité à agir notamment
      • Le débiteur
      • Le Commissaire à l’exécution du plan
      • Le Comité d’entreprise
      • À défaut de CE, les représentants du personnel
      • Le créancier poursuivant
      • Le ministère civil
    • Ainsi, contrairement à ce qui avait été décidé par la Cour d’appel de Pau, le Commissaire à l’exécution du plan avait bien qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan.
    • Quant à la tierce opposition, conformément à l’article L. 661-3 du Code de commerce, elle est seulement ouverte en cas de décision arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan.
    • À l’inverse, l’alinéa 3 de cette disposition précise qu’il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.
    • En l’espèce, le Commissaire au plan ayant qualité à agir pour interjeter appel du jugement statuant sur la résolution du plan, la voie de la tierce opposition lui était en toute hypothèse fermée.
    • La solution adoptée par la Cour de cassation doit, en conséquence, être approuvée.

Cass. com. 29 nov. 2017
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 626-27, L. 661-1, 8° et L. 661-3, alinéa 2 , du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que l’ouverture d’une procédure collective pendant l’exécution d’un plan de sauvegarde ou de redressement emporte la résolution du plan ; qu’en application du deuxième, toute décision prononçant la résolution du plan est susceptible d’appel de la part du commissaire à l’exécution de celui-ci ; que le commissaire à l’exécution est irrecevable à en former tierce opposition ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Eléments, mise en redressement judiciaire le 18 novembre 2002, a bénéficié d’un plan arrêté le 6 septembre 2004, M. X... étant désigné commissaire à l’exécution du plan, ultérieurement remplacé par la société Y... (le commissaire à l’exécution du plan) ; que le tribunal, sur assignation de l’URSSAF Midi-Pyrénées, a ouvert le redressement judiciaire de la société Eléments ; que le commissaire à l’exécution du plan a formé tierce-opposition à ce jugement ;

Attendu que, pour déclarer la tierce opposition du commissaire à l’exécution du plan recevable, l’arrêt relève que le redressement judiciaire a été ouvert sur assignation de l’URSSAF, pour défaut de paiement de créances nées postérieurement à l’adoption du plan, sans référence à l’existence de celui-ci et sans que le commissaire à son exécution n’ait été appelé à l’instance, et en déduit que ce dernier, qui représente l’intérêt collectif des créanciers appelés au plan, est un tiers au jugement d’ouverture et que la voie de l’appel lui étant fermée, sa tierce opposition est recevable ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; Et vu l’article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré à la partie en demande ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 31 mars 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ;

TEXTES

Code de commerce

Article L. 626-27

I ? En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l’exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité. Lorsque le commissaire à l’exécution du plan a cessé ses fonctions, tout intéressé peut demander au tribunal la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de procéder à ce recouvrement.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n’exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l’exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

II ? Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public.

III. ? Après résolution du plan et ouverture d’une nouvelle procédure par le même jugement ou par une décision ultérieure constatant que cette résolution a provoqué l’état de cessation des paiements, les créanciers soumis à ce plan ou admis au passif de la première procédure sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. Bénéficient également de la dispense de déclaration, les créances portées à la connaissance de l’une des personnes mentionnées au IV de l’article L. 622-17 dans les conditions prévues par ce texte.

Article L. 661-1

I.-Sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation :

1° Les décisions statuant sur l’ouverture des procédures de sauvegarde ou de redressement judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public ;

2° Les décisions statuant sur l’ouverture de la liquidation judiciaire de la part du débiteur, du créancier poursuivant, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

3° Les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public ;

4° Les décisions statuant sur la conversion de la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du ministère public ;

5° Les décisions statuant sur le prononcé de la liquidation judiciaire au cours d’une période d’observation de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public ;

6° Les décisions statuant sur l’arrêté du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

6° bis Les décisions statuant sur la désignation d’un mandataire prévue au 1° de l’article L. 631-19-2 et sur la cession de tout ou partie de la participation détenue dans le capital prévue au 2° du même article, de la part du débiteur, de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ou, à défaut, du représentant des salariés mentionné à l’article L. 621-4, des associés ou actionnaires parties à la cession ou qui ont refusé la modification du capital prévue par le projet de plan et des cessionnaires ainsi que du ministère public ;

7° Les décisions statuant sur la modification du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et du ministère public, ainsi que de la part du créancier ayant formé une contestation en application de l’article L. 626-34-1 ;

8° Les décisions statuant sur la résolution du plan de sauvegarde ou du plan de redressement de la part du débiteur, du commissaire à l’exécution du plan, du comité d’entreprise ou, à défaut des délégués du personnel, du créancier poursuivant et du ministère public.

II.-L’appel du ministère public est suspensif, à l’exception de celui portant sur les décisions statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

III.-En l’absence de comité d’entreprise ou de délégué du personnel, le représentant des salariés exerce les voies de recours ouvertes à ces institutions par le présent article.

Article L. 661-3

Les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement ou rejetant la résolution de ce plan sont susceptibles de tierce opposition.

Le jugement statuant sur la tierce opposition est susceptible d’appel et de pourvoi en cassation de la part du tiers opposant.

Il ne peut être exercé de tierce opposition contre les décisions rejetant l’arrêté ou la modification du plan de sauvegarde ou de redressement ou prononçant la résolution de ce plan.

Le déroulement de la procédure de conciliation

I) La saisine du Président du Tribunal

A) L’initiative de la saisine

L’article L. 611-6 du Code de commerce prévoit que le Président du Tribunal est saisi par une requête du débiteur.

Ainsi la procédure de conciliation est à l’initiative exclusive du chef d’entreprise. Elle ne saurait être ouverte sur la demande des créanciers ou encore du ministère public, comme c’était le cas pour l’ancienne procédure de règlement amiable.

Le Président du Tribunal ne peut pas plus se saisir d’office, conformément à la décision rendue par le Conseil constitutionnel en date du 7 décembre 2012.

Décision n° 2012-286 QPC du 7 décembre 2012

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 631-5 du code de commerce : « Lorsqu'il n'y a pas de procédure de conciliation en cours, le tribunal peut également se saisir d'office ou être saisi sur requête du ministère public aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire » ;
« Sous cette même réserve, la procédure peut aussi être ouverte sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d'un an à compter de :
« 1° La radiation du registre du commerce et des sociétés. S'il s'agit d'une personne morale, le délai court à compter de la radiation consécutive à la publication de la clôture des opérations de liquidation ;
« 2° La cessation de l'activité, s'il s'agit d'une personne exerçant une activité artisanale, d'un agriculteur ou d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;
« 3° La publication de l'achèvement de la liquidation, s'il s'agit d'une personne morale non soumise à l'immatriculation.
« En outre, la procédure ne peut être ouverte à l'égard d'un débiteur exerçant une activité agricole qui n'est pas constitué sous la forme d'une société commerciale que si le président du tribunal de grande instance a été saisi, préalablement à l'assignation, d'une demande tendant à la désignation d'un conciliateur présentée en application de l'article L. 351-2 du code rural et de la pêche maritime » ;

2. Considérant que, selon les sociétés requérantes, en permettant à la juridiction commerciale de se saisir d'office pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, ces dispositions méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

3. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité porte sur les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que le principe d'impartialité est indissociable de l'exercice de fonctions juridictionnelles ; qu'il en résulte qu'en principe une juridiction ne saurait disposer de la faculté d'introduire spontanément une instance au terme de laquelle elle prononce une décision revêtue de l'autorité de chose jugée ; que, si la Constitution ne confère pas à cette interdiction un caractère général et absolu, la saisine d'office d'une juridiction ne peut trouver de justification, lorsque la procédure n'a pas pour objet le prononcé de sanctions ayant le caractère d'une punition, qu'à la condition qu'elle soit fondée sur un motif d'intérêt général et que soient instituées par la loi des garanties propres à assurer le respect du principe d'impartialité ;

5. Considérant que la procédure de redressement judiciaire est ouverte à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu'à toute personne morale de droit privé, qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements ; que cette procédure est destinée à permettre la poursuite de l'activité du débiteur, le maintien de l'emploi dans l'entreprise et l'apurement du passif ;

6. Considérant que les dispositions contestées confient au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, à l'exception du cas où, en application des articles L. 611-4 et suivants du code de commerce, une procédure de conciliation entre le débiteur et ses créanciers est en cours ; que ces dispositions permettent que, lorsque les conditions de son ouverture paraissent réunies, une procédure de redressement judiciaire ne soit pas retardée afin d'éviter l'aggravation irrémédiable de la situation de l'entreprise ; que, par suite, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général ;

7. Considérant, toutefois, que ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office, le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ; que, par suite, les dispositions contestées confiant au tribunal la faculté de se saisir d'office aux fins d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire méconnaissent les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ; que, dès lors, les mots « se saisir d'office ou » figurant au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce doivent être déclarés contraires à la Constitution ;

8. Considérant que cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de la publication de la présente décision ; qu'elle est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à cette date,


D É C I D E :

Article 1er.- Au premier alinéa de l'article L. 631-5 du code de commerce, les mots : « se saisir d'office ou » sont contraires à la Constitution.

Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article 1er prend effet à compter de la publication de la présente décision dans les conditions fixées par son considérant 8.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

B) L’opportunité de la saisine

Si la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation a été envisagée par le législateur comme le monopole du débiteur, la question se pose de savoir si, dans l’hypothèse où les critères posés aux articles L. 611-4 et L. 611-5 du code de commerce sont remplis, il lui appartient d’apprécier l’opportunité de saisir le Président du Tribunal.

En matière de redressement ou de liquidation judiciaire, dès lors que le débiteur constate la cessation des paiements, il a l’obligation de saisir la juridiction compétente.

En va-t-il de même en matière de procédure de conciliation ?

Deux situations doivent être distinguées

  • Première situation : le débiteur est en cessation des paiements
    • Dans cette hypothèse, conformément aux articles L. 611-4, 631-1 et L. 640-1 du Code de commerce, dès lors que le débiteur se trouve en état de cessation des paiements, obligation lui est faite de saisir la juridiction compétente dans un délai de quarante-cinq jours.
    • À défaut, il s’expose à la sanction prévue à l’article L. 653-8 du Code de commerce, soit à une « interdiction de diriger, gérer administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci. »
  • Seconde situation : le débiteur n’est pas cessation des paiements
    • Dans cette hypothèse, aucune obligation n’impose au débiteur de saisir le Président du Tribunal compétent aux fins d’ouvrir une procédure de conciliation.
    • Il s’agit là d’une procédure qui repose sur une démarche purement volontaire du chef d’entreprise.
    • C’est à lui qu’il appartient d’apprécier l’opportunité de prendre des mesures visant à traiter les difficultés que rencontre son entreprise.
    • L’article R. 611-37 du Code de commerce prévoit en ce sens que « lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation ».

C) La forme de la saisine

Pour être efficace, la saisine du Président du Tribunal doit respecter certaines formes fixées par les textes.

  • Une requête
    • L’article L. 611-6 du Code de commerce prévoit que le Président de la juridiction compétente est saisi sur requête
  • Le contenu de la requête
    • Aux termes de l’article L. 611-6 du Code de commerce, dans sa requête le débiteur doit exposer :
      • Sa situation économique, financière, sociale et patrimoniale
      • Ses besoins de financement ainsi que le cas échéant, les moyens d’y faire face
    • Le débiteur doit, en somme, convaincre le Président du Tribunal que la mise en place d’une procédure de conciliation lui permettra de surmonter les difficultés rencontrées par son entreprise.
    • Il devra être d’autant plus convaincant quant aux chances de succès de la mesure sollicitée s’il est en cessation des paiements.
    • Le Président du Tribunal ne voudra pas prendre le risque que la situation du débiteur s’aggrave et que, par voie de conséquence, celui porte atteinte aux intérêts des créanciers.
  • Les pièces qui accompagnent la requête
    • L’article R. 611-22 du Code de commerce prévoit que la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation adressée ou remise au président du tribunal en application de l’article L. 611-6 est accompagnée des pièces suivantes :
      • Un extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification
      • L’état des créances et des dettes accompagné d’un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers
      • L’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan
      • Les comptes annuels, le tableau de financement ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploitation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis
      • Une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédant la date de la demande
      • Une déclaration indiquant, le cas échéant, la prise en charge par un tiers des frais de la procédure demandée.
      • Le cas échéant, la requête précise la date de cessation des paiements.
      • Lorsque le débiteur exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, elle précise l’ordre professionnel ou l’autorité dont il relève.
      • Lorsque le débiteur propose un conciliateur à la désignation du président du tribunal, il précise son identité et son adresse.

D) La juridiction compétente

==> Sur la compétence d’attribution

Il ressort des articles L. 611-4 et L. 611-5 du Code de commerce que :

  • Le Tribunal de commerce est compétent lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale
  • Le Tribunal de grande instance est compétent dans tous les autres cas où le débiteur est éligible à la procédure de conciliation

==> Sur la compétence territoriale

  • Principe
    • Aux termes de l’article R. 600-1 du Code de commerce le tribunal territorialement compétent pour connaître des procédures prévues par le livre VI est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l’adresse de son entreprise ou de son activité.
  • Cas particuliers
    • Pour les entreprises de droit étranger
      • À défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France.
    • En cas de changement du siège social
      • En cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent.
      • Ce délai court à compter de l’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés du siège initial.

 ==> Sur la compétence des Tribunaux de commerce spécialisés

  • Compétence d’attribution des Tribunaux spécialisés
    • Innovation de la loi Macron du 6 août 2015, l’article L. 721-8 du Code de commerce prévoit que des tribunaux de commerce spécialement désignés connaissent de la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI :
      • En premier lieu, lorsque le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale de la procédure de conciliation prévue au titre Ier du livre VI
      • En second lieu, lorsque le débiteur est :
        • Soit une entreprise dont le nombre de salariés est égal ou supérieur à 250 et dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 20 millions d’euros
        • Soit une entreprise dont le montant net du chiffre d’affaires est d’au moins 40 millions d’euros
        • Soit une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles 233-1 et L. 233-3, dès lors que le nombre de salariés de l’ensemble des sociétés concernées est égal ou supérieur à 250 et que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 20 millions d’euros
        • Soit une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, dès lors que le montant net du chiffre d’affaires de l’ensemble de ces sociétés est d’au moins 40 millions d’euros
  • Compétence territoriale des Tribunaux spécialisées
    • Le Tribunal de commerce spécialisé territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se situe la société qui détient ou contrôle une autre société au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3.
    • S’agissant des entreprises de droit étranger, est compétent le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel l’entreprise a des intérêts ou un juge délégué par lui siège de droit au sein du tribunal de commerce spécialisé compétent.
  • Saisine des Tribunaux spécialisés
    • Plusieurs personnes sont habilitées à saisir un Tribunal de commerce spécialisé dans le cadre d’une procédure de conciliation.
    • Ces personnes sont désignées à l’article R. 611-23-1 du Code de commerce
      • Le débiteur (Art. R. 611-23-1, I)
        • Lorsque les conditions prévues au 4° de l’article L. 721-8 sont réunies, le débiteur adresse ou remet directement au président du tribunal de commerce spécialisé compétent sa requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation.
      • Le président du Tribunal de commerce initialement saisi (Art. R. 611-23-1, II)
        • Lorsqu’un président de tribunal de commerce saisi estime que l’examen de la requête aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation relève de la compétence d’un tribunal de commerce spécialisé, il peut décider d’office du renvoi de la requête devant ce tribunal.
        • Il statue par ordonnance motivée après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli l’avis du ministère public.
        • Le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l’ordonnance de renvoi.
        • Ces dispositions s’appliquent également en cours de procédure au renvoi au tribunal de commerce spécialisé décidé d’office par le président du tribunal de commerce saisi.
      • Le ministère public (Art. R. 611-23-1, III)
        • Le renvoi devant le tribunal de commerce spécialisé compétent peut également être demandé par requête motivée du ministère public près le tribunal de commerce saisi.
        • Le greffier du tribunal de commerce saisi notifie la requête aux parties sans délai.
        • Le président du tribunal statue sur la demande de renvoi par ordonnance motivée après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur et recueilli l’avis du ministère public. S’il est fait droit à la demande de renvoi, le greffier du tribunal de commerce saisi transmet aussitôt le dossier au président du tribunal de commerce spécialisé désigné, avec une copie de l’ordonnance de renvoi.
  • Liste des différents Tribunaux de commerce spécialisés
    • Cette liste a été fixée par le décret n° 2016-217 du 26 février 2016.

Siège et ressort des tribunaux de commerce spécialisés

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II) L’information du Président du Tribunal

==> La limitation des pouvoirs d’investigation du Président du Tribunal

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, l’article L. 611-6, al. 2 du Code de commerce prévoyait que « outre les pouvoirs qui lui sont attribués par le second alinéa du I de l’article L. 611-2, le président du tribunal peut charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, sociale et financière du débiteur et, nonobstant toute disposition législative et réglementaire contraire, obtenir des établissements bancaires ou financiers tout renseignement de nature à donner une exacte information sur la situation économique et financière de celui-ci. »

Cet alinéa a été supprimé par le législateur en 2008. La conséquence en est que les prérogatives du Président du tribunal sont dorénavant limitées s’agissant de ses pouvoirs d’investigation.

Plus précisément, cette limitation tient à l’impossibilité pour le Président de la juridiction saisie d’exercer ses pouvoirs d’investigation en amont de la procédure de conciliation, soit avant son ouverture.

Cette possibilité lui avait été antérieurement offerte par le législateur afin de lui permettre d’apprécier de l’opportunité d’ouvrir la procédure de conciliation.

Désormais, il ne dispose plus de cette faculté. Il ne peut exercer ses pouvoirs d’investigation que postérieurement à l’ouverture de la procédure.

==> Le contenu des pouvoirs du Président du Tribunal en matière d’investigation

L’article L. 611-6 du Code de commerce confère deux prérogatives au Président du Tribunal de compétent en matière d’investigation :

  • Première prérogative
    • Il peut obtenir communication de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur et ses perspectives de règlement, notamment par les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les notaires, les membres et représentants du personnel, les administrations et organismes publics, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales, les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement.
  • Seconde prérogative
    • Il peut charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, financière, sociale et patrimoniale du débiteur.

III) La décision du Président du Tribunal

Lorsque le Président du Tribunal compétent est saisi aux fins d’ouverture d’une procédure de conciliation il dispose de deux options :

  • Soit il rejette la demande du débiteur en estimant que les difficultés qu’il soulève au soutien de sa requête ne justifient pas l’ouverture d’une procédure de conciliation
  • Soit, au contraire, il accède à la demande du débiteur, considérant que les difficultés rencontrées par l’entreprise doivent être traitées faute de quoi il est un risque qu’elles ne s’aggravent.

En toute hypothèse, conformément aux articles R. 611-23 et R. 611-25 du Code de commerce, le Président du Tribunal devra :

  • D’une part, dès réception de la demande, le président du tribunal devra faire convoquer, par le greffier, le représentant légal de la personne morale débitrice ou le débiteur personne physique pour recueillir ses explications.
  • D’autre part, notifier l’ordonnance statuant sur la demande au requérant.

A) Le président du Tribunal rejette la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation

L’article R. 611-26 du Code de commerce prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la demande de désignation d’un conciliateur ou de prorogation de la mission de celui-ci, appel peut être interjeté par le débiteur ».

Ainsi, ce dernier n’est pas démuni de voie de recours. La procédure d’appel est encadrée par plusieurs règles qu’il convient d’exposer :

  • Forme de l’appel
    • L’appel est interjeté par une déclaration faite ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe du tribunal.
  • Représentation
    • Il peut être observé que le débiteur est dispensé du ministère de l’avocat.
  • Réaction du Président du tribunal
    • Le président du tribunal peut, dans un délai de cinq jours à compter de la déclaration d’appel, modifier ou rétracter sa décision.
      • En cas de modification ou de rétractation, le greffier notifie la décision au débiteur.
      • Dans le cas contraire, le greffier du tribunal transmet sans délai au greffe de la cour le dossier de l’affaire avec la déclaration d’appel et une copie de la décision. Il avise le débiteur de cette transmission.
  • Procédure gracieuse
    • L’appel est instruit et jugé selon les règles applicables en matière gracieuse devant le tribunal de grande instance.

B) Le Président du Tribunal fait droit à la demande d’ouverture d’une procédure de conciliation

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que, conformément à l’article R. 611-25 du Code de commerce, lorsque le Président du Tribunal fait droit à la demande du débiteur, un certain nombre de formalités doivent être accomplies s’agissant de la notification de sa décision :

  • L’ordonnance statuant sur la demande est notifiée par le greffier au requérant.
    • En cas de désignation d’un conciliateur, la notification reproduit les dispositions des articles R. 611-27 et 611-28.
  • La décision ouvrant la procédure de conciliation est communiquée sans délai par le greffier au ministère public et, le cas échéant, à l’ordre professionnel ou à l’autorité dont relève le débiteur.
  • Elle est notifiée au conciliateur.
    • La lettre de notification reproduit les dispositions de l’article L. 611-13 et des articles R. 611-27 et 611-28.

S’agissant de la décision du Président de la juridiction saisie en elle-même, elle doit :

  • D’une part, fixer la durée de la procédure de conciliation
  • D’autre part, désigner un conciliateur
  1. La désignation d’un conciliateur

==> Le choix du conciliateur

  • Principe : une prérogative du Président de la juridiction saisie
    • Conformément à l’article L. 611-6, al. 2 du Code de commerce la désignation d’un conciliateur relève de la compétence du Président de la juridiction saisie.
    • L’article L. 611-6, al. 1er précise que le débiteur peut proposer le nom d’un conciliateur.
    • Toutefois, le Président du Tribunal n’est nullement tenu lié par la proposition du débiteur.
  • Limite : la récusation du conciliateur
    • L’initiative de la récusation
      • Le débiteur
        • L’article L. 611-6, al. 4 du Code de commerce prévoit que le débiteur peut récuser le conciliateur
        • Pour ce faire il devra prouver, conformément à l’article R. 611-28 du Code de commerce qu’il répond à l’une des situations suivantes :
          • Soit, il a directement ou indirectement un intérêt personnel à la procédure
          • Soit, il existe un lien direct ou indirect, quelle qu’en soit la nature, entre le conciliateur et l’un des créanciers ou l’un des dirigeants ou préposés de celui-ci
          • Soit, il existe une cause de défiance entre le conciliateur et le débiteur
          • Soit, il est dans l’une des situations d’incompatibilité visées à l’article L. 611-13
          • Soit, il a été définitivement radié ou destitué d’une profession réglementée.
      • Le conciliateur
        • L’article R. 611-34-1 prévoit que le conciliateur fait connaître sans délai au président du tribunal tout élément qui pourrait constituer un motif de récusation ainsi que tout autre motif qui pourrait justifier qu’il soit mis fin à sa mission, dont il n’avait pas connaissance au moment de l’acceptation de sa mission.
        • La procédure de récusation peut ainsi être engagée à l’initiative du conciliateur.
        • La décision demeure appartenir au Président de la juridiction saisie
        • La procédure de récusation
          • La forme de la demande de récusation
            • L’article R. 611-28 du Code de commerce prévoit qu
              • D’une part, la demande de récusation est formée dans les quinze jours de la notification de la décision désignant le conciliateur, par acte remis au greffe ou par une déclaration consignée par le greffier dans un procès-verbal.
              • D’autre part, elle est motivée et, le cas échéant, accompagnée des pièces propres à la justifier.
              • Enfin, elle suspend la procédure jusqu’à ce qu’une décision définitive statue sur la récusation.
          • La notification de la récusation
            • L’article R. 611-29 du Code de commerce prévoit que
              • Première étape: le greffier notifie la demande de récusation au conciliateur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La lettre de notification reproduit les deuxième et troisième alinéas du présent article
              • Deuxième étape: dès réception de la notification de la demande, le conciliateur s’abstient jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la récusation
              • Troisième étape: dans les huit jours de cette réception, il fait connaître par écrit au président du tribunal soit son acquiescement à la récusation, soit les motifs pour lesquels il s’y oppose.
              • Quatrième étape : si la récusation est admise, il est procédé au remplacement du conciliateur sans délai (art. R. 611-32 C.com/.)
          • Voies de recours
            • D’abord, l’article R. 611-33 du Code de commerce prévoit que :
              • la décision qui rejette la demande de récusation peut être frappée de recours par le débiteur devant le premier président de la cour d’appel dans un délai de dix jours à compter de la notification
              • Le recours est formé par la remise ou l’envoi au greffe de la cour d’appel d’une note en exposant les motifs.
            • Ensuite, l’article R. 611-34 ajoute que
              • Le greffier de la cour d’appel convoque le débiteur et le conciliateur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception adressée quinze jours au moins à l’avance.
              • La note mentionnée au second alinéa de l’article R. 611-33 est jointe à la convocation adressée au conciliateur.
              • Le premier président ou son délégué les entend contradictoirement.
              • La décision est notifiée par le greffier au débiteur. Le conciliateur en est avisé.
  • Les incompatibilités
    • L’article L. 611-13 du Code de commerce prévoit un certain nombre d’incompatibilités entre la fonction de conciliateur et l’exercice e certaines activités.
    • Plus précisément, le pouvoir de désignation du Président du tribunal de commerce est enfermé dans deux limites :
      • Première limite
        • Les missions du conciliateur ne peuvent être exercées par une personne ayant, au cours des vingt-quatre mois précédents, perçu, à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rémunération ou un paiement
          • de la part du débiteur intéressé,
          • de tout créancier du débiteur ou d’une personne qui en détient le contrôle ou est contrôlée par lui au sens de l’article L. 233-16, sauf s’il s’agit
            • d’une rémunération perçue au titre d’un mandat ad hoc
            • d’un mandat de justice confié dans le cadre d’une procédure de règlement amiable
            • d’une procédure de conciliation à l’égard du même débiteur ou du même créancier ou de la rémunération perçue au titre d’un mandat de justice, autre que celui de commissaire à l’exécution du plan, confié dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire.
          • L’existence d’une rémunération ou d’un paiement perçus de la part d’un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée est appréciée en considération de tous les patrimoines dont ce dernier est titulaire.
          • La personne ainsi désignée doit attester sur l’honneur, lors de l’acceptation de son mandat, qu’elle se conforme à ces interdictions.
      • Seconde limite
        • Les missions de conciliateur ne peuvent être confiées à un juge consulaire en fonction ou ayant quitté ses fonctions depuis moins de cinq ans.

==> La mission du conciliateur

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que le conciliateur est investi d’une mission principale, assortie de missions complémentaires

  • La mission principale du conciliateur
    • Le conciliateur a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise.
  • Les missions complémentaires du conciliateur
    • La formulation de propositions
      • Le conciliateur peut présenter toute proposition se rapportant à la sauvegarde de l’entreprise, à la poursuite de l’activité économique et au maintien de l’emploi.
    • L’organisation de la cession totale ou partielle de l’entreprise (Prepack-cession)
      • Le conciliateur peut également être chargé, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourrait être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire.
      • L’article R. 611-26-2 du Code de commerce précise que pour l’exercice de cette mission, la demande formulée par le débiteur doit être accompagnée de plusieurs éléments :
        • La demande d’avis adressée aux créanciers participants, qui reproduit les dispositions du premier alinéa de l’article L. 611-7 et du I de l’article L. 642-2 et sur laquelle chaque créancier a mentionné son avis ou, à défaut, un document justificatif de la demande d’avis
        • L’accord du conciliateur pour prendre en charge la mission
        • L’accord du débiteur sur les conditions de rémunération dues au titre de cette mission.
      • L’ordonnance par laquelle le président fait droit à la demande et détermine ou modifie la mission du conciliateur fixe :
        • Les conditions de rémunération de cette mission complémentaire.
        • Elle est notifiée par le greffier au requérant et au conciliateur.

Conformément à l’article L. 611-7 du Code de commerce, le conciliateur peut, pour exercer ces différentes missions, obtenir du débiteur tout renseignement utile.

Le président du tribunal communique au conciliateur les renseignements dont il dispose et, le cas échéant, les résultats de l’expertise mentionnée au cinquième alinéa de l’article L. 611-6.

==> Le suivi de la mission du conciliateur par le Président du Tribunal

  • Dans le cadre de l’exercice de la mission
    • Le conciliateur rend compte au président du tribunal de l’état d’avancement de sa mission et formule toutes observations utiles sur les diligences du débiteur.
  • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord
    • le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.

==> La rémunération du conciliateur

Aux termes de l’article L. 611-14 du Code de commerce « après avoir recueilli l’accord du débiteur et, en cas de recours à la conciliation et au mandat à l’exécution de l’accord, l’avis du ministère public dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, le président du tribunal fixe, au moment de leur désignation, les conditions de la rémunération du mandataire ad hoc, du conciliateur, du mandataire à l’exécution de l’accord et, le cas échéant, de l’expert, en fonction des diligences qu’implique l’accomplissement de leur mission. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • L’exigence d’accord du débiteur
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce subordonne la fixation de la rémunération du conciliateur à l’accord du débiteur
    • L’article R. 611-48 du Code de commerce précise que
      • D’une part, l’accord du débiteur sur les conditions de rémunération du conciliateur est consigné par écrit préalablement à leur désignation.
      • D’autre part, que cet accord est annexé à l’ordonnance de désignation.
  • L’exigence d’accord du ministère public
    • l’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la fixation de la rémunération du conciliateur est subordonnée à l’obtention de l’accord du ministère public.
    • L’article R. 611-47-1 du Code de commerce précise que :
      • D’une part, les propositions faites par le conciliateur au débiteur sur les conditions de sa rémunération sont jointes à la demande mentionnée à l’article R. 611-18 ou à la requête mentionnée à l’article R. 611-22. Les propositions faites par le conciliateur sont transmises sans délai par le greffier au ministère public.
      • D’autre part, le président ne peut désigner un conciliateur dont la désignation ne lui a pas été proposée par le débiteur qu’après avoir obtenu l’accord de celui-ci sur les conditions de sa rémunération.
      • Enfin, en l’absence d’avis du ministère public, le président ne peut ouvrir la procédure de conciliation avant l’expiration d’un délai de quarante-huit heures à compter de la transmission prévue au premier alinéa.
  • La détermination de la rémunération du mandataire
    • Les critères de la rémunération
      • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération du mandataire est déterminée en considération des diligences qu’implique l’accomplissement de sa mission.
      • L’article R. 611-47 précise que les conditions de rémunération du mandataire ad hoc, comprennent :
        • Les critères sur la base desquels elle sera arrêtée
        • Son montant maximal
        • Le cas échéant, le montant ou les modalités de versement des provisions.
    • Les critères non admis de la rémunération
      • La rémunération du mandataire ne peut jamais :
        • D’une part, être liée au montant des abandons de créances obtenus
        • D’autre part, faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier.
    • La proposition de rémunération
      • Les propositions faites par le mandataire ad hoc ou le conciliateur au débiteur sur les conditions de sa rémunération sont jointes à la demande mentionnée à l’article R. 611-18 ou à la requête mentionnée à l’article R. 611-22.
      • Les propositions faites par le conciliateur sont transmises sans délai par le greffier au ministère public.
  • La décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • L’article L. 611-14 du Code de commerce prévoit que la rémunération est arrêtée par ordonnance du président du tribunal qui est communiquée au ministère public.
    • L’article R. 611-50 du Code de commerce précise que le greffier notifie l’ordonnance arrêtant la rémunération au mandataire ad hoc ainsi qu’au débiteur.
  • Les recours contre la décision arrêtant la rémunération du mandataire
    • Aux termes de l’article R. 611-50 du Code de commerce la décision arrêtant la rémunération du mandataire peut être frappée d’un recours par :
      • Le débiteur
      • Le mandataire ad hoc
    • Dans tous les cas, le recours est porté devant le premier président de la cour d’appel.
    • Le recours est formé, instruit et jugé dans les délais et conditions prévus par les articles 714 à 718 du code de procédure civile.
  • La réévaluation de la rémunération
    • L’article R. 611-49 du Code de commerce prévoit que si le mandataire ad hoc estime au cours de sa mission que le montant maximal de la rémunération fixé par l’ordonnance qui l’a désigné est insuffisant, il en informe le président du tribunal.
    • Le président du tribunal peut alors fixer les nouvelles conditions de la rémunération en accord avec le débiteur
    • L’accord est consigné par écrit.
    • À défaut d’accord, il est mis fin à sa mission.

2. Sur la durée de la procédure

  • La fixation de la durée
    • Conformément à l’article L. 611-6 du Code de commerce, la durée de la procédure de conciliation est fixée par le Président du Tribunal
    • Elle ne peut pas excéder une période de quatre mois
  • La prorogation du délai
    • Deux hypothèses doivent être distinguées
      • Aucune demande de constatation d’un accord ou d’homologation n’a été formée
        • Par une décision motivée, le Président du Tribunal peut proroger le délai fixé initialement à la demande du conciliateur sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder cinq mois.
      • Une demande de constatation d’un accord ou d’homologation a été formée
        • Si une demande de constatation ou d’homologation a été formée en application de l’article L. 611-8 avant l’expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu’à la décision, selon le cas, du président du tribunal ou du tribunal.
        • À défaut, elles prennent fin de plein droit et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois mois qui suivent.
  • La réduction du délai
    • La durée de la procédure de conciliation peut être écourtée dans deux situations
      • Le conciliateur peut demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission
        • Il le fera, lorsqu’il estimera indispensables les propositions faites par lui au débiteur en application du premier alinéa de l’article L. 611-7 et que celui-ci les a rejetées.
      • Le débiteur peut également de son côté demander au président du tribunal de mettre fin à la mission du conciliateur

La procédure d’injonction de payer

?Finalité de la procédure

La procédure d’injonction de payer a été instaurée par le législateur en vue d’offrir au créancier d’une obligation contractuelle le moyen d’obtenir rapidement, efficacement, et, à moindre frais, le règlement d’une facture impayée.

En somme, il s’agit de permettre au créancier de vaincre l’inertie du débiteur qui se soustrait à l’exécution spontanée de ses obligations.

À l’examen, la procédure d’injonction de payer se caractérise par la mise à l’écart du contradictoire entre la requête et la signification de l’ordonnance ou l’opposition.

Elle a pour objectif de concilier les droits du créancier au recouvrement de sa créance et ceux du débiteur qui n’a connaissance de cette volonté de recouvrement qu’au moment de la signification de l’ordonnance et qui ne peut donc faire valoir ses droits qu’après avoir reçu l’injonction.

Il peut être observé que le dépôt d’une requête en injonction de payer n’interrompt pas le délai de prescription de la créance. Il est donc nécessaire de veiller à cette prescription, car si le créancier est susceptible de se heurter à court à terme à une forclusion de son action, il sera préférable d’assigner le débiteur en paiement.

I) Les avantages de la procédure d’injonction de payer

Pour obtenir le règlement d’une facture impayée deux options s’offrent au créancier :

?Le recouvrement amiable

  • Soit gestion du recouvrement en interne
    • Avantages
      • Frais réduits à la portion congrue
      • Liberté d’action
      • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
    • Inconvénients
      • Long : le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
      • Inefficace : le créancier ne dispose d’aucun moyen de contrainte
  • Soit externalisation du recouvrement
    • Avantages
      • Recouvrement effectué par un professionnel du recouvrement
      • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
    • Inconvénients
      • Onéreux, surtout en cas d’insolvabilité du débiteur
      • Long : le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
      • Inefficace : le prestataire ne dispose d’aucun moyen de contrainte

?Le recouvrement judiciaire

  • Soit assigner le débiteur en paiement (action en justice de droit commun)
    • Avantage :
      • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
    • Inconvénients :
      • Long : délais de procédure, respect du contradictoire, expertises
      • Onéreux : coûts liés à un procès
  • Soit engager une procédure d’injonction de payer (procédure d’exception)
    • Avantages :
      • Rapide : procédure simplifiée
      • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
      • Peu onéreux : limitée aux frais de rédaction et de signification d’actes
    • Inconvénients
      • Les mêmes que ceux de l’action de justice au fond en cas d’opposition du débiteur

En résumé :

II) Les conditions de mise en œuvre de la procédure

Les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer sont édictées à l’article 1405 du Code de procédure civile qui prévoit que :

«  Le recouvrement d’une créance peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer lorsque :

1° La créance a une cause contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire et s’élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale ;

2° L’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. »

Il ressort de cette disposition que la procédure d’injonction de payer ne peut être mise en œuvre que dans trois cas bien distincts :

  • La créance résultant d’une obligation contractuelle
  • La créance résultant d’une obligation statutaire
  • La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

A) La créance résultant d’une obligation contractuelle

?Notion

Par créance contractuelle, il faut entendre toutes celles qui sont nées de la conclusion d’un contrat conformément à l’article 1101 du Code civil (contrat de vente, de bail, d’entreprise, de dépôt, de prêt, d’assurance, de caution etc.)

?Exclusion

  • Les créances nées d’un quasi-contrat
    • Enrichissement injustifié
    • Répétition de l’indu
    • Gestion d’affaire
    • Engagement unilatéral
  • Les créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit
    • Action en réparation d’un préjudice extracontractuel (Cass. com., 17 mars 1958 : JCP G 1958)

?Caractères

  • Certaine : fondée et justifiée dans son principe
  • Liquide : déterminée quant à son montant (au regard des seules stipulations contractuelles)
  • Exigible : le délai de paiement est échu

B) La créance résultant d’une obligation statutaire

?Notion

Il s’agit des créances dues au titre d’un statut légal dont l’adhésion est le plus souvent exigée dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle (caisse de retraite, sécurité sociale)

?Caractères

  • Certaine
  • Liquide
  • Exigible

C) La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

?Notion

L’article 1405 du Code de procédure civile vise expressément les créances qui résultent de la souscription de trois instruments de crédit différents et de certains actes y afférents :

  • La lettre de change
    • L’aval
    • L’endossement
  • Le billet à ordre
    • L’aval
    • L’endossement
  • L’acceptation d’une cession Dailly

?Exclusion

La créance qui résulte de l’émission d’un chèque n’est pas éligible à la procédure d’injonction de payer :

  • Le chèque peut faire l’objet d’un recouvrement simplifié
  • L’huissier de justice a compétence, en matière de chèque impayé, pour émettre un titre exécutoire

?Condition

La créance dont se prévaut le demandeur doit résulter d’un titre et d’un engagement valables, conformément aux exigences de fond et de forme posées par le Code de commerce

III) Le déroulement de la procédure d’injonction de payer

A) Le dépôt de la requête

1. L’auteur de la requête

L’article 1407 du Code de procédure civile prévoit que « la demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire »

Il ressort de cette disposition deux choses :

  • Le créancier peut rédiger et déposer seul la requête d’injonction de payer
    • Quel que soit le montant de la demande, la représentation n’est donc pas obligatoire devant le Tribunal judiciaire et le Tribunal de commerce, à tout le moins au stade de la requête.
    • En cas d’opposition formulée contre l’ordonnance, ce sont les règles de droit commun qui s’appliqueront.
  • Le créancier peut solliciter les services d’un mandataire
    • Aucune limitation quant aux personnes susceptibles d’endosser la qualité de mandataire
      • Avocats
      • Huissiers
      • Notaire
      • Société de recouvrement
    • La preuve d’un mandat de représentation n’est pas exigée par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 27 juin 2002, n° 98-17.028)

2. La rédaction de la requête

La requête doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires et être assortie de documents justificatifs.

a. Les mentions obligatoires

Il ressort de l’article 1407 du CPC que la requête d’injonction de payer doit comporter deux sortes de mentions

  • Les mentions énoncées à l’article 1407 du CPC
  • Les mentions exigées aux articles 54 et 57 du CPC

?Les mentions énoncées à l’article 1407 du CPC

  • L’indication précise du montant de la somme réclamée
  • Le décompte des différents éléments de la créance, soit le détail
    • du principal
    • des intérêts légaux ou conventionnels
    • de la clause pénale
    • des frais de recouvrement antérieurs
    • des frais de dépôt de la requête si TC compétent
  • Le fondement de la créance, soit sa cause :
    • Créance née d’une obligation contractuelle
    • Créance née d’une obligation statutaire
    • Créance née de l’émission d’un effet de commerce
  • Le bordereau des documents justificatifs produits à l’appui de la requête.

?Les mentions énoncées aux articles 54 et 57 du CPC

  • Les mentions de l’article 54 du CPC
    • À peine de nullité, la demande initiale mentionne :
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’objet de la demande ;
      • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
      • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
      • Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
      • Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
  • Les mentions de l’article 57 du CPC
    • Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :
      • Lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social
      • Dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
    • Elle est datée et signée.

b. Les documents justificatifs

L’article 1407 in fine prévoit que la requête « est accompagnée des documents justificatifs »

La Cour de cassation estime que cette exigence signifie qu’il incombe au créancier « de prouver la réalité et l’étendue de sa créance » (Cass. 2e civ., 23 oct. 1991, n° 90-15.529)

Ainsi, les documents produits par le créancier doivent justifier le bien-fondé de sa demande.

c. La présentation de la requête

  • La requête doit être adressée au greffe de la juridiction compétente
  • La requête doit être présentée en double exemplaire, conformément à l’article 494
  • La requête doit comporter l’indication précise des pièces invoquées

d. Absence d’exigence de tentative préalable de règlement amiable

La question s’est posée de savoir si le dépôt d’une requête en injonction de payer était subordonné à l’exigence de tentative de règlement amiable énoncée à l’article 750-1 du CPC.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage. »

Bien que la doctrine soit partagée sur cette question, la Direction des affaires civiles et du sceau a indiqué dans une note accompagnant l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile[1] que lorsque la décision sollicitée devait être prise au terme d’une procédure non contractuelle, telle qu’une ordonnance sur requête ou une injonction de payer, cela constitue un motif légitime au sens du 3° de l’article 750-1 du CPC dispensant alors le requérant de justifier d’une tentative préalable de règlement amiable du litige porté devant la juridiction saisie.

3. La juridiction compétente

3.1. La compétence d’attribution

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice était censée réformer la procédure d’injonction de payer.

L’objectif affiché par le législateur était de renforcer l’efficacité et la rapidité du traitement des requêtes en injonction de payer. Selon l’étude d’impact, cette réforme visait également à faire des économies d’échelle.

À cette fin, deux mesures ont été envisagées par le législateur :

  • Centraliser au niveau national le traitement des requêtes en injonction de payer et des oppositions
  • Dématérialiser la procédure d’injonction de payer

Finalement, cette réforme, qui devait être mise en œuvre au plus tard le 1er septembre 2023, a été abandonnée.

Aussi, est-ce le dispositif prévu initialement par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui reste en vigueur.

Ce dispositif est énoncé à l’article 1406 du Code de procédure civile. Cette disposition prévoit que la demande est portée, selon le cas, devant le juge des contentieux de la protection ou devant le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d’attribution de ces juridictions :

  • Le Président du tribunal judiciaire (créance civile)
  • Le Juge des contentieux de la protection (créances portant sur des matières relevant de sa compétence)
  • Le Président du tribunal de commerce (créance commerciale)

3.2. La compétence territoriale

?Principe

Le lieu de résidence du débiteur (art. 1406, al. 2 CPC)

Il s’agit d’une règle d’ordre public (art. 1406, al.3) :

  • toute clause contraire est réputée non écrite (art. 1406, al.3)
  • le juge doit relever d’office son incompétence (art. 847-5 CPC)

Lorsqu’il s’agit d’une personne morale la théorie des gares principales est applicable (V. en ce sens Cass. 2e civ., 27 mai 1988, n° 86-19.606)

?Exception

En matière de créance née d’une charge de copropriété la juridiction compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble (art. 60 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967)

4. Frais de dépôt de la requête

?Principe

Le dépôt d’une requête d’injonction de payer n’est conditionné par le paiement d’aucuns frais.

?Exception

L’article 1425 du Code de procédure civile prévoit que « devant le tribunal de commerce, les frais de la procédure sont avancés par le demandeur et consignés au greffe au plus tard dans les quinze jours de la demande, faute de quoi celle-ci sera caduque. »

  • Frais de dépôt exigés devant le Tribunal de commerce
  • Frais doivent être consignés au greffe du TC au plus tard dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la requête, faute de quoi la requête est caduque

B) La décision du juge

Trois sortes de décisions peuvent être rendues par le juge compétent pour connaître de la requête en injonction de payer :

  • Le juge peut accéder totalement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut accéder partiellement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut rejeter la requête d’injonction de payer

1. Admission totale ou partielle de la requête

  • Principe
    • S’il accède totalement ou partiellement à la requête du créancier, le magistrat rend une ordonnance portant injonction de payer
  • Contenu de l’ordonnance
    • Il n’est pas nécessaire pour le magistrat de motiver son ordonnance
    • À ce stade, la procédure demeure gracieuse
  • Mentions de l’ordonnance
    • Les noms du magistrat et du greffier
    • Leurs signatures
  • Apposition de la formule exécutoire
    • L’ordonnance faisant droit à la demande d’injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire, ce qui permettra au requérant, à l’expiration du délai d’opposition, d’engager des mesures d’exécution forcée.
    • Il peut être observé qu’il s’agit là d’une nouveauté introduite par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021.
    • Pour mémoire, sous l’empire du droit antérieur, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance n’était pas immédiate.
    • Il appartenait au créancier de formuler une demande auprès du greffier en justifiant avoir, au préalable, signifié l’ordonnance au débiteur au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur, soit dans le délai de 2 mois à compter du jour de la signification de l’ordonnance portant injonction de payer.
    • Désormais, plus aucune démarche n’est exigée ; la formule exécutoire est immédiatement apposée sur l’ordonnance pris par le juge de l’injonction de payer.
  • Restitution des documents produits
    • Le juge doit restituer au demandeur les documents produits au soutien de la requête

2. Rejet de la requête

  • Principe
    • Le juge peut rejeter la requête sans avoir à motiver sa décision
  • Voies de recours
    • Le rejet de l’ordonnance n’ouvre aucune voie de recours au créancier
    • Le créancier n’a d’autre choix que d’engager une action sur le terrain du droit commun
  • Restitution de la requête
    • La requête déposée par le créancier lui est restituée avec tous les documents dont elle était assortie

C) La signification de l’ordonnance

?Principe

L’ordonnance d’injonction de payer doit être signifiée à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs, au débiteur (art. 1411 CPC).

?Délai de signification

La signification de l’ordonnance doit intervenir dans les 6 mois, sous peine de caducité (art. 1411, al. 3e CPC).

Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2010. Aux termes de cette décision, elle a, en effet, rappelé que « l’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été notifiée dans les six mois de sa date » (Cass. 2e civ. 16 déc. 2010, n°10-10.809).

?Modalités de la signification

La signification doit être effectuée par un huissier de justice.

La signification porte sur :

  • D’une part, la copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs ;
  • D’autre part, l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire.

?Mentions de l’acte de signification

  • Les mentions prévues à l’article 648 CPC
    • La date
    • Si le requérant est une personne physique ses noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
    • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
    • Les noms, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
    • Les noms et domicile du destinataire
    • S’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
  • Les mentions prévues à l’article 1413 CPC
    • À peine de nullité, l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, sommation d’avoir :
      • soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
      • soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
    • L’acte de signification doit également, sous la même sanction :
      • D’une part, Indiquer de manière très apparente
        • Le délai dans lequel l’opposition doit être formée
        • Le tribunal devant lequel elle doit être portée
        • Les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé ;
      • D’autre part, avertir le débiteur qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées.

?Mise à disposition des documents justificatifs

  • Principe
    • L’article 1411 du CPC prévoit que l’huissier de justice doit mettre à disposition du débiteur les documents justificatifs (ceux produits au soutien de la requête) par voie électronique selon des modalités définies par l’arrêté du 24 février 2022.
    • Cet arrêté prévoit notamment que la mise à disposition des documents justificatifs est effectuée au moyen d’une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée « Mes Pièces » (www.mespieces.fr), mise en œuvre sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice, et intégrée au réseau privé sécurisé huissiers (RPSH).
    • Ce système doit garantir la fiabilité de l’identification des accédants à la plateforme, la confidentialité et l’intégrité des documents déposés, la journalisation des transmissions et consultations opérées et l’établissement de manière certaine de la date de consultation.
    • La consultation des documents déposés doit être gratuite.
    • Par ailleurs, le format des documents ne doit pas occasionner, pour le destinataire, un effort déraisonnable de consultation.
    • La durée de mise à disposition des documents est de 18 mois à compter de leur dépôt sur la plate-forme. L’huissier de justice s’assure que les pièces demeurent disponibles au minimum un mois après la signification faite en application de l’article 1411 du code de procédure civile.
    • Le système permet à l’huissier de justice de prolonger la durée de la mise à disposition pour respecter le délai d’un mois fixé à l’alinéa précédent.
    • À l’expiration de cette mise à disposition, les documents sont automatiquement supprimés.
    • Enfin, toute opération de dépôt sur la plateforme et de consultation doit faire l’objet d’une journalisation comportant l’identité de son auteur et l’objet de l’opération.
  • Exception
    • L’article 1411, al. 2e du CPC précise que si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l’huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée.

?Effets de la signification

  • Information du débiteur de l’existence d’une procédure en injonction engagée contre lui par le créancier
  • La signification de l’ordonnance d’injonction de payer s’apparente à une véritable citation en justice
    • Il appartient au débiteur de former opposition afin d’engager une procédure contradictoire
    • S’il ne le fait pas, il reconnaît le bien-fondé de la requête
  • La signification marque le point de départ du délai de recours ouvert au débiteur pour former opposition
  • La signification, en raison de son assimilation à une demande en justice, a pour effet d’interrompre la prescription de la créance
    • L’ordonnance non signifiée ne produit aucun effet interruptif

D) Les effets de l’ordonnance

?Effets d’un titre exécutoire

Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, l’ordonnance portant injonction de payer est immédiatement revêtue de la formule exécutoire.

Est-ce à dire qu’elle peut donner lieu à la mise en œuvre de mesures d’exécution après avoir été dûment signifiée ?

Il n’en est rien. Comme énoncé par l’article 1422, al. 2e du CPC l’ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d’un tel titre ou d’une décision de justice qu’à l’expiration des causes suspensives d’exécution, soit à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa signification, lequel n’est autre que le délai pour former opposition.

Le texte précise que « quelles que soient les modalités de la signification, le délai d’opposition […] est suspensif d’exécution.

Aussi, tant que le délai d’opposition n’a pas expiré, aucune mesure d’exécution forcée ne peut être entreprise par le créancier.

L’article 1422 ajoute qu’il en va de même en cas d’opposition formée par le débiteur.

L’opposition formée par le débiteur suspend, en effet, toutes les mesures d’exécution qui auraient été engagées sur le fondement de l’ordonnance portant injonction de payer.

Compte tenu de ce que l’ordonnance portant injonction de payer ne produit les effets d’un titre exécutoire qu’à l’expiration du délai d’opposition, le Commissaire de justice saisi aux fins d’exécuter cette ordonnance devra, préalablement à l’accomplissement de toute mesure d’exécution forcée, s’assurer qu’aucune opposition n’a été formée par le débiteur.

Pour ce faire, il lui faudra solliciter du greffe la délivrance d’un certificat de non-opposition.

?Effets d’un jugement contradictoire

Il s’infère de l’article 1422, al. 2e du CPC que l’ordonnance portant injonction de payer n’est pourvue de l’autorité de la chose jugée qu’à l’expiration du délai d’opposition.

Il en résulte que tant que ce délai n’a pas expiré, il peut être fait droit en justice à des demandes qui tendraient à remettre en cause ce qui a été tranché par l’ordonnance.

À l’expiration, en revanche du délai d’opposition, l’ordonnance portant d’injonction de payer produit tous les effets d’un jugement contradictoire.

Dans un arrêt du 1er février 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance portant injonction de payer faisait obstacle aux demandes relatives à la résolution de conventions conclues entre les parties pour inexécution par [le créancier] de ses obligations et à la restitution des sommes versées en exécution de l’ordonnance » (Cass. 2e civ. 1er févr. 2018, n°17-10.849).

Il peut, par ailleurs, être observé que, tant qu’elle ne produit pas les effets d’un jugement contradictoire, l’ordonnance portant d’injonction de payer ne saurait fonder l’adoption de mesures conservatoires.

Dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de cassation a ainsi affirmé « qu’une ordonnance portant injonction de payer n’est une décision de justice, au sens de l’article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, qu’en l’absence d’opposition dans le mois de sa signification » (Cass. 2e civ. 13 sept. 2007, n°06-14.730).

?Voie de recours

Dès lors que l’ordonnance portant injonction de payer produit les effets d’un jugement contradictoire, l’article 1422, al. 2e du CPC dit qu’« elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement. »

Autrement dit, à l’expiration du délai d’opposition, l’ordonnance ne peut plus être remise en cause par le débiteur, puisqu’acquérant force exécutoire.

E) L’opposition

1. Les modalités de l’opposition

En application de l’article 1415 du CPC l’opposition doit être portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer.

Le tribunal saisi statue alors sur la demande en recouvrement. Il connaît, dans les limites de sa compétence d’attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond. (art. 1417 CPC).

?Délai de l’opposition

  • Quantum du délai
    • Un mois
  • Point de départ
    • Si l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à personne le délai court à compter de ladite signification
    • Si l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été signifiée à personne l’opposition est recevable
      • jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne
      • ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
        • La mesure d’exécution doit avoir été fructueuse, sauf si procès-verbal de carence signifié à personne au débiteur
        • À défaut, le délai ne court pas

?Sanction

En application de l’article 122 du CPC, le non-respect du délai pour former opposition constitue une fin de non-recevoir que le magistrat doit relever d’office.

Dans un arrêt du 21 septembre 2000, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le tribunal qui déclare irrecevable l’opposition formée contre une ordonnance portant injonction de payer excède ses pouvoirs en statuant au fond sur le recouvrement de la créance » (Cass. 2e civ. 21 sept. 2000, n°99-10.493).

?Forme de l’opposition

En application de l’article 1415 du CPC, l’opposition doit être portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer.

Pratiquement, elle doit être formée au greffe, soit par déclaration contre récépissé, soit par lettre recommandée.

L’opposition peut être formée par le débiteur ou par un mandataire, étant précisé que si ce dernier n’est pas avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial.

L’opposition doit, à peine de nullité, mentionner l’adresse du débiteur.

Elle n’a pas, en revanche, à être motivée. Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation a ainsi affirmé que « l’opposition à injonction de payer n’ayant pas à être motivée, les énonciations qu’elle comporte, même si elles concernent le fond du litige, ne font pas obstacle à la recevabilité des exceptions devant le tribunal » (Cass. 2e civ. 14 janv. 1987, n°84-17.466).

2. Les effets de l’opposition

L’opposition a pour effet de transformer une procédure sur requête, donc unilatérale, en procédure contradictoire de droit commun.

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Suspension de la force exécutoire de l’ordonnance portant injonction de payer
  • Suspension des mesures d’exécution déjà engagées jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue :
    • Dans l’hypothèse où une saisie-attribution a déjà été diligentée, l’opposition n’entraîne pas la mainlevée de la saisie.
    • Les fonds saisis demeurent indisponibles pendant toute la durée de la procédure (Cass., avis, 8 mars 1996, n°09-60.001)
  • Le créancier doit consigner, sous 15 jours, les frais d’opposition dans l’hypothèse où le litige relève de la compétence des juridictions commerciales
    • Le défaut de consignation est sanctionné par la caducité de la demande formée initialement
  • Admission des demandes incidentes (additionnelles ou reconventionnelles), en raison du caractère contradictoire de la nouvelle procédure

Il peut être observé que, en cas de pluralité de débiteur, l’opposition ne produit d’effets qu’à l’égard de son seul auteur.

À l’égard des autres codébiteurs, sauf à ce qu’ils forment à leur tour opposition dans le délai légal, l’ordonnance portant injonction de payer produira les effets d’un jugement contradictoire (Cass. 2e civ. 16 mai 2019, n°18-17.097).

Il en résulte que la juridiction à laquelle l’affaire est renvoyée ne sera saisie que sur le seul fondement de la requête initiale présentée contre l’auteur de l’opposition.

F) L’instance de droit commun

Dans l’hypothèse où la partie contre laquelle l’ordonnance d’injonction de payer est rendue forme opposition, la procédure devient contradictoire et est assujettie aux règles de droit commun.

L’article 1417 du CPC prévoit en ce sens que, consécutivement à l’opposition formée par le débiteur, le tribunal statue sur la demande en recouvrement.

Il connaît alors, dans les limites de sa compétence d’attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond.

En cas de décision d’incompétence, ou si le créancier en a expressément fait la demande dans sa requête en injonction de payer, l’affaire est renvoyée devant la juridiction compétente selon les règles prévues à l’article 82 du CPC.

En tout état de cause, lors du retour à la procédure contentieuse de droit commun, plusieurs phases doivent être distinguées.

1. La convocation des parties

?La convocation du débiteur

  • Le rôle du greffe
    • La bascule entre la procédure d’injonction de payer et la procédure ordinaire au fond est assurée par le greffe du Tribunal saisi.
    • C’est à lui qu’il revient de convoquer les parties.
    • L’article 1418 du CPC prévoit en ce sens que devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817, le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, le greffier convoque les parties à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Les destinataires de la convocation
    • La convocation est adressée à toutes les parties, même à celles qui n’ont pas formé opposition.
    • La précision est ici d’importance : ce n’est pas seulement le débiteur qui a formé opposition qui est convoqué, ce sont tous ceux contre lesquels l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue.
    • L’objectif est ici de rendre contradictoire la procédure pour tous.
  • Le contenu de la convocation
    • La convocation contient :
      • Sa date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle l’opposition est portée ;
      • L’indication de la date de l’audience à laquelle les parties sont convoquées ;
      • Les conditions dans lesquelles les parties peuvent se faire assister ou représenter.
      • La convocation adressée au défendeur précise en outre que, faute de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
    • Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

?La notification de l’opposition au créancier

L’article 1418 du CPC prévoit que le greffe adresse au créancier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de la déclaration d’opposition.

Cette notification est régulièrement faite à l’adresse indiquée par le créancier lors du dépôt de la requête en injonction de payer.

En cas de retour au greffe de l’avis de réception non signé, la date de notification est, à l’égard du destinataire, celle de la première présentation. La notification est alors réputée faite à domicile ou à résidence.

2. La constitution d’avocat

La constitution d’avocat par les parties s’opère en deux temps :

  • Premier temps : la constitution d’avocat par le créancier
    • L’article 1418 du CPC prévoit qu’il doit constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la notification.
  • Second temps : la constitution d’avocat par le débiteur
    • Dès qu’il est constitué, l’avocat du créancier en informe le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui indiquant qu’il est tenu de constituer avocat dans un délai de quinze jours.

Une copie des actes de constitution est remise au greffe.

3. Le déroulement de l’instance

?Règles applicables

L’article 1418 du CPC rappelle que devant le tribunal judiciaire dans les autres matières, l’affaire est instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire

Ainsi, c’est le droit commun qui s’applique à la procédure d’injonction de payer prise dans sa phase contradictoire.

?Sur la charge de la preuve

Bien que l’instance sur opposition soit provoquée par le débiteur contre lequel l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue, c’est le créancier qui est réputé être en demande.

Dans ces conditions, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve.

Cette règle est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui considère « qu’il appartient au créancier, défendeur à l’opposition, mais demandeur à l’injonction de payer, de prouver la réalité et l’étendue de sa créance » (Cass. 2e civ. 11 mai 2006, n°05-10.280).

?Sur le défaut de comparution

L’article 1419 du CPC prévoit que le défaut de comparution des parties est sanctionné par l’extinction de l’instance.

Le Code de procédure civile distingue alors deux hypothèses, s’agissant de la caractérisation du défaut de comparution

  • Première hypothèse
    • Devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817 (lorsque dispense des parties de constituer avocat), le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, la juridiction constate l’extinction de l’instance si aucune des parties ne comparaît.
  • Seconde hypothèse
    • Devant le tribunal judiciaire, lorsque la constitution d’avocat est obligatoire, le président constate l’extinction de l’instance si le créancier ne constitue pas avocat dans le délai prévu à l’article 1418 (15 jours)

En tout état de cause, l’article 1419 du CPC prévoit que l’extinction de l’instance rend non avenue l’ordonnance portant injonction de payer.

4. Le jugement sur opposition

L’article 1420 du CPC prévoit que le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer.

Il en résulte que le jugement n’a pas vocation à confirmer ou infirmer l’ordonnance.

Aussi, dans l’hypothèse où l’opposition serait déclarée irrecevable, le jugement n’emportera pas survie des effets de l’ordonnance (V. en ce sens Cass. 2e civ. 12 mars 2013, n°12-15.513).

Dans un arrêt rendu en date du 12 mai 2016, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’ordonnance est anéantie dès l’accomplissement de l’acte d’opposition (Cass. 1ère civ. 12 mai 2016, n°15-12.392).

Aussi, les seuls effets qui ont vocation à régler la situation des parties sont ceux produits par le jugement.

À l’examen, le Tribunal qui statue sur l’opposition dispose de deux options :

  • Soit il déboute le créancier de sa demande
  • Soit il condamne le débiteur au paiement de la somme réclamée

Dans ce second cas, le titre exécutoire qui fondera les poursuites du créancier contre le débiteur sera donc le jugement et non l’ordonnance à laquelle il s’est substitué.

Il ne sera dès lors plus nécessaire pour le créancier de réclamer l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance.

Le jugement rendu sur opposition est indépendant de l’ordonnance : il produit ses propres effets.

5. Voies de recours

Dans la mesure où le jugement rendu sur opposition se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer il est susceptible de faire l’objet de voies de recours dans les conditions du droit commun.

L’article 1421 du CPC dispose en ce sens que le tribunal statue à charge d’appel lorsque le montant de la demande excède le taux de sa compétence en dernier ressort.

Cela signifie que la voie de l’appel ne sera ouverte que dans l’hypothèse où la demande initiale ou une demande incidente excède le taux du dernier ressort de la juridiction saisie.

A l’inverse, lorsqu’aucune demande n’excède le taux du dernier ressort, le jugement sera insusceptible d’appel.

  1. Direction des affaires civiles et du sceau – Décembre 2019 – 3/10 : https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/migrations/portail/art_pix/PC_Decret_2019-1333_Presentation_principales_modif.pdf ?