Les conditions de formation de la transaction

Parce que la transaction s’analyse en un contrat, elle est soumise aux conditions de validité de droit commun applicables à tous les contrats.

Aussi, pour être valable, elle doit satisfaire à plusieurs des conditions de fond qui tiennent :

  • À la capacité des parties
  • Au pouvoir des parties
  • Au consentement des parties
  • À l’objet de l’accord

La transaction n’est en revanche soumise à aucune condition de forme, à tout le moins à un formalisme qui serait exigée ad validitatem.

I) Les conditions de fond

A) La capacité des parties

L’article 2045 du Code civil prévoit que « pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. »

Ainsi, pour être autorisées à conclure une transaction les parties doivent justifier de la capacité à contracter et plus précisément de la capacité de disposer des droits objets de la transaction.

La raison en est que l’action de transiger consiste à renoncer à des prétentions, ce qui constitue un acte grave ; d’où sa reconnaissance parmi les actes de disposition.

Pour mémoire, dans son acception générale, la capacité juridique se définit comme la faculté pour une personne physique ou morale à être titulaire de droits et à les exercer.

Classiquement on distingue la capacité de jouissance de la capacité d’exercice :

  • La capacité de jouissance : il s’agit de l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits subjectifs (droits réels et personnels)
  • La capacité d’exercice : il s’agit de l’aptitude pour une personne physique ou morale à exercer les droits dont elle est titulaire au titre de sa capacité de jouissance

Si toutes les personnes sont pourvues de la capacité de jouissance, il n’en va pas de même pour la capacité d’exercice.

Or c’est précisément à cette capacité d’exercice que sont rattachées les capacités de contracter et de disposer exigées pour pouvoir conclure une transaction.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir quelles sont les personnes qui sont douées de la capacité d’exercice.

Pour le déterminer, il convient de distinguer les personnes capables des personnes incapables.

1. Les personnes capables

Les personnes dites capables sont celles qui jouissent d’une capacité d’exercice générale.

Aussi, ont-elles la faculté d’exercer tous les droits dont elles sont titulaires, sans limitation, sinon celle, le cas échéant, de l’abus de droit.

Il s’en déduit que les personnes capables sont toutes autorisées à contracter et à disposer de leurs droits et, par voie de conséquence, à conclure une transaction.

Classiquement, on distingue trois catégories de personnes capables :

  • Les personnes physiques majeures
    • Il s’agit de toutes les personnes qui ont atteint l’âge de dix-huit ans révolus.
    • Les personnes physiques majeures qui ne sont frappées d’aucune incapacité d’exercice ont la capacité de conclure une transaction par elles-mêmes, c’est-à-dire sans qu’il leur soit besoin d’être représentées
  • Les personnes morales
    • Il s’agit des groupements, tels que les sociétés, les associations ou encore les syndicats, qui sont dotés d’une personnalité juridique, laquelle s’acquiert sous certaines conditions.
    • Si les personnes morales sont pourvues d’une capacité juridique, elles ne peuvent, en revanche, exercer leurs droits que par l’entremise d’un représentant.
    • Aussi, la validité d’une transaction conclue au nom et pour le compte d’une personne morale est subordonnée moins à sa capacité de transiger, ce qui sera toujours le cas, qu’au pouvoir de son représentant.
  • Les personnes mineures émancipées
    • Il s’agit des personnes qui n’ont pas atteint l’âge de dix-huit ans révolus, et qui donc ne sont pas majeures, mais qui ont été émancipées, soit par mariage, soit par décision judiciaire.
    • L’article 413-6 du Code civil prévoit que le mineur émancipé est capable, comme un majeur, de tous les actes de la vie civile.
    • Il en résulte qu’il est autorisé à conclure une transaction comme n’importe quelle personne majeure douée de sa capacité de contracter.

2. Les personnes incapables

Les personnes incapables se divisent en deux catégories :

  • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice générale
  • Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale

a. S’agissant des personnes frappées d’une incapacité d’exercice générale

Deux catégories de personnes sont frappées d’une incapacité d’exercice générale

  • Les mineurs non émancipés
  • Les majeurs faisant l’objet d’une mesure de tutelle

Lorsqu’une personne est frappée d’une incapacité d’exercice générale, cela ne signifie pas qu’elle ne dispose pas de la faculté à être titulaires de droits.

Tant le mineur, que la personne placée sous tutelle jouissent d’une capacité de jouissance générale.

Ces personnes n’ont simplement pas la capacité d’exercer les droits dont elles sont titulaires. Il leur faut nécessairement être représentées pour l’accomplissement des actes de la vie civile.

a.1. S’agissant du mineur non émancipé

?Dispositions générales

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé n’est, par principe, pas autorisé à contracter seul et, par voie de conséquence, à conclure une transaction.

Pour ce faire, il doit nécessairement se faire représenter, soit par ses administrateurs légaux que sont ses parents, soit le cas échéant, par son tuteur s’il ne bénéficie pas du système de l’administration légale en raison de sa situation de famille.

En tout état de cause, quel que soit le mode de représentation du mineur, l’étendue des pouvoirs confiés à ses représentants diffère selon la gravité des actes à accomplir dans l’intérêt de celui-ci.

En effet, tandis qu’il est certains actes – la plupart – qui peuvent être accomplis par le représentant du mineur en toute autonomie, il en est d’autres – les plus graves – dont l’accomplissement est subordonné, tantôt à l’autorisation du juge des tutelles, tantôt au conseil de famille.

Afin de déterminer à quelle catégorie d’actes appartient la transaction, il y a lieu, au préalable, de distinguer selon que le mineur est soumis au dispositif de l’administration légale (représentation par ses parents) ou au dispositif de la tutelle.

  • Le mineur est soumis au dispositif de l’administration légale
    • Dans cette hypothèse, l’article 387-1 du Code civil prévoit que « l’administrateur légal ne peut, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles […] renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ».
    • Il ressort de cette disposition que les administrateurs légaux du mineur ne peuvent pas conclure seuls une transaction au nom de ce dernier.
    • Aussi, doivent-ils nécessairement solliciter l’accord du juge des tutelles avant de transiger.
  • Le mineur est soumis au dispositif de la tutelle
    • Dans cette hypothèse, l’article 505 du Code civil prévoit que « le tuteur ne peut, sans y être autorisé par le conseil de famille ou, à défaut, le juge, faire des actes de disposition au nom de la personne protégée. »
    • La question qui alors se pose est de savoir si la transaction relève de la catégorie des actes de disposition auquel cas l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille est requise.
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter au décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 qui dresse une liste des actes de disposition.
    • Or il ressort de cette liste que la transaction est bien regardée comme un acte de disposition.
    • Il en résulte que le tuteur devra nécessairement obtenir l’accord préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles pour conclure une transaction dans l’intérêt du mineur.
    • À cet égard, l’article 2045, al. 2e du Code civil prévoit que « le tuteur ne peut transiger pour le mineur ou le majeur en tutelle que conformément à l’article 467 ».
    • Si l’on se reporte à l’article 467, il se déduit de cette disposition que l’autorisation du juge des tutelles ou du Conseil de famille est requise préalablement à la conclusion d’une transaction.

En tout état de cause, quel que soit le mode de représentation dont bénéficie le mineur, en cas de non-sollicitation de l’accord du juge des tutelles ou du conseil de famille préalablement à la conclusion d’une transaction, l’opération est susceptible d’être frappée d’une nullité relative (Cass. 1ère civ. 26 juin 1974, n°72-11.524).

Cela signifie notamment que cette nullité ne pourra être soulevée que par les personnes représentant les intérêts du mineur ou par le mineur lui-même devenu majeur (Cass. 1ère civ. 10 mars 1998, n°95-22.111). Elle pourra, par ailleurs, faire l’objet d’une confirmation.

?Dispositions spéciales

En cas de dommage causé à la victime d’un accident de la circulation, obligation est faite à l’assureur de lui proposer une indemnité en réparation de son préjudice.

L’article L. 211-9 du Code des assurances prévoit en ce sens que, « quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n’est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d’un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d’indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d’indemnisation qui lui est présentée. »

Lorsque la victime d’un accident de l’accident de la circulation est une personne mineure, le législateur a entendu encadrer l’offre d’indemnité qu’est tenu de formuler l’assureur.

En effet, l’article L. 211-15 du Code des assurances prévoit que « l’assureur doit soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille, compétents suivant les cas pour l’autoriser, tout projet de transaction concernant un mineur ou un majeur en tutelle »

Ainsi, l’assureur a-t-il l’obligation de soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille l’offre d’indemnisation qu’il entend proposer aux représentants du mineur.

Il en va de même pour le représentant du mineur qui ne peut négocier seul le projet de transaction qui lui a été adressé par l’assureur.

Dans un arrêt du 20 janvier 2010, la Cour de cassation a ainsi jugé que « le tuteur ne peut transiger au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille ou le juge des tutelles les clauses de la transaction » (Cass. 1ère civ. 20 janv. 2010, n°08-19.627).

Là ne s’arrête pas les obligations instituées par le législateur aux fins de protéger les intérêts du mineur.

L’article L. 211-15, al. 2e du Code des assurances précise que l’assureur doit également « donner avis sans formalité au juge des tutelles, quinze jours au moins à l’avance, du paiement du premier arrérage d’une rente ou de toute somme devant être versée à titre d’indemnité au représentant légal de la personne protégée ».

S’agissant de la sanction du non-respect de ces exigences, l’article L. 211-15, al. du Code des assurances dispose que « le paiement qui n’a pas été précédé de l’avis requis ou la transaction qui n’a pas été autorisée peut être annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public à l’exception de l’assureur. »

a.2. S’agissant de la personne faisant l’objet d’une mesure de tutelle

i. Dispositions générales

?Régime

À l’instar du mineur, une personne faisant l’objet d’une mesure de tutelle est frappée d’une incapacité d’exercice générale.

Il en résulte qu’elle n’est pas autorisée à contracter seule. Elle ne peut conclure une transaction que par l’entreprise d’un représentant : son tuteur.

L’article 473 du Code civil prévoit en ce sens que « sous réserve des cas où la loi ou l’usage autorise la personne en tutelle à agir elle-même, le tuteur la représente dans tous les actes de la vie civile. »

Les pouvoirs de représentation conférés au tuteur ne sont toutefois pas illimités. Certains actes sont subordonnés à l’autorisation du juge des tutelles.

Pour déterminer si la transaction conclue au nom et pour le compte d’une personne placée sous tutelle est soumise à une telle autorisation, il y a lieu de se reporter à l’article 506 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le tuteur ne peut transiger ou compromettre au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge les clauses de la transaction ou du compromis et, le cas échéant, la clause compromissoire. »

Il ressort de ce texte que le tuteur ne dispose pas du pouvoir de conclure une transaction ou négocier les termes d’une transaction sans avoir obtenu, au préalable, l’accord du juge des tutelles.

Cette règle est rappelée par l’article 2045 du Code civil qui prévoit que « le tuteur ne peut transiger pour le mineur ou le majeur en tutelle que conformément à l’article 467 ».

Or si l’on se reporte à l’article 467, il se déduit de cette disposition que l’autorisation du juge des tutelles ou du Conseil de famille est requise préalablement à la conclusion d’une transaction.

?Sanctions

Les sanctions attachées à la conclusion d’une transaction en violation des règles encadrant la tutelle diffèrent selon que l’opération est intervenue avant ou après le jugement d’ouverture de la mesure de protection :

  • La transaction a été conclue antérieurement à la date du jugement d’ouverture de la tutelle
    • Dans cette hypothèse, l’article 464, al. 1er du Code civil prévoit que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l’altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés.
    • Ainsi, toutes les transactions accomplies par le majeur placé sous tutelle moins de deux ans avant la date du jugement d’ouverture peuvent être remises en cause.
    • Plus précisément, les obligations stipulées dans l’acte pourront faire l’objet d’une réduction.
    • L’alinéa 2 du texte précise que, en cas de préjudice subi par la personne protégée, la transaction n’encourt pas seulement la réduction, elle est également susceptible d’être frappée de nullité.
    • S’agissant de la prescription de l’action, l’alinéa 3 prévoit qu’elle doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d’ouverture de la mesure.
  • La transaction a été conclue postérieurement à la date du jugement d’ouverture de la curatelle
    • La transaction a été conclue par la personne protégée seule sans qu’elle ait été représentée par son tuteur
      • Dans cette hypothèse l’article 465, 3° prévoit que l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice ;
      • L’action en nullité se prescrit par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
      • Par ailleurs, le tuteur peut, avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il a été constitué, engager seul l’action en nullité.
    • La transaction a été conclue par le tuteur seul sans qu’il ait obtenu au préalable l’autorisation du juge des tutelles
      • Dans cette hypothèse, l’article 465, 4° prévoit que l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.
      • L’action en nullité se prescrit par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

?Dispositions spéciales

Comme pour les mineurs, lorsque la victime d’un accident de l’accident de la circulation est une personne placée sous un régime de tutelle, le législateur a entendu encadrer l’offre d’indemnité qu’est tenu de formuler l’assureur.

En effet, l’article L. 211-15 du Code des assurances prévoit que « l’assureur doit soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille, compétents suivant les cas pour l’autoriser, tout projet de transaction concernant un mineur ou un majeur en tutelle »

Ainsi, l’assureur a-t-il l’obligation de soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille l’offre d’indemnisation qu’il entend proposer au représentant du majeur sous tutelle.

Il en va de même pour le tuteur qui ne peut négocier seul le projet de transaction qui lui a été adressé par l’assureur.

Par ailleurs, le juge des tutelles doit être prévenu au moins 15 jours à l’avance de toute somme versée à titre d’indemnité au tuteur (art. L. 211-15 C. assur.).

b. S’agissant des personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale

Les personnes frappées d’une incapacité d’exercice spéciale sont les personnes qui font l’objet :

  • Soit d’une sauvegarde de justice
  • Soit d’une curatelle
  • Soit d’un mandat de protection future

En somme, ces personnes peuvent accomplir seules la plupart des actes de la vie courante.

Toutefois, pour les actes de disposition les plus graves, elles doivent se faire, tantôt assister, tantôt représenter.

À cet égard, l’étendue de leur capacité d’exercice dépend de la mesure de protection dont elles dont l’objet.

i. Les majeurs protégés placés sous sauvegarde de justice

  • Principe
    • La personne sous sauvegarde de justice conserve sa pleine de capacité juridique (art. 435, al. 1er C. civ.)
    • Il en résulte qu’elle est, par principe, autorisée à conclure seule une transaction.
    • L’alinéa 2 de l’article 435 précise toutefois que les actes que la personne placée sous sauvegarde de justice a passés et les engagements qu’elle a contractés pendant la durée de la mesure peuvent être rescindés pour simple lésion ou réduits en cas d’excès.
    • À cet égard, le juge devra notamment prendre en considération l’utilité ou l’inutilité de l’opération, l’importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté.
    • L’article 435, al. 3e du Code civil précise que l’action en rescision pour lésion n’appartient qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers.
    • Elle s’éteint par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
  • Exception
    • La personne placée sous sauvegarde de justice ne peut, à peine de nullité, faire un acte pour lequel un mandataire spécial a été désigné (art. 435 C. civ.).
    • Lorsque, dès lors, la conclusion d’une transaction relève des actes pour lesquels le juge a exigé une représentation, la personne placée sous sauvegarde de justice n’est pas autorisée à transiger seule.
    • Elle doit, dans ce cas de figure, nécessairement se faire représenter par le mandataire désigné dans la décision rendue.
    • La violation de cette règle est sanctionnée par la nullité de l’acte accompli.
    • En application de l’article 435, al. 3e du Code civil, l’action en nullité, n’appartient qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers.
    • Elle s’éteint par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

ii. Les majeurs protégés placés sous curatelle

?Régime

En application de l’article 467, al. 1er du Code civil, une personne placée sous un régime de curatelle ne peut, sans l’assistance de son curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille.

Il ressort de cette disposition que la personne sous curatelle ne peut accomplir seule une transaction dans la mesure où il s’agit là d’une opération dont l’accomplissement est, sous le régime de la tutelle, subordonné à l’intervention du juge des tutelles.

Pour mémoire, l’article 506 du Code civil prévoit que « « le tuteur ne peut transiger ou compromettre au nom de la personne protégée qu’après avoir fait approuver par le conseil de famille ou, à défaut, par le juge les clauses de la transaction ou du compromis et, le cas échéant, la clause compromissoire. »

La transaction ne peut donc être réalisée par une personne placée sous curatelle qu’avec l’assistance du curateur.

À cet égard, l’alinéa 2 de l’article 467 du Code civil prévoit que lors de la conclusion d’un acte écrit, l’assistance du curateur se manifeste par l’apposition de sa signature à côté de celle de la personne protégée.

?Sanctions

Les sanctions attachées à la conclusion d’une transaction en violation des règles encadrant la curatelle diffèrent selon que l’opération est intervenue avant ou après le jugement d’ouverture de la mesure de protection :

  • La transaction a été conclue antérieurement à la date du jugement d’ouverture de la curatelle
    • Dans cette hypothèse, l’article 464, al. 1er du Code civil prévoit que les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d’ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l’altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l’époque où les actes ont été passés.
    • Ainsi, toutes les transactions accomplies par le majeur placé sous curatelle moins de deux ans avant la date du jugement d’ouverture peuvent être remises en cause.
    • Plus précisément, les obligations stipulées dans l’acte pourront faire l’objet d’une réduction.
    • L’alinéa 2 du texte précise que, en cas de préjudice subi par la personne protégée, la transaction n’encourt pas seulement la réduction, elle est également susceptible d’être frappée de nullité.
    • S’agissant de la prescription de l’action, l’alinéa 3 prévoit qu’elle doit être introduite dans les cinq ans de la date du jugement d’ouverture de la mesure.
  • La transaction a été conclue postérieurement à la date du jugement d’ouverture de la curatelle
    • La transaction a été conclue par la personne protégée sans l’assistance du curateur
      • Dans cette hypothèse, l’article 465, 2° prévoit que l’acte encourt la nullité, à la condition toutefois que la personne protégée ait subi un préjudice.
      • L’action en nullité se prescrit par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
    • La transaction a été conclue par le curateur seul alors qu’elle aurait dû être conclue par la personne protégée avec son assistance
      • Dans cette hypothèse, l’article 465, 4° prévoit que l’acte est nul de plein droit sans qu’il soit nécessaire de justifier d’un préjudice.
      • L’action en nullité se prescrit par le délai de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit d’agir a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

iii. Les majeurs protégés placés sous mandat de protection future

Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter lorsqu’elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté (art. 477 C. civ.)

Il appartient donc au mandant de déterminer les actes pour lesquelles elle entend se faire représenter lorsqu’elle la mesure de protection sera activée.

La conclusion d’une transaction peut parfaitement figurer au nombre de ces actes, à la condition néanmoins que cette opération soit expressément visée dans le mandat, lequel doit nécessairement être établi par écrit (par acte notarié ou par acte sous seing privé).

B) Le pouvoir de transiger

Le pouvoir se définit comme l’aptitude pour celui qui en est investi à représenter une personne.

Il s’agit, autrement dit, de la faculté d’agir au nom et pour le compte d’autrui, soit d’être son représentant.

Ainsi, tandis que la capacité correspond à l’aptitude à être titulaire de droits ou à les exercer, le pouvoir est attaché à la notion de représentation.

Le représentant est celui qui a le pouvoir d’exercer les droits dont est titulaire le représenté. Celui qui est investi d’un pouvoir de représentation ne devient pas titulaire des droits du représenté.

Le représentant est seulement habilité à les exercer, étant précisé que cela n’ôte pas au représenté, sa capacité d’exercice.

Au fond, le pouvoir de représentation est une modalité d’exercice d’un droit. Il est conféré au représentant, soit par la loi, soit par décision de justice, soit par convention, le pouvoir d’exercer le droit dont est seul titulaire le représenté.

1. La représentation légale

La représentation est donc dite légale lorsque le représentant tient son pouvoir de représentation de la loi.

Selon les cas, le législateur a conféré des pouvoirs plus ou moins étendus au représentant.

C’est la raison pour laquelle le pouvoir de conclure ou de ne pas conclure une transaction peut différer selon les cas de représentation légale. Nous nous limiterons à aborder les principaux.

a. Les mineurs non émancipés

Frappé d’une incapacité d’exercice générale, le mineur non émancipé doit être représenté pour tous les actes de la vie civile.

Or cette représentation est assurée de plein droit, lorsque la situation du mineur s’y prête, par ses parents lesquels sont investis de pouvoirs étendus pour administrer ses biens, voire en disposer.

Reste que pour les actes les plus graves, les parents ne sont pas investis du pouvoir de représentation du mineur ; ils doivent solliciter l’autorisation du juge des tutelles.

Tel est notamment le cas, s’agissant de la conclusion d’une transaction.

Pour mémoire, l’article 387-1 du Code civil prévoit que « l’administrateur légal ne peut, sans l’autorisation préalable du juge des tutelles […] renoncer pour le mineur à un droit, transiger ou compromettre en son nom ».

b. Les sociétés

À l’instar des personnes physiques, les personnes morales sont dotées de la capacité juridique.

Il en résulte qu’elles sont aptes à être titulaire de droits et à les exercer, ce qui les autorise notamment à contracter.

À ce titre, il est admis que les personnes morales puissent conclure une transaction. Reste qu’elles ne pourront agir que par l’entremise d’un représentant.

La représentation des personnes morales est assurée par les dirigeants sociaux, lesquels ne doivent pas être confondus avec les associés.

  • Les dirigeants sociaux sont investis du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de la personne morale.
  • Les associés sont quant à eux investis du pouvoir, non pas de représenter la personne morale, mais d’exprimer directement sa volonté au moyen de leur droit vote

Ainsi, tandis que les associés expriment en assemblée la volonté de la personne morale, les dirigeants sociaux représentent cette volonté qui a été exprimée par les associés.

Selon la forme de la société, le représentant de la société pour être notamment :

  • Un gérant
  • Un président
  • Un directeur général
  • Un directeur général délégué

Bien que les dirigeants sociaux soient investis d’un pouvoir d’agir au nom et pour le compte de la société qu’ils représentent, ce pouvoir est limité en raison du principe de spécialité qui préside à l’exercice de l’objet social.

En effet, la capacité juridique que l’on reconnaît aux sociétés est limitée en ce sens qu’elles ne peuvent exercer que les seules activités comprises dans leur objet social.

Cette règle a été consacrée par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Le nouvel article 1145, al. 2e du Code civil issu de cette ordonnance prévoit que « la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles ».

Aussi est-il fait interdiction aux personnes morales d’accomplir des actes qui seraient étrangers à leur objet.

Cette limitation de la capacité de jouissance des personnes morales se répercute sur les pouvoirs dont sont investis leurs représentants légaux qui ne peuvent agir que dans la limite de l’objet défini dans les statuts.

Appliqué à l’opération de transaction, ce principe dit de spécialité signifie qu’un représentant légal ne peut valablement conclure un accord transactionnel au nom et pour le compte de la personne morale qu’à la condition que cet acte entre directement ou indirectement dans l’objet social de cette dernière.

La sanction encourue diffère toutefois selon que la personne morale représentée est une société à responsabilité limitée ou illimitée.

Tandis que dans le premier cas l’irrégularité de l’acte sera inopposable au tiers, dans le second cas la transaction sera frappée de nullité.

Il en résulte une différence de régime, s’agissant de l’exigence de conformité de la transaction à l’objet social, entre les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés à responsabilité illimitée

i. Les sociétés à responsabilité limitée

?Principe

Dans les sociétés à responsabilité limitée, bien que, en application du principe de spécialité, les actes accomplis par le dirigeant doivent être conformes à l’objet social de la personne morale, la violation de cette règle n’a de conséquence que dans l’ordre interne.

En effet, en cas d’accomplissement d’un acte en dépassement de l’objet social, la société demeure engagée à l’égard du tiers contractant.

Cette règle est exprimée pour les SARL à l’article L. 223-18 du Code de commerce qui prévoit que « la société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait que l’acte dépassait cet objet ou qu’il ne pouvait l’ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. »

Les articles L. 225-56 et L. 225-64 instituent le même principe pour les Sociétés anonymes avec Conseil d’administration et Conseil de surveillance.

Ce principe est énoncé dans les mêmes termes pour les SAS à l’article L. 227-6 du Code de commerce.

Les actes accomplis en dépassement de l’objet social d’une société à responsabilité limitée lui sont donc opposables, sauf à démontrer que le tiers avait connaissance de l’irrégularité.

S’agissant d’une transaction, il n’est pas dérogé pas à la règle, ce qui conduit à admettre que la non-conformité d’une transaction à l’objet social de la société est sans incidence sur sa validité.

Tout au plus, l’acte accompli en méconnaissance de l’objet social engagera la responsabilité de son auteur. Reste que la société demeurera tenue d’exécuter l’engagement pris à l’égard du tiers.

?Tempérament

Par exception au principe d’opposabilité de la transaction en dépassement de l’objet social d’une société à responsabilité limitée, il est admis que l’acte puisse être annulé dans l’hypothèse où il serait démontré que le créancier bénéficiaire était de mauvaise foi.

La mauvaise foi du tiers fait néanmoins l’objet d’une appréciation restrictive, le législateur ayant notamment interdit qu’elle puisse se déduire de la publication des statuts.

Lorsqu’elle est établie, la mauvaise foi est sanctionnée par la nullité de l’acte accompli en dépassement de l’objet social.

ii. Les sociétés à responsabilité illimitée

?Principe

En application du principe de spécialité, lorsque le représentant légal d’une société à responsabilité illimitée agit en dépassement de l’objet social, il n’engage pas la société.

L’article 1849 du Code civil prévoit en ce sens, pour les sociétés civiles, que « dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social. »

La même règle est énoncée pour les sociétés en nom collectif à l’article L. 221-5 du Code de commerce. Cette disposition s’applique également aux sociétés en commandite.

Cette limitation des pouvoirs du représentant légal dans l’ordre externe s’explique par le souci de protection des associés qui prime les intérêts des tiers.

En effet, dans ce type de groupement, la responsabilité des associés, parce qu’illimitée, peut être recherchée – conjointement ou solidairement selon la forme sociale retenue – au-delà de leurs apports respectifs.

Pratiquement cela signifie que les associés peuvent être poursuivis par les créanciers de la société pour toutes les dettes souscrites au cours de la vie sociale.

À ce titre, ils sont tenus à l’obligation à la dette, outre leur contribution aux pertes qui interviendra au jour de la dissolution de la personne morale.

Aussi, afin de prévenir les agissements intempestifs de dirigeants susceptibles de faire peser sur les associés d’importants risques financiers, il a été décidé par la jurisprudence que les sociétés à responsabilité illimitée ne devaient pas être engagées par des actes accomplis en dépassement de leur objet social et que, par voie de conséquence, de tels actes devaient être frappés de nullité.

Il en résulte qu’une transaction qui serait conclue par le représentant légal d’une société à responsabilité illimitée en dépassement de son objet social serait nul.

Afin d’apprécier la validité de l’acte litigieux, il sera donc procédé à un contrôle systématique de son objet social, lequel doit comprendre l’opération faisant l’objet de la transaction.

?Tempérament

Il est désormais admis que lorsqu’un acte accompli au nom et pour le compte d’une société à responsabilité illimitée est étranger à son objet social, il peut être sauvé s’il répond à l’un des deux critères suivants :

  • Il existe une communauté d’intérêts entre la personne morale et le bénéficiaire de l’acte conclu en dépassement de l’objet social
  • La conclusion de l’acte litigieux procède d’une décision unanime des associés

Lorsque l’un ou l’autre situation se présente, la transaction conclue en dépassement de l’objet social sera pleinement valable et n’encourra donc pas la nullité.

c. Les époux

Le mariage n’est pas seulement une union des personnes, il consiste également en une union des biens.

Cette particularité du mariage a conduit le législateur à conférer aux époux des pouvoirs de représentation mutuelle quant à l’administration et à la disposition de leurs biens.

La question qui alors se pose est de savoir dans quelle mesure les époux sont-ils autorisés à conclure une transaction qui engagerait les biens du ménage. Un tel acte requiert-il le consentement des deux époux ou peut-il être accompli en toute autonomie par chacun d’eux ?

À l’analyse, tout dépend :

  • D’une part, du statut du bien concerné par la transaction
  • D’autre part, du régime matrimonial applicable aux époux

?Le pouvoir de transiger au regard du statut du bien concerné

S’il est des biens du ménage qui jouissent d’un statut très particulier, ce sont le logement de famille et les meubles meublants attachés.

La spécificité de ce statut tient à son caractère dérogatoire en ce sens qu’il soustrait la résidence familiale au jeu du droit commun des biens.

Le législateur a été guidé par cette idée que l’intérêt de la famille devait primer sur les considérations d’ordre patrimonial, ce qui, en certaines circonstances, justifie qu’il puisse être porté atteinte au droit de propriété individuel d’un époux.

Ainsi, l’article 215, al. 3e du Code civil prévoit que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni. »

Il ressort de cette disposition qu’un époux ne peut disposer seul de la résidence familiale ainsi que des meubles qui y sont attachés. Il ne peut le faire qu’avec le consentement de son conjoint, ce qui, lorsqu’il s’agit de biens propres n’est pas sans porter atteinte à son droit de propriété.

Il résulte de cette règle que toute transaction qui aurait pour effet de priver le ménage de la jouissance de la résidence familiale requiert le consentement des deux époux, quand bien même cette dernière appartiendrait en propre à l’un d’eux.

Cette règle de cogestion relève du régime primaire, de sorte qu’elle s’applique quel que soit le régime matrimonial pour lequel les époux ont opté.

La violation de l’article 215, al. 3e du Code civil est sanctionnée par la nullité de l’acte accompli en dépassement des pouvoirs de l’époux qui a agi.

Cette disposition précise que l’action en nullité est ouverte au conjoint lésé « dans l’année à partir du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d’un an après que le régime matrimonial s’est dissous. »

?Le pouvoir de transiger au regard du régime matrimonial applicable

Les pouvoirs de représentation mutuelle des époux diffèrent selon le régime matrimonial qui leur est applicable.

Lorsqu’ils sont mariés sous le régime de la séparation de biens, l’article 1536, al. 1er du Code civil prévoit que « chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. »

Il en résulte que, en dehors du logement de famille, chaque époux est autorisé à transiger seul sur tous les biens qui lui appartiennent en propre sans qu’il lui soit besoin d’obtenir le consentement de son conjoint.

Lorsque, en revanche, les époux ont opté pour le régime de la communauté réduite aux acquêts (régime légal), il leur faudra nécessairement solliciter l’accord du conjoint pour la conclusion d’une transaction portant sur certains biens relevant de la masse commune.

Tel sera notamment le cas pour les biens visés aux articles 1422 et 1424 du Code civil :

  • L’article 1422 prévoit que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté »
  • L’article 1424 prévoit que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations. »

En cas de conclusion d’une transaction en violation de l’une ou l’autre règle de cogestion, l’article 1427, al. 1er du Code civil prévoit que « si l’un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l’autre, à moins qu’il n’ait ratifié l’acte, peut en demander l’annulation. »

2. La représentation conventionnelle

a. Principe

?L’exigence d’un pouvoir spécial

Le pouvoir de représentation dont est investi un représentant peut lui avoir été conféré au titre d’un contrat.

Le pouvoir de représentation sera ainsi le produit d’un accord de volontés. Cette hypothèse correspond à la conclusion d’un contrat de mandat.

L’article 1984 du Code civil prévoit en ce sens que « le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. »

Ainsi, tous les actes conclus par le mandataire sont réputés avoir été accomplis par le mandant en la personne de qui ils produisent directement leurs effets.

S’agissant de la transaction conclue par un mandataire investi d’un pouvoir de représentation conventionnelle, la question se pose du type de mandat admis à conférer le pouvoir d’accomplissement d’un tel acte :

En effet, l’article 1987 du Code civil distingue de sortes de mandats :

  • Le mandat général qui confère au mandataire le pouvoir de gérer toutes les affaires du mandant
  • Le mandat spécial qui confère au mandataire le pouvoir de gérer certaines affaires seulement

Aussi, un mandat rédigé en des termes généraux suffit-il à conférer au mandataire le pouvoir de transiger au nom et pour le compte du mandant ou ce pouvoir doit-il, au contraire, avoir été expressément et spécialement stipulé dans l’acte ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1988 du Code civil qui prévoit que « le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration. »

Dans le même sens, le nouvel article 1155 du Code civil énonce le principe général, qui s’applique à tous les actes de représentation au-delà du mandat, selon lequel « lorsque le pouvoir du représentant est défini en termes généraux, il ne couvre que les actes conservatoires et d’administration. »

Il s’en déduit que pour les actes de disposition, le pouvoir conféré au représentant doit nécessairement être spécial, soit avoir été expressément stipulé dans l’acte.

S’agissant de la transaction, compte tenu de ce qu’elle a pour effet de renoncer à un droit, elle s’analyse en un acte de disposition.

C’est la raison pour laquelle elle requiert que le représentant ait été investi d’un pouvoir spécial qui devra avoir été expressément stipulé dans le mandat reçu.

Le pouvoir de transiger ne peut, dans ces conditions, jamais être tacite. Le représentant doit justifier d’un pouvoir exprès pour être admis à conclure une transaction au nom et pour le compte de la personne qu’il représente.

?Sanctions

En cas de défaut ou de dépassement de pouvoir, l’article 1156 du Code civil envisage deux sanctions :

  • L’inopposabilité de l’acte
    • Principe
      • Aux termes de l’article 1156, al. 1er « l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté »
      • Par inopposable, il faut entendre que, tout en conservant sa validité, l’acte ne produira aucun effet à l’égard du représentant
      • Cela signifie donc, concrètement, qu’il ne pourra pas être considéré comme partie à l’acte.
      • En cas d’inexécution du contrat, la responsabilité du représenté ne pourra donc pas être recherchée.
      • Seul le représentant qui a agi en dépassement de son pouvoir de représentation sera donc tenu à l’acte.
      • Il endossera donc seul la qualité de débiteur ou créancier.
    • Exception
      • L’article 1156 pose une exception au principe d’inopposabilité de l’acte en cas de défaut ou de dépassement apparent : le mandat apparent
      • L’alinéa 1 in fine de cette disposition prévoit, en effet, que si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.
      • Aussi, dans cette hypothèse l’acte accompli par le représentant, en dépassement de ses pouvoirs, demeura opposable au représenté.
      • Le tiers contractant sera alors fondé à exiger de ce dernier qu’il exécute la prestation convenue.
  • La nullité de l’acte
    • L’article 1156, al. 2e prévoit que « lorsqu’il ignorait que l’acte était accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs, le tiers contractant peut en invoquer la nullité. »
    • Cela signifie donc que le tiers contractant dispose d’un choix
      • Soit il opte pour l’inopposabilité de l’acte, car il souhaite que le contrat conclu reçoive une exécution
      • Soit il opte pour la nullité de l’acte, car préfère son anéantissement
    • Cette option est laissée à la seule discrétion du tiers contractant, lequel a seul qualité à agir en nullité

En cas de ratification de l’acte par le représenté, l’article 1156, al. 3 prévoit que, tant l’inopposabilité que la nullité ne peuvent être invoquées. Ainsi, la ratification vient-elle couvrir l’irrégularité dont l’acte est entaché.

À cet égard, l’article 1158 du Code civil précise que le tiers qui doute de l’étendue du pouvoir du représentant conventionnel à l’occasion d’un acte qu’il s’apprête à conclure, peut demander par écrit au représenté de lui confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, que le représentant est habilité à conclure cet acte.

À défaut de réponse dans le délai fixé, le représentant est réputé habilité à conclure l’acte litigieux.

b. Exception

Aux termes de l’article 411 du CPC, la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice : l’avocat reçoit ainsi pouvoir et devoir d’accomplir pour son mandant et en son nom, les actes de la procédure. On parle alors traditionnellement de mandat « ad litem », en vue du procès.

Il ressort de cette disposition que l’avocat est donc investi du pouvoir de représentation de son client pour tous les actes de procédure.

Parmi ces actes, faut-il inclure la transaction ? C’est là l’épineuse question soulevée par le mandat ad litem. L’avocat est-il habilité de plein droit par ce seul mandat à représenter son client pour transiger ou doit-il doit avoir reçu un mandat spécial, comme exigé par le droit commun ?

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter à l’article 417 du Code de procédure civile qui prévoit que « la personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée, à l’égard du juge et de la partie adverse, avoir reçu pouvoir spécial de faire ou accepter un désistement, d’acquiescer, de faire, accepter ou donner des offres, un aveu ou un consentement. »

À l’analyse, cette disposition ne vise pas expressément la transaction. Est-ce à dire qu’elle ne relève pas du domaine du mandat ad litem ?

Dans un arrêt du 7 juillet 1987, la Cour de cassation a répondu par la négative en jugeant, au visa de l’article 417 du Code de procédure civile, que « il résulte de ce texte que la personne investie d’un mandat de représentation en justice est réputée à l’égard du juge et de la partie adverse avoir reçu pouvoir spécial de transiger » (Cass. 1ère civ. 7 juill. 1987, n°85-18.769).

Le mandat ad litem dont est investi l’avocat comprend donc bien le pouvoir de transiger au nom et pour le compte de son client.

La jurisprudence a toutefois apporté un tempérament à cette règle en affirmant qu’elle ne s’appliquait que dans l’hypothèse où l’avocat était investi d’un pouvoir de représentation de son client.

Lorsque la mission qui lui est confiée se limite, en revanche, à l’assistance et au conseil de son client, il n’est pas investi du pouvoir de transiger. Pour ce faire, il devra avoir reçu un mandat spécial (V. en ce sens CA Paris, 17 mars 1980).

3. La représentation judiciaire

Elle correspond à l’hypothèse où le pouvoir de représentation est conféré à une personne par le juge.

Cette situation peut intervenir dans plusieurs cas :

  • Représentation d’une personne incapable
    • Lorsqu’une personne est frappée d’une incapacité d’exercice générale ou spéciale, l’expression de sa volonté ne peut s’opérer que par l’entremise d’un représentant.
    • Aussi, concomitamment à l’institution d’une mesure juridique de protection, le juge désignera, selon la mesure choisie (sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle), un représentant chargé d’agir au nom et pour le compte de la personne protégée.
    • Le pouvoir de transiger dépend ici de la nature de la mesure mise en place.
    • Comme vu précédemment, s’il s’agit d’une tutelle, le tuteur devra solliciter l’accord du juge des tutelles.
    • S’il s’agit d’une curatelle, pour être valable, la transaction devra être contresignée par le curateur.
    • Enfin, s’il s’agit d’une mesure de sauvegarde de justice, la personne protégée pourra conclure seule une transaction, sauf à ce que le juge ait décidé que pour ce type d’acte elle devait être représentée.
  • La représentation de l’époux hors d’état de manifester sa volonté
    • Aux termes de l’article 219 du Code civil « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • Cette disposition vise l’hypothèse où un époux qui, sans être frappé d’incapacité, est inapte à exprimer sa volonté.
    • C’est donc son conjoint qui est investi par le juge d’accomplir un certain nombre d’actes déterminés par ce dernier.
    • À cet égard, le conjoint représentant l’époux hors d’état de manifester sa volonté ne pourra conclure une condition qu’à la condition d’avoir été expressément autorisé par le juge.
  • La représentation d’un indivisaire hors d’état de manifester sa volonté
    • L’article 815-4 du Code civil prévoit que « si l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge. »
    • La règle est ici la même que celle énoncée à l’article 219 appliquée aux indivisaires.
    • Elle permet ainsi aux coindivisaires de prendre les mesures nécessaires à l’administration du bien indivis.
    • Là encore, les coindivisaires ne pourront transiger en représentation de l’indivisaire hors d’état de manifester sa volonté qu’à la condition que le juge leur ait conféré un pouvoir spécial à cet effet.
  • La représentation d’une personne présumée absente
    • Aux termes de l’article 113 du Code civil « le juge peut désigner un ou plusieurs parents ou alliés, ou, le cas échéant, toutes autres personnes pour représenter la personne présumée absente dans l’exercice de ses droits ou dans tout acte auquel elle serait intéressée, ainsi que pour administrer tout ou partie de ses biens ; la représentation du présumé absent et l’administration de ses biens sont alors soumises aux règles applicables à la tutelle des majeurs sans conseil de famille, et en outre sous les modifications qui suivent. »
    • Il se déduit de cette disposition que la conclusion d’une transaction par le représentant d’une personne absence sera soumise aux mêmes règles que celles applicables à la tutelle.
    • Aussi, l’accord transactionnel devra être soumis préalablement à sa conclusion à l’autorisation du juge des tutelles.

C) La rencontre des volontés

a. Les pourparlers

La conclusion d’une transaction est généralement précédée par une phase dite de pourparlers.

Ces pourparlers comprennent :

  • Une phase d’entrée en négociation
  • Une phase de conduite des négociations

Parfois, lorsque les parties ne trouvent pas d’accord, les pourparlers peuvent se solder par une rupture des négociations.

i. L’entrée en négociations

Aux termes de l’article 1112 du Code civil « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres ».

Ainsi, le législateur a-t-il institué un principe de liberté des négociations. Négativement, cela signifie que les agents sont libres de décliner une invitation à entrer en pourparlers.

Autrement dit, un refus de négocier ne saurait, en lui-même, engager la responsabilité de son auteur.

Immédiatement une question alors se pose : que doit-on entendre par « négociations » ?

?Définition

François Terré définit la négociation contractuelle comme « la période exploratoire durant laquelle les futurs contractants échangent leurs points de vue, formulent et discutent les propositions qu’ils font mutuellement afin de déterminer le contenu du contrat, sans être pour autant assurés de le conclure »[1].

Il s’agit, en d’autres termes, de la phase au cours de laquelle les agents vont chercher à trouver un accord quant à la détermination des termes du contrat.

À défaut d’accord, la rencontre des volontés ne se réalisera pas, de sorte que le contrat ne pourra pas former. Aucune obligation ne sera donc créée.

?Invitation à entrer en pourparlers et offre de contracter

  • Exposé de la distinction
    • L’invitation à entrer en pourparlers doit être distinguée de l’offre de contracter :
      • L’offre doit être ferme et précise en ce sens qu’elle doit comporter tous les éléments essentiels du contrat, lesquels traduisent la volonté de l’offrant de s’engager dans le processus contractuel
        • Pour mémoire, l’article 1114 C. civ prévoit que « l’offre faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation »
      • L’invitation à entrer en pourparlers porte seulement, soit sur le principe même de conclure un contrat, soit sur certains de ses éléments dont la teneur n’est pas suffisante pour traduire la volonté de l’auteur de contracter en l’état.
  • Intérêt de la distinction
    • L’intérêt de distinguer l’offre de contracter de l’invitation à entrer en pourparlers réside dans la détermination du seuil à partir duquel le contrat est réputé conclu :
      • En cas d’acceptation de l’offre de contracter, le contrat est formé
        • La conséquence en est que l’offrant ne peut plus se rétracter
        • Il est tenu d’exécuter les obligations nées de la rencontre des volontés qui a pu se réaliser, les contractants étant tombés d’accord sur les éléments essentiels du contrat
        • À défaut, sa responsabilité contractuelle est susceptible d’être engagée
      • En cas d’acceptation de l’invitation à entrer en pourparlers, le contrat n’est pas pour autant conclu.
        • L’auteur de l’invitation à entrer en négociation a simplement exprimé sa volonté de discuter des termes du contrat
        • Or pour que le contrat soit conclu, soit pour que la rencontre des volontés se réalise, cela suppose que les parties soient d’accord sur tous les éléments essentiels du contrat
        • Aussi longtemps qu’ils ne parviennent pas à tomber d’accord, les parties sont toujours libres de poursuivre les négociations

ii. Le déroulement des négociations

Lors du déroulement des négociations, plusieurs obligations échoient aux futurs contractants ce qui témoigne de la volonté du législateur d’encadrer cette situation de fait qui précède la formation du contrat.

Ainsi, nonobstant la liberté de négociations dont jouissent les parties n’est-elle pas absolue. Elle trouve sa limite dans l’observation de deux obligations générales qui président à la formation du contrat :

  • L’obligation de bonne foi
  • L’obligation précontractuelle d’information

?Sur l’obligation de bonne foi

Il peut être observé qu’il est désormais fait référence à l’obligation de bonne foi à deux reprises dans le sous-titre du Code civil consacré au contrat

  • L’article 1104 du code civil prévoit dans le chapitre consacré aux principes cardinaux qui régissent le droit des contrats que « les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. »
  • L’article 1112, situé, quant à lui, dans la section relative à la conclusion du contrat que « l’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles […] doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. »

Cette double référence à l’obligation de bonne foi révèle la place que le législateur a entendu donner à l’obligation de bonne foi en droit des contrats : centrale.

Ainsi, tout autant les parties doivent observer l’obligation de bonne foi au moment de l’exécution de la transaction, ils devront s’y plier en amont, soit durant toute la phase de négociation.

Lors du déroulement des négociations, l’exigence de bonne foi signifie que les parties doivent être véritablement animées par la volonté de contracter. Autrement dit, elles doivent être sincères dans leur démarche de négocier et ne pas délibérément laisser croire à l’autre que les pourparlers ont une chance d’aboutir, alors qu’il n’en est rien.

Dans un arrêt du 20 mars 1972 la Cour de cassation considère en ce sens qu’une partie a manqué « aux règles de la bonne foi dans les relations commerciales » en maintenant « dans une incertitude prolongée » son cocontractant alors qu’elle n’avait nullement l’intention de contracter (Cass. com. 20 mars 1972, n°70-14.154).

La même solution a été retenue dans un arrêt du 18 juin 2002 (Cass. com. 18 juin 2002, n°99-16.488)

?Sur l’obligation précontractuelle d’information

L’obligation précontractuelle d’information qui pèse sur les futurs contractants est expressément formulée à l’article 1112-1 du Code civil.

Cette disposition prévoit notamment que « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Ainsi, lorsque dans le cadre de négociations portant sur une transaction à intervenir l’une des parties détient une information dont l’importance est déterminante du consentement de son cocontractant elle doit la lui communiquer.

Que doit-on entendre par « importance déterminante de l’information » ?

L’alinéa 3 de l’article 1112-1 du Code civil précise que « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. »

Il ne peut donc s’agir que des informations pertinentes, soit celles qui ont un rapport avec l’objet ou la cause des obligations nées de la transaction ou encore la qualité des cocontractants.

L’information communiquée doit, en d’autres termes, permettre au cocontractant de s’engager en toute connaissance de cause, soit de mesurer la portée de son engagement.

Aussi, l’obligation d’information garantit-elle l’expression d’un consentement libre et éclairé.

En cas de manquement à l’obligation générale d’information, l’article 1112-1, al. 6 du Code civil prévoit que « outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »

Deux catégories de sanctions sont donc envisagées par cette disposition :

  • La mise en œuvre de la responsabilité du débiteur de l’obligation d’information
  • La nullité du contrat

iii. La rupture des négociations

?Principe : la liberté de rupture des pourparlers

Aux termes de l’article 1112, al. 1 « la rupture des négociations précontractuelles […] libres ».

Ainsi, cette règle n’est autre que le corollaire de la liberté contractuelle : dans la mesure où les futures parties sont libres de contracter, elles sont tout autant libres de ne pas s’engager dans les liens contractuels

Il en résulte que la rupture unilatérale des pourparlers ne saurait constituer, en soi, un fait générateur de responsabilité. La rupture ne peut, en elle-même, être fautive, quand bien même elle causerait un préjudice au partenaire.

Admettre le contraire reviendrait à porter atteinte à la liberté individuelle et à la sécurité commerciale.

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation aime à rappeler dans certains arrêts l’existence d’un « droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels » (Cass. 3e civ., 28 juin 2006, n°04-20.040).

Une question immédiatement se pose : le droit de rupture des pourparlers constitue-t-il un droit discrétionnaire, en ce sens que son exercice dommageable ne donnera jamais lieu à réparation ou s’agit-il d’un droit relatif, soit d’un droit dont l’exercice abusif est sanctionné ?

?Exception : l’exercice abusif du droit de rupture des pourparlers

L’examen de la jurisprudence révèle que l’exercice du droit de rupture des pourparlers est susceptible d’engager la responsabilité de titulaire lorsqu’un abus est caractérisé.

Aussi, dans un arrêt du 3 octobre 1972, la Cour de cassation a-t-elle eu l’occasion de préciser qu’en cas de rupture abusive des négociations « la responsabilité délictuelle prévue aux articles susvisés du code civil peut être retenue en l’absence d’intention de nuire » (Cass. 3e civ. 3 oct. 1972, n°71-12.993).

Ainsi, le droit de rompre unilatéralement les pourparlers n’est-il pas sans limite. Il s’agit d’un droit, non pas discrétionnaire, mais relatif dont l’exercice abusif est sanctionné.

b. La rencontre de l’offre et de l’acceptation

Parce que la transaction appartient à la catégorie des contrats consensuels, sa formation procède d’une rencontre des volontés laquelle s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats, dont la transaction, sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

L’article 1113 prévoit en ce sens que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Il ressort de cette disposition que la formation d’une transaction requiert :

  • D’un côté, l’émission d’une offre de transaction
  • D’un autre côté, l’acceptation de cette offre de transaction

b.1. S’agissant de l’émission de l’offre

i. Droit commun

Aux termes de l’article 1114 du Code civil, « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Bien que, étonnamment, cette disposition n’en fasse pas directement mention, il en ressort que, pour être valide, à tout le moins pour être efficace, l’offre doit être ferme et précise.

  • La fermeté de l’offre
    • L’absence de réserve
      • L’offre doit être ferme
      • Par ferme, il faut entendre que le pollicitant a exprimé sa volonté « d’être lié en cas d’acceptation ».
      • Autrement dit, l’offre doit révéler la volonté irrévocable de son auteur de conclure le contrat proposé.
      • Plus concrètement, l’offre ne doit être assortie d’aucune réserve, ce qui aurait pour conséquence de permettre au pollicitant de faire échec à la formation du contrat en cas d’acceptation
      • Cela lui permettrait, en effet, de garder la possibilité de choisir son cocontractant parmi tous ceux qui ont répondu favorablement à l’offre
      • Or au regard de la théorie de l’offre et de l’acceptation, cela est inconcevable.
      • L’auteur de l’offre ne saurait disposer de la faculté d’émettre des réserves, dans la mesure où il est de l’essence de l’offre, une fois acceptée, d’entraîner instantanément la conclusion du contrat
      • Elle ne saurait, par conséquent, être assortie d’une condition, faute de quoi elle s’apparenterait à une simple invitation à entrer en pourparlers.
      • Dans un arrêt du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une Cour d’appel pour avoir estimé qu’une offre de prêt qui était assortie de « réserves d’usage » était valide (Cass. com. 10 janv. 2012).
      • Au soutien de sa décision la chambre commerciale avance que « un accord de principe donné par une banque ‘sous les réserves d’usage’ implique nécessairement que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours ».
    • Tempérament
      • Il est un cas où, malgré l’émission d’une réserve, l’offre n’est pas déchue de sa fermeté : il s’agit de l’hypothèse où la réserve concerne un événement extérieur à la volonté du pollicitant.
        • Exemples :
          • L’offre de vente de marchandises peut être conditionnée au non-épuisement des stocks
          • L’offre de prêt peut être conditionnée à l’obtention, par le destinataire, d’une garantie du prêt (Cass. 3e civ., 23 juin 2010)
      • Ce qui compte c’est que la réalisation de la réserve ne dépende pas de la volonté du pollicitant.
  • La précision de l’offre
    • Dans la mesure où aussitôt qu’elle sera acceptée, l’offre suffira à former le contrat, elle doit être suffisamment précise, faute de quoi la rencontre des volontés ne saurait se réaliser.
    • L’article 1114 du Code civil prévoit en ce sens que « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé »
    • Par éléments essentiels, il faut entendre, selon Philippe Delebecque, « les éléments centraux, spécifiques, qui traduisent l’opération juridique et économique que les parties veulent réaliser »[2].
    • Autrement dit, il s’agit des éléments dont la détermination constitue une condition de validité de la transaction.
    • A contrario, l’offre pourra être considérée comme précise, bien que les modalités d’exécution du contrat n’aient pas été exprimées par le pollicitant (Cass. 3e civ., 28 oct. 2009), sauf à ce qu’il soit d’usage qu’elles soient tenues pour essentielles par les parties.
    • Rien n’interdit, par ailleurs, à l’offrant de conférer un caractère essentiel à un élément du contrat qui, d’ordinaire, est regardé comme accessoire.
    • Il lui appartiendra, néanmoins, d’exprimer clairement dans son offre que cet élément est déterminant de son consentement (V en ce sens Cass. com., 16 avr. 1991), faute de quoi les juridictions estimeront qu’il n’est pas entré dans le champ contractuel.
  • Sanction
    • L’article 1114 du Code civil prévoit que la sanction du défaut de précision et de fermeté de l’offre n’est autre que la requalification en « invitation à entrer en négociation ».
    • Cela signifie dès lors que, en cas d’acceptation, le contrat ne pourra pas être considéré comme formé, la rencontre des volontés n’ayant pas pu se réaliser.
    • Ni l’offrant, ni le destinataire de l’offre ne pourront, par conséquent, exiger l’exécution du contrat.
    • Deux options vont alors s’offrir à eux
      • Soit poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord
      • Soit renoncer à la conclusion du contrat
    • En toute hypothèse, tant que les partenaires ne se sont pas entendus sur les éléments essentiels du contrat, la seule obligation qui leur échoit est de faire preuve de loyauté de bonne foi lors du déroulement des négociations et en cas de rupture des pourparlers.

?Droit spécial

Lorsque la transaction porte sur l’indemnisation d’une personne victime d’un dommage corporel résultant d’un accident de la circulation, d’un acte de terrorisme ou d’un accident médical, l’offre est encadrée par des règles spécifiques.

Nous nous limiterons ici à aborder la procédure d’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation laquelle est régie par les articles L. 211-8 à L. 211-25 du Code des assurances et qui a servi de modèle aux autres procédures d’indemnisation (loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 pour les victimes d’actes de terrorisme et loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 pour les victimes d’accidents médicaux).

  • Obligation pesant sur l’assureur de formuler une offre
    • L’article L. 211-9 du Code des assurances prévoit que l’assureur a l’obligation d’adresser une offre d’indemnisation à la victime qui a subi une atteinte à sa personne
    • En cas de décès de la victime, cette offre doit être adressée à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint.
    • Cette disposition déroge manifestement au droit commun dans la mesure où, en principe, la conclusion d’une transaction est subordonnée à l’existence d’un litige né ou à naître.
    • Or tel n’est pas le cas ici, puisque la seule survenance d’un accident de la circulation ayant causé un dommage corporel autorise la conclusion d’une transaction, sans qu’il soit besoin qu’un litige naisse entre la victime et le responsable du dommage.
  • Obligation pesant sur l’assureur d’observer certains délais
    • Principe
      • L’offre d’indemnisation doit être formulée par l’assureur dans un délai de huit mois à compter de l’accident.
      • Il s’agit là d’un délai impératif qui donc s’impose à l’assureur.
    • Tempérament
      • L’article L. 221-9, al. 3 du Code des assurances prévoit que l’offre d’indemnisation peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime.
      • Dans cette hypothèse, l’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.
      • L’alinéa 4 précise que, en tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique.
      • L’article L. 211-13 ajoute que lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif.
      • Cette pénalité peut toutefois être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur.
  • Obligation pesant sur l’assureur de formuler une offre couvrant tous les chefs de préjudice
    • L’article L. 221-9 du Code des assurances prévoit que l’offre d’indemnisation formulée par l’assureur doit comprendre tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.
  • Obligation pesant sur l’assureur de formuler une offre portant sur un montant suffisant
    • L’offre d’indemnisation formulée par l’assureur à la victime doit être sérieuse, en ce sens qu’elle doit couvrir les préjudices subis.
    • Si l’assureur ne satisfait pas à cette exigence, il s’expose à une sanction qui sera prononcée par le juge dans le cadre de l’action en réparation dont il sera saisi.
    • L’article, L. 211-14 du Code des assurances dispose en ce sens que « si le juge qui fixe l’indemnité estime que l’offre proposée par l’assureur était manifestement insuffisante, il condamne d’office l’assureur à verser au fonds de garantie prévu par l’article L. 421-1 une somme au plus égale à 15 % de l’indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. »

b.2. S’agissant de l’acceptation de l’offre

L’acceptation est définie à l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Pour mémoire, l’article 1114 du Code civil définit l’offre comme « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Ainsi l’acceptation apparaît-elle comme le miroir de l’offre. Et pour cause, dans la mesure où elle est censée venir à sa rencontre. L’acceptation est, en ce sens l’acte unilatéral par lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat.

À la différence, néanmoins, de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

Quand, en d’autres termes, l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est, en principe, réputé formé. Le pollicitant et l’acceptant deviennent immédiatement liés contractuellement. L’acceptation ne réalisera, toutefois, la rencontre des volontés qu’à certaines conditions

i. Conditions de l’acceptation

Afin d’être efficace, l’acceptation de la transaction doit répondre à 2 conditions cumulatives qui tiennent :

  • D’une part, au moment de son expression
  • D’autre part, à ses caractères

?Le moment de l’acceptation

L’acceptation doit nécessairement intervenir avant que l’offre ne soit caduque

Aussi, cela signifie-t-il que l’acceptation doit avoir été émise :

  • Soit pendant le délai stipulé par le pollicitant
  • Soit, à défaut, dans un délai raisonnable, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, pendant « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)

Lorsque l’acceptation intervient en dehors de l’un de ces délais, elle ne saurait rencontrer l’offre qui est devenue caduque.

L’acceptation est alors privée d’efficacité, en conséquence de quoi le contrat ne peut pas être formé.

?Les caractères de l’acceptation

  • L’acceptation pure et simple
    • Pour être efficace, l’acceptation doit être pure et simple.
    • En d’autres termes, il n’existe véritablement d’acceptation propre à former le contrat qu’à la condition que la volonté de l’acceptant se manifeste de façon identique à la volonté du pollicitant.
    • La Cour de cassation a estimé en ce sens que le contrat « ne se forme qu’autant que les deux parties s’obligent dans les mêmes termes » (Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-13.941).
    • Par pure et simple, il faut donc entendre, conformément à l’article 1118, al. 1er, que l’acceptation doit avoir été formulée par le destinataire de l’offre de telle sorte qu’il a exprimé sa volonté claire et non équivoque « d’être lié dans les termes de l’offre. »
  • La modification de l’offre
    • L’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. »
    • Lorsque, dès lors, l’acceptant émet une réserve à l’offre sur un ou plusieurs de ses éléments ou propose une modification, l’acceptation s’apparente à une contre-proposition insusceptible de réaliser la formation du contrat.
    • Au fond, l’acceptation se transforme en une nouvelle offre que le pollicitant initial peut ou non accepter.
    • En toutes hypothèses, le contrat n’est pas formé
    • Le pollicitant et le destinataire de l’offre doivent, en somme, être regardés comme des partenaires dont la rencontre des volontés n’est qu’au stade des pourparlers.
    • Aussi, la conclusion définitive du contrat est-elle subordonnée à la concordance parfaite entre l’offre et l’acceptation.
    • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par une « acceptation non conforme à l’offre ».
      • La jurisprudence
        • La jurisprudence considère que le contrat n’est réputé formé qu’à la condition que l’offre et l’acceptation se rencontrent sur les éléments essentiels du contrat (V. en ce sens Cass. req., 1er déc. 1885).
        • Dans un arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation a ainsi reconnu la conformité d’une acceptation à l’offre en relevant « qu’un accord de volontés était intervenu entre les parties sur les éléments qu’elle-même tenait pour essentiels même si des discussions se poursuivaient par ailleurs pour parfaire le contrat sur des points secondaires et admis s’être engagée » (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-14.719)
        • Il résulte de cette décision que, dès lors que l’acceptation a porté sur les éléments essentiels du contrat, elle est réputée conforme à l’offre
        • A contrario, cela signifie que lorsque la réserve émise par le destinataire de l’offre porte sur des éléments accessoires au contrat, elle ne fait pas obstacle à la rencontre de l’acceptation et de l’offre.
        • Toutefois, dans l’hypothèse où la réserve exprimée par le destinataire de l’offre porte sur un élément accessoire tenu pour essentiel par l’une des parties, elle s’apparente à une simple contre-proposition, soit à une nouvelle offre et non à acceptation pure et simple de nature à parfaire le contrat (Cass. 3e civ. 27 mai 1998).
      • L’ordonnance du 10 février 2016
        • Si l’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet », cette disposition se garde bien de préciser ce que l’on doit entendre par « acceptation non conforme à l’offre. »
        • Toutefois, la formule « sauf à constituer une offre nouvelle », laisse à penser que le législateur a entendu consentir une certaine latitude au juge quant à l’appréciation de la conformité de l’acceptation à l’offre.
        • Est-ce à dire que la distinction établie par la jurisprudence entre les réserves qui portent sur des éléments essentiels du contrat et les réserves relatives à des éléments contractuels accessoires a été reconduite ?
        • On peut raisonnablement le penser, étant précisé que pour apprécier la conformité de l’acceptation à l’offre le juge se référera toujours à la commune intention des parties.

ii. Effets

À la différence de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

En vertu du principe du consensualisme, le contrat est donc formé, de sorte que le pollicitant devient immédiatement lié contractuellement à l’acceptant.

Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation affirme en ce sens que s’agissant d’un contrat de vente que « la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités » (Cass. 3e civ. 14 janv. 1987, n°85-16.306).

D) Le consentement des parties

Là encore, parce qu’elle est un contrat, la transaction est soumise aux règles encadrant le consentement des parties.

Aussi, pour qu’un accord transactionnel soit valable, le consentement doit :

  • D’une part, exister
  • D’autre part, avoir été donné librement et de façon éclairée

1. L’existence du consentement

L’article 1129 du Code civil prévoit que « conformément à l’article 414-1, il faut être sain d’esprit pour consentir valablement à un contrat. ».

Il ressort de cette disposition que pour pouvoir contracter et donc transiger il ne faut pas être atteint d’un trouble mental, à défaut de quoi on ne saurait valablement consentir à l’acte.

Il peut être observé que cette règle existait déjà à l’article 414-1 du Code civil qui prévoit que « pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. »

Cette disposition est, de surcroît d’application générale, à la différence, par exemple de l’article 901 du Code civil qui fait également référence à l’insanité d’esprit mais qui ne se rapporte qu’aux libéralités.

L’article 1129 fait donc doublon avec l’article 414-1. Il ne fait que rappeler une règle déjà existante qui s’applique à tous les actes juridiques en général.

?Insanité d’esprit et incapacité juridique

L’insanité d’esprit doit impérativement être distinguée de l’incapacité juridique :

  • L’incapacité dont est frappée une personne a pour cause :
    • Soit la loi
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice général dont sont frappés les mineurs non émancipés.
    • Soit une décision du juge
      • Tel est le cas s’agissant de l’incapacité d’exercice dont sont frappées les personnes majeures qui font l’objet d’une tutelle, d’une curatelle, d’une sauvegarde de justice ou encore d’un mandat de protection future.
  • L’insanité d’esprit n’a pour cause la loi ou la décision d’un juge : son fait générateur réside dans le trouble mental dont est atteinte une personne.

Aussi, il peut être observé que toutes les personnes frappées d’insanité d’esprit ne sont pas nécessairement privées de leur capacité juridique.

Réciproquement, toutes les personnes incapables (majeures ou mineures) ne sont pas nécessairement frappées d’insanité d’esprit.

À la vérité, la règle qui exige d’être sain d’esprit pour contracter a été instaurée aux fins de protéger les personnes qui seraient frappées d’insanité d’esprit, mais qui jouiraient toujours de la capacité juridique de contracter.

En effet, les personnes placées sous curatelle ou sous mandat de protection future sont seulement frappées d’une incapacité d’exercice spécial, soit pour l’accomplissement de certains actes (les plus graves).

L’article 1129 du Code civil jouit donc d’une autonomie totale par rapport aux dispositions qui régissent les incapacités juridiques.

Il en résulte qu’une action en nullité fondée sur l’insanité d’esprit pourrait indifféremment être engagée à l’encontre d’une personne capable ou incapable.

?Notion d’insanité d’esprit

Le Code civil ne définit pas l’insanité d’esprit.

Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue cette tâche

Dans un arrêt du 4 février 1941, la Cour de cassation a jugé en ce sens que l’insanité d’esprit doit être regardée comme comprenant « toutes les variétés d’affections mentales par l’effet desquelles l’intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée » (Cass. civ. 4 févr. 1941).

Ainsi, l’insanité d’esprit s’apparente au trouble mental dont souffre une personne qui a pour effet de la priver de sa faculté de discernement.

Il peut être observé que la Cour de cassation n’exerce aucun contrôle sur la notion d’insanité d’esprit, de sorte que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. notamment en ce sens Cass. 1re civ., 24 oct. 2000, n°98-17.341).

?Sanction de l’insanité d’esprit

En ce que l’insanité d’esprit prive le contractant de son consentement, elle est sanctionnée par la nullité du contrat.

Autrement dit, le contrat est réputé n’avoir jamais été conclu.

Il est anéanti rétroactivement, soit tant pour ses effets passés, que pour ses effets futurs.

Il peut être rappelé, par ailleurs, qu’une action en nullité sur le fondement de l’insanité d’esprit, peut être engagée quand bien même la personne concernée n’était pas frappée d’une incapacité d’exercice.

L’action en nullité pour incapacité et l’action en nullité pour insanité d’esprit sont deux actions bien distinctes.

La question enfin se pose du régime de la nullité en cas d’insanité d’esprit.

S’il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’une nullité relative, dans la mesure où l’article 1129 vise à protéger un intérêt particulier quid de l’application du régime juridique attaché à l’article 414-1 ?

La nullité prévue à cet article est, en effet, régie par l’article 414-2 qui pose des conditions pour le moins restrictives lorsque l’action en nullité est introduite par les héritiers de la personne personnes protégée.

Cette disposition prévoit en ce sens que « après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

  • 1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
  • 2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice ;
  • 3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future. »

La question alors se pose si cette disposition est ou non applicable en matière contractuelle. En l’absence de dispositions contraires, il semble que oui.

2. L’intégrité du consentement

Il ne suffit pas que les cocontractants soient sains d’esprit pour que la condition tenant au consentement soit remplie.

Il faut encore que ledit consentement ne soit pas vicié, ce qui signifie qu’il doit être libre et éclairé :

  • Libre signifie que le consentement ne doit pas avoir été sous la contrainte
  • Éclairé signifie que le consentement doit avoir été donné en connaissance de cause

Manifestement, le Code civil fait une large place aux vices du consentement. Cela se justifie par le principe d’autonomie de la volonté qui préside à la formation du contrat.

Dès lors, en effet, que l’on fait de la volonté le seul fait générateur du contrat, il est nécessaire qu’elle présente certaines qualités.

Pour autant, les rédacteurs du Code civil ont eu conscience de ce que la prise en considération de la seule psychologie des contractants aurait conduit à une trop grande insécurité juridique.

Car en tenant compte de tout ce qui est susceptible d’altérer le consentement, cela aurait permis aux parties d’invoquer le moindre vice en vue d’obtenir l’annulation du contrat.

C’est la raison pour laquelle, tout en réservant une place importante aux vices du consentement, tant les rédacteurs du Code civil, que le législateur contemporain n’ont admis qu’ils puissent entraîner la nullité du contrat qu’à des conditions très précises.

Aux termes de l’article 1130, al. 1 du Code civil « l’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes ».

Les vices du consentement énoncés par cette disposition sont susceptibles de se rencontrer dans le cadre d’une transaction. Aussi, convient-il de s’arrêter un instant sur chacun d’eux.

a. L’erreur

?Notion

L’erreur peut se définir comme le fait pour une personne de se méprendre sur la réalité. Cette représentation inexacte de la réalité vient de ce que l’errans considère, soit comme vrai ce qui est faux, soit comme faux ce qui est vrai.

L’erreur consiste, en d’autres termes, en la discordance, le décalage entre la croyance de celui qui se trompe et la réalité.

Lorsqu’elle est commise à l’occasion de la conclusion d’un contrat, l’erreur consiste ainsi dans l’idée fausse que se fait le contractant sur tel ou tel autre élément du contrat.

Il peut donc exister de multiples erreurs :

  • L’erreur sur la valeur des prestations : j’acquiers un tableau en pensant qu’il s’agit d’une toile de maître, alors que, en réalité, il n’en est rien. Je m’aperçois peu de temps après que le tableau a été mal expertisé.
  • L’erreur sur la personne : je crois solliciter les services d’un avocat célèbre, alors qu’il est inconnu de tous
  • Erreur sur les motifs de l’engagement : j’acquiers un appartement dans le VIe arrondissement de Paris car je crois y être muté. En réalité, je suis affecté dans la ville de Bordeaux

Manifestement, ces hypothèses ont toutes en commun de se rapporter à une représentation fausse que l’errans se fait de la réalité.

Cela justifie-t-il, pour autant, qu’elles entraînent la nullité du contrat ? Les rédacteurs du Code civil ont estimé que non.

Afin de concilier l’impératif de protection du consentement des parties au contrat avec la nécessité d’assurer la sécurité des transactions juridiques, le législateur, tant en 1804, qu’à l’occasion de la réforme du droit des obligations, a décidé que toutes les erreurs ne constituaient pas des causes de nullité.

Aussi, certaines erreurs sont-elles sans incidence sur la validité du contrat. D’où la distinction qu’il convient d’opérer entre les erreurs sanctionnées et les erreurs indifférentes.

?Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur la transaction était soumise à des règles spécifiques s’agissant de l’erreur.

Alors qu’elle pouvait être rescindée pour lésion en cas d’erreur dans la personne ou sur l’objet de la contestation (art. 2053, al. 1er C civ.), l’ancien article 2052, al. 2e prévoyait que la transaction ne pouvait en revanche pas être attaquée « pour cause d’erreur de droit ».

Par erreur de droit on entend, traditionnellement, la fausse croyance de l’errans sur l’existence ou les conditions de mise en œuvre de la règle en considération de laquelle il s’est engagé.

Lorsqu’elle est commise dans le cadre d’une transaction, l’erreur de droit consiste donc pour l’errans à se méprendre :

  • Soit sur la teneur du droit auquel il a renoncé
  • Soit sur le bien-fondé du droit dont s’est prévalu la partie adverse

Si, pour la transaction, les rédacteurs du Code civil ont entendu exclure l’erreur de droit du domaine des erreurs sanctionnées, c’est en raison de l’objet de cette opération.

En effet, la transaction a pour objet de mettre fin à un litige né ou à naître, ce qui suppose pour les parties de trouver un compromis. Or la recherche de ce compromis implique précisément pour ces dernières à faire fi de leurs chances de succès respectives si l’affaire était portée devant un juge.

En transigeant les parties acceptent, en d’autres termes, l’aléa, en ce sens qu’elles prennent le risque de renoncer à une prétention qui aurait été peut-être accueillie favorablement par un juge.

Aussi, est-ce parce que les parties choisissent d’écarter les règles de droit applicables à leur litige à la faveur de la recherche d’une solution amiable, que l’ancien article 2052 n’admettait pas qu’elles puissent, par suite, se prévaloir d’une erreur de droit.

Si l’exclusion de l’erreur de droit par les rédacteurs du Code civil était parfaitement justifiée au regard de la particularité de la transaction, on a toutefois assisté, à compter de la fin des années 1990, à un mouvement jurisprudentiel tendant à neutraliser cette exclusion.

Nombreuses sont, en effet, les juridictions qui ont été animées par la volonté d’octroyer une plus grande protection aux parties les plus faibles poussées à transiger, ce qui impliquait de cantonner le domaine de l’erreur de droit afin qu’elle ne fasse pas obstacle à l’annulation des transactions qui leur étaient soumises.

En dépit des termes de l’article 2052 alinéa 2, la Cour de cassation a ainsi progressivement admis l’erreur de droit dans la transaction, soit sous couvert d’une autre qualification, soit en retenant l’existence d’une erreur sur l’objet de la contestation.

Dans un arrêt du 22 mai 2008, elle a par exemple jugé que « l’erreur, fût-elle de droit, qui affecte l’objet de la contestation défini par la transaction » justifie la rescision de ladite transaction (Cass. 1ère civ. 22 mai 2008, n°06-19.643).

En tout état de cause, comme relevé par la doctrine majoritaire, aucun motif convaincant ne justifiait aujourd’hui d’exclure la nullité de la transaction pour erreur de droit.

D’où la proposition doctrinale de supprimer l’exclusion de l’erreur de droit en matière de transaction formulée à l’occasion de l’adoption de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

?Réforme

La loi du 18 novembre 2016 a donc abrogé les anciens articles 2052 et 2053 du Code civil qui opérait une distinction entre l’erreur de droit, non sanctionnée, et les erreurs dans la personne ou sur l’objet de la contestation définie dans la transaction qui, elles, étaient sanctionnées.

Désormais, la transaction ne fait dès lors l’objet de plus aucune disposition spécifique s’agissant de l’erreur. Elle peut donc être attaquée pour cause d’erreur dans les mêmes conditions que celles applicables à n’importe quel contrat relevant du droit commun.

i. Les conditions de l’erreur

Aussi, pour constituer une cause de nullité l’erreur doit, en toutes hypothèses, être :

  • Déterminante
  • Excusable

Il peut être ajouté qu’il importe peu que l’erreur soit de fait ou de droit.

?Une erreur déterminante

  • Principe
    • L’article1130 du Code civil prévoit que l’erreur vicie le consentement lorsque sans elle « l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes »
    • Autrement dit, l’erreur est une cause de consentement lorsqu’elle a été déterminante du consentement de l’errans.
    • Cette exigence est conforme à la position de la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 21 septembre 2010, la troisième chambre civile a, par exemple, rejeté le pourvoi formé par la partie à une promesse synallagmatique de vente estimant que cette dernière « ne justifiait pas du caractère déterminant pour son consentement de l’erreur qu’il prétendait avoir commise » (Cass. 3e civ., 21 sept. 2010, n°09-66.297).
  • Appréciation du caractère déterminant
    • L’article 1130, al. 2 précise que le caractère déterminant de l’erreur « s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné »
    • Le juge est ainsi invité à se livrer à une appréciation in concreto du caractère déterminant de l’erreur

?Une erreur excusable

  • Principe
    • Il ressort de l’article 1132 du Code civil que, pour constituer une cause de nullité, l’erreur doit être excusable
    • Par excusable, il faut entendre l’erreur commise une partie au contrat qui, malgré la diligence raisonnable dont elle a fait preuve, n’a pas pu l’éviter.
    • Cette règle se justifie par le fait que l’erreur ne doit pas être la conséquence d’une faute de l’errans.
    • Celui qui s’est trompé ne saurait, en d’autres termes, tirer profit de son erreur lorsqu’elle est grossière.
    • C’est la raison pour laquelle la jurisprudence refuse systématiquement de sanctionner l’erreur inexcusable (V. en ce sens par exemple Cass. 3civ., 13 sept. 2005, n°04-16.144).
  • Domaine
    • Le caractère excusable n’est exigé qu’en matière d’erreur sur les qualités essentielles de la prestation ou de la personne.
    • En matière de dol, l’erreur commise par le cocontractant sera toujours sanctionnée par la nullité, quand bien même ladite erreur serait grossière.
    • Dans un arrêt du 21 février 2001, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que la « réticence dolosive à la supposer établie, rend toujours excusable l’erreur provoquée » (Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n°98-20.817).
  • Appréciation
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les juges se livrent à une appréciation in concreto de l’erreur pour déterminer si elle est ou non inexcusable.
    • Lorsque, de la sorte, l’erreur est commise par un professionnel, il sera tenu compte des compétences de l’errans (V. en ce sens Cass. soc., 3 juill. 1990, n°87-40.349).
    • Les juges feront également preuve d’une plus grande sévérité lorsque l’erreur porte sur sa propre prestation.

?L’indifférence de l’erreur de droit ou de fait

Il ressort de l’article 1130 du Code civil que l’erreur peut indifféremment être de fait ou de droit.

Dans un arrêt du 4 novembre 1975, la Cour de cassation a ainsi décidé que « si l’erreur de droit peut justifier l’annulation d’un acte juridique pour vice du consentement ou défaut de cause, elle ne prive pas d’efficacité les dispositions légales qui produisent leurs effets en dehors de toute manifestation de volonté de la part de celui qui se prévaut de leur ignorance » (Cass. 1ère civ. 4 nov. 1975, n°73-13.701).

L’erreur de droit n’est ainsi plus exclue du domaine des erreurs sanctionnées en matière de transaction.

ii. Les variétés d’erreurs

?Les erreurs sanctionnées

Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. »

Il ressort de cette disposition que seules deux catégories d’erreur sont constitutives d’une cause de nullité du contrat : l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due et l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant

  • L’erreur sur les qualités essentielles de la prestation due
    • Aux termes de l’article 1132 du Code civil « l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due »
    • L’article 1133 précise que les qualités essentielles sont celles « qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté ».
    • Autrement dit, pour être qualifiées d’essentielles, les qualités de la prestation sur lesquelles porte l’erreur doivent être entrées dans le champ contractuel.
    • C’est donc à l’aune de la commune intention des parties que le juge décidera si tel, ou tel autre élément du contrat revêt un caractère essentiel.
    • À défaut de stipulations contractuelles, il appartiendra à l’errans d’établir que son cocontractant savait que la qualité de la prestation sur laquelle a porté son erreur était déterminante de son consentement.
    • S’agissant de la transaction, les qualités essentielles pourront correspondre à l’existence ou à la teneur des droits auxquels les parties entendent renoncer, étant précisé qu’il est indifférent que l’erreur porte sur la prestation de l’une ou de l’autre partie (art. 1133, al. 2e C. civ.).
  • L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant
    • Au même titre que l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation, le législateur a entendu faire de l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant une cause de nullité (art. 1133, al. 1 C. civ.).
    • Le législateur a ainsi reconduit la solution retenue en 1804 à la nuance près toutefois qu’il a inversé le principe et l’exception.
    • L’ancien article 1110 prévoyait, en effet, que l’erreur « n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »
    • Ainsi, l’erreur sur les qualités essentielles de la personne n’était, par principe, pas sanctionnée.
    • Elle ne constituait une cause de nullité qu’à la condition que le contrat ait été conclu intuitu personae, soit en considération de la personne du cocontractant.
    • Aujourd’hui, le nouvel article 1134 du Code civil prévoit que « l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. »
    • L’exception instaurée en 1804 est, de la sorte, devenue le principe en 2016.
    • Cette inversion n’a cependant aucune incidence sur le contenu de la règle dans la mesure où, in fine, l’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n’est une cause de nullité qu’en matière de contrats conclus intuitu personae.
    • En pratique, l’erreur sur la personne ne se rencontrera que très rarement en matière de transaction, le caractère intuitu personae de cette opération n’étant pas suffisamment marqué.

?Les erreurs indifférentes

Les erreurs indifférences sont l’erreur sur les motifs et l’erreur sur la valeur :

  • S’agissant de l’erreur sur les motifs
    • Principe
      • L’article 1135 du Code civil prévoit que « l’erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n’est pas une cause de nullité, à moins que les parties n’en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement ».
      • Ainsi, lorsque l’erreur porte sur les motifs, soit sur les raisons qui ont déterminé les parties à contracter, elle ne constitue pas une cause de nullité.
      • Les motifs qui ont conduit les parties à transiger sont donc indifférents ; ils ne sauraient fonder une action en nullité de la transaction.
      • L’article 1135 précise qu’il importe peu que le motif sur lequel porte l’erreur ait été déterminant du consentement de l’errans, elle demeure indifférente.
    • Tempérament
      • Si l’indifférence de l’erreur sur les motifs se justifie par le caractère extérieur au contrat des circonstances qui ont conduit l’errans à contracter, dans l’hypothèse où lesdites circonstances seraient connues du cocontractant, l’erreur sur les motifs devrait alors en toute logique affecter la validité du contrat.
      • Tel est le sens de l’article 1135 du Code civil qui après avoir exclu, par principe, des causes de nullité l’erreur sur les motifs, précise qu’elle est toujours susceptible de le devenir lorsque les parties ont en fait un élément de leur consentement, soit lorsque le motif du contrat est entré dans le champ contractuel.
  • S’agissant de l’erreur sur la valeur
    • L’article 1136 du Code civil prévoit que « l’erreur sur la valeur par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n’est pas une cause de nullité. »
    • L’erreur sur la valeur doit donc être entendue comme l’erreur sur l’évaluation économique de l’objet du contrat
    • En matière de transaction, elle porterait sur la valeur des concessions réciproques et plus généralement des engagements pris par les parties
    • Bien que l’erreur sur la valeur consiste en un décalage entre la croyance de l’errans et la réalité, ce déséquilibre objectif des prestations ne constitue cependant pas une cause de nullité du contrat.

b. Le dol

La transaction n’est soumise à aucun régime particulier s’agissant du dol. Ce sont les dispositions relevant du droit commun des contrats qui lui sont applicables.

Classiquement, le dol est défini comme le comportement malhonnête d’une partie qui vise à provoquer une erreur déterminante du consentement de son cocontractant.

Si, de la sorte, le dol est de nature à vicier le consentement d’une partie au contrat, il constitue, pour son auteur, un délit civil susceptible d’engager sa responsabilité.

Il est régi aux articles 1137 à 1139 du Code civil. Il ressort de ces dispositions que la caractérisation du dol suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à ses éléments constitutifs
  • D’autre part, à son auteur
  • Enfin, à la victime

i. Les conditions du dol

?: Les conditions relatives aux éléments constitutifs du dol

Aux termes de l’article 1137, alinéa 1er du Code civil « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ».

La lecture de cette disposition nous révèle que le dol est constitué de deux éléments cumulatifs :

  • Un élément matériel
  • Un élément intentionnel

?L’élément matériel

L’article 1137 alinéa 1, du Code civil prévoit que « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ».

L’alinéa 2 ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie »

Ainsi, le dol est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :

  • des manœuvres
  • un mensonge
  • un silence

Si, les deux premières formes de dol ne soulèvent guère de difficultés, il n’en va pas de même pour la réticence dolosive qui, si elle est consacrée par le législateur, n’en suscite pas moins des interrogations quant à la teneur de son élément matériel.

Pour rappel, il ressort de la jurisprudence que le silence constitue une cause de nullité du contrat :

  • soit parce qu’une obligation d’information pesait sur celui qui s’est tu
  • soit parce que ce dernier a manqué à son obligation de bonne foi

Ainsi les juridictions ont-elles assimilé la réticence dolosive à la violation de deux obligations distinctes, encore que, depuis les arrêts Vilgrain (Cass. com., 27 févr. 1996, n°94-11.241) et Baldus (Cass. 1ère civ. 3 mai 2000, n°98-11.381) les obligations de bonne foi et d’information ne semblent pas devoir être placées sur le même plan.

La première ne serait autre que le fondement de la seconde, de sorte que l’élément matériel de la réticence dolosive résiderait, en réalité, dans la seule violation de l’obligation d’information.

Est-ce cette solution qui a été retenue par le législateur lors de la réforme des obligations ?

Pour mémoire, une obligation générale d’information a été consacrée par le législateur à l’article 1112-1 du Code civil, de sorte que cette obligation dispose d’un fondement textuel qui lui est propre.

Aussi, est-elle désormais totalement déconnectée des autres fondements juridiques auxquels elle était traditionnellement rattachée.

Il en résulte qu’il n’y a plus lieu de s’interroger sur l’opportunité de reconnaître une obligation d’information lors de la formation du contrat ou à l’occasion de son exécution.

Elle ne peut donc plus être regardée comme une obligation d’appoint de la théorie des vices du consentement.

Dorénavant, l’obligation d’information s’impose en toutes circonstances : elle est érigée en principe cardinal du droit des contrats.

Dans le cadre des négociations d’une transaction, chaque partie a donc l’obligation de communiquer à l’autre les informations dont elle sait le caractère déterminant pour son cocontractant.

L’article 1137 du Code civil apporte toutefois une limite à cette règle en précisant que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation. »

?L’élément intentionnel

Le dol suppose la volonté de tromper son cocontractant. C’est en cela qu’il constitue un délit civil, soit une faute susceptible d’engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

Aussi, est-ce sur ce point que le dol se distingue de l’erreur, laquelle ne peut jamais être provoquée. Elle est nécessairement spontanée.

  • En matière de sol simple
    • Dans un arrêt du 12 novembre 1987 la Cour de cassation reproche en ce sens à une Cour d’appel d’avoir retenu un dol à l’encontre du vendeur d’un camion qui ne répondait pas aux attentes de l’acquéreur « sans rechercher si le défaut de communication des factures de réparation et d’indication de réparations restant à effectuer avait été fait intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure la vente » (Cass. 1ère civ. 12 nov. 1987, n°85-18.350)
    • Plus récemment, la Cour de cassation a encore approuvé une Cour d’appel qui avait retenu un dol à l’encontre du vendeur d’un fonds de commerce, celle-ci ayant parfaitement « fait ressortir l’intention de tromper du cédant » (Cass. com. 11 juin 2013, n°12-22.014).
  • En matière de réticence dolosive
    • Dans un arrêt du 28 juin 2005 rendu en matière de réticence dolosive, la haute juridiction a adopté une solution identique en affirmant que « le manquement à une obligation précontractuelle d’information, à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s’y ajoute la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et d’une erreur déterminante provoquée par celui-ci » (Cass. com. 28 juin 2005, n°03-16.794)

?: Les conditions relatives à l’auteur du dol

?Principe

Pour être cause de nullité, le dol doit émaner, en principe, d’une partie au contrat.

L’article 1137 du Code civil formule expressément cette exigence en disposant que « le dol est le fait pour un contractant ».

Ainsi, le dol se distingue-t-il de la violence sur ce point, l’origine de cette dernière étant indifférente.

L’article 1142 du Code civil prévoit, en effet, que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers »

?Exclusion

Il résulte de l’exigence posée à l’article 1137, que le dol ne peut jamais avoir pour origine un tiers au contrat.

Dans un arrêt du 27 novembre 2001, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle en décidant que « le dol n’est une cause de nullité que s’il émane de la partie envers laquelle l’obligation est contractée » (Cass. com. 27 nov. 2001, n°99-17.568).

Si donc le dol émane d’un tiers, le contrat auquel est partie la victime n’encourt pas la nullité.

?Correctif

La jurisprudence a apporté un correctif à l’exclusion du tiers de la catégorie des personnes dont doit nécessairement le dol, en admettant que la victime puisse agir sur le fondement de l’erreur.

Si cette dernière parvient ainsi à établir que les manœuvres d’un tiers l’ont induite en erreur, soit sur les qualités essentielles de la prestation, soit sur les qualités essentielles de son cocontractant, le contrat pourra être annulé.

Dans un arrêt du 3 juillet 1996, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « l’erreur provoquée par le dol d’un tiers à la convention peut entraîner la nullité du contrat lorsqu’elle porte sur la substance même de ce contrat » (Cass. 1ère civ. 3 juill. 1996, n°94-15.729).

Si toutefois, l’erreur commise par la victime du dol causé par un tiers n’était pas sanctionnée, car portant soit sur la valeur, soit sur les motifs, elle disposerait, en toute hypothèse, d’un recours contre ce dernier sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

?Exceptions

Il ressort de l’article 1138 du Code civil que, par exception, le dol peut émaner :

  • Soit du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant
  • Soit d’un tiers de connivence

?: Les conditions relatives à la victime du dol

Pour que le dol constitue une cause de nullité,

  • D’une part, le consentement de la victime doit avoir été donné par erreur
  • D’autre part, l’erreur provoquée par l’auteur du dol doit avoir été déterminante

?L’exigence d’une erreur

Pour que le dol puisse être retenu à l’encontre de l’auteur d’agissements trompeurs, encore faut-il qu’une erreur ait été commise par la victime. À défaut, le contrat ne saurait encourir la nullité.

Cette sanction ne se justifie, en effet, que s’il y a vice du consentement. Or lorsque les manœuvres d’une partie n’ont provoqué aucune erreur chez son cocontractant, le consentement de celle-ci n’a, par définition, pas été vicié.

Parce que le dol vient sanctionner un comportement malhonnête de son auteur, il constitue une cause de nullité quand bien même l’erreur qu’il provoque chez le cocontractant est indifférente.

Une erreur qui donc serait insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat si elle avait été commise de manière spontanée, peut avoir l’effet opposé dès lors qu’elle a été provoquée.

Dans un arrêt du 2 octobre 1974, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dès lors qu’elle a déterminé le consentement du cocontractant, l’erreur provoquée par le dol peut être prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l’objet du contrat. » (Cass. 3e civ. 2 oct. 1974, n°73-11.901).

Cette solution a manifestement été consacrée à l’article 1139 du Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 qui prévoit que « l’erreur […] est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».

Il en résulte que, en matière de dol, l’erreur de la victime peut indifféremment porter :

  • Sur la valeur de la prestation due ou fournie
  • Sur les motifs de l’engagement

Par ailleursl’article 1139 du Code civil précise que lorsqu’elle est provoquée par un dol, l’erreur qui devrait être considérée comme inexcusable, quand elle est commise spontanément, devient excusable et donc une cause de nullité du contrat.

Le caractère excusable ou inexcusable de l’erreur est, de la sorte, indifférent.

?L’exigence d’une erreur déterminante

Pour que la nullité d’un contrat puisse être prononcée sur le fondement du dol, encore faut-il que l’erreur provoquée ait été déterminante du consentement du cocontractant.

Cette règle est désormais énoncée à l’article 1130 du Code civil qui prévoit que le dol constitue une cause de nullité lorsque sans lui l’une des parties n’aurait pas contracté (dol principal) ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes (dol incident).

Ainsi, le législateur a-t-il choisi de ne pas distinguer selon que le dol dont est victime l’une des parties au contrat est principal ou incident, conformément à la position adoptée par la jurisprudence.

ii. La sanction du dol

Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un dol, deux sanctions sont encourues :

  • La nullité du contrat
  • L’allocation de dommages et intérêts

?Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat »

Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime du dol, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat

Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995, n°93-15.005).

?Sur l’allocation de dommages et intérêts

Parce que le dol constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.

Dans la mesure où, en effet, le dol a été commis antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Dans un arrêt du 15 février 2002, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la victime de manœuvres dolosives peut exercer, outre une action en annulation du contrat, une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du dommage qu’elle a subi » (Cass. com. 15 janv. 2002, n°99-18.774).

c. La violence

La transaction n’est soumise à aucun régime particulier s’agissant de la violence. Ce sont les dispositions relevant du droit commun des contrats qui lui sont applicables.

Classiquement, la violence est définie comme la pression exercée sur un contractant aux fins de le contraindre à consentir au contrat.

Le nouvel article 1140 traduit cette idée en prévoyant qu’« il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. ».

i. Les conditions de la violence

Il ressort des articles 1140 à 1143 du Code civil que la caractérisation de la violence suppose toujours la réunion de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à ses éléments constitutifs
  • D’autre part, à son origine

? : Les conditions relatives aux éléments constitutifs de la violence

En application de l’article 1140 du Code civil, la violence est une cause de nullité lorsque deux éléments constitutifs sont réunis :

  • L’exercice d’une contrainte
  • L’inspiration d’une crainte

?Une contrainte

  • L’objet de la contrainte : la volonté du contractant
    • Tout d’abord, il peut être observé que la violence envisagée à l’article 1140 du Code civil n’est autre que la violence morale, soit une contrainte exercée par la menace sur la volonté du contractant.
    • La contrainte exercée par l’auteur de la violence doit donc avoir pour seul effet que d’atteindre le consentement de la victime, à défaut de quoi, par hypothèse, on ne saurait parler de vice du consentement.
  • La consistance de la contrainte : une menace
    • La contrainte visée à l’article 1140 s’apparente, en réalité, à une menace qui peut prendre différentes formes.
    • Cette menace peut consister en tout ce qui est susceptible de susciter un sentiment de crainte chez la victime.
    • Ainsi, peut-il s’agir, indifféremment, d’un geste, de coups, d’une parole, d’un écrit, d’un contexte, soit tout ce qui est porteur de sens
    • La conclusion d’une transaction obtenue sous la menace physique ou morale tombera nécessairement sous le coup de la violence et pourra donc faire l’objet d’une annulation.
  • Le caractère de la contrainte : une menace illégitime
    • La menace dont fait l’objet le contractant doit être illégitime, en ce sens que l’acte constitutif de la contrainte ne doit pas être autorisé par le droit positif.
    • A contrario, lorsque la pression exercée sur le contractant est légitime, quand bien même elle aurait pour effet de faire plier la volonté de ce dernier, elle sera insusceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
    • La question alors se pose de savoir quelles sont les circonstances qui justifient qu’une contrainte puisse être exercée sur un contractant.
    • En quoi consiste, autrement dit, une menace légitime ?
    • Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 1141 qui prévoit que « la menace d’une voie de droit ne constitue pas une violence. Il en va autrement lorsque la voie de droit est détournée de son but ou lorsqu’elle est invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif. »
    • Cette disposition est, manifestement, directement inspirée de la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 17 janvier 1984 avait estimé que « la menace de l’emploi d’une voie de droit ne constitue une violence au sens des articles 1111 et suivants du code civil que s’il y a abus de cette voie de droit soit en la détournant de son but, soit en en usant pour obtenir une promesse ou un avantage sans rapport ou hors de proportion avec l’engagement primitif » (Cass. 3e civ. 17 janv. 1984, n°82-15.753).
    • Quel enseignement retenir de la règle énoncée par la jurisprudence, puis reprise sensiblement dans les mêmes termes par le législateur ?
    • Un principe assorti d’une limite.
      • Principe
        • La menace exercée à l’encontre d’un contractant est toujours légitime lorsqu’elle consiste en l’exercice d’une voie de droit
        • Ainsi, la menace d’une poursuite judiciaire ou de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée ne saurait constituer, en elle-même, une contrainte illégitime.
        • Une partie qui donc consentirait à conclure une transaction en réaction à ce type de menace ne saurait se prévaloir de la violence afin d’obtenir son annulation.
        • La menace d’exercice d’une voie de droit est, en effet, par principe toujours légitime.
      • Limites
        • La légitimité de la menace cesse, dit l’article 1141, lorsque la voie de droit est :
          • Soit détournée de son but
            • Il en va ainsi lorsque l’avantage procuré par l’exercice d’une voie de droit à l’auteur de la menace est sans rapport avec le droit dont il se prévaut.
            • La Cour de cassation a, de la sorte, approuvé une Cour d’appel pour avoir prononcé la nullité d’une reconnaissance de dette qui avait été « obtenue sous la menace d’une saisie immobilière relative au recouvrement d’une autre créance » (Cass. 1ère civ. 25 mars 2003, n°99-21.348).
          • Soit invoquée ou exercée pour obtenir un avantage manifestement excessif
            • La menace sera ainsi considérée comme illégitime lorsqu’elle est exercée en vue d’obtenir un avantage hors de proportion avec l’engagement primitif ou le droit invoqué.
            • La Cour de cassation a ainsi estimé que la contrainte consistant à menacer son cocontractant d’une procédure de faillite était illégitime, dans la mesure où elle avait conduit le créancier à obtenir de son débiteur des avantages manifestement excessifs (Cass. com. 28 avr. 1953).

?Une crainte

La menace exercée à l’encontre d’un contractant ne sera constitutive d’une cause de nullité que si, conformément à l’article 1140, elle inspire chez la victime « la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable. »

  • L’exposition à un mal considérable
    • L’exigence tenant à l’établissement d’une crainte d’un mal considérable a été reprise de l’ancien article 1112 du Code civil qui prévoyait déjà cette condition.
    • Que doit-on entendre par l’exposition à un mal considérable ?
    • Cette exigence signifie simplement que le mal en question doit être suffisamment grave pour que la violence dont est victime le contractant soit déterminante de son consentement.
    • Autrement dit, sans cette violence, la victime n’aurait, soit pas contracté, soit conclu l’acte à des conditions différentes.
    • Le caractère déterminant de la violence sera apprécié in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
    • La Cour de cassation prendra, en d’autres termes, en compte l’âge, les aptitudes, ou encore la qualité de la victime.
  • L’objet de la crainte
    • Pour mémoire, l’ancien article 1113 du Code civil prévoyait que « la violence est une cause de nullité du contrat, non seulement lorsqu’elle a été exercée sur la partie contractante, mais encore lorsqu’elle l’a été sur son époux ou sur son épouse, sur ses descendants ou ses ascendants. »
    • Dorénavant, la violence est caractérisée dès lors que la crainte qu’elle inspire chez la victime expose à un mal considérable :
      • soit sa personne
      • soit sa fortune
      • soit celles de ses proches

? : Les conditions relatives à l’origine de la violence

Il ressort des articles 1142 et 1143 du Code civil que la violence est sanctionnée quel que soit son auteur.

Contrairement au dol, elle peut émaner :

  • Soit d’un tiers
  • Soit de circonstances particulières

?La violence émanant d’un tiers

L’article 1142 du Code civil prévoit expressément que « la violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. »

Pour mémoire, l’ancien article 1111 disposait que la violence est une cause de nullité quand bien même elle est « exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite. »

Les auteurs justifient cette règle par le fait que la violence n’a pas seulement pour effet de vicier le consentement de la victime : elle porte atteinte à sa liberté de contracter.

Le contractant qui fait l’objet de violences est donc privé de tout consentement, d’où la sévérité du législateur à son endroit.

?La violence émanant de circonstances

S’il ne fait aucun doute que la violence peut émaner d’une personne, qu’il s’agisse du contractant lui-même ou d’un tiers, la question s’est rapidement posée de savoir si elle ne pouvait pas dériver de circonstances extérieures au contrat.

Plus précisément, les auteurs se sont interrogés sur l’assimilation de ce que l’on appelle l’état de nécessité à la violence.

En matière contractuelle, l’état de nécessité se définit comme la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en raison de circonstances économiques, naturelles ou politiques est contrainte, par la force des choses, de contracter à des conditions qu’elle n’aurait jamais acceptées si les circonstances qui la placent dans cette situation ne s’étaient pas produites.

De toute évidence, cette situation est susceptible de se rencontrer en matière de transaction, une partie, la plus faible, pouvant être conduite à transiger, non pas parce qu’elle le veut, mais parce qu’elle y est obligée en raison de l’état de dépendance économique dans lequel elle se trouve par rapport à son cocontractant.

C’est d’ailleurs un litige né de la conclusion d’une transaction qui a donné lieu à la reconnaissance par la Cour de cassation de la violence économique comme cause de nullité du contrat.

Dans un arrêt du 30 mai 2000, la première chambre civile a en effet admis l’assimilation de l’état de nécessité à la violence en jugeant que « la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion » (Cass. 1er civ. 30 mai 2000, n°98-15.242).

Cass. 1ère civ. 30 mai 2000

Attendu que M. X…, assuré par les Assurances mutuelles de France ” Groupe azur ” (le Groupe Azur) a été victime d’un incendie survenu le 15 janvier 1991 dans le garage qu’il exploitait ; que, le 10 septembre 1991, il a signé un accord sur la proposition de l’expert pour fixer les dommages à la somme de 667 382 francs, dont, en premier règlement 513 233 francs, et en règlement différé 154 149 francs ;

Sur le premier moyen : (Publication sans intérêt) ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles 2052 et 2053 du Code civil, ensemble l’article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation de l’acte du 10 septembre 1991, l’arrêt attaqué retient que, la transaction ne pouvant être attaquée pour cause de lésion, la contrainte économique dont fait état M. X… ne saurait entraîner la nullité de l’accord ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que la transaction peut être attaquée dans tous les cas où il y a violence, et que la contrainte économique se rattache à la violence et non à la lésion, la cour d’appel a violé les textes susvisés

  • Faits
    • Un particulier a été victime d’un incendie survenu le 15 janvier 1991 dans le garage qu’il exploitait
    • Le 10 septembre 1991, il a signé un accord transactionnel sur la proposition de l’expert pour fixer les dommages à la somme de 667 382 francs, dont, en premier règlement 513 233 francs, et en règlement différé 154 149 francs
  • Demande
    • L’assuré engage une action en nullité de la transaction conclue, en invoquant la violence dont il aurait fait l’objet
  • Procédure
    • Dans un arrêt du 18 mars 1998, la Cour d’appel de Paris rejette la demande formulée par l’assuré
    • Elle estime que la transaction litigieuse ne pouvait pas être attaquée pour cause de lésion, celle-ci ne constituant pas une cause de nullité en droit français.
  • Solution
    • Dans son arrêt du 30 mai 2000, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel estimant que la transaction en l’espèce pouvait parfaitement faire l’objet d’une action en nullité, dans la mesure où la contrainte économique à laquelle était soumis l’assuré lors de la conclusion de l’acte litigieux était constitutive du vice de violence et non d’une lésion.
  • Analysé
    • Ainsi, pour la première fois, la Cour de cassation admet-elle que la contrainte économique puisse constituer un cas de violence en dehors du contexte maritime.

Dans un célèbre arrêt Bordas du 3 avril 2002, la Cour de cassation a, par suite, estimé que « seule l’exploitation abusive d’une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d’un mal menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son consentement » (Cass. 1ère civ. 3 avr. 2002, n°00-12.932).

Aussi, pour la Première chambre civile, la seule situation de dépendance économique ne suffit pas à caractériser la violence cause de nullité contractuelle.

Pour elle, le vice de violence ne peut être caractérisé que s’il existe une exploitation de la situation de dépendance économique dans laquelle se trouve la personne placée sous cette dépendance.

La solution dégagée dans l’arrêt Bordas a été confirmée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats qui a inséré un article 1143 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit que « il y a également violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

Il ressort de ce texte que trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’abus de l’état de dépendance soit caractérisé :

  • Une situation de dépendance
    • Le texte ne précisant pas de quel type de dépendance il doit s’agir, on peut en déduire qu’il ne vise pas seulement l’état de dépendance économique.
    • Est-ce à dire que l’état de dépendance affective serait également visé ?
    • Rien ne permet d’exclure, en l’état du droit positif, cette éventualité.
  • Un abus de la situation de dépendance
    • Il ne suffit pas de démontrer qu’une partie au contrat se trouve dans un état de dépendance par rapport à une autre pour établir le vice de violence.
    • Encore faut-il que la partie en position de supériorité ait abusé de la situation.
    • Aussi, l’existence d’une situation de dépendance n’est pas propre à faire peser une présomption de violence.
    • Pour qu’une transaction soit annulée sur le fondement de la violence, il faudra démontrer un abus de la situation de dépendance.
  • L’octroi d’un avantage manifestement excessif
    • Pour que l’abus de dépendance soit caractérisé, cela suppose que l’auteur de la violence ait obtenu un avantage manifestement excessif que son cocontractant ne lui aurait jamais consenti s’il ne s’était pas retrouvé en situation de dépendance
    • Cette condition a, manifestement, été reprise de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dès l’arrêt Bordas, faisait de cette exigence un élément constitutif de la violence économique (V. notamment Cass. 3e civ. 22 mai 2012, n°11-16.826).

ii. La sanction de la violence

Lorsqu’un contrat a été conclu au moyen d’un acte de violence, deux sanctions sont encourues :

  • La nullité du contrat
  • L’allocation de dommages et intérêts

?Sur la nullité du contrat

Aux termes de l’article 1131 du Code civil, « les vices de consentement sont une cause de nullité relative du contrat »

Aussi, cela signifie-t-il que seule la victime de la violence, soit la partie dont le consentement a été vicié a qualité à agir en nullité du contrat

Cette solution, consacrée par l’ordonnance du 10 février 2016, est conforme à la jurisprudence antérieure (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 4 juill. 1995).

?Sur l’allocation de dommages et intérêts

Parce que la violence constitue un délit civil, la responsabilité extracontractuelle de son auteur est toujours susceptible d’être recherchée.

Dans la mesure où, en effet, la violence a été commise antérieurement à la formation du contrat, la victime ne peut agir que sur le fondement de la responsabilité délictuelle (V. notamment Cass. com. 18 février 1997, n°94-19.272).

E) Le contenu de la transaction

Le nouvel article 1128 du Code civil subordonne la validité du contrat à l’existence d’un « contenu licite et certain ».

La notion de « contenu » du contrat est une nouveauté introduite par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Le législateur a entendu regrouper sous une même notion les concepts d’objet et de cause qui, antérieurement à la réforme, étaient traités dans des sections distinctes du Titre III.

Aussi, désormais, les différentes fonctions qui étaient autrefois dévolues à l’objet et à la cause sont exercées par une seule et même figure juridique : la notion de contenu du contrat.

En ce qu’elle est soumise aux conditions générales de validité des contrats, la transaction doit répondre aux exigences de licéité et de détermination du contenu.

a. La licéité du contenu de la transaction

?Principe

Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. »

Il ressort de cette disposition que la licéité du contrat est subordonnée au respect d’une double exigence : tant les stipulations du contrat, que le but poursuivi par les parties doivent être conformes à l’ordre public.

Une transaction ne peut, dès lors, être valable que si elle ne contrevient pas à l’ordre public.

Pour mémoire, l’ordre public fait partie de ces notions qui échappent à l’emprise de toute définition. Il s’agit là d’un concept dont les contours sont flous et le contenu difficile à déterminer.

Après avoir listé près d’une vingtaine de définitions, Philippe Malaurie dira de l’ordre public que, en définitive, « c’est le bon fonctionnement des institutions indispensables à la collectivité »[3]

Quant au Code civil, lui non plus ne donne aucune définition de l’ordre public.

Tout au plus, il peut être déduit de l’article 6 que l’ordre public vise l’ensemble des règles auxquelles on ne saurait déroger « par conventions particulières ».

Ainsi, l’ordre public consisterait-il en un corpus de normes impératives, soit un cadre juridique en dehors duquel la volonté des parties serait inopérante quant à la création d’obligations.

Conformément au principe d’autonomie de la volonté, les parties devraient pourtant être libres de contracter et plus encore de déterminer le contenu du contrat.

À la vérité, bien que la volonté des contractants constitue une source d’obligations aux côtés de la loi, elle n’a jamais été considérée, pas même par les rédacteurs du Code civil, comme toute puissante en matière contractuelle.

La marge de manœuvre des parties comporte une limite : celle fixée par les règles qui protègent des intérêts supérieurs placés hors d’atteinte des conventions particulières.

Pour Jean Carbonnier « l’idée générale est celle d’une suprématie de la collectivité sur l’individu. L’ordre public exprime le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrats »[4]

Cet auteur ajoute que, finalement, l’ordre public n’est autre qu’un rappel à l’ordre adressé par l’État « aux contractants s’ils veulent toucher à des règles qu’il regarde comme essentielles »[5]

Dans cette perspective, le nouvel article 1102 du Code civil prévoit que « la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l’ordre public. »

Lorsque dès lors des parties transigent, elles doivent toujours veiller à ne pas contrevenir à des règles d’ordre public. La question qui alors se pose est de savoir comment identifier une règle d’ordre public.

Comme le fait observer Philippe Malinvaud « l’ordre public est la marque de certaines règles légales ou réglementaires qui tirent leur suprématie de leur objet : la défense d’un intérêt général devant lequel doivent s’incliner les intérêts particuliers et les contrats qui les expriment »[6].

Ainsi, l’ordre public vise-t-il toujours à protéger des intérêts qui, s’ils sont de natures diverses et variées, ont tous pour point commun de se situer au sommet de la hiérarchie des valeurs.

Dans cette perspective, classiquement on distingue deux sortes de règles d’ordre public : celles qui relèvent de l’ordre public politique et celles qui relèvent de l’ordre public économique.

  • S’agissant de l’ordre public politique
    • Il est composé de toutes les règles qui assurent la protection des intérêts relatifs à l’État, à la famille et à la morale.
      • La défense de l’État
        • Toutes les règles qui régissent l’organisation et le fonctionnement de l’État sont d’ordre public
        • Il en résulte que les transactions qui, par exemple, porteraient sur le droit de vote ou qui viseraient à restreindre l’exercice du pouvoir politique seraient nulles.
        • Dès lors sont impératives les lois constitutionnelles, les lois fiscales ou encore les lois pénales
      • La défense de la famille
        • La plupart des règles qui touchent à l’organisation et à la structuration de la famille sont d’ordre public.
        • L’article 1388 du Code civil prévoit en ce sens que « les époux ne peuvent déroger ni aux devoirs ni aux droits qui résultent pour eux du mariage, ni aux règles de l’autorité parentale, de l’administration légale et de la tutelle. »
        • Toutefois, il convient de distinguer les règles qui régissent les rapports personnels entre les membres de la famille, de celles qui gouvernent les rapports patrimoniaux.
        • Tandis que les premières constituent presque toujours des dispositions impératives, les secondes sont le plus souvent supplétives.
      • La défense de la morale
        • Si, jusqu’à récemment, la défense de la morale se traduisait essentiellement par l’exigence de conformité des conventions aux bonnes mœurs cette exigence s’est peu à peu déportée à la faveur d’une protection de l’ordre moral qui postule désormais le respect de la personne humaine et de la liberté individuelle.
  • S’agissant de l’ordre public économique
    • il est composé de règles qui régissent les échanges de biens et services
    • Cet ordre public est constitué de deux composantes :
      • L’ordre public économique de direction
        • L’ordre public économique de direction vise à assurer la protection d’un intérêt économique général.
        • Il s’agit là, autrement dit, de règles qui ont été édictées en vue de protéger l’économie de marché et plus généralement de servir le développement des échanges de biens et de services.
        • L’ordre public de direction est de la sorte très présent en droit de la concurrence.
        • Dans un arrêt du 26 mai 1992 la Cour de cassation a, de la sorte, affirmé que « sont nulles les conventions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence » (Cass. com. 26 mai 1992, n°90-13.499)
      • L’ordre public économique de protection
        • L’ordre public économique de protection vise à préserver les droits de la partie jugée faible au contrat
        • Le terrain d’élection privilégié de cet ordre public est le droit du travail, le droit de la consommation ou encore le droit des locataires.
        • La présence de cet ordre public de protection se traduit, le plus souvent, par la réglementation stricte d’un certain nombre de contrats.

?Tempéraments

L’interdiction de déroger par convention contraire à une règle d’ordre public devrait conduire à considérer qu’une transaction ne saurait contrevenir à une telle règle.

Pourtant, il est des cas où les parties seront autorisées à transiger alors même que la règle en jeu présente un caractère d’ordre public.

  • Cas des transactions portant sur une nullité
    • Alors que les règles instituant la nullité d’un acte sont d’ordre public, il est admis qu’une transaction puisse avoir pour l’objet la renonciation par une partie à se prévaloir d’une nullité.
    • Toutes les nullités ne peuvent néanmoins pas faire l’objet d’une transaction.
    • Une partie ne peut renoncer à soulever une nullité dans le cadre d’une transaction que s’il s’agit d’une nullité relative.
    • La raison en est que la règle qui institue une nullité relative relève de l’ordre public de protection.
    • Il s’agit, autrement dit, d’une règle qui vise à protéger un intérêt particulier, l’intérêt de la partie au profit de laquelle la nullité est instituée.
    • Or, en application de l’article 1181 du Code civile, elle seule peut se prévaloir de cette nullité.
    • Il est dans ces conditions cohérent d’admettre que la partie que la loi entend protéger puisse renoncer à se prévaloir d’une nullité relative.
    • Tel n’est, en revanche, pas le cas, lorsque la transaction porte sur une nullité absolue.
    • Cette nullité est, en effet, instituée par une règle qui vise à protéger l’ordre public de direction, soit l’intérêt général.
    • À ce titre, elle peut être soulevée par quiconque justifie d’un intérêt à agir (art. 1180 C. civ.).
    • Aussi, très tôt la jurisprudence a jugé qu’on ne pouvait pas transiger sur une nullité absolue (Cass. civ. 18 déc. 1893).
  • Cas des transactions portant sur des droits acquis
    • S’il est a priori interdit de transiger sur un droit subjectif qui présente un caractère d’ordre public, la jurisprudence opère toutefois une distinction entre les droits acquis et les droits non acquis.
    • Dans un arrêt du 16 novembre 1960, la Cour de cassation a, en effet, jugé qu’« il est loisible au plaideur de transiger sur les modalités d’application d’un droit acquis, d’ordre public » (Cass. soc., 16 nov. 1960).
    • Il ressort de cette décision que la transaction qui porte sur un droit acquis est parfaitement valable, peu importe que ce droit soit d’ordre public.
    • Par acquis, il faut entendre un droit qui est né, par opposition au droit non acquis dont le fait générateur n’est pas encore survenu.
    • Cette solution a été réitérée à plusieurs reprises par la Cour de cassation et notamment dans un arrêt du 17 mars 1998.
    • Aux termes de cette décision, la Première chambre civile a ainsi affirmé que « s’il est interdit de renoncer par avance aux règles de protection établies par une loi d’ordre public, il est en revanche permis de renoncer aux effets acquis de telles règles » (Cass. 1ère civ., 17 mars 1998, n°96-13.972).
    • Afin de mieux appréhender cette jurisprudence, prenons l’exemple de la prestation compensatoire.
    • S’il est fait interdiction à un époux de renoncer, dans le cadre d’une transaction, à toute prestation compensatoire en prévision d’un éventuel divorce, celui-ci sera en revanche admis à renoncer à cet effet du divorce lorsque la procédure sera engagée (Cass. 2e civ. 10 mai 1991, n°90-11.008).
    • La solution est la même pour un salarié qui renoncerait à engager la responsabilité de son employeur en cas d’accident de travail futur : il ne pourra renoncer à une telle action dans le cadre d’une transaction qu’en cas de naissance d’un droit à indemnisation, soit en cas de survenance d’un accident de travail.
    • En somme, s’il est interdit de transiger à l’avance sur un droit présentant un caractère d’ordre public, il est en revanche admis qu’il y soit renoncé lorsque ce droit est né.
    • La chambre commerciale a statué en ce sens dans un arrêt du 16 décembre 2014 aux termes duquel elle a jugé, au visa de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce, que « si [ce] texte institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer par anticipation, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture » (Cass. com. 16 déc. 2014, n°13-21.363).

b. La détermination du contenu de la transaction

i. Le domaine de l’objet de la transaction

Peut-on transiger en tous domaines ? Le Code civil est silencieux sur cette question. L’article 2046 précise tout au plus qu’« on peut transiger sur l’intérêt civil qui résulte d’un délit ».

Parce que la transaction est un contrat, au titre de la liberté contractuelle, les parties devraient a priori être autorisées à transiger en toutes matières, pourvu que la convention conclue ne porte pas atteinte à l’ordre public, ni par ses stipulations, ni par son but.

Reste que la transaction constitue un acte grave en ce qu’elle emporte renonciation pour les parties d’agir en justice. Or pour pouvoir renoncer à un droit, encore faut-il être libre d’en disposer.

Aussi, cela suppose-t-il que ce droit soit :

  • D’une part disponible
  • D’autre part, aliénable

?Un droit disponible

Il est donc admis que pour pouvoir faire l’objet d’une transaction, le droit concerné doit être disponible.

Par disponible, il faut entendre positivement un droit dont on peut disposer. Cette définition n’est toutefois pas suffisante car elle ne permet pas de cerner avec précision les contours de la notion, laquelle recouvre, en réalité, un périmètre plus restreint.

Car en effet, un droit peut, dans son état primitif, être disponible, mais être inaliénable et donc non cessible, en raison, par exemple, d’une clause spécifique qui aurait été stipulée dans le cadre d’une convention ou encore de son statut de bien public.

Aussi, pour comprendre ce qu’est un droit disponible, il faut envisager la notion négativement. Sous cet angle, un droit disponible est un droit qui ne relève pas de la catégorie des droits qui sont dits « hors du commerce ».

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir comment reconnaître les droits « hors du commerce » et ceux qui ne le sont pas.

Par hypothèse, la ligne de démarcation serait celle qui distingue les droits patrimoniaux des droits extra-patrimoniaux.

Tandis que les premiers sont des droits appréciables en argent et, à ce titre, peuvent faire l’objet d’opérations translatives, les seconds n’ont pas de valeur pécuniaire, raison pour laquelle on dit qu’ils sont hors du commerce ou encore indisponibles.

Ainsi, selon cette distinction, on ne pourrait transiger que sur les seuls droits patrimoniaux. Pour mémoire, ils se scindent en deux catégories :

  • Les droits réels (le droit de propriété est l’archétype du droit réel)
  • Les droits personnels (le droit de créance : obligation de donner, faire ou ne pas faire)

Quant aux droits extrapatrimoniaux, qui donc ne peuvent faire l’objet d’aucune transaction, on en distingue classiquement trois sortes :

  • Les droits de la personnalité (droit à la vie privée, droit à l’image, droit à la dignité, droit au nom, droit à la nationalité)
  • Les droits familiaux (l’autorité parentale, droit au mariage, droit à la filiation, droit au respect de la vie familiale)
  • Les droits civiques et politiques (droit de vote, droit de se présenter à une élection etc.)

Bien que la ligne de démarcation entre les droits extrapatrimoniaux et les droits patrimoniaux soit particulièrement marquée, les droits sur lesquels les parties sont libres de transiger sont parfois difficiles à identifier. Ce sera notamment le cas en présence d’intérêts pécuniaires.

Aussi, afin d’appréhender les droits susceptibles de faire l’objet d’une transaction et ceux qui ne le peuvent pas convient-il, non pas de raisonner par domaine, mais d’opérer des distinctions au sein de chacun d’eux.

  • État des personnes
    • L’état des personnes est le terrain d’élection privilégié des droits extrapatrimoniaux.
    • Il se définit comme « l’ensemble des éléments caractérisant la situation juridique d’une personne au plan individuel (date et lieu de naissance, nom, prénom, sexe, capacité, domicile), au plan familial (filiation, mariage) et au plan politique (qualité de français ou d’étranger), de nature à permettre d’individualiser cette personne dans la société dans laquelle elle vit »[7].
    • Par principe, l’état des personnes est indisponible, cela qui signifie que l’on ne peut pas céder ou renoncer à un élément de son état.
    • En matière de filiation cette interdiction est expressément formulée à l’article 323 du Code civil.
    • Cette disposition prévoit que « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet de renonciation. »
    • Une transaction qui, dès lors, aurait pour objet la renonciation par une partie d’un ou plusieurs éléments de son état serait nulle.
    • Dans un arrêt du 20 janvier 1981 la Cour de cassation a, par exemple, validé l’annulation d’une transaction aux termes de laquelle une mère avait renoncé à son droit d’agir en recherche de paternité (Cass. 1ère civ. 20 janv. 1981, n°79-12.605).
    • Si les droits résultant de l’état des personnes sont par principe indisponible, tous ne le sont pas.
    • Il est, en effet, admis qu’une transaction puisse porter sur les conséquences pécuniaires de l’état des personnes.
    • Si donc il est interdit de transiger sur la filiation, il est en revanche permis de conclure une transaction qui aurait pour objet la pension alimentaire résultant de l’établissement d’un lien de filiation.
  • Mariage et divorce
    • En application du principe d’indisponibilité de l’état des personnes, des époux ne sauraient conclure une transaction aux fins de déroger aux règles du mariage ou du divorce.
    • Ainsi des époux ne sauraient transiger sur le devoir de fidélité, l’obligation de communauté de vie ou encore sur le droit de demander le divorce dans les cas ouverts par la loi.
    • Il en va de même pour une transaction aux termes de laquelle un époux renoncerait au bénéfice d’une règle gouvernant son régime matrimonial (Cass., 1ère civ., 8 avr. 2009, n°07-15945).
    • À l’instar de l’état des personnes, s’il n’est pas possible de conclure une transaction qui dérogerait aux règles du mariage et du divorce, il est en revanche permis de transiger sur les conséquences pécuniaires de l’un et l’autre.
    • Dans le cadre d’un divorce, les époux sont, par exemple, autorisés à conclure une transaction qui viserait à réduire le montant de la prestation compensatoire fixé par le juge (Cass. 1ère, 8 févr. 2005, n°03-17.923).
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens dans un arrêt du 9 mars 1994 s’agissant du partage de la communauté consécutivement au prononcé du divorce.
    • Aux termes de cette décision elle a jugé que « après la dissolution de leur mariage par le divorce, les ex-époux sont libres de liquider leur régime matrimonial comme ils l’entendent et de passer, à cet effet, toutes conventions transactionnelles, sous réserve des droits des créanciers tels que fixés par l’article 882 du Code civil » (Cass. 1ère civ. 9 mars 1994, n°92-13.455).
  • Obligations alimentaires
    • La loi a institué des obligations dites « alimentaires » qui contraignent leur débiteur à fournir une aide matérielle ou en nature à certains membres de leur famille qui se trouveraient dans le besoin.
    • Ces obligations jouent notamment dans les rapports entre :
      • Parents et enfants
      • Grands-parents et petits-enfants
      • Gendres ou belles-filles et beaux-parents
    • Parce qu’elles présentent un caractère d’ordre public, les obligations alimentaires sont incessibles et insaisissables.
    • Il en résulte qu’elles ne sauraient, en principe, faire l’objet d’une transaction : le créancier d’une obligation alimentaire ne peut, ni y renoncer, ni la céder.
    • Cette interdiction n’est toutefois pas absolue ; la jurisprudence l’a assortie d’un tempérament.
    • Dans un arrêt du 29 mai 1985, la Cour de cassation a, en effet, opéré une distinction entre les créances d’aliments actuelles (les créances nées) et les créances d’aliments éventuelles (les créances à naître).
    • Dans cette affaire, des parents avaient conclu un accord transactionnel aux termes duquel la mère, en contrepartie d’une somme d’argent, se déclarait être remplie de tous ses droits et renoncer à toute action en justice s’agissant de la pension alimentaire due par le père au bénéfice de ses enfants mineurs.
    • Quelque temps plus tard la mère remet en cause l’accord conclu en faisant notamment valoir que la renonciation à une action alimentaire était contraire à l’ordre public.
    • La première chambre civile rejette le pourvoi formé par la requérante en reconnaissant la validité de la transaction conclue à tout le moins pour ses effets passés.
    • Elle affirme en, effet, que si la transaction dénoncée en l’espèce ne pouvait valoir renonciation pour l’avenir à obtenir le versement d’une pension alimentaires pour les enfants, elle n’en était pas moins licite pour le passé, des parents étant parfaitement libres de transiger quant au remboursement de frais déjà été engagés par l’un d’eux pour l’entretien et l’éducation des enfants.
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, l’interdiction de transiger en matière d’obligation alimentaire ne vise que les seuls droits éventuels, soit ceux qui ne sont pas encore nés.
    • Pour les droits actuels, c’est-à-dire ceux déjà nés, ils peuvent au contraire faire l’objet d’une transaction (Cass. 1ère civ. 29 mai 1985, n°84-11.626).
    • En somme, s’il est interdit de renoncer à son droit à aliments pour l’avenir, il est en revanche possible de transiger sur ce même droit dès lors qu’il est devenu échu.
  • Poursuites pénales
    • Principe
      • Lorsqu’une infraction pénale est constatée, le ministère public est libre d’engager des poursuites pénales.
      • Ces poursuites prennent la forme de ce que l’on appelle une action publique, laquelle est exercée aux fins de défendre les intérêts de la collectivité.
      • Parce que cette action est d’ordre public, elle est indisponible et, par voie de conséquence, ne peut faire l’objet d’aucune transaction.
      • L’article 2046 du Code civil prévoit en ce sens que « la transaction n’empêche pas la poursuite du ministère public. »
      • Ainsi, l’auteur d’une infraction ne saurait transiger avec le ministère public et réclamer, par exemple, l’abandon des poursuites engagées moyennant le versement d’une somme d’argent.
    • Tempéraments
      • S’il est interdit de transiger sur l’action publique, ce principe est assorti de deux tempéraments
        • Premier tempérament
          • L’article 6, al. 3e du Code de procédure pénale prévoit que l’action publique peut « s’éteindre par transaction lorsque la loi en dispose expressément ou par l’exécution d’une composition pénale ; il en est de même en cas de retrait de plainte, lorsque celle-ci est une condition nécessaire de la poursuite. »
          • Ainsi est-il admis que l’auteur d’une infraction puisse transiger sur les poursuites pénales engagées à son endroit lorsque les conditions énoncées par ce texte sont réunies.
          • La transaction est, par exemple, admise dans de nombreux cas en matière fiscale et douanière (V. en ce sens Cass. crim. 18 avr. 1983, n°82-90.081 et 81-92.517).
          • Le procureur est, par ailleurs, autorisé par de nombreux textes à conclure avec la personne poursuivie une convention qui présente toutes les caractéristiques d’une transaction.
          • On peut notamment évoquer l’article 41-2 du Code de procédure pénale qui prévoit que le procureur de la République peut, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, proposer une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures limitativement énumérées, telles que le versement d’une amende, le suivi d’un stage de formation ou encore l’accomplissement d’un stage de citoyenneté.
        • Second tempérament
          • Si l’action publique est indisponible, il est en revanche permis de transiger sur l’action civile née d’une infraction pénale.
          • Cette règle est énoncée par l’article 2046, al. 1er du Code civil qui prévoit que « on peut transiger sur l’intérêt civil qui résulte d’un délit. »
          • Cette règle se justifie par la nature de l’action civile : elle n’est autre que l’exercice du droit à réparation dont est titulaire toute victime d’un dommage.
          • Or le droit à réparation est un droit patrimonial ; il est dès lors susceptible de faire l’objet d’une transaction.
          • Pour que la transaction conclue sur l’action civile soit opérante, encore faut-il qu’elle porte sur les faits à l’origine des poursuites pénales (Cass. crim. 6 oct. 1964, n°64-90.560).
          • Par ailleurs, pour être valable, la transaction doit avoir été conclue entre la victime et l’auteur de l’infraction et non entre les coauteurs ou complices (Cass. req., 7 nov. 1865).
  • Procédures collectives
    • On présente généralement les procédures collectives comme remplissant plusieurs objectifs au nombre desquels figurent notamment le redressement économique de l’entreprise, l’apurement de son passif et le maintien de l’emploi tout en assurant l’égalité des créanciers.
    • Aussi, les procédures collectives poursuivent-elles des objectifs qui vont bien au-delà de la préservation des intérêts particuliers du débiteur ; elles visent, en premier lieu, à servir des intérêts communs.
    • C’est pour cette raison que le droit des procédures collectives recèle de très nombreuses règles qui présentent un caractère d’ordre public.
    • Il en résulte que la possibilité de transiger dans le cadre d’une procédure collective est pour le moins limitée.
    • En application des articles L. 632-1 et suivants du Code de commerce il est, par exemple, fait interdiction au débiteur de transiger sur les actes susceptibles d’être frappés de nullité en cas d’accomplissement au cours de la période suspecte (Cass. com., 20 sept. 2005, n°04-11.789).
    • Dans un arrêt du 24 mars 2009, la Cour de cassation a, par ailleurs, décidé que les condamnations au paiement des dettes sociales à l’encontre du dirigeant d’entreprise ne peuvent faire l’objet d’une transaction (Cass. com., 24 mars 2009, n°07-20.383).
    • Il a encore été jugé que « aux termes d’une transaction, des créanciers n’ayant aucune garantie ne peuvent se voir accorder plus de droits qu’un créancier nanti » (Cass. com. 10 déc. 2002, n°99-21.411).

?Un droit inaliénable

Si une transaction peut porter sur un droit disponible, encore faut-il que ce droit ne soit pas frappé d’inaliénabilité.

Quels sont les droits inaliénables ? Il s’agit des droits qui notamment :

  • Soit sont attachés à des biens qui possèdent un statut particulier, tels que les biens relevant du domaine public ou les biens appartenant à la catégorie des souvenirs de famille
  • Soit sont grevés par une stipulation d’inaliénabilité, pourvu que cette stipulation produise des effets limités dans le temps et qu’elle soit justifiée par un intérêt sérieux et légitime

Parce qu’un droit frappé d’inaliénabilité ne peut pas être cédé, il ne peut, par voie de conséquence, pas faire l’objet d’une transaction.

ii. L’interprétation de l’objet de la transaction

?Principe

La transaction a pour fonction de mettre fin à un litige né ou à naitre. Pour atteindre son but, encore faut-il que les termes du litige soient définis avec suffisamment de précision dans l’acte, faute de quoi les parties pourraient être portées à saisir le juge afin de lui soumettre une question qui n’aurait pas été abordée dans la transaction conclue.

La question qui alors se pose est de savoir comment une transaction doit-elle être interprétée ?

Doit-on considérer que la transaction couvre le litige constaté dans l’acte ainsi que toutes les ramifications que ce litige est susceptible de comporter ou doit-on estimer que les effets de la transaction sont cantonnés au périmètre du différent décrit dans l’acte ?

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article 2048 du Code civil qui prévoit que « les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »

Il ressort de cette disposition que l’objet de la transaction doit être interprété restrictivement.

Selon cette approche, il y a lieu de considérer que la transaction ne règle que ce qui est expressément énoncé dans l’acte. Si dès lors un différend comporte plusieurs chefs, la transaction ne règle que ceux qu’elle vise spécifiquement.

S’agissant des autres chefs du litige qui ne seraient pas abordés dans la transaction, ils pourront dès lors être portés devant le juge.

Pour cette raison, lorsque des parties décident de transiger il leur faudra bien veiller, au stade de la rédaction, à énoncer dans l’acte l’ensemble des chefs de litige et plus généralement tout « ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ».

?Tempérament

Le principe d’interprétation restrictive des termes d’une transaction est assorti d’un tempérament énoncé à l’article 2049 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les transactions ne règlent que les différends qui s’y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l’on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »

À l’analyse, ce texte ne fait que reprendre la règle de droit commun énoncée à l’article 1194 du Code civil qui prévoit que « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. »

Cette règle vise à autoriser le juge à aller au-delà de ce qui est énoncé dans la transaction lorsque les stipulations de l’acte sont obscures ou trop générales.

En cas de lacunes et de silence d’un contrat, il est, en effet, illusoire de rechercher la commune intention des parties qui, par définition, n’a probablement pas été exprimée par elles.

Aussi, le juge n’aura-t-il d’autre choix que d’adopter la méthode objective d’interprétation, soit pour combler le vide contractuel, de se rapporter à des valeurs extérieures à l’acte, telles que l’équité ou la bonne foi.

En somme, l’article 2049 autorise le juge à découvrir des obligations qui s’imposent aux parties alors mêmes qu’elles n’avaient pas été envisagées lors de la conclusion du contrat : c’est ce que l’on appelle le forçage du contrat.

Une illustration de cette méthode d’interprétation appliquée en matière de transaction peut être trouvée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 octobre 2019.

Aux termes de cette décision, elle a admis que « la renonciation du salarié à ses droits nés ou à naître et à toute instance relative à l’exécution du contrat de travail ne [rendait] pas irrecevable une demande portant sur des faits survenus pendant la période d’exécution du contrat de travail postérieure à la transaction et dont le fondement est né postérieurement à la transaction » (Cass. soc. 16 oct. 2019, n°18-18.287).

Dans un arrêt du 28 novembre 2006, la Chambre sociale a encore admis, s’agissant d’une transaction qui avait pour objet le règlement des conséquences d’un licenciement économique que le droit de lever l’option de souscription d’actions qui avait été réservé aux seules personnes ayant la qualité de salarié au moment de l’opération se rattachait bien à l’exécution du contrat de travail et était, comme tel, soumis au champ d’application de la transaction (Cass. soc. 28 nov. 2006, n°05-41.684).

II) Les conditions de forme

A) Exigence d’un écrit

Une disposition est consacrée dans le code civil au formalisme de la transaction. L’article 2044 prévoit, en effet, que « ce contrat doit être rédigé par écrit. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si cet écrit est exigé ad validitatem ou seulement ad probationem.

Parce que la transaction est un contrat consensuel, il a très tôt été admis que l’établissement d’un écrit n’était, en aucune façon, une condition de validité de la transaction (Cass. req., 2 août 1927).

Dans un arrêt du 18 mars 1986, la Cour de cassation a notamment affirmé que « l’écrit prévu par l’article 2044 du Code civil n’est pas exigé pour la validité du contrat de transaction dont l’existence peut être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrats par les articles 1341 et suivants du Code civil ».

Ainsi, l’exigence d’écrit formulée à l’article 2044 du Code civil est seulement une règle de preuve et non une règle de fond.

Cette solution a été réitérée récemment par la Deuxième chambre civile dans un arrêt du 21 janvier 2021 aux termes duquel elle a affirmé que « l’écrit prévu par l’article 2044 du Code civil n’étant pas exigé pour la validité du contrat de transaction, mais seulement à des fins probatoires » (Cass. 2e civ., 21 janv. 2021, n°19-20.724).

La conséquence en est que l’absence d’écrit au sens de l’article 1364 du Code civil n’entachera pas la transaction de nullité. Celle-ci pourra par exemple se déduire d’un échange de lettres missives (Cass. 1ère civ., 18 févr. 2015, n° 13-27.465).

En revanche, la conclusion d’une transaction ne pourra pas se déduire du comportement des parties, de sorte qu’elle ne pourra pas être présumée.

B) Preuve de la transaction

Si la validité d’une transaction n’est pas subordonnée à l’établissement d’un écrit, l’écrit n’en est pas moins exigé à titre de preuve.

Aussi, la transaction est-elle soumise aux règles générales de preuve applicables aux actes juridiques.

À cet égard, il y a lieu de distinguer selon que la transaction présente un caractère civil ou commercial, les règles d’admissibilité des modes de preuve n’étant pas les mêmes dans l’un ou l’autre cas.

1. La transaction présente un caractère civil

Bien que pour les actes juridiques, l’exigence de preuve littérale vaille tant s’agissant d’établir l’existence de l’acte que son contenu, la jurisprudence a apporté une dérogation à cette règle pour les transactions.

a. Preuve de l’existence de la transaction

a.1. Principe

L’article 1359 du Code civil prévoit que « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant un montant fixé par décret doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. »

Il ressort de cette disposition que la preuve d’un acte juridique suppose nécessairement la production d’un écrit.

Lorsqu’il s’agit d’établir l’existence d’une transaction, la production d’un écrit est exigée quel que soit le montant de l’objet de cette dernière, l’article 2044 du Code civil ne reprenant pas l’exigence de seuil énoncé par l’article 1359 (1500 euros).

La jurisprudence en a déduit qu’il était indifférent que la transaction porte sur un montant supérieur ou inférieur à ce seuil (V. en ce sens Cass. civ. 9 juin 1947).

Aussi, l’existence d’une transaction ne peut être prouvée, en toute hypothèse, qu’au moyen d’une preuve littérale.

Cette exigence n’est toutefois pas absolue. Le législateur a prévu des dérogations à l’exigence de preuve littérale.

a.2. Dérogations

Si l’existence d’une transaction ne peut, en principe, être prouvée qu’au moyen d’un écrit, cette exigence est susceptible d’être écartée :

  • Soit lorsqu’il y a d’impossibilité de se procurer un écrit
  • Soit en cas de recours à un mode de preuve admis à suppléer l’écrit

i. L’impossibilité de se procurer un écrit

L’article 1360 du Code civil prévoit que l’exigence de production d’un écrit pour faire la preuve d’un acte juridique reçoit « exception en cas d’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit, s’il est d’usage de ne pas établir un écrit, ou lorsque l’écrit a été perdu par force majeure. »

Lorsque cette impossibilité de se procurer un écrit est établie, la partie qui se prévaut de la transaction litigieuse serait admise à faire la preuve de son existence par tous moyens de preuve.

À cet égard, il pourra s’agir d’une impossibilité de rédiger un écrit résultant d’un empêchement moral ou matériel survenu au moment de la conclusion de la transaction.

Mais il pourra également s’agir d’une impossibilité de produire un écrit au cours de l’instance en raison de la survenance d’un cas de force de force majeure.

Dans les deux cas, la partie qui se prévaut de l’impossibilité de se procurer un écrit devra démontrer que les conditions énoncées par l’article 1360 du Code civil sont remplies.

ii. Le recours à un mode de preuve admis à suppléer l’écrit

L’article 1361 du Code civil prévoit que « il peut être suppléé à l’écrit par l’aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. »

Il ressort de cette disposition qu’il est deux catégories de preuves qui sont reconnues comme équivalentes à l’écrit et qui, à ce titre, peuvent le suppléer :

  • Le commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve
  • L’aveu judiciaire et le serment que l’on qualifie de modes de preuve parfaits

?S’agissant du commencement preuve par écrit

L’article 1361 du Code civil prévoit donc qu’il peut être suppléé à l’écrit « par un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve. »

Le commencement de preuve par écrit est ainsi envisagé par ce texte comme l’équivalent d’un écrit, à tout le moins dès lors qu’il est « corroboré par un autre moyen de preuve ».

Par commencement de preuve par écrit il faut entendre, selon la définition qui en est donnée par l’article 1362 du Code civil, « tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. »

Il ressort de cette disposition, pour être recevable à suppléer l’écrit, le commencement de preuve par écrit doit être caractérisé dans ses trois éléments constitutifs :

  • Un écrit
  • Un écrit émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu’il représente
  • Un écrit rendant vraisemblable ce qui est allégué

L’alinéa 2 de l’article 1362 du Code civil précise, par ailleurs, que « peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution. »

Une fois la condition tenant à la production d’un commencement de preuve par écrit remplie, pour que celui-ci soit recevable à faire la preuve d’un acte juridique il doit nécessairement, dit l’article 1361 du Code civil, être « corroboré par un autre moyen de preuve ».

Dans un arrêt du 6 février 1973, la Cour de cassation a jugé en ce sens, s’agissant de la preuve d’une transaction, que, en ce que « la transaction est un contrat et est, à ce titre, soumise aux règles édictées par l’article 1347 du code civil, que la preuve peut en être rapportée par témoins ou présomptions lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit » (Cass. 3e civ. 6 févr. 1973, n°71-12.511).

De façon plus générale, les autres moyens de preuve admis à compléter un commencement de preuve par écrit ne sont autres que les modes de preuve imparfaits, soit :

  • Le témoignage
  • Les présomptions judiciaires
  • L’aveu extrajudiciaire
  • Le serment supplétoire

N’importe lequel parmi ces modes de preuve est ainsi recevable à corroborer un commencement de preuve par écrit, pourvu qu’il présente un caractère extrinsèque.

Autrement dit, il doit s’agit d’un élément de preuve qui n’émane pas de l’auteur du commencement de preuve par écrit produit.

?S’agissant des modes de preuve parfaits

En application de l’article 1361 du Code civil, il peut être suppléé à l’écrit :

  • Soit par l’aveu judiciaire
  • Soit par le serment décisoire

Ces deux moyens de preuve appartiennent à la catégorie des modes de preuve parfaits.

Aussi, présentent-ils une double spécificité :

  • En premier lieu, ils sont admis en toutes matières, soit pour faire la preuve, tant des faits juridiques, que des actes juridiques peu importe le montant de ces deniers
  • En second lieu, ils s’imposent au juge en ce sens que le rôle de celui-ci se cantonnera à vérifier que le moyen de preuve qui lui est soumis répond aux exigences légales.

En l’absence d’écrit pour faire la preuve d’une transaction, les plaideurs ont ainsi la faculté de recourir à un mode de preuve parfait, étant précisé qu’il n’existe aucune hiérarchie entre ces derniers (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 28 janv. 1981, 79-17.501).

Sous réserve que les conditions d’admission du mode de preuve parfait soient réunies, le juge n’aura d’autre choix que d’admettre que la preuve de l’acte juridique litigieux soit rapportée, peu importe que son intime conviction lui suggère le contraire.

b. Preuve du contenu de la transaction

L’exigence de preuve littérale vaut en principe, tant s’agissant d’établir l’existence de l’acte, que son contenu.

Bien que de portée générale, cette règle a fait l’objet d’un assouplissement par la jurisprudence en matière de transaction.

La Cour de cassation admet, en effet, que la preuve du contenu d’une transaction est libre (V. en ce sens Cass. soc. 22 juin 1960).

2. La transaction présente un caractère commercial

Bien que l’article 2044 du Code civil exige l’établissement d’un écrit pour faire la preuve d’une transaction, il est admis que cette règle ne joue pas en matière commerciale V. en ce sens Cass. civ. 26 déc. 1950).

Aussi, est-ce, dans cette matière, l’article L. 110-3 du Code de commerce qui s’applique.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ».

Ainsi, en matière commerciale, la preuve est libre, de sorte qu’une transaction pourrait être prouvée par présomptions ou par témoins.

Pour que la preuve soit libre encore faut-il que deux conditions cumulatives soient remplies :

  • Première condition
    • La transaction litigieuse doit présenter un caractère commercial.
    • Pour mémoire, il existe trois sortes d’actes de commerce :
      • Les actes de commerce par nature, soit ceux portant sur les opérations visées aux articles L. 110-1 et L. 110-2 du Code de commerce et qui, pour présenter un caractère commercial, doivent nécessairement être accomplis de façon répétée et à des fins spéculatives
      • Les actes de commerce par la forme, soit ceux dont la commercialité ne dépend ni de la qualité de la personne qui les accomplit, ni de leur finalité ou de leur répétition
      • Les actes de commerce par accessoire, soit ceux, quelle que soit leur nature, dont l’accomplissement se rattache à une opération commerciale principale.
  • Seconde condition
    • Pour que le plaideur auquel il appartient de prouver la transaction ne soit pas soumis à l’exigence d’écrit, le défendeur doit endosser la qualité de commerçant.
    • En effet, si l’article L. 110-3 du Code de commerce prévoit que les actes de commerce peuvent être prouvés par tous moyens, le texte précise que la règle ne joue que pour les seuls actes accomplis « à l’égard des commerçants ».
    • Aussi, dans l’hypothèse où le défendeur n’endosserait pas la qualité de commerçant, la preuve de la transaction requerra la production d’un écrit, à tout le moins pour le demandeur.
    • On parlera alors d’acte de mixte.
    • Un acte est dit mixte, lorsqu’il présente un caractère commercial à l’égard d’une partie et un caractère civil à l’égard de l’autre partie.
    • Dans cette hypothèse, le régime probatoire applicable est asymétrique :

 

  1. F. Terré, Ph. Simpler et Y. Lequette, Droit civil – Les obligations, Dalloz, 9e éd., 2005, coll. « précis », n°184, p. 185. ?
  2. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  3. Ph. Malaurie, L’ordre public et le contrat, th., 1953, p. 69, n°99. ?
  4. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, PUF, 2004, n°984, p. 2037. ?
  5. Ibid. ?
  6. Ph. Malinvaud et D. Fenouillet, Droit des obligations, LexisNexis, 2012, n°267, p. 207-208. ?
  7. Lexique des termes juridiques, 30e éd. Dalloz ?
  8. V. en ce sens L. Thibierge, La transaction, Rép Dalloz. n°156. ?

L’opposition à mariage: conditions, effets et mainlevée

==> Opposition / empêchement

L’opposition est l’acte par lequel celui qui connaît un empêchement au mariage, le signale à l’officier d’état civil en lui faisant défense de célébrer le mariage.

L’opposition a ainsi pour effet de faire obstacle à la célébration du mariage en raison de l’existence d’un empêchement à mariage.

Par empêchement, il faut entendre le non-respect d’une condition de formation du mariage.

C’est pourquoi il « empêche » la tenue de la célébration. La théorie des empêchements à mariage est assise sur l’idée qu’il convient d’agir en amont et de ne pas risquer que le mariage soit annulé après coup.

Une fois le mariage célébré, il n’est plus possible de revenir en arrière. Or la découverte, a posteriori, de la violation d’une condition de formation du mariage peut avoir des conséquences graves pour les époux.

S’il est dirimant, l’empêchement constitue, en effet, une cause de nullité de leur union.

==> Empêchements dirimants et empêchements prohibitifs

Classiquement, on distingue deux sortes d’empêchements :

  • L’empêchement dirimant
    • Il s’agit d’un l’empêchement relatif à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
  • L’empêchement prohibitif
    • Il s’agit d’un empêchement relatif à une condition dont le non-respect fait seulement obstacle à la célébration du mariage sans, pour autant, être de nature à entraîner la nullité du mariage

En toute hypothèse, que l’empêchement soit prohibitif ou dirimant il est une cause d’opposition à mariage, laquelle opposition doit être formée auprès de l’officier d’état civil.

Immédiatement une question alors se pose : quels sont les empêchements dirimants et quels sont les empêchements prohibitifs ?

Le Code civil ne nous fournit aucune liste de ces empêchements, ni aucun critère formel de distinction.

Pour les identifier, il convient alors de se reporter aux articles 180, 182 et 184 du Code civil, lesquels envisages les conditions de formation du mariage dont le non-respect est sanctionné par la nullité.

En application du principe général « pas de nullité sans texte », on peut en déduire quelles sont les conditions qui ne sont pas sanctionnées par l’anéantissement du mariage.

Il est alors possible d’opérer, à partir de cette déduction, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs.

À l’examen, seules deux conditions de formation du mariage ne sont pas sanctionnées par la nullité :

  • Défaut de publication des bans
  • L’existence d’une opposition en elle-même

Toutes les autres conditions sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage si elles ne sont pas respectées.

En pratique, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs ne présente aucun intérêt.

En outre, aujourd’hui, l’opposition, qui était un moyen jadis pour les familles de mettre à mal les mariages qu’elles n’approuvaient pas, n’est que très exceptionnellement soulevée.

Son terrain de prédilection est désormais celui des mariages simulés, soit des mariages blancs.

De surcroît, pour former opposition, il faut remplir un certain nombre de conditions. Ses effets dans le temps sont, par ailleurs limités.

I) Les conditions de l’opposition

A) Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent :

  • D’une part, aux personnes qui ont qualité pour former opposition
  • D’autre part, aux motifs invoqués au soutien de l’opposition

==> Opposition du conjoint

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 172 du Code civil prévoit que « le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.»
    • Cette disposition confère ainsi le droit de former opposition au conjoint non-divorce de l’un des futurs époux
  • Motif allégué
    • Le conjoint non divorcé du futur époux n’est fondé à former opposition que si le motif allégué a trait à la bigamie

==> Opposition des ascendants

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 173 du Code civil prévoit que « le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.»
    • Cette disposition énonce un ordre hiérarchique des personnes qui ont qualité à former opposition parmi les ascendants des futurs époux :
      • Père et mère
      • À défaut, les grands-parents
      • À défaut, les aïeuls
  • Motif allégué
    • Les ascendants des futurs époux peuvent alléguer, au soutien de leur opposition, n’importe quel motif, dès lors qu’il s’agit de la violation d’une condition de formation du mariage.
    • Il peut donc s’agir de la bigamie, d’un vice du consentement, de la non-publication des bans ou encore du défaut d’autorisation parentale
  • Épuisement du droit d’opposition
    • L’alinéa 2 de l’article 173 prévoit que « après mainlevée judiciaire d’une opposition au mariage formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration »
    • Ainsi, les ascendants du futur époux ne peuvent former opposition à mariage qu’une seule fois
    • Il s’agit d’éviter que les ascendants forment tour à tour opposition afin d’empêcher la célébration du mariage

==> Opposition des collatéraux

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 174 du Code civil prévoit que « à défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants»
    • Il ressort de cette disposition que les collatéraux ne peuvent former opposition qu’à titre subsidiaire, soit à défaut d’ascendants.
    • Au sein du cercle des collatéraux, le législateur n’a pas institué d’ordre hiérarchique
  • Motif allégué
    • L’article 174 du Code civil prévoit que les collatéraux ne peuvent former opposition que dans deux cas précis :
      • Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 159, n’a pas été obtenu
        • Il s’agit de l’hypothèse s’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille
        • Cela suppose donc que le futur époux soit mineur et n’est plus d’ascendants
      • Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur époux
        • Il appartient toutefois à l’opposant de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
        • À défaut, la mainlevée pure et simple de l’opposition pourra être prononcée

==> Opposition du tuteur et du curateur

  • Titularité de l’action
    • L’article 175 du Code civil prévoit que « le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer. »
    • Il résulte de cette disposition que le tuteur et le curateur sont titulaires du droit de former opposition dans les mêmes conditions que les collatéraux, soit à défaut d’ascendants du futur époux, soit à titre subsidiaire
    • La référence au curateur est toutefois inopérante, dans la mesure où depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé n’est plus soumis au régime de la curatelle.
    • Quant à la curatelle des majeurs, elle ne comporte pas de conseil de famille
    • L’hypothèse visée n’a donc plus de sens
  • Motif allégué
    • Les motifs susceptibles d’être allégués par le tuteur sont :
      • Le défaut de consentement du conseil de famille, dans l’hypothèse où le futur époux est mineur et n’a plus d’ascendants
      • L’état de démence du futur époux

==> Opposition du ministère public

  • Titularité de l’action
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
    • Cette prérogative a été conférée au ministère public en particulier pour lutter contre les mariages simulés
  • Motif allégué
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que le ministère public ne peut former une opposition à mariage que pour les cas où il peut demander la nullité du mariage.
    • Ces cas ne sont autres que les empêchements dirimants, soit tous les empêchements relatifs à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
    • Aussi, le seul empêchement dont ne pourra pas se prévaloir le ministère public, c’est la non-publication des bans
  • Cas particulier des mariages de complaisance
    • L’article 175-2 du Code civil prévoit que « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République.»
    • En cas de signalement au ministère public d’un mariage de complaisance, plusieurs étapes doivent être observées :
      • Première étape
        • Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine :
          • soit de laisser procéder au mariage
          • soit de faire opposition à celui-ci
          • soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
      • Deuxième étape
        • Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
        • La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
      • Troisième étape
        • À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
      • Quatrième étape
        • L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours.
        • La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.

B) Les conditions de forme

==> Notification de l’opposition

L’article 66 du Code civil prévoit que

  • D’une part, les actes d’opposition au mariage sont signés sur l’original et sur la copie par les opposants ou par leurs fondés de procuration, spéciale et authentique
  • D’autre part, ils sont signifiés, avec la copie de la procuration, à la personne ou au domicile des parties, et à l’officier de l’état civil, qui mettra son visa sur l’original.

Ainsi, l’opposition à mariage doit être formée par voie d’huissier.

==> Enregistrement de l’opposition

Aux termes de l’article 67 du Code civil, à réception de l’opposition, l’officier de l’état civil fait, sans délai, une mention sommaire des oppositions sur le registre des mariages

==> Contenu de l’acte d’opposition

L’article 176 du Code civil prévoit que tout acte d’opposition :

  • Énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former
  • Contient les motifs de l’opposition
  • Reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition
  • Contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.

Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 171-4, soit en cas de mariage de complaisance, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.

==> Sanctions

L’article 176, al. 2 prévoit que les exigences de forme sont prévues :

  • à peine de nullité de l’acte d’opposition
    • l’opposition sera alors sans effet
  • à peine de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition
    • L’huissier pourra ainsi refuser de prêter son concours à l’opposant

II) Les effets de l’opposition

==> La suspension de la célébration

L’article 68 du Code civil dispose que « en cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »

Ainsi est-il fait défense à l’officier d’état civil, en cas d’opposition de procéder à la célébration du mariage.

C’est là tout l’intérêt même de l’opposition : faire obstacle à l’union des époux dont l’une des conditions de formation n’est pas remplie.

Il peut être observé que, l’officier d’état civil n’est pas le juge du bien-fondé du motif de l’opposition, quand bien même s’il a la conviction que l’empêchement allégué n’est pas justifié.

L’existence d’une opposition constitue, en elle-même, un motif de suspension de la célébration du mariage

En conséquence, l’officier d’état civil a, quel que soit le motif invoqué, l’obligation de ne pas célébrer le mariage. C’est au seul Juge qu’il appartiendra de se prononcer sur la mainlevée de l’opposition.

==> La durée de l’opposition

L’article 176, al. 3 du Code civil prévoit que « après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. »

Ainsi, l’opposition n’est valable qu’un an.

À l’expiration de ce délai elle devient caduque.

==> Le renouvellement de l’opposition

L’opposition peut, par principe, être renouvelée, à l’exception de deux cas :

  • Dans l’hypothèse où elle a été formée par un ascendant.
  • Dans l’hypothèse où la mainlevée judiciaire a été prononcée

III) La mainlevée de l’opposition

La mainlevée consiste en un retrait de l’opposition, soit à priver l’acte de son efficacité. Si la mainlevée est prononcée, le mariage peut, de nouveau être célébré.

Il existe deux sortes de mainlevée :

  • La mainlevée volontaire
    • La mainlevée est volontaire lorsque l’opposant consent à se désister, ce qu’il peut faire devant l’officier d’état civil au moment de la célébration
    • Ce dernier pourra néanmoins toujours refuser de célébrer le mariage, s’il estime que l’empêchement à mariage subsiste
  • La mainlevée judiciaire
    • La mainlevée est judiciaire lorsqu’elle est prononcée par un juge après que l’un des futurs époux a rapporté la preuve du mal-fondé de l’opposition
      • Procédure
        • Le tribunal de grande instance doit se prononcer dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs époux, même mineurs ( 177 C. civ.)
        • Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ( 179, al. 1 C. civ.)
      • Voies de recours
        • La décision du Juge est susceptible d’appel ( 178 C. civ.)
        • La Cour devra alors statuer également dans les dix jours
        • Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.

Mariage: constitution du dossier, publication des bans et célébration

I) La constitution du dossier de mariage

L’article 63 du code civil liste les pièces devant être produites par les futurs époux pour la constitution de leur dossier de mariage.

Il précise à cet égard que doivent être fournis les documents suivants :

  • Les copies intégrales de leur acte de naissance ou le cas échéant, un acte de notoriété (pièces visées aux articles 70 et 71 du code civil) ;
  • La justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;
  • L’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère

==> Sur la production de copie intégrale

L’article 70 du code civil prévoit la remise par chacun des futurs époux d’une copie intégrale de son acte de naissance à l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage.

Cet article précise que la copie de l’acte de naissance ne doit pas être datée de plus de trois mois si elle a été délivrée en France, six mois si elle a été délivrée dans un consulat à l’étranger.

Un certain nombre de questions ont été posées à la Chancellerie s’agissant de l’appréciation de ce délai.

S’agissant du point de départ du délai de validité de la copie intégrale de l’acte, celle-ci doit être appréciée au jour du dépôt du dossier du mariage et non au jour de la célébration du mariage dès lors que c’est ce dépôt qui conditionne la publication des bans.

Toutefois, si avant la célébration du mariage, l’état civil d’un des futurs époux a été modifié, celui-ci doit en aviser l’officier de l’état civil chargé de célébrer son mariage en produisant une nouvelle copie de son acte mis à jour.

Cette précaution, dont doivent être avertis les candidats au mariage au moment de la constitution de leur dossier, doit permettre d’éviter à l’usager de solliciter la rectification ultérieure de son acte de mariage.

Concernant la production d’un acte de naissance étranger, l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC) préconise, par extension, que la copie soit datée de moins de six mois.

Les copies intégrales d’actes de naissance produites en vue de la célébration sont versées aux pièces annexes de l’acte de mariage.

==> Sur les autres pièces à produire

  • Justificatifs de domicile
    • Les dispositions figurant aux articles 165 et 166 du code civil requièrent que les futurs époux justifient du domicile ou de la résidence de l’un d’eux et/ou de leur parent, dès lors que cette preuve fonde la compétence de l’officier de l’état civil devant célébrer leur union et permet d’ordonner la publicité des bans à la mairie ou à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage et à celles du domicile ou de la résidence des futurs époux.
    • En effet, les justificatifs du domicile et le cas échéant de la résidence des futurs époux sont requis pour permettre à l’officier de l’état civil célébrant le mariage d’adresser l’avis aux fins de publication des bans dans les diverses mairies et autorités diplomatiques ou consulaires françaises.
    • À cet égard, l’officier de l’état civil doit solliciter la production de toutes pièces justificatives permettant d’établir la réalité du domicile ou de la résidence à cette adresse (bail locatif, quittances de loyer, factures EDF, GDF, factures de téléphone à l’exclusion de téléphonie mobile, avis d’imposition ou de non-imposition, avis de taxe d’habitation, attestation ASSEDIC, attestation de l’employeur,…).
    • Si ces éléments de preuve ne sont pas exhaustifs, il convient de relever qu’une simple attestation sur l’honneur ne peut constituer une preuve suffisante.
    • Ces pièces doivent par ailleurs présenter un caractère récent au jour de la constitution du dossier.
    • En cas de doute, les officiers de l’état civil doivent saisir le parquet territorialement compétent.
  • Prévention de la bigamie
    • Quelle que soit la nationalité des futurs époux, les conditions d’ordre public de la loi française doivent être observées par ces derniers comme, par exemple, la prohibition de la bigamie prévue à l’article 147 du code civil.
    • Ainsi lorsque la copie d’acte de naissance ne permet pas de rapporter la preuve que le futur époux n’est pas lié par un précédent mariage (ex : mariage dissous par le décès d’un époux ou acte de naissance étranger provenant d’un système juridique ne prévoyant pas la mise à jour des actes de l’état civil, voir ci-dessus), cette preuve peut notamment être constituée par la production d’une copie de l’acte de décès de son précédent conjoint, par un certificat de coutume établi attestant du célibat de l’intéressé, etc.
    • S’agissant des ressortissants étrangers, ces derniers doivent rapporter la preuve du contenu de leur loi personnelle notamment par la production d’un certificat de coutume afin de permettre à l’officier de l’état civil de s’assurer du respect de ses conditions.

II) La publication des bans

Aux termes de l’article 63, al. 1er du Code civil « avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré. ».

Cette obligation est plus connue sous le nom d’exigence de publication des bans.

==> Le moment de la publication des bans

La chancellerie a été interpellée sur la question de savoir à quel moment l’officier de l’état civil peut procéder à la publication des bans.

Sauf cas de dispense, les bans ne peuvent en principe être publiés qu’après que les futurs époux ont remis un dossier complet et le cas échéant, ont été auditionnés conformément à l’article 63 du code civil.

Toutefois, si le ou les futurs époux demeure(nt) dans l’attente de la preuve du contenu de sa (leur) loi personnelle, la publication des bans peut être effectuée sous réserve que les autres pièces précitées aient été produites.

==> L’avis de publication des bans

La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a élargi le lieu de célébration du mariage au lieu du domicile ou de la résidence de l’un des parents d’un futur époux (articles 74 et 165 du code civil).

La circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi du 17 mai 2013 a rappelé que cette loi n’avait pas modifié les dispositions relatives à la publication des bans.

Conformément à l’article 166 du code civil, la publication des bans est faite à la mairie du lieu du mariage ainsi qu’à la mairie du domicile ou à défaut de domicile à la mairie de la résidence de chacun des futurs époux.

Dès lors, l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage doit adresser un avis de publication des bans à la mairie du domicile de chacun des époux.

À défaut de domicile en France, cette formalité sera faite à la mairie de la résidence en France du ou des époux.

En cas de domicile à l’étranger (et en l’absence de résidence en France), l’officier de l’état civil adressera un avis de publication à la représentation diplomatique ou consulaire française dans le ressort du domicile du futur époux de nationalité française.

Lorsque le futur époux est de nationalité étrangère, il lui appartient de faire procéder à cette publication des bans prévue par le droit français auprès de l’autorité locale compétente sous réserve que la loi étrangère reconnaisse cette formalité préalable au mariage.

La saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil communal ou consulaire en cas d’indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue à l’article 63 du code civil, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre des articles 146 et 180 du code civil ne suspend pas la publication des bans.

Celle-ci doit être opérée dès lors que les pièces requises ont été données et l’audition effectuée. La formule de l’avis de publication des bans indique pour chacun des futurs époux son domicile et éventuellement sa résidence, à défaut d’un domicile en France.

Cette indication permet de justifier la compétence de la mairie destinataire de l’avis pour procéder à la publicité du mariage.

Elle n’a pas pour objet de justifier la compétence de l’officier de l’état civil pour procéder à la célébration du mariage prévue par la loi.

L’élargissement par la loi du lieu du mariage au domicile ou à la résidence du ou des parents des futurs mariés ne justifie donc pas d’indiquer dans les avis de publication une résidence des futurs époux au domicile des parents.

III) La célébration du mariage

Rappelant que le mariage civil est le seul à produire des effets juridiques, à la différence du mariage religieux, l’article 165 du Code civil est modifié afin de consacrer explicitement et symboliquement le caractère républicain du mariage.

Cet article énonce que « le mariage sera célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l’article 169 ci-après. ».

Ainsi, la publication des bans est une condition requise pour procéder à la célébration du mariage.

De même, le maire doit effectuer les vérifications légales résultant en particulier de l’article 63 du Code civil et visant à s’assurer de la véritable intention matrimoniale des futurs époux.

À l’issue de ces vérifications, le maire, en sa qualité d’officier de l’état civil doit, sauf opposition du parquet ou décision en ce sens du tribunal de grande instance, procéder à la célébration.

Comme rappelé dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés, il n’entre pas dans les pouvoirs du maire d’apprécier l’opportunité de la célébration d’un mariage, et, a fortiori, il ne peut refuser, pour des motifs d’ordre personnel, de respecter la loi et de célébrer un mariage.

Un tel refus exposerait l’officier de l’état civil au prononcé

  • D’une part, de sanctions administratives : suspension ou révocation en application de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales
  • D’autre part, de sanctions pénales : articles 432-1 et suivants du code pénal

Lors de la célébration, l’officier de l’état civil fera lecture aux époux des articles du Code civil énoncés à l’article 75 du même code à l’exception de l’article 220 dont la lecture a été supprimée.

Enfin, à l’issue de la célébration, l’officier de l’état civil invitera les époux et les témoins à signer avec lui l’acte de mariage lequel sera adapté si nécessaire selon le sexe des époux et nommera les époux dans l’ordre choisi par eux lors de la constitution du dossier de mariage.

L’officier de l’état civil, lors de la remise de celui-ci attirera l’attention des futurs époux sur ce point. Il remettra aux époux un livret de famille ou complètera pour les couples de personnes de sexe différent le livret de famille des parents ayant ensemble un enfant commun.

Pour mémoire, si l’un des époux possède un livret délivré à l’occasion de la naissance ou l’adoption de son enfant, ce livret ne pourra être complété avec la référence au mariage lorsque l’autre époux n’est pas le parent de l’enfant.

Mariage: les conditions tenant à la parenté ou la prohibition de l’inceste

La subordination de la validité du mariage au respect de conditions tenant à la parenté des époux, s’explique par la prohibition générale de l’inceste en droit français

I) La prohibition de l’inceste

Les origines de l’interdit de l’inceste ont été longuement étudiées par les sciences humaines et sociales.

De façon schématique, l’interdit de l’inceste relève de considérations :

  • Biologiques: les unions consanguines créent un risque de dégénérescence de l’espèce
  • Sociales: la prohibition de l’inceste est une règle de l’échange social, qui se traduit par l’obligation de prendre femme en dehors du clan familial
  • Psychanalytiques: l’interdiction de tuer son père et d’épouser sa mère découle de l’interdit du meurtre et du cannibalisme

Dans l’ouvrage collectif De l’inceste, Boris Cyrulnik relève que « le mot « inceste » désigne des circuits sexuels très variables d’une culture à l’autre. Pourtant, chaque fois qu’il est employé, il suscite un authentique sentiment d’horreur, comme si tous les membres d’un groupe s’en servaient pour charpenter un imaginaire commun ».

Le droit français ne reconnaît pas explicitement la notion d’inceste. À aucun moment cette notion n’est évoquée explicitement dans notre législation : comme l’a écrit Jean Carbonnier, « paradoxalement, ce tabou si profond n’est inscrit en termes généraux dans aucun texte, ni au code civil ni au nouveau code pénal (non plus que dans les Dix Commandements). Et il n’est point constitutionnalisé : il plane très au-dessus des droits de l’homme ».

Néanmoins, cet interdit universel que constitue l’union sexuelle au sein de la famille sous-tend, d’une part, les dispositions du code civil relatives au mariage et à la filiation, et, d’autre part, les dispositions du code pénal relatives à la répression des violences sexuelles commises au sein de la famille.

En droit pénal, il n’existe pas d’incrimination spéciale de l’inceste mais une circonstance aggravante des viols, agressions sexuelles et atteintes sexuelles sur mineur lorsque ceux-ci sont commis « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime »

Le code pénal distingue en effet trois catégories de violences sexuelles :

  • Le viol (articles 222-23 à 222-26 du code pénal), défini comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise» et puni de quinze ans de réclusion criminelle ;
  • L’agression sexuelle (articles 222-22, 222-27 à 222-31 du code pénal), définie comme « toute atteinte sexuelle [autre que le viol] commise avec violence, contrainte, menace ou surprise» et punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ;
  • L’atteinte sexuelle (articles 227-25 à 227-27-1 du code pénal), définie comme « le fait, par un majeur, d’exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d’un mineur de quinze ans» et punie également de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende.

Lorsque l’infraction a été commise « par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime », les peines sont donc aggravées :

  • Le viol est alors puni de vingt ans de réclusion criminelle, qu’il ait été commis sur un mineur de quinze ans ou non
  • L’agression sexuelle est quant à elle punie de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende si elle est commise sur un majeur ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, et de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende si elle est commise sur un mineur de quinze ans
  • L’atteinte sexuelle sur un mineur de quinze ans est punie de dix ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende

En droit civil, l’interdit de l’inceste fonde l’interdiction du mariage entre personnes de la même famille (ou, le cas échéant, la nullité d’un tel mariage) ainsi que l’interdiction de faire reconnaître la filiation d’un enfant qui serait issu d’une telle union.

II) Le domaine de l’inceste

A) La prohibition de l’inceste en ligne directe

L’article 161 du Code civil dispose que « en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne. »

Il ressort de cette disposition qu’il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre ascendant et descendant en ligne directe

L’ascendant est la personne dont est issue une autre personne (le descendant) par la naissance ou l’adoption

Ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père.

La ligne directe est celle des parents qui descendent les uns des autres.

Ainsi, les ascendants et descendants en ligne directe correspond à la ligne généalogique dans laquelle on remonte du fils au père

Schéma 1.JPG

==> Entre alliés en ligne directe

Les alliés sont, par rapport à un époux, les parents de son conjoint (beau-père, belle-mère, gendre, bru etc…).

Schéma 2.JPG

L’article 161 du Code civil est formel : le mariage entre alliés en ligne direct est prohibé.

La question s’est toutefois posée de savoir si cette prohibition s’imposait toujours en cas de divorce du couple marié.

La Grande Bretagne qui connaît une interdiction similaire a, en effet, été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme dans un arrêt du 13 septembre 2005 (CEDH 13 sept. 2005, B. et L. c/ United Kingdom, req. no 36536/02) dans une affaire opposant un beau-père et sa belle-fille.

Dans cet arrêt, les Juges strasbourgeois ont considéré qu’un tel empêchement, bien que poursuivant un but légitime de protection de l’intégrité de la famille, constituait une atteinte excessive au droit au mariage, ce en violation de l’article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Pour mémoire, cette disposition, qui garantit le droit au mariage, prévoit que « à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit. ».

Non sans une certaine surprise, dans un arrêt du 4 décembre 2013, la Cour de cassation a semblé adopter la solution inverse de celle retenue par la Cour européenne des droits de l’Homme (Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013, n°12-26.006).

Dans cette décision, la Première chambre civile a, en effet, décidé que le prononcé de la nullité du mariage d’un beau-père avec sa belle-fille, divorcée d’avec son fils, revêt à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans.

Toutefois, les circonstances de fait ont joué un rôle déterminant dans cette affaire où l’annulation du mariage avait été sollicitée, et prononcée par les juges du fond, sur le fondement de l’article 161 du code civil, qui interdit notamment le mariage entre le beau-père et sa belle-fille, lorsque l’union de cette dernière avec le fils de celui-ci a été dissoute par divorce.

Cass. 1ère civ. 4 déc. 2013
Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties conformément à l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X... et M. Claude Y... se sont mariés le 6 septembre 1969 et qu’une fille, née le 15 août 1973, est issue de leur union ; qu’après leur divorce, prononcé le 7 octobre 1980, Mme X... a épousé le père de son ex mari, Raymond Y..., le 17 septembre 1983 ; qu’après avoir consenti à sa petite fille une donation le 31 octobre 1990, ce dernier est décédé le 24 mars 2005 en laissant pour lui succéder son fils unique et en l’état d’un testament instituant son épouse légataire universelle ; qu’en 2006, M. Claude Y... a, sur le fondement de l’article 161 du code civil, assigné Mme X... en annulation du mariage contracté avec Raymond Y... ;

Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt, par motifs propres et adoptés, après avoir relevé qu’ainsi que l’a rappelé la Cour européenne des droits de l’homme dans un arrêt récent, les limitations apportées au droit au mariage par les lois nationales des Etats signataires ne doivent pas restreindre ou réduire ce droit d’une manière telle que l’on porte atteinte à l’essence même du droit, retient que la prohibition prévue par l’article 161 du code civil subsiste lorsque l’union avec la personne qui a créé l’alliance est dissoute par divorce, que l’empêchement à mariage entre un beau père et sa bru qui, aux termes de l’article 164 du même code, peut être levé par le Président de la République en cas de décès de la personne qui a créé l’alliance, est justifié en ce qu’il répond à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille en maintenant des relations saines et stables à l’intérieur du cercle familial, que cette interdiction permet également de préserver les enfants, qui peuvent être affectés, voire perturbés, par le changement de statut et des liens entre les adultes autour d’eux, que, contrairement à ce que soutient Mme X..., il ressort des conclusions de sa fille que le mariage célébré le 17 septembre 1983, alors qu’elle n’était âgée que de dix ans, a opéré dans son esprit une regrettable confusion entre son père et son grand père, que l’article 187 dudit code interdit l’action en nullité aux parents collatéraux et aux enfants nés d’un autre mariage non pas après le décès de l’un des époux, mais du vivant des deux époux, qu’enfin, la présence d’un conjoint survivant, même si l’union a été contractée sous le régime de la séparation de biens, entraîne nécessairement pour M. Claude Y..., unique enfant et héritier réservataire de Raymond Y..., des conséquences préjudiciables quant à ses droits successoraux, la donation consentie à Mme Fleur Y... et la qualité de Mme Denise X... en vertu du testament du défunt étant sans incidence sur cette situation, de sorte que M. Claude Y... a un intérêt né et actuel à agir en nullité du mariage contracté par son père ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le prononcé de la nullité du mariage de Raymond Y... avec Mme Denise X... revêtait, à l’égard de cette dernière, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors que cette union, célébrée sans opposition, avait duré plus de vingt ans, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l’article L. 411 3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition prononçant l’annulation du mariage célébré le 17 septembre 1983 entre Raymond Y... et Mme Denise X..., ainsi qu’en sa disposition allouant une somme à M. Claude Y... sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

  • Faits
    • Le fils de l’époux avait introduit l’action en nullité du mariage, 22 ans après sa célébration, après le décès de son père, lequel avait institué son épouse légataire universelle.
    • Celle-ci avait invoqué, pour s’y opposer, une atteinte à la substance du droit au mariage garanti par l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en se fondant sur un arrêt rendu en ce sens le 13 septembre 2005 par la Cour européenne des droits de l’homme, relatif à un projet de mariage entre alliés, se prévalant de nombreuses années de vie commune.
  • Procédure
    • Dans un arrêt du 21 juin 2012, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a accueilli la demande de nullité en considérant que l’empêchement à mariage entre un beau-père et sa bru, prévu par l’article 161 du code civil, était justifié en ce qu’il répondait à des finalités légitimes de sauvegarde de l’homogénéité de la famille et qu’en l’espèce, la présence d’un conjoint survivant entraînait nécessairement des conséquences successorales préjudiciables à cet unique héritier qui, dès lors, justifiait d’un intérêt à l’annulation.
  • Solution
    • La Cour de cassation a jugé que les constatations des juges du fond étaient suffisantes pour en déduire que le droit au respect de la vie privée et familiale, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, commandait de rejeter la demande d’annulation de ce mariage, célébré sans que le ministère public ait formé opposition au mariage, alors que les pièces d’état civil qui avaient été produites par les futurs époux révélaient nécessairement la cause de l’empêchement au mariage.
  • Portée
    • En raison de son fondement, la portée de cette décision est limitée au cas particulier examiné.
    • Ainsi, le principe de la prohibition du mariage entre alliés n’est pas remis en question par cette décision de la Cour de cassation

Dans un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour de cassation a confirmé la prohibition du mariage entre alliés en ligne direct (Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016, n°15-27.201).

Au soutien de sa décision elle rappelle que « que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale »

À cet égard, elle précise « qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi »

En l’espèce, la Cour de cassation relève que :

  • D’une part, la belle-fille avait 9 ans quand son beau-père a épousé sa mère en troisièmes noces
  • D’autre part, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée

Il en résulte que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique

La Première chambre civile relève encore que l’union de la belle-fille avec son beau-père n’avait duré que huit années lorsque l’action en nullité a été engagée et qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée

Au regard de tous ces éléments, la Cour de cassation valide la décision des juges du fond qui ont pu valablement déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la belle-fille au regard du but légitime poursuivi.

Cass. 1ère civ. 8 déc. 2016
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 décembre 2014), que Pierre Y..., né le 10 janvier 1925, et Mme Z..., née le 6 juillet 1949, se sont mariés le 28 janvier 1984 ; qu’après leur divorce, prononcé par jugement du 13 décembre 2000, Pierre Y... a épousé, le 12 janvier 2002, Mme X..., fille de Mme Z..., née le 24 avril 1975 d’une précédente union ; qu’après le décès de Pierre Y..., le 5 avril 2010, Mme Anne Y..., épouse A... et MM. Philippe, Jacques et Frédéric Y... (les consorts Y...) ont assigné Mme X... aux fins de voir prononcer, sur le fondement de l’article 161 du code civil, l’annulation de son mariage avec leur père et beau-père ; que, Mme X... ayant été placée sous curatelle renforcée en cours de procédure, son curateur, l’ATMP du Var, est intervenu à l’instance ;

Attendu que Mme X... et l’ATMP du Var font grief à l’arrêt de prononcer l’annulation du mariage et, en conséquence, de rejeter leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe, après la dissolution par divorce de la première union qui avait été contractée par l’un des deux alliés avec le parent du second, porte une atteinte disproportionnée au droit du mariage ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand l’empêchement à mariage entre alliés en ligne directe, qui peut néanmoins être célébré en vertu d’une dispense si celui qui a créé l’alliance est décédé et ne repose pas sur l’interdiction de l’inceste, inexistant entre personnes non liées par le sang, porte une atteinte disproportionnée au droit au mariage, la cour d’appel a violé l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

2°/ que le prononcé de la nullité du mariage célébré entre anciens alliés en ligne directe est susceptible de revêtir, à leur égard, le caractère d’une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de la vie privée et familiale, dès lors que leur union, célébrée sans opposition, a duré plusieurs années ; qu’en prononçant, sur le fondement de l’article 161 du code civil, la nullité du mariage célébré le 12 janvier 2002 entre Pierre Y... et Mme X..., fille de sa précédente épouse toujours en vie, quand ce mariage célébré sans opposition, avait duré pendant huit années, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 161 du code civil, en ligne directe, le mariage est prohibé entre tous les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne ; que, selon l’article 184 du même code, tout mariage contracté en contravention à ces dispositions peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, par tous ceux qui y ont intérêt ;

Qu’aux termes de l’article 12 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit ;

Que, selon la Cour européenne des droits de l’homme, si l’exercice de ce droit est soumis aux lois nationales des Etats contractants, les limitations en résultant ne doivent pas le restreindre ou le réduire d’une manière ou à un degré qui l’atteindraient dans sa substance même ; qu’il en résulte que les conditions requises pour se marier dans les différentes législations nationales ne relèvent pas entièrement de la marge d’appréciation des Etats contractants car, si tel était le cas, ceux-ci pourraient interdire complètement, en pratique, l’exercice du droit au mariage ;

Que, cependant, le droit de Mme X... et Pierre Y... de se marier n’a pas été atteint, dès lors que leur mariage a été célébré sans opposition et qu’ils ont vécu maritalement jusqu’au décès de l’époux ; qu’en annulant le mariage, la cour d’appel n’a donc pas méconnu les exigences conventionnelles résultant du texte susvisé ;

Attendu, en second lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ;

Que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l’annulation d’un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu’elle vise à sauvegarder l’intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d’une modification de la structure familiale ;

Qu’il appartient toutefois au juge d’apprécier si, concrètement, dans l’affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ;

Attendu que l’arrêt relève, d’abord, que Mme X... avait 9 ans quand Pierre Y... a épousé sa mère en troisièmes noces, qu’elle avait 25 ans lorsque ces derniers ont divorcé et 27 ans lorsque son beau-père l’a épousée ; qu’il en déduit que l’intéressée a vécu, alors qu’elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu’elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu’elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique ; qu’il constate, ensuite, que son union avec Pierre Y... n’avait duré que huit années lorsque les consorts Y... ont saisi les premiers juges aux fins d’annulation ; qu’il relève, enfin, qu’aucun enfant n’est issu de cette union prohibée ; que de ces constatations et énonciations, la cour d’appel a pu déduire que l’annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X..., au regard du but légitime poursuivi ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi ;

B) La prohibition de l’inceste en ligne collatérale

L’article 162 du Code civil prévoit encore que « en ligne collatérale, le mariage est prohibé, entre le frère et la sœur, entre frères et entre sœurs »

L’article 163 du Code civil ajoute que « le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce. »

Ainsi, il ne peut y avoir de mariage à peine de nullité :

==> Entre collatéraux

La ligne collatérale est celle des parents qui ne descendent pas les uns des autres mais d’un auteur commun.

Le degré correspond à un intervalle séparant deux générations et servant à calculer la proximité de la parenté, chaque génération comptant pour un degré

L’article 741 du Code civil dispose que « la proximité de parenté s’établit par le nombre de générations ; chaque génération s’appelle un degré. »

L’interdiction s’étend aux degrés suivants :

  • Au deuxième degré
    • Entre frères et sœurs, sans qu’il y ait lieu de distinguer s’ils sont germains, consanguins ou utérins.

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  • Au troisième degré
    • Le mariage est prohibé entre l’oncle et la nièce ou le neveu, et entre la tante et le neveu ou la nièce

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  • Au quatrième degré
    • Très tôt la question s’est posée de savoir s’il convenait d’étendre la prohibition de l’inceste au quatrième degré et plus particulièrement entre grand-oncle et petite-nièce et grand-tante et petit-neveu
    • Dans un avis du 23 avril 1808, le Conseil d’État répondit par la négative à cette question validant le mariage entre les personnes visées.
    • Toutefois, cet avis fut immédiatement réprouvé par l’Empereur qui, aux termes d’une décision publiée au Bulletins des lois du 7 mai 1808, arrêta que « le mariage entre un grand-oncle et sa petite-nièce ne peut avoir lieu qu’en conséquence de dispenses accordées conformément à ce qui est prescrit par l’article 164 du Code civil…».
    • Cette position a été confirmée, 70 ans plus tard, par la Cour de cassation dans un arrêt du 28 novembre 1877 ( req. 28 nov. 1877).

Schéma 5.JPG

C) Les dispenses

Deux sortes d’empêchements doivent être distinguées en matière de prohibition de l’inceste :

  • Les empêchements absolus qui ne peuvent faire l’objet d’aucune dispense
  • Les empêchements relatifs qui peuvent être levés au moyen d’une dispense

==> Les empêchements absolus

Il s’agit de tous ceux pour lesquels aucune dispense n’est prévue. Il en va ainsi de l’interdiction à mariage notamment entre :

  • Parents en ligne directe
  • Alliés en ligne directe
  • Frères et sœurs

==> Les empêchements relatifs

Il s’agit de toutes les interdictions à mariage pour lesquelles le législateur a prévu une dispense.

L’article 164 du Code civil prévoit qu’il est loisible au Président de la République de lever, pour des causes graves, les prohibitions portées :

  • Par l’article 161 aux mariages entre alliés en ligne directe lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée ;
  • Par l’article 163, soit les interdictions à mariage qui intéressent l’oncle et la nièce, la tante et le neveu.

L’article 366, al. 7 dispose encore que la prohibition au mariage portée entre l’adopté et le conjoint de l’adoptant ; réciproquement entre l’adoptant et le conjoint de l’adopté peut être levée dans les mêmes conditions lorsque la personne qui a créé l’alliance est décédée.

La dispense ne pourra être obtenue qu’à la condition de justifier d’un motif grave. L’examen de la jurisprudence révèle que l’intérêt de l’enfant né ou à naître est l’une des principales causes d’obtention d’une dispense.

Mariage: l’abandon de la condition relative à la différence de sexe

Aux termes de l’article 143 du Code civil « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe. »

Ainsi, le mariage n’est-il plus réservé aux seuls couples hétérosexuels, comme cela a été le cas jusqu’à la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dite loi Taubira.

L’adoption de cette loi, qui a été présentée comme visant à lutter contre les discriminations et à reconnaître de nouveaux droits, met un terme au long débat jurisprudentiel, d’où il est ressorti que, si aucune norme constitutionnelle, internationale ou européenne n’impose d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, aucune de ces normes de l’interdit.

Aussi, le législateur a-t-il été invité par les juridictions nationales à prendre ses responsabilités en se prononçant sur l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

==> L’arrêt de la Cour de cassation du 13 mars 2007

L’un des éléments déclencheurs du mouvement tendant à la reconnaissance du « mariage pour tous » est, sans aucun doute, le mariage célébré entre deux hommes, le 5 juin 2004, par Noël Mamère, alors maire de la commune de Bègles en Gironde.

Cet évènement, porté sur le devant de la scène à grand renfort de médias a été l’occasion pour les tribunaux français de préciser la portée des articles du code civil relatifs au mariage.

Par jugement du 27 juillet 2004, le mariage célébré en violation de l’article 144 du Code civil a été annulé.

Cette décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 19 avril 2005 (CA Bordeaux, 19 avr. 2005, n° 04/04683).

Les juges ont estimé, dans cette décision, qu’il n’existe « dans les textes fondamentaux européens et dans la jurisprudence européenne aucune contradiction avec la législation française interne relative au mariage, laquelle ne concerne que des personnes de sexe différent. Comme le premier juge, la cour considère que la différence de sexe est une condition de l’existence même du mariage, condition non remplie dans le cas de l’acte relatif à Stéphane C. et Bertrand C.. La célébration organisée par eux le 5 juin 2004 devant l’officier d’état civil de Bègles ne peut être considérée comme un mariage. Ainsi que le soutient le ministère public, l’acte qui en a été dressé n’a pas d’existence juridique et son écriture doit être annulée, avec transcription en marge de l’acte de naissance des intéressés et de l’acte lui-même ».

Pour aboutir à cette solution, ils se réfèrent notamment au Discours préliminaire sur le Projet de Code civil rédigé par Portalis lequel écrivait en 1804 que :

« on ne doit point céder à des prétentions aveugles. Tout ce qui est ancien a été nouveau… nous sommes convaincus que le mariage, qui existait avant l’établissement du christianisme, qui a précédé toute loi positive, et qui dérive de la constitution même de notre être, n’est ni un acte civil, ni un acte religieux, mais un acte naturel qui a fixé l’attention des législateurs… le rapprochement de deux sexes que la nature n’a faits si différents que pour les unir, a bientôt des effets sensibles. La femme devient mère… l’éducation des enfants exige, pendant une longue suite d’années, les soins communs des auteurs de leurs jours… Tel est le mariage, considéré en lui-même et dans ses effets naturels, indépendamment de toute loi positive. Il nous offre l’idée fondamentale d’un contrat proprement dit… ce contrat, d’après les observations que nous venons de présenter, soumet les époux, l’un envers l’autre, à des obligations respectives, comme il les soumet à des obligations communes envers ceux auxquels ils ont donné l’être, les lois de tous les peuples policés ont cru devoir établir des formes qui puissent faire reconnaître ceux qui sont tenus à ces obligations. Nous avons déterminé ces formes ».

Ainsi donc, comme le premier juge, la cour d’appel en conclut qu’en droit interne français le mariage est une institution visant à l’union de deux personnes de sexe différent, leur permettant de fonder une famille appelée légitime.

La notion sexuée de mari et femme est l’écho de la notion sexuée de père et mère. Cette différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage.

Pour cette raison, le mariage contracté entre deux personnes de même sexe doit être annulé.

Par un arrêt du 13 mars 2007, la Cour de cassation a validé l’arrêt rendu par la Cour de d’appel de Bordeaux le 19 avril 2005 (Cass. 1ère civ. 13 mars 2007, n°05-16.627).

La première chambre civile a considéré que « selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ».

Lors de l’audience de la première chambre civile de la Cour de cassation, l’avocat général avait déclaré que, compte tenu des enjeux de société importants et de la dimension politique des réponses pouvant être apportées à la question, « abandonner à la seule autorité judiciaire le soin de se prononcer (…) paraît exiger du juge qu’il accomplisse une tâche excédant les limites permises de son action ».

Cass. 1ère civ. 13 mars 2007
Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Bordeaux, 19 avril 2005), que, malgré l’opposition notifiée le 27 mai 2004 par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux, le maire de la commune de Bègles, en sa qualité d’officier d’état civil, a procédé, le 5 juin 2004, au mariage de MM. X... et Y... et l’a transcrit sur les registres de l’état civil ; que cet acte a été annulé, avec mention en marge des actes de naissance des intéressés ;

Sur le second moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l’arrêt d’avoir annulé l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, avec transcription en marge de cet acte et de leur acte de naissance, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en retenant que la différence de sexe constitue en droit interne français une condition de l’existence du mariage, cependant que cette condition est étrangère aux articles 75 et 144 du code civil, que le premier de ces textes n’impose pas de formule sacramentelle à l’échange des consentements des époux faisant référence expressément aux termes "mari et femme", la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°/ qu’il y a atteinte grave à la vie privée garantie par l’article 8 de la Convention lorsque le droit interne est incompatible avec un aspect important de l’identité personnelle du requérant ; que le droit pour chaque individu d’établir les détails de son identité d’être humain est protégé, y compris le droit pour chacun, indépendamment de son sexe et de son orientation sexuelle, d’avoir libre choix et libre accès au mariage ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que par l’article 12 de la Convention se trouve garanti le droit fondamental de se marier et de fonder une famille ; que le second aspect n’est pas une condition du premier, et l’incapacité pour un couple de concevoir ou d’élever un enfant ne saurait en soi passer pour le priver du droit visé par la première branche de la disposition en cause ; qu’en excluant les couples de même sexe, que la nature n’a pas créés potentiellement féconds, de l’institution du mariage, cependant que cette réalité biologique ne saurait en soi passer pour priver ces couples du droit de se marier, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

4°/ alors que si l’article 12 de la Convention vise expressément le droit pour un homme et une femme de se marier, ces termes n’impliquent pas obligatoirement que les époux soient de sexe différent, sous peine de priver les homosexuels, en toutes circonstances, du droit de se marier ; qu’en excluant les couples de même sexe de l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé les articles 12 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le libellé de l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’écarte délibérément de celui de l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme en ce qu’il garantit le droit de se marier sans référence à l’homme et à la femme ; qu’en retenant que les couples de même sexe ne seraient pas concernés par l’institution du mariage, et en annulant l’acte de mariage dressé le 5 juin 2004, la cour d’appel a violé l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

Mais attendu que, selon la loi française, le mariage est l’union d’un homme et d’une femme ; que ce principe n’est contredit par aucune des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne qui n’a pas en France de force obligatoire ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Par la suite, ni le Conseil constitutionnel, ni la Cour européenne des droits de l’homme n’ont jugé que l’interdiction faite aujourd’hui par notre législation aux couples de personnes de même sexe de se marier était contraire à la Constitution ou à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.

==> La décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011

En janvier 2011, le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, posée par deux femmes – Corinne C. et Sophie H. – qui désiraient se marier ensemble (Décision n° 2010-92 QPC du 28 janvier 2011).

Elles entendaient contester la constitutionnalité du dernier alinéa de l’article 75 du Code civil aux termes duquel l’officier d’état civil « recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour époux : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ. »

La question prioritaire de constitutionnalité portait également sur la conformité de l’article 144 du Code civil qui, en son temps, prévoit que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».

Selon les requérantes, l’interdiction du mariage entre personnes du même sexe et l’absence de toute faculté de dérogation judiciaire porteraient atteinte à l’article 66 de la Constitution et à la liberté du mariage.

L’ouverture du mariage aux seuls couples hétérosexuels méconnaitrait, en outre, le droit de mener une vie familiale normale et l’égalité devant la loi.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel répond, en substance, que conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au seul législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

Les juges de la rue de Montpensier ajoutent que le Conseil constitutionnel n’est nullement investi d’un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, en conséquence de quoi il est incompétent pour se prononcer sur les choix du législateur, dès lors qu’ils sont conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.

En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel considère que, si le dernier alinéa de l’article 75 et l’article 144 du code civil ne font pas obstacle à la liberté des couples de même sexe de vivre en concubinage dans les conditions définies par l’article 515-8 de ce code ou de bénéficier du cadre juridique du pacte civil de solidarité régi par ses articles 515-1 et suivants, il n’en demeure pas moins que le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe

En dernier lieu, il affirme que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Aussi, en déduit-il qu’en maintenant le principe selon lequel le mariage est l’union d’un homme et d’une femme, le législateur a, dans l’exercice de la compétence que lui attribue l’article 34 de la Constitution, estimé que la différence de situation entre les couples de même sexe et les couples composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement quant aux règles du droit de la famille

En conséquence, il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, de cette différence de situation ; que, par suite, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la Déclaration de 1789 doit être écarté ;

La position du Conseil constitutionnel a été confirmée par la Cour européenne des droits de l’Homme.

==> Décision de la Cour européenne des droits de l’Homme du 24 juin 2010

Dans un arrêt Schalk et Kopf c/ Autriche du 24 juin 2010, la Cour européenne des droits de l’homme, relevant l’absence de consensus des États membres du Conseil de l’Europe sur ce point, a jugé que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme n’imposait pas aux États parties l’obligation de permettre le mariage des couples homosexuels.

Elle relève que « à ce jour, pas plus de six sur quarante-sept États parties à la convention autorisent un tel mariage ».

Elle observe encore que « le mariage possède des connotations sociales et culturelles profondément enracinées susceptibles de différer notablement d’une société à une autre. Elle rappelle qu’elle ne doit pas se hâter de substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales, qui sont les mieux placées pour apprécier les besoins de la société et y répondre ».

Pour cette raison, elle refuse ainsi d’imposer aux États parties d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe.

La Cour a en outre rejeté le grief selon lequel l’interdiction du mariage entre les deux requérants emportait une discrimination non justifiée, au motif que l’Autriche a depuis lors mis en place un système de « partenariat enregistré » emportant pour les partenaires des droits comparables à ceux des époux.

Aussi, dans la mesure où « les requérants peuvent désormais conclure un partenariat enregistré, la Cour n’a pas à rechercher si l’absence de reconnaissance juridique des couples homosexuels aurait emporté violation de l’article 14 combiné avec l’article 8 si telle était encore la situation ».

Dans le droit fil de cette décision, la Cour européenne des droits de l’Homme a, dans un autre arrêt (Gas et Dubois c/ France) du 15 mars 2012 rejeté l’argument d’une discrimination entre les couples mariés qui peuvent adopter l’enfant du conjoint et les couples non mariés, notamment de même sexe, qui se voient refuser ce droit, sur le fondement de l’article 365 du code civil.

La Cour a estimé, comme dans l’arrêt précédemment cité, que le mariage conférait « un statut particulier à ceux qui s’y engagent, que l’exercice du droit de se marier était protégé par l’article 12 de la Convention et emporte des conséquences sociales, personnelles et juridiques, et que par conséquent, on ne saurait considérer, en matière d’adoption par le second parent, que les requérantes se trouvent dans une situation juridique comparable à celle des couples mariés ».

La Cour en conclut que les requérantes ne se trouvent pas dans une situation comparable à celle d’un couple marié.

==> Les conventions internationales

Ni la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, ni le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 16 décembre 1966, n’interdisent le mariage des couples de même sexe, même s’ils ne le prévoient pas expressément.

C’est ainsi que de nombreux pays ont déjà pu procéder à cette ouverture, sans contrevenir à leurs engagements internationaux.

De la même manière, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des Libertés fondamentales, dont l’article 12 relatif au « droit au mariage » précise qu’« à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit », ne fait pas obstacle à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.

Ainsi, dans l’affaire Schalk et Kopf c/ Autriche précitée, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé le contexte historique dans lequel la Convention a été adoptée, période au cours de laquelle le mariage était exclusivement compris comme visant l’union d’un homme et d’une femme (§ 55), puis elle a estimé que l’article 12 de la Convention n’interdisait pas le mariage des personnes de même sexe (§ 61) – avant de préciser que rien n’oblige non plus les États parties à légiférer en ce sens.

La Cour s’est aussi fondée sur l’article 9 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, relatif au « Droit de se marier et de fonder une famille » qui précise que « le droit de se marier et le droit de fonder une famille sont garantis selon les lois nationales qui en régissent l’exercice ».

La mention de l’homme et de la femme ne figure ainsi pas à cet article, les rédacteurs ayant tiré les conséquences de l’ouverture envisagée par certains pays du mariage entre personnes de même sexe. Le renvoi aux « lois nationales » permet ainsi de tenir compte de la diversité des législations sur le mariage.

En conclusion, si aucune jurisprudence, ni aucune norme supérieure ne contraignent le législateur français à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe – à tout le moins en l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui pourrait évoluer à terme si un plus grand nombre d’États européens ouvrait ce droit – aucune norme internationale, européenne ou constitutionnelle ne s’oppose à ce que le législateur décide de le faire aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle, lors de l’adoption de la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe le législateur n’a rencontré aucun véritable juridique.

De toute évidence, cette loi opère un changement majeur dans l’ordonnancement juridique, ne serait-ce que parce qu’elle confère aux familles homoparentales un statut juridique, alors que, auparavant, elles existaient sans que les droits du parent social – dépourvu de lien de filiation avec l’enfant – ne soient reconnus.