Le paiement des obligations de sommes d’argent (art. 1343 à 1343-5 C. civ.)

C’est une nouveauté introduite par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, le Code civil renferme désormais une section entière consacrée aux « obligations de sommes d’argent ».

Cette section comporte des dispositions qui constituent le droit spécial du paiement, à tout le moins elles sont présentées comme tel.

Le législateur a indiqué en ce sens, dans le Rapport au Président de la République accompagnant l’ordonnance, que « les obligations de sommes d’argent présentent des particularités justifiant de consacrer une partie distincte aux règles propres à leur paiement. »

La particularité des obligations de sommes d’argent tient notamment au cours de la monnaie qui, par nature, peut varier. Ces obligations comportent encore des spécificités lorsqu’elles sont productives d’intérêts.

Les difficultés que sont susceptibles de soulever les obligations monétaires sont abordées aux articles 1343 et suivants du Code civil.

Après avoir posé le principe du nominalisme monétaire, ces dispositions traitent des intérêts susceptibles d’être produit par la dette. Enfin elles abordent les modalités du paiement de l’obligation de somme d’argent.

§1: Le nominalisme monétaire

I) Principe

==> Exposé du principe du nominalisme monétaire

Lorsqu’une obligation porte sur une somme d’argent, cela implique pour le débiteur de payer le créancier au moyen de monnaie.

À cet égard, la monnaie ne constitue pas seulement un instrument de paiement, elle a également pour fonction d’évaluer un bien ou un service.

Autrement dit, dans cette fonction, la monnaie s’analyse en une unité de mesure. Contrairement toutefois aux unités de mesure utilisées dans le domaine des sciences, elle présente un caractère instable dans la mesure où sa valeur est fixée par un cours. Or ce cours est susceptible de varier et, par voie de conséquence, d’affecter la valeur de la monnaie.

Aussi, la fluctuation monétaire rend-elle difficile l’évaluation des biens et services sur une période longue, en particulier durant des périodes d’inflation ou de dépréciation monétaires.

La question qui alors se pose est de savoir quel montant le débiteur d’une obligation de somme d’argent doit-il verser au créancier pour éteindre sa dette. Deux approches sont envisageables :

  • Première approche : le nominalisme monétaire
    • Pour se libérer de son obligation, le débiteur doit verser au créancier le montant nominal de la dette stipulé au contrat.
    • L’inconvénient de cette approche est que, en cas de fluctuation monétaire entre le jour de la conclusion du contrat et le jour du paiement, la valeur de la somme d’argent réglée par le débiteur au créancier ne correspondra plus à la valeur du montant de la dette stipulé au contrat.
  • Seconde approche : le valorisme monétaire
    • Pour se libérer de son obligation, le débiteur doit verser au créancier une somme d’argent dont le montant a été actualisé au jour du paiement et qui donc est susceptible d’être différent de celui déterminé lors de la conclusion du contrat.
    • Cette approche présente l’avantage de tenir compte des phénomènes d’inflation et de dépréciation monétaires.

Entre ces deux approches, le législateur a retenu la première. L’article 1343, al. 1er du Code civil prévoit en ce sens que « le débiteur d’une obligation de somme d’argent se libère par le versement de son montant nominal. »

Cette disposition pose donc le principe du nominalisme monétaire, principe selon lequel le débiteur doit verser la somme correspondant au montant nominal de sa dette, même si la valeur de la monnaie a varié.

Concrètement, cela signifie qu’une dette dont la valeur nominale est de 100 vaudra toujours 100 peu importe le nombre d’années qui s’est écoulé entre la conclusion du contrat et le paiement de l’obligation.

Autrement dit, le paiement doit porter sur le même nombre d’unités monétaires que celui stipulé au contrat au jour de la naissance de la dette, les fluctuations monétaires étant sans incidence sur le montant nominal dû par le débiteur.

==> Consécration du principe du nominalisme monétaire

Sous l’empire du droit antérieur, le principe du nominalisme monétaire avait été déduit de l’article 1895 du Code civil qui prévoit, en matière de prêt de consommation, que « l’obligation qui résulte d’un prêt en argent n’est toujours que de la somme énoncée au contrat. »

Le second alinéa de ce texte précise que « s’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

S’il n’est pas douteux que, en application de ce texte, l’emprunteur ne soit tenu de rembourser au prêteur que le montant nominal de la somme d’argent prêtée, on est légitimement en droit de s’interroger, en revanche, sur le domaine de la règle ainsi énoncée.

Une approche restrictive devrait conduire à cantonner le champ d’application de cette règle aux seuls prêts d’argent.

Telle n’est toutefois pas la voie qui a été empruntée par la jurisprudence qui, très tôt, a dégagé de l’article 1895 du Code civil un principe général (V. en ce sens Cass. req. 25 févr. 1929).

Afin de lever toute ambiguïté et prévenir toute difficulté d’interprétation du texte, le législateur a fait le choix, à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations, de consacrer le principe du nominalisme monétaire, énoncée désormais à l’article 1343 du Code civil.

Reste que si le principe du nominalisme monétaire pose une exigence de parfaite égalité entre le montant nominal de la somme d’argent stipulé au contrat au jour de la naissance de la créance et le montant nominal de la dette qui doit être payée par le débiteur au jour du paiement, cette correspondance pas toujours, pour autant, à la réalité économique.

II) Exceptions

En période de stabilité monétaire, le principe du nominalisme monétaire ne soulève aucune difficulté d’application pour les parties.

La valeur de la monnaie étant constante, le montant de la somme d’argent due au créancier est toujours égal au montant de la dette qui doit être réglée par débiteur.

Lorsque, en revanche, la monnaie connaît des périodes de fluctuation, le principe du nominalisme monétaire est susceptible de contrevenir à l’équité.

Afin de surmonter cette difficulté le législateur a :

  • D’une part, autorisé les parties à déroger contractuellement au principe du nominalisme monétaire
  • D’autre part, institué le système des dettes de valeur

A) L’aménagement contractuel du principe du nominalisme monétaire

1. Techniques contractuelles visant à déroger au principe du nominalisme monétaire

Le principe du nominalisme monétaire n’est pas d’ordre public. Il est donc admis que les parties puissent y déroger par convention contraire.

Très tôt la pratique a développé deux techniques contractuelles permettant de protéger les parties contre le phénomène de fluctuation monétaire :

  • Les clauses monétaires
  • Les clauses d’indexation

1.1. S’agissant des clauses monétaires

a. Notion

Une clause monétaire est celle qui vise comme unité de valeur de référence d’une créance de somme d’argent une unité monétaire ou l’or.

Il s’agit, autrement dit, de stipulations aux termes desquelles les parties conviennent de se référer à une monnaie étrangère plutôt que d’utiliser la monnaie légale, soit pour évaluer les créances, soit pour les régler.

Classiquement, on distingue deux catégories de clauses monétaires :

  • Première catégorie : les clauses monnaies étrangères et les clauses-or
    • Il s’agit des clauses qui stipulent que le paiement devra s’effectuer dans une monnaie autre que celle déterminée par la loi (clause monnaie étrangère) ou en or (clause-or).
    • Ces clauses écartent ainsi le principe posé à l’article 1343-3, al .1er du Code civil selon lequel « le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros.»
    • La monnaie étrangère a donc vocation à être utilisée ici, en lieu et place de la monnaie légale, aux fins de règlement de la dette
  • Seconde catégorie : les clauses valeur-monnaie étrangère et les clauses valeur or
    • Il s’agit des clauses qui visent la monnaie étrangère ou l’or, non pas comme une monnaie de paiement, mais comme une monnaie de compte.
    • Autrement dit, elles stipulent que le paiement s’effectuera en monnaie légale (l’euro), mais que la valeur nominale de la dette variera en fonction du cours d’une monnaie étrangère ou de l’or.
    • Ce type de clause vise donc à se référer à une monnaie étrangère ou au cours de l’ord pour évaluer une dette

b. Cours forcé et cours légal

Au début du XIXe siècle, en raison de la relativement grande stabilité du franc, il était admis que les parties à un contrat puissent stipuler des clauses monétaires et que donc le paiement puisse s’effectuer en monnaie étrangère ou en or.

Puis le législateur institua, par le décret du 15 mars 1848, un cours forcé des billets émis par la Banque de France ce qui signifiait les paiements devaient nécessairement être réalisés en monnaie légale et que les détenteurs de ces billets ne pouvaient plus réclamer leur conversion en monnaie métallique. L’objectif recherché était double : mettre un frein à la fuite des réserves de métaux précieux de la Banque de France et favoriser l’utilisation large des billets comme monnaie fiduciaire.

Si le cours forcé a été aboli en 1850, il a été rétabli par la loi du 12 août 1870 qui a, en outre, institué ce que l’on appelle un cours légal du billet. Selon ce cours, il est fait obligation à tout créancier d’accepter les billets de banque émis par la banque de France comme instrument de paiement au même titre que la monnaie métallique.

L’adoption du cours forcé et du cours légal n’a pas été sans incidence sur la validité des clauses monétaires.

Ces deux cours faisaient désormais obstacle au paiement d’une créance en monnaie étrangère ou en or. Leur instauration revenait ainsi à prohiber les clauses monnaies étrangères et les clauses or. Cette prohibition a, dans un premier temps, visé les clauses or (Cass. civ., 11 févr. 1873), puis les clauses monnaie étrangère (V. en ce sens Cass. civ. 17 mai 1927).

La jurisprudence a, par suite, étendu cette prohibition aux clauses valeur-monnaies étrangères et aux clauses valeur-or (V. en ce sens Cass. civ. 31 déc. 1928).

c. Régime

Si la stipulation de clauses monétaires est, par principe, prohibée pour les opérations réalisées sur le territoire français, elle est admise lorsqu’elle intéresse des opérations qui présentent un caractère international.

c.1 Les opérations internationales

La prohibition générale des clauses monétaires posée par la jurisprudence à partir de la fin du XIXe siècle est rapidement apparue comme étant inconciliable avec les exigences et impératifs du commerce international.

Le maintien de cette prohibition aurait eu pour effet d’empêcher les marchands français de commercer avec des partenaires étrangers.

Pour cette raison, très tôt la Cour de cassation a admis que les opérations présentant un caractère international échappaient à la prohibition des clauses monétaires.

Dans un arrêt Matter rendu le 17 mai 1927 (Cass. civ. 17 mai 1927), elle a ainsi jugé qu’une clause prévoyant le règlement d’une obligation dans une devise étrangère n’était pas illicite, pourvu qu’elle se rattache à une opération internationale.

Pour présenter un caractère international et donc échapper à la prohibition des clauses monétaires, l’opération doit produire un mouvement de valeurs transfrontalier, soit un flux qui circule d’un état vers un autre.

Une circulaire du garde des Sceaux aux procureurs généraux du 16 juillet 1926 a indiqué en ce sens que les règlements internationaux sont ceux « qui concernent des opérations qui se poursuivent sur le territoire de deux États, se règlent par un appel de change d’un État sur un autre et aboutissent finalement à un règlement de pays à pays ».

Dès lors que cette condition est remplie, les parties sont libres de déroger au cours légal et au cours forcé ; elles peuvent donc prévoir que les règlements s’effectueront au moyen d’une devise étrangère.

À cet égard, il peut être dérogé pour les opérations internationales au principe de prohibition des clauses monétaires, tant lorsque la monnaie étrangère est utilisée comme une monnaie de paiement (clauses monnaie étrangère) que lorsqu’elle est utilisée comme une monnaie de compte (clauses valeur-monnaie étrangère).

Dans ce dernier cas, la conversion de la devise étrangère en euro devra se faire au jour du paiement. La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 18 décembre 1990, que « la contre-valeur en francs français d’une dette stipulée en monnaie étrangère doit être fixée au jour du paiement, sauf si le retard apporté à celui-ci est imputable à l’une des parties » (Cass. 1ère civ. 18 déc. 1990, n°88-20.232).

Si la dérogation au principe de prohibition des clauses monétaires pour les opérations internationales a été admise par la jurisprudence dès le début du XXe siècle, il a fallu attendre près d’un siècle pour qu’elle soit consacrée par le législateur.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 a ainsi inséré un article 1343-3 dans un le Code civil qui prévoyait que, si « le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. Toutefois, le paiement peut avoir lieu en une autre devise si l’obligation ainsi libellée procède d’un contrat international ou d’un jugement étranger. »

Cette disposition a toutefois fait l’objet d’un ajustement à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016.

Il a été relevé que la rédaction de l’article 1343-3, telle que retenue par cette ordonnance, était plus restrictive que l’état du droit antérieur.

Il a notamment été souligné que dans une décision rendue le 11 octobre 1989 à propos d’un contrat de prêt, la Cour de cassation s’était référée à la notion plus souple d’« opération de commerce international » et non de contrat international (Cass. 1ère civ. 11 oct. 1989, n°87-16.341).

Cette notion permettait aux parties de déterminer la monnaie de compte ou de paiement de leurs obligations même si le paiement devait être réalisé sur le sol français, dès lors qu’il pouvait être qualifié d’opération de commerce international.

Il est toutefois apparu que cette notion d’« opération de commerce international » ne permettait pas non plus de couvrir l’ensemble des hypothèses dans lesquelles le paiement en monnaies étrangères était admis avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.

Pour s’approcher au plus près de l’état du droit antérieur et permettre aux entreprises d’utiliser la monnaie de leur choix, tout en n’affaiblissant pas la monnaie nationale, il a finalement été décidé de retenir le critère d’« opération à caractère international », à la place de celui trop restrictif de lien avec un « contrat international », cette rédaction pouvant encore être affinée au cours de la navette parlementaire.

Aussi, désormais après avoir énoncé que « le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros », l’article 1343-3, al. 2e du Code civil est rédigé comme suit : « le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. »

c.2 Les opérations internes

==> Principe

Très tôt la jurisprudence a donc posé le principe de prohibition des clauses monétaires pour les opérations internes, considérant que ces clauses heurtaient l’ordre public monétaire (V. en ce sens Cass. com., 27 avr. 1964 ; Cass. 1ère civ. 11 oct. 1989, n°87-16.341).

Cette prohibition procédait notamment de l’idée que les clauses de monnaie étrangère avaient pour effet d’affaiblir la monnaie nationale.

Certains auteurs soutiennent qu’elle n’est aujourd’hui plus justifiée dans la mesure où le droit français fait figure d’exception au sein de la zone euro[1].

D’autres avances que « les règles du cours légal et du cours forcé constituent […] des fondements insuffisants à l’illicéité des clauses monétaires. Et leur cumul n’y saurait rien changer : la somme de deux arguments creux sonne creux »[2].

  • S’agissant du cours forcé, il empêche seulement le détenteur de billets émis par la Banque de France de demander auprès d’elle la conversion en or ou en argent. Il ne fait a priori nullement obstacle à ce que les parties à un contrat décident que le règlement des dettes s’effectuera au moyen d’une monnaie étrangère.
  • S’agissant du cours légal, il interdit, quant à lui, à tout créancier d’une obligation de refuser un paiement au moyen de billets émis par la Banque de France. Cette interdiction ne fait nullement obstacle, là encore, à ce que les parties à un contrat utilisent une devise étrangère comme moyen de règlement des obligations.

Si, en l’état du droit positif, la prohibition des clauses monétaires demeure, nonobstant les critiques – nombreuses – formulées par la doctrine, elle a toutefois connu un assouplissement, notamment sous l’impulsion du développement des clauses d’indexation.

À compter du milieu du XXe siècle, la jurisprudence a, en effet, commencé à distinguer selon que la monnaie étrangère était utilisée par les parties comme une monnaie de paiement ou comme une monnaie de compte.

Pour mémoire, tandis que dans le premier cas le contrat écarte purement et simplement la monnaie légale comme moyen de règlement des obligations (clause monnaie étrangère), dans le second cas la monnaie étrangère sert seulement à évaluer le montant des créances, le paiement s’effectuant, en tout état de cause, dans la monnaie légale (clause valeur-monnaie étrangère).

Dans l’ordre interne, alors que les clauses monnaie étrangères ont toujours été prohibées par la jurisprudence, la Cour de cassation demeurant inflexible, elle a fini par admettre la validité des clauses valeur-monnaie étrangère, soit celles n’impliquant le paiement de l’obligation dans une devise étrangère (Cass. 1ère civ. 4 déc. 1962).

La Cour de cassation subordonna toutefois leur validité au respect des règles encadrant les clauses d’indexation.

En parallèle de cette jurisprudence, elle maintint la prohibition des clauses monnaie étrangère (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 14 nov. 2013, n°12-23.208).

La violation de cette prohibition est sanctionnée par la nullité absolue, dans la mesure où elle porte atteinte à l’ordre public monétaire (Cass. 1ère civ. 18 nov. 1997, n°95-14.003).

Dans un arrêt du 2 octobre 2007, la Cour de cassation a précisé qu’il appartient, en conséquence, au juge de relever d’office cette cause de nullité du contrat (Cass. 3e civ. 2 oct. 2007, n°06-14.725).

==> Exceptions

Le principe d’interdiction de stipuler pour les contrats relevant de l’ordre interne une clause de règlement d’une obligation en devise étrangère souffre de deux exceptions :

  • Première exception
    • L’article 1343-3, al. 3e du Code civil prévoit que « les parties peuvent convenir que le paiement aura lieu en devise s’il intervient entre professionnels, lorsque l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée. »
    • Cette exception, qui est issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, vise à tenir compte des réalités économiques et notamment des impératifs rencontrés dans certains domaines d’activité où il est d’usage que les paiements s’opèrent en devise étrangère et notamment en dollar américain.
  • Seconde exception
    • L’article L. 112-5-1 du Code monétaire et financier prévoit que « par dérogation au premier alinéa de l’article 1343-3 du code civil, le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’un instrument financier à terme ou d’une opération de change au comptant.»

1.2. S’agissant des clauses d’indexation

Une clause d’indexation, qualifiée également de clause d’échelle mobile, est celle qui fait varier le montant de la dette en fonction d’un indice extérieur au contrat.

La clause peut renvoyer, soit à un indice publié par un organisme public ou privé, soit au cours d’une marchandise ou d’un service, pourvu qu’elle ne contrevienne pas au cours forcé.

À l’instar des clauses monétaires, pendant longtemps les clauses d’indexation ont été regardées avec méfiance par la jurisprudence, les juridictions voyant en elles un facteur d’inflation.

En effet, la clause d’indexation ne fait certes pas varier le montant de la somme due par le débiteur en fonction du cours d’une devise étrangère. Toutefois, en stipulant une telle clause les parties cherchent indirectement à se prémunir des fluctuations monétaires susceptibles d’affecter la valeur de l’obligation souscrite.

Afin de limiter le recours aux clauses d’indexation la Cour de cassation a opéré une distinction entre :

  • D’un côté, les clauses qui avaient été stipulées dans le seul but d’échapper aux fluctuations monétaires.
  • D’un autre côté, les clauses qui avaient été stipulées aux fins de préserver l’équivalence économique des prestations.

Tandis que les premières étaient prohibées (Cass. 1ère civ. 3 nov. 1953), les secondes ont été reconnues valables (Cass. 1ère civ. 27 déc. 1954).

Dans ce contexte de fébrilité de la jurisprudence quant à la reconnaissance des clauses de d’indexation, la question de leur validité s’est posée spécifiquement pour les contrats de prêt.

Pour mémoire, l’article 1895 du Code civil prévoit que « s’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

Selon cette disposition, qui pose le principe du nominalisme monétaire en matière de prêt, le montant remboursé par l’emprunteur doit correspondre au montant nominal qui a été mis à sa disposition par le prêteur.

Est-ce à dire que, pour cette catégorie de contrat, toute clause visant à indexer le montant de la somme prêtée sur indice et donc à faire fluctuer le montant nominal de la somme devant être remboursée serait nulle ?

Se fondant sur le principe du nominalisme monétaire, certaines juridictions ont statué en ce sens.

La Cour de cassation a toutefois porté un coup d’arrêt à cette jurisprudence dans un arrêt Guyot rendu en date du 27 juin 1957 (Cass. 1ère civ. 27 juin 1957, n°57-01.212).

Aux termes de cette décision, la Première chambre civile affirma que :

  • En premier lieu, que l’article 1895 ne présente aucun caractère d’ordre public dans la mesure où :
    • D’une part, « il a seulement pour objet d’écarter, dans le silence de la convention, une révision judiciaire des conditions de remboursement du prêt d’argent, éventuellement demandée, en vertu de l’article 1892, pour changement de “qualité” de la monnaie. »
    • D’autre part, que « l’ordre public n’exige pas, dans le prêt d’argent, une protection des emprunteurs contre la libre acceptation du risque d’une majoration de la somme à rembourser, destinée à conserver à celle-ci le pouvoir d’achat de la somme prêtée apprécié par rapport au coût d’une denrée, dès lors qu’ils peuvent assumer des risques de même importance dans d’autres contrats»
    • Enfin « qu’on ne peut non plus prétendre que le caractère impératif de cet article serait justifié par des principes d’ordre monétaire, qui l’imposeraient en raison d’un danger que les clauses entraînant cette majoration présenteraient pour la stabilité de la monnaie, l’influence desdites clauses à cet égard apparaissant en l’état trop incertaine pour légitimer une nullité portant une atteinte grave à la sécurité de l’épargne et du crédit»
  • En second lieu, que les lois monétaires en vigueur n’impliquent pas l’invariabilité du pouvoir d’achat de la monnaie, lequel varie avec le prix des denrées, et n’empêchant pas dès lors les prêteurs plus que les autres créanciers de faire état des variations de ce pouvoir d’achat

Ainsi, par cet arrêt, non seulement la Cour de cassation reconnaît admet qu’une clause d’indexation puisse être stipulé dans un contrat de prêt en raison du caractère non impératif de l’article 1895 du Code civil, mais encore elle pose un principe général de validité des clauses d’indexation.

Elle abandonne ainsi la distinction entre les clauses stipulées dans le but de prévenir des fluctuations monétaires et celles stipulées aux fins de garantir l’équilibre économique des prestations.

Désormais, toutes les clauses d’indexation sont réputées valables, peu importe la finalité recherchée par les parties.

Dans un arrêt du 4 décembre 1962, la Cour de cassation a, par suite, appliqué la solution retenue dans l’arrêt Guyot aux clauses valeur or.

Après avoir rappelé « qu’aucune clause d’indexation n’est interdite par l’article 1895, texte non impératif », la Première chambre civile affirme que « la stipulation faisant dépendre le nombre de francs à rembourser du cours des Pièces d’or union latine n’était pas illicite, la liberté des transactions sur ces pièces et la reconnaissance officielle des variations corrélatives de leur valeur en francs, impliquant nécessairement la possibilité pour les particuliers de subordonner le montant d’un payement a ces variations » (Cass. 1ère civ. 4 déc. 1962).

Puis dans un arrêt du 10 mai 1966, la Haute juridiction reconnaît, pour la première fois, la validité des clauses valeur-monnaie étrangère, soit celles qui utilisent la monnaie, non pas comme une monnaie de paiement, mais comme une monnaie de compte, peu importe qu’elles soient stipulées dans un contrat qui ne présente aucun caractère international (Cass. 1ère civ. 10 mai 1966).

Pour justifier sa position, la Cour de cassation a indiqué, dans plusieurs arrêts, que la fixation d’une créance en monnaie étrangère devait s’analyser en « une indexation déguisée » (Cass. 1ère civ. 11 oct. 1989, n°87-16.341).

Or dans la mesure où les clauses d’indexation sont valides, il doit en être de même pour les clauses de valeur-monnaie étrangère.

Aujourd’hui, l’article 1343, al. 2e du Code civil, issu l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations, prévoit expressément que « le montant de la somme due peut varier par le jeu de l’indexation ».

Une lecture rapide de cette disposition suggère que le législateur a entendu reconnaître les clauses d’indexation. L’apparence est toutefois trompeuse.

À l’analyse, il y a lieu de comprendre ce texte comme posant moins un principe de validité des clauses d’indexation que comme une atténuation à la règle du nominalisme monétaire.

La liberté de stipuler des clauses d’indexation est, en effet, enfermée dans des conditions strictes énoncées aux articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financière. Ces dispositions sont issues des ordonnances n° 58-1374 du 30 décembre 1958 et n° 59-246 du 4 février 1959.

a. Le régime des clauses d’indexation

a.1 Principe

L’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services ».

Ainsi, cette disposition prohibe le recours par les parties à des indices généraux. Lors de l’instauration de cette prohibition, le principal objectif recherché par le législateur n’était autre que la lutte contre l’inflation.

Concrètement, il est donc fait interdiction aux parties d’indexer les obligations stipulées au contrat sur :

  • D’une part, le SMIC
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une décision rendue par un Conseil de prud’hommes qui avait validé la clause stipulée dans un contrat de travail qui « prévoyait une rémunération brute horaire égale au SMIC augmenté de 7 %» ( soc. 18 mars 1992, n°88-43.434).
    • Pour la Chambre sociale, la prohibition des « clauses prévoyant des indexations fondées sur le SMIC le salaire minimum interprofessionnel de croissance» interdisait à l’employeur de « consentir par avance une révision automatique du salaire basée sur le SMIC ».
  • D’autre part, le niveau général des prix
    • La Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt du 27 mars 1990 qu’était nulle la clause stipulée dans un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce prévoyant que la redevance serait indexée sur l’indice des prix à la consommation des ménages urbains ( com. 27 mars 1990, n°88-15.092)
  • Enfin, le niveau général des salaires
    • Dans un arrêt du 3 novembre 1988, la Cour de cassation a, par exemple, jugé qu’était « atteinte d’une nullité absolue » la clause stipulée dans un contrat de fourniture de marchandises prévoyant l’indexation du prix de vente « sur l’indice général des taux de salaires horaires des ouvriers toutes activités série France entière» ( com. 3 nov. 1988, n°87-10.043).

a.2 Tempéraments

i. L’indexation libre

La prohibition du recours par les parties à des indices généraux n’est pas absolue. Elle souffre d’exceptions prévues par la loi.

L’article L. 112-2, al. 3e du CMF prévoit notamment que l’indexation est libre pour les opérations intéressant les dettes d’aliments.

Par rente d’aliments il faut entendre, précise le texte « les rentes viagères constituées entre particuliers, notamment en exécution des dispositions de l’article 759 du code civil ».

L’indexation peut encore être librement stipulée pour les prestations compensatoires qui prennent la forme de rentes (art. 276-1 C. civ.)

L’article L. 112-3 du CMF autorise, par ailleurs, l’indexation de certaines conventions sur le niveau général des prix :

  • Les livrets A définis à l’article L. 221-1 ;
  • Les comptes sur livret d’épargne populaire définis à l’article L. 221-13 ;
  • Les livrets de développement durable et solidaire définis à l’article L. 221-27 ;
  • Les comptes d’épargne-logement définis à l’article L. 315-1 du code de la construction et de l’habitation ;
  • Les livrets d’épargne-entreprise définis à l’article 1er de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique ;
  • Les livrets d’épargne institués au profit des travailleurs manuels définis à l’article 80 de la loi de finances pour 1977 (n° 76-1232 du 29 décembre 1976) ;
  • Les prêts accordés aux personnes morales ainsi qu’aux personnes physiques pour les besoins de leur activité professionnelle ;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local d’habitation ou sur un local affecté à des activités commerciales ou artisanales relevant du décret prévu au premier alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local à usage des activités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les rémunérations des cocontractants de l’Etat et de ses établissements publics ainsi que les rémunérations des cocontractants des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, au titre des contrats de concession et de marché de partenariat conclus dans le domaine des infrastructures et des services de transport.

L’article D. 112-1 précise que l’indexation sur le niveau général des prix autorisée pour les produits et services visés à l’article L. 112-3 est mise en œuvre en utilisant l’indice des prix à la consommation pour l’ensemble des ménages, hors tabac, publié mensuellement par l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Enfin, l’article L. 112-3-1 du CPC prévoit que « l’indexation des titres de créance et des contrats financiers mentionnés respectivement au 2 du II et au III de l’article L. 211-1 est libre. »

ii. L’indexation encadrée

S’il est fait interdiction pour les parties à un contrat de recourir à des indices généraux aux fins d’indexer leurs créances, l’article L. 112-2 du CMF les autorise à se référer à des indices spéciaux.

Ce texte prévoit, en effet, que l’indexation est permise lorsque l’indice stipulé au contrat entretient une relation directe :

  • Soit avec l’objet de la convention
  • Soit avec l’activité de l’une des parties

?. L’indexation en relation directe avec l’objet de la convention

La clause d’indexation est donc valable, à la condition que l’indice choisi par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « l’objet de la convention ».

Deux approches sont possibles :

  • Une approche restrictive
    • Cette approche consiste à appréhender la notion « d’objet de la convention» au regard du droit commun des contrats.
    • Si l’on emprunte cette voie, l’objet de la convention désigne la prestation à propos de laquelle l’accord des parties est intervenu et autour de laquelle s’ordonne l’économie du contrat
  • Une approche extensive
    • Cette approche consiste à s’émanciper du droit commun des contrats pour inclure dans l’objet de la convention la finalité recherchée par les parties.
    • L’objet de la convention ne se limiterait donc pas seulement à l’objet de l’obligation des parties, il embrasserait également le but poursuivi par elles.

Entre ces deux approches, la jurisprudence a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 9 janvier 1974, la Cour de cassation a, en effet, jugé à propos de la stipulation d’une clause d’indexation dans un contrat de prêt que « l’objet de la convention, au sens de l’article 79 de l’ordonnance du 30 décembre 1958 modifie par l’article 14 de l’ordonnance du 4 février 1959, doit s’entendre dans son acception la plus large et que notamment l’objet d’un prêt peut être de permettre à l’acquéreur de construire ou d’acheter un immeuble » (Cass. 1ère civ. 9 janv. 1974, n°72-13.846).

En l’espèce, pour déterminer s’il existait un lien direct entre l’indice choisi par les parties et l’objet du prêt la haute juridiction examine la finalité du contrat de prêt qui avait été conclu aux fins de financier l’acquisition d’un bien immobilier.

Elle en déduit que la clause indexant la dette d’emprunt sur l’indice du coût de la construction était parfaitement valable.

?. L’indexation en relation directe avec l’activité de l’une des parties

La clause d’indexation est également valable lorsque l’indice retenu par les parties est en relation directe avec l’activité de l’une d’elles.

Comme pour la notion d’objet de la convention, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation extensive de la notion d’activité de l’une des parties.

Elle a, en effet, admis que l’activité en cause ne devait pas nécessairement être celle exercée à titre principal (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 mars 1984, n°83-11.094).

Dans un arrêt du 6 juin 1984, la Cour de cassation a précisé que le changement d’activité de l’une des parties au cours du contrat était indifférent dans la mesure où « la validité d’une clause d’indexation doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat et ne peut être affectée par le changement d’activité du débiteur survenu ultérieurement » (Cass. 1ère civ. 6 juin 1984, n°83-12.301).

?. Le caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties

==> Appréciation de l’existence d’une relation directe

L’appréciation du caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un arrêt du 4 mars 1964, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’appréciation du rapport existant entre la nature de l’indice et l’objet du contrat, étant fonction de la part plus ou moins importante pour laquelle le produit ou service envisage est susceptible d’entrer dans la réalisation de cet objet, est une question de fait qui échappe au contrôle de la cour de cassation » (Cass. com. 4 mars 1964).

À l’analyse, les juridictions font plutôt montre d’une grande indulgence en la matière. La Cour de cassation a, par exemple, jugé dans un arrêt du 31 janvier 1984 qu’il existait une relation suffisamment directe entre le prêt consenti à un restaurateur et le prix des bouteilles d’eau de la marque « Perrier » sur lequel le financement était indexé (Cass. com. 31 janv. 1984, n°82-16.533).

Il a encore été jugé que cette relation directe existait entre le prix de vente du fonds de commerce d’un garagiste et le salaire de l’ouvrier qualifié dans l’échelon le plus élevé qui avait été utilisé comme indice de valorisation du fonds (Cass. 3e civ. 15 févr. 1972, n°70-13.280).

La Troisième chambre civile a décidé, dans le même sens, qu’était valide l’indexation du prix de vente d’une exploitation agricole sur le cours du lait (Cass. 3e civ. 4 juin 1971, n°69-14.047).

Il ressort de ces décisions que la jurisprudence reconnaît l’existence d’une relation directe dans des cas où l’indexation repose sur des éléments qui ne représentent que très partiellement l’activité.

Malgré, la souplesse de la jurisprudence quant à l’appréciation de cette relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercée par l’une des parties ou l’objet de la convention, les parties ne sont pas à l’abri de voir annuler la clause d’indexation stipulée au contrat.

Dans un arrêt du 22 octobre 1970, la Cour de cassation a, par exemple, jugé illicite l’indexation de la valeur d’un immeuble sur le cours de la pièce d’or Napoléon (Cass. 3e civ. 22 oct. 1970, n°69-11.470).

Elle a également cassé, dans un arrêt du 16 février 1993, la décision d’une Cour d’appel qui avait déclaré licite la clause prévoyant l’indexation de la redevance due par un locataire-gérant sur l’indice national du coût de la construction.

La Chambre commerciale considère que, au cas particulier, il n’y avait pas de relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercé par l’une des parties, dans la mesure où le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti. Or l’indice du coût de la construction intéresse précisément les immeubles bâtis (Cass. com. 16 févr. 1993, n°91-13.277).

==> Présomptions de relation directe

Afin de prévenir les difficultés d’appréciation de la validité des clauses d’indexation, le législateur a posé des présomptions de relation directe jouant dans trois cas précis :

  • Présomption de relation directe entre l’indice du coût de la construction et une convention relative à un immeuble bâti
    • Issu de la loi n° 70-600 du 9 juillet 1970 modifiant l’article 79 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, relatif aux indexations, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’Institut national des statistiques et des études économiques»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers commerciaux et certaines activités commerciales ou artisanales
    • Issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe […] toute clause prévoyant une indexation […] pour des activités commerciales ou artisanales définies par décret, sur la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux publié dans des conditions fixées par ce même décret par l’Institut national de la statistique et des études économiques.»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires et les conventions relatives à un immeuble conclues pour une activité autre que commerciale ou artisanale
    • Issu de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’article L. 112-2, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit que « est également réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées au premier alinéa ainsi que pour les activités exercées par les professions libérales, une indexation sur la variation de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques dans des conditions fixées par décret. »

iii. L’indexation interdite

Outre la prohibition générale de l’indexation automatique des prix de biens ou de services posée par l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, cette même disposition prévoit des interdictions spécifiques en matière de contrats à exécution successive et de baux d’habitation.

L’alinéa 2e de ce texte prévoit ainsi que « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »

L’alinéa 3e de l’article L. 112-1 du CMF prévoit encore que « est interdite toute clause d’une convention portant sur un local d’habitation prévoyant une indexation fondée sur l’indice ” loyers et charges ” servant à la détermination des indices généraux des prix de détail. »

Le texte poursuit en énonçant qu’« il en est de même de toute clause prévoyant une indexation fondée sur le taux des majorations légales fixées en application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, à moins que le montant initial n’ait lui-même été fixé conformément aux dispositions de ladite loi et des textes pris pour son application. »

b. Sanction

La mise en œuvre d’une clause d’indexation est susceptible de se heurter à deux difficultés :

  • Sont irrégularité au regard du cadre contraignant posé par le législateur
  • La disparition de l’indice au cours du contrat

i. L’irrégularité de l’indice choisi par les parties

==> La nature de la nullité

Il est admis que l’irrégularité d’une clause d’indexation soit sanctionnée par la nullité absolue (Cass. com. 3 nov. 1988, n°87-10.043). La raison en est que cette irrégularité porterait atteinte à l’ordre public monétaire.

D’aucuns soutiennent toutefois que, en raison de l’admission par le législateur des clauses d’indexation, les règles encadrant leur stipulation viseraient moins à défendre l’ordre public de direction, qu’à protéger les débiteurs contre les dangers représentés par l’indexation d’une dette.

Aussi, pour une frange de la doctrine « l’indexation devrait être frappée de nullité simplement relative »[3].

Pour l’heure, la Cour de cassation n’a adopté aucune décision en ce sens.

==> L’étendue de la nullité

S’agissant de l’étendue de la nullité, la question s’est posée de savoir si elle affectait seulement la clause jugée irrégulière ou si elle anéantissait l’acte dans son entier.

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites»
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend»
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties. Ella a notamment retenu cette approche pour les clauses d’indexation (Cass. 3e civ. 24 juin 1971, n°70-11.730).

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant», soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant», soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur ce point, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

L’application de cette règle à la clause d’indexation signifie que si elle a été déterminante du consentement des parties, alors le contrat doit être annulé dans son intégralité.

 Dans le cas contraire, la clause d’indexation doit seulement être réputée non écrite. Aussi, appartient-il aux juges de rechercher l’intention des parties.

Dans un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour prononcer la nullité d’une clause d’indexation avait relevé « le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation » (Cass. 3e civ. 14 janv. 2016, n°14-24.681).

Dans un arrêt du 29 novembre 2018, la Troisième chambre civile a toutefois cherché à moduler cette sanction en censurant une Cour d’appel qui avait réputé non écrite la clause d’indexation dans son entier. Or elle estime que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ. 29 nov. 2018, n°17-23.058).

Cette limite vise à contenir les conséquences financières de l’annulation de l’intégralité d’une clause d’indexation. Il s’agit, en effet, d’éviter que le créancier ait à restituer l’intégralité des sommes indûment perçues résultant de l’indexation.

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la question s’est posée de savoir si plutôt que d’annuler la clause d’indexation, même partiellement, le juge ne pouvait pas procéder à une substitution de l’indice irrégulier.

Dans un arrêt du 14 octobre 1975, la Cour de cassation a rejeté cette thèse en affirmant que le juge ne pouvait pas « se substituer aux parties pour remplacer une clause d’indexation, déclarée nulle par la loi, par une clause nouvelle se référant à un indice diffèrent » (Cass. 3e civ. 14 oct. 1975, n°74-12.880).

Elle a toutefois tempéré son approche en admettant, dans un arrêt du 22 juin 1987, que le juge puisse substituer à l’indice annulé un indice admis par la loi, dès lors que cette substitution se déduit de la commune intention des parties (Cass. 3e civ. 22 juill. 1987, n°84-10.548).

Cette position adoptée par la Cour de cassation ne paraît pas avoir été remise en cause par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations.

Le nouvel article 1167 introduit dans le code civil par ce texte prévoit, en effet, que « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Certes ce texte n’envisage la réfaction du contrat qu’en cas de disparition ou d’inapplication de l’indice. La doctrine considère toutefois que la règle peut être étendue au cas de nullité de l’indice irrégulier.

==> L’action en nullité

S’agissant des titulaires de l’action en nullité, l’article 1180 du Code civil prévoit que « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Quant au délai de prescription de l’action, il y a lieu de distinguer selon que la nullité est soulevée par voie d’action ou par voie d’exception :

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action, l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Lorsque, en revanche, la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

ii. La disparition de l’indice choisi par les parties

L’article 1167 du Code civil prévoit « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Lorsqu’ainsi l’indice choisi par les parties est inapplicable, le juge est investi du pouvoir de le remplacer par un autre indice. Ce pouvoir avait déjà été reconnu au juge sous l’empire du droit antérieur (V. en ce sens Cass. 3e civ. 12 janv. 2005, n°03-17.260)

Il a également été admis que le juge puisse se faire assister par un expert afin de déterminer les évolutions probables de l’indice qui a cessé d’exister (Cass. com. 25 févr. 1963).

En cas d’impossibilité de déterminer l’évolution de l’indice qui a cessé d’exister ou de le substituer par un nouvel indice, l’issue retenue par le juge devrait, en toute logique, être la caducité du contrat (V. en ce sens Cass. com., 30 juin 1980, n° 79-10.632).

B) Les dettes de valeur

Autre correctif au principe du nominalisme monétaire institué par le législateur : le mécanisme de la dette de valeur.

La dette de valeur s’oppose radicalement à la dette de monnaie en ce que son montant est fixé, non pas à la date de création de l’obligation, mais au jour de son paiement.

En présence d’une dette de monnaie, le débiteur doit verser au créancier à la date d’exigibilité de l’obligation, le montant nominal de la dette stipulé au contrat.

Tel n’est pas le cas en présence d’une dette de valeur. Le montant dû par le débiteur correspond à une valeur non chiffrée qui est susceptible de subir des variations jusqu’à la date d’échéance et qui ne sera convertie en valeur monétaire qu’au jour du paiement.

Le mécanisme de la dette de valeur a été consacré par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opéré par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Le nouvel article 1343, al. 3e du Code civil prévoit que « le débiteur d’une dette de valeur se libère par le versement de la somme d’argent résultant de sa liquidation. »

Nombreuses sont les domaines dans lesquels la dette de valeur trouve application :

  • Les restitutions
    • L’article 1352 du Code civil prévoit que « la restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.»
    • Lorsqu’ainsi un débiteur doit restituer un bien en valeur, faute de pouvoir le restituer en nature, le montant de la dette correspondra à la valeur du bien dont l’estimation sera faite à la date du jugement ordonnant la restitution
  • Les dettes de réparations
    • Il est admis de longue date que les dommages et intérêts alloués à la victime d’un dommage sont évalués, non pas à la date de réalisation de ce dommage, mais au jour du jugement (V. en ce sens req. 24 mars 1942).
    • Dans un arrêt du 11 janvier 1979, la Cour de cassation a, par exemple, affirmé que « si le droit, pour la victime d’un accident, d’obtenir la réparation du préjudice subi existe dès que le dommage a été cause, l’évaluation de ce dommage doit être faite par le juge au moment où il rend sa décision» ( 2e civ. 11 janv. 1979, n°77-12.937).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2003, elle a encore jugé que « le préjudice économique subi par l’ayant droit d’une victime du fait du décès de celle-ci doit être évalué au jour de la décision qui le fixe en tenant compte de tous les éléments connus à cette date» ( 2e civ. 13 nov. 2003, n°02-16.733).
  • Les récompenses
    • Le mécanisme de la dette de valeur se retrouve également en droit des régimes matrimoniaux s’agissant du calcul des récompenses.
    • L’article 1469, al. 1er du Code civil prévoit que « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deux sommes que représentent la dépense faite et le profit subsistant. »
    • Il est ainsi des cas où le montant de la récompense dû à un époux correspondra au profit subsistant, soit à l’enrichissement dont a bénéficié le patrimoine débiteur de la récompense à raison de la dépense faite par le patrimoine créancier.
  • L’accession
    • En cas de construction d’un immeuble sur le terrain d’autrui, l’article 555, al. 3e du Code civil prévoit que lorsque le propriétaire du fonds opte pour la conservation de l’ouvrage, « il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.»
  • L’indivision
    • L’article 815-13 du Code civil prévoit que « lorsqu’un indivisaire a amélioré à ses frais l’état d’un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l’équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l’aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu’il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu’elles ne les aient point améliorés. »

La question qui se pose au regard de ces différentes applications de la technique de la dette de valeur est de savoir si les parties à un contrat pourraient y recourir en dehors des cas prévus par la loi et la jurisprudence.

Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a rappelé que « le principe du nominalisme monétaire n’est pas d’ordre public » (Cass. com. 5 juill. 2005, n°02-10.233).

Aussi, cela signifie-t-il qu’il peut y être dérogé par convention contraire, raison pour laquelle il y a lieu de penser que la stipulation d’une dette de valeur doit être admise.

§2: Les dettes productives d’intérêts

==> Vue générale

L’une des particularités des dettes de somme d’argent est qu’elles sont susceptibles de produire des intérêts.

Par intérêt il faut entendre le revenu produit par un capital prêté, placé ou dû à raison d’une convention ou d’une condamnation.

Au fond, l’intérêt correspond à ce que l’on désigne plus couramment sous la formule de « loyer de l’argent » ou encore de « prix du temps ».

De façon plus imagée, Jean Carbonnier disait de l’intérêt qu’il est « l’enfant naturel de la monnaie »[4]. On pourrait alors filer la métaphore en précisant que la monnaie donne en réalité naissance à des jumeaux ; car l’intérêt est tantôt créditeur, tantôt débiteur.

Technique, l’intérêt se calcule en appliquant un pourcentage (le taux d’intérêt) à une somme d’argent (le capital) sur une période donnée.

Classiquement on distingue l’intérêt légal de l’intérêt conventionnel :

  • L’intérêt légal
    • Lorsqu’il est légal, l’intérêt a vocation à s’appliquer dans un certain nombre de situations prévues par la loi ou la jurisprudence.
    • Ce taux de référence est principalement utilisé dans les procédures civiles ou commerciales.
    • L’article 1231 du Code civil énonce en ce sens que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure».
    • L’article 1231-7 dispose encore que « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement.».
    • Initialement, le taux d’intérêt légal était établi par le législateur lui-même.
    • Par une loi du 3 septembre 1807 il avait, par exemple, été porté à 5%.
    • Afin d’apporter un peu plus de souplesse à ce système qui, en période de forte inflation monétaire, ne permettait pas de rémunérer suffisamment les créanciers, la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs a prévu que le taux d’intérêt légal serait dorénavant fixé par décret « en fonction de la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines».
    • Le calcul, fondé sur le taux de financement de l’État à treize semaines conduisit toutefois à une baisse très forte de son niveau dans un contexte où les taux sans risque de court terme étaient pratiquement nuls.
    • Parce qu’il était particulièrement bas, le taux légal n’était nullement dissuasif pour les débiteurs contre lesquels courraient des intérêts moratoires. Aussi, Le législateur est-il intervenu une nouvelle fois dans le dessein de le rendre plus représentatif du coût de refinancement de celui à qui l’argent est dû et de l’évolution de la situation économique.
    • L’ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014 relative au taux de l’intérêt légal a institué, dans cette perspective, une distinction entre deux taux légaux fondée sur le coût de refinancement.
    • L’article 313-2 du Code monétaire et financier prévoit désormais que le taux légal « comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. ».
    • Dans les deux cas, il est calculé semestriellement, en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement.
    • Toutefois, pour les particuliers, les taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pris en compte pour le calcul du taux applicable sont les taux effectifs moyens de crédits consentis aux particuliers.
  • L’intérêt conventionnel
    • Le taux d’intérêt conventionnel est celui qui est prévu par les parties dans la convention de crédit.
    • Ces dernières sont certes libres de convenir le taux qui leur sied. Toutefois leur liberté demeure enfermée dans une double limite.
      • D’une part, conformément à l’article 1907 du Code civil, la rémunération du prêteur ne peut pas excéder le taux d’usure, lequel ne saurait céder sous l’effet du principe d’autonomie de la volonté. Dès lors que des intérêts sont stipulés en violation de la règle de prohibition de l’usure, le prêteur s’expose notamment à une réduction de son droit aux intérêts au taux légal[5].
      • D’autre part, il ressort des articles L. 314-5 du Code de la consommation et L. 313-4 du Code monétaire et financier que toutes les fois qu’un crédit est consenti par un professionnel la convention qui constate l’opération doit mentionner ce que l’on appelle le taux effectif global.

Cette distinction entre l’intérêt légal et l’intérêt conventionnel puise son origine dans l’article 1907 du Code civil applicable aux prêts d’argent qui prévoit que « l’intérêt est légal ou conventionnel. »

À l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le législateur a élevé cette distinction au rang de summa divisio des obligations de somme d’argent portant intérêts.

Ces obligations sont désormais abordées aux articles 1343-1 et 1343-2 du Code civil qui, comme relevé par des auteurs « esquissent un droit commun des intérêts de somme d’argent »[6].

Car en effet, le domaine des intérêts est bien plus vaste que les règles énoncées par ces dispositions qui se limitent à poser les principes généraux qui président :

  • D’une part, aux paiements des dettes portant intérêts
  • D’autre part, à la stipulation d’intérêts
  • Enfin, à l’anatocisme

I) Le paiement des dettes portant intérêts

A) Libération du débiteur

L’article 1343-1 du Code civil prévoit que « lorsque l’obligation de somme d’argent porte intérêt, le débiteur se libère en versant le principal et les intérêts. »

Il ressort de cette disposition que lorsque d’une dette est productive d’intérêts, son extinction est subordonnée au paiement :

  • D’une part, du capital
  • D’autre part, des intérêts

Il s’agit là de deux éléments indissociables qui participent d’une même obligation. Aussi, le paiement du seul capital ne suffit pas à éteindre la dette.

Tant que les intérêts, accessoires de la dette, ne sont pas réglés, le débiteur n’est pas libéré de son obligation.

Ainsi, la dette d’intérêt ne saurait être regardée comme étant distincte de la dette de capital : capital et intérêts forment une seule et même dette.

À ce titre, elle est soumise, à l’instar de n’importe quelle autre dette, au principe d’indivisibilité du paiement. Or pour mémoire, en application de ce principe qui s’infère de l’article 1342-4, al. 1er du Code civil, le paiement doit nécessairement porter sur tout ce qui est dû, faute de quoi le créancier est fondé à le refuser.

B) Imputation du paiement

==> Principe

L’article 1343-1, al. 1er prévoit que si l’obligation de somme d’argent porte intérêt « le paiement partiel s’impute d’abord sur les intérêts. »

À l’analyse, il s’agit là d’une reprise de la règle énoncée par l’ancien article 1254 du Code civil qui disposait que « le paiement fait sur le capital et intérêts, mais qui n’est point intégral, s’impute d’abord sur les intérêts. »

Ainsi, en présence du paiement partiel d’une dette unique, celui-ci s’impute :

  • D’abord sur les intérêts
  • Ensuite sur le capital

L’objectif recherché ici est de protéger le créancier. Tant qu’il n’a pas été intégralement payé, sa dette doit continuer à produire des intérêts.

Or la base de calcul de ces intérêts n’est autre que le capital de la dette. Aussi, imputer le paiement prioritairement sur le capital reviendrait à affecter le rendement de la dette, alors même que le créancier n’a pas été totalement satisfait.

Pour cette raison, le législateur a estimé que, en cas de paiement partiel, celui-ci devait s’imputer d’abord sur les intérêts.

Dans un arrêt du 7 février 1995, la Cour de cassation a précisé que « au même titre que les intérêts visés par l’article 1254 du Code civil, les frais de recouvrement d’une créance constituent des accessoires de la dette ; que le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer les paiements qu’il fait sur le capital par préférence à ces accessoires » (Cass. 1ère civ. 7 févr. 1995, n°92-14.216).

Ainsi, la règle prévoyant d’imputer prioritairement le paiement sur les intérêts de la dette est étendue aux frais de recouvrement et plus généralement à l’ensemble des accessoires de la dette.

==> Tempéraments

Le principe posé à l’article 1343-1 du Code civil n’est pas absolu ; il est assorti d’un certain nombre de tempéraments :

  • Premier tempérament
    • L’article 1343-1 est une disposition supplétive de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent y déroger.
    • Aussi, sont-elles libres de prévoir que le paiement s’imputera prioritairement sur le capital.
    • À cet égard, contrairement à l’hypothèse où le débiteur est tenu de plusieurs dettes, il ne pourra pas imposer un ordre d’imputation au créancier.
    • Dans un arrêt du 20 octobre 1992 la Cour de cassation a jugé en ce sens :
      • D’une part, que « le débiteur d’une dette qui porte intérêt ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement qu’il a fait sur le capital par préférence aux intérêts»
      • D’autre part, que « le consentement des créanciers peut seul permettre l’imputation des paiements sur le capital par préférence aux intérêts» ( com. 20 oct. 1992, n°90-13.072)
    • Ainsi, l’imputation du paiement ne pourra se faire prioritairement sur le capital de la dette que si le créancier y consent.
  • Deuxième tempérament
    • Dans un arrêt du 11 juin 1996, la Cour de cassation a précisé que « l’imputation légalement faite du paiement effectué par le débiteur principal est opposable à la caution» ( com., 11 juin 1996, n° 94-15.097).
    • Il en résulte que l’imputation prioritaire des paiements effectués par le débiteur principal sur les intérêts générés par l’obligation garantie s’impose à la caution.
    • L’article 2302 du Code civil apporte une dérogation à ce principe en disposant que « dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette. »
    • Pratiquement cela signifie que le créancier sera déchu de l’intégralité des intérêts échus tant que le défaut d’information subsistera dans la mesure où les paiements du débiteur principal ne s’imputeront d’abord sur le capital restant dû.
    • Cette sanction est de nature à inciter le créancier à régulariser au plus vite sa situation, faute de quoi le règlement de ses intérêts ne sera pas garanti.
  • Troisième tempérament
    • L’article 1343-5 du Code civil prévoit que, dans le cadre d’une demande de délai de grâce qui lui est adressée par un débiteur justifiant d’une situation financière obérée, le juge peut ordonner notamment « que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.»
  • Quatrième tempérament
    • L’article L. 733-1, 2° du Code de la consommation dispose que, dans le cadre d’une procédure de surendettement, la Commission de surendettement peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, décider que les paiements s’imputeront « d’abord sur le capital»

II) La stipulation d’intérêts

L’article 1343-1 du Code civil prévoit que « l’intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat ».

Il ressort de cette disposition que la création d’obligations portant intérêt n’est pas le monopole du législateur. Les parties à contrats sont également autorisées à stipuler des intérêts.

Si cette faculté ne leur a pas toujours été reconnue, elle n’est pas non plus sans être rigoureusement encadrée.

A) De la prohibition à l’admission de la stipulation d’intérêts

La stipulation d’intérêts qui se rencontre essentiellement dans les prêts d’argent, était autrefois prohibée par le droit canonique.

Pour justifier cette interdiction, Saint Thomas d’Aquin soutenait qu’il serait contraire à la loi de Dieu d’exiger un intérêt de l’emprunteur en contrepartie du prêt d’une chose, alors même que cette chose a vocation à être restituée au prêteur en nature ou par équivalent, ce qui, en toute hypothèse, est constitutif d’une opération à somme nulle.

Une dérogation existait néanmoins pour les juifs et les Lombards. Une ordonnance royale prise en 1360 leur conféra le privilège de consentir des prêts d’argent moyennant rémunération. Les chrétiens, quant à eux, demeuraient tenus d’observer les prescriptions du droit canonique.

 À partir du XVIe siècle, le bien-fondé de l’interdiction commence toutefois à être discuté, notamment sous l’impulsion Du Moulin puis de Turgot.

La critique portée par ces auteurs reposait, en substance, sur la revendication du droit à disposer de ses biens, d’où il s’infère la possibilité de faire produire des fruits à son argent.

Cette thèse a emporté, sans mal, la conviction du législateur révolutionnaire qui, dès 1789, a levé l’interdiction de la stipulation d’intérêts.

Puis, en 1804, les rédacteurs du Code civil ont consacré la liberté de stipuler des intérêts à l’article 1907 du Code civil, lequel admet que le contrat de prêt puisse être conclu à titre onéreux.

À l’occasion de la réforme du régime général des obligations, le législateur a entendu conférer une portée générale à la liberté de stipuler des intérêts en insérant dans le Code civil des dispositions (les articles 1343-1 et 1343-2) qui ont vocation à s’appliquer à toutes les obligations productives d’intérêts au-delà du contrat de prêt.

Cette liberté n’est toutefois pas sans limite : la stipulation d’intérêt requiert la satisfaction de plusieurs exigences.

B) L’encadrement de la stipulation d’intérêts

==> L’exigence d’une stipulation contractuelle

L’article 1343-1, al. 2e du Code civil prévoit que « l’intérêt est accordé par la loi ou stipulé dans le contrat ».

Il ressort de cette disposition que, pour produire intérêt, une obligation de somme d’argent doit avoir été :

  • Soit prévue par la loi
  • Soit stipulée dans un contrat

Aussi, en l’absence de texte ou de stipulation contractuelle, une obligation est réputée ne produire aucun intérêt.

==> L’exigence générale d’un écrit

L’article 1343-1, al. 2e poursuit en prévoyant que « le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ».

Cette disposition ne fait manifestement que reprendre l’exigence énoncée à l’article 1907 du Code civil qui prévoit, en matière de prêt d’argent que « le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit ».

De toute évidence, il s’agit là d’une disposition extrêmement protectrice des intérêts du débiteur[7]. Est-ce à dire que, en cas d’inobservation de cette exigence le créancier est totalement déchu de son droit aux intérêts ?

À l’analyse, à l’instar de l’article 1907 du Code civil, l’article 1343-1, al. 2e exige l’établissement d’un écrit s’agissant de la mention, non pas de l’intérêt, mais du taux de l’intérêt, soit sa mesure.

En matière de prêt d’argent, la question s’est rapidement posée de savoir s’il s’agissait d’une règle de preuve ou d’une règle de fond.

Par un arrêt du 24 juin 1981, la Cour de cassation a opté pour la seconde solution en jugeant que « l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel est une condition de validité de la stipulation d’intérêt » (Cass. 1ère civ. 24 juin 1981, n°80-12.773).

En cas d’absence d’écrit, la sanction est donc la nullité de la prévision des parties, ce qui revient, en pratique, à priver de son intérêt la présomption simple posée à l’article 1905 du Code civil.

En effet, tandis que cette disposition autorise le prêteur à rétablir son droit aux intérêts conventionnels s’il rapporte la preuve de la stipulation, l’article 1907 écarte, dans le même temps, cette possibilité en prévoyant que la mention du taux est exigée ad validitatem.

La stipulation d’intérêts ne se concevant pas en dehors de l’établissement d’un taux, la règle de fond posée à l’article 1907 prime nécessairement sur la règle de preuve édictée à l’article 1905.

La primauté de l’exigence d’un écrit à peine de nullité est d’autant plus forte que depuis la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, il est une règle d’ordre public édictée désormais à l’article L. 314-5 du Code de la consommation aux termes de laquelle le taux effectif global doit être « mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ».

==> L’exigence de mention de la périodicité de l’intérêt

L’article 1343-1, al. 2e du Code civil prévoit que le taux d’intérêt « est réputé annuel par défaut ».

Cette précision est une nouveauté introduite par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations puisqu’elle ne se retrouve pas à l’article 1907 du Code civil.

Aussi, en l’absence de stipulation contraire, le calcul des intérêts se fait sur une période d’un an.

De l’avis de la doctrine, cette règle est supplétive de volonté, ce qui implique que les parties peuvent y déroger et donc prévoir une périodicité plus courte ou plus longue.

==> L’exigence spécifique de mention du taux effectif global

Introduite par la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, la notion de taux effectif global (TEG) est au cœur du dispositif de protection de l’emprunteur en matière de crédit.

Le législateur est parti du constat que le seul taux débiteur pratiqué par le prêteur ne permettait pas de rendre compte du coût exact du crédit, ne serait-ce que parce que d’autres frais se greffent à l’opération tels que l’assurance emprunteur, la rémunération des intermédiaires ou encore les frais de dossier.

L’appréciation du caractère usuraire de la rémunération du prêteur s’en trouve alors faussée. D’où la nécessité de mettre en place un outil qui permette de mesurer avec exactitude le coût réel de l’opération supporté par l’emprunteur. Parce qu’il intègre dans son calcul tous les frais payés par l’emprunteur, le taux effectif global répond à ce besoin.

Dans un premier temps, l’utilisation de cet outil a été circonscrite au domaine de la répression de l’usure. L’article 1er de la loi 28 décembre 1966 prévoit que l’usure doit être appréciée au regard du taux effectif global dont mention doit obligatoirement être faite dans tout acte constatant une opération de crédit. L’objectif poursuivi par ce texte était ainsi la protection du consommateur, lequel doit pouvoir déterminer la licéité du taux qui lui est appliqué.

Dans un second temps, il a été recouru à la notion de taux effectif global, sous l’impulsion du législateur européen, afin de stimuler la concurrence entre les établissements bancaires. Constatant qu’il existait de grandes disparités entre les législations des différents États membres dans le domaine du crédit à la consommation et que ces disparités étaient susceptibles de créer des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun, les instances communautaires ont en tiré la conclusion qu’il était nécessaire de faciliter la comparaison des offres de crédits.

Pour ce faire, cela suppose notamment que les emprunteurs reçoivent des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit. Parmi ces informations, le taux effectif global occupe une place centrale dans le dispositif mis en place par le législateur européen. La directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation a ainsi créé l’obligation pour les établissements bancaires de mentionner, et dans leurs publicités, et dans les contrats de crédits proposés aux consommateurs, le taux effectif global.

Une fois cette exigence de communication par écrit à l’emprunteur du taux effectif global posée, la problématique relative au coût du crédit n’était pas pour autant définitivement résolue. Restait, en effet, à déterminer comment calculer le taux effectif global.

S’il est aisé de se représenter à quoi correspond le taux effectif global, plus délicate est la question de sa détermination.

Parce qu’il est supposé refléter le coût réel du crédit, les juges se montrent particulièrement exigeants à l’égard du banquier. La difficulté à laquelle celui-ci est confronté tient à l’obligation qui lui est faite de communiquer à l’emprunteur un taux effectif global exact à une décimale près.

Contrairement à ce que l’on pourrait être intuitivement tenté de penser, l’obtention de ce résultat est loin de consister en l’accomplissement d’une simple formalité pour le banquier, notamment lorsque le crédit présente de nombreuses particularités.

Tout d’abord, il lui appartient de n’omettre aucuns frais dans l’assiette de calcul, ce qui n’est pas sans soulever des difficultés liées à l’opportunité d’inclure ou d’exclure certains éléments.

Ensuite, le banquier doit veiller à communiquer à l’emprunteur toutes les informations nécessaires au calcul du taux effectif global, notamment le taux de période lorsque le crédit est consenti à un professionnel.

Enfin, il peut être observé que le calcul du taux effectif global consiste à résoudre une équation dont le résultat n’est jamais un nombre fini, à tout le moins l’hypothèse est rare.

Aussi, le taux effectif global est-il la plupart du temps le résultat d’un arrondi, alors même que le législateur ne tolère qu’une erreur à une décimale près.

Pour toutes ces raisons, la détermination du taux effectif global se révèle être un exercice extrêmement périlleux pour le banquier.

Celui-ci est d’autant plus tenu de faire preuve de vigilance que les actions en responsabilité se sont multipliées ces dernières années. La détermination du taux effectif global a donné lieu à un contentieux fourni qui s’articule autour de deux reproches.

Le premier consiste pour les plaideurs à contester le calcul, en tant que tel, du taux effectif global, soit parce qu’un élément aurait été omis dans son assiette, soit parce que le banquier n’aurait pas appliqué la bonne méthode de calcul, à tout le moins pas correctement.

Le second reproche qui est adressé au banquier tient à la communication du taux effectif global qui figure sur le contrat de prêt. Le grief se focalise ici, tant sur l’inexactitude du taux annoncé, que sur l’exhaustivité des informations communiquées à l’emprunteur.

L’absence de mention écrite du TEG/TAEG sur le contrat prêt, tel qu’exigé par l’article L. 314-5 du Code de la consommation quelle que soit la nature du crédit, est sanctionnée pénalement.

L’article L. 341-9 du même Code prévoit, en effet, une peine d’amende de 150.000 euros, étant précisé que, antérieurement à la loi Hamon du 17 mars 2014, elle n’était que de 4.500 euros.

L’augmentation du montant de cette amende témoigne de la volonté du législateur de sanctionner lourdement l’inexécution de l’obligation de communication du TEG/TAEG.

Quant à la sanction civile, l’article L. 341-48-1 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux effectif global prévue à l’article L. 314-5, le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l’emprunteur. »

Lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu.

Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

III) L’anatocisme

Il n’est pas exclu que les intérêts produits par le capital de la dette produisent eux-mêmes des intérêts. C’est ce que l’on appelle l’anatocisme. Ce terme est issu du grec ana- (« encore une fois ») et tokos (« revenu »).

Dans un arrêt du 20 janvier 1998 a parfaitement décrit le mécanisme de l’anatocisme en observant que « lorsque le créancier et le débiteur sont convenus […] que les intérêts à échoir se capitaliseront à la fin de chaque année pour produire eux-mêmes des intérêts, ils constituent non plus des intérêts mais un nouveau capital qui s’ajoute au premier » (Cass. com. 20 janv. 1998, n°95-14.101).

Ce mécanisme, qui donc consiste à capitaliser les intérêts échus, a toujours été regardé avec une certaine méfiance ; car il est de nature à accélérer l’alourdissement du poids de la dette et ce, sans que le débiteur en prenne nécessairement conscience.

Bien que les rédacteurs du Code civil aient hésité à interdire l’anatocisme[8], le législateur s’est finalement résolu à l’autoriser.

Dans un premier temps, l’anatocisme a été régi par l’article 1154 du Code civil qui prévoyait que « les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. »

Cette disposition relevait d’une section du Code civil consacrée aux « dommages et intérêts résultant de l’inexécution de l’obligation ».

Est-ce à dire qu’il fallait limiter le domaine de l’anatocisme aux intérêts échus, comme le suggère d’ailleurs expressément le texte. Autrement dit, fallait-il comprendre que seuls les intérêts qui faisaient l’objet d’un retard de paiement pouvaient être capitalisés ?

Aussi, serait-il fait interdiction aux parties d’établir une convention qui stipulerait une capitalisation annuelle des intérêts à échoir.

Comme relevé par les auteurs[9], la Cour de cassation a très tôt écarté cette thèse, bien que l’article 1154 du Code civil vise « les intérêts échus ».

La Haute juridiction a affirmé que le texte n’interdisait nullement la stipulation d’une clause d’anatocisme pour les intérêts à échoir. Selon elle, l’article 1154 énonçait seulement la règle selon laquelle seuls les intérêts échus peuvent faire l’objet d’une capitalisation (V. en ce sens Cass. civ. 15 févr. 1965).

Cette interprétation, pour le moins extensive de l’article 1154 du Code civil, a été validée par le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Dans un second temps, le législateur a, en effet, entendu conférer une portée générale à la règle autorisant l’anatocisme puisque désormais énoncée à l’article 1343-2 du Code civil qui relève du droit commun du paiement des obligations de sommes d’argent.

Ce nouveau texte prévoit que « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise. »

Il s’agit là assurément d’une modernisation de l’ancien article 1154 du Code civil ; les anciennes conditions de l’anatocisme étant reprises.

Pour être valable, plusieurs conditions doivent, en effet, être réunies :

  • Exigence tenant à la source de l’anatocisme
    • L’article 1343-2 du Code civil prévoit que l’anatocisme ne peut jouer que si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise
      • L’anatocisme prévu par le contrat
        • Principe
          • L’anatocisme ne peut donc jouer que si une clause du contrat le prévoit.
          • À défaut, les intérêts de la dette ne pourront pas être capitalisés.
          • À cet égard, les parties pourront prévoir une capitalisation des intérêts, tant pour les intérêts échus, soit ceux qui font l’objet d’un retard de paiement, que pour les intérêts à échoir, pourvu que cette capitalisation soit annuelle
        • Exception
          • La jurisprudence considère que la stipulation d’une clause d’anatocisme est prohibée en matière de crédit consenti à un consommateur.
          • Dans un arrêt du 20 avril 2022 elle a par exemple affirmé que l’article L. 313-52 du Code de la consommation selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés à l’article L. 313-51 ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur dans les cas de défaillance prévus par les dispositions de cet article « fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévue par l’ancien article 1154 du Code civil ( 1ère civ. 20 avr. 2002, n°20-23.617).
      • L’anatocisme ordonné par une décision de justice
        • Alors que l’ancien article 1154 du Code civil prévoyait que l’anatocisme pouvait résulter d’« une demande judiciaire», le nouvel article 1343-2 prévoit qu’il peut jouer « si une décision de justice le précise ».
        • Cette modification du texte suggère qu’il n’est désormais plus nécessaire de formuler une demande en justice pour obtenir, faute de stipulation au contrat d’une clause d’anatocisme, la capitation des intérêts produits par une obligation.
        • Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation avait refusé de reconnaître au juge le pouvoir de prononcer, de sa propre initiative, la capitalisation des intérêts ( 1ère civ. 4 avr. 82-16.683)
        • Cette faculté semble désormais lui être reconnue.
  • Exigence tenant à l’annualité de l’anatocisme
    • L’article 1343-2 du Code civil prévoit que pour être capitalisés, les intérêts échus doivent être « dus au moins pour une année entière».
    • Ainsi, l’anatocisme ne peut jouer que sur la base d’une périodicité annuelle.
    • Limitation vise à empêcher un alourdissement excessif du poids de la dette.
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public, de sorte que les parties ne peuvent pas y déroger par convention contraire.

§3: Les modalités du paiement d’une obligation de somme d’argent

A) La monnaie du paiement

L’article 1343-3, al. 1er du Code civil prévoit que « le paiement, en France, d’une obligation de somme d’argent s’effectue en euros. »

Il s’agit là d’une règle d’ordre public qui donc s’impose, tant au débiteur, qu’au créancier d’une obligation.

Cette règle n’est toutefois pas absolue ; elle ne s’applique que pour les opérations réalisées « en France ».

Pour les opérations qui présentent un caractère international, le paiement en devises étrangères est admis.

B) Les modes de paiement

Si les parties sont libres de choisir le mode de paiement qui leur sied, le législateur a posé certaines restrictions pour le paiement en espèces.

L’article L. 112-6 du Code monétaire et financier prévoit en ce sens que « ne peut être effectué en espèces ou au moyen de monnaie électronique le paiement d’une dette supérieure à un montant fixé par décret, tenant compte du lieu du domicile fiscal du débiteur, de la finalité professionnelle ou non de l’opération et de la personne au profit de laquelle le paiement est effectué. »

Il ressort de cette disposition que le paiement en espèces est interdit au-delà d’un certain montant qui dépend notamment du domicile fiscal du débiteur et de s’il agit ou non pour les besoins de son activité professionnelle :

  • Le débiteur a son domicile fiscal en France ou agi pour les besoins de son activité professionnelle
    • L’article D. 112-3, I, 1° du Code monétaire et financier prévoit que, lorsque le débiteur a son domicile fiscal sur le territoire de la République française ou agit pour les besoins d’une activité professionnelle, il lui ait fait interdiction :
      • de payer en espèce une somme d’argent supérieure à 1.000 euros
      • de payer au moyen de monnaie électronique une somme d’argent supérieure à 3.000 euros
  • Le débiteur a son domicile fiscal en France ou n’agit pas pour les besoins de son activité professionnelle
    • Il convient de distinguer ici selon que le paiement est ou non réalisé au profit de l’une des personnes mentionnées à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier au nombre desquelles figurent notamment les établissements de crédit, les établissements de paiement, les entreprises d’assurance, les institutions de prévoyance, les mutuelles, les intermédiaires en opérations de banque et services de paiement, les intermédiaires d’assurance etc.
      • Le paiement est réalisé au profit d’une personne mentionnée à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier
        • L’article D. 112-3, I, 3° du Code monétaire et financier prévoit qu’il est fait interdiction au débiteur de payer en espèces ou au moyen de monnaie électronique une somme d’argent supérieure à 15.000 euros
      • Le paiement n’est pas réalisé au profit d’une personne mentionnée à l’article L. 561-2 du Code monétaire et financier
        • L’article D. 112-3, I, 2° du Code monétaire et financier prévoit qu’il est fait interdiction au débiteur de payer en espèces ou au moyen de monnaie électronique une somme d’argent supérieure à 10.000 euros

C) Le lieu du paiement

L’article 1343-4 du Code civil prévoit que « à défaut d’une autre désignation par la loi, le contrat ou le juge, le lieu du paiement de l’obligation de somme d’argent est le domicile du créancier. »

Ainsi, pour les obligations monétaires, le paiement est non pas quérable, mais portable, ce qui signifie que c’est au débiteur de se rendre au domicile du créancier aux fins de lui « porter » son dû.

Il s’agit là d’une nouveauté introduite par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime général des obligations.

Le législateur justifie cette nouveauté en avançant « des raisons techniques, liées à la généralisation de la monnaie scripturale (chèque, virement, paiement par carte bancaire). »

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1458, p. 1534

[2] F. Grua, Paiement des obligations de sommes d’argent – Monnaie étrangère, Jcl. Notarial Répertoire, fasc. 40, n°37

[3] J. François, Les obligations – Régime général, éd. Economica, 2020, n°51, p. 52

[4] J. Carbonnier, Les biens, 19e éd., 2000, PUF, n°22.

[5] Article L. 341-48 C. conso

[6] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°964, p. 867.

[7] F. PELTIER, « Le droit positif des taux d’intérêt conventionnels », Banque et droit, juill.-août 1991, p. 127.

[8] Le projet d’article 1154 (ancien) du Code civil prévoyait que « il n’est point dû d’intérêts d’intérêts ».

[9] V. notamment sur cette question F. terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2002, n°607, p. 590.

Les clauses d’indexation: régime

En période de stabilité monétaire, le principe du nominalisme monétaire ne soulève aucune difficulté d’application pour les parties.

La valeur de la monnaie étant constante, le montant de la somme d’argent due au créancier est toujours égal au montant de la dette qui doit être réglée par débiteur.

Lorsque, en revanche, la monnaie connaît des périodes de fluctuation, le principe du nominalisme monétaire est susceptible de contrevenir à l’équité.

Afin de surmonter cette difficulté le législateur a autorisé les parties à déroger contractuellement au principe du nominalisme monétaire qui n’est donc pas d’ordre public.

La pratique a alors développé deux techniques contractuelles permettant de protéger les parties contre le phénomène de fluctuation monétaire :

  • Les clauses monétaires
  • Les clauses d’indexation

Nous nous focaliserons sur les clauses d’indexation.

Une clause d’indexation, qualifiée également de clause d’échelle mobile, est celle qui fait varier le montant de la dette en fonction d’un indice extérieur au contrat.

La clause peut renvoyer, soit à un indice publié par un organisme public ou privé, soit au cours d’une marchandise ou d’un service, pourvu qu’elle ne contrevienne pas au cours forcé.

À l’instar des clauses monétaires, pendant longtemps les clauses d’indexation ont été regardées avec méfiance par la jurisprudence, les juridictions voyant en elles un facteur d’inflation.

En effet, la clause d’indexation ne fait certes pas varier le montant de la somme due par le débiteur en fonction du cours d’une devise étrangère. Toutefois, en stipulant une telle clause les parties cherchent indirectement à se prémunir des fluctuations monétaires susceptibles d’affecter la valeur de l’obligation souscrite.

Afin de limiter le recours aux clauses d’indexation la Cour de cassation a opéré une distinction entre :

  • D’un côté, les clauses qui avaient été stipulées dans le seul but d’échapper aux fluctuations monétaires.
  • D’un autre côté, les clauses qui avaient été stipulées aux fins de préserver l’équivalence économique des prestations.

Tandis que les premières étaient prohibées (Cass. 1ère civ. 3 nov. 1953), les secondes ont été reconnues valables (Cass. 1ère civ. 27 déc. 1954).

Dans ce contexte de fébrilité de la jurisprudence quant à la reconnaissance des clauses de d’indexation, la question de leur validité s’est posée spécifiquement pour les contrats de prêt.

Pour mémoire, l’article 1895 du Code civil prévoit que « s’il y a eu augmentation ou diminution d’espèces avant l’époque du paiement, le débiteur doit rendre la somme prêtée, et ne doit rendre que cette somme dans les espèces ayant cours au moment du paiement. »

Selon cette disposition, qui pose le principe du nominalisme monétaire en matière de prêt, le montant remboursé par l’emprunteur doit correspondre au montant nominal qui a été mis à sa disposition par le prêteur.

Est-ce à dire que, pour cette catégorie de contrat, toute clause visant à indexer le montant de la somme prêtée sur indice et donc à faire fluctuer le montant nominal de la somme devant être remboursée serait nulle ?

Se fondant sur le principe du nominalisme monétaire, certaines juridictions ont statué en ce sens.

La Cour de cassation a toutefois porté un coup d’arrêt à cette jurisprudence dans un arrêt Guyot rendu en date du 27 juin 1957 (Cass. 1ère civ. 27 juin 1957, n°57-01.212).

Aux termes de cette décision, la Première chambre civile affirma que :

  • En premier lieu, que l’article 1895 ne présente aucun caractère d’ordre public dans la mesure où :
    • D’une part, « il a seulement pour objet d’écarter, dans le silence de la convention, une révision judiciaire des conditions de remboursement du prêt d’argent, éventuellement demandée, en vertu de l’article 1892, pour changement de “qualité” de la monnaie. »
    • D’autre part, que « l’ordre public n’exige pas, dans le prêt d’argent, une protection des emprunteurs contre la libre acceptation du risque d’une majoration de la somme à rembourser, destinée à conserver à celle-ci le pouvoir d’achat de la somme prêtée apprécié par rapport au coût d’une denrée, dès lors qu’ils peuvent assumer des risques de même importance dans d’autres contrats»
    • Enfin « qu’on ne peut non plus prétendre que le caractère impératif de cet article serait justifié par des principes d’ordre monétaire, qui l’imposeraient en raison d’un danger que les clauses entraînant cette majoration présenteraient pour la stabilité de la monnaie, l’influence desdites clauses à cet égard apparaissant en l’état trop incertaine pour légitimer une nullité portant une atteinte grave à la sécurité de l’épargne et du crédit»
  • En second lieu, que les lois monétaires en vigueur n’impliquent pas l’invariabilité du pouvoir d’achat de la monnaie, lequel varie avec le prix des denrées, et n’empêchant pas dès lors les prêteurs plus que les autres créanciers de faire état des variations de ce pouvoir d’achat

Ainsi, par cet arrêt, non seulement la Cour de cassation reconnaît admet qu’une clause d’indexation puisse être stipulé dans un contrat de prêt en raison du caractère non impératif de l’article 1895 du Code civil, mais encore elle pose un principe général de validité des clauses d’indexation.

Elle abandonne ainsi la distinction entre les clauses stipulées dans le but de prévenir des fluctuations monétaires et celles stipulées aux fins de garantir l’équilibre économique des prestations.

Désormais, toutes les clauses d’indexation sont réputées valables, peu importe la finalité recherchée par les parties.

Dans un arrêt du 4 décembre 1962, la Cour de cassation a, par suite, appliqué la solution retenue dans l’arrêt Guyot aux clauses valeur or.

Après avoir rappelé « qu’aucune clause d’indexation n’est interdite par l’article 1895, texte non impératif », la Première chambre civile affirme que « la stipulation faisant dépendre le nombre de francs à rembourser du cours des Pièces d’or union latine n’était pas illicite, la liberté des transactions sur ces pièces et la reconnaissance officielle des variations corrélatives de leur valeur en francs, impliquant nécessairement la possibilité pour les particuliers de subordonner le montant d’un payement a ces variations » (Cass. 1ère civ. 4 déc. 1962).

Puis dans un arrêt du 10 mai 1966, la Haute juridiction reconnaît, pour la première fois, la validité des clauses valeur-monnaie étrangère, soit celles qui utilisent la monnaie, non pas comme une monnaie de paiement, mais comme une monnaie de compte, peu importe qu’elles soient stipulées dans un contrat qui ne présente aucun caractère international (Cass. 1ère civ. 10 mai 1966).

Pour justifier sa position, la Cour de cassation a indiqué, dans plusieurs arrêts, que la fixation d’une créance en monnaie étrangère devait s’analyser en « une indexation déguisée » (Cass. 1ère civ. 11 oct. 1989, n°87-16.341).

Or dans la mesure où les clauses d’indexation sont valides, il doit en être de même pour les clauses de valeur-monnaie étrangère.

Aujourd’hui, l’article 1343, al. 2e du Code civil, issu l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations, prévoit expressément que « le montant de la somme due peut varier par le jeu de l’indexation ».

Une lecture rapide de cette disposition suggère que le législateur a entendu reconnaître les clauses d’indexation. L’apparence est toutefois trompeuse.

À l’analyse, il y a lieu de comprendre ce texte comme posant moins un principe de validité des clauses d’indexation que comme une atténuation à la règle du nominalisme monétaire.

La liberté de stipuler des clauses d’indexation est, en effet, enfermée dans des conditions strictes énoncées aux articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financière. Ces dispositions sont issues des ordonnances n° 58-1374 du 30 décembre 1958 et n° 59-246 du 4 février 1959.

I) Le régime des clauses d’indexation

A) Principe

L’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « dans les dispositions statutaires ou conventionnelles, est interdite toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services ».

Ainsi, cette disposition prohibe le recours par les parties à des indices généraux. Lors de l’instauration de cette prohibition, le principal objectif recherché par le législateur n’était autre que la lutte contre l’inflation.

Concrètement, il est donc fait interdiction aux parties d’indexer les obligations stipulées au contrat sur :

  • D’une part, le SMIC
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une décision rendue par un Conseil de prud’hommes qui avait validé la clause stipulée dans un contrat de travail qui « prévoyait une rémunération brute horaire égale au SMIC augmenté de 7 %» ( soc. 18 mars 1992, n°88-43.434).
    • Pour la Chambre sociale, la prohibition des « clauses prévoyant des indexations fondées sur le SMIC le salaire minimum interprofessionnel de croissance» interdisait à l’employeur de « consentir par avance une révision automatique du salaire basée sur le SMIC ».
  • D’autre part, le niveau général des prix
    • La Cour de cassation a ainsi jugé dans un arrêt du 27 mars 1990 qu’était nulle la clause stipulée dans un contrat de location-gérance d’un fonds de commerce prévoyant que la redevance serait indexée sur l’indice des prix à la consommation des ménages urbains ( com. 27 mars 1990, n°88-15.092)
  • Enfin, le niveau général des salaires
    • Dans un arrêt du 3 novembre 1988, la Cour de cassation a, par exemple, jugé qu’était « atteinte d’une nullité absolue » la clause stipulée dans un contrat de fourniture de marchandises prévoyant l’indexation du prix de vente « sur l’indice général des taux de salaires horaires des ouvriers toutes activités série France entière» ( com. 3 nov. 1988, n°87-10.043).

B) Tempéraments

1. L’indexation libre

La prohibition du recours par les parties à des indices généraux n’est pas absolue. Elle souffre d’exceptions prévues par la loi.

L’article L. 112-2, al. 3e du CMF prévoit notamment que l’indexation est libre pour les opérations intéressant les dettes d’aliments.

Par rente d’aliments il faut entendre, précise le texte « les rentes viagères constituées entre particuliers, notamment en exécution des dispositions de l’article 759 du code civil ».

L’indexation peut encore être librement stipulée pour les prestations compensatoires qui prennent la forme de rentes (art. 276-1 C. civ.)

L’article L. 112-3 du CMF autorise, par ailleurs, l’indexation de certaines conventions sur le niveau général des prix :

  • Les livrets A définis à l’article L. 221-1 ;
  • Les comptes sur livret d’épargne populaire définis à l’article L. 221-13 ;
  • Les livrets de développement durable et solidaire définis à l’article L. 221-27 ;
  • Les comptes d’épargne-logement définis à l’article L. 315-1 du code de la construction et de l’habitation ;
  • Les livrets d’épargne-entreprise définis à l’article 1er de la loi n° 84-578 du 9 juillet 1984 sur le développement de l’initiative économique ;
  • Les livrets d’épargne institués au profit des travailleurs manuels définis à l’article 80 de la loi de finances pour 1977 (n° 76-1232 du 29 décembre 1976) ;
  • Les prêts accordés aux personnes morales ainsi qu’aux personnes physiques pour les besoins de leur activité professionnelle;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local d’habitation ou sur un local affecté à des activités commerciales ou artisanales relevant du décret prévu au premier alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les loyers prévus par les conventions portant sur un local à usage des activités prévues au deuxième alinéa de l’article L. 112-2 ;
  • Les rémunérations des cocontractants de l’Etat et de ses établissements publics ainsi que les rémunérations des cocontractants des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et de leurs groupements, au titre des contrats de concession et de marché de partenariat conclus dans le domaine des infrastructures et des services de transport.

L’article D. 112-1 précise que l’indexation sur le niveau général des prix autorisée pour les produits et services visés à l’article L. 112-3 est mise en œuvre en utilisant l’indice des prix à la consommation pour l’ensemble des ménages, hors tabac, publié mensuellement par l’Institut national de la statistique et des études économiques.

Enfin, l’article L. 112-3-1 du CPC prévoit que « l’indexation des titres de créance et des contrats financiers mentionnés respectivement au 2 du II et au III de l’article L. 211-1 est libre. »

2. L’indexation encadrée

S’il est fait interdiction pour les parties à un contrat de recourir à des indices généraux aux fins d’indexer leurs créances, l’article L. 112-2 du CMF les autorise à se référer à des indices spéciaux.

Ce texte prévoit, en effet, que l’indexation est permise lorsque l’indice stipulé au contrat entretient une relation directe :

  • Soit avec l’objet de la convention
  • Soit avec l’activité de l’une des parties

a. L’indexation en relation directe avec l’objet de la convention

La clause d’indexation est donc valable, à la condition que l’indice choisi par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « l’objet de la convention ».

Deux approches sont possibles :

  • Une approche restrictive
    • Cette approche consiste à appréhender la notion « d’objet de la convention» au regard du droit commun des contrats.
    • Si l’on emprunte cette voie, l’objet de la convention désigne la prestation à propos de laquelle l’accord des parties est intervenu et autour de laquelle s’ordonne l’économie du contrat
  • Une approche extensive
    • Cette approche consiste à s’émanciper du droit commun des contrats pour inclure dans l’objet de la convention la finalité recherchée par les parties.
    • L’objet de la convention ne se limiterait donc pas seulement à l’objet de l’obligation des parties, il embrasserait également le but poursuivi par elles.

Entre ces deux approches, la jurisprudence a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 9 janvier 1974, la Cour de cassation a, en effet, jugé à propos de la stipulation d’une clause d’indexation dans un contrat de prêt que « l’objet de la convention, au sens de l’article 79 de l’ordonnance du 30 décembre 1958 modifie par l’article 14 de l’ordonnance du 4 février 1959, doit s’entendre dans son acception la plus large et que notamment l’objet d’un prêt peut être de permettre à l’acquéreur de construire ou d’acheter un immeuble » (Cass. 1ère civ. 9 janv. 1974, n°72-13.846).

En l’espèce, pour déterminer s’il existait un lien direct entre l’indice choisi par les parties et l’objet du prêt la haute juridiction examine la finalité du contrat de prêt qui avait été conclu aux fins de financier l’acquisition d’un bien immobilier.

Elle en déduit que la clause indexant la dette d’emprunt sur l’indice du coût de la construction était parfaitement valable.

b. L’indexation en relation directe avec l’activité de l’une des parties

La clause d’indexation est également valable lorsque l’indice retenu par les parties est en relation directe avec l’activité de l’une d’elles.

Comme pour la notion d’objet de la convention, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation extensive de la notion d’activité de l’une des parties.

Elle a, en effet, admis que l’activité en cause ne devait pas nécessairement être celle exercée à titre principal (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 mars 1984, n°83-11.094).

Dans un arrêt du 6 juin 1984, la Cour de cassation a précisé que le changement d’activité de l’une des parties au cours du contrat était indifférent dans la mesure où « la validité d’une clause d’indexation doit être appréciée au moment de la conclusion du contrat et ne peut être affectée par le changement d’activité du débiteur survenu ultérieurement » (Cass. 1ère civ. 6 juin 1984, n°83-12.301).

c. Le caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties

==> Appréciation de l’existence d’une relation directe

L’appréciation du caractère direct de la relation entre l’indice choisi et l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Dans un arrêt du 4 mars 1964, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’appréciation du rapport existant entre la nature de l’indice et l’objet du contrat, étant fonction de la part plus ou moins importante pour laquelle le produit ou service envisage est susceptible d’entrer dans la réalisation de cet objet, est une question de fait qui échappe au contrôle de la cour de cassation » (Cass. com. 4 mars 1964).

À l’analyse, les juridictions font plutôt montre d’une grande indulgence en la matière. La Cour de cassation a, par exemple, jugé dans un arrêt du 31 janvier 1984 qu’il existait une relation suffisamment directe entre le prêt consenti à un restaurateur et le prix des bouteilles d’eau de la marque « Perrier » sur lequel le financement était indexé (Cass. com. 31 janv. 1984, n°82-16.533).

Il a encore été jugé que cette relation directe existait entre le prix de vente du fonds de commerce d’un garagiste et le salaire de l’ouvrier qualifié dans l’échelon le plus élevé qui avait été utilisé comme indice de valorisation du fonds (Cass. 3e civ. 15 févr. 1972, n°70-13.280).

La Troisième chambre civile a décidé, dans le même sens, qu’était valide l’indexation du prix de vente d’une exploitation agricole sur le cours du lait (Cass. 3e civ. 4 juin 1971, n°69-14.047).

Il ressort de ces décisions que la jurisprudence reconnaît l’existence d’une relation directe dans des cas où l’indexation repose sur des éléments qui ne représentent que très partiellement l’activité.

Malgré, la souplesse de la jurisprudence quant à l’appréciation de cette relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercée par l’une des parties ou l’objet de la convention, les parties ne sont pas à l’abri de voir annuler la clause d’indexation stipulée au contrat.

Dans un arrêt du 22 octobre 1970, la Cour de cassation a, par exemple, jugé illicite l’indexation de la valeur d’un immeuble sur le cours de la pièce d’or Napoléon (Cass. 3e civ. 22 oct. 1970, n°69-11.470).

Elle a également cassé, dans un arrêt du 16 février 1993, la décision d’une Cour d’appel qui avait déclaré licite la clause prévoyant l’indexation de la redevance due par un locataire-gérant sur l’indice national du coût de la construction.

La Chambre commerciale considère que, au cas particulier, il n’y avait pas de relation directe entre l’indice choisi et l’activité exercé par l’une des parties, dans la mesure où le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce est relatif à un bien meuble incorporel et non à un immeuble bâti. Or l’indice du coût de la construction intéresse précisément les immeubles bâtis (Cass. com. 16 févr. 1993, n°91-13.277).

==> Présomptions de relation directe

Afin de prévenir les difficultés d’appréciation de la validité des clauses d’indexation, le législateur a posé des présomptions de relation directe jouant dans trois cas précis :

  • Présomption de relation directe entre l’indice du coût de la construction et une convention relative à un immeuble bâti
    • Issu de la loi n° 70-600 du 9 juillet 1970 modifiant l’article 79 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, relatif aux indexations, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l’indice national du coût de la construction publié par l’Institut national des statistiques et des études économiques»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers commerciaux et certaines activités commerciales ou artisanales
    • Issu de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier prévoit que « est réputée en relation directe […] toute clause prévoyant une indexation […] pour des activités commerciales ou artisanales définies par décret, sur la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux publié dans des conditions fixées par ce même décret par l’Institut national de la statistique et des études économiques.»
  • Présomption de relation directe entre l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires et les conventions relatives à un immeuble conclues pour une activité autre que commerciale ou artisanale
    • Issu de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, l’article L. 112-2, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit que « est également réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble toute clause prévoyant, pour les activités autres que celles visées au premier alinéa ainsi que pour les activités exercées par les professions libérales, une indexation sur la variation de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques dans des conditions fixées par décret. »

3. L’indexation interdite

Outre la prohibition générale de l’indexation automatique des prix de biens ou de services posée par l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier, cette même disposition prévoit des interdictions spécifiques en matière de contrats à exécution successive et de baux d’habitation.

L’alinéa 2e de ce texte prévoit ainsi que « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. »

L’alinéa 3e de l’article L. 112-1 du CMF prévoit encore que « est interdite toute clause d’une convention portant sur un local d’habitation prévoyant une indexation fondée sur l’indice ” loyers et charges ” servant à la détermination des indices généraux des prix de détail. »

Le texte poursuit en énonçant qu’« il en est de même de toute clause prévoyant une indexation fondée sur le taux des majorations légales fixées en application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948, à moins que le montant initial n’ait lui-même été fixé conformément aux dispositions de ladite loi et des textes pris pour son application. »

II) Sanction

La mise en œuvre d’une clause d’indexation est susceptible de se heurter à deux difficultés :

  • Sont irrégularité au regard du cadre contraignant posé par le législateur
  • La disparition de l’indice au cours du contrat

A) L’irrégularité de l’indice choisi par les parties

==> La nature de la nullité

Il est admis que l’irrégularité d’une clause d’indexation soit sanctionnée par la nullité absolue (Cass. com. 3 nov. 1988, n°87-10.043). La raison en est que cette irrégularité porterait atteinte à l’ordre public monétaire.

D’aucuns soutiennent toutefois que, en raison de l’admission par le législateur des clauses d’indexation, les règles encadrant leur stipulation viseraient moins à défendre l’ordre public de direction, qu’à protéger les débiteurs contre les dangers représentés par l’indexation d’une dette.

Aussi, pour une frange de la doctrine « l’indexation devrait être frappée de nullité simplement relative »[3].

Pour l’heure, la Cour de cassation n’a adopté aucune décision en ce sens.

==> L’étendue de la nullité

S’agissant de l’étendue de la nullité, la question s’est posée de savoir si elle affectait seulement la clause jugée irrégulière ou si elle anéantissait l’acte dans son entier.

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites»
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend»
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties. Ella a notamment retenu cette approche pour les clauses d’indexation (Cass. 3e civ. 24 juin 1971, n°70-11.730).

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant», soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant», soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur ce point, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

L’application de cette règle à la clause d’indexation signifie que si elle a été déterminante du consentement des parties, alors le contrat doit être annulé dans son intégralité.

 Dans le cas contraire, la clause d’indexation doit seulement être réputée non écrite. Aussi, appartient-il aux juges de rechercher l’intention des parties.

Dans un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour de cassation a ainsi approuvé une Cour d’appel qui pour prononcer la nullité d’une clause d’indexation avait relevé « le caractère essentiel de l’exclusion d’un ajustement à la baisse du loyer à la soumission du loyer à l’indexation » (Cass. 3e civ. 14 janv. 2016, n°14-24.681).

Dans un arrêt du 29 novembre 2018, la Troisième chambre civile a toutefois cherché à moduler cette sanction en censurant une Cour d’appel qui avait réputé non écrite la clause d’indexation dans son entier. Or elle estime que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée doit être réputée non écrite (Cass. 3e civ. 29 nov. 2018, n°17-23.058).

Cette limite vise à contenir les conséquences financières de l’annulation de l’intégralité d’une clause d’indexation. Il s’agit, en effet, d’éviter que le créancier ait à restituer l’intégralité des sommes indûment perçues résultant de l’indexation.

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la question s’est posée de savoir si plutôt que d’annuler la clause d’indexation, même partiellement, le juge ne pouvait pas procéder à une substitution de l’indice irrégulier.

Dans un arrêt du 14 octobre 1975, la Cour de cassation a rejeté cette thèse en affirmant que le juge ne pouvait pas « se substituer aux parties pour remplacer une clause d’indexation, déclarée nulle par la loi, par une clause nouvelle se référant à un indice diffèrent » (Cass. 3e civ. 14 oct. 1975, n°74-12.880).

Elle a toutefois tempéré son approche en admettant, dans un arrêt du 22 juin 1987, que le juge puisse substituer à l’indice annulé un indice admis par la loi, dès lors que cette substitution se déduit de la commune intention des parties (Cass. 3e civ. 22 juill. 1987, n°84-10.548).

Cette position adoptée par la Cour de cassation ne paraît pas avoir été remise en cause par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du régime des obligations.

Le nouvel article 1167 introduit dans le code civil par ce texte prévoit, en effet, que « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Certes ce texte n’envisage la réfaction du contrat qu’en cas de disparition ou d’inapplication de l’indice. La doctrine considère toutefois que la règle peut être étendue au cas de nullité de l’indice irrégulier.

==> L’action en nullité

S’agissant des titulaires de l’action en nullité, l’article 1180 du Code civil prévoit que « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Quant au délai de prescription de l’action, il y a lieu de distinguer selon que la nullité est soulevée par voie d’action ou par voie d’exception :

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action, l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Lorsque, en revanche, la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

B) La disparition de l’indice choisi par les parties

L’article 1167 du Code civil prévoit « lorsque le prix ou tout autre élément du contrat doit être déterminé par référence à un indice qui n’existe pas ou a cessé d’exister ou d’être accessible, celui-ci est remplacé par l’indice qui s’en rapproche le plus. »

Lorsqu’ainsi l’indice choisi par les parties est inapplicable, le juge est investi du pouvoir de le remplacer par un autre indice. Ce pouvoir avait déjà été reconnu au juge sous l’empire du droit antérieur (V. en ce sens Cass. 3e civ. 12 janv. 2005, n°03-17.260)

Il a également été admis que le juge puisse se faire assister par un expert afin de déterminer les évolutions probables de l’indice qui a cessé d’exister (Cass. com. 25 févr. 1963).

En cas d’impossibilité de déterminer l’évolution de l’indice qui a cessé d’exister ou de le substituer par un nouvel indice, l’issue retenue par le juge devrait, en toute logique, être la caducité du contrat (V. en ce sens Cass. com., 30 juin 1980, n° 79-10.632).

[1] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1458, p. 1534

[2] F. Grua, Paiement des obligations de sommes d’argent – Monnaie étrangère, Jcl. Notarial Répertoire, fasc. 40, n°37

[3] J. François, Les obligations – Régime général, éd. Economica, 2020, n°51, p. 52

La charge de la preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

Nous nous focaliserons ici sur la charge de la preuve du paiement.

==> Principe

Signe que la réforme du régime général des obligations entreprise par le législateur en 2016 n’est pas totalement aboutie, la charge de la preuve du paiement n’est pas abordée dans la partie du Code civil dédié au paiement.

Pour trouver la règle qui répond à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du paiement, il y a lieu de se reporter à l’article 1353, al. 2e du Code civil qui relève d’un Titre consacré à la preuve des obligations. 

Cette disposition prévoit que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il ressort de cette disposition que la preuve du paiement pèse sur le débiteur. Encore faut-il toutefois que le créancier ait préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En effet, les deux alinéas de l’article 1353 du Code civil fonctionnent ensemble ; en ce sens qu’ils organisent une réparation de la charge de la preuve. Aussi, ne saurait-on lire l’un sans l’autre ; leur application est nécessairement combinée :

  • Premier alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Cet alinéa pose que c’est d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver
    • Autrement dit, il appartient au créancier de prouver l’existence de l’obligation dont il se prévaut et dont il revendique l’exécution
    • S’il n’y parvient pas, il succombera sans que le débiteur n’ait à rapporter la preuve du paiement.
  • Second alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Ce n’est que dans l’hypothèse où le créancier parvient à établir l’existence de son droit, qu’il incombera au débiteur de prouver qu’il s’est dûment libéré de son obligation.
    • Autrement dit, il devra rapporter la preuve du paiement, soit de l’exécution de la prestation due.

==> Exceptions

  • Le paiement d’une obligation de moyens
    • Pour mémoire, on dit que l’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
      • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
      • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Il y a là une inversion de la charge de la preuve qui ne pèse donc, non pas sur le débiteur, mais sur le créancier.
  • L’exécution d’une obligation de ne pas faire
    • En présence d’une obligation de ne pas faire, l’application de l’article 1353, al. 2e du Code civil devrait conduire à imposer au débiteur d’établir qu’il s’est abstenu, ce qui revient à exiger de lui qu’il rapporte la preuve d’un fait négatif.
    • Parce que cette preuve est, par nature, difficile sinon impossible à rapporter, il est fréquent que la jurisprudence renverse la charge de la preuve en pareille circonstance.
    • Aussi, n’est pas au débiteur de prouver son abstention, mais au créancier de rapporter la preuve d’une action fautive (V. en ce sens com., 19 sept. 2006, n°05-16.406; Cass. com., 28 mars 2018, n° 17-10.600 ; Cass. soc. 25 mars 2009, n°07-41.894).
  • La stipulation d’une clause contraire
    • En application de l’article 1356 du Code civil, les parties sont libres d’aménager conventionnellement les règles de preuve et notamment la preuve du paiement.
  • Les présomptions légales
    • Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.
    • On en abordera deux :
      • La remise au débiteur du titre constatant la créance
        • L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »
        • Cette disposition crée ainsi une présomption de paiement à la faveur du débiteur dans l’hypothèse où le créancier lui aurait remis le titre constatant l’obligation qui les lie.
        • En cas de litige, c’est donc au créancier qu’il reviendra de prouver qu’il n’a pas été payé par le débiteur.
      • La mention apposée sur le titre constatant la créance
        • L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :
          • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
          • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »
        • Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.
        • La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

La preuve du paiement

La preuve du paiement présente un enjeu majeur, dans la mesure où, en cas de litige, elle détermine le sort de l’obligation dont le débiteur se prétend être déchargée.

Deux questions alors se posent : qui doit prouver ? comment prouver ?

A) La charge de la preuve du paiement

==> Principe

Signe que la réforme du régime général des obligations entreprise par le législateur en 2016 n’est pas totalement aboutie, la charge de la preuve du paiement n’est pas abordée dans la partie du Code civil dédié au paiement.

Pour trouver la règle qui répond à la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve du paiement, il y a lieu de se reporter à l’article 1353, al. 2e du Code civil qui relève d’un Titre consacré à la preuve des obligations. 

Cette disposition prévoit que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

Il ressort de cette disposition que la preuve du paiement pèse sur le débiteur. Encore faut-il toutefois que le créancier ait préalablement rapporté la preuve de l’obligation dont il se prévaut.

En effet, les deux alinéas de l’article 1353 du Code civil fonctionnent ensemble ; en ce sens qu’ils organisent une réparation de la charge de la preuve. Aussi, ne saurait-on lire l’un sans l’autre ; leur application est nécessairement combinée :

  • Premier alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Cet alinéa pose que c’est d’abord à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver
    • Autrement dit, il appartient au créancier de prouver l’existence de l’obligation dont il se prévaut et dont il revendique l’exécution
    • S’il n’y parvient pas, il succombera sans que le débiteur n’ait à rapporter la preuve du paiement.
  • Second alinéa de l’article 1353 du Code civil
    • Ce n’est que dans l’hypothèse où le créancier parvient à établir l’existence de son droit, qu’il incombera au débiteur de prouver qu’il s’est dûment libéré de son obligation.
    • Autrement dit, il devra rapporter la preuve du paiement, soit de l’exécution de la prestation due.

==> Exceptions

  • Le paiement d’une obligation de moyens
    • Pour mémoire, on dit que l’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
      • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
      • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Il y a là une inversion de la charge de la preuve qui ne pèse donc, non pas sur le débiteur, mais sur le créancier.
  • L’exécution d’une obligation de ne pas faire
    • En présence d’une obligation de ne pas faire, l’application de l’article 1353, al. 2e du Code civil devrait conduire à imposer au débiteur d’établir qu’il s’est abstenu, ce qui revient à exiger de lui qu’il rapporte la preuve d’un fait négatif.
    • Parce que cette preuve est, par nature, difficile sinon impossible à rapporter, il est fréquent que la jurisprudence renverse la charge de la preuve en pareille circonstance.
    • Aussi, n’est pas au débiteur de prouver son abstention, mais au créancier de rapporter la preuve d’une action fautive (V. en ce sens com., 19 sept. 2006, n°05-16.406; Cass. com., 28 mars 2018, n° 17-10.600 ; Cass. soc. 25 mars 2009, n°07-41.894).
  • La stipulation d’une clause contraire
    • En application de l’article 1356 du Code civil, les parties sont libres d’aménager conventionnellement les règles de preuve et notamment la preuve du paiement.
  • Les présomptions légales
    • Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de renverser la charge de la preuve qui dès lors pèse, non plus sur le débiteur, mais sur le créancier.
    • On en abordera deux :
      • La remise au débiteur du titre constatant la créance
        • L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »
        • Cette disposition crée ainsi une présomption de paiement à la faveur du débiteur dans l’hypothèse où le créancier lui aurait remis le titre constatant l’obligation qui les lie.
        • En cas de litige, c’est donc au créancier qu’il reviendra de prouver qu’il n’a pas été payé par le débiteur.
      • La mention apposée sur le titre constatant la créance
        • L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :
          • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
          • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »
        • Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, la charge de la preuve du paiement est inversée.
        • La mention apposée sur le titre fait, en effet, présumer le paiement de sorte que c’est au créancier qu’il revient d’établir qu’il n’a pas été payé.

B) Les modes de preuve du paiement

==> Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le mode de preuve du paiement a donné lieu à une controverse. Cette controverse a vu s’opposer deux thèses : celle de l’acte juridique et celle du fait juridique

  • Thèse du fait juridique
    • Selon cette thèse, le paiement ne serait autre qu’un fait juridique car, au fond, il tirerait ses effets de la loi et non de la volonté du débiteur.
    • Si donc le paiement produit, tantôt un effet extinctif, tantôt un effet subrogatoire, ce n’est pas parce que les parties intéressées à l’opération l’ont voulu, mais parce que la loi le prévoit.
    • En tant que fait juridique, le paiement pourrait alors se prouver par tous moyens
  • Thèse de l’acte juridique
    • Selon cette thèse, le paiement s’analyserait en une convention conclue entre le solvens (celui qui paye) et l’accipiens (celui qui est payé) aux fins d’éteindre l’obligation originaire.
    • Il en résulterait que la preuve du paiement supposerait la production d’un écrit, conformément à l’article 1364 du Code civil

Entre ces deux thèses, la Cour de cassation a opté pour la seconde. Dans un arrêt du 6 juillet 2004, elle a jugé que « la preuve du paiement, qui est un fait, peut être rapportée par tous moyens » (Cass. 1ère civ. 6 juill. 2004, 01-14.618).

Cinq ans plus tard, la Deuxième chambre civile a statué dans le même sens, dans un arrêt du 17 décembre 2009 (Cass. 2e civ. 17 déc. 2009, n°06-18.649)

Alors qu’une position semblait avoir été arrêtée par la Cour de cassation, la Chambre sociale (Cass. soc. 11 janv. 2006, n°04-41.231), puis la Troisième chambre civile (Cass. 3e civ. 27 févr. 2008, n°07-10.222) ont semé le doute en rendant des décisions intéressant la preuve du paiement au visa de l’ancien article 1341 du Code civil, soit celui exigeant la production d’un écrit.

==> Droit positif

À l’occasion de la réforme du droit des contrats opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le législateur a entendu clarifier l’état du droit positif.

Aussi, a-t-il inséré un article 1342-8 dans le Code civil qui dispose que « le paiement se prouve par tout moyen. »

À l’analyse, si la règle énoncée met un terme à l’incertitude jurisprudentielle née de la divergence entre les Chambres de la Cour de cassation, elle ne règle pas la question de la qualification du paiement.

Comme souligné par des auteurs « selon que l’on se prononce en faveur de la qualification d’acte ou de fait juridique, l’article 1342-8 du Code civil apparaîtra comme une simple application du droit commun ou, au contraire, comme une remarquable exception »[8].

En tout état de cause, parce que le paiement se prouve « par tout moyen », le débiteur est autorisé à mobiliser tous les modes de preuves aux fins d’établir sa prétention au nombre desquels figurent notamment l’écrit, le témoignage, la présomption judiciaire, l’aveu et le serment.

Parfois, il pourra être dispensé de rapporter la preuve du paiement en présence d’une présomption légale.

1. La liberté de la preuve ou les modes de preuve admis

1.1. L’écrit

Si la production d’un écrit n’est pas exigée pour prouver le paiement, cela ne signifie pas pour autant qu’il est fait interdiction au débiteur d’y recourir.

Parce que le paiement se prouve par tout moyen, l’écrit est admis au même titre que les autres modes de preuve.

Si, en théorie, ils sont tous placés sur un pied d’égalité, en pratique, le débiteur portera son choix, la plupart du temps, sur l’écrit en raison de la force probante que le juge lui prêtera.

Encore faut-il qu’il réponde à certaines exigences, quant à sa forme et quant à son origine, faute de quoi le juge est susceptible, au mieux, de le reléguer au rang de commencement de preuve par écrit, au pire, de l’écarter purement et simplement.

a. La forme de l’écrit

La constatation dans un écrit du paiement consiste habituellement en l’établissement d’une quittance, appelée autrement « reçu ».

La quittance ne doit pas être confondue avec la facture :

  • La quittance constate le paiement ; elle est remise au débiteur après qu’il s’est acquitté de son obligation
  • La facture détaille le contenu et le prix de la prestation fournie par le créancier ; elle est remise au débiteur en vue du paiement

 S’agissant de la quittance, elle peut être établie, soit par acte sous seing privé, soit par acte notarié.

  • La quittance sous seing privée
    • Pour valoir acte sous seing privé, la quittance doit comporter la signature du créancier, l’objet du paiement et sa cause.
    • S’agissant de la date et des modalités du paiement, la Cour de cassation a jugé que ces éléments n’étaient pas exigés à titre de validité de la quittance (V. en ce sens 1ère civ. 12 févr. 1964; Cass. 1ère civ. 16 mars 2004, n°01-11.274).
  • La quittance sous forme authentique
    • Il est des cas où la loi exige que la quittance soit établie par voie d’acte authentique.
    • L’article 1346-2, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « la subrogation peut être consentie sans le concours du créancier, mais à la condition que la dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur. Il faut alors que l’acte d’emprunt et la quittance soient passés devant notaire, que dans l’acte d’emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des sommes versées à cet effet par le nouveau créancier. »

Dans l’hypothèse où la quittance ne satisfait aux exigences notamment parce que le débiteur, ni de l’acte sous seing privé, ni de l’acte authentique, elle vaudra seulement commencement par écrit.

Tel sera le cas lorsque, soit la quittance ne sera pas signée par le créancier, soit le débiteur n’en détiendra qu’une copie (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 27 mai 1986, n°84-14.370).

b. L’origine de l’écrit

Pour mémoire, l’article 1363 du Code civil prévoit que « nul ne peut se constituer de titre à soi-même. »

Il ressort de cette disposition que pour valoir écrit, l’acte produit par le débiteur à titre de preuve ne peut pas avoir été préconstitué par lui ; il doit émaner, soit du créancier, soit d’un tiers.

Cette règle est-elle applicable à la preuve du paiement ? La question se pose dans la mesure où le paiement se prouve par tous moyens ce qui suggère qu’il s’analyserait en un fait juridique.

Or l’article 1363 du Code civil s’applique à la preuve des actes juridiques, soit aux cas où l’écrit est exigé.

À cet égard, sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 6 mars 2014 que « le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même n’est pas applicable à la preuve d’un fait juridique » (Cass. 2e civ. 6 mars 2014, n°13-14.294)

Est-ce à dire que le débiteur pourrait prouver son paiement en produisant un acte qui émane de lui ?

Tout dépend de la qualification que l’on reconnaît au paiement :

  • Si l’on estime qu’il s’agit d’un fait juridique, alors il y a lieu d’admettre que l’écrit produit aux fins de prouver le paiement puisse émaner du débiteur.
  • Si l’on estime, au contraire, qu’il s’agit d’un acte juridique, alors il y a lieu de considérer que l’écrit émanant du débiteur ne suffit pas à prouver son paiement

À supposer que l’on opte pour la première approche, elle n’aura qu’une portée limitée dans la mesure elle doit être combinée avec la règle énoncée à l’article 1378-1 du Code civil.

Cette disposition prévoit, en effet, que « les registres et papiers domestiques ne font pas preuve au profit de celui qui les a écrits. »

Aussi, est-il fait interdiction, en tout état de cause, au débiteur de prouver le paiement en produisant sa propre comptabilité.

c. La force probante de l’écrit

Lorsque le débiteur produit un acte qui remplit les conditions de l’écrit aux fins de prouver son paiement, quelle est la force probante de cet acte ?

Plus précisément la question se pose de savoir si, pour contester le paiement du débiteur, le créancier devra, à son tour, produire un écrit ?

Dans la mesure où, en matière de paiement, la preuve est libre, on pourrait être tenté de répondre par la négative : le créancier devra pouvoir prouver sa prétention par tous moyens.

Tel n’est toutefois pas la voie empruntée par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur. Dans un arrêt du 4 novembre 2011, la Cour de cassation a jugé, par exemple, que « si celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n’a pas la valeur libératoire qu’implique son libellé, cette preuve ne peut être rapportée que dans les conditions prévues par les articles 1341 et suivants du code civil » (Cass. 1ère civ. 4 nov. 2011, n°10-27.035).

Cette solution a-t-elle été reconduite par la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ?

Les auteurs sont réservés. Tout d’abord, l’écrit n’est exigé à titre de preuve que pour les actes juridiques. Or la jurisprudence analyse le paiement plutôt comme un fait juridique.

Ensuite, comme relevé par Maxime Julienne « il n’y a aucune raison de retenir une interprétation restrictive de l’article 1342-8 et de ne pas étendre à la preuve de l’absence de paiement le principe de liberté probatoire dont ce texte est porteur »[9].

1.2. Le témoignage

Parce que la preuve du paiement est libre, il est admis que le débiteur puisse recourir au témoignage afin d’établir qu’il s’est libéré de son obligation envers le créancier.

Pour mémoire, le témoignage consiste en une déclaration faite au juge par une personne, le témoin, ayant constaté ou eu connaissance des faits litigieux.

L’article 1381 du Code civil prévoit que la valeur probante des déclarations faites par un tiers est laissée à l’appréciation du juge.

Autrement dit, il appartient au juge d’apprécier la véracité du contenu de la déclaration qu’il reçoit.

En pratique, le débiteur s’appuiera sur le témoignage lorsque, soit il sera dans l’incapacité de produire un écrit (art. 1360 C. civ.), soit parce que l’acte dont il est en possession ne remplit pas les conditions de l’écrit et n’a la valeur que d’un commencement de preuve par écrit (art. 1361 C. civ.).

1.3. La présomption judiciaire

Lorsque la preuve est libre, il est admis que le juge puisse puiser dans les circonstances de la cause la preuve du fait contesté ; c’est le mécanisme des présomptions judiciaires, qualifiées également de présomptions du fait de l’homme.

Concrètement, la preuve procède ici d’un raisonnement par induction. Il s’agira donc, à partir d’un ou plusieurs indices connus, de tirer des conséquences quant à la réalité du fait contesté.

En application de l’article 1382 du Code civil, seules les présomptions « graves, précises et concordantes » sont admises.

Lorsque cette condition est remplie, les présomptions judiciaires « sont laissées à l’appréciation du juge ».

L’ancien article 1353 du Code civil prévoyait dans le même sens qu’elles doivent être « abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat ».

Comme souligné par des auteurs « la preuve construite sur des indices n’est donc acquise que si elle correspond à l’intime conviction du juge »[10].

S’agissant de l’application du mécanisme des présomptions judiciaires au paiement, bien qu’il ne s’agisse pas de son terrain de prédilection, elle n’est pas à exclure.

Les présomptions judiciaires pourront notamment jouer en présence de documents, tels que des courriers, certificats, chèques ou encore factures qui suggèrent l’exécution d’un paiement (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 févr. 1989, n°85-14.989).

1.4. L’aveu

L’aveu est défini à l’article 1383, al. 1er du Code civil comme « la déclaration par laquelle une personne reconnaît pour vrai un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ».

L’alinéa 2 de cette disposition précise que l’aveu peut être judiciaire ou extrajudiciaire :

  • L’aveu judiciaire
    • Il s’agit de la déclaration que fait en justice la partie ou son représentant spécialement mandaté.
    • La particularité de ce mode de preuve est qu’il est recevable en toutes matières, y compris lorsqu’un écrit est exigé.
    • Autrement dit, il peut servir à établir, tant un fait juridique, qu’un acte juridique : il n’est donc pas besoin qu’il soit corroboré par un autre mode de preuve, à la différence par exemple du témoignage ou du commencement de preuve par écrit.
    • La raison en est qu’il « fait foi contre celui qui l’a fait» ( 1382, al. 2e C. civ.)
    • Aussi, la reconnaissance par le créancier de l’exécution par le débiteur de son obligation vaudra preuve du paiement, étant précisé que le juge sera lié par cet aveu.
    • Dans ces conditions, il devra tenir pour établi le fait avoué, quand bien même cela ira à l’encontre de son intime conviction.
  • L’aveu extrajudiciaire
    • Il s’agit de la déclaration faite par une partie au procès en dehors du prétoire.
    • Contrairement à l’aveu judiciaire, l’aveu extrajudiciaire n’est recevable que « dans les cas où la loi permet la preuve par tout moyen» ( 1383-1, al. 1er C. civ.).
    • La preuve du paiement étant libre, le recours à l’aveu extrajudiciaire en cette manière ne soulève aucune difficulté.
    • À cet égard, l’aveu peut émaner, tant du créancier, que du débiteur.
    • Reste que dans les deux cas, comme précisé par l’article 1383-1, al. 2e du Code civil « sa valeur probante est laissée à l’appréciation du juge. »

1.5. Le serment

Le serment est un mode de preuve hérité d’une époque où l’église était fortement imbriquée dans l’état et où la société était particulièrement imprégnée des concepts d’honneur et de moral.

Classiquement, le serment est défini comme « la déclaration par laquelle un plaideur affirme, d’une manière solennelle et devant un juge, la réalité d’un fait qui lui est favorable »[11].

Lorsqu’il est utilisé à des fins probatoire, le serment est soit décisoire, soit supplétoire.

  • Le serment décisoire
    • Il s’agit de celui qu’une partie défère à l’autre pour en faire dépendre le jugement de la cause ( 1384 C. civ.) :
      • Si le plaideur auquel le serment est déféré accepte le « défi », alors il gagne le procès.
      • Si en revanche, il renonce à prêter serment craignant notamment la sanction attachée au parjure, alors il succombe.
    • La particularité du serment décisoire est qu’il « peut être déféré sur quelque espèce de contestation que ce soit et en tout état de cause. »
    • Autrement dit, il peut intervenir aux fins de prouver, tant un acte juridique, qu’un fait juridique.
    • Le paiement peut ainsi être prouvé au moyen du serment décisoire.
    • À cet égard, à l’instar de l’aveu judiciaire, le serment décisoire présente l’avantage de lier le juge à la déclaration du plaideur.
    • Il devra donc tenir pour vrai ce que ce dernier déclare, à tout le moins dès lors la déclaration porte sur un fait personnel, soit d’un fait qu’il a personnellement vécu ou constaté ( 1385-1 C. civ.).
  • Le serment supplétoire
    • Il s’agit de celui qui est déféré d’office par le juge à l’une ou à l’autre des parties.
    • Contrairement au serment décisoire, le serment supplétoire ne peut pas jouer en toutes matières ; il obéit à des conditions de recevabilité énoncées à l’article 1386-1 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « le juge ne peut déférer d’office le serment, soit sur la demande, soit sur l’exception qui y est opposée, que si elle n’est pas pleinement justifiée ou totalement dénuée de preuves. »
    • Autrement dit, le juge ne pourra recourir au serment supplétoire que pour parfaire son intime conviction.
    • Il s’agit, en quelque, sorte d’une mesure d’instruction qui ne peut ni pallier la carence de preuves, ni intervenir pour combattre une preuve parfaite.
    • La recevabilité du serment décision est ainsi conditionnée à la vraisemblance de la prétention qu’il vise à confirmer ou infirmer.
    • Si cette condition est remplie, le juge pourra y recourir afin d’établir la réalité du paiement discutée par les parties.

2. La dispense de rapporter la preuve ou les présomptions légales

Il est des textes qui instituent, en certaines circonstances, des présomptions de paiement, ce qui a pour conséquence de dispenser le débiteur de rapporteur la preuve de sa libération.

a. La remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance

L’article 1342-9 du Code civil prévoit que « la remise volontaire par le créancier au débiteur de l’original sous signature privée ou de la copie exécutoire du titre de sa créance vaut présomption simple de libération. »

Il ressort de cette disposition que la restitution par le créancier de l’écrit qui lui servait de preuve au débiteur fait présumer la libération de ce dernier.

Cette règle procède de l’idée que si le créancier s’est dessaisi entre les mains du débiteur du titre qui constatait sa créance, il est fort probable qu’il s’agisse là d’une contrepartie au paiement qu’il a reçu à tout le moins cette démarche exprime son intention de libérer le débiteur de son obligation.

Sous l’empire du droit antérieur, la présomption de libération du débiteur résultant de la remise du titre original était abordée dans une section du Code civil consacrée à la remise de dette.

Les anciens articles 1282 et 1283 du Code civil conféraient à cette présomption une force probante différente selon que le titre remis au débiteur était un acte sous seing privé ou la copie exécutoire d’un acte authentique (grosse) :

  • Lorsque le titre remis était un acte sous seing privé, l’article 1282 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption irréfragable de libération du débiteur (V. en ce sens com. 6 mai 1991, n°89-19.136)
  • Lorsque le titre remis était une copie exécutoire d’un acte notarié, l’article 1283 du Code civil faisait produire à la remise l’effet d’une présomption simple de libération du débiteur

Les auteurs expliquaient cette différence de traitement entre les deux remises en avançant que la remise de la copie exécutoire d’un acte notarié était moins probante que la remise d’un acte sous seing privé.

En effet, lorsque la remise porte sur un acte sous seing privé, elle consiste pour le créancier à se dessaisir du titre original constatant sa créance. Cela signifie donc qu’il renonce à détenir l’instrumentum susceptible de lui permettre d’établir, en cas de litige, l’existence même de son obligation. La démarche est forte ; d’où la présomption irréfragable instituée par la jurisprudence en pareille circonstance.

Lorsque, en revanche, la remise porte sur la copie exécutoire de l’acte notarié, le sens de cette remise est bien différent. Comme son nom le suggère, une copie exécutoire, dit autrement « grosse », n’est autre qu’une reproduction de l’acte notarié, l’original étant conservé par le notaire au rang des minutes. En se dessaisissant d’une copie exécutoire du titre constatant sa créance, le créancier conserve la possibilité d’accéder à l’exemplaire original de son titre et donc de se faire délivrer une nouvelle copie exécutoire. C’est la raison pour laquelle, dans cette hypothèse, le législateur a seulement fait produire à la remise l’effet d’une présomption simple.

Cette différence entre remise d’un acte sous seing privé et remise d’une copie exécutoire n’a pas été reconduite par le législateur à l’occasion de la réforme du régime général des obligations opérée par l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016.

Les règles énoncées aux articles 1232 et 1283 du Code civil ont été unifiées, en ce sens qu’il est désormais indifférent que la remise porte sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire d’un acte notarié. Dans les deux cas cette remise produit l’effet d’une présomption simple.

L’objet et les conditions d’application de cette présomption demeurent toutefois inchangés.

i. Objet de la présomption

Bien que l’article 1342-9 soit localisé dans une section du Code civil dédiée au paiement, il n’institue pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération du débiteur.

Cette précision est d’importance, car elle signifie que la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance fait présumer l’extinction de l’obligation pour n’importe quelle cause.

Or les causes d’extinction d’une obligation ne se limitent pas au paiement ; elles sont multiples. Remise de dette, compensation, novation, confusion sont des causes d’extinction des obligations au même titre que le paiement.

Si, la plupart du temps, l’enjeu du litige réside exclusivement dans la libération du débiteur, il est des cas où la cause de cette libération ne sera pas indifférente.

Il en va notamment ainsi en matière de remise de dette intervenant dans le cadre du règlement d’une succession.

Dans cette situation, les effets diffèrent selon que la libération du débiteur procède d’un paiement ou d’une remise de dette.

La remise de dette est, en effet, susceptible de constituer une donation indirecte et, par voie de conséquence, de faire l’objet d’un rapport ou d’une réduction.

Parce que donc l’article 1342-9 institue, non pas une présomption de paiement, mais une présomption de libération, il ne permettra pas d’établir la cause d’extinction de l’obligation.

Cette preuve devra être rapportée par un autre biais, étant précisé qu’il ne s’agit pas ici de prouver un acte juridique, mais un mode de libération du débiteur. Aussi, est-il admis que la preuve soit libre : elle peut donc être rapportée par tout moyen.

Quant à la charge de cette preuve, elle pèse sur celui qui prétend que la libération du débiteur procède d’une remise de dette ou d’un paiement.

ii. Conditions d’application de la présomption

Pour que la présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil puisse jouer, plusieurs conditions doivent être réunies :

==> Première condition : une remise

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil ne produira ses effets que s’il y a eu remise du titre constatant la créance au débiteur. Autrement dit, il faut que le créancier se soit dessaisi de son titre entre les mains du débiteur.

Aussi, le simple fait que le débiteur détienne le titre n’est pas suffisant. Il peut, en effet, l’avoir obtenu au moyen de manœuvres frauduleuses ou encore de façon totalement fortuite.

Reste que la jurisprudence a admis, afin d’alléger le fardeau de la preuve, que la détention du titre faisait à elle seule présumer la remise (Cass. req. 26 mai 1886). Il s’agit toutefois d’une présomption simple qui donc peut être combattue par la preuve contraire.

==> Deuxième condition : une remise volontaire

Il ne suffit pas que la détention par le débiteur du titre constatant la créance procède d’une remise, il faut encore que cette remise ait été volontaire.

Plus précisément il faut que le créancier ait exprimé par cette remise deux intentions :

  • Première intention
    • Le créancier doit avoir sciemment et librement voulu se dessaisir de son titre entre les mains du débiteur.
    • Aussi, la remise ne peut-elle pas avoir été effectuée par erreur ou provoquée par une manœuvre dolosive.
  • Seconde intention
    • Le créancier doit avoir voulu, par cette remise, libérer le débiteur de son obligation.
    • La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil peut donc être écartée si la remise ne révèle pas l’intention de libération du débiteur (V. en ce sens req. 20 oct. 1880).

La détention du titre par le débiteur fait néanmoins présumer la remise volontaire du titre par le créancier (V. en ce sens Cass. com. 7 janv. 2003, n°99-16.617).

==> Troisième condition : une remise volontaire par le créancier

La remise du titre constatant la créance doit nécessairement avoir été faite par le créancier ou son représentant.

À défaut, la présomption de libération du débiteur ne pourra pas jouer (V. en ce sens Cass. com. 16 oct. 2001, n°98-14.264). Si, en effet, le titre est remis au débiteur par un tiers, il est pour le moins douteux que la remise ait été voulue par le créancier.

==> Quatrième condition : une remise portant sur l’original d’un acte sous seing privé ou sur la copie exécutoire du

Pour faire présumer la libération du débiteur, la remise doit nécessairement porter :

  • Soit sur l’original de l’acte sous seing privé constatant la créance
    • La remise d’une copie de l’acte sous seing privé ne permet donc pas de faire jouer la présomption instituée à l’article 1342-9 du Code civil
    • Dans un arrêt du 21 octobre 1975 a précisé que, en présence de plusieurs originaux du titre sous signature privée constatant la créance, le débiteur ne pouvait être présumé être libérée qu’à la condition que tous les exemplaires lui aient été remis par le créancier, à tout le moins ceux qu’il détenait ( 1ère civ. 21 oct. 1975, n°74-11.646)
  • Soit sur la copie exécutoire de l’acte authentique constatant la créance
    • La remise d’une simple expédition de l’acte notarié non revêtue de la formule exécutoire n’est pas suffisante pour faire présumer la libération du débiteur.
    • Parce que la minute est toujours détenue par le notaire, le créancier a toujours la possibilité de se faire délivrer des copies.

iii. Effets de la présomption

La présomption instituée par l’article 1342-9 du Code civil produit deux effets :

  • Premier effet
    • Le débiteur est réputé libéré de son obligation envers le créancier.
  • Second effet
    • En présence de plusieurs débiteurs, l’article 1342-9, al. 2e prévoit que « la même remise à l’un des codébiteurs solidaires produit le même effet à l’égard de tous. »
    • Cette règle n’est pas sans faire écho à celle énoncée à l’article 1313 du Code civil qui dispose, pour mémoire, que le paiement effectué par un codébiteur solidaire libère tous les codébiteurs envers le créancier.

b. La mention apposée sur le titre constatant la créance

L’article 1378-2 du Code civil prévoit que :

  • D’une part, « la mention d’un paiement ou d’une autre cause de libération portée par le créancier sur un titre original qui est toujours resté en sa possession vaut présomption simple de libération du débiteur. »
  • D’autre part, « il en est de même de la mention portée sur le double d’un titre ou d’une quittance, pourvu que ce double soit entre les mains du débiteur. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où une mention établissant la libération du débiteur figure, tantôt sur le titre constatant la créance détenue en original par le créancier, tantôt sur le double de ce titre détenu par le débiteur, celui-ci est présumé être libéré de son obligation.

La présomption ainsi instituée produit le même effet que celle résultant de la remise volontaire au débiteur du titre constatant la créance.

 

 

 

[1] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°528, p. 362

[2] E-D Glasson, A. Tissier, R. Morel, Traité théorique et pratique d’organisation judiciaire de compétence et de procédure civile, Paris, Libr. du Rec. Sirey, 1925-1936, t. 1 n° 173

[3] V. en ce sens G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations – Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du Code civil, éd. Dalloz, 2018, n°941, p.849.

[4] J. François, Traité de droit civil – Les obligations, Régime général, Economica 2017, n°139, p. 126.

[5] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1423, p. 1504

[6] G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations, éd. Dalloz, 2018, n°988, p.888.

[7] V. en ce sens Ph. Simler, Cautionnement – Extinction par voie accessoire, Lexisnexis, fasc. Jurisclasseur, n°24

[8] F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil – Les obligations, éd. Dalloz, 2019, n°1449, p. 1526

[9] M. Julienne, Régime général des obligations, éd. LGDJ, 2022, n°554, p. 377.

[10] H. Roland et L. Boyer, Introduction au droit, éd. Litec, 2002, n°1806, p. 619.

[11] J. Ghestin et G. Goubeaux, Droit civil – Introduction Générale, éd. LGDJ, 1990, n°660, p. 635.

Conservation de la minute du jugement et délivrance des copies et des expéditions

?Notions

Lorsqu’une décision de justice est établie, il convient de distinguer la minute, la copie de l’acte et l’expédition

  • La minute : il s’agit de l’acte original qui constate par écrit la décision des juges et qui n’est établi qu’en un seul exemplaire conservé par le greffe du Tribunal
  • La copie simple : il s’agit d’une reproduction de la décision qui peut être tantôt intégrale, tantôt partielle
  • L’expédition ou copie exécutoire : il s’agit d’une copie spéciale de la décision en ce qu’elle est revêtue de la formule exécutoire.

I) Conservation de la minute

L’article R. 123-5 du CPC dispose que le greffier « est dépositaire, sous le contrôle des chefs de juridiction, des minutes et archives dont il assure la conservation »

Il ressort de cette disposition que la conservation de la minute du jugement est assurée par le seul greffier.

La conséquence en est que c’est à lui qu’il incombe de délivrer les expéditions et les copies des décisions rendues.

II) Délivrance des copies et des expéditions

Les copies de décisions judiciaires se divisent en deux catégories :

  • Les copies simples
  • Les copies exécutoires ou expéditions

A) La délivrance des copies simples

?La délivrance des copies aux parties

Les parties au jugement peuvent, en toutes circonstances, demander qu’il leur soit communiqué une copie de la décision.

Il est indifférent que la décision ait été rendue publiquement ou en chambre du conseil. En toute hypothèse, les parties peuvent solliciter du greffe une copie – simple – de la décision.

?La délivrance des copies aux tiers

  • Domaine de la délivrance
    • Principe
      • L’article 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile, modifiée par la loi n°75-596 du 9 juillet 1975 dispose que « les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement. »
      • Il ressort de cette disposition que des personnes autres que les parties peuvent obtenir, sur demande, la copie d’une décision rendue publiquement.
      • Dans la mesure où les débats se sont rendus en présence du public et que le prononcé du jugement était également public, il est somme toute logique que les tiers puissent obtenir une copie de la décision.
      • Ce droit qui leur est conféré par la loi participe de la transparence de la justice.
    • Limite
      • Une lecture a contrario de l’article 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 révèle que lorsque la décision n’a pas été rendue publiquement, soit en chambre du conseil, les tiers ne disposent pas de la faculté de se faire délivrer une copie de la décision
      • Là encore, la règle est logique : le procès s’est tenu à huis clos.
      • La décision est donc parfaitement cohérente que la décision ne puisse pas être communiquée aux tiers.
      • Aussi, seules les personnes directement concernées par le jugement (celles citées par le jugement en tant que partie) ou leurs héritiers peuvent en obtenir copie.
      • C’est notamment le cas pour obtenir la copie d’un jugement de divorce.
      • C’est également le cas pour les domaines suivants :
        • adoption,
        • filiation,
        • nom et prénom
        • changement de régime matrimonial,
        • protection juridique des personnes (tutelle, curatelle…).
  • Modalités de la délivrance
    • Lorsque le tiers est en droit de solliciter une copie de la décision, demande peut être faite via une simple lettre ou un recommandé avec accusé de réception.
    • Elle doit être envoyée au greffe du tribunal qui a rendu la décision au moyen du formulaire Cerfa n°11808*05
    • La demande de copie est gratuite.
    • Pour un envoi à domicile par courrier, il faut néanmoins en couvrir les frais en fournissant une enveloppe suffisamment timbrée.
  • Contenu de la copie
    • La copie délivrée aux tiers peut consister, soit en la reproduction intégrale de la décision, soit se limiter à un extrait.
    • La délivrance du seul extrait d’un jugement se justifie pour des considérations qui tiennent à la vie privée des parties.
  • L’absence ou le refus de délivrance
    • L’article 1441 du CPC dispose que, en cas de refus ou de silence, le président du tribunal judiciaire ou, si le refus émane d’un greffier, le président de la juridiction auprès de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, saisi par requête, statue, le demandeur et le greffier ou le dépositaire entendus ou appelés.
    • Il doit statuer après avoir entendu le demandeur et le greffier ou le dépositaire
    • L’ordonnance rendue sur requête est susceptible de faire l’objet d’une voie de recours
    • L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.

B) La délivrance des expéditions (copies exécutoires)

?Définition

L’expédition ou copie exécutoire n’est autre que la copie authentique certifiée conforme de la décision rendue par le Tribunal.

Elle est également appelée « grosse » par référence à la pratique ancienne qui consistait à rédiger la copie du jugement en gros caractère par souci de commodité de lecture

L’expédition se distingue de la copie simple en ce qu’elle est revêtue de la formule exécutoire.

?Finalité

La délivrance de l’expédition aux parties a pour finalité de leur permettre de signifier la décision et de la faire exécuter par un huissier de justice.

L’article 502 du CPC dispose en ce sens que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

Sans expédition, l’huissier saisi ne pourra engager aucune procédure d’exécution, sauf à ce que la décision soit exécutoire « au seul vu de la minute »

Tel est le cas :

  • D’une part, des ordonnances sur requête
  • D’autre part, des ordonnances de référé lorsque le caractère exécutoire sur minute est expressément prévu

?Contenu de la formule exécutoire

L’article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 dispose que les expéditions des arrêts, jugements, mandats de justice, ainsi que les grosses et expéditions des contrats et de tous les actes susceptibles d’exécution forcée, seront intitulées ainsi qu’il suit :

« République française

“Au nom du peuple français “, et terminées par la formule suivante :

“En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

“En foi de quoi, le présent arrêt (ou jugement, etc.) a été signé par… ».

?Limitation du nombre d’expéditions délivrées

  • Principe
    • L’article 465 du CPC prévoit que « chacune des parties a la faculté de se faire délivrer une expédition revêtue de la formule exécutoire. »
    • Ainsi, le nombre d’expéditions susceptibles d’être délivrées aux parties est extrêmement restreint dans la mesure où il est limité à une expédition par partie.
    • Par ailleurs, il peut être observé que, une fois la décision exécutée, l’expédition qui aura été confiée à l’huissier, et sans laquelle il lui est interdit d’engager des procédures d’exécution, ne sera pas restituée.
    • Il s’agit d’éviter qu’une partie ne puisse faire exécuter une même décision plusieurs fois.
  • Exception
    • L’alinéa 2 de l’article 465 du CPC prévoit que « s’il y a un motif légitime, une seconde expédition, revêtue de cette formule, peut être délivrée à la même partie par le greffier de la juridiction qui a rendu le jugement. »
    • Pour obtenir la délivrance d’une seconde expédition, il conviendra donc pour les parties de justifier d’un motif légitime.
    • Ce motif légitime pourrait consister en la survenance d’un cas de force majeure, tel que la perte ou la destruction de la grosse.
  • Difficulté relative à la délivrance
    • L’article 465 du CPC précise que « en cas de difficulté, le président de la juridiction qui a rendu le jugement statue par ordonnance sur requête. »

Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge: conditions et procédure

==> Ratio legis

L’institution du divorce par consentement mutuel, grande innovation de la loi du 11 juillet 1975, a répondu à une profonde et ancienne demande de la société et à un immense besoin d’égalité de la femme dans le couple.

Surtout, il a permis aux époux de sortir des liens du mariage, sans avoir à prouver la faute de l’autre, ce qui a pu conduire à des situations de tensions extrêmes entre conjoints.

Librement négociés, les accords entre époux permettent de dégager des solutions mieux adaptées aux cas d’espèce ; mieux exécutés que des décisions judiciaires imposées, ils sont ainsi souvent le gage d’un après-divorce apaisé, particulièrement important lorsque sont impliqués des enfants.

Le succès du divorce par consentement mutuel a été immédiat et grandissant. Il représente aujourd’hui plus de la moitié des procédures.

La particularité de cette procédure est donc l’intervention du Juge. Lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 certains professionnels du droit avaient milité pour une déjudiciarisation totale du divorce par consentement mutuel, lorsqu’il n’y a, ni biens, ni enfants.

Toutefois, le législateur a préféré maintenir son rôle dans la procédure. Les parlementaires ont estimé que le contrôle du juge permettait de garantir effectivement la volonté librement exprimée de chacun des époux, l’équité des accords et le respect des intérêts de chacun.

C’est ainsi qu’en 2004, une procédure simplifiée a été instituée en remplacement de l’ancien divorce sur requête conjointe instauré par la loi du 11 juillet 1975.

L’innovation principale résulte de la suppression des deux phases de la procédure, le divorce étant prononcé à l’issue d’une seule audience.

Il en résulte que l’ensemble des conséquences de la séparation doit être réglé en amont de la saisine du juge, y compris la liquidation du régime matrimonial (article 1091 du nouveau code de procédure civile).

L’actuelle procédure de divorce par consentement mutuel homologué par un juge n’a pas été modifiée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Ce texte n’a fait qu’ajouter une variante au divorce par consentement mutuel, en offrant la possibilité aux époux de se passer du Juge.

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

==> Domaine d’application

Lors de l’adoption de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

En toute hypothèse, c’est désormais seulement par exception que la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire pourra être engagée.

I) Le principe

Aux termes de l’article 230 du Code civil « dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu’ils s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l’approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce »

À l’instar du divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat, le divorce par consentement mutuel judiciaire suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que d’emprunter la voie du divorce contentieux.

Si, au contraire, les époux parviennent à s’entendre, leur accord doit être matérialisé par une convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce.

Nouveauté introduite par la loi du 26 mai 2004, le divorce par consentement mutuel peut être demandé dans les six premiers mois de l’union, la condition tenant à l’existence d’une durée minimale du mariage ayant supprimé (abrogation du 3e alinéa de l’article 230).

II) Conditions

==> La capacité

Aux termes de l’article 249-4 du Code civil « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel judiciaire est fermée.

==> Le consentement

L’article 232, al. 1er du Code civil dispose que « le juge homologue la convention et prononce le divorce s’il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. »

Il ressort de cette disposition que le consentement des époux est le pilier central du divorce par consentement mutuel.

Le Juge ne pourra homologuer la convention que s’il constate que les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets

Pour qu’il y ait accord, encore faut-il qu’ils y aient consenti.

Ainsi, revient-il au juge de s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé.

Toutefois, dès lors qu’il estime respectées la réalité, la liberté et la persistance des consentements, il ne peut mettre en cause l’accord de principe des époux quant au divorce, dont par ailleurs il n’a pas à connaître les causes.

III) Procédure

A) La requête

==> Présentation de la requête

La demande est formée par une requête unique des époux (article 1089 CPC).

L’article 250 du Code civil prévoit que la demande peut être présentée :

  • Soit par les avocats respectifs des parties
  • Soit par leur avocat choisi d’un commun accord

==> Contenu de la requête

À peine d’irrecevabilité, la requête doit remplir un certain nombre de conditions de forme (art. 1090 CPC).

  • La requête comporte
    • Des mentions relatives aux époux
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de leur mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants
      • Les renseignements prévus à l’article 1075, soit les informations relatives à la caisse d’assurance maladie à laquelle ils sont affiliés, les services ou organismes qui servent les prestations familiales, les pensions de retraite ou tout avantage de vieillesse ainsi que la dénomination et l’adresse de ces caisses, services ou organismes.
    • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
    • Le nom des avocats chargés par les époux de les représenter, ou de celui qu’ils ont choisi à cet effet d’un commun accord.
    • La date et la signature de chacun des époux et de leur avocat.
  • La requête ne comporte pas
    • Les faits à l’origine de la demande
    • En matière de divorce par consentement mutuel, ce qui importe c’est le consentement des époux
    • Aussi, les circonstances de la rupture n’intéressent pas le Juge dont le rôle se limitera au contrôle de la réalité du consentement des époux et à la préservation de leurs intérêts respectifs
    • Quand bien même une faute serait imputable à l’un des époux, le juge n’a donc pas vocation à en tenir compte

==> Documents annexés à la requête

Là encore à peine d’irrecevabilité, la requête doit être assortie de documents annexes énumérés par les articles 1075-1 et 1091 du Code de procédure civile.

  • Le formulaire d’information de l’enfant mineur demandant à être entendu daté et signé par lui
    • Pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.
    • Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.
    • Ce formulaire visé à l’article 1144 du Code de procédure qui prévoit que « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »
    • Le formulaire d’information poursuit un double objectif :
      • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
      • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur
    • Dans l’hypothèse où l’enfant mineur décide à être entendu, la voie du divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée à ces parents.
  • La convention de divorce
    • Sur la forme
      • Il s’agit de la convention de divorce qui doit porter règlement de toutes les conséquences du divorce.
      • Cette convention inclut
        • Soit un état liquidatif du régime matrimonial
        • Soit la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
      • La convention doit être datée et signée par chacun des époux et leur avocat
    • Sur le fond
      • Le sort des biens
        • Il est régi par l’état liquidatif qui doit être passé en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière
        • Plus généralement, l’état liquidatif doit comporter
          • La répartition de l’actif
          • La répartition du passif
          • L’octroi de récompenses
      • Le sort des enfants
        • L’article 373-2-7 prévoit qu’il appartient aux parents d’organiser les modalités d’exercice de l’autorité parentale et de fixer la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant (pension alimentaire
        • Le juge homologuera la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement
      • La prestation compensatoire
        • L’article 278 du Code civil prévoit que les époux fixent le montant et les modalités de la prestation compensatoire dans la convention établie par acte sous signature privée contresigné par avocats ou dans la convention qu’ils soumettent à l’homologation du juge.
        • Ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d’un événement déterminé.
        • La prestation peut prendre la forme d’une rente attribuée pour une durée limitée.
        • L’alinéa 2 précise néanmoins que le Juge peut toutefois, refuser d’homologuer la convention si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux.
  • Une déclaration sur l’honneur en cas d’octroi d’une prestation compensatoire
    • L’article 1075-1 du Code de procédure civile prévoit que lorsqu’une prestation compensatoire est demandée au juge ou prévue dans une convention, chaque époux produit la déclaration sur l’honneur
    • À cet égard, l’article 272 du Code civil précise que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie

Chaque document doit être daté et signé par chacun des époux et leur avocat. Toutes ces dispositions sont édictées à peine d’irrecevabilité (article 1091 CPC).

L’irrecevabilité porte tant sur l’absence d’un document que sur le non-respect des dispositions de forme prévues.

==> Dépôt de la requête

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales est saisi par la remise au greffe de la requête, qui vaut conclusions.

Ainsi, la requête doit-elle être adressée au greffe du Tribunal de grande instance

B) L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est ouverte aux époux qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvre la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire.
    • Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) L’audience

==> Convocation des époux

L’article 1092 du Code de procédure civile prévoit que, après l’audition de l’enfant mineur, le juge procède à deux formalités :

  • Il convoque chacun des époux par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date qu’il fixe pour leur audition
  • Il avise le ou les avocats.

==> L’examen de la demande des époux

Le jour fixé, il examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

Après avoir vérifié la recevabilité de la requête (article 1099 CPC), il doit s’assurer que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé (article 232 alinéa 1 C. civ.).

Au cours de l’audience, il peut faire supprimer ou modifier les clauses de la convention qui lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux (article 1099 alinéa 2 CPC).

Toutefois, il ne peut le faire qu’avec l’accord des parties, recueilli en présence de leur avocat.

Dans l’hypothèse d’une modification de la teneur de la convention au cours de l’audience, une attention toute particulière doit être appelée sur la concordance des termes entre la convention ainsi modifiée et l’acte liquidatif éventuellement joint.

S’il s’agit d’un acte notarié, le prononcé du divorce ne peut intervenir qu’après la mise en conformité de cet acte par le notaire, ce qui implique que le juge ne peut homologuer la convention sans avoir laissé un délai aux parties pour le faire modifier.

Lorsque les conditions prévues à l’article 232 du code civil sont réunies, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

D) L’homologation de la convention

Trois hypothèses doivent être distinguées

  1. L’homologation pure et simple

Il peut être procédé à l’homologation pure et simple de la convention de divorce lorsque le Juge :

  • D’une part, s’est assuré que la volonté des époux est réelle et que leur consentement est éclairé
  • D’autre part, a vérifié que la convention préserve suffisamment les intérêts des époux et des enfants

Après avoir accompli ces vérifications, le juge homologue la convention réglant les conséquences du divorce.

Le prononcé du divorce s’effectue dans la même décision.

2. L’homologation précédée de modifications et suppressions

L’article 1099, al. 2 du Code civil autorise le juge à modifier ou supprimer certaines clauses de la convention de divorce si elles lui paraissent contraires à l’intérêt des enfants ou de l’un des époux.

Cette immixtion du juge dans l’accord conclu entre les parties est subordonnée à la satisfaction de deux conditions cumulatives :

  • L’accord des époux
  • La présence du ou des avocats

Si ces deux conditions sont remplies, le Juge rend alors sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce.

3. Le refus d’homologation

==> Motifs du refus

L’article 232 du code civil prévoit que le juge peut refuser d’homologuer la convention et ne pas prononcer le divorce s’il constate que les intérêts des enfants ou de l’un des époux sont insuffisamment préservés.

Il refusera également de prononcer le divorce s’il a un doute sur la réalité du consentement d’un époux

==> Ordonnance d’ajournement

Si le juge refuse d’homologuer la convention, il rend sur-le-champ une ordonnance et ajourne sa décision sur le prononcé du divorce jusqu’à présentation d’une nouvelle convention (article 1100 CPC).

Il informe alors les époux à l’audience que celle-ci devra être présentée avant l’expiration d’un délai de six mois.

L’ordonnance porte mention à la fois de ce délai et de l’information qui a été donnée oralement.

Elle précise, en outre, les conditions ou les garanties auxquelles seront subordonnés l’homologation de la nouvelle convention et, en conséquence, le prononcé du divorce.

==> Mesures provisoires

  • Principe
    • L’ordonnance d’ajournement comprend, le cas échéant, les mesures provisoires homologuées par le juge (article 1100 CPC).
    • L’objectif est de permettre, dans ce cas particulier, l’organisation judiciaire de la séparation des époux, en garantissant leurs droits respectifs ainsi que la protection de l’intérêt des enfants.
    • L’article 250-2 du code civil précise les modalités d’une telle homologation.
  • Les mesures envisageables
    • Peuvent être homologuées les mesures provisoires que le juge peut prendre lors de l’audience de conciliation prévue pour les autres cas de divorce.
    • Sont donc concernées, au sens de l’article 254 du même code, toutes les mesures nécessaires pour organiser l’existence des époux et celle des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée.
  • Exigence d’un accord des époux
    • Les pouvoirs du juge en matière de consentement mutuel ne peuvent être identiques à ceux qui lui sont conférés dans les autres cas de divorce.
    • En conséquence, sont exclusivement concernées les mesures que les parties s’accordent à prendre.
  • L’homologation des mesures
    • La forme de l’homologation étant libre, le juge peut faire mention des mesures provisoires homologuées directement dans l’ordonnance d’ajournement.
    • Il peut également homologuer les mesures prises par les parties dans un document annexé à l’ordonnance.
    • À défaut d’accord entre les parties ou si le juge estime que les mesures proposées ne sont pas conformes à l’intérêt du ou des enfants, la décision d’ajournement sera cependant prise sans homologation de mesures provisoires, celle-ci n’étant aucunement imposée par les textes.
    • Lorsque le juge refuse d’homologuer les mesures provisoires, il doit motiver sa décision.

==> Procédure postérieure à la décision d’ajournement

Les époux disposent d’un délai de six mois à compter du prononcé de la décision d’ajournement pour déposer une nouvelle convention (article 250-2 C. civ.).

Ce délai est suspendu en cas d’appel (article 1101 CPC).

Deux cas de figure doivent alors être distingués :

  • Premier cas de figure
    • Aucune convention n’est déposée dans le délai imparti.
    • Le juge constate alors d’office par ordonnance la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 2 CPC).
  • Second cas de figure
    • Les parties déposent une nouvelle convention dans le délai légal.
    • Elles sont alors convoquées par lettre simple expédiée quinze jours au moins avant la date fixée pour leur audition.
    • À l’audience, soit le juge accepte cette nouvelle convention, l’homologue, et prononce le divorce, soit il refuse une nouvelle fois de l’homologuer.
    • Dans ce dernier cas, il rend une ordonnance constatant la caducité de la demande en divorce (article 1101 al. 3 CPC).
    • Il n’est donc pas possible d’ordonner un second ajournement.

E) Les voies de recours

  • Le jugement de divorce
    • L’appel
      • L’article 1102 du Code de procédure civile prévoit que la décision qui prononce le divorce est insusceptible d’appel.
      • Cette solution se justifie par l’existence d’un accord conclu entre les parties
    • Le pourvoi
      • Le jugement de divorce est susceptible de pourvoi en cassation dans les quinze jours de son prononcé (article 1103 CPC).
      • L’article 1086 précise que :
        • D’une part, le délai de pourvoi en cassation suspend l’exécution de la décision qui prononce le divorce.
        • D’autre part, que le pourvoi en cassation exercé dans ce délai est également suspensif.
      • Toutefois, l’article 1087 al. 2 du Code de procédure civile apporte un tempérament à l’effet suspensif du pourvoi.
      • Cette disposition prévoit, en effet, que l’effet suspensif qui s’attache au pourvoi en cassation ainsi qu’à son délai ne s’applique pas aux dispositions de la décision ou de la convention homologuée qui concernent :
        • les pensions
        • la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant
        • l’exercice de l’autorité parentale.
      • Il est donc apparu indispensable, pendant le délai du pourvoi en cassation et son éventuel exercice, de prévoir le maintien de mesures permettant d’organiser la vie des époux ainsi que celle des enfants.
  • L’ordonnance d’ajournement
    • L’appel
      • L’ordonnance qui refuse l’homologation de la convention et entérine le cas échéant des mesures provisoires est susceptible d’appel ( 1102 CPC)
      • Le délai d’appel est de quinze jours
      • Il commence à courir à compter de la date de la décision
    • Le pourvoi
      • L’arrêt rendu par la Cour d’appel est susceptible de faire l’objet d’un pouvoir dans le délai ordinaire de 2 mois prévu par l’article 612 du Code de procédure civile

F) La délivrance de la copie exécutoire du jugement

Jusqu’au 1 er janvier 2005, l’article 862 du Code général des impôts conditionnait la délivrance de la copie exécutoire du jugement de divorce rendu sur requête conjointe à l’acquittement préalable des droits d’enregistrement.

Cette exigence, limitée au divorce gracieux, pouvait avoir pour conséquence de priver d’effet le prononcé du divorce sur le seul motif du défaut de paiement des droits fiscaux.

Aussi, la loi du 26 mai 2004 a modifié les dispositions du Code Général des Impôts et supprimé cette condition.

Le régime applicable en la matière est désormais unifié, quel que soit le cas de divorce : la délivrance des copies exécutoires des jugements de divorce par consentement mutuel est donc possible même si les formalités d’enregistrement n’ont pas été exécutées.

G) Les dépens de l’instance

L’article 1105 du Code de procédure civile prévoit que les dépens de l’instance sont partagés par moitié entre les époux.

Toutefois, leur convention peut en disposer autrement sous réserve de l’application des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’un des époux bénéficie de l’aide juridictionnelle.

Cette dernière disposition prévoit que la convention de divorce ne peut mettre à la charge de la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle plus de la moitié des dépens de cette instance.

IV) Les effets du divorce

A) Le principe d’intangibilité de la convention

==> Énoncé du principe

Il ressort de plusieurs textes que la convention de divorce est indissociable du jugement qui prononce le divorce :

  • L’article 1099 du Code de procédure civile prévoit que le Juge « rend sur-le-champ un jugement par lequel il homologue la convention et prononce le divorce. »
  • L’article 279 dispose encore que « la convention homologuée a la même force exécutoire qu’une décision de justice»
  • L’article 232 prévoit quant à lui que « le juge homologue la convention et prononce le divorce »

La jurisprudence déduit de ces textes qu’il existe une indivisibilité de l’homologation de la convention avec la décision qui prononce le divorce.

Il en résulte que, à l’instar d’un jugement, elle est pourvue de l’autorité de la chose jugée ce qui lui confère son intangibilité. Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée par les époux.

Sur ce point, elle se distingue d’un contrat soumis au droit commun, en ce que les parties peuvent toujours revenir dessus en cas de commun accord.

Tel n’est pas le cas de la convention de divorce qui, une fois homologuée par le juge, ne peut plus être supprimée, ni révisée

Dans un arrêt du 6 mai 1987 la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi »

Cass. 2e civ. 6 mai 1987
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Lyon, 14 février 1985), qu'un jugement, non frappé de voies de recours, a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe et homologué la convention définitive portant réglement des conséquences du divorce ; que Mme X..., estimant être victime d'une lésion dans cette convention, en a demandé la rescision ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré cette action irrecevable, alors que, d'une part, la convention portant règlement des effets du divorce pourrait être dissociée du jugement prononçant celui-ci, et, n'étant pas irrévocable, pourrait faire l'objet d'une action en rescision pour lésion, et alors que, d'autre part, en considérant qu'en l'absence de clause stipulant l'égalité du partage, celui-ci pouvait être présumé inégal, ce qui rendrait irrecevable l'action en rescision pour lésion, la cour d'appel aurait violé les articles 1476 et 887 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient à bon droit que le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi ;

Que par ces seuls motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Prononcé d’un divorce sur requête conjointe par un arrêt de la Cour d’appel de Lyon le 14 février 1985
  • Demande
    • Action en rescision pour lésion contre une convention d’homologation introduite par une épouse.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 février 1985 la Cour d’appel de Lyon déboute l’appelante de sa demande.
    • Pour les juges du fond, l’action de l’épouse est irrecevable dans la mesure où le prononcé du divorce et l’homologation de la convention sont indissociables.
    • Or un jugement bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
  • Solution
    • La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse
    • Pour la deuxième chambre civile la convention réglant les effets du divorce devient, dès lors qu’elle a été homologuée par le juge, intangible.
    • Autrement dit, elle ne peut plus être attaquée
    • La Cour de cassation pose ici le principe d’intangibilité de la convention réglant les effets du divorce

==> Applications

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce conduit à écarter un certain nombre d’actions :

  • Les actions en nullité de la convention
    • La question ici se pose de savoir si, en cas de non-respect d’une condition de validité de la convention de divorce, elle peut faire l’objet d’une annulation
    • La jurisprudence répond par la négative à cette question, au motif que le principe d’intangibilité de la convention prévaut
    • Peu importe donc le fondement invoqué par l’un des époux (contrariété à l’ordre public, vices du consentement ou encore irrégularité formelle) : l’action en nullité est irrecevable
  • Les actions en complément de part
    • Il s’agit de l’hypothèse où un époux aurait été lésé dans le partage des biens
    • Dès lors, est-il recevable à engager une action aux fins de rétablir l’équilibre qui a été rompu volontairement ou involontairement ?
    • L’article 889 du Code civil prévoit que dans le cadre d’opérations de partages prévues par la loi, lorsque l’un des copartageants établit avoir subi une lésion de plus du quart, le complément de sa part lui est fourni, au choix du défendeur, soit en numéraire, soit en nature.
    • Pour apprécier s’il y a eu lésion, on estime les objets suivant leur valeur à l’époque du partage.
    • L’action en complément de part se prescrit par deux ans à compter du partage.
    • Pour les mêmes raisons que celles qui président à l’irrecevabilité de l’action en nullité, l’action en complément de parts ne saurait être accueillie lorsqu’elle est dirigée contre la convention de divorce.
    • Le principe d’intangibilité de cette convention y fait obstacle.
    • Cette solution a notamment été affirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 2010.

Cass. 1re civ., 3 mars 2010
Sur le moyen unique :

Attendu que M. X... et Mme Y... ont contracté mariage le 3 octobre 1998 sous le régime de la séparation de biens ; qu'en 1999, ils ont acquis en indivision, chacun pour moitié, un terrain situé à Saint-Pierre de la Réunion sur lequel ils ont fait édifier une maison ; qu'un jugement du 3 mars 2003 a prononcé leur divorce sur requête conjointe et homologué la convention définitive par laquelle ils fixaient à 335 387 euros la valeur de l'immeuble bâti acquis durant le mariage et prévoyaient de maintenir ce bien en indivision pour une durée de deux ans renouvelable ; que par acte sous-seing privé du même 3 mars 2003, les époux sont convenus de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble à Mme Y... pour un prix de 167 693,50 euros ; que cet acte stipulait que la vente serait réitérée par acte authentique au plus tard le 15 février 2005 ; que M. X... ne s'étant pas présenté devant le notaire pour la réitération de l'acte, Mme Y... l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance en déclaration judiciaire de vente ; que pour s'opposer à cette demande, M. X... a fait valoir que le prix fixé dans la promesse de vente était lésionnaire et a sollicité une expertise de la valeur du bien ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 19 août 2008) d'avoir déclaré irrecevable l'action en rescision pour lésion de l'acte du 3 mars 2003, dit que la vente par M. X... à Mme Y... d'une parcelle bâtie sise à Saint-Pierre pour un prix de 167 693,50 euros était parfaite et dit que le jugement tiendrait lieu d'acte authentique en vue des formalités de publicité foncière, alors, selon le moyen, que l'impossibilité de remettre en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce sur demande conjointe ne concerne que le partage opéré par cette convention ; qu'ainsi en l'espèce où la convention définitive prévoyait le maintien dans l'indivision de l'immeuble litigieux, la cour d'appel, en déclarant irrecevable l'action en rescision pour lésion exercée contre une convention séparée contenant une promesse de cession par M. X... à Mme Y... de sa part indivise dans l'immeuble, non homologuée par le juge, a violé les articles 279 et 888 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a rappelé que le caractère indissociable du prononcé du divorce sur demande conjointe et de la convention définitive ne permettait aucune modification des modalités de cette dernière en dehors des cas prévus aux anciens articles 279 et 292 du code civil, a constaté par motifs propres et adoptés, d'abord, que la convention définitive homologuée comportait un chapitre intitulé "liquidation" consacré au sort de l'immeuble litigieux par lequel les époux fixaient la valeur du bien à la somme de 335 387 euros et établissaient une convention d'indivision régissant leurs droits quant à ce bien ; puis, que par acte du 3 mars 2003, les parties convenaient de la vente des droits indivis de M. X... sur l'immeuble au profit de Mme Y... pour un montant conforme à celui fixé par la convention définitive ; encore, que cet acte était antérieur au divorce puisqu'il était soumis à la condition suspensive du prononcé du divorce ; en outre, que les débats permettaient d'établir qu'il s‘agissait en réalité de trouver un statut juridique à l'immeuble permettant à la fois aux époux d'obtenir le divorce et de se ménager le bénéfice de la défiscalisation à laquelle ce bien ouvrait droit à condition qu'il ne soit pas cédé avant un délai de cinq années après son achèvement ; enfin, que les dispositions de la convention définitive relatives à l'immeuble litigieux, et notamment celle stipulant sa valeur, étaient indissociables de l'ensemble de la convention, elle-même indissociable du jugement de divorce, le consentement des époux étant dépendant du contenu de la convention définitive ; que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que la convention définitive ne pouvait être remise en cause sans remettre en cause le consentement des époux et que dès lors l'action en rescision pour lésion de plus du quart du compromis de vente du 3 mars 2003, était irrecevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Le recours en révision
    • Le recours en révision est régi aux articles 593 et suivants et Code de procédure civile
    • Il tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
    • En raison de son caractère dérogatoire au droit commun, ce recours ne peut être exercé que dans des cas très restreints
    • L’article 595 prévoit ainsi que le recours en révision n’est ouvert que pour l’une des causes suivantes :
      • S’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
      • Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d’une autre partie ;
      • S’il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
      • S’il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
    • Dans tous ces cas, le recours n’est recevable que si son auteur n’a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu’il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
    • Le délai du recours en révision est de deux mois.
    • Le recours en révision peut-il être exercé dans l’hypothèse où l’homologation de la convention de divorce aurait été obtenue en fraude des droits de l’un des époux ?
    • La Cour de cassation a répondu par la négative à cette question en se fondant, à encore, sur le principe d’intangibilité de la convention.
    • Dans un arrêt du 5 novembre 2008, elle a affirmé que « mais attendu qu’ayant retenu à bon droit que le prononcé du divorce et l’homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable, la cour d’appel en a exactement déduit l’irrecevabilité du recours en révision partielle du jugement prononçant le divorce sur requête conjointe en ses seules dispositions relatives au partage des biens» ( 1ère civ., 5 nov. 2008).

==> Cas particulier des actions en interprétation

L’action en interprétation vise à solliciter les lumières du juge sur une clause imprécise ou ambiguë de la convention

Il ne s’agit pas ici pour le Juge de revenir sur la décision rendue.

Son intervention a pour seul but d’apporter un éclairage sur les termes de la convention de divorce aux fins de permettre son exécution.

Dans la mesure où cette action ne heurte pas le principe d’intangibilité, elle est admise par la jurisprudence (C. en ce sens Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002)

Cass. 1ère civ., 5 févr. 2002
Sur le pourvoi formé par M. Dominique André Yves X..., demeurant ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 6 mai 1999 par la cour d'appel de Caen (1e chambre civile et commerciale), au profit :

1 / de Mme Françoise Marcelle Jeanne Y..., divorcée, Boudin, demeurant "La Houssaye", 61160 Mont Ormel,

2 / de la société Cétélem, société anonyme à directoire, dont le siège est ...,

défenderesses à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 18 décembre 2001, où étaient présents : M. Renard-Payen, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mlle Barberot, conseiller référendaire rapporteur, M. Jean-Pierre Ancel, conseiller, Mme Collet, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mlle Barberot, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions écrites de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X..., qui a fait opposition à l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer le solde d'un prêt contracté avec son épouse pendant le mariage depuis dissous par divorce pour financer des travaux sur un véhicule, a appelé celle-ci en garantie pour qu'elle soit condamnée à supporter la moitié de la condamnation prononcée au profit du prêteur ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 6 mai 1999) d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen :

1 / qu'en l'espèce, le prêt a été souscrit solidairement par M. et Mme X... ; que M. X... avait donc un recours contre Mme Y... à concurrence de la part incombant à cette dernière ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

2 / que la circonstance que, lors de la convention définitive conclue entre les époux à l'occasion du divorce, le véhicule ait été attribué à M. X..., qui ne concerne que la répartition des actifs, n'avait aucune incidence sur le recours dont disposait M. X... ; qu'à cet égard, les juges du fond ont violé l'article 1214 du Code civil ;

3 / qu'en se fondant sur la convention définitive conclue à l'occasion du divorce, bien que cette convention n'ait comporté aucune stipulation s'agissant de la charge du prêt, les juges du fond, qui ont ajouté a la convention de divorce, en ont dénaturé les termes ;

Mais attendu qu'après avoir admis la recevabilité de l'appel en garantie formée contre la femme qui était obligée à la dette en sa qualité de co-emprunteuse, la cour d'appel, qui a relevé, par une interprétation que les termes imprécis de la convention définitive de divorce rendaient nécessaire, qu'il entrait dans l'intention des époux que celui qui était attributaire du véhicule en supporte les charges, a souverainement estimé que le mari devait seul contribuer à la dette ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) Les limites au principe d’intangibilité de la convention

Le principe d’intangibilité de la convention de divorce n’est pas sans limites. Il est des situations qui permettent, tantôt aux parties, tantôt aux tiers de revenir sur ce qui a été jugé ou de compléter le dispositif.

==> L’omission d’un bien ou d’une dette

La question s’est posée en jurisprudence du sort d’un bien ou d’une dette omis lors de l’établissement de l’état liquidatif.

Une fois homologuée, la convention de divorce est, par principe, intangible, de sorte que les époux ne peuvent plus solliciter sa révision.

Est-ce à dire que le bien ou la dette omis ne peut plus faire l’objet d’un partage ?

La première et la deuxième chambre civile se sont longtemps opposées sur la réponse à apporter à cette question.

  • La position de la deuxième chambre civile
    • Dans un arrêt du 18 mars 1992, elle a considéré que, en application du principe d’intangibilité de la convention de divorce, un bien omis ne pouvait pas être intégré, postérieurement à l’homologation, dans la composition du patrimoine commun ( 2e civ. 18 mas 1992).
    • Pour la deuxième chambre civile, cela revient à modifier sans l’accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé
    • Ainsi, aurait-il fallu conclure une nouvelle convention aux côtés de l’accord homologué

Cass. 2e civ. 18 mas 1992
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que la convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice ; qu'elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre les époux ;

Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce des époux X... sur leur requête conjointe, et homologué leur convention définitive ; que M. X... a fait assigner son ex-épouse pour faire juger qu'un immeuble ne figurant pas sur la convention constituait un bien propre et régulariser une déclaration de remploi ;

Attendu que pour débouter M. X... de cette demande et dire que le bien était commun, l'arrêt énonce que l'omission de toute mention de ce remploi et des biens acquis à l'aide de celui-ci dans la convention définitive de partage peut résulter d'une simple erreur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la convention définitive homologuée, qui ne faisait pas mention de l'immeuble litigieux dans l'actif commun, attribuait à Mme Y... une somme d'argent pour solde de tout compte de la communauté, la cour d'appel, en faisant entrer postérieurement cet immeuble dans la composition du patrimoine commun, a modifié, sans l'accord des parties, la convention définitive devenue irrévocable et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 octobre 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée

  • La position de la première chambre civile
    • Dans un arrêt du 3 juillet 1996 la première chambre civile a considéré quant à elle que, en cas d’omission d’un bien dépendant de la communauté conjugale dans l’état liquidatif du régime matrimonial des époux, joint à la convention définitive homologuée par le juge du divorce, la demande de partage complémentaire était recevable.
    • Pour la première chambre civile il n’y avait donc pas lieu de régulariser une nouvelle convention de divorce.
    • Cette solution a été réaffirmée dans un arrêt du 6 mars 2001 aux termes duquel, la Cour de cassation a affirmé, au visa de l’article 279 du Code civil que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué, à l’application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l’élaboration de la convention»

Cass. 1ère civ. 6 mars 2001
Attendu que les époux Y...-X... ont divorcé sur requête conjointe par jugement du 8 mars 1990, qui a homologué la convention définitive réglant les modalités de liquidation de leur communauté, comprenant notamment les actions des sociétés Y... SA et Y... boutique, évaluées à 110 000 000 francs ; qu'ayant appris ultérieurement que son ex mari avait vendu, pour la somme de 39 000 000 francs, au groupe Seibu department store, dont dépendent les sociétés Ilona gestion et Saison Nederland BV, des actions de la société JLS KK qui ne figuraient pas dans l'état liquidatif, Mme X... a demandé la condamnation de M. Y... à lui payer l'intégralité de la somme ainsi recelée ou, subsidiairement, la moitié de cette somme à titre de partage complémentaire, ainsi que sa condamnation solidaire avec les sociétés Seibu, Ilona et Saison au paiement de dommages-intérêts ; que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevables ces demandes ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Sur le cinquième moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis :

Vu l'article 279 du Code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l'état liquidatif homologué, à l'application éventuelle des sanctions du recel et au paiement de dommages-intérêts pour faute commise par son ex conjoint lors de l'élaboration de la convention ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes présentées de ces chefs par Mme X..., l'arrêt attaqué se borne à énoncer qu'elles remettraient en cause la convention définitive homologuée par le jugement de divorce ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée contre les sociétés Seibu department store, Ilona gestion et Saison Nederland BV, l'arrêt rendu le 10 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

  • Position actuelle
    • Bien que la deuxième chambre civile ne se soit pas prononcée récemment sur la question, la doctrine considère que c’est la position de la première chambre civile qui l’a emporté.
    • Sa solution a d’ailleurs été réitérée à de nombreuses reprises
    • Dans un arrêt du 22 février 2005, elle a une nouvelle fois jugé, dans les mêmes termes qu’en 2001, que « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ., 22 févr. 2005)
    • Dans un arrêt du 30 septembre 2009, la première chambre civile a adopté la même solution en reprenant le même attendu de principe : « si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu’une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l’état liquidatif homologué» ( 1ère civ. 30 sept. 2009)

Cass. 1ère civ. 30 sept. 2009
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 279 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 et l'article 887 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, ensemble les articles 1477, 1478 et 1485 du code civil ;

Attendu que si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué ;

Attendu qu'un jugement du 12 septembre 2000 a prononcé le divorce de M. X... et de Mme Y... sur leur requête conjointe et a homologué la convention définitive portant règlement des conséquences pécuniaires du divorce ; qu'aux termes de cette convention, signée en mai 2000, les époux se sont partagés le remboursement de différents prêts, sans tenir compte d'un acte notarié du 24 août 2000 par lequel ils avaient renégocié avec leur banque des "prêts consommations au CIN et chez Cofidis" ; que, reprochant à son ancienne épouse de ne pas avoir respecté ses engagements, M. X... l'a fait assigner le 28 octobre 2004 devant le tribunal de grande instance pour la voir condamner à lui rembourser les dettes communes mises à sa charge tant par la convention définitive homologuée que par la convention notariée du 24 août 2000, dont il s'était acquitté postérieurement au divorce ; que M. X... a en outre sollicité que soit ordonnée la vente aux enchères publiques d'un immeuble sis à Cernay, appartenant indivisément aux anciens époux, omis dans la convention définitive ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes et ordonner que les parties règlent le sort de la ou des dettes, ainsi que de l'immeuble commun, omis dans la convention définitive, par une nouvelle convention soumise au contrôle du juge et renvoyer à cette fin les parties devant le juge aux affaires familiales, l'arrêt attaqué énonce que si M. X... soutient et rapporte la preuve qu'une dette de communauté a été omise lors de l'établissement de la convention devant régler tous les effets du divorce et que le sort de l'immeuble de communauté, ainsi que les conséquences de son occupation par Mme Y..., postérieurement au prononcé du divorce, n'ont pas davantage été pris en considération dans la convention définitive, les demandes présentées par chacune des parties sont de nature à modifier considérablement l'économie de la convention définitive qui a été homologuée par le jugement du 12 septembre 2000 et nécessitent une nouvelle convention soumise au contrôle du juge ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 décembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

==> La révision de la prestation compensatoire

Bien que la convention de divorce soit intangible, l’article 279 du Code civil envisage la révision de la prestation compensatoire.

L’alinéa 3 de cette disposition prévoit que :

  • D’une part, les époux ont néanmoins la faculté de prévoir dans leur convention que chacun d’eux pourra, en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties, demander au juge de réviser la prestation compensatoire.
  • D’autre part, les dispositions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 275 ainsi qu’aux articles 276-3 et 276-4 sont également applicables, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère.

Dans le silence de la convention, le débiteur d’une prestation compensatoire peut solliciter sa révision dans les conditions fixées par la loi.

La révision de la prestation compensatoire suppose toutefois de distinguer selon qu’elle est versée sous forme de capital ou de rente.

  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • L’article 275 al. 2 du Code civil autorise le débiteur d’une prestation compensatoire à demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation.
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de capital la prestation compensatoire ne pourra donc faire l’objet d’une révision que dans ses modalités de paiement.
    • Son montant ne peut pas être revu à la baisse ou à la hausse.
    • Tout au plus, le débiteur peut obtenir un échelonnement du versement sur une durée totale supérieure à huit ans, mais ce à titre très exceptionnel.
    • Pour ce faire, deux conditions doivent être remplies
      • Il faut un changement important de la situation du débiteur
      • Le juge devra alors spécialement motiver sa décision.
  • La révision de la prestation compensatoire versée sous forme de capital
    • La règle est posée à l’article 276-3 du Code : « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties».
    • Lorsqu’elle est versée sous forme de rente, la prestation compensatoire peut également faire l’objet d’une révision
    • Cette révision peut se traduire de trois manières différentes :
      • Révision du montant de la rente
      • Suspension du versement de la rente
      • Suppression du versement de la rente
    • Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la prestation compensatoire versée sous forme de rente puisse être révisée
      • La révision ne peut être décidée par le juge que s’il constate un changement important de la situation du débiteur ou inversement de la situation du créancier.
      • L’article 276-3 se réfère, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources de son débiteur.
    • Par ailleurs, il est précisé à l’alinéa 2 de l’article 276-3 que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge».
    • Autrement dit, si révision de la rente il y a, elle ne pourra se faire qu’à la baisse ; jamais à la hausse.
    • Enfin, il est à noter que le débiteur de la prestation compensatoire versée sous forme de rente peut, à tout moment, demander sa substitution par le versement d’un capital
    • L’article 276-4 dispose que « le débiteur d’une prestation compensatoire sous forme de rente peut, à tout moment, saisir le juge d’une demande de substitution d’un capital à tout ou partie de la rente. La substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’Etat».

==> La révision des mesures prises à la faveur des enfants

L’article 373-2-13 du Code civil prévoit que les dispositions contenues dans la convention homologuée ou dans la convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ainsi que les décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d’un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

Il appartiendra alors au juge de statuer sur le sort des enfants selon les articles 373-2-6 et suivants du Code civil

==> La remise en cause de convention de divorce par les tiers

L’article 1104 du Code de procédure civile prévoit que les créanciers de l’un et de l’autre époux peuvent faire déclarer que la convention homologuée leur est inopposable en formant tierce opposition contre la décision d’homologation dans l’année qui suit l’accomplissement des formalités mentionnées à l’article 262 du code civil, soit l’inscription du divorce en marge de l’état civil des époux.

Dans un arrêt du 13 mai 2015, la Cour de cassation a précisé que, pour être recevables à former tierce opposition, il appartient aux tiers de démonter :

  • D’une part, l’existence d’une fraude des droits du créancier
  • D’autre part, l’existence d’une collusion entre les époux

Cass. 1ère civ. 13 mai 2015
Vu leur connexité, joint les pourvois n° D 14-10. 501 et D 14-10. 547 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 547 :

Vu les articles 583 et 1104 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement du 26 juin 2009 a prononcé le divorce par consentement mutuel des époux X...-B...et homologué leur convention en réglant les effets, ainsi que l'acte de liquidation partage de leur communauté établi le 29 avril 2009 ; que, le 24 juin 2010, Mme Y..., se prévalant d'une créance de dommages-intérêts contre M. X... à la suite d'une procédure pénale ayant, notamment, donné lieu à l'ouverture d'une information le 21 avril 1994 et à un jugement de condamnation du 29 avril 1999, a formé tierce opposition au jugement de divorce en ce qu'il a homologué la convention de partage ; que M. A..., agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Y...est intervenu à l'instance ;

Attendu que, pour déclarer inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention du 29 avril 2009, l'arrêt retient qu'il est manifeste que la liquidation de la communauté a été faite à l'insu de la créancière du mari et que la fraude résulte des circonstances rappelées qui ont présidé à la fixation des dommages-intérêts dus à celle-ci ;

Qu'en se bornant à se référer à la chronologie des décisions intervenues dans l'instance pénale à l'issue de laquelle M. X... a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à des dommages-intérêts, sans rechercher si, en concluant la convention homologuée par le juge du divorce, son épouse avait pu avoir conscience d'agir en fraude des droits du créancier de son mari et s'il y avait collusion des époux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° D 14-10. 501 :

Vu l'article 615 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en raison de l'indivisibilité du litige la décision attaquée doit être annulée au regard de Mme B... comme de M. X... , de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le moyen du pourvoi formé par celui-ci ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré inopposable à Mme Y...et à M. A..., ès qualités, la convention de liquidation partage de la communauté des époux X...-B...établie le 20 avril 2009 et homologuée par jugement du 26 juin 2009, l'arrêt rendu le 23 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;