Incidents d’instance: l’interruption de l’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

Nous nous focaliserons ici sur l’interruption d’instance.

A) Les causes d’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

?Les événements emportant de plein droit interruption de l’instance

L’article 369 du CPC envisage quatre causes d’interruption de plein de droit de l’instance :

  • La majorité d’une partie
  • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
  • Les effets du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
  • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle
  • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable.

?Les événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse

L’article 370 du CPC énonce trois causes d’interruption de l’instance subordonnées à leur notification :

  • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible, étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation (Cass. com. 21 oct. 2008, n°07-19.102).
  • La cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur
  • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice

B) Le moment de l’interruption

L’article 371 du CPC prévoit que « en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. »

Il en résulte que la cause d’interruption de l’instance doit intervenir avant l’ouverture des débats, soit le moment où à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée, soit au demandeur, soit au juge rapporteur.

C) Les effets de l’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

D) La reprise de l’instance

1. Les modalités de reprise de l’instance

?La reprise de l’instance initiée par les parties

L’article 373 du CPC prévoit que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense »

Il ressort de cette disposition que la reprise d’instance est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de procédure.

Cette reprise peut être impulsée, soit par la partie à la faveur de laquelle l’interruption de l’instance est intervenue, soit par l’adversaire.

Deux hypothèses doivent ainsi être distinguées :

  • La reprise de l’instance est initiée par la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue, elle peut être formalisée selon deux modalités différentes :
    • En matière de procédure écrite, la reprise peur être engagée au moyen de la prise de conclusions
    • En matière de procédure orale, la reprise pourra être déclenchée au moyen d’une déclaration du greffe de la juridiction saisie.
  • La reprise de l’instance est initiée par l’adversaire de la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue
    • Dans cette hypothèse, la reprise de l’instance ne pourra être effectuée que par voie de citation, selon les mêmes modalités que l’acte introductif d’instance
    • À cet égard, l’article 375 du CPC précise que si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants, soit selon les dispositions qui régissent le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire

?La reprise de l’instance provoquée par le Juge

L’article 376 du CPC prévoit que le juge « peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La reprise de l’instance peut être provoquée par le juge, qui sans se substituer aux parties, peut les « inviter » à accomplir tous les actes utiles en vue de la reprise des débats, ce qui peut se traduire par la fixation de délais
    • En application de l’article 376 du CPC, il peut encore demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance.
    • Cette faculté réservée au juge s’explique par l’absence de dessaisissement, de sorte que l’affaire demeure toujours sous son contrôle.
  • Second enseignement
    • En cas de non-respect des délais et injonctions prescrits par le Juge, celui-ci peut prononcer la radiation de l’affaire
    • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

2. Les effets de la reprise de l’instance

L’article 374 du CPC dispose que « l’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. »

Dans la mesure où l’interruption de l’instance emporte l’interruption du délai de péremption, ce délai court à nouveau à compter de la reprise de l’instance.

Exceptions de procédure, fins de non-recevoir et défenses au fond: régime juridique

Pour faire échec aux prétentions du requérant, la partie adverse peut, pour assurer sa défense, soutenir trois sortes de moyens qui consisteront à faire déclarer la demande :

  • Soit irrégulière
  • Soit irrecevable
  • Soit mal-fondée

S’agissant de la demande irrégulière, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une exception de procédure, soit d’une irrégularité qui procède, par exemple, de l’incompétence du Juge ou encore de la nullité d’un acte.

S’agissant de la demande irrecevable, il s’agit de celle qui tombe sous le coup d’une fin de non-recevoir, soit d’une règle qui prive le demandeur du droit d’agir.

S’agissant de la demande mal-fondée, il s’agit de celle n’est pas justifiée en droit et/ou en fait, de sorte que le Juge, après examen du fond de cette demande, ne peut pas l’accueillir favorablement

Lorsque les moyens ci-dessus énoncés sont soulevés alternativement ou cumulativement dans des conclusions en défense, ils doivent être exposés dans un ordre déterminé par le Code de procédure civile.

Plus précisément, il ressort des textes que doivent être distingués les moyens devant être soulevées avant toute défense au fond (in limine litis), de ceux qui peuvent être soulevés en tout état de cause.

Section 1: Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis

Les moyens de défense devant être soulevés in limine litis, soit avant toute défense au fond, sont ce que l’on appelle les exceptions de procédure.

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

§1: Règles communes

 I) Exception de procédure, défense au fond et fin de non-recevoir

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

II) Liste des exceptions de procédure

 Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

Quant au régime juridique des exceptions de procédure, il obéit à des règles strictes fixées par l’article 74 du CPC : « les exceptions doivent être invoquées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir » et la deuxième chambre civile, le 8 juillet 2004, puis le 14 avril 2005 a précisé, montrant la rigueur de ces dispositions, qu’une partie n’était pas recevable à soulever une exception de procédure après une fin de non-recevoir, peu important que les incidents aient été présentés dans les mêmes conclusions.

III) Spécificité des exceptions de procédure: la présentation in limine litis

Pour qu’une exception de procédure prospère, l’article 74 du CPC prévoit qu’elle doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir.

Cette disposition précise qu’il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre public (V. en ce sens Cass. soc., 5 janv. 1995, n° 92-19823).

Il s’infère de l’article 74 du CPC que les exceptions de procédure ne peuvent donc pas être soulevées n’importe quand. Plusieurs règles doivent être observées par les parties.

==> Avant toute défense au fond

  • Principe
    • Il est de principe que les exceptions de procédure doivent être soulevées in limine litis, soit avant toute défense au fond.
    • Pour mémoire, par défense au fond il faut entendre, selon l’article 71 du CPC, « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire.»
    • Dès lors que l’exception de procédure est soulevée après la prise de conclusions exposant les prétentions, fussent-elles banales et de pure forme, ou l’exercice d’un recours, elle est irrecevable.
    • Ainsi, il a par exemple été jugé que le fait de s’en rapporter à justice constitue une défense au fond, interdisant ensuite de soulever une exception d’incompétence ( 2e civ., 7 juin 2007, n°06-15920).
    • Cette règle est applicable devant toutes les juridictions, y compris devant la Cour d’appel.
    • S’agissant spécifiquement de la procédure applicable devant le Tribunal de grande, l’article 771 du CPC prévoit que les exceptions de procédure ne peuvent être soulevées que devant le Juge de la mise en état seul compétent pour statuer sur ces dernières.
    • Les parties ne sont donc plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement.
    • Dans un arrêt du 12 mai 2016, la Cour de cassation a précisé que le conseiller de la mise en état n’est saisi des demandes relevant de sa compétence que par les conclusions qui lui sont spécialement adressées ( 2e civ.,12 mai 2016, n° 14-25054).
    • En application, d’ailleurs, de l’article 775 du CPC « si les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas au principal autorité de la chose jugée, il est fait exception pour celles statuant sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l’instance».
  • Tempérament
    • Nonobstant la prise de conclusions au fond, il est admis que le plaideur puisse soulever, par la suite, une exception de procédure en cas de formulation d’une demande incidente par la partie adverse
    • Peu importe la nature de la demande incidente (reconventionnelle, additionnelle ou en intervention), la partie contre qui cette demande est formulée peut, en réponse, opposer une exception d’incompétence en réponse

==> Simultanéité

L’article 74 prévoit expressément que, pour être recevable, les exceptions de procédure doivent être soulevées simultanément

Cette règle a été posée afin d’éviter qu’un plaideur ne se livre à des manœuvres dilatoires, en étirant dans le temps, pour faire durer la procédure, l’invocation des exceptions de procédure.

Il en résulte un certain nombre de points de vigilances pour les plaideurs, tant en matière de procédure écrite, qu’en matière de procédure orale.

  • En matière de procédure écrite
    • Obligation est faite aux parties de soulever toutes les exceptions de procédures en même temps, ce qui implique qu’elles doivent figurer dans le même jeu de conclusions.
    • À cet égard, si la Cour de cassation admet que les exceptions de procédure puissent être présentées dans les mêmes écritures, elles doivent être formellement abordées par le plaideur avant l’exposé des défenses au fond.
    • Ajouté à cette exigence, les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’exposé d’une fin de non-recevoir, fût-ce à titre subsidiaire.
  • En matière de procédure orale
    • Les exceptions de procédure doivent être soulevées avant l’ouverture des débats.
    • La question s’est longtemps posée de savoir si la prise de conclusions au fond avant l’audience des plaidoiries ne rendait pas irrecevable les exceptions de procédure qui seraient soulevées pour la première fois le jour de l’audience.
    • Dans un arrêt du 6 mai 1999, la Cour de cassation a répondu positivement à cette question estimant qu’il était indifférent que la procédure soit orale : dès lors que des défenses au fond sont présentées par une partie, cela fait obstacle à l’invocation d’exceptions de procédure ( 2e civ., 6 mai 1999, n°96-22143).
    • Fortement critiquée par la doctrine, la Cour de cassation est revenue sur sa position dans un arrêt du 16 octobre 2003 considérant au visa de l’article 74 du CPC que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure» ( 2e civ., 16 oct. 2003, n°01-13036).
    • Peu importe désormais que des conclusions au fond aient été prises avant l’audience des plaidoiries : les exceptions de procédure peuvent être soulevées, en tout état de cause, le jour de l’audience.
    • Seul l’ordre de présentation oral doit donc être considéré et il suffit, par conséquent, que l’exception de procédure soit exposée verbalement à l’audience, in limine litis, lors des plaidoiries, avant les autres explications orales touchant au fond de l’affaire, pour être recevable.
    • Selon les mêmes principes, un tribunal de commerce ne saurait relever d’office – qui plus est sans observer le principe de la contradiction et inviter les parties à présenter leurs observations – l’irrecevabilité d’une exception d’incompétence en se déterminant d’après la seule chronologie des conclusions du défendeur contenant ses différents moyens de défense, alors même que celui-ci aurait soulevé l’exception d’incompétence après une défense au fond exprimée dans des conclusions antérieures écrites( 2e civ., 20 nov. 2003).
    • C’est donc bien uniquement au jour des plaidoiries qu’il convient de se placer pour apprécier l’ordre des moyens de défense présentés par un plaideur et que doit, en particulier, être examinée l’antériorité de l’exception d’incompétence par rapport aux autres moyens.
    • Dans un arrêt du 22 juin 2017, la Cour de cassation est néanmoins venue apporter un tempérament à sa position en considérant, s’agissant de la procédure applicable devant le Tribunal de commerce que lorsque le juge a organisé les échanges écrits entre les parties conformément au dispositif de mise en état de la procédure orale prévu par l’article 446-2 du code de procédure civile, la date de leurs prétentions et moyens régulièrement présentés par écrit est celle de leur communication entre elles dès lors qu’un calendrier de mise en état a été élaboré par le juge ( 2e civ., 22 juin 2017, n° 16-17118)
    • En cas de calendrier fixé par le Juge, dans le cadre d’une procédure orale, la date de l’exposé des moyens et des prétentions qui doit être prise en compte est celle de leur communication entre parties et non celle de l’audience

==> Succession de procédures

Quid lorsque l’exception de procédure est soulevée pour la première fois, consécutivement à une procédure de référé, une tentative de conciliation ou encore dans le cadre d’un appel ou d’un pourvoi en cassation ?

  • L’exception de procédure consécutivement à une procédure de référé
    • Il est de jurisprudence constante que les exceptions de procédure peuvent être soulevées dans le cadre d’une procédure de référé, alors même qu’elles n’auraient pas été préalablement présentées dans le cadre d’une instance en référé.
    • La raison en est que les deux procédures sont distinctes : tandis que le juge des référés statue au provisoire, le juge saisi du fond du litige statue au principal.
    • Dans un arrêt du 29 mai 1991, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’instance de référé étant distincte de l’instance au fond, la cour d’appel a justement retenu que le fait par une partie de ne pas invoquer une clause attributive de compétence dans le cadre d’une instance de référé ne manifestait pas la volonté non équivoque de cette partie de renoncer à s’en prévaloir dans le cadre d’une instance ultérieure au fond, quand bien même les deux instances concerneraient le même litige» ( com. 28 mai 1991, n°89-19683).
  • L’exception de procédure consécutivement à une tentative de conciliation
    • Principe
      • En matière de conciliation, la solution retenue par la Cour de cassation est identique à celle adoptée pour la procédure de référé.
      • En effet, l’invocation, pour la première fois, d’une exception de procédure postérieurement à la tentative de conciliation n’est pas frappée d’irrecevabilité, alors même que des défenses au fond auraient été présentées dans le cadre de cette dernière procédure ( soc., 22 janv. 1975).
      • Il importe peu que la tentative de conciliation ait ou non été obligatoire ; en tout état de cause elle ne fait pas obstacle à la présentation d’une exception de procédure.
    • Exception
      • En matière de divorce, les exceptions de procédure doivent être dès l’audience de conciliation, faute de quoi elles deviennent irrecevables dans le cadre de l’instance en divorce
      • L’article 1073 du CPC prévoit en ce sens que « le juge aux affaires familiales est, le cas échéant, juge de la mise en état.»
      • Dans la mesure où le juge de la mise en état possède une compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure, il est certain que le juge aux affaires familiales dispose des mêmes pouvoirs
  • L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un appel
    • Principe
      • Lorsqu’une exception de procédure est soulevée pour la première fois en appel elle est, par principe, irrecevable, dans la mesure où, par hypothèse, des défenses au fond ont été présentées en première instance.
      • La condition tenant à l’invocation à titre in limine litis des exceptions de procédure n’est donc pas remplie (V. en ce sens 1ère civ., 14 avr. 2010, n°09-12.477).
      • Cette solution s’applique quand bien même c’est la compétence d’une juridiction étrangère qui serait revendiquée.
    • Exception
      • Il est de jurisprudence constante que, par dérogation, une exception d’incompétence peut être soulevée pour la première fois en appel, dès lors qu’elle est soulevée avant toute défense au fond, ce qui sera le cas lorsque le défendeur n’a pas comparu en première instance.
      • La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 25 novembre 1981 qu’il n’était pas nécessaire que l’exception d’incompétence figure dans la déclaration d’appel
      • Elle peut valablement être soulevée dans des conclusions postérieures ( 2e civ. , 25 nov. 1981)
  • L’exception de procédure soulevée dans le cadre d’un pourvoi en cassation
    • À l’instar de la procédure d’appel, la Cour de cassation considère que les exceptions de procédure ne peuvent pas être soulevées pour la première fois dans le cadre d’un pourvoi en cassation ( 1ère civ., 28 févr. 2006, n° 03-21048)
    • La règle posée à l’article 74 du CPC est d’interprétation stricte de sorte que dès lors que des défenses au fond ont été soulevées en première instance ou en appel par le plaideur, il lui est défendu d’exciper des exceptions de procédure devant la haute juridiction, quand bien même l’exception soulevée serait d’ordre public (, ass. plén., 26 mai 1967, n°63-12709).

§2: Règles spécifiques

I) L’exception d’incompétence

L’exception d’incompétence est régie par les articles 75 à 91 du Code de procédure civile. Le moyen tiré de l’incompétence consiste à contester à la juridiction saisie :

  • Soit sa compétence matérielle
  • Soit sa compétence territoriale

A) Incompétence et défaut de pouvoir

L’incompétence ne doit pas être confondue avec le défaut de pouvoir du Juge.

  • Une juridiction peut avoir été valablement saisie par une partie, sans pour autant être investie du pouvoir de trancher le litige.
    • Tel sera le cas du Juge des référés qui, nonobstant les règles qui régissent sa compétence matérielle et territoriale, ne dispose pas du pouvoir de statuer au principal
    • Tel sera encore le cas du Juge-commissaire dont le pouvoir est limité à la vérification des créances, de sorte qu’il lui est interdit de statuer sur leur validité
  • Une Juridiction peut, à l’inverse, être pleinement investie du pouvoir de trancher une question qui lui est soumise, sans pour autant être matériellement ou territorialement compétente pour statuer.
    • Tel sera le cas du Tribunal judiciaire qui dispose du pouvoir de statuer au principal tout en étant incompétent pour se prononcer sur un litige de nature commerciale
    • Il en va de même pour le Tribunal de commerce de Paris qui dispose du pouvoir de statuer sur l’ouverture d’une procédure collective, mais qui n’est pas compétent pour se prononcer sur une procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre d’un débiteur dont le siège social est situé à Marseille

Tandis que l’incompétence relève de la catégorie des exceptions de procédure, et qui donc ne peut être soulevée qu’in limine litis, le défaut de pouvoir est constitutif d’une fin de non-recevoir et peut, dès lors, être soulevée en tout état de cause.

B) Le déclinatoire d’incompétence

L’article 75 du CPC dispose que s’il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d’irrecevabilité

  • D’une part, la motiver, soit exposer les raisons en fait et en droit qui fonde l’incompétence excipée
  • D’autre part, désigner la juridiction compétence, faute de quoi l’incompétence soulevée est irrecevable

C) L’invocation de l’exception d’incompétence

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

==> L’incompétence soulevée par les parties

L’exception d’incompétence n’étant envisagée par le Code de procédure civile que comme un moyen de défense, le demandeur est irrecevable à contester la compétence de la juridiction qu’il a saisie (V. en ce sens Cass. 3e civ., 29 avr. 2002, n° 00-20973)

==> L’incompétence relevée par le Juge

Il ressort des articles 76 et 77 du Code de procédure civile qu’il convient de distinguer selon que le juge soulève d’office son incompétence matérielle ou territoriale

  • L’incompétence matérielle
    • Principe
      • L’article 76 du CPC prévoit que l’incompétence peut être prononcée d’office en cas de violation d’une règle de compétence d’attribution lorsque cette règle est d’ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas.
      • Cette disposition précise que l’incompétence matérielle ne peut l’être qu’en ces cas.
      • Le pouvoir du juge de soulever d’office son incompétence matérielle reste une faculté, de sorte qu’il ne le fera que si les intérêts de l’une des parties sont menacés.
      • En cas d’inaction du juge ou des parties, la compétence de la juridiction saisie pourra donc être prorogée
    • Tempérament
      • L’alinéa 2 de l’article 76 du CPC ajoute que devant la cour d’appel et devant la Cour de cassation, cette incompétence ne peut être relevée d’office que si l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive ou administrative ou échappe à la connaissance de la juridiction française.
  • L’incompétence territoriale
    • Principe
      • Il ressort de l’article 76 du CPC que l’incompétence territoriale ne peut jamais être soulevée en matière contentieuse.
      • En matière gracieuse, en revanche, l’article 77 prévoit que le juge peut relever d’office son incompétence territoriale
      • Là encore, il ne s’agit que d’une simple faculté, de sorte que la compétence territoriale de la juridiction saisie peut être prorogée en cas d’inaction du juge ou des parties.
    • Exception
      • Le juge ne peut relever d’office son incompétence territoriale en matière contentieuse que dans les litiges relatifs à l’état des personnes, dans les cas où la loi attribue compétence exclusive à une autre juridiction ou si le défendeur ne comparaît pas.

==> Cas particulier de l’exception de compétence au sein du Tribunal judiciaire

Animé par le souci de limiter les incidents d’instance, le législateur a, dans concomitamment à la fusion du Tribunal de grande instance et du Tribunal d’instance, introduit un article 82-1 dans le Code de procédure civile qui vise à régler les questions de compétence au sein du Tribunal judiciaire.

La création de nouvelle disposition est issue du rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.qui comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « mettre fin aux exceptions d’incompétence et simplifier la gestion des fins de non-recevoir et des exceptions de nullité » (proposition n°18)

À cette fin il était notamment suggéré :

  • D’une part, dans l’attente de l’instauration du point d’entrée unique que pourrait constituer le tribunal judiciaire, de permettre au juge de trancher les exceptions d’incompétence territoriale et matérielle au sein du tribunal de grande instance, voire au sein du tribunal de grande instance et du tribunal d’instance
  • D’autre part, en cas de mise en place du Tribunal judiciaire, de permettre au juge de statuer sur les exceptions d’incompétence par simple mesure d’administration judiciaire, insusceptible de recours, puisque seule la compétence territoriale sera concernée, à l’instar des juridictions administratives.

Le tribunal judiciaire ayant finalement été créé, c’est la seconde option qui a été retenue par le législateur.

  • Principe : règlement de l’incident de compétence par l’adoption d’une mesure judiciaire
    • L’article 82-1 du CPC dispose en ce sens que « par dérogation aux dispositions de la présente sous-section, les questions de compétence au sein d’un tribunal judiciaire peuvent être réglées avant la première audience par mention au dossier, à la demande d’une partie ou d’office par le juge.»
    • Ainsi, lorsqu’un incident de compétence survient dans le cadre d’une instance pendante devant le Tribunal judiciaire et que la difficulté d’attribution est interne, celui-ci peut être réglé par l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire.
    • La conséquence en est que, contrairement à un incident de compétence ordinaire, la mesure prise par le juge est insusceptible de voie de recours.
    • La difficulté de compétence peut être réglée
      • Soit à la demande des parties
      • Soit d’office par le juge
    • S’agissant de la difficulté de compétence en elle-même, elle peut concerner l’attribution de l’affaire au juge des contentieux de la protection, au juge de l’exécution, au Juge aux affaires familiale ou encore au Président de la juridiction
  • Formalités
    • En ce que le règlement de l’incident de compétence interne au Tribunal judiciaire consiste en l’adoption d’une mesure d’administration judiciaire, la décision du juge se traduit, non pas par le prononcé d’une décision, mais par l’apposition d’une mention au dossier tenu par le greffe
  • Notification
    • Les parties ou leurs avocats en sont avisés sans délai par tout moyen conférant date certaine.
  • Renvoi
    • Une fois le juge compétent (JCP, JEX, JAF etc.) désigné par le juge saisi à tort, le dossier de l’affaire est aussitôt transmis par le greffe au juge désigné.
  • Contestations
    • À l’examen, les parties sont susceptibles de contester la compétence du juge désigné à deux stades de la procédure
      • Contestation devant le juge désigné par le premier Juge saisi
        • La compétence du juge à qui l’affaire a été ainsi renvoyée peut être remise en cause par ce juge ou une partie dans un délai de trois mois.
        • Le délai pour contester la compétence du juge désigné est donc de trois mois, ce qui est un délai bien plus longtemps que le délai de droit commun pour interjeter appel d’une décision statuant sur un incident de compétence, lequel est de 15 jours à compter de la notification de la décision ( 84 CPC).
        • En cas de contestation de la compétence du juge désigné, la procédure se déroule en deux temps
          • Premier temps: le juge, d’office ou à la demande d’une partie, renvoie l’affaire par simple mention au dossier au président du tribunal judiciaire.
          • Second temps: le président renvoie l’affaire, selon les mêmes modalités, au juge qu’il désigne, étant précisé que sa décision n’est pas susceptible de recours.
      • Contestation devant le Juge désigné par le Président du tribunal judiciaire
        • Lorsque l’affaire est renvoyée par le Président du tribunal judiciaire, la compétence du Juge désigné peut être contestée par les parties
        • En pareil cas, la décision se prononçant sur la compétence peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues aux articles 83 à 91 du CPC.
        • Le délai pour interjeter appel est donc ici, non pas de trois mois, mais de 15 jours.

D) La décision du Juge

Lorsqu’une exception d’incompétence est caractérisée, le juge dispose de deux options :

  • Soit il admet l’exception d’incompétence
  • Soit il rejette l’exception d’incompétence

1. La décision admettant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge initialement saisi se déclare incompétent, il convient de distinguer deux hypothèses :

  • Soit il invite seulement les parties à mieux se pourvoir
  • Soit il désigne la juridiction compétente

==> Invitation à mieux se pourvoir

L’article 81 du CPC prévoit que « lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction répressive, administrative, arbitrale ou étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. »

Dans ces hypothèses, la désignation de la juridiction compétente est donc prohibée puisque le juge n’a pas le pouvoir d’imposer sa compétence à ces juridictions.

Ainsi, le juge peut se contenter, dans le dispositif de son jugement, d’inviter les parties à saisir la juridiction compétente, sans pour autant la désigner. Il les invitera donc à « mieux se pourvoir ».

==> Désignation de la juridiction compétente

Lorsque le litige relève de la compétence d’une juridiction autre que des juridictions répressives, administratives arbitrales ou étrangères, le juge qui se déclare incompétent a l’obligation, conformément à l’article 81 du CPC, de désigner la juridiction qu’il estime compétente.

Tel sera le cas lorsque le litige relèvera de la compétence des juridictions civiles ou commerciales.

Précision qui n’est pas sans importance, l’alinéa 2 in fine de l’article 81 du CPC prévoit que la désignation par le juge de la juridiction compétente « s’impose aux parties et au juge de renvoi ».

Cela signifie que, quand bien même le juge de renvoi s’estimerait incompétent, il n’a d’autre choix que de statuer le litige qui lui est soumis en suite d’une déclaration d’incompétence.

==> Modalités du renvoi

L’article 82 du CPC prévoit que, en cas de renvoi devant une juridiction désignée, le dossier de l’affaire lui est transmis par le greffe, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai.

Dans un arrêt du 6 juillet 2000, la Cour de cassation a précisé que, en cas de carence du greffe, les dispositions de l’article 82 du CPC « ne dispensent pas les parties d’accomplir, s’il y a lieu, les diligences propres à éviter la péremption de l’instance » (Cass. 2e civ. 6 juill. 2000, n°98-17893)

Lorsque le greffe accomplit sa tâche, dès réception du dossier, les parties sont invitées par tout moyen par le greffe de la juridiction désignée à poursuivre l’instance et, s’il y a lieu, à constituer avocat dans le délai d’un mois à compter de cet avis.

Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat dans le mois de l’invitation qui leur a été faite en application de l’alinéa précédent.

==> Effets de la déclaration d’incompétence

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le juge invite les parties à mieux se pourvoir
    • Dans cette hypothèse le juge est immédiatement dessaisi et l’instance est éteinte.
    • Il en résulte que les parties sont dans l’obligation :
      • Soit d’interjeter appel si elles entendent contester cette déclaration d’incompétence
      • Soit d’introduire une nouvelle instance devant la juridiction compétente qui
    • En toute hypothèse, il leur reviendra de déterminer la juridiction compétente qui, par hypothèse, n’a pas été désignée.
  • Le juge désigne la juridiction qu’il estime compétente
    • Dans cette hypothèse, il est dessaisi de l’affaire, sans pour autant qu’il en résulte une extinction de l’instance
    • En effet, l’instance a vocation à se poursuivre devant la juridiction désignée
    • Les parties sont donc dispensées d’accomplir des formalités de saisine, soit concrètement de faire délivrer une nouvelle assignation.
    • L’instance est suspendue tant que le délai pour interjeter appel de la déclaration d’appel n’a pas écoulé.
    • Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que le dossier de l’affaire est transmis à la juridiction désignée.

En tout état de cause l’article 79 du CPC précise que « lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes ».

L’alinéa 2 précise que « sa décision a autorité de chose jugée sur cette question de fond ».

Il ressort de la règle ainsi posée que lorsque le juge est contraint, pour statuer sur sa compétence, de trancher une question de fond, sa décision aura autorité de la chose jugée sur cette question de fond.

Par exception, la décision rendue par le juge des référés ne sera jamais revêtue de cette autorité de la chose jugée. Et pour cause, celui-ci ne statue jamais au principal. Sa décision est toujours rendue au provisoire.

2. La décision rejetant l’exception d’incompétence

Lorsque le juge s’estime compétent, il dispose de deux options :

  • Soit il dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire
  • Soit il statue sur le tout dans un même jugement

==> Le juge dissocie la question de sa compétence du reste de l’affaire

Dans cette hypothèse, le juge statuera en deux temps :

  • Première phase
    • Il statue sur sa compétence et corrélativement sursoit à statuer sur le fond
    • En application de l’article 80 du CPC, dans cette hypothèse l’instance est alors suspendue jusqu’à l’expiration du délai pour former appel et, en cas d’appel, jusqu’à ce que la cour d’appel ait rendu sa décision.
    • L’incident de compétence sera ainsi définitivement réglé avant que le juge ne se prononce sur le fond
  • Seconde phase
    • Le juge statue sur le fond du litige, étant précisé que toutes les voies de recours seront épuisées contre la décision qui a préalablement tranché la question de la compétence
    • L’appel de cette décision ne pourra donc porter que sur le fond et non plus sur la compétence.

==> Le juge statue sur le tout dans un même jugement

L’article 78 du CPC prévoit que le juge peut, dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes, se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, après avoir, le cas échéant, mis préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond.

Ainsi, la possibilité s’offre au juge de ne pas dissocier la question de la compétence du reste de l’affaire. Il optera notamment pour cette option lorsque l’incident de compétence n’est pas sérieux, à tout le moins ne soulève aucune difficulté.

Le juge est sûr de son fait, de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’il dissocie la compétence du fond.

Reste que l’article 78 du CPC lui impose de trancher par dispositions distinctes dans son dispositif.

Par ailleurs, il doit avoir préalablement et expressément invité les parties à conclure sur le fond, étant précisé que cette obligation pèse sur toutes les juridictions, y compris les Cours d’appel.

E) Les voies de recours

Jusqu’en 2017 il existait une dualité des voies de recours pour contester une décision statuant sur la compétence d’une juridiction : le contredit et l’appel.

Ces deux recours étaient tous deux portés devant la cour d’appel, et leur existence interdisait le pourvoi en cassation contre la décision des premiers juges même rendue en premier et dernier ressort mais ils n’étaient pas utilisables indifféremment.

Cette dualité des voies de recours a été supprimée par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 à la faveur de l’appel qui est désormais la seule voie de recours pour contester une décision qui tranche une question de compétence.

Reste que le Code distingue désormais deux procédures d’appel, selon que le jugement contesté statue exclusivement sur la compétence ou selon qu’elle statue sur la compétence et sur le fond du litige

1. L’appel du jugement statuant exclusivement sur la compétence

==> Une voie de recours unique : l’appel

L’article 83 du CPC pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe. »

La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Peu importe que la déclaration d’incompétence soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.

==> Délai d’appel

L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.

En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

==> Déclaration d’appel

L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel

Cette déclaration d’appel doit contenir :

  • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
    • La représentation est obligatoire
      • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
        • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
        • L’indication de la décision attaquée ;
        • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
        • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
        • Elle est signée par l’avocat constitué.
        • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
        • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
      • La représentation n’est pas obligatoire
        • L’article 933 prévoit quant à lui que :
          • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
          • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
          • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
        • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

==> Instruction et jugement

L’article 85 du CPC prévoit que l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948.

==> La décision de la Cour d’appel

Qu’elle confirme ou infirme la décision contestée, en application de l’article 86 du CPC, il échoit à la Cour d’appel de renvoyer l’affaire à la juridiction qu’elle estime compétente. Cette décision s’impose aux parties et au juge de renvoi.

Lorsque le renvoi est fait à la juridiction qui avait été initialement saisie, l’instance se poursuit à la diligence du juge.

==> Notification

Le greffier de la cour notifie aussitôt l’arrêt aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

==> Voies de recours

Si l’arrêt rendu par la Cour d’appel n’est pas susceptible d’opposition, il peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Le délai de pourvoi en cassation (deux mois) court à compter de sa notification.

==> Évocation au fond

  • Principe
    • L’article 88 du CPC autorise la Cour d’appel à évoquer le fond
    • Autrement dit, il lui est permis de se prononcer au-delà de la compétence de la juridiction saisie en première instance, ce qui revient à priver les parties d’un double degré de juridiction
    • C’est la raison pour laquelle cette faculté est subordonnée à la satisfaction de conditions
  • Conditions
    • Deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que la Cour d’appel soit autorisée à évoquer l’affaire qui lui est déférée au fond :
      • D’une part, elle doit être la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • La Cour d’appel doit ainsi posséder une plénitude de juridiction
        • La juridiction qu’elle considère comme compétence doit, en particulier, se situer dans son ressort
      • D’autre part, l’évocation de l’affaire au fond est permise si la Cour d’appel estime de bonne justice de donner à l’affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d’instruction.
        • Cette condition, purement subjective, est laissée à l’appréciation souveraine de la Cour d’appel
  • Procédure
    • L’article 89 du CPC pose que quand elle décide d’évoquer, la cour invite les parties, le cas échéant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à constituer avocat dans le délai qu’elle fixe, si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent cette constitution.
    • Si aucune des parties ne constitue avocat, la cour peut prononcer d’office la radiation de l’affaire par décision motivée non susceptible de recours.
    • Copie de cette décision est portée à la connaissance de chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile ou à leur résidence.

2. L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige

L’appel du jugement statuant sur la compétence et le fond du litige est régi par les articles 90 et 91 du CPC.

Il ressort de ces dispositions qu’il convient de distinguer selon que le jugement critiqué a été rendu en premier ressort ou en dernier ressort.

Les pouvoirs de la Cour d’appel sont, en effet, différents selon que l’on se trouve dans l’une ou l’autre situation.

En tout état de cause, le délai pour interjeter appel de la décision de première instance est d’un mois à compter de la notification de la décision.

==> Le jugement critiqué a été rendu en premier ressort

Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC pose que le jugement critiqué peut alors être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions.

Les modalités d’application de ce principe diffèrent toutefois selon que l’arrêt rendu confirme ou infirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence

  • L’arrêt de la Cour d’appel confirme le jugement du chef de la compétence
    • Lorsque la Cour confirme la décision rendue en première instance du chef de la compétence, rien ne fait obstacle à ce qu’elle se prononce, dans le même temps, sur le fond du litige.
    • Dans cette hypothèse, c’est donc la même Cour d’appel qui est amenée à statuer sur l’ensemble des dispositions du jugement critiqué.
  • L’arrêt de la Cour d’appel infirme le jugement du chef de la compétence
    • Dans cette hypothèse, l’article 90 du CPC distingue deux situations :
      • La Cour est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • En pareil cas, l’article 90, al. 2e du CPC dispose que la Cour d’appel saisie statue néanmoins sur le fond du litige
        • Ainsi, l’incompétence de la juridiction de première instance ne fait pas obstacle à ce que la Cour statue sur le fond du litige
        • La solution est logique puisque cette dernière est, en tout état de cause, la juridiction compétente pour connaître de l’appel sur le fond dont est frappé le jugement rendu en première instance
      • La Cour n’est pas la juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente
        • Dans cette hypothèse, l’article 90 al. 3 du CPC prévoit que la Cour doit renvoyer l’affaire devant la cour qui est juridiction d’appel relativement à la juridiction qui eût été compétente en première instance.
        • Cette décision s’impose alors aux parties et à la cour de renvoi.
        • Quand bien même cette dernière s’estimerait incompétente, elle n’aura donc d’autre choix que de statuer.

==> Le jugement critiqué a été rendu en dernier ressort

  • Principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que lorsque le juge s’est déclaré compétent et a statué sur le fond du litige dans un même jugement rendu en dernier ressort, celui-ci peut être frappé d’appel exclusivement sur la compétence.
    • Ainsi l’effet dévolutif de l’appel ne pourra pas s’étendre aux dispositions sur le fond.
    • La raison en est que le jugement frappé d’appel a été rendu en dernier ressort, ce qui dès lors implique qu’il est insusceptible d’être frappé d’appel sur le fond du litige.
    • Tout au plus les parties pourront former un pourvoi en cassation, si elles souhaitent critiquer les dispositions du jugement sur le fond.
  • Mise en œuvre du principe
    • L’alinéa 2 de l’article 91 précise que, en cas d’appel, lorsque la cour infirme la décision attaquée du chef de la compétence, elle renvoie l’affaire devant la juridiction qu’elle estime compétente à laquelle le dossier est transmis à l’expiration du délai du pourvoi ou, le cas échéant, lorsqu’il a été statué sur celui-ci.
    • Plusieurs enseignements peuvent être retirés de cette disposition
      • Renvoi devant la juridiction compétente
        • En cas d’infirmation du jugement rendu en dernier ressort du chef de la compétence, la Cour d’appel doit renvoyer l’affaire devant la juridiction compétence
        • À cet égard le texte précise que la décision de renvoi s’impose aux parties et à la juridiction de renvoi.
        • Cette dernière n’aura ainsi d’autre choix que de statuer, quand bien même elle s’estimerait compétente
      • Délai du renvoi
        • L’affaire est renvoyée à la juridiction compétente seulement à l’expiration du délai de pouvoir, soit deux mois à compter de la notification de la décision
      • Réformation des dispositions sur le fond
        • Lorsque la Cour d’appel infirme le jugement qui lui est déféré du chef de la compétence, quand bien même il a été rendu en dernier ressort, le renvoi devant la juridiction compétence a pour conséquence de réformer les dispositions du jugement sur le fond.
        • C’est là une véritable entorse au principe qui pose l’absence d’un double degré de juridiction pour les décisions rendues en dernier ressort.
  • Exception au principe
    • L’article 91 du CPC prévoit que, un pourvoi formé à l’encontre des dispositions sur le fond rend l’appel irrecevable.
    • Ainsi, si les parties entendent former un pourvoi en cassation, elles se privent de la possibilité d’interjeter appel de la décision rendue en dernier ressort du chef de la compétence.
    • Dans l’hypothèse, où la compétence serait discutable, les parties auront dès lors tout intérêt à saisir d’abord la Cour d’appel avec cette perspective de voir leur affaire rejuger sur le fond en cas d’arrêt infirmatif.

II) La litispendance

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

Pour ce qui nous concerne, à savoir l’exception de litispendance, elle est envisagée à l’article 100 du CPC qui prévoit que « si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande ».

Il ressort de cette disposition que la situation de litispendance se caractérise par la saisine de deux juridictions différentes, mais compétentes, qui ont vocation à statuer sur un même litige.

Plusieurs conditions doivent donc être réunies pour que cette situation conduise à ce que l’une des juridictions saisies décline sa compétence au profit de l’autre.

A) Conditions de l’incident de litispendance

Pour qu’une situation de litispendance soit caractérisée plusieurs conditions doivent être réunies :

  • Les litiges pendants devant les juridictions saisies doivent être identiques
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions
  • Les litiges doivent être pendants devant deux juridictions compétentes

==> Une identité de litige

Pour qu’il y ait litispendance, l’article 100 du CPC exige qu’un « même litige » soit pendant devant deux juridictions.

Fondamentalement, la question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « même litige ». Quels sont les critères ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à la finalité de la règle qui pose l’obligation pour l’une des juridictions saisies de se dessaisir au profit de l’autre.

À l’examen, cette règle vise à éviter que deux décisions contradictoires soient rendues. Surtout, le danger réside dans l’autorité de la chose jugée dont sont susceptibles d’être pourvues ces décisions, ce qui conduirait à une situation inextricable.

Aussi, est-ce à la lumière de l’autorité de la chose jugée que la notion d’identité de litige se définit. En effet, il y aura litispendance lorsque la demande formulée en second aurait été déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée que posséderait le jugement qui aurait statué sur la première demande.

Pour mémoire, l’article 1355 du CPC dispose que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

Il s’infère de cette disposition que l’autorité de la chose jugée fait obstacle à l’examen d’une demande en justice dès lors qu’il y a :

  • Identité des parties
    • Il y aura donc litispendance lorsque les litiges pendants devant des juridictions distinctes opposent les mêmes parties
  • Identité d’objet
    • L’article 4 du CPC prévoit que « l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties»
    • La situation de litispendance sera donc caractérisée lorsque les prétentions des parties soumises aux juridictions saisies seront identiques
  • Identité de cause
    • Dans le silence des textes, la cause de la demande est définie par la doctrine comme le fondement juridique de la prétention des parties
    • Il y aura ainsi litispendance lorsque le fondement juridique dont les parties se prévalent aux fins qu’il soit fait droit à leurs demandes respectives par les juridictions saisies est le même.

Au bilan, la situation de litispendance sera caractérisée lorsque l’on constatera une identité des parties, une identité d’objet des demandes et une identité de leurs causes.

==> Un litige pendant devant deux juridictions

L’article 100 du CPC prévoit que la litispendance suppose que le litige soit pendant « devant deux juridictions de même degré ».

Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition :

  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions
    • Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.
      • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16799).
      • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…)
  • Le litige doit être pendant devant deux juridictions distinctes
    • Pour qu’il y ait litispendance il faut que deux juridictions distinctes soient saisies.
    • Il peut s’agir
      • Soit de deux juridictions de premier degré ( 100 CPC)
      • Soit de deux juridictions second degré ( 100 CPC)
      • Soit d’une juridiction de premier degré et d’une juridiction de second degré ( 102 CPC)
    • Ce qui importe c’est qu’il s’agisse de juridictions différentes, ce qui exclut l’hypothèse de litiges pendants devant des chambres ou des formations de jugement différentes au sein d’une même juridiction
    • Cette situation correspondrait, en effet, à un cas de connexité qui se règle au moyen d’une mesure d’administration judiciaire ( 107 CPC)

==> Un litige pendant devant deux juridictions compétentes

L’article 100 du CPC précise que, pour qu’il y ait litispendance, il est nécessaire que les deux juridictions saisies soient compétentes pour connaître du litige.

La raison en est que dans l’hypothèse où l’une des deux juridictions ne serait pas compétence, la situation relèvera du régime de l’exception d’incompétence et non de litispendance.

À cet égard, si elles sont du même degré, c’est à la juridiction saisie en second qu’il appartient de vérifier sa compétence.

Si, en revanche, les juridictions saisies sont d’un degré différent, la juridiction de premier degré doit vérifier que c’est le même litige qui est pendant devant la Cour d’appel. Dans l’affirmative, elle devra se dessaisir à la faveur de la Cour.

Si, lorsque la caractérisation de la litispendance ne soulève pas de difficulté lorsque les deux juridictions saisies sont compétence, plus délicate sont les hypothèses où leur compétence est contestée ou contestable :

Aussi, la Cour de cassation a-t-elle été conduite à préciser que la situation de litispendance sera caractérisée lorsque :

  • Soit la juridiction dont la compétence est contestée se déclare compétente
  • Soit en cas de prorogation de compétence en raison de l’inaction des parties
  • Soit dans l’hypothèse où la juridiction qui se déclare incompétence renvoie l’affaire par-devant une juridiction différente de celle saisie du même litige

B) Résolution de l’incident de litispendance

  1. L’invocation de l’exception de litispendance

Le Code de procédure civile distingue selon que l’incompétence de la juridiction est soulevée par une partie ou par le juge.

==> La litispendance soulevée par les parties

Il ressort de l’article 100 du CPC que l’exception de litispendance peut être soulevée, tant par le demandeur, que par le défendeur.

Cette exception se distingue, sur ce point, de l’exception d’incompétence qui n’est envisagée que comme un moyen de défense de sorte que le demandeur est irrecevable à la soulever.

En tout état de cause, comme l’exception d’incompétence, l’exception de litispendance doit nécessairement être soulevée in limine litis, soit avant toute défense au fond, conformément à l’article 74 du CPC.

==> La litispendance relevée par le Juge

L’article 100 du CPC prévoit que, à défaut d’invocation de l’exception de litispendance par les parties, elle peut être relevée d’office par le juge.

Il s’agit là d’une simple faculté, faculté qu’il ne peut exercer qu’à titre subsidiaire, en cas de carence des parties.

Lorsque les juridictions saisies sont de même degré, il s’évince de l’article 100 du CPC que cette faculté est réservée à la juridiction saisie en second.

Lorsque, en revanche, elles sont d’un degré différent, c’est à la juridiction de degré inférieur qu’il appartient de relever d’office l’exception de litispendance, encore qu’il s’agit, ici encore, d’une simple faculté.

2. La décision du juge

==> Les modalités de règlement de l’incident

Lorsque la situation de litispendance est caractérisée, il est nécessaire que l’une des juridictions saisies se dessaisisse au profit de l’autre afin de mettre un terme à l’incident, faute de quoi il est un risque que deux décisions contradictoires soient rendues.

Aussi, le Code de procédure civil a-t-il posé des règles qui permettent de déterminer quelle juridiction saisie doit se dessaisir au profit de l’autre.

  • Les juridictions saisies sont du premier degré
    • Il est acquis qu’il appartient à la juridiction saisie en second de vérifier sa compétence, le cas échéant de se dessaisir et de renvoyer l’affaire devant la juridiction saisie en premier
    • La décision de renvoi s’impose à la juridiction désignée
  • Les juridictions saisies sont du second degré
    • Dans cette hypothèse, l’exception de litispendance devrait être déclarée irrecevable dans la mesure où elle aurait dû être soulevée en première instance.
    • Reste que si l’une des parties n’a pas comparu dans le cadre de la première instance, elle sera toujours fondée à soulever l’exception en appel
    • Si la situation se produisait ce serait donc à la Cour d’appel saisie en second de se dessaisir au profit de la première Cour d’appel
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • En pareil cas, l’article 102 du CPC prévoit qu’il appartient à la juridiction de degré inférieur de vérifier sa compétence et de renvoyer, le cas échéant, l’affaire devant la Cour d’appel.
    • En application de l’article 105 du CPC la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné.
    • Une Cour d’appel ne pourra donc pas décliner sa compétence, quand bien même elle serait désignée à tort.

==> Le recours contre la décision

  • Principe
    • L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.
    • Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC
    • À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.»
    • La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire».
    • Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.
  • Délai d’appel
    • L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.
    • En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.
    • En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
  • Déclaration d’appel
    • L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel
    • Cette déclaration d’appel doit contenir :
      • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
        • La représentation est obligatoire
          • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
            • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
            • L’indication de la décision attaquée ;
            • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
            • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
            • Elle est signée par l’avocat constitué.
            • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
            • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
        • La représentation n’est pas obligatoire
          • L’article 933 prévoit quant à lui que :
            • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
            • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
            • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
          • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
  • Recours multiples
    • L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

III) La connexité

Les exceptions de litispendance et de connexité sont régies par les articles 100 à 107 du Code de procédure civile.

Ces deux situations sont envisagées dans la même section en raison des points communs qu’elles partagent :

  • D’une part, la litispendance et la connexité supposent que des demandes aient été formulées devant des juridictions différentes
  • D’autre part, dans les deux cas les juridictions saisies connaissent de demandes connexes ou identiques
  • Enfin, tant en matière de litispendance, qu’en matière de connexité, il s’agira pour l’une des juridictions saisies de décliner sa compétence au profit de l’autre.

Nonobstant ces points communs qui créent un lien étroit entre ces deux exceptions de procédure, elles possèdent un certain nombre de particularités qui justifient qu’elles soient abordées séparément.

Pour ce qui nous concerne, à savoir l’exception de connexité, elle est envisagée à l’article 101 du CPC qui prévoit que « s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction ».

La connexité correspond ainsi à la situation où deux litiges différents sont pendants devant deux juridictions distinctes et qui, en raison du lien étroit qu’ils entretiennent, commande une jonction d’instance par souci de bonne administration de la justice.

À la différence de la situation de litispendance, la connexité implique que les affaires portées devant les juridictions saisies ne soient pas identiques, soit en raison des parties qui s’opposent, soit en raison de l’objet ou de la cause des demandes.

Bien que les affaires doivent être différentes pour que la connexité soit caractérisée, un lien étroit doit les unir, à défaut de quoi la jonction demande de jonction d’instance sera irrecevable.

À cet égard, il ressort de l’article 101 du CPC que plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies pour que la situation de connexité soit établie.

A) Conditions de l’incident de connexité

==> Un lien étroit entre deux affaires

Pour que la situation de connexité soit caractérisée, l’article 101 du CPC exige que soit établi un lien entre les deux affaires. Quelle doit être la teneur de ce lien, son intensité ? Le texte ne le dit pas.

L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.

Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.

==> Intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble

Non seulement il doit exister un lien entre les deux affaires pour la connexité soit établie, mais encore il est nécessaire que leur jonction soit justifiée par l’« intérêt d’une bonne justice de les instruire et juger ensemble ».

C’est la raison pour laquelle, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que l’admission de l’exception de connexité est une simple faculté laissée à l’appréciation du juge (Cass. 1ère civ., 20 oct. 1987).

==> Deux affaires pendantes

Par pendant, il faut comprendre que les deux juridictions qui ont vocation à statuer sur le litige doivent avoir été saisies et ne soient pas dessaisies.

  • S’agissant de la saisine, elle ne sera effectivement qu’à la date d’enrôlement de l’affaire, étant précisé que la jurisprudence considère que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance (assignation, requête, déclaration au greffe etc.) ne vaut pas saisine de la juridiction (V. en ce sens 3e civ., 10 déc. 1985, n° 84-16799).
  • S’agissant du dessaisissement, il est caractérisé en cas d’extinction de l’instance, quelle qu’en soit la cause de cette extinction (désistement, péremption, caducité, acquiescement, jugement etc…)

==> Deux affaires pendantes devant des juridictions distinctes

Pour que l’exception de connexité puisse être soulevée, encore faut-il que l’affaire soit pendante devant deux juridictions distinctes et compétentes.

L’article 107 du CPC précise que s’il s’élève sur la connexité des difficultés entre diverses formations d’une même juridiction, elles sont réglées sans formalité par le président, étant précisé que sa décision est une mesure d’administration judiciaire.

Cette décision est, en conséquence, dépourvue de l’autorité de la chose jugée, à la différence d’une décision qui statuerait sur l’exception de connexité.

B) Résolution de l’incident de connexité

  1. L’invocation de l’exception de connexité

==> Par qui ?

À la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, l’exception de connexité ne peut être soulevée que par les parties. Elle ne peut pas être relevée d’office par le juge, faute de texte qui lui confère cette faculté.

==> Quand ?

L’article 103 du CPC dispose que « l’exception de connexité peut être proposée en tout état de cause. »

Ainsi, à la différence de l’exception d’incompétence ou de litispendance, il est indifférent que l’exception de connexité soit soulevée in limine litis.

Elle peut être soulevée à n’importe quel stade de la procédure, ce qui est une dérogation majeure au principe posée à l’article 74 du CPC.

Pour mémoire cette disposition prévoit que « les exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l’exception seraient d’ordre pub ».

Tel n’est pas le cas pour l’exception de connexité qui peut être soulevée en tout état de cause, ce qui la rapproche, sur ce point, d’une fin de non-recevoir ou d’une défense au fond.

Reste que l’article 103 du CPC exige que cette exception soit soulevée le plus tôt possible. En cas de manœuvre dilatoire de la partie adverse, le juge disposera toujours de la faculté de l’écarter.

==> Devant quelle juridiction ?

L’article 101 du CPC ne précise pas devant quelle juridiction l’exception de connexité doit être soulevée. En matière de litispendance, l’exception doit être soulevée devant la seconde juridiction saisie.

En matière de connexité, c’est égal. Cette exception peut être indifféremment soulevée devant l’une ou l’autre juridiction, voire devant les deux. Selon le cas, le régime applicable diffère.

 Il convient ici de distinguer deux hypothèses :

  • Les juridictions saisies sont du même degré
    • Dans cette hypothèse plusieurs situations peuvent se présenter :
      • Une juridiction de droit commun (TGI) et une juridiction d’exception (TI, TC etc.) sont saisies
        • C’est alors devant la juridiction d’exception que l’exception de connexité doit être soulevée
        • Entre les deux, c’est la juridiction d’exception qui a vocation à se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun
      • Parmi les juridictions saisies, l’une d’entre elle possède une compétence exclusive
        • L’exception de connexité doit être soulevée devant la juridiction dont la compétence est exclusive
        • Entre les deux juridictions saisies, c’est la juridiction dont la compétence n’est pas exclusive qui doit se dessaisir
  • Les juridictions saisies ne sont pas du même degré
    • Dans cette hypothèse, l’article 102 du CPC prévoit que l’exception ne peut être soulevée que devant la juridiction de premier degré, quand bien même elle aurait été saisie antérieurement à la date de saisine de la Cour d’appel

2. La décision du juge

==> Les modalités de règlement de l’incident

  • Le dessaisissement
    • Pour déterminer quelle juridiction doit se dessaisir en cas d’admission de l’exception de connexité, il convient de distinguer plusieurs hypothèses
      • Une juridiction de droit commun et une juridiction d’exception sont saisies
        • C’est à la juridiction d’exception de se dessaisir au profit de la juridiction de droit commun, cette dernière étant seule compétence pour connaître de l’entier litige
      • L’une des deux juridictions saisies possède une compétence exclusive
        • C’est la juridiction qui ne possède pas de compétence exclusive qui doit se dessaisir au profit de l’autre juridiction
      • Les juridictions saisies sont des juridictions d’exception
        • C’est à la juridiction saisie en second de se dessaisir au profit de la juridiction saisie en premier
  • Le renvoi
    • L’article 105 du CPC dispose que « la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie, soit à la suite d’un recours s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné. »
    • Ainsi, après avoir admis l’exception de connexité, le juge qui a statué doit renvoyer l’affaire devant l’autre juridiction saisie.
    • Cette décision s’impose à la juridiction de renvoi qui ne peut pas décliner sa compétence
    • Dans l’hypothèse où l’exception de connexité serait soulevée devant les deux juridictions, l’article 106 du CPC précise que « dans le cas où les deux juridictions se seraient dessaisies, la décision intervenue la dernière en date est considérée comme non avenue. »
    • Ainsi, c’est la juridiction qui a statué en second sur la demande de renvoi qui devra connaître l’affaire dans son ensemble.

==> Le recours contre la décision

  • Principe
    • L’article 104 du CPC dispose que les recours contre les décisions rendues sur la litispendance ou la connexité par les juridictions du premier degré sont formés et jugés comme en matière d’exception d’incompétence.
    • Il convient donc de se reporter aux articles 83 et suivants du CPC
    • À cet égard, l’article 83 pose que « lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.»
    • La voie du contredit est ainsi complètement abandonnée. Il en va de même, précise l’alinéa 2 de cette disposition, lorsque « le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire».
    • Peu importe que la déclaration de litispendance soit assortie du prononcé d’une mesure provisoire ou d’instruction : la seule voie de recours ouverte aux parties c’est l’appel.
  • Délai d’appel
    • L’article 84 du CPC prévoit que le délai pour interjeter appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement.
    • En principe, la notification est assurée par le greffe qui notifie le jugement aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.
    • En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.
  • Déclaration d’appel
    • L’article 85 prévoit que l’appel est interjeté par voie de déclaration accomplie auprès du greffe de la Cour d’appel
    • Cette déclaration d’appel doit contenir :
      • Les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933
        • La représentation est obligatoire
          • L’article 901 prévoit que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 58, et à peine de nullité :
            • La constitution de l’avocat de l’appelant ;
            • L’indication de la décision attaquée ;
            • L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
            • Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
            • Elle est signée par l’avocat constitué.
            • Elle est accompagnée d’une copie de la décision.
            • Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle.
        • La représentation n’est pas obligatoire
          • L’article 933 prévoit quant à lui que :
            • la déclaration comporte les mentions prescrites par l’article 58.
            • Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l’adresse du représentant de l’appelant devant la cour.
            • Elle est accompagnée de la copie de la décision.
          • La déclaration d’appel doit préciser qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.
  • Recours multiples
    • L’article 104 du CPC prévoit que, en cas de recours multiples, la décision appartient à la cour d’appel la première saisie qui, si elle fait droit à l’exception, attribue l’affaire à celles des juridictions qui, selon les circonstances, paraît la mieux placée pour en connaître.

IV) L’exception dilatoire

A) Définition de l’exception dilatoire

L’exception dilatoire, qui est comptée parmi les exceptions de procédure, se définit par sa finalité. Elle constitue un moyen par lequel une partie demande au juge de surseoir à statuer.

En effet, l’exception dilatoire a vocation, pour le plaideur qui l’invoque, à suspendre la procédure.

Plus précisément, elles créent un obstacle temporaire à la poursuite de l’instance et obligent le juge ou l’autorisent à suspendre l’instance jusqu’à l’expiration d’un certain délai.

Les exceptions dilatoires sont régies aux articles 108 à 111 du CPC.

B) Liste des exceptions dilatoires

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

==> Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que L’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division», étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagées par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

==> Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens , civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état» en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

C) La recevabilité de l’exception dilatoire

  • Qui peut soulever l’exception dilatoire ?
    • Dans la mesure où l’exception dilatoire consiste en un moyen de défense, classiquement on considère seul le défendeur est recevable à s’en prévaloir
    • Reste que, en matière de question préjudicielle, la jurisprudence admet qu’elle puisse être invoquée par le demandeur ( 2e civ., 20 déc. 2012, n° 11-18095).
  • Quand soulever l’exception dilatoire ?
    • En application de l’article 74 du CPC l’exception dilatoire doit être soulevée in limine litis, soit avant la présentation de toute défense au fond.
    • Il est néanmoins dérogé à l’exigence de simultanéité de présentation des exceptions de procédure s’agissant de la mise en œuvre de l’exception dilatoire tenant au délai d’option successorale.
    • L’article 111 du CPC prévoit, en effet, que « le bénéficiaire d’un délai pour faire inventaire et délibérer peut ne proposer ses autres exceptions qu’après l’expiration de ce délai».
    • Autrement dit, dans ce cas précis, l’exception dilatoire et les autres exceptions de procédure pourront être soulevées séparément.
  • Quid de l’office du Juge ?
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’aucune obligation ne pèse sur le juge de relever d’office une exception dilatoire
    • Il s’agit là pour lui d’une simple faculté
    • Dans un arrêt du 6 février 1996, la Cour de cassation a jugé en ce sens s’agissant de l’exception dilatoire qui tenait au principe selon lequel « le criminel tient le civil en état » qu’elle « n’est pas une fin de non-recevoir que le juge serait tenu de relever d’office en raison de son caractère d’ordre public, mais constitue une exception tendant à suspendre le cours de l’action»
    • Elle en déduit que « la cour d’appel n’était donc pas tenue de surseoir à statuer dès lors qu’aucune demande en ce sens ne lui était soumise» ( soc. 6 févr. 1996, n°92-44964).

D) La décision

==> Nature de la décision

Lorsque le juge accueille favorablement l’invocation de l’exception dilatoire, en application de l’article 378 du CPC, il rend une décision de sursis à statuer.

À cet égard, cette disposition prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Surtout, à la différence des mesures d’administration judiciaire, les décisions de sursis à statuer sont de véritables jugements de sorte qu’elles sont assujetties à des voies de recours.

==> Effets de la décision

Lorsque l’exception dilatoire est retenue par le juge, elle a pour effet de suspendre le cours de l’instance, de sorte qu’il y a interruption du délai de péremption.

Aussi, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

==> Voie de recours

  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue est susceptible d’une voie de recours, sauf à ce qu’elle tranche, concomitamment, le litige au principal.
    • La décision ne peut donc faire l’objet, ni d’un appel, ni d’un pourvoi en cassation.
    • Elle aura la même valeur qu’un jugement avant dire droit
  • La juridiction saisie ne retient pas l’exception dilatoire
    • Dans cette hypothèse, la décision rendue s’apparente à une décision de sursis à statuer.
    • Il en résulte qu’elle peut faire l’objet d’une voie de recours
    • L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.
    • Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue dans la forme des référés. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.
    • S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

V) Les nullités

==> Notion

La nullité est la « sanction encourue par un acte juridique entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond qui consiste dans l’anéantissement de l’acte »[1].

Si en droit public les nullités sont en principe toujours absolues et existent sans texte, en droit privé il n’en est pas de même.

Ainsi la procédure civile opère-t-elle une distinction majeure entre les nullités pour vice de fond et les nullités pour vice de forme.

  • Les nullités pour vice de forme sont réglées par l’article 114, alinéa 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public».
  • Les nullités pour vice de fond sont énumérées à l’article 117 du CPC. Il s’agit du défaut de capacité d’ester en justice et du défaut de pouvoir.

La distinction entre nullités de forme et de fond est la principale difficulté du système actuel des nullités.

Aux nullités de forme, qui constituent le régime général des nullités procédurales, dont l’article 114 du nouveau code de procédure civile précise qu’elles ne peuvent être sanctionnées que si la nullité est « expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public », s’opposent donc les nullités de fond énumérées de façon exhaustive à l’article 117.

Entre les deux catégories de nullités, le critère général de distinction certainement voulu par les rédacteurs du code consiste en ce que les vices de forme affectent l’instrumentum, alors que les nullités pour irrégularités de fond atteignent le negotium.

Récusé par une partie de la doctrine, au sein de laquelle M. Perrot critique en particulier le recours, selon lui inadapté à la nature des actes de procédure, à des catégories issues du droit civil, ce critère général de distinction est toutefois le plus souvent admis. L’importance du débat tient au fait que les deux sortes de nullités ont des régimes très différents.

Alors que la nullité de forme doit être soulevée in limine litis, et que, selon l’article 114, elle « ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public », ces restrictions ne s’appliquent pas aux nullités de fond.

La distinction entre nullité de fond et nullité de forme présente ainsi un intérêt procédural, raison pour laquelle il convient de les envisager séparément.

A) Les nullités des actes de procédure pour vice de forme

  1.  Les causes de nullité pour vice de forme

Au nombre des causes de nullités d’actes de procédure, on rencontre d’abord le très vaste domaine des vices de forme auquel le législateur a délibérément donné la prééminence en y incluant la plupart des déficiences de nature à affecter la validité d’un acte et en soumettant l’admission de la nullité comme sanction à des conditions très contraignantes.

L’exception doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Elle n’aura d’effet que si aucune régularisation ultérieure n’est venue effacer rétroactivement le vice initial et si celui qui s’en prévaut démontre l’existence du grief que lui cause l’irrégularité.

Surtout, l’article 114 du CPC prévoit qu’aucun acte ne peut être déclaré nul en ce cas si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi. Est ainsi énoncé par cette disposition le fameux principe : point de nullité sans texte.

Ce principe est toutefois assorti d’une exception en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public (formalité qui donne à l’acte sa nature, ses caractères, qui en constitue sa raison d’être)

==> Principe : pas de nullité sans texte

En matière de nullité pour vice de forme, l’anéantissement de l’acte ne sera encouru qu’à la condition qu’un texte le prévoit expressément.

Pour déterminer les causes de nullité pour vice de conforme, il convient, par conséquent, de se reporter à toutes les règles qui sont prescrites à « peine de nullité ».

Un petit tour d’horizon révèle qu’elles sont nombreuses, à tel point que la nullité pour vice de forme représente la plupart des causes de nullité d’actes de procédure.

Parmi les vices de forme pouvant entacher un acte de procédure et entraîner sa nullité, on peut citer notamment :

  • Les mentions qui doivent figurer sur l’assignation
  • L’omission ou l’inexactitude de certaines mentions propres à l’acte d’huissier de justice
  • Les mentions qui doivent figurer sur l’acte de déclaration d’appel
  • Les formalités de notification des actes de procédure et des décisions de justice

==> Exception : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Le principe énoncé à l’article 114 du CPC selon lequel « pas de nullité sans texte » est assorti d’une exception remarquable : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Cette exception est issue de l’ancienne distinction opérée par la jurisprudence entre les formalités substantielles et les formalités secondaires.

Dans un arrêt du 18 novembre 1947, la Cour de cassation avait, en effet, écarté l’application du principe « pas de nullité sans grief » (introduit par un décret-loi du 30 octobre 1935) en cas de violation d’une formalité substantielle.

Elle en avait donné la définition dans un arrêt du 3 mars 1955, aux termes duquel elle avait jugé que « le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d’être et lui est indispensable pour remplir son objet » (Cass. 3e civ., 3 mars 1955).

Une partie de la doctrine avait critiqué cette jurisprudence, contraire selon elle aux vœux du législateur, en faisant valoir notamment qu’elle consistait à raisonner inexactement comme si la violation d’une formalité substantielle frappait l’acte d’inexistence.

Cela n’a pas empêché la jurisprudence de maintenir la distinction entre les formalités substantielles, dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité alors qu’aucun texte ne le prévoit, des formalités secondaires assujetties au principe « pas de nullité sans texte ».

Pour déterminer si l’on est en présence d’une formalité substantielle ou secondaire il convient donc de se demander si la formalité qui lui est attachée est indispensable à la réalisation de son objet.

À l’examen, les formalités reconnues par la jurisprudence comme substantielles sont rares. Il en va ainsi de l’exigence de production d’un certificat médical au soutien d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou encore l’exigence de signature de l’auteur de l’acte de procédure.

2. L’exigence d’un grief

L’article 114, al. 2 du CPC prévoit que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief. Cette règle est résumée par la formule « pas de nullité sans grief ».

La cause de la nullité est indifférente : ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’un vice de forme. Cette exigence de justification d’un grief trouve sa source dans la volonté du législateur de prévenir les manœuvres dilatoires des parties.

Cette règle s’inspire, à certains égards, du droit de la responsabilité civile qui subordonne le succès d’une action en réparation à la démonstration d’un préjudice.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué. En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n° 12-20.929).

Cependant, exceptionnellement certaines juridictions s’en tiennent à l’importance de la règle transgressée lorsqu’elle porte par elle-même atteinte aux droits de la défense (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n° 14-12809)

L’interprétation in abstracto aurait, de toute évidence, pour effet de dénaturer et plus encore de limiter la portée de la règle « nullité sans grief n’opère rien », ce qui équivaudrait pratiquement à revenir au système des nullités substantielles.

C’est la raison pour laquelle cette appréciation du grief in abstracto est limitée aux cas d’inexistence de l’acte (absence de signature, acte formalisé par un officier ministériel incompétent, sans qualité etc.).

Dans un arrêt du 3 décembre 2015, la Cour de cassation a déduit, en ce sens, l’existence d’un grief de la seule omission de mentions essentielles à la validité d’un congé (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12809)

Dans ces circonstances, le préjudice résulte, en quelque sorte, par lui-même, de l’importance de la règle transgressée, de sorte qu’il ne saurait être question d’accorder une valeur quelconque à un acte qui n’existe pas, le préjudice existant de plano.

Reste les cas dans lesquels la nullité d’un acte de procédure est prononcée en l’absence de démonstration d’un grief et en présence d’un vice qui n’entre pas dans l’énumération de l’article 117. La doctrine les range en trois catégories.

  • Tout d’abord, il s’agit, des actes affectés d’un vice qui porte atteinte aux règles d’organisation judiciaire, par exemple l’acte signifié par un huissier de justice instrumentant en dehors de son ressort territorial.
  • Ensuite, seraient en cause également des actes portant gravement atteinte aux droits de la défense (encore qu’on puisse penser que dans les affaires concernées, la nullité aurait généralement pu être aussi prononcée sur le fondement de l’article 114 en constatant l’existence d’un grief).
  • Enfin, il s’agit des actes omis, catégorie qui, elle-même, se subdivise entre les hypothèses où l’acte n’a pas été accompli du tout, et celles où a été fait un acte à la place d’un autre requis par la loi (ainsi la jurisprudence retient-elle que l’appel interjeté dans une forme autre que celle prévue équivaut à une absence d’acte).

Toutes ces décisions sont en général approuvées par les auteurs, y compris par ceux qui estiment que l’énumération de l’article 117 est limitative, parce qu’ils considèrent, soit qu’elles entrent en réalité dans les cas de nullités de fond ou de forme prévus par la loi, soit, pour ce qui concerne les omissions d’actes que la Cour de cassation sanctionne par la nullité (Cass. 2e civ. 27 nov. 1996) en évitant de parler de vice de fond, qu’il s’agit d’un type de nullité légitimement créé par la jurisprudence.

3. La régularisation de la nullité pour vice de forme

L’article 115 du CPC prévoit que « la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Il ressort de cette disposition que tout n’est pas perdu en cas de nullité pour vice de forme. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 115 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de forme soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • Il pourra s’agir, par exemple, en cas d’omission de mentions prescrites à peine de nullité, de délivrer à la partie adverse une nouvelle assignation ou de procéder à de nouvelles formalités de notifications ou de saisie.
  • Deuxième condition
    • Aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte
    • Reste que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il est peu de chance que cette situation se rencontre dans la mesure où, en application de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion.
    • L’article 2242 précise que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 115 du CPC exige qu’elle ne laisse subsister aucun grief.
    • Cela signifie donc que l’irrégularité dont était frappé l’acte ne doit plus causer aucun tort à la partie adverse, faute de quoi cette dernière sera toujours fondée à se prévaloir de la nullité
    • Il en résulte que la régularisation devra intervenir dans les plus brefs délais, sans quoi il est un risque que la défense de l’adversaire s’en trouve durablement perturbée.

4. Mise en œuvre de la nullité pour vice de forme

  • Présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • Seule la partie destinataire de l’acte entaché d’une irrégularité ou celle au préjudice de laquelle il est accompli sont recevables à se prévaloir de la nullité pour vice de forme.
    • Dans un arrêt du 21 juillet 1986, la Cour de cassation avait jugé en ce sens, en des termes généraux, qu’un acte de procédure ne pouvait être annulé pour vice de forme que sur la demande d’une partie « intéressée » ( 2e civ., 21 juill. 1986).
  • Office du Juge
    • À la différence de la nullité pour vice de fond, le Juge n’est pas investi du pouvoir de soulever d’office une nullité pour vice de forme.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 112 du CPC prévoit que « la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
    • L’article 113 poursuit en disposant que « tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été. »
    • Il ressort de ces deux dispositions :
      • D’une part, que l’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée à mesure que les actes susceptibles d’être affectés par une irrégularité sont accomplis
      • D’autre part, que cette exception doit être présentée avant toute défense au fond, ce qui implique, lorsque l’acte irrégulier intervient postérieurement à la présentation d’un moyen de défense, de se référer à la date de l’acte pour apprécier la recevabilité de l’exception de nullité

B) Les nullités des actes de procédure pour vice de fond

  1. Les causes de nullité pour vice de fond

L’article 117 du CPC prévoit que constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l’acte :

  • Le défaut de capacité d’ester en justice
    • Il peut s’agir soit d’une personne frappée d’une incapacité, doit d’un groupement qui ne dispose pas de la personnalité juridique (société en participation, société de fait, créée de fait etc..)
  • Le défaut de pouvoir d’une partie ou d’une personne figurant au procès comme représentant soit d’une personne morale, soit d’une personne atteinte d’une incapacité d’exercice
    • Il s’agit ici du défaut de pouvoir de représentation, soit d’une personne morale, soit d’une personne physique
  • Le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne assurant la représentation d’une partie en justice
    • Ce cas renvoie ici à l’hypothèse de la représentation ad litem, soit au pouvoir de représentation d’une personne en justice
    • Si ce pouvoir de représentation est présumé pour les avocats, pour les autres personnes il doit être prouvé, sans compter que selon la juridiction saisie les règles de représentation diffèrent

Très vite, la question s’est posée de savoir si la liste des irrégularités de fond énoncées par cette disposition était ou non limitative ?

Pendant longtemps, la doctrine et la jurisprudence se sont divisées sur ce point.

Si la Cour de cassation a plusieurs fois posé en principe que « seules affectent la validité d’un acte indépendamment du grief qu’elles ont pu causer les irrégularités de fond limitativement énumérées par l’article 117 du nouveau code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 mars 1989), des décisions font exception à ce principe.

Quant à la doctrine, elle considère en majorité que l’énumération de l’article 117 n’est pas limitative, justifiant sa position par :

  • Un argument de texte : l’emploi de l’article indéfini « des» à l’article 117 « Constituent des nullités de fond… » impliquerait qu’il peut y en avoir d’autres
  • Un argument d’opportunité, qui tiendrait à la nécessité de ne pas laisser sans sanction, pour la seule raison qu’elles n’auraient pas causé grief, des irrégularités très graves qui affectent la substance de l’acte, et où selon une expression de M. Perrot, l’irrégularité de forme n’est que la projection d’un vice de fond sous-jacent, si bien qu’elles portent atteinte à l’organisation judiciaire ou aux droits de la défense.

Depuis un arrêt rendu en date du 7 juillet 2006, il semble que la position de la Cour de cassation, réunie en chambre mixte, soit arrêtée désormais (Cass. ch. mixte, 7 juill. 2006, n°03-20026).

Aux termes de cet arrêt, il a été jugé que « quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d’un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées à l’article 117 du nouveau code de procédure civile »

Depuis lors, la position de la Cour de cassation est demeurée inchangée (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 janv. 2008, n°06-14380)

2. La régularisation de la nullité pour vice de fond

L’article 121 du CPC prévoit que « dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. »

Il ressort de cette disposition que, à l’instar de la nullité pour vice de forme, tout n’est pas perdu en cas de nullité pour irrégularité de fond. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 21 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de fond soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • En cas de défaut de pouvoir de l’auteur de l’acte, il s’agira pour la personne valablement investie de ce pouvoir de réitérer l’acte.
  • Deuxième condition
    • Pour que la régularisation soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité soit susceptible d’être couverte.
    • On en déduit alors que toutes les nullités ne peuvent pas être couvertes.
    • Le texte ne pose cependant aucun critère permettant de déterminer les nullités éligibles à une régularisation.
    • Ce qui est a priori acquis c’est que pour que la nullité puisse être couverte aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte.
    • Pour le reste, les juridictions apprécieront la possibilité d’une couverture de la nullité au cas par cas.
    • La jurisprudence a, en tout état de cause, estimé que le caractère d’ordre public d’une nullité n’était, en soi, pas rédhibitoire (V. en ce sens 3e 11 janv. 1984).
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 121 du CPC exige que la nullité ait disparu au jour où le juge statue.
    • Cette disparition doit, en conséquence, intervenir avant la clôture des débats.

3. La mise en œuvre de la nullité pour vice de fond

À l’examen, le régime juridique auquel sont assujetties les nullités pour vice de fond se rapproche plus de celui applicable aux fins de non-recevoir que de celui auquel sont soumises les nullités pour vice de forme.

  • Absence de justification d’un grief
    • L’article 119 du CPC prévoit que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que la nullité ne résulterait d’aucune disposition expresse. »
    • De toute évidence, c’est là une grande différence avec les nullités pour vice de forme dont la recevabilité est précisément subordonnée à l’établissement d’un grief
    • Dès lors que la nullité pour irrégularité de fond est caractérisée, elle peut être soulevée, alors même que l’existence de cette nullité ne cause aucun tort à la partie adverse.
  • Office du Juge
    • À la différence des nullités pour vice de forme qui ne peuvent, en aucune manière, être relevées d’office par le Juge, lorsqu’il s’agit d’une nullité pour vice de fond, l’article 120 du CPC confère au Juge ce pouvoir dès lors que nullité en question présente un caractère d’ordre public.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 118 du CPC dispose que « les exceptions de nullité fondées sur l’inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. »
    • Il ressort de cette disposition que, par principe, les nullités pour vice de fond peuvent être soulevées en tout état de cause, soit à n’importe quel moment de la procédure.
    • Si toutefois leur invocation procède d’une manœuvre dilatoire de la partie qui s’en prévaut, ce qui devra être démontré, le juge pourra octroyer à la victime de cette manœuvre des dommages et intérêts.
    • Est ainsi énoncée la même règle qu’en matière de fin de non-recevoir (V. en ce sens l’article 123 du CPC).

Section 2: Les moyens de défense pouvant être soulevés en tout état de cause

Deux sortes de moyens peuvent être soulevées en tout état de cause, soit au cours des débats :

  • Les fins de non-recevoir
  • Les défenses au fond

Dans la mesure où, en cas de succès, la fin de non-recevoir dispensera le juge d’examiner la demande au fond, elle doit être soulevée en premier.

I) Les fins de non-recevoir

==> Définition

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille(procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

  • Le défaut de qualité
    • Avoir qualité, c’est être titulaire du droit litigieux ou être le représentant légal ou conventionnel du titulaire.
  • Le défaut d’intérêt
    • Il n’existe pas de définition juridique de l’intérêt, mais il est certain qu’avoir intérêt est la condition première pour pouvoir saisir la justice ainsi que le souligne l’adage bien connu : « Pas d’intérêt pas d’action ».
    • Le défaut d’intérêt se double souvent, d’ailleurs, d’un défaut de qualité.
    • L’intérêt doit être légitime, né et actuel ; un intérêt simplement éventuel n’est pas suffisant.
  • La prescription
    • La prescription extinctive a pour effet d’éteindre l’action du créancier attaché au droit dont il est titulaire par le seul écoulement du temps
    • Toutefois elle laisse subsister une obligation naturelle à la charge du créancier
  • Délai préfix
    • On appelle délai « préfix » un délai de rigueur, fondé sur l’intérêt général, qui échappe entièrement à la volonté des parties.
    • La déchéance encourue résulte automatiquement et nécessairement de l’expiration du délai.
    • Le délai préfix n’est, en principe, pas susceptible d’être suspendu, ce qui le différencie du délai de prescription.
    • Par ailleurs, il n’est pas possible de renoncer à se prévaloir d’un délai préfix et, à la différence de ce qui se passe pour la prescription, le tribunal doit soulever ce moyen d’office.
  • Chose jugée
    • L’expression « chose jugée » dans le langage juridique s’applique à la décision prise par un jugement.
    • Dès que celui-ci est rendu, on lui reconnaît « autorité de chose jugée », en ce qu’il met fin au litige.
    • Le point sur lequel il a été statué ne peut plus, en principe, être remis en question dès lors qu’une présomption de vérité est attachée au jugement rendu.
    • Le principe de l’autorité de la chose jugée a été posé par le code civil qui prévoit en son article 1355 que
    • L’article 1351 du code civil énonce que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement.
    • Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité.
    • Ainsi, l’autorité de la chose jugée par une décision rendue dans un litige de plein contentieux est subordonnée à la triple identité des parties, d’objet et de cause.
    • L’autorité de la chose jugée peut être ou non définitive selon que les décisions auxquelles elle s’attache sont devenues ou non inattaquables.
    • C’est pourquoi, on distingue :
      • Les jugements passés en force de chose jugée irrévocable qui ne peuvent être remis en question devant aucun tribunal (lorsque les délais des voies de recours ordinaires et extraordinaires sont expirés ou qu’il a été fait usage en vain de ces voies de droit)
      • Les jugements qui ont acquis simplement la force de chose jugée, lesquels ne peuvent être attaqués que par des voies de recours extraordinaires (tierce opposition, recours en révision, pourvoi en cassation) ;
      • Les jugements qui n’ont que l’autorité de la chose jugée, et sont susceptibles d’être attaqués par les voies de recours ordinaires.
    • La notion d’autorité de la chose jugée répond à un souci de sécurité juridique et de paix sociale : il est en effet primordial que les relations entre les particuliers eux-mêmes ou entre les particuliers et l’administration demeurent stables et ne soient pas sans cesse remises en cause devant les juridictions.
    • À cet égard, la chose jugée constitue une fin de non-recevoir et peut être opposée par l’une des parties pour empêcher que la partie adverse ne remette en question un point litigieux déjà tranché.

==> Conditions

Contrairement aux exceptions de procédure les fins de non-recevoir, elles peuvent être invoquées en tout état de cause, à cette nuance près que l’article 123 du CPC réserve au juge la possibilité de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de soulever plus tôt.

L’article 124 précise, par ailleurs, que les fins de non-recevoir doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d’un grief et alors même que l’irrecevabilité ne résulterait d’aucune disposition expresse.

==> Pouvoirs du Juge

En application de l’article 125 du CPC, le juge est investi du pouvoir de relever d’office les fins de non-recevoir, dès lors qu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours.

S’agissant de relever d’office la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée, aucune obligation ne pèse sur le juge. Il dispose d’une simple faculté.

==> Régularisation

L’article 126 du CPC prévoit que l’irrégularité tirée d’une fin de non-recevoir peut être couverte si elle a disparu au moment où le juge statue.

Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

II) Les défenses au fond

L’article 71 du CPC définit la défense au fond comme « tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l’adversaire. »

Il ressort de cette disposition que la défense au fond n’a d’autre objet ou finalité que d’obtenir le rejet, comme non fondée, de la prétention adverse en déniant le droit prétendu de l’adversaire.

Autrement dit, c’est « un moyen directement dirigé à l’encontre de la prétention du demandeur pour établir qu’elle est injustifiée, non fondée »[2]

La défense au fond se situe ainsi sur le fond du droit, et non plus sur le terrain de la procédure ou du droit d’agir. Il s’agit de combattre la demande de la partie adverse en démontrant qu’elle est mal-fondée en fait et/ou en droit.

À l’instar de la fin de non-recevoir, la défense au fond peut être proposée en tout état de cause. Mieux, elle n’est soumise à aucune condition de recevabilité.

[1] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 1992, p. 545

[2] S. Guinchard, F. Ferrand, et C. Chaisnais, Procédure civile, Dalloz, 2010, 30 ème édition, n° 317

 

Mariage: constitution du dossier, publication des bans et célébration

I) La constitution du dossier de mariage

L’article 63 du code civil liste les pièces devant être produites par les futurs époux pour la constitution de leur dossier de mariage.

Il précise à cet égard que doivent être fournis les documents suivants :

  • Les copies intégrales de leur acte de naissance ou le cas échéant, un acte de notoriété (pièces visées aux articles 70 et 71 du code civil) ;
  • La justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;
  • L’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère

==> Sur la production de copie intégrale

L’article 70 du code civil prévoit la remise par chacun des futurs époux d’une copie intégrale de son acte de naissance à l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage.

Cet article précise que la copie de l’acte de naissance ne doit pas être datée de plus de trois mois si elle a été délivrée en France, six mois si elle a été délivrée dans un consulat à l’étranger.

Un certain nombre de questions ont été posées à la Chancellerie s’agissant de l’appréciation de ce délai.

S’agissant du point de départ du délai de validité de la copie intégrale de l’acte, celle-ci doit être appréciée au jour du dépôt du dossier du mariage et non au jour de la célébration du mariage dès lors que c’est ce dépôt qui conditionne la publication des bans.

Toutefois, si avant la célébration du mariage, l’état civil d’un des futurs époux a été modifié, celui-ci doit en aviser l’officier de l’état civil chargé de célébrer son mariage en produisant une nouvelle copie de son acte mis à jour.

Cette précaution, dont doivent être avertis les candidats au mariage au moment de la constitution de leur dossier, doit permettre d’éviter à l’usager de solliciter la rectification ultérieure de son acte de mariage.

Concernant la production d’un acte de naissance étranger, l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC) préconise, par extension, que la copie soit datée de moins de six mois.

Les copies intégrales d’actes de naissance produites en vue de la célébration sont versées aux pièces annexes de l’acte de mariage.

==> Sur les autres pièces à produire

  • Justificatifs de domicile
    • Les dispositions figurant aux articles 165 et 166 du code civil requièrent que les futurs époux justifient du domicile ou de la résidence de l’un d’eux et/ou de leur parent, dès lors que cette preuve fonde la compétence de l’officier de l’état civil devant célébrer leur union et permet d’ordonner la publicité des bans à la mairie ou à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage et à celles du domicile ou de la résidence des futurs époux.
    • En effet, les justificatifs du domicile et le cas échéant de la résidence des futurs époux sont requis pour permettre à l’officier de l’état civil célébrant le mariage d’adresser l’avis aux fins de publication des bans dans les diverses mairies et autorités diplomatiques ou consulaires françaises.
    • À cet égard, l’officier de l’état civil doit solliciter la production de toutes pièces justificatives permettant d’établir la réalité du domicile ou de la résidence à cette adresse (bail locatif, quittances de loyer, factures EDF, GDF, factures de téléphone à l’exclusion de téléphonie mobile, avis d’imposition ou de non-imposition, avis de taxe d’habitation, attestation ASSEDIC, attestation de l’employeur,…).
    • Si ces éléments de preuve ne sont pas exhaustifs, il convient de relever qu’une simple attestation sur l’honneur ne peut constituer une preuve suffisante.
    • Ces pièces doivent par ailleurs présenter un caractère récent au jour de la constitution du dossier.
    • En cas de doute, les officiers de l’état civil doivent saisir le parquet territorialement compétent.
  • Prévention de la bigamie
    • Quelle que soit la nationalité des futurs époux, les conditions d’ordre public de la loi française doivent être observées par ces derniers comme, par exemple, la prohibition de la bigamie prévue à l’article 147 du code civil.
    • Ainsi lorsque la copie d’acte de naissance ne permet pas de rapporter la preuve que le futur époux n’est pas lié par un précédent mariage (ex : mariage dissous par le décès d’un époux ou acte de naissance étranger provenant d’un système juridique ne prévoyant pas la mise à jour des actes de l’état civil, voir ci-dessus), cette preuve peut notamment être constituée par la production d’une copie de l’acte de décès de son précédent conjoint, par un certificat de coutume établi attestant du célibat de l’intéressé, etc.
    • S’agissant des ressortissants étrangers, ces derniers doivent rapporter la preuve du contenu de leur loi personnelle notamment par la production d’un certificat de coutume afin de permettre à l’officier de l’état civil de s’assurer du respect de ses conditions.

II) La publication des bans

Aux termes de l’article 63, al. 1er du Code civil « avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré. ».

Cette obligation est plus connue sous le nom d’exigence de publication des bans.

==> Le moment de la publication des bans

La chancellerie a été interpellée sur la question de savoir à quel moment l’officier de l’état civil peut procéder à la publication des bans.

Sauf cas de dispense, les bans ne peuvent en principe être publiés qu’après que les futurs époux ont remis un dossier complet et le cas échéant, ont été auditionnés conformément à l’article 63 du code civil.

Toutefois, si le ou les futurs époux demeure(nt) dans l’attente de la preuve du contenu de sa (leur) loi personnelle, la publication des bans peut être effectuée sous réserve que les autres pièces précitées aient été produites.

==> L’avis de publication des bans

La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a élargi le lieu de célébration du mariage au lieu du domicile ou de la résidence de l’un des parents d’un futur époux (articles 74 et 165 du code civil).

La circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi du 17 mai 2013 a rappelé que cette loi n’avait pas modifié les dispositions relatives à la publication des bans.

Conformément à l’article 166 du code civil, la publication des bans est faite à la mairie du lieu du mariage ainsi qu’à la mairie du domicile ou à défaut de domicile à la mairie de la résidence de chacun des futurs époux.

Dès lors, l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage doit adresser un avis de publication des bans à la mairie du domicile de chacun des époux.

À défaut de domicile en France, cette formalité sera faite à la mairie de la résidence en France du ou des époux.

En cas de domicile à l’étranger (et en l’absence de résidence en France), l’officier de l’état civil adressera un avis de publication à la représentation diplomatique ou consulaire française dans le ressort du domicile du futur époux de nationalité française.

Lorsque le futur époux est de nationalité étrangère, il lui appartient de faire procéder à cette publication des bans prévue par le droit français auprès de l’autorité locale compétente sous réserve que la loi étrangère reconnaisse cette formalité préalable au mariage.

La saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil communal ou consulaire en cas d’indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue à l’article 63 du code civil, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre des articles 146 et 180 du code civil ne suspend pas la publication des bans.

Celle-ci doit être opérée dès lors que les pièces requises ont été données et l’audition effectuée. La formule de l’avis de publication des bans indique pour chacun des futurs époux son domicile et éventuellement sa résidence, à défaut d’un domicile en France.

Cette indication permet de justifier la compétence de la mairie destinataire de l’avis pour procéder à la publicité du mariage.

Elle n’a pas pour objet de justifier la compétence de l’officier de l’état civil pour procéder à la célébration du mariage prévue par la loi.

L’élargissement par la loi du lieu du mariage au domicile ou à la résidence du ou des parents des futurs mariés ne justifie donc pas d’indiquer dans les avis de publication une résidence des futurs époux au domicile des parents.

III) La célébration du mariage

Rappelant que le mariage civil est le seul à produire des effets juridiques, à la différence du mariage religieux, l’article 165 du Code civil est modifié afin de consacrer explicitement et symboliquement le caractère républicain du mariage.

Cet article énonce que « le mariage sera célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l’article 169 ci-après. ».

Ainsi, la publication des bans est une condition requise pour procéder à la célébration du mariage.

De même, le maire doit effectuer les vérifications légales résultant en particulier de l’article 63 du Code civil et visant à s’assurer de la véritable intention matrimoniale des futurs époux.

À l’issue de ces vérifications, le maire, en sa qualité d’officier de l’état civil doit, sauf opposition du parquet ou décision en ce sens du tribunal de grande instance, procéder à la célébration.

Comme rappelé dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés, il n’entre pas dans les pouvoirs du maire d’apprécier l’opportunité de la célébration d’un mariage, et, a fortiori, il ne peut refuser, pour des motifs d’ordre personnel, de respecter la loi et de célébrer un mariage.

Un tel refus exposerait l’officier de l’état civil au prononcé

  • D’une part, de sanctions administratives : suspension ou révocation en application de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales
  • D’autre part, de sanctions pénales : articles 432-1 et suivants du code pénal

Lors de la célébration, l’officier de l’état civil fera lecture aux époux des articles du Code civil énoncés à l’article 75 du même code à l’exception de l’article 220 dont la lecture a été supprimée.

Enfin, à l’issue de la célébration, l’officier de l’état civil invitera les époux et les témoins à signer avec lui l’acte de mariage lequel sera adapté si nécessaire selon le sexe des époux et nommera les époux dans l’ordre choisi par eux lors de la constitution du dossier de mariage.

L’officier de l’état civil, lors de la remise de celui-ci attirera l’attention des futurs époux sur ce point. Il remettra aux époux un livret de famille ou complètera pour les couples de personnes de sexe différent le livret de famille des parents ayant ensemble un enfant commun.

Pour mémoire, si l’un des époux possède un livret délivré à l’occasion de la naissance ou l’adoption de son enfant, ce livret ne pourra être complété avec la référence au mariage lorsque l’autre époux n’est pas le parent de l’enfant.

Mariage: les conditions tenant à la parenté ou la prohibition de l’inceste

La subordination de la validité du mariage au respect de conditions tenant à la parenté des époux, s’explique par la prohibition générale de l’inceste en droit français

I) La prohibition de l’inceste

Les origines de l’interdit de l’inceste ont été longuement étudiées par les sciences humaines et sociales.

De façon schématique, l’interdit de l’inceste relève de considérations :

  • Biologiques: les unions consanguines créent un risque de dégénérescence de l’espèce
  • Sociales: la prohibition de l’inceste est une règle de l’échange social, qui se traduit par l’obligation de prendre femme en dehors du clan familial
  • Psychanalytiques: l’interdiction de tuer son père et d’épouser sa mère découle de l’interdit du meurtre et du cannibalisme

Dans l’ouvrage collectif De l’inceste, Boris Cyrulnik relève que « le mot « inceste » désigne des circuits sexuels très variables d’une culture à l’autre. Pourtant, chaque fois qu’il est employé, il suscite un authentique sentiment d’horreur, comme si tous les membres d’un groupe s’en servaient pour charpenter un imaginaire commun ».

Le droit français ne reconnaît pas explicitement la notion d’inceste. À aucun moment cette notion n’est évoquée explicitement dans notre législation : comme l’a écrit Jean Carbonnier, « paradoxalement, ce tabou si profond n’est inscrit en termes généraux dans aucun texte, ni au code civil ni au nouveau code pénal (non plus que dans les Dix Commandements). Et il n’est point constitutionnalisé : il plane très au-dessus des droits de l’homme ».

Néanmoins, cet interdit universel que constitue l’union sexuelle au sein de la famille sous-tend, d’une part, les dispositions du code civil relatives au mariage et à la filiation, et, d’autre part, les dispositions du code pénal relatives à la répression des violences sexuelles commises au sein de la famille.

En droit pénal, il n’existe pas d’incrimination spéciale de l’inceste mais une circonstance aggravante des viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur lorsque ceux-ci sont commis « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime »

Le code pénal distingue en effet trois catégories de violences sexuelles :

  • Le viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise» et puni de quinze ans de réclusion criminelle ;
  • L’agression sexuelle (articles 222-22, 222-27 à 222-31 du code pénal), définie comme « toute atteinte sexuelle [autre que le viol] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise» et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ;
  • L’atteinte sexuelle (articles 227-25 à 227-27-1 du code pénal), définie comme « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans» et punie également de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Lorsque l’infraction a été commise « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », les peines sont donc aggravées :

  • Le viol est alors puni de vingt ans de réclusion criminelle, qu’il ait été commis sur un mineur de quinze ans ou non
  • L’agression sexuelle est quant à elle punie de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende si elle est commise sur un majeur ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, et de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende si elle est commise sur un mineur de quinze ans
  • L’atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende

En droit civil, l’interdit de l’inceste fonde l’interdiction du mariage entre personnes de la même famille (ou, le cas échéant, la nullité d’un tel mariage) ainsi que l’interdiction de faire reconnaître la filiation d’un enfant qui serait issu d’une telle union.

II) Le domaine de l’inceste

A) La prohibition de l’inceste en ligne directe

L’article 161 du Code civil dispose que « en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »

Il ressort de cette disposition qu’il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre ascendant et descendant en ligne directe

L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption

Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.

La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres.

Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

==> Entre alliés en ligne directe

Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

Schéma 2.JPG

L’article 161 du Code civil est formel : le mariage entre alliés en ligne direct est prohibé.

La question s’est toutefois posée de savoir si cette prohibition s’imposait toujours en cas de divorce du couple marié.

La Grande Bretagne qui connaît une interdiction similaire a, en effet, été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt du 13 septembre 2005 (CEDH 13 sept. 2005, B. et L. c/ United Kingdom, req. no 36536/02) dans une affaire opposant un beau-père et sa belle-fille.

Dans cet arrêt, les Juges strasbourgeois ont considéré qu’un tel empêchement, bien que poursuivant un but légitime de protection de l’intégrité de la famille, constituait une atteinte excessive au droit au mariage, ce en violation de l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Pour mémoire, cette disposition, qui garantit le droit au mariage, prévoit que « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. ».

Non sans une certaine surprise, dans un arrêt du 4 décembre 2013, la Cour de cassation a semblé adopter la solution inverse de celle retenue par la Cour européenne des droits de l’Homme (Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013, n°12-26.006).

Dans cette décision, la Première chambre civile a, en effet, décidé que le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille, divorcée d’avec son fils, revêt à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans.

Toutefois, les circonstances de fait ont joué un rôle déterminant dans cette affaire où l’annulation du mariage avait été sollicitée, et prononcée par les juges du fond, sur le fondement de l’article 161 du code civil, qui interdit notamment le mariage entre le beau-père et sa belle-fille, lorsque l’union de cette dernière avec le fils de celui-ci a été dissoute par divorce.

Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013
Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... et M. Claude Y... se sont mariés le 6 septembre 1969 et qu’une fille, née le 15 août 1973, est issue de leur union ; qu’après leur divorce, prononcé le 7 octobre 1980, Mme X... a épousé le père de son ex mari, Raymond Y..., le 17 septembre 1983 ; qu’après avoir consenti à sa petite fille une donation le 31 octobre 1990, ce dernier est décédé le 24 mars 2005 en laissant pour lui succéder son fils unique et en l’état d’un testament instituant son épouse légataire universelle ; qu’en 2006, M. Claude Y... a, sur le fondement de l’article 161 du code civil, assigné Mme X... en annulation du mariage contracté avec Raymond Y... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu’ainsi que l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt récent, les limitations apportées au droit au mariage par les lois nationales des Etats signataires ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d’une manière telle que l’on porte atteinte à l’essence même du droit, retient que la prohibition prévue par l’article 161 du code civil subsiste lorsque l’union avec la personne qui a créé l’alliance est dissoute par divorce, que l’empêchement à mariage entre un beau père et sa bru qui, aux termes de l’article 164 du même code, peut être levé par le Président de la République en cas de décès de la personne qui a créé l’alliance, est justifié en ce qu’il répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial, que cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d’eux, que, contrairement à ce que soutient Mme X..., il ressort des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre 1983, alors qu’elle n’était âgée que de dix ans, a opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son grand père, que l’article 187 dudit code interdit l’action en nullité aux parents collatéraux et aux enfants nés d’un autre mariage non pas après le décès de l’un des époux, mais du vivant des deux époux, qu’enfin, la présence d’un conjoint survivant, même si l’union a été contractée sous le régime de la séparation de biens, entraîne nécessairement pour M. Claude Y..., unique enfant et héritier réservataire de Raymond Y..., des conséquences préjudiciables quant à ses droits successoraux, la donation consentie à Mme Fleur Y... et la qualité de Mme Denise X... en vertu du testament du défunt étant sans incidence sur cette situation, de sorte que M. Claude Y... a un intérêt né et actuel à agir en nullité du mariage contracté par son père ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y... avec Mme Denise X... revêtait, à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article L. 411 3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition prononçant l’annulation du mariage célébré le 17 septembre 1983 entre Raymond Y... et Mme Denise X..., ainsi qu’en sa disposition allouant une somme à M. Claude Y... sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

  • Faits
    • Le fils de l’époux avait introduit l’action en nullité du mariage, 22 ans après sa célébration, après le décès de son père, lequel avait institué son épouse légataire universelle.
    • Celle-ci avait invoqué, pour s’y opposer, une atteinte à la substance du droit au mariage garanti par l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur un arrêt rendu en ce sens le 13 septembre 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme, relatif à un projet de mariage entre alliés, se prévalant de nombreuses années de vie commune.
  • Procédure
    • Dans un arrêt du 21 juin 2012, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a accueilli la demande de nullité en considérant que l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru, prévu par l’article 161 du code civil, était justifié en ce qu’il répondait à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille et qu’en l’espèce, la présence d’un conjoint survivant entraînait nécessairement des conséquences successorales préjudiciables à cet unique héritier qui, dès lors, justifiait d’un intérêt à l’annulation.
  • Solution
    • La Cour de cassation a jugé que les constatations des juges du fond étaient suffisantes pour en déduire que le droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, commandait de rejeter la demande d’annulation de ce mariage, célébré sans que le ministère public ait formé opposition au mariage, alors que les pièces d’état civil qui avaient été produites par les futurs époux révélaient nécessairement la cause de l’empêchement au mariage.
  • Portée
    • En raison de son fondement, la portée de cette décision est limitée au cas particulier examiné.
    • Ainsi, le principe de la prohibition du mariage entre alliés n’est pas remis en question par cette décision de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour de cassation a confirmé la prohibition du mariage entre alliés en ligne direct (Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016, n°15-27.201).

Au soutien de sa décision elle rappelle que « que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale »

À cet égard, elle précise « qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi »

En l’espèce, la Cour de cassation relève que :

  • D’une part, la belle-fille avait 9 ans quand son beau-père a épousé sa mère en troisièmes noces
  • D’autre part, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée

Il en résulte que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique

La Première chambre civile relève encore que l’union de la belle-fille avec son beau-père n’avait duré que huit années lorsque l’action en nullité a été engagée et qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée

Au regard de tous ces éléments, la Cour de cassation valide la décision des juges du fond qui ont pu valablement déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la belle-fille au regard du but légitime poursuivi.

Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2014), que Pierre Y..., né le 10 janvier 1925, et Mme Z..., née le 6 juillet 1949, se sont mariés le 28 janvier 1984 ; qu’après leur divorce, prononcé par jugement du 13 décembre 2000, Pierre Y... a épousé, le 12 janvier 2002, Mme X..., fille de Mme Z..., née le 24 avril 1975 d’une précédente union ; qu’après le décès de Pierre Y..., le 5 avril 2010, Mme Anne Y..., épouse A... et MM. Philippe, Jacques et Frédéric Y... (les consorts Y...) ont assigné Mme X... aux fins de voir prononcer, sur le fondement de l’article 161 du code civil, l’annulation de son mariage avec leur père et beau-père ; que, Mme X... ayant été placée sous curatelle renforcée en cours de procédure, son curateur, l’ATMP du Var, est intervenu à l’instance ;

Attendu que Mme X... et l’ATMP du Var font grief à l’arrêt de prononcer l’annulation du mariage et, en conséquence, de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe, après la dissolution par divorce de la première union qui avait été contractée par l’un des deux alliés avec le parent du second, porte une atteinte disproportionnée au droit du mariage ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand l’empêchement à mariage entre alliés en ligne directe, qui peut néanmoins être célébré en vertu d’une dispense si celui qui a créé l’alliance est décédé et ne repose pas sur l’interdiction de l’inceste, inexistant entre personnes non liées par le sang, porte une atteinte disproportionnée au droit au mariage, la cour d’appel a violé l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

2°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe est susceptible de revêtir, à leur égard, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de la vie privée et familiale, dès lors que leur union, célébrée sans opposition, a duré plusieurs années ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand ce mariage célébré sans opposition, avait duré pendant huit années, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 161 du code civil, en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne ; que, selon l’article 184 du même code, tout mariage contracté en contravention à ces dispositions peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, par tous ceux qui y ont intérêt ;

Qu’aux termes de l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ;

Que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, si l’exercice de ce droit est soumis aux lois nationales des Etats contractants, les limitations en résultant ne doivent pas le restreindre ou le réduire d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même ; qu’il en résulte que les conditions requises pour se marier dans les différentes législations nationales ne relèvent pas entièrement de la marge d’appréciation des Etats contractants car, si tel était le cas, ceux-ci pourraient interdire complètement, en pratique, l’exercice du droit au mariage ;

Que, cependant, le droit de Mme X... et Pierre Y... de se marier n’a pas été atteint, dès lors que leur mariage a été célébré sans opposition et qu’ils ont vécu maritalement jusqu’au décès de l’époux ; qu’en annulant le mariage, la cour d’appel n’a donc pas méconnu les exigences conventionnelles résultant du texte susvisé ;

Attendu, en second lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale ;

Qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ;

Attendu que l’arrêt relève, d’abord, que Mme X... avait 9 ans quand Pierre Y... a épousé sa mère en troisièmes noces, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée ; qu’il en déduit que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique ; qu’il constate, ensuite, que son union avec Pierre Y... n’avait duré que huit années lorsque les consorts Y... ont saisi les premiers juges aux fins d’annulation ; qu’il relève, enfin, qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée ; que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X..., au regard du but légitime poursuivi ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi ;

B) La prohibition de l’inceste en ligne collatérale

L’article 162 du Code civil prévoit encore que « en ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur, entre frères et entre sœurs »

L’article 163 du Code civil ajoute que « le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. »

Ainsi, il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre collatéraux

La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun.

Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré

L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

L’interdiction s’étend aux degrés suivants :

  • Au deuxième degré
    • Entre frères et sœurs, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils sont germains, consanguins ou utérins.

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  • Au troisième degré
    • Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce

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  • Au quatrième degré
    • Très tôt la question s’est posée de savoir s’il convenait d’étendre la prohibition de l’inceste au quatrième degré et plus particulièrement entre grand-oncle et petite-nièce et grand-tante et petit-neveu
    • Dans un avis du 23 avril 1808, le Conseil d’État répondit par la négative à cette question validant le mariage entre les personnes visées.
    • Toutefois, cet avis fut immédiatement réprouvé par l’Empereur qui, aux termes d’une décision publiée au Bulletins des lois du 7 mai 1808, arrêta que « le mariage entre un grand-oncle et sa petite-nièce ne peut avoir lieu qu’en conséquence de dispenses accordées conformément à ce qui est prescrit par l’article 164 du Code civil…».
    • Cette position a été confirmée, 70 ans plus tard, par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 1877 ( req. 28 nov. 1877).

Schéma 5.JPG

C) Les dispenses

Deux sortes d’empêchements doivent être distinguées en matière de prohibition de l’inceste :

  • Les empêchements absolus qui ne peuvent faire l’objet d’aucune dispense
  • Les empêchements relatifs qui peuvent être levés au moyen d’une dispense

==> Les empêchements absolus

Il s’agit de tous ceux pour lesquels aucune dispense n’est prévue. Il en va ainsi de l’interdiction à mariage notamment entre :

  • Parents en ligne directe
  • Alliés en ligne directe
  • Frères et sœurs

==> Les empêchements relatifs

Il s’agit de toutes les interdictions à mariage pour lesquelles le législateur a prévu une dispense.

L’article 164 du Code civil prévoit qu’il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :

  • Par l’article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée ;
  • Par l’article 163, soit les interdictions à mariage qui intéressent l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.

L’article 366, al. 7 dispose encore que la prohibition au mariage portée entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant ; réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté peut être levée dans les mêmes conditions lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

La dispense ne pourra être obtenue qu’à la condition de justifier d’un motif grave. L’examen de la jurisprudence révèle que l’intérêt de l’enfant né ou à naître est l’une des principales causes d’obtention d’une dispense.

Différences et points communs entre le pacs et le mariage: comparaison

En raison des nombreuses règles, parfois complexes, qui gouvernent le mariage et le pacs, il n’est pas évident de percevoir les points communs et les différences  qui existent entre ces deux formes d’union conjugale.

Aussi, convient-il d’en dresser la liste afin de mieux cerner les enjeux qui président au choix de l’une ou l’autre union.

I) Les points communs

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Statut au travail

  • Le mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-4 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire pacsé d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-8 C. com.).

2. Le statut fiscal

  • Le mariage
    • Les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année du mariage.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année du mariage, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant. (art. 6 CGI)
    • Chacun des époux est solidairement tenu au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).
  • Le pacs
    • Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)
    • Les partenaires sont solidairement tenus au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).

B) Les effets

  1. Les devoirs

==> La communauté de vie

  • Le mariage
    • Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie (art. 215, al. 1er C. civ.)
    • Cette obligation ne leur interdit toutefois pas d’avoir des domiciles distincts (art. 108, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une vie commune (art. 515-4, al. 1er C. civ.)
    • L’organisation de la vie commune est l’objet même du contrat de PACS (art. 515-1 C. civ.)

==> La contribution aux charges du ménage

  • Le mariage
    • Quel que soit le régime matrimonial choisi, les époux doivent l’un et l’autre contribuer aux charges du mariage.
    • Cette obligation est impérative, ce qui n’interdit pas aux époux de définir entre eux leur mode de contribution aux charges du ménage.
    • En l’absence de détermination conventionnelle, les époux contribuent à proportion de leurs facultés respectives (art. 214 al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une aide matérielle réciproque (art. 515-4, al. 1er C. civ.).
    • Si les partenaires n’en disposent autrement, elle sera proportionnelle à leurs facultés respectives.
    • Les modalités de l’aide peuvent donc être fixées dans la convention, et la liberté contractuelle n’est limitée que par l’interdiction pour l’un des partenaires de se dispenser totalement de la contribution

==> La solidarité aux dettes

  • Le mariage
    • La dette contractée par l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants oblige l’autre solidairement (article 220, al. 1er du code civil).
    • Cela signifie que, quel que soit le régime matrimonial, l’ensemble des biens des deux époux répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son conjoint.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses :
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant (article 220, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 220, al. 3 du code civil).
    • Lorsque la solidarité est écartée, le conjoint ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.
  • Le pacs
    • Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante (article 515-4, al. 2 du code civil).
    • Cela signifie que l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux partenaires peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son partenaire.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses.
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives (article 515-4, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 515-4, al. 2) du code civil.
    • Lorsque la solidarité est écartée, le partenaire ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.

2. Les droits

==> Droit du travail

  • Le mariage
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du conjoint (article L.3141-16 du code du travail), et dans le cas où les deux conjoints travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (article L.3141-14 du code du travail).
    • En cas de décès de l’un des conjoints, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (article L.3142-1 4° du code du travail).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur conjoint à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune
  • Le pacs
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du partenaire pacsé (art. L.3141-16 C. tr.), et dans le cas où les deux partenaires travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (art. L.3141-14 C. civ.)
    • En cas de décès de l’un des partenaires, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (art. L.3142-1 4° C. tr.).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur partenaire à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune.

==> Droits sociaux

  • Mariage
    • Le conjoint a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son conjoint, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu).
    • Le conjoint bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son conjoint dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu.).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, le mariage a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux conjoints étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, le mariage emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux conjoints.
  • Pacs
    • Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).
    • Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

==> Droit au logement

  • Le mariage
    • Le conjoint est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage (art. 1751 C. civ.).
    • Quand l’un des conjoints vient à décéder, l’autre bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 763 C. civ.).
    • Pour le cas où le conjoint survivant recueille une partie de la succession en pleine propriété, il bénéficie, sauf volonté contraire du conjoint décédé, d’un droit d’habitation viager (jusqu’à sa mort) sur l’immeuble servant de logement appartenant aux époux ou à l’époux décédé, et d’un droit d’usage sur les meubles qui le garnissent (art. 764 et svts C. civ.).
  • Le pacs
    •  Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.
    • Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.
    • Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

==> Assurance-vie

  • Mariage
    • Le conjoint peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le conjoint survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.
  • Pacs
    • Le partenaire de PACS peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le partenaire survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.

3. Les pouvoirs

==> Gestion des biens personnels / biens propres

  • Le mariage
    • Chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels (art. 225 C. civ.).
    • La règle s’applique
      • aux régimes de communauté (art. 1403, al. 1er, et 1428 C. civ.)
      • au régime de séparation de biens (art. 1536, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels (art. 515-5 al. 1er C. civ.).

==> Gestion des biens communs / biens indivis

  • Le mariage
    • S’agissant des biens communs
      • Chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes commises dans sa gestion (art. 1421, al. 1er C. civ.).
      • Par exception, les époux ne peuvent, l’un sans l’autre
        • disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens communs (art. 1422, al. 1er C. civ.)
        • ni affecter des biens communs à la garantie de la dette d’un tiers (art. 1422, al. 2)
        • ni aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, pas plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité (art. 1424, al. 1er),
        • ni donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté (art. 1425).
    • S’agissant des biens indivis
      • un époux, en sa qualité d’indivisaire, peut prendre seul les mesures nécessaires à leur conservation.
      • Chaque époux peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits de l’autre époux et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision (art. 815-9, al. 1er).
      • Mais le consentement des deux époux est nécessaire pour effectuer tout acte de disposition sur les biens indivis (art. 815-3, al. 3 C. civ.).
  • Le pacs
    • À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (art. 515-5-3 C. civ.).
    • Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente.
    • Chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts (sous réserve de certaines exceptions, notamment les aliénations à titre gratuit, les aliénations d’immeuble ou de meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité, ou l’aliénation de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables).
    • Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives.
    • Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (art. 515-5-3 al.2 C. civ.).

==> Pouvoirs et présomption de pouvoir face aux tiers

  • Le mariage
    •  Chacun des époux a pouvoir pour passer seul des contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants (art. 220, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte bancaire en son nom personnel (art. 221, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux est présumé avoir le pouvoir de faire seul un acte d’administration ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement (art. 222, al. 1er C. civ.).
    • Cette présomption est écartée pour les meubles meublants garnissant le logement familial qui sont soumis à la cogestion des époux, et pour les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint (art. 222, al. 2 C. civ.).
  • Le pacs
    • Chaque partenaire peut passer seul un contrat ayant pour objet les besoins de la vie courante (art. 515-4, al. 2, C. civ.).
    • Chaque partenaire peut se faire ouvrir un compte bancaire en son nom personnel.
    • Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition (art. 515-5, al. 3 C. civ.)

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Le conjoint est visé parmi les personnes ayant qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection de l’autre conjoint (art. 430 et 494-3 C. civ.).
    • Le conjoint fait également partie des personnes susceptibles d’être nommées, en priorité, comme tuteur ou curateur (art. 449 C. civ.), ou comme personne habilitée dans le cadre d’une habilitation familiale (art. 494-1 C. civ.).
  • Le pacs
    • Tout comme le conjoint, le partenaire de PACS a qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection (art. 430 et 494-3 C. civ.) et pour être nommé prioritairement en qualité de tuteur, curateur ou personne habilitée (art. 449 et 494-1 C. civ.).

==> Représentation en justice

  • Mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale,
      peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art.
      L.121-4 C. civ.).
  • Pacs
    • Une partie peut se faire assister ou représenter par son
      partenaire devant certaines juridictions pour lesquelles la
      représentation par avocat n’est pas obligatoire, comme le tribunal
      d’instance, la juridiction de proximité (art. 828 C. civ.), ou le conseil de prud’hommes (art. R. 1453-2, 3° C. tr.).

II) Les différences

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (art. 225-1 C. civ.).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom.
    • Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple.

==> La filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – art. 312 C. civ.).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 C. civ.).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> La nationalité

  • Le mariage
    • Le mariage n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité (art. 21-1 C. civ.)
    • Néanmoins, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir la nationalité française par déclaration (article 21-2 du code civil) :
      • après un délai de quatre ans à compter du mariage, à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;
      • après un délai de cinq ans à compter du mariage, lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
    • Dans tous les cas, le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : art. 21-14-1 et s. C. civ.)

2. Le statut patrimonial

==> Au cours de la vie commune

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi :
      • le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (art. 1400 et svts. C. civ.).
        • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
        • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
        • Les époux disposent néanmoins du libre choix de leur statut matrimonial et peuvent choisir un autre statut parmi les statuts suivants :
      • le régime de la séparation de biens (art. 1536 et svts C. civ.)
        • Il s’agit du régime matrimonial aux termes duquel les patrimoines des époux restent autonomes
        • Il n’existe pas de masse commune, chacun des époux étant propriétaire des biens antérieurement acquis et ceux acquis pendant le mariage, sauf à ce qu’ils acquièrent conjointement des biens qui deviennent alors des biens indivis ;
      • le régime de la participation aux acquêts (article 1569 et svts C. civ.)
        • les époux vivent séparés de biens, et meurent commun en biens.
        • Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.
      • le régime de la communauté universelle (article 1526 et svts C. civ.)
        • Tous les biens, tant meubles qu’immeubles, présents au moment de l’adoption de la communauté universelle comme à venir, acquis à titre gratuit aussi bien qu’acquis à titre onéreux, sont communs.
        • La communauté universelle a vocation à appréhender tous les biens dont les époux peuvent être propriétaires à quelque titre que ce soit (excepté pour les biens grevés d’une clause d’exclusion de la communauté et les biens propres par nature, tels les vêtements et linge personnels, créances et pensions incessibles, indemnité pour préjudice matériel ou moral, droits exclusivement attachés à la personne).
  • Le pacs
    • Le PACS connaît un régime légal de séparation de biens, aux termes duquel :
      • Chaque partenaire reste propriétaire des biens qu’il avait acquis avant l’enregistrement de la convention initiale et des biens qu’il acquiert durant le PACS à son nom.
        • Pendant la durée du PACS, les partenaires peuvent néanmoins acquérir un bien en indivision.
        • Puisqu’il reste propriétaire des biens qu’il acquiert après l’enregistrement, l’acquéreur peut faire seul tous les actes d’administration, de jouissance et de disposition sans avoir à obtenir l’accord de l’autre partenaire.
      • Chaque partenaire reste seul tenu des dettes nées avant l’enregistrement de la convention initiale et des dettes nées de son chef pendant la durée du PACS (art. 515-5 al. 1er C. civ.).
        • Les créanciers ne peuvent jamais poursuivre l’autre partenaire en paiement sauf s’il s’agit d’une dette solidaire
    • À défaut d’application de droit du régime de la séparation de biens, les partenaires pacsés peuvent, dans leur convention de PACS, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent ensemble ou séparément (art. 515-5-1 C. civ.).
      • Le régime de l’indivision ainsi choisi ne s’applique qu’aux acquêts, c’est-à-dire qu’aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
      • Certains acquêts échappent toutefois à l’indivision (art. 515-5-2 C. civ.), comme les deniers perçus par chacun des partenaires à quelque titre que ce soit, les biens créés et leurs accessoires, les biens à caractère personnel.
      • Sur ces biens, les partenaires jouissent d’une gestion concurrente (art. 515-5-3 C. civ.)

==> Le décès

  • Le mariage
    • Le mariage crée une vocation successorale réciproque ab intestat.
    • Le conjoint survivant a des droits successoraux de par la loi. Il recueille :
      • l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété du quart des biens en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété de la moitié des biens en présence des père et mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • la propriété des trois quart des biens en présence du père ou de la mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • toute la succession en l’absence de descendants et d’ascendants du
        conjoint défunt (art. 757-2 C. civ.), exception faite des biens précédemment reçus par le conjoint défunt de ses ascendants par succession ou donation qui sont dévolus aux frères et sœurs du défunt, ou à leurs descendants (art. 757-3 C. civ.).
    • Le conjoint bénéficie d’une exonération de droit de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre époux demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du conjoint lié au donateur par le mariage (art. 790 E CGI).
    • Le conjoint survivant a le bénéfice de la pension de réversion.
  • Le pacs
    • Le régime successoral du conjoint survivant ne s’applique pas au partenaire de PACS.
    • Le partenaire survivant bénéficie de la jouissance temporaire du logement commun pendant un an (art. 515-6 C. civ.), mais il n’a pas de vocation successorale légale.
    • Le partenaire survivant ne peut hériter du partenaire défunt que dans la mesure où ce dernier l’a expressément prévu par une disposition testamentaire.
    • Le partenaire survivant est exonéré de droits de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre partenaires demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du partenaire lié au donateur par le PACS (art. 790 F CGI).
    • Le partenaire de PACS survivant ne bénéficie pas d’une pension de réversion.

B) Les effets 

  1. Les devoirs

a.  Les devoirs extrapatrimoniaux

  • Le mariage
    • Les époux sont soumis à un certain nombre d’obligations personnelles qui découlent de plein droit du mariage (art. 212 C. civ.):
      • devoir de fidélité ;
      • devoir de secours, qui consiste à donner à son époux les subsides lui permettant de subvenir à ses besoins ;
      • devoir d’assistance, qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale ;
      • devoir de respect, qui consiste à respecter la liberté et la personnalité de l’autre.
  • Le pacs
    • Les obligations personnelles qui pèsent sur les partenaires sont moins lourdes que celles qui incombent aux époux (art. 515-4 C. civ.)
    • Les partenaires sont tenus à
      • un devoir d’assistance réciproque qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale
      • un devoir de loyauté d’où il s’infère une obligation de fidélité

b. Les devoirs patrimoniaux

==> Obligations alimentaires

  • Le mariage
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

2. Les pouvoirs

==> Le logement familial

  • Le mariage
    • Si, le principe est que chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels, il en va autrement lorsque le bien concerné constitue le logement familial
    • Celui-ci est protégé par l’article 215, al. 3, du code civil, qui interdit à un époux de disposer sans le consentement de son conjoint des droits par lesquels est assuré le logement de la famille.
  • Le pacs
    • Il n’existe pas de disposition analogue à l’article 215 alinéa 3 qui protège le logement familial dans le mariage.

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Pour faire face aux situations de crise, la loi organise des extensions et
      des restrictions de pouvoirs entre époux.
    • Ainsi un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille (art. 217 C. civ.).
    • Par ailleurs, si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial (art. 219, al. 1er C. civ.).
    • Enfin, si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes requises (art. 220-1 C. civ.).
    • Ces différentes mesures de crise ne font pas échec à l’application des techniques de droit commun auxquelles les époux peuvent également recourir : représentation conventionnelle (art. 218 C. civ.) ou gestion d’affaires (art. 219, al. 2 C. civ.).
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.)
  • Le pacs
    • La loi ne comporte aucune disposition spéciale pour faire face aux situations de crise que connaîtraient les partenaires.
    • Ils peuvent cependant avoir recours au mandat de droit commun (art. 1984 C. civ.), voire à la gestion d’affaires (art. 1372 C. civ.).
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

C) La dissolution

==> Les cas de dissolution

  • Mariage
    •  Il est mis fin au mariage soit par le décès, soit par le divorce.
    • Il existe quatre cas de divorce, parmi lesquels :
      • un cas de divorce amiable, le divorce par consentement mutuel : les époux doivent s’accorder sur le principe et les effets du divorce
      • trois divorces contentieux, pour lesquels les époux ne s’accordent pas sur le principe et / ou sur les effets du divorce :
        • le divorce accepté, dans lequel les époux s’accordent sur le principe du divorce, indépendamment des raisons de celui-ci, mais pas sur les effets ;
        • le divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans lequel les époux doivent vivre séparément depuis au moins deux ans ;
        • le divorce pour faute, qui pourra être prononcé en cas de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputables à un des conjoints et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune.
  • Le pacs
    • Les causes de dissolution du PACS sont :
      • le décès d’un des partenaires
      • la célébration du mariage entre les partenaires ou de l’un d’eux avec un tiers
      • la volonté unilatérale ou conjointe des partenaires de mettre fin au PACS.

 ==> Procédure de dissolution

  • Mariage
    • Pour le divorce par consentement mutuel
      • Les époux, assistés chacun de leur avocat, établissent une convention, qui est signée après un délai de réflexion par les deux époux et leurs deux avocats.
      • Cette convention est ensuite déposée au rang des minutes d’un notaire ce qui donne force exécutoire au divorce.
      • Par exception, si l’enfant du couple demande à être entendu par le juge, les époux saisissent le juge aux affaires familiales.
    • Pour les autres cas de divorce
      • l’époux qui veut former une demande en divorce présente, par l’intermédiaire de son avocat, une requête au juge aux affaires familiales.
      • S’en suit une phase de conciliation, à l’issue de laquelle les époux, s’ils ne sont pas mis d’accord sur les causes et les effets du divorce, pourront assigner l’autre en divorce.
    • La séparation de corps
      • Les époux peuvent également demander à être séparés de corps.
      • Dans ce cas, les époux restent mariés, mais la loi supprime le devoir de communauté de vie.
      • Néanmoins, les autres devoirs personnels perdurent, notamment la fidélité.
      • Le devoir de secours est également maintenu se traduisant par l’octroi d’une pension alimentaire
  • Le pacs
    • Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au pacte civil de solidarité remettent ou adressent à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe à cette fin.
    • Le partenaire qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité le fait signifier à l’autre.
    • Une copie de cette signification est remise ou adressée à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.

==> Les conséquences de la dissolution

  • Le mariage
    • Les conjoints mariés sous un régime de communauté doivent liquider leur régime matrimonial :
      • Il est établi le compte des « récompenses » que chaque époux doit à la communauté ou que la communauté leur doit.
      • L’actif de la communauté est partagé par moitié entre les époux.
        • En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé.
    • Sous le régime de la participation aux acquêts, à la dissolution du mariage, chacun des conjoints a le droit de participer pour moitié aux acquêts du conjoint et en principe, chaque époux bénéficie, à hauteur de moitié, des acquêts de l’autre, mais le contrat de mariage peut prévoir une proportion différente.
    • Ceux mariés sous la séparation de biens doivent également liquider l’indivision dès lors qu’ils ont acquis des biens ensemble ou que l’un a engagé des dépenses qui ont valorisé le patrimoine de l’autre.
    • En matière de divorce, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation (dite prestation compensatoire) destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Elle prend en principe la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge ou par la convention de divorce
  • Le pacs
    • Il revient aux partenaires de procéder à la liquidation des droits et obligations issus du PACS (art. 515-7 al.10 C. civ.).
      • Chacun des partenaires reprend ses biens personnels.
      • Les biens indivis sont partagés par moitié, sauf modalités conventionnelles contraires.
      • Les créances entre les partenaires sont réglées, sous l’empire des règles de calcul des récompenses entre époux communs en biens.
    • Le régime de la prestation compensatoire ne s’applique pas aux partenaires de PACS.

La confidentialité de la procédure de conciliation

La confidentialité de la procédure de conciliateur se traduit :

  • D’une part, par l’absence de publicité de la décision rendue par le Président de la juridiction saisie
  • D’autre part, par l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenues les personnes appelées à la procédure

I) Sur l’absence de publicité de la décision rendue par le Président du Tribunal

L’ouverture de la procédure de conciliation et la désignation du conciliateur ne font l’objet d’aucune mesure de publicité.

Cette absence de publicité se justifie par l’objectif poursuivi par le législateur : ne pas créer un sentiment de méfiance chez les partenaires du débiteur, qui pourraient être tentés de plus vouloir lui apporter leur concours

Par effet de domino cela pourrait avoir pour conséquence d’aggraver les difficultés de l’entreprise.

II) Sur l’obligation de confidentialité à laquelle sont tenues les personnes appelées à la procédure

Aux termes de l’article L. 611-15 du Code de commerce « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. »

L’obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes appelées à la procédure de conciliation confère à cette procédure un avantage certain sur les procédures dites collectives lesquelles font toutes l’objet d’une mesure de publicité.

En restant confidentielle, la procédure de conciliation permet au débiteur, d’une part, de solliciter plus facilement l’aide du Président du Tribunal et, d’autre part, d’envisager avec une appréhension moindre la conclusion d’un accord amiable avec ses partenaires.

L’obligation de confidentialité comporte toutefois une limite qui tient essentiellement aux personnes assujetties à cette obligation

A) Les personnes tenues à l’obligation de confidentialité

  1. Principe
  • L’article L. 611-15 du Code de commerce vise « toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation »
  • Aussi cela concerne-t-il
    • Le conciliateur
    • Les créanciers, peu importe qu’ils aient accepté de participer à l’accord amiable
    • Les juges
    • Le ministère public

2.  Cas particulier : les journalistes

==> Principe

Dans un arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de cassation a été conduite à se prononcer sur la question de savoir si un journaliste qui avait connaissance de l’instauration d’une mesure de conciliation était tenu, au même titre que n’importe quelle personne appelée à la procédure, à l’obligation de confidentialité

Cass. com. 15 déc. 2015

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu en matière de référé, et les productions, que par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la Selarl FHB, prise en la personne de Mme X..., a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce ; que le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d’informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, a publié un article commentant l’ouverture de la procédure de mandat ad hoc ; qu’elle a, par la suite, diffusé divers articles rendant compte de l’évolution des procédures en cours et des négociations engagées ; que les 23 et 24 octobre 2012, plusieurs sociétés du groupe ainsi que la Selarl FHB ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles ;

Sur les deuxièmes moyens des pourvois, pris en leur première branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que des restrictions peuvent être apportées par la loi à la liberté d’expression, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles tant par la personne soumise à un devoir de confidentialité que par un tiers ; que tel est le cas des informations relatives aux procédures visées par le second texte ;

Attendu que pour rejeter la demande des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient que le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié des informations soumises à la confidentialité par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, qui ne crée aucune obligation à son égard, ne saurait constituer, au regard des droits essentiels à la liberté d’informer du journaliste, une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Sur ces moyens, pris en leur deuxième branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce ;

Attendu qu’il résulte du premier de ces textes que des restrictions à la liberté d’expression peuvent être prévues par la loi, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique, pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles ; qu’il en résulte que le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises, imposé par le second de ces textes pour protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises recourant à ces procédures, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, à moins qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général ;

Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient encore que le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié, comme d’autres journaux spécialisés, des informations confidentielles, par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, ne constitue pas un trouble manifestement illicite au regard de la liberté d’informer du journaliste ;

Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si les informations diffusées, relatives à la prévention des difficultés des sociétés du groupe Consolis et couvertes par la confidentialité, relevaient d’un débat d’intérêt général, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

Et sur ces moyens pris en leur troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis :

Vu les articles 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et L. 611-15 du code de commerce, ensemble l’article 873, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter les demandes des sociétés du groupe Consolis, l’arrêt retient enfin que celles-ci ne présentent aucune demande de réparation pécuniaire et que la procédure de mandat ad hoc s’est terminée par une conciliation courant mars 2013, de sorte qu’il n’est pas justifié d’un préjudice résultant de la diffusion des informations litigieuses et que n’est pas ainsi caractérisée une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il rejette les exceptions d’incompétence et les fins de non-recevoir soulevées par la société Mergermarket Limited, l’arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris ;

  • Faits
    • Par ordonnances des 11 juillet et 26 septembre 2012, la Selarl FHB a été désignée mandataire ad hoc puis conciliateur des sociétés du groupe Consolis sur le fondement des articles L. 611-3 et L. 611-5 du code de commerce
    • Le 18 juillet 2012, la société Mergermarket Limited, éditrice du site d’informations financières en ligne Debtwire, spécialisé dans le suivi de l’endettement des entreprises, a publié un article commentant l’ouverture de la procédure de mandat ad hoc
    • Par la suite, elle a diffusé divers articles rendant compte de l’évolution des procédures en cours et des négociations engagées
  • Demande
    • Les 23 et 24 octobre 2012, le débiteur et le conciliateur ont assigné la société Mergermarket Limited devant le juge des référés pour obtenir le retrait de l’ensemble des articles contenant des informations confidentielles les concernant, ainsi que l’interdiction de publier d’autres articles
  • Procédure
    • Par un arrêt du 27 novembre 2013, la Cour d’appel de Versailles rejette la demande du débiteur
    • Pour les juges du fond, le fait pour la société Mergermarket Limited d’avoir publié des informations soumises à la confidentialité par application de l’article L. 611-15 du code de commerce, qui ne crée aucune obligation à son égard, ne saurait constituer, au regard des droits essentiels à la liberté d’informer du journaliste, une violation évidente de la loi susceptible d’être sanctionnée par la juridiction des référés
  • Solution
    • Dans son arrêt du 15 décembre 2015, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa des articles 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 611-15 du code de commerce.
    • La chambre commerciale justifie sa décision en affirmant qu’il résulte de l’article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits l’homme et des libertés fondamentales que « des restrictions peuvent être apportées par la loi à la liberté d’expression, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans une société démocratique pour protéger les droits d’autrui et empêcher la divulgation d’informations confidentielles tant par la personne soumise à un devoir de confidentialité que par un tiers »
    • Aussi considère-t-elle que compte tenu de la nature des informations dont il était question en l’espèce, l’obligation de confidentialité s’appliquait au journaliste.
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation l’article L. 611-5 du Code de commerce ne porte nullement atteinte à la liberté de la presse

==> Limite

Dans ce même arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 décembre 2015, une limite à l’obligation de confidentialité est malgré tout posée par les juges.

La haute juridiction affirme, en effet, que si le caractère confidentiel des procédures de prévention des difficultés des entreprises, imposé par l’article L. 611-15 du Code de commerce pour protéger, notamment, les droits et libertés des entreprises recourant à ces procédures, fait obstacle à leur diffusion par voie de presse, l’obligation de confidentialité est levée lorsque les informations diffusées contribuent « à la nécessité d’informer le public sur une question d’intérêt général»

La haute juridiction ajoute que « la diffusion d’informations relatives à une procédure de prévention des difficultés des entreprises, couvertes par la confidentialité, sans qu’il soit établi qu’elles contribuent à l’information légitime du public sur un débat d’intérêt général, constitue à elle seule un trouble manifestement illicite»

La requête conjointe: tableau récapitulatif des mentions obligatoires

A jour de la réforme initiée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, puis précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

A jour du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.

Requête conjointe
Mentions communesMentions spécifiques
Tribunal judiciaireCour d'appel
Art. 54 CPCArt. 757 CPCArt. 927 CPC
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l'accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine6 de nullité, la constitution de l'avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
• Outre les mentions prescrites à l'article 57, la requête conjointe contient, à peine d'irrecevabilité :

1° Une copie certifiée conforme du jugement ;

2° Le cas échéant, l'indication des chefs du jugement auquel l'appel est limité ;

3° La constitution des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Art. 57 CPC
• Lorsqu'elle est remise ou adressée conjointement par les parties, elle soumet au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.

• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

• Elle est datée et signée.

Procédures sur requête par-devant les juridictions civiles: tableau récapitulatif des mentions obligatoires

A jour de la réforme initiée par la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, puis précisée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.

A jour du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.

Procédures sur requête
Mentions
communes
Mentions spécifiques
Tribunal judiciaireOrdonnance sur requêteRequête en injonction de payerrequête en injonction de faire
Art. 54 CPCArt. 757 CPCArt. 494 CPCArt. 1407 CPCArt. 1425-2 CPC
A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l'accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l'avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient :

1° L'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Art. 57 CPCArt. 1408 CPC
• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
• Le créancier peut, dans la requête en injonction de payer, demander qu'en cas d'opposition, l'affaire soit immédiatement renvoyée devant la juridiction qu'il estime compétente.

Le régime juridique de l’acceptation: notion, caractères, étendue, manifestation et réforme des obligations

?Théorie de l’offre et de l’acceptation

Le contrat n’est autre que le produit de la rencontre des volontés. Plus précisément, cette rencontre des volontés s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

Aussi, en dehors de la rencontre de l’offre et de l’acceptation aucun contrat ne saurait valablement se former, cette rencontre traduisant l’échange des consentements des parties.

Or conformément à la théorie de l’autonomie de la volonté, seules les parties qui ont exprimé leur consentement au contrat peuvent s’obliger. On saurait, en effet, contraindre une personne à contracter, sans qu’elle y consente.

?Réforme des obligations

Curieusement, en 1804, les rédacteurs du Code civil se sont surtout focalisés sur les conditions de validité et sur l’exécution du contrat.

Aussi, cela s’est fait au détriment du processus de conclusion du contrat qui était totalement ignoré par le Code civil.

Aucune disposition n’était, en effet, consacrée à la rencontre des volontés, alors même qu’il s’agit là du fait générateur du contrat.

Afin de remédier à cette carence, c’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de bâtir la théorie de l’offre et de l’acceptation, notamment à partir des dispositions relatives au consentement des parties.

Il ne restait alors plus qu’au législateur de consacrer cette construction prétorienne lors de la réforme du droit des obligations.

C’est ce qu’il a fait lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a introduit dans le Code civil plusieurs dispositions qui régissent le processus de conclusion du contrat (art. 1113 à 1122).

En introduction de la sous-section relative à « l’offre et l’acceptation », le nouvel article 1113 prévoit désormais que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Nous nous focaliserons ici sur le régime de l’acceptation.

I) Notion

L’acceptation est définie à l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Pour mémoire, l’article 1114 du Code civil définit l’offre comme « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Ainsi l’acceptation apparaît-elle comme le miroir de l’offre. Et pour cause, dans la mesure où elle est censée venir à sa rencontre. L’acceptation est, en ce sens l’acte unilatéral par lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat.

À la différence, néanmoins, de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

Quand, en d’autres termes, l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est, en principe, réputé formé. Le pollicitant et l’acceptant deviennent immédiatement liés contractuellement. L’acceptation ne réalisera, toutefois, la rencontre des volontés qu’à certaines conditions

II) Conditions

Afin d’être efficace, l’acceptation doit répondre à 3 conditions cumulatives qui tiennent

  • D’une part, au moment de son intervention
  • D’autre part, à ses caractères
  • Enfin, à son étendue

A) Le moment de l’acceptation

L’acceptation doit nécessairement intervenir avant que l’offre ne soit caduque

Aussi, cela signifie-t-il que l’acceptation doit avoir été émise :

  • Soit pendant le délai stipulé par le pollicitant
  • Soit, à défaut, dans un délai raisonnable, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, pendant « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)

Lorsque l’acceptation intervient en dehors de l’un de ces délais, elle ne saurait rencontrer l’offre qui est devenue caduque.

L’acceptation est alors privée d’efficacité, en conséquence de quoi le contrat ne peut pas être formé.

B) Les caractères de l’acceptation

?L’acceptation pure et simple

Pour être efficace, l’acceptation doit être pure et simple.

En d’autres termes, il n’existe véritablement d’acceptation propre à former le contrat qu’à la condition que la volonté de l’acceptant se manifeste de façon identique à la volonté du pollicitant.

La Cour de cassation a estimé en ce sens que le contrat « ne se forme qu’autant que les deux parties s’obligent dans les mêmes termes » (Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-13.941).

Par pure et simple, il faut donc entendre, conformément à l’article 1118, al. 1er, que l’acceptation doit avoir été formulée par le destinataire de l’offre de telle sorte qu’il a exprimé sa volonté claire et non équivoque « d’être lié dans les termes de l’offre. »

?La modification de l’offre

L’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. »

Lorsque, dès lors, l’acceptant émet une réserve à l’offre sur un ou plusieurs de ses éléments ou propose une modification, l’acceptation s’apparente à une contre-proposition insusceptible de réaliser la formation du contrat.

Au fond, l’acceptation se transforme en une nouvelle offre que le pollicitant initial peut ou non accepter.

En toutes hypothèses, le contrat n’est pas formé

Le pollicitant et le destinataire de l’offre doivent, en somme, être regardés comme des partenaires dont la rencontre des volontés n’est qu’au stade des pourparlers.

Aussi, la conclusion définitive du contrat est-elle subordonnée à la concordance parfaite entre l’offre et l’acceptation.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par une « acceptation non conforme à l’offre ».

  • Conceptions envisageables
    • Première conception
      • L’acceptation est non conforme à l’offre, dès lors qu’une réserve ou une proposition de modification est émise par le destinataire
    • Seconde conception
      • Afin de déterminer si l’acceptation est non conforme à l’offre, il convient de distinguer selon que la réserve ou la proposition de modification porte ou non sur un élément essentiel du contrat.
  • La jurisprudence
    • La jurisprudence considère que le contrat n’est réputé formé qu’à la condition que l’offre et l’acceptation se rencontrent sur les éléments essentiels du contrat (V. en ce sens Cass. req., 1er déc. 1885).
    • Dans un arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation a ainsi reconnu la conformité d’une acceptation à l’offre en relevant « qu’un accord de volontés était intervenu entre les parties sur les éléments qu’elle-même tenait pour essentiels même si des discussions se poursuivaient par ailleurs pour parfaire le contrat sur des points secondaires et admis s’être engagée » (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-14.719)
    • Il résulte de cette décision que, dès lors que l’acceptation a porté sur les éléments essentiels du contrat, elle est réputée conforme à l’offre
    • A contrario, cela signifie que lorsque la réserve émise par le destinataire de l’offre porte sur des éléments accessoires au contrat, elle ne fait pas obstacle à la rencontre de l’acceptation et de l’offre.
    • Toutefois, dans l’hypothèse où la réserve exprimée par le destinataire de l’offre porte sur un élément accessoire tenu pour essentiel par l’une des parties, elle s’apparente à une simple contre-proposition, soit à une nouvelle offre et non à acceptation pure et simple de nature à parfaire le contrat (Cass. 3e civ. 27 mai 1998).
  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • Si l’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet », cette disposition se garde bien de préciser ce que l’on doit entendre par « acceptation non conforme à l’offre. »
    • Toutefois, la formule « sauf à constituer une offre nouvelle », laisse à penser que le législateur a entendu consentir une certaine latitude au juge quant à l’appréciation de la conformité de l’acceptation à l’offre.
    • Est-ce à dire que la distinction établie par la jurisprudence entre les réserves qui portent sur des éléments essentiels du contrat et les réserves relatives à des éléments contractuels accessoires a été reconduite ?
    • On peut raisonnablement le penser, étant précisé que pour apprécier la conformité de l’acceptation à l’offre le juge se référera toujours à la commune intention des parties.

C) L’étendue de l’acceptation

À supposer que l’acceptation soit identique à l’offre, encore faut-il, pour être efficace, que l’acceptant ait eu connaissance de tous les éléments du contrat.

La question alors se pose de savoir si l’émission de l’acceptation permet de considérer que le destinataire de l’offre n’est engagé que s’agissant des seuls éléments du contrat dont il a eu connaissance, ou si, au contraire, l’acceptation vaut pour toutes les clauses, y compris celles dont il n’a pas pris connaissance lors de la conclusion du contrat.

Plusieurs sortes de documents doivent être distinguées :

  • Les documents contractuels signés
    • S’agissant des documents contractuels signés, la jurisprudence pose une présomption simple de connaissance des stipulations contractuelles par le destinataire de l’offre (Cass. 1re civ. 20 janv. 1993).
    • Aussi, lui appartiendra-t-il de prouver, en cas de clause sibylline ou peu apparente, qu’il n’en a pas eue connaissance, de sorte que son acceptation n’a pas pu rencontrer l’offre dans tous ses éléments (V. en ce sens Cass. 1re civ., 3 mai 1979).
  • Les conditions générales
    • Notion
      • Tout d’abord, il peut être observé, à titre de remarque liminaire, que les conditions générales se rencontrent, le plus souvent, dans les contrats d’adhésion, soit les contrats dont les stipulations ne sont pas susceptibles d’être discutées par les parties, l’une ne laissant pour seul choix à l’autre que d’adhérer en bloc au contrat ou, à défaut, de ne pas contracter.
      • L’article 1110 du Code civil définit encore le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
      • Aucune définition n’ayant été donnée par le législateur des conditions générales, c’est vers la doctrine qu’il convient de se tourner.
      • Un auteur définit les conditions générales comme « les clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire »[2]
      • Les conditions générales sont, autrement dit, les stipulations qui figurent sur un document contractuel prérédigé.
    • Valeur contractuelle
      • Quelle valeur donner aux conditions générales ?
      • Aux termes de l’article 1119 du Code civil, « les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
      • Il ressort de cette disposition que, pour être opposables au destinataire de l’offre, les conditions générales doivent avoir été
        • d’une part, portées à sa connaissance
        • d’autre part, acceptées par lui
      • L’examen de la jurisprudence révèle que la satisfaction de ces deux conditions cumulatives peut être établie de deux façons :
        • Tout d’abord, les conditions générales sont présumées avoir été portées à la connaissance du destinataire de l’offre et acceptées par lui lorsque figure sur le document contractuel signé la mention par laquelle le signataire reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions générales (V. en ce sens Cass. 1re civ. 20 janv. 1993)
        • Ensuite, les conditions générales doivent, soit figurer sur le document contractuel signé, soit être expressément visé par ce dernier (Cass. 1re civ., 16 févr. 1999).
    • Conflit entre conditions générales ou avec les conditions particulières
      • Il peut arriver qu’une discordance existe, soit entre les conditions générales entre elles, soit entre les conditions générales et les conditions particulières.
      • Dans les deux cas on ne saurait manifestement estimer que le destinataire de l’offre a accepté les conditions générales
      • Est-ce à dire que ces discordances sont susceptibles de faire obstacle à la rencontre de l’offre et de l’acceptation ?
      • L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit deux règles qui permettent de régler ce genre de conflits
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales entre elles
          • L’article 1119, al. 2 prévoit que « en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. »
          • La solution retenue par le législateur vient confirmer la jurisprudence antérieure (Cass. com. 20 nov. 1984)
          • Dans la mesure où les conditions générales sont, la plupart du temps, stipulées à la faveur du pollicitant, leur anéantissement ne saurait porter atteinte aux intérêts du destinataire de l’offre.
          • Ajouté à cela, le nouvel article 1190 du Code civil dispose que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé.
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales et les stipulations particulières
          • Le législateur a repris la jurisprudence antérieure qui estimait que les conditions particulières primaient sur les conditions générales (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999).
          • L’article 1119, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »
  • Les documents publicitaires
    • Quid du sort des documents publicitaires sur le fondement desquels, le destinataire de l’offre s’est engagé ?
    • L’acceptation a-t-elle pour effet de les faire entrer dans le champ contractuel, de sorte que les stipulations obligent l’acceptant ?
    • La jurisprudence estime de façon constante que « les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant » (Cass. 1ère civ., 6 mai 2010, n°08-14.461).
    • Il en résulte que, dans l’hypothèse où le contrat signé ne reprend pas les stipulations figurant sur les documents publicitaires, le destinataire de l’offre sera malgré tout tenu de les respecter.
  • Les documents annexes
    • Il s’agit de tous les documents accessoires au contrat principal, soit les brochures, affiches ou encore les écriteaux, lesquels seront, le plus souvent, portés à la connaissance du destinataire de l’offre que postérieurement à la conclusion du contrat.
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les documents annexes n’entrent dans le champ contractuel qu’à la condition qu’ils aient été portés à la connaissance du signataire, préalablement à l’acception (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1959)
    • Aussi, sauf à ce que le contrat signé fasse expressément référence aux documents annexes, ils seront présumés être inopposables à l’acceptant
    • Il appartiendra donc au pollicitant de prouver que le destinataire de l’offre a bien eu connaissance des documents annexes.

III) Manifestation de l’acceptation

Aux termes de l’article 1118, « l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour être efficace, l’acceptation doit être extériorisée.

Dans la mesure où le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés, la validité du contrat n’est subordonnée, en principe, à la satisfaction d’aucunes formes en particulier (V. en ce sens Cass. 3e civ. 27 nov. 1990, n°89-14.033).

Conséquemment, trois hypothèses peuvent être envisagées :

A) L’acceptation est expresse

Il s’agit de l’hypothèse où l’acceptation est exprimée par le destinataire de l’offre au moyen d’un écrit, de la parole ou d’un geste.

Dans cette situation, l’efficacité de l’acceptation ne soulève guère de difficulté, dans la mesure où la volonté de l’acceptant sera dépourvue d’ambiguïté.

B) L’acceptation tacite

L’acceptation est tacite lorsque la volonté du destinataire de l’offre de l’accepter résulte des circonstances de faits.

La situation la plus courante est l’exécution par l’acceptant du contrat, objet de l’offre.

Dans un arrêt du 25 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi estimé que « en acceptant d’intervenir dans l’exécution de l’accord, [le destinataire de l’offre] a nécessairement souscrit aux obligations définies par celui-ci » (Cass. 1ère civ., 25 juin 1991, n° 90-11.485).

L’acceptation tacite pourra également résulter de diverses sortes de comportements, tel que monter dans un taxi ou un autobus ou encore continuer d’encaisser les loyers nonobstant l’expiration d’un bail.

C) Le silence de l’acceptant

Très tôt, la question s’est posée de savoir si le silence du destinataire de l’offre pouvait valoir acceptation.

Pour Demogue « il y a silence au sens juridique quand une personne au cours de cette activité qu’est la vie n’a manifesté sa volonté par rapport à un acte juridique, ni par une action spéciale à cet effet, ni par une action dont on puisse déduire sa volonté ».

Aussi, convient-il de distinguer le silence de l’acceptation tacite :

?L’acceptation tacite

Elle se manifeste par une attitude, un comportement, un geste ou l’exécution d’un contrat

Autrement dit, le destinataire de l’offre ne dit pas oui, ni ne l’écrit pas. Son acceptation se déduit de son comportement.

?Le silence

Il ne fait l’objet d’aucune extériorisation.

Le destinataire de l’offre ne réagit pas, il est complètement passif.

Le silence vaut-il acceptation ?

  • Principe
    • Dans un ancien arrêt du 25 mars 1870 la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que « en droit, le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstances, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » (Cass. 1re civ., 25 mai 1870).
    • Ainsi, selon cette décision qui ne dit mot ne consent pas (Pour un rappel de cette règle V. notamment Cass. com., 25 avr. 2006).
    • Surtout, l’article 1120 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit désormais que « le silence ne vaut pas acceptation ».
  • Exceptions
    • Si l’article 1120 prévoit que l’acceptation ne saurait se déduire du silence du destinataire de l’offre, il précise néanmoins, in fine, « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. »
    • Autrement dit, il est des cas où, par exception, le silence peut parfaitement valoir acceptation.
    • Il en ira ainsi dans toute une série de circonstances :
      • L’existence d’un texte spécial
        • Lorsque le silence est réglementé, il peut être interprété comme valant acceptation
        • Exemples :
        • En matière de contrat de bail, l’article 1738 du Code civil prévoit, en matière de contrat de bail, que « si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit.
        • En matière de contrat de travail, l’article L. 1222-6 du Code du travail prévoit que lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail « à défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »
      • L’existence d’usages professionnels
        • Le silence peut également être réglementé par un usage professionnel
        • En vertu de cet usage, le professionnel qui a reçu une offre peut être obligé d’exprimer son refus, faute de quoi il sera réputé l’avoir acceptée.
        • Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a ainsi estimé en ce sens que, s’agissant d’un contrat de vente de vin entre deux professionnels exerçant dans le même secteur d’activité, « l’établissement et l’envoi, par le courtier au vendeur et à l’acheteur de la “lettre de confirmation” sans qu’il y ait de leur part un accord formel équivalait suivant l’usage ancien et constant en Bordelais, à une vente parfaite, sauf protestation dans un très bref délai fixé par les usages loyaux et constants de la profession à 48 heures de la réception de cette lettre dont l’envoi est à la charge du courtier » (Cass. com. 13 mai 2003, n°00-21.555).
      • La force de l’habitude
        • Lorsque deux contractants étaient antérieurement en relations d’affaires et que, périodiquement et régulièrement, ils concluaient des contrats ayant la même nature, le même objet et le même but, sans, à chaque nouveau contrat, exprimer formellement leur volonté de s’engager, la jurisprudence considère que, en dépit du silence, un contrat qui s’inscrit dans la continuité de cette relation contractuelle est réputé formé (Cass. com., 15 mars 2011, n°10-16.422)
        • Ainsi, la force de l’habitude peut conférer au silence du destinataire de l’offre la valeur d’une acceptation.
      • L’intérêt exclusif du destinataire
        • Lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire, le silence vaut acceptation.
        • Il en va ainsi lorsqu’un créancier consent une remise de dette à son débiteur (Cass. req., 29 mars 1938)
        • L’idée sous-jacente est ici que l’acceptant n’a aucune raison de refuser l’offre qui lui est faite, compte tenu de l’avantage exclusif qu’elle lui procure.
      • L’existence de circonstances particulières caractérisant une acceptation
        • Dans un arrêt du 24 mai 2005, la Cour de cassation a estimé que « si, en principe, le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n°02-15.188).

Cass. 1re civ., 24 mai 2005

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le préfet de la région d’Ile-de-France a notifié à M. X…, qui avait obtenu un permis de construire sur une parcelle dont il est propriétaire, un arrêté lui enjoignant de faire réaliser préalablement aux travaux une opération préventive de fouilles archéologiques ; que M. X… a accepté un devis “diagnostic archéologique” établi par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), aux droits de laquelle vient l’INRAP ; que l’AFAN a informé M. X… que le diagnostic était positif et que “la partie arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de sauvetage urgent devant être réalisée”, ce qui a conduit le préfet à prendre un nouvel arrêté prévoyant que l’AFAN procéderait en urgence à une opération préventive de fouilles entre le 14 avril 1998 et le 17 avril 1998 ; que M. X… ayant refusé de régler la facture correspondant à ces travaux au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui avait adressé l’AFAN, celle-ci l’a assigné en paiement ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 1er mars 2002) d’avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi :

1 / que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que M. X…, destinataire du second devis, ne l’avait jamais retourné ni signé et n’avait pas davantage déclaré l’accepter ; qu’en décidant cependant que le propriétaire du terrain aurait de la sorte accepté ce second devis, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

2 / qu’il appartient au créancier qui demande l’exécution de la convention qu’il invoque de rapporter la preuve de l’existence de l’accord résultant de l’acceptation de son offre par l’autre partie ; qu’en énonçant que M. X…, destinataire du second devis, ne soutenait pas valablement ne pas l’avoir accepté, à défaut de manifestation expresse de volonté de rupture de ses relations contractuelles avec l’AFAN, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ; que l’arrêt relève que le permis de construire délivré à M. X… lui imposait de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques situés sur le terrain d’assiette de l’opération de construction, que l’arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France, pris en exécution de cette contrainte, a imposé l’opération de fouille préventive, que cet arrêté a été signé au visa de la convention signée par l’Etat et l’AFAN et qu’ainsi M. X…, dont la volonté est certes liée par les contraintes administratives, ne pouvait sans se priver de l’attestation de levée de contraintes archéologiques qui lui a été délivrée le 29 avril 1998 ne pas faire exécuter les prestations prévues par le second devis ; qu’ayant exactement déduit de ces circonstances que le silence gardé par M. X… à la suite de la réception du devis que lui avait adressé l’AFAN avait la signification d’une acceptation, c’est sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a ensuite énoncé que M. X… ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté, soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

        • Avec cette décision, la haute juridiction a, de la sorte, entendu abandonner le caractère limitatif des circonstances où le silence est susceptible d’être interprété comme valant acceptation.
        • Autrement dit, dorénavant, des circonstances particulières, autres qu’un usage ou des relations affaire, peuvent conférer au silence du destinataire de l’offre la signification d’une volonté de s’engager.
        • Cette solution a été consacrée par le législateur à l’article 1120 du Code civil qui prévoit que le silence résultant de « circonstances particulières » peut valoir acceptation.

IV) Effets

?Principe

À la différence de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

En vertu du principe du consensualisme, le contrat est donc formé, de sorte que le pollicitant devient immédiatement lié contractuellement à l’acceptant.

Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation affirme en ce sens que s’agissant d’un contrat de vente que « la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités » (Cass. 3e civ. 14 janv. 1987, n°85-16.306).

Cass. 3e civ. 14 janv. 1987

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Orléans 23 mai 1985), statuant sur renvoi après cassation, que, par acte sous seing privé du 13 novembre 1978, Mme A… s’est engagée à céder à M. Y… une maison et toute l’oeuvre en sa possession de la famille A… moyennant une somme payable comptant et une rente viagère mensuelle ; que l’acte précisait que serait étudiée avec la Bibliothèque Nationale la possibilité de faire, de cette maison, un musée ou une fondation A…, que M. Y… souscrivait divers engagements dont notamment celui de mettre à la disposition de Mme A… les moyens nécessaires pour terminer la biographie de son oncle, Alexandre A…, et faire éditer un livre, et d’organiser, dans sa galerie, une série d’expositions des oeuvres de la famille A… ; qu’il était mentionné que l’accord ne prendrait son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire ; que postérieurement au paiement par M. Y… de la partie du prix payable comptant et du premier terme de la rente, Mme A… a refusé de donner suite à cet accord ;

Attendu que Mme Lebel Z…, aux droits de Mme A…, fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré valable l’accord passé le 13 novembre 1978 entre Mme A… et M. Y…, alors, selon le moyen, que “si la vente est parfaite dès lors qu’est constaté l’accord des parties sur la chose et le prix, il est loisible aux parties de subordonner le caractère parfait et définitif de la vente à la réalisation d’une condition suspensive, qu’en l’espèce, dans l’acte du 13 novembre 1978, relatif à la cession non seulement d’un bien immobilier mais également de biens mobiliers et des droits y afférents, il était expressément stipulé par les parties que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire (Me du X… …), qu’en se bornant à retenir, pour affirmer qu’il ne résultait d’aucune disposition de l’acte ni des circonstances de la cause que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la signature d’un acte authentique, que celles-ci étaient d’accord sur la chose et le prix dès le 13 novembre 1978 et qu’il n’était pas établi que Mme A… avait entendu faire des conditions accessoires énumérées dans l’acte un élément essentiel de la vente, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties en prévoyant dans l’acte du 13 novembre 1978 que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par le notaire désigné, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil, et a violé par fausse application l’article 1589 du Code civil” ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé justement que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités, l’arrêt retient souverainement que les parties à l’acte du 13 novembre 1978 s’étaient, dès cette date, entendues sur la chose et sur le prix et que si elles ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement ; que par ces seuls motifs, l’arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Exceptions

Par exception, il est des cas où la rencontre de l’offre et l’acceptation ne suffit pas à former le contrat.

La loi exigera en effet, soit que l’expression du consentement soit complétée par l’accomplissement de certaines formalités ou à la remise de la chose, soit que le destinataire de l’offre observe un délai de réflexion avant de manifester son acceptation.

Parfois même, la loi autorisera le destinataire de l’offre à se rétracter, nonobstant la rencontre de l’offre et l’acceptation.

Plusieurs hypothèses doivent donc être envisagées :

  • La formation du contrat est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités : les contrats solennels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 2 du Code civil prévoit que « le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi »
      • Ainsi, la rencontre de l’offre et de l’acceptation est insuffisante pour réaliser la formation d’un contrat solennel.
      • La loi impose aux contractants l’accomplissement de certaines formalités, lesquelles sont exigées ad validitatem et non ad probationem, comme tel est le cas en matière de contrats consensuels.
    • Applications
      • L’établissement d’un acte authentique sera parfois exigé
        • Il en va ainsi en matière de donation, de vente immobilière, d’hypothèque ou encore de convention matrimoniale
      • L’établissement d’un écrit simple sera d’autres fois exigé
        • Il en va ainsi en matière de crédit à la consommation, de démarchage à domicile, de crédit immobilier, de cautionnement ou encore de conventions collectives
    • Sanction
      • Le non-respect du formalisme exigé par la loi en matière de contrat solennel est sanctionné par la nullité absolue.
  • La formation du contrat est subordonnée à la remise de la chose : les contrats réels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 3 prévoit que « le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose. »
      • En matière de contrat réel, la rencontre de l’offre et l’acceptation est, là encore, insuffisante quant à réaliser la formation du contrat
      • Sa validité est conditionnée par la remise de la chose
    • Applications
      • Peuvent être qualifiés de contrats réels les contrats de gage, de dépôt ou de prêt, encore que pour ce dernier, la jurisprudence a évolué.
      • Particularité du contrat de prêt :
        • Depuis un arrêt du 28 mars 2000, il convient de distinguer selon que le prêt est consenti ou non par un professionnel (Cass. 1ère civ., 28 mars 2000, n°97-21.422)
        • La haute juridiction a, effet, décidé dans cette décision que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ».
        • En dehors de cette hypothèse, le contrat de prêt demeure un contrat réel, de sorte que la remise de la chose est exigée ad validitatem.

Cass. 1ère civ., 28 mars 2000

Attendu que Daniel X… a acheté, le 21 février 1992, à la société Sanlaville, du matériel agricole qui devait être fourni par la société Fiatgeotech, le financement du prix devant être assuré à hauteur de 700 000 francs par un prêt consenti par la société UFB Locabail ; qu’aux termes du contrat, l’UFB Locabail s’est engagée à verser directement à la société Sanlaville le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par le vendeur de la livraison du matériel, sous condition, notamment de l’adhésion de Daniel X… à une assurance-vie à souscrire auprès de la compagnie UAP Collectives aux droits de laquelle se trouve la société Axa collectives, qui a repris l’instance en ses lieu et place ; que Daniel X… ayant fait parvenir le 31 mars 1992 à l’UFB Locabail le dossier d’adhésion à la garantie d’assurance sur la vie, la société Sanlaville a adressé, le 22 juin suivant, à l’UFB le bon de livraison du matériel ; que Daniel X… est, entre-temps, décédé accidentellement le 4 juin 1992 ; qu’une contestation étant née sur la qualité du matériel livré et l’UFB Locabail ayant dénié devoir financer l’opération, les héritiers X… ont assigné la société Sanlaville, prise en la personne de son liquidateur judiciaire et l’UFB Locabail pour faire prononcer la résiliation de la vente et, subsidiairement, condamner l’UFB à verser à la société Sanlaville le montant du prêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que l’UFB Locabail fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 1997), d’avoir jugé que le contrat de financement souscrit par Daniel X… l’obligeait à payer la somme convenue à ses héritiers, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu’il ressort de l’arrêt que l’UFB n’ayant jamais remis les fonds faisant l’objet du contrat de prêt à Daniel X… avant la date de livraison du matériel, le contrat de prêt ne s’était pas formé, la cour d’appel a violé l’article 1892 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, que le contrat de prêt était conclu intuitu personae dès lors que le prêteur s’engageait en considération des possibilités de remboursement de l’emprunteur, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter le contrat de prêt initialement conclu au bénéfice de Daniel X… au profit des ayants-cause de ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1122 du Code civil ; alors, en troisième lieu, que l’article 6 du contrat de prêt stipulait que les sommes restant dues par l’emprunteur deviendraient immédiatement exigibles en cas de décès de ce dernier et l’article 10 de l’acte prévoyait qu’en cas de décès de l’emprunteur avant remboursement de toutes les sommes dues au prêteur, il y aurait solidarité et indivisibilité entre ses héritiers, de sorte qu’en se fondant sur ces clauses qui impliquaient que les fonds avaient été préalablement remis à l’emprunteur avant son décès, pour caractériser une obligation de l’UFB de verser des fonds au profit des héritiers, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et alors, en quatrième lieu, que les fonds que l’UFB s’était engagée à verser à Daniel X… ne lui ayant jamais été remis, l’engagement de l’établissement financier ne pouvait s’analyser qu’en une promesse de prêt dont l’inexécution, à la supposer fautive, ne pouvait donner lieu qu’à l’allocation de dommages-intérêts, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter son engagement résultant de la promesse de prêt en lui imposant de verser aux ayants-droit de Daniel X… les sommes qui y étaient visées, la cour d’appel a violé les articles 1892 et 1142 du même Code ;

Mais attendu que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ; que l’arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par Daniel X… et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l’effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue ; d’où il suit que le moyen qui n’est pas fondé en sa première branche, est inopérant en ses trois autres branches

    • Sanction
      • Comme en matière de contrat solennel, la sanction encourue en cas de non remise de la chose objet d’un contrat réel est la nullité absolue.
      • Le contrat est donc réputé n’avoir jamais existé en raison d’une irrégularité de forme qui fait obstacle, non pas à la rencontre des volontés, mais à sa validité.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’observation d’un délai de réflexion
    • Principe
      • Le nouvel article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion ».
      • Par délai de réflexion, il faut entendre, précise cette même disposition, « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ».
      • Ainsi, le délai de réflexion fait-il obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation, cette dernière ne pouvait être exprimée qu’à l’expiration du délai stipulé par le pollicitant ou par la loi.
      • Lorsque le législateur impose l’observation d’un délai de réflexion, il est animé par un souci de protection de la partie la plus faible.
      • Le délai de réflexion a vocation à prévenir une décision précipitée que le destinataire de l’offre pourrait regretter après coup.
      • Car en l’absence de délai de réflexion, dès lors que l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est formé.
      • L’acceptant est alors tenu d’exécuter la prestation à laquelle il s’est obligé.
    • Applications
      • En matière de crédit immobilier, l’article 313-34 du Code de la consommation prévoit que « l’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. »
      • En matière de contrat d’enseignement à distance, l’article 444-8 du Code de l’éducation prévoit encore que « à peine de nullité, le contrat ne peut être signé qu’au terme d’un délai de sept jours après sa réception. »
    • Sanction
      • La sanction encourue en cas d’inobservation d’un délai de réflexion est la nullité du contrat
      • L’acceptation est réputée n’avoir jamais rencontré l’offre émise par le pollicitant.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’absence de rétractation du destinataire de l’offre
    • Principe
      • L’article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir […] un délai de rétractation ».
      • Par délai de rétractation il faut entendre poursuit cette disposition « le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement. »
      • Le délai de rétractation se distingue du délai de réflexion en ce qu’il ne fait pas obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation.
    • Nature du délai de rétractation
      • Dans l’hypothèse où la loi prévoit un délai de rétractation la question se pose de savoir à quel moment le contrat est réputé être définitivement formé ?
      • Les thèses en présence
        • Selon la première thèse, le contrat ne serait définitivement formé qu’à l’expiration du délai de rétractation (V. en en ce sens G. Cornu)
          • La conséquence en est, selon cette thèse, que le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution, dans la mesure où il n’existe pas encore, nonobstant la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
        • Selon la deuxième thèse, le contrat serait réputé formé dès la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le droit de rétractation devant s’analyser comme une faculté, pour l’acceptant, d’anéantir unilatéralement le contrat (V. en ce sens A. Françon)
          • Il en résulte, selon cette théorie, que le contrat peut être exécuté dès l’acceptation de l’offre par son destinataire, celui-ci bénéficiant d’une faculté de dédit
        • Selon la troisième thèse, le contrat serait, certes, réputé formé dès l’échange des consentements. Toutefois, son efficacité serait suspendue à l’expiration du délai de rétractation (V. en ce sens V. Christianos)
          • Dès lors, bien que formé, le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution de la part du destinataire de l’offre.
      • La jurisprudence
        • Dans un arrêt du 10 juin 1992, la Cour de cassation a estimé que s’agissant d’un contrat de vente que « le contrat était formé dès la commande », nonobstant l’existence d’un droit de rétractation (Cass.1ère civ. 10 juin 1992, n°90-17.267).
        • Ainsi, la haute juridiction considère-t-elle que la formation du contrat est acquise dès l’échange des consentements, soit lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat.

Cass.1ère civ. 10 juin 1992

Sur le moyen unique :

Vu l’article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ;

Attendu que le 12 août 1988 M. Michel X… a souscrit, à la suite d’un démarchage auprès de la société Air photo France, un bon de commande pour une photographie encadrée de sa maison ; que par lettre recommandée du 5 septembre 1988 il a fait connaître à cette société qu’il annulait sa commande ; que la société lui a opposé la tardiveté de la rétractation, intervenue après le délai de 7 jours prévus par la loi du 22 décembre 1972 ;

Attendu que pour annuler l’injonction de payer en date du 5 juillet 1989 délivrée contre M. X…, la décision attaquée a énoncé que le délai de 7 jours n’est pas un délai préfix et que M. X… avait fait parvenir son annulation à la société Air photo France dans un délai suffisamment bref pour permettre à cette dernière d’éviter des frais d’agrandissement et les aléas de leur recouvrement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le contrat était formé dès la commande et que la faculté de renonciation était limitée à 7 jours à compter de celle-ci, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er février 1990, entre les parties, par le tribunal d’instance de Pontarlier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Montbéliard

      • Le législateur
        • À l’examen, l’ordonnance du 10 février 2016 semble opiner dans le sens de la Cour de cassation
        • Car si le délai de rétractation est celui « avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement », cela signifie, implicitement, que pour pouvoir « rétracter son consentement », le destinataire de l’offre doit, au préalable, l’avoir exprimé.
        • Or, conformément au principe du consensualisme, le contrat est réputé formé dès l’échange des consentements des parties.
        • Si dès lors, le législateur avait estimé que l’existence d’un droit de rétractation faisait obstacle à la formation du contrat, il est peu probable qu’il ait associé cette faculté à la manifestation du consentement de l’acceptant.
      • Au total, il apparaît donc que le délai de rétractation n’interdit pas au destinataire de l’offre de consentir au contrat qui lui est proposé.
      • Ce délai lui offre seulement la faculté de se rétracter pendant une période déterminée.
      • Le consentement de l’acceptant ne devra donc irrévocable qu’à l’expiration du délai de rétractation.
    • Applications
      • En matière de contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, le délai de rétractation est fixé par la loi à 14 jours
      • En matière de contrat d’assurance vie, la loi prévoit un délai de rétractation de 30 jours
      • En matière de courtage matrimonial, le délai de rétractation est de 7 jours à compter de la signature du contrat
    • Sanctions
      • Dans l’hypothèse où il se rétracte, le destinataire de l’offre est réputé n’avoir jamais accepté le contrat, ce qui dès lors a pour effet de priver d’efficacité la rencontre des volontés.
      • En d’autres termes, le contrat est anéanti rétroactivement.
      • L’exercice du droit de rétraction produit, dès lors, le même effet qu’une nullité.
      • Quid, néanmoins, dans l’hypothèse où le contrat a été totalement ou partiellement exécuté ?
      • L’article 1122 du Code civil est silencieux sur ce point.
      • La question de la sanction applicable en cas d’exécution anticipée du contrat est donc ouverte.
      • Dans la mesure où le droit de droit de rétractation ne s’analyse pas, a priori, comme un obstacle à la formation du contrat, seules deux sanctions sont envisageables en cas d’exécution totale ou partielle :
        • La résolution
        • La caducité
  1. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  2. A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges Jauffret, 1974, p. 622 ?