Les pouvoirs du Juge de la mise en état

==>La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

==>Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

==>La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

==>L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

==>Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

==>Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

==>Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

==>Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

==>Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

==>Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

==>Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

==>Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

Sous l’empire du droit antérieur, l’article 789 du CPC précisait que le juge de la mise en état ne pouvait emprunter au juge des référés ses pouvoirs que « postérieurement » à sa désignation.

Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 a substitué cet adverbe par la locution « à compter de ». Il s’agissait là, selon le législateur, de clarifier la règle qui reste inchangée.

Ce qu’il faut, en effet, retenir c’est que dès lors que le juge de la mise en état  est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

==>Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

==>Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

==>La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

==>L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

==>La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

==>L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état»[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Une première réponse à cette question a été apportée par le décret du 11 décembre 2019.

Considérant toutefois que le dispositif mis en place par ce texte n’était pas satisfaisant, un nouveau décret a été adopté le 3 juillet 2024 afin de remédier aux difficultés dénoncées par les avocats et magistrat.

  • Le dispositif (abrogé) mis en place par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019
    • Ce dispositif reposait sur un principe assorti d’exceptions :
      • Principe
        • L’ancien article 789, al. 2 du CPC disposait que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voyait-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépendait l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir pouvait être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 disposait que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui avait vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précisait que le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invitait alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estimait pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle pouvait renvoyer l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement pouvait également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estimait nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi était insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estimait qu’il n’était pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle pouvait renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
  • Le dispositif (en vigueur) mis en place par le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024
    • Si la réforme opérée par le décret du 11 décembre 2019 avait pour objectif – affiché – d’éviter de prolonger inutilement une instance longue et coûteuse dans le cas où une cause d’irrecevabilité conduisait à l’extinction de l’instance, l’application du texte s’est révélée créatrice d’un certain nombre de difficultés dénoncées par magistrats et avocats.
    • Alors que le dispositif mis en place cherchait, dans l’intérêt des justiciables, à rationaliser le temps de l’instance, il conduisait, au contraire, dans certaines affaires, à un rallongement du temps de la procédure, notamment en raison de fins de non-recevoir soulevées tardivement et d’appels immédiats d’ordonnances statuant sur ces fins de non-recevoir.
    • Le décret n°2024-673 du 3 juillet 2024 dit « Magicobus » (en référence au bus magique qui sillonne les rues de Londres dans le film Harry Potter) a été adopté aux fins de remédier à ces difficultés tout en conservant l’objectif de rationalisation du traitement des fins de non-recevoir. Dans cette perspective, il ne revient pas au droit antérieur à la réforme du 11 décembre 2019, mais opère un certain nombre de changements.
    • Désormais l’article 789, al. 2e du CPC prévoit que « par dérogation au premier alinéa, s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie, le juge de la mise en état peut décider que la fin de non-recevoir sera examinée à l’issue de l’instruction par la formation de jugement appelée à statuer sur le fond. »
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle disposition :
      • Premier enseignement
        • Sous l’empire du décret du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état ne pouvait prononcer un renvoi devant la formation de jugement que lorsque l’examen de la fin de non-recevoir nécessitait que soit tranchée au préalable une question de fond.
        • Désormais, ce renvoi peut être réalisé par le Juge de la mise en état de façon plus large.
        • Il peut, en effet, renvoyer l’affaire « s’il estime que la complexité du moyen soulevé ou l’état d’avancement de l’instruction le justifie».
        • Il y a là manifestement une extension du pouvoir du juge de la mise en état.
      • Deuxième enseignement
        • Le système de la navette en cours de mise en état entre le juge de la mise en état et la formation de jugement statuant de manière collégiale est supprimé.
        • Il est en effet apparu que l’article L. 212-1 du code de l’organisation judiciaire était à lui seul suffisant pour soustraire au juge de la mise en état, en cas d’opposition d’une des parties, la connaissance des questions de fond, qui relève normalement de la formation collégiale du tribunal judiciaire.
        • En outre, indépendamment des hypothèses visées à l’article L. 212-1 précité, le juge de la mise en état pourra décider que la question de fond dont dépend l’examen de la fin de non-recevoir sera tranchée par la formation de jugement à l’issue de l’instruction dans le cas où il estime que cette question de fond préalable est complexe.
      • Troisième enseignement
        • Le renvoi de l’examen de la fin de non-recevoir devant la formation de jugement est laissé à la seule appréciation du juge de la mise en l’état, étant précisé qu’il s’agit là d’une simple faculté.
        • A cet égard, il pourra décider que l’examen de la fin de non-recevoir n’interviendra qu’à l’issue de la phase d’instruction de l’affaire.
        • Cette marge d’appréciation donnée au juge de la mise en état tend à resserrer le temps de traitement des affaires et introduit une souplesse permettant d’apporter une réponse adaptée et proportionnée à la particularité de chaque dossier.
        • L’article 789, al. 3 du CPC précise que « la décision du juge de la mise en état, qui constitue une mesure d’administration judiciaire, est prise par mention au dossier. Avis en est donné aux avocats».
        • Ce renvoi devant la formation de jugement suppose dès lors que les parties développent le moyen tiré de la fin de non-recevoir dans leurs conclusions au fond.
        • Les conclusions qui lui seront adressées devront donc contenir à la fois les développements sur la fin de non-recevoir renvoyée et les moyens de défense au fond.
    • Il peut être observé que le régime des fins de non-recevoir est dorénavant aligné sur celui des exceptions d’incompétence nécessitant de trancher au préalable une question de fond, prévu par l’article 79.
    • Le décret du 3 juillet 2024 a, en effet, enrichi l’article 125 d’un troisième alinéa qui prévoit que « lorsqu’une fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir dans le même jugement, mais par des dispositions distinctes. Sa décision a l’autorité de la chose jugée relativement à la question de fond et à la fin de non-recevoir».
    • Il ressort de cette nouvelle disposition, qui s’applique devant toutes les juridictions, que la possibilité de trancher au préalable une question de fond dont dépend l’examen d’une fin de non-recevoir devient une règle générale ; il ne s’agit plus d’un pouvoir que détiendrait seul le juge de la mise en état.
    • Enfin, il y a lieu de noter que, afin d’éviter les appels dilatoires concernant des ordonnances du juge de la mise en état rejetant une fin de non-recevoir, l’appel-immédiat est dans cette hypothèse supprimé.
    • Seules les ordonnances qui, en statuant sur une fin de non-recevoir, auront mis fin à l’instance pourront faire l’objet d’un appel immédiat (art. 795, 2° CPC).
  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

RGPD: le droit de rectification

Tandis que pèse sur le responsable du traitement un certain nombre d’obligations, la personne concernée jouit de plusieurs droits qui lui conférés par la loi informatique et libertés et le RGPD.

Au nombre de ces droits figurent le droit de rectification des données à caractère personnel.

Le droit de rectification est le pendant de l’obligation qui échoit au responsable du traitement de traiter, en application de l’article 6, 4° de la LIL, des données à caractère personnel « exactes, complètes, si nécessaire, mises à jour ».

Pour assurer le respect de cette obligation, il appartient au responsable du traitement de « prendre les mesures appropriées pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ».

A cet égard, dans une délibération du 1er mars 2016, la CNIL a précisé que « l’article 6-4° consiste sans ambiguïté en une obligation de résultat en ce qu’il impose au responsable de traitement de garantir l’exactitude des données à caractère personnel qu’il traite en prenant toutes les mesures utiles afin de rectifier ou d’effacer les données inexactes. Le droit pour les personnes concernées d’obtenir du responsable de traitement la rectification ou l’effacement de données inexactes, énoncé à l’article 40 de la loi Informatique et Libertés, est le corollaire de cette obligation. Il s’agit ainsi pour ce dernier d’atteindre un objectif déterminé et non de déployer ses meilleurs efforts afin d’y parvenir » (CNIL Délib. 2016-053 du 1 mars 2016).

Reste qu’il s’infère du RGPD que l’exigence d’un traitement portant sur des données exactes et complètes est une obligation, non pas de résultat mais de moyen.

Le texte prévoit, en effet, que « toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder ».

Dans l’hypothèse où les données traitées par le responsable du traitement ne seraient pas complètes, exactes ou non actualisées, la personne concernée dispose d’un droit de rectification.

==> Le contenu du droit de rectification

L’article 16 du RGPD prévoit en ce sens que « la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes. Compte tenu des finalités du traitement, la personne concernée a le droit d’obtenir que les données à caractère personnel incomplètes soient complétées, y compris en fournissant une déclaration complémentaire ».

De son côté, l’article 40 de la LIL dispose que « toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. »

Il ressort de cette disposition que le droit de rectification est entendu par les textes dans un sens large.

Cette rectification peut, en effet, consister à appliquer plusieurs traitements sur les données visées.

Elles peuvent, en effet, être :

  • Rectifiées
  • Complétées
  • Mises à jour
  • Verrouillées

Pour ce faire, il est cependant nécessaire que ces données soient :

  • Inexactes
  • Incomplètes
  • Équivoques
  • Périmées

Dans l’hypothèse où les données visées par la demande de rectification seraient parfaitement exactes et n’auraient pas été collectées en contravention de la LIL, le responsable du traitement sera légitimement en droit de refuser de procéder à la rectification sollicitée.

==> L’exercice du droit de rectification

  • Le destinataire de la demande
    • La demande de rectification doit être adressé au responsable du traitement qui est le débiteur de l’obligation
    • Il est donc inopérant de formuler cette demande auprès de la CNIL
  • La justification de l’identité
    • Pour accéder à la demande de la personne concernée, le responsable du traitement sera fondé à exiger du demander qu’il justifie son identité.
    • Il ne devra pas, néanmoins, lui imposer des pièces justificatives qui seraient disproportionnées eu égard à la demande formulées
  • Le coût de la demande
    • L’exercice du droit de rectification est gratuit, de sorte que le demandeur ne saurait supporter aucune charge.
    • A cet égard, l’article 40, I, al. 4 de la LIL prévoit que lorsqu’il obtient une modification de l’enregistrement, l’intéressé est en droit d’obtenir le remboursement des frais correspondant au coût de la copie

==> L’exécution du droit de rectification

  • Délai
    • A réception de la demande de rectification, le responsable du traitement devra s’exécuter dans les meilleurs délais et, au plus tard, dans un délai d’un mois.
    • En cas d’absence de réponse du responsable du traitement dans le délai d’un mois à compter de la demande, la personne concernée peut saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui se prononce sur cette demande dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la réclamation.
  • Preuve
    • L’article 40, I de la LIL prévoit que lorsque l’intéressé en fait la demande, le responsable du traitement doit justifier, sans frais pour le demandeur, qu’il a procédé aux opérations exigées en vertu de l’alinéa précédent.
    • En cas de contestation, la charge de la preuve incombe au responsable auprès duquel est exercé le droit d’accès sauf lorsqu’il est établi que les données contestées ont été communiquées par l’intéressé ou avec son accord.

RGPD: le principe de finalité

==> Reconnaissance du principe

L’article 6, 2° de la loi informatique et libertés prévoit que les données à caractère personnel « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

Dans la première version de la loi, le principe de finalité n’avait pas explicitement été érigé au rang de principe, à tout le moins pas directement. Ce principe n’était qu’évoqué en ce que le détournement de la finalité du traitement était sanctionné.

En 2004, lors de la transposition – tardive – de la directive du 24 octobre 1995, le législateur s’est saisi de l’occasion pour préciser que les données doivent être collectées « pour des finalités déterminées » et ne peuvent être « traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

Ce complément majeur résulte du point b) du paragraphe 1) de l’article 6 de la directive. Il figurait déjà presque dans les mêmes termes dans la convention n° 108 du Conseil de l’Europe.

Le principe de finalité a été réaffirmé par le RGPD qui prévoit en son article 5, 1, b) que « les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités »

==> Signification du principe

Le principe de finalité est, sans aucun doute, la pierre angulaire de la loi informatique et libertés. Il signifie que, pour être licite, un traitement de données à caractère personnel doit être assorti d’une finalité.

Autrement dit, la collecte de données à caractère personnel ne peut jamais être une fin en soi. Pour être mise en œuvre, elle doit être justifiée par la poursuite d’un but déterminé. On ne peut pas se livrer à une collecte de données « au cas où ».

Lorsqu’il est procédé à un traitement de données, celui-ci doit poursuivre une finalité, laquelle finalité doit être portée à la connaissance de la personne concernée. Ainsi, le principe de finalité est étroitement lié à l’exigence de consentement qui préside au traitement de données à caractère personnel. Pour consentir à un traitement de données, encore faut-il avoir été informé de sa finalité.

Le considérant 42 du RGPD énonce en ce sens que « pour que le consentement soit éclairé, la personne concernée devrait connaître au moins l’identité du responsable du traitement et les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel. Le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix ou n’est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice ».

Dans son avis n°03/2013 du 2 avril 2013, le groupe de l’article 29 justifie le principe de finalité en indiquant qu’il répond à trois impératifs :

  • Un impératif de transparence
    • La personne dont les données sont collectées doit être informée de la finalité du traitement afin d’être en capacité d’y consentir.
    • Autrement dit, la transparence garantit la prévisibilité et permet ainsi à la personne concernée de contrôler l’usage de ses données
  • Un impératif de prévisibilité
    • Pour le groupe de l’article 29, dès lors que la finalité du traitement est déterminée, les personnes concernées peuvent savoir à quoi s’attendre, en ce sens qu’elles connaissent le traitement dont est susceptible de faire l’objet leurs données ainsi que l’étendue de ce traitement.
  • Un impératif de sécurité juridique
    • L’exigence de détermination de la finalité du traitement apporte aux personnes concernées une sécurité juridique dans la mesure où elles sont en mesure de contrôler l’usage de leurs données, notamment en exerçant leurs droits, d’accès, d’opposition, de suppression, de rectification etc.

Pratiquement, il ressort de l’article 6 de la LIL que le principe de finalité met à la charge du responsable du traitement, deux séries d’obligations qui interviennent à deux stades bien distincts du traitement :

  • Au stade de la collecte des données
  • Au stade du traitement ultérieur des données

§1 : L’exigence d’une finalité déterminée, explicite et légitime au stade de la collecte des données

Si, pour être licite, une collecte de données à caractère personnel doit être assortie d’une finalité, la satisfaction de cette condition n’est pas suffisante.

L’article 6 de la LIL exige que la finalité de la collecte soit :

  • Déterminée
  • Explicite
  • Légitime

==> Une finalité déterminée

Les données à caractère personnel doivent être collectées à des fins déterminées. Aussi, appartient-il au responsable du traitement de soigneusement analyser, le ou les buts pour lesquelles les données seront collectées.

Cette analyse doit se faire en amont de la collecte. À cet égard, le responsable du traitement, doit documenter sa démarche et être en mesure de justifier la finalité communiquée à la personne visée.

Il devra notamment veiller à ce que la finalité retenue ne soit pas trop large. Elle doit donc être clairement et précisément identifiée. Plus encore, la finalité doit être suffisamment précise pour que la personne concernée soit en mesure de savoir quelles sont les utilisations incluses et exclues de ses données par le responsable du traitement.

Le G29 considère, par exemple, qu’une finalité est très vague ou générale lorsqu’elle est présentée comme consistant à « améliorer l’expérience utilisateur » ou qu’elle est exposée sous le terme « finalité marketing » ou encore « finalité sécurité IT ».

Au vrai, le degré de précision de la finalité annoncée dépend du contexte particulier dans lequel les données sont collectées et de la complexité du traitement.

==> Une finalité explicite

En plus d’être déterminée, la finalité du traitement doit être explicite. Elle doit, autrement dit, être clairement révélée et exprimée de façon intelligible.

L’explicitation de la finalité doit intervenir, selon le Groupe de l’article 69, au plus tard, au moment de la collecte des données.

L’objectif de cette exigence est de garantir la bonne compréhension du but poursuivi par le responsable du traitement, lequel ne saurait être imprécis ou ambiguë.

La finalité annoncée doit, en somme, être suffisamment explicite pour que la personne concernée comprenne l’intention du responsable du traitement.

==> Une finalité légitime

Selon le Groupe de l’article 29 pour que la finalité d’un traitement de données soit légitime, il est nécessaire que, à tous les stades et à tout moment, celui-ci repose :

  • Soit sur le consentement de la personne concernée
  • Soit sur l’un des cas prévus par dérogation à l’exigence de consentement (art. 7 de la LIL)

L’exigence de légitimité signifie encore que les finalités du traitement soient conformes à la loi. Il peut donc s’agir de respecter une réglementation différente de celle posée par la LIL.

Pour apprécier la légitimité de la finalité, pourront ainsi être pris en compte, le droit du travail, le droit de la consommation, la jurisprudence, la coutume, la déontologie.

§2 : L’exigence de compatibilité du traitement ultérieur avec la finalité initiale de la collecte des données

Le principe de finalité n’a pas seulement vocation à s’appliquer au stade de la collecte des données à caractère personnel, il doit également être respecté en cas de traitement ultérieur.

Plus précisément, l’article 6 de la LIL pose une exigence de compatibilité entre la finalité de la collecte et celle des traitements futurs.

Pour écarter le risque d’un usage injustifié, même décalé dans le temps, ce texte pose ainsi un principe d’interdiction de tout traitement ultérieur des données « incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées ».

Une exception est néanmoins prévue au profit des traitements réalisés à des fins statistiques ou scientifiques ou historiques, sous réserve qu’ils respectent les conditions de licéité.

I) Le principe

C’est donc l’interdiction de tout traitement ultérieur des données « incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées ».

On peut en déduire que le traitement de données à caractère personnel pour d’autres finalités que celles pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées initialement n’est autorisé que s’il est compatible avec les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées initialement.

Dans ce cas, aucune base juridique distincte de celle qui a permis la collecte des données à caractère personnel n’est requise.

Lorsque, en revanche, le traitement ultérieur incompatible, il conviendra de fonder le traitement sur un nouveau fondement juridique, ce qui pourrait consister, par exemple, à solliciter le consentement de la personne visée.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de compatibilité du traitement ultérieur avec les finalités initiales de la collecte.

Pour le déterminer, il convient de se reporter au test de compatibilité établi par le Groupe de l’article 29 et aux critères posés par le RGPD

A) Le test de compatibilité établir par le Groupe de l’article 29

  1. La méthode

Afin de déterminer si un traitement ultérieur de données est compatible avec la finalité initiale de leur collecte, le Groupe de l’article 29 suggère de procéder à deux sortes d’évaluations :

  • Une évaluation formelle
    • Elle consistera à comparer les finalités initialement déclarées par le responsable du traitement dans le cadre de l’information fournie à la personne concernée, à celles poursuivies ultérieurement et vérifier que ces dernières sont couvertes implicitement ou explicitement.
    • Cette première méthode peut sembler, à première vue, des plus objectives et neutres.
    • Toutefois, elle risque d’être trop rigide, en ce qu’elle se limite à une analyse seulement textuelle des finalités poursuivies.
  • Une évaluation matérielle
    • Il conviendra ici d’aller au-delà des déclarations officielles pour identifier à la fois nouvelles finalités et celles initialement poursuivies, en tenant compte de la manière dont elles ont été effectivement comprises par la personne concernée.
    • Cette seconde méthode est, de toute évidence, plus souple et pragmatique que la première, mais aussi plus efficace.
    • Elle permet de s’adapter aux évolutions futures de la finalité du traitement, tout en continuant à protéger efficacement la protection des données à caractère personnel.

Plusieurs exemples sont fournis par le Groupe de l’article 29 :

==> Exemple 1 : la compatibilité est évidente à première vue

Un client effectue une commande en ligne auprès d’un commerçant en vue de se faire livrer chaque semaine des paniers de légumes bio.

Après avoir collecté, lors de la conclusion du contrat, l’adresse et les coordonnées bancaires du client, ces données sont traitées ultérieurement par le commerçant les semaines suivantes pour les besoins de la livraison et du paiement.

Ici, il ne fait aucun doute que le traitement ultérieur des données est conforme à la finalité de la collecte initiale.

==> Exemple 2 : La compatibilité n’est pas évidente et nécessite une analyse plus approfondie

Le commerçant souhaite, dans ce scénario utiliser l’adresse e-mail du client afin de lui adresser des offres personnalisées et des bons de réductions pour des produits similaires, y compris sa gamme de produits laitiers biologiques.

Il souhaite également communiquer les données du client, dont son nom, adresse électronique, numéro de téléphone et historique des achats à un autre commerçant qui a ouvert une boucherie biologique dans le même quartier.

Dans les deux cas, ici le commerçant ne peut pas considérer que ce traitement ultérieur est compatible avec la finalité initiale de la collecte de données, de sorte que des analyses approfondies devront être menées par le responsable du traitement.

Pour le groupe de l’article 29, plus la différence entre la finalité initiale de la collecte et celle du traitement ultérieur est grande, plus le test de compatibilité doit être détaillé, ce qui pourra conduire à adopter des mesures supplémentaires pour compenser le changement de finalité, comme, par exemple, fournir des informations supplémentaires à la personne concernée.

==> Exemple 3 : L’incompatibilité est évidente

En plus d’acheter un panier de légumes bio le client commande une gamme d’autres produits biologiques sur le site web du commerçant, dont certains à prix réduit.

Le commerçant, sans informer le client, a mis en place une solution logicielle de personnalisation des prix prête à l’emploi, qui – entre autres choses – détecte si le client utilise un ordinateur Apple ou un PC Windows.

Le commerçant offre alors automatiquement des rabais plus importants aux utilisateurs de Windows.

Dans ce cas, le traitement ultérieur des données est clairement incompatible avec la finalité de la collecte initiale.

Si les données sont traitées de telle manière qu’une personne raisonnable trouverait le traitement, non seulement inattendu, mais égalent inapproprié, il est fort probable que celui-ci puisse être considéré comme incompatible.

2. Les critères

Afin d’évaluer la compatibilité d’un traitement ultérieur de données, le Groupe de l’article 29 a posé un certain nombre de critères

==> La relation entre les finalités pour lesquelles les données ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur

Ce facteur est peut-être le plus évident car l’évaluation de la compatibilité repose, d’abord, sur la relation entre la finalité initiale de la collecte et la finalité du traitement ultérieur.

Ce critère peut couvrir des situations où le traitement ultérieur était déjà plus ou moins compris implicitement dans les finalités initiales, ou supposées comme l’étape logique suivante du traitement selon ces fins.

En tout état de cause, plus la différence entre les finalités de la collecte et celles du traitement ultérieur est grande plus l’évaluation de la compatibilité est problématique.

Afin de procéder à cette évaluation, il sera nécessaire de toujours se reporter au contexte factuel et à la finalité telle qu’elle a été comprise par la personne visée.

==> Le contexte dans lequel les données ont été collectées et les attentes raisonnables de la personne concernée quant à leur utilisation ultérieure

Ce deuxième critère est axé sur le contexte spécifique dans lequel les données ont été collectées et sur les attentes raisonnables des personnes concernées quant à l’utilisation de leurs données dans ce contexte.

En d’autres termes, la question ici est de savoir à quoi une personne raisonnable, qui se trouverait dans la situation de la personne concernée, s’attendrait s’agissant du traitement ultérieur de ses données.

A priori, plus le traitement ultérieur des données est inattendu ou surprenant, plus il est probable qu’il soit considéré comme incompatible.

==> La nature des données et l’impact du traitement ultérieur sur les personnes concernées

Le groupe de l’article 29 recommande ici de prendre en compte la nature des données collectées.

Au fond, l’idée sous-jacente est que plus les informations en cause sont sensibles, plus la marge de compatibilité est étroite.

À cela s’ajoute la prise en compte de l’incidence du traitement ultérieur sur les libertés de la personne concernée.

==> Les critères du RGPD

Selon l’article 6, 4 du RGPD, afin de déterminer si le traitement à une autre fin est compatible avec la finalité pour laquelle les données à caractère personnel ont été initialement collectées, le responsable du traitement tient compte, entre autres:

  • de l’existence éventuelle d’un lien entre les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur envisagé;
  • du contexte dans lequel les données à caractère personnel ont été collectées, en particulier en ce qui concerne la relation entre les personnes concernées et le responsable du traitement;
  • de la nature des données à caractère personnel, en particulier si le traitement porte sur des catégories particulières de données à caractère personnel, en vertu de l’article 9, ou si des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions sont traitées, en vertu de l’article 10;
  • des conséquences possibles du traitement ultérieur envisagé pour les personnes concernées;
  • de l’existence de garanties appropriées, qui peuvent comprendre le chiffrement ou la pseudonymisation.

De toute évidence, les critères ici énoncés par le RGPD sont directement issus de l’avis formulé par le Groupe de l’article 29.

B) Les exceptions

Le principe d’interdiction du traitement ultérieur des données incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées est assorti de deux exceptions : la première est générale, la seconde spécifique

  1. L’exception générale

Il ressort de l’article 6, 4° du RGPD que, en cas d’incompatibilité du traitement ultérieur avec les finalités poursuivies initialement au stade de la collecte, celui-ci est, malgré tout, autorisé :

  • Si la personne concernée a exprimé son consentement
  • Si le traitement est fondé sur le droit de l’Union ou le droit d’un État membre qui constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir les objectifs visés à l’article 23, paragraphe 1
    • Au nombre de ces objectifs figurent :
      • la sécurité nationale;
      • la défense nationale;
      • la sécurité publique;
      • la prévention et la détection d’infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ou l’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces;
      • d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un État membre, notamment un intérêt économique ou financier important de l’Union ou d’un État membre, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal, de la santé publique et de la sécurité sociale;
      • la protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires;
      • la prévention et la détection de manquements à la déontologie des professions réglementées, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière;
      • une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation liée, même occasionnellement, à l’exercice de l’autorité publique, dans les cas visés aux points a) à e) et g);
      • la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui;
      • l’exécution des demandes de droit civil.

2. L’exception spécifique

Par exception au principe d’interdiction du traitement incompatible, l’article 6 de la LIL pose une exception pour les traitements ultérieurs de données :

  • à des fins statistiques
  • à des fins de recherche scientifique
  • à des fins de recherche historique

Selon le Groupe de l’article 29, ce texte ne doit pas être interprété comme instituant une exception générale à l’exigence de compatibilité.

Il ne saurait s’agir d’une règle qui vise à autoriser, en toutes circonstances, le traitement des données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques.

Comme dans tout autre cas de traitement ultérieur, toutes les circonstances et tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte pour décider quelles garanties peuvent être considérées comme appropriées et suffisantes.

RGPD: les principes de loyauté et de licéité du traitement des données

==> Les textes

Aux termes de l’article 6, 1° de la loi informatique et libertés, « un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui […] sont collectées et traitées de manière loyale et licite ».

Les principes de loyauté et de licéité sont également énoncés par la Charte européenne des droits fondamentaux en son article 8(2).

Le texte prévoit que les données à caractère personnel « doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. »

Les principes directeurs de l’ONU prévoient encore que « les données concernant les personnes ne doivent pas être obtenues ou traitées à l’aide de procédés illicites ou déloyaux, ni utilisées à des fins contraires aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies. »

Selon le RGPD, les principes de loyauté et de licéité répondent à un impératif de transparence.

À cet égard, le considérant 39 énonce que, « le fait que des données à caractère personnel concernant des personnes physiques sont collectées, utilisées, consultées ou traitées d’une autre manière et la mesure dans laquelle ces données sont ou seront traitées devraient être transparents à l’égard des personnes physiques concernées ».

==> Distinction entre les principes de loyauté et de licéité

Il convient d’observer que le principe de loyauté se distingue du principe de licéité.

  • Un traitement de données peut parfaitement être licite, car autorisé par la loi, mais déloyale car ne répondant pas aux exigences de transparence dictées par le principe de loyauté
  • À l’inverse, un traitement peut être illicite, car prohibé par les textes, mais loyal car effectué en toute transparence pour la personne concernée

Tandis que le respect du principe de licéité s’apprécie au regard d’un seul critère, le respect de la règle de droit, l’observation du principe de loyauté est plus délicate à établir.

Il s’infère, en effet, du principe de loyauté plusieurs obligations pour le responsable du traitement :

  • Une obligation d’information
  • Une obligation de garantir l’exercice des droits d’accès et d’opposition
  • Une obligation de garantir la conservation limitée des données traitées
  • Une obligation de garantir la confidentialité et la sécurité des données traitées

I) Sur l’obligation d’information

A) Sur les modalités d’exécution de l’obligation d’information

Selon le RGPD, le principe de transparence exige que toute information et communication relatives au traitement de ces données à caractère personnel soient aisément accessibles, faciles à comprendre, et formulées en des termes clairs et simples.

Autrement dit, il appartient au responsable du traitement de rendre facilement accessible les informations qu’il lui appartient de communiquer aux personnes dont les données à caractère personnel sont collectées.

Ce principe vaut, notamment, pour les informations communiquées aux personnes concernées sur :

  • l’identité du responsable du traitement
  • les finalités du traitement
  • leur droit d’obtenir la confirmation et la communication des données à caractère personnel les concernant qui font l’objet d’un traitement.

B) Sur le contenu de l’obligation d’information

Le responsable du traitement est tenu de communiquer à la personne concernée un certain nombre d’informations.

  1. Informations relatives à la collecte de données à caractère personnel

a) L’exigence de collecte directe

L’obligation de loyauté, suppose que les données soient collectées directement auprès de la personne concernée

Par nature un traitement de données à caractère personnel est regardé comme déloyal, dès lors qu’il est effectué à l’insu de la personne concernée.

Aussi, appartient-il au responsable du traitement d’informer la personne dont les données sont collectées de l’existence d’un traitement.

Dans un arrêt du 14 mars 2006, la Cour de cassation a qualifié de déloyal la collecte d’adresses électroniques, « en ce qu’elles ont été utilisées sans rapport avec l’objet de leur mise en ligne »[1].

Dans une décision du n°2016-007 du 26 janvier 2016, la CNIL a encore considéré que la collecte de données relatives à la navigation d’internautes au moyen de cookies sans les en avertir constituait un manquement à la règle aux termes de laquelle les données à caractère personnel sont collectées et traitées de manière loyale et licite.

 Ainsi, pour qu’un traitement de données à caractère personnel soit loyal, la personne concernée doit être informée de l’existence du traitement.

b) La prohibition de la collecte indirecte

==> Notion

La collecte est indirecte lorsqu’elle n’est pas directement réalisée auprès de la personne concernée, soit lorsqu’elle intervient par l’entremise d’une tierce personne.

Il en va ainsi en cas d’achat d’un fichier de données ou de collecte sur une plateforme numérique.

En effet, de nombreuses entreprises achètent, cèdent ou revendent des fichiers de données à caractère personnel, qui sont ainsi collectées de façon indirecte.

Dans cette hypothèse, pour ne pas être considérée comme déloyale, la collecte indirecte doit nécessairement s’accompagner d’une information à la personne concernée de l’existence d’un traitement de ses données ainsi que de ses droits qui en découlent (droit d’accès, d’opposition etc.).

Le fait que la personne dont les données sont collectées indirectement ait déjà consenti au traitement de ses données ne dispense pas l’auteur d’une collecte indirecte de satisfaire à son obligation d’information.

==> Droit antérieur

Il peut être observé que, avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2004 transposant la directive du 24 octobre 1995, cette obligation n’existait pas.

À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 1995, la Cour de cassation avait explicitement considéré que « la loi du 6 janvier 1978 ne fait nulle obligation au responsable du fichier, qui recueille auprès de tiers des informations nominatives aux fins de traitement, d’en avertir la personne concernée »[2].

==> Droit positif

  • Principe
    • La loi du 6 août 2004 a pris le contre-pied de la Cour de cassation en posant à l’article 32 de la loi informatique et libertés que « lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données»
    • Ainsi, le principe est désormais la prohibition de la collecte de données à caractère personnel, sauf à en informer la personne concernée.
  • Exceptions
    • La prohibition de la collecte indirecte de données a été assortie par le législateur de 5 exceptions énoncées aux articles 26, 27 et 32, III de la loi informatique et libertés :
      • Première exception (art. 32 LIL)
        • Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux traitements nécessaires à la conservation de ces données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, dans les conditions prévues au livre II du code du patrimoine ou à la réutilisation de ces données à des fins statistiques dans les conditions de l’article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.
        • Ainsi, dès lors qu’il s’agit d’exploiter les données collectées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, il n’est pas nécessaire d’en informer la personne concernée.
      • Seconde exception (art. 32 LIL)
        • Il est encore fait exception à la prohibition de la collecte indirecte de données lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l’intérêt de la démarche.
        • Dans l’hypothèse où l’information de la personne dont les données sont collectées est matériellement difficile à mettre en œuvre, voire impossible, alors l’auteur de la collecte indirecte s’en trouve dispensé.
      • Troisième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte est autorisée lorsque les données recueillies indirectement sont utilisées au profit d’un traitement dit « de souveraineté » mis en œuvre pour l’Etat (intéressant la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique ou ayant pour objet l’exécution de condamnations pénales ou de mesures de sûreté)
        • Reste que cette collecte est subordonnée à autorisation par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Quatrième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte de données est encore autorisée lorsqu’elle a pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté.
        • Là encore, l’autorisation est soumise à l’édiction d’un arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Cinquième exception (art. 27 LIL)
        • Il est prévu que la collecte indirecte de données est autorisée pour les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes.
        • L’autorisation ne peut résulter que d’un décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Au bilan, sauf à s’inscrire dans l’une des exceptions prévues par le législateur, la collecte indirecte de données à caractère personnel est prohibée.

Dans un arrêt du 12 mars 2014, le Conseil d’État a considéré en ce sens que le responsable d’un traitement de données n’est pas exonéré de ses obligations « du fait du caractère indirect de la collecte des données »[3].

En l’espèce, la juridiction administrative relève que :

  • D’une part, les personnes dont les données à caractère personnel étaient extraites de réseaux sociaux pour être agrégées au service d’annuaire ” Pages Blanches ” n’étaient informées de leur droit d’opposition que si elles consultaient ce service
  • D’autre part, le droit d’opposition ne pouvait être exercé de manière effective et durable, eu égard à la complexité de la procédure et à la circonstance que les demandes imprécises ou incomplètes n’étaient pas traitées
  • Enfin, que l’exercice du droit de rectification n’était pas garanti, le responsable du traitement estimant qu’il en était exonéré du fait du caractère indirect de la collecte des données ; qu’ainsi, la formation restreinte de la CNIL, qui est légalement tenue de garantir

Le Conseil d’État en déduit que la collecte ainsi réalisée présentait un caractère déloyal.

2. Informations relatives aux droits de la personne concernée

L’information de la personne dont les données sont collectées de l’existence d’un traitement ne suffit pas, elle doit être complétée par la fourniture d’informations relatives aux droits qui lui sont conférés par la loi informatique et libertés.

Plus précisément, l’information doit porter sur 3 éléments :

  • Les risques, règles, garanties et droits liés au traitement des données à caractère personnel
  • Les modalités d’exercice de leurs droits en ce qui concerne le traitement dont les personnes concernées font l’objet
  • Les finalités spécifiques du traitement qui doit être explicite et légitime et déterminée lors de la collecte des données à caractère personnel

II) Une obligation de garantir la conservation limitée des données traitées

==> La conservation des données

Selon le considérant 39 du RGPD, le respect du principe de loyauté exige que le responsable du traitement garantisse la durée de conservation des données soit limitée au strict minimum.

Aussi, afin de garantir que les données ne sont pas conservées plus longtemps que nécessaire, des délais devraient être fixés par le responsable du traitement pour leur effacement ou pour un examen périodique.

Par ailleurs, la garantie tenant à la conservation des données suppose qu’elles soient conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées;

Dans sa décision du 11 octobre 2005, la CNIL a eu l’occasion d’affirmer que « face à la mémoire de l’informatique, seul le principe du “droit” à l’oubli consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 peut garantir que les données collectées sur les individus ne soient pas conservées, dans les entreprises, pour des durées qui pourraient apparaître comme manifestement excessive »[4].

À cet égard, le droit à l’oubli a été consacré par le RGPD qui prévoit que « la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais ».

==> La durée de conservation

La durée de conservation doit être établie en fonction de la finalité de chaque traitement.

Le responsable de traitement la fixe de façon “raisonnable” en fonction de l’objectif du traitement.

La détermination de la durée de conservation doit s’appuyer sur le critère « une donnée vivante est une donnée dont on a régulièrement besoin ». Cette durée correspond à la durée de vie des archives courantes.

Au-delà, les données peuvent être faire l’objet d’archives intermédiaires, voire d’archives définitives.

III) Sur l’obligation de garantir la confidentialité et la sécurité des données traitées

Autre obligation qui participe du respect du principe de loyauté, celle qui commande au responsable du traitement d’assurer la confidentialité et la sécurité des données traitées.

Autrement dit, les données à caractère personnel doivent être traitées de manière à garantir une sécurité et une confidentialité appropriées, y compris pour prévenir l’accès non autorisé à ces données et à l’équipement utilisé pour leur traitement ainsi que l’utilisation non autorisée de ces données et de cet équipement.

Le niveau de sécurité attendu est fixé par l’article 32 du RGPD.

Cette disposition prévoit que compte tenu de l’état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque, y compris entre autres, selon les besoins :

  • La pseudonymisation et le chiffrement des données à caractère personnel;
  • Des moyens permettant de garantir la confidentialité, l’intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement;
  • Des moyens permettant de rétablir la disponibilité des données à caractère personnel et l’accès à celles-ci dans des délais appropriés en cas d’incident physique ou technique;
  • Une procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l’efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement.

De son côté, l’article 34 de la loi informatique et libertés dispose que « le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. »

Afin de garantir un niveau de sécurité satisfaisant, le chiffrement des données est fortement encouragé par la CNIL.

Dans son rapport annuel de 2017, elle a ainsi souligné que « dans un contexte de numérisation croissante de nos sociétés et d’accroissement exponentiel des cybermenaces, le chiffrement est un élément vital de notre sécurité. Il contribue aussi à la robustesse de notre économie numérique et de ses particules élémentaires que sont les données à caractère personnel, dont la protection est garantie par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».

Le Conseil national du numérique, dans son avis de septembre 2017, a, pris une position similaire, rappelant que « le chiffrement est un outil vital pour la sécurité en ligne ; en conséquence, il doit être diffusé massivement auprès des citoyens, des acteurs économiques et des administrations ».

[1] Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83423

[2] Cass., ch. crim., 25 oct. 1995, n° 94-85781

[3] CE, 12 mars 2014, n° 353193, Sté Pages Jaunes

[4] Délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005

Différences et points communs entre le pacs et le mariage: comparaison

En raison des nombreuses règles, parfois complexes, qui gouvernent le mariage et le pacs, il n’est pas évident de percevoir les points communs et les différences  qui existent entre ces deux formes d’union conjugale.

Aussi, convient-il d’en dresser la liste afin de mieux cerner les enjeux qui président au choix de l’une ou l’autre union.

I) Les points communs

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Statut au travail

  • Le mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-4 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire pacsé d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale, peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art. L.121-8 C. com.).

2. Le statut fiscal

  • Le mariage
    • Les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année du mariage.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année du mariage, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant. (art. 6 CGI)
    • Chacun des époux est solidairement tenu au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).
  • Le pacs
    • Les partenaires liés par un PACS sont soumis à une imposition commune pour les revenus dont ils ont disposé pendant l’année de la conclusion du pacte.
    • Par exception, ils peuvent opter pour l’imposition distincte des revenus dont chacun a personnellement disposé pendant l’année de la conclusion du pacte, ainsi que de la quote-part des revenus communs lui revenant (Art. 6 CGI)
    • Les partenaires sont solidairement tenus au paiement
      • de l’impôt sur le revenu lorsqu’ils font l’objet d’une imposition commune
      • de la taxe d’habitation lorsqu’ils vivent sous le même toit (art. 1691 bis I CGI)
      • de l’impôt de solidarité sur la fortune (art. 1723 ter-00 B CGI).

B) Les effets

  1. Les devoirs

==> La communauté de vie

  • Le mariage
    • Les époux s’obligent mutuellement à une communauté de vie (art. 215, al. 1er C. civ.)
    • Cette obligation ne leur interdit toutefois pas d’avoir des domiciles distincts (art. 108, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une vie commune (art. 515-4, al. 1er C. civ.)
    • L’organisation de la vie commune est l’objet même du contrat de PACS (art. 515-1 C. civ.)

==> La contribution aux charges du ménage

  • Le mariage
    • Quel que soit le régime matrimonial choisi, les époux doivent l’un et l’autre contribuer aux charges du mariage.
    • Cette obligation est impérative, ce qui n’interdit pas aux époux de définir entre eux leur mode de contribution aux charges du ménage.
    • En l’absence de détermination conventionnelle, les époux contribuent à proportion de leurs facultés respectives (art. 214 al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Les partenaires s’engagent à une aide matérielle réciproque (art. 515-4, al. 1er C. civ.).
    • Si les partenaires n’en disposent autrement, elle sera proportionnelle à leurs facultés respectives.
    • Les modalités de l’aide peuvent donc être fixées dans la convention, et la liberté contractuelle n’est limitée que par l’interdiction pour l’un des partenaires de se dispenser totalement de la contribution

==> La solidarité aux dettes

  • Le mariage
    • La dette contractée par l’un des époux pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants oblige l’autre solidairement (article 220, al. 1er du code civil).
    • Cela signifie que, quel que soit le régime matrimonial, l’ensemble des biens des deux époux répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux époux peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son conjoint.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses :
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant (article 220, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 220, al. 3 du code civil).
    • Lorsque la solidarité est écartée, le conjoint ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.
  • Le pacs
    • Les partenaires sont tenus solidairement à l’égard des tiers des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins de la vie courante (article 515-4, al. 2 du code civil).
    • Cela signifie que l’ensemble des biens des deux partenaires répond de la dette contractée par un seul et chacun des deux partenaires peut être poursuivi pour la totalité de la dette.
    • Néanmoins, celui qui a réglé cette dette peut éventuellement ensuite en demander le remboursement, en toute ou partie, à son partenaire.
    • La solidarité est écartée dans deux hypothèses.
      • Elle n’a pas lieu pour des dépenses manifestement excessives (article 515-4, al. 2 du code civil).
      • Elle n’a pas lieu non plus, sauf s’ils ont été conclus du consentement des deux partenaires, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins qu’ils portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage (article 515-4, al. 2) du code civil.
    • Lorsque la solidarité est écartée, le partenaire ayant passé l’acte est seul tenu de la dette qui lui incombe personnellement.

2. Les droits

==> Droit du travail

  • Le mariage
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du conjoint (article L.3141-16 du code du travail), et dans le cas où les deux conjoints travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (article L.3141-14 du code du travail).
    • En cas de décès de l’un des conjoints, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (article L.3142-1 4° du code du travail).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur conjoint à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune
  • Le pacs
    • L’employeur doit tenir compte, dans la fixation des dates de congé, des possibilités de congé du partenaire pacsé (art. L.3141-16 C. tr.), et dans le cas où les deux partenaires travaillent dans la même entreprise, leur consentir des dates de congé simultanées (art. L.3141-14 C. civ.)
    • En cas de décès de l’un des partenaires, le survivant a le droit à des journées de congé spéciales rémunérées (art. L.3142-1 4° C. tr.).
    • En matière d’affectation, priorité doit être donnée aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles de leur partenaire à condition de produire la preuve de ce qu’ils se soumettent à l’obligation d’imposition commune.

==> Droits sociaux

  • Mariage
    • Le conjoint a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son conjoint, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu).
    • Le conjoint bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son conjoint dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu.).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, le mariage a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux conjoints étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, le mariage emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux conjoints.
  • Pacs
    • Le partenaire pacsé a droit au bénéfice immédiat de l’affiliation à la sécurité sociale de son partenaire, si lui-même ne peut bénéficier de la qualité d’assuré social à un autre titre (art. L. 160-17 C. secu.).
    • Le partenaire pacsé bénéficie sans aucune condition, et prioritairement sur les descendants et les ascendants, du capital décès de son partenaire dû au titre du régime général de la sécurité sociale (art. L. 361-4 C. secu).
    • S’agissant du calcul de leurs droits à prestations sociales et familiales, la conclusion d’un PACS a pour effet de modifier l’assiette des revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation, les revenus des deux partenaires étant cumulés pour calculer ces droits.
    • Par ailleurs, la conclusion d’un PACS emporte automatiquement la suppression de l’allocation de parent isolé.
    • Enfin, les revenus pris en considération pour la fixation du droit à allocation adulte handicapé (AAH), revenu de solidarité active (RSA), allocation de solidarité spécifique, prime pour l’emploi, et allocation logement, sont ceux des deux partenaires du PACS.

==> Droit au logement

  • Le mariage
    • Le conjoint est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial, quel que soit leur régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire et même si le bail a été conclu avant le mariage (art. 1751 C. civ.).
    • Quand l’un des conjoints vient à décéder, l’autre bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 763 C. civ.).
    • Pour le cas où le conjoint survivant recueille une partie de la succession en pleine propriété, il bénéficie, sauf volonté contraire du conjoint décédé, d’un droit d’habitation viager (jusqu’à sa mort) sur l’immeuble servant de logement appartenant aux époux ou à l’époux décédé, et d’un droit d’usage sur les meubles qui le garnissent (art. 764 et svts C. civ.).
  • Le pacs
    •  Le partenaire de PACS n’est réputé co-titulaire du bail sur le logement familial que si les partenaires en font conjointement la demande.
    • Lors du départ du partenaire unique locataire des lieux qui servaient à la résidence commune, l’autre peut bénéficier de la continuation du bail ou, en cas de décès du locataire, du transfert du droit au bail, quand bien même il n’est pas signataire du bail initialement.
    • Quand le PACS prend fin par décès, le partenaire survivant bénéficie d’un droit de jouissance gratuite du domicile commun ainsi que du mobilier le garnissant pendant l’année qui suit le décès, à condition qu’il l’ait occupé de façon effective et à titre d’habitation principale à l’époque du décès (art. 515-6 al.3 C. civ.).

==> Assurance-vie

  • Mariage
    • Le conjoint peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le conjoint survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.
  • Pacs
    • Le partenaire de PACS peut être désigné comme bénéficiaire d’une assurance-vie.
    • Le partenaire survivant est exonéré de tous droits de mutation en cas de transmission de capitaux par le biais de l’assurance-vie.

3. Les pouvoirs

==> Gestion des biens personnels / biens propres

  • Le mariage
    • Chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels (art. 225 C. civ.).
    • La règle s’applique
      • aux régimes de communauté (art. 1403, al. 1er, et 1428 C. civ.)
      • au régime de séparation de biens (art. 1536, al. 1er C. civ.).
  • Le pacs
    • Chacun des partenaires conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels (art. 515-5 al. 1er C. civ.).

==> Gestion des biens communs / biens indivis

  • Le mariage
    • S’agissant des biens communs
      • Chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes commises dans sa gestion (art. 1421, al. 1er C. civ.).
      • Par exception, les époux ne peuvent, l’un sans l’autre
        • disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens communs (art. 1422, al. 1er C. civ.)
        • ni affecter des biens communs à la garantie de la dette d’un tiers (art. 1422, al. 2)
        • ni aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, pas plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité (art. 1424, al. 1er),
        • ni donner à bail un fonds rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal dépendant de la communauté (art. 1425).
    • S’agissant des biens indivis
      • un époux, en sa qualité d’indivisaire, peut prendre seul les mesures nécessaires à leur conservation.
      • Chaque époux peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec les droits de l’autre époux et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision (art. 815-9, al. 1er).
      • Mais le consentement des deux époux est nécessaire pour effectuer tout acte de disposition sur les biens indivis (art. 815-3, al. 3 C. civ.).
  • Le pacs
    • À défaut de dispositions contraires dans la convention, chaque partenaire est gérant de l’indivision (art. 515-5-3 C. civ.).
    • Les partenaires jouissent d’une gestion concurrente.
    • Chaque partenaire peut accomplir seul des actes de conservation, d’administration et même de disposition sur les acquêts (sous réserve de certaines exceptions, notamment les aliénations à titre gratuit, les aliénations d’immeuble ou de meubles corporels dont l’aliénation est soumise à publicité, ou l’aliénation de meubles corporels qui ne sont pas difficiles à conserver ou périssables).
    • Néanmoins, les règles d’administration des acquêts ne sont pas impératives.
    • Les partenaires peuvent prévoir des dispositions contraires (art. 515-5-3 al.2 C. civ.).

==> Pouvoirs et présomption de pouvoir face aux tiers

  • Le mariage
    •  Chacun des époux a pouvoir pour passer seul des contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage et l’éducation des enfants (art. 220, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux peut se faire ouvrir, sans le consentement de l’autre, tout compte bancaire en son nom personnel (art. 221, al. 1er C. civ.).
    • Chaque époux est présumé avoir le pouvoir de faire seul un acte d’administration ou de disposition sur un bien meuble qu’il détient individuellement (art. 222, al. 1er C. civ.).
    • Cette présomption est écartée pour les meubles meublants garnissant le logement familial qui sont soumis à la cogestion des époux, et pour les meubles corporels dont la nature fait présumer la propriété de l’autre conjoint (art. 222, al. 2 C. civ.).
  • Le pacs
    • Chaque partenaire peut passer seul un contrat ayant pour objet les besoins de la vie courante (art. 515-4, al. 2, C. civ.).
    • Chaque partenaire peut se faire ouvrir un compte bancaire en son nom personnel.
    • Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d’administration, de jouissance ou de disposition (art. 515-5, al. 3 C. civ.)

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Le conjoint est visé parmi les personnes ayant qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection de l’autre conjoint (art. 430 et 494-3 C. civ.).
    • Le conjoint fait également partie des personnes susceptibles d’être nommées, en priorité, comme tuteur ou curateur (art. 449 C. civ.), ou comme personne habilitée dans le cadre d’une habilitation familiale (art. 494-1 C. civ.).
  • Le pacs
    • Tout comme le conjoint, le partenaire de PACS a qualité pour demander au juge l’ouverture d’une mesure de protection (art. 430 et 494-3 C. civ.) et pour être nommé prioritairement en qualité de tuteur, curateur ou personne habilitée (art. 449 et 494-1 C. civ.).

==> Représentation en justice

  • Mariage
    • Le conjoint d’un chef d’entreprise commerciale, artisanale ou libérale,
      peut opter pour le statut de collaborateur, de salarié ou d’associé (art.
      L.121-4 C. civ.).
  • Pacs
    • Une partie peut se faire assister ou représenter par son
      partenaire devant certaines juridictions pour lesquelles la
      représentation par avocat n’est pas obligatoire, comme le tribunal
      d’instance, la juridiction de proximité (art. 828 C. civ.), ou le conseil de prud’hommes (art. R. 1453-2, 3° C. tr.).

II) Les différences

A) Le statut

  1. Le statut personnel

==> Le nom d’usage

  • Le mariage
    • Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit (art. 225-1 C. civ.).
    • Il s’agit d’une simple faculté.
  • Le pacs
    • Le PACS ne produit aucun effet sur le nom.
    • Un partenaire ne peut donc pas porter, à titre d’usage, le nom de l’autre membre du couple.

==> La filiation

  • Le mariage
    • L’enfant conçu ou né pendant le mariage est présumé avoir pour père le mari de la mère (règle de la « présomption de paternité » – art. 312 C. civ.).
    • Possibilité pour le couple marié d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) et possibilité pour chacun des membres du couple d’adopter l’enfant du conjoint (articles 345-1 et 360 C. civ.).
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples mariés hétérosexuels.
  • Le pacs
    • Le PACS n’a aucun effet sur l’établissement de la filiation : il n’existe pas de présomption légale à l’égard du partenaire de la mère qui devra procéder à une reconnaissance.
    • Pas de possibilité pour les partenaires d’adopter à deux (art. 343 C. civ.) ou d’adopter l’enfant du partenaire.
    • L’assistance médicale à la procréation est ouverte aux couples pacsés hétérosexuels.

==> La nationalité

  • Le mariage
    • Le mariage n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité (art. 21-1 C. civ.)
    • Néanmoins, l’étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut acquérir la nationalité française par déclaration (article 21-2 du code civil) :
      • après un délai de quatre ans à compter du mariage, à condition qu’à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité ;
      • après un délai de cinq ans à compter du mariage, lorsque l’étranger, au moment de la déclaration, soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n’est pas en mesure d’apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l’étranger au registre des Français établis hors de France.
    • Dans tous les cas, le conjoint étranger doit également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française.
  • Le pacs
    • Le PACS n’exerce aucun effet sur la nationalité.
    • Pour obtenir la nationalité française, le partenaire étranger ayant conclu un PACS avec un partenaire français doit déposer une demande de naturalisation (acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique : art. 21-14-1 et s. C. civ.)

2. Le statut patrimonial

==> Au cours de la vie commune

  • Le mariage
    • Si les époux se marient, sans choisir explicitement leur régime matrimonial, sans faire de contrat de mariage, ils sont alors mariés sous un régime posé par la loi :
      • le régime légal de la communauté réduite aux acquêts (art. 1400 et svts. C. civ.).
        • Dans ce régime, les biens dont les époux avaient la propriété avant de se marier leur demeurent propres.
        • En revanche, les biens que les époux acquièrent à titre onéreux (acquêts) pendant le mariage, ainsi que les revenus liés à un bien propre à un époux (loyer d’un immeuble par exemple) et les gains et salaires, sont des biens communs.
        • Les époux disposent néanmoins du libre choix de leur statut matrimonial et peuvent choisir un autre statut parmi les statuts suivants :
      • le régime de la séparation de biens (art. 1536 et svts C. civ.)
        • Il s’agit du régime matrimonial aux termes duquel les patrimoines des époux restent autonomes
        • Il n’existe pas de masse commune, chacun des époux étant propriétaire des biens antérieurement acquis et ceux acquis pendant le mariage, sauf à ce qu’ils acquièrent conjointement des biens qui deviennent alors des biens indivis ;
      • le régime de la participation aux acquêts (article 1569 et svts C. civ.)
        • les époux vivent séparés de biens, et meurent commun en biens.
        • Pendant la durée du mariage, ce régime fonctionne comme si les époux étaient mariés sous le régime de la séparation de biens. Chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels, sans distinguer entre ceux qui lui appartenaient au jour du mariage ou lui sont advenus depuis par succession ou libéralité et ceux qu’il a acquis pendant le mariage à titre onéreux.
        • A la dissolution du régime, chacun des époux a le droit de participer pour moitié en valeur aux acquêts nets constatés dans le patrimoine de l’autre.
      • le régime de la communauté universelle (article 1526 et svts C. civ.)
        • Tous les biens, tant meubles qu’immeubles, présents au moment de l’adoption de la communauté universelle comme à venir, acquis à titre gratuit aussi bien qu’acquis à titre onéreux, sont communs.
        • La communauté universelle a vocation à appréhender tous les biens dont les époux peuvent être propriétaires à quelque titre que ce soit (excepté pour les biens grevés d’une clause d’exclusion de la communauté et les biens propres par nature, tels les vêtements et linge personnels, créances et pensions incessibles, indemnité pour préjudice matériel ou moral, droits exclusivement attachés à la personne).
  • Le pacs
    • Le PACS connaît un régime légal de séparation de biens, aux termes duquel :
      • Chaque partenaire reste propriétaire des biens qu’il avait acquis avant l’enregistrement de la convention initiale et des biens qu’il acquiert durant le PACS à son nom.
        • Pendant la durée du PACS, les partenaires peuvent néanmoins acquérir un bien en indivision.
        • Puisqu’il reste propriétaire des biens qu’il acquiert après l’enregistrement, l’acquéreur peut faire seul tous les actes d’administration, de jouissance et de disposition sans avoir à obtenir l’accord de l’autre partenaire.
      • Chaque partenaire reste seul tenu des dettes nées avant l’enregistrement de la convention initiale et des dettes nées de son chef pendant la durée du PACS (art. 515-5 al. 1er C. civ.).
        • Les créanciers ne peuvent jamais poursuivre l’autre partenaire en paiement sauf s’il s’agit d’une dette solidaire
    • À défaut d’application de droit du régime de la séparation de biens, les partenaires pacsés peuvent, dans leur convention de PACS, choisir de soumettre au régime de l’indivision les biens qu’ils acquièrent ensemble ou séparément (art. 515-5-1 C. civ.).
      • Le régime de l’indivision ainsi choisi ne s’applique qu’aux acquêts, c’est-à-dire qu’aux biens acquis par les partenaires, ensemble ou séparément, après l’enregistrement de leur convention.
      • Certains acquêts échappent toutefois à l’indivision (art. 515-5-2 C. civ.), comme les deniers perçus par chacun des partenaires à quelque titre que ce soit, les biens créés et leurs accessoires, les biens à caractère personnel.
      • Sur ces biens, les partenaires jouissent d’une gestion concurrente (art. 515-5-3 C. civ.)

==> Le décès

  • Le mariage
    • Le mariage crée une vocation successorale réciproque ab intestat.
    • Le conjoint survivant a des droits successoraux de par la loi. Il recueille :
      • l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété du quart des biens en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux (art. 756 C. civ.)
      • la propriété de la moitié des biens en présence des père et mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • la propriété des trois quart des biens en présence du père ou de la mère du conjoint défunt et en l’absence de descendants (art. 757-1 C. civ.)
      • toute la succession en l’absence de descendants et d’ascendants du
        conjoint défunt (art. 757-2 C. civ.), exception faite des biens précédemment reçus par le conjoint défunt de ses ascendants par succession ou donation qui sont dévolus aux frères et sœurs du défunt, ou à leurs descendants (art. 757-3 C. civ.).
    • Le conjoint bénéficie d’une exonération de droit de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre époux demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du conjoint lié au donateur par le mariage (art. 790 E CGI).
    • Le conjoint survivant a le bénéfice de la pension de réversion.
  • Le pacs
    • Le régime successoral du conjoint survivant ne s’applique pas au partenaire de PACS.
    • Le partenaire survivant bénéficie de la jouissance temporaire du logement commun pendant un an (art. 515-6 C. civ.), mais il n’a pas de vocation successorale légale.
    • Le partenaire survivant ne peut hériter du partenaire défunt que dans la mesure où ce dernier l’a expressément prévu par une disposition testamentaire.
    • Le partenaire survivant est exonéré de droits de succession (art. 796-0 bis CGI).
    • Les mutations entre vifs consenties entre partenaires demeurent imposables avec un abattement de 80 724 € sur la part du partenaire lié au donateur par le PACS (art. 790 F CGI).
    • Le partenaire de PACS survivant ne bénéficie pas d’une pension de réversion.

B) Les effets 

  1. Les devoirs

a.  Les devoirs extrapatrimoniaux

  • Le mariage
    • Les époux sont soumis à un certain nombre d’obligations personnelles qui découlent de plein droit du mariage (art. 212 C. civ.):
      • devoir de fidélité ;
      • devoir de secours, qui consiste à donner à son époux les subsides lui permettant de subvenir à ses besoins ;
      • devoir d’assistance, qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale ;
      • devoir de respect, qui consiste à respecter la liberté et la personnalité de l’autre.
  • Le pacs
    • Les obligations personnelles qui pèsent sur les partenaires sont moins lourdes que celles qui incombent aux époux (art. 515-4 C. civ.)
    • Les partenaires sont tenus à
      • un devoir d’assistance réciproque qui consiste à donner des soins en cas de maladie ou d’infirmité et à apporter une aide morale
      • un devoir de loyauté d’où il s’infère une obligation de fidélité

b. Les devoirs patrimoniaux

==> Obligations alimentaires

  • Le mariage
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.).
  • Le pacs
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

2. Les pouvoirs

==> Le logement familial

  • Le mariage
    • Si, le principe est que chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels, il en va autrement lorsque le bien concerné constitue le logement familial
    • Celui-ci est protégé par l’article 215, al. 3, du code civil, qui interdit à un époux de disposer sans le consentement de son conjoint des droits par lesquels est assuré le logement de la famille.
  • Le pacs
    • Il n’existe pas de disposition analogue à l’article 215 alinéa 3 qui protège le logement familial dans le mariage.

==> Protection des majeurs / mesures de crise

  • Le mariage
    • Pour faire face aux situations de crise, la loi organise des extensions et
      des restrictions de pouvoirs entre époux.
    • Ainsi un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille (art. 217 C. civ.).
    • Par ailleurs, si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale, ou pour certains actes particuliers, dans l’exercice des pouvoirs résultant du régime matrimonial (art. 219, al. 1er C. civ.).
    • Enfin, si l’un des époux manque gravement à ses devoirs et met ainsi en péril les intérêts de la famille, le juge aux affaires familiales peut prescrire toutes les mesures urgentes requises (art. 220-1 C. civ.).
    • Ces différentes mesures de crise ne font pas échec à l’application des techniques de droit commun auxquelles les époux peuvent également recourir : représentation conventionnelle (art. 218 C. civ.) ou gestion d’affaires (art. 219, al. 2 C. civ.).
    • Chaque époux est tenu d’une obligation alimentaire envers les père et mère de son conjoint.
    • Ainsi, les gendres et belles-filles doivent des aliments à leur beau-père et belle-mère. Cependant, cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés (art. 206 C. civ.)
  • Le pacs
    • La loi ne comporte aucune disposition spéciale pour faire face aux situations de crise que connaîtraient les partenaires.
    • Ils peuvent cependant avoir recours au mandat de droit commun (art. 1984 C. civ.), voire à la gestion d’affaires (art. 1372 C. civ.).
    • Le partenaire de l’enfant du créancier d’aliments n’est redevable d’aucune obligation alimentaire.

C) La dissolution

==> Les cas de dissolution

  • Mariage
    •  Il est mis fin au mariage soit par le décès, soit par le divorce.
    • Il existe quatre cas de divorce, parmi lesquels :
      • un cas de divorce amiable, le divorce par consentement mutuel : les époux doivent s’accorder sur le principe et les effets du divorce
      • trois divorces contentieux, pour lesquels les époux ne s’accordent pas sur le principe et / ou sur les effets du divorce :
        • le divorce accepté, dans lequel les époux s’accordent sur le principe du divorce, indépendamment des raisons de celui-ci, mais pas sur les effets ;
        • le divorce pour altération définitive du lien conjugal, dans lequel les époux doivent vivre séparément depuis au moins deux ans ;
        • le divorce pour faute, qui pourra être prononcé en cas de violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputables à un des conjoints et qui rendent intolérable le maintien de la vie commune.
  • Le pacs
    • Les causes de dissolution du PACS sont :
      • le décès d’un des partenaires
      • la célébration du mariage entre les partenaires ou de l’un d’eux avec un tiers
      • la volonté unilatérale ou conjointe des partenaires de mettre fin au PACS.

 ==> Procédure de dissolution

  • Mariage
    • Pour le divorce par consentement mutuel
      • Les époux, assistés chacun de leur avocat, établissent une convention, qui est signée après un délai de réflexion par les deux époux et leurs deux avocats.
      • Cette convention est ensuite déposée au rang des minutes d’un notaire ce qui donne force exécutoire au divorce.
      • Par exception, si l’enfant du couple demande à être entendu par le juge, les époux saisissent le juge aux affaires familiales.
    • Pour les autres cas de divorce
      • l’époux qui veut former une demande en divorce présente, par l’intermédiaire de son avocat, une requête au juge aux affaires familiales.
      • S’en suit une phase de conciliation, à l’issue de laquelle les époux, s’ils ne sont pas mis d’accord sur les causes et les effets du divorce, pourront assigner l’autre en divorce.
    • La séparation de corps
      • Les époux peuvent également demander à être séparés de corps.
      • Dans ce cas, les époux restent mariés, mais la loi supprime le devoir de communauté de vie.
      • Néanmoins, les autres devoirs personnels perdurent, notamment la fidélité.
      • Le devoir de secours est également maintenu se traduisant par l’octroi d’une pension alimentaire
  • Le pacs
    • Les partenaires qui décident de mettre fin d’un commun accord au pacte civil de solidarité remettent ou adressent à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte une déclaration conjointe à cette fin.
    • Le partenaire qui décide de mettre fin au pacte civil de solidarité le fait signifier à l’autre.
    • Une copie de cette signification est remise ou adressée à l’officier de l’état civil du lieu de son enregistrement ou au notaire instrumentaire qui a procédé à l’enregistrement du pacte.

==> Les conséquences de la dissolution

  • Le mariage
    • Les conjoints mariés sous un régime de communauté doivent liquider leur régime matrimonial :
      • Il est établi le compte des « récompenses » que chaque époux doit à la communauté ou que la communauté leur doit.
      • L’actif de la communauté est partagé par moitié entre les époux.
        • En cas de désaccord entre les conjoints, les biens peuvent être vendus et le prix de vente partagé.
    • Sous le régime de la participation aux acquêts, à la dissolution du mariage, chacun des conjoints a le droit de participer pour moitié aux acquêts du conjoint et en principe, chaque époux bénéficie, à hauteur de moitié, des acquêts de l’autre, mais le contrat de mariage peut prévoir une proportion différente.
    • Ceux mariés sous la séparation de biens doivent également liquider l’indivision dès lors qu’ils ont acquis des biens ensemble ou que l’un a engagé des dépenses qui ont valorisé le patrimoine de l’autre.
    • En matière de divorce, l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation (dite prestation compensatoire) destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Elle prend en principe la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge ou par la convention de divorce
  • Le pacs
    • Il revient aux partenaires de procéder à la liquidation des droits et obligations issus du PACS (art. 515-7 al.10 C. civ.).
      • Chacun des partenaires reprend ses biens personnels.
      • Les biens indivis sont partagés par moitié, sauf modalités conventionnelles contraires.
      • Les créances entre les partenaires sont réglées, sous l’empire des règles de calcul des récompenses entre époux communs en biens.
    • Le régime de la prestation compensatoire ne s’applique pas aux partenaires de PACS.

L’existence d’une plus-value globale ne suffit pas à exonérer le gestionnaire d’un portefeuille de titres de sa responsabilité (Cass. com. 6 déc. 2017)

Par un arrêt du 6 décembre 2017, la Cour de cassation a estimé que le préjudice causé par le non-respect d’un mandat de gestion est constitué par les pertes financières nées des investissements faits en dépassement du mandat.

  • Faits
    • Une société a confié le 14 janvier 2010 à un établissement financier un mandat de gestion portant sur une certaine somme
    • La consigne assignée au mandataire était double :
      • obtenir la valorisation du capital confié sans prendre de risque, selon une gestion prudente et en vue de l’obtention d’une performance régulière,
      • cibler un « profil prudent investi à 100 % en obligations convertibles de bonne qualité »
    • Courant 2010, le gestionnaire investit pour le compte de son client certains montants dans des obligations émises par l’Etat grec
    • Le 4 octobre 2012, le mandant décide de résilier le mandat, après avoir constaté des fortes moins-values sur les titres qu’il détenait.
  • Demande
    • Estimant que la perte financière subie lors de la cession des titres avait été causée par une faute de gestion, le client assigne son mandataire en réparation de son préjudice.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 30 juin 2016, la Cour d’appel de Paris fait droit à la demande du mandant.
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où certains titres retenus par le mandataire ne répondaient pas aux orientations du mandat de gestion prudente, à l’absence de tout risque expressément stipulé dans la convention et à la catégorie des obligations de bonne qualité définies par l’une des agences mentionnées dans l’offre de gestion, le mandataire n’a pas respecté les obligations qui s’imposaient à lui.
  • Solution
    • Par un arrêt du 6 décembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le mandataire.
    • Au soutien de sa décision, elle affirme que « le préjudice causé par le non-respect d’un mandat de gestion est constitué par les pertes financières nées des investissements faits en dépassement du mandat, indépendamment de la valorisation éventuelle des autres fonds investis et de l’évolution globale du reste du portefeuille géré conformément au mandat».
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale, le préjudice dont se prévaut le mandant doit être apprécié au regard, non pas de la valorisation des titres donnés en gestion pris dans leur globalité, mais en fonction de la violation par le mandataire de ses obligations contractuelles.
    • L’argument avancé par l’auteur du pourvoi consistant à dire que dans la mesure où le portefeuille de titres qu’il détenait pour le compte de son client arborait un solde positif, en conséquence de quoi aucun préjudice n’avait été causé à son client, n’a donc pas convaincu la Cour de cassation.
  • Analyse
    • La solution adoptée par la Cour de cassation doit, selon nous, être approuvée.
    • Pour rappel, l’article 1998 du Code civil prévoit que « le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.»
    • L’alinéa 2 précise que le mandant « n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement. »
    • En l’espèce, le mandataire a manifestement agi en dépassement des pouvoirs qui lui étaient conférés en vertu du mandant.
    • La faute qui lui est reprochée est d’avoir acquis des titres qui ne répondaient pas aux exigences prévues dans le mandat.
    • Est-ce à dire que sa responsabilité contractuelle était nécessairement engagée ?
    • Pour qu’elle le soit encore fallait-il que le mandant puisse justifier d’un préjudice en lien direct avec la faute commise.
    • C’est là que survient la difficulté.
    • Comment, en effet, établir l’existence d’un préjudice alors que la valorisation des titres détenus en portefeuille par le mandataire présentait un solde positif ?
    • Il peut être observé, à titre liminaire, que pèse sur le gestionnaire de portefeuilles une obligation de moyens.
    • L’article 314-3 du règlement général de l’AMF dispose en ce sens que « le prestataire de services d’investissement agit d’une manière honnête, loyale et professionnelle, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent».
    • Ainsi, à supposer que les titres gérés par le mandataire aient perdu en valeur, cette perte financière ne constitue pas une faute en elle-même.
    • Pour être caractérisée, cela suppose que le préjudice subi par le mandant s’accompagne d’un manquement aux obligations contractuelles.
    • La Cour de cassation avance en ce sens, dans l’arrêt rendu en l’espèce, que, au fond, la faute de gestion doit s’apprécier, non pas au regard du résultat obtenu, mais à l’aune du comportement du mandataire.
    • Cela signifie que dès lors que celui-ci a scrupuleusement respecté les termes du mandat, il ne saurait engager pas sa responsabilité.
    • Seul l’accomplissement d’actes en dehors du cadre du mandat est de nature à caractériser une faute.
    • En l’espèce, il a été établi que, d’une part, le mandataire avait agi en dépassement de ses pouvoirs et que, d’autre part, il en était résulté une perte financière pour le mandant.
    • La conséquence en est l’engagement de la responsabilité contractuelle du mandataire pour violation des termes du mandat de gestion.

Cass. com. 6 déc. 2017
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 juin 2016), que la société Aboutbatteries a confié le 14 janvier 2010 à la société Iris finance un mandat de gestion portant sur une certaine somme ; que, selon le mandat, l’objectif assigné à la gestion était “d’obtenir la valorisation du capital confié sans prendre de risque”, selon une gestion prudente et en vue de l’obtention d’une performance régulière, l’offre de gestion préconisant un “profil prudent investi à 100 % en obligations convertibles de bonne qualité” ; que, courant 2010, la société Iris finance a investi pour le compte de la société Aboutbatteries certains montants dans des obligations émises par l’Etat grec ; que, le 4 octobre 2012, la société Aboutbatteries a résilié le mandat ; qu’après avoir cédé les titres litigieux et constaté une moins-value qu’elle estimait avoir été fautivement causée par la société Iris finance, la société Aboutbatteries l’a assignée en réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Iris finance fait grief à l’arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la société Aboutbatteries alors, selon le moyen :

1°/ qu’une perte financière ne constitue pas un préjudice dès lors qu’elle a pour contrepartie un avantage financier venu la compenser ; qu’en considérant que la société Aboutbatteries avait subi une perte en capital et une perte de rendement du fait de la moins-value réalisée lors de la cession des obligations grecques faisant partie du portefeuille géré par la société Iris finance, sans tenir compte des résultats de la gestion de l’ensemble de ce portefeuille, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation était seule à même de déterminer si les plus-values réalisées sur certaines lignes du portefeuille géré n’avaient pas compensé les moins-values résultant de la dépréciation des obligations grecques et, dès lors, si la société Aboutbatteries avait subi un réel préjudice financier, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

2°/ que le préjudice financier subi par un investisseur du fait des éventuelles fautes de gestion commises par une société de gestion de portefeuille doit être apprécié en considération de la globalité de ce portefeuille qui constitue une universalité et doit être traité comme un tout indivisible, et non au regard de chacune des lignes souscrites ; qu’en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites, sans prendre en compte les résultats de la gestion de l’ensemble du portefeuille géré par la société Iris finance, au motif inopérant que la reconstitution a posteriori des valeurs de ce portefeuille aurait été purement hypothétique, quand une telle évaluation de la performance globale de cette universalité indivisible permettait seule de déterminer si la société Aboutbatteries avait subi un préjudice financier, la cour d’appel a violé l’article 1147 du code civil ;

3°/ qu’en toute hypothèse, les conséquences préjudiciables de la mauvaise exécution d’un mandat doivent être appréciées à son terme contractuel ; qu’en considérant que la société Aboutbatteries avait subi des pertes financières du fait de la dépréciation des obligations grecques souscrites par la société Iris finance sans prendre en considération la valeur que ces titres auraient eu le 25 juin 2014, à l’issue d’une période normale de gestion, la cour d’appel a derechef violé l’article 1147 du code civil ;

Mais attendu que le préjudice causé par le non-respect d’un mandat de gestion est constitué par les pertes financières nées des investissements faits en dépassement du mandat, indépendamment de la valorisation éventuelle des autres fonds investis et de l’évolution globale du reste du portefeuille géré conformément au mandat ; qu’après avoir retenu que certains des titres choisis par la société Iris finance ne répondaient pas aux orientations du mandat de gestion prudente, à l’absence de tout risque expressément stipulé par la société Aboutbatteries et à la catégorie des obligations de bonne qualité définies par l’une des agences mentionnées dans l’offre de gestion, ce dont elle a déduit que la société Iris finance n’avait pas respecté son mandat, la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a, à bon droit, décidé que le préjudice causé par la faute ainsi caractérisée était constitué par la perte financière constatée lors de la cession des titres litigieux et par celle de tout rendement de ces investissements ; que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;