==>La désignation du Juge de la mise en état
En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :
- Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
- Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
- Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
- Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
- Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
- En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
- Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
- En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
- Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
- En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
- Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
- Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.
==>Les missions du Juge de la mise en état
La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »
Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :
- Premier objectif
- Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
- Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
- L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
- L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
- Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
- Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
- À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
- Second objectif
- L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
- Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
- Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
- Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.
Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.
Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.
Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.
Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.
À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.
Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.
Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.
À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :
- Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
- Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
- L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
- La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
- Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
- Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
- À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
- Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
- Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement
I) Les pouvoirs d’administration judiciaire
A) Fixation du calendrier procédural
Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.
Il peut être le produit :
- Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
- Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes
1. La fixation unilatérale du calendrier procédural
==>La fixation de délais
L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »
Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :
- D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
- D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.
Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.
Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.
Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.
En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.
Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.
==>L’octroi de prorogations
Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).
Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.
Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.
==>Les injonctions
Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.
L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.
Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.
==>Les sanctions
En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :
- La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
- L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
- On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
- Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
- Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
- La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
- La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
- Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
- La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
- Principe
- L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
- L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
- Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
- Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
- Effets
- La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
- Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
- L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
- En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
- Régime
- En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
- Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
- D’une part, de provoquer l’avis des avocats
- D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.
- Principe
2. La fixation concertée du calendrier procédural
L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »
L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »
S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.
L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».
Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.
Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.
Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.
Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.
En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.
L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.
Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.
B) L’orientation du procès
Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.
À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.
==>Sur l’orientation du procès quant à son organisation
- La jonction et la disjonction d’instance
- L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
- La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
- L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
- Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
- Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
- Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
- L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
- L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
- Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
- Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
- La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
- La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
- L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
- L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
- Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
- Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
- L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
- En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
- La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
- Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
- Désigner un médiateur
- Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
- Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
- Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
- La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.
==>Sur l’orientation du procès quant à son contenu
- L’invitation des parties à préciser leurs positions
- L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
- Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
- Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
- De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
- L’invitation des parties à communiquer des pièces
- Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
- Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
- À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
- L’audition des parties
- Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
- En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
- Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible
II) Les pouvoirs juridictionnels
Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.
Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.
Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories
- Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
- Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal
Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.
A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.
Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.
Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.
En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.
Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés
1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état
On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :
==>Les pouvoirs relatifs à la production de pièces
L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »
Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.
Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).
Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).
Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).
==>Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction
L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »
De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.
En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »
L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.
Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.
Ces mesures peuvent consister en :
- La désignation d’un expert
- La désignation d’un huissier de justice
- La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers
L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.
Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.
Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.
Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
==>Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem
L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.
L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise
==>Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles
L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »
Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005
- S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
- S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.
Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.
2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés
À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.
Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.
Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.
L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.
Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).
Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.
Sous l’empire du droit antérieur, l’article 789 du CPC précisait que le juge de la mise en état ne pouvait emprunter au juge des référés ses pouvoirs que « postérieurement » à sa désignation.
Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 a substitué cet adverbe par la locution « à compter de ». Il s’agissait là, selon le législateur, de clarifier la règle qui reste inchangée.
Ce qu’il faut, en effet, retenir c’est que dès lors que le juge de la mise en état est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.
En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :
==>Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.
Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.
La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».
L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.
En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.
La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.
À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :
- Soit de trancher une question relative au statut des personnes
- Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
- Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique
Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.
D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.
Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.
Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».
À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »
La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.
En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.
==>Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires
L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »
Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.
Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.
La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.
Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.
Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.
La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».
B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal
Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.
Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.
Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.
Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.
1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance
a. Principe
L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »
Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.
i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état
L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »
Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.
L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.
L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).
Au nombre des exceptions de procédure figurent :
- Les exceptions d’incompétence
- Les exceptions de litispendance et de connexité
- Les exceptions dilatoires
- Les exceptions de nullité
Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.
Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).
S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.
ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état
Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.
Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.
Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :
==>La jonction et la disjonction d’instances
Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.
Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).
Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.
==>L’interruption de l’instance
Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.
- Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
- La majorité d’une partie
- La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
- L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
- La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
- Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
- Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
- la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
- Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).
==>La suspension de l’instance
L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.
Tel est le cas pour :
- Le sursis à statuer
- La radiation de l’affaire
- Le retrait du rôle
==>L’extinction de l’instance
Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.
Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.
Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).
Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.
L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).
- Péremption d’instance
- L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
- En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
- Désistement d’instance
- Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
- Acquiescement à la demande
- L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
- À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
- L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
- Caducité de la citation
- Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
- Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.
Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.
b. Régime
i. Le monopole du Juge de la mise en état
En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction».
Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.
Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état»[1].
ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état
L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.
Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?
Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.
Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.
- Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
- Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
- Principe
- L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
- Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
- Exceptions
- Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
- Soit à la demande des parties
- L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
- Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
- Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
- Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
- Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
- Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
- Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
- Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
- Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
- Soit à la demande des parties
- Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
- Principe
- Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
- Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
- Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
- Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
- Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
- Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
- Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
- Premier enseignement
- Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
- Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
- Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
- Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
- Deuxième enseignement
- Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
- Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
- En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
- Troisième enseignement
- Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
- A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
- Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
- L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
- Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
- Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
- Premier enseignement
- Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
- Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
- Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
- Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
- Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).
2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir
L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».
La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).
Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.
Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :
- Le défaut de qualité
- Le défaut d’intérêt
- La prescription
- Délai préfix
- Chose jugée
Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
a. Droit antérieur
Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.
On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.
Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».
Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.
Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)
Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».
Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.
En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.
Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.
L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.
Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?
Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.
À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.
La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.
Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».
« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.
Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.
Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »
Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).
Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).
Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).
Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir
b. Réforme de la procédure civile
b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état
L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »
Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.
Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.
Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »
Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.
b.2 Régime
i. Le monopole du Juge de la mise en état
En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».
Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.
Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].
ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état
L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.
Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?
Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.
Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.
- Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
- Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
- Principe
- L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
- Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
- Exceptions
- Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
- Soit à la demande des parties
- L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
- Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
- Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
- Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
- Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
- Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
- Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
- Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
- Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
- Soit à la demande des parties
- Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
- Principe
- Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
- Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
- Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
- Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
- Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
- Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
- Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
- Premier enseignement
- Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
- Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
- Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
- Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
- Deuxième enseignement
- Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
- Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
- En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
- Troisième enseignement
- Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
- A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
- Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
- L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
- Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
- Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
- Premier enseignement
- Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
- Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
- Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
- Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
- Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).
M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?