La classification des obligations

Les obligations peuvent faire l’objet de trois classifications différentes :

  • La classification des obligations d’après leur source
  • La classification des obligations d’après leur nature
  • La classification des obligations d’après leur objet

Ayant déjà fait état des différentes sources obligations, nous ne nous focaliserons que sur leur nature et leur objet

I) La classification des obligations d’après leur nature

La classification des obligations d’après leur nature renvoie à la distinction entre l’obligation civile et l’obligation naturelle

A) Exposé de la distinction entre obligation civile et obligation naturelle

  • L’obligation civile
    • L’obligation civile est celle qui, en cas d’inexécution de la part du débiteur, est susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée
    • L’obligation civile est donc contraignante : son titulaire peut solliciter en justice, s’il prouve le bien-fondé de son droit, le concours de la force publique aux fins d’exécution de l’obligation dont il est créancier
  • L’obligation naturelle
    • L’obligation naturelle, à la différence de l’obligation civile, n’est pas susceptible de faire l’objet d’une exécution forcée.
    • Elle ne peut faire l’objet que d’une exécution volontaire
    • L’obligation naturelle n’est donc pas contraignante : son exécution repose sur la seule volonté du débiteur.
    • Ainsi, le créancier d’une obligation naturelle n’est-il pas fondé à introduire une action en justice pour en réclamer l’exécution

B) Fondement textuel de l’obligation naturelle

L’obligation naturelle est évoquée à l’ancien 1235, al. 2 du Code civil (nouvellement art. 1302 C. civ).

Cet article prévoit en ce sens que « tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition. La répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

C) Domaine d’application de l’obligation naturelle

L’obligation naturelle se rencontre dans deux hypothèses :

  • En présence d’une obligation civile imparfaite
    • L’obligation civile imparfaite est celle qui
      • Soit est nulle en raison de la défaillance d’une condition de validité de l’acte juridique dont elle émane
      • Soit est éteinte en raison de l’acquisition de prescription extinctive de la dette
    • Dans les deux cas, le débiteur est libéré de son obligation sans avoir eu besoin d’exécuter la prestation initialement promise
    • Le débiteur peut néanmoins se sentir tenu, moralement, de satisfaire son engagement pris envers le créancier : l’obligation civile qui « a dégénéré » se transforme alors en obligation naturelle
  • En présence d’un devoir moral
    • Il est des situations où l’engagement d’une personne envers une autre sera dicté par sa seule conscience, sans que la loi ou qu’un acte juridique ne l’y oblige
    • Le respect de principes moraux peut ainsi conduire
      • un mari à apporter une aide financière à son ex-épouse
      • une sœur à loger gratuitement son frère sans abri
      • un concubin à porter assistance à sa concubine
      • l’auteur d’un dommage qui ne remplit pas les conditions de la responsabilité civile à indemniser malgré tout la victime.
    • Dans toutes ces hypothèses, celui qui s’engage s’exécute en considération d’un devoir purement moral, de sorte que se crée une obligation naturelle

D) Transformation de l’obligation naturelle en obligation civile

La qualification d’obligation naturelle pour une obligation civile imparfaite ou un devoir moral, ne revêt pas un intérêt seulement théorique. Cela présente un intérêt très pratique.

La raison en est que l’obligation naturelle est susceptible de transformer en obligation civile

Il en résulte qu’elle pourra emprunter à l’obligation civile certains traits, voire donner lieu à l’exécution forcée

La transformation de l’obligation naturelle en obligation civile se produira dans deux cas distincts :

  • Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle
  • Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle

?Le débiteur a exécuté l’obligation naturelle

C’est l’hypothèse – la seule – visée à l’article 1302 C. civ (ancien art. 1235, al.2)

Pour mémoire cette disposition prévoit que « la répétition n’est pas admise à l’égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. »

Lorsque le débiteur a effectué un paiement à la faveur du créancier d’une obligation naturelle, la répétition de la somme versée est ainsi impossible.

?Le débiteur s’est engagé à exécuter l’obligation naturelle

Lorsque le débiteur d’une obligation naturelle promet d’assurer son exécution, cette obligation se transforme alors aussitôt en obligation civile.

La Cour de cassation justifie cette transformation en se fondant sur l’existence d’un engagement unilatérale de volonté.

Ainsi a-t-elle jugé dans un arrêt du 10 octobre 1995 que « la transformation improprement qualifiée novation d’une obligation naturelle en obligation civile, laquelle repose sur un engagement unilatéral d’exécuter l’obligation naturelle, n’exige pas qu’une obligation civile ait elle-même préexisté à celle-ci » (Cass. 1re civ. 10 oct. 1995, n°93-20.300).

Cela suppose, en conséquence, pour le créancier de rapporter la preuve de l’engagement volontaire du débiteur d’exécuter l’obligation naturelle qui lui échoit

E) Consécration légale de l’obligation naturelle

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, consacre, sans la nommer, l’obligation naturelle à l’article 1100 du Code civil.

Cette disposition, prise en son alinéa 2, prévoit que les obligations « peuvent naître de l’exécution volontaire ou de la promesse d’exécution d’un devoir de conscience envers autrui ».

II) Le classement des obligations d’après leur objet

Deux grandes distinctions peuvent être effectuées si l’on cherche à opérer une classification des obligations d’après leur objet :

  • Les obligations de donner, de faire et de ne pas faire
  • Les obligations de moyens et les obligations de résultat

A) Les obligations de donner, de faire et de ne pas faire

?Exposé de la distinction

  • L’obligation de donner
    • L’obligation de donner consiste pour le débiteur à transférer au créancier un droit réel dont il est titulaire
      • Exemple : dans un contrat de vente, le vendeur a l’obligation de transférer la propriété de la chose vendue
  • L’obligation de faire
    • L’obligation de faire consiste pour le débiteur à fournir une prestation, un service autre que le transfert d’un droit réel
      • Exemple : le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
  • L’obligation de ne pas faire
    • L’obligation de ne pas faire consiste pour le débiteur en une abstention. Il s’engage à s’abstenir d’une action.
      • Exemple : le débiteur d’une clause de non-concurrence souscrite à la faveur de son employeur ou du cessionnaire de son fonds de commerce, s’engage à ne pas exercer l’activité visée par ladite clause dans un temps et sur espace géographique déterminé

?Intérêt – révolu – de la distinction

Le principal intérêt de la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire résidait dans les modalités de l’exécution forcée de ces types d’obligations.

  • L’ancien article 1142 C. civ. prévoyait en effet que :
    • « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur. »
  • L’ancien article 1143 C. civ. prévoyait quant à lui que :
    • « Néanmoins, le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit ; et il peut se faire autoriser à le détruire aux dépens du débiteur, sans préjudice des dommages et intérêts s’il y a lieu. »
  • L’ancien article 1145 C. civ disposait enfin que :
    • « Si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention. »

Il ressortait de ces dispositions que les modalités de l’exécution forcée étaient différentes, selon que l’on était en présence d’une obligation de donner, de faire ou de ne pas faire :

  • S’agissant de l’obligation de donner, son exécution forcée se traduisait par une exécution forcée en nature
  • S’agissant de l’obligation de faire, son exécution forcée se traduisait par l’octroi de dommages et intérêt
  • S’agissant de l’obligation de ne pas faire, son exécution forcée se traduisait :
    • Soit par la destruction de ce qui ne devait pas être fait (art. 1143 C. civ)
    • Soit par l’octroi de dommages et intérêts (art. 1145 C. civ)

?Abandon de la distinction

L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a abandonné la distinction entre les obligations de donner, de faire et de ne pas faire, à tout le moins elle n’y fait plus référence.

Ainsi érige-t-elle désormais en principe, l’exécution forcée en nature, alors que, avant la réforme, cette modalité d’exécution n’était qu’une exception.

Le nouvel article 1221 C. civ prévoit en ce sens que « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier. »

L’exécution forcée en nature s’impose ainsi pour toutes les obligations, y compris en matière de promesse de vente ou de pacte de préférence.

Ce n’est que par exception, si l’exécution en nature n’est pas possible, que l’octroi de dommage et intérêt pourra être envisagé par le juge.

Qui plus est, le nouvel article 1222 du Code civil offre la possibilité au juge de permettre au créancier de faire exécuter la prestation due par un tiers ou de détruire ce qui a été fait :

  • « Après mise en demeure, le créancier peut aussi, dans un délai et à un coût raisonnables, faire exécuter lui-même l’obligation ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin.
  • « Il peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction. »

B) Les obligations de moyens et les obligations de résultat

?Exposé de la distinction

Demogue soutenait ainsi que la conciliation entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil tenait à la distinction entre les obligations de résultat et les obligations de moyens :

  • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé
    • Exemple : Dans le cadre d’un contrat de vente, pèse sur le vendeur une obligation de résultat : celle livrer la chose promise. L’obligation est également de résultat pour l’acheteur qui s’engage à payer le prix convenu.
    • Il suffira donc au créancier de démontrer que le résultat n’a pas été atteint pour établir un manquement contractuel, source de responsabilité pour le débiteur
  • L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
    • Exemple : le médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
    • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat

La distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat rappelle immédiatement la contradiction entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil.

  • En matière d’obligation de moyens
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Cette règle n’est autre que celle posée à l’ancien article 1137 du Code civil.
  • En matière d’obligation de résultat
    • Il est indifférent que le débiteur ait commis une faute, sa responsabilité pouvant être recherchée du seul fait de l’inexécution du contrat.
    • On retrouve ici la règle édictée à l’ancien article 1147 du Code civil.

La question qui alors se pose est de savoir comment déterminer si une obligation est de moyens ou de résultat.

?Critères de la distinction

En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.

Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :

  • La volonté des parties
    • La distinction entre obligation de résultat et de moyens repose sur l’intensité de l’engagement pris par le débiteur envers le créancier.
    • La qualification de l’obligation doit donc être appréhendée à la lumière des clauses du contrat et, le cas échéant, des prescriptions de la loi.
    • En cas de silence de contrat, le juge peut se reporter à la loi qui, parfois, détermine si l’obligation est de moyens ou de résultat.
    • En matière de mandat, par exemple, l’article 1991 du Code civil dispose que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
    • C’est donc une obligation de résultat qui pèse sur le mandataire.
  • Le contrôle de l’exécution
    • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
    • Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
    • En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
    • À l’inverse, le médecin, n’est pas tenu à une obligation de guérir (qui serait une obligation de résultat) mais de soigner (obligation de moyens).
    • La raison en est que le médecin n’a pas l’entière maîtrise de la prestation éminemment complexe qu’il fournit.
  • Rôle actif/passif du créancier
    • L’obligation est de moyens lorsque le créancier joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation qui échoit au débiteur
    • En revanche, l’obligation est plutôt de résultat, si le créancier n’intervient pas

?Mise en œuvre de la distinction

Le recours à la technique du faisceau d’indices a conduit la jurisprudence à ventiler les principales obligations selon qu’elles sont de moyens ou de résultat.

L’examen de la jurisprudence révèle néanmoins que cette dichotomie entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’est pas toujours aussi marquée.

Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Pour ces obligations on parle d’obligations de résultat atténué ou d’obligation de moyens renforcée : c’est selon. Trois variétés d’obligations doivent donc, en réalité, être distinguées.

  • Les obligations de résultat
    • Au nombre des obligations de résultat on compte notamment :
      • L’obligation de payer un prix, laquelle se retrouve dans la plupart des contrats (vente, louage d’ouvrage, bail etc.)
      • L’obligation de délivrer la chose en matière de contrat de vente
      • L’obligation de fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage
      • L’obligation de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt
      • L’obligation de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail
      • L’obligation d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport
      • L’obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes (V. en ce sens Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307).
  • Les obligations de résultat atténuées ou de moyens renforcées
    • Parfois la jurisprudence admet donc que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Pour ce faire, il devra renverser la présomption de responsabilité en démontrant qu’il a exécuté son obligation sans commettre de faute.
    • Tel est le cas pour :
      • L’obligation de conservation de la chose en matière de contrat de dépôt
      • L’obligation qui pèse sur le preneur en matière de louage d’immeuble qui, en application de l’article 1732 du Code civil, « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute ».
      • L’obligation de réparation qui échoit au garagiste et plus généralement à tout professionnel qui fournit une prestation de réparation de biens (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-18764).
      • L’obligation qui échoit sur le transporteur, en matière de transport maritime, qui « est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés » (art. L. 5421-4 du code des transports)
      • L’obligation de conseil que la jurisprudence appréhende parfois en matière de contrats informatiques comme une obligation de moyen renforcée.
  • Les obligations de moyens
    • À l’analyse les obligations de moyens sont surtout présentes, soit dans les contrats qui portent sur la fourniture de prestations intellectuelles, soit lorsque le résultat convenu entre les parties est soumis à un certain aléa
    • Aussi, au nombre des obligations de moyens figurent :
      • L’obligation qui pèse sur le médecin de soigner son patient, qui donc n’a nullement l’obligation de guérir (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-13.579).
        • Par exception, l’obligation qui échoit au médecin est de résultat lorsqu’il vend à son patient du matériel médical qui est légitimement en droit d’attendre que ce matériel fonctionne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°03-12.146).
        • Il en va de même s’agissant de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin, la preuve de l’exécution de cette obligation étant à sa charge et pouvant se faire par tous moyens.
      • L’obligation qui pèse sur la partie qui fournit une prestation intellectuelle, tel que l’expert, l’avocat (réserve faite de la rédaction des actes), l’enseignant,
      • L’obligation qui pèse sur le mandataire qui, en application de l’article 1992 du Code civil « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. »
      • L’obligation de surveillance qui pèse sur les structures qui accueillent des enfants ou des majeurs protégés (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 mars 1997, n°95-12.891).

?Sort de la distinction après la réforme du droit des obligations

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 révèle que la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’a pas été reprise par le législateur, à tout le moins formellement.

Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?

Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles 1147 et 1137.

Pour s’en convaincre il suffit de les comparer :

  • S’agissant des articles 1231-1 et 1147
    • L’ancien article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • Le nouvel article 1231-1 prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.»
  • S’agissant des articles 1197 et 1137
    • L’ancien article 1137 prévoyait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables ».
    • Le nouvel article 1197 prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable. »

Une analyse rapide de ces dispositions révèle que, au fond, la contradiction qui existait entre les anciens articles 1137 et 1147 a survécu à la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 21 avril 2018, de sorte qu’il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation ne manquera pas de se saisir de ce constat pour confirmer la jurisprudence antérieure.

 

  1. François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit civil : les obligations, Dalloz, 2009, coll. « Précis », n°54, p. 64 ?

De la distinction entre les servitudes apparentes et les servitudes non-apparentes

==> Présentation de la distinction

L’article 689 distingue selon que les servitudes sont apparentes ou non apparentes.

  • Les servitudes apparentes
    • Ce sont celles qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu’une porte, une fenêtre, un aqueduc.
    • Autrement dit, pour être qualifiée d’apparente une servitude doit exprimer des signes extérieurs leur permettant d’être vues.
    • Elle doit, autrement dit, être suffisamment visible pour être connues du propriétaire du fonds servant.
    • Au vrai, l’apparence d’une servitude dépend des circonstances que le juge devra analyser en cas de contentieux.
    • Une voie d’accès conduisant à un fonds enclavé peut tout aussi bien être balisée, tout autant qu’elle peut ne faire l’objet d’aucun aménagement
  • Les servitudes non apparentes
    • Ce sont celles qui n’ont pas de signe extérieur de leur existence, comme, par exemple, la prohibition de bâtir sur un fonds, ou de ne bâtir qu’à une hauteur déterminée.
    • La servitude non apparente est ainsi celle qui est tellement discrète ou cachée qu’elle ne se révèle pas ostensiblement au propriétaire du fonds servant.
    • Il peut s’agir, par exemple, de canalisations enfouies sous un fonds

==> Intérêt de la distinction

À l’instar des servitudes continues et discontinues, le principal intérêt de la distinction entre les servitudes continues et discontinues résident dans leur établissement et dans leur extinction.

  • D’une part, seules les servitudes apparentes peuvent s’acquérir par le jeu de la prescription acquisitive, soit par la possession
  • D’autre part, seules les servitudes apparentes ne s’éteignent pas par le non-usage
  • Enfin, la destination du père de famille vaut titre pour les servitudes apparentes

De la distinction entre les servitudes continues et les servitudes discontinues

==> Présentation de la distinction

L’article 688 du Code civil distingue selon que les servitudes sont continues ou discontinues.

  • Les servitudes continues
    • Ce sont celles dont l’usage est ou peut être continuel sans avoir besoin du fait actuel de l’homme : tels sont les conduites d’eau, les égouts, les vues et autres de cette espèce.
    • Il s’agit, autrement dit, des servitudes dont l’exercice ne suppose pas une action du propriétaire du fonds dominant
    • Il n’est pas nécessaire que l’utilité de cette servitude soit permanente ; elle peut seulement être intermittente, tel que l’écoulement des eaux.
  • Les servitudes discontinues
    • Notion
      • Ce sont celles qui ont besoin du fait actuel de l’homme pour être exercées: tels sont les droits de passage, puisage, pacage et autres semblables.
      • Leur usage n’est continuel ni en actes, ni en puissance et le caractère d’apparence qu’elles pourraient avoir n’en changerait point la nature, pas plus que l’existence d’un ouvrage permanent, dès lors que l’exercice de la servitude ne se conçoit pas sans l’action de l’homme.
      • Il s’agit donc des servitudes dont l’exercice requiert nécessairement l’action humaine
      • Ce critère a priori très simple n’est pas sans avoir soulever des difficultés de mise en œuvre.
    • Incidence de la mécanisation
      • Certaines servitudes qui, depuis le développement de la mécanisation, ne requièrent plus d’action humaine, à tout le moins pour leur exercice.
      • Est-ce à dire que parce que cet exercice peut désormais être assuré mécaniquement elles ne constituent plus des servitudes discontinues ?
      • Dans un arrêt du 19 mai 2004, la Cour de cassation a refusé que l’évolution des techniques puisse avoir une incidence sur la nature de la servitude ( 3e civ. 19 mai 2004, n°03-12451).
      • Dans cet arrêt la Cour de cassation a jugé « qu’une servitude est discontinue lorsqu’elle ne peut s’exercer qu’avec une intervention renouvelée de l’homme et qu’elle reste telle quand bien même elle serait rendue artificiellement permanente au moyen d’un outillage approprié dès lors que cet outillage ne peut fonctionner que sous le contrôle de l’homme».
      • Pour la troisième chambre civile, il est donc indifférent que la servitude soit exercée mécaniquement, ce qui importe c’est que la mise en place du dispositif technique suppose une intervention humaine.

Cass. 3e civ. 19 mai 2004
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 janvier 2003), que Mlle X..., a assigné les époux Y... en revendication d'une servitude de puisage et d'un droit de passage pour l'exercer ;

Attendu que Mlle X... fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / qu'une servitude n'est discontinue que lorsque c'est dans le fait même de l'homme que réside son exercice ; que, lorsqu'elle s'exerce au moyen d'ouvrages permanents aménagés à cet effet, encore que l'usage n'en soit qu'intermittent et comporte pour sa suspension ou sa reprise l'intervention de l'homme, elle est continue ; que les juges du fond, qui ont constaté l'existence d'un ouvrage permanent aménagé pour cet exercice et constitué par une crépine et une canalisation partant du puits et aboutissant dans la maison de Mlle X... à une installation de pompage, ont violé les articles 688 et 691 du Code civil, par leur décision qui déboute Mlle X... de sa demande aux fins de voir juger qu'elle bénéficiait d'un droit de puisage sur la propriété des époux Y... ;

2 / que l'existence d'ouvrages permanents pour l'exercice d'une servitude de passage confère à celle-ci le caractère d'une servitude continue et, partant, d'une possession utile à titre de propriétaire pour l'acquisition de l'ouvrage par prescription trentenaire ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article 2229 du Code civil ;

Mais attendu qu'une servitude est discontinue lorsqu'elle ne peut s'exercer qu'avec une intervention renouvelée de l'homme et qu'elle reste telle quand bien même elle serait rendue artificiellement permanente au moyen d'un outillage approprié dès lors que cet outillage ne peut fonctionner que sous le contrôle de l'homme ; que la cour d'appel, qui a constaté que la servitude de puisage revendiquée ne reposait sur aucun titre afférent au fonds servant, en a justement déduit que Mlle X... devait être déboutée de sa demande ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Les servitudes polyformes
    • Il est des servitudes qui sont susceptibles d’endosser les deux qualifications selon les circonstances.
    • Il en va ainsi de la servitude d’égout qui, alors même qu’elle est envisagée par l’article 688, al. 1er du Code civil comme une servitude continue a été qualifiée par la Cour de cassation de servitude discontinue dans un arrêt du 8 décembre 2004.
    • Dans cette décision, la troisième chambre civile a considéré « qu’une servitude d’égout d’eaux usées, dont l’exercice exige le fait de l’homme et ne peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription» ( 3e civ. 8 déc. 2004, n°03-17225).
    • Bien que la solution retenue ici puisse surprendre, elle se justifie pourtant pleinement.
    • Alors que la servitude d’écoulement des eaux pluviales est continue, la servitude d’écoulement des eaux usées est discontinue, parce que son exercice ne se conçoit pas sans l’intervention renouvelée de l’homme.
    • En effet, s’agissant des eaux pluviales, soit celles qui proviennent du toit de l’immeuble voisin, leur origine est purement naturelle puisque l’homme n’y est pour rien.
    • Leur écoulement ne peut donc donner lieu qu’à l’établissement d’une servitude continue.
    • S’agissant, en revanche des eaux usées, elles sont collectées au moyen de canalisations qui ont été construites par la main de l’homme.
    • Aussi, l’aménagement de leur écoulement relève bien des servitudes discontinues, la Cour de cassation refusant de faire dépendre leur qualification de la technique. D’où la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt du 8 décembre 2004.

Cass. 3e civ. 8 déc. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 décembre 2002), que les époux X..., propriétaires d'une parcelle n° 28 en bordure de laquelle M. Y... revendique, pour sa parcelle n° 26, une servitude de passage "à talons" et, sur la même assiette, une servitude de tout-à-l'égout, l'ont assigné pour qu'il soit dit que ces servitudes exercées sur leur fonds étaient éteintes par prescription ;

Sur le moyen, relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu les articles 688 et 691 du Code civil ;

Attendu que les servitudes discontinues sont celles qui ont besoin du fait actuel de l'homme pour être exercées et que les servitudes discontinues ne peuvent s'établir que par titres ;

Attendu que, pour dire que la parcelle de M. Y... bénéficie d'une servitude d'égout sur la parcelle des époux X..., l'arrêt retient, par motifs adoptés, que les servitudes apparentes sont celles qui s'annoncent par des ouvrages extérieurs, tels qu'une porte, une fenêtre, un aqueduc ; qu'une installation d'égout d'eaux usées sur un fonds étranger correspond donc en fait à une servitude continue et apparente, et que les servitudes continues apparentes s'acquièrent par titre ou par possession trentenaire ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'une servitude d'égout d'eaux usées, dont l'exercice exige le fait de l'homme et ne peut se perpétuer sans son intervention renouvelée, a un caractère discontinu ne permettant pas son acquisition par prescription, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la parcelle n° 26, propriété de M. Y..., bénéficie d'une servitude d'égout sur la parcelle n° 28, propriété des époux X..., l'arrêt rendu le 12 décembre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

==> Intérêt de la distinction

Le principal intérêt de la distinction entre les servitudes continues et discontinues résident dans leur établissement et dans leur extinction.

  • D’une part, seules les servitudes continues peuvent s’acquérir par le jeu de la prescription acquisitive, soit par la possession
  • D’autre part, seules les servitudes continues ne s’éteignent pas par le non-usage
  • Enfin, la destination du père de famille vaut titre pour les servitudes continues

De la distinction entre les servitudes naturelles, les servitudes légales, les servitudes du fait de l’homme et les servitudes judiciaires

L’article 639 du Code civil distingue trois modes de constitution des servitudes :

==> Les servitudes qui dérivent de la situation naturelle des lieux

Ces servitudes se justifient par la configuration des fonds qui les rend nécessairement. Elles intéressent l’écoulement des eaux ainsi que le bornage et la clôture des fonds.

  • L’écoulement des eaux
    • L’article 640 du Code civil dispose en ce sens que « les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l’homme y ait contribué. »
    • Cette servitude d’écoulement des eaux emporte deux conséquences :
      • D’une part, le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
      • D’autre part, le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur
    • Autre servitude relative à l’écoulement des eaux, l’article 644 prévoit que « celui dont la propriété borde une eau courante, autre que celle qui est déclarée dépendance du domaine public par l’article 538 au titre ” De la distinction des biens “, peut s’en servir à son passage pour l’irrigation de ses propriétés. »
    • Le texte précise alors que « celui dont cette eau traverse l’héritage peut même en user dans l’intervalle qu’elle y parcourt, mais à la charge de la rendre, à la sortie de ses fonds, à son cours ordinaire.»
  • Le bornage et la clôture des fonds
    • Au nombre des servitudes naturelles, figurent celles relatives au bornage et à la clôture
      • Sur le bornage
        • L’article 647 du Code civil prévoit que « tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs. »
      • Sur la clôture
        • L’article 647 prévoit que tout propriétaire peut clore son héritage, sauf à ce que l’installation de cette clôture empêche le propriétaire d’un fonds enclavé à y accéder dans les conditions fixées à l’article 682.

==> Les servitudes établies par la loi

Les servitudes établies par la loi sont envisagées aux articles 649 et suivant du Code civil.

L’article 649 les introduit en disposant que « les servitudes établies par la loi ont pour objet l’utilité publique ou communale, ou l’utilité des particuliers. »

Surtout, ainsi que l’indique l’article 651, la singularité des servitudes légales est que « la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l’un à l’égard de l’autre, indépendamment de toute convention. »

Au nombre de ces servitudes légales figurent celles qui intéressent :

  • La mitoyenneté
  • La distance et des ouvrages intermédiaires requis pour certaines constructions
  • Les vues sur la propriété de son voisin
  • L’égout des toits

Les servitudes légales sont ainsi diverses et variées.

==> Les servitudes établies par le fait de l’homme

L’article 686 du Code civil dispose que « il est permis aux propriétaires d’établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n’aient d’ailleurs rien de contraire à l’ordre public. »

Il ressort de cette disposition que la constitution d’une servitude ne procède pas nécessairement de la loi ; elle peut résulter de la volonté des propriétaires de fonds, pourvu que la servitude soit imposée, non pas à une personne, mais à un fonds par un autre fonds.

À l’examen, les servitudes du fait de l’homme peuvent être établies de trois manières différentes :

  • Soit par convention
  • Soit par testament
  • Soit par le jeu de la prescription acquisitive
  • Soit par « destination du père de famille»

==> Les servitudes établies par le juge

Ces servitudes sont issues du décret du 4 décembre 1958 relatif à la création de « servitudes de cours communes ».

Les règles qui encadrent la création de ces servitudes ont été codifiées aux articles 471-1 et suivants du Code de l’urbanisme.

À cet égard, l’article 471-1 prévoit que « lorsqu’en application des dispositions d’urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites “de cours communes”, peuvent, à défaut d’accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret. »

Les servitudes de cour commune ont donc pour finalité de maintenir une certaine distance entre les constructions.

Plus précisément, il s’agit d’interdire aux propriétaires de fonds voisins de construire au-delà d’une certaine hauteur

Si, dès lors, le propriétaire du fonds grevé venait à édifier un bâtiment, ou une construction d’une hauteur au-delà de celle imposée, cette construction serait irrégulière et sa démolition pourrait être exigée.

Usufruit: le droit de percevoir les fruits

L’usufruit ne confère pas seulement à l’usufruitier le droit de faire usage de la chose, il lui confère également le droit d’en jouir.

Par jouissance de la chose, il faut entendre le pouvoir de percevoir les revenus que le bien lui procure.

Pour l’usufruitier d’un immeuble, il s’agira de percevoir les loyers réglés par son locataire. Pour l’épargnant, il s’agira de percevoir les intérêts produits par les fonds placés sur un livret. Pour l’exploitant agricole, il s’agira de récolter le blé, le maïs ou encore le sésame qu’il a cultivé.

L’article 582 du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier a le droit de jouir de toute espèce de fruits, soit naturels, soit industriels, soit civils, que peut produire l’objet dont il a l’usufruit. »

Immédiatement, il convient alors de préciser ce que l’on doit entendre par « fruits », lesquels doivent être distingués des « produits. »

I) Distinction en les fruits et les produits

L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné à bail des loyers et une carrière des pierres.

La question qui a lors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du droit de propriété.

  • Exposé de la distinction
    • Les fruits
      • Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit périodiquement sans altération de sa substance.
      • Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation d’une usine.
      • Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
        • Les fruits naturels
          • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
          • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
          • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
        • Les fruits industriels
          • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
          • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
          • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
        • Les fruits civils
          • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
          • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
          • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
          • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
        • Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit donc remplir deux critères :
          • La périodicité (plus ou moins régulière)
          • La conservation de la substance de la chose dont ils dérivent.
        • Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du capital que le fruit se distingue du produit».
    • Les produits
      • Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans périodicité, mais dont la création en altère la substance
      • Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine
      • Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé»[2].
      • Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette perception est périodique ou isolée.
      • Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on sera en présence de produits.
      • Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la substance.
      • Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour devenir des fruits.
  • Intérêt de la distinction
    • La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le plan juridique.
    • En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du capital, appartiennent au nu-propriétaire.

Manifestement, la qualification de fruit ou de produit du revenu généré par la chose est d’importance, car elle détermine qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier en bénéficiera.

Si, en principe, cette qualification est prédéterminée par la nature de la chose, il est des cas où elle dépend de la volonté du propriétaire qui selon l’exploitation qu’il en fait pourra en retirer, tantôt des fruits, tantôt des produits.

Illustration est faite de cette possibilité dans le code civil qui distingue selon que sont présents sur un fonds soumis à usufruit des arbres de haute futaie des forêts ou des bois taillis.

  • S’agissant des bois taillis
    • Il s’agit des arbres qui ont vocation à être coupés à échéance périodique avant qu’ils n’atteignent leur pleine maturité pour qu’ils se développent à nouveau à partir de leur souche
    • Cette périodicité de la coupe des bois taillis leur confère la qualité de fruit : ils reviennent donc au seul usufruitier
    • À cet égard, l’article 590, al.1er du Code civil précise « si l’usufruit comprend des bois taillis, l’usufruitier est tenu d’observer l’ordre et la quotité des coupes, conformément à l’aménagement ou à l’usage constant des propriétaires ; sans indemnité toutefois en faveur de l’usufruitier ou de ses héritiers, pour les coupes ordinaires, soit de taillis, soit de baliveaux, soit de futaie, qu’il n’aurait pas faites pendant sa jouissance»
    • L’alinéa 2 ajoute que l’usufruitier doit se conformer aux usages des lieux pour le remplacement
  • S’agissant des arbres de haute futaie des forêts
    • Principe
      • Contrairement aux bois taillis, les arbres de haute futaie des forêts sont ceux qui sont laissés en place pour qu’ils atteignent leur pleine maturité
      • Ils n’ont donc pas vocation à être coupés à échéance périodique ce qui fait d’eux des produits
      • Aussi reviennent-ils au nu-propriétaire et non à l’usufruitier qui ne peut y toucher.
      • Tout au plus l’article 592 du Code civil autorise l’usufruitier à « employer, pour faire les réparations dont il est tenu, les arbres arrachés ou brisés par accident ; il peut même, pour cet objet, en faire abattre s’il est nécessaire, mais à la charge d’en faire constater la nécessité avec le propriétaire. »
    • Exception
      • L’article 591 du Code civil envisage un cas où les arbres de haute futaie peuvent être qualifiés de fruits : lorsqu’ils sont aménagés et plus précisément lorsqu’ils sont soumis à une coupe réglée.
      • Dans cette hypothèse, ils reviennent à l’usufruitier et non au nu-propriétaire
      • Le texte prévoit en ce sens que « l’usufruitier profite encore […] des parties de bois de haute futaie qui ont été mises en coupes réglées, soit que ces coupes se fassent périodiquement sur une certaine étendue de terrain, soit qu’elles se fassent d’une certaine quantité d’arbres pris indistinctement sur toute la surface du domaine. »
      • Cette prérogative conférée à l’usufruitier est toutefois subordonnée au respect par lui de l’exigence de se conformer « aux époques et à l’usage des anciens propriétaires».
      • Dans le prolongement de cette faculté consenti à titre dérogatoire à l’usufruitier sur les arbres de haute futaie, l’article 593 du Code civil prévoit que « il peut prendre, dans les bois, des échalas pour les vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou périodiques ; le tout suivant l’usage du pays ou la coutume des propriétaires».

Enfin, l’article 594 du Code civil envisage le sort des arbres fruitiers présents sur le fonds soumis à l’usufruit.

Le texte prévoit que « les arbres fruitiers qui meurent, ceux mêmes qui sont arrachés ou brisés par accident, appartiennent à l’usufruitier, à la charge de les remplacer par d’autres. »

II) L’acquisition des fruits

==> Le moment d’acquisition des fruits

L’article 604 du Code civil dispose que « le retard de donner caution ne prive pas l’usufruitier des fruits auxquels il peut avoir droit ; ils lui sont dus du moment où l’usufruit a été ouvert. »

Il ressort de cette disposition que l’usufruitier peut percevoir les fruits produits par la chose à compter du moment où son droit est ouvert.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment s’opère cette ouverture du droit de l’usufruitier ?

À l’examen, il convient de distinguer selon que l’usufruit est d’origine légale, conventionnelle, testamentaire ou judiciaire.

  • L’usufruit d’origine légale
    • Dans cette hypothèse, pour déterminer la date d’ouverture du droit de l’usufruitier de percevoir les fruits, il convient de se reporter au point de départ fixé par la loi.
    • Ainsi, le droit du conjoint survivant qui est susceptible d’opter en présence d’enfants communs pour l’usufruit de la totalité des biens du de cujus s’ouvre à compter du décès de ce dernier
    • S’agissant du droit de jouissance légal des parents sur les biens de leur enfant il naît à compter du jour de l’acquisition du bien
  • L’usufruit conventionnel
    • Dans cette hypothèse, c’est la volonté des parties qui détermine le point de départ de l’usufruit.
    • À défaut, le droit de l’usufruitier est réputé être ouvert à compter du jour de la conclusion du contrat, soit de la régularisation de l’acte.
  • L’usufruit judiciaire
    • Dans cette hypothèse, c’est le juge qui, en octroyant à une partie, un droit d’usufruit, fixera son point de départ.
    • Lorsque, par exemple, l’usufruit sera constitué dans le cadre de l’octroi d’une prestation compensatoire, le droit du bénéficiaire prendra le plus souvent effet au jour de prononcé du jugement
  • L’usufruit testamentaire
    • Dans cette hypothèse, il convient de distinguer selon que l’usufruit est consenti à un légataire universel ou à un légataire à titre particulier.
      • L’usufruit consenti à un légataire universel ou à titre universel
        • Pour rappel, le légataire universel est celui qui se voit léguer l’universalité des biens du testateur, soit l’ensemble de son patrimoine ( 1003 C. civ.)
        • Quant au légataire à titre universel il s’agit de la personne qui recueille une quote-part des biens dont la loi permet au testateur de disposer, telle qu’une moitié, un tiers, ou tous ses immeubles, ou tout son mobilier, ou une quotité fixe de tous ses immeubles ou de tout son mobilier ( 1010 C. civ.).
        • À l’examen, la jurisprudence ne distingue pas selon que l’usufruitier est légataire universel ou légataire à titre universel
        • Dans les deux cas, les juridictions font application de l’article 1005 du Code civil.
        • En application de cette disposition le légataire universel aura la jouissance des biens compris dans le testament, à compter du jour du décès, si la demande en délivrance a été faite dans l’année, depuis cette époque
        • À défaut, précise le texte, cette jouissance ne commencera que du jour de la demande formée en justice, ou du jour que la délivrance aurait été volontairement consentie.
        • Dans un arrêt du 6 décembre 2005 la cour de cassation est venue préciser que « le conjoint survivant, investi de la saisine sur l’universalité de l’hérédité, a, dès le jour du décès et quelle que soit l’étendue de la vocation conférée par le legs qui lui a été consenti, la jouissance de tous les biens composant la succession, laquelle est exclusive de toute indemnité d’occupation» ( 6 déc. 2005, n°03-10211).
        • Il ressort de cette disposition que lorsque l’usufruitier cumule les qualités de légataire universel ou à titre universel et d’héritier son droit s’ouvre, en tout état de cause, au jour du décès du de cujus.
      • L’usufruit consenti à un légataire à titre particulier
        • Tout d’abord, le légataire à titre particulier est celui qui se voit léguer par le testateur un ou plusieurs biens individualisés
        • Dans cette hypothèse pour déterminer la date d’ouverture du droit de l’usufruitier à percevoir les fruits, il convient de se reporter à l’article 1014, al. 2e du Code civil.
        • Cette disposition prévoit que « le légataire particulier ne pourra se mettre en possession de la chose léguée, ni en prétendre les fruits ou intérêts, qu’à compter du jour de sa demande en délivrance, formée suivant l’ordre établi par l’article 1011, ou du jour auquel cette délivrance lui aurait été volontairement consentie. »
        • Il en résulte que le légataire à titre universel devra attendre la délivrance de la chose par les héritiers saisis pour percevoir les fruits.

==> Les modes d’acquisition des fruits

Les règles qui régissent l’acquisition des fruits diffèrent selon qu’il s’agit de fruits naturels, de fruits industriels ou encore de fruits civils.

  • Les fruits naturels
    • L’article 583, al. 1er du Code civil prévoit que « les fruits naturels sont ceux qui sont le produit spontané de la terre. Le produit et le croît des animaux sont aussi des fruits naturels. »
    • Il s’agit autrement dit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
    • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
    • S’agissant de leur perception, elle procède de leur séparation du sol.
    • Ainsi, l’article 585, al. 1er du Code civil prévoit que les fruits naturels pendants par branches ou par racines au moment où l’usufruit est ouvert, appartiennent à l’usufruitier.
    • Encore faut-il néanmoins que l’usufruitier se donne la peine de les récolter.
    • L’alinéa 2e de l’article 585 précise, en effet, que les fruits « qui sont dans le même état au moment où finit l’usufruit appartiennent au propriétaire, sans récompense de part ni d’autre des labours et des semences, mais aussi sans préjudice de la portion des fruits qui pourrait être acquise au métayer, s’il en existait un au commencement ou à la cessation de l’usufruit. »
    • Ainsi les fruits qui n’auraient pas été perçus par l’usufruitier lorsque l’usufruit vient à expirer deviennent la propriété du propriétaire, ce, quand bien même le coût de la cultivation a été entièrement supporté par l’usufruitier.
    • Ce dernier ne peut réclamer ni la restitution du produit de la vente, ni indemnisation
  • Les fruits industriels
    • L’article 583, al. 2e prévoit que « les fruits industriels d’un fonds sont ceux qu’on obtient par la culture. »
    • Il s’agit donc des fruits dont la production procède directement du travail de l’homme.
    • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
    • À l’instar des fruits naturels, les fruits industriels s’acquièrent par la perception, soit par leur séparation de la chose productrice ( 585 C. civ.)
  • Les fruits civils
    • L’article 584 al. 1er prévoit que « les fruits civils sont les loyers des maisons, les intérêts des sommes exigibles, les arrérages des rentes. »
    • L’alinéa 2 précise que « les prix des baux à ferme sont aussi rangés dans la classe des fruits civils. »
    • Il s’agit donc des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
    • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
    • S’agissant de leur perception, l’article 586 du Code civil prévoit que « les fruits civils sont réputés s’acquérir jour par jour et appartiennent à l’usufruitier à proportion de la durée de son usufruit. Cette règle s’applique aux prix des baux à ferme comme aux loyers des maisons et autres fruits civils. »
    • Il ressort de cette disposition que les fruits civils sont répartis, pour les années d’ouverture et d’expiration du droit d’usufruit entre l’usufruitier et le nu-propriétaire au prorata temporis.
    • Peu importe donc la date de la perception ; ce qui importe c’est la prise d’effet et d’extinction du droit.
    • Le calcul s’opérera sur la base d’une année de 365 jours, étant précisé que, l’usufruitier a droit aux fruits civils proportionnellement à la durée réelle de sa jouissance.
    • Pour exemple, si l’usufruit expire au 1er juillet, l’usufruitier percevra la moitié des loyers annuels et le nu-propriétaire l’autre moitié.
    • Si, en revanche, l’usufruit expire au 4 mars, l’usufruitier percevra les loyers dus pour les mois de janvier et février auxquels s’ajoutera le montant du loyer correspondant à 4 jours de jouissance.

De la distinction entre les fruits et les produits de la chose

L’une des exploitations d’un bien peut consister à tirer profit de la création, à partir de celui-ci, d’un nouveau bien. Ainsi, un arbre procure-t-il des fruits, un immeuble donné à bail des loyers et une carrière de pierres.

La question qui alors se pose est de savoir si tous ces nouveaux biens créés dont tire profit le propriétaire sont appréhendés par le droit de la même manière.

La réponse est non, en raison d’une différence physique qu’il y a lieu de relever entre les différents revenus qu’un bien est susceptible de procurer à son propriétaire.

En effet, il est des cas où la création de biens dérivés supposera de porter atteinte à la substance du bien originaire (extraction de pierre d’une carrière), tandis que dans d’autres cas la substance de ce bien ne sera nullement altérée par la production d’un nouveau bien.

Ce constat a conduit à distinguer les fruits que procure la chose au propriétaire des produits, l’intérêt de la distinction étant réel, notamment en cas de démembrement du droit de propriété.

==> Exposé de la distinction

  • Les fruits
    • Les fruits correspondent à tout ce que la chose produit périodiquement sans altération de sa substance.
    • Tel est le cas des loyers produits par un immeuble loué, des fruits d’un arbre ou encore des bénéfices commerciaux tirés de l’exploitation d’une usine.
    • Classiquement, on distingue trois catégories de fruits :
      • Les fruits naturels
        • Il s’agit des fruits produits par la chose spontanément sans le travail de l’homme
        • Exemple : les champignons des prés, les fruits des arbres sauvages
      • Les fruits industriels
        • Il s’agit des fruits que l’on obtient par la culture, soit dont la production procède du travail de l’homme
        • Exemple: les récoltes sur champs, les coupes de bois taillis, bénéfices réalisés par une entreprise
      • Les fruits civils
        • Il s’agit des revenus périodiques en argent dus par les tiers auxquels la jouissance de la chose a été concédée
        • Exemple: les loyers d’un immeuble donné à bail ou encore les intérêts d’une somme argent prêtée
    • Pour être un fruit, le bien créé à partir d’un bien originaire, il doit donc remplir deux critères : la périodicité (plus ou moins régulière) et la conservation de la substance de la chose dont ils dérivent.
    • Ainsi que l’exprimait le Doyen Carbonnier, « c’est parce qu’il [le fruit] revient périodiquement et qu’il ne diminue pas la substance du capital que le fruit se distingue du produit».
  • Les produits
    • Les produits correspondent à tout ce qui provient de la chose sans périodicité, mais dont la création en altère la substance
    • Tel est le cas des pierres et du minerai que l’on extrait d’une carrière ou d’une mine
    • Ainsi que l’ont fait remarquer des auteurs « quand on perçoit des fruits, on perçoit seulement des revenus, tandis que quand on perçoit les produits d’une chose, on perçoit une fraction du capital, qui se trouve ainsi entamé»[1].
    • Lorsque la perception des revenus tirés de la chose ne procédera pas d’une altération de sa substance, il conviendra de déterminer si cette perception est périodique ou isolée.
    • Tandis que dans le premier, il s’agira de fruits, dans le second, on sera en présence de produits.
    • Ainsi, s’agissant d’une carrière exploitée sans discontinuité, les pierres extraites seront regardées comme des fruits et non comme des produits, la périodicité de la production couvrant l’altération de la substance.
    • Il en va de même pour une forêt qui aurait été aménagée en couples réglées : les arbres abattus quittent leur état de produits pour devenir des fruits.

==> Intérêt de la distinction

La distinction entre les fruits et les produits n’est pas sans intérêt sur le plan juridique.

En effet, alors que les fruits reviennent à celui qui a la jouissance de la chose, soit l’usufruitier, les produits, en ce qu’ils sont une composante du capital, appartiennent au nu-propriétaire.

La possession: vue générale

Ainsi que l’écrivait le Doyen Carbonnier « les biens n’ont de sens que par rapport à l’homme »[1]. Autrement dit, le droit n’a pas vocation à appréhender les choses en tant que telles, soit indépendamment de l’utilité qu’elles procurent à l’homme ; il les envisage, bien au contraire, dans leur rapport exclusif avec lui.

Plus précisément, c’est l’appropriation dont les choses sont susceptibles de faire l’objet qui intéresse le droit.

Si cette appropriation s’exprime toujours par l’exercice par l’homme d’un pouvoir sur la chose, ce pouvoir peut être de deux ordres :

  • D’une part, il peut s’agir d’un pouvoir de fait : on parle alors de possession de la chose
  • D’autre part, il peut s’agir d’un pouvoir de droit : on parle alors de propriété de la chose

==> Distinction entre la possession et la propriété

Possession et propriété peuvent, en quelque sorte, être regardés comme les deux faces d’une même pièce.

  • La possession : un pouvoir de fait sur la chose
    • La possession est le pouvoir physique exercé sur une chose, de sorte qu’elle confère au possesseur une emprise matérielle sur elle.
    • À cet égard, pour le Doyen Cornu « le possesseur a la maîtrise effective de la chose possédée. Il la détient matériellement. Elle est entre ses mains. En sa puissance».
    • Ainsi, la possession est un fait, par opposition à la propriété qui est le droit, ce qui a conduit le Doyen Carbonnier à dire de la possession qu’elle est l’ombre de la propriété.
    • La possession n’est, toutefois, pas n’importe quel fait : elle est un fait juridique, soit un agissement auquel la loi attache des effets de droit.
    • Et la situation juridique ainsi créée est protégée en elle-même.
  • La propriété : un pouvoir de droit sur la chose
    • À la différence de la possession qui relève du fait, la propriété est le pouvoir de droit exercé sur une chose.
    • Par pouvoir de droit, il faut entendre la faculté pour le propriétaire d’user, de jouir et de disposer de la chose.
    • Ainsi, la propriété confère une plénitude de pouvoirs sur la chose, lesquels pouvoirs s’incarnent dans ce que l’on appelle le droit réel (« réel » vient du latin « res» : la chose).
    • Ce droit réel dont est titulaire le propriétaire est le plus complet de tous.
    • La raison en est que la propriété, en ce qu’elle procure au propriétaire l’ensemble des utilités de la chose, fonde la souveraineté qu’il exerce sur elle à l’exclusion de toute autre personne.
    • À la différence de la possession qui est susceptible, à tout instant, d’être remise en cause par le véritable propriétaire de la chose, la propriété confère au à son titulaire un droit – réel – dont il ne peut être privé par personne, sauf à faire l’objet d’une procédure d’expropriation, laquelle procédure est strictement encadrée par l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

La plupart du temps, la propriété coïncide avec la possession, de sorte que le propriétaire qui est titulaire d’un droit réel sur la chose, exerce également sur elle une emprise physique.

Réciproquement, l’immense majorité des possesseurs exercent un pouvoir de fait sur la chose qui est corroboré par un titre, si bien que le fait est couvert par le droit.

Il est néanmoins des cas où la possession ne correspond pas à la propriété : il y a celui qui  exerce un pouvoir de fait sur la chose que tout le monde croit être le propriétaire et il y a celui qui est titulaire d’un titre de propriété mais qui n’a pas la maîtrise physique de la chose.

Cette situation, qui est de nature à troubler la paix sociale, doit être réglée. Pour ce faire, le droit part du postulat que, en général, le possesseur se confond avec le propriétaire, raison pour laquelle il fait produire des effets juridiques à la situation de fait qu’est la possession.

Tantôt les effets attachés à la possession permettront de rapporter la preuve du droit, tantôt ils opéreront acquisition du droit.

Dans les deux cas, la possession confère au possesseur une protection lui permettant de faire échec à une action en revendication exercée par le propriétaire de la chose. Encore faut-il néanmoins que cette possession soit caractérisée.

==> Théories de la possession

Deux théories s’opposent sur la possession :

  • La théorie subjective
    • Cette théorie a été développée, en 1803, par Savigny pour qui la possession se caractérise avant tout par l’état d’esprit du possesseur (animus), soit par sa volonté de se comporter comme le véritable propriétaire de la chose.
    • Pour cet auteur c’est cet élément psychologique, l’animo domini (l’esprit du maître), qui confère à celui qui exerce une emprise physique sur la chose la qualité de possesseur.
  • La théorie objective
    • Cette théorie a été pensée en 1865 par Jhering pour qui, l’état d’esprit est indifférent : ce qui importe c’est l’emprise matérielle exercée sur la chose (corpus).
    • Aussi, pour cet auteur la maîtrise physique de la chose suffit à établir la possession et donc à octroyer à celui qui détient le pouvoir de fait la protection possessoire
    • À cet égard, pour Jhering, cette protection possessoire emporte présomption de propriété, ce qui a pour conséquence de dispenser celui qui exerce son emprise sur la chose de prouver qu’elle est corroborée par un titre

À l’examen, le droit français a envisagé la possession en combinant ses deux théories : la qualité de possesseur tient tout autant à l’état d’esprit de celui qui se présente comme le propriétaire de la chose, qu’à l’emprise physique qu’il exerce sur la chose.

 

[1] J. Carbonnier, Droit civil – Les biens, éd. PUF, 2004, n°729, p.1636.

De la distinction entre les meubles et les immeubles

À défaut de définir la notion de bien, le Code civil en a dressé une classification. À cet égard, l’article 516 prévoit que « tous les biens sont meubles ou immeubles. » Il s’agit là de la summa divisio des biens, soit de leur classification fondamentale.

Il en résulte qu’il n’existe pas de bien qui ne soit ni meubles, ni immeuble : tous les biens relèvent de l’une de ces deux catégories.

Cette distinction entre les meubles et les immeubles est héritée, aussi loin que l’on puisse remonter, du droit romain où elle est demeurée au stade de l’esquisse, puis de l’Ancien Droit où elle a été conceptualisée en raison du contraste très fort existant, durant cette période, entre les immeubles, biens de grande valeur, et les meubles considérés comme des choses viles ainsi que le suggère l’adage « res mobilis, res vilis ».

Cette dichotomie a été reprise par les rédacteurs du Code civil qui se sont appuyés sur deux critères pour établir la distinction entre les meubles et les immeubles :

  • Un critère physique : la fixité ou non du bien
  • Un critère économique : la valeur du bien

La place privilégiée accordée aux immeubles par le Code napoléonien s’est traduite par le grand nombre de dispositions qui leur sont consacrées, raison pour laquelle d’aucuns estiment que « le droit des biens dans le Code civil est avant tout un droit de l’immeuble »[1].

Reste que si, en 1804, les meubles étaient regardés comme une catégorie résiduelle de biens, ils ont acquis depuis une importance considérable, en raison, notamment, des multiples émissions de titres effectuées par les sociétés commerciales et les collectivités publiques, du succès remporté par les produits manufacturés (véhicules automobiles, appareils électro-ménagers…) et de l’augmentation, tant du nombre des fonds de commerce que des éléments incorporels attachés à ceux-ci ( clientèle et achalandage, droit au bail, nom commercial, droits de propriété industrielle).

Est-ce à dire que, aujourd’hui la distinction entre les meubles et les immeubles n’a plus lieu d’être ? Sans doute pas, dans la mesure où de l’application de nombreuses règles dépend toujours de la nature du bien sur lequel elles portent.

I) Intérêts de la distinction

L’intérêt de la distinction entre les meubles et les immeubles tient à deux choses :

A) Leur différence de nature physique

Parce que les immeubles sont fixes et attachés au sol, ils constituent une portion du territoire sur lequel s’exerce la souveraineté de l’État.

Celui-ci peut donc plus facilement exercer son contrôle sur les immeubles, que sur les meubles. Les meubles sont, en effet, mobiles en ce sens qu’ils peuvent se transporter d’un lieu à un autre.

Cette différence de nature physique qui oppose les meubles aux immeubles a pour conséquence de les assujettir à des règles différentes dans plusieurs cas :

==> En matière de publicité

En raison de leur fixité et de leur ancrage dans le sol les immeubles peuvent aisément être cadastrés et recensés par l’administration.

Aussi, est-il prévu, en cas de modification de la situation juridique de l’immeuble (aliénation ou constitution de droits réels), l’accomplissement de formalités de publicité.

Ces formalités visent à enregistrer la modification opérée dans un fichier immobilier dans lequel sont répertoriés, sous le nom de chaque propriétaire, et par immeuble, des extraits des documents publiés.

Parce que les meubles sont, par nature, mobiles, et, par voie de conséquence, peuvent être facilement déplacés et donc soustraits au contrôle de l’État, l’instauration d’un système de publicité est difficilement envisageable pour eux, sinon inadapté.

Seuls les meubles qui peuvent être rattachés à un lieu déterminer peuvent faire l’objet de formalités de publicité. Il en va notamment ainsi des navires ou des aéronefs.

Au bilan, il apparaît que les règles de publicité sont différentes selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un immeuble.

==> En matière de possession

Classiquement, la possession se définit comme le pouvoir de fait exercé par une personne sur une chose.

Comme l’écrivait le Doyen Cornu, « le possesseur a la maîtrise effective de la chose possédée. Il la détient matériellement. Elle est entre ses mains. En sa puissance ».

Si les conditions requises pour établir la possession d’un bien sont les mêmes quelle que soit la nature de ce bien, les effets de la possession diffèrent, selon qu’il s’agit d’un meuble ou d’un immeuble.

En effet, la possession, lorsqu’elle est utile au sens de l’article 2229 du Code civil, produit un effet acquisitif du bien sur lequel elle porte.

Cet effet acquisitif varie néanmoins selon que l’on se trouve en présence d’un bien meuble ou d’un bien immeuble.

  • La possession des meubles
    • L’article 2276 du Code civil dispose que « en fait de meubles, la possession vaut titre».
    • Il ressort de cette disposition que, lorsque le possesseur d’un meuble est de bonne foi, la possession lui permet d’en acquérir immédiatement la propriété.
  • La possession des immeubles
    • À la différence des meubles dont l’acquisition est immédiate lorsque le possesseur est de bonne foi, les immeubles ne peuvent être acquis au moyen de la possession, que par usucapion, soit par l’écoulement d’un délai de prescription.
    • Lorsque le possesseur est de bonne foi et qu’il justifie d’un juste titre (acte juridique translatif de propriété ou constitutif d’un droit réel), ce délai de prescription est de 10 ans ( 2272, al. 2 C. civ.).
    • Lorsque, en revanche, le possesseur est de mauvaise foi, le délai de prescription est de 30 ans ( 2272, al. 1er C. civ.).

==> En matière de sûretés

Selon que le bien est un meuble où un immeuble les sûretés dont il est susceptible de faire l’objet sont différentes :

  • Les sûretés portant sur les immeubles
    • L’article 2373 du Code civil prévoit que les sûretés sur les immeubles sont les privilèges, le gage immobilier et les hypothèques, ainsi que la fiducie.
      • Les privilèges immobiliers
        • Énumérés à l’article 2374 du Code civil ils sont définis comme « un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. »
        • Les privilèges immobiliers spéciaux confèrent ainsi à leurs titulaires les mêmes prérogatives que l’hypothèque : le droit de préférence et le droit de suite.
        • Comme les hypothèques ils doivent être inscrits pour pouvoir être opposés aux tiers.
        • Toutefois la formalité d’inscription intervenant dans un délai légal permet à leurs titulaires d’obtenir un rang de faveur.
      • Le gage immobilier
        • L’article 2387 du Code civil définit le gage immobilier, antérieurement dénommé antichrèse, comme « l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation ; il emporte dépossession de celui qui le constitue. »
        • Contrat réel, il ne se réalise donc que par le dessaisissement du débiteur, la remise de la chose.
        • À cet égard, l’article 2390 autorise le créancier, sans qu’il en perde la possession, à donner l’immeuble à bail, soit à un tiers, soit au débiteur lui-même, étant précisé que ce denier ne peut réclamer la restitution de l’immeuble avant l’entier acquittement de sa dette.
      • L’hypothèque
        • Elle est définie à l’article 2393 du Code civil comme « un droit réel sur les immeubles affectés à l’acquittement d’une obligation.»
        • Sûreté réelle immobilière, l’hypothèque constituée sans dépossession du débiteur, qui porte sur un ou plusieurs biens déterminés appartenant au débiteur ou à un tiers.
        • En vertu de l’article 2395 du code civil, son principe résulte, soit de la loi, soit de la convention, soit d’une décision de justice.
        • Le créancier qui a procédé à l’inscription hypothécaire est investi d’un droit réel accessoire garantissant sa créance.
        • Il a la faculté de faire vendre l’immeuble grevé, en quelque main qu’il se trouve et d’être payé par préférence sur le prix.
      • La fiducie-sûreté
        • Instituée par la loi n° 2007-211 du 19 février 2007 elle est définie à l’article 2011 du Code civil comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires. »
        • L’article 2488-1 précise que la propriété d’un bien immobilier peut être cédée à titre de garantie d’une obligation en vertu d’un contrat de fiducie conclu en application des articles 2011 à 2030.
        • À cet égard, la fiducie, qui repose sur la conclusion d’un contrat synallagmatique, comporte deux grandes obligations :
          • Tout d’abord, le constituant doit transférer le droit de propriété qu’il détient sur un bien à son cocontractant, le fiduciaire
          • Ensuite, le fiduciaire s’engage réciproquement, d’une part, à gérer ledit bien et, d’autre part, à le restituer, soit au fiduciant, soit à un autre bénéficiaire préalablement désigné par lui, à une échéance précisée (date ou événement, tel qu’un décès, un défaut ou un appel à garantie).
  • Les sûretés portant sur les meubles
    • L’article 2329 du Code civil prévoit que les sûretés sur les meubles sont les privilèges mobiliers, le gage de meubles corporels, le nantissement de meubles incorporels et la propriété retenue ou cédée à titre de garantie.
      • Les privilèges mobiliers
        • Le privilège mobilier correspond au droit réel attribué à un créancier d’être payé par préférence à d’autres sur le prix de vente d’un bien meuble du débiteur.
        • Au sens strict, il s’agit d’une sûreté accordée par la loi à certains créanciers en raison de la qualité de leur créance.
        • Les privilèges sur certains meubles (objets corporels, droit de créance) sont énumérés à l’article 2332 du code civil, mais il en existe d’autres prévus par des lois spéciales.
        • Le créancier, qui bénéficie d’un privilège spécial mobilier, a un droit de préférence sur le bien grevé du privilège ; mais il conserve sur les autres biens du patrimoine du débiteur, le droit dit de «gage général» de l’article 2285 du code civil, ce qui lui permet de venir sur le prix de ces biens en concours avec les autres créanciers.
        • Certains privilèges spéciaux, fondés sur l’idée du gage exprès ou tacite (privilège du créancier gagiste, de l’aubergiste, du bailleur d’immeuble, etc.) sont assortis, selon le cas, d’une ou plusieurs prérogatives particulières (droit de suite, droit de rétention, droit de revendication).
      • Le gage de meubles corporels
        • L’article 2333 du Code civil définit le gage comme « une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. »
        • Depuis la réforme intervenue en 2006, le gage n’est plus un contrat réel dont la validité suppose la remise de la chose.
        • Il nécessite désormais l’établissement d’un écrit contenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature.
        • L’opposabilité du gage aux tiers est subordonnée soit à sa publicité, soit à la remise de la chose entre les mains du créancier ou d’un tiers convenu ( 2337 C. civ.).
        • Le gage sans dépossession est ainsi consacré, ce qui implique la mise en place d’un système de publicité.
      • Le nantissement de meubles incorporels
        • Défini à l’article 2355 du Code civil, « le nantissement est l’affectation, en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs.»
        • Le nantissement est soit conventionnel soit judiciaire
        • Les règles relatives à l’opposabilité du nantissement sont fixées aux articles 2361 et 2362 : le nantissement devient opposable aux tiers à la date de l’acte.
        • Cette opposabilité aux tiers n’est donc plus subordonnée à la notification préalable de l’acte au débiteur de la créance nantie.
        • En revanche, pour être opposable à ce dernier, le nantissement doit lui être notifié.
        • En cas de défaillance du constituant, le créancier peut opter pour l’attribution de la créance, soit par voie judiciaire, soit par la voie de la convention (pacte commissoire) ou encore attendre l’échéance de la créance donnée en nantissement (article 2365).
      • La clause de réserve de propriété
        • L’article 2367 du Code civil prévoit que la propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie.
        • S’agissant de la validité de la clause, l’article 2368 précise que la réserve de propriété doit être « convenue par écrit ».
        • La clause de réserve de propriété conserve cependant un statut particulier dans l’éventail des sûretés puisqu’à la différence du gage, il n’est pas prévu de publicité la concernant pour informer les tiers.
      • La fiducie-sûreté
        • L’article 2372-1 du Code civil prévoit que « la propriété d’un bien mobilier ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation en vertu d’un contrat de fiducie conclu en application des articles 2011 à 2030. ».
        • La fiducie-sûreté peut ainsi porter sur des biens meubles.
        • Pour rappel, la fiducie, qui repose sur la conclusion d’un contrat synallagmatique, comporte deux grandes obligations :
          • Tout d’abord, le constituant doit transférer le droit de propriété qu’il détient sur un bien à son cocontractant, le fiduciaire
          • Ensuite, le fiduciaire s’engage réciproquement, d’une part, à gérer ledit bien et, d’autre part, à le restituer, soit au fiduciant, soit à un autre bénéficiaire préalablement désigné par lui, à une échéance précisée (date ou événement, tel qu’un décès, un défaut ou un appel à garantie).

B) Leur différence de valeur économique

Parce que les meubles ont bien souvent plus de valeur que les meubles, le législateur a estimé qu’il convenait de conférer à leur propriétaire une plus grande protection.

Cette protection se traduit par l’admission de la lésion en matière de vente d’immeuble et par l’instauration d’une procédure complexe s’agissant de la saisie immobilière.

==> La vente d’immeuble

L’article 1674 du Code civil dispose que « si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente, quand même il aurait expressément renoncé dans le contrat à la faculté de demander cette rescision, et qu’il aurait déclaré donner la plus-value. »

Il ressort de cette disposition que la rescision pour lésion est admise en matière de vente immeuble, ce qui n’est pas le cas pour la vente de meubles.

Pour rappel, la lésion est définie comme le préjudice subi par l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait d’un déséquilibre existant entre les prestations.

En principe, conformément à l’article 1168 du Code civil, l’existence d’un déséquilibre lésionnaire au moment de la formation du contrat n’affecte pas sa validité.

Le législateur a toutefois posé une exception pour la vente d’immeuble, considérant que le préjudice susceptible d’être subi par le propriétaire était bien trop grand.

Pour les meubles, la reconnaissance de la lésion serait de nature à faire obstacle à leur circulation. Or la valeur du meuble tient souvent à sa capacité de circuler.

==> La saisie immobilière

La saisie immobilière est définie comme la mesure d’exécution qui tend à la vente forcée de l’immeuble d’un débiteur, en vue de la distribution de son prix ( art. L. 311-1 CPCE).

Cette procédure, ouverte à l’initiative de l’un des créanciers, qu’il dispose ou non d’une garantie inscrite sur l’immeuble, se déroule en deux temps :

  • L’accomplissement des formalités de saisie et les actes préparatoires à la vente, d’une part
  • la phase judiciaire d’autre part.

Le poursuivant (créancier saisissant) est obligatoirement représenté par un avocat pour le suivi de la procédure devant le juge de l’exécution.

La mission de cet auxiliaire de justice présente des aspects spécifiques liés à la matière de la saisie immobilière et à ses règles procédurales.

Aussi, est-ce là une grande différence avec les saisies mobilières dont la mise en œuvre procède d’une procédure bien moins complexe.

Les procédures de saisies mobilières ne comportent, en effet, aucune phase judiciaire. Tout au plus, le Juge de l’exécution sera amené à connaître des contestations, à supposer qu’il y en ait.

La procédure de saisie-vente, par exemple, comporte une étape préalable obligatoire consistant en la notification d’une mise en demeure de payer valant commandement de payer, et deux phases distinctes que sont la saisie proprement dite et la vente des biens saisis.

La saisie immobilière, quant à elle, est une procédure qui présente un caractère judiciaire. Les dispositions du code civil ont, en effet, instauré une première audience obligatoire, dite d’orientation, devant le juge de l’exécution.

Son objet principal est de permettre au juge de l’exécution de vérifier les conditions de la saisie et de fixer les modalités de la vente.

II) Contenu de la distinction

Il apparaît que c’est essentiellement un critère physique, fondé sur la nature des choses, qui préside à la distinction entre les meubles et les immeubles.

A) Les immeubles

L’article 517 du Code civil dispose que « les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent. »

Ainsi existe-t-il trois catégories d’immeubles dont il ressort, à l’analyse, que l’immeuble se caractérise par sa fixité, en ce sens qu’il ne peut pas être déplacé contrairement aux meubles qui se caractérisent par leur mobilité.

  1. Les immeubles par nature

L’article 518 du Code civil dispose que « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature. »

La catégorie des immeubles par nature, qui repose sur le critère physique, comprend donc le sol et tout ce qui est fixé au sol :

  • Le sol: par sol il faut entendre le fonds de terre, ce qui comprend, tant la surface du sol, que le sous-sol
  • Tout ce qui est fixé au sol: il s’agit de :
    • D’une part, toutes les constructions qui sont édifiées sur le sol ou dans le sous-sol (bâtiments, canalisations, les piliers ou poteaux fixés par du béton, ponts, barrage etc.)
    • D’autre part, tous les végétaux (arbres, plantes, fleurs etc), avec cette précision que s’ils sont détachés du sol ils deviennent des meubles (art 520 C. civ.)

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’il est indifférence que la chose soit fixée au sol à titre provisoire ou définitif. En tout état de cause, dès lors qu’elle adhère au sol elle est constitutive d’un immeuble par nature.

2. Les immeubles par destination

À la différence des immeubles par nature qui sont déterminés par un critère physique, les immeubles par destination reposent sur la volonté du propriétaire.

Il s’agit, plus précisément, de biens qui, par nature, sont des meubles, mais qui sont qualifiés fictivement d’immeubles en raison du lien étroit qui les unit à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire.

Tel est le cas, par exemple, du bétail affecté à un fonds agricole et qui donc, par le jeu d’une fiction juridique, est qualifié d’immeuble par destination.

L’objectif recherché ici est de lier le sort juridique de deux biens dont les utilités qu’ils procurent sont interdépendantes.

Par la création de ce lien, il sera, dès lors, beaucoup plus difficile de les séparer ce qui pourrait être fortement préjudiciable pour leur propriétaire.

Ainsi, des biens affectés au service d’un fonds, devenus immeubles, ne pourront pas faire l’objet d’une saisie par un tiers indépendamment du fonds lui-même.

a) Conditions de l’immobilisation par destination

L’immobilisation par destination d’un bien est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, les deux biens doivent appartenir au même propriétaire
  • D’autre part, le meuble doit être affecté au service de l’immeuble

==> Sur l’appartenance du meuble et de l’immeuble au même propriétaire

Pour que l’immobilisation par destination d’un meuble puisse s’opérer, il est nécessaire qu’il appartienne au même propriétaire de l’immeuble.

L’opération repose, en effet, sur la volonté du propriétaire d’affecter un bien au service d’un autre de ses biens. L’immobilisation par destination ne peut donc se concevoir que si les deux biens relèvent du même patrimoine.

Il en résulte dans l’hypothèse où le locataire d’un immeuble, affecte un meuble au service de cet immeuble, l’immobilisation par destination ne sera pas possible.

==> Sur l’affectation d’un meuble au service d’un immeuble

Pour que l’immobilisation du meuble puisse s’opérer, il doit exister un rapport de destination entre ce meuble et l’immeuble.

Plus précisément, il est exigé que le meuble affecté au service de l’immeuble soit indispensable à son exploitation, de sorte que la seule volonté du propriétaire, si elle est nécessaire, ne suffit pas à réaliser l’immobilisation par destination.

À cet égard, il ressort de l’article 524 du Code civil que le lien de destination qui existe entre un meuble et un immeuble peut être soit matériel, soit économique, de sorte qu’il convient de distinguer deux sortes d’immobilisation d’un meuble par destination.

  • L’affectation d’un bien au service d’un fonds
    • Le bien est ici affecté à l’exploitation économique du fonds, de sorte que le meuble et l’immeuble entretiennent un rapport de destination objectif entre eux.
    • Le meuble est, en effet, utile à l’immeuble auquel il est affecté.
    • Il en résulte qu’il n’est pas besoin qu’existe un lien matériel entre les deux biens, soit que le meuble soit incorporé ou fixé physiquement à l’immeuble.
    • Ce qui importe, et c’est là une condition qui a été posée par la jurisprudence qui ne ressort pas d’une lecture littérale du Code, c’est que le bien qui fait l’objet d’une affectation soit indispensable à l’exploitation du fonds (V. en ce sens Req. 31 juill. 1879, DP 1880. 1. 273, S. 1880. 1. 409, note C. Lyon-Caen).
    • Par indispensable, il faut comprendre que si le bien n’était pas affecté au service de l’exploitation du fonds, sa valeur s’en trouverait diminuée.
    • À cet égard, l’article 524 du Code civil établit une liste de meubles qui sont présumés être indispensables à l’exploitation de l’immeuble.
    • Il s’infère de cette liste, dont le contenu est pour le moins désuet que peuvent être qualifiés d’immeubles par destination
      • Les biens affectés à un fonds agricole, tels que :
        • Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture ( 522 C. civ.) ainsi que ceux que le propriétaire d’un fonds y a placés aux mêmes fins (art. 524, al. 2 C. civ.), y compris les ruches à miel (art. 524, al. 6 C. civ.)
        • Les outils et le matériel agricole et autres ustensiles aratoires, pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ( 524, al. 4 et 7 C. civ.)
        • Les semences données aux fermiers ou métayers ( 524, al. 5 C. civ.) ou encore les pailles et engrais (art. 524, al. 9 C. civ.)
      • Les biens affectés à une exploitation industrielle
        • L’article 524 du Code civil prévoit que « sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds […] les ustensiles nécessaires à l’exploitation des forges, papeteries et autres usines».
        • Il ressort de cette disposition que sont ici visés tous les biens susceptibles d’être affectées à l’exploitation d’une activité industrielle, soit plus précisément à des immeubles au sein desquels sont fabriqués des produits et des marchandises.
      • Les biens affectés à une exploitation commerciale
        • La liste établi par l’article 524 du Code civil n’est pas exhaustive de sorte d’autres cas sont susceptibles d’être envisagés.
        • Il en va notamment ainsi de l’affectation d’un bien au service d’un fonds à des fins commerciales
        • Les outils ou les machines affectées à l’exploitation d’un fonds de commerce peuvent ainsi être qualifiés d’immeubles par destination.
        • Peuvent également être qualifiés d’immeubles par destination les meubles garnissant un hôtel ou un restaurant.
  • L’attache à perpétuelle demeure d’un bien à un fonds
    • Le lien qui existe ici entre le bien immobilisé et l’immeuble n’est pas de nature économique, en ce sens qu’il est indifférent que le bien soit utile ou indispensable à l’exploitation du fonds.
    • Ce qui est déterminant ici c’est l’existence d’un lien matériel (une attache) entre le meuble et l’immeuble qui exprime la volonté du propriétaire de créer un rapport de destination.
    • Dans un arrêt du 18 octobre 1950, la Cour de cassation a précisé que l’attache doit se manifester par « des faits matétiels d’adhérence et durable» ( civ., 18 oct. 195)
    • Quant au Code civil, il précise à l’article 525 les différentes modalités d’attache qui présument l’intention du propriétaire d’affecter un bien à un fonds
    • Cette disposition prévoit en ce sens que le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand :
      • Soit ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment
      • Soit lorsqu’ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés
      • Soit quand il s’agit de glaces, de tableaux ou d’ornements fixées dans un appartement lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie.
      • Soit quand il s’agit de statues, lorsqu’elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.
    • Au bilan, l’attache à perpétuelle demeure se déduit de la nature du lien matériel qui existe entre le bien affecté et l’immeuble.
    • La question qui est alors susceptible de se poser est de savoir à quel niveau se situe la frontière entre les biens attachés à perpétuelle demeure et les immeubles par nature.
    • Deux différences sont classiquement relevées par la doctrine
      • Première différence : l’attache à perpétuelle demeure consiste un en lien moins intense que le rapport d’incorporation
        • Tandis que les biens immobilisés par nature sont indissociablement liés, les biens immobilisés par destination conservent leur individualité propre
      • Seconde différence: l’immobilisation par destination procède de la volonté du propriétaire des deux biens
        • Lorsque le bien est immobilisé par nature, la cause de cette immobilisation est indifférente : il importe peu que les propriétaires du bien immobilisé et de l’immeuble soient des personnes différentes
        • Tel n’est pas le cas pour les immeubles par destination qui, pour être qualifiés ainsi, doivent relever du même patrimoine que celui dans lequel figure le fonds au service duquel ils sont affectés.

b) Cessation de l’immobilisation par destination

S’il peut être mis fin à l’immobilisation d’un bien par destination, cette opération est subordonnée à l’observation de deux conditions cumulatives.

  • Première condition : la volonté du propriétaire
    • La cessation de l’immobilisation par destination doit être voulue par le propriétaire
    • Il en résulte qu’elle ne peut pas être subie dans le cadre, par exemple, d’une saisie ou encore consécutivement à l’action d’un tiers
  • Seconde condition : l’accomplissement d’un acte
    • Si la volonté du propriétaire est nécessaire à la cessation de l’immobilisation d’un bien par destination, elle n’est pas nécessaire.
    • La jurisprudence exige, en effet, que cette volonté se traduise :
      • Soit par l’accomplissement d’un acte matériel qui consistera à séparer le meuble immobilisé de l’immeuble
      • Soit par l’accomplissement d’un acte juridique qui consistera en l’aliénation séparée des deux biens (V. en ce sens 1ère civ. 11 janv. 2005).

3. Les immeubles par l’objet

L’article 526 du Code civil prévoit que sont immeubles, par l’objet auquel ils s’appliquent:

  • L’usufruit des choses immobilières ;
  • Les servitudes ou services fonciers ;
  • Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.

Le point commun entre ces trois catégories est qu’elles recouvrent toutes des biens incorporels. Plus précisément, il s’agit de biens envisagés comme des droits, lesquels droits portent sur des immeubles.

Le législateur a ainsi considéré que lorsqu’un droit a pour objet un immeuble, il endosse également, par contamination, le statut d’immeuble. On parle alors de droit réel immobilier.

À cet égard, l’article 526 du Code civil étend la catégorie des immeubles par l’objet aux actions de justice qui sont relatives aux immeubles.

À l’examen, au nombre des biens immobiliers par l’objet figurent :

  • Les droits réels immobiliers principaux
    • Les droits réels immobiliers principaux comprennent notamment :
      • L’usufruit immobilier
      • Les servitudes ou services fonciers
      • Le droit d’usage et d’habitation
      • L’emphytéose
      • Le bail à construction, à réhabilitation ou réel immobilier
  • Les droits réels immobiliers accessoires
    • Les droits réels immobiliers accessoires comprennent notamment :
      • L’hypothèque
      • Le gage immobilier
      • Les privilèges immobiliers
  • Les actions réelles immobilières
    • L’article 526 du Code civil que sont des immeubles par l’objet « les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.»
    • Le périmètre envisagé par cette disposition est ici trop restreint.
    • En effet, doivent plus généralement être qualifiées d’immobilières toutes les actions en justice qui visent à exercer un droit réel immobilier principal ou accessoire.
    • Tel est le cas de l’action confessoire d’usufruit ou de servitude ou bien de l’action hypothécaire.

B) Les meubles

L’article 527 du Code civil dispose que « les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. »

À la différence des immeubles, il n’existe donc pas de meubles par destination, ce qui n’est pas sans simplifier leur classification.

Reste que la jurisprudence a consacré une troisième catégorie de meubles, aux côtés des meubles par nature et par détermination de la loi : les meubles par anticipation.

  1. Les meubles par leur nature

L’article 528 du Code civil prévoit que « sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre. »

Ainsi les biens meubles par nature ne sont autres que les choses qui sont mobiles et qui, donc ne sont ni fixées, ni incorporées au sol.

Tout ce qui donc n’est pas attaché au sol, est un bien meuble. Le code civil inclut notamment dans cette catégorie qui embrasse une grande variété de choses :

  • Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison ( 531 C. civ.)
  • Les matériaux provenant de la démolition d’un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau jusqu’à ce qu’ils soient employés par l’ouvrier dans une construction ( 532 C. civ.)
  • Les meubles meublants qui comprennent :
    • Les biens destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature.
    • Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.
    • Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d’un appartement sont comprises sous la dénomination de “meubles meublants”.
  • Les meubles immatriculés, tels que les aéronefs ou les navires. L’immatriculation de ces biens leur confère un statut particulier qui les rapproche des immeubles, notamment s’agissant des actes de disposition dont ils sont susceptibles de faire l’objet.

2. Les meubles par anticipation

La catégorie des meubles par anticipation est pure création jurisprudentielle. Cette catégorie comprend tous les biens qui sont des immeubles par nature, mais qui, dans un futur proche, ont vocation à être détachés du sol (V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 juill. 1968).

Par anticipation, ils peuvent ainsi d’ores et déjà être qualifiés de biens meubles. Tel est le cas notamment des récoltes vendues sur pied, des coupes de bois avant abattage ou encore des matériaux à provenir de la démolition d’une maison.

Tout dépend de la volonté des parties qui déterminent, à l’avance, le statut que le bien aura à l’avenir.

L’intérêt d’anticiper la qualification de biens initialement immobiliers est de dispenser le propriétaire, s’il souhaite vendre, d’accomplir toutes les formalités exigées en matière de vente d’immeuble.

La vente d’un immeuble ne peut, en effet, être réalisée qu’au moyen d’un acte authentique. Elle doit encore faire l’objet de formalités de publicité.

Parce que le régime juridique attaché à la vente des immeubles est particulièrement lourd, la jurisprudence a considéré que certains biens pouvaient ne pas y être assujettis ; d’où la création de la catégorie des meubles par anticipation.

3. Les meubles par détermination de la loi

L’article 529 du Code civil prévoit que sont meubles par la détermination de la loi :

  • Les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers,
  • Les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies.
  • Les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l’État, soit sur des particuliers.

Le point commun partagé entre tous ces biens qui, sous l’effet de la loi, endossent le statut de meuble est qu’ils sont tous dépourvus de matérialité.

Il s’agit, en effet, de choses incorporelles qui donc, par hypothèse, sont insusceptible de répondre au critère physique qui caractérise les meubles : la mobilité.

Aussi, est-il classiquement admis que la catégorie des biens meubles par détermination recouvre tout ce qui n’est pas immeuble, par nature, par destination ou par objet.

Cette catégorie est donc très large puisqu’elle regroupe :

  • Les valeurs mobilières
  • Les droits personnels
  • Les droits réels mobiliers principaux et accessoires (usufruit, droit d’usage, sûretés mobilières etc.)
  • Les actions relatives à l’exercice des droits personnels et réels mobiliers
  • Les choses incorporelles tels que la clientèle, les œuvres de l’esprit, les marques, les brevets,
  • Tous les droits exercés sur les choses incorporelles
  • Les actions relatives à l’exercice des droits portant sur des choses incorporelles

[1] C. Grimaldi, Droit des biens, LGDJ, 2e éd. 2019, n°95, p. 125.

Conditions de mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle: le fait générateur

Cinquième et dernière sanction susceptible d’être encourue par la partie qui a manqué à ses obligations contractuelles : la condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Cette sanction prévue par l’article 1217 du Code civil présente la particularité de pouvoir être cumulée avec les autres sanctions énoncées par le texte. Anciennement traitée aux articles 1146 à 1155 du Code civil, elle est désormais envisagée dans une sous-section 5 intitulée « la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat ».

Tel qu’indiqué par l’intitulé de cette sous-section 5, l’octroi des dommages et intérêts au créancier vise, à réparer les conséquences de l’inexécution contractuelle dont il est victime.

Si, à certains égards, le système ainsi institué se rapproche de l’exécution forcée par équivalent, en ce que les deux sanctions se traduisent par le paiement d’une somme d’argent, il s’en distingue fondamentalement, en ce que l’octroi de dommages et intérêts a pour finalité, non pas de garantir l’exécution du contrat, mais de réparer le préjudice subi par le créancier du fait de l’inexécution du contrat. Les finalités recherchées sont donc différentes.

S’agissant de l’octroi de dommages et intérêts au créancier victime d’un dommage, le mécanisme institué aux articles 1231 et suivants du Code civil procède de la mise en œuvre d’une figure bien connue du droit des obligations, sinon centrale : la responsabilité contractuelle.

Classiquement, il est admis que cette forme de responsabilité se rapproche très étroitement de la responsabilité délictuelle.

Ce rapprochement ne signifie pas pour autant que les deux régimes de responsabilité se confondent, bien que le maintien de leur distinction soit contesté par une partie de la doctrine.

En effet, à l’instar de la responsabilité délictuelle la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • L’inexécution d’une obligation contractuelle
  • Un dommage
  • Un lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le dommage

Nous nous focaliserons ici sur la première condition.

L’article 1231-1 du Code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Il ressort de cette disposition que, pour être remplie, la condition tenant à l’exécution contractuelle, un manquement contractuel doit, d’une part, être caractérisé. D’autre part, ce manquement doit pouvoir être imputé au débiteur, faute de quoi sa responsabilité ne pourra pas être recherchée.

1. L’exigence d’un manquement contractuel

L’article 1231-1 du Code civil subordonne la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’existence :

  • Soit à l’inexécution de l’obligation
  • Soit d’un retard dans l’exécution de l’obligation

Il ressort de cette disposition que l’inexécution contractuelle doit être entendue largement, celle-ci pouvant être totale ou partielle. Mais elle peut également consister en une exécution tardive ou défectueuse.

Plus généralement, l’inexécution visée par l’article 1231-1 du Code civil s’apparente en un manquement, par le débiteur, aux stipulations contractuelles.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi ce manquement doit-il consister pour être générateur de responsabilité contractuelle ; d’où il s’ensuit la problématique de la preuve.

a. Le contenu du manquement

Très tôt la question s’est donc posée de savoir ce que l’on doit entendre par manquement contractuel, le Code civil étant silencieux sur ce point.

Plus précisément on s’est demandé si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté devait être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute était indifférent.

a.1. Problématique de la faute

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil semblait apporter deux réponses contradictoires à cette interrogation.

  • D’un côté, l’article 1137, al. 1er disposait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables. »
    • On en déduisait, que pour rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur, il appartenait au créancier, non seulement de rapporter la preuve d’une inexécution, mais encore d’établir que le débiteur ne s’était pas comporté en bon père de famille.
    • Classiquement, l’expression « bon père de famille » désigne la personne qui est avisée, soignée et diligente.
    • Conformément à cette définition, le débiteur ne pourrait, dès lors, voir sa responsabilité contractuelle engagée que s’il peut lui être reproché des faits de négligence ou d’imprudence que le contractant, bon père de famille, placé dans les mêmes conditions, n’aurait pas commis.
  • D’un autre côté, l’article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • À la différence de l’ancien article 1137 du Code civil cette disposition n’exigeait pas du créancier qu’il prouve que le débiteur ne s’est pas comporté en bon père de famille pour que sa responsabilité puisse être recherchée.
    • Il s’évinçait donc de l’article 1147 que l’absence de faute du débiteur était sans incidence : seule importe l’existence d’une inexécution contractuelle.

Au bilan, tandis que l’ancien article 1137 du Code civil subordonnait la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’établissement d’une faute, l’article 1147 ne l’exigeait pas, la seule inexécution contractuelle se suffisant à elle-même.

Pour sortir de l’impasse et résoudre cette contradiction, un auteur, René Demogue, suggéra de raisonner en opérant une distinction entre :

  • D’une part, les obligations de moyens qui relèveraient de l’application de l’article 1137 du Code civil
  • D’autre part, les obligations de résultat qui obéiraient, quant à elles, à la règle posée à l’article 1147

a.2. Obligations de moyens et obligations de résultat

?Exposé de la distinction

Demogue soutenait ainsi que la conciliation entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil tenait à la distinction entre les obligations de résultat et les obligations de moyens :

  • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé
    • Exemple: Dans le cadre d’un contrat de vente, pèse sur le vendeur une obligation de résultat : celle livrer la chose promise. L’obligation est également de résultat pour l’acheteur qui s’engage à payer le prix convenu.
    • Il suffira donc au créancier de démontrer que le résultat n’a pas été atteint pour établir un manquement contractuel, source de responsabilité pour le débiteur
  • L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
    • Exemplele médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
    • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat

La distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat rappelle immédiatement la contradiction entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil.

  • En matière d’obligation de moyens
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Cette règle n’est autre que celle posée à l’ancien article 1137 du Code civil.
  • En matière d’obligation de résultat
    • Il est indifférent que le débiteur ait commis une faute, sa responsabilité pouvant être recherchée du seul fait de l’inexécution du contrat.
    • On retrouve ici la règle édictée à l’ancien article 1147 du Code civil.

La question qui alors se pose est de savoir comment déterminer si une obligation est de moyens ou de résultat.

?Critères de la distinction

En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.

Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :

  • La volonté des parties
    • La distinction entre obligation de résultat et de moyens repose sur l’intensité de l’engagement pris par le débiteur envers le créancier.
    • La qualification de l’obligation doit donc être appréhendée à la lumière des clauses du contrat et, le cas échéant, des prescriptions de la loi.
    • En cas de silence de contrat, le juge peut se reporter à la loi qui, parfois, détermine si l’obligation est de moyens ou de résultat.
    • En matière de mandat, par exemple, l’article 1991 du Code civil dispose que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
    • C’est donc une obligation de résultat qui pèse sur le mandataire.
  • Le contrôle de l’exécution
    • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
    • Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
    • En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
    • À l’inverse, le médecin, n’est pas tenu à une obligation de guérir (qui serait une obligation de résultat) mais de soigner (obligation de moyens).
    • La raison en est que le médecin n’a pas l’entière maîtrise de la prestation éminemment complexe qu’il fournit.
  • Rôle actif/passif du créancier
    • L’obligation est de moyens lorsque le créancier joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation qui échoit au débiteur
    • En revanche, l’obligation est plutôt de résultat, si le créancier n’intervient pas

?Mise en œuvre de la distinction

Le recours à la technique du faisceau d’indices a conduit la jurisprudence à ventiler les principales obligations selon qu’elles sont de moyens ou de résultat.

L’examen de la jurisprudence révèle néanmoins que cette dichotomie entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’est pas toujours aussi marquée.

Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Pour ces obligations on parle d’obligations de résultat atténué ou d’obligation de moyens renforcée : c’est selon. Trois variétés d’obligations doivent donc, en réalité, être distinguées.

  • Les obligations de résultat
    • Au nombre des obligations de résultat on compte notamment :
      • L’obligation de payer un prix, laquelle se retrouve dans la plupart des contrats (vente, louage d’ouvrage, bail etc.)
      • L’obligation de délivrer la chose en matière de contrat de vente
      • L’obligation de fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage
      • L’obligation de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt
      • L’obligation de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail
      • L’obligation d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport
      • L’obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes (V. en ce sens Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307).
  • Les obligations de résultat atténuées ou de moyens renforcées
    • Parfois la jurisprudence admet donc que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Pour ce faire, il devra renverser la présomption de responsabilité en démontrant qu’il a exécuté son obligation sans commettre de faute.
    • Tel est le cas pour :
      • L’obligation de conservation de la chose en matière de contrat de dépôt
      • L’obligation qui pèse sur le preneur en matière de louage d’immeuble qui, en application de l’article 1732 du Code civil, « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute »
      • L’obligation de réparation qui échoit au garagiste et plus généralement à tout professionnel qui fournit une prestation de réparation de biens (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-18764).
      • L’obligation qui échoit sur le transporteur, en matière de transport maritime, qui « est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés » (art. L. 5421-4 du code des transports)
      • L’obligation de conseil que la jurisprudence appréhende parfois en matière de contrats informatiques comme une obligation de moyen renforcée.
  • Les obligations de moyens
    • À l’analyse les obligations de moyens sont surtout présentes, soit dans les contrats qui portent sur la fourniture de prestations intellectuelles, soit lorsque le résultat convenu entre les parties est soumis à un certain aléa
    • Aussi, au nombre des obligations de moyens figurent :
      • L’obligation qui pèse sur le médecin de soigner son patient, qui donc n’a nullement l’obligation de guérir (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-13.579).
        • Par exception, l’obligation qui échoit au médecin est de résultat lorsqu’il vend à son patient du matériel médical qui est légitimement en droit d’attendre que ce matériel fonctionne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°03-12.146).
        • Il en va de même s’agissant de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin, la preuve de l’exécution de cette obligation étant à sa charge et pouvant se faire par tous moyens.
      • L’obligation qui pèse sur la partie qui fournit une prestation intellectuelle, tel que l’expert, l’avocat (réserve faite de la rédaction des actes), l’enseignant,
      • L’obligation qui pèse sur le mandataire qui, en application de l’article 1992 du Code civil « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. »
      • L’obligation de surveillance qui pèse sur les structures qui accueillent des enfants ou des majeurs protégés (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 mars 1997, n°95-12.891).

?Sort de la distinction après la réforme du droit des obligations

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 révèle que la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’a pas été reprise par le législateur, à tout le moins formellement.

Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?

Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles 1147 et 1137.

Pour s’en convaincre il suffit de les comparer :

  • S’agissant des articles 1231-1 et 1147
    • L’ancien article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • Le nouvel article 1231-1 prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
  • S’agissant des articles 1197 et 1137
    • L’ancien article 1137 prévoyait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables ».
    • Le nouvel article 1197 prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable. »

Une analyse rapide de ces dispositions révèle que, au fond, la contradiction qui existait entre les anciens articles 1137 et 1147 a survécu à la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 21 avril 2018, de sorte qu’il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation ne manquera pas de se saisir de ce constat pour confirmer la jurisprudence antérieure.

b. La preuve du manquement

La mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est subordonnée à la preuve d’un manquement contractuel.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, sur qui pèse la charge de la preuve ?
  • D’autre part, quel est l’objet de la preuve ?

Ces questions sont manifestement indissociables de la problématique consistant à se demander si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté doit être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute est indifférent.

Le régime de la preuve en matière contractuelle est, en effet, radicalement différent selon que la mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est ou non subordonnée à la caractérisation d’une faute.

On en revient alors à la distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat qui détermine le régime probatoire applicable.

  • Lorsque l’obligation est de moyen, le créancier doit établir la faute du débiteur
    • Autrement dit, il doit démontrer que le débiteur n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat convenu ainsi que l’aurait fait le bon père de famille.
    • La gravité de la faute ici importe peu : la responsabilité du débiteur est engagée dès lors qu’il est établi qu’il a manqué à ses obligations contractuelles par négligence ou une imprudence.
    • Cette gravité de la faute ne sera prise en compte que pour déterminer s’il y a lieu d’exclure les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité.
  • Lorsque l’obligation est de résultat, il suffit au créancier de démontrer que le résultat promis n’a pas été atteint
    • Dans cette configuration, la charge de la preuve est en quelque sorte inversée : ce n’est pas au créancier de démontrer que le débiteur a manqué à ses obligations, mais au débiteur de prouver que le résultat stipulé au contrat a bien été atteint.
    • L’exécution, même partielle, des obligations du débiteur, ne lui permet pas de s’exonérer de sa responsabilité.
    • Seul compte ici l’atteinte du résultat auquel s’est engagé le débiteur.
    • Pour s’exonérer de sa responsabilité, ce dernier ne disposera que d’une seule option : établir la survenance d’une cause étrangère.

2. L’imputabilité du manquement

S’il est absolument nécessaire pour que le débiteur d’une obligation engage sa responsabilité qu’une inexécution du contrat, même partielle, puisse lui être reprochée, il est indifférent que cette inexécution ne résulte pas de son fait personnel.

Lorsque, en effet, l’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui ou au fait d’une chose, le débiteur est également susceptible d’engager sa responsabilité.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelle mesure le débiteur répond-il du fait d’autrui et du fait d’une chose.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui

Il est classiquement admis que le débiteur d’une obligation peut engager sa responsabilité contractuelle du fait d’autrui.

Tout d’abord, la loi prévoit de nombreux cas de responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Il en va ainsi en matière de :

  • Contrat de bail, le preneur répondant des dégradations et des pertes qui arrivent par « le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires » (art. 1735 C.civ.)
  • Contrat d’entreprise, le maître d’ouvrage répondant « du fait des personnes qu’il emploie » (art. 1797 C. civ.)
  • Contrat d’hôtellerie, l’hôtelier étant responsable « du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l’hôtel. » (art. 1953 C. civ.)
  • Contrat de mandat, le mandataire répondant « de celui qui s’est substitué dans sa gestion (art. 1994 C. civ.)
  • Contrat de transport, le commissionnaire de transport étant « garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises. » (art. L. 132-6 C. com.)

Ensuite, la jurisprudence reconnaît la responsabilité contractuelle du fait d’autrui lorsque le débiteur a volontairement introduit un tiers dans l’exécution de son obligation.

Il en va ainsi du préposé, du sous-traitant, du mandataire, des représentants du débiteur et plus généralement de tous ceux interviennent sur la demande du débiteur dans la relation contractuelle.

Il en résulte a contrario que lorsque l’intervention du tiers est spontanée, le débiteur n’engage pas sa responsabilité contractuelle en cas d’inexécution contractuelle du fait de ce tiers.

Dans un arrêt du 15 janvier 1993 la Cour d’appel de Grenoble a parfaitement résumé la règle en affirmant que « la responsabilité contractuelle du fait d’autrui couvre les fautes de toutes les personnes auxquelles le débiteur de l’obligation fait appel pour l’exécution du contrat » (CA Grenoble, 15 janv. 1993).

Reste que la responsabilité contractuelle du fait d’autrui ne va en général conduire à faire peser la charge de la dette de réparation sur la tête du cocontractant débiteur que de manière temporaire.

En effet, celui-ci sera fondé, dans le cadre de l’exercice d’une action récursoire, à obtenir le remboursement des sommes qu’il aura exposées auprès du tiers à l’origine du dommage.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’une chose

Bien que le Code civil soit silencieux sur la responsabilité contractuelle du fait des choses, elle a pourtant été conceptualisée par la doctrine qui distingue deux hypothèses :

  • Première hypothèse : la chose est l’objet de l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie aux contrats qui ont pour objet le transfert de propriété de la chose ou sa mise à disposition.
    • Tel est le cas des contrats de vente, d’entreprise ou encore de bail
    • Pour ces contrats, le contractant qui transfère la propriété ou la jouissance de la chose est, la plupart du temps, tenu de garantir son cocontractant contre les vices cachés
    • Aussi, lorsqu’un tel vice affecte l’usage de la chose, l’inexécution contractuelle a bien pour origine cette chose.
    • Le débiteur de l’obligation de garantie engage donc bien sa responsabilité contractuelle du fait de la chose objet du contrat.
  • Seconde hypothèse : la chose est un moyen d’exécuter l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie principalement aux contrats d’entreprise dont l’exécution suppose l’utilisation de choses par le maître d’œuvre tels que, par exemple, des outils ou des instruments.
    • Aussi, le maître d’œuvre engage sa responsabilité lorsqu’un dommage est causé par l’une des choses qu’il avait sous sa garde et qu’il a utilisée pour fournir la prestation promise.
  1. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222 ?
  2. J. Béguin, Rapport sur l’adage “nul ne peut se faire justice soi-même” en droit français, Travaux Association H. Capitant, t. XVIII, p. 41 s ?
  3. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit privé », 1992, n°495, p. 287 et s. ?
  4. J. Mestre, obs. RTD civ. 1985, p. 372 s ?
  5. D. Mazeaud, op. cit., n°630, p. 359 ?
  6. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 9e éd. Dalloz, coll. « Précis droit privé », 2005, n°624, p. 615 ?

Conservation de la minute du jugement et délivrance des copies et des expéditions

?Notions

Lorsqu’une décision de justice est établie, il convient de distinguer la minute, la copie de l’acte et l’expédition

  • La minute : il s’agit de l’acte original qui constate par écrit la décision des juges et qui n’est établi qu’en un seul exemplaire conservé par le greffe du Tribunal
  • La copie simple : il s’agit d’une reproduction de la décision qui peut être tantôt intégrale, tantôt partielle
  • L’expédition ou copie exécutoire : il s’agit d’une copie spéciale de la décision en ce qu’elle est revêtue de la formule exécutoire.

I) Conservation de la minute

L’article R. 123-5 du CPC dispose que le greffier « est dépositaire, sous le contrôle des chefs de juridiction, des minutes et archives dont il assure la conservation »

Il ressort de cette disposition que la conservation de la minute du jugement est assurée par le seul greffier.

La conséquence en est que c’est à lui qu’il incombe de délivrer les expéditions et les copies des décisions rendues.

II) Délivrance des copies et des expéditions

Les copies de décisions judiciaires se divisent en deux catégories :

  • Les copies simples
  • Les copies exécutoires ou expéditions

A) La délivrance des copies simples

?La délivrance des copies aux parties

Les parties au jugement peuvent, en toutes circonstances, demander qu’il leur soit communiqué une copie de la décision.

Il est indifférent que la décision ait été rendue publiquement ou en chambre du conseil. En toute hypothèse, les parties peuvent solliciter du greffe une copie – simple – de la décision.

?La délivrance des copies aux tiers

  • Domaine de la délivrance
    • Principe
      • L’article 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile, modifiée par la loi n°75-596 du 9 juillet 1975 dispose que « les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement. »
      • Il ressort de cette disposition que des personnes autres que les parties peuvent obtenir, sur demande, la copie d’une décision rendue publiquement.
      • Dans la mesure où les débats se sont rendus en présence du public et que le prononcé du jugement était également public, il est somme toute logique que les tiers puissent obtenir une copie de la décision.
      • Ce droit qui leur est conféré par la loi participe de la transparence de la justice.
    • Limite
      • Une lecture a contrario de l’article 11-3 de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 révèle que lorsque la décision n’a pas été rendue publiquement, soit en chambre du conseil, les tiers ne disposent pas de la faculté de se faire délivrer une copie de la décision
      • Là encore, la règle est logique : le procès s’est tenu à huis clos.
      • La décision est donc parfaitement cohérente que la décision ne puisse pas être communiquée aux tiers.
      • Aussi, seules les personnes directement concernées par le jugement (celles citées par le jugement en tant que partie) ou leurs héritiers peuvent en obtenir copie.
      • C’est notamment le cas pour obtenir la copie d’un jugement de divorce.
      • C’est également le cas pour les domaines suivants :
        • adoption,
        • filiation,
        • nom et prénom
        • changement de régime matrimonial,
        • protection juridique des personnes (tutelle, curatelle…).
  • Modalités de la délivrance
    • Lorsque le tiers est en droit de solliciter une copie de la décision, demande peut être faite via une simple lettre ou un recommandé avec accusé de réception.
    • Elle doit être envoyée au greffe du tribunal qui a rendu la décision au moyen du formulaire Cerfa n°11808*05
    • La demande de copie est gratuite.
    • Pour un envoi à domicile par courrier, il faut néanmoins en couvrir les frais en fournissant une enveloppe suffisamment timbrée.
  • Contenu de la copie
    • La copie délivrée aux tiers peut consister, soit en la reproduction intégrale de la décision, soit se limiter à un extrait.
    • La délivrance du seul extrait d’un jugement se justifie pour des considérations qui tiennent à la vie privée des parties.
  • L’absence ou le refus de délivrance
    • L’article 1441 du CPC dispose que, en cas de refus ou de silence, le président du tribunal judiciaire ou, si le refus émane d’un greffier, le président de la juridiction auprès de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, saisi par requête, statue, le demandeur et le greffier ou le dépositaire entendus ou appelés.
    • Il doit statuer après avoir entendu le demandeur et le greffier ou le dépositaire
    • L’ordonnance rendue sur requête est susceptible de faire l’objet d’une voie de recours
    • L’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.

B) La délivrance des expéditions (copies exécutoires)

?Définition

L’expédition ou copie exécutoire n’est autre que la copie authentique certifiée conforme de la décision rendue par le Tribunal.

Elle est également appelée « grosse » par référence à la pratique ancienne qui consistait à rédiger la copie du jugement en gros caractère par souci de commodité de lecture

L’expédition se distingue de la copie simple en ce qu’elle est revêtue de la formule exécutoire.

?Finalité

La délivrance de l’expédition aux parties a pour finalité de leur permettre de signifier la décision et de la faire exécuter par un huissier de justice.

L’article 502 du CPC dispose en ce sens que « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d’une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n’en dispose autrement. »

Sans expédition, l’huissier saisi ne pourra engager aucune procédure d’exécution, sauf à ce que la décision soit exécutoire « au seul vu de la minute »

Tel est le cas :

  • D’une part, des ordonnances sur requête
  • D’autre part, des ordonnances de référé lorsque le caractère exécutoire sur minute est expressément prévu

?Contenu de la formule exécutoire

L’article 1er du décret n°47-1047 du 12 juin 1947 dispose que les expéditions des arrêts, jugements, mandats de justice, ainsi que les grosses et expéditions des contrats et de tous les actes susceptibles d’exécution forcée, seront intitulées ainsi qu’il suit :

« République française

“Au nom du peuple français “, et terminées par la formule suivante :

“En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit arrêt (ou ledit jugement, etc.) à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.

“En foi de quoi, le présent arrêt (ou jugement, etc.) a été signé par… ».

?Limitation du nombre d’expéditions délivrées

  • Principe
    • L’article 465 du CPC prévoit que « chacune des parties a la faculté de se faire délivrer une expédition revêtue de la formule exécutoire. »
    • Ainsi, le nombre d’expéditions susceptibles d’être délivrées aux parties est extrêmement restreint dans la mesure où il est limité à une expédition par partie.
    • Par ailleurs, il peut être observé que, une fois la décision exécutée, l’expédition qui aura été confiée à l’huissier, et sans laquelle il lui est interdit d’engager des procédures d’exécution, ne sera pas restituée.
    • Il s’agit d’éviter qu’une partie ne puisse faire exécuter une même décision plusieurs fois.
  • Exception
    • L’alinéa 2 de l’article 465 du CPC prévoit que « s’il y a un motif légitime, une seconde expédition, revêtue de cette formule, peut être délivrée à la même partie par le greffier de la juridiction qui a rendu le jugement. »
    • Pour obtenir la délivrance d’une seconde expédition, il conviendra donc pour les parties de justifier d’un motif légitime.
    • Ce motif légitime pourrait consister en la survenance d’un cas de force majeure, tel que la perte ou la destruction de la grosse.
  • Difficulté relative à la délivrance
    • L’article 465 du CPC précise que « en cas de difficulté, le président de la juridiction qui a rendu le jugement statue par ordonnance sur requête. »