La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une simplification des modes de saisine, ces derniers étant unifiés devant le Tribunal judiciaire.
Cette unification des modes de saisine procède de la consécration d’une proposition formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.
Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».
Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « créer l’acte unique de saisine judiciaire ». Cette proposition repose sur le constat que
- D’une part, « la majorité des réponses aux consultations est favorable à la réduction des cinq modes de saisine des juridictions civiles et propose de ne conserver que l’assignation et la requête. »
- D’autre part, « la variété des modes de saisine existant pour une même juridiction est un facteur de complication des méthodes de travail alors que le numérique offre d’importantes perspectives de standardisation et devrait permettre de limiter les tâches répétitives. »
Aussi, le groupe de travail considère-t-il que « la transformation numérique impose de sortir des schémas actuels du code de procédure civile ».
Le vœu formulé par ce dernier a manifestement été exhaussé par le législateur puisque la loi du 23 mars 2019 a non seulement simplifié les modes de saisine, mais encore, tout en supprimant la déclaration au greffe et la présentation volontaire des parties comme mode de saisine, elle a conféré à l’assignation une nouvelle fonction : celle de convocation du défendeur en matière contentieuse. Pour le comprendre, revenons à la fonction générale des actes introductifs d’instance.
La formulation d’une demande en justice suppose, pour le plaideur qui est à l’initiative du procès, d’accomplir ce que l’on appelle un acte introductif d’instance, lequel consiste à soumettre au juge des prétentions (art. 53 CPC).
En matière contentieuse, selon l’article 54 du Code de procédure civile, cet acte peut prendre plusieurs formes au nombre desquelles figurent :
- L’assignation
- La requête
- La requête conjointe
Reste que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance n’emporte pas saisine de la juridiction.
En effet, pour saisir le juge, il convient de procéder à l’enrôlement de l’affaire, ce qui, par suite, donnera lieu à la constitution d’un dossier par le greffe. Dans le même temps, et plus précisément dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance de l’assignation, il appartient, au défendeur, en procédure écrite, de constituer avocat.
Nous nous focaliserons ici sur l’enrôlement de l’acte introductif.
Bien que l’acte de constitution d’avocat doive être remis au greffe, il n’a pas pour effet de saisir le Tribunal.
Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que cette saisine ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».
Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.
Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.
À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer
- Le placement de l’acte introductif d’instance
- L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
- La constitution et le suivi du dossier
I) Le placement de l’acte introductif d’instance
A) Le placement de l’assignation
1. La remise de l’assignation au greffe
L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.
C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.
À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »
2. Le délai
a. Principe
i. Droit antérieur
L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».
L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »
Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.
==>La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique
Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).
Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.
Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »
Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :
- La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
- Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
- La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
- L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai
==>La date d’audience était communiquée par voie électronique
Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :
- La procédure écrite ordinaire
- La procédure à jour fixe
L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »
Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.
Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.
Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.
ii. Droit positif
L’article 754 du CPC, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2 que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »
Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.
- La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
- Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
- La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
- Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai
Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.
b. Exception
L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.
Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)
Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.
En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.
3. La sanction
L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.
Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »
À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.
En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.
Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).
B) Le placement de la requête
==>Modalités de placement
La procédure sur requête présente cette particularité d’être non-contradictoire. Il en résulte que la requête n’a pas vocation à être notifiée à la partie adverse, à tout le moins dans le cadre de l’introduction de l’instance.
Aussi, la saisie de la juridiction s’opère par l’acte de dépôt de la requête auprès de la juridiction compétence, cette formalité n’étant précédée, ni suivi d’aucune autre.
L’article 845 du CPC prévoit en ce sens que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. »
L’article 756 précise que « cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux. »
L’alinéa 2 de cette disposition précise que, lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.
À cet égard, il convient d’observer que, désormais, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en bornage ou aux actions visées à l’article R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (art. 750-1 CPC).
Enfin, comme pour l’assignation, en application de l’article 769 du CPC, la remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
==>Convocation des parties défendeur
L’article 758 du CPC dispose que, lorsque la juridiction est saisie par requête, le président du tribunal fixe les lieu, jour et heure de l’audience.
Reste à en informer les parties :
- S’agissant du requérant
- Il est informé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience « par tous moyens »
- On en déduit qu’il n’est pas nécessaire pour le greffe de lui communication l’information par voie de lettre recommandée
- S’agissant du défendeur
- L’article 758, al. 3 prévoit que le greffier convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
- À cet égard, la convocation doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figurent :
- La date ;
- L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
- L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
- Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
- Un rappel des dispositions de l’article 832 du CPC qui prévoit que
- « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »
- Les modalités de comparution devant la juridiction
- La convocation par le greffe du défendeur vaut citation précise l’article 758 du CPC.
- Enfin, lorsque la représentation est obligatoire, l’avis est donné aux avocats par simple bulletin.
- Par ailleurs, la copie de la requête est jointe à l’avis adressé à l’avocat du défendeur ou, lorsqu’il n’est pas représenté, au défendeur.
C) Le placement de la requête conjointe
==>Modalités de placement
L’article 756 du CPC prévoit que « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. » La saisine de la juridiction compétente s’opère ainsi de la même manière que pour la requête « ordinaire ».
La requête peut, de sorte, également être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux à intervenir.
Le dépôt de la requête suffit, à lui-seul, à provoquer la saisine du Tribunal judiciaire. À la différence de l’assignation, aucun délai n’est imposé aux parties pour procéder au dépôt. La raison en est que la requête n’est pas signifiée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de presser les demandeurs.
En application de l’article 769 du CPC La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
==>Convocation des parties
L’article 758 du CPC prévoit que, lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée.
Consécutivement à la fixation de la date d’audience, les parties en sont avisées par le greffier.
II) L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.
Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision
Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.
III) La constitution et le suivi du dossier
Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.
==>La constitution du dossier
L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.
Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.
Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.
Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.
Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »
==>Le suivi du dossier
L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.
Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.
En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :
- La date de l’audience ;
- Le nom des juges et du greffier ;
- Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
- L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
- Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.
Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.
L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.
Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.
Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.
Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.