L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL): régime juridique

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploitées à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

  • La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée a rompu avec le principe de l’affectio societatis, selon lequel une société résulte de la volonté de collaborer d’au moins deux associés, en permettant à un entrepreneur individuel de constituer seul une société ;
  • La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a procédé à une refonte des formalités et obligations auxquelles étaient soumises les entreprises, dans le but de les simplifier ;
  • La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a d’abord institué le mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale aux articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce, constituant une entorse au droit de gage général posé aux articles 2284 et 2285 du code civil. Elle a ensuite supprimé le capital minimum dans les SARL, rompant ainsi avec le principe de capitalisation des sociétés ;
  • La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a procédé à de nouvelles simplifications dans le fonctionnement des entreprises et étendu l’insaisissabilité à tous les biens fonciers non affectés à l’usage professionnel.

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Par souci de justice social et de protection de la famille des entrepreneurs exerçant en nom propre, la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a créé le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut, et c’est la révolution opérée par ce texte, est qu’il permet à l’entrepreneur individuel qui exerce en nom propre de créer un patrimoine d’affectation.

==> Notion de patrimoine d’affectation

L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7. »

Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

La création d’un patrimoine d’affectation déroge manifestement aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

==> Conditions de création d’un patrimoine d’affectation

En application de l’article L. 526-6 du Code de commerce, la création d’un patrimoine d’affectation est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Première condition : exigence de déclaration d’affectation
    • L’article L. 526-7 prévoit que la constitution du patrimoine affecté résulte d’une déclaration effectuée :
      • Soit au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer ;
      • Soit au registre de publicité légale choisi par l’entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l’autre registre ;
      • Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s’immatriculer à un registre de publicité légale, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal ;
      • Soit, pour les exploitants agricoles, au registre de l’agriculture tenu par la chambre d’agriculture compétente.
    • L’article L. 526-8 précise que « lors de la constitution du patrimoine affecté, l’entrepreneur individuel mentionne la nature, la qualité, la quantité et la valeur des biens, droits, obligations ou sûretés qu’il affecte à son activité professionnelle sur un état descriptif déposé au registre où est effectuée la déclaration prévue à l’article L. 526-7 pour y être annexé. »
    • La composition du patrimoine affecté est alors opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration d’affectation
  • Seconde condition ; exigence de tenue d’une comptabilité séparée
    • L’article L 526-13 du Code de commerce prévoit que « l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l’objet d’une comptabilité autonome»
    • Il en résulte que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

==> Effets de la création d’un patrimoine d’affectation

La constitution d’un patrimoine d’affectation a pour effet la création d’un patrimoine professionnel séparé et distinct du patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Ce patrimoine professionnel comportera alors un actif et un passif dont la délimitation sera déterminée par la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel.

  • S’agissant de l’actif du patrimoine d’affectation
    • Il comprend l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.
    • Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l’exercice de son activité professionnelle, qu’il décide d’y affecter et qu’il peut ensuite décider de retirer du patrimoine affecté.
  • S’agissant du passif du patrimoine d’affectation
    • Il comprend l’ensemble des dettes contractées par l’entrepreneur individuel dans le cadre de l’exercice de son activité professionnel.
    • L’article L. 526-12 du Code de commerce invite néanmoins à distinguer selon que les dettes contractées sont nées postérieurement à la déclaration d’’affectation ou antérieurement.
      • S’agissant des dettes nées postérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la condition que la déclaration d’affectation leur soit opposable, ce qui implique que les formalités requises par l’article L. 526-7 du Code de commerce aient été valablement accomplies
      • S’agissant des dettes nées antérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la double condition que :
          • D’une part, elles aient été mentionnées dans la déclaration
          • D’autre part, que cette déclaration ait été portée à la connaissance des créanciers concernés afin qu’ils soient en mesure d’exercer leur droit de former opposition
        • S’agissant des créanciers auxquels la déclaration d’affectation n’est pas opposable, ils ont, en application de l’article L. 526-12 du Code de commerce « pour seul gage général le patrimoine non affecté. »

Si, la création d’un patrimoine d’affectation permet à l’entrepreneur de circonscrire le gage général de ses créanciers professionnels, les textes n’interdisent nullement que des sûretés soient constituées sur son patrimoine personnel, et en particulier des établissements de crédit que l’entrepreneur solliciterait en vue du financement ou de la trésorerie de son activité.

Ainsi, une banque peut toujours exiger, par exemple, une sûreté réelle sur la résidence principale ou la caution personnelle du conjoint de l’entrepreneur. Ce type de garanties ne s’exerce pas à la demande des fournisseurs.

Dans ces conditions, l’étanchéité des patrimoines ne peut pas être complète et les patrimoines sont distincts et non étanches l’un pour l’autre, sauf à ce que l’entrepreneur n’ait pas besoin de crédit ou bien soit en mesure de présenter des garanties suffisantes au sein de son patrimoine affecté.

Aussi, cette circonstance plaide-t-elle en faveur de la possibilité d’affecter plus que les seuls biens nécessaires, de façon à offrir aux créanciers le gage le plus étendu possible, de sorte que celui-ci puisse se suffire à lui-même.

La notion de sous-traitant

Alors que la notion de sous-traitant n’était pas définie dans la convention 108, elle figure désormais en bonne place dans le RGPD.

L’article 4 de ce texte prévoit que le sous-traitant est « la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement ».

Selon le G29 tout comme la définition du responsable du traitement, celle du sous-traitant envisage un large éventail d’acteurs pour tenir ce rôle («… une personne physique ou morale, une autorité publique, un service ou tout autre organisme …»).

L’existence d’un sous-traitant dépend du responsable du traitement, qui peut décider :

  • soit de traiter les données au sein de son organisation, par exemple en habilitant des collaborateurs à traiter les données sous son autorité directe
  • soit de déléguer tout ou partie des activités de traitement à une organisation extérieure, comme l’indique l’exposé des motifs de la proposition modifiée de la Commission, par «une personne juridiquement distincte du responsable mais agissant pour son compte»

Par conséquent, les deux conditions fondamentales pour agir en qualité de sous-traitant sont :

  • d’une part, d’être une entité juridique distincte du responsable du traitement
  • d’autre part, de traiter les données à caractère personnel pour le compte de ce dernier.

L’activité de traitement peut se limiter à une tâche ou un contexte bien précis, ou être plus générale et étendue.

En outre, le rôle de sous-traitant ne découle pas de la nature de l’entité traitant des données mais de ses activités concrètes dans un cadre précis.

En d’autres termes, la même entité peut agir à la fois en qualité de responsable du traitement pour certaines opérations de traitement et en tant que sous-traitant pour d’autres opérations, et la qualification de responsable ou de sous-traitant doit être évaluée au regard d’un ensemble spécifique de données ou d’opérations.

L’aspect le plus important est l’exigence que le sous-traitant agisse «…pour le compte du responsable de traitement…». «Agir pour le compte de» signifie servir les intérêts d’un tiers et renvoie à la notion juridique de délégation.

Dans le cas de la législation relative à la protection des données, un sous-traitant est amené à exécuter les instructions données par le responsable du traitement, au moins en ce qui concerne la finalité du traitement et les éléments essentiels des moyens.

Dans cette perspective, la licéité de l’activité de traitement de données du sous-traitant est déterminée par le mandat donné par le responsable du traitement. Un sous-traitant qui outrepasse son mandat et acquiert un rôle important dans la détermination des finalités ou des moyens essentiels du traitement est davantage un (co)responsable qu’un sous-traitant.

A cet égard, l’article 35 de la loi informatique et libertés prévoit que « le contrat liant le sous-traitant au responsable du traitement comporte l’indication des obligations incombant au sous-traitant en matière de protection de la sécurité et de la confidentialité des données et prévoit que le sous-traitant ne peut agir que sur instruction du responsable du traitement. »

Ainsi, est-il fait obligation pour le responsable du traitement de définir contractuellement la mission confiée au sous-traitant.

La notion de donnée à caractère personnel

L’article 2, al. 2 de la loi informatique et libertés prévoit que « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

 Il ressort de cette disposition que la notion de données à caractère personnel est définie de manière relativement large.

À titre de remarquer liminaire, il convient d’observer que la notion de « données à caractère personnel » a été substituée à celle « d’informations nominatives » par la loi du 6 août 2004.

Initialement, la loi du 6 janvier 1978 prévoyait, en son article 4 (ancien), que « sont réputées nominatives au sens de la présente loi les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l’identification des personnes physiques auxquelles elles s’appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale. »

Désormais, on ne parle plus d’informations nominatives, mais de données à caractère personnel.

Ce glissement sémantique résulte de la prise en compte des progrès des techniques d’identification (moteurs de recherche, logiciels de reconnaissance vocale ou morphologique).

La notion « d’information nominative » suggérait qu’elle ne recouvrait que les éléments d’identification entretenant une proximité avec le nom de la personne visée.

Or son périmètre était, en réalité, bien plus large, notamment en raison du développement des mesures d’identification indirect.

La notion de « donnée à caractère personnel » est donc apparue plus pertinente, en ce qu’elle permet de couvrir des informations permettant tant l’identification, tant directe, qu’indirecte de la personne.

En pratique d’ailleurs, la CNIL avait adopté une conception large des informations nominatives, en incluant, par exemple, les numéros de téléphone, les plaques d’immatriculation ou les numéros de certains badges, ainsi que les clichés permettant d’identifier une personne.

Ce terme de données à caractère personnel, suffisamment neutre et général, permet ainsi d’éviter l’obsolescence rapide de la loi.

Il permet en outre de mettre fin en droit français à une confusion dénoncée par le Conseil d’État entre les « informations nominatives » au sens de la loi du 6 janvier 1978 et les « informations nominatives » au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, qui a pour effet de restreindre la liberté d’accès aux documents administratifs.

En toute hypothèse, il apparaît que la définition retenue par le législateur comporte plusieurs éléments :

I) Toute information

L’expression « toute information » que l’on retrouve dans la définition, tant de la loi informatique et libertés, que dans le RGPD manifeste clairement la volonté du législateur d’élaborer un concept large des données à caractère personnel.

==> Sur la nature des informations

Le concept de données à caractère personnel englobe toutes sortes de renseignements à propos d’une personne. Il peut s’agir d’informations «objectives» telles qu’une particularité sanguine de la personne concernée, comme il peut aussi s’agir d’informations «subjectives» sous forme d’avis ou d’appréciations.

Ce dernier type de renseignements représente une grande partie du traitement des données à caractère personnel dans des secteurs tels que celui des banques, pour l’évaluation de la fiabilité des emprunteurs («X est un emprunteur fiable»), des assurances («X ne devrait pas mourir dans un proche avenir») ou de l’emploi («X est un bon travailleur et mérite d’être promu»).

Pour être considérées comme des « données à caractère personnel », il n’est pas nécessaire que ces informations soient vraies ou prouvées.

En réalité, les règles de protection des données envisagent déjà que des informations puissent être incorrectes et prévoient pour la personne concernée le droit d’accéder à ces informations et de les contester par des voies de recours adéquates.

==> Sur le contenu des informations

On entend par «données à caractère personnel» toutes sortes d’informations.

Cela couvre évidemment les informations à caractère personnel considérées comme «données sensibles», au sens de la loi informatique et libertés, en raison du fort potentiel de risque qu’elles présentent, mais également des informations plus générales.

L’expression «données à caractère personnel» englobe les informations touchant à la vie privée et familiale d’une personne physique, stricto sensu, mais également les informations relatives à ses activités, quelles qu’elles soient, tout comme celles concernant ses relations de travail ainsi que son comportement économique ou social.

Il s’agit donc d’informations concernant des personnes physiques, indépendamment de leur situation ou de leur qualité (en tant que consommateurs, patients, employés, clients, etc.).

==> Sur le format des informations ou du support utilisé

Le concept de données à caractère personnel englobe les informations disponibles sous n’importe quelle forme, qu’elles soient alphabétiques, numériques, graphiques, photographiques ou acoustiques.

Sont par exemple concernées les informations conservées sur papier, tout comme les informations stockées dans une mémoire d’ordinateur (code binaire) ou sur une cassette vidéo.

C’est une conséquence logique de l’intégration du traitement automatisé des données à caractère personnel dans son champ d’application. Il apparaît en particulier que les données constituées par des sons et des images méritent, à ce titre, d’être reconnues comme des données à caractère personnel, dans la mesure où elles peuvent représenter des informations sur une personne physique.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que ces informations soient considérées comme données à caractère personnel, qu’elles soient contenues dans une base de données ou un fichier structuré. Les informations contenues sous forme de texte libre dans un document électronique peuvent également être reconnues comme des données à caractère personnel, pour autant que les autres critères énoncés dans la définition des données à caractère personnel soient remplis.

Les courriers électroniques contiennent par exemple des « données à caractère personnel ».

II) Des données portant sur une personne physique

Une donnée ne peut être regardée comme revêtant un caractère personnel, qu’à la condition qu’elle porte sur une personne physique.

Le concept de «personne physique» est évoqué à l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui se lit comme suit: « chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. »

La personnalité juridique n’est autre que la capacité à être sujet de droit, de la naissance de l’individu jusqu’à son décès.

Les données personnelles sont dès lors, par principe, des données qui concernent des personnes vivantes identifiées ou identifiables.

Il s’ensuit plusieurs conséquences :

==> Exclusion des données portant sur une personne décédée

Les informations relatives à des personnes décédées ne sauraient, en principe, être considérées comme des données à caractère personnel soumises aux règles du RGPD, dans la mesure où, conformément au droit des personnes, elles ne sont plus des personnes physiques.

Telle est la solution retenue par le RGPD. Dans son considérant 27, il prévoit en ce sens qu’il n’a pas vocation à s’appliquer aux données à caractère personnel des personnes décédées.

Toutefois, les États membres peuvent prévoir des règles relatives au traitement des données à caractère personnel des personnes décédées.

À cet égard, l’article 57 de loi informatique et libertés dispose que « les informations concernant les personnes décédées, y compris celles qui figurent sur les certificats des causes de décès, peuvent faire l’objet d’un traitement de données, sauf si l’intéressé a, de son vivant, exprimé son refus par écrit ».

==> Exclusion des données portant une personne morale

Des informations qui seraient collectées sur une personne morale ne relèveraient pas du champ d’application de la loi informatique et libertés.

 Dans son considérant n°14, le RGPD prévoit, à cet égard, que la protection conférée par le présent règlement devrait s’appliquer aux personnes physiques, indépendamment de leur nationalité ou de leur lieu de résidence, en ce qui concerne le traitement de leurs données à caractère personnel.

Aussi, ce texte n’a pas vocation à couvrir le traitement des données à caractère personnel qui concernent les personnes morales, et en particulier des entreprises dotées de la personnalité juridique, y compris le nom, la forme juridique et les coordonnées de la personne morale.

Toutefois, comme l’a précisé la Cour de justice des Communautés européennes, rien ne s’oppose à ce qu’un État membre étende la portée de la législation nationale transposant les dispositions de la directive 95/46 à des domaines non inclus dans le champ d’application de cette dernière, pour autant qu’aucune autre disposition du droit communautaire n’y fasse obstacle[1].

Ainsi, certains États membres, tels que l’Italie, l’Autriche et le Luxembourg, ont étendu l’application de certaines dispositions de leur législation nationale transposant la directive (comme celles sur les mesures de sécurité) au traitement de données concernant des personnes morales.

Comme dans le cas des informations relatives aux personnes décédées, il peut arriver, en outre, qu’en vertu des modalités pratiques mises en place par le responsable du traitement des données, des données relatives à des personnes morales soient soumises de facto aux règles sur la protection des données.

Tel sera le cas lorsque des données concernant les dirigeants d’une personne morale seront collectées.

Aussi, dans une délibération n° 85-45, du 15 octobre  1985 la CNIL est venue préciser que « sont indirectement nominatives, quelle que soit la forme de l’entreprise, les informations relatives à la situation et à l’activité de l’entreprise, notamment les informations économiques et financières, dès lors qu’elles permettent l’identification des dirigeants ».

Il en résulte que les informations qui concernent les dirigeants de personnes morales doivent, quant à elles, être considérées comme des données à caractère personnel.

III) Des données permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique

L’article 2 de la loi informatique et libertés prévoit, en substance, qu’une personne est identifiable lorsqu’elle peut être identifiée directement ou indirectement par référence à un identifiant qui consiste :

  • soit à un numéro d’identification
  • soit à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.

Le RGPD précise que l’identifiant peut prendre la forme d’« un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

Autrement dit, l’identifiant pourra être qualifié de donnée à caractère personnel, dès lors qu’il permet d’établir un lien direct ou indirect avec la personne à laquelle il est attaché.

Autant dire que toute information qui porte sur les caractéristiques d’une personne est susceptible d’être qualifiée de donnée à caractère personnel.

À cet égard, l’examen des textes révèle que pour déterminer si une personne est identifiable, deux éléments doivent être pris en compte :

  • L’identifiant attaché à la personne
  • Les moyens d’identification de la personne

Il s’en déduit que les informations anonymes ne peuvent, par nature, pas être qualifiées de données à caractère personnel.

A) Sur l’identifiant attaché à la personne

Pour être qualifiée de donnée à caractère personnel, l’information collectée doit permettre l’identification, directe ou indirecte de la personne visée.

D’une manière générale, on peut considérer une personne physique comme « identifiée » lorsque, au sein d’un groupe de personnes, elle se « distingue » de tous les autres membres de ce groupe.

La personne physique est donc « identifiable » lorsque, même sans avoir encore été identifiée, il est possible de le faire (comme l’exprime le suffixe «-able»). Cette seconde option constitue donc en pratique la condition de base qui détermine si les informations entrent dans le champ d’application du troisième élément.

L’identification se fait normalement au moyen d’informations spécifiques que l’on peut appeler «identifiants» et qui présentent une relation particulièrement privilégiée et étroite avec la personne physique concernée.

Il peut s’agir, par exemple, de signes extérieurs concernant l’apparence de cette personne comme sa taille, la couleur de ses cheveux, ses vêtements, etc. ou d’une caractéristique de cette personne qui n’est pas immédiatement perceptible, comme une profession, une fonction, un nom, etc.

Ainsi peut-on considérer que des informations rendent identifiable une personne physique, lorsqu’elles ont trait à cette personne physique. Dans nombre de situations, ce lien est facile à établir.

Par exemple, dans le cas de données enregistrées dans le dossier personnel d’un employé dans un service du personnel, il s’agit clairement de données « concernant » la situation de la personne en sa qualité d’employé.

Il en va de même des données relatives aux résultats de l’examen médical d’un patient dans son dossier médical, ou de l’image d’une personne filmée sur une vidéo lors d’une interview.

On peut citer un certain nombre d’autres situations où il n’est pas toujours aussi évident que dans les cas précédents de déterminer que les informations « concernent » une personne physique.

Dans certaines situations, les informations découlant des données concernent en premier lieu des objets, et non des personnes.

Ces objets appartiennent en général à quelqu’un, ou peuvent subir l’influence particulière de personnes ou exercer une influence particulière sur des personnes ou se trouver d’une manière ou d’une autre à proximité physique ou géographique de personnes ou d’autres objets.

Ce n’est donc que de manière indirecte que l’on pourra considérer que ces informations concernent ces personnes ou ces objets

Ainsi, l’identification d’une personne directe peut être directe ou indirecte

1) L’identification directe

S’agissant des personnes «directement» identifiées ou identifiables, le nom de la personne est évidemment l’identifiant le plus courant et, dans la pratique, la notion de «personne identifiée» implique le plus souvent une référence au nom de cette personne.

Afin de s’assurer de son identité, le nom de la personne doit parfois être associé à d’autres éléments d’information (date de naissance, nom des parents, adresse ou photo d’identité) afin d’éviter toute confusion entre cette personne et d’éventuels homonymes.

À titre d’exemple, l’information selon laquelle X est redevable d’une certaine somme d’argent peut être considérée comme concernant une personne identifiée, car elle est liée au nom de cette personne.

Le nom est un élément d’information qui révèle que la personne utilise cette combinaison de lettres et de sons pour se distinguer d’autres personnes et être distinguée par d’autres personnes avec lesquelles elle établit des relations.

Le nom peut également être le point de départ conduisant à des informations sur le domicile de la personne ou l’endroit où elle se trouve et à des informations sur les membres de sa famille (par le biais du nom de famille) et sur différentes relations juridiques et sociales associées à ce nom (scolarité/études, dossier médical, comptes bancaires).

Il est même possible de connaître l’apparence d’une personne si sa photographie est associée à ce nom. Tous ces nouveaux éléments d’information liés au nom peuvent permettre à quelqu’un de «zoomer» sur la personne en chair et en os, et grâce aux identifiants, l’élément d’information initial est alors associé à une personne physique que l’on peut distinguer d’autres personnes.

2) L’identification indirecte

S’agissant des personnes « indirectement » identifiées ou identifiables, cette catégorie relève en général du phénomène des « combinaisons uniques », à quelque degré que ce soit.

Pour les cas où, de prime abord, les identifiants sont insuffisants pour permettre à quiconque de distinguer une personne particulière, cette personne peut néanmoins être « identifiable », car ces informations combinées à d’autres éléments d’information (que ces derniers soient conservés par le responsable du traitement ou non) permettent de la distinguer parmi d’autres personnes.

C’est pourquoi la directive précise « un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

Certaines caractéristiques, de par leur spécificité, permettent d’identifier quelqu’un sans difficulté («actuel premier ministre espagnol»), mais une combinaison de détails à un niveau catégoriel (tranche d’âge, origine régionale, etc.) peut également s’avérer assez concluante dans certaines circonstances, notamment si l’on a accès à des informations supplémentaires.

Ce phénomène a été étudié de manière approfondie par les statisticiens toujours soucieux de ne pas commettre de violation de la confidentialité.

À cet égard, il convient de relever que si l’identification par le nom constitue, dans la pratique, le moyen le plus répandu, un nom n’est pas toujours nécessaire pour identifier une personne, notamment lorsque d’autres «identifiants» sont utilisés pour distinguer quelqu’un.

En effet, les fichiers informatiques enregistrant les données à caractère personnel attribuent habituellement un identifiant spécifique aux personnes enregistrées pour éviter toute confusion entre deux personnes se trouvant dans un même fichier. Sur l’internet aussi, les outils de surveillance du trafic permettent de cerner facilement le comportement d’une machine et, derrière celle-ci, de son utilisateur.

On reconstitue ainsi la personnalité de l’individu pour lui attribuer certaines décisions. Sans même s’enquérir du nom et de l’adresse de la personne, on peut la caractériser en fonction de critères socio-économiques, psychologiques, philosophiques ou autres et lui attribuer certaines décisions dans la mesure où le point de contact de la personne (l’ordinateur) ne nécessite plus nécessairement la révélation de son identité au sens étroit du terme.

En d’autres termes, la possibilité d’identifier une personne n’implique plus nécessairement la faculté de connaître son identité. La définition des données à caractère personnel reflète ce constat.

La Cour de justice des Communautés européennes a statué dans ce sens, considérant que la « l’opération consistant à faire référence, sur une page Internet, à diverses personnes et à les identifier soit par leur nom, soit par d’autres moyens, par exemple leur numéro de téléphone ou des informations relatives à leurs conditions de travail et à leurs passe-temps, constitue un «traitement de données à caractère personnel »[2].

==> Cas de l’adresse IP

La question s’est posée de savoir si l’adresse IP d’un utilisateur pouvait être qualifiée de donnée à caractère personnel.

Techniquement, une adresse IP est attachée, non pas à une personne mais à une machine. Reste, que cette machine est la propriété d’une personne, de sorte que, à partir d’une adresse IP, il est possible d’identifier son titulaire.

La jurisprudence

Sur cette question la jurisprudence a été fluctuante.

Dans un arrêt du 14 décembre 2006, le Tribunal correctionnel de Bobigny a jugé que l’adresse IP constituait bien une donnée à caractère personnel (T. corr. Bobigny, 14 déc. 2006).

À l’inverse, d’un arrêt du 24 août 2006, la Cour d’appel de Pau a retenu une solution radicalement opposée (CA Pau, 24 août 2006, n° 06/593).

La Cour d’appel de Paris a statué dans le même sens dans un arrêt du 15 mai 2007 (CA Paris, 13e ch., sect. A, 15 mai 2007, n° 06/01954, Henri S. c/ SCPP).

  • Les faits
    • Un prévenu était poursuivi du chef de contrefaçon pour des faits de téléchargement illégal et de mise à disposition des internautes de fichiers musicaux.
    • L’infraction avait été constatée par un agent assermenté d’une société de gestion collective de droits qui a procédé au recueil de l’adresse IP de l’ordinateur du prévenu.
    • Ce dernier prétendait alors que cette opération nécessitait l’obtention d’une autorisation de la CNIL et que le mode de preuve est donc illicite.
    • Cet argument a été écarté par les juges du fond
  • Solution
    • La Cour d’appel de Paris considère arguments le simple constat probatoire de l’élément matériel d’une infraction commise sur Internet par un individu utilisant un pseudonyme, dressé par l’agent, conformément à la législation sur la propriété intellectuelle, ne constitue pas un traitement de données personnelles.
    • Pour elle, seule la plainte auprès des autorités judiciaires a conduit à l’identification de la personne, dans le cadre des règles de procédure pénale.
    • Le relevé de l’adresse IP de l’ordinateur servant à commettre les faits entre dans le constat de la matérialité du délit et non dans l’identification de son auteur.
    • En effet, cette série de chiffres ne constitue pas une donnée indirectement nominative relative à la personne, l’adresse se rapportant à une machine et non à la personne l’utilisant. Les opérations de traitement de données visant à “la mise en place d’une surveillance automatisée des réseaux peer to peer”, auxquelles la CNIL a refusé l’autorisation à la société de gestion des droits par une décision de 2005, sont très différentes du simple procès-verbal d’un agent assermenté transmis aux autorités judiciaires aux fins d’identification et de poursuite.
    • Par conséquent, le procédé utilisé ne nécessitait nullement l’agrément de la CNIL.

Finalement, la Cour de cassation est intervenue dans un arrêt du 13 janvier 2009. Elle ne s’est toutefois pas prononcée en faveur de la qualification de l’adresse IP en donnée à caractère personnel (Cass. crim., 13 janv. 2009, n° 08-84.088).

À cet égard, elle a considéré que « les constatations visuelles effectuées sur internet et les renseignements recueillis en exécution de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle par un agent assermenté qui, sans recourir à un traitement préalable de surveillance automatisé, utilise un appareillage informatique et un logiciel de pair à pair, pour accéder manuellement, aux fins de téléchargement, à la liste des œuvres protégées irrégulièrement proposées sur la toile par un internaute, dont il se contente de relever l’adresse IP pour pouvoir localiser son fournisseur d’accès en vue de la découverte ultérieure de l’auteur des contrefaçons, rentrent dans les pouvoirs conférés à cet agent par la disposition précitée, et ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel relatives à ces infractions, au sens des articles 2, 9 et 25 de la loi susvisée »

La chambre criminelle a réitéré cette solution dans un arrêt du 23 mars 2010 (Cass. crim., 23 mars 2010, n° 09-80.787).

Alors que la position de la Cour de cassation était pour le moins critiquée, elle a, dans un arrêt du 3 novembre 2016, opéré un revirement de jurisprudence en considérant, sans ambiguïté que « les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL » (Cass, 1ère civ., 3 novembre 2016, n°15-22595).

La haute juridiction s’est ainsi ralliée à la position de la CNIL et de la CJUE.

Cass. 1ère civ. 3 nov. 2016
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les sociétés Groupe logisneuf, C.Invest et European Soft, appartenant toutes trois au groupe Logisneuf, ont constaté la connexion, sur leur réseau informatique interne, d’ordinateurs extérieurs au groupe, mais faisant usage de codes d’accès réservés aux administrateurs du site internet logisneuf.com ; qu’elles ont obtenu du juge des requêtes une ordonnance faisant injonction à divers fournisseurs d’accès à Internet de leur communiquer les identités des titulaires des adresses IP utilisées pour les connexions litigieuses ; que, soutenant que la conservation, sous forme de fichier, de ces adresses IP aurait dû faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et invoquant, par suite, l’illicéité de la mesure d’instruction sollicitée, la société Cabinet Peterson, qui exerce une activité de conseil en investissement et en gestion de patrimoine concurrente de celle du groupe Logisneuf, a saisi le président du tribunal de commerce en rétractation de son ordonnance ;

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ; que constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;

Que, selon le second, les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL ;

Attendu que, pour rejeter la demande de rétractation formée par la société Cabinet Peterson, l’arrêt retient que l’adresse IP, constituée d’une série de chiffres, se rapporte à un ordinateur et non à l’utilisateur, et ne constitue pas, dès lors, une donnée même indirectement nominative ; qu’il en déduit que le fait de conserver les adresses IP des ordinateurs ayant été utilisés pour se connecter, sans autorisation, sur le réseau informatique de l’entreprise, ne constitue pas un traitement de données à caractère personnel ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

La position de la CNIL

Dans un avis du 2 août 2007, la CNIL avait fait part de son inquiétude s’agissant de l’absence de reconnaissance, par la jurisprudence, de la qualification de données à caractère personnel de l’adresse IP.

Pour la gardienne de la loi informatique et libertés, cette position remet profondément en cause la notion de donnée à caractère personnel qui est très large.

En effet, l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en 2004 qui la définit, vise toute information relative à une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à des éléments qui lui sont propres. Ce qui est le cas d’un numéro de plaque d’immatriculation de véhicule, d’un numéro de téléphone ou d’une adresse IP.

L’ensemble des autorités de protection des données des États membres de l’Union européenne a d’ailleurs récemment rappelé, dans un avis du 20 juin 2007 relatif au concept de données à caractère personnel, que l’adresse IP attribuée à un internaute lors de ses communications constituait une donnée à caractère personnel.

Surtout, la CNIL s’inquiète des répercussions qu’une telle jurisprudence pourrait avoir sur la protection de la vie privée et des libertés individuelles sur internet, de plus en plus largement utilisé par tous, dans notre société

La position du G29

Le groupe de travail de l’article 29 a considéré les adresses IP comme des données concernant une personne identifiable.

Le G29 justifie sa position en relevant que les fournisseurs d’accès Internet et les gestionnaires des réseaux locaux peuvent, en utilisant des moyens raisonnables, identifier les utilisateurs Internet auxquels ils ont attribué des adresses IP, du fait qu’ils enregistrent systématiquement dans un fichier les date, heure, durée et adresse dynamique IP donnée à l’utilisateur Internet.

Il en va de même pour les fournisseurs de services internet qui conservent un fichier-registre sur le serveur HTTP. Dans ces cas, on peut parler, sans l’ombre d’un doute, de données à caractère personnel au sens de l’article 2, point a), de la directive».

Il apparaît notamment que lorsque le traitement d’adresses IP a été effectué pour identifier les utilisateurs de l’ordinateur (par exemple, par des titulaires de droits d’auteur afin de poursuivre ces utilisateurs d’ordinateurs pour violation de droits de la propriété intellectuelle), le responsable du traitement part du principe que les « moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre » pour identifier les personnes seront disponibles, par exemple par l’intermédiaire des tribunaux saisis (sinon la collecte d’informations serait inutile), de sorte qu’il convient de considérer ces informations comme des données à caractère personnel.

La position de la CJUE

Dans un arrêt du 24 novembre 2011, la CJUE s’est prononcée pour la première fois sur la question de savoir si l’adresse IP pouvait être qualifiée de donnée à caractère personnel (CJUE, 24 nov. 2011, aff. C-70/10, Scarlet Extended).

Elle a considéré que les adresses IP étaient bien des données protégées à caractère personnel, car elles permettent l’identification précise desdits utilisateurs.

Dans un autre arrêt du 19 octobre 2016 elle a confirmé sa jurisprudence en considérant que « une adresse IP (protocole Internet) dynamique par laquelle un utilisateur a accédé au site Internet d’un fournisseur de médias électroniques constitue pour celui-ci une donnée à caractère personnel, dans la mesure où un fournisseur d’accès au réseau possède des informations supplémentaires qui, combinées à l’adresse IP dynamique, permettraient d’identifier l’utilisateur » (CJUE, 19 oct. 2016, aff. C-582/14).

Ce qui importe, c’est donc que l’information collectée rende la personne identifiable. Or pour qu’une personne soit considérée comme identifiable, il n’est pas nécessaire que tous les moyens d’identification de cette personne se trouvent entre les mains d’une seule entité.

Ainsi, une adresse IP peut constituer une donnée à caractère personnel si un tiers (par exemple, le fournisseur d’accès à Internet) dispose des moyens nécessaires à l’identification du titulaire de cette adresse sans déployer d’efforts démesurés.

Le RGPD

Le considérant 30 du RGPD prévoit que « les personnes physiques peuvent se voir associer, par les appareils, applications, outils et protocoles qu’elles utilisent, des identifiants en ligne tels que des adresses IP et des témoins de connexion («cookies») ou d’autres identifiants, par exemple des étiquettes d’identification par radiofréquence. Ces identifiants peuvent laisser des traces qui, notamment lorsqu’elles sont combinées aux identifiants uniques et à d’autres informations reçues par les serveurs, peuvent servir à créer des profils de personnes physiques et à identifier ces personnes. »

Il se déduit ainsi de ce texte que l’adresse IP constitue bien une donnée à caractère personnel. Le débat semble désormais clos.

Au total, il importe peu qu’une personne puisse être directement ou indirectement identifiée, toute la difficulté étant, au fond, de déterminer, si l’information collectée se rapporte à une personne physique identifiable.

Pour ce faire, il convient de se tourner, soit vers les textes, soit vers la jurisprudence lesquels fournissent plusieurs critères d’appréciations.

B) Sur les moyens d’identification de la personne

L’article 2 de la loi informatique et libertés dispose que « pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »

Cela signifie que la simple possibilité hypothétique de distinguer une personne n’est pas suffisante pour considérer cette personne comme «identifiable».

Si, compte tenu de l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre, soit par le responsable du traitement, soit par une autre personne, cette possibilité n’existe pas ou qu’elle est négligeable, la personne ne saurait être considérée comme «identifiable» et les informations ne seraient pas des «données à caractère personnel».

Le critère de l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre doit notamment prendre en compte tous les facteurs en jeu.

Le considérant 26 du RGPD précise en ce sens que « pour établir si des moyens sont raisonnablement susceptibles d’être utilisés pour identifier une personne physique, il convient de prendre en considération l’ensemble des facteurs objectifs, tels que le coût de l’identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement et de l’évolution de celles-ci ».

Ainsi, la finalité visée, la manière dont le traitement est structuré, l’intérêt escompté par le responsable du traitement, les intérêts en jeu pour les personnes, les risques de dysfonctionnements organisationnels (par exemple violations du devoir de confidentialité) et les défaillances techniques sont autant d’aspects qu’il convient de prendre en considération.

Par ailleurs, ce critère présente un caractère dynamique d’où la nécessité de tenir compte de l’état d’avancement technologique au moment du traitement et de changements éventuels pendant la période pour laquelle les données seront traitées. Il se peut que l’identification ne soit pas possible aujourd’hui avec l’ensemble des moyens existants auxquels l’on peut raisonnablement recourir.

Si les données doivent être conservées pendant une durée d’un mois, il est probable que l’identification ne pourra intervenir pendant la «durée de vie» des informations, et elles ne sauraient dès lors être considérées comme des données à caractère personnel.

Cependant, si elles doivent être conservées pendant dix ans, le responsable du traitement doit envisager la possibilité d’une identification pouvant intervenir même au cours de la neuvième année, ce qui en ferait à ce moment-là des données à caractère personnel. Il est souhaitable que le système puisse s’adapter à ces développements lorsqu’ils interviennent, et intégrer alors les mesures techniques et organisationnelles appropriées en temps utile.

En toute hypothèse, un facteur essentiel pour évaluer l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre pour identifier les personnes sera, en réalité, la finalité visée par le responsable du traitement dans le cadre du traitement des données.

Lorsque la finalité du traitement implique l’identification de personnes physiques, il est permis de penser que le responsable du traitement ou toute autre personne concernée dispose ou disposera de moyen «susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre» pour identifier la personne concernée.

En réalité, prétendre que les personnes physiques ne sont pas identifiables alors que la finalité du traitement est précisément de les identifier serait une contradiction absolue in terminis. Il est dès lors essentiel de considérer ces informations comme concernant des personnes physiques identifiables et d’appliquer les règles de protection des données à leur traitement.

[1] CJUE Arrêt du 6 novembre 2003 dans l’affaire C-101/2001 (Lindqvist), point 98

[2] CJUE Arrêt du 6 novembre 2003 dans l’affaire C-101/2001 (Lindqvist), point 27.

La prohibition du recours à l’année lombarde pour le calcul du taux effectif global (TEG/TAEG)

Jusqu’il y a peu, les établissements bancaires avaient pour habitude de calculer les intérêts sur la base, non pas d’une année civile de 365 jours de 12 mois comprenant 30 ou 31 jours et 28 ou 29 jours en février, mais d’une année théorique de 360 jours correspondant à 12 mois de 30 jours chacun.

Cet usage est né au Moyen Âge en Lombardie. Il a été institué pour des considérations d’ordre pratique. À cette époque, les arrêtés de compte étaient effectués manuellement. Il était dès lors éminemment plus commode de calculer les intérêts dus par l’emprunteur sur un mois, un trimestre ou un semestre, en recourant à un diviseur de 360 jours.

Le recours à l’année dite lombarde a été consacré à l’époque révolutionnaire par le décret du 18 frimaire An III. Le texte disposait que « la Convention nationale décrète que l’intérêt annuel des capitaux sera compté par et pour trois cent soixante jours seulement. Il n’y aura point de cours pendant les sans-culottides ».

Son adoption est consécutive au vote de la loi du 4 frimaire An II qui avait aboli le calendrier grégorien à la faveur d’un calendrier comportant 12 mois de 30 jours chacun. Ce calendrier prévoyait, en outre, 5 ou 6 jours supplémentaires (selon que l’année était ou non bissextile) dits « sans culottides » dédiés à la célébration des fêtes républicaines. Il a néanmoins été décidé que les intérêts ne devaient pas courir durant ces jours de fêtes, de sorte que, en matière bancaire, l’année était ramenée à 360 jours.

Le décret du 18 frimaire An III fut remis en cause quatorze ans plus tard par la loi du 3 septembre 1807 qui se référait, pour la détermination du taux d’usure, non pas à l’année Lombarde, mais à l’année civile.

Les juridictions ont toutefois admis, pendant de nombreuses années encore, que les banques puissent calculer les intérêts sur la base d’une année lombarde. Dans un arrêt du 19 avril 1982, la Cour d’appel de Paris a estimé, par exemple, que « considérant qu’il convient, comme l’a retenu la banque, de calculer les intérêts sur 360 jours conformément à l’usage bancaire de très longue date trouvant son origine en Lombardie, au Moyen-Âge et s’étant perpétué jusqu’à notre époque en raison de son caractère pratique, en ce que le chiffre de 360 est successivement divisible par douze, deux, quatre, six, ce qui correspond au mois, au semestre, au trimestre et à deux mois […] ; Que cet usage a du reste été admis par Mme M. qui a accepté de payer les agios qui avaient été calculés sur cette base de 360 jours […] »[1].

Il faut attendre un arrêt du 10 janvier 1995 pour que cette jurisprudence soit formellement condamnée par la Cour de cassation. Au visa de l’article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global, elle considère « qu’il résulte du texte susvisé que le taux annuel de l’intérêt doit être déterminé par référence à l’année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours »[2].

Cass. com. 10 janv. 1995
Attendu, selon l'arrêt critiqué, que le Crédit du Nord a clôturé le compte courant de la société Invitance, à laquelle il avait consenti un découvert pendant plusieurs années ; qu'un litige est né entre les parties au sujet des conditions de la cessation de ce concours bancaire, des modalités de la fixation du taux des intérêts, de la capitalisation trimestrielle de ceux-ci, de l'application de dates de valeur différentes des dates d'inscription en compte et de la durée de l'année prise en considération pour le calcul de la dette d'intérêts ; qu'après avoir statué au fond sur certaines demandes, la cour d'appel a désigné un expert et dit que celui-ci devrait calculer, à partir du solde du compte de la société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôture du compte en se conformant aux usages bancaires relatifs, notamment, à la capitalisation trimestrielle des intérêts, à l'année bancaire de 360 jours et à la pratique des jours de valeur ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1131 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter la prétention de la société Invitance faisant valoir que son obligation de payer des intérêts était partiellement dénuée de cause, dans la mesure où les sommes prises en considération pour le calcul de ceux-ci étaient augmentées, sans fondement, par l'application de dates de valeur, l'arrêt retient que la pratique des jours de valeur n'est prohibée par aucune disposition légale ou réglementaire, qu'elle est d'un usage constant et généralisé, qui se fonde sur le fait qu'une remise au crédit, comme une inscription au débit, nécessite un certain délai pour l'encaissement et le décaissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les opérations litigieuses, autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquaient pas que, même pour le calcul des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global ;

Attendu que, pour décider que l'expert qu'il désignait devrait tenir compte de l'usage bancaire relatif à l'année de 360 jours pour calculer, à partir du solde du compte de la société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôture du compte, l'arrêt retient que le calcul des intérêts doit être fait sur 360 jours et non 365 jours, l'année bancaire n'étant que de 360 jours, conformément à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen-Age, en raison de son caractère pratique en ce que le chiffre de 360, à la différence de celui de 365, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à 2 mois, au trimestre et au semestre, et que cet usage a d'ailleurs trouvé son expression législative dans la loi du 18 frimaire an III, selon laquelle l'intérêt annuel des capitaux sera compté par an et pour 360 jours ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du texte susvisé que le taux annuel de l'intérêt doit être déterminé par référence à l'année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours, la cour d'appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que l'expert qu'il désignait devrait se conformer aux usages bancaires relatifs à l'année bancaire de 360 jours et à la pratique des jours de valeur, l'arrêt rendu le 20 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

La chambre commerciale censure ainsi les juges du fond qui, pour valider le calcul des intérêts effectués par l’établissement bancaire mis en cause, avaient estimé, comme en 1982, que « le calcul des intérêts doit être fait sur 360 jours et non 365 jours, l’année bancaire n’étant que de 360 jours, conformément à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen-Âge, en raison de son caractère pratique en ce que le chiffre de 360, à la différence de celui de 365, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à 2 mois, au trimestre et au semestre, et que cet usage a d’ailleurs trouvé son expression législative dans la loi du 18 frimaire an III, selon laquelle l’intérêt annuel des capitaux sera compté par an et pour 360 jours »[3].

Cette solution était pourtant contraire à la lettre du décret du 4 septembre 1985 qui prévoyait, sans ambiguïté, que « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire ». La règle a, par suite, été codifiée à l’article R. 313-1, II, al. 5 du Code de la consommation lors de l’adoption du décret n°97-298 du 27 mars 1997.

Cette disposition n’était toutefois applicable qu’au seul calcul du TEG. La question s’est alors posée de savoir si l’exigence posée par le texte était transposable au TAEG, soit aux crédits consentis aux consommateurs. La réponse réside à l’article R. 313-1, III du Code de la consommation qui prévoyait que « pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées au II, le taux effectif global est dénommé ” taux annuel effectif global ” et calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent article. ».

En se reportant à ladite annexe on pouvait lire que « l’écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d’années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c’est-à-dire 365/12), que l’année soit bissextile ou non. ».

Depuis l’abrogation l’article R. 313-1 du Code de la consommation par le décret n°2016-884 du 29 juin 2016, l’exigence de recours à l’année civile pour le calcul du taux d’intérêt figure à l’article R. 314-2 pour le TEG et à l’annexe de l’article R. 314-3 pour le TAEG. La règle a ainsi été maintenue.

De son côté, la Cour de cassation a réitéré sa position à plusieurs reprises[4]. Reste que le débat relatif au recours de l’année lombarde n’était, pour autant, pas définitivement purgé.

En premier lieu, on s’est interrogé sur la possibilité pour les établissements bancaires de recourir, pour le calcul du TAEG, à la méthode basée sur l’année de 12 mois normalisés.

Cette méthode consiste à ne pas prendre en compte le nombre exact de jours dans l’année, mais de considérer que chaque mois compte théoriquement 31,41666666 jours, (c’est à dire 365/12) que l’année soit bissextile ou non.

L’annexe de l’article R. 313-1 autorisait explicitement d’asseoir le calcul du TAEG sur une année de 12 mois normalisés. Le champ d’application de cette annexe était toutefois circonscrit aux seuls crédits à la consommation. Certains emprunteurs ont alors soutenu devant les juridictions du fond que le recours au mois normalisé était prohibé en matière de crédit immobilier. La jurisprudence ne s’est toutefois pas laissée séduire par cette argumentation[5]. Dans un arrêt du 15 juin 2016, la Cour de cassation a d’ailleurs admis, à demi-mot, que le calcul du taux d’intérêt puisse reposer sur l’année de 12 mois normalisés pour les crédits immobiliers.

L’entrée en vigueur du nouvel article R. 314-3 du Code de la consommation est venue consacrer cette jurisprudence. L’annexe, dont il est assorti, est applicable, tant aux crédits à la consommation, qu’aux crédits immobiliers.

Cette annexe reprend, en effet, les mêmes termes que celle qui était attachée à l’ancien article R. 313-1, en envisageant que le calcul du TAEG puisse être effectué sur la base d’une année de mois normalisés.

Les emprunteurs ne sont dès lors plus fondés à contester cette méthode de calcul qui est admise au même titre que la méthode qui repose sur l’année civile.

En second lieu, la jurisprudence a été amenée à trancher la question de savoir si les parties au contrat de crédit pouvaient convenir d’un intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année lombarde.

Si les articles R. 314-2 et R. 314-3 du Code de la consommation prohibent expressément le recours à l’année lombarde pour le calcul du TEG/TAEG, aucun texte n’interdit de s’y référer pour calculer le taux conventionnel, soit le taux nominal du crédit.

Le doute est né d’un arrêt du 17 janvier 2006, aux termes duquel la Cour de cassation a estimé « qu’une banque qui perçoit, au titre d’un prêt, des intérêts calculés par référence à l’année bancaire de 360 jours au lieu de l’année civile, sans que l’acte de prêt ne prévoit cette référence méconnaît les exigences légales relatives à l’indication préalable et par écrit du taux effectif global, et encourt à ce titre la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et l’application du taux légal »[6].

Cass. com. 17 janv. 2006
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 1907 du Code civil, ensemble les articles L. 313-1, L.313-2, et R. 313-1 du Code de la consommation :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a acquis un fonds de commerce au moyen d'un prêt d'équipement consenti par le Crédit lyonnais (la banque), le 18 février 1994 ; que l'acte de prêt mentionne un taux d'intérêt annuel de 9,78%, et un taux effectif global de 10,67 % ; que l'emprunteur a cessé de régler les échéances de ce prêt à compter du mois de novembre 1997 ; que la banque l'a alors poursuivi en paiement ; qu'il a contesté la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel au motif que cet intérêt n'avait pas été appliqué à une année civile de trois cent soixante cinq jours, mais à une année de trois cent soixante jours ;

Attendu que, pour se borner à ordonner la restitution des sommes trop perçues, l'arrêt retient que la banque a seulement commis une erreur dans l'application du taux d'intérêt en calculant les intérêts sur la base de 360 jours au lieu de l'année civile ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la banque était redevable à son client d'une somme de 235,55 euros perçue par elle au titre des intérêts calculés par référence à l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'avoir été par référence à l'année civile, ce dont il se déduisait que le taux d'intérêt indiqué n'avait pas été effectivement appliqué de sorte que les exigences légales relatives à l'indication préalable et par écrit du taux effectif global n'avaient pas été respectées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Au vrai, l’examen de la jurisprudence révèle qu’il convient de distinguer selon que le crédit est consenti à un professionnel ou à un consommateur.

Dans un arrêt du 24 mars 2009, la chambre commerciale a considéré que « si le TEG doit être calculé sur la base de l’année civile, rien n’interdit aux parties de convenir d’un taux d’intérêt conventionnel calculé sur une autre base »[7]. Pour cette dernière, lorsque le contrat de crédit est destiné à financer une activité professionnelle, les parties peuvent prévoir de calculer l’intérêt conventionnel sur la base d’une année lombarde, à la condition que cette modalité soit stipulée dans le contrat de prêt[8].

Lorsque, en revanche, le crédit est consenti à un consommateur, la première chambre civile juge, au visa notamment des articles L. 313-1, L.313-2, et R. 313-1 du Code de la consommation, que « le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile »[9]. La solution ainsi adoptée est contestable, dans la mesure où aucune des dispositions visées par la Cour de cassation n’interdit aux parties de prévoir que les intérêts conventionnels seront calculés sur la base d’une année lombarde. Les textes visent le seul TAEG.

Cass. 1ère civ. 19 juin 2013
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation ;
Attendu qu'en application combinée de ces textes, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'une offre de prêt acceptée le 15 février 2005, M. X... a contracté auprès d'une banque un « prêt relais habitat révisable » d'une durée de vingt-quatre mois, remboursable en une seule échéance différée, moyennant un taux effectif global et un taux de période variable « donnés à titre indicatif en fonction de l'indice Moy. arithm./15 j. Euribor douze mois », les conditions générales du prêt précisant que « le calcul des intérêts dus est effectué sur la base d'une année de trois cent soixante jours (soit douze mois de trente jours) » ; qu'en raison de la défaillance de l'emprunteur, la société Compagnie européenne de garanties et de cautions (la société CEGC), qui s'était portée caution solidaire de ce prêt, a désintéressé la banque puis exercé une action subrogatoire contre le débiteur principal, lequel a opposé à la caution subrogée la nullité de la stipulation de l'intérêt nominal, calculé d'après l'année dite « lombarde » de trois cent soixante jours ;

Attendu que, pour rejeter cette exception et condamner M. X... à payer à la société CEGC la somme de 312 239,72 euros, l'arrêt retient que si le taux effectif global doit être calculé sur la base d'une année civile, rien n'interdit aux parties à un prêt de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel conclu sur une autre base, que l'acte de prêt du 15 février 2005 stipulant expressément que les intérêts conventionnels seront calculés sur la base d'une année de trois cent soixante jours, c'est de manière inopérante que M. X... oppose à la caution, subrogée dans les droits de la banque créancière, la nullité de cette stipulation, s'agissant de modalités qui, librement convenues entre les parties, ne peuvent être remises en cause ;

Qu'en statuant ainsi quand le prêt litigieux, visant expressément les articles L. 312-1 à L. 312-6 du code de la consommation, obéissait au régime du crédit immobilier consenti à un consommateur ou un non-professionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Faisant fi des critiques émises par la doctrine à l’encontre de cette jurisprudence, la première chambre civile a reconduit sa position à plusieurs reprises[10].

Lorsque, dès lors, les établissements bancaires consentent des crédits à des consommateurs, ils n’ont d’autre choix que de prévoir un intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année civile. En cas de méconnaissance de cette exigence, le prêteur s’expose à une lourde sanction, laquelle peut aller jusqu’à la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels.

[1] CA Paris, 19 avr. 1982 : D. 1982, IR, p. 409, obs. Vasseur ; RTD com. 1982, p. 598, obs. M. Cabrillac.

[2] Cass. com., 10 janv. 1995 : JCP E 1995, I, 465, n° 20, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet ; Banque févr. 1995, p. 93, obs. J.-L Guillot

[3] CA Paris 20 sept. 1991.

[4] Cass. com. 18 mars 1997, n°94-22216 : D. Affaires 1997.506 ; CCC 1997, comm. 124, obs. G. Raymond ; Cass. com. 3 mars 2004, n°01-10225

[5] V. en ce sens CA Paris, Pôle 5, Chambre 6, 3 décembre 2015, n°14/14373 ; CA Lyon, 1ère chambre civile B, 15 novembre 2016, n° 15/03108.

[6] Cass. com., 17 janv. 2006, n 04-11.100 : JurisData n° 2006-031798 ; JCP E 2006, 1850, obs. J. S.

[7] Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.530 : Bull. civ. IV, n° 44 ; Banque et droit, mai-juin 2009, obs. Th. Bonneau ; RTD com. 2009, p. 422, obs. D. Legeais ; Gaz. Pal. 20-21 mai 2009, p. 6, note S. Piedelièvre.

[8] Dans un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour d’appel d’Orléans a jugé que « si les parties à un contrat de prêt immobilier à finalité professionnelle peuvent convenir d’un taux d’intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année de 360 jours au lieu d’une année civile, encore faut-il que cette modalité soit stipulée dans le contrat de prêt ».

[9] Cass. 1re civ., 19 juin 2013, n° 12-16.651 : RD bancaire et fin. 2013, comm. 185, obs. F. Crédot et T. Samin ; Banque oct. 2013, note J.-L. Guillot et M. Boccara.

[10] V. en ce sens Cass. 1re civ., 17 juin 2015 : Banque et droit, sept.-oct. 2015, p. 26, obs. Th. Bonneau ; Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 16-11.625.

L’imputabilité de la faute en matière de responsabilité du fait personnel

?Notion d’imputabilité

Traditionnellement, on estime qu’il ne suffit pas qu’une faute ait été commise pour que la responsabilité de son auteur soit engagée, encore faut-il qu’elle lui soit imputable.

Aussi, l’imputabilité implique que l’auteur du dommage soit doué de discernement. Autrement dit, il doit avoir conscience de ses actes, soit être capable de savoir s’il commet ou non un écart de conduite.

L’auteur du dommage doit, en somme, être en mesure de distinguer le bien du mal.

?Situation en 1804

En 1804, la faute devait nécessairement être imputable à l’auteur du dommage pour que sa responsabilité puisse être engagée.

La faute ne se concevait pas en dehors de son élément psychologique. Pour les rédacteurs du Code civil, la responsabilité civile avait essentiellement une fonction punitive. Or une punition ne peut avoir de sens que si son destinataire a conscience de la faute commise.

Aussi, tant la jurisprudence, que la doctrine n’envisageaient pas qu’une faute puisse être reprochée à l’auteur d’un dommage sans qu’il soit doué de discernement.

Pour établir la faute, la victime devait dès lors rapporter la preuve de deux éléments :

  • Un fait illicite
  • La faculté de discernement de l’auteur du dommage

L’exigence d’imputabilité excluait, dès lors, du champ d’application de l’ancien article 1382 du Code civil les personnes qui, par définition, ne sont pas douées de discernement :

  • Les aliénés mentaux (Cass. crim., 10 mai 1843)
  • Les enfants en bas âges (Cass. 2e civ., 30 mai 1956)

Il en résultait que chaque fois qu’un dommage était causé par un aliéné mental ou un enfant en bas âge, la victime était privée d’indemnisation.

Guidé par un souci d’indemnisation des victimes, il a fallu attendre la fin des années soixante pour que l’exigence d’imputabilité de la faute soit progressivement abandonnée.

Ce mouvement a concerné :

  • D’abord, les déments
  • Ensuite, les enfants en bas âge

?L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute pour les déments

  • Intervention du législateur
    • Une première étape tendant à l’abandon de l’exigence d’imputabilité a été franchie par la loi du 2 janvier 1968 qui a introduit un article 489-2 dans le Code civil, devenu aujourd’hui l’article 414-3.
    • Aux termes de cette disposition, « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ».
    • Ainsi, la loi admet-elle qu’il n’est plus nécessaire que la faute soit imputable à l’auteur du dommage lorsqu’il s’agit d’une personne atteinte d’un trouble mental.
  • Réception par la jurisprudence
    • Bien que le législateur ait signifié, par l’adoption de la loi du 2 janvier 1968, son intention de rompre avec la conception classique de la faute, la jurisprudence s’est, dans un premier temps, livrée à une interprétation pour le moins restrictive de l’ancien article 489-2 du Code civil.
    • Deux questions se sont en effet immédiatement posées à la jurisprudence :
      • La notion de trouble mental à laquelle fait référence le texte comprend-elle également les troubles physiques ?
      • Le trouble mental peut-il être assimilé à l’absence de discernement dont est frappé l’enfant en bas âge ?
    • S’agissant de l’assimilation du trouble physique à un trouble mental
      • Dans un arrêt du 4 février 1981, la Cour de cassation a reproché à une Cour d’appel d’avoir estimé que le « bref passage de la connaissance à l’inconscience constituait un trouble mental » (Cass. 2e civ., 4 févr. 1981, n°79-11.243).
      • Ainsi, ressort-il de cet arrêt que lorsque le trouble dont a été victime l’auteur du dommage est de nature seulement physique, sans incidence mentale, il faille exclure l’application de l’article 414-3 du Code civil, bien que la portée de cette jurisprudence demeure, pour certains auteurs, incertaine.

Cass. 2e civ., 4 févr. 1981

Vu l’article 489-2 du code civil,

Attendu qu’il est nécessaire que, pour être oblige à réparation en vertu de ce texte, celui qui a causé un dommage à autrui ait été sous l’emprise d’un trouble mental; attendu, selon l’arrêt attaqué, que Vaujany, victime d’un malaise cardiaque, perdit connaissance et tomba sur dame x… qu’il entraina dans sa chute; que dame x…, blessée, l’a assigne en paiement de dommages-intérêts;

Attendu que, pour déclarer Vaujany responsable du dommage en application de l’article 489-2 du code civil, l’arrêt énonce que son bref passage de la connaissance à l’inconscience constituait un trouble mental; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé;

Par ces motifs :

Casse et annule l’arrêt rendu entre les parties le 4 décembre 1978 par la cour d’appel de Grenoble; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.

    • S’agissant de l’assimilation du trouble mental à l’absence de discernement de l’enfant en bas âge
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé d’assimiler l’absence de discernement de l’enfant en bas âge à un trouble mental
      • Ainsi dans un arrêt du 7 décembre 1977, la deuxième chambre civile a-t-elle réaffirmé le principe d’irresponsabilité des enfants en bas âges (Cass. 2e civ., 7 déc. 1977, n°76-12.046).
      • En d’autres termes, dans l’hypothèse où le mineur est privé de discernement uniquement en raison de son âge, pour la Cour de cassation l’exigence d’imputabilité est toujours requise, à défaut de quoi sa responsabilité ne saurait être engagée.
      • Dans une décision du 20 juillet 1976, la Cour de cassation a néanmoins précisé que l’ancien article 489-2 du Code civil avait vocation à s’appliquer aux mineurs, à condition que l’existence d’un trouble mental soit établie (Cass. 1re civ., 20 juill. 1976, n°74-10.238).

Cass. 1re civ., 20 juill. 1976

Sur le moyen unique : attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt confirmatif attaque que, le 11 juin 1970, j – c – ,alors âge de 17 ans, a donné la mort à la mineure Annick x… ;

Que l’information pénale ouverte contre lui, du chef d’homicide volontaire, à été clôturée par une ordonnance de non-lieu, en raison de son état de démence au moment des faits ;

Que la cour d’appel a retenu sa responsabilité civile, sur le fondement de l’article 489-2 du code civil, et a condamné in solidum son père, es qualités d’administrateur légal, et la compagnie la Winterthur, assureur de celui-ci, à payer des dommages-intérêts a dame y…, mère de la victime ;

Attendu qu’il est fait grief aux juges du fond d’avoir ainsi statue, alors que le texte précité résulte de la loi du 3 janvier 1968, portant réforme du droit des incapables majeurs, et figure dans une rubrique intitulée de la majorité et des majeurs qui sont protèges par la loi ;

Que, puisque a la différence des articles 1382 et 1383, qui n’ont pas été abrogés ou modifiés, il n’exige plus la constatation d’une faute imputable a l’auteur du dommage, pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, il est nécessairement d’interprétation restrictive ;

Que, des lors, il ne saurait recevoir application dans le cas d’un mineur en état de démence ;

Mais attendu que la cour d’appel retient, a bon droit, que l’obligation a réparation prévue a l’article 489-2 du code civil concerne tous ceux – majeurs ou mineurs – qui, sous l’empire d’un trouble mental, ont causé un dommage à autrui ;

Que le moyen n’est donc pas fonde ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 16 novembre 1973 par la cour d’appel de Caen

Faits :

  • Un adolescent donne la mort à une mineure à la suite de quoi sa culpabilité pénale ne sera pas retenue en raison de son état de démence

Demande :

Assignation des ayants droit de la victime en responsabilité

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond :
    • Par un arrêt du 16 novembre 1976 la Cour d’appel de Caen fait droit à la demande des ayants droit de la victime et condamne in solidum le père et l’assureur de l’auteur du dommage
  • Motivation des juges du fond :
    • Les juges du fond estiment que l’obligation de réparation prévue à l’article 489-2 du Code civil s’appliquerait tant aux majeurs qu’aux mineurs
    • Or, en l’espèce, la Cour d’appel relève que l’auteur du dommage était sous l’emprise d’un trouble mental celui-ci ayant bénéficié d’un non-lieu en raison de son état de démence
    • Elle fait dès lors application de l’article 489-2 du Code civil

Moyens des parties :

Le représentant de l’auteur du dommage soutient que l’article 489-2 du Code civil ne s’appliquerait qu’aux majeurs souffrant d’un trouble mental puisqu’il a été inséré dans la partie du Code relative aux majeurs protégés.

Il en résulte que l’article 489-2 du Code civil n’aurait pas vocation à s’appliquer aux mineurs souffrant d’un trouble mental.

Problème de droit :

La question qui se posait en l’espèce était de savoir si l’article 489-2 du Code civil avait vocation à s’appliquer à un mineur atteint d’un trouble mental.

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt :
    • Par un arrêt du 20 juillet 1976, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le représentant légal de l’auteur du dommage
  • Sens de l’arrêt :
    • La Cour de cassation estime que l’article 489-2 du Code civil a vocation à s’appliquer, sans distinction, tant aux majeurs qu’aux mineurs, dès lors qu’il est établi qu’ils souffrent d’un trouble mental
  • Analyse de l’arrêt
    • Comme le relève très finement le pourvoi, l’article 489-2 du Code civil apporte une exception à l’article 1382, dans la mesure où il vient supprimer l’exigence d’imputabilité de la faute, soit son élément subjectif pour les personnes souffrant d’un trouble mental
    • Or il est traditionnellement admis en droit que les exceptions sont d’interprétation stricte.
    • Dès lors, dans la mesure où l’article 489-2 a été intégré dans le corpus juridique relatif à la protection des majeurs protégés, une interprétation stricte de cette disposition aurait supposé de limiter son application aux seuls majeurs.
    • C’est la raison pour laquelle la décision de la Cour d’appel est pour le moins audacieuse, car elle a fait une interprétation large de l’article 489-2 en l’appliquant au-delà du champ des majeurs protégés, soit aux mineurs souffrant d’un trouble mental.
    • La Cour de cassation recourt à la formule « à bon droit » afin de valider cette position audacieuse qui n’allait pas de soi.

?L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute pour les enfants en bas âge

Guidée par un souci de généraliser la conception objective de la faute, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a décidé, dans une série d’arrêts rendus le 9 mai 1984, d’abandonner définitivement l’exigence d’imputabilité.

Pour y parvenir, bien que la haute juridiction, aurait pu se fonder sur une interprétation extensive de l’ancien article 489-2 du Code civil, telle n’est pas la voie qu’elle a choisi d’emprunter.

Dans l’arrêt Derguini du 9 mai 1984, elle a, en effet, affirmé, sans référence au texte applicable aux déments qu’il n’y avait pas lieu de vérifier si le mineur, auteur du dommage, était capable de discerner les conséquences de ses actes (Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n°80-93.481)

Ainsi, l’exigence d’imputabilité disparaît-elle, laissant place à une conception purement objective de la faute.

Cass. ass. plén., 9 mai 1984

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nancy, 9 juillet 1980), statuant sur renvoi après cassation, que la jeune Fatiha X…, alors âgée de 5 ans, a été heurtée le 10 avril 1976 sur un passage protégé et a été mortellement blessée par une voiture conduite par M. Z… ; que, tout en déclarant celui-ci coupable d’homicide involontaire, la Cour d’appel a partagé par moitié la responsabilité des conséquences dommageables de l’accident ;

Attendu que les époux X… Y… font grief à l’arrêt d’avoir procédé à un tel partage alors, selon le moyen, que, d’une part, le défaut de discernement exclut toute responsabilité de la victime, que les époux X… soulignaient dans leurs conclusions produites devant la Cour d’appel de Metz et reprises devant la Cour de renvoi que la victime, âgée de 5 ans et 9 mois à l’époque de l’accident, était beaucoup trop jeune pour apprécier les conséquences de ses actes ; qu’en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ; alors, d’autre part, et en tout état de cause, que la Cour d’appel n’a pu, sans contradiction, relever, d’un côté, l’existence d’une faute de la victime et, d’un autre côté, faire état de l’irruption inconsciente de la victime ; alors, enfin, que la Cour d’appel relève que l’automobiliste a commis une faute d’attention à l’approche d’un passage pour piétons sur une section de route où la possibilité de la présence d’enfants est signalée par des panneaux routiers, qu’ayant remarqué de loin les deux fillettes sur le trottoir, il n’a pas mobilisé son attention sur leur comportement ; qu’en ne déduisant pas de ces énonciations l’entière responsabilité de M. Z…, la Cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement ;

Mais attendu qu’après avoir retenu le défaut d’attention de M. Z… et constaté que la jeune Fatiha, s’élançant sur la chaussée, l’avait soudainement traversée malgré le danger immédiat de l’arrivée de la voiture de M. Z… et avait fait aussitôt demi-tour pour revenir sur le trottoir, l’arrêt énonce que cette irruption intempestive avait rendu impossible toute manoeuvre de sauvetage de l’automobiliste ;

Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si la mineure était capable de discerner les conséquences de tels actes, a pu, sans se contredire, retenir, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Z…, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé

Faits :

Une petite fille décède après avoir été violemment heurtée par une voiture dont le chauffeur n’a pas pu éviter l’accident, en raison de la soudaineté de l’engagement de la victime sur la chaussée.

Demande :

Les parents de la petite fille décédée demandent réparation du préjudice occasionné.

Procédure :

  • Dispositif de la Cour d’appel :
    • Par un arrêt de la Cour d’appel de Nancy rendu en date du 9 juillet 1980, les juges du fond décident d’un partage de responsabilité entre l’auteur du dommage et la victime.
  • Motivation de la Cour d’appel :
    • Les juges du fond estiment que, quand bien même la victime était privée de discernement en raison de son jeune âge, elle n’en a pas moins commis une faute en s’engageant précipitamment sur la chaussée.

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen :
    • L’existence d’une faute civile suppose la caractérisation d’un élément moral.
    • Or en l’espèce la victime était privée de discernement en raison de son jeune âge. Elle n’a donc pas pu commettre aucune faute.
    • La faute commise par le conducteur du véhicule est seule génératrice du dommage occasionné à la victime

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt :
    • Par un arrêt du 9 mai 1984, l’assemblée plénière de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les parents de la victime.
  • Sens de l’arrêt :
    • Les juges de la Cour de cassation estiment que, quand bien même la victime était privée de discernement compte tenu de son jeune âge, sa conduite n’en était pas moins fautive
    • La décision de la Cour d’appel de partager la responsabilité entre l’auteur du dommage et la victime était donc justifiée.

Analyse de l’arrêt :

Pour mémoire, traditionnellement, il était admis que la responsabilité pour faute poursuivait une double fonction :

  • Réparatrice
  • Punitive

Eu égard à cette double finalité de la responsabilité pour faute, on ne pouvait donc engager la responsabilité d’un mineur dépourvu de discernement, c’est-à-dire d’un infans ou d’un dément pour faute dans la mesure où il n’y aurait alors poursuite que d’une seule des finalités de la responsabilité pour faute : la réparation.

Engager la responsabilité pour faute d’un infans ou d’un dément n’aurait donc eu aucun sens car aucun effet normatif : on ne peut reprocher moralement ses actes à un homme que s’il a été capable de vouloir son comportement, s’il a eu la possibilité d’en adopter un autre.

Dans cette conception morale de la faute civile, la faute réside précisément dans le fait de ne pas avoir usé de cette possibilité.

Ainsi cette conception traditionnelle de la faute exigeait-elle la réunion de deux éléments cumulatifs pour que la faute civile soit caractérisée :

  • Un élément objectif : un fait illicite
  • Un élément subjectif : la capacité de discernement de l’auteur de la faute.

C’est cette exigence d’imputabilité de la faute qui est précisément remise en cause par la Cour de cassation dans l’arrêt Derguini.

Dorénavant, il n’est plus besoin que la faute soit IMPUTABLE à son auteur pour être caractérisée.

Autrement dit, depuis cette jurisprudence posée par l’assemblée plénière en 1984, la faute civile ne suppose plus que l’établissement d’un fait illicite, soit d’un écart de conduite.

Que penser de cette décision ?

  • Positivement
    • Dans une logique favorable à ce que de plus en plus de dommages donnent lieu à réparation, cette solution doit être défendue.
      • Si l’on se place du côté de la victime : peu importe que l’acte ayant causé le dommage soit le fait
        • d’un adulte
        • d’un dément
        • d’un enfant
      • Dès lors, qu’est établi un fait illicite, le dommage doit être réparé.
      • Aussi, en n’exigeant plus l’imputabilité de la faute, on assouplit considérablement les conditions de la responsabilité.
      • Les juges de la Cour de cassation s’inscrivent clairement dans le mouvement qui tend à vouloir toujours plus indemniser les victimes.
      • Objectivation de la responsabilité.
  • Négativement
    • Dans les arrêts rendus par l’assemblée plénière (notamment Derguini et Lemaire), il ne s’agit nullement d’indemniser une victime du fait d’un enfant, mais au contraire de limiter l’indemnisation due à l’enfant en lui opposant sa faute laquelle a concouru à la production de son propre dommage
      • Il y a donc là un paradoxe : la reconnaissance de la faute objective qui doit permettre de poursuivre un objectif de réparation a pour effet, non pas d’indemniser plus mais d’indemniser moins.
      • Car la participation du mineur au dommage par sa faute réduira son droit à réparation.
      • En retenant une approche objective de la faute, la Cour de cassation va permettre à l’auteur du dommage de s’exonérer plus facilement de sa responsabilité
      • Cela s’explique par le fait que la caractérisation de la faute permet certes de retenir la responsabilité de l’auteur d’un dommage, mais elle permet également de l’en exonérer si cette faute est commise par la victime de ce dommage
    • Autre point négatif de cette jurisprudence : le sens commun des termes semble s’opposer à ce que l’on parle de faute d’un dément ou d’un enfant de trois ans ou 5 ans comme c’était le cas dans l’arrêt Derguini.
      • Peut-on raisonnablement penser que l’enfant en bas âge qui traverse la route précipitamment commet une faute ?

En tout état de cause, la jurisprudence a adopté une définition objective de la faute : on peut être fautif sans pour autant avoir conscience de la portée de ses actes.

Désormais, tant pour les majeurs que pour les mineurs, le doute n’était plus permis : leur absence de discernement, soit l’impossibilité de pouvoir établir à leur encontre une faute imputable, n’est plus un obstacle à l’indemnisation de la victime, sitôt rapportée par cette dernière la preuve d’un écart de conduite.

Débarrassée de l’exigence d’imputabilité, la faute ne repose plus que sur le comportement déviant de l’agent. C’est la raison pour laquelle on la qualifie de faute objective

?Avant-projet de réforme

Il peut être observé que l’article 1255 de l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité extracontractuelle prévoit que « La faute de la victime privée de discernement n’a pas d’effet exonératoire. »

?Appréciation de la faute de l’infans

Comme cela a été évoqué précédemment, une fois que l’on a admis que le discernement n’était pas nécessaire pour que la faute civile soit caractérisée, reste à déterminer le modèle de conduite auquel on doit comparer le comportement de l’enfant pour savoir si son comportement est normal ou non.

La faute – en particulier non-intentionnelle – peut en effet se définir de manière très large comme un écart de comportement, un comportement anormal, ce qui exige la détermination d’un modèle de référence auquel comparer le comportement de l’auteur du dommage.

Concernant l’aliéné, la question relativement facile à trancher : l’aliénation mentale est une pathologie.

Aussi, dès lors que l’on estime que le discernement n’est pas n’est pas un élément constitutif de la faute, il suffit de se référer au modèle de conduite d’une personne similaire mais non atteinte d’une telle pathologie.

On enlève le pathologique et on retrouve une situation normale qui permet de porter un jugement de valeur sur le comportement de l’aliéné.

La situation du mineur est, quant à elle, pour le moins différente.

Et pour cause, son absence de discernement n’est pas une pathologie : c’est la situation normale de l’enfant.

Une fois admis que l’absence de discernement n’exclut pas la reconnaissance de la culpabilité civile, il convient de se demander à quel modèle confronter le comportement de l’infans.

Si l’on raisonne comme pour l’aliéné, on sera alors tenté de le comparer au comportement du bon enfant de son âge, c’est-à-dire de l’enfant normal.

Le problème, c’est que l’enfant de 5 ans normal est dépourvu de discernement. Il n’a pas parfaitement conscience de la portée de ses actes.

Il est donc normal qu’il ait des comportements imprudents et qu’il traverse la route sans regarder.

Il n’est également pas anormal, qu’un enfant de huit ans qui joue à cache-cache sous une table, puis surgisse de sous cette table en hurlant gagné et en renversant, par là même, une casserole d’eau bouillante sur l’un de ses camarades.

Dans ces conditions, comment apprécier la faute de l’enfant ? Doit-on adopter la méthode de l’appréciation in abstracto et se référer au modèle de conduite du bon père de famille ?

Dans un arrêt du 28 février 1996 la Cour de cassation a répondu par la positive à cette question (Cass. 2e civ., 28 févr. 1996, n°94-13.084).

Ainsi a-t-elle reproché à une Cour d’appel d’avoir décidé que « le comportement de l’enfant, compte tenu de son jeune âge, ne peut être considéré comme constituant une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage puisqu’il était parfaitement prévisible et naturel dans le contexte au cours duquel il s’est produit ».

Cass. 2e civ., 28 févr. 1996

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que la faute d’un mineur peut être retenue à son encontre même s’il n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte ;

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué, que Sonia Y…, âgée de 8 ans, confiée pour une soirée à M. Bernard X…, et qui jouait sous une table, s’est brusquement relevée, s’est mise à courir et, ayant heurté David X…, fils mineur de Bernard X…, qui transportait une casserole d’eau bouillante, a subi des brûlures ; qu’en son nom Mme Y… a demandé réparation de son préjudice à M. Bernard X… et à son assureur, le Groupe des populaires d’assurances ;

Attendu que, pour retenir la responsabilité entière de M. Bernard X… et exclure toute faute de la victime, l’arrêt, par motifs adoptés, énonce que le comportement de l’enfant, compte tenu de son jeune âge, ne peut être considéré comme constituant une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage puisqu’il était parfaitement prévisible et naturel dans le contexte au cours duquel il s’est produit ;

Qu’en statuant par de tels motifs, alors qu’un tel comportement constituait une faute ayant concouru à la réalisation du dommage, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 janvier 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon

Faits :

Partie de cache-cache entre enfants. L’un d’eux caché sous une table surgit et bouscule l’un de ses camarades, lequel lui renverse dessus une casserole d’eau bouillante.

Demande :

Action en réparation du préjudice

Procédure :

  • Dispositif de la Cour d’appel :
    • Par un arrêt du 27 janvier 1994, la Cour d’appel de Besançon condamne le représentant légal de l’auteur du dommage à réparer intégralement le préjudice.
  • Motivation de la Cour d’appel :
    • Les juges du fond estiment qu’aucune faute n’a été commise par la victime de sorte que l’auteur du dommage ne saurait s’exonérer de sa responsabilité.

Solution de la Cour de cassation :

Par un arrêt du 28 février 1996, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel

Deux enseignements peuvent être retirés de cette décision :

  • Premier point
    • La cour de cassation estime dans cet arrêt qu’une faute civile peut être retenue à l’encontre d’un enfant en bas âge quand bien même il est privé de discernement
    • Autrement dit, il s’agit là d’une confirmation de la jurisprudence Derguini et Lemaire de 1984
    • La Cour de cassation réitère sa volonté d’abandonner l’exigence d’imputabilité de la faute
    • Elle affirme en ce sens dans un attendu de principe explicite que « la faute d’un mineur peut être retenue à son encontre même s’il n’est pas capable de discerner les conséquences de son acte ».
  • Second point
    • La Cour de cassation nous renseigne dans l’arrêt en l’espèce sur la méthode d’appréciation de la faute de l’infans.
    • Les juges du fond avaient, en effet, refusé de retenir une faute à l’encontre de l’enfant, estimant que « le comportement de l’enfant, compte tenu de son jeune âge, ne peut être considéré comme constituant une faute ayant concouru à la réalisation de son dommage puisqu’il était parfaitement prévisible et naturel dans le contexte au cours duquel il s’est produit ».
    • La Cour d’appel s’était ainsi livrée à une appréciation in concreto de la faute de l’enfant, à tout le moins elle avait pris en considération son bas âge.
    • Autrement dit, elle apprécie le comportement de l’enfant « défaillant » par rapport à un enfant normal
    • De cette comparaison, elle en déduit que le comportement de l’infans mis en cause était bel et bien normal, car, selon ses termes, « parfaitement prévisible et naturel ».
    • De toute évidence, la solution retenue par les juges du fond est contraire à l’esprit de la jurisprudence Derguini et Lemaire, car elle conduit à rétablir l’irresponsabilité de l’enfant !
    • En effet, si l’on compare la conduire d’un infans à un modèle non discernant, cela revient à reconnaître un principe général d’irresponsabilité des enfants en bas âge, car il ne saurait être anormal pour un enfant privé de discernement d’avoir un comportement imprudent.
    • C’est la raison pour laquelle, la Cour d’appel refuse de retenir la faute de la victime.
    • En résumé, on a dit que l’on pouvait engager la responsabilité de l’infans pour faute malgré l’absence de discernement, mais de facto si on retient comme modèle l’enfant « normal » du même âge, on ne parviendra pas à dire qu’il y a eu faute : ce serait un coup d’épée dans l’eau !
    • D’où la décision de la Cour de cassation dans l’arrêt de 1996
    • L’intérêt principal de cet arrêt réside dans le fait que la Cour de cassation nous dit que le comportement de l’infans sera jugé non pas par rapport à un enfant du même âge, mais par rapport à celui du bon père de famille !
    • Ici, la Cour de cassation se réfère donc à un modèle in abstracto pour apprécier de l’enfant !
    • Ainsi, en comparant la conduite de l’enfant par rapport au bon père de famille on va pouvoir retenir à son encontre une faute, car le bon père de famille ne joue pas à cache-cache sous la table.

Finalement avec cette jurisprudence une question se pose : est-ce que la notion de faute existe toujours s’agissant de la responsabilité du fait personnel ?

De toute évidence, plus l’enfant sera jeune, moins les comportements qu’il adoptera se rapprocheront de la conduite du bon père de famille.

On pourra donc très facilement retenir sa responsabilité.

Cependant, théoriquement, le simple fait dommageable ne suffit pas, car il faudra quand même caractériser une faute pour retenir sa responsabilité.

Exemple : une épidémie de grippe.

  • L’enfant est bien source de dommage
  • Cependant sa conduite ne s’écarte pas de celle du bon père de famille
  • Pas de caractérisation de faute

Il existera néanmoins un moyen de réparer le préjudice causé à la victime : la responsabilité des parents du fait de leurs enfants, fondée sur l’article 1243 al.4, car il s’agit là d’une responsabilité de plein droit.

?Appréciation de la faute intentionnelle

Dans la mesure où la caractérisation de la faute intentionnelle suppose d’établir la volonté de l’auteur qui a causé le dommage, la méthode d’appréciation in abstracto ne saurait s’appliquer.

La dimension psychologique de cette variété de faute suppose de tenir compte des circonstances de la cause et plus particulièrement de l’état d’esprit dans lequel se trouvait l’auteur du dommage lors de sa production.

Aussi, les auteurs estiment-ils que la faute intentionnelle doit être appréciée in concreto.

La procédure d’injonction de payer

?Finalité de la procédure

La procédure d’injonction de payer a été instaurée par le législateur en vue d’offrir au créancier d’une obligation contractuelle le moyen d’obtenir rapidement, efficacement, et, à moindre frais, le règlement d’une facture impayée.

En somme, il s’agit de permettre au créancier de vaincre l’inertie du débiteur qui se soustrait à l’exécution spontanée de ses obligations.

À l’examen, la procédure d’injonction de payer se caractérise par la mise à l’écart du contradictoire entre la requête et la signification de l’ordonnance ou l’opposition.

Elle a pour objectif de concilier les droits du créancier au recouvrement de sa créance et ceux du débiteur qui n’a connaissance de cette volonté de recouvrement qu’au moment de la signification de l’ordonnance et qui ne peut donc faire valoir ses droits qu’après avoir reçu l’injonction.

Il peut être observé que le dépôt d’une requête en injonction de payer n’interrompt pas le délai de prescription de la créance. Il est donc nécessaire de veiller à cette prescription, car si le créancier est susceptible de se heurter à court à terme à une forclusion de son action, il sera préférable d’assigner le débiteur en paiement.

I) Les avantages de la procédure d’injonction de payer

Pour obtenir le règlement d’une facture impayée deux options s’offrent au créancier :

?Le recouvrement amiable

  • Soit gestion du recouvrement en interne
    • Avantages
      • Frais réduits à la portion congrue
      • Liberté d’action
      • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
    • Inconvénients
      • Long : le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
      • Inefficace : le créancier ne dispose d’aucun moyen de contrainte
  • Soit externalisation du recouvrement
    • Avantages
      • Recouvrement effectué par un professionnel du recouvrement
      • S’effectue en dehors du cadre judiciaire
    • Inconvénients
      • Onéreux, surtout en cas d’insolvabilité du débiteur
      • Long : le succès de la négociation dépend du bon vouloir du débiteur
      • Inefficace : le prestataire ne dispose d’aucun moyen de contrainte

?Le recouvrement judiciaire

  • Soit assigner le débiteur en paiement (action en justice de droit commun)
    • Avantage :
      • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
    • Inconvénients :
      • Long : délais de procédure, respect du contradictoire, expertises
      • Onéreux : coûts liés à un procès
  • Soit engager une procédure d’injonction de payer (procédure d’exception)
    • Avantages :
      • Rapide : procédure simplifiée
      • Efficace : obtention d’un titre exécutoire
      • Peu onéreux : limitée aux frais de rédaction et de signification d’actes
    • Inconvénients
      • Les mêmes que ceux de l’action de justice au fond en cas d’opposition du débiteur

En résumé :

II) Les conditions de mise en œuvre de la procédure

Les conditions de mise en œuvre de la procédure d’injonction de payer sont édictées à l’article 1405 du Code de procédure civile qui prévoit que :

«  Le recouvrement d’une créance peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer lorsque :

1° La créance a une cause contractuelle ou résulte d’une obligation de caractère statutaire et s’élève à un montant déterminé ; en matière contractuelle, la détermination est faite en vertu des stipulations du contrat y compris, le cas échéant, la clause pénale ;

2° L’engagement résulte de l’acceptation ou du tirage d’une lettre de change, de la souscription d’un billet à ordre, de l’endossement ou de l’aval de l’un ou l’autre de ces titres ou de l’acceptation de la cession de créances conformément à la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises. »

Il ressort de cette disposition que la procédure d’injonction de payer ne peut être mise en œuvre que dans trois cas bien distincts :

  • La créance résultant d’une obligation contractuelle
  • La créance résultant d’une obligation statutaire
  • La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

A) La créance résultant d’une obligation contractuelle

?Notion

Par créance contractuelle, il faut entendre toutes celles qui sont nées de la conclusion d’un contrat conformément à l’article 1101 du Code civil (contrat de vente, de bail, d’entreprise, de dépôt, de prêt, d’assurance, de caution etc.)

?Exclusion

  • Les créances nées d’un quasi-contrat
    • Enrichissement injustifié
    • Répétition de l’indu
    • Gestion d’affaire
    • Engagement unilatéral
  • Les créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit
    • Action en réparation d’un préjudice extracontractuel (Cass. com., 17 mars 1958 : JCP G 1958)

?Caractères

  • Certaine : fondée et justifiée dans son principe
  • Liquide : déterminée quant à son montant (au regard des seules stipulations contractuelles)
  • Exigible : le délai de paiement est échu

B) La créance résultant d’une obligation statutaire

?Notion

Il s’agit des créances dues au titre d’un statut légal dont l’adhésion est le plus souvent exigée dans le cadre de l’exercice d’une activité professionnelle (caisse de retraite, sécurité sociale)

?Caractères

  • Certaine
  • Liquide
  • Exigible

C) La créance résultant de la souscription d’un instrument de crédit

?Notion

L’article 1405 du Code de procédure civile vise expressément les créances qui résultent de la souscription de trois instruments de crédit différents et de certains actes y afférents :

  • La lettre de change
    • L’aval
    • L’endossement
  • Le billet à ordre
    • L’aval
    • L’endossement
  • L’acceptation d’une cession Dailly

?Exclusion

La créance qui résulte de l’émission d’un chèque n’est pas éligible à la procédure d’injonction de payer :

  • Le chèque peut faire l’objet d’un recouvrement simplifié
  • L’huissier de justice a compétence, en matière de chèque impayé, pour émettre un titre exécutoire

?Condition

La créance dont se prévaut le demandeur doit résulter d’un titre et d’un engagement valables, conformément aux exigences de fond et de forme posées par le Code de commerce

III) Le déroulement de la procédure d’injonction de payer

A) Le dépôt de la requête

1. L’auteur de la requête

L’article 1407 du Code de procédure civile prévoit que « la demande est formée par requête remise ou adressée, selon le cas, au greffe par le créancier ou par tout mandataire »

Il ressort de cette disposition deux choses :

  • Le créancier peut rédiger et déposer seul la requête d’injonction de payer
    • Quel que soit le montant de la demande, la représentation n’est donc pas obligatoire devant le Tribunal judiciaire et le Tribunal de commerce, à tout le moins au stade de la requête.
    • En cas d’opposition formulée contre l’ordonnance, ce sont les règles de droit commun qui s’appliqueront.
  • Le créancier peut solliciter les services d’un mandataire
    • Aucune limitation quant aux personnes susceptibles d’endosser la qualité de mandataire
      • Avocats
      • Huissiers
      • Notaire
      • Société de recouvrement
    • La preuve d’un mandat de représentation n’est pas exigée par la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 27 juin 2002, n° 98-17.028)

2. La rédaction de la requête

La requête doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires et être assortie de documents justificatifs.

a. Les mentions obligatoires

Il ressort de l’article 1407 du CPC que la requête d’injonction de payer doit comporter deux sortes de mentions

  • Les mentions énoncées à l’article 1407 du CPC
  • Les mentions exigées aux articles 54 et 57 du CPC

?Les mentions énoncées à l’article 1407 du CPC

  • L’indication précise du montant de la somme réclamée
  • Le décompte des différents éléments de la créance, soit le détail
    • du principal
    • des intérêts légaux ou conventionnels
    • de la clause pénale
    • des frais de recouvrement antérieurs
    • des frais de dépôt de la requête si TC compétent
  • Le fondement de la créance, soit sa cause :
    • Créance née d’une obligation contractuelle
    • Créance née d’une obligation statutaire
    • Créance née de l’émission d’un effet de commerce
  • Le bordereau des documents justificatifs produits à l’appui de la requête.

?Les mentions énoncées aux articles 54 et 57 du CPC

  • Les mentions de l’article 54 du CPC
    • À peine de nullité, la demande initiale mentionne :
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’objet de la demande ;
      • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;
      • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
      • Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;
      • Lorsqu’elle doit être précédée d’une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d’une telle tentative.
  • Les mentions de l’article 57 du CPC
    • Elle contient, outre les mentions énoncées à l’article 54, également à peine de nullité :
      • Lorsqu’elle est formée par une seule partie, l’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social
      • Dans tous les cas, l’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.
    • Elle est datée et signée.

b. Les documents justificatifs

L’article 1407 in fine prévoit que la requête « est accompagnée des documents justificatifs »

La Cour de cassation estime que cette exigence signifie qu’il incombe au créancier « de prouver la réalité et l’étendue de sa créance » (Cass. 2e civ., 23 oct. 1991, n° 90-15.529)

Ainsi, les documents produits par le créancier doivent justifier le bien-fondé de sa demande.

c. La présentation de la requête

  • La requête doit être adressée au greffe de la juridiction compétente
  • La requête doit être présentée en double exemplaire, conformément à l’article 494
  • La requête doit comporter l’indication précise des pièces invoquées

d. Absence d’exigence de tentative préalable de règlement amiable

La question s’est posée de savoir si le dépôt d’une requête en injonction de payer était subordonné à l’exigence de tentative de règlement amiable énoncée à l’article 750-1 du CPC.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage. »

Bien que la doctrine soit partagée sur cette question, la Direction des affaires civiles et du sceau a indiqué dans une note accompagnant l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile[1] que lorsque la décision sollicitée devait être prise au terme d’une procédure non contractuelle, telle qu’une ordonnance sur requête ou une injonction de payer, cela constitue un motif légitime au sens du 3° de l’article 750-1 du CPC dispensant alors le requérant de justifier d’une tentative préalable de règlement amiable du litige porté devant la juridiction saisie.

3. La juridiction compétente

3.1. La compétence d’attribution

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice était censée réformer la procédure d’injonction de payer.

L’objectif affiché par le législateur était de renforcer l’efficacité et la rapidité du traitement des requêtes en injonction de payer. Selon l’étude d’impact, cette réforme visait également à faire des économies d’échelle.

À cette fin, deux mesures ont été envisagées par le législateur :

  • Centraliser au niveau national le traitement des requêtes en injonction de payer et des oppositions
  • Dématérialiser la procédure d’injonction de payer

Finalement, cette réforme, qui devait être mise en œuvre au plus tard le 1er septembre 2023, a été abandonnée.

Aussi, est-ce le dispositif prévu initialement par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 qui reste en vigueur.

Ce dispositif est énoncé à l’article 1406 du Code de procédure civile. Cette disposition prévoit que la demande est portée, selon le cas, devant le juge des contentieux de la protection ou devant le président du tribunal judiciaire ou du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d’attribution de ces juridictions :

  • Le Président du tribunal judiciaire (créance civile)
  • Le Juge des contentieux de la protection (créances portant sur des matières relevant de sa compétence)
  • Le Président du tribunal de commerce (créance commerciale)

3.2. La compétence territoriale

?Principe

Le lieu de résidence du débiteur (art. 1406, al. 2 CPC)

Il s’agit d’une règle d’ordre public (art. 1406, al.3) :

  • toute clause contraire est réputée non écrite (art. 1406, al.3)
  • le juge doit relever d’office son incompétence (art. 847-5 CPC)

Lorsqu’il s’agit d’une personne morale la théorie des gares principales est applicable (V. en ce sens Cass. 2e civ., 27 mai 1988, n° 86-19.606)

?Exception

En matière de créance née d’une charge de copropriété la juridiction compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble (art. 60 du décret n° 67-223 du 17 mars 1967)

4. Frais de dépôt de la requête

?Principe

Le dépôt d’une requête d’injonction de payer n’est conditionné par le paiement d’aucuns frais.

?Exception

L’article 1425 du Code de procédure civile prévoit que « devant le tribunal de commerce, les frais de la procédure sont avancés par le demandeur et consignés au greffe au plus tard dans les quinze jours de la demande, faute de quoi celle-ci sera caduque. »

  • Frais de dépôt exigés devant le Tribunal de commerce
  • Frais doivent être consignés au greffe du TC au plus tard dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la requête, faute de quoi la requête est caduque

B) La décision du juge

Trois sortes de décisions peuvent être rendues par le juge compétent pour connaître de la requête en injonction de payer :

  • Le juge peut accéder totalement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut accéder partiellement à la requête d’injonction de payer
  • Le juge peut rejeter la requête d’injonction de payer

1. Admission totale ou partielle de la requête

  • Principe
    • S’il accède totalement ou partiellement à la requête du créancier, le magistrat rend une ordonnance portant injonction de payer
  • Contenu de l’ordonnance
    • Il n’est pas nécessaire pour le magistrat de motiver son ordonnance
    • À ce stade, la procédure demeure gracieuse
  • Mentions de l’ordonnance
    • Les noms du magistrat et du greffier
    • Leurs signatures
  • Apposition de la formule exécutoire
    • L’ordonnance faisant droit à la demande d’injonction de payer est revêtue de la formule exécutoire, ce qui permettra au requérant, à l’expiration du délai d’opposition, d’engager des mesures d’exécution forcée.
    • Il peut être observé qu’il s’agit là d’une nouveauté introduite par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021.
    • Pour mémoire, sous l’empire du droit antérieur, l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance n’était pas immédiate.
    • Il appartenait au créancier de formuler une demande auprès du greffier en justifiant avoir, au préalable, signifié l’ordonnance au débiteur au plus tard dans le mois suivant l’expiration du délai d’opposition ou le désistement du débiteur, soit dans le délai de 2 mois à compter du jour de la signification de l’ordonnance portant injonction de payer.
    • Désormais, plus aucune démarche n’est exigée ; la formule exécutoire est immédiatement apposée sur l’ordonnance pris par le juge de l’injonction de payer.
  • Restitution des documents produits
    • Le juge doit restituer au demandeur les documents produits au soutien de la requête

2. Rejet de la requête

  • Principe
    • Le juge peut rejeter la requête sans avoir à motiver sa décision
  • Voies de recours
    • Le rejet de l’ordonnance n’ouvre aucune voie de recours au créancier
    • Le créancier n’a d’autre choix que d’engager une action sur le terrain du droit commun
  • Restitution de la requête
    • La requête déposée par le créancier lui est restituée avec tous les documents dont elle était assortie

C) La signification de l’ordonnance

?Principe

L’ordonnance d’injonction de payer doit être signifiée à l’initiative du créancier, à chacun des débiteurs, au débiteur (art. 1411 CPC).

?Délai de signification

La signification de l’ordonnance doit intervenir dans les 6 mois, sous peine de caducité (art. 1411, al. 3e CPC).

Cette règle a été rappelée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2010. Aux termes de cette décision, elle a, en effet, rappelé que « l’ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n’a pas été notifiée dans les six mois de sa date » (Cass. 2e civ. 16 déc. 2010, n°10-10.809).

?Modalités de la signification

La signification doit être effectuée par un huissier de justice.

La signification porte sur :

  • D’une part, la copie certifiée conforme de la requête accompagnée du bordereau des documents justificatifs ;
  • D’autre part, l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire.

?Mentions de l’acte de signification

  • Les mentions prévues à l’article 648 CPC
    • La date
    • Si le requérant est une personne physique ses noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
    • Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
    • Les noms, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice ;
    • Les noms et domicile du destinataire
    • S’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social.
  • Les mentions prévues à l’article 1413 CPC
    • À peine de nullité, l’acte de signification de l’ordonnance portant injonction de payer contient, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice, sommation d’avoir :
      • soit à payer au créancier le montant de la somme fixée par l’ordonnance ainsi que les intérêts et frais de greffe dont le montant est précisé ;
      • soit, si le débiteur a à faire valoir des moyens de défense, à former opposition, celle-ci ayant pour effet de saisir le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige.
    • L’acte de signification doit également, sous la même sanction :
      • D’une part, Indiquer de manière très apparente
        • Le délai dans lequel l’opposition doit être formée
        • Le tribunal devant lequel elle doit être portée
        • Les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé ;
      • D’autre part, avertir le débiteur qu’à défaut d’opposition dans le délai indiqué il ne pourra plus exercer aucun recours et pourra être contraint par toutes voies de droit de payer les sommes réclamées.

?Mise à disposition des documents justificatifs

  • Principe
    • L’article 1411 du CPC prévoit que l’huissier de justice doit mettre à disposition du débiteur les documents justificatifs (ceux produits au soutien de la requête) par voie électronique selon des modalités définies par l’arrêté du 24 février 2022.
    • Cet arrêté prévoit notamment que la mise à disposition des documents justificatifs est effectuée au moyen d’une plate-forme de services de communication électronique sécurisée dénommée « Mes Pièces » (www.mespieces.fr), mise en œuvre sous la responsabilité de la Chambre nationale des commissaires de justice, et intégrée au réseau privé sécurisé huissiers (RPSH).
    • Ce système doit garantir la fiabilité de l’identification des accédants à la plateforme, la confidentialité et l’intégrité des documents déposés, la journalisation des transmissions et consultations opérées et l’établissement de manière certaine de la date de consultation.
    • La consultation des documents déposés doit être gratuite.
    • Par ailleurs, le format des documents ne doit pas occasionner, pour le destinataire, un effort déraisonnable de consultation.
    • La durée de mise à disposition des documents est de 18 mois à compter de leur dépôt sur la plate-forme. L’huissier de justice s’assure que les pièces demeurent disponibles au minimum un mois après la signification faite en application de l’article 1411 du code de procédure civile.
    • Le système permet à l’huissier de justice de prolonger la durée de la mise à disposition pour respecter le délai d’un mois fixé à l’alinéa précédent.
    • À l’expiration de cette mise à disposition, les documents sont automatiquement supprimés.
    • Enfin, toute opération de dépôt sur la plateforme et de consultation doit faire l’objet d’une journalisation comportant l’identité de son auteur et l’objet de l’opération.
  • Exception
    • L’article 1411, al. 2e du CPC précise que si les documents justificatifs ne peuvent être mis à disposition par voie électronique pour une cause étrangère à l’huissier de justice, celui-ci les joint à la copie de la requête signifiée.

?Effets de la signification

  • Information du débiteur de l’existence d’une procédure en injonction engagée contre lui par le créancier
  • La signification de l’ordonnance d’injonction de payer s’apparente à une véritable citation en justice
    • Il appartient au débiteur de former opposition afin d’engager une procédure contradictoire
    • S’il ne le fait pas, il reconnaît le bien-fondé de la requête
  • La signification marque le point de départ du délai de recours ouvert au débiteur pour former opposition
  • La signification, en raison de son assimilation à une demande en justice, a pour effet d’interrompre la prescription de la créance
    • L’ordonnance non signifiée ne produit aucun effet interruptif

D) Les effets de l’ordonnance

?Effets d’un titre exécutoire

Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, l’ordonnance portant injonction de payer est immédiatement revêtue de la formule exécutoire.

Est-ce à dire qu’elle peut donner lieu à la mise en œuvre de mesures d’exécution après avoir été dûment signifiée ?

Il n’en est rien. Comme énoncé par l’article 1422, al. 2e du CPC l’ordonnance ne constitue un titre exécutoire et ne produit les effets d’un tel titre ou d’une décision de justice qu’à l’expiration des causes suspensives d’exécution, soit à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de sa signification, lequel n’est autre que le délai pour former opposition.

Le texte précise que « quelles que soient les modalités de la signification, le délai d’opposition […] est suspensif d’exécution.

Aussi, tant que le délai d’opposition n’a pas expiré, aucune mesure d’exécution forcée ne peut être entreprise par le créancier.

L’article 1422 ajoute qu’il en va de même en cas d’opposition formée par le débiteur.

L’opposition formée par le débiteur suspend, en effet, toutes les mesures d’exécution qui auraient été engagées sur le fondement de l’ordonnance portant injonction de payer.

Compte tenu de ce que l’ordonnance portant injonction de payer ne produit les effets d’un titre exécutoire qu’à l’expiration du délai d’opposition, le Commissaire de justice saisi aux fins d’exécuter cette ordonnance devra, préalablement à l’accomplissement de toute mesure d’exécution forcée, s’assurer qu’aucune opposition n’a été formée par le débiteur.

Pour ce faire, il lui faudra solliciter du greffe la délivrance d’un certificat de non-opposition.

?Effets d’un jugement contradictoire

Il s’infère de l’article 1422, al. 2e du CPC que l’ordonnance portant injonction de payer n’est pourvue de l’autorité de la chose jugée qu’à l’expiration du délai d’opposition.

Il en résulte que tant que ce délai n’a pas expiré, il peut être fait droit en justice à des demandes qui tendraient à remettre en cause ce qui a été tranché par l’ordonnance.

À l’expiration, en revanche du délai d’opposition, l’ordonnance portant d’injonction de payer produit tous les effets d’un jugement contradictoire.

Dans un arrêt du 1er février 2018, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’autorité de chose jugée attachée à l’ordonnance portant injonction de payer faisait obstacle aux demandes relatives à la résolution de conventions conclues entre les parties pour inexécution par [le créancier] de ses obligations et à la restitution des sommes versées en exécution de l’ordonnance » (Cass. 2e civ. 1er févr. 2018, n°17-10.849).

Il peut, par ailleurs, être observé que, tant qu’elle ne produit pas les effets d’un jugement contradictoire, l’ordonnance portant d’injonction de payer ne saurait fonder l’adoption de mesures conservatoires.

Dans un arrêt du 13 septembre 2007, la Cour de cassation a ainsi affirmé « qu’une ordonnance portant injonction de payer n’est une décision de justice, au sens de l’article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, qu’en l’absence d’opposition dans le mois de sa signification » (Cass. 2e civ. 13 sept. 2007, n°06-14.730).

?Voie de recours

Dès lors que l’ordonnance portant injonction de payer produit les effets d’un jugement contradictoire, l’article 1422, al. 2e du CPC dit qu’« elle n’est pas susceptible d’appel même si elle accorde des délais de paiement. »

Autrement dit, à l’expiration du délai d’opposition, l’ordonnance ne peut plus être remise en cause par le débiteur, puisqu’acquérant force exécutoire.

E) L’opposition

1. Les modalités de l’opposition

En application de l’article 1415 du CPC l’opposition doit être portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer.

Le tribunal saisi statue alors sur la demande en recouvrement. Il connaît, dans les limites de sa compétence d’attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond. (art. 1417 CPC).

?Délai de l’opposition

  • Quantum du délai
    • Un mois
  • Point de départ
    • Si l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à personne le délai court à compter de ladite signification
    • Si l’ordonnance d’injonction de payer n’a pas été signifiée à personne l’opposition est recevable
      • jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne
      • ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
        • La mesure d’exécution doit avoir été fructueuse, sauf si procès-verbal de carence signifié à personne au débiteur
        • À défaut, le délai ne court pas

?Sanction

En application de l’article 122 du CPC, le non-respect du délai pour former opposition constitue une fin de non-recevoir que le magistrat doit relever d’office.

Dans un arrêt du 21 septembre 2000, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le tribunal qui déclare irrecevable l’opposition formée contre une ordonnance portant injonction de payer excède ses pouvoirs en statuant au fond sur le recouvrement de la créance » (Cass. 2e civ. 21 sept. 2000, n°99-10.493).

?Forme de l’opposition

En application de l’article 1415 du CPC, l’opposition doit être portée, selon le cas, devant la juridiction dont le juge ou le président a rendu l’ordonnance portant injonction de payer.

Pratiquement, elle doit être formée au greffe, soit par déclaration contre récépissé, soit par lettre recommandée.

L’opposition peut être formée par le débiteur ou par un mandataire, étant précisé que si ce dernier n’est pas avocat, il doit justifier d’un pouvoir spécial.

L’opposition doit, à peine de nullité, mentionner l’adresse du débiteur.

Elle n’a pas, en revanche, à être motivée. Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation a ainsi affirmé que « l’opposition à injonction de payer n’ayant pas à être motivée, les énonciations qu’elle comporte, même si elles concernent le fond du litige, ne font pas obstacle à la recevabilité des exceptions devant le tribunal » (Cass. 2e civ. 14 janv. 1987, n°84-17.466).

2. Les effets de l’opposition

L’opposition a pour effet de transformer une procédure sur requête, donc unilatérale, en procédure contradictoire de droit commun.

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Suspension de la force exécutoire de l’ordonnance portant injonction de payer
  • Suspension des mesures d’exécution déjà engagées jusqu’à ce qu’une décision au fond soit rendue :
    • Dans l’hypothèse où une saisie-attribution a déjà été diligentée, l’opposition n’entraîne pas la mainlevée de la saisie.
    • Les fonds saisis demeurent indisponibles pendant toute la durée de la procédure (Cass., avis, 8 mars 1996, n°09-60.001)
  • Le créancier doit consigner, sous 15 jours, les frais d’opposition dans l’hypothèse où le litige relève de la compétence des juridictions commerciales
    • Le défaut de consignation est sanctionné par la caducité de la demande formée initialement
  • Admission des demandes incidentes (additionnelles ou reconventionnelles), en raison du caractère contradictoire de la nouvelle procédure

Il peut être observé que, en cas de pluralité de débiteur, l’opposition ne produit d’effets qu’à l’égard de son seul auteur.

À l’égard des autres codébiteurs, sauf à ce qu’ils forment à leur tour opposition dans le délai légal, l’ordonnance portant injonction de payer produira les effets d’un jugement contradictoire (Cass. 2e civ. 16 mai 2019, n°18-17.097).

Il en résulte que la juridiction à laquelle l’affaire est renvoyée ne sera saisie que sur le seul fondement de la requête initiale présentée contre l’auteur de l’opposition.

F) L’instance de droit commun

Dans l’hypothèse où la partie contre laquelle l’ordonnance d’injonction de payer est rendue forme opposition, la procédure devient contradictoire et est assujettie aux règles de droit commun.

L’article 1417 du CPC prévoit en ce sens que, consécutivement à l’opposition formée par le débiteur, le tribunal statue sur la demande en recouvrement.

Il connaît alors, dans les limites de sa compétence d’attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond.

En cas de décision d’incompétence, ou si le créancier en a expressément fait la demande dans sa requête en injonction de payer, l’affaire est renvoyée devant la juridiction compétente selon les règles prévues à l’article 82 du CPC.

En tout état de cause, lors du retour à la procédure contentieuse de droit commun, plusieurs phases doivent être distinguées.

1. La convocation des parties

?La convocation du débiteur

  • Le rôle du greffe
    • La bascule entre la procédure d’injonction de payer et la procédure ordinaire au fond est assurée par le greffe du Tribunal saisi.
    • C’est à lui qu’il revient de convoquer les parties.
    • L’article 1418 du CPC prévoit en ce sens que devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817, le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, le greffier convoque les parties à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Les destinataires de la convocation
    • La convocation est adressée à toutes les parties, même à celles qui n’ont pas formé opposition.
    • La précision est ici d’importance : ce n’est pas seulement le débiteur qui a formé opposition qui est convoqué, ce sont tous ceux contre lesquels l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue.
    • L’objectif est ici de rendre contradictoire la procédure pour tous.
  • Le contenu de la convocation
    • La convocation contient :
      • Sa date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle l’opposition est portée ;
      • L’indication de la date de l’audience à laquelle les parties sont convoquées ;
      • Les conditions dans lesquelles les parties peuvent se faire assister ou représenter.
      • La convocation adressée au défendeur précise en outre que, faute de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.
    • Ces mentions sont prescrites à peine de nullité.

?La notification de l’opposition au créancier

L’article 1418 du CPC prévoit que le greffe adresse au créancier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de la déclaration d’opposition.

Cette notification est régulièrement faite à l’adresse indiquée par le créancier lors du dépôt de la requête en injonction de payer.

En cas de retour au greffe de l’avis de réception non signé, la date de notification est, à l’égard du destinataire, celle de la première présentation. La notification est alors réputée faite à domicile ou à résidence.

2. La constitution d’avocat

La constitution d’avocat par les parties s’opère en deux temps :

  • Premier temps : la constitution d’avocat par le créancier
    • L’article 1418 du CPC prévoit qu’il doit constituer avocat dans un délai de quinze jours à compter de la notification.
  • Second temps : la constitution d’avocat par le débiteur
    • Dès qu’il est constitué, l’avocat du créancier en informe le débiteur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lui indiquant qu’il est tenu de constituer avocat dans un délai de quinze jours.

Une copie des actes de constitution est remise au greffe.

3. Le déroulement de l’instance

?Règles applicables

L’article 1418 du CPC rappelle que devant le tribunal judiciaire dans les autres matières, l’affaire est instruite et jugée selon la procédure écrite ordinaire

Ainsi, c’est le droit commun qui s’applique à la procédure d’injonction de payer prise dans sa phase contradictoire.

?Sur la charge de la preuve

Bien que l’instance sur opposition soit provoquée par le débiteur contre lequel l’ordonnance d’injonction de payer a été rendue, c’est le créancier qui est réputé être en demande.

Dans ces conditions, c’est sur lui que pèse la charge de la preuve.

Cette règle est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui considère « qu’il appartient au créancier, défendeur à l’opposition, mais demandeur à l’injonction de payer, de prouver la réalité et l’étendue de sa créance » (Cass. 2e civ. 11 mai 2006, n°05-10.280).

?Sur le défaut de comparution

L’article 1419 du CPC prévoit que le défaut de comparution des parties est sanctionné par l’extinction de l’instance.

Le Code de procédure civile distingue alors deux hypothèses, s’agissant de la caractérisation du défaut de comparution

  • Première hypothèse
    • Devant le tribunal judiciaire dans les matières visées à l’article 817 (lorsque dispense des parties de constituer avocat), le juge des contentieux de la protection et le tribunal de commerce, la juridiction constate l’extinction de l’instance si aucune des parties ne comparaît.
  • Seconde hypothèse
    • Devant le tribunal judiciaire, lorsque la constitution d’avocat est obligatoire, le président constate l’extinction de l’instance si le créancier ne constitue pas avocat dans le délai prévu à l’article 1418 (15 jours)

En tout état de cause, l’article 1419 du CPC prévoit que l’extinction de l’instance rend non avenue l’ordonnance portant injonction de payer.

4. Le jugement sur opposition

L’article 1420 du CPC prévoit que le jugement du tribunal se substitue à l’ordonnance portant injonction de payer.

Il en résulte que le jugement n’a pas vocation à confirmer ou infirmer l’ordonnance.

Aussi, dans l’hypothèse où l’opposition serait déclarée irrecevable, le jugement n’emportera pas survie des effets de l’ordonnance (V. en ce sens Cass. 2e civ. 12 mars 2013, n°12-15.513).

Dans un arrêt rendu en date du 12 mai 2016, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que l’ordonnance est anéantie dès l’accomplissement de l’acte d’opposition (Cass. 1ère civ. 12 mai 2016, n°15-12.392).

Aussi, les seuls effets qui ont vocation à régler la situation des parties sont ceux produits par le jugement.

À l’examen, le Tribunal qui statue sur l’opposition dispose de deux options :

  • Soit il déboute le créancier de sa demande
  • Soit il condamne le débiteur au paiement de la somme réclamée

Dans ce second cas, le titre exécutoire qui fondera les poursuites du créancier contre le débiteur sera donc le jugement et non l’ordonnance à laquelle il s’est substitué.

Il ne sera dès lors plus nécessaire pour le créancier de réclamer l’apposition de la formule exécutoire sur l’ordonnance.

Le jugement rendu sur opposition est indépendant de l’ordonnance : il produit ses propres effets.

5. Voies de recours

Dans la mesure où le jugement rendu sur opposition se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer il est susceptible de faire l’objet de voies de recours dans les conditions du droit commun.

L’article 1421 du CPC dispose en ce sens que le tribunal statue à charge d’appel lorsque le montant de la demande excède le taux de sa compétence en dernier ressort.

Cela signifie que la voie de l’appel ne sera ouverte que dans l’hypothèse où la demande initiale ou une demande incidente excède le taux du dernier ressort de la juridiction saisie.

A l’inverse, lorsqu’aucune demande n’excède le taux du dernier ressort, le jugement sera insusceptible d’appel.

  1. Direction des affaires civiles et du sceau – Décembre 2019 – 3/10 : https://www.justice.gouv.fr/sites/default/files/migrations/portail/art_pix/PC_Decret_2019-1333_Presentation_principales_modif.pdf ?