L’exécution provisoire des décisions de justice (jugements, ordonnances): régime juridique

🡺Vue générale

L’exécution provisoire se définit comme la faculté accordée à la partie gagnante (créancier) de poursuivre immédiatement à l’encontre de la partie perdante (débiteur) l’exécution de la décision judiciaire qui en est assortie.

À cet égard, l’exécution provisoire constitue une exception à l’effet suspensif de l’appel – c’est de fait cette voie de recours qui retient l’attention, l’opposition étant rarement exercée -, en permettant au créancier d’exécuter par provision la décision rendue.

Elle lui permet ainsi d’éviter que le débiteur ne forme appel qu’à des fins dilatoires, pour retarder l’exécution de la décision ou organiser son insolvabilité, mais aussi, « même si les voies de recours sont exercées en toute loyauté, sans esprit de chicane ou d’abus, (…) d’éviter les inconvénients pouvant résulter pour lui de la lenteur de la justice, spécialement lorsqu’elles sont portées devant des juridictions dont le rôle est encombré » (P. Julien, N. Fricero, Droit judiciaire privé, lgdj, 2001).

Un avantage aussi décisif accordé à la partie gagnante implique, en contrepartie, l’octroi d’une protection plus forte à la partie perdante en ce qui concerne la responsabilité du dommage causé par l’exécution.

Cela apparaît encore plus justifié depuis le nouveau décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 qui, renforçant l’exigence d’effectivité des décisions de première instance, a institué, à l’article 526 du CPC, une possibilité de radiation du rôle par le premier président de la cour d’appel lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision exécutoire à titre provisoire qui a été frappée d’appel.

Surtout, dans le droit fil de ce renforcement de l’effectivité des décisions de première instance, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une modification substantielle du droit positif en consacrant le principe de l’exécution provisoire de droit des décisions de justice.

Aussi, désormais, toutes les décisions rendues par les juridictions civiles bénéficient de l’exécution provisoire de droit, sauf exceptions tenant à la matière considérée, ce qui est le cas par exemple, devant le tribunal judiciaire, des décisions en matière de nationalité, de rectification et d’annulation judiciaire des actes d’état civil, de déclaration d’absence, de prénom, de modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil, de déclaration d’absence, de filiation, d’adoption, des décisions du juge aux affaires familiales en matière de divorce, de séparation de corps, de liquidation des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un PACS ou entre concubins, ou des décisions rendues en matière de sécurité sociale.

🡺Distinction entre exécution provisoire et exécution inconditionnelle ou définitive

L’exécution provisoire constitue donc une dérogation à l’effet suspensif des voies de recours ordinaires.

Dans son principe, elle n’anéantit pas totalement cet effet suspensif, mais tend seulement à le neutraliser.

En revanche, l’exécution provisoire n’a vocation à s’appliquer que pour autant que la décision n’est pas exécutoire de manière inconditionnelle ou à titre définitif.

Est ainsi exécutoire à titre définitif le jugement rendu par un Tribunal judiciaire qui est passé en force de chose jugée au sens de l’article 500 du CPC.

Tel est, par exemple, le cas d’un jugement auquel la partie perdante a acquiescé, l’acquiescement emportant renonciation aux voies de recours (Cass 2e, 9 octobre 1985 n° 84-12.441).

Devient exécutoire de manière inconditionnelle le jugement frappé d’appel, lorsque, après avoir existé, l’effet suspensif du recours a ultérieurement disparu.

Ainsi lorsque l’affaire est radiée du rôle de la cour d’appel faute pour l’avoué de l’appelant d’avoir déposé ses conclusions au greffe dans les quatre mois de la déclaration d’appel (art. 915 CPC), le jugement dont il est interjeté appel devient exécutoire de manière immédiate et inconditionnelle

Il s’ensuit qu’est dès lors irrecevable comme dépourvue d’objet la demande d’arrêt de l’exécution provisoire. De même, l’ordonnance suspendant l’exécution provisoire prise avant la radiation de l’affaire est privée de tout effet à compter de la date de la radiation.

Toutefois, bien que l’article 539 du code de procédure civile précise que n’est suspensif de l’exécution du jugement que le recours « exercé dans le délai », la formalisation d’un appel manifestement tardif produit néanmoins, en droit commun, un effet suspensif dès lors qu’il n’appartient qu’au seul juge du fond (formation de jugement de la cour d’appel ou conseiller de la mise en état (art. 911 CPC) et non au greffe ou au premier président, de déclarer l’appel irrecevable comme tardif.

Il s’ensuit qu’en cas d’appel, même tardif, le jugement déféré n’est susceptible que d’une exécution provisoire.

Tel est notamment le cas lorsque l’extinction prématurée de l’instance d’appel par suite de la péremption de l’instance (art. 386 CPC) est suivie d’un nouvel appel, même formalisé hors délai.

Mais cette exécution devient définitive lorsque la cour ou le conseiller de la mise en état constate l’irrecevabilité du recours.

Cela étant, l’exercice d’un appel manifestement tardif dans le seul but d’écarter le caractère définitif de l’exécution de la décision des premiers juges, voire aux fins de saisine du premier président d’une demande d’arrêt ou d’aménagement de l’exécution du jugement, pourrait, pour ce motif, être qualifié d’abusif ou dilatoire, et ainsi exposer son auteur à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient lui être réclamés par ailleurs (art. 559 CPC).

🡺Distinction entre exécution provisoire et exécution immédiate ordinaire

Il convient encore de distinguer l’exécution provisoire de l’exécution immédiate. Sont ainsi immédiatement exécutoires les jugements avant-dire droit, notamment ceux prescrivant une expertise, dès lors que l’article 545 du code de procédure civile fait défense d’interjeter appel à leur encontre indépendamment du jugement sur le fond.

Aucun effet suspensif lié à l’ouverture du délai d’appel n’est donc attaché à de telles décisions.

Un jugement décidant une expertise ou un sursis à statuer n’entrerait dans le champ de l’exécution provisoire de droit qu’en cas d’autorisation d’un appel immédiat par le premier président de la cour dans les conditions fixées aux articles 272 et 380 du CPC.

Sauf cette dernière hypothèse, qui devrait demeurer marginale dans le cadre du contentieux des droits d’enregistrement et assimilés, les parties ne peuvent donc pas solliciter une mesure d’arrêt ou d’aménagement de l’exécution immédiate d’un jugement décidant une mesure d’expertise.

🡺Distinction entre exécution provisoire de droit et exécution provisoire ordonnée

Le code de procédure civile distingue traditionnellement l’exécution provisoire de droit de l’exécution provisoire ordonnée.

La distinction opérée par le CPC emporte pour conséquence que n’a pas à ordonner l’exécution provisoire pour que celle-ci produise tous ses effets (art. 514 CPC).

Par ailleurs, les effets de l’exécution provisoire s’étendent, lorsque celle-ci est de droit, à tous les chefs du jugement qui en bénéficie, y compris ceux concernant la charge des dépens et l’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Cass 2e civ. 24 juin 1998 n° 96-22.851).

I) L’octroi de l’exécution provisoire par la juridiction de première instance

A) L’exécution provisoire de droit

1. Les décisions assorties de l’exécution provisoire de droit

Les décisions rendues en première instance sont, par principe, assorties de l’exécution provisoire.

C’est là une nouveauté – importante sinon marquante – de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Sous l’empire du droit antérieur, le principe était que, pour bénéficier de l’exécution provisoire, les parties devaient en faire la demande au juge, faute de quoi l’effet suspensif de l’appel faisait obstacle à toute exécution de la décision rendue.

Désormais, le principe est inversé : la décision rendue en première instance doit être exécutée par la partie qui succombe.

a. Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur l’article 514, al. 2 du CPC prévoyait que sont exécutoires de droit à titre provisoire :

  • Les ordonnances de référé
  • Les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l’instance
  • Les décisions qui ordonnent des mesures conservatoires
  • Les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier.

La question qui se posait était alors de savoir si la liste énoncée par cette disposition était ou non exhaustive.

À cette interrogation, il convenait de répondre négativement, l’adverbe notamment signalant la possibilité pour le législateur et la jurisprudence d’étendre la liste.

🡺l’extension de la liste par la loi

Plusieurs textes prévoient une exécution provisoire de droit, justifiée par l’urgence de la mise en œuvre des décisions prononcées :

  • Décisions statuant sur l’exercice de l’autorité parentale
    • L’article 1074-1 du CPC prévoit, par exemple, que « les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du Code civil, sont exécutoires de droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en matière de procédures collectives
    • L’article R. 661-1 du Code de commerce prévoit que « les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en matière fiscale
    • L’article R. 205-5 du Livre des procédures fiscales dispose que « le jugement du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en droit du travail
    • L’article R. 1454-28 du Code du travail dispose que sont de droit exécutoires à titre provisoire
      • Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
      • Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toutes pièces que l’employeur est tenu de délivrer ;
      • Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.
  • Décisions statuant sur une demande de mesures de protection des victimes de violences
    • L’article 1136-7 du CPC prévoit que l’ordonnance rendue par le Juge aux affaires familiales qui statue sur la demande de mesures de protection des victimes de violences est exécutoire à titre provisoire à moins que le juge en dispose autrement.

🡺L’extension de la liste par la jurisprudence

Dans un arrêt du 13 janvier 2000 la Cour de cassation a jugé que les condamnations au paiement d’une provision par les juges du fond sont exécutoires de droit à titre provisoire (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 99-13.265).

Dans cette affaire, un premier président avait été saisi en référé pour arrêter l’exécution provisoire dont la condamnation à provision était assortie et avait accueilli cette demande en retenant que le jugement frappé d’appel n’était pas exécutoire de droit. Sa décision a été cassée au visa des articles 514 et 524 du nouveau Code de procédure civile.

La deuxième chambre civile avait déjà énoncé la règle dans un arrêt du 18 novembre 1999, dans un contexte toutefois différent, puisque la conséquence qui en avait été tirée était que le paiement, même sans réserve, de la provision fixée par les premiers juges, ne pouvait valoir acquiescement (Cass. 2e civ., 18 nov. 1999, n° 97-12.709).

b. La réforme de la procédure civile

🡺Ratio legis

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi consacré le principe de l’exécution de droit des décisions de justice.

Cette modification substantielle du droit positif procède de la consécration de la proposition 30 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle consistant à « généraliser l’exécution provisoire

de droit de la décision ». À cet égard, cette proposition repose sur plusieurs constats :

  • Tout d’abord, le Groupe de travail relève que de nombreuses décisions, provisoires mais également au fond, touchant des domaines essentiels à la vie du justiciable, bénéficient déjà de l’exécution provisoire de droit.
  • Ensuite, il est souligné que le contentieux de l’exécution provisoire devant le premier président de la cour d’appel est très faible au regard du nombre de décisions assorties de l’exécution provisoire rendues par les juridictions.
  • Enfin, le Groupe de travail ajoute que le Juge disposerait d’ores et déjà des outils lui permettant d’assurer les restitutions qui seraient éventuellement nécessaires en cas d’infirmation de la décision par le juge d’appel.

Il en conclut que « la revalorisation de la décision civile de première instance doit s’accompagner de la consécration du principe de l’exécution provisoire de droit pour les décisions de première instance. »

Reste que l’on ne saurait se méprendre sur la véritable intention du législateur qui se cache derrière ces arguments qui peinent à convaincre : l’inversion du principe et de l’exception est moins guidée par la volonté de renforcer la décision civile de première instance que par l’objectif de dissuader les justiciables d’interjeter appel.

Surtout, comme relevé par les concluants qui, dans le cadre de l’action en référé-suspension, engagée à l’encontre du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, celui-ci « modifie, de manière insidieuse, des équilibres subtils établis, sur le fondement de l’œuvre du professeur Motulsky, dans les années soixante-dix. »[1].

Ils poursuivent, en avançant que dans le système actuel, l’appel est indispensable à la bonne administration de la justice, puisqu’il permet de rectifier le nombre considérable d’erreurs commises en première instance.

Or les (maigres) moyens alloués à la justice de première instance ne permettent pas de rendre des décisions d’une qualité suffisante ; ce pourquoi la France a choisi, comme la plupart des pays d’Europe continentale, de ne pas doter les jugements de première instance de l’exécution provisoire de droit.

Le décret du 11 décembre 2019 institue pourtant cette exécution provisoire de droit. Aussi, la difficulté est que cette réforme, si elle est maintenue, conduira à cristalliser la décision de première instance, à décourager l’appel, un appel qui demeure pourtant, en l’absence de redéploiement des moyens de la justice en faveur de la première instance, indispensable.

Ce « détricotage » ou cette « désactivation » rampante de l’appel, maintenu facialement, pose d’évidents problèmes d’accès au juge.

À cela s’ajoutent les risques auxquels est exposée la partie perdante en première instance, à qui il appartiendra de recouvrer les sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire, et qui donc est susceptible de se heurter à l’insolvabilité de son contradicteur.

i. Principe

En application de l’article 514 du CPC le principe est donc que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire »

Les décisions rendues en première instance bénéficient ainsi de l’exécution provisoire de droit, ce qui implique qu’il n’est pas nécessaire pour les parties de la solliciter.

Autrement dit, le Juge n’a pas à ordonner l’exécution provisoire pour que celle-ci produise tous ses effets (art. 514 CPC).

Les effets de l’exécution provisoire s’étendent, lorsque celle-ci est de droit, à tous les chefs du jugement qui en bénéficie, y compris ceux concernant la charge des dépens et l’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Cass 2e civ. 24 juin 1998 n° 96-22851).

Lorsque l’exécution provisoire est de droit la question se pose de savoir si la partie à la faveur de laquelle elle opère peut y renoncer dans l’attente que le jugement rendu passe en force de chose jugée, en particulier lorsqu’un appel a été interjeté.

Pour répondre à cette question, il convient de se tourner vers l’article 524 du CPC qui prévoit que « lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

Ainsi, en cas d’absence d’exécution de la décision rendue en première instance, l’appelant qui bénéficie de l’exécution provisoire, s’expose à ce que l’affaire soit radiée du rôle.

Il ne pourra s’abstenir que dans deux cas :

  • Soit l’exécution de la décision serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives
  • Soit l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision

ii. Exceptions

Si le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a posé le principe de l’exécution de droit des décisions de justice, cette dernière peut néanmoins être écartée dans certains cas, tantôt par la loi, tantôt par le Juge

🡺L’exécution provisoire est écartée par la loi

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

À l’examen, la loi en dispose autrement dans plusieurs cas :

  • Devant le Tribunal judiciaire l’exécution provisoire n’est pas de droit pour les décisions rendues en matière :
    • de nationalité (art. 1045 CPC)
    • de rectification et d’annulation judiciaire des actes d’état civil (art. 1054-1 CPC)
    • de déclaration de naissance et de changement de prénom (art. 1055-3 CPC)
    • de modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil (art. 1055-10 CPC)
    • de déclaration d’absence (art. 1067-1 CPC)
    • de filiation et de subsides (art. 1149 CPC)
    • d’adoption (art. 1178-1 CPC)
  • Devant le Conseil de prud’hommes, l’exécution provisoire n’est pas de droit (art. R. 1454-28 C. trav.)
  • Devant le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire, l’exécution provisoire n’est pas étendue aux décisions par lesquelles le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci (art. L. 653-11 C. com).

🡺L’exécution provisoire est écartée par le juge

L’exécution provisoire de droit dont sont désormais assorties, par principe, les décisions rendues en première instance est susceptible d’être écartée pour tout ou partie par le Juge lorsque, conformément à l’article 514-1 du CPC, il « estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ».

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par incompatibilité de l’exécution provisoire avec la nature de l’affaire

Si l’on se reporte à la jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur, il apparaît que cette incompatibilité doit s’apprécier au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue

Ainsi, lorsque le juge écarte l’exécution provisoire il doit se demander si l’exécution de la décision qu’il rend ne risque pas de rendre impossible un retour un arrière en cas de réformation de sa décision en appel.

Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire doit être écartée, ce par souci de protection de la partie contre laquelle elle joue

À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.

Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.)

Si le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier l’opportunité d’écarter l’exécution provisoire, l’alinéa 3 de l’article 514-1 vient néanmoins tempérer ce pouvoir.

Cette disposition prévoit, en effet, que « par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. »

À l’inverse, pour les décisions qui ne correspondent à aucune de ces situations, le Juge pourra écarter l’exécution provisoire à la condition toutefois qu’il soit établi qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire

À cet égard, il pourra statuer sur le maintien de l’exécution provisoire, soit d’office, soit à la demande d’une partie par décision spécialement motivée (art. 514-1, al.2 CPC).

2. L’arrêt de l’exécution provisoire de droit

a. Principe

L’article 514-3 du CPC prévoit que « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Cette disposition, issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, reprend, en substance, l’ancien article 524 du CPC qui envisageait l’arrêt de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi, lorsque l’exécution provisoire est de droit, elle peut être neutralisée, mais seulement lorsque la demande est formulée auprès du Premier président de la Cour d’appel .

Autrefois, la Cour de cassation considérait que l’arrêt de l’exécution provisoire de droit était interdit, dans la mesure où l’ancien article 524 du CPC n’envisageait cette mesure que pour l’exécution provisoire ordonnée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 99-13.265).

Toutefois, certains Premiers présidents de Cour d’appel s’étaient reconnu le pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire attachée de plein droit à diverses décisions de première instance (et il faut préciser ici que si l’exécution provisoire ordonnée peut être arrêtée par le premier président lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, la solution était totalement contraire en présence d’une exécution provisoire de droit, attachée de manière automatique à la décision de premier degré).

Certains premiers présidents s’étaient néanmoins octroyé ce pouvoir lorsqu’ils étaient en présence d’une violation flagrante de la loi et, plus particulièrement, d’une règle fondamentale de procédure.

Le plus souvent d’ailleurs, il s’était agi de la violation des droits de la défense. Cette solution prônée par les chefs de Cour portait le sceau du bon sens, car comment ne pas tenir pour excessif la poursuite de l’exécution immédiate de tels jugements ?

Reste que le bon sens et les bons sentiments ne suffisent pas à justifier une mesure contra legem. Aussi, a-t-il fallu attendre le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 pour trouver à cette extension de l’intervention possible du premier président une assise juridique certaine.

Ainsi, l’article 514-3 confère désormais au Premier président de la Cour d’appel le pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire de droit. Plusieurs conditions doivent néanmoins être réunies.

b. Conditions d’application

Sous l’empire du droit antérieur, la suspension de l’exécution provisoire de droit était subordonnée à la réunion des conditions cumulatives que sont :

  • La violation du principe du contradictoire ou de l’article 12 du CPC
  • L’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives

Le décret du 11 décembre 2019 a manifestement réformé ses conditions qui, si elles sont toujours cumulatives et au nombre de deux, consistent désormais en :

  • L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
  • L’existence d’un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives

La violation du principe du contradictoire ou de l’article 12 du CPC a ainsi disparu de la liste des conditions de suspension de l’exécution provisoire.

Sous l’empire du droit antérieur, pour que le Premier président de la Cour d’appel puisse exercer son pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire de droit dont est assortie la décision qui lui est déférée, il appartenait, en effet, au demandeur de démontrer, alternativement, soit la violation du principe du principe du contradictoire, soit la violation de l’article 12 du CPC.

  • La condition tenant à la violation du principe du contradictoire impliquait pour le demandeur de démontrer en quoi cette violation a consisté et d’établir qu’elle était injustifiée.
  • La condition tenant à la violation de l’article 12 supposait, quant à elle, que le demandeur établisse que le Juge de première instance avait omis de relever d’office un moyen de pur droit ou de redonner aux faits litigieux leur véritable qualification

Désormais, cette condition est remplacée par l’obligation qui est faite au demandeur de justifier de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance.

Outre l’exigence tenant à ces conditions tenant à la suspension de l’exécution provisoire dont la réunion doit être démontrée par le demandeur, le texte ajoute une condition de recevabilité de la demande qui tient à la formulation, en première instance, sur l’exécution provisoire.

🡺Les conditions tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire

Les conditions tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire sont donc au nombre de deux

  • L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
    • Pour que le demandeur soit fondé à solliciter la suspension de l’exécution provisoire de droit il doit donc justifier l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision »
    • Tout d’abord, il peut être relevé que cette condition est une reprise de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui autorise le Premier président de la Cour d’appel à prononcer un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution.
    • Ce sursis à exécution ne peut, toutefois, être accordé, selon le texte, que s’il existe « des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. »
    • La formulation de l’article 514-3 du CPC est ainsi empruntée à l’article R. 121-22 du CPCE
    • Reste que, aucun de ces deux textes ne fournit de clé de lecture de la condition posée.
    • En dépit d’indications, il peut tout d’abord être relevé que l’article 514-3 du CPC ne distingue pas selon que les moyens soulevés par le demandeur intéressent le fond du litige ou la procédure.
    • Ensuite, l’emploi de la formulation « moyen sérieux » invite le Premier président de la Cour d’appel à se livrer à une appréciation du bien-fondé de l’appel.
    • Il lui faudra, autrement dit, déterminer si la décision rendue en première instance comporte des erreurs de droit, à tout le moins si les critiques encourues sont suffisamment pertinentes pour justifier une réformation de la décision.
    • En la matière, le Premier président disposera d’un pouvoir souverain d’appréciation, de sorte que sa décision devrait, sur ce point, échapper au contrôle exercé par la Cour de cassation.
  • L’existence d’un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives
    • La seconde condition – reprise du droit antérieur – tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire de droit exige du demandeur qu’il démontre que l’exécution de la décision déférée au Premier président de la Cour d’appel « risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « conséquences manifestement excessives ».
    • La Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).
    • Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).
    • La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable.
    • Ainsi, l’importance de la condamnation n’est pas, en elle-même, un motif suffisant pour justifier l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution provisoire, encore faut-il que les facultés du débiteur ne lui permettent pas d’exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier ou, à l’inverse, que le risque d’insolvabilité, l’absence ou la faiblesse des facultés de restitution chez le créancier, voire son comportement ou sa situation particulière, soient de nature à compromettre le remboursement en cas d’infirmation du jugement.
    • Il résulte en outre de l’arrêt du 2 novembre 1990, ainsi que de très nombreuses autres décisions de la Cour de cassation, que ne saurait être arrêtée ou aménagée l’exécution provisoire bénéficiant à un jugement, motif pris des chances de succès ou du bien-fondé de l’appel (Cass 3e civ., 4 nov. 1987, n° 86-13.189), de l’irrégularité du jugement (Cass 2e civ., 25 mars 1992, n°90-21.962), voire de la méconnaissance des droits de la défense (Cass 2e civ., 13 mars 1996, n°95-16.325).
    • Cela étant, dans la limite et le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour de cassation, la mesure d’arrêt de l’exécution provisoire relève néanmoins du pouvoir souverain d’appréciation, par le juge qui examine la demande, du risque de conséquences manifestement excessives (Cass. soc., 11 déc. 1990, n°86-45.377, Cass. 2e civ. 5 février 1997, n° 94-21.070).
    • Il n’est donc pas possible, s’agissant de questions de fait, de déterminer de manière générale les cas dans lesquels sera ou non caractérisée l’existence de conséquences manifestement excessives.
    • Il convient en conséquence, dans chaque espèce, de déterminer si la poursuite de l’exécution provisoire de droit est susceptible d’entraîner, non pas seulement des difficultés financières chez le débiteur – insuffisantes à caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives – mais également des dommages irréversibles dépassant très largement les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire.
    • De même, l’appréciation du risque de non-restitution par le bénéficiaire de l’exécution provisoire doit tenir compte de tous les éléments, tant actuels, que raisonnablement envisageables dans l’avenir, permettant d’apprécier la capacité réelle, ou la volonté objective, du créancier de rembourser les sommes versées en cas d’infirmation de la décision des premiers juges (ordonnance suspendant l’exécution provisoire d’une condamnation de l’État au versement d’une somme importante à un particulier, dès lors que ce dernier, non-résident, ne possédait en France aucun bien propre à répondre d’une restitution éventuelle et n’avait fourni aucun engagement de caution).

🡺La condition tenant à la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

L’alinéa 2 de l’article 514-3 du CPC prévoit que « la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est ainsi subordonnée à la satisfaction d’une condition de recevabilité.

À cet égard deux situations doivent être distinguées :

  • Première situation : l’appelant a fait valoir des observations en première instance sur l’exécution provisoire
    • Dans cette hypothèse, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable en tout état de cause dès lors qu’est établie l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
  • Seconde situation : l’appelant n’a pas fait valoir des observations en première instance sur l’exécution provisoire
    • Dans cette hypothèse en revanche, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ne sera recevable que si l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives sont révélées postérieurement à la décision de première instance
    • À défaut, l’appelant ne sera pas recevable à solliciter la suspension de l’exécution provisoire
    • Afin de se préserver cette faculté, les parties auront ainsi tout intérêt à toujours discuter, en première instance, du bien-fondé de l’exécution provisoire de droit

c. Procédure

🡺L’appel

La demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ou au sursis à l’exécution est subordonnée à l’existence d’un appel et non au dépôt des conclusions d’appel (V. en ce sens Cass. 2e civ., 20 déc. 2001, n° 00-17.029).

Elle est introduite selon les règles de droit commun du référé, par voie d’assignation, soit à une audience habituelle soit, en cas d’urgence, d’heure à heure (art. 514-6 CPC).

L’ordonnance du Premier président de la cour d’appel qui statue en référé, en vertu des pouvoirs propres que lui confère l’article 514-3 du CPC, sur une demande tendant à voir ordonner ou arrêter l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel, met fin à l’instance autonome introduite devant ce magistrat, de sorte que sa décision est susceptible d’un pourvoi immédiat (Cass. Ass. plén., 2 nov. 1990, n° 90-12.698).

Il en résulte également que le Premier président doit statuer sur les dépens de cette instance, sans pouvoir énoncer que les dépens du référé suivront ceux de l’instance principale (Cass. 2e civ., 29 oct. 1990, n° 89-14.925).

Le caractère abusif de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire peut être sanctionné par l’octroi de dommages-intérêts : le premier président qui relève que cette demande a été introduite avec légèreté et mauvaise foi, et dans le seul but de faire échec au jugement sans démontrer que l’exécution de celui-ci provoquerait des conséquences manifestement excessives sur la situation du demandeur et constate que cette procédure a causé un préjudice au bénéficiaire du jugement, peut décider que la procédure est abusive et dilatoire et allouer des dommages-intérêts (Cass. 2e civ., 12 nov. 1997, n° 95-20.280).

Le premier président ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision (Cass. 2e civ., 31 janv. 2002, n° 00-11.881).

Cependant, lorsqu’une saisie-attribution a été pratiquée sur le fondement d’un jugement assorti de l’exécution provisoire, le premier président statuant en référé, saisi d’une demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire, ne peut déclarer cette demande irrecevable en retenant que l’exécution provisoire du jugement a été consommée par la saisie-attribution, sans constater que le paiement n’était pas différé (Cass. 2e civ., 23 oct. 1996, n° 95-22.269).

🡺L’opposition

L’article 514-3, al. 3 du CPC prévoit que lorsque la voie de recours exercée contre la décision rendue en première instance consiste en une opposition, le Juge compétent pour connaître de l’arrêt de l’exécution provisoire c’est, non pas le Premier président de la Cour d’appel, mais le juge qui a rendu la décision.

À cet égard, il peut prononcer l’arrêt de l’exécution provisoire soit d’office, soit à la demande d’une partie, à la condition néanmoins qu’il existe un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives au préjudice de la partie qui la subit.

La condition tenant à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance a, dans cette configuration disparue.

La raison en est que c’est le juge de première instance qui a rendu la décision assortie de l’exécution provisoire de droit qui va statuer. Il n’est dès lors pas compétent pour se prononcer sur le risque de réformation de sa propre décision.

3. Le rétablissement de l’exécution provisoire de droit

L’article 514-4 du CPC prévoit que « lorsque l’exécution provisoire de droit a été écartée en tout ou partie, son rétablissement ne peut être demandé, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu’il y ait urgence, que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Cette disposition envisage ainsi la possibilité d’un rétablissement de l’exécution provisoire de droit qui aurait été écartée par le Juge de première instance.

La demande doit alors être formée, soit auprès du Premier président de la Cour d’appel, soit au Juge de la mise en état s’il est saisi.

En tout état de cause, le rétablissement de l’exécution provisoire est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • L’existence d’un cas d’urgence
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).
    • Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.
    • En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
  • La compatibilité du rétablissement de l’exécution provisoire avec la nature de l’affaire
    • À l’examen, la jurisprudence considère que la compatibilité s’apprécie au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue
    • Ainsi, lorsque le juge se prononce sur le rétablissement de l’exécution provisoire il doit se demander si un retour en arrière est possible en cas de réformation de sa décision en appel.
    • Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire peut être rétablie.
    • À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.
    • Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.).
  • L’absence de risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
    • Pour mémoire, la Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).
    • Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).
    • La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable.

Ce n’est seulement que si ces trois conditions sont réunies que l’exécution provisoire de droit qui avait été écartée en première instance peut être rétablie.

4. Aménagement de l’exécution provisoire de droit

Le Premier président de la Cour d’appel dispose toujours de la faculté d’aménager l’exécution provisoire de droit en ordonnant l’une des mesures prévues aux articles 521 et 522 du CPC.

L’aménagement de l’exécution provisoire de droit relève du pouvoir discrétionnaire du Premier président qui peut, en tout état de cause, adopter deux sortes de mesures :

  • Première mesure : consignation des fonds dus au titre de la condamnation
    • L’article 521, al. 1er du CPC dispose que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »
    • Il ressort de cette disposition que la partie qui a succombé en première instance, peut être contrainte par le juge de consigner le montant de la somme qu’il a été condamné à verser.
    • Il ne s’agit pas ici de conditionner l’exécution provisoire dont bénéficie le créancier, mais de permettre au débiteur d’éviter qu’elle soit poursuivie à son encontre.
    • Si, cette mesure présente l’avantage de prémunir la partie perdante de l’insolvabilité de son contradicteur en cas de réformation de la décision rendue, l’inconvénient est qu’elle ne permet pas à ce dernier de percevoir immédiatement le montant de la condamnation, ce qui peut lui être fort préjudiciable en cas de fragilité de sa situation financière.
    • C’est la raison pour laquelle le législateur a écarté cette mesure en matière de condamnation relative au paiement de sommes qui correspondent à des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.
    • À cet égard, l’article 521, al. 2 du CPC précise que « en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1992, la Cour de cassation a précisé que cette mesure n’était pas limitée au cas de condamnation du chef de la réparation d’un dommage corporel
    • La deuxième chambre civile a, en effet, considéré que « lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut, en vertu de l’article 524 du nouveau Code de procédure civile, prendre la mesure prévue à l’article 521, alinéa 2, du même Code pour toute condamnation au versement d’un capital, sans avoir à rechercher si l’exécution aurait des conséquences manifestement excessives » (Cass. 2e civ. 12 juill. 1992, n°91-11.280).
  • Seconde mesure : substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente
    • L’article 522 du CPC dispose que « le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente. »
    • Pratiquement ce pouvoir est en réalité limité puisqu’il suppose qu’une garantie ait été initialement et régulièrement constituée.
    • L’exécution provisoire étant de droit, la faculté conférer au juge de substituer la garantie n’aura d’intérêt que le juge subordonne l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie.

5. Les mesures accessoires à l’exécution provisoire de droit

L’article 514-5 du CPC prévoit que « le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

Cette faculté dont dispose le juge d’exiger la constitution d’une garantie vise à éviter que la restitution ou la réparation soit impossible en cas de réformation de la décision contestée.

  • La nature de la garantie
    • La garantie exigée par le juge peut consister, tant en un cautionnement bancaire qu’en une hypothèque, un nantissement ou un gage.
    • À cet égard, l’article 518 du CPC précise que la nature, l’étendue et les modalités de la garantie prévue aux articles 514-5 et 517 doivent être précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • En toute hypothèse, le jugement ne deviendra alors exécutoire qu’à la condition que la garantie soit constituée.
  • Détermination de la valeur de la garantie
    • L’article 520 du CPC dispose que si la valeur de la garantie ne peut être immédiatement appréciée, le juge invite les parties à se présenter devant lui à la date qu’il fixe, avec leurs justifications.
    • Il est alors statué sans recours.
    • La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement.
  • Modalités de constitution de la garantie
    • En application de l’article 519 du CPC, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci peut être déposée
      • Soit, par défaut, à la Caisse des dépôts et consignations
      • Soit, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet
    • Dans ce dernier cas, le juge, s’il fait droit à cette demande, doit constater dans sa décision les modalités du dépôt.
    • L’article 519 du CPC précise que si le tiers refuse le dépôt, la somme est déposée, sans nouvelle décision, à la Caisse des dépôts et consignations.

B) L’exécution provisoire facultative

L’exécution provisoire facultative est régie par les articles 515 à 517-4 du CPC.

À l’examen, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a maintenu le droit en vigueur sous réserve de deux modifications apportées à l’article 517-1 du CPC, qui reprend partiellement les quatre premiers alinéas de l’ancien article 524 du CPC.

1. L’octroi de l’exécution provisoire

a. Conditions d’octroi

L’article 515 du CPC dispose que « lorsqu’il est prévu par la loi que l’exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d’office ou à la demande d’une partie, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. »

Il ressort de cette disposition que l’exécution provisoire peut être ordonnée par le Juge lorsqu’elle n’est pas de droit et qu’elle n’est pas interdite par la loi.

Son octroi est toutefois subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives. L’exécution provisoire doit, en effet, être, d’une part, nécessaire et, d’autre part, compatible avec la nature de l’affaire.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par compatibilité et nécessité :

  • Sur la compatibilité de l’exécution provisoire avec la nature l’affaire
    • À l’examen, la jurisprudence considère que la compatibilité s’apprécie au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue
    • Ainsi, lorsque le juge octroie l’exécution provisoire il doit se demander si un retour en arrière est possible en cas de réformation de sa décision en appel.
    • Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire peut être ordonnée.
    • À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.
    • Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.)
  • Sur la nécessité de l’exécution provisoire
    • Le caractère nécessaire de l’exécution provisoire s’apprécie au regard des intérêts du bénéficiaire de la décision.
    • Il convient donc pour le juge de tenir compte de l’ancienneté de la créance, de la situation financière du créancier ou encore son état de fragilité.

b. Compétence

Selon le stade de la procédure et le sens de la décision rendue, les règles de compétence désigneront, tantôt le juge de première instance, tantôt le Premier président de la Cour d’appel pour statuer sur l’octroi de l’exécution provisoire

  • Au stade de la première instance
    • Principe
      • Le juge compétent pour statuer sur l’octroi de l’exécution provisoire est le Juge de première instance qui peut :
        • Soit accéder à la demande formulée par les parties par voie de conclusions écrites orales
        • Soit accorder l’exécution provisoire d’office, de sa propre initiative
    • Exception
      • L’article 517-2 du CPC dispose que « lorsque l’exécution provisoire a été refusée, elle ne peut être demandée, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu’il y ait urgence »
      • Il ressort de cette disposition que, en cas de refus d’octroi de l’exécution provisoire par le Juge de première instance, tout n’est pas perdu par la partie déboutée de sa demande : elle peut formuler une nouvelle demande auprès :
        • Soit du Premier président de la Cour d’appel
        • Soit du Conseiller de la mise en état
      • Pour qu’il soit fait droit à sa demande, il devra néanmoins établir l’urgence, ce qui consistera à démontrer que, l’absence d’exécution provisoire, pourrait avoir des conséquences irréversibles.
  • Au stade de l’appel
    • L’article 517-3 du CPC prévoit que « lorsque l’exécution provisoire n’a pas été demandée, ou si, l’ayant été, le juge a omis de statuer, elle ne peut être demandée, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état. »
    • Dans l’hypothèse où le juge de première instance a omis de statuer sur l’exécution provisoire ou qu’elle n’a pas été demandée, elle peut être octroyée au stade de l’appel
      • Soit par le Premier président tant qu’aucun Conseiller de mise en état n’est saisi
      • Soit par le Conseiller de la mise en état lorsque la procédure d’appel est engagée
    • En tout état de cause, contrairement à l’hypothèse où l’exécution provisoire a été refusée en première instance, il n’est pas nécessaire ici de justifier d’une urgence.
    • Aussi, l’octroi de l’exécution provisoire sera déterminé en considération de sa compatibilité avec l’affaire ou de sa nécessité.

2. L’arrêt de l’exécution provisoire facultative

a. Compétence

La compétence de la juridiction qui est investie du pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire ordonnée dépend de la voie de recours exercée par le demandeur (art. 517-1 CPC) :

  • En cas d’appel, c’est le Premier président de la Cour d’appel qui est compétent pour statuer sur l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée
  • En cas d’opposition, c’est le juge qui a rendu la décision qui est compétent pour statuer sur l’arrêt de l’exécution provisoire dont elle est assortie

b. Causes de l’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 517-1 du CPC dispose que lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée en cas d’appel, que par le premier président :

  • Soit si elle est interdite par la loi
  • Soit lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

α: S’agissant des cas où l’exécution provisoire est interdite par loi

Les cas d’interdiction d’exécution provisoire sont exceptionnels. On peut citer la prestation compensatoire fixée par la décision qui prononce le divorce (art. 1079 CPC), le jugement qui déclare le faux (art. 310 CPC).

Faisant application de l’article 178 du décret du 27 novembre 1991, la Cour de cassation juge que les décisions rendues par le bâtonnier en matière de contestation d’honoraires ne peuvent être assorties de l’exécution provisoire par celui-ci (Cass. 1ère civ., 9 avr. 2002, n° 99-19.761).

Il faut souligner que l’article 46 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006 et applicable aux procédures en cours, a abrogé l’alinéa 2 de l’article 515 du Code de procédure civile interdisant d’ordonner l’exécution provisoire pour les dépens.

β: S’agissant des cas où il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, au fond, conformément à l’article 515 du CPC, son arrêt est subordonné :

  • D’une part, à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision
  • D’autre part, à l’existence d’un risque que l’exécution provisoire entraîne des conséquences manifestement excessives

🡺Sur l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision

Pour que le demandeur soit fondé à solliciter la suspension de l’exécution provisoire lorsqu’elle a été ordonnée, il doit donc justifier l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision »

Tout d’abord, il peut être relevé que cette condition est une reprise de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui autorise le Premier président de la Cour d’appel à prononcer un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution.

Ce sursis à exécution ne peut, toutefois, être accordé, selon le texte, que s’il existe « des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. »

La formulation de l’article 514-3 du CPC est ainsi empruntée à l’article R. 121-22 du CPCE.

Reste que, aucun de ces deux textes ne fournit de clé de lecture de la condition posée.

En dépit d’indications, il peut tout d’abord être relevé que l’article 514-3 du CPC ne distingue pas selon que les moyens soulevés par le demandeur intéressent le fond du litige ou la procédure.

Ensuite, l’emploi de la formulation « moyen sérieux » invite le Premier président de la Cour d’appel à se livrer à une appréciation du bien-fondé de l’appel.

Il lui faudra, autrement dit, déterminer si la décision rendue en première instance comporte des erreurs de droit, à tout le moins si les critiques encourues sont suffisamment pertinentes pour justifier une réformation de la décision.

En la matière, le Premier président disposera d’un pouvoir souverain d’appréciation, de sorte que sa décision devrait, sur ce point, échapper au contrôle exercé par la Cour de cassation.

🡺Sur l’existence d’un risque que l’exécution provisoire entraîne des conséquences manifestement excessives

La question qui se pose ici est de savoir ce que l’on doit entendre par « conséquences manifestement excessives ».

La Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).

Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).

La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable .

Ainsi, l’importance de la condamnation n’est pas, en elle-même, un motif suffisant pour justifier l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution provisoire, encore faut-il que les facultés du débiteur ne lui permettent pas d’exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier ou, à l’inverse, que le risque d’insolvabilité, l’absence ou la faiblesse des facultés de restitution chez le créancier, voire son comportement ou sa situation particulière, soient de nature à compromettre le remboursement en cas d’infirmation du jugement.

Il résulte en outre de l’arrêt du 2 novembre 1990, ainsi que de très nombreuses autres décisions de la Cour de cassation, que ne saurait être arrêtée ou aménagée l’exécution provisoire bénéficiant à un jugement, motif pris des chances de succès ou du bien-fondé de l’appel (Cass 3e civ., 4 nov. 1987, n° 86-13.189), de l’irrégularité du jugement (Cass 2e civ., 25 mars 1992, n°90-21.962), voire de la méconnaissance des droits de la défense (Cass 2e civ., 13 mars 1996, n°95-16.325).

Cela étant, dans la limite et le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour de cassation, la mesure d’arrêt de l’exécution provisoire relève néanmoins du pouvoir souverain d’appréciation, par le juge qui examine la demande, du risque de conséquences manifestement excessives (Cass. soc., 11 déc. 1990, n°86-45.377, Cass. 2e civ. 5 février 1997, n° 94-21.070).

Il n’est donc pas possible, s’agissant de questions de fait, de déterminer de manière générale les cas dans lesquels sera ou non caractérisée l’existence de conséquences manifestement excessives.

Il convient en conséquence, dans chaque espèce, de déterminer si la poursuite de l’exécution provisoire de droit est susceptible d’entraîner, non pas seulement des difficultés financières chez le débiteur – insuffisantes à caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives – mais également des dommages irréversibles dépassant très largement les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire.

De même, l’appréciation du risque de non-restitution par le bénéficiaire de l’exécution provisoire doit tenir compte de tous les éléments, tant actuels, que raisonnablement envisageables dans l’avenir, permettant d’apprécier la capacité réelle, ou la volonté objective, du créancier de rembourser les sommes versées en cas d’infirmation de la décision des premiers juges (ordonnance suspendant l’exécution provisoire d’une condamnation de l’État au versement d’une somme importante à un particulier, dès lors que ce dernier, non-résident, ne possédait en France aucun bien propre à répondre d’une restitution éventuelle et n’avait fourni aucun engagement de caution).

3. L’aménagement de l’exécution provisoire ordonnée

L’article 517-1 du CPC autorise l’aménagement de l’exécution provisoire lorsqu’elle a été ordonnée, selon les modalités prévues aux articles 517 et 518 à 522 du CPC.

Cette possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire facultative n’est ouverte qu’à la condition qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

Le législateur est ainsi revenu sur la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 23 janvier 1991 avait estimé que la possibilité d’aménager l’exécution provisoire ordonnée par le juge n’était pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (Cass. 2e civ., 23 janv. 1991, n° 89-18.925)

Désormais, lorsque la double condition énoncée à l’article 517-1 du CPC est remplie, trois sortes de mesures d’aménagement de l’exécution provisoire sont susceptibles d’être prises par le Juge :

  • La constitution d’une garantie
  • La consignation d’une somme d’argent
  • La substitution de la garantie initiale par une garantie équivalente

La possibilité d’aménager l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président (Cass., 2e civ., 26 oct. 2006, n° 04-18.722).

🡺S’agissant de la constitution d’une garantie

  • Principe de constitution de la garantie
    • L’article 517 du CPC dispose que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »
    • Cette faculté dont dispose le juge d’exiger la constitution d’une garantie vise à éviter que la restitution ou la réparation soit impossible en cas de réformation de la décision contestée.
    • La garantie exigée par le juge peut consister, tant en un cautionnement bancaire qu’en une hypothèque, un nantissement ou un gage.
    • À cet égard, l’article 518 du CPC précise que la nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • En toute hypothèse, le jugement ne deviendra alors exécutoire qu’à la condition que la garantie soit constituée.
  • Détermination de la valeur de la garantie
    • L’article 520 du CPC dispose que si la valeur de la garantie ne peut être immédiatement appréciée, le juge invite les parties à se présenter devant lui à la date qu’il fixe, avec leurs justifications.
    • Il est alors statué sans recours.
    • La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement.
  • Modalités de constitution de la garantie
    • En application de l’article 519 du CPC, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci peut être déposée
      • Soit, par défaut, à la Caisse des dépôts et consignations
      • Soit, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet
    • Dans ce dernier cas, le juge, s’il fait droit à cette demande, doit constater dans sa décision les modalités du dépôt.
    • L’article 519 du CPC précise que si le tiers refuse le dépôt, la somme est déposée, sans nouvelle décision, à la Caisse des dépôts et consignations.

🡺S’agissant de la consignation d’une somme d’argent

L’article 521 du CPC prévoit que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »

Il ressort de cette disposition que la partie qui a succombé en première instance, peut être contrainte par le juge de consigner le montant de la somme qu’il a été condamné à verser.

Il ne s’agit pas ici de conditionner l’exécution provisoire dont bénéficie le créancier, mais de permettre au débiteur d’éviter qu’elle soit poursuivie à son encontre.

Si, cette mesure présente l’avantage de prémunir la partie perdante de l’insolvabilité de son contradicteur en cas de réformation de la décision rendue, l’inconvénient est qu’elle ne permet pas à ce dernier de percevoir immédiatement le montant de la condamnation, ce qui peut lui être fort préjudiciable en cas de fragilité de sa situation financière.

C’est la raison pour laquelle le législateur a écarté cette mesure en matière de condamnation relative au paiement de sommes qui correspondent à des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.

À cet égard, l’article 521, al. 2 du CPC précise que « en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »

🡺S’agissant de la substitution de la garantie initiale par une garantie équivalente

L’article 522 du CPC dispose que « le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente. »

Pratiquement ce pouvoir est en réalité limité puisqu’il suppose qu’une garantie ait été initialement et régulièrement constituée.

II) Le sort de l’exécution provisoire à l’issue de la procédure d’appel ou d’opposition

A) En cas de confirmation de la décision de première instance

En cas de confirmation de la décision rendue en première instance, l’exécution provisoire devient définitive, de sorte qu’il n’est plus possible de la remettre en cause, sauf cassation de l’arrêt d’appel.

Il en résulte que les garanties qui ont pu être exigées sont levées et les sommes consignées versées à la partie gagnante.

B) En cas d’infirmation de la décision de première instance

L’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que si l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire, elle se fait « aux risques du créancier ».

Dès lors, le débiteur devra être rétabli dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre exécutoire est ultérieurement modifié par réformation de la décision adoptée en première instance.

Ce rétablissement du débiteur dans ses droits se traduira par des restitutions et/ou des réparations.

1. Les restitutions

En application de l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution, la jurisprudence considère que, en cas d’exécution provisoire, d’une décision réformée en appel, il y a lieu à restitution.

Cette disposition prévoit, plus précisément, que celui qui a fait exécuter la décision infirmée doit rétablir « le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ».

Cette obligation de restitution qui pèse sur le créancier finalement débouté par la cour d’appel soulève immédiatement deux interrogations

  • Quid du point de départ de l’obligation de restitution
  • Quid de l’étendue de l’obligation de restitution

🡺Sur le point de départ de l’obligation de restitution

Le point de départ de l’obligation de restitution est constitué par la notification de la décision ouvrant droit à restitution.

Dans un arrêt du 3 mars 1995, l’assemblée plénière a jugé en ce sens, au visa de l’ancien article 1153, al. 3 du Code civil, que « la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution » (Cass. ass. plén. 3 mars 1995, 91-19.497).

L’obligation de restitution ne fait aucun doute lorsque la décision d’appel, annulant ou infirmant la décision des premiers juges, porte expressément condamnation à restituer.

La question s’est en revanche posée de savoir si la notification de la décision d’appel permet d’exiger la restitution de ce qui a été versé au titre de l’exécution provisoire, lorsque l’arrêt est silencieux sur ce point.

Depuis longtemps, la jurisprudence considère que la décision d’infirmation ou d’annulation constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions sans que le juge d’appel ne l’ordonne expressément (V. en ce sens Cass. soc., 27 févr. 1991 ; Cass. 3e civ., 19 février 2002).

De l’avis des auteurs, cette solution est pleinement justifiée dans la mesure où l’appel est une voie de réformation.

La décision d’appel venant modifier la décision de première instance et se substituant à celle-ci, elle met nécessairement à néant les dispositions contraires du jugement, de sorte que le simple rapprochement des deux décisions permet de déterminer les dispositions qui n’ont plus lieu d’être et, en conséquence, de justifier la restitution.

Cette solution a en outre le mérite d’éviter de multiplier inutilement les procédures judiciaires.

🡺Sur l’étendue de l’obligation de restitution

L’étendue de l’obligation de restitution diffère selon que celle-ci est effectuée en nature ou par équivalent.

Lorsqu’elle est possible, la restitution en nature ne pose pas de difficulté particulière.

L’intimé doit restituer tout ce que l’appelant lui avait remis et en cas d’infirmation partielle, les restitutions ne doivent intervenir qu’à due concurrence.

Dans l’hypothèse où la restitution en nature est impossible, la restitution est effectuée par équivalent sous forme de dommages-intérêts puisque l’exécution a été poursuivie aux risques du créancier.

S’agissant de l’hypothèse la plus courante, qui est celle de la restitution d’une somme d’argent, s’est posée la question de savoir laquelle des deux parties devaient bénéficier des intérêts produits entre la date à laquelle le paiement a été effectué au titre de l’exécution provisoire et celle de la restitution.

Jusqu’en 1987, la Cour de cassation décidait que dans la mesure où l’intimé n’aurait en définitive jamais dû être mis en possession de la somme d’argent, puisque la cour d’appel a refusé de le déclarer créancier, il était tenu à restituer les intérêts qu’il avait perçus au cours de l’instance d’appel (V. en ce sens Cass. soc., 28 oct. 1981).

La Cour de cassation a néanmoins opéré, sur ce point, un revirement de jurisprudence en 1987, initié par un arrêt de la chambre sociale le 16 juillet (Cass. soc., 16 juill. 1987).

Les autres Chambres de la Cour de cassation ont à leur tour consacré cette solution, en considérant que le créancier ne pouvait être tenu, considérant que son titre n’a « disparu, qu’à la restitution selon les principes de l’article 1153, alinéa 2, du Code civil » (Cass. 1ère civ., 3 janv. 1991 ; Cass. 2e civ., 9 décembre 1999).

Cette règle a, enfin, été consacrée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 1995 (Cass. Ass. Plén., 3 mars 1995).

Les intérêts légaux ne courent donc qu’à compter de la signification, portant sommation de restituer, de l’arrêt de la cour d’appel infirmant ou annulant le jugement assorti de l’exécution provisoire.

Cette solution n’est pas, selon la doctrine, à l’abri de toute critique. En effet, la somme versée au titre de l’exécution provisoire a produit des intérêts durant l’instance d’appel.

Il s’agit donc de déterminer si la partie qui doit bénéficier de ces intérêts est celle qui était en droit de percevoir la somme, puisque disposant d’un titre exécutoire, ou celle qui a eu en définitive gain de cause.

Dans la mesure où la restitution doit être intégrale, il serait donc préférable de considérer qu’elle doit également porter sur les fruits, c’est-à-dire les intérêts.

En effet, il résulte de l’infirmation de la décision de première instance que l’intimé n’aurait, en principe, jamais dû percevoir cette somme.

En d’autres termes, la jurisprudence actuelle fait bénéficier l’une des parties des intérêts d’une somme qu’elle n’aurait jamais dû percevoir.

En conséquence, il serait préférable de considérer que la restitution doit également porter sur les intérêts.

Reste que dans un arrêt du 15 mai 2003, la Cour de cassation a réitéré sa solution en affirmant que « la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution » (Cass. 2e civ. 15 mai 2003, n°99-21.657).

2. Les réparations

Parce que l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’exécution provisoire est poursuivie aux risques et périls du créancier.

En cas de modification du titre dont il se prévaut, la jurisprudence a toujours considéré que, par principe, pesait sur ce dernier une obligation de réparer les dommages causés par l’exécution provisoire de la décision de première instance, ultérieurement annulée ou infirmée.

Ce principe doit néanmoins être tempéré par la règle énoncée à l’article L. 111-11 du même Code qui dispose que si « le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée, […] cette exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute. »

Aussi, ressort-il de la combinaison de ces deux dispositions que le régime de l’obligation de réparation diffère selon que le recours exercé est ou non suspensif.

🡺S’agissant d’un recours suspensif

Lorsque le recours exercé par l’appelant est suspensif, c’est l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution qui a vocation à s’appliquer de sorte qu’une obligation de réparation pèse sur l’intimé du seul fait de l’accomplissement d’un acte d’exécution forcée.

En la matière, la jurisprudence fait application des principes généraux de la responsabilité civile.

Aussi conviendra-t-il de rapporter la preuve que l’acte d’exécution a causé un préjudice à la partie contre laquelle l’exécution provisoire a été engagée.

Pour donner droit à indemnisation, encore faut-il que ce préjudice soit réparable. Le plus souvent, il s’agira de la perte de jouissance d’un bien et des conséquences qui en ont découlé (V. en ce sens Cass. com., 12 février 1973).

Le préjudice pourra encore consister en une perte de gain résultant de ce qu’un investissement n’a pu être effectué ou même des conséquences d’un état de cessation des paiements provoqué par le fait de n’avoir pas eu la somme en cause à disposition.

S’agissant du fait générateur du préjudice, il est constitué par l’acte d’exécution forcée qui a été pratiqué par l’intimé à l’encontre de l’appelant.

La jurisprudence exige en effet que l’intimé ait fait pratiquer des actes d’exécution forcée (Cass. 1ère civ., 6 juin 1990).

Une exécution spontanée de la part de l’appelant ne saurait donc lui permettre d’obtenir réparation du préjudice qu’il a subi en raison de cette exécution (V. en ce sens Cass. 3e civ, 26 mars 1997).

Dans un arrêt du 1er juillet 1998, la Cour de cassation a précisé qu’il n’est nullement besoin pour la partie qui sollicite la réparation de son préjudice de démontrer que l’intimé a commis une faute en exigeant l’exécution de la décision de première instance (Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n° 96-18.930).

Il en résulte que la réparation s’impose du seul fait de l’exécution forcée.

🡺S’agissant d’un recours non-suspensif

Lorsque le recours exercé par l’appelant est suspensif, c’est l’article L. 111-11 du Code des procédures civiles d’exécution qui a vocation à s’appliquer.

Pour rappel, cette disposition prévoit que si « le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée, […] cette exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute. »

Il en résulte que l’accomplissement d’un acte d’exécution forcée ne saurait constituer, en lui-même, une faute. Pour obtenir réparation du préjudice causé par l’exécution provisoire, l’appelant devra prouver le caractère fautif de la mise en œuvre de l’exécution provisoire.

Par un arrêt du 9 novembre 2000, la Cour de cassation avait déjà ouvert : après avoir affirmé que « le recours par une voie extraordinaire et le délai ouvert pour l’exercer ne sont pas suspensifs d’exécution si la loi n’en dispose autrement », la deuxième chambre civile en a déduit « qu’en matière de tierce opposition et de recours en révision, seule une exécution fautive peut donner lieu à réparation » (Cass. civ. 2ème, 9 nov. 2000).

La Cour de cassation a certes précisé que la voie de recours qui était exercée en l’occurrence était une voie de recours extraordinaire. Mais elle s’est fondée sur le caractère non suspensif d’une telle voie de recours, pour en déduire que seule une exécution fautive peut donner lieu à réparation.

  1. Conclusions prises par la SCP Nicolay – de Lanouvelle – Honnotin

La notification ou signification des décisions de justice (jugements, arrêts et ordonnances)

Pour produire des effets juridiques, les actes de procédure doivent être portés à la connaissance des intéressés par voie de notification.

À cet égard, le bénéficiaire d’une décision de justice ne peut en poursuivre l’exécution forcée qu’après l’avoir notifiée à la partie perdante, cette notification faisant courir le délai d’appel contre la décision.

Si, la notification par acte d’huissier, appelée signification, constitue aujourd’hui le principe, la notification en la forme ordinaire, c’est-à-dire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, demeure l’exception.

Reste que quand bien même une autre forme aurait été prévue, la notification peut toujours être entreprise par voie de signification.

I) L’exigence de notification

A) Principe

L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »

Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution. Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.

Plus précisément, elle doit connaître les termes du jugement rendu afin d’être en mesure de s’exécuter spontanément. Elle doit également être informée sur ses droits dans la perspective éventuelle de l’exercice d’une voie de recours.

La notification de la décision s’impose en toutes circonstances, y compris dans l’hypothèse où la partie perdante interjette appel.

Si, en effet, la décision de première instance est assortie de l’exécution provisoire, cette mesure ne pourra être mise en œuvre qu’à la condition que la décision ait été notifiée.

B) Exceptions

En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :

==>L’exécution volontaire

Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.

Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.

Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.

Dans un arrêt du 16 juin 2005, la Cour de cassation a rappelé cette règle de bon sens en jugeant, au visa de l’article 503 du CPC, que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire » (Cass. 2e civ. 16 juin 2005, n°03-18.982)

==>L’exécution au seul vu de la minute

L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »

Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :

  • Premier cas : les ordonnances sur requête
    • En application de l’article 495 du CPC les ordonnances sur requête sont, de plein droit, exécutoires au seul vu de la minute
    • La seule présentation de l’ordonnance à la personne contre qui est rendue l’ordonnance autorise l’huissier de justice instrumentaire à procéder à l’exécution de la décision
  • Deuxième cas : les ordonnances de référé
    • L’article 489 du CPC dispose s’agissant des ordonnances de référé que « en cas de nécessité, le juge peut ordonner que l’exécution de l’ordonnance de référé aura lieu au seul vu de la minute. »
    • Ainsi, si l’ordonnance de référé est, de plein droit, assortie de l’exécution provisoire, elle n’est pas exécutoire au seul vu de la minute.
    • Par principe, elle doit donc être notifiée.
    • C’est seulement si le Président de la juridiction saisie le prévoit expressément dans son ordonnance de référé que son bénéficiaire sera dispensé de la notifier.
  • Troisième cas : les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
    • L’article 140 prévoit, s’agissant des décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers que « la décision du juge est exécutoire à titre provisoire, sur minute s’il y a lieu. »
    • Ce n’est donc qu’à la condition que l’ordonnance le prévoit expressément dans son dispositif qu’elle peut être exécutoire au seul vu de la minute.
  • Quatrième cas : les mesures d’instruction
    • L’article 154 du CPC prévoit que « les mesures d’instruction sont mises à exécution, à l’initiative du juge ou de l’une des parties selon les règles propres à chaque matière, au vu d’un extrait ou d’une copie certifiée conforme du jugement. »
    • Dans un arrêt du 22 juillet 1992, la Cour de cassation a interprété cette disposition comme dispensant le bénéficiaire d’une mesure d’instruction de notification de l’ordonnance qui la prévoit.

Il peut être observé que dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

II) Les destinataires de la notification

La notification du jugement doit être effectuée auprès de deux sortes de destinataires :

  • Les parties elles-mêmes en tout état de cause
  • Les avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

A) La notification aux parties elles-mêmes

L’article 677 du CPC dispose que « les jugements sont notifiés aux parties elles-mêmes. »

Par parties, il faut entendre toutes les personnes mises en cause dans le jugement. Il est indifférent qu’il s’agisse de personnes physiques ou de personnes morales.

S’agissant des personnes physiques, la notification doit est faite à la personne elle-même du destinataire au lieu où elle demeure.

S’agissant des personnes morales, la notification du jugement doit être effectuée auprès de leur représentant légal ou à toute autre personne habilitée à cet effet.

Pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection (curatelle ou tutelle), la notification doit être effectuée auprès du curateur ou du tuteur

Lorsqu’une même personne est concernée par un jugement à deux titres différents, par exemple en qualité de représentant de la personne morale et à titre personnel, la Cour de cassation a précisé que la notification doit indiquer clairement à quel titre elle est faite (Cass. 2e civ., 1er mars 1995, n°93-12.690).

Par ailleurs, lorsque plusieurs personnes physiques sont mises en cause, la décision doit être notifiée séparément à chacune d’elles.

À cet égard, l’article 529 du CPC précise que

  • D’une part, en cas de condamnation solidaire ou indivisible de plusieurs parties, la notification faite à l’une d’elles ne fait courir le délai qu’à son égard.
  • D’autre part, dans les cas où un jugement profite solidairement ou indivisiblement à plusieurs parties, chacune peut se prévaloir de la notification faite par l’une d’elles.

B) La notification aux avocats des parties lorsque la représentation est obligatoire

==>Principe

L’article 678 du CPC dispose que « lorsque la représentation est obligatoire, le jugement doit en outre être préalablement notifié aux représentants dans la forme des notifications entre avocats, faute de quoi la notification à la partie est nulle ».

Ainsi, pour les procédures qui exigent la constitution d’un avocat par les parties, la notification de la décision doit, au préalable, être effectuée auprès du représentant ad litem.

Cette règle procède de l’idée que l’avocat, en tant qu’auxiliaire de justice, et professionnel du droit, est le plus à même :

  • D’une part, de comprendre les termes et la portée du jugement rendu
  • D’autre part, de conseiller la personne contre qui la décision est rendue quant à l’opportunité d’exercer une voie de recours

==>Domaine de l’exigence de notification

L’article 678 du CPC exige que la décision soit notifiée aux avocats que dans l’hypothèse où la représentation est obligatoire.

Lorsque la représentation par avocat est facultative, la notification au représentant ad litem n’est pas nécessaire. La notification peut, dans ces conditions, être effectuée directement à partie.

==>Représentation de plusieurs parties

Dans un arrêt remarqué du 6 novembre 2008, la Cour de cassation a jugé que lorsque les parties qui ont procédé à la signification du jugement sont représentées par le même avocat que le destinataire de cette signification, la signification du jugement à partie n’a pas à être précédée d’une notification au représentant (Cass. 2e civ., 6 nov. 2008, n° 07-16.812).

Dans un arrêt du 25 mars 1987, la Cour de cassation a également considéré que lorsque l’avocat représente plusieurs parties ayant des intérêts distincts et que la signification du jugement à avocat fait courir le délai d’appel, cette signification doit être faite en autant de copies que de parties représentées (Cass. 2e civ., 25 mars 1987, n°85-12.318).

==>Caractère préalable de la notification

Il ressort de l’article 678 du CPC que l’exigence de notification de la décision aux avocats n’est remplie qu’à la condition que cette notification soit intervenue préalablement à la notification aux parties elles-mêmes.

Aucun délai n’est exigé entre la notification à avocat et la notification à partie, de sorte qu’elles peuvent intervenir dans un intervalle extrêmement rapproché.

À cet égard, dans un arrêt du 28 mai 2008, la Cour de cassation a jugé que la satisfaction de l’exigence tenant au caractère préalable de la notification à avocat pouvait se déduire de la seule mention sur l’acte de signification, peu important que cette signification ait effectuée le même jour (Cass. 1er civ. 28 mai 2008, n°06-17.313).

==>Modalités de la notification

L’article 671 du CPC prévoit que la notification des actes entre avocats « se fait par signification ou par notification directe ».

Deux modalités sont donc envisagées par le CPC s’agissant de la notification du jugement à avocat : la signification et la notification directe

  • S’agissant de la signification, l’article 672 du CPC prévoit qu’elle « est constatée par l’apposition du cachet et de la signature de l’huissier de justice sur l’acte et sa copie avec l’indication de la date et du nom de l’avocat destinataire. »
  • S’agissant de la notification directe, l’article 673 prévoit qu’elle « s’opère par la remise de l’acte en double exemplaire à l’avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l’un des exemplaires après l’avoir daté et visé. »

Une fois, l’une ou l’autre forme de notification accomplie, l’article 678 du CPC dispose que la « mention de l’accomplissement de la notification préalable au représentant doit être portée dans l’acte de notification destiné à la partie »

À défaut, il appartiendra à la partie pour le compte de laquelle la notification est intervenue de rapporter la preuve de son accomplissement.

A contrario, la Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 23 février 2012 que la notification à avocat, ainsi que son caractère préalable, peut se déduire de la seule mention qui figure sur la signification à partie aux termes de laquelle le jugement a été notifié à avocat (Cass. 1ère civ. 23 févr. 2012, n°10-26.117)

III) La forme de la notification

==>Principe

L’article 675, al. 1er du CPC dispose que « les jugements sont notifiés par voie de signification à moins que la loi n’en dispose autrement. »

La définition de la signification est énoncée à l’article 651 du CPC qui prévoit que « la notification faite par acte d’huissier de justice est une signification. »

La notification des jugements est ainsi assujettie au régime juridique applicable à la signification des actes de procédure édicté aux articles 653 et suivants du CPC.

==>Exceptions

Par exception et lorsque la loi le prévoit, les décisions de justice peuvent faire l’objet d’une notification par voie ordinaire. Cette forme de notification est régie aux articles 665 à 682 du CPC.

Lorsque la notification est effectuée par voie ordinaire, la charge incombe au greffe de la juridiction qui a rendu la décision. La notification se fait alors au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception au destinataire.

Au nombre des décisions qui peuvent être notifiées par voie ordinaire figurent :

  • Les décisions rendues en matière gracieuse
  • Les décisions rendues par le Conseil de prud’hommes
  • Les décisions rendues par le Tribunal paritaire des baux ruraux
  • Les décisions rendues par les tribunaux des affaires de sécurité sociale
  • Les décisions rendues par le Juge de l’exécution

Bien que, pour ces décisions, la loi autorise la notification par voie ordinaire, l’article 651 du CPC dispose que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »

La jurisprudence en déduit que, en cas de carence du greffe, il appartient aux parties de procéder à la notification de la décision rendue.

IV) Le contenu de la notification

En matière de notification, il convient de bien distinguer l’acte qui constate la notification (l’exploit d’huissier pour la signification) de l’acte notifié (l’acte de procédure tel que la décision rendue ou l’assignation).

A) L’acte objet de la notification

Pour que la notification d’une décision de justice soit valable, la jurisprudence considère qu’une copie intégrale de la décision rendue doit être remise entre les mains du destinataire.

L’article 676 du CPC précise que « les jugements peuvent être notifiés par la remise d’une simple expédition. »

Il n’est donc pas nécessaire que la copie de la décision notifiée soit revêtue de la formule exécutoire.

B) L’acte constatant la notification

1. Les règles communes à la notification des décisions

==>Mentions obligatoires

L’article 680 du CPC prévoit que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »

Il ressort de cette disposition que plusieurs mentions obligatoires doivent figurer sur l’acte de notification :

  • Le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte
    • L’information communiquée doit être précise, soit porter sur la voie de recours pertinente susceptible d’être exercée par le destinataire de la décision
    • L’information communiquée ne doit pas être erronée, soit indiquer une voie de recours non ouverte par la loi au défendeur.
  • Les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé
  • La possibilité pour l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire d’être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie
    • Le destinataire de la notification doit ainsi être informé des conséquences auxquelles il s’expose en cas d’abus dans l’exercice d’une voie de recours

==>Sanction

L’article 693 du CPC dispose que ce qui est prescrit à l’article 680 doit être observé à peine de nullité.

À cet égard, la jurisprudence considère que le défaut de mention ou l’indication erronée sur l’acte de signification est constitutif d’un vice de forme.

Aussi, convient-il d’appliquer les articles 112 à 116 du CPC, en particulier l’article 114, al. 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

L’alinéa 2 ajoute que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué.

En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n° 12-20.929).

2. Les règles propres à la notification par voie de signification et par voie ordinaire

==>Les mentions propres à la notification par voie de signification

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées à l’article 448 du CPC qui prévoit que tout acte d’huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs :

  • Sa date ;
  • Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
  • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
  • Les nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
  • Si l’acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.

Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

==>Les mentions propres à la notification ordinaires

Les mentions propres à la notification par voie de signification sont énoncées aux articles 665 et 665-1 du CPC :

  • Les mentions exigées en tout état de cause (art. 665 CPC)
    • La notification doit
      • Contenir toutes indications relatives aux nom et prénoms ou à la dénomination ou raison sociale de la personne dont elle émane et au domicile ou siège social de cette personne.
      • Désigner de la même manière la personne du destinataire.
  • Les mentions exigées en cas de notification par le greffe (art. 665-1 CPC)
    • Lorsqu’elle est effectuée à la diligence du greffe, la notification au défendeur d’un acte introductif d’instance comprend, de manière très apparente :
      • Sa date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.

V) Les modalités de la notification

A) Les modalités de la notification par voie de signification

Il ressort de la combinaison des articles 654, 655, 656 et 659 du CPC que le législateur a institué une hiérarchisation des modalités de signification.

En effet, l’article 654 du CPC pose un impératif en exigeant que la signification soit faite à personne, impératif destiné à protéger les droits de la défense et à assurer le respect du principe de la contradiction.

Si une telle signification s’avère impossible, les textes suivants établissent une hiérarchie des modes subsidiaires, allant de la signification à domicile (art. 655 CPC) à la signification par la remise de l’acte à l’étude de l’huissier de justice instrumentaire, qui correspond à l’ancienne signification à domicile avec remise de l’acte en mairie (art. 656 CPC) et, enfin, à la signification par procès-verbal de recherches infructueuses (art. 659 CPC).

Ces textes imposent des formalités et des exigences très précises qui ont pour objet de démontrer que l’huissier de justice a vainement tenté d’utiliser, l’un après l’autre, les différents modes de signification.

1. La signification à personne

a. Primauté de la signification à personne

L’article 654, al. 1er du CPC exige que la signification soit faite à personne, ce qui constitue un objectif qui doit être atteint par l’huissier.

Ainsi, lui appartient-il d’accomplir un certain nombre de diligences afin de justifier qu’il a satisfait à cette exigence.

À l’inverse, pèse sur le requérant une obligation de loyauté, en ce sens qu’il doit concourir à la recherche de l’impératif fixé.

==>Les diligences qui incombent à l’huissier de justice

Afin de justifier les diligences effectuées en vue de remplir l’impératif de signification à personne, en application de l’article 655 du CPC l’huissier de justice est tenu de mentionner dans l’acte :

  • D’une part, les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire
  • D’autre part, les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification

À cet égard, la jurisprudence se montre exigeante quant aux diligences de l’huissier de justice pour trouver le destinataire de l’acte.

L’huissier de justice doit, en effet, démontrer que la signification à personne était impossible et ses diligences doivent être mentionnées dans les originaux de l’acte.

En somme, l’huissier de justice est tenu de procéder à des recherches élémentaires imposées par le bon sens.

En pratique, il résulte de l’examen de la jurisprudence qu’il incombe à l’huissier de justice, préalablement à la délivrance de l’acte, de s’enquérir auprès du requérant :

En principe, l’impossibilité d’une signification à personne doit être constatée dans l’acte lui-même (Cass. 2e civ., 30 juin 1993, n° 91-21.216).

Toutefois, la seule circonstance que l’huissier de justice a mentionnée dans l’acte que la signification à personne s’est avérée impossible est insuffisante à caractériser une telle impossibilité.

L’huissier de justice doit mentionner non seulement les investigations concrètes qu’il a effectuées pour retrouver le destinataire, mais également les raisons qui ont empêché la signification à personne.

Il est admis que l’absence de son domicile du destinataire d’un acte rend impossible la signification à personne et qu’aucune disposition légale n’impose à l’huissier de justice de se présenter à nouveau au domicile de l’intéressé, ou au siège social de la personne morale, pour parvenir à une signification à personne (Cass. 2e civ., 28 mars 1984, n° 82-16.779), ce qui ne dispense pas l’huissier de justice, lorsqu’il connaît le lieu de travail de l’intéressé, de tenter la signification à personne en ce lieu.

Reste que l’huissier de justice n’est pas tenu de procéder à une nouvelle signification au vu d’éléments parvenus à sa connaissance ou à celle du requérant postérieurement à l’acte (Cass. 2e civ., 20 novembre 1991, n° 90-16.577) ou survenus postérieurement (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-17.883).

==>L’obligation de loyauté qui pèse sur le requérant

En exécution d’un devoir de loyauté élémentaire, il incombe au requérant de faire signifier l’acte au lieu où il sait que le destinataire demeure ou réside ou même au lieu où il travaille.

Ainsi, la Cour de cassation a pu considérer que, est nulle la citation délivrée à une adresse où le destinataire n’est plus domicilié, et alors que celui-ci n’ayant plus de domicile, il réside chez ses parents, dont le requérant connaît l’adresse (Cass. 2e civ., 26 févr. 1992, n° 90-19.981).

De même, est nulle la signification d’un acte dès lors que le requérant a volontairement laissé l’huissier de justice dans l’ignorance de la véritable adresse du destinataire et a, de manière malicieuse, fait signifier cet acte en un lieu dont il sait que le destinataire est propriétaire mais où il ne réside pas (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-13.218).

b. Mise en œuvre de la signification à personne

Il ressort de l’article 654 du CPC que la signification à personne doit être appréhendée différemment selon que le destinataire est une personne physique ou une personne morale

==>La signification aux personnes physiques

En application de l’article 689 du CPC, la signification d’un acte destiné à une personne physique peut être effectuée à trois endroits différents :

  • Au lieu où demeure le destinataire de l’acte, soit son domicile ou à défaut sa résidence (art. 689 al. 1er)
  • En tout autre lieu, notamment sur le lieu de travail de l’intéressé (art. 689, al. 2e)
  • Au domicile élu lorsque la loi l’admet ou l’impose (art. 689, al. 3e)

La signification à personne étant la règle, il appartient à l’huissier de justice de tenter de localiser le destinataire pour lui remettre l’acte.

Si la signification d’un acte à une personne physique peut être faite à domicile, il n’en demeure pas moins que la signification d’un acte doit être faite à personne et que l’acte ne peut être signifié selon une autre modalité que si une signification à personne s’avère impossible (Cass. 2e civ., 16 juin 1993, n° 90-18.256).

==>La signification aux personnes morales

Pour que la signification à une personne morale soit valable, un certain nombre de conditions doivent être remplies :

  • Le lieu de la signification
    • L’article 689 du CPC dispose que la notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial est faite au lieu de son établissement et à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un de ses membres habilités à la recevoir.
    • Le terme d’établissement ne doit pas être confondu avec celui du siège social, de sorte que la notification peut être effectuée en dehors de celui-ci (V. en ce sens Cass. 2e civ., 20 janv. 2005, n°03-12.267).
    • En effet, la notification d’un acte à une personne morale peut être effectuée :
      • Soit au lieu de son siège social
      • Soit au lieu de l’un de ses établissements secondaires ou complémentaires
      • Soit, à défaut, au lieu où se trouve la personne habilitée à recevoir la notification
    • Ainsi, l’agence de province d’une compagnie d’assurances ayant son siège social à Paris peut constituer l’établissement de cette compagnie au sens de l’article 690 (Cass. 2e civ., 27 nov. 1985, n° 84-13.740).
    • Reste que la jurisprudence considère que la signification destinée à une personne morale de droit privé étant faite au lieu de son établissement, l’huissier de justice n’a l’obligation de tenter la signification qu’au lieu du siège social dont l’existence n’est pas contestée (Cass. 2e civ., 23 oct. 1996, n° 94-15.194), sans être tenu, en ce cas, de demander un extrait K bis (Cass. 2e civ., 7 oct. 1992, Bull. 1992, n° 91-12.499), ou de son principal établissement s’il est situé ailleurs qu’au siège social (Cass. 2e civ., 20 nov. 1991, n° 90-14.723).
    • En particulier, dès lors que la personne morale a un siège social, l’huissier instrumentaire n’a pas à tenter de délivrer l’acte à la personne du gérant dont l’adresse est connue de lui-même ou du requérant (Cass. 2e civ., 21 févr. 1990, n° 88-17.230).
    • Il doit être noté que, s’agissant des personnes morales de droit privé, aucun texte n’autorise la signification des actes à domicile élu.
  • La personne habilitée à réceptionner la signification
    • L’article 654 du CPC prévoit que « la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »
    • Ainsi, pour être valable, la signification ne peut être effectuée qu’auprès du représentant légal de la personne morale ou d’une personne spécialement habilitée à cet effet.
    • Lorsque, dès lors, l’acte destiné à une personne morale est délivré à un employé dont il n’est pas mentionné dans cet acte qu’il est habilité à le recevoir, il ne vaut pas comme signification à personne (Cass. soc., 26 juin 1975, n° 74-40.669).
    • À cet égard, il peut être observé que lorsque l’huissier de justice remet, au siège social, la copie de l’acte à un employé de la société non habilité à le recevoir, mais qui accepte sa remise, il y a signification à personne présente au domicile
    • Il en résulte que l’huissier de justice doit alors constater et mentionner dans l’acte qu’il s’est trouvé dans l’impossibilité de délivrer l’acte à la personne d’un représentant légal, d’un fondé de pouvoir ou de toute autre personne habilitée à cet effet.
    • Enfin, lorsqu’une société est en liquidation, la signification doit être faite en la personne de son liquidateur et c’est seulement si cette signification s’avère impossible que l’acte peut être délivré à domicile ou à mairie, dès lors que la signification d’un acte à une personne morale doit être faite à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de celui-ci ou à toute autre personne habilitée à cet effet (Cass. 2e civ., 3 avril 1979, n° 77-15.446).
  • Formalités complémentaires
    • L’article 658, al. 2 du CPC prévoit que lorsque la signification est faite à une personne morale, « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656 ».
    • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification

2. Les modalités subsidiaires de signification

Lorsque la signification à personne est impossible, la loi prévoit trois modalités subsidiaires de signification hiérarchisées dans l’ordre suivant :

  • La signification à domicile ou à résident
  • La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice
  • La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

==>La signification à domicile ou à résident

  • Une modalité subsidiaire de signification
    • L’article 655 du CPC dispose que « si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. »
    • Ainsi, la signification à domicile de la personne ne peut être accomplie qu’à titre subsidiaire, soit dans l’hypothèse où l’huissier de justice est dans la possibilité de la rencontrer.
  • Condition de la signification à domicile
    • En application de l’article 655, la signification à domicile n’est permise qu’à la condition que la personne présente au domicile et qui l’accepte déclare ses nom, prénoms et qualité.
  • Les personnes autorisées à réceptionner l’acte signifié
    • Principe
      • L’alinéa 3 de l’article 655 du CPC dispose que « la copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. »
    • Exception
      • La jurisprudence considère que, par exception, la seule personne présente au domicile à laquelle copie de l’acte ne peut pas être remise est le requérant (Cass. 2e civ., 19 décembre 1973, n° 72-13.183).
      • L’hypothèse se rencontrera notamment en matière de divorce
  • Formalités
    • Plusieurs formalités doivent être accomplies en cas de signification au domicile :
      • Première formalité : justification des diligences accomplies
        • L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
      • Deuxième formalité : le dépôt d’un avis de passage
        • L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise.
      • Troisième formalité : indication des modalités de remise de l’acte
        • L’article 657 du CPC prévoit que lorsque l’acte n’est pas délivré à personne, l’huissier de justice mentionne sur la copie les conditions dans lesquelles la remise a été effectuée.
        • La copie de l’acte signifié doit être placée sous enveloppe fermée ne portant que l’indication des nom et adresse du destinataire de l’acte et le cachet de l’huissier apposé sur la fermeture du pli.
      • Quatrième formalité : l’envoi d’une lettre simple
        • L’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
        • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
        • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
        • Dans un arrêt du 6 octobre 2006, la Cour de cassation a précisé que la mention dans l’acte aux termes de laquelle il est indiqué que la lettre prévue par l’article 658 du CPC était envoyée “dans les délais légaux prévus par l’article susvisé” fait foi jusqu’à inscription de faux (Cass. ch. Mixte 6 octobre 2006, n° 04-17.070).

==>La signification par remise de l’acte en l’étude de l’huissier de justice

  • Modalité subsidiaire de signification
    • Il ressort de l’article 656 du CPC que lorsque la signification à personne et à domicile sont impossibles, l’huissier de justice peut conserver l’acte en son étude aux fins de remise ultérieure à son destinataire.
    • À cet égard, l’huissier de justice devra justifier des diligences accomplies s’il opte pour cette modalité de signification.
    • Plus précisément il doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir.
    • La Cour de cassation a précisé que l’huissier de justice doit non seulement préciser comment il a vérifié l’exactitude du domicile ou de la résidence, mais encore la raison pour laquelle il n’a pas pu signifier à personne ou indiquer que personne n’a pu ou voulu recevoir l’acte (Cass. 2e civ., 23 nov. 2000, n° 99-11.943).
  • Formalités
    • Mentions obligatoires
      • L’huissier doit mentionner dans l’acte de signification les vérifications accomplies qui établissent que le destinataire de l’acte ne pouvait ou ne voulait pas le recevoir
      • L’absence de cette mention ou l’insuffisance de vérifications accomplies par l’huissier sont sanctionnées par la nullité de l’acte.
    • L’avis de passage
      • En cas de conservation de l’acte pour signification en étude, l’huissier doit laisser au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant
      • Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l’acte doit être retirée dans le plus bref délai à l’étude de l’huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l’intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.
    • Dépôt étude
      • L’acte qui n’a pas pu être signifié à personne ou à domicile est conservé en l’étude de l’huissier
      • Il appartient alors à son destinataire de se rendre à l’étude de ce dernier pour que la copie de l’acte lui soit délivrée.
      • L’huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l’acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.
    • Envoi d’une lettre simple
      • Comme pour la signification à domicile, l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656.
      • La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification.
      • Par ailleurs, le cachet de l’huissier doit être apposé sur l’enveloppe.
    • Délai de conservation de l’acte
      • La copie de l’acte est conservée à l’étude pendant trois mois.
      • Passé ce délai, l’huissier de justice en est déchargé, de sorte qu’il est autorisé à le détruire, étant précisé que l’acte original sera conservé au rang des minutes
        •  

==>La signification par procès-verbal de recherches infructueuses

  • L’absence de domicile, de résidence ou de lieu de travail connus
    • L’article 659 du CPC dispose que « lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte. »
    • Il ressort de cette disposition que la signification par voie de procès-verbal de recherches infructueuses (qualifié également de PV 659) ne peut être effectuée que dans l’hypothèse où l’huissier de justice ignore où réside le destinataire de l’acte : son domicile, sa résidence et son lieu de travail sont inconnus.
    • Cette situation ne doit néanmoins pas faire obstacle à la signification de l’acte, à défaut de quoi elle encouragerait la personne visée à rester cachée aux fins d’échapper à toutes poursuites judiciaires et à l’exécution des décisions rendues contre elle.
    • Le législateur a donc institué un système qui consiste à signifier les actes de procédure à la dernière adresse connue du destinataire.
    • À cet égard, dans un arrêt du 2 mai 2001, la Cour de cassation a considéré que « la signification d’un jugement réputé contradictoire par voie de procès-verbal de recherches infructueuses fait courir le délai d’appel sans être contraire à l’exigence d’un procès équitable, dès lors que la régularité de cette signification, soumise par la loi à des conditions et modalités précises et à des investigations complètes de l’huissier de justice, peut être contestée, et que son destinataire dispose d’une procédure de relevé de la forclusion encourue » (Cass. com. 2 mai 2001, n°98-12.037).
    • Reste que pour recourir à la signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit avoir épuisé tous les moyens mis à sa disposition pour tenter de procéder à une signification selon les voies normales.
  • Justification des diligences accomplies
    • L’article 659 du CPC pose l’obligation pour l’huissier de justice de relater avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
    • Pour que cette modalité de signification soit valable, l’huissier de justice ne saurait se contenter de se rendre à la dernière adresse connue du destinataire, ni de contacter la mairie.
    • Il lui appartient d’accomplir plusieurs diligences qui doivent conduire à une recherche infructueuse quant à la domiciliation du destinataire de l’acte.
    • Ainsi, l’huissier de justice doit-il s’efforcer d’interroger le voisinage, de consulter l’annuaire téléphonique, d’interpeller la mairie, d’interroger les administrations auxquelles le destinataire de l’acte est susceptible d’être rattaché
    • Classiquement on admet que les diligences accomplies par l’huissier sont satisfaisantes, à partir de trois vérifications.
    • À cet égard, pour invoquer la nullité de la signification, le destinataire doit faire état d’éléments de faits concrets qui permettent de considérer qu’il aurait pu être retrouvé par l’huissier à la date de la signification de l’acte (Cass. 2e civ., 21 déc. 2000, n° 99-11.148).
  • Formalités
    • En cas de signification par voie de PV 659, l’huissier de justice doit accomplir un certain nombre de formalités
      • Envoi d’une lettre recommandée
        • L’article 659, al. 2 du CPC prévoit que le même jour que celui où il dresse le procès-verbal de recherches infructueuses ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
      • Envoi d’une lettre simple
        • L’article 659, al. 3 du CPC prévoit que, en parallèle de l’envoi d’une lettre recommandée, Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
      • Personnes morales
        • L’article 659, al. 4 du CPC précise que la signification par voie de PV 659 est valable pour les personnes morales qui n’ont plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.
        • Dans un arrêt du 14 octobre 2004 la Cour de cassation a néanmoins rappelé que :
          • D’une part, la notification destinée à une personne morale de droit privé est faite au lieu de son établissement, et qu’à défaut d’un tel lieu, elle l’est en la personne de l’un des membres habilité à la recevoir
          • D’autre part, que dès lors que l’huissier de justice avait précisé dans le procès-verbal de recherches infructueuses que la société n’avait plus d’activité et de lieu d’établissement, il ne pouvait pas se borner à mentionner l’identité et le domicile de son représentant sans autre diligence en vue de lui signifier l’acte (Cass. 2e civ., 14 octobre 2004, n° 02-18.540).
          • Dans ce cas, en effet, il reste possible de signifier l’acte au représentant de la personne morale à la condition que l’acte soit remis à sa personne.

B) Les modalités de la notification par voie ordinaire

L’article 667 du CPC prévoit que la notification par voie ordinaire peut être effectuée selon deux modalités distinctes :

  • Première modalité : l’envoi d’un pli postal
    • La notification peut être faite par voie postale et plus précisément au moyen de l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception
    • L’article 670 du CPC précise que la notification est réputée faite :
      • Soit à personne lorsque l’avis de réception est signé par son destinataire.
      • Soit à domicile ou à résidence lorsque l’avis de réception est signé par une personne munie d’un pouvoir à cet effet
    • Par ailleurs, l’article 670-1 du CPC prévoit que, en cas de retour au greffe de la juridiction d’une lettre de notification dont l’avis de réception n’a pas été signé dans les conditions prévues à l’article 670, le greffier invite la partie à procéder par voie de signification.
  • Seconde modalité : la remise en mains propres
    • L’article 667 du CPC prévoit que la notification peut être également effectuée par la remise de l’acte au destinataire contre émargement ou récépissé.
    • L’alinéa 2 précise que « la notification en la forme ordinaire peut toujours être faite par remise contre émargement ou récépissé alors même que la loi n’aurait prévu que la notification par la voie postale. »

VI) Date de la notification

==>La notification par voie de signification

L’article 664-1 du CPC prévoit que :

  • Pour la signification en la forme ordinaire, la date de la signification d’un acte d’huissier de justice est celle du jour où elle est faite à personne, à domicile, à résidence ou, dans le cas mentionné à l’article 659, celle de l’établissement du procès-verbal.
  • Pour la signification par voie électronique, la date et l’heure de la signification par voie électronique sont celles de l’envoi de l’acte à son destinataire.

À cet égard, l’article 664 du CPC précise que « aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n’est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité. »

Lorsque l’huissier de justice se déplace au domicile du destinataire de l’acte, il ne pourra donc le faire qu’à des jours ouvrables et dans les créneaux horaires autorisés par la loi.

==>La notification en la forme ordinaire

L’article 668 du CPC prévoit que la date de la notification par voie postale est :

  • À l’égard de celui qui y procède, celle de l’expédition
  • À l’égard de celui à qui elle est faite, la date de la réception de la lettre.

L’article 669 précise que :

  • D’une part, la date de l’expédition d’une notification faite par la voie postale est celle qui figure sur le cachet du bureau d’émission
  • D’autre part, la date de la remise, lorsque la notification est faite en mains propres, est celle du récépissé ou de l’émargement
  • Enfin, la date de réception d’une notification faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire.

VII) Le délai de notification

A) Principe : le délai de 10 ans

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que « l’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long ».

Il se déduit de cette disposition que le délai de principe pour notifier les décisions de justice est de 10 ans.

Ce délai peut être prorogé pour les créances qui se prescrivent par un délai plus long. Tel est le cas, par exemple, de la créance née de la survenance d’un dommage corporel causé par des tortures ou des actes de barbarie ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur qui n’est prescrite qu’au bout de vingt ans conformément à l’article 2226, al. 2e, du Code civil.

Dans cette hypothèse, le délai de signification de la décision rendue est identique à celui attaché à la prescription de l’action, soit 20 ans.

B) Tempérament : le délai de 2 ans

L’article 528-1 du CPC dispose que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »

Cette disposition pose ainsi une limite à la possibilité pour les parties d’interjeter appel, à l’expiration d’un délai de deux ans.

Dans un arrêt du 9 avril 2015, la Cour de cassation a précisé que « si le jugement, qui tranche tout le principal ou qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, met fin à l’instance, n’est pas notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai » (Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-15.789).

Il ressort de cette disposition que le délai de forclusion ainsi institué pour interjeter appel fixé à deux ans est applicable pour :

  • Les jugements qui tranchent tout le principal
  • Les jugements qui statuent sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident mettant fin à l’instance

A contrario, si la décision ne tranche qu’une partie du principal, tel un jugement mixte, l’article 528-1 du CPC n’est pas applicable.

Dans un arrêt du 30 janvier 2003, la deuxième chambre civile a encore considéré que « les principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice qui fondent les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile constituaient des impératifs qui n’étaient pas contraires aux dispositions de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (Cass. 2e civ. 30 janv. 2003, n°99-19.488).

Pour la Cour de cassation il est indifférent que la partie susceptible d’exercer le recours, dans la mesure où « les dispositions de l’article 528-1 du nouveau Code de procédure civile ne fixent pas le point de départ d’un délai de recours, mais le terme au-delà duquel aucun recours ne peut plus être exercé par la partie qui a comparu, peu important la date à laquelle cette partie a eu une connaissance effective de la décision » (Cass. 2e civ., 11 mars 1998, n°96-12.749).

C) Exception : le délai de 6 mois

L’article 478 du CPC dispose que « le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel est non avenu s’il n’a pas été notifié dans les six mois de sa date ».

Ainsi, lorsque le jugement est rendu par défaut ou est réputé contradictoire, le délai de notification est de 6 mois sous peine de caducité de la décision.

La question qui alors se pose est de savoir ce que sont un jugement rendu par défaut et un jugement réputé contradictoire.

Pour rappel, un jugement est susceptible d’endosser trois qualifications différentes. Aussi, distingue-t-on :

  • Le jugement contradictoire
    • Aux termes de l’article 467 du Code de procédure civile « le jugement est contradictoire dès lors que les parties comparaissent en personne ou par mandataire, selon les modalités propres à la juridiction devant laquelle la demande est portée.»
    • Ainsi, le jugement est contradictoire dès lors que chacun des plaideurs a eu connaissance du procès, à tout le moins a été en mesure de présenter ses arguments.
  • Le jugement réputé contradictoire
    • La décision est réputée contradictoire lorsque :
      • Le défendeur n’a pas comparu
          • ET
      • La décision qui sera prononcée est susceptible d’appel
          • OU
      • La citation a été délivrée à personne
  • Le jugement par défaut
    • L’absence de comparution du défendeur ne doit pas faire obstacle au cours de la justice.
    • Aussi, l’article 468 du Code de procédure autorise-t-il le juge à statuer lorsque trois conditions cumulatives sont réunies :
      • Le défendeur ne doit pas avoir comparu personnellement ou ne doit pas être représenté
      • L’assignation ne doit pas avoir été délivrée à personne
      • L’appel n’est pas ouvert contre l’acte introductif d’instance
    • La rigueur de ces conditions, s’explique par la volonté du législateur de restreindre les jugements rendus par défaut.

Le délai de 6 mois dont disposent les parties pour notifier la décision sous peine de caducité ne s’applique donc :

  • Au jugement rendu par défaut
  • Au jugement réputé contradictoire au seul motif qu’il est susceptible d’appel

Il en résulte que pour les jugements réputés contradictoires au motif que nonobstant l’absence de comparution du défendeur, la citation a été délivrée à personne, le délai de 6 mois n’est pas applicable.

VIII) Les effets de la notification

La notification de la décision rendue produit trois effets :

  • Premier effet : efficacité des dispositions adoptées par le Tribunal
    • La notification autorise la partie gagnante à s’en prévaloir, soit à tirer avantage ce qui a été décidé par le juge
    • Dans un arrêt du 16 décembre 2005, la chambre mixte a jugé en ce sens que « la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d’un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée » (Cass. ch. Mixte 16 déc. 2005, n°03-12.206).
  • Deuxième effet : exécution du jugement
    • Principe
      • L’article 503 du CPC dispose que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés »
      • Ainsi, la notification du jugement est une condition préalable nécessaire à son exécution.
      • Cette règle procède de l’idée qu’il est impératif que la partie contre laquelle la décision est exécutée en est connaissance.
    • Exceptions
      • En application de l’article 503 du CPC, il est fait exception à l’exigence de notification de la décision rendue dans deux cas :
        • L’exécution volontaire
          • Lorsque la partie perdante s’exécute spontanément, sans que la décision rendue à son encontre ne lui ait été notifiée, la partie gagnante est dispensée de l’accomplissement de toute formalité de notification.
          • Cette dispense de notification procède de l’idée que si l’exécution est volontaire, cela signifie que la partie perdante a eu connaissance de la décision.
          • Il n’est donc pas nécessaire de lui notifier, à plus forte raison parce que cela engendrerait, pour cette dernière, un coût de procédure inutile.
        • L’exécution au seul vu de la minute
          • L’article 503, al. 2 du CPC prévoit que « en cas d’exécution au seul vu de la minute, la présentation de celle-ci vaut notification. »
          • Cette hypothèse où une décision est exécutoire au seul vu de la minute se rencontre dans trois cas :
            • les ordonnances sur requête
            • les ordonnances de référé
            • les décisions statuant sur l’obtention de pièces détenues par un tiers
            • les mesures d’instruction
  • Troisième effet : point de départ du délai d’exercice des voies de recours
    • L’article 678 CPC prévoit que « le délai pour exercer le recours part de la notification à la partie elle-même. »
    • L’article 528-1 précise que « si le jugement n’a pas été notifié dans le délai de deux ans de son prononcé, la partie qui a comparu n’est plus recevable à exercer un recours à titre principal après l’expiration dudit délai. »
    • Il ressort de ces deux dispositions que le délai d’exercice des voies de recours ne commence à courir qu’à compter de la notification de la décision.
    • À défaut, le délai ne court pas, à tout le moins dans la limite du délai butoir du délai butoir énoncé par l’article 528-1 du CPC.

Ordonnance sur requête: procédure devant le Tribunal judiciaire

==>Particularités

Les procédures sur requête présentent cette particularité de déroger au principe du contradictoire, en ce sens que le défendeur ne sera pas appelé par le juge à opposer au requérant ses arguments en défense.

L’article 493 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Pratiquement, les procédures sur requête ont été envisagées par le législateur avec cet objectif de ménager un effet de surprise.

À cet égard, elles offrent la possibilité au requérant, qui remplit les conditions requises, d’obtenir d’une juridiction présidentielle une décision (ordonnance) provisoire aux fins, non pas de trancher le fond d’un litige, mais d’obtenir l’accomplissement d’un acte ou l’adoption d’une mesure.

Les procédures sur requête peuvent être engagées, tant avant le procès, qu’en cours d’instance.

==>Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé sont exécutoires immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

==>Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 493 à 498 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 874 à 876-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 897 et 898 du CPC
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 958 et 959 du CPC.

I) La compétence

==>Sur la compétence matérielle

Le juge compétent pour connaître d’une procédure sur requête est le Président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige.

Naturellement, la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire fait de son Président le juge des requêtes de droit commun.

Quant au Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’homale, dans le silence des textes sur la procédure sur requête, c’est au Président du Tribunal judiciaire qu’il revient de statuer.

Enfin, dans un arrêt du 17 novembre 1981, la Cour de cassation est venue préciser que le Juge de la mise en état n’est jamais compétent pour statuer sur une requête qui lui serait adressée par une partie.

L’article 774 du CPC prévoit, en effet, que, en procédure écrite ordinaire, les avocats sont susceptibles d’être entendus ou appelés avant qu’il ne prononce sa décision, ce qui est incompatible avec la procédure sur requête qui, par nature, est non-contradictoire (Cass. 3e civ. 17 nov. 1981, n°80-10.372).

==>Sur la compétence territoriale

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 novembre 1992, que « le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du Tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée » (Cass. 2e civ. 18 nov. 1992, n°91-16.447).

Cette décision a été confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015 aux termes duquel la deuxième chambre civile a rappelé que « le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées » (Cass. 2e civ., 15 oct. 2015, n°14-17.564).

Dans le cas où il y a une pluralité de mesures, la cour de cassation a admis la possibilité pour un Président d’ordonner une mesure de constat devant être effectuée dans un autre ressort territorial que le sien, mais à la double condition toutefois que l’une au moins de ces mesures ait lieu dans le ressort du Président qui l’a ordonnée et que cette juridiction soit compétente pour connaître de l’éventuelle instance au fond (Cass. 2e civ. 5 mai 2011, n°10-20.435).

Au bilan, le juge territorialement compétent pour connaître d’une procédure sur requête est :

  • Soit, le Président de la juridiction saisie au fond
  • Soit, le Président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée

II) Recevabilité de la requête

==>Principe

L’article 750, al. 2e du CPC prévoit que, outre l’assignation, la demande en justice peut être formée par voie de « requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement. »

Il ressort de cette disposition que la saisine du Tribunal judiciaire par voie de requête est limitée aux seules demandes dont le montant n’excède pas 5.000 euros, soit aux petits litiges.

Lorsque le montant de la demande excède ce seuil, l’instance ne peut être introduite qu’au moyen d’une assignation ou d’une requête conjointe.

Aussi, pour les demandes dont le montant est compris entre 5.000 et 10.000 euros, en cas de désaccord entre les parties, le demandeur sera contraint de saisir le juge par voie d’assignation alors même que la représentation n’est pas obligatoire.

En raison de la difficulté de l’exercice de rédaction d’une assignation, c’est là un facteur qui, en pratique, conduit à renforcer la nécessité pour les parties de se faire représenter par un avocat.

==>Exceptions

Par exception, l’instance pourra être introduite par voie de requête sans considération du montant de la demande dans deux cas :

  • Soit lorsqu’elle est introduite aux fins de conciliations, en application de l’article 820 du CPC
  • Soit lorsque la loi prévoit expressément que le juge est saisi par requête, conformément, par exemple, à l’article 845, al. 2 du CPC

III) Conditions de la requête

Il ressort des textes applicables à chaque juridiction que le juge peut être saisi par voie de requête :

  • Soit pour ordonner des mesures dans les cas spécifiés par la loi.
  • Soit pour ordonner dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

A) Les cas spécifiés par la loi

Un certain nombre de textes prévoient la possibilité pour une personne physique ou morale d’obtenir du Président d’une juridiction une ordonnance de requête, lorsque la dérogation au principe du contradictoire s’avère nécessaire.

Les conditions de recevabilité de la requête sont alors fixées par chaque texte spécifique, étant précisés que ces textes sont épars et disposent en toute matière.

==>Exemples de cas prévoyant la saisine d’une juridiction par voie de requête

  • En matière de copropriété, l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que « à défaut de nomination du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires convoquée à cet effet, le syndic est désigné par le président du judiciaire saisi à la requête d’un ou plusieurs copropriétaires, du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble. »
  • En matière de saisie-contrefaçon, l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « en matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire. »
  • En matière d’effet de commerce, l’article L. 511-38 du Code de commerce dispose qu’en cas de recours du porteur contre les endosseurs faute de paiement ou d’acception, « les garants contre lesquels un recours est exercé dans les cas prévus par le b et le c du I peuvent, dans les trois jours de l’exercice de ce recours adresser au président du tribunal de commerce de leur domicile une requête pour solliciter des délais. Si la demande est reconnue fondée, l’ordonnance fixe l’époque à laquelle les garants sont tenus de payer les effets de commerce dont il s’agit, sans que les délais ainsi octroyés puissent dépasser la date fixée pour l’échéance. L’ordonnance n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. »
  • En matière de procédure civile, l’article 840 du Code de procédure civile prévoit que « dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

==>Cas particulier des mesures d’instruction in futurum

L’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

De toute évidence, cette disposition présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il n’en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent. Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché (V. en ce sens Cass. 2e civ. 13 mai 1987, n°86-11.098).

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n° 00-11.134).

Dans un arrêt du 8 janvier 2015, elle a encore exigé que cette circonstance devait être énoncée expressément dans la requête, faute de quoi la demande serait frappée d’irrecevabilité (Cass. 2e civ. 8 janv. 2015, n°13-27.740).

Pratiquement, la nécessité de déroger au principe du contradictoire sera caractérisée dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire

Lorsque cette condition préalable est satisfaite, le requérant devra alors justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation exigeait encore que le requérant démontre l’urgence du prononcé de la mesure d’instruction.

Cette exigence a toutefois été abandonnée par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 15 janvier 2009. Elle a affirmé en ce sens que « l’urgence n’est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009, n°08-10.771).

Cette solution se justifie par l’autonomie de la procédure sur requête fondée sur l’article 145 du CPC, principe qui conduit à écarter l’application des conditions propres au référé.

C’est la raison pour laquelle, ni la condition d’urgence, ni la condition tenant à l’absence de contestation sérieuse (Cass. 2e civ. 7 nov. 1989, n°88-15.482), ne sont requises pour solliciter par voie de requête une mesure d’instruction in futurum.

Au bilan, les deux seules conditions qui doivent être réunies sont :

  • D’une part, l’existence de circonstances particulières qui justifient de déroger au principe du contradictoire
  • D’autre part, l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, le Président de la juridiction peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831). Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises.

B) L’existence de circonstances qui exigent que des mesures urgentes soient prises non contradictoirement

L’article 845, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que le Président du Tribunal compétent « peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. »

En dehors des cas spécifiques prévus par la loi, le Président de la juridiction compétente peut donc être saisi par voie de requête aux fins d’adoption de toute mesure utile lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

  • Il existe des circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement
  • Les mesures sollicitées doivent être urgentes

==>L’existence de circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement

L’article 845 du Code de procédure civile pose que pour saisir le Juge par voie de requête, le requérant doit justifier de circonstances qui exigent l’absence de débat contradictoire.

Quelles sont ces circonstances ? Elles sont notamment caractérisées dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il est besoin de constater un adultère ou des manœuvres de concurrence déloyale.

L’effet de surprise n’est pas le seul motif susceptible d’être invoquée au soutien d’une demande formulée par voie de requête.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire.

Il a encore été admis que le Juge puisse être saisi par voie de requête lorsque l’identification des défendeurs s’avère délicate, sinon impossible.

Dans un arrêt du 17 mai 1977 la Cour de cassation a ainsi admis qu’une décision rendue dans le cadre d’une procédure de référé puisse valoir ordonnance sur requête, dès lors qu’il était établi que des salariés en grève occupant une usine ne pouvaient pas être identifiés, et, par voie de conséquence, mis en cause par voie d’action en référé.

La chambre sociale a notamment avancé, au soutien de sa décision, que « le Président du Tribunal qui a le pouvoir d’ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient prises contradictoirement ne devait pas en l’espèce statuer de la sorte à l’égard des autres occupants, sous réserve de la faculté pour ceux-ci de lui en référer, en raison de l’urgence à prévenir un dommage imminent, de la difficulté pratique d’appeler individuellement en cause tous les occupants et de la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de grevé de présenter les moyens de défense communs à l’ensemble du personnel » (Cass. soc. 17 mai 1977, n°75-11.474).

==>L’urgence de la prise de mesures

Pour que le juge soit saisi par voie de requête, outre l’établissement de circonstances qui exigence l’absence de débat contradictoire, le requérant doit démontrer que les mesures sollicitées sont urgentes

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence. Il ressort de la jurisprudence que l’urgence doit être appréciée comme en matière de référé.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, la détermination de l’urgence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

IV) Formalisme de la requête

A) Présentation de la requête

==>Notion

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

==>Sur la forme

L’article 494 du Code de procédure civile prévoit que :

  • D’une part, la requête est présentée en double exemplaire
  • D’autre part, elle doit être motivée (en fait et en droit)
  • Enfin, elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

Cette disposition ajoute que, si la requête est présentée à l’occasion d’une instance en cours, elle doit indiquer la juridiction saisie.

Enfin, il est d’usage que la requête soit assortie du projet d’ordonnance afin de faciliter la tâche du magistrat.

Reste que ce dernier pourra préférer rédiger sa propre ordonnance. Aucune règle formelle n’existe en la matière, de sorte que l’absence de pré-rédaction de l’ordonnance ne saurait être un motif de rejet de la requête pour vice de forme.

Rien n’interdit, par ailleurs, le juge consécutivement au dépôt de la requête de demander à entendre le requérant, en personne, ou par l’entremise de son avocat.

==>Sur les mentions

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L’objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l’appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l’accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l’avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête

(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer

(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire

(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l’article 57, la requête contient :

1° L’indication précise de la nature de l’obligation dont l’exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d’inexécution de l’injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

B) Dépôt

==>Sur le lieu du dépôt

  • Principe
    • La requête doit être déposée au greffe du Président de la juridiction saisie
  • Exception
    • L’article 494 al. 3 prévoit que, en cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.

==>Sur le coût du dépôt

Le dépôt de la requête n’est, par principe, soumis à aucun droit de timbre à l’exception de l’hypothèse où elle serait déposée auprès du Président du tribunal de commerce

Devant la juridiction commerciale, le dépôt de la requête est payant. Le prix est affiché sur le site web des greffes des Tribunaux de commerce.

C) Représentation

==>Principe

L’article 846 du CPC prévoit que la requête est présentée :

  • Soit par un avocat
  • Soit par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.

==>Exceptions

L’alinéa 2 de l’article 846 du CPC précise que « dans les cas où les parties sont dispensées de représentation par avocat, la requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou par tout mandataire. »

Ainsi, lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties peuvent présenter la requête elles-mêmes ou se faire représenter par le mandataire de leur choix.

Pour mémoire, devant le Tribunal judiciaire, la représentation n’est pas obligatoire notamment dans les cas énoncés à l’article 761 du CPC qui prévoit les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

V) Effets de la requête

Le dépôt de la requête produit deux effets :

  • Ouverture d’une instance, raison pour laquelle la requête s’apparente à un acte introductif d’instance au sens de l’article 54 du Code de procédure civil, lequel prévoit que « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction ».
  • Interruption de la prescription en application de l’article 2241 du Code civil qui prévoit que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »

VI) L’ordonnance

L’article 493 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • D’une part, l’ordonnance sur requête est provisoire
  • D’autre part, elle procède d’une procédure non-contradictoire.

L’article 495 du CPC ajoute que l’ordonnance sur requête doit être motivée et qu’elle est exécutoire sur minute.

A) Une décision provisoire

L’ordonnance sur requête partage avec l’ordonnance de référé ce point commun d’être une décision rendue à titre provisoire.

Dans un arrêt du 15 mai 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire, dépourvue de l’autorité de la chose jugée » (Cass. 2e civ. 15 mai 2001, 99-17.008).

Autrement dit, elle ne possède pas l’autorité de la chose jugée, de sorte que, en cas de saisine du Juge au fond, il ne sera pas lié à la décision prise.

L’affaire pourra, dans ces conditions, être rejugée dans tous ses aspects,

B) Une décision non-contradictoire

Bien que l’ordonnance sur requête ait en commun avec l’ordonnance de référé d’être rendue à titre provisoire, elle s’en distingue en ce qu’elle procède d’une procédure non-contradictoire.

Autrement dit, il n’est pas besoin que s’instaure un débat entre le requérant et le mis en cause pour que le Juge rende sa décision. Il dispose de la faculté de rendre une ordonnance sur la seule foi de la requête et des pièces qui lui sont soumis.

Reste que le contradictoire n’est pas totalement écarté, l’article 496 du CPC prévoyant que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

Ainsi, appartient-il à quiconque justifie d’un intérêt à agir de solliciter la restauration du principe de contradictoire.

Dans un arrêt du 4 septembre 2014, la Cour de cassation a rappelé cette faculté en jugeant que « l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile [qui exige la remise d’une copie de la requête au défendeur] a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d’apprécier l’opportunité d’un éventuel recours » (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n° 13-22.971).

C) Une décision motivée

==>Sur le fond

L’article 494 du CPC prévoit que l’ordonnance sur requête doit être motivée, en ce sens que le Juge doit justifier sa décision.

Cette motivation est attendue, tant en cas d’acceptation de la demande, qu’en cas de rejet.

==>Sur la forme

En application de l’article 454 du CPC, l’ordonnance doit contenir :

  • La juridiction dont il émane ;
  • Le nom du juge qui a délibéré ;
  • La signature du magistrat
  • Sa date ;
  • Le nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ;
  • Le nom du greffier ;
  • Les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
  • Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;

D) Une décision exécutoire

L’article 495 du CPC dispose que l’ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute. »

Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit signifiée à la partie mise en cause, contrairement à l’ordonnance de référé qui doit être notifiée à l’intéressée.

À cet égard, dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

VII) Voies de recours

Il convient de distinguer selon que l’ordonnance fait droit à la demande du requérant ou selon qu’elle le déboute de sa demande.

A) L’admission de la requête

==>Le référé-rétractation

En cas d’admission de la requête par la juridiction saisie, la personne contre qui elle est rendue dispose d’une voie de recours qui consiste en un référé-rétractation.

L’article 496 du CPC prévoit en ce sens que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

En application de l’article 497 le juge dispose alors de trois options :

  • Soit il maintient son ordonnance
  • Soit il modifie son ordonnance
  • Soit il rétracte son ordonnance

==>Délai

Dans le silence des textes, le recours en rétractation de l’ordonnance peut être exercé tant que l’ordonnance n’a pas épuisé tous ses effets

L’article 497 du CPC précise d’ailleurs que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire »

==>Procédure

  • Compétence du juge
    • Le Juge compétent pour connaître du recours en rétractation est celui-là même qui a rendu l’ordonnance contestée et non le juge des référés
  • Recevabilité
    • Contrairement à l’action en référé qui n’est recevable qu’à la condition de démontrer l’existence d’une urgence ou l’absence de contestation sérieuse, le juge ayant vocation à connaître d’un recours en rétractation n’est pas soumis à ses conditions
    • Le recours peut donc être exercé, sans qu’il soit besoin pour son auteur de justifier d’une urgence ou d’établir d’absence de contestation sérieuse.
  • Pouvoirs du juge
    • Bien que le juge saisi d’un recours en rétractation ne soit pas le juge des référés, il est invité à statuer comme en matière de référé.
    • Plus précisément, dans un arrêt du 19 février 2015, la Cour de cassation a considéré que le juge statuant sur une demande de rétractation ne peut statuer « qu’en exerçant les pouvoirs du juge des référés que lui confère exclusivement l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile ».
    • Cela signifie, en somme, que le juge ne peut, en rétablissant le contradictoire, que maintenir, modifier ou rétracter son ordonnance.
    • Pour ce faire, il doit vérifier que toutes les conditions étaient remplies lorsqu’il a rendu son ordonnance et que la demande était fondée.
    • Dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour de cassation a précisé que l’« instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet » (Cass. 2e civ. 9 sept. 2010, n°09-69.936).
  • Acte introductif d’instance
    • Le recours en rétractation s’exerce par voie d’assignation
    • Aussi, conviendra-t-il pour le défendeur d’assigner en référé aux fins de rétractation de l’ordonnance contestée (Cass. 2e civ., 7 janv. 2010, n°08-16.486).
  • Décision
    • La décision rendue par le Juge saisi consistera en une ordonnance de référé, contradictoire, mais dépourvue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que les juges du fond ne seront pas liés par ce qui a été décidé.

B) Le rejet de la requête

L’article 496, al. 1 du CPC prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel ».

C’est donc la voie de l’appel qui est ouverte au requérant en cas de rejet de sa requête.

Il dispose alors d’un délai de quinze jours à compter du jour où l’ordonnance a été rendue. L’appel ne peut être interjeté qu’auprès du magistrat qui a rendu l’ordonnance.

L’article 496, al. 1 in fine précise que « l’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. »

Il convient alors de se reporter aux articles 950 à 953 du CPC qui encadre la procédure d’appel en matière gracieuse.

Il est notamment prévu par l’article 950 que « l’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. »