La responsabilité contractuelle: régime juridique

Cinquième et dernière sanction susceptible d’être encourue par la partie qui a manqué à ses obligations contractuelles : la condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Cette sanction prévue par l’article 1217 du Code civil présente la particularité de pouvoir être cumulée avec les autres sanctions énoncées par le texte. Anciennement traitée aux articles 1146 à 1155 du Code civil, elle est désormais envisagée dans une sous-section 5 intitulée « la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat ».

Tel qu’indiqué par l’intitulé de cette sous-section 5, l’octroi des dommages et intérêts au créancier vise, à réparer les conséquences de l’inexécution contractuelle dont il est victime.

Si, à certains égards, le système ainsi institué se rapproche de l’exécution forcée par équivalent, en ce que les deux sanctions se traduisent par le paiement d’une somme d’argent, il s’en distingue fondamentalement, en ce que l’octroi de dommages et intérêts a pour finalité, non pas de garantir l’exécution du contrat, mais de réparer le préjudice subi par le créancier du fait de l’inexécution du contrat. Les finalités recherchées sont donc différentes.

S’agissant de l’octroi de dommages et intérêts au créancier victime d’un dommage, le mécanisme institué aux articles 1231 et suivants du Code civil procède de la mise en œuvre d’une figure bien connue du droit des obligations, sinon centrale : la responsabilité contractuelle.

Classiquement, il est admis que cette forme de responsabilité se rapproche très étroitement de la responsabilité délictuelle.

Ce rapprochement ne signifie pas pour autant que les deux régimes de responsabilité se confondent, bien que le maintien de leur distinction soit contesté par une partie de la doctrine.

?Responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle

  • La responsabilité contractuelle désigne l’obligation de réparer les dommages résultant d’un défaut dans l’exécution d’un contrat : inexécution, mauvaise exécution ou encore exécution tardive.
  • La responsabilité délictuelle, encore appelée extracontractuelle, sanctionne quant à elle les dommages causés à autrui en dehors de tout lien contractuel, l’obligation de réparation puisant alors à la seule source de la loi.

Deux thèses s’affrontent s’agissant du maintien de la dualité entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle :

  • La thèse contre le maintien de la dualité
    • Premier argument
      • Le principe même de l’existence d’une responsabilité contractuelle est contesté.
      • Pour les tenants de cette vision, la réparation des dommages causés par le défaut d’exécution d’un contrat relève du domaine de la responsabilité délictuelle ; en l’absence de dommage, seule l’exécution forcée du contrat peut être recherchée, le cas échéant sous la forme d’un équivalent pécuniaire à l’exécution en nature.
    • Deuxième argument
      • Les frontières entre le domaine de la responsabilité contractuelle et celui de la responsabilité délictuelle s’avèrent incertaines et mouvantes, l’évolution de la jurisprudence se caractérisant, pour l’essentiel, par un élargissement du domaine de la responsabilité contractuelle, un accroissement des obligations résultant du contrat et une extension des personnes liées par un contrat.
    • Troisième argument
      • La portée de la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle s’amenuise.
      • Leurs régimes se ressemblent en effet sur bien des points – définition du préjudice réparable, établissement du lien de causalité, règles de prescription – et leurs résultats sont souvent semblables, de sorte qu’une erreur de qualification peut rester sans conséquence. Elle n’est pas sanctionnée par la Cour de cassation.
  • La thèse pour le maintien de la dualité
    • Premier argument
      • La responsabilité contractuelle poursuit un objectif indemnitaire qui ne saurait se limiter à la seule fonction d’exécution forcée du contrat.
      • En cas d’inexécution, le créancier insatisfait doit pouvoir non seulement exiger l’exécution du contrat ou sa résolution, mais aussi et cumulativement, le cas échéant, obtenir réparation.
      • Or cette réparation, économiquement et juridiquement, ne se confond pas avec la prestation conventionnellement due.
    • Deuxième argument
      • Si les règles communes aux deux branches de la responsabilité l’emportent assez largement (…), il en subsiste d’autres qui, propres à la responsabilité contractuelle, font obstacle à une assimilation complète.
      • Ainsi le principe selon lequel la réparation est à la mesure du dommage prévisible se justifie par le fait que l’économie du contrat consiste précisément à prévoir et à organiser, par anticipation, un rapport conventionnel.
      • Les mêmes considérations conduisent à admettre plus largement le jeu de clauses exclusives ou limitatives de responsabilité en matière contractuelle.

La distinction entre les deux régimes de responsabilité a classiquement pour corollaire le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle.

?Principe de non-cumul

La jurisprudence a depuis longtemps posé un important principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle (V. en ce sens Cass. req. 21 janv. 1880).

Certains auteurs, minoritaires, étaient pourtant contre la reconnaissance de ce principe, au premier rang desquels figurait Planiol. Selon lui, partisan du cumul des responsabilités « la responsabilité délictuelle est préexistante à toute réglementation et se superpose seulement à la première à la manière d’un sédiment ».

La thèse avancée n’a cependant pas convaincu la Cour de cassation qui a toujours maintenu sa position.

Dans un arrêt du 11 janvier 1922 la haute juridiction a ainsi jugé que « les articles 1382 et suivants sont sans application lorsqu’il s’agit d’une faute commise dans l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat » (Cass. civ. 11 janv. 1922).

Dans un arrêt du 11 janvier 1989, la Cour de cassation a encore considéré que « le créancier d’une obligation contractuelle ne peut se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité délictuelle » (Cass. 1ère civ. 11 janv. 1989, n°86-17.323).

Selon le principe du non-cumul encore qualifié de non-option, si un dommage se rattache à l’exécution d’un contrat, il n’est pas possible d’en demander la réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Il n’est donc a fortiori pas possible de cumuler les deux voies et de demander réparation du même dommage sur deux fondements différents car il y aurait enrichissement sans cause de la victime à être indemnisée deux fois pour un seul dommage.

Les raisons de ce principe sont diverses. Il s’agit principalement d’éviter que le demandeur, en choisissant la voie de la responsabilité délictuelle, puisse échapper à des contraintes qu’il avait acceptées et qui rentraient dans les prévisions de son cocontractant, en particulier une clause limitative de responsabilité, ou encore se dispenser de la charge de la preuve, en invoquant la responsabilité de plein droit prévue par le premier alinéa de l’article 1242 du code civil.

En faveur du cumul des responsabilités, on a surtout fait valoir que la responsabilité délictuelle serait une institution d’ordre public. Elle constituerait un minimum que le contrat pourrait augmenter mais non diminuer. Or les clauses limitatives de responsabilité sont admises.

Telles sont les raisons pour lesquelles, l’avant-projet de loi de réforme du droit de la responsabilité civile consacre ce principe de non-cumul sous réserve d’une exception très importante au profit des victimes de dommages corporels.

Celles-ci doivent pouvoir opter en faveur du régime qu’elles estiment leur être le plus favorable, à condition toutefois d’être en mesure d’apporter la preuve des conditions exigées pour justifier le type de responsabilité qu’elles invoquent.

?Un régime juridique provisoire

Ainsi qu’il l’est précisé dans le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, la réforme du droit des obligations n’opère aucun bouleversement radical en matière de responsabilité contractuelle.

En effet, la sous-section 5 consacrée à la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat est une reprise à droit constant de la section 4 du chapitre III de l’actuel titre III du code civil, avec quelques ajustements formels.

La raison en est, selon le rapport, que la responsabilité contractuelle ne peut être réformée isolément de la responsabilité extracontractuelle : il est généralement admis que, fondamentalement, ces deux formes de responsabilité sont des mécanismes de même nature, qui reposent sur l’existence d’un fait générateur, d’un dommage, et d’un lien de causalité entre les deux.

Seules des différences de régime les opposent, fondées essentiellement sur l’originalité du fait générateur en matière contractuelle, et que l’ordonnance du 10 février 2016 ne modifie pas.

Aussi, a-t-il été annoncé que le régime de la responsabilité contractuelle a vocation à être réformé dans le cadre du futur projet de réforme globale de la responsabilité civile, qui détaillera les dispositions communes aux responsabilités contractuelle et extracontractuelle, et les dispositions propres à chacun de ces deux régimes.

Pour l’heure, c’est seulement une modernisation du régime de la responsabilité contractuelle qui est intervenue, ce qui s’est traduit essentiellement par une codification des grands principes forgés par la jurisprudence antérieure.

Ces grands principes s’articulent autour de deux axes que sont :

  • D’une part, les conditions de la responsabilité contractuelle
  • D’autre part, l’aménagement de la responsabilité contractuelle

I) Les conditions de la responsabilité contractuelle

À l’instar de la responsabilité délictuelle la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • L’inexécution d’une obligation contractuelle
  • Un dommage
  • Un lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le dommage

A) L’inexécution d’une obligation contractuelle

L’article 1231-1 du Code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Il ressort de cette disposition que, pour être remplie, la condition tenant à l’exécution contractuelle, un manquement contractuel doit, d’une part, être caractérisé. D’autre part, ce manquement doit pouvoir être imputé au débiteur, faute de quoi sa responsabilité ne pourra pas être recherchée.

1. L’exigence d’un manquement contractuel

L’article 1231-1 du Code civil subordonne la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’existence :

  • Soit à l’inexécution de l’obligation
  • Soit d’un retard dans l’exécution de l’obligation

Il ressort de cette disposition que l’inexécution contractuelle doit être entendue largement, celle-ci pouvant être totale ou partielle. Mais elle peut également consister en une exécution tardive ou défectueuse.

Plus généralement, l’inexécution visée par l’article 1231-1 du Code civil s’apparente en un manquement, par le débiteur, aux stipulations contractuelles.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi ce manquement doit-il consister pour être générateur de responsabilité contractuelle ; d’où il s’ensuit la problématique de la preuve.

a. Le contenu du manquement

Très tôt la question s’est donc posée de savoir ce que l’on doit entendre par manquement contractuel, le Code civil étant silencieux sur ce point.

Plus précisément on s’est demandé si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté devait être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute était indifférent.

a.1. Problématique de la faute

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil semblait apporter deux réponses contradictoires à cette interrogation.

  • D’un côté, l’article 1137, al. 1er disposait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables. »
    • On en déduisait, que pour rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur, il appartenait au créancier, non seulement de rapporter la preuve d’une inexécution, mais encore d’établir que le débiteur ne s’était pas comporté en bon père de famille.
    • Classiquement, l’expression « bon père de famille » désigne la personne qui est avisée, soignée et diligente.
    • Conformément à cette définition, le débiteur ne pourrait, dès lors, voir sa responsabilité contractuelle engagée que s’il peut lui être reproché des faits de négligence ou d’imprudence que le contractant, bon père de famille, placé dans les mêmes conditions, n’aurait pas commis.
  • D’un autre côté, l’article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • À la différence de l’ancien article 1137 du Code civil cette disposition n’exigeait pas du créancier qu’il prouve que le débiteur ne s’est pas comporté en bon père de famille pour que sa responsabilité puisse être recherchée.
    • Il s’évinçait donc de l’article 1147 que l’absence de faute du débiteur était sans incidence : seule importe l’existence d’une inexécution contractuelle.

Au bilan, tandis que l’ancien article 1137 du Code civil subordonnait la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’établissement d’une faute, l’article 1147 ne l’exigeait pas, la seule inexécution contractuelle se suffisant à elle-même.

Pour sortir de l’impasse et résoudre cette contradiction, un auteur, René Demogue, suggéra de raisonner en opérant une distinction entre :

  • D’une part, les obligations de moyens qui relèveraient de l’application de l’article 1137 du Code civil
  • D’autre part, les obligations de résultat qui obéiraient, quant à elles, à la règle posée à l’article 1147

a.2. Obligations de moyens et obligations de résultat

?Exposé de la distinction

Demogue soutenait ainsi que la conciliation entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil tenait à la distinction entre les obligations de résultat et les obligations de moyens :

  • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé
    • Exemple: Dans le cadre d’un contrat de vente, pèse sur le vendeur une obligation de résultat : celle livrer la chose promise. L’obligation est également de résultat pour l’acheteur qui s’engage à payer le prix convenu.
    • Il suffira donc au créancier de démontrer que le résultat n’a pas été atteint pour établir un manquement contractuel, source de responsabilité pour le débiteur
  • L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
    • Exemplele médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
    • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat

La distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat rappelle immédiatement la contradiction entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil.

  • En matière d’obligation de moyens
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Cette règle n’est autre que celle posée à l’ancien article 1137 du Code civil.
  • En matière d’obligation de résultat
    • Il est indifférent que le débiteur ait commis une faute, sa responsabilité pouvant être recherchée du seul fait de l’inexécution du contrat.
    • On retrouve ici la règle édictée à l’ancien article 1147 du Code civil.

La question qui alors se pose est de savoir comment déterminer si une obligation est de moyens ou de résultat.

?Critères de la distinction

En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.

Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :

  • La volonté des parties
    • La distinction entre obligation de résultat et de moyens repose sur l’intensité de l’engagement pris par le débiteur envers le créancier.
    • La qualification de l’obligation doit donc être appréhendée à la lumière des clauses du contrat et, le cas échéant, des prescriptions de la loi.
    • En cas de silence de contrat, le juge peut se reporter à la loi qui, parfois, détermine si l’obligation est de moyens ou de résultat.
    • En matière de mandat, par exemple, l’article 1991 du Code civil dispose que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
    • C’est donc une obligation de résultat qui pèse sur le mandataire.
  • Le contrôle de l’exécution
    • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
    • Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
    • En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
    • À l’inverse, le médecin, n’est pas tenu à une obligation de guérir (qui serait une obligation de résultat) mais de soigner (obligation de moyens).
    • La raison en est que le médecin n’a pas l’entière maîtrise de la prestation éminemment complexe qu’il fournit.
  • Rôle actif/passif du créancier
    • L’obligation est de moyens lorsque le créancier joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation qui échoit au débiteur
    • En revanche, l’obligation est plutôt de résultat, si le créancier n’intervient pas

?Mise en œuvre de la distinction

Le recours à la technique du faisceau d’indices a conduit la jurisprudence à ventiler les principales obligations selon qu’elles sont de moyens ou de résultat.

L’examen de la jurisprudence révèle néanmoins que cette dichotomie entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’est pas toujours aussi marquée.

Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Pour ces obligations on parle d’obligations de résultat atténué ou d’obligation de moyens renforcée : c’est selon. Trois variétés d’obligations doivent donc, en réalité, être distinguées.

  • Les obligations de résultat
    • Au nombre des obligations de résultat on compte notamment :
      • L’obligation de payer un prix, laquelle se retrouve dans la plupart des contrats (vente, louage d’ouvrage, bail etc.)
      • L’obligation de délivrer la chose en matière de contrat de vente
      • L’obligation de fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage
      • L’obligation de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt
      • L’obligation de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail
      • L’obligation d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport
      • L’obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes (V. en ce sens Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307).
  • Les obligations de résultat atténuées ou de moyens renforcées
    • Parfois la jurisprudence admet donc que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Pour ce faire, il devra renverser la présomption de responsabilité en démontrant qu’il a exécuté son obligation sans commettre de faute.
    • Tel est le cas pour :
      • L’obligation de conservation de la chose en matière de contrat de dépôt
      • L’obligation qui pèse sur le preneur en matière de louage d’immeuble qui, en application de l’article 1732 du Code civil, « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute »
      • L’obligation de réparation qui échoit au garagiste et plus généralement à tout professionnel qui fournit une prestation de réparation de biens (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-18764).
      • L’obligation qui échoit sur le transporteur, en matière de transport maritime, qui « est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés » (art. L. 5421-4 du code des transports)
      • L’obligation de conseil que la jurisprudence appréhende parfois en matière de contrats informatiques comme une obligation de moyen renforcée.
  • Les obligations de moyens
    • À l’analyse les obligations de moyens sont surtout présentes, soit dans les contrats qui portent sur la fourniture de prestations intellectuelles, soit lorsque le résultat convenu entre les parties est soumis à un certain aléa
    • Aussi, au nombre des obligations de moyens figurent :
      • L’obligation qui pèse sur le médecin de soigner son patient, qui donc n’a nullement l’obligation de guérir (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-13.579).
        • Par exception, l’obligation qui échoit au médecin est de résultat lorsqu’il vend à son patient du matériel médical qui est légitimement en droit d’attendre que ce matériel fonctionne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°03-12.146).
        • Il en va de même s’agissant de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin, la preuve de l’exécution de cette obligation étant à sa charge et pouvant se faire par tous moyens.
      • L’obligation qui pèse sur la partie qui fournit une prestation intellectuelle, tel que l’expert, l’avocat (réserve faite de la rédaction des actes), l’enseignant,
      • L’obligation qui pèse sur le mandataire qui, en application de l’article 1992 du Code civil « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. »
      • L’obligation de surveillance qui pèse sur les structures qui accueillent des enfants ou des majeurs protégés (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 mars 1997, n°95-12.891).

?Sort de la distinction après la réforme du droit des obligations

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 révèle que la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’a pas été reprise par le législateur, à tout le moins formellement.

Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?

Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles 1147 et 1137.

Pour s’en convaincre il suffit de les comparer :

  • S’agissant des articles 1231-1 et 1147
    • L’ancien article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • Le nouvel article 1231-1 prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
  • S’agissant des articles 1197 et 1137
    • L’ancien article 1137 prévoyait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables ».
    • Le nouvel article 1197 prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable. »

Une analyse rapide de ces dispositions révèle que, au fond, la contradiction qui existait entre les anciens articles 1137 et 1147 a survécu à la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 21 avril 2018, de sorte qu’il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation ne manquera pas de se saisir de ce constat pour confirmer la jurisprudence antérieure.

b. La preuve du manquement

La mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est subordonnée à la preuve d’un manquement contractuel.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, sur qui pèse la charge de la preuve ?
  • D’autre part, quel est l’objet de la preuve ?

Ces questions sont manifestement indissociables de la problématique consistant à se demander si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté doit être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute est indifférent.

Le régime de la preuve en matière contractuelle est, en effet, radicalement différent selon que la mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est ou non subordonnée à la caractérisation d’une faute.

On en revient alors à la distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat qui détermine le régime probatoire applicable.

  • Lorsque l’obligation est de moyen, le créancier doit établir la faute du débiteur
    • Autrement dit, il doit démontrer que le débiteur n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat convenu ainsi que l’aurait fait le bon père de famille.
    • La gravité de la faute ici importe peu : la responsabilité du débiteur est engagée dès lors qu’il est établi qu’il a manqué à ses obligations contractuelles par négligence ou une imprudence.
    • Cette gravité de la faute ne sera prise en compte que pour déterminer s’il y a lieu d’exclure les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité.
  • Lorsque l’obligation est de résultat, il suffit au créancier de démontrer que le résultat promis n’a pas été atteint
    • Dans cette configuration, la charge de la preuve est en quelque sorte inversée : ce n’est pas au créancier de démontrer que le débiteur a manqué à ses obligations, mais au débiteur de prouver que le résultat stipulé au contrat a bien été atteint.
    • L’exécution, même partielle, des obligations du débiteur, ne lui permet pas de s’exonérer de sa responsabilité.
    • Seul compte ici l’atteinte du résultat auquel s’est engagé le débiteur.
    • Pour s’exonérer de sa responsabilité, ce dernier ne disposera que d’une seule option : établir la survenance d’une cause étrangère.

2. L’imputabilité du manquement

S’il est absolument nécessaire pour que le débiteur d’une obligation engage sa responsabilité qu’une inexécution du contrat, même partielle, puisse lui être reprochée, il est indifférent que cette inexécution ne résulte pas de son fait personnel.

Lorsque, en effet, l’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui ou au fait d’une chose, le débiteur est également susceptible d’engager sa responsabilité.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelle mesure le débiteur répond-il du fait d’autrui et du fait d’une chose.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui

Il est classiquement admis que le débiteur d’une obligation peut engager sa responsabilité contractuelle du fait d’autrui.

Tout d’abord, la loi prévoit de nombreux cas de responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Il en va ainsi en matière de :

  • Contrat de bail, le preneur répondant des dégradations et des pertes qui arrivent par « le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires » (art. 1735 C.civ.)
  • Contrat d’entreprise, le maître d’ouvrage répondant « du fait des personnes qu’il emploie » (art. 1797 C. civ.)
  • Contrat d’hôtellerie, l’hôtelier étant responsable « du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l’hôtel. » (art. 1953 C. civ.)
  • Contrat de mandat, le mandataire répondant « de celui qui s’est substitué dans sa gestion (art. 1994 C. civ.)
  • Contrat de transport, le commissionnaire de transport étant « garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises. » (art. L. 132-6 C. com.)

Ensuite, la jurisprudence reconnaît la responsabilité contractuelle du fait d’autrui lorsque le débiteur a volontairement introduit un tiers dans l’exécution de son obligation.

Il en va ainsi du préposé, du sous-traitant, du mandataire, des représentants du débiteur et plus généralement de tous ceux interviennent sur la demande du débiteur dans la relation contractuelle.

Il en résulte a contrario que lorsque l’intervention du tiers est spontanée, le débiteur n’engage pas sa responsabilité contractuelle en cas d’inexécution contractuelle du fait de ce tiers.

Dans un arrêt du 15 janvier 1993 la Cour d’appel de Grenoble a parfaitement résumé la règle en affirmant que « la responsabilité contractuelle du fait d’autrui couvre les fautes de toutes les personnes auxquelles le débiteur de l’obligation fait appel pour l’exécution du contrat » (CA Grenoble, 15 janv. 1993).

Reste que la responsabilité contractuelle du fait d’autrui ne va en général conduire à faire peser la charge de la dette de réparation sur la tête du cocontractant débiteur que de manière temporaire.

En effet, celui-ci sera fondé, dans le cadre de l’exercice d’une action récursoire, à obtenir le remboursement des sommes qu’il aura exposées auprès du tiers à l’origine du dommage.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’une chose

Bien que le Code civil soit silencieux sur la responsabilité contractuelle du fait des choses, elle a pourtant été conceptualisée par la doctrine qui distingue deux hypothèses :

  • Première hypothèse : la chose est l’objet de l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie aux contrats qui ont pour objet le transfert de propriété de la chose ou sa mise à disposition.
    • Tel est le cas des contrats de vente, d’entreprise ou encore de bail
    • Pour ces contrats, le contractant qui transfère la propriété ou la jouissance de la chose est, la plupart du temps, tenu de garantir son cocontractant contre les vices cachés
    • Aussi, lorsqu’un tel vice affecte l’usage de la chose, l’inexécution contractuelle a bien pour origine cette chose.
    • Le débiteur de l’obligation de garantie engage donc bien sa responsabilité contractuelle du fait de la chose objet du contrat.
  • Seconde hypothèse : la chose est un moyen d’exécuter l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie principalement aux contrats d’entreprise dont l’exécution suppose l’utilisation de choses par le maître d’œuvre tels que, par exemple, des outils ou des instruments.
    • Aussi, le maître d’œuvre engage sa responsabilité lorsqu’un dommage est causé par l’une des choses qu’il avait sous sa garde et qu’il a utilisée pour fournir la prestation promise.

B) Le dommage

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que l’utilisation du terme dommage ou de préjudice est indifférente. La plupart des auteurs les tiennent pour synonymes.

Pour certains, il convient néanmoins de les distinguer en ce que :

  • Le dommage serait le fait brut originaire de la lésion affectant la victime
  • Le préjudice constituerait, quant à lui, la conséquence de cette lésion

Toujours est-il que, à l’instar de la responsabilité délictuelle, la responsabilité contractuelle requiert la caractérisation d’un préjudice. La réparation due au créancier de l’obligation demeura néanmoins limitée au préjudice prévisible.

1. L’exigence d’un préjudice

Alors que la responsabilité délictuelle ne se conçoit pas en dehors de l’existence d’un dommage, la question s’est posée en matière de responsabilité contractuelle.

On s’est, en effet, demandé s’il était nécessaire de rapporter la preuve d’un dommage pour engager la responsabilité contractuelle de son cocontractant.

Cette interrogation a suscité vif débat en doctrine, notamment en suite d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 janvier 2002.

Dans cette décision, la troisième chambre civile avait, au visa de l’article 1147 du Code civil ensemble l’article 1731, affirmé que « l’indemnisation du bailleur en raison de l’inexécution par le preneur des réparations locatives prévues au bail n’est subordonnée ni à l’exécution de ces réparations ni à la justification d’un préjudice » (Cass. 3e civ. 30 janv. 2002, n°00-15.784).

Par cette décision, il était donc admis qu’en matière de bail le créancier n’avait pas à justifier d’un préjudice pour engager la responsabilité contractuelle du preneur.

Finalement, la Cour de cassation est revenue sur sa position dans un arrêt du 3 décembre 2003 aux termes duquel elle a jugé que « dommages-intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où il statue, constate qu’il est résulté un préjudice de la faute contractuelle » (Cass. 3e civ. 3 déc. 2003, n°02-18.033).

Cette position a manifestement été confirmée par le législateur à l’occasion de la réforme du droit des obligations, lequel n’a pas repris l’ancien article 1145 du Code civil, disposition sur laquelle s’appuyait la jurisprudence pour écarter l’exigence du préjudice en matière de responsabilité contractuelle.

À cet égard l’article 1145 disposait que « si l’obligation est de ne pas faire, celui qui y contrevient doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention. »

Aussi, la Cour de cassation en déduisait que pour les obligations de ne pas faire, il n’y avait pas lieu pour le créancier de justifier d’un préjudice, ce qui était une lecture pour le moins erronée du texte, celui-ci le dispensant seulement de mettre en demeure son débiteur (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 10 mai 2005, n°02-15.910).

En tout état de cause, l’article 1145 du Code civil a été écarté par l’ordonnance du 10 février 2016 qui a, en revanche, repris l’ancien article 1149 devenu 1231-2.

Cette disposition prévoit, pour mémoire, que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. »

La lettre du texte ne laisse que peu de place au doute quant à l’exigence d’établir un préjudice pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur.

2. Les caractères du préjudice

Reprenant les termes de l’ancien article 1149 du Code civil, l’article 1231-2 issu de l’ordonnance du 10 février 2016 dispose que « les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après. »

L’article 1231-3 ajoute que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. »

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que, pour être réparable, le préjudice qui résulte d’une inexécution contractuelle doit

  • D’une part, être certain.
  • D’autre part, être prévisible

a. Un préjudice certain

Si l’on se reporte à la définition du dictionnaire, est certain ce qui ne fait pas de doute, ce qui est conforme aux critères de la vérité.

Ainsi, le dommage est certain lorsqu’il est établi et avéré.

Le dommage certain s’oppose, en ce sens, au préjudice éventuel, soit le préjudice dont on ne sait pas s’il se produira.

Pratiquement, par certitude du dommage, il faut entendre, au sens de l’article 1231-2 du Code civil, que le dommage s’est réalisé :

  • Soit parce que la victime a éprouvé une perte (1)
  • Soit parce que la victime a manqué un gain (2)

a.1 La victime a éprouvé une perte

La perte éprouvée par la victime peut être :

  • Soit actuelle
  • Soit future

i. Le préjudice actuel

Le dommage actuel est celui qui s’est déjà réalisé. À la vérité, lorsque le dommage est déjà survenu, cette situation ne soulève guère de difficulté s’agissant de l’indemnisation de la victime.

Mais quid lorsque le dommage ne s’est pas encore réalisé ? Peut-on réparer un préjudice futur ?

ii. Le préjudice futur

?Préjudice futur et préjudice actuel

Contrairement à une idée reçue, le préjudice futur ne s’oppose pas au préjudice actuel en ce qu’il ne serait pas réparable.

Ces deux sortes de préjudice s’opposent uniquement en raison de leur date de survenance.

Au vrai, dès lors que le préjudice futur et le préjudice actuel présentent un caractère certain, tous deux sont réparables.

?Préjudice futur et préjudice éventuel

En matière de responsabilité, le préjudice futur s’oppose, en réalité, au préjudice éventuel dont la réalisation n’est pas certaine.

Dès lors que l’éventualité du préjudice « ne s’est pas transformée en certitude », pour reprendre une expression de François Terré, le préjudice n’est pas réparable, contrairement au préjudice futur dont la réalisation est certaine.

?Le préjudice futur certain

Ce qui importe c’est donc que le préjudice futur soit certain pour être réparable.

La Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer ce principe en jugeant, dès 1932 que « s’il n’est pas possible d’allouer des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice purement éventuel, il en est autrement lorsque le préjudice, bien que futur, apparaît aux juges du fait comme la prolongation certaine et directe d’un état de choses actuel et comme étant susceptible d’estimation immédiate » (Cass. crim., 1er juin 1932).

Surtout, le projet de réforme de la responsabilité civile envisage l’introduction d’un article 1236 dans le Code civil qui disposerait que « le préjudice futur est réparable lorsqu’il est la prolongation certaine et directe d’un état de choses actuel »

Exemples :

  • Dans un arrêt du 13 mars 1967, la Cour de cassation a estimé que la victime d’un accident de la circulation était fondée à obtenir réparation du préjudice futur occasionné par l’ablation de la rate, laquelle est de nature à raccourcir son espérance de vie (Cass. 2e civ., 13 mars 1967).
  • Dans un arrêt du 3 mars 1993, la Cour de cassation a jugé que «  des propriétaires d’immeubles justifiaient d’un préjudice certain du fait de la présence d’une ancienne carrière de calcaire asphaltique et du classement, à la suite d’effondrements du sol, comme zone de risque d’une partie du territoire de la commune, dès lors qu’elle relève que les tassements de sol se poursuivront de façon lente et irrégulière, avec parfois une accélération brutale, imprévisible et dangereuse, et que le sous-sol étant “déconsolidé” d’une manière irréversible, les immeubles seront soumis à plus ou moins brève échéance à de graves désordres voire à un effondrement qui les rendra inhabitables » (Cass. 2e civ., 3 mars 1993, n°91-17.199).

a.2 La victime a manqué un gain

Le dommage réparable ne consiste pas toujours en une perte pour la victime ; il peut également s’agir d’un manque à gagner.

La Cour de cassation qualifie ce manque à gagner, lorsqu’il est réparable, de perte d’une chance.

?Reconnaissance de la perte d’une chance comme préjudice réparable

Dans un arrêt fondateur du 17 juillet 1889 la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois, le caractère réparable de la perte de chance.

En l’espèce, le client d’un huissier de justice est privé de la possibilité de faire appel d’un jugement et, par voie de conséquence, de gagner son procès en raison de la faute commise par l’officier ministériel, laquelle faute a entraîné la nullité de l’acte portant déclaration d’appel.

La Cour de cassation reconnaît au client de l’étude un droit à réparation, sur le fondement de la perte de chance (Cass. req., 17 juill. 1889)

Depuis lors, la Cour de cassation reconnaît de façon constante à la perte de chance le caractère de préjudice réparable (V. en ce sens Cass. 1re civ., 27 janv. 1970, n°68-12.782 ; Cass. 2e civ., 7 févr. 1996, n°94-12.965 ; Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n°12-14.439)

?Définition

La Cour de cassation définit la perte de chance comme « la disparition, par l’effet d’un délit, de la probabilité d’un événement favorable, encore que ; par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine » (Cass. crim., 18 mars 1975, n°74-92.118).

Dans un arrêt du 4 décembre 1996, la Cour de cassation a sensiblement rectifié sa définition de la perte de chance en jugeant que « l’élément de préjudice constitué par la perte d’une chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet de l’infraction, de la probabilité d’un événement favorable encore que, par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine » (Cass. crim., 4 déc. 1996, n°96-81.163).

?Conditions

Il ressort des définitions retenues par la Cour de cassation de la perte de chance que pour être réparable, elle doit satisfaire à plusieurs conditions :

  • L’éventualité favorable doit exister
    • Autrement dit, la victime doit avoir été en position de chance, position dont elle a été privée en raison de la production du fait dommageable.
    • Exemple : la Cour de cassation a-t-elle refusé d’indemniser un ouvrier boulanger, victime d’un accident le privant de la possibilité d’ouvrir sa propre boulangerie, dans la mesure où il n’avait effectué aucune démarche en ce sens (Cass. 2e civ., 3 déc. 1997, n°96-11.816).
    • Le critère utilisé par la Cour de cassation afin de déterminer si l’éventualité existe est, le plus souvent, le bref délai.
    • Moins l’éventualité favorable espérée par la victime se réalisera à brève échéance et plus le juge sera réticent à reconnaître la perte de chance.
  • La disparition de l’éventualité favorable doit être réelle
    • Autrement dit, la perte de chance ne doit pas être hypothétique.
    • La disparition de l’événement favorable doit être acquise, certaine.
    • En somme, la condition qui tient au caractère réel de la perte de chance n’est autre que la traduction de l’exigence d’un préjudice certain.
    • La victime ne doit pas avoir la possibilité de voir se représenter l’éventualité favorable espérée.
    • En somme, la disparition de cette éventualité doit être irréversible.
    • Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle estimé que le candidat qui a perdu la chance de se présenter à un concours ne peut obtenir réparation de son préjudice, dès lors qu’il a la possibilité de s’inscrire une nouvelle fois audit concours (Cass. 2e civ., 24 juin 1999, n°97-13.408).
  • La chance perdue doit être sérieuse
    • Cela signifie qu’il doit y avoir une probabilité suffisamment forte que l’événement favorable se réalise (V. en ce sens Cass. 1er civ. 4 avr. 2001, n°98-23.157).
    • On peut ainsi douter du caractère sérieux de la chance d’un étudiant de réussir un concours, s’il n’a pas été assidu en cours et s’il ne s’est livré à aucune révision.
    • On peut également douter du sérieux de la chance d’un justiciable de gagner un procès, dans l’hypothèse où il ne dispose d’aucune preuve de ce qu’il avance.

?Présomption du préjudice

Dans un arrêt du 14 octobre 2010, la Cour de cassation a posé une présomption de certitude de la perte de chance, « chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable » (Cass. 1ère civ. 14 oct. 2010, n°09-69.195).

Autrement dit, la haute juridiction estime que le préjudice est certain, et donc réparable, dès lors qu’est établie la disparition du gain espéré par la victime.

Il s’agit d’une présomption simple, qui donc supporte la preuve du contraire.

?Réparation de la perte d’une chance

Dans la mesure où la réalisation de l’événement favorable n’est, par définition, pas certaine, l’indemnité allouée à la victime ne saurait égaler le gain espéré.

Ainsi, le montant de la réparation du préjudice sera-t-il toujours proportionnel à la probabilité que l’événement se réalise (Cass. 1ère civ., 27 mars 1973, n°71-14.587).

Le juge devra donc toujours prendre en compte l’aléa lors de la réparation du préjudice.

?Contrôle exercé par la Cour de cassation

L’évaluation de la perte de chance relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

La Cour de cassation ne contrôlera que la prise en compte de l’aléa dans l’indemnisation.

Elle rappelle en ce sens régulièrement que « la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée » (Cass. 1er civ., 9 avr. 2002, n°00-13.314).

b. Un préjudice prévisible

L’article 1231-3 du Code civil prévoit que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l’inexécution est due à une faute lourde ou dolosive. »

Pour être réparable, le préjudice qui résulte d’une inexécution contractuelle doit ainsi être prévisible, soit avoir été envisagé contractuellement par les parties.

Lorsque, toutefois, une faute lourde ou dolosive est susceptible d’être reprochée au débiteur, le son cocontractant sera fondé à réclamer une réparation intégrale de son préjudice, soit au-delà de ce qui avait été prévu au contrat.

?Principe

C’est là une différence fondamentale avec la responsabilité délictuelle, la responsabilité contractuelle ne donne pas lieu à application du principe de réparation intégrale du dommage.

En effet, l’article 1231-3 du Code civil dispose que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat […] ».

Cette règle procède de l’idée, comme rappelé dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 que le contrat est avant tout un instrument de prévisibilité.

Il est donc logique d’en limiter la réparation aux dommages qui ont été prévus ou qui étaient prévisibles lors de la conclusion du contrat.

À cet égard, la prévisibilité porte tant sur la cause du dommage (sa nature) que sur sa quotité (son montant).

Aussi, en matière de contrat de transport par exemple, il ne suffit pas que le transporteur soit en mesure de prévoir les dommages susceptibles d’advenir aux marchandises pour que son cocontractant soit fondé à solliciter une complète indemnisation en cas de sinistre.

Il faut encore que les parties aient prévu la valeur des marchandises acheminées, en particulier si elle est élevée. À défaut, l’indemnisation sera limitée au remboursement du prix moyen des marchandises qu’il transporte habituellement.

Ainsi, l’exigence de prévisibilité du préjudice suppose que celui qui s’engage soit en mesure de savoir à quoi il s’expose dans l’hypothèse où l’inexécution de son obligation cause un dommage à son cocontractant.

Lorsque, dès lors, la prestation porte sur une chose, le débiteur doit en connaître la valeur, faute de quoi en cas de perte, de disparition ou de détérioration, les dommages et intérêts alloués au créancier de l’obligation inexécutée ne pourront pas correspondre à cette valeur.

?Exception

Par exception au principe de prévisibilité du préjudice, l’article 1231-3 du Code civil pose que, en cas de faute lourde ou dolosive, la réparation du préjudice causé au cocontractant est intégrale.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par faute dolosive et faute lourde.

Si les textes sont silencieux sur ce point, le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 indique que « les articles 1231-3 et 1231-4 sont conformes aux articles 1150 et 1151, mais consacrent en outre la jurisprudence assimilant la faute lourde au dol, la gravité de l’imprudence délibérée dans ce cas confinant à l’intention. »

C’est donc vers la jurisprudence antérieure qu’il convient de se tourner pour déterminer ce que l’on doit entendre par faute lourde et par faute dolosive.

La différence entre les deux fautes tient, en substance, à l’intention de l’auteur de la faute :

  • La faute lourde
    • Elle est définie par la jurisprudence, selon la formule consacrée, comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait accepté » (V. en ce sens Cass. Ch. Mixte 22 avr. 2005, n° 03-14.112).
    • La faute lourde comprend donc deux éléments :
      • Un élément subjectif : le comportement confinant au dol, soit à une faute d’une extrême gravité.
      • Un élément objectif : l’inaptitude quant à l’accomplissement de la mission contractuelle.
  • La faute dolosive
    • Elle est définie quant à elle comme l’inexécution délibérée, et donc volontaire, des obligations contractuelles.
    • À cet égard dans un arrêt du 27 juin 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le constructeur […] est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles » (Cass. 3e civ. 27 juin 2001, n°99-21.017).
    • Il ressort de la jurisprudence que la faute dolosive suppose que le débiteur ait seulement voulu manquer à ses obligations contractuelles. Il est indifférent qu’il ait voulu causer un préjudice à son cocontractant.

Nonobstant la différence qui existe entre ces deux notions, la faute lourde est régulièrement assimilée à la faute dolosive par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 29 octobre 2014, la Cour de cassation a ainsi rappelé que « la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s’en affranchir par une clause de non-responsabilité » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2014, n°13-21.980).

L’assimilation de la faute lourde à la faute dolosive aurait, selon le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, été reconduite par le législateur, de sorte que les solutions dégagées par la jurisprudence antérieure sont toujours valides.

En tout état de cause, lorsque la faute lourde ou la faute dolosive sont caractérisées, la limitation de l’indemnisation à concurrence du préjudice prévisible est écartée à la faveur du principe de réparation intégrale qui trouve alors à s’appliquer.

C) Le lien de causalité

À l’instar de la responsabilité délictuelle, la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est subordonnée à l’établissement d’un lieu de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le préjudice causé au cocontractant.

Cette exigence est exprimée à l’article 1231-4 du Code civil qui dispose que « dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution. »

Autrement dit, selon ce texte, qui est une reprise de l’ancien article 1151 du Code civil, y compris lorsque le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive, il n’engage sa responsabilité contractuelle qu’à la condition que soit établi un lien de causalité entre le préjudice et l’inexécution du contrat.

L’exigence d’un rapport de causalité entre le fait générateur et le dommage constitue ainsi le troisième terme de l’équation en matière de responsabilité contractuelle.

Il ne suffit pas, en effet, d’établir l’existence d’un fait générateur et d’un dommage pour que le cocontractant victime soit fondée à se prévaloir d’un droit à indemnisation.

Pour que naisse l’obligation de réparation, encore faut-il que soit établie l’existence d’une relation de cause à effet.

On ne saurait rechercher la responsabilité d’une personne si elle est étrangère à la réalisation du fait dommageable. Comme s’accordent à le dire les auteurs, il s’agit là d’une exigence de la raison !

Comme le souligne le doyen Carbonnier le rapport de causalité peut être envisagé de deux façons distinctes dans le procès en responsabilité :

  • La victime du dommage tentera, de son côté, d’établir l’existence d’un lien de causalité afin d’être indemnisée de son préjudice. Pour ce faire, il lui appartiendra :
    • D’une part, d’identifier la cause du dommage
    • D’autre part, de prouver le lien de causalité
  • L’auteur du dommage s’emploiera, quant à lui, à démontrer la rupture du lien de causalité afin de faire échec à l’action en responsabilité dirigée contre lui.
    • Cela revient, pour ce dernier, à se prévaloir de causes d’exonération.

Ainsi, l’étude du lien de causalité suppose-t-elle d’envisager les deux facettes du lien de causalité

1. L’existence d’un lien de causalité

Bien que l’exigence d’un rapport de causalité ne soulève guère de difficulté dans son énoncé, sa mise en œuvre n’en est pas moins éminemment complexe.

La complexité du problème tient à la détermination du lien de causalité en elle-même.

Afin d’apprécier la responsabilité du défendeur, la question se posera, en effet, au juge de savoir quel fait retenir parmi toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage.

Or elles sont potentiellement multiples, sinon infinies dans l’absolu.

?Illustration de la difficulté d’appréhender le rapport de causalité

  • En glissant sur le sol encore humide d’un supermarché, un vendeur heurte un client qui, en tombant, se fracture le coccyx
  • Ce dernier est immédiatement pris en charge par les pompiers qui décident de l’emmener à l’hôpital le plus proche.
  • En chemin, l’ambulance a un accident causant, au patient qu’elle transportait, au traumatisme crânien.
  • Par chance, l’hôpital n’étant plus très loin, la victime a été rapidement conduite au bloc opératoire.
  • L’opération se déroule au mieux.
  • Cependant, à la suite de l’intervention chirurgicale, elle contracte une infection nosocomiale, dont elle décédera quelques jours plus tard

?Quid juris : qui est responsable du décès de la victime?

Plusieurs responsables sont susceptibles d’être désignés en l’espèce :

  • Est-ce l’hôpital qui a manqué aux règles d’asepsie qui doivent être observées dans un bloc opératoire ?
  • Est-ce le conducteur du véhicule à l’origine de l’accident dont a été victime l’ambulance ?
  • Est-ce le supermarché qui n’a pas mis en garde ses clients que le sol était encore glissant ?
  • Est-ce le vendeur du magasin qui a heurté le client ?

À la vérité, si l’on raisonne par l’absurde, il est possible de remonter la chaîne de la causalité indéfiniment.

Il apparaît, dans ces conditions, que pour chaque dommage les causes sont multiples.

Une question alors se pose :

Faut-il retenir toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage ou doit-on seulement en retenir certaines ?

?Causes juridiques / causes scientifiques

Fort logiquement, le juge ne s’intéressera pas à toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage.

Ainsi, les causes scientifiques lui importeront peu, sauf à ce qu’elles conduisent à une personne dont la responsabilité est susceptible d’être engagée

Deux raisons l’expliquent :

  • D’une part, le juge n’a pas vocation à recenser toutes les causes du dommage. Cette tâche revient à l’expert.
  • D’autre part, sa mission se borne à déterminer si le défendeur doit ou non répondre du dommage.

Ainsi, le juge ne s’intéressera qu’aux causes du dommage que l’on pourrait qualifier de juridiques, soit aux seules causes génératrices de responsabilité.

Bien que cela exclut, de fait, un nombre important de causes – scientifiques – le problème du lien de causalité n’en est pas moins résolu pour autant.

En effet, faut-il retenir toutes les causes génératrices de responsabilité ou seulement certaines d’entre elles ?

?Les théories de la causalité

Afin d’appréhender le rapport de causalité dont l’appréhension est source de nombreuses difficultés, la doctrine a élaboré deux théories :

  • La théorie de l’équivalence des conditions
  • La théorie de la causalité adéquate
La théorie de l’équivalence des conditions
  • Exposé de la théorie
    • Selon la théorie de l’équivalence des conditions, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage doivent être retenus, de manière équivalente, comme les causes juridiques dudit dommage, sans qu’il y ait lieu de les distinguer, ni de les hiérarchiser.
    • Cette théorie repose sur l’idée que si l’un des faits à l’origine de la lésion n’était pas survenu, le dommage ne se serait pas produit.
    • Aussi, cela justifie-t-il que tous les faits qui ont été nécessaires à la production du dommage soient placés sur un pied d’égalité.
  • Critique
    • Avantages
      • La théorie de l’équivalence des conditions est, incontestablement, extrêmement simple à mettre en œuvre, dans la mesure où il n’est point d’opérer de tri entre toutes les causes qui ont concouru à la production du dommage
      • Tous les maillons de la chaîne de responsabilité sont mis sur le même plan.
    • Inconvénients
      • L’application de la théorie de l’équivalence des conditions est susceptible de conduire à retenir des causes très lointaines du dommage dès lors que, sans leur survenance, le dommage ne se serait pas produit, peu importe leur degré d’implication.
      • Comme le relève Patrice Jourdain, il y a donc un risque, en retenant cette théorie de contraindre le juge à remonter la « causalité de l’Univers ».
La théorie de la causalité adéquate
  • Exposé de la théorie
    • Selon la théorie de la causalité adéquate, tous les faits qui ont concouru à la production du dommage ne sont pas des causes juridiques.
    • Tous ne sont pas placés sur un pied d’égalité, dans la mesure où chacun possède un degré d’implication différent dans la survenance du dommage.
    • Aussi, seule la cause prépondérante doit être retenue comme fait générateur de responsabilité.
    • Il s’agit, en d’autres termes, pour le juge de sélectionner, parmi la multitude de causes qui se présentent à lui, celle qui a joué un rôle majeur dans la réalisation du préjudice.
  • Critique
    • Avantage
      • En ne retenant comme fait générateur de responsabilité que la cause « adéquate », cela permet de dispenser le juge de remonter à l’infini la chaîne de la causalité
      • Ainsi, seules les causes proches peuvent être génératrices de responsabilité
    • Inconvénient
      • La détermination de la « véritable cause du dommage », procède plus de l’arbitraire que de la raison.
      • Sur quel critère objectif le juge doit-il s’appuyer pour déterminer quelle cause est adéquate parmi tous les faits qui ont concouru à la production du dommage ?
      • La théorie est alors susceptible de conduire à une injustice :
        • Tantôt en écartant la responsabilité d’un agent au seul motif qu’il n’a pas joué à un rôle prépondérant dans la réalisation du préjudice.
        • Tantôt en retenant la responsabilité de ce même agent au motif qu’il se situe en amont de la chaîne de causalité.

?L’état du droit positif

Quelle théorie la jurisprudence a-t-elle retenu entre la thèse de l’équivalence des conditions et celle de la causalité adéquate ?

À la vérité, la Cour de cassation fait preuve de pragmatisme en matière de causalité, en ce sens que son choix se portera sur l’une ou l’autre théorie selon le résultat recherché :

  • Lorsqu’elle souhaitera trouver un responsable à tout prix, il lui faudra retenir une conception large de la causalité, de sorte que cela la conduira à faire application de la théorie de l’équivalence des conditions
  • Lorsque, en revanche, la Cour de cassation souhaitera écarter la responsabilité d’un agent, elle adoptera une conception plutôt restrictive de la causalité, ce qui la conduira à recourir à la théorie de la causalité adéquate

En matière de responsabilité contractuelle, afin de guider le juge dans sa recherche du lien de causalité, les parties n’hésiteront pas à établir, dans le contrat, une liste des préjudices qu’elles considèrent comme indirect et donc exclus du domaine du droit à indemnisation.

L’analyse de la jurisprudence révèle que le préjudice indirect est celui, soit qui n’est pas une conséquence immédiate de l’inexécution, soit qui résulte de la survenance d’une cause étrangère (fait de la nature, fait d’un tiers ou fait du créancier).

En tout état de cause, la Cour de cassation exerce un contrôle sur la caractérisation du lien de causalité par les juges du fond, de sorte que la preuve de la causalité ne saurait être négligée par les parties (V. en ce sens Com. 13 sept. 2011, n°10-15732).

2. La rupture du lien de causalité

a. Notion de cause étrangère

Il ne suffit pas qu’une inexécution contractuelle soit établie pour que naisse une obligation de réparation à la charge du débiteur de l’obligation violée.

Encore faut-il que ce dernier ne puisse pas s’exonérer de sa responsabilité.

Pour mémoire :

Dans la mesure où les conditions de mise en œuvre de la responsabilité civile sont cumulatives, le non-respect d’une d’entre elles suffit à faire obstacle à l’indemnisation de la victime.

Aussi, en simplifiant à l’extrême, le défendeur dispose-t-il de deux leviers pour faire échec à l’action en réparation :

  • Soit, il démontre que le dommage subi par le demandeur ne constitue pas un préjudice réparable, en ce sens qu’il ne répond pas aux exigences requises (certain et prévisible).

  • Soit, il démontre que le dommage ne se serait jamais produit si un événement étranger à son propre fait n’était pas survenu.
    • Il doit, en d’autres termes, établir que, de par l’intervention de cet événement – que l’on qualifie de cause étrangère – le lien de causalité a été partiellement ou totalement rompu.

?Notion de cause étrangère

La notion de cause étrangère désigne, de façon générique tout événement, non imputable à l’auteur du dommage dont la survenance a pour effet de rompre totalement ou partiellement le rapport causal.

Autrement dit, si la cause étrangère au fait personnel, au fait de la chose ou au fait d’autrui ne s’était pas réalisée, le dommage ne se serait pas produit, à tout le moins pas dans les mêmes proportions.

C’est la raison pour laquelle, dès lors qu’elle est établie, la cause étrangère est susceptible de constituer une cause d’exonération totale ou partielle de responsabilité.

Si les textes relatifs à la responsabilité civile ne font nullement référence à la cause étrangère, tel n’est pas le cas en matière de responsabilité contractuelle.

L’article 1218 du Code civil dispose en ce sens que :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. »

L’article 1351 prévoit encore que :

« L’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure. »

?Manifestations de la cause étrangère

La cause étrangère est susceptible de se manifester sous trois formes différentes :

  • Le fait d’un tiers
    • Un tiers peut avoir concouru à la production du dommage, de sorte que s’il n’était pas intervenu aucun fait illicite n’aurait pu être imputé au défendeur.
  • Le fait de la victime
    • La victime peut avoir commis une faute qui a contribué à la production de son propre dommage.
  • Le cas fortuit
    • Il s’agit d’événements naturels (inondation, tornade, incendie) ou d’actions humaines collectives (grève, guerre, manifestation)

b. Cause étrangère et force majeure

Trop souvent la cause étrangère est confondue avec la force majeure alors qu’il s’agit là de deux notions bien distinctes :

  • La cause étrangère consiste en un fait, un événement dont la survenance a pour effet de rompre le lien de causalité entre le fait générateur de responsabilité et le dommage
  • La force majeure consiste quant à elle, non pas en un fait, mais en plusieurs caractères que la cause étrangère est susceptible d’endosser.

Si sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016 le cas de force majeur n’était défini par aucun texte, il était traditionnellement défini comme un événement présentant les trois caractères cumulatifs que sont l’extériorité, l’imprévisibilité et l’irrésistibilité.

Les critères traditionnels que l’on prête à la force majeure ont-ils été repris par l’article 1218 du Code civil qui définit la force majeure comme ?

Cette disposition prévoit qu’« il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

Selon le Rapport au président de la république relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 l’intention du législateur est claire : le texte reprend la définition prétorienne de la force majeure en matière contractuelle, délaissant le traditionnel critère d’extériorité, également abandonné par l’assemblée plénière de la Cour de cassation en 2006, pour ne retenir que ceux d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

Si la volonté d’abandonner le critère d’extériorité est difficilement contestable, reste qu’une analyse de l’article 1218 interroge sur le succès de la manœuvre.

?: Sur le critère d’extériorité

?Notion

Dans la conception classique, l’événement constitutif de la force majeure doit être extérieur (ou résulter d’une cause étrangère), c’est-à-dire doit être indépendant de la volonté de l’agent, à tout le moins à son activité.

En matière contractuelle, la condition d’extériorité était évoquée à l’article 1147 du Code civil, qui faisait référence à la « cause étrangère » non imputable au débiteur.

L’extériorité s’entendait ici d’un événement indépendant de la volonté de celui qui doit exécuter le contrat et rendant impossible l’exécution du contrat.

À cet égard, il ne suffisait pas que l’exécution de l’obligation soit rendue plus difficile ou plus onéreuse par la survenance de l’événement extérieur (Cass., com., 12 novembre 1969), il fallait qu’elle soit effectivement impossible.

Si l’empêchement n’était que momentané, la jurisprudence considérait le débiteur n’était pas libéré et l’exécution de l’obligation était, dans ces conditions, seulement suspendue jusqu’au moment où l’événement extérieur venait à cesser (Cass., 1ère civ., 24 février 1981, n°79-12.710).

La condition d’extériorité de l’événement n’était pas, non plus, caractérisée si l’empêchement d’exécution du contrat résultait de l’attitude ou du comportement fautif du débiteur (Cass., 1ère civ., 21 mars 2000, n° 98-14.246).

Ainsi, le vendeur ne pouvait pas invoquer une force majeure extérieure pour s’exonérer de sa responsabilité en cas de vice caché (Cass. 1ère civ., 29 octobre 1985, n°83-17.091), ni en principe le chef d’entreprise en cas de grève de son propre personnel (Cass., Com., 24 novembre 1953).

Reste que la Cour de cassation a finalement renoncé à l’exigence d’extériorité de l’événement pour retenir le cas de force majeure exonératoire de responsabilité.

?Les fluctuations de la jurisprudence

À compter des années 1990, la Cour de cassation a commencé à admettre, dans plusieurs arrêts, que puissent exister des circonstances internes au débiteur, comme la maladie, la grève ou des circonstances économiques (le chômage ou l’absence de ressources, par exemple) susceptibles de constituer des cas de force majeure ;

  • La grève a ainsi pu être considérée comme un événement extérieur (Cass., 1ère civ., 24 janvier 1995, n°92-18.227), sauf si elle résultait du fait ou d’une faute de l’employeur.
  • La maladie a également été déclarée constitutive d’un cas de force majeure irrésistible, bien qu’elle n’ait pas été extérieure à la personne :

Afin de mettre un terme à l’incertitude qui régnait en jurisprudence, la Cour de cassation a voulu entériner l’abandon du critère de l’extériorité dans un arrêt d’assemblée plénière du 14 avril 2006 (Cass. ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11.168).

Dans cette décision, après avoir rappelé « qu’il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit » les juges ont affirmé « qu’il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, est constitutif d’un cas de force majeure ».

Cass. ass. plé. 14 avr. 2006

Attendu, selon l’arrêt confirmatif attaqué (Douai, 12 novembre 2001), que M. X… a commandé à M. Y… une machine spécialement conçue pour les besoins de son activité professionnelle ; qu’en raison de l’état de santé de ce dernier, les parties sont convenues d’une nouvelle date de livraison qui n’a pas été respectée ; que les examens médicaux qu’il a subis ont révélé l’existence d’un cancer des suites duquel il est décédé quelques mois plus tard sans que la machine ait été livrée ; que M. X… a fait assigner les consorts Y…, héritiers du défunt, en résolution du contrat et en paiement de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1) qu’en estimant que la maladie dont a souffert M. Michel Z… avait un caractère imprévisible, pour en déduire qu’elle serait constitutive d’un cas de force majeure, après avoir constaté qu’au 7 janvier 1998, date à laquelle M. Michel Y… a fait à son cocontractant la proposition qui fut acceptée de fixer la date de livraison de la commande à la fin du mois de février 1998, M. Michel Y… savait souffrir, depuis plusieurs mois, d’une infection du poignet droit justifiant une incapacité temporaire totale de travail et se soumettait à de nombreux examens médicaux, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, en conséquence, l’article 1148 du code civil ;

2) qu’un événement n’est pas constitutif de force majeure pour le débiteur lorsque ce dernier n’a pas pris toutes les mesures que la prévisibilité de l’événement rendait nécessaires pour en éviter la survenance et les effets ; qu’en reconnaissant à la maladie dont a souffert M. Michel Y… le caractère d’un cas de force majeure, quand elle avait constaté que, loin d’informer son cocontractant qu’il ne serait pas en mesure de livrer la machine commandée avant de longs mois, ce qui aurait permis à M. Philippe X… de prendre toutes les dispositions nécessaires pour pallier le défaut de livraison à la date convenue de la machine commandée, M. Michel Y… avait fait, le 7 janvier 1998, à son cocontractant la proposition qui fut acceptée de fixer la date de livraison de la commande à la fin du mois de février 1998, soit à une date qu’il ne pouvait prévisiblement pas respecter, compte tenu de l’infection au poignet droit justifiant une incapacité temporaire totale de travail, dont il savait souffrir depuis plusieurs mois, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé, en conséquence, l’article 1148 du code civil ;

Mais attendu qu’il n’y a lieu à aucuns dommages-intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ; qu’il en est ainsi lorsque le débiteur a été empêché d’exécuter par la maladie, dès lors que cet événement, présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution, est constitutif d’un cas de force majeure ; qu’ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que seul Michel Y… était en mesure de réaliser la machine et qu’il s’en était trouvé empêché par son incapacité temporaire partielle puis par la maladie ayant entraîné son décès, que l’incapacité physique résultant de l’infection et de la maladie grave survenues après la conclusion du contrat présentait un caractère imprévisible et que la chronologie des faits ainsi que les attestations relatant la dégradation brutale de son état de santé faisaient la preuve d’une maladie irrésistible, la cour d’appel a décidé à bon droit que ces circonstances étaient constitutives d’un cas de force majeure ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que M. X… fait encore grief à l’arrêt d’avoir omis, après avoir prononcé la résolution du contrat, de condamner in solidum les défenderesses à lui payer les intérêts au taux légal, à compter de la date de l’acte introductif d’instance et jusqu’à celle de son versement, sur la somme correspondant aux acomptes qu’il avait versés à son débiteur alors, selon le moyen, que les intérêts au taux légal sont dus du jour de la demande en justice équivalent à la sommation de payer jusqu’à la date de leur versement sur le prix qui doit être restitué à la suite de l’exécution d’un contrat ; qu’en omettant, après avoir prononcé la résolution du contrat conclu le 11 juin 1997 entre M. Michel Y… et M. Philippe X…, de condamner in solidum Mme Micheline A…, Mme Delphine Y… et Mme Séverine Y… à payer à M. Philippe X… les intérêts au taux légal sur la somme correspondant au montant des acomptes initialement versés à M. Michel Y… par M. Philippe X…, à compter de la date de la délivrance de l’acte introductif d’instance jusqu’à celle de son versement par Mme Micheline A…, Mme Delphine Y… et Mme Séverine Y… à ce dernier, la cour d’appel a violé l’article 1153 du code civil ;

Mais attendu que l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du nouveau code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; Condamne M. X… aux dépens ;

Cette solution a, deux ans plus tard, été reprise par la première chambre civile qui, dans un arrêt du 30 octobre 2008, a considéré que « seul un événement présentant un caractère imprévisible, lors de la conclusion du contrat, et irrésistible dans son exécution, est constitutif d’un cas de force majeure ». Elle ne fait ainsi plus de l’extériorité de l’événement une condition au caractère exonératoire de la force majeure (Cass. 1ère civ. 30 oct. 2008, n°07-17134).

Bien que l’on eût pu penser que la définition du cas de force majeure était désormais ancrée en jurisprudence, cela était sans compter sur la chambre sociale de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 16 mai 2012, a réintroduit l’exigence d’extériorité de l’événement, en affirmant que « la force majeure permettant à l’employeur de s’exonérer de tout ou partie des obligations nées de la rupture d’un contrat de travail s’entend de la survenance d’un événement extérieur, imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution » (Cass. soc. 16 mai 2012, n° 10-17.726)

Manifestement, cet arrêt n’est pas sans avoir jeté le trouble sur l’exigence d’extériorité dont la mention n’a pas manqué d’interroger les auteurs sur les intentions de la Cour de cassation.

Cette interrogation s’est d’autant plus renforcée par la suite que la troisième chambre civile s’est, à son tour, référée dans un arrêt du 15 octobre 2013 au critère de l’extériorité pour retenir un cas de force majeure (Cass. 3e civ. 15 oct. 2013, n°12-23.126).

Constatant que la jurisprudence ne parvenait pas à se fixer en arrêtant une définition de la force majeure, le législateur a profité de la réforme du droit des obligations pour mettre un terme, à tout le moins s’y essayer, à l’incertitude jurisprudentielle qui perdurait jusqu’alors, nonobstant l’intervention de l’assemblée plénière en 2006.

?La réforme du droit des obligations

Bien que le rapport au Président de la République signale que le législateur a, lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, entendu délaisser « le traditionnel critère d’extériorité », les termes de l’article 1218 du Code civil pris en son alinéa 1er interrogent sur l’effectivité de cette annonce.

Cette définition prévoit, en effet, que pour constituer un cas de force majeure l’événement invoqué doit avoir échappé au contrôle du débiteur.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir à quelles hypothèses correspond un événement qui échappe au contrôle du débiteur.

En première intention, on pourrait considérer qu’il s’agit d’un événement qui serait étranger à son activité, car ne relevant pas de son contrôle. Cette interprétation conduirait néanmoins à réintroduire le critère d’extériorité. Or cela serait contraire à la volonté du législateur.

Aussi, convient-il d’admettre que le nouveau critère posé par l’article 1218 couvre un spectre plus large de situations, lesquelles situations sont susceptibles de correspondre, tant à des événements externes qu’internes. Ce qui importe, pour constituer un cas de force majeure, c’est que le débiteur n’ait pas de prise sur l’événement invoqué.

Pris dans cette acception, le critère de « l’absence de contrôle » autorise à inclure, à l’instar de certaines décisions, dans le giron des cas de force majeure la maladie du débiteur ou encore la grève à la condition néanmoins que, dans ces deux cas, l’événement invoqué ne résulte pas de la conduite du débiteur.

En effet, la maladie qui serait causée par la conduite à risque du débiteur ne devrait, a priori, pas être constitutive d’un cas de force majeure. Il en va de même pour une grève qui prendrait sa source dans une décision de l’employeur.

?: Sur le critère d’imprévisibilité

Le deuxième élément de la définition de la force majeure posé par l’article 1218 du Code civil est l’imprévisibilité de l’événement.

Le texte prévoit en ce sens que la force majeure est constituée lorsque notamment l’événement invoqué « ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat ».

La reprise du critère de l’imprévisibilité par le législateur appelle trois remarques :

En premier lieu, il peut être observé que l’imprévisibilité s’apprécie par référence à une personne ou un contractant prudent et diligent, et en tenant compte des circonstances de lieu, de temps, de saison. Il faut que le sujet n’ait pas pu prévoir la réalisation du dommage.

En deuxième lieu, l’imprévisibilité doit s’apprécier au jour de la formation ou de la conclusion du contrat, le débiteur ne s’étant engagé qu’en fonction de ce qui était prévisible à cette date (Cass. com., 3 octobre 1989, n°87-18.479).

Tout s’ordonne, dans le domaine contractuel, autour des prévisions des parties et des attentes légitimes du créancier : il faut que l’événement-obstacle crée une difficulté d’exécution dont le créancier ne pouvait raisonnablement espérer la prise en charge par le débiteur (20).

Dès lors, si l’événement était prévisible au moment de la formation du contrat, le débiteur a entendu supporter le risque de ne pas pouvoir exécuter son obligation.

En dernier lieu, l’emploi de la formule « raisonnablement prévu » suggère que l’imprévisibilité de l’événement puisse n’être que relative, en ce sens qu’il n’est pas nécessaire que l’événement soit absolument imprévisible pour constituer un cas de force majeure.

Cette conception de l’imprévisibilité est conforme à la jurisprudence antérieure qui se contentait d’événements « normalement prévisibles » (Cass., 2e civ. 6 juillet 1960 ; Cass. 2e civ. 27 octobre 1965).

Il est, en effet, constant en jurisprudence que, l’événement est jugé imprévisible en fonction du temps et du lieu où il se produit et des circonstances qui l’accompagnent. Il s’apprécie par référence à un homme prudent, mais aussi par rapport à l’absence de faute de l’agent qui ne pouvait pas prévoir l’événement.

Pour que l’événement soit imprévisible, il faut, peut-on dire, qu’il provoque un “effet de surprise” au regard du lieu, du moment et des circonstances dans lesquels il se produit, de telle manière qu’il n’ait pu être prévu par un homme prudent et avisé.

Ce caractère relatif de l’imprévisibilité est admis par la jurisprudence même dans le cas d’événements naturels : ainsi, en fonction des circonstances de lieu, de date, de saison, peuvent ne peut pas être regardés comme des cas de force majeure, le verglas, la tempête, le vent, l’orage, les inondations, les chutes de neige, le brouillard, les glissements et effondrements de terrains, etc…

?: Sur le critère d’irrésistibilité

Troisième et dernier critère caractérisant la force majeure posée par l’article 1218, al. 1er du Code civil : l’irrésistibilité.

Le texte dispose que la force majeure est constituée lorsque les effets de l’événement « ne peuvent être évités par des mesures appropriées. »

Le rapport au Président de la république précise que l’irrésistibilité de l’événement doit l’être, tant dans sa survenance (inévitable) que dans ses effets (insurmontables).

L’irrésistibilité implique donc une appréciation du comportement de l’individu pendant toute la durée de réalisation de l’événement : de son fait générateur à ses conséquences.

Pour que l’événement soit irrésistible il faut que la personne concernée ait été dans l’impossibilité d’agir autrement qu’elle l’a fait.

À cet égard, la doctrine à la notion d’événement « inévitable » ou « insurmontable ». Aussi, dès lors que l’événement peut être surmonté, y compris dans des conditions plus difficiles par le débiteur, il n’est pas fondé à se prévaloir de la force majeure.

C’est donc à une appréciation “in concreto” de l’irrésistibilité que se livre la jurisprudence, en recherchant si l’événement a engendré ou non pour le sujet une impossibilité d’exécuter l’obligation ou d’éviter la réalisation du dommage et en vérifiant si un individu moyen, placé dans les mêmes circonstances, aurait pu résister et surmonter l’obstacle.

Il peut, en outre, être observé que la jurisprudence antérieure n’exigeait pas une impossibilité absolue de résister, pour le débiteur, à l’événement à l faveur d’une approche relative de l’irrésistibilité

En effet, cette dernière est appréciée par référence à un individu ordinaire, normalement diligent, placé dans les mêmes circonstances de temps, de lieu, de conjoncture. De nombreux arrêts jugent fortuit, par exemple, l’événement “normalement irrésistible” ou celui dont on ne pouvait pallier les inconvénients par des mesures suffisantes.

Il est intéressant de noter que cette approche relative de l’irrésistibilité de la force majeure est aussi celle de la Cour de justice de l’Union européenne, qui a rendu un arrêt, le 17 septembre 1987, s’efforçant de donner une définition de la force majeure en excluant l’idée d’une “impossibilité absolue” (CJUE 17 septembre 1987).

La Cour de Luxembourg affirme dans cet arrêt que la force majeure « ne présuppose pas une impossibilité absolue », mais qu’elle « exige toutefois qu’il s’agisse de difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la personne et apparaissant inévitables mêmes si toutes les diligences utiles sont mises en œuvre ».

c. Cause étrangère de l’inexécution et cause étrangère du préjudice

En matière de responsabilité contractuelle, la cause étrangère est susceptible d’affecter la chaîne de la causalité à deux endroits différents :

  • En premier lieu, la cause étrangère peut être à l’origine de l’inexécution contractuelle, de sorte que cette inexécution ne pourra pas être imputée au débiteur, à tout le moins que partiellement
  • En second lieu, la cause étrangère peut être à l’origine de la production du dommage de sorte que celui-ci ne pourra pas être imputé à l’inexécution contractuelle

Dans les deux cas, la survenance de la cause étrangère a pour effet de rompre, tantôt totalement, tantôt partiellement, la chaîne de la causalité.

La question qui alors se pose est de savoir dans quels cas cette rupture de la causalité justifie que le débiteur de l’obligation inexécutée puisse s’exonérer de sa responsabilité.

?: La cause étrangère de l’inexécution

L’article 1231-1 du Code civil prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Ainsi, lorsque l’inexécution contractuelle est imputable à une cause étrangère, l’article 1231-1 exonère le débiteur de sa responsabilité. Cette cause étrangère peut résulter du fait de la nature, du fait du créancier ou du fait d’un tiers.

En tout état de cause, pour être exonératoire de responsabilité, elle devra présenter les caractères de la force majeure, soit, conformément à l’article 1218, al. 1er du Code civil, consister en un « événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

A contrario, lorsque la cause étrangère ne revêt pas les caractères de la force majeure, les conséquences de l’inexécution contractuelle devront intégralement être supportées par le débiteur.

À l’examen, l’appréhension de la cause étrangère par la jurisprudence diffère selon qu’elle résulte du fait d’autrui ou du fait du créancier.

?La cause étrangère résulte du fait d’autrui

Pour que l’implication d’autrui dans l’inexécution contractuelle soit exonératoire de responsabilité pour le débiteur, cette implication doit présenter les caractères de la force majeure.

Dans le cas contraire, le débiteur devra indemniser le créancier du préjudice qui lui a été causé par autrui. Tout au plus, ce dernier disposera d’une action récursoire contre le tiers impliqué dans l’inexécution du contrat.

?La cause étrangère résulte du fait du créancier

Lorsque cette inexécution est imputable au créancier, deux situations doivent être distinguées :

  • Première situation : l’implication du créancier dans l’inexécution contractuelle présente les caractères de la force majeure
    • Dans cette hypothèse, la règle posée à l’article 1231-1 du Code civil ne soulève pas de difficulté : le débiteur peut s’exonérer de sa responsabilité
    • À cet égard, il est indifférent que l’implication du créancier soit fautive : le seul fait du créancier suffit à libérer le débiteur du paiement de dommages et intérêts
    • Ce qui importe c’est la caractérisation de la force majeure qui dès lors qu’elle est établie produit un effet exonératoire.
  • Seconde situation : l’implication du créancier dans l’inexécution contractuelle ne présente pas les caractères de la force majeure
    • La problématique est ici plus délicate à résoudre.
    • En effet, se pose la question de savoir si, en raison de l’implication du créancier dans l’inexécution du contrat et, par voie de conséquence, dans la production de son propre dommage, cette, circonstance pour le moins particulière, ne pourrait pas justifier, nonobstant l’absence de force majeure, que le débiteur puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Une application stricte de l’article 1231-1 du Code civil devrait conduire à répondre par la négative.
    • Seule la force majeure peut exonérer le débiteur de sa responsabilité.
    • Reste que lorsque c’est le créancier lui-même qui concourt à la production de son propre dommage, il ne serait pas illégitime de lui en faire supporter, au moins pour partie, les conséquences de l’inexécution.
    • À l’examen, la jurisprudence a tendance à exiger une faute du créancier pour que le débiteur soit dispensé, à due concurrence de son implication dans l’inexécution contractuelle, du paiement de dommages et intérêts.
    • Dans un arrêt du 25 novembre 2015, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « la faute du client, lorsqu’elle revêt une certaine gravité, exonère, totalement ou partiellement en fonction de son influence causale, l’hôtelier de sa propre responsabilité » (Cass. 1ère civ., 25 nov. 2015, n°14-21434).
    • Le seul fait non fautif du créancier ne permettra donc pas au débiteur de se dégager de sa responsabilité : il doit pour y parvenir démontrer la faute de son cocontractant.

?: La cause étrangère du préjudice

Lorsque la cause étrangère a pour effet de rompre la causalité entre l’inexécution contractuelle et le préjudice, il est indifférent qu’elle présente ou non les caractères de la force majeure.

Dans cette configuration, nonobstant l’imputation de l’inexécution contractuelle au débiteur, il n’a pas concouru à la production du dommage.

Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de retenir sa responsabilité, sa défaillance, bien que caractérisée, étant étrangère au préjudice causé à son cocontractant.

II) La mise en œuvre de la réparation du dommage

La mise en œuvre de la réparation est envisagée aux articles 1231-6 et 1231-7 du Code civil. Tandis que le premier encadre les dommages et intérêts dus à raison du retard de paiement d’une obligation, le second régit ceux dus à raison d’une condamnation en justice

A) Les dommages et intérêts dus à raison du retard de paiement d’une obligation de somme d’argent

L’article 1231-6 du Code civil dispose que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. »

À l’examen, ce texte reprend les dispositions de l’ancien article 1153 mais en modernise et simplifie la formulation.

Ainsi, en cas de retard d’exécution d’une obligation portant sur une somme d’argent, le texte prévoit que l’indemnisation du créancier pour le préjudice causé par ce retard, consiste en l’octroi, à titre forfaitaire, d’intérêts – moratoires – calculés au taux légal et dont l’assiette correspond au montant de la créance due. L’article 1231-6 ayant une valeur supplétive, il n’est pas interdit aux parties de prévoir un taux conventionnel. Ce taux conventionnel devra néanmoins, pour s’appliquer, être expressément stipulé dans le contrat et ne peut être inférieur à trois fois le taux légal.

En tout état de cause, l’alinéa 2 de l’article 1231-6 précise que les intérêts moratoires « sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte ». Est ici posée une présomption de dommage en cas de retard dans l’exécution d’une obligation de somme d’argent.

Cela signifie que les intérêts moratoires sont automatiquement alloués au créancier, sauf à ce que le débiteur neutralise la présomption de dommage et démontrer l’absence de préjudice à raison du retard dans l’exécution de l’obligation.

Quant au point de départ des intérêts moratoires, l’alinéa 1er de l’article 1231-6 du Code civil prévoit qu’ils courent à compter de la mise en demeure du débiteur.

L’alinéa 3 dispose, enfin, que « le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire. »

Il ressort de cette disposition que le retard dans l’exécution d’une obligation peut donner lieu à une indemnisation distincte des intérêts moratoires. Il appartiendra néanmoins au créancier de démontrer, d’une part, la mauvaise foi du débiteur, d’autre part l’existence d’un préjudice distinct du retard.

B) Les dommages et intérêts dus à raison d’une condamnation en justice

L’article 1231-7 du Code civil dispose que « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. »

À l’instar de l’article 1236-1, ce texte porte donc sur les intérêts moratoires qui, là encore, sont forfaitaires et automatiques, puisque fixés au taux légal.

La particularité de ces intérêts moratoires est toutefois triple :

  • D’une part, ils sont dus à raison d’une condamnation en justice et non à raison de l’inexécution d’une obligation contractuelle
  • D’autre part, ils jouent de plein droit, même en l’absence de demande ou de mention au jugement
  • Enfin, ils ne sont pas circonscrits au domaine des obligations de somme d’argent : ils s’appliquent « en toute matière », contrairement aux intérêts moratoires visés à l’article 1231-6

Quant au point de départ des intérêts moratoires dus à raison d’une condamnation en justice, l’article 1231-7 pose le principe qu’ils courent à compter du prononcé du jugement, sauf si la loi ou le juge en disposent autrement.

L’alinéa 2 de cette disposition complète le dispositif en prévoyant que « en cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel ».

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • Le jugement de première instance est confirmé en appel
    • Dans cette hypothèse, les intérêts moratoires dus à raison de la condamnation courent à compter de la décision de première instance.
  • Le jugement de première instance est infirmé en appel
    • Dans cette hypothèse, les intérêts moratoires dus à raison de la condamnation courent à compter de la décision d’appel.

En dépit de la règle ainsi posée, l’article 1231-7 octroie au juge la faculté d’y déroger, ce qui pourrait impliquer qu’il décide de faire courir les intérêts moratoires à compter de la décision d’appel au lieu de la décision de première instance et inversement.

III) L’aménagement de la responsabilité contractuelle

L’aménagement conventionnel de la réparation – qui se distingue de l’aménagement de la responsabilité, puisqu’il ne porte que sur les effets de la responsabilité, même s’il peut avoir, en pratique, des effets semblables à une exonération de responsabilité – peut prendre deux formes :

  • Première forme
    • Il peut s’agir de clauses limitatives de réparation, se traduisant par une diminution du montant de la réparation.
  • Seconde forme
    • Il peut s’agir de clauses dites « pénales », par lesquelles les contractants évaluent forfaitairement et par avance les dommages et intérêts dus par le débiteur en cas d’inexécution totale ou partielle, ou d’exécution tardive du contrat.
    • Le forfait peut s’avérer soit plus élevé, soit plus faible que le préjudice résultant de l’inexécution de l’obligation.

A) La clause pénale

?Notion

La clause pénale fait très souvent l’objet d’âpres discussions lors de la conclusion de contrats commerciaux. Et pour cause, c’est à ce moment précis de la négociation que les parties évoquent la question de la réparation du préjudice en cas de manquement contractuel du prestataire.

La clause pénale se définit comme la stipulation « par laquelle les parties déterminent, forfaitairement et d’avance, l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée »[1].

En stipulant une clause pénale, les contractants cherchent à anticiper les difficultés liées à l’évaluation judiciaire des dommages et intérêts en cas d’inexécution totale, partielle ou tardive d’une obligation contractuelle. L’évaluation peut, de la sorte, être inférieure au montant du préjudice effectivement subi. Elle présentera alors de nombreuses similitudes avec les clauses limitatives de responsabilité.

Mais elle peut également prévoir une indemnisation supérieure au dommage susceptible d’être occasionné ; ce en vue de mettre la pression sur le débiteur pour qu’il satisfasse, spontanément, à ses engagements. Elle s’apparentera en ce cas à une peine privée.

Bien que la stipulation de cette clause tende à concurrencer, voire empiéter, sur le monopole juridictionnel de l’État[2], elle n’en a pas moins toujours été admise en droit français.

Ainsi, sous l’empire du droit antérieur, le Code civil abordait-il les clauses pénales, d’abord, de manière générale, à l’article 1152, puis, de façon plus spécifique, aux articles 1226 et suivants.

Elle est désormais régie à l’article 1231-5 qui simplifie et synthétise, en un seul texte, l’essentiel des dispositions des anciens articles 1226 à 1233 et 1152 relatifs aux clauses pénales.

?Nature

Parce que la clause pénale emprunte ses caractères à de nombreuses figures juridiques, les opinions divergent quant à sa nature.

Pour certains, elle serait une peine privée contractuelle[3]. Les partisans de cette thèse le justifient en soutenant, tout d’abord, que la fonction principale de la clause pénale consiste à contraindre le débiteur à satisfaire à ses obligations.

Ainsi se caractériserait-elle, essentiellement, par sa fonction comminatoire[4]. Or cette fonction est inhérente à la notion de peine.

Le deuxième argument – déterminant – avancé par les tenants de la thèse répressive consiste à dire que l’inexécution d’une obligation contractuelle suffit à déclencher l’application de la clause pénale.

Aussi, comme en matière de peine, sa mise en œuvre est indépendante de la caractérisation d’un préjudice. Enfin, si la clause pénale s’apparente à une peine privée cela s’explique par le fait que son montant est forfaitaire, de sorte que la gravité du manquement sanctionné est sans importance.

Dès lors qu’une inexécution est constatée, le débiteur doit s’acquitter de l’intégralité du montant prévu contractuellement par la clause. Bien que les arguments qui abondent dans le sens de la thèse répressive soient pour le moins séduisants, cette thèse ne fait pas l’unanimité.

Pour des auteurs tels que Demolombe, Josserand ou encore Philippe Le Tourneau, la clause pénale ne serait, en réalité, qu’une clause de dommages-intérêts. L’argument principal avancé repose sur l’ancien article 1229 du Code civil qui disposait que « la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts que le créancier souffre de l’inexécution de l’obligation principale ».

Sa fonction principale serait donc la réparation ; une réparation qui viendrait se substituer à l’évaluation judiciaire. D’où la règle énoncée à l’alinéa 2 de l’article 1229, qui prévoyait que le bénéfice de la clause pénale ne peut pas se cumuler avec l’exécution de l’obligation principale.

Le principe de non-cumul posé par cette disposition démontrerait que la clause pénale a vocation à réparer et non à punir. Là encore, les arguments avancés au soutien de la thèse réparatrice sont extrêmement convaincants.

Les auteurs qui la soutiennent demeurent néanmoins minoritaires. Au surplus, la définition de la clause pénale posée par l’ancien article 1229 du Code civil n’a pas été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016, ce qui n’est pas, désormais, sans priver leur raisonnement de base légale.

À l’examen, la majorité des auteurs estiment que la vérité se situerait au milieu, soit entre la thèse répressive et la thèse réparatrice.

Autrement dit, la clause pénale revêtirait une nature hybride. La conjugaison de sa fonction comminatoire et réparatrice ferait d’elle, tout à la fois une peine privée et une clause de dommages-intérêts.

Pour justifier cette thèse il est avancé que, dans la mesure où le montant fixé conventionnement par les parties peut être inférieur ou supérieur au préjudice éprouvé par le créancier, la clause pénale s’apparenterait, tantôt à une clause limitative de responsabilité, tantôt à une peine privée. D’où sa nature hybride.

Au total, il apparaît que, tant les théories monistes, que la théorie dualiste sont séduisantes : chaque thèse a le mérite, en faisant ressortir un ou plusieurs traits saillants de la clause pénale, de lever un peu plus le voile sur sa nature.

À cet égard, nonobstant leurs divergences, ces thèses partagent toutes un point en commun : les auteurs admettent, en effet, unanimement que la clause pénale remplit une fonction réparatrice.

Et si, pour les partisans de la thèse répressive, cette fonction n’est qu’accessoire, elle n’en demeure pas moins pour eux une caractéristique de la clause pénale. Denis Mazeaud affirme en ce sens que « quand un préjudice a été causé par l’inexécution illicite imputable au débiteur, la peine fait accessoirement fonction de réparation »[5].

Elle remplit ainsi la même fonction que la responsabilité contractuelle, à la différence près, néanmoins, que la clause pénale vise, non pas à réparer le préjudice effectivement subi par le cocontractant, mais à allouer au créancier une indemnité de réparation forfaitaire.

?Le caractère forfaitaire de la clause pénale

L’article 1231-5 du Code civil prévoit que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre. »

Il s’infère de cette disposition que la clause pénale présente un caractère forfaitaire, en ce sens que, en cas d’inexécution contractuelle, elle fera office d’indemnité de réparation indépendamment du montant du préjudice subi par le créancier.

L’enjeu pour les parties sera alors de fixer un montant de la clause pénale qui, d’une part, ne risque pas d’être révisé par le juge, parce qu’excessif, d’autre part, qui soit suffisamment élevé pour correspondre au préjudice qu’elle vise à réparer.

Conséquence, du caractère forfaitaire de la clause pénale, d’aucuns soutiennent qu’elle est libératoire.

?Le caractère libératoire de la clause pénale

Dans la pratique, il est un débat récurrent qui revient entre les parties : la clause pénale est-elle ou non libératoire ? L’enjeu de cette question ne saurait être mésestimé.

Dans l’hypothèse où elle le serait, le paiement de la pénalité par la partie qui a manqué à son obligation ferait purement et simplement obstacle à l’introduction postérieure, par le créancier, d’une action en responsabilité contractuelle devant les tribunaux.

À l’inverse, si l’on admettait que la clause pénale ne présente aucun caractère libératoire, cela signifierait que l’allocation de dommages et intérêts conventionnels pourrait se cumuler avec une indemnisation judiciaire. L’hésitation entre les deux thèses est permise.

D’un côté, lorsque la clause pénale stipule que le débiteur devra payer une indemnité en cas de retard dans l’exécution de sa prestation, elle se rapproche très fortement de l’astreinte. Or le prononcé d’une astreinte par le juge est indépendant de l’octroi au créancier de dommages et intérêts (Cass. 1ère civ., 28 fév. 1989, n°85-16.973).

D’un autre côté, la clause pénale vise à indemniser les conséquences d’un manquement à une obligation contractuelle. Il apparaîtrait dès lors troublant que le créancier puisse bénéficier d’une double indemnisation, avec le risque que le montant des dommages et intérêts cumulés soit supérieur à celui qui lui aurait été alloué judiciairement.

Reste que si la clause pénale se voit assigner, même accessoirement, une fonction réparatrice, il peut en être réduit qu’elle revêt, corrélativement, un caractère libératoire.

L’ancien article 1229 du Code civil prévoyait en ce sens que « la clause pénale est la compensation des dommages et intérêts ». Par compensation il fallait comprendre que l’indemnité perçue par le créancier supplante l’indemnité réparatrice qui lui aurait été allouée par le juge.

À cet égard, on peut ainsi lire sous la plume d’éminents auteurs que « l’évaluation conventionnelle des dommages-intérêts est substituée à l’évaluation judiciaire qu’elle rend inutile »[6].

Par ailleurs, si la clause pénale n’était pas libératoire, rien ne la distinguerait de l’astreinte. Or le prononcé d’une astreinte peut se cumuler avec l’octroi de dommages et intérêts (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 fév. 1989, n°85-16.973).

L’application de la clause pénale ne saurait, en conséquence, se cumuler avec l’octroi d’une indemnisation judiciaire. La Cour de cassation abonde indirectement en ce sens lorsqu’elle admet qu’un cumul n’est possible que dans l’hypothèse où le préjudice dont la réparation est demandée est distinct de celui couvert par la clause (Cass. soc., 21 nov. 1978, n°76-41.060 ; Cass. com., 20 mai 1997, n°95-12.392).

Mieux, dans un arrêt du 14 juin 2006, la Cour de cassation a jugé que la clause pénale « constitue une évaluation forfaitaire et anticipée du montant du préjudice » (Cass. com. 14 juin 2016 n°15-12.734).

La solution ici dégagée par la Cour de cassation, qui ne laisse guère place au doute sur le caractère libératoire de la clause pénale, a été confirmée par l’ordonnance du 10 février 2016 qui précise à l’article 1231-5 du Code civil que cette clause vise à octroyer à cocontractant victime d’une inexécution contractuelle « une certaine somme à titre de dommages et intérêts ».

Si le créancier perçoit des dommages et intérêts du chef de l’application de la clause pénale, c’est que son préjudice a été réparé et que, par voie de conséquence, l’objet du litige potentiel susceptible de l’opposer au débiteur est épuisé.

Aussi, sera-t-il irrecevable à agir en responsabilité contractuelle une fois le montant de la clause pénale réglé. Encore faut-il que les conditions de mise en œuvre de la clause pénale soient réunies.

1. Les conditions de mise en œuvre de la clause pénale

a. Une inexécution contractuelle

La clause pénale vise à sanctionner une inexécution contractuelle, indépendamment du préjudice susceptible d’être causé au créancier.

L’inexécution donnant lieu à la mise en œuvre de la clause pénale doit néanmoins avoir été définie contractuellement pas les parties.

Autrement dit, il doit avoir été prévu, dans le contrat, le fait générateur qui ouvrira le droit au paiement de pénalités.

Quant à la nature de l’inexécution, elle peut consister, tant en un retard, qu’en l’absence de délivrance de la chose. Plus généralement elle consiste en la fourniture d’une prestation non conforme aux stipulations contractuelles.

À cet égard, il est indifférent que l’inexécution sanctionnée porte ou non sur une obligation essentielle : ce qui importe c’est que l’obligation en cause soit expressément visée par la clause pénale.

En cas de survenance d’une cause étrangère ayant pour effet d’empêcher le débiteur d’exécuter son obligation, la jurisprudence admet que le jeu de la clause pénale est neutralisé, sauf stipulation contraire (V. en ce sens Cass. req. 3 déc. 1890)

Ainsi, pour que les pénalités soient dues, l’inexécution contractuelle doit être imputable au débiteur.

Enfin, il convient d’observer que l’inexécution du contrat est une condition suffisante à la mise en œuvre de la clause pénale. Des pénalités pourront, dans ces conditions, être dues au créancier même en l’absence de préjudice (V. en ce sens Cass. 3e civ., 12 janv. 1994, n°91-19.540).

C’est là tout l’intérêt de la clause pénale, elle ne remplit pas seulement une fonction réparatrice : elle vise également à sanctionner une inexécution contractuelle.

b. La mise en demeure du débiteur

L’article 1231-5 du Code civil dispose que « sauf inexécution définitive, la pénalité n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure. »

Ainsi, la mise en œuvre de la clause pénale suppose, au préalable, la mise en demeure de la clause pénale, faute de quoi les pénalités ne sont pas dues.

Cette exigence est directement reprise de l’ancien article 1230 du Code civil qui prévoyait que « soit que l’obligation primitive contienne, soit qu’elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n’est encourue que lorsque celui qui s’est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en demeure. »

Si la mise en demeure est la règle, le créancier en sera dispensé lorsque l’inexécution de l’obligation est définitive, soit lorsque le débiteur ne sera pas en mesure de surmonter son retard. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il a failli à son obligation d’acheminer au pli avant une date butoir.

En tout état de cause, dans les cas où elle est exigée, la mise en demeure devra être adressée au débiteur selon les formes prévues aux articles 1344 et suivants du Code civil.

Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.

Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.

Au fond, l’exigence de mise en demeure préalable à toute demande d’exécution d’une obligation vise à laisser une ultime chance au débiteur de s’exécuter.

À cet égard, l’absence de mise en demeure pourrait être invoquée par le débiteur comme un moyen de défense au fond lequel est susceptible d’avoir pour effet de tenir en échec la demande d’application de la clause pénale formulée par le créancier.

Quant au contenu de la mise en demeure, l’acte doit comporter :

  • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
  • Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
  • La menace d’une sanction

En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure peut être notifiée au débiteur :

  • Soit par voie de signification
  • Soit au moyen d’une lettre missive

Par ailleurs, il ressort de l’article 1344 du Code civil que les parties au contrat peuvent prévoir que l’exigibilité des obligations stipulées au contrat vaudra mise en demeure du débiteur.

2. La révision judiciaire de la clause pénale

Pendant longtemps la question s’est posée de savoir si le montant de la clause pénale était susceptible de faire l’objet d’une révision par le juge lorsque le préjudice effectivement subi par le créancier ne correspond pas au montant des pénalités dues.

  • D’un côté, il a été avancé que l’exercice de ce pouvoir de révision par le juge est justifié lorsque le montant de clause pénale est manifestement excessif.
  • D’un autre côté, il est fait interdiction au juge de modifier les prévisions des parties, sauf pour les cas de contrariété d’une clause à l’ordre public

En réaction à la jurisprudence qui avait refusé d’annuler les clauses pénales dont le montant était excessif au motif qu’il n’appartenait pas au juge de s’ingérer dans les relations contractuelles des parties, le législateur lui a reconnu ce pouvoir par l’adoption de la loi du 9 juillet 1975.

Il était ainsi prévu à l’ancien article 1152, al. 2 du Code civil que « le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. »

Ce pouvoir de révision de la clause pénale octroyé au juge a été confirmé par l’ordonnance du 10 février 2016 qui a repris, dans les mêmes termes, à l’article 1231-5, al. 2 du Code civil, le second alinéa de l’ancien article 1152.

Ainsi, la révision de la clause pénale doit demeurer exceptionnelle : ce n’est que dans l’hypothèse où l’écart entre le préjudice subi et le montant des pénalités dues est manifestement excessif que la clause peut être révisée.

Cette révision peut conduire le juge, tant à augmenter le montant de la clause, qu’à le diminuer, ce qui sera le plus souvent le cas.

Il doit donc se livrer à une sorte de contrôle de proportionnalité, étant précisé qu’il est interdit au juge de se référer, tant au comportement du débiteur (V. en ce sens Cass. com. 11 févr. 1997, n°95-10.851), qu’à sa situation financière (Cass. 1ère civ., 14 nov. 1995, n°94-04.008).

Le juge n’est autorisé à apprécier le caractère excessif du montant de la clause qu’au regard du préjudice effectivement subi par le créancier. À cet égard, la jurisprudence admet qu’il puisse se faire assister d’un expert (Cass. 3e civ., 13 nov. 2003, n°01-12.646).

Dans l’hypothèse où le juge estime que la clause est manifestement excessive, aucune obligation ne lui est faite de ramener son montant au niveau du préjudice subi par le créancier.

Par ailleurs, dans un arrêt du 24 juillet 1978, la Cour de cassation a précisé que s’« ‘il appartient aux juges du fond, souverains dans l’appréciation du préjudice subi par le créancier, de fixer librement le montant de l’indemnité résultant de l’application d’une clause pénale dès lors qu’ils l’estiment manifestement excessive », ils ne peuvent toutefois pas « allouer une somme inférieure au montant du dommage » (Cass. 1ère civ. 24 juill. 1978, n°77-11.170).

Il existe donc un seuil qui s’impose au juge – le montant du préjudice subi par le créancier – en deçà duquel les pénalités dues ne peuvent pas être réduites.

Les solutions ci-dessus énoncées valent non seulement en cas d’inexécution totale de l’obligation sanctionnée par la clause pénale, mais également en cas d’inexécution partielle.

L’alinéa 3 de l’article 1231-5, qui lui reprend les termes de l’ancien article 1231, dispose en ce sens que « lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d’office, à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent. »

B) Les clauses limitatives de responsabilité

1. Le principe de validité des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité

Alors que l’on assiste à une convergence des règles qui régissent la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle, une différence subsiste : tandis que la première peut être limitée, voire écartée par le jeu d’une convention, la seconde ne peut souffrir d’aucun aménagement contractuel.

  • S’agissant de la responsabilité délictuelle
    • La jurisprudence a toujours condamné les clauses limitatives de réparation en matière délictuelle lorsqu’elles concernent des cas de responsabilité pour faute.
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « les articles 1382 et 1383, devenus 1240 et 1241 du code civil, sont d’ordre public et que leur application ne peut être neutralisée contractuellement par anticipation, de sorte que sont nulles les clauses d’exonération ou d’atténuation de responsabilité en matière délictuelle » (Cass. 1ère civ. 5 juill. 2017, n°16-13.407).
    • La haute juridiction admet, en revanche, de telles clauses dans le cadre de régimes de responsabilité pour faute présumée ou de responsabilité sans faute.
    • Est ainsi licite la clause par laquelle des propriétaires d’animaux décident de s’affranchir de l’application des dispositions de l’article 1385 du code civil, lesquelles mettent en place une responsabilité de plein droit du propriétaire d’animaux pour les dommages causés par ces derniers (V. en ce sens Cass. req. 16 nov. 1931).
    • La pertinence du maintien d’une exclusion de toute possibilité d’aménagement contractuel en matière de responsabilité pour faute prouvée est discutée.
    • Certains auteurs estiment en effet souhaitable d’autoriser des clauses limitatives ou exonératoires dans des conditions plus proches de celles existant en matière contractuelle.
    • Ces derniers sont, semble-t-il, en passe d’être entendus puisque le projet de réforme du droit de la responsabilité civile envisage d’autoriser la stipulation de telles clauses, dès lors qu’elles ne visent pas à limiter ou exclure l’indemnisation en cas de dommage corporel (art. 1281 C. civ.).
  • S’agissant de la responsabilité contractuelle
    • Parce que le débiteur n’est tenu de réparer que le préjudice prévisible, soit celui prévu par les parties au contrat, la jurisprudence a admis, très tôt, la validité des clauses limitatives de responsabilité (
    • Les juridictions sont, à cet égard, allées plus loin en autorisant les parties, au nom de la liberté contractuelle, à stipuler des clauses qui exonèrent de toute responsabilité (V. en ce sens Cass. civ. 15 juin 1959, n°57-12.362).
    • À l’examen, la validité des clauses exonératoires et limitatives de responsabilité n’a nullement été remise en cause par la réforme du droit des obligations.
    • Le nouvel article 1231-3 du Code civil prévoit, en effet, que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat ».

Au total, seules les clauses exonératoires ou limitatives en matière de responsabilité contractuelle bénéficient d’une validité de principe.

Elles sont particulièrement fréquentes, par exemple, dans les contrats de transport ou de déménagement, dans lesquels sont insérées des clauses dont l’objet est de fixer, une fois la faute contractuelle établie, le maximum des dommages et intérêts que le créancier pourra recevoir, c’est-à-dire, en d’autres termes, un plafond de réparation.

Reste, que la stipulation de ces clauses est prohibée dans un certain nombre de contrats, sans compter que leurs effets sont susceptibles d’être neutralisés dans plusieurs situations.

2. Les exceptions au principe de validité des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité

Bien que, en matière de responsabilité contractuelle, la validité des clauses limitatives et exonératoires de responsabilité soit, par principe, admise, certains textes encadrent, voire prohibent leur stipulation.

Aux côtés de ces textes spéciaux qui tendent à se multiplier et intéressent des matières pour le moins variées, il faut également compter sur une disposition de portée générale, introduite par l’ordonnance de 10 février 2016, qui vise à réputer non-écrite toute clause qui porterait atteinte à une obligation essentielle du contrat.

2.1 Les textes spéciaux qui prohibent de l’aménagement conventionnel de la responsabilité

De nombreux textes spéciaux prohibent donc la stipulation de clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité :

  • En matière de contrat de travail, l’article L. 1231-4 du Code du travail prévoit que l’employeur et le salarié ne peuvent renoncer par avance au droit de se prévaloir des règles qui régissent le licenciement, soit, en particulier, celles qui gouvernent les indemnités de rupture
  • En matière de contrat de bail d’habitation, l’article 4, m) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prohibe toute clause « qui interdit au locataire de rechercher la responsabilité du bailleur ou qui exonère le bailleur de toute responsabilité »
  • En matière de contrat de consommation, l’article R. 212-1, 6° du Code de la consommation dispose que « dans les contrats conclus entre des professionnels et des consommateurs, sont de manière irréfragable présumées abusives, au sens des dispositions des premier et quatrième alinéas de l’article L. 212-1 et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de […] supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations »
  • En matière de contrat de vente volontaire de meubles aux enchères publiques, l’article 321-14 du Code de commerce prévoit que « les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sont responsables à l’égard du vendeur et de l’acheteur de la représentation du prix et de la délivrance des biens dont elles ont effectué la vente. Toute clause qui vise à écarter ou à limiter leur responsabilité est réputée non écrite. »
  • En matière de contrat d’hôtellerie, l’article 1953, al. 2 du Code civil pose que, d’une part, les hôteliers « sont responsables du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l’hôtel », d’autre part, que « cette responsabilité est illimitée, nonobstant toute clause contraire, au cas de vol ou de détérioration des objets de toute nature déposés entre leurs mains ou qu’ils ont refusé de recevoir sans motif légitime. »
  • En matière de contrat de louage d’ouvrage, l’article 1792-5 du Code civil prévoit que « toute clause d’un contrat qui a pour objet, soit d’exclure ou de limiter la responsabilité [du constructeur], soit d’exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-6 ou d’en limiter la portée, soit d’écarter ou de limiter la solidarité prévue à l’article 1792-4, est réputée non écrite »
  • En matière de contrat de transport de marchandises, l’article 133-1 du Code de commerce énonce que « le voiturier est garant de la perte des objets à transporter, hors les cas de la force majeure. […]. Toute clause contraire insérée dans toute lettre de voiture, tarif ou autre pièce quelconque, est nulle. »
  • En matière de contrat de transport maritime, l’article L. 5422-15 du Code des transports dispose que « est nulle et de nul effet toute clause ayant directement ou indirectement pour objet ou pour effet […] de soustraire le transporteur à la responsabilité définie par les dispositions de l’article L. 5422-12 »

En dehors des textes spéciaux qui prohibent l’aménagement conventionnel de la responsabilité, c’est le droit commun qui s’applique. Or en droit, commun, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont valides, sous réserve qu’elles ne portent pas atteinte à une obligation essentielle du contrat.

2.2 L’atteinte à une obligation essentielle du contrat

L’article 1170 du Code civil prévoit que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »

Nouveauté de l’ordonnance du 10 février 2016 dans le Code civil, ce texte trouve notamment à s’appliquer aux clauses limitatives et exonératoires de responsabilité.

La codification de cette dernière solution, sur une question qui a donné lieu à de nombreux arrêts parfois inconciliables, permet de fixer clairement le droit positif sur le sort de ces clauses.

Contrairement à ce qu’avaient pu retenir certaines décisions de la Cour de cassation, une clause limitative de responsabilité portant sur une obligation essentielle du débiteur ne sera pas nécessairement réputée non écrite : elle n’est prohibée que si elle contredit la portée de l’engagement souscrit, en vidant de sa substance cette obligation essentielle.

a. La construction de la jurisprudence Chronopost et Faurecia

a.1 La saga Chronopost

En résumant à gros trait, dans le cadre de l’affaire Chronopost, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question de savoir si une clause stipulée en contradiction avec l’engagement principal pris par l’une des parties pouvait faire l’objet d’une annulation.

C’est sur le terrain de la cause que la Cour de cassation a tenté de répondre en se servant de cette notion comme d’un instrument de contrôle de la cohérence du contrat, ce qui n’a pas été sans alimenter le débat sur la subjectivisation de la cause.

Afin de bien saisir les termes du débat auquel a donné lieu la jurisprudence Chronopost, revenons sur les principales étapes de cette construction jurisprudentielle qui a conduit à l’introduction d’un article 1170 du Code civil.

i. Premier acte : arrêt Chronopost du 22 octobre 1996

Arrêt Chronopost I

(Cass. com. 22 oct. 1996)

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1131 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt infirmatif attaqué, que la société Banchereau a confié, à deux reprises, un pli contenant une soumission à une adjudication à la société Chronopost, venant aux droits de la société SFMI ; que ces plis n’ayant pas été livrés le lendemain de leur envoi avant midi, ainsi que la société Chronopost s’y était engagée, la société Banchereau a assigné en réparation de ses préjudices la société Chronopost ; que celle-ci a invoqué la clause du contrat limitant l’indemnisation du retard au prix du transport dont elle s’était acquittée ;

Attendu que, pour débouter la société Banchereau de sa demande, l’arrêt retient que, si la société Chronopost n’a pas respecté son obligation de livrer les plis le lendemain du jour de l’expédition avant midi, elle n’a cependant pas commis une faute lourde exclusive de la limitation de responsabilité du contrat ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors que, spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagée à livrer les plis de la société Banchereau dans un délai déterminé, et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 30 juin 1993, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Caen.

?Faits

Une société (la société Chronopost), spécialiste du transport rapide, s’est engagée à livrer sous 24 heures un pli contenant une réponse à une adjudication.

Le pli arrive trop tard, de sorte que la société cliente ne parvient pas à remporter l’adjudication.

?Demande

La société cliente demande réparation du préjudice subi auprès du transporteur

Toutefois, la société Chronopost lui oppose une clause qui limite sa responsabilité au montant du transport, soit 122 francs.

?Procédure

Par un arrêt du 30 juin 1993, la Cour d’appel de Rennes, déboute la requérante de sa demande.

Les juges du fond estiment que la responsabilité contractuelle du transporteur n’aurait pu être recherchée que dans l’hypothèse où elle avait commis une faute lourde.

Or selon la Cour d’appel le retard dans la livraison du pli ne constituait pas une telle faute.

En conséquence, le client du transporteur ne pouvait être indemnisé du préjudice subi qu’à hauteur du montant prévu par le contrat soit le coût du transport : 122 francs.

?Solution

Par un arrêt du 22 octobre 1996, la chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article 1131 du Code civil (Cass. com. 22 oct. 1996, n°93-18.632).

La Cour de cassation affirme, au soutien de sa décision que dans la mesure où la société Chronopost, spécialiste du transport rapide garantissant, à ce titre, la fiabilité et la célérité de son service, s’était engagée à livrer les plus de son client dans un délai déterminé, « en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ».

?Analyse

Tout d’abord, il peut être observé que, en visant l’ancien article 1131 du Code civil, la Cour de cassation assimile à l’absence de cause l’hypothèse où la mise en œuvre de la clause limitative de responsabilité a pour effet de contredire la portée de l’obligation essentielle contractée par les parties.

En l’espèce, la société Chronopost, spécialisée dans le transport rapide, s’est engagée à acheminer le plus confié dans un délai déterminé en contrepartie de quoi elle facture à ses clients un prix bien supérieur à ce qu’il est pour un envoi simple par voie postale.

En effet, c’est pour ce service, en particulier, que les clients de la société Chronopost, se sont adressé à elle, sinon pourquoi ne pas s’attacher les services d’un transporteur classique dont la prestation serait bien moins chère.

Ainsi, y a-t-il manifestement dans le délai rapide d’acheminement une obligation essentielle soit une obligation qui constitue l’essence même du contrat : son noyau dur.

Pourtant, la société Chronopost a inséré dans ses conditions générales une clause aux termes de laquelle elle limite sa responsabilité, en cas de non-respect du délai d’acheminement fixé, au montant du transport, alors même que le préjudice subi par le client est sans commune mesure.

D’où la question posée à la Cour de cassation : une telle clause ne vide-t-elle pas de sa substance l’obligation essentielle du contrat, laquelle n’est autre que la stipulation en considération de laquelle le client s’est engagé ?

En d’autres termes, peut-on envisager que la société Chronopost s’engage à acheminer des plis dans un délai rapide et, corrélativement, limiter sa responsabilité en cas de non-respect du délai stipulé à la somme de 122 francs ?

Il ressort du présent arrêt, que la Cour de cassation répond par la négative à cette question.

Elle estime, en ce sens, que la stipulation de la clause limitative de responsabilité était de nature à contredire la portée de l’engagement pris au titre de l’obligation essentielle du contrat.

En réduisant à presque rien l’indemnisation en cas de manquement à l’obligation essentielle du contrat, la clause litigieuse vide de sa substance ladite obligation.

Aussi, cela reviendrait, selon la Cour de cassation qui vise l’article 1131 du Code civil, à priver de cause l’engagement du client, laquelle cause résiderait dans l’obligation d’acheminer le pli dans un délai déterminé.

Elle en déduit que la clause limitative de responsabilité doit être réputée non-écrite.

?Critiques

Plusieurs critiques ont été formulées à l’encontre de la solution retenue par la haute juridiction

  • Le visa de la solution
    • Pourquoi annuler la clause du contrat sur le fondement de l’ancien article 1131 du Code civil alors même qu’il existe une contrepartie à l’obligation de chacun des contractants ?
      • La contrepartie de l’obligation de la société Chronopost consiste en le paiement du prix par son client.
      • La contrepartie de l’obligation du client consiste quant à elle en l’acheminement du pli par Chronopost.
    • Jusqu’alors, afin de contrôler l’existence d’une contrepartie, le contrat était appréhendé globalement et non réduit à une de ses clauses en particulier.
  • La subjectivisation de la cause
    • Autre critique formulée par les auteurs, la Cour de cassation se serait attachée, en l’espèce, à la fin que les parties ont poursuivie d’un commun accord, ce qui revient à recourir à la notion de cause subjective alors que le contrôle de l’existence de contrepartie s’opère, classiquement, au moyen de la seule cause objective.
    • Pour la Cour de cassation, en concluant un contrat de transport rapide, les parties ont voulu que le pli soit acheminé à son destinataire dans un certain délai.
    • Or, si l’on s’en tient à un contrôle de la cause objective (l’existence d’une contrepartie), cela ne permet pas d’annuler la clause limitative de responsabilité dont la mise en œuvre porte atteinte à l’obligation essentielle du contrat : l’obligation de délivrer le pli dans le délai convenu.
    • Pour y parvenir, il est en effet nécessaire d’apprécier la validité des clauses du contrat en considération de l’objectif recherché par les contractants.
    • Le recours à la notion de cause subjective permet alors d’écarter la clause qui contredit la portée de l’engagement pris, car elle entrave la fin poursuivie et ainsi la cause qui a déterminé les parties à contracter.
    • Tel est le cas de la clause limitative de responsabilité qui fait obstacle à la réalisation du but poursuivi par les parties, cette clause étant de nature à ne pas inciter la société Chronopost à mettre en œuvre tous les moyens dont elle dispose afin d’exécuter son obligation, soit acheminer les plis qui lui sont confiés dans le délai stipulé.
    • Au total, la conception que la Cour de cassation se fait de la cause renvoie à l’idée que la cause de l’obligation correspondrait au but poursuivi par les parties, ce qui n’est pas sans faire écho à l’arrêt Point club vidéo rendu le 3 juillet 1996, soit trois mois plus tôt, où elle avait assimilé le défaut d’utilité de l’opération économique envisagé par l’une des parties à l’absence de cause.
  • La sanction de l’atteinte à l’obligation essentielle
    • La cause étant une condition de validité du contrat, son absence était sanctionnée, en principe, par une nullité du contrat lui-même.
    • Tel n’est cependant pas le cas dans l’arrêt Chronopost où la Cour de cassation estime que la clause limitative de responsabilité est seulement réputée non-écrite.
    • Pourquoi cette solution ?
    • De toute évidence, en l’espèce, la Cour de cassation a statué pour partie en opportunité.
    • Si, en effet, elle avait prononcé la nullité du contrat dans son ensemble, cela aurait abouti au même résultat que si l’on avait considéré la clause valide :
      • Le client reprenait son pli
      • Chronopost reprend ses 122 francs.
    • Aussi, en réputant la clause non-écrite, cela permet d’envisager la question de la responsabilité contractuelle de la société Chronopost, la clause limitative de responsabilité ayant été neutralisée.
    • Plus largement, la sanction retenue participe d’un mouvement en faveur du maintien du contrat : plutôt que d’anéantir l’acte dans son ensemble, on préfère le maintenir, amputé de ses stipulations illicites.
    • La Cour de cassation parvient donc ici à une solution équivalente à laquelle aurait conduit l’application des règles relatives à la prohibition des clauses abusives.
    • Toutefois, ce corpus normatif ne trouve d’application que dans le cadre des relations entre professionnels et consommateurs, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
    • Dès lors, on peut estimer que la Cour de cassation s’est servie dans cet arrêt du concept de cause comme d’un instrument d’éradication d’une clause abusive stipulée dans un contrat qui, par nature, échappait au droit de la consommation.

ii. Deuxième acte : arrêt Chronopost du 9 juillet 2002

La solution retenue dans l’arrêt Chronopost n’a pas manqué de soulever plusieurs questions, dont une en particulier : une fois que l’on a réputé la clause limitative de responsabilité non-écrite comment apprécier la responsabilité de la société Chronopost ? Autrement dit, quelle conséquence tirer de cette sanction ?

Arrêt Chronopost II

(Cass. com. 9 juill. 2002)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 22 octobre 1996, bulletin n° 261), qu’à deux reprises, la société Banchereau a confié à la Société française de messagerie internationale (SFMI), un pli destiné à l’office national interprofessionnel des viandes, de l’élevage et de l’agriculture en vue d’une soumission à une adjudication de viande ; que ces plis n’ayant pas été remis au destinataire le lendemain de leur envoi, avant midi, ainsi que la SFMI s’y était engagée, la société Banchereau n’a pu participer aux adjudications ;

qu’elle a assigné la SFMI en réparation de son préjudice ; que celle-ci a invoqué la clause du contrat limitant l’indemnisation du retard au prix du transport dont elle s’était acquittée ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article 1150 du Code civil, l’article 8, paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er et 15 du contrat type messagerie, établi par décret du 4 mai 1988, applicable en la cause ;

Attendu que pour déclarer inapplicable le contrat type messagerie, l’arrêt retient que le contrat comporte une obligation particulière de garantie de délai et de fiabilité qui rend inapplicable les dispositions du droit commun du transport ;

Attendu qu’en statuant ainsi, après avoir décidé que la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard à la livraison était réputée non écrite, ce qui entraînait l’application du plafond légal d’indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du deuxième moyen et sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 janvier 1999, entre les parties, par la cour d’appel de Caen ;

  • Faits
    • La Cour de cassation est amenée à se prononcer une seconde fois sur l’affaire Chronopost jugée une première fois par elle le 22 octobre 1996.
    • Elle statue ici sur le pourvoi formé par la société Chronopost contre l’arrêt rendu sur renvoi le 5 janvier 1999 par la Cour d’appel de Rouen.
  • Problématique
    • À l’instar du contrat vente, de bail ou encore de prêt, le contrat de messagerie est encadré par des dispositions réglementaires.
    • Plus précisément il est réglementé par le décret du 4 mai 1988 qui organise son régime juridique.
    • Aussi, dans le deuxième volet de l’affaire Chronopost, la question s’est posée de savoir si le décret du 4 mai 1988 réglementant les contrats de type transport était applicable au contrat conclu entre la société Chronopost et son client ou si c’est le droit commun de la responsabilité contractuelle qui devait s’appliquer.
    • Quel était l’enjeu ?
      • Si le décret s’applique, en cas de non-acheminement du pli dans les délais par le transporteur, celui-ci prévoit une clause équivalente à celle déclarée nulle par la Cour de cassation dans l’arrêt du 22 octobre 1996 : le remboursement du montant du transport, soit la somme de 122 francs, celle-là même prévue dans les conditions générales de la société Chronopost.
      • Si, au contraire, c’est le droit commun de la responsabilité qui s’applique, une réparation du préjudice subie par la société cliente du transporteur est alors envisageable.
  • Solution
    • Tandis que la Cour d’appel condamne la société Chronopost sur le terrain du droit commun (réparation intégrale du préjudice) estimant que le contrat type messagerie était inapplicable en l’espèce, la Cour de cassation considère que le décret du 4 mai 1988 avait bien vocation à s’appliquer (Cass. com. 9 juill. 2002, n°99-12.554).
    • Au soutien de sa décision, la Cour de cassation affirme que dans la mesure où la clause limitative de responsabilité du contrat pour retard à la livraison était réputée non écrite, cela entraîne nécessairement « l’application du plafond légal d’indemnisation que seule une faute lourde du transporteur pouvait tenir en échec ».
    • En appliquant le droit commun des transports, cela revient alors à adopter une solution qui produit le même effet que si elle n’avait pas annulé la clause litigieuse : le remboursement de la somme de 122 francs !
    • Dans cet arrêt, la Cour de cassation précise toutefois que le plafond légal d’indemnisation est susceptible d’être écarté en rapportant la preuve d’une faute lourde imputable au transporteur.
    • D’où la référence dans le visa, entre autres, à l’ancien article 1150 du Code civil qui prévoyait que « le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée. »
    • La solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 9 juillet 2002 a immédiatement soulevé une nouvelle question :le manquement à une obligation essentielle du contrat pouvait être assimilé à une faute lourde, ce qui dès lors permettrait d’écarter le plafond légal d’indemnisation prévu par le décret du 4 mai 1988.

iii. Troisième acte : arrêts Chronopost du 22 avril 2005

Arrêts Chronopost III

(Cass. ch. mixte, 22 avril 2005)

Première espèce

Attendu, selon l’arrêt attaqué que la société D… France (la société D…) ayant décidé de concourir à un appel d’offres ouvert par la ville de Calais et devant se clôturer le lundi 25 mai 1999 à 17 h 30, a confié à la société Chronopost, le vendredi 22 mai 1999 l’acheminement de sa candidature qui n’est parvenue à destination que le 26 mai 1999 ; que la société D… a assigné la société Chronopost en réparation de son préjudice ; que cette dernière a invoqué la clause limitative d’indemnité pour retard du contrat-type “messagerie” ; Sur le second moyen :

Vu l’article 1150 du Code civil, l’article 8 paragraphe II de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er, 22-2, 22-3 du décret 99-269 du 6 avril 1999, applicable en la cause ;

Attendu que pour écarter le plafond d’indemnisation prévu au contrat-type “messagerie” et condamner la société Chronopost à payer à la société D… la somme de 100 000 francs, l’arrêt retient que la défaillance de la société Chronopost consistant en un retard de quatre jours, qualifié par elle-même “d’erreur exceptionnelle d’acheminement”, sans qu’elle soit en mesure d’y apporter une quelconque explication, caractérise une négligence d’une extrême gravité, constitutive d’une faute lourde et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Chronopost, l’arrêt rendu le 24 mai 2002, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Seconde espèce

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2003), que le 31 décembre 1998, la société Dubosc et Landowski (société Dubosc) a confié à la société Chronopost un pli destiné à la ville de Vendôme, contenant son dossier de candidature à un concours d’architectes ; que le dossier qui aurait dû parvenir au jury avant le 4 janvier 1999, a été livré le lendemain ; que la société Dubosc, dont la candidature n’a pu de ce fait être examinée, a assigné la société Chronopost en réparation de son préjudice ; que cette dernière a invoqué la clause limitative d’indemnité pour retard figurant au contrat-type annexé au décret du 4 mai 1988 ;

Attendu que la société Dubosc fait grief à l’arrêt d’avoir condamné la société Chronopost à lui payer seulement la somme de 22,11 euros, alors, selon le moyen, “que l’arrêt relève que l’obligation de célérité, ainsi que l’obligation de fiabilité, qui en est le complément nécessaire, s’analysent en des obligations essentielles résultant de la convention conclue entre la société Dubosc et la société Chronopost ; que l’inexécution d’une obligation essentielle par le débiteur suffit à constituer la faute lourde et à priver d’effet la clause limitative de responsabilité dont le débiteur fautif ne peut se prévaloir pour s’exonérer de la réparation du préjudice qui en résulte pour le créancier ; qu’en décidant que faute d’établir des faits précis caractérisant la faute lourde du débiteur, le créancier ne peut prétendre qu’à l’indemnisation du prix du transport, la cour d’appel a violé les articles 1131, 1134, 1147 et 1315 du Code civil, 8, alinéa 2, de !a loi du 30 décembre 1982, 1 et 15 du contrat messagerie établi par le décret du 4 mai 1988″ ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article 1150 du Code civil et du décret du 4 mai 1988 portant approbation du contrat-type pour le transport public terrestre de marchandises applicable aux envois de moins de trois tonnes pour lesquels il n’existe pas de contrat-type spécifique que, si une clause limitant le montant de la réparation est réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, seule une faute lourde, caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle, peut mettre en échec la limitation d’indemnisation prévue au contrat-type établi annexé au décret ;

Qu’ayant énoncé à bon droit que la clause limitant la responsabilité de la société Chronopost en cas de retard qui contredisait la portée de l’engagement pris étant réputée non écrite, les dispositions précitées étaient applicables à la cause, et constaté que la société Dubosc ne prouvait aucun fait précis permettant de caractériser l’existence d’une faute lourde imputable à la société Chronopost, une telle faute ne pouvant résulter du seul retard de livraison, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il convenait de limiter l’indemnisation de la société Dubosc au coût du transport ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Faits

  • Dans la première espèce
    • Une société qui avait décidé de concourir à un appel d’offres ouvert par la ville de Calais et devant se clôturer le lundi 25 mai 1999 à 17 h 30, a confié à la société Chronopost, le vendredi 22 mai 1999 l’acheminement de
    • Sa candidature n’est cependant parvenue à destination que le 26 mai 1999 en raison d’un retard dans l’acheminement du pli.
  • Dans la seconde espèce
    • Une société a confié à la société Chronopost un pli destiné à la ville de Vendôme, contenant son dossier de candidature à un concours d’architectes.
    • Le dossier devait parvenir au jury avant le 4 janvier 1999.
    • Toutefois, il n’est délivré que le lendemain.

?Demande

Dans les deux arrêts, les clients de la société Chronopost demandent réparation du préjudice occasionné du fait du retard de livraison du pli confié au transporteur

?Procédure

  • Première espèce
    • Par un arrêt du 24 mai 2002, la Cour d’appel de Paris accède à la requête du client de la société Chronopost.
    • Les juges du fond estiment que le plafond d’indemnisation prévu au contrat-type messagerie devait être écarté dans la mesure où le retard d’acheminement du pli qui avait été confié à la société Chronopost « caractérise une négligence d’une extrême gravité, constitutive d’une faute lourde et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait acceptée ».
  • Seconde espèce
    • Par un arrêt du 7 février 2003, la Cour d’appel de Versailles déboute le client de la société Chronopost de sa demande.
    • Les juges du fond estiment dans cette espèce que si l’obligation de livrer dans les délais le pli confié au transporteur constitue une obligation essentielle du contrat, le manquement à cette obligation ne suffit pas à caractériser une faute lourde.
    • Dès lors, pour la Cour d’appel de Versailles, il n’y a pas lieu d’écarter le plafond d’indemnisation prévu par le décret qui réglemente les contrats-type messagerie.

?Solution

Tandis que dans la première espèce, la Chambre mixte casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel, dans la seconde le pourvoi formé par le client de la société Chronopost est rejeté.

Deux enseignements peuvent être tirés des deux arrêts rendus le même jour par la chambre mixte le 22 avril 2005 :

  • Définition de la faute lourde
    • La Cour de cassation répond à l’interrogation née de l’arrêt du 9 juillet 2002 : la définition de la faute lourde
    • Aussi, dans la deuxième espèce jugée par la chambre mixte, la faute lourde est définie comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait accepté ».
    • La faute lourde comprendrait donc deux éléments :
      • Un élément subjectif : le comportement confinant au dol, soit à une faute d’une extrême gravité.
      • Un élément objectif : l’inaptitude quant à l’accomplissement de la mission contractuelle.
  • Faute lourde et manquement à l’obligation essentielle
    • Dans la première espèce la Cour de cassation estime que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard » (Cass. ch. mixte, 22 avril 2005, n°02-18.326).
    • Dans la seconde espèce, la haute juridiction affirme encore que « la clause limitant la responsabilité de la société Chronopost en cas de retard qui contredisait la portée de l’engagement pris étant réputée non écrite, les dispositions précitées étaient applicables à la cause, et constaté que la société Dubosc ne prouvait aucun fait précis permettant de caractériser l’existence d’une faute lourde imputable à la société Chronopost, une telle faute ne pouvant résulter du seul retard de livraison » (Cass. ch. mixte, 22 avril 2005, n°03-14.112).
    • En d’autres termes, il résulte des deux arrêts rendus par la chambre mixte le 22 avril 2005 que le simple manquement à une obligation essentielle du contrat ne saurait caractériser à lui seul une faute lourde
    • Pour que la faute lourde soit retenue, il aurait fallu que soit établie, en plus, l’existence d’un élément subjectif : le comportement d’une extrême gravité confinant au dol.
    • Ainsi, était-il nécessaire de démontrer que la société Chronopost avait délibérément livré le pli qui lui a été confié en retard, ce qui n’était évidemment pas le cas en l’espèce.
    • D’où le refus de la Cour de cassation d’écarter le plafond légal d’indemnisation prévu par le décret du 4 mai 1988.
    • La chambre mixte a dès lors fait le choix d’une approche extrêmement restrictive de la faute lourde, à tel point que les auteurs se sont demandé si cela ne revenait pas à exclure toute possibilité d’écarter le plafond légal d’indemnisation en raison de l’impossibilité de rapporter la preuve de la faute lourde.

iv. Quatrième acte : Arrêt Chronopost du 30 mai 2006

Arrêt Chronopost IV

(Cass. com. 30 mai 2006)

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1131 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt déféré, que deux montres, confiées par la société JMB International à la société Chronopost pour acheminement à Hong Kong, ont été perdues pendant ce transport ; que la société JMB International a contesté la clause de limitation de responsabilité que lui a opposée la société Chronopost ;

Attendu que pour débouter la société JMB International de toutes ses demandes, l’arrêt retient que celle-ci, qui faisait valoir le grave manquement de la société Chronopost à son obligation essentielle d’acheminement du colis à elle confié, avait nécessairement admis, en déclarant accepter les conditions générales de la société Chronopost, le principe et les modalités d’une indemnisation limitée en cas de perte du colis transporté ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans rechercher si la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait la société Chronopost, qui n’était pas prévue par un contrat-type établi par décret, ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d’un manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a dit que l’action de la société JMB International était recevable et n’était pas prescrite, l’arrêt rendu le 11 mars 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris

  • Faits
    • Deux montres, confiées par une société au transporteur Chronopost pour acheminement à Hong Kong, ont été perdues pendant ce transport.
  • Demande
    • La société cliente engage la responsabilité de Chronopost.
    • Au soutien de sa demande, elle avance que la clause limitative de responsabilité dont se prévaut le transporteur ne lui est pas opposable.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2004, la Cour d’appel de Paris déboute le client de la société Chronopost de toutes ses demandes.
    • Étonnamment, les juges du fond adoptent une solution pour le moins différente de la jurisprudence initiée par la Cour de cassation dix ans plus tôt.
    • Ils considèrent que, en confiant un pli à la société Chronopost pour qu’elle l’achemine jusqu’à son destinataire, elle « avait nécessairement admis, en déclarant accepter les conditions générales de la société Chronopost, le principe et les modalités d’une indemnisation limitée en cas de perte du colis transporté »
    • La clause limitative de responsabilité était, dans ces conditions, parfaitement applicable à la société cliente.
    • Ainsi, la Cour d’appel refuse-t-elle d’apprécier la validité de la clause limitative de responsabilité en se demandant si elle ne portait pas atteinte à une obligation essentielle, ni même si la société Chronopost n’avait pas manqué à son obligation de délivrer le pli dans le délai prévu par le contrat.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mai 2006, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris au visa de l’article 1131 du Code civil (Cass. com. 30 mai 2006, n°04-14.974).
    • Sans surprise, la chambre commerciale reproche aux juges du fond de n’avoir pas recherché « si la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait la société Chronopost, qui n’était pas prévue par un contrat-type établi par décret, ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d’un manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat »
    • Ainsi, la haute juridiction fait-elle une exacte application de la solution dégagée dans le premier arrêt Chronopost rendu le 22 octobre 1996.

v. Cinquième acte : Arrêt Chronopost du 13 juin 2006

Arrêt Chronopost V

(Cass. com. 13 juin 2006)

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1150 du code civil, l’article 8, paragraphe II, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et les articles 1er, 22-2, 22-3 du décret 99-269 du 6 avril 1999, applicable en la cause ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Dole froid service a confié à la société Chronopost l’acheminement d’un pli contenant une soumission pour un marché d’équipement de matériel de rafraîchissement et portant la mention : “livraison impérative vendredi avant midi” ; que ce délai n’ayant pas été respecté, la société Dole froid service, dont l’offre n’a pu être examinée, a assigné la société Chronopost service en réparation de son préjudice ;

Attendu que pour dire inapplicable la clause légale de limitation de responsabilité du transporteur résultant de l’article 8, paragraphe II, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 et du contrat type messagerie applicables en la cause et condamner en conséquence la société Chronopost à payer à la société Dole froid service la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice, l’arrêt retient que la société Chronopost, spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, s’était obligée de manière impérative à faire parvenir le pli litigieux le vendredi avant midi à Champagnole, localité située à 25 kilomètres du lieu de son expédition, où il avait été déposé la veille avant 18 heures, qu’elle n’avait aucune difficulté à effectuer ce transport limité à une très courte distance et que, au regard de ces circonstances, sa carence révèle une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission qu’il avait acceptée ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il a condamné la société Chronopost à verser à la société Dole froid service la somme complémentaire de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts, l’arrêt rendu le 2 décembre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

  • Faits
    • Une société a confié à la société Chronopost l’acheminement d’un pli contenant une soumission pour un marché d’équipement de matériel de rafraîchissement et portant la mention : “livraison impérative vendredi avant midi”.
    • Le délai de livraison n’ayant pas été respecté, l’offre n’a pu être examinée.
  • Demande
    • Le client de la société Chronopost engage sa responsabilité aux fins d’obtenir réparation du préjudice subi.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 décembre 2004, la Cour d’appel de Paris accède à la demande du demandeur en déclarant le plafond légal d’indemnisation inapplicable,
    • La Cour d’appel relève pour ce faire que « la société Chronopost, spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, s’était obligée de manière impérative à faire parvenir le pli litigieux le vendredi avant midi à Champagnole, localité située à 25 kilomètres du lieu de son expédition, où il avait été déposé la veille avant 18 heures, qu’elle n’avait aucune difficulté à effectuer ce transport limité à une très courte distance et que, au regard de ces circonstances, sa carence révèle une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du transporteur, maître de son action, à l’accomplissement de la mission qu’il avait acceptée »
    • Elle en déduit que, en l’espèce, la faute lourde ce qui, conformément à l’ancien article 1150 du Code civil, rendait inapplicable la clause légale de limitation de responsabilité du transporteur résultant de l’article 8, paragraphe II, de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juin 2006, la Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond notamment au visa de l’article 1150 du Code civil (Cass. com. 13 juin 2006, n°05-12.619).
    • La chambre commerciale réitère ici la solution dégagée par la chambre mixte le 22 avril 2005 en affirmant que « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».
    • Or en l’espèce, le seul manquement susceptible d’être reproché au transporteur était de n’avoir pas exécuté son obligation essentielle, de sorte que cela n’était pas suffisant pour caractériser une faute lourde.
    • Pour y parvenir, la Cour de cassation rappelle que cela suppose de démontrer d’adoption par le transporteur d’un comportement d’une extrême gravité confinant au dol.

a.2 L’épilogue de la saga Chronopost : les arrêts Faurecia

La saga des arrêts Chronopost a donné lieu à un épilogue qui s’est déroulé en deux actes.

i. Premier acte : arrêt Faurecia du 13 février 2007

Arrêt Faurecia I

(Cass. com. 13 févr. 2007)

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; que conseillée par la société Deloitte, elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre les sociétés Faurecia, Oracle et Deloitte ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière et la société Deloitte aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ;

[…]

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Vu l’article 1131 du code civil ;

Attendu que, pour limiter les sommes dues par la société Oracle à la société Faurecia à la garantie de la condamnation de cette société au paiement de la somme de 203 312 euros à la société Franfinance et rejeter les autres demandes de la société Faurecia, l’arrêt retient que la société Faurecia ne caractérise pas la faute lourde de la société Oracle qui permettrait d’écarter la clause limitative de responsabilité, se contentant d’évoquer des manquements à des obligations essentielles, sans caractériser ce que seraient les premiers et les secondes et dès lors que de tels manquements ne peuvent résulter du seul fait que la version V 12 n’ait pas été livrée ou que l’installation provisoire ait été ultérieurement “désinstallée” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait, d’abord, constaté que la société Oracle s’était engagée à livrer la version V 12 du progiciel, objectif final des contrats passés en septembre 1999 et qu’elle n’avait exécuté cette obligation de livraison ni en 1999 ni plus tard sans justifier d’un cas de force majeure, puis relevé qu’il n’avait jamais été convenu d’un autre déploiement que celui de la version V 12, ce dont il résulte un manquement à une obligation essentielle de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE

?Faits

La société Faurecia a souhaité déployer sur ses sites en 1997 un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale

Conseillée par la société Deloitte, elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999

Des contrats de licence, de maintenance et de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en œuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre les sociétés Faurecia, Oracle et Deloitte

Dans l’attente de la livraison de la livraison du nouveau logiciel, une solution provisoire a été installée

Toutefois, cette solution provisoire ne fonctionnait pas correctement et la version V 12 du logiciel n’était toujours pas livrée.

La société Faurecia a dès lors cessé de régler les redevances dues à son fournisseur, la société Oracle, laquelle avait, entre-temps, cédé ses droits à la société Franfinance.

?Demande

La société Faurecia assigne alors la société Oracle ainsi que la société Deloitte aux fins d’obtenir la nullité des contrats conclus pour dol et subsidiairement leur résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties.

?Procédure

Par un arrêt du 31 mars 2005, la Cour d’appel de Versailles a estimé que l’indemnisation susceptible d’être allouée à la société Faurecia en réparation de son préjudice devait être limitée au montant prévu par la clause limitative de responsabilité.

Cette clause trouvait, en effet, pleinement à s’appliquer en l’espèce, dans la mesure où la société Faurecia ne caractérisait pas la faute lourde de la société Oracle.

Les juges du fond avancent au soutien de cette affirmation que, non seulement la société Faurecia n’établit aucun des manquements aux obligations essentiels reprochés à la société Oracle, mais encore que ces manquements ne sauraient résulter du seul fait que le logiciel ne lui a pas été livré, ni que l’installation provisoire ait été ultérieurement désinstallée.

La solution de la Cour d’appel était ainsi, en tous points, conforme à la jurisprudence Chronopost de la Cour de cassation.

?Solution

Par un arrêt du 13 février 2007, la chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles au visa de l’article 1131 du Code civil (Cass. com. 13 févr. 2007, n°05-17.407).

Après avoir relevé que « la société Oracle s’était engagée à livrer la version V 12 du progiciel, objectif final des contrats passés en septembre 1999 et qu’elle n’avait exécuté cette obligation de livraison ni en 1999 ni plus tard sans justifier d’un cas de force majeure, puis relevé qu’il n’avait jamais été convenu d’un autre déploiement que celui de la version V 12 », la cour de cassation considère que le manquement reproché à la société Oracle portait sur une obligation essentielle.

Or elle estime que pareil manquement « est de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation ».

Deux enseignements peuvent être tirés de cet arrêt Faurecia I.

  • En premier lieu
    • Dès lors qu’une clause vient limiter la responsabilité du débiteur d’une obligation essentielle, elle doit être réputée non écrite.
    • Les clauses limitatives de responsabilité seraient, en somme, sans effet dès lors que le manquement reproché à une partie porterait sur une obligation essentielle.
  • En second lieu
    • Le seul manquement à une obligation essentielle suffit à caractériser la faute lourde.
    • Il s’agit donc de la solution radicalement opposée à celle adoptée par la Cour de cassation, par deux fois, dans ses arrêts du 22 avril 2005 et du 13 juin 2006.
    • Sur ce point, la chambre commerciale opère donc un revirement de jurisprudence.
    • Désormais, le simple manquement est suffisant quant à faire échec à la clause limitative de responsabilité.
    • Il n’est plus besoin de rapporter la preuve d’un comportement d’une extrême gravité imputable au débiteur de l’obligation essentielle.

?Analyse

La position adoptée par la Cour de cassation dans cet arrêt Faurecia I a été unanimement critiquée par la doctrine.

Les auteurs ont reproché à la chambre commerciale d’avoir retenu une solution « liberticide » en ce sens que cela revenait à priver les parties de la possibilité de stipuler une clause limitative de responsabilité dès lors qu’une obligation essentielle était en jeu.

L’application de cette jurisprudence aurait conduit, en effet, à considérer que seules les obligations accessoires au contrat pouvaient désormais faire l’objet d’une limitation de responsabilité, ce qui n’est pas sans porter atteinte à la liberté contractuelle des parties.

La Cour de cassation s’est, de la sorte, écartée de la solution dégagée dans l’arrêt Chronopost I où elle avait décidé que la clause limitative de responsabilité ne devait être réputée non écrite qu’à la condition que ladite clause prive la portée de l’engagement pris.

Dans l’arrêt Faurecia I, la chambre commerciale ne formule pas cette exigence.

Elle se satisfait de la seule présence dans le contrat, d’une clause limitative de responsabilité susceptible d’être activée en cas de manquement à une obligation essentielle.

Animée d’une volonté d’encadrer le recours aux clauses limitatives de responsabilité la Cour de cassation est, à l’évidence, allée trop loin.

Aussi, un retour à la solution antérieure s’est très rapidement imposé.

ii. Second acte : arrêt Faurecia du 29 juin 2010

Arrêt Faurecia II

(Cass. com. 29 juin 2010)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 26 novembre 2008), que la société Faurecia sièges d’automobiles (la société Faurecia), alors dénommée Bertrand Faure équipements, a souhaité en 1997 déployer sur ses sites un logiciel intégré couvrant principalement la gestion de production et la gestion commerciale ; qu’elle a choisi le logiciel V 12, proposé par la société Oracle mais qui ne devait pas être disponible avant septembre 1999 ; qu’un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation ont été conclus le 29 mai 1998 entre les sociétés Faurecia et Oracle, tandis qu’un contrat de mise en oeuvre du “programme Oracle applications” a été signé courant juillet 1998 entre ces sociétés ; qu’en attendant, les sites ibériques de la société Faurecia ayant besoin d’un changement de logiciel pour passer l’an 2000, une solution provisoire a été installée ; qu’aux motifs que la solution provisoire connaissait de graves difficultés et que la version V 12 ne lui était pas livrée, la société Faurecia a cessé de régler les redevances ; qu’assignée en paiement par la société Franfinance, à laquelle la société Oracle avait cédé ces redevances, la société Faurecia a appelé en garantie la société Oracle puis a assigné cette dernière aux fins de nullité pour dol ou résolution pour inexécution de l’ensemble des contrats signés par les parties ; que la cour d’appel a, par application d’une clause des conventions conclues entre les parties, limité la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia à la garantie de la condamnation de celle-ci envers la société Franfinance et rejeté les autres demandes de la société Faurecia ; que cet arrêt a été partiellement cassé de ce chef (chambre commerciale, financière et économique, 13 février 2007, pourvoi n° Z 05-17.407) ; que, statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, faisant application de la clause limitative de réparation, a condamné la société Oracle à garantir la société Faurecia de sa condamnation à payer à la société Franfinance la somme de 203 312 euros avec intérêts au taux contractuel légal de 1,5 % par mois à compter du 1er mars 2001 et capitalisation des intérêts échus dans les termes de l’article 1154 à compter du 1er mars 2002 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Faurecia fait grief à l’arrêt d’avoir ainsi statué, alors, selon le moyen : […]

Mais attendu que seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ; que l’arrêt relève que si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracles applications ; que la cour d’appel en a déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle et a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Faurecia fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen, qu’après avoir constaté que la société Oracle n’avait pas livré la version V 12, en considération de laquelle la société Faurecia avait signé les contrats de licences, de support technique, de formation et de mise en oeuvre du programme Oracle applications, qu’elle avait ainsi manqué à une obligation essentielle et ne démontrait aucune faute imputable à la société Faurecia qui l’aurait empêchée d’accomplir ses obligations, ni aucun cas de force majeure, la cour d’appel a jugé que n’était pas rapportée la preuve d’une faute d’une gravité telle qu’elle tiendrait en échec la clause limitative de réparation ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil ;

Mais attendu que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les deuxième et quatrième moyens ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Faits / procédure

Après que dans l’arrêt Faurecia I, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel de Versailles, l’affaire est renvoyée devant la Cour d’appel de Paris.

Par un arrêt du 26 novembre 2008, les juges parisiens, qui donc statuent sur renvoi, décident de résister à la chambre commerciale.

Ils estiment, en effet, que la clause limitative de responsabilité était pleinement applicable en l’espèce, conformément à la solution qui avait été adoptée par la première Cour d’appel qui avait été saisie.

?Solution

Par un arrêt du 29 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Faurecia contre la décision de la Cour d’appel de Paris (Cass. com. 29 juin 2010, n°09-11.841).

Deux questions étaient soumises à la chambre commerciale :

  • Première question : la clause limitative de responsabilité portant sur une obligation essentielle doit-elle être réputée non-écrite ?
    • À cette question, la Cour de cassation répond par la négative.
    • Elle affirme en ce sens que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur »
    • Ainsi, la Cour de cassation renoue-t-elle à la solution classique dégagée dans l’arrêt Chronopost I.
    • Pour qu’une clause limitative de responsabilité soit annulée, elle doit vider de sa substance l’obligation essentielle.
    • Dans le cas contraire, elle demeure valide.
    • En l’espèce, la Chambre commerciale relève que « si la société Oracle a manqué à une obligation essentielle du contrat, le montant de l’indemnisation négocié aux termes d’une clause stipulant que les prix convenus reflètent la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait, n’était pas dérisoire, que la société Oracle a consenti un taux de remise de 49 %, que le contrat prévoit que la société Faurecia sera le principal représentant européen participant à un comité destiné à mener une étude globale afin de développer un produit Oracle pour le secteur automobile et bénéficiera d’un statut préférentiel lors de la définition des exigences nécessaires à une continuelle amélioration de la solution automobile d’Oracle pour la version V 12 d’Oracles applications »
    • Elle en déduit que la clause limitative de réparation ne vidait pas de toute substance l’obligation essentielle de la société Oracle
    • Rien ne justifiait donc que ladite clause soit réputée non-écrite.
  • Seconde question : le manquement à une obligation essentielle est-il constitutif d’une faute lourde ?
    • La Cour de cassation renoue là aussi avec la solution antérieure.
    • Elle affirme que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur »
    • Le seul manquement à une obligation essentielle ne suffit donc pas à caractériser une faute lourde.
    • Il est nécessaire de démontrer l’existence d’un comportant d’une extrême gravité confinant au dol imputable au débiteur de l’obligation essentielle.
    • Or en l’espèce, la société Oracle n’a pas rapporté la preuve d’une telle faute.

Au total, avec l’arrêt Faurecia II la Cour de cassation renoue avec la jurisprudence Chronopost dont elle s’était écartée dans l’arrêt Faurecia I.

Le législateur n’a pas manqué de saluer ce revirement en consacrant la solution adoptée dans l’ordonnance du 10 février 2016 à l’article 1170 du Code civil.

b. La consécration légale de la jurisprudence Chronopost et Faurecia

Aux termes de l’article 1170 du Code civil « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »

Ainsi, le législateur a-t-il entendu consacrer la jurisprudence initiée par l’arrêt Chronopost I, puis qui s’est conclue sur l’arrêt Faurecia II.

Plusieurs observations peuvent être formulées au sujet de la règle introduite par l’ordonnance du 10 février 2016 dans le Code civil.

?Sur le domaine d’application de la règle

Il peut tout d’abord être observé que, de par sa généralité, l’application de la règle édictée à l’article 1170 n’est pas cantonnée au domaine des clauses limitatives de responsabilité.

Cette disposition a vocation à s’appliquer à toute clause qui porterait atteinte à une obligation essentielle du contrat.

On peut ainsi envisager que cela concerne, par exemple les clauses de non-concurrence qui seraient stipulées sans contrepartie.

Il peut encore s’agir des clauses dites de réclamation insérées dans les contrats d’assurance vie aux termes desquelles la victime d’un sinistre doit, pour être indemnisée par son assureur, présenté sa réclamation pendant la durée de validité du contrat. À défaut, la clause a pour effet de priver l’assuré de l’indemnisation d’un sinistre alors même que celui-ci est survenu pendant la durée d’efficacité du contrat et que les primes d’assurance ont été dûment réglées.

?Sur les conditions d’application de la règle

L’application de la règle édictée à l’article 1170 du Code civil est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • L’existence d’une obligation essentielle
    • Le législateur a repris à son compte la notion d’obligation essentielle dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt Chronopost I
    • Que doit-on entendre par obligation essentielle ?
    • L’ordonnance du 10 février 2016 ne le dit pas.
    • Une ébauche de définition a été donnée par Pothier qui, dès le XVIIIe siècle, décrivaient les obligations essentielles comme celles « sans lesquelles le contrat ne peut subsister. Faute de l’une ou de l’autre de ces choses, ou il n’y a point du tout de contrat ou c’est une autre espèce de contrat ».
    • Il s’agit, autrement dit, de l’obligation en considération de laquelle les parties se sont engagées.
    • Ainsi, la réalisation de l’opération économique envisagée par les parties dépend de l’exécution de l’obligation essentielle.
    • Elle constitue, en somme, le pilier central autour duquel l’édifice contractuel tout entier est bâti.
  • La stipulation d’une clause qui viderait de sa substance l’obligation essentielle
    • L’ordonnance d’une 10 février 2016 conditionne l’annulation d’une clause sur le fondement de l’article 1170 du Code civil qu’à la condition qu’elle « prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur »
    • Ainsi, le législateur a-t-il choisi de reprendre à l’identique la solution dégagée par la Cour de cassation dans l’arrêt Faurecia II ?
    • Pour mémoire, dans l’arrêt Faurecia I, la Chambre commerciale avait estimé que dès lors qu’une clause limitative de responsabilité portait sur une obligation essentielle elle devait être réputée non écrite (Cass. com. 13 févr. 2007, n°05-17.407).
    • Sous le feu des critiques, la Cour de cassation a été contrainte de revoir sa position dans l’arrêt Faurecia II.
    • Dans cette décision, elle choisit de renouer avec la jurisprudence Chronopost en affirmant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur » (Cass. com. 29 juin 2010, n°09-11.841).
    • Si, indéniablement, l’article 1170 consacre cette solution, reste néanmoins une question en suspens : que doit-on entendre par « substance » ?
    • Plus précisément, qu’est-ce qu’une clause qui prive de sa substance une obligation essentielle ?
    • Dans l’arrêt Chronopost, la Cour de cassation s’était placée sur le terrain de la cause pour justifier sa solution.
    • Elle estimait, en effet, que la mise en œuvre de la clause limitative de responsabilité conduisait à priver de son intérêt l’utilité de l’opération économique convenue par les parties : l’acheminement du pli confié au transporteur dans un bref délai.
    • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le législateur a entendu assimiler la privation de l’obligation essentielle de sa substance à l’absence de cause, telle que, envisagée dans l’arrêt Chronopost, soit dans sa conception subjective ?
    • Si l’on compare les expressions « substance de l’obligation » (art. 1170) et « portée de l’obligation » (arrêt Chronopost), il apparaît que le sens de chacune d’elles est sensiblement différent.
      • Le terme substance renvoie à l’idée de contenu de l’obligation : en quoi consiste la prestation convenue par les parties ?
      • Le terme de portée renvoie quant à lui à l’idée de cause de l’obligation : pourquoi les contractants se sont-ils engagés ?
    • Aussi, selon que l’on raisonne sur la base de l’un ou l’autre terme, le champ d’application de l’article 1170 du Code civil est susceptible d’être plus ou moins étendu.
      • Si l’on s’en tient à la lettre de l’article 1170, ne pourront être pris en considération que les éléments prévus dans le contrat pour apprécier la validité d’une clause qui affecterait une obligation essentielle
      • Si en revanche, l’on s’écarte de la lettre de l’article 1170 à la faveur d’une conception finaliste, pourront alors être pris en compte, les mobiles des parties, telle que l’utilité de l’opération économique envisagée individuellement par elles.
    • Pratiquement, la seconde conception offre, de toute évidence, une bien plus grande marge de manœuvre au juge qui pourra, pour apprécier la validité de la clause affectant une obligation essentielle, se référer à des éléments extérieurs au contrat : les mobiles des parties.

?La sanction de la règle

Le législateur a décidé d’étendre la sanction prévue initialement pour les seules clauses abusives, aux clauses qui portent atteinte à une obligation essentielle du contrat : elles sont réputées non-écrite.

Cela signifie que, non seulement la clause est privée d’effet, mais encore qu’elle disparaît du contrat.

La conséquence en est un retour immédiat au droit commun qui s’appliquera à la situation juridique, initialement réglée par les parties, mais qui, sous l’effet de la sanction du juge, est devenue orpheline de tout cadre contractuel.

Est-ce à dire que, dans les différents arrêts Chronopost la suppression de la clause limitative de responsabilité permettrait aux clients d’être indemnisés de leurs préjudices ?

S’agissant de ce cas spécifique, la réponse ne peut être que négative.

Le droit commun a prévu que, en matière de contrat-type message, l’indemnisation du préjudice en cas de retard de livraison du pli ne peut excéder un certain plafond, soit celui-là même fixé par la société Chronopost.

Une suppression de la clause serait donc inopérante, sauf à ce que le client soit susceptible d’établir une faute lourde à l’encontre du transporteur, conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation (V. notamment l’arrêt Faurecia II : Cass. com. 29 juin 2010, n°09-11.841).

3. La neutralisation des effets des clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité

Plusieurs moyens de droit sont susceptibles d’être invoqués aux fins de neutraliser les effets d’une clause exonératoire ou limitative de responsabilité.

a. Les moyens de droit tirés de l’opposabilité de la clause

Pour être opposables, les clauses qui aménagent la responsabilité contractuelle doivent avoir été stipulées dans le contrat et acceptées par le cocontractant.

L’article 1119 du Code civil dispose en ce sens que « les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »

Il en résulte que la clause doit être insérée dans la documentation contractuelle et être lisible. S’il est admis qu’elle puisse figurer sur une facture, c’est à la condition qu’il soit établi que la partie contre laquelle elle est stipulée en a eu connaissance et qu’elle y a consenti.

Certaines juridictions ont pu déduire ce consentement, dans le cadre de relations d’affaires, de l’absence de contestation du cocontractant dans un certain délai.

Lorsque, par ailleurs, la clause est contredite par des mentions manuscrites ou des courriers échangés entre les parties, la Cour de cassation considère qu’elle est de pur style, en conséquence de quoi elle est privée d’effet.

Dans un arrêt du 14 octobre 2008, la chambre commerciale a ainsi jugé que « c’est sans dénaturation des conclusions de la société LCI mais par une interprétation souveraine de la portée de la mention “sans reconnaissance de responsabilité de la part des armateurs” que la cour d’appel, en relevant que cette mention était contredite par les courriers échangés, en a déduit qu’elle n’était qu’une clause de style dépourvue de valeur juridique » (Cass. com. 14 oct. 2008, n°07-18.955).

Enfin, en cas de discordance entre clauses contractuelles, l’interprétation du contrat doit se faire à la lumière des alinéas 2 et 3 de l’article 1119 du Code civil qui prévoient que :

  • D’une part, « en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. »
  • D’autre part, « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »

Pour produire ses pleins effets, une clause limitative ou exonératoire de responsabilité doit ainsi, non seulement, être dépourvue de toute ambiguïté quant à sa formulation, mais encore ne pas être contredite par une autre clause du contrat, voire par les échanges qui ont pu intervenir entre les parties dans le cadre de la conclusion de l’acte.

b. Les moyens de droit tirés de la faute lourde ou dolosive

En application de l’article 1231-3 du code civil, les effets d’une clause exonératoire ou limitative de responsabilité peuvent être neutralisés en cas de faute lourde ou dolosive, le créancier de l’obligation violée étant alors fondé à réclamer la réparation intégrale de son préjudice.

Très tôt, la jurisprudence a abondé en ce sens. Dans un arrêt du 15 juin 1959 la Cour de cassation a, par exemple, jugé que « seuls le dol ou la faute lourde de la partie qui invoque, pour se soustraire à son obligation, une clause d’irresponsabilité insérée au contrat et acceptée par l’autre partie, peuvent faire échec à l’application de ladite clause » (Cass. com., 15 juin 1959, n° 57-12.362)

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par faute dolosive et faute lourde.

Si les textes sont silencieux sur ce point, le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 indique que « les articles 1231-3 et 1231-4 sont conformes aux articles 1150 et 1151, mais consacrent en outre la jurisprudence assimilant la faute lourde au dol, la gravité de l’imprudence délibérée dans ce cas confinant à l’intention. »

C’est donc vers la jurisprudence antérieure qu’il convient de se tourner pour déterminer ce que l’on doit entendre par faute lourde et par faute dolosive.

La différence entre les deux fautes tient, en substance, à l’intention de l’auteur de la faute :

  • La faute lourde
    • Elle est définie par la jurisprudence, selon la formule consacrée, comme « le comportement d’une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de la mission contractuelle qu’il avait accepté » (V. en ce sens Cass. Ch. Mixte 22 avr. 2005, n° 03-14.112).
    • La faute lourde comprend donc deux éléments :
      • Un élément subjectif : le comportement confinant au dol, soit à une faute d’une extrême gravité.
      • Un élément objectif: l’inaptitude quant à l’accomplissement de la mission contractuelle.
  • La faute dolosive
    • Elle est définie quant à elle comme l’inexécution délibérée, et donc volontaire, des obligations contractuelles.
    • À cet égard dans un arrêt du 27 juin 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le constructeur […] est sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l’égard du maître de l’ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles » (Cass. 3e civ. 27 juin 2001, n°99-21.017).
    • Il ressort de la jurisprudence que la faute dolosive suppose que le débiteur ait seulement voulu manquer à ses obligations contractuelles. Il est indifférent qu’il ait voulu causer un préjudice à son cocontractant.

Nonobstant la différence qui existe entre ces deux notions, la faute lourde est régulièrement assimilée à la faute dolosive par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 29 octobre 2014, la Cour de cassation a ainsi rappelé que « la faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu’il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s’en affranchir par une clause de non-responsabilité » (Cass. 1ère civ. 29 oct. 2014, n°13-21.980).

L’assimilation de la faute lourde à la faute dolosive aurait, selon le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016, été reconduite par le législateur, de sorte que les solutions dégagées par la jurisprudence antérieure sont toujours valides.

En tout état de cause, lorsque la faute lourde ou la faute dolosive sont caractérisées, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité est écartée à la faveur du principe de réparation intégrale qui trouve alors à s’appliquer.

  1. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222 ?
  2. J. Béguin, Rapport sur l’adage “nul ne peut se faire justice soi-même” en droit français, Travaux Association H. Capitant, t. XVIII, p. 41 s ?
  3. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit privé », 1992, n°495, p. 287 et s. ?
  4. J. Mestre, obs. RTD civ. 1985, p. 372 s ?
  5. D. Mazeaud, op. cit., n°630, p. 359 ?
  6. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 9e éd. Dalloz, coll. « Précis droit privé », 2005, n°624, p. 615 ?

Procédure orale devant le Tribunal judiciaire: l’instruction de l’affaire

Les dispositions qui régissent le déroulement de l’instance devant le Tribunal judiciaire en procédure orale son pour le moins silencieuses sur l’instruction de l’affaire et la tenue des débats.

Tout au plus, l’article 830 du CPC prévoit que lorsque l’affaire n’est pas en état d’être jugée, le juge la renvoie à une audience ultérieure, avec cette précision apportée par l’article 831, al. 1er que c’est au juge qu’il appartient d’organiser les échanges entre les parties comparantes.

Il ressort de cette disposition que, sans disposer des attributions du Juge de la mise en état, en procédure orale devant le Tribunal judiciaire, le juge en exerce la fonction.

Plus encore, il a pour tâche, et de diriger l’instruction de l’affaire et de conduire la tenue des débats entre les parties.

Pour mener à bien sa double mission, le Juge dispose de larges pouvoirs conférés par les articles 831 et 446-1 à 446-3 du CPC.

Nous nous focaliserons ici sur l’instruction de l’affaire qui comporte plusieurs aspects:

  • La fixation du calendrier procédural
  • L’orientation du procès
  • L’octroi de délais de paiement
  • Le dénouement des échanges

I) La fixation du calendrier procédural

A) Le rythme des échanges

==> Renvoi à une audience ultérieure

Il ressort de l’article 830 du CPC que lorsque, en procédure orale, le Juge constate que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, elle peut être renvoyée à une audience ultérieure.

Le renvoi n’est toutefois nullement de droit pour les parties, il est une faculté exercée discrétionnairement par le juge.

Dans un arrêt du 24 novembre 1989, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a précisé en ce sens que « si les parties ont la libre disposition de l’instance, l’office du juge est de veiller au bon déroulement de celle-ci dans un délai raisonnable ; que la faculté d’accepter ou de refuser le renvoi, à une audience ultérieure, d’une affaire fixée pour être plaidée, relève du pouvoir discrétionnaire du juge, dès lors que les parties ont été mises en mesure d’exercer leur droit à un débat oral ; que si les parties conviennent de ne pas déposer leur dossier, le juge peut procéder à la radiation de l’affaire » (Cass., ass. plén., 24 nov. 1989, n°88-18188).

L’article 830 du CPC prévoit que lorsque l’affaire est renvoyée à une audience ultérieure « le greffier avise par tous moyens les parties qui ne l’auraient pas été verbalement de la date de l’audience ».

Dans l’hypothèse où il serait établi que l’une des parties n’a pas été prévenue du renvoi de l’affaire et que celle-ci a, malgré tout, été retenue, le jugement rendu est susceptible d’annulation (V. en ce sens Cass. 2e civ. 14 mars 1984).

En tout état de cause, le renvoi à une audience ultérieure confère au juge, en application de l’article 446-2 du CPC, « le pouvoir d’organiser les échanges entre les parties comparantes », ce qui peut se traduire par l’établissement d’un calendrier procédural.

==> Fixation de délais

L’article 831 du CPC prévoit que, en procédure orale, il appartient au juge d’organiser les échanges entre les parties comparantes ce qui implique qu’il fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats.

À cet égard, l’article 446-2 du CPC applicable à toutes les procédures orales, précise que « après avoir recueilli leur avis, le juge peut ainsi fixer les délais et, si elles en sont d’accord, les conditions de communication de leurs prétentions, moyens et pièces ».

Les délais fixés par le Juge  visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur. Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge.

Ce cadre réglementaire est particulièrement souple : si le juge peut fixer un véritable calendrier des échanges successifs entre les parties, il peut également prévoir, après chaque audience, la diligence attendue des parties pour la prochaine audience ou toute autre date qu’il aura fixée.

La juridiction qui fixera les délais de communication des parties précisera les modalités selon lesquelles ces échanges interviendront.

En pratique, ce dispositif a pour objet de permettre que la mise en état de l’affaire s’accomplisse suivant des échanges écrits, sur support papier ou électronique.

Sous réserve des règles particulières, prévues pour certaines juridictions, aucun formalisme n’est requis pour ces échanges. Il appartient au juge de déterminer les modalités selon lesquelles ils interviendront.

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations.

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 446-2 du CPC prévoit deux sortes de sanctions :

  • Première sanction
    • Le juge peut, en procédure orale, rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger ou de la radier.
    • Lorsque le juge prononce la radiation de l’affaire, elle emporte non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 du CPC autorise toutefois le juge à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties.»
    • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire ( 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
  • Seconde sanction
    • Le juge peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.
    • Manifestement, cette sanction rappelle l’irrecevabilité dont sont frappées les conclusions tardives produites dans le cadre de la procédure écrite devant le Tribunal judiciaire.
    • La différence entre les deux sanctions tient à l’absence d’automaticité de celle encourue en procédure orale
    • Il s’infère de l’article 446-2 qu’il s’agit là d’une simple faculté octroyée au juge et non d’une sanction qui s’impose à lui.

==> Forme du calendrier

La décision du juge n’est soumise à aucun formalisme et ne peut faire l’objet d’aucun recours immédiat : elle s’inscrit en effet dans le cadre traditionnel du pouvoir discrétionnaire dont dispose le juge en vue de veiller au bon déroulement de l’instance.

En revanche, elle nécessite au préalable qu’ait été recueilli l’accord des parties. Le recueil de ce consentement n’est pas non plus soumis à un formalisme particulier : conformément aux règles régissant la procédure orale, il sera indiqué dans les notes d’audience et, à défaut, les mentions du jugement feront foi.

De même, le calendrier comme les conditions d’échanges convenus avec les parties – recours à l’écrit, écritures récapitulatives, modalités de communication entre les parties, délais et modalités de justification de cette communication auprès de la juridiction, etc. – seront mentionnés dans les notes d’audience ou seront récapitulés dans un document séparé établi par le greffier ou le président.

L’usage de tels documents permettra de faciliter la tâche de la juridiction et de ne pas ralentir le cours des audiences, dès lors qu’ils seront établis sur la base d’un formulaire préparé en amont puis renseigné à l’audience.

B) Les modalités des échanges

Les échanges doivent se dérouler conformément à la décision du juge, prise en accord avec les parties. La juridiction contrôle l’accomplissement des diligences attendues au fur et à mesure des délais impartis.

Ce contrôle est le plus souvent effectué à une audience selon des modalités qui sont déterminées par la juridiction. Celle-ci peut ainsi décider, en tant que de besoin, de dédier des audiences au suivi de la mise en état.

En application du troisième alinéa de l’article 446-2 du CPC, à défaut pour les parties de respecter les modalités de communication fixées par le juge, celui-ci peut rappeler l’affaire à l’audience, en vue de la juger – ce qui correspond à l’hypothèse d’un défaut de diligence du défendeur – ou de la radier – ce qui correspond à un défaut de diligence du demandeur, seul ou conjointement avec le défendeur.

Ainsi qu’il a été précisé, les modalités possibles de ces échanges peuvent être de trois ordres :

==> Première modalité d’échanges

Le calendrier des échanges peut en premier lieu avoir prévu l’ensemble des audiences successives au cours desquelles sont accomplies ou contrôlées les diligences attendues des parties.

Dans ce cas, à l’audience, le juge constate l’accomplissement de la diligence et renvoie l’affaire à l’audience suivante prévue par le calendrier, en vue de l’accomplissement de la diligence suivante prévue pour cette audience.

En accord avec les parties, le calendrier peut également être modifié ; cette modification du calendrier obéit aux mêmes règles que son établissement.

Il convient de rappeler que dès lors que le calendrier s’accompagnera, en application des articles 446-1 et 831 du CPC, d’une dispense accordée aux parties de se déplacer à l’audience, ces échanges interviendront par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats, éventuellement par communication électronique ; il en sera justifié auprès de la juridiction dans les délais qu’elle impartit

Il sera nécessaire que cette justification intervienne au fur et à mesure des échanges des parties, de façon à permettre à la juridiction d’assurer sa mission de contrôle du bon déroulement de la mise en état.

À l’issue des échanges, il convient de prévoir, en tant que de besoin, l’envoi ou la remise du dossier de plaidoirie à la juridiction.

S’il constate à l’audience l’inaccomplissement d’une diligence, le juge peut décider d’appeler l’affaire à une audience (qui ne sera pas forcément celle fixée dans le calendrier) en vue de la juger ou de la radier.

==> Deuxième modalité d’échanges

Le juge peut fixer les diligences attendues au fur et à mesure de la procédure. S’il ne s’agit alors plus à proprement parler d’un calendrier, cette méthode n’en demeure pas moins intéressante pour permettre de conférer aux écritures des parties une valeur procédurale autonome.

Le juge qui constate l’inaccomplissement d’une diligence peut trancher la difficulté à l’audience, le cas échéant en faisant application du dernier alinéa de l’article 446-2, l’autorisant à écarter des débats les conclusions d’une partie communiquées après la date qui lui était impartie.

Il peut également renvoyer l’affaire à une audience ultérieure aux fins de jugement ou d’accomplissement d’une diligence et assortir ce renvoi d’un dernier avis avant radiation.

==> Troisième modalité d’échanges

Le calendrier peut également reposer sur des échanges devant intervenir en dehors de toute audience.

En pratique, ce dispositif repose sur un renvoi de l’affaire à une audience suffisamment lointaine pour permettre en amont les échanges prévus par le calendrier à des dates intermédiaires, fixées à l’avance ; il peut s’agir d’une audience destinée aux débats de l’affaire, ou d’une audience intermédiaire, destinée à faire le point sur l’avancement de l’affaire.

Faute de permettre un examen régulier de l’affaire à l’audience, ce dispositif repose toutefois sur une grande discipline des parties ou de leur représentant et nécessite pour la juridiction de pouvoir contrôler l’accomplissement des diligences dans les délais impartis.

En pratique, un tel dispositif est donc surtout envisageable pour les juridictions dont la « chaîne métier » dispose d’un outil de suivi informatique des diligences procédurales des parties, le contrôle du bon déroulement des échanges pouvant alors être assuré de la sorte.

S’il est prévu de tels échanges en dehors d’une audience, il sera nécessaire que la juridiction invite les parties à justifier auprès du greffe de l’accomplissement des diligences, par tout moyen que la juridiction aura préalablement fixé.

S’il constate qu’une partie n’accomplit pas les diligences attendues, le juge peut appeler l’affaire à une audience de façon anticipée, en vue de la juger ou de la radier.

II) L’orientation du procès

Le juge du Tribunal judiciaire a, en procédure orale, pour mission d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

==> Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • Pour une bonne administration de la justice, le juge peut, en procédure orale, procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • Conformément à l’article 332 du CPC le juge peut, en procédure orale, inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation ( 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun ( 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée ( 334 et s. CPC).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • En application des articles 827, 129 et 130 du CPC le juge peut toujours constater la conciliation, même partielle, des parties.
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.

==> Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 446-3 du CPC prévoit que « le juge peut inviter, à tout moment, les parties à fournir les explications de fait et de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.»
    • Cette prérogative dont est investi le juge en procédure orale a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge peut mettre en demeure les parties « de produire dans le délai qu’il détermine tous les documents ou justifications propres à l’éclairer, faute de quoi il peut passer outre et statuer en tirant toute conséquence de l’abstention de la partie ou de son refus» ( 446-3 in fine CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent

III) L’octroi d’un délai de paiement

L’article 832 du CPC prévoit la possibilité, pour le défendeur de présenter une demande de délais de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. »

La demande incidence tendant à l’octroi d’un délai de paiement doit être formulée par courrier remis ou adressé au greffe, en y joignant les pièces utiles, ce qui lui permet de ne pas se présenter à l’audience, sans même avoir à obtenir une autorisation préalable du juge.

En revanche, si le courrier contient d’autres demandes reconventionnelles, celles-ci, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ne saisiront pas la juridiction.

Le défendeur doit joindre les pièces justifiant sa demande, afin que le tribunal puisse apprécier le bien-fondé de la demande et que les autres parties soient à même d’en discuter. Il est d’ailleurs donné connaissance de cette demande et de ces pièces à l’audience, ou, si le tribunal l’estime opportun, à l’avance par notification par le greffe.

Les dispositions des articles 665 et suivants, s’agissant d’une notification, sont applicables à cette communication préalable.

Il doit par ailleurs être rappelé que les demandes incidentes sont en principe formées dans les conditions prévues par l’article 68 c’est-à-dire comme un moyen de défense lorsque l’adversaire comparaît et à défaut, par un acte introductif d’instance.

En procédure orale, elles doivent donc être présentées à l’audience, ou, en cas d’organisation d’une mise en état avec dispense de comparution, par lettre recommandée avec avis de réception ou notification entre avocats.

L’article 832 ouvre donc un mode supplémentaire de présentation d’une demande reconventionnelle.

Il ne se substitue pas au droit commun de l’article 68, ce qui explique la formule : « sans préjudice des dispositions de l’article 68 ».

Lorsque l’auteur de cette demande incidente ne se présente pas à l’audience, la juridiction en est saisie et statue conformément au régime fixé par le second alinéa de l’article 446-1 du CPC.

Le jugement est donc rendu contradictoirement. Toutefois, il est précisé que le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées, à l’instar du régime prévu par l’article 472 du code pour les jugements réputés contradictoires ou par défaut.

Ainsi, la présentation d’une demande de délai de paiement ne vaudra pas acquiescement à la demande principale, que le juge devra apprécier au terme d’une décision motivée.

En outre, les éventuelles demandes additionnelles du demandeur devront être portées à la connaissance du défendeur sollicitant des délais sans se déplacer à l’audience selon les modalités prévues par l’article 68 du code, qui viennent d’être rappelées et qui permettront de garantir le respect du principe de la contradiction.

IV) Le dénouement des échanges

À l’issue des échanges, l’affaire est examinée par la juridiction à l’audience. Si les parties sont dispensées par la juridiction, en vertu d’une disposition particulière, de se présenter à cette audience, les débats ont lieu au vu des écritures et des pièces régulièrement communiquées par ces parties en amont.

La dispense peut concerner l’ensemble des parties ou l’une d’entre elles seulement. Dans tous les cas, une audience consacrée aux débats devra avoir lieu, le cas échéant en l’absence de partie, absence qui sera alors notée ; la date du délibéré sera fixée à cette occasion et les parties dispensées de comparaître en seront averties selon les modalités arrêtées avec elles dans le calendrier.

Au cours de l’audience ou après celle-ci, la juridiction peut écarter des débats les prétentions, moyens et pièces communiqués après les délais impartis par le calendrier de procédure à une double condition :

  • D’une part, que cette communication tardive ne soit pas justifiée par un motif légitime que la juridiction appréciera souverainement
  • D’autre part, qu’elle ait eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense.

La nécessité d’apprécier les deux conditions rappelées imposera à la juridiction de motiver, même succinctement, sa décision.

Lorsque seule une partie est dispensée de se présenter à l’audience, l’interdiction pour les autres parties de communiquer des prétentions, des pièces ou des moyens nouveaux évitera que la dispense de comparution puisse perturber les débats : les observations orales des parties présentées ou représentées ne pourront porter que sur les prétentions et les moyens et ne pourront s’appuyer que sur les pièces précédemment communiquées.

Toutefois, si la communication d’éléments nouveaux est considérée par la juridiction comme justifiée par un motif légitime, cela pourra conduire la juridiction à renvoyer les débats pour assurer le respect du principe de la contradiction.

La procédure écrite devant le Tribunal judiciaire: la mise en état ou l’instruction de l’affaire

Si l’enrôlement de l’affaire est un prérequis pour que la juridiction soit valablement saisie, cette démarche seule ne suffit pas à permettre au juge de se saisir matériellement du dossier.

Une fois l’affaire inscrite au rôle, il est, en effet, nécessaire que l’affaire soit « orientée » vers un juge :

  • Soit pour qu’il soit procédé à son instruction
  • Soit aux fins de jugement
  • Soit aux fins de régularisation d’une convention de procédure participative
  • Soit aux fins d’orientation vers une audience de règlement amiable

Lorsque le Président estime à l’issue, soit de la première audience d’orientation, soit de la seconde, que l’affaire pas en état d’être jugée, il prononcera un renvoi devant le Juge de la mise en état, en application de l’article 779 du CPC. C’est ce que l’on appelle la voie du circuit long.

Le greffe doit alors aviser les avocats constitués de la désignation du juge de la mise en état, étant précisé que cette décision est une mesure d’administration judiciaire. Elle est donc insusceptible de voie de recours.

En tout état de cause, conformément à l’article 770, al. 2e du CPC, la décision du Président fait l’objet d’une simple mention en marge de la copie de l’assignation.

Une fois transmise au Juge de la mise en état, l’affaire est instruite sous son seul contrôle. Celui-ci a notamment pour mission de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.

L’instruction de l’affaire dans le cadre de la procédure applicable devant le Tribunal judiciaire comporte plusieurs aspects :

  • La désignation du Juge de la mise en état
  • Les missions et les pouvoirs du Juge de la mise en état
  • Les décisions du Juge de la mise en état
  • Les incidents d’instance
  • La clôture de la mise en état

I) La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

🡺Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle

Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.

Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.

Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.

En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).

🡺Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire

En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.

Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.

En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.

Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.

Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

II) Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

III) Les pouvoirs du Juge de la mise en état

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

A) Les pouvoirs d’administration judiciaire

1. Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

🡺La fixation unilatérale du calendrier procédural

  • La fixation de délais
    • L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »
    • Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit ;
      • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
      • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.
    • Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces
    • Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.
    • Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.
    • En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.
    • Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.
  • L’octroi de prorogations
    • Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).
    • Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.
    • Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.
  • Les injonctions
    • Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues
    • L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin
    • Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.
  • Les sanctions
    • En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux
      • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
        • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
        • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
        • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
        • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
        • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
        • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
        • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
      • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
        • Principe
          • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
          • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
          • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
          • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
        • Effets
          • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
          • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
          • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
          • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
        • Régime
          • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
          • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
            • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
            • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

🡺La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

2. L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.
  • Orienter les parties vers une audience de règlement amiable
    • Nouveauté introduite par le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023, l’article 785, al. 4e du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut également décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4 ».
    • Ainsi, à tous les stades de l’instruction de l’affaire, les parties peuvent être invitées par le juge ou de leur propre initiative à tenter de trouver un compromis dans le cadre d’une audience de règlement amiable.
    • Si elles parviennent à un accord, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater cet accord, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où un accord serait trouvé après la tenue de l’audience de règlement amiable, les parties peuvent le soumettre à l’homologation du juge de la mise en état.

🡺Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

B) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

1. Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

🡺Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

  • Les pouvoirs relatifs à la production de pièces
    • L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »
    • Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.
    • Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).
    • Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).
    • Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).
  • Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction
    • L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »
    • De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil
    • En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »
    • L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.
    • En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.
    • Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.
    • Ces mesures peuvent consister en :
      • La désignation d’un expert
      • La désignation d’un huissier de justice
      • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers
    • L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.
    • Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.
    • Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.
    • Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
  • Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem
    • L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès
    • L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise.
  • Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles
    • L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »
    • Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005
      • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
      • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.
    • Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.
    • Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

🡺Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

L’article 789 du CPC confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier uniquement « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

Autrement dit, dès lors qu’il est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

  • Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
    • Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».
    • Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».
    • L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.
    • En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.
    • La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.
    • À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :
      • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
      • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
      • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique
    • Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.
    • D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.
    • Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.
    • Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 »
    • À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »
    • La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.
    • En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.
  • Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires
    • L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »
    • Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.
    • Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.
    • La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.
    • Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.
    • La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

2. Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

a. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

i. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

🡺Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982, n°80-16.546) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 nov. 2001, n°99-17.875) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janv. 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

🡺Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instances
    • Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.
    • Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).
    • Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.
  • L’interruption de l’instance
    • Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.
      • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
        • La majorité d’une partie
        • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
        • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
        • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
        • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable
      • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
        • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
        • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
        • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).
  • La suspension de l’instance
    • L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.
    • Tel est le cas pour :
      • Le sursis à statuer
      • La radiation de l’affaire
      • Le retrait du rôle
  • L’extinction de l’instance
    • Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.
    • Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.
    • Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).
    • Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.
    • L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).
      • Péremption d’instance
        • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
        • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
      • Désistement d’instance
        • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
      • Acquiescement à la demande
        • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
        • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
        • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
      • Caducité de la citation
        • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

ii. Régime

  • Le monopole du Juge de la mise en état
    • L’article 789 du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance »
    • Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».
    • Ce monopole qui portait d’abord sur les exceptions dilatoires a, par suite, été étendu à toutes les exceptions de procédure (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998), puis aux incidents d’instance (décret n° 2004-836 du 20 août 2004)
    • Pour comprendre le sens de cette exclusivité de la compétence du juge en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il convient de se remémorer que l’institution du juge de la mise en état avait pour objet de permettre de purger la procédure des incidents avant son renvoi à l’audience, afin que le tribunal n’ait à juger que le fond du droit.
    • Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
    • Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devaient être tranchés immédiatement.
    • Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des exceptions de procédure, l’article 789 du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
    • Cette obligation ne vise évidemment pas les exceptions et incidents qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
  • Les limites du monopole du Juge de la mise en état
    • Si, l’article 789 du CPC confère une compétence exclusive au Juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».
    • Cela signifie que le dessaisissement du juge de la mise en état a pour effet d’interdire aux parties de soulever des exceptions de procédure et des incidents instance.
    • Pratiquement, les parties seront donc irrecevables à s’en prévaloir, sauf à établir qu’elles se sont révélées postérieurement au dessaisissement du Juge de la mise en état.
    • Par principe, la formation de jugement n’a donc pas vocation à connaître les exceptions de procédure et les incidents d’instance qui doivent toutes avoir été purgées lors de l’instruction de l’affaire.

b. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

i. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcées majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

ii. Réforme de la procédure civile

🡺L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

🡺Régime

  • Le monopole du Juge de la mise en état
    • En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.
    • Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».
    • Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.
    • Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.
    • Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.
    • Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
    • Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].
  • Les limites du monopole du Juge de la mise en état
    • L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.
    • Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?
    • Le décret du 11 décembre 2019 a répondu à cette interrogation en posant un principe qu’il a assorti d’exceptions.
      • Principe
        • L’article 789, al. 2 du CPC pose que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »
        • Ainsi, le juge de la mise en état se voit-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépend l’appréhension de la fin de non-recevoir.
      • Exceptions
        • Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir peuvent être tranchées par la formation de jugement :
          • Soit à la demande des parties
            • L’article 789 al. 2 dispose que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
            • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui a vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
            • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précise le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
            • Le texte invite alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
            • Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
          • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
            • Le renvoi devant la formation de jugement peut également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estime nécessaire.
            • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi est insusceptible d’une voie de recours.
            • Si la formation de jugement estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle peut renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.
    • En tout état de cause, l’article 789 dispose que lorsque le juge de la mise en état ou la formation de jugement sont amenés à statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, ils doivent le faire par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

C) Les décisions du Juge de la mise en état

1. La forme des décisions du Juge de la mise en état

Les décisions prises par le Juge de la mise en état sont susceptibles de prendre trois formes différentes, selon leur nature :

🡺Principe : une simple mention au dossier

L’article 792 du CPC prévoit que, par principe, les mesures prises par le Juge de la mise en état font l’objet d’une simple mention au dossier, laquelle mention est assortie d’un avis donné aux avocats.

Il en va notamment ainsi des mesures tenant à :

  • La détermination du calendrier procédurale (octroi de délais, prorogation, injonctions etc..)
  • L’invitation des parties à répondre à un moyen de fait ou de droit
  • L’audition des parties
  • L’instruction du dossier
  • La jonction et la disjonction d’instance

À cet égard, l’article 771 du CPC prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

🡺Exception : l’ordonnance

L’alinéa 2 de l’article 792 apporte un tempérament au principe posé par l’alinéa 1er : « dans les cas prévus aux articles 787 à 790, le juge de la mise en état statue par ordonnance motivée sous réserve des règles particulières aux mesures d’instruction. »

Il ressort de cet alinéa qu’il est des cas où la décision prise par le Juge de la mise en état requiert qu’il rende une ordonnance.

Bien que l’article 792 ne le dise pas, il convient de distinguer les mesures qui exigent l’établissement d’une ordonnance motivée de celles qui ne le requièrent pas.

  • Les décisions exigeant l’établissement d’une ordonnance simple
    • Au nombre des mesures qui ne requiert pas l’établissement d’une ordonnance motivée figurent :
      • La décision constatant et homologuant l’accord des parties
      • La décision prononçant la clôture totale ou partielle de l’instruction.
  • Les décisions exigeant l’établissement d’une ordonnance motivée
    • Les décisions qui requièrent l’établissement d’une ordonnance motivée sont celles visées aux articles 787 à 790 du CPC, soit :
      • Les décisions qui constatent l’extinction de l’instance
      • Les mesures tenant à la communication, à l’obtention et à la production des pièces.
      • Les décisions relatives aux exceptions de procédure
      • Les décisions relatives aux incidents d’instance
      • Les décisions relatives à l’octroi d’une provision ad litem
      • Les décisions relatives à l’octroi d’une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
      • Les décisions relatives à l’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
      • Les décisions relatives à toute mesure d’instruction
      • Les décisions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles

2. L’exécution des décisions du Juge de la mise en état

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Les décisions rendues en première instance sont donc, par principe, assorties de l’exécution provisoire.

C’est là une nouveauté – importante sinon marquante – de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Sous l’empire du droit antérieur, le principe était que, pour bénéficier de l’exécution provisoire, les parties devaient en faire la demande au juge, faute de quoi l’effet suspensif de l’appel faisait obstacle à toute exécution de la décision rendue.

Désormais, le principe est inversé : la décision rendue en première instance doit être exécutée par la partie qui succombe.

L’article 514-1 CPC pose néanmoins une limite à ce principe lorsque l’exécution provisoire est de droit :

Le texte prévoit, en effet, que le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.

L’alinéa 3 de l’article 514-1 tempère toutefois cette faculté de neutralisation de l’exécution provisoire en disposant que le juge ne peut l’écarter lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état.

S’agissant des décisions rendues par le Juge de la mise en état, il ressort de cette disposition qu’il convient de distinguer deux sortes de décisions rendues par lui :

  • Les décisions qui intéressent l’adoption de mesures provisoires, conservatoires ou qui allouent une provision à l’une des parties
    • Pour ces décisions, elles sont assorties de l’exécution provisoire de plein droit, sans que le Juge de la mise en état ne puisse la neutraliser.
  • Les décisions qui n’intéressent pas l’adoption de mesures provisoires, conservatoires ou qui allouent une provision à l’une des parties
    • Pour ces décisions, si elles sont également assorties de l’exécution provisoire de plein droit, et c’est une nouveauté, le Juge de la mise en état pourra écarter l’exécution provisoire à la condition toutefois qu’il soit établi qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire
    • Il pourra statuer sur le maintien de l’exécution provisoire, soit d’office, soit à la demande d’une partie.

3. Les voies de recours contre les décisions du Juge de la mise en état

Les voies de recours contre les décisions prises par le Juge de la mise en état diffèrent selon la nature des décisions contestées.

🡺Pour les décisions qui font l’objet de l’inscription d’une simple mention au dossier

Il s’agit de mesures d’administration judiciaire, en conséquence de quoi elles sont insusceptibles de voies de recours (art. 537 CPC).

Cela signifie que ces mesures ne peuvent être déférées, ni devant la Cour d’appel, ni devant la Cour de cassation.

Quant à la voie de recours exercée, toutes sont concernées qu’il s’agisse de l’appel ou de l’opposition.

🡺Pour les décisions qui font l’objet de l’établissement d’une ordonnance

À titre de remarque liminaire, il convient d’observer que l’appel est la seule voie de recours ouverte contre les décisions du Juge de la mise en état, à tout le moins pour celles qui ne sont pas constitutives d’une mesure d’administration judiciaire.

L’article 795, al. 1er prévoit en ce sens que « les ordonnances du juge de la mise en état et les décisions rendues par la formation de jugement en application du neuvième alinéa de l’article 789 ne sont pas susceptibles d’opposition. »

Quant au pourvoi en cassation, il ne peut être formé qu’une fois rendu le jugement statuant au fond (art. 795, al. 2 CPC).

L’appel, quant à lui, peut être exercé selon des modalités différentes, selon la nature de la décision prise par le Juge de la mise en état.

À cet égard, il convient de distinguer les décisions qui sont susceptibles de faire l’objet d’un appel immédiat, de celles qui ne peuvent être frappées que d’une voie de recours différée.

  • Principe : l’appel différé
    • L’article 795, al. 2 du CPC prévoit que lorsqu’une décision rendue par le Juge de la mise en état est susceptible d’appel, la voie de recours ne peut être frappée d’appel ou de pourvoi en cassation qu’avec le jugement statuant sur le fond.
    • La conséquence en est pour les parties, qu’elles ne pourront exercer une voie de recours contre les ordonnances du Juge de la mise en état qu’après que le jugement au fond aura été rendu.
  • Exceptions : l’appel immédiat
    • Par exception, l’article 795, 1°, 2°, 3° et 4° prévoit que dans un certain nombre de cas, par souci de bonne administration de la justice et de célérité de l’instance, l’appel peut être exercé dans un délai de quinze jours à compter de la signification de l’ordonnance du juge de la mise en état.
    • Les décisions visées sont celles qui :
      • Lorsqu’elles statuent sur un incident mettant fin à l’instance, elles ont pour effet de mettre fin à celle-ci ou elles en constatent l’extinction
      • Même lorsqu’elles ne mettent pas fin à l’instance, les ordonnances du juge de la mise en état statuant sur un incident de nature à y mettre fin qui statuent sur une exception de procédure (Cass. 2e civ. 11 juill. 2013, n°12-15.994).
      • Ont trait aux mesures provisoires ordonnées en matière de divorce ou de séparation de corps ;
      • Ont statué sur une exception de procédure (Cass. 2e civ. 14 mai 2009, n°08-10.292) ou une fin de non-recevoir.
        • Le texte précise que « lorsque la fin de non-recevoir a nécessité que soit tranchée au préalable une question de fond, l’appel peut porter sur cette question de fond ».
      • Dans le cas où le montant de la demande est supérieur au taux de compétence en dernier ressort, ont trait aux provisions qui peuvent être accordées au créancier au cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable
      • Qui ont trait aux mesures d’expertise et au sursis à statuer à la double condition que :
        • D’une part, de l’obtention de l’autorisation du Premier Président de la Cour d’appel
        • D’autre part, qu’il soit justifié d’un motif grave et légitime

IV) Les incidents d’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

A) La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

L’article 368 du CPC prévoit que « les décisions de jonction ou disjonction d’instances sont des mesures d’administration judiciaire ». Il en résulte qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.

B) L’interruption de l’instance

1. Les causes d’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

🡺Les événements emportant de plein droit interruption de l’instance

L’article 369 du CPC envisage quatre causes d’interruption de plein de droit de l’instance :

  • La majorité d’une partie
  • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
  • Les effets du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
  • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle
  • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable.

🡺Les événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse

L’article 370 du CPC énonce trois causes d’interruption de l’instance subordonnées à leur notification :

  • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible, étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation (Cass. com. 21 oct. 2008, n°07-19.102).
  • La cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur
  • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice

2. Le moment de l’interruption

L’article 371 du CPC prévoit que « en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. »

Il en résulte que la cause d’interruption de l’instance doit intervenir avant l’ouverture des débats, soit le moment où à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée, soit au demandeur, soit au juge rapporteur.

3. Les effets de l’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

4. La reprise de l’instance

a. Les modalités de reprise de l’instance

🡺La reprise de l’instance initiée par les parties

L’article 373 du CPC prévoit que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense »

Il ressort de cette disposition que la reprise d’instance est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de procédure.

Cette reprise peut être impulsée, soit par la partie à la faveur de laquelle l’interruption de l’instance est intervenue, soit par l’adversaire.

Deux hypothèses doivent ainsi être distinguées :

  • La reprise de l’instance est initiée par la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue, elle peut être formalisée selon deux modalités différentes :
    • En matière de procédure écrite, la reprise peur être engagée au moyen de la prise de conclusions
    • En matière de procédure orale, la reprise pourra être déclenchée au moyen d’une déclaration du greffe de la juridiction saisie.
  • La reprise de l’instance est initiée par l’adversaire de la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue
    • Dans cette hypothèse, la reprise de l’instance ne pourra être effectuée que par voie de citation, selon les mêmes modalités que l’acte introductif d’instance
    • À cet égard, l’article 375 du CPC précise que si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants, soit selon les dispositions qui régissent le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire

🡺La reprise de l’instance provoquée par le Juge

L’article 376 du CPC prévoit que le juge « peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La reprise de l’instance peut être provoquée par le juge, qui sans se substituer aux parties, peut les « inviter » à accomplir tous les actes utiles en vue de la reprise des débats, ce qui peut se traduire par la fixation de délais
    • En application de l’article 376 du CPC, il peut encore demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance.
    • Cette faculté réservée au juge s’explique par l’absence de dessaisissement, de sorte que l’affaire demeure toujours sous son contrôle.
  • Second enseignement
    • En cas de non-respect des délais et injonctions prescrits par le Juge, celui-ci peut prononcer la radiation de l’affaire
    • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

b. Les effets de la reprise de l’instance

L’article 374 du CPC dispose que « l’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. »

Dans la mesure où l’interruption de l’instance emporte l’interruption du délai de péremption, ce délai court à nouveau à compter de la reprise de l’instance.

C) La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

1. Le sursis à statuer

🡺Notion de sursis à statuer

Le sursis à statuer est défini à l’article 378 du CPC comme la décision qui « suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. »

Classiquement, on distingue deux sortes de sursis à statuer : le sursis à statuer obligatoire et le sursis à statuer facultatif.

  • S’agissant du sursis à statuer obligatoire
    • Il s’agit du sursis à statuer qui s’impose au juge, tel que prévu à l’article 108 du CPC.
    • Cette disposition prévoit que le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit :
      • Soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer
      • Soit d’un bénéfice de discussion ou de division
      • Soit de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi.
  • S’agissant du sursis à statuer facultatif
    • Il s’agit du sursis à statuer qui résulte d’un événement que le juge a déterminé
    • Les articles 109 et 110 du CPC prévoient, en ce sens, que le juge peut suspendre l’instance :
      • Soit pour accorder un délai au défendeur pour appeler un garant
      • Soit lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation
    • D’autres cas de sursis à statuer facultatif que ceux prévus par la loi ont été découverts par la jurisprudence tels que la formulation d’une question préjudicielle ou l’existence d’un litige pendant devant le Juge pénal

🡺Nature du sursis à statuer

En dépit de l’apparente clarté de cette dichotomie, la doctrine s’est rapidement interrogée sur la nature du sursis à statuer.

En effet, le Code de procédure civile aborde le sursis à statuer à deux endroits différents :

  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 108 et suivants du CPC comme une exception dilatoire, laquelle n’est autre qu’une variété d’exception de procédure dont le régime est fixé par le chapitre II relevant d’un Titre V consacré aux moyens de défense des parties.
  • Tantôt, le sursis à statuer est envisagé aux articles 378 et suivants du CPC comme une variété d’incident d’instance, incident dont la particularité est d’avoir pour effet de suspendre le cours de l’instance

La question qui alors se pose est de savoir à quelle catégorie le sursis à statuer appartient-il ? De la réponse à cette question dépend le régime applicable. Or selon que le sursis à statuer est qualifié d’exception de procédure ou d’incident d’instance le régime applicable n’est pas le même.

  • Si l’on retient la qualification d’exception de procédure, il en résultera une conséquence majeure :
    • En application de l’article 789 du CPC le Juge de la mise en état est seul compétent pour connaître du sursis à statuer
    • L’exception doit donc être soulevée devant lui avant toute défense au fond et fin de non-recevoir (Art. 74 CPC).
    • La demande de sursis à statuer est alors irrecevable devant la formation de jugement, lors de l’ouverture des débats (art. 799 in fine CPC).
    • Reste que si le sursis à statuer est sollicité dans le cadre d’une demande incidente, il pourra être soulevé en tout état de cause, les demandes incidences échappant au régime des exceptions de procédure.
    • Autre conséquence de la qualification d’exception de procédure : les voies de recours.
    • L’article 794 du CPC prévoit que « les ordonnances du juge de la mise en état n’ont pas, au principal, l’autorité de la chose jugée à l’exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l’instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6° de l’article 789. »
    • Aussi, des voies de recours différentes sont prévues par les articles 795 et 914 du CPC selon que la décision du juge a ou non autorité de chose jugée.
  • Si l’on retient la qualification d’incident d’instance ne mettant pas fin à l’instance, la conséquence sera radicalement différente
    • La demande de sursis à statuer pourra être présentée pour la première fois devant la juridiction de jugement
    • S’agissant de la voie de recours, en application de l’article 380 du CPC la décision statuant sur l’incident ne peut être frappée d’appel que sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Quelle est la qualification retenue par la jurisprudence ?

Selon le service de documentation et d’études de la Cour de cassation « si les demandes de sursis à statuer font partie d’un titre du code consacré aux incidents d’instance, la jurisprudence les soumet néanmoins au régime des exceptions de procédure, de sorte que (…) ces demandes paraissent relever de la compétence du juge de la mise en état ».

À l’examen, la grande majorité des décisions émanant des cours d’appel qualifient le sursis à statuer d’exception de procédure, en se fondant notamment sur la définition large de l’article 73 du CPC. En revanche, certains arrêts réfutent cette qualification, mettant notamment en avant le plan du code, en ce que le sursis à statuer se situe sous le Titre XI relatif aux incidents d’instance.

Certains arrêts de cours d’appel (CA Toulouse, 15 juin 2007, RG 03/02229 ; CA Douai, 14 juin 2007, RG 07/00197 ; CA Versailles, 5 avril 2007, RG 06/01963 ; CA Versailles, 5 janvier 2006, RG 04/08622), rejoignant ainsi certaines études doctrinales, distinguent selon que le sursis est obligatoire ou facultatif.

La distinction est notamment fondée sur l’article 108 du CPC (« délai d’attente en vertu de la loi ») et sur le rôle du juge.

  • Lorsque le sursis est impératif, ne laissant au juge aucun pouvoir d’appréciation, il s’agirait d’une exception de procédure relevant du magistrat chargé de la mise en état.
  • Lorsque le sursis est facultatif, le juge a un rôle plus actif en ce qu’il doit rechercher si l’événement invoqué a une incidence sur l’affaire qui lui est soumise. Ce faisant, le magistrat est amené à examiner le fond de l’affaire qui relèverait de la seule formation de jugement.

Certains auteurs se sont penchés sur cette dichotomie estimant qu’une distinction pourrait être utilement faite entre :

  • Le sursis impératif prévu par la loi, qu’il est logique d’assimiler à une exception dilatoire au sens de l’article 108 du CPC in fine qui dispose : « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit (…) d’un délai d’attente en vertu de la loi » et qui relèverait de la compétence exclusive du magistrat de la mise en état, comme exception de procédure,
  • Et le sursis facultatif qui conduit le juge à analyser les incidences de l’événement sur le jugement de l’affaire au fond avant de se prononcer, cas où le sursis pourrait conserver sa nature d’incident ne mettant pas fin à l’instance et échapperait à la compétence exclusive du magistrat de la mise en état.

L’exemple utilisé à cette fin est le sursis sollicité au titre de l’article 4 du code de procédure pénale, lequel offre, depuis la réforme du 5 mars 2007, deux possibilités :

  • L’alinéa 2 : la suspension de l’instance civile s’impose dès lors que l’action civile a pour objet de demander réparation du dommage causé par l’infraction dont est saisi le juge répressif ; il s’agit ici d’un cas de sursis imposé au juge ;
  • L’alinéa 3 : la suspension soumise à l’appréciation du juge civil au regard de l’influence que pourra exercer la décision pénale sur l’infraction, mais alors que l’action civile a un autre objet que la réparation de l’infraction ; il s’agit ici d’un cas de sursis facultatif.

Dans le premier cas, le sursis relèverait de la compétence du magistrat de la mise en état, dans le second, il ressortirait à la compétence de la seule formation de jugement, même avant dessaisissement du magistrat de la mise en état (CA Paris, 13 juin 2006, JurisData n° 2006-311819).

Mais cette dualité de juge pose bien des difficultés, notamment celle soulevée par Mme Fricero : n’est-il pas paradoxal que pour un sursis imposé par la loi, il ne soit plus possible de le soulever devant le juge du fond en raison de l’irrecevabilité prévue par l’article 789 du code de procédure civile, alors que l’empêchement disparaîtrait pour un sursis facultatif ?

Ne serait-il pas plus cohérent de le soumettre au même juge, le magistrat de la mise en état, qui serait compétent pour statuer, quelle que soit la cause de la demande de sursis, et purger la procédure de tous ses aléas ?

Il sera observé que l’article 789, 1° du CPC, ne fait aucune distinction entre des exceptions de procédure qui seraient impératives et d’autres qui seraient facultatives pour le juge.

Bien avant la réforme de décembre 2005, certains praticiens exprimaient déjà leur souhait qu’une révision du code de procédure civile soumette à un même régime tout moyen de procédure ayant pour objet d’entraîner un sursis à statuer.

La distinction entre sursis obligatoire et sursis facultatif ne paraît pas adaptée aux exigences de la pratique.

Quoi qu’il en soit, sollicitée sur la question de la nature du sursis à statuer, dans un avis n°0080007P du 29 septembre 2008 la Cour de cassation a considéré « la demande de sursis à statuer constitue une exception de procédure ». Il y a donc lieu de lui appliquer le régime juridique attaché aux exceptions de procédure, en particulier la règle exigeant qu’elles soient soulevées in limine litis, soit avant toute demande au fond.

a. Les causes du sursis à statuer

Il convient de distinguer les cas de suspension de l’instance expressément visés par la loi, de ceux qui ne sont le sont pas.

🡺Les cas de suspension visés par la loi

Il ressort de la combinaison des articles 108, 109 et 110 que plusieurs cas de suspension de l’instance sont prévus par la loi.

  • Le délai d’option successorale
    • L’article 108 du CPC prévoit que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit soit d’un délai pour faire inventaire et délibérer ».
    • Manifestement, c’est le délai d’option successorale qui est envisagé par ce texte.
    • L’article 771 du Code civil prévoit que l’héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession.
    • Ainsi, le bénéficiaire de ce délai peut solliciter du juge un sursis à statuer pendant afin de prendre le temps d’opter.
    • À l’expiration du délai de 4 mois, l’héritier pourra être sommé d’exercer son option successorale, ce qui ouvrira un nouveau délai de deux mois.
  • Le bénéfice de discussion ou de division
    • L’article 108 prévoit encore que « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […] d’un bénéfice de discussion ou de division », étant précisé que ces mécanismes se rencontrent dans le cadre d’un engagement de caution.
      • Le bénéfice de la discussion prévu à l’article 2298 du Code civil permet à la caution d’exiger du créancier qu’il saisisse et fasse vendre les biens du débiteur avant de l’actionner en paiement.
      • Le bénéfice de division quant à lui, prévu à l’article 2303 du Code civil autorise la caution à exiger du créancier qu’il divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.
    • Tant le bénéfice de discussion que le bénéfice de division sont envisagés par le Code de procédure civile comme des exceptions dilatoires.
    • La caution est donc fondée à s’en prévaloir afin de solliciter un sursis à statuer.
    • Tel sera le cas lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier, sans que celui-ci n’ait préalablement actionné en paiement le débiteur principal ou divisé ses poursuites en autant d’actions qu’il y a de cautions.
  • Le délai d’appel à un garant
    • L’article 109 du CPC prévoit que « le juge peut accorder un délai au défendeur pour appeler un garant. »
    • Le texte fait ici référence à la faculté pour l’une des parties de solliciter la mise en œuvre d’une garantie simple ou formelle.
    • À cet égard, l’article 334 du CPC prévoit que la garantie est simple ou formelle selon que le demandeur en garantie est lui-même poursuivi comme personnellement obligé ou seulement comme détenteur d’un bien.
    • Dans les deux cas, le demandeur peut avoir besoin de temps pour appeler à la cause le garant.
    • C’est précisément là la fonction de l’article 109 du CPC que d’autoriser le juge à octroyer au demandeur ce temps nécessaire à l’organisation de sa défense.
  • Délai nécessaire à l’exercice d’une voie de recours extraordinaire
    • L’article 110 du CPC prévoit que « le juge peut également suspendre l’instance lorsque l’une des parties invoque une décision, frappée de tierce opposition, de recours en révision ou de pourvoi en cassation. »
    • Ainsi, lorsque l’une des parties entend se prévaloir d’une décision frappée par l’une de ces voies de recours, elle peut solliciter du juge un sursis à statuer.
    • Celui-ci accédera à la demande qui lui est présentée lorsque la décision dont se prévaut le demandeur est susceptible d’avoir une incidence sur la solution du litige qui lui est soumis.
    • L’objectif visé par cette règle est d’éviter que des décisions contradictoires puissent être rendues, raison pour laquelle il convient que la décision frappée d’une voie de recours extraordinaire soit définitive.

🡺Les cas de suspension non visés par la loi

L’article 108 du CPC prévoit outre les exceptions dilatoires tenant au délai d’option successorale ou aux bénéfices de discussion et de division, « le juge doit suspendre l’instance lorsque la partie qui le demande jouit […]de quelque autre délai d’attente en vertu de la loi. »

Il ressort de cette disposition que la liste des exceptions dilatoires énoncée aux articles 108, 109 et 110 du CPC n’est pas exhaustive. Elle demeure ouverte.

Reste à déterminer quels sont les autres cas de suspension de l’instance en dehors de ceux expressément par la loi.

L’examen de la jurisprudence révèle que les principaux cas admis au rang des exceptions dilatoires sont :

  • La formulation d’une question préjudicielle adressée au Juge administratif
    • Dans cette hypothèse, l’article 49, al. 2 du CPC prévoit que « lorsque la solution d’un litige dépend d’une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu’à la décision sur la question préjudicielle. »
  • La formulation d’une question prioritaire de constitutionnalité
    • La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958 un article 61-1 disposant que « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. »
    • Pour permettre le contrôle par le Conseil constitutionnel, par voie d’exception, des dispositions législatives promulguées, la réforme instaure un dispositif qui comprend une suspension d’instance.
    • En effet, à l’occasion d’une instance en cours, une partie peut désormais soulever un moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
    • Ce moyen est qualifié par la loi organique de question prioritaire de constitutionnalité.
    • Lorsqu’une telle question est posée devant une juridiction judiciaire, il incombe à celle-ci de statuer sans délai sur sa transmission à la Cour de cassation.
    • Cette transmission doit être ordonnée dès lors que la disposition législative contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites, qu’elle n’a pas déjà, sauf changement des circonstances, été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel et que la question n’est pas dépourvue de caractère sérieux.
    • Cette transmission impose, en principe, à la juridiction initialement saisie de surseoir à statuer sur le fond de l’affaire dans l’attente de la décision sur la question prioritaire de constitutionnalité.
  • Le criminel tient le civil en l’état
    • L’ancien article 4 du CPC prévoyait un sursis obligatoire à statuer de l’action civile « tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ».
    • Ce sursis au jugement de l’action civile reposait sur le principe prétorien selon lequel « le criminel tient le civil en l’état ».
    • La primauté de la décision pénale s’expliquait notamment en raison des moyens d’investigation plus efficaces dont dispose le juge répressif, ainsi que par le nécessaire respect de la présomption d’innocence.
    • Ce principe ne valait toutefois que pour les actions civiles engagées pendant ou après la mise en mouvement de l’action publique, et en aucun cas pour celles ayant déjà été tranchées lorsque celle-ci est mise en mouvement.
    • En outre, l’action publique et l’action civile devaient être relatives aux mêmes faits.
    • Ainsi en était-il par exemple d’une action civile exercée en réparation du dommage causé par l’infraction pour laquelle est engagée une procédure pénale.
    • La Cour de cassation avait interprété assez largement ce principe et considéré que le sursis à statuer devait être prononcé dès lors que le même fait avait servi de fondement à l’action publique et à l’action civile, sans pour autant que cette dernière corresponde à la réparation du préjudice subi du fait de l’infraction (V. en ce sens Cass., civ., 11 juin 1918).
    • La Cour de cassation considérait donc que le sursis à statuer devait être prononcé lorsque la décision prise sur l’action publique était « susceptible d’influer sur celle de la juridiction civile ».
    • Cette règle visait principalement à assurer une primauté de la chose jugée par le pénal sur le civil et à éviter ainsi une divergence de jurisprudence.
    • Au fil du temps, une pratique s’est toutefois installée, laquelle consistait à mettre en mouvement une action publique devant le juge pénal dans le seul objectif de suspendre un procès civil.
    • Afin de mettre un terme aux abus, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale a considérablement limité la portée de la règle selon laquelle « le criminel tient le civil en l’état » en cantonnant son application aux seules actions civiles exercées en réparation du dommage causé par l’infraction.
    • Ainsi, désormais, le sursis à statuer ne peut être sollicité que dans l’hypothèse où l’action civile est exercée en réparation d’un dommage causé par une infraction pour laquelle une action publique aurait été mise en mouvement devant le juge pénal.

b. Les effets du sursis à statuer

L’article 378 du CPC prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine »

Il ressort de cette disposition que le sursis à statuer a pour effet de suspendre l’instance :

  • Soit pendant un temps fixé par le Juge
  • Soit jusqu’à la survenance d’un événement déterminé

En tout état de cause, il appartient au Juge de prévoir le fait générateur de la reprise de l’instance.

Le sursis à statuer ne dessaisit pas le Juge, de sorte qu’il dispose de la faculté de revenir sur sa décision, à tout le moins d’abréger ou de proroger le délai fixé.

À l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis.

Ainsi, tant les parties que le Juge peuvent provoquer la reprise de l’instance, à l’instar de l’interruption d’instance. Aucun acte formel n’est exigé par l’article 379 du CPC pour que la reprise de l’instance soit opérante.

Suivant les circonstances, le Juge peut encore révoquer le sursis ou en abréger le délai initialement fixé, en particulier s’il considère que ce délai n’est plus justifié.

c. Les recours contre la décision de sursis à statuer

L’article 380 du CPC prévoit en ce sens que la décision de sursis peut être frappée d’appel sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime.

Pratiquement, la partie qui veut faire appel saisit le premier président, qui statue selon la procédure accélérée au fond. L’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision.

S’il accueille la demande, le premier président fixe, par une décision insusceptible de pourvoi, le jour où l’affaire sera examinée par la cour, laquelle est saisie et statue comme en matière de procédure à jour fixe ou comme il est dit à l’article 948, selon le cas.

Lorsque la décision de sursis à statuer est rendue en dernier ressort, elle peut être attaquée par la voie du pourvoi en cassation, mais seulement pour violation de la règle de droit.

2. La radiation de l’affaire

🡺Les causes de radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».

À l’examen, les causes de radiation du rôle sont nombreuses :

  • Si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours (art. 801 CPC).
  • Lorsque devant la juridiction désignée les parties sont tenues de se faire représenter, l’affaire est d’office radiée si aucune d’elles n’a constitué avocat, selon le cas, dans le mois de l’avis qui leur a été donné (art. 97 CPC)
  • Lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision (art. 524 CPC).
  • En cas d’interruption de l’instance, celui-ci peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti (art. 376 CPC)

🡺Notification de la décision de radiation

La décision de radiation du rôle doit être notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu’à leurs représentants. La notification précise le défaut de diligence sanctionné.

Cette notification vise à :

  • D’une part, informer les parties de la suspension de l’instance
  • D’autre part, leur indiquer la cause de suspension de l’instance afin qu’elles en tirent toutes les conséquences pour engager sa reprise

🡺Les effets de la radiation du rôle

L’article 381 du CPC prévoit que la radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».

Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend

L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.

En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.

3. Le retrait du rôle

L’article 382 du CPC prévoit que « le retrait du rôle est ordonné lorsque toutes les parties en font la demande écrite et motivée. »

Cette demande de retrait du rôle doit être formulée au moyen de conclusions prises respectivement par chacune des parties.

Pour être acceptée, la radiation est subordonnée à l’existence d’un accord entre les parties. Elle sera rejetée si la demande émane d’une seule partie.

En application de l’article 383 du CPC et à l’instar de la radiation, le retrait du rôle est une mesure d’administration judiciaire. Elle ne peut donc pas faire l’objet de voies de recours.

L’alinéa 2 de cette disposition précise néanmoins que l’une des parties peut solliciter la reprise de l’instance, sauf à ce que celle-ci soit périmée. Il n’est pas nécessaire que cette demande soit formulée par les deux parties. Aucun formalisme n’est, par ailleurs, exigé.

La reprise de l’instance pourra donc être provoquée par la seule déclaration au greffe formulée par l’une des parties.

D) L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès. Cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières. Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

1. Péremption d’instance

🡺Définition

L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).

En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.

Son double fondement s’est manifestement inversé avec la réforme de la procédure civile de 1975. Initialement conçue comme un mécanisme présumant surtout l’intention des parties d’abandonner l’instance, dans le strict respect du principe dispositif, la péremption est clairement devenue à titre principal, avec le nouveau code de procédure civile, une sanction de la carence des plaideurs de plus de deux ans dans la conduite de l’instance qui leur incombe, justifiée par une bonne administration de la justice.

La péremption d’instance vise à « sanctionner le défaut de diligence des parties » (Cass. com., 9 nov. 2004, n°01-16.726).

La péremption d’instance est régie aux articles 386 à 393 du Code de procédure civile.

🡺Domaine de la péremption

La péremption d’instance concerne toutes les juridictions (première instance, cour d’appel, Cour de cassation), sauf les juridictions pénales lorsqu’elles statuent sur intérêts civils (Cass. 2e civ., 20 mai 1992, n° 90-15.496).

Elle concerne, en principe, toutes les instances.

🡺Conditions de la péremption

  • Le délai
    • La péremption d’instance peut être sollicitée à l’expiration d’un délai de deux ans, dans l’hypothèse où, durant ce délai, aucun acte de procédure n’a été accompli par les parties.
    • Le délai court à compter de la dernière diligence procédurale des parties ou à compter du dernier acte de procédure suivant les cas (Cass. 1ère civ., 7 avr. 1999, n° 97-13.647).
    • Au cours de l’instance, il appartient donc aux parties d’effectuer toutes les diligences utiles à l’avancement de l’affaire, sous peine de péremption laquelle s’apparente à une sanction.
  • L’interruption du délai
    • Pour que le délai de péremption de l’instance commence à courir encore faut-il que pèse sur les parties l’obligation d’accomplir des diligences.
    • Lorsque, en effet, au cours d’une instance, un temps de procédure échappe aux diligences des parties (Cass. 3e civ., 26 janv. 2011, n°09-71.734), et tant qu’aucun événement leur redonnant prise sur l’instance n’intervient le délai de péremption est interrompu.
    • Tel est le cas, par exemple, pendant le délibéré.
    • Le délai de péremption est également interrompu dès que le juge de la mise en état a fixé l’affaire en état à une audience des plaidoiries (Cass. 2e civ., 12 février 2004, n°01-17.565).
    • De même, le délai est interrompu dès que le juge de la mise en état, sans surseoir à statuer, a radié l’affaire du rôle dans l’attente d’une décision pénale (Cass. 2e civ., 6 avr. 2006, n° 04-14.298).
    • Enfin, il cesse également de courir durant la période de transmission d’un dossier d’une juridiction à une autre après décision d’incompétence, jusqu’à la réception de la lettre du greffe prévue à l’article 97 du code de procédure civile (Cass. 2e civ., 15 janv. 2009, n° 07-22.074).
    • Conséquence de la qualification d’« interruption » de la péremption, c’est un nouveau délai de deux ans qui recommence à courir lorsque, intervient un événement, qui redonne aux parties une possibilité d’agir sur la procédure, tel que la révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n°04-17.992), ou la décision du juge ordonnant le retrait du rôle à la demande des parties (Cass. 2e civ., 15 mai 2014, pourvoi n°13-17.294).
  • Les incidents affectant le délai de péremption
    • Il ressort des textes que certains événements ont pour effet d’affecter le délai de la péremption d’instance
    • Il en va ainsi des événements suivants :
      • L’interruption de l’instance
        • L’article 392, al. 1er du CPC prévoit que l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.
        • Ainsi, pour tous les cas d’interruption de l’instance prévus par la loi, le délai de péremption est interrompu.
        • Dès lors que le délai de péremption de l’instance est interrompu, un nouveau délai ne commence pas à courir immédiatement.
        • Un effet, l’interruption du délai de péremption dure aussi longtemps que l’interruption de l’instance.
        • Comme indiqué par la Cour de cassation dans un arrêt du 5 avril 1993, l’interruption du délai de péremption « ne prend fin que par la reprise de l’instance » (Cass. 2e civ. 5 avr. 1993, n°91-18.734).
        • Autrement dit, le délai de péremption ne recommence à courir qu’à compter de la reprise de l’instance.
        • Il peut être observé que lorsque l’instance a été interrompue par la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état, l’alinéa 3e de l’article 392 du CPC précise que le nouveau délai de péremption court à compter de l’extinction de cette convention.
        • Lorsque, par ailleurs, l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, l’alinéa 4e de l’article 392 du CPC, prévoit que le nouveau délai de péremption de l’instant court, quant à lui, « à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »
      • La suspension de l’instance
        • En cas de suspension de l’instance, l’article 392, al. 2e du CPC prévoit que le délai de péremption continue à courir.
        • La radiation ou le retrait de l’affaire du rôle sont, dès lors, sans incidence sur le délai de péremption de l’instance dans la mesure où l’efficacité de ces événements n’est assortie d’aucun terme, ni d’aucune condition.
        • Par exception, la suspension de l’instance affecte le délai de péremption lorsqu’elle intervient pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé.
        • Pour ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement.

🡺Procédure

  • Une instance en cours
    • Pour que la question de la péremption puisse être posée, il faut que l’instance soit en cours, ce qui a conduit la jurisprudence des années 1980 à préciser que le point de départ de l’instance est fixé à la date de la saisine de la juridiction (puisqu’il est nécessaire que le juge soit saisi de l’instance en cause), date qui peut donc varier
    • Classiquement, on considère que c’est l’enrôlement de l’assignation qui opère la saisine de la juridiction et non sa signification (V. en ce sens Cass. 2e civ., 29 février 1984, n° 82-12.259).
    • Dans l’hypothèse spécifique d’une cassation avec renvoi, le délai court à compter du prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation lorsque celui-ci est contradictoire (Cass. 2e civ., 27 juin 1990, n° 89-14.276), et à compter de la saisine de la cour d’appel de renvoi lorsqu’il a été rendu par défaut.
    • Le point d’arrivée est le prononcé du jugement, dès lors qu’il dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche, ce qui donne lieu à un contentieux chaque fois qu’une voie de recours est exercée plus de deux ans après le prononcé d’une décision non signifiée.
    • Si l’irrecevabilité d’un appel ne résulte pas de l’expiration du délai pour l’interjeter, elle ne peut résulter de la péremption de l’instance de première instance, ni de celle de l’instance d’appel (Cass. 2e civ., 12 mars 1986, n° 84-16.642).
    • De même, l’instance au fond n’étant pas la suite de l’instance en référé-expertise, l’instance au fond intentée plus de deux ans après le dépôt du rapport d’expertise n’est pas périmée puisque l’ordonnance de référé a dessaisi le juge (Cass. 3e civ., 8 octobre 1997, n° 92-21.483).
    • Il s’ensuit également que le juge n’étant pas dessaisi par un jugement avant dire droit ou partiellement avant dire droit, le délai de péremption continue à courir, notamment durant les opérations d’expertise (Cass. 2e civ., 18 octobre 2001, n°99-21.883), sauf en cas d’indivisibilité des chefs de dispositif définitif et avant dire droit du jugement mixte (par exemple, la péremption de l’instance en indemnisation après expertise rend sans objet l’autorité de la chose jugée sur la responsabilité).
  • Les parties
    • L’article 387 du CPC prévoit que « la péremption peut être demandée par l’une quelconque des parties. »
    • Tant le demandeur que le défendeur peuvent ainsi faire constater par le Juge la péremption de l’instance.
  • Forme de la demande
    • La péremption d’instance peut être demandée à titre principal soit au moyen d’une assignation, soit par voie de conclusions selon les situations
    • L’article 387, al. 2e du CPC précise que la péremption de l’instance peut être opposée par voie d’exception à la partie qui accomplit un acte après l’expiration du délai de péremption.
  • Moment de la demande
    • L’article 388 du CPC prévoit que « la péremption doit, à peine d’irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; elle est de droit »
    • Cela signifie qu’à l’expiration du délai de deux ans, la partie qui entend se prévaloir de la péremption de l’instance a l’obligation de soulever cette cause d’extinction de l’instance avant
      • Les exceptions de procédure
      • Les fins de non-recevoir
      • Les défenses au fond
    • La sanction de la règle est l’irrecevabilité de la demande de péremption de l’instance.
  • Rôle du Juge
    • Depuis l’entrée en vigueur du décret n°2017-892 du 6 mai 2017 la péremption d’instance peut être soulevée d’office par le juge ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur.
    • Reste que la péremption d’instance étant de droit lorsqu’elle est demandée, le juge n’est investi d’aucun pouvoir d’appréciation s’il constate que la péremption est acquise (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 98-10.709).

🡺Effets de la péremption

  • Extinction de l’instance
    • L’article 389 du CPC prévoit que « la péremption n’éteint pas l’action ; elle emporte seulement extinction de l’instance sans qu’on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s’en prévaloir. »
    • Cela signifie que pour poursuivre l’action engagée, il conviendra d’introduire une nouvelle instance, soit de faire délivrer une nouvelle assignation, à supposer que l’action ne soit pas prescrite.
  • Survie de l’action
    • Il ressort de l’article 389 du CPC que lorsque l’instance est éteinte par la péremption, le droit d’agir subsiste néanmoins, ce qui autorise le demandeur à renouveler le procès par une nouvelle assignation (Cass. 2e civ., 11 février 2010, n° 08-20.154).
    • Devant la Cour de cassation, lorsque le pourvoi est radié du rôle en application des articles 1009-1 et suivants du code de procédure civile, un nouveau délai de péremption recommence à courir.
  • Acquisition de la force jugée du jugement
    • L’article 390 du CPC prévoit que la péremption en cause d’appel ou d’opposition confère au jugement la force de la chose jugée, même s’il n’a pas été notifié.
    • Lorsque, de la sorte, la péremption intervient au stade de l’appel, elle a pour effet de conférer au jugement rendu en première instance la force de chose jugée.
    • Cette décision ne pourra donc plus être remise en cause.
  • Opposabilité de la péremption d’instance
    • L’article 391 du CPC prévoit que le délai de péremption court contre toutes personnes physiques ou morales, même mineures ou majeures protégées, sauf leur recours contre leur représentant légal ou la personne chargée de la mesure de protection juridique.
  • Les frais d’instance
    • L’article 393 du CPC prévoit que les frais de l’instance périmée sont supportés par celui qui a introduit cette instance
    • Le demandeur aura, dans ces conditions, tout intérêt à éviter la péremption d’instance, sous peine de supporter les dépens et les frais irrépétibles.

2. Désistement d’instance

🡺Définition

Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.

Le désistement d’instance ne doit pas être confondu avec le désistement d’action

  • Le désistement d’instance
    • Ce désistement consiste seulement à renoncer à une demande en justice afin de mettre fin à l’instance.
    • La conséquence en est qu’une nouvelle demande pourra être introduite en justice, ce qui supposera d’engager une nouvelle instance
    • Ainsi, la partie qui se désiste à une instance ne renonce pas à l’action en justice dont elle demeure titulaire.
  • Le désistement d’action
    • Ce désistement consiste à renoncer, non pas à une demande en justice, mais à l’exercice du droit substantiel objet de la demande
    • Il en résulte que le titulaire de ce droit se prive, pour la suite, de la possibilité d’exercer une action en justice
    • En pareil cas, il y a donc renonciation définitive à agir en justice sur le fondement du droit auquel il a été renoncé

S’agissant du désistement d’instance, le Code de procédure civile distingue selon que le désistement d’instance intervient au stade de la première instance ou en appel et/ou opposition.

a. Le désistement en première instance

🡺Domaine

L’article 394 du CPC prévoit que le demandeur peut, en toute matière, se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance.

Il n’y a donc a priori aucune restriction pour faire jouer un désistement d’instance. Il est donc indifférent que les règles mobilisées dans le cadre de l’instance relèvent de l’ordre public.

🡺Conditions

  • Un acte de volonté
    • Principe
      • L’article 395 du CPC dispose que le désistement n’est parfait que par l’acceptation du défendeur.
      • Deux enseignements peuvent être retirés de cette disposition
        • Premier enseignement, le désistement est un acte de volonté, de sorte que le demandeur doit justifier de sa pleine capacité
        • Second enseignent, le désistement ne peut être que le produit d’une rencontre des volontés, de sorte que défendeur doit consentir au désistement du demandeur.
      • S’agissant de l’expression du désistement, il peut être exprès ou tacite
    • Exceptions
      • Le principe posé à l’article 395 du CPC est assorti de deux exceptions.
      • En effet, l’acceptation n’est pas nécessaire si, au moment où le demandeur se désiste, le défendeur n’a présenté
        • Soit aucune défense au fond
        • Soit aucune fin de non-recevoir
  • Une décision
    • L’article 396 du CPC prévoit que le juge déclare le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime.
    • Ainsi, appartient-il au juge de s’assurer
      • D’une part, l’existence d’un accord entre les parties
      • D’autre part, en cas de désaccord, l’existence d’un motif légitime du défendeur, telle qu’une demande reconventionnelle
    • L’instance prendra fin, non pas sous l’effet du jugement, mais par l’accord des parties.
    • Le jugement constatant l’accord (de donner acte) est une mesure d’administration judiciaire dépourvue de l’autorité de la chose jugée et insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

🡺Effets

  • Exception de l’instance
    • L’article 398 du CPC prévoit que le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance.
    • La conséquence est alors double :
      • Tous les actes de procédure accomplis depuis la demande sont rétroactivement anéantis
      • Les parties conservent la possibilité d’introduire une nouvelle instance, tant que l’action n’est pas prescrite.
  • Les frais d’instance
    • L’article 399 du CPC dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.
    • Ces frais devront, en principe, être supportés par l’auteur du désistement
    • Les parties demeurent libres de prévoir une répartition des frais différente, la règle n’étant pas d’ordre public.

b. Le désistement de l’appel ou de l’opposition

🡺Domaine

À l’instar du désistement en première instance, l’article 400 du CPC prévoit que « le désistement de l’appel ou de l’opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. »

Il n’y a donc, s’agissant de la matière dont relève le litige, aucune restriction s’agissant du désistement dans le cadre d’un appel ou d’une opposition, sauf à ce qu’un texte en dispose autrement.

A l’examen, le cas de désistement se singularise, s’agissant de ces conditions de mise en œuvre diffèrent de celles applicables au désistement en première instance.

🡺Conditions

  • Les conditions de fond
    • Il convient de distinguer selon que le désistement porte sur un appel ou sur une opposition
      • S’agissant du désistement de l’appel
        • L’article 401 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté qu’à la condition :
          • Soit qu’il comporte des réserves, c’est-à-dire qu’il soit subordonné à la satisfaction par l’autre partie de conditions
          • Soit si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.
        • En dehors de ces deux cas, l’acceptation du désistement par le défendeur n’est pas requise.
      • S’agissant du désistement de l’opposition
        • L’article 402 du CPC prévoit qu’il n’a besoin d’être accepté que si le demandeur initial a préalablement formé une demande additionnelle.
        • À défaut, il ne sera nullement besoin de solliciter l’acceptation de la partie adverse
    • À l’examen, il apparaît que, contrairement au désistement en première instance, l’acceptation du défendeur n’est, par principe pas requise.
    • Ce n’est que par exception que les textes exigent que le défendeur accepte le désistement de la partie adverse.
  • Les conditions de forme
    • Comme le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition peut être exprès ou tacite
    • De la même manière, il doit être constaté par un juge qui doit déclarer le désistement parfait, dès lors que les conditions requises par les articles 401 et 402 du CPC sont réunies.

🡺Effets

Le désistement de l’appel ou de l’opposition produit plusieurs effets :

  • Premier effet
    • Le désistement dessaisi le juge qui ne pourra dès lors plus statuer au fond, ni confirmer le jugement rendu en première instance.
    • L’instance est alors définitivement éteinte, sauf à ce que, consécutivement au désistement, un appel soit interjeté par la partie adverse.
  • Deuxième effet
    • Le désistement, a encore pour effet d’emporter acquiescement au jugement.
    • Lorsque, toutefois, le désistement porte sur un appel, l’article 403 du CPC précise qu’« il est non avenu si, postérieurement, une autre partie interjette elle-même régulièrement appel. »
    • Autrement dit, en cas d’appel incident interjeté par la partie adverse, l’auteur du désistement est autorisé à revenir sur son désistement.
    • Cette faculté qui lui est offerte se justifie par la nécessité de lui permettre de se défendre et de faire échec à la voie de recours exercée contre lui.
  • Troisième effet
    • Comme pour le désistement en première instance, le désistement de l’appel ou de l’opposition emporte pour son auteur et sauf convention contraire, soumission de payer les frais de l’instance éteinte.

3. L’acquiescement

🡺Notion

Il ressort des articles 408 et 409 du CPC qu’il y a lieu de distinguer l’acquiescement à la demande de l’acquiescement au jugement

  • S’agissant de l’acquiescement à la demande
    • C’est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
  • S’agissant de l’acquiescement au jugement
    • Il se distingue de l’acquiescement à la demande en ce qu’il emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
    • L’acquiescement au jugement se rapproche, en quelque sorte, du désistement de l’appel.

🡺Conditions

  • Conditions communes
    • Principe : un acte de volonté
      • Tant l’acquiescement à la demande que l’acquiescement au jugement supposent l’accomplissement d’un acte de volonté de son auteur qui donc doit disposer de sa pleine capacité à consentir.
      • L’article 410, al. 1er du CPC prévoit que l’acquiescement peut être exprès ou implicite
    • Exception : l’effet de la loi
      • L’alinéa 2 de l’article 410 du CPC prévoit, s’agissant de l’acquiescement au jugement que l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.
      • Il ressort de cette disposition que pour valoir acquiescement :
        • D’une part, l’exécution doit porter sur un jugement non exécutoire, soit non passé en force de chose jugée ou non assortie de l’exécution provisoire
        • D’autre part, elle ne doit pas être équivoque, en ce sens qu’elle ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la partie qui exécute la décision.
  • Conditions spécifiques
    • S’agissant de l’acquiescement à la demande
      • L’article 408 dispose qu’« il n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition. »
      • Ainsi, par exemple, en matière de filiation, l’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions, en ce domaine, ne peuvent faire l’objet de renonciation. Le caractère d’ordre public de la matière rend donc les droits indisponibles.
    • S’agissant de l’acquiescement au jugement
      • L’article 409 du CPC prévoit qu’« il est toujours admis sauf disposition contraire » en premier et dernier ressort
      • S’il ne connaît, par principe, aucune limite, des dispositions légales peuvent malgré tout prohiber l’acquiescement au jugement.
      • Tel est le cas de l’article 1122 du CPC qui dispose que « un majeur protégé ne peut acquiescer au jugement de divorce, ou se désister de l’appel, qu’avec l’autorisation du juge des tutelles. »

🡺Effets

  • L’acquiescement à la demande
    • Il produit deux effets majeurs
      • D’une part, il emporte reconnaissance par le plaideur, du bien-fondé des prétentions de son adversaire
      • D’autre part, il vaut renonciation à contester et entraîne extinction de l’instance.
  • L’acquiescement au jugement
    • Il emporte
      • D’une part, soumission aux chefs de la décision
        • L’effet de l’acquiescement demeure néanmoins relatif en ce qu’il n’est pas opposable aux autres parties contre lesquelles le jugement a été rendu
      • D’autre part, renonciation aux voies de recours
        • Dans l’hypothèse, toutefois où postérieurement à l’acquiescement, une autre partie forme régulièrement un recours, son auteur dispose de la faculté de revenir sur son acquiescement.
        • En dehors de cette hypothèse, l’acquiescement est définitif, de sorte qu’il rend toute voie de recours irrecevable, exception faite de l’action en rectification d’erreur matérielle (Cass. 2e civ., 7 juill. 2011, n° 10-21.061)

4. Caducité de la citation

🡺Généralités

La caducité fait partie de ces notions juridiques auxquelles le législateur et le juge font régulièrement référence sans qu’il existe pour autant de définition arrêtée. Si, quelques études lui ont bien été consacrées[2], elles sont si peu nombreuses que le sujet est encore loin d’être épuisé.

En dépit du faible intérêt qu’elle suscite, les auteurs ne manquent pas de qualificatifs pour décrire ce que la caducité est supposée être. Ainsi, pour certains l’acte caduc s’apparenterait à « un fruit parfaitement mûr […] tombé faute d’avoir été cueilli en son temps »[3]. Pour d’autres, la caducité évoquerait « l’automne d’un acte juridique, une mort lente et sans douleur »[4].

D’autres encore voient dans cette dernière un acte juridique frappé accidentellement de « stérilité »[5]. L’idée générale qui ressort de ces descriptions, est que l’action du temps aurait eu raison de l’acte caduc de sorte qu’il s’en trouverait privé d’effet. De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, laquelle a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte. Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non.

🡺Caducité et nullité

C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité. Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances. Cette différence d’objet ne saurait toutefois occulter les rapports étroits qu’entretiennent les deux notions, ne serait-ce parce que le vice qui affecte l’acte caduc aurait tout aussi bien pu être source de nullité s’il était apparu lors de la formation dudit acte. Sans doute est-ce d’ailleurs là l’une des raisons du regain d’intérêt pour la caducité ces dernières années.

🡺La caducité en matière civile

Lorsqu’elle a été introduite dans le Code civil, l’usage de cette notion est limité au domaine des libéralités. Plus précisément il est recouru à la caducité pour sanctionner la défaillance de l’une des conditions exigées pour que le legs, la donation ou le testament puisse prospérer utilement telles la survie[6] ou la capacité [7] du bénéficiaire ou bien encore la non-disparition du bien légué[8].

Ce cantonnement de la caducité au domaine des actes à titre gratuit va s’estomper peu à peu avec les métamorphoses que connaît le droit des contrats. Comme le souligne Véronique Wester-Ouisse « alors que la formation du contrat était le seul souci réel des rédacteurs du Code civil, le contrat, aujourd’hui, est davantage examiné au stade de son exécution »[9] si bien que l’appropriation de la notion de caducité par les spécialistes du droit des contrats prend alors tout son sens[10]. Là ne s’arrête pas son expansion. La caducité fait également son apparition en droit judiciaire privé.

🡺La caducité en matière procédurale

Bien que les auteurs soient partagés sur la question de savoir s’il s’agit de la même caducité que celle rencontrée en droit civil[11], tous s’accordent à dire qu’elle intervient comme une véritable sanction.

En droit judiciaire privé la caducité aurait, en effet, pour fonction de sanctionner l’inaction des parties qui n’auraient pas effectué les diligences requises dans le délai prescrit par la loi[12].

À l’examen, c’est à cette caducité-là que fait référence l’article 406 du CPC, lequel envisage la caducité de la citation comme une cause d’extinction de l’instance.

Plus précisément, ce type de caducité intervient pour sanctionner le non-accomplissement d’un acte subséquent à l’acte introductif d’instance et qui lui est essentiel dans un certain délai.

a. Les causes de caducité

Classiquement, on recense trois causes de caducité de la citation en justice

  • La caducité pour défaut de saisine du Juge
    • Cette cause de caducité concerne toutes les procédures contentieuses
      • En première instance
        • L’article 754 du CPC prévoit que l’assignation est caduque si une copie n’en a pas été remise au greffe dans les délais énoncés par le texte (2 mois ou 15 jours).
        • Il s’agit d’une sanction radicale puisque, comme le prévoit l’article 385 du CPC, elle entraîne l’extinction de l’instance, et fait donc encourir à la partie négligente le risque de perdre son action, sauf le droit d’introduire une nouvelle instance si l’action n’est pas éteinte par ailleurs (Cass. 2e civ., 12 juin 2008, n° 07-14.443).
        • Cette règle se retrouve pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
      • En appel
        • La récente réforme de la procédure civile d’appel a donné un regain d’actualité à la notion de caducité, mise en exergue par les décrets n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile et n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 modifiant la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, ayant pour objet d’en améliorer la célérité et l’efficacité.
        • En application de l’article 902 du code de procédure civile, la déclaration d’appel est caduque si elle n’est pas signifiée à l’intimé n’ayant pas constitué avocat dans le mois de l’avis donné par le greffe à l’appelant d’avoir à effectuer cette formalité.
        • Et l’article 908 du code de procédure civile prévoit la caducité de la déclaration d’appel si l’appelant n’a pas conclu dans les trois mois de celle-ci.
  • La caducité pour défaut de comparution
    • La non-comparution à l’audience du demandeur est sanctionnée par la caducité de la citation.
    • Cette sanction est encourue devant toutes les juridictions, quelle que soit la procédure engagée.
    • L’article 468 du CPC prévoit en ce sens que si, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas deux alternatives sont envisageables :
      • Première alternative
        • Le défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.
      • Seconde alternative
        • Le juge peut, même d’office, déclarer la citation caduque.
        • La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
        • Dans ce cas, les parties sont convoquées à une audience ultérieure.
  • La caducité pour défaut d’accomplissement d’une formalité
    • L’article 469 du CPC, applicables devant toutes les juridictions de l’ordre judiciaire, dispose que si, après avoir comparu, l’une des parties s’abstient d’accomplir les actes de la procédure dans les délais requis deux alternatives sont là encore envisageables :
      • Première Alternative
        • Le juge statue par jugement contradictoire au vu des éléments dont il dispose.
      • Seconde alternative
        • Le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque
    • Ici, le choix est laissé au défendeur qui peut soit laisser le juger rendre sa décision, soit se prévaloir de la caducité de la citation du demandeur.

b. Le prononcé de la caducité

🡺Décision

  • Le pouvoir du juge
    • Il convient de distinguer ici selon les causes de la caducité
      • La caducité de la citation résulte du défaut de saisine du Juge
        • Dans cette hypothèse, tant en première instance qu’en appel, le Juge est investi du pouvoir de se saisir d’office
          • En première instance
            • L’article 754 du CPC prévoit que dans l’hypothèse où l’assignation n’est pas placée dans le délai de 2 mois ou 15 jours, selon le cas, à compter de sa signification, la caducité de l’assignation est constatée d’office par ordonnance du juge, ou, à défaut, à la requête d’une partie.
            • Il en va de même pour la procédure à jour fixe (art. 843 CPC).
          • En appel
            • Le juge peut la prononcer d’office, même si le texte ne le prévoit pas explicitement.
            • La Cour de cassation en a récemment jugé ainsi dans le cas de la caducité de la déclaration d’appel, faute de notification par l’appelant de la déclaration d’appel dans le mois suivant l’avis du greffe l’invitant à cette diligence, alors même que l’article 902 du code de procédure civile prescrivant cette diligence ne prévoyait pas, à la différence des autres diligences prescrites par la réforme de la procédure d’appel, le pouvoir pour le juge de la relever d’office (Cass. 2e Civ., 26 juin 2014, n°13-20.868).
            • Comme la caducité de l’assignation, celle de la déclaration d’appel doit être prononcée sur le seul constat de l’absence de la formalité requise dans le délai fixé, sans que le juge dispose à cet égard d’un pouvoir de modération lui permettant de tenir compte de circonstances particulières, et même en l’absence de grief.
      • La caducité résulte du défaut de comparution du demandeur
        • L’article 468 du CPC prévoit que, dans cette hypothèse, le juge peut déclarer d’office la citation.
        • Il s’agit néanmoins d’une simple faculté
        • Aucune obligation ne pèse donc sur le Juge qui peut décider de ne pas prononcer la caducité de la citation, sauf à ce que la demande soit formulée par le défendeur
      • La caducité résulte du défaut d’accomplissement d’une formalité
        • Ici, le juge ne dispose pas de relever d’office la caducité de la citation.
        • L’article 469 dispose en ce sens que « le défendeur peut cependant demander au juge de déclarer la citation caduque. »
        • Si donc le défendeur décide de ne pas se prévaloir de la caducité de la citation, le juge sera contraint de rendre une décision.

🡺Voies de recours

L’article 407 du CPC prévoit que « la décision qui constate la caducité de la citation peut être rapportée, en cas d’erreur, par le juge qui l’a rendue. »

Autrement dit, les parties disposent de la faculté de solliciter la rétractation de la décision prise par le juge qui constate la caducité de la citation.

S’agissant du délai pour exercer la voie de recours, les textes sont silencieux sur ce point, de sorte que les parties ne sont pas menacées par la forclusion en cas de recours tardif. Pour que celui-ci prospère, il leur appartiendra, néanmoins, de saisir le Juge dans un délai raisonnable.

c. Les effets de la caducité

Lorsqu’elle est prononcée ou constatée, la caducité produit des effets :

  • Pour l’avenir
  • Pour le passé

🡺Pour l’avenir : extinction de l’instance

Lorsque la caducité frappe la citation en justice, elle a pour effet de mettre fin à l’instance engagée par le demandeur. Le juge est alors immédiatement dessaisi de l’affaire.

Cet effet de la caducité est énoncé à l’article 385 du CPC qui dispose que « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation. »

Reste que si l’instance est éteinte par l’effet de la caducité, l’action subsiste, de sorte qu’une nouvelle procédure pourra toujours être engagée sur le même fondement.

L’alinéa 2 de l’article 385 du CPC prévoit en ce sens que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs. »

🡺Pour le passé : anéantissement rétroactif des actes de procédure

Traditionnellement, la caducité est perçue comme étant dépourvue d’effet rétroactif ; elle éteint seulement l’acte qu’elle affecte pour l’avenir. Rana Chaaban analyse cette perception – encore majoritaire aujourd’hui – en relevant que, « dans la conception originelle, le domaine de la caducité était limité aux actes juridiques qui n’ont reçu aucune exécution »[13].

C’est la raison pour laquelle, pendant longtemps, la rétroactivité de la caducité n’a pas été envisagée[14]. Il eût, en effet, été absurde de faire rétroagir la caducité en vue d’anéantir un acte qui n’a encore produit aucun effet.

Bien que la non-rétroactivité soit toujours considérée comme une caractéristique indissociable de la caducité, les données du problème ont pourtant changé. La caducité n’est plus cantonnée au domaine des legs : elle a été importée en droit des contrats et en droit judiciaire privé[15]. Il en résulte qu’elle est, désormais, susceptible de frapper des actes qui ont reçu une exécution partielle voire totale[16].

Partant, la question de sa rétroactivité s’est inévitablement posée. Plus précisément, on s’est interrogé sur la question de savoir s’il est des situations engendrées par la caducité qui justifieraient que l’on recourt à la fiction juridique qu’est la rétroactivité laquelle, on le rappelle, consiste à substituer « une situation nouvelle à une situation antérieure de telle sorte que tout se passe comme si celle-ci n’avait jamais existé »[17].

Comme le souligne Jean Deprez autant il est normal « qu’une situation juridique soit détruite pour l’avenir par l’intervention d’un acte ou d’un événement qui en opère l’extinction, autant il est anormal de détruire les effets qu’elle a produits dans le passé »[18].

Aussi, la rétroactivité, poursuit-il, n’est « justifiable que dans la mesure où cette protection en nécessite le mécanisme »[19]. En l’absence de textes régissant les effets de la caducité, c’est tout naturellement au juge qu’il est revenu le soin de déterminer si l’on pouvait attacher à la caducité un effet rétroactif.

Si, manifestement, les juridictions sont régulièrement amenées à statuer sur cette question, il ressort de la jurisprudence qu’il n’existe, pour l’heure, aucun principe général applicable à tous les cas de caducité. Comme elle le fait souvent pour les notions dont elle peine à se saisir, la jurisprudence agit de façon désordonnée, par touches successives.

À défaut d’unité du régime juridique de la caducité, une partie de la doctrine voit néanmoins, dans les dernières décisions rendues en matière de caducité d’actes de procédure, l’ébauche d’une règle qui gouvernerait ses effets. Les contours de cette règle demeurent toutefois encore mal définis.

Remontons, pour avoir une vue d’ensemble du tableau, à l’époque où l’idée selon laquelle la caducité serait nécessairement dépourvue de rétroactivité a évolué. La question de la rétroactivité de la caducité affectant un acte de procédure s’est tout d’abord posée lorsque l’on s’est demandé si l’on pouvait confondre l’assignation caduque avec l’assignation frappée de nullité. En les assimilant, cela permettait d’attraire l’assignation caduque dans le giron de l’ancien article 2247 du Code civil qui énonçait les cas dans lesquels l’interruption de prescription était non avenue.

Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusée à procéder à pareille assimilation[20]. En un sens, cela pouvait se comprendre dans la mesure où, techniquement, la caducité se distingue nettement de la nullité. Or la liste des cas prévus à l’ancien article 2247 du Code civil était exhaustive.

Cet obstacle textuel n’a cependant pas empêché la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, de revenir sur sa position dans un arrêt du 3 avril 1987[21]. Dans cette décision, les juges du Quai de l’Horloge ont estimé que, quand bien même la caducité de l’assignation ne figurait pas parmi les circonstances visées par la loi, elle était, comme la nullité, insusceptible d’« interrompre le cours de la prescription ». De cette décision, les auteurs en ont alors déduit que la caducité pouvait avoir un effet rétroactif.

Si, ce revirement de jurisprudence a été confirmé par la suite[22] ; on est légitimement en droit de se demander si elle est toujours valable. Le nouvel article 2243 du Code civil, introduit par la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ne fait plus référence à la nullité de l’assignation.

Est-ce à dire que l’assignation nulle conserverait son effet interruptif de prescription et que, par voie de conséquence, il en irait de même pour l’assignation caduque ? Un auteur prédit que la solution adoptée par l’assemblée plénière sera maintenue[23]. S’il se trompe, cela ne remettra toutefois pas en cause le mouvement tendant à reconnaître à la caducité un effet rétroactif.

V) La clôture de l’instruction

La clôture de l’instruction intervient lorsque le Juge de la mise en état rend ce que l’on appelle une ordonnance de clôture. Cette ordonnance est issue de la réforme engagée en 1975 par le décret n°75-1123 du 5 décembre 1975 instituant un nouveau Code de procédure civile, entré en vigueur le 1er janvier 1976.

L’ordonnance de clôture a été institué afin de mettre fin aux abus des plaideurs qui consistaient à communiquer à l’adversaire ses pièces à la dernière heure avant l’audience, ce qui n’était pas sans contrevenir au principe du contradictoire.

À cet égard, dans son article « La réforme du code de procédure civile par le décret du 13 octobre 1965 et les principes directeurs du procès », Henri Motulsky rappelant la pratique des prétoires sous le régime du juge chargé de suivre la procédure, déplorait que l’affaire ne fût instruite qu’in extremis, quelques jours avant l’audience des plaidoiries sinon la veille et stigmatisait « l’usage des communications de pièces de dernière heure », « la grave altération consécutive de la loyauté du débat judiciaire », ainsi que « l’irritant appel des causes à l’audience sans être en état d’être plaidées » et même parfois, « le regrettable spectacle des audiences blanches comme des déplacements inutiles ».

Il achevait de brosser ce tableau affligeant en affirmant qu’il n’« est pas concevable qu’on impose la plaidoirie à une partie qui vient seulement d’avoir connaissance, tant du véritable système d’argumentation de son adversaire que des documents essentiels destinés à l’appuyer ».

L’institution de la procédure de la mise en état dans sa conception actuelle a donc eu pour objet de remédier à cette situation. On ne saurait prétendre qu’elle n’y a pas apporté de remède.

Toutefois, la tentation des parties de recourir à ces pratiques dénoncées par le professeur Motulsky subsiste, tentation qui doit être contenue par l’autorité effectivement exercée par le juge, sous peine de revenir auxdites pratiques.

De toute évidence, l’instauration d’une ordonnance de clôture s’inscrit dans cette volonté de mettre un terme à des pratiques abusives des plaideurs qui étaient devenues trop fréquences.

Parce qu’elle marque la fin de l’instruction à la date fixée par le juge, l’ordonnance de clôture a pour effet d’interdire, à compter de la date où elle est prononcée, le dépôt de toutes conclusions et la production de toutes pièces à peine d’irrecevabilité prononcée d’office (article 802 CPC).

Pour cette raison, elle est une pierre angulaire de l’instance. Ajouté à cela, l’ordonnance de clôture annonce le passage de la phase écrite de la procédure à la phase orale.

À l’exception de la procédure d’urgence à jour fixe, elle est une étape incontournable pour les plaideurs qui vont être directement touchés par ses effets. Leur situation ne sera néanmoins pas figée puisqu’ils disposeront toujours, lorsque les conditions seront réunies, de la faculté de solliciter sa révocation.

A) Le prononcé de l’ordonnance de clôture

1. Les causes justifiant le prononcé de l’ordonnance de clôture

Trois situations sont susceptibles de justifier le prononcé de l’ordonnance de clôture :

  • En cas de renvoi à l’audience sans que l’affaire ne fasse l’objet d’une mise en état (circuit court)
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée
  • Dans l’hypothèse où le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente parce que ne concluant pas dans les délais impartis
  • Lorsque les parties demandent d’elles-mêmes la césure du procès

🡺Le renvoi de l’affaire à l’audience sans qu’elle fasse l’objet d’une mise en état

L’article 778 du CPC prévoit que, lors de l’audience d’orientation, l’affaire peut être renvoyée immédiatement à l’audience aux fins de jugement. C’est ce que l’on appelle le circuit court.

Il peut être opté pour ce circuit court dans plusieurs cas :

  • Premier cas : l’affaire est en état d’être jugée
    • L’article 778, al. 1er du CPC prévoit en ce sens que « le président renvoie à l’audience les affaires qui, d’après les explications des avocats et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées, lui paraissent prêtes à être jugées sur le fond. »
    • La question qui alors se pose est de savoir à partir de quand peut-on estimer qu’une affaire est en état d’être jugée.
    • À l’évidence, tel sera le cas lorsque les parties auront pu valablement débattre sur la base de conclusions échangées et de pièces communiquées.
    • Le Président devra s’assurer, avant de renvoyer l’affaire à l’audience, que le débat est épuisé et que le principe du contradictoire a été respecté.
    • Aussi, le renvoi ne pourra être prononcé qu’à la condition que le défendeur ait eu la faculté de conclure, soit de répondre à l’assignation dont il a fait l’objet.
    • C’est là une exigence expressément posée par l’article 778 qui précise que le renvoi ne peut avoir lieu qu’« au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées ».
  • Deuxième cas : le défendeur ne comparaît pas
    • L’article 778, al. 2 prévoit que le Président « renvoie également à l’audience les affaires dans lesquelles le défendeur ne comparaît pas si elles sont en état d’être jugées sur le fond, à moins qu’il n’ordonne la réassignation du défendeur. »
    • Il s’infère de cette disposition que deux conditions doivent être remplies pour que le renvoi soit acquis de plein droit :
      • Le défendeur ne doit pas comparaître
      • L’affaire doit être en état d’être jugée
    • Ainsi, le Président devra s’assurer que toutes les mesures ont été prises pour que le défendeur soit prévenu de la procédure dont il fait l’objet et qu’il ait été en mesure de constituer avocat.
    • Plus précisément, il doit veiller :
      • D’une part, à ce que le principe du contradictoire ait bien été respecté
      • D’autre part, à ce que les éléments produits et les prétentions présentées par le défendeur soient suffisamment sérieux
    • Si le Président s’aperçoit que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, il peut imposer au demandeur de réassigner le défendeur.
  • Troisième cas : l’instance a été introduite au moyen d’une requête conjointe
    • Ce troisième cas n’est certes pas visé par l’article 758 du CPC qui traite de l’orientation de l’affaire lorsqu’elle procède du dépôt d’une requête conjointe.
    • Toutefois, elle est admise par la jurisprudence qui considère que dans la mesure où les parties sont d’accord sur les termes du litige, il n’y a pas lieu à procéder à une instruction de l’affaire.
    • Il est, en effet, fort probable qu’elles se soient entendues sur le dispositif de la décision sollicitée qui se traduira, la plupart du temps, par l’homologation d’un accord.

Dans tous les cas, en application des articles 778 et 779 du CPC lorsque le Président constate que toutes les conditions sont réunies pour que l’affaire soit jugée sans qu’il y ait lieu de la renvoyer devant le Juge de la mise en état, il doit déclarer l’instruction close et fixer la date de l’audience, étant précisé que celle-ci peut être tenue le jour même.

Le dernier alinéa de l’article 778 du CPC précise, et c’est une innovation du décret du 11 décembre 2019, que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le président déclare l’instruction close et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu. »

En toute hypothèse, cette clôture de l’instruction se matérialise par le prononcé d’une ordonnance de clôture qui donc annonce l’ouverture de la phase des débats oraux.

🡺Le juge de la mise en état estime que l’instruction de l’affaire est achevée

L’article 799 du CPC prévoit que « sauf dans le cas où il est fait application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 781, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée à la date fixée par le président ou par lui-même s’il a reçu délégation à cet effet. »

Il ressort de cette disposition que dès lors que le Juge de la mise en état constate que l’instruction est achevée, il doit rendre une ordonnance de clôture aux termes de laquelle il met un terme à la mise en état et renvoi l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal pour être plaidée.

À cet égard, l’article779 précise que la date de la clôture arrêtée par le Juge de la mise en état doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

Cette obligation qui échoit au juge n’est toutefois assortie d’aucune sanction. Reste que plus le délai entre le prononcé de l’ordonnance de clôture et l’audience de plaidoirie sera long et plus il est un risque que des faits nouveaux interviennent entre-temps et donc justifient la révocation de l’ordonnance. Le magistrat a, dans ces conditions, tout intérêt à choisir une date rapprochée.

À ce stade de la procédure, les parties peuvent toujours demander à ce que l’affaire soit jugée sans qu’elle soit plaidée, au préalable, dans le cadre d’une audience.

L’article 799, al. 3 du CPC prévoit en ce sens que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public. »

🡺Le Juge de la mise en état souhaite sanctionner une partie négligente

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, l’article 800 du CPC autorise le Juge de la mise en état à prononcer la clôture partielle à l’égard de la partie négligente.

Plus précisément cette disposition prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».

On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente. Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.

Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture

La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence. La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.

Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.

🡺La demande des parties de césure du procès

Le décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 a introduit dans le Code de procédure civile une nouvelle cause de clôture de l’instruction : la césure du procès civil.

Ce dispositif octroie la faculté aux parties de solliciter un jugement tranchant les points nodaux du litige afin de leur permettre ensuite de résoudre les points subséquents en recourant aux modes amiables de résolution des différends de droit commun et, à défaut, de limiter de façon optimale le champ du débat judiciaire.

Ainsi, au lieu de statuer sur l’ensemble des prétentions dont il est saisi, le juge ne tranchera, dans un premier temps, que certains aspects du différend, tandis que les parties tenteront de trouver un accord amiable pour le surplus.

Ce nouvel instrument procédural, qui est régi aux articles 807-1 à 807-3 du CPC, ne peut être utilisé que dans le cadre de la procédure écrite ordinaire applicable devant le Tribunal judiciaire.

Conformément à l’article 807-1, al. 1er du CPC, la césure du procès est laissée à l’initiative exclusive des parties.

Cette faculté peut être exercée, précise le texte, « à tout moment » de la mise en état.

L’article 807-1, al. 2e du CPC prévoit encore que la demande d’ouverture d’une césure se fait au moyen d’un acte contresigné par avocats qui mentionne les prétentions à l’égard desquelles l’ensemble des parties constituées sollicitent un jugement partiel.

La demande doit donc porter sur une ou plusieurs prétentions pour lesquelles les parties se sont entendues pour solliciter un jugement partiel.

Aussi, sont-ce les parties qui déterminent le périmètre de la césure demandée sans que le juge ne puisse le modifier.

Il peut être observé que pour être recevable, la demande d’ouverture d’une césure doit porter sur des prétentions sécables.

Autrement dit, ces prétentions doivent pouvoir donner lieu à des jugements partiels indépendants du reste de la matière litigieuse.

Dans le cas contraire, le juge est autorisé à rejeter la demande d’ouverture d’une césure ainsi que le prévoit le troisième alinéa de l’article 807-1 du CPC. Dans cette hypothèse, l’affaire reprend son cours.

2. Le formalisme attaché au prononcé de l’ordonnance de clôture

🡺Dispositions générales

L’article 798 du CPC prévoit que « la clôture de l’instruction est prononcée par une ordonnance non motivée qui ne peut être frappée d’aucun recours. Copie de cette ordonnance est délivrée aux avocats. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Un acte d’administration judiciaire
    • Il résulte de l’article 798 du CPC que l’ordonnance de clôture s’apparente à un acte d’administration judiciaire
    • C’est la raison pour laquelle elle est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.
  • Motivation de l’ordonnance de clôture
    • Principe
      • Parce qu’il s’agit d’un acte d’administration judiciaire, l’ordonnance de clôture n’a pas à être motivée
    • Exception
      • Le seul cas où le Juge de la mise en l’état a l’obligation de motiver l’ordonnance de clôture, c’est lorsqu’elle est rendue sur le fondement de l’article 800 du CPC
      • C’est l’hypothèse où, souhaitant sanctionner une partie négligence, le Juge de la mise en état prononce la clôture partielle
      • L’article 800 prévoit en ce sens que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours. »
  • Notification de l’ordonnance
    • Une copie de l’ordonnance de clôture doit être délivrée aux avocats
    • Lorsque la clôture n’est que partielle, l’article 800 du CPC précise que copie de l’ordonnance est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
  • Tenue du dossier
    • En application de l’article 727 du CPC, une copie de l’ordonnance de clôture doit être versée au dossier constitué par le greffe
    • Conformément à l’article 771, al. 2 du CPC, la mention de la clôture doit, en outre, figurer sur la fiche permettant de connaître l’état de l’affaire

🡺Cas particulier de la clôture partielle résultant d’une césure du procès

L’article 807-1 du CPC prévoit que « s’il fait droit à la demande, le juge ordonne la clôture partielle de l’instruction et renvoie l’affaire devant le tribunal pour qu’il statue au fond sur la ou les prétentions déterminées par les parties. »

Si donc les conditions d’ouverture de la césure sont réunies, le juge rend une ordonnance de clôture partielle de l’instruction. L’acte contresigné par avocats exprimant la demande d’ouverture d’une césure doit être annexé à l’ordonnance.

Cette clôture se limite aux prétentions visées dans la demande d’ouverture d’une césure. Comme souligné par l’ordonnance du 17 octobre 2023, « la décision du juge de la mise en état d’ordonner ou non la clôture partielle de l’affaire est prise en opportunité eu égard aux considérations de bonne administration de la justice ».

S’agissant de la date de la clôture partielle, en application de l’article 807-1, al. 4e du CPC, elle doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries.

B) Les effets de l’ordonnance de clôture

Lorsqu’elle est rendue par le Juge de la mise en état, l’ordonnance de clôture produit deux effets :

  • Elle opère le renvoi de l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal
  • Elle rend irrecevable le dépôt de conclusions et de pièces

1. Le renvoi de l’affaire devant la formation de jugement du Tribunal

En application de l’article 799 du CPC l’ordonnance de clôture a pour effet de renvoyer l’affaire

devant le tribunal pour être plaidée.

À cet égard, il doit s’ensuivre la fixation de la date de l’audience.

🡺La fixation de la date de l’audience

Il s’évince de l’article 799 du CPC que seul le Président dispose de cette prérogative, de sorte que deux hypothèses doivent être distinguées :

  • L’ordonnance de clôture est rendue par le Président de la juridiction ou de la chambre à laquelle l’affaire a été attribuée (circuit court)
    • Dans cette hypothèse, l’ordonnance fixe la date de l’audience.
  • L’ordonnance de clôture est rendue par le Juge de la mise en état
    • Dans cette hypothèse, deux situations peuvent être envisagées :
      • Le juge de la mise en état a reçu délégation du Président pour fixer la date de l’audience auquel cas il peut l’arrêter dans l’ordonnance de clôture
      • Le juge de la mise en état n’a pas reçu délégation du Président pour fixer la date de l’audience auquel cas il ne peut que renvoyer l’affaire sans fixer de date, charge au Président de la fixer lui-même

🡺La détermination de la date de l’audience

Quant à la date de l’audience, l’article 799 du CPC prévoit que « la date de la clôture doit être aussi proche que possible de celle fixée pour les plaidoiries. »

Le délai entre ces deux dates doit être raisonnable, en ce sens qu’il doit se compter en jours et, en cas de circonstances exceptionnelles en mois.

La règle énoncée par l’article 799 CPC n’est toutefois assortie d’aucune sanction, de sorte que les parties ne sauraient se prévaloir de la nullité de l’ordonnance.

🡺Le dépôt du dossier au greffe

Lorsque l’affaire est renvoyée à l’audience, le dépôt du dossier de l’avocat peut être requis dans deux cas énoncés par l’article 799 du CPC pris en ses alinéas 2 et 3.

  • Demande du Juge de la mise en état en vue de l’élaboration de son rapport
    • L’article 799, al. 2 prévoit que « s’il l’estime nécessaire pour l’établissement de son rapport à l’audience, le juge de la mise en état peut demander aux avocats de déposer au greffe leur dossier, comprenant notamment les pièces produites, à la date qu’il détermine. »
    • L’établissement de ce rapport a été rendu obligatoire par le décret du 28 décembre 2005, le législateur considérant que l’audience ne devait plus être le lieu des seules plaidoiries, mais également le moment d’un dialogue entre les avocats et le juge sur les questions essentielles à la résolution du litige.
    • Aussi, cela implique-t-il une meilleure préparation de l’affaire par les juges, avant l’audience, et par voie de conséquence la généralisation du rapport fait par un juge à l’audience.
    • La demande de dépôt du dossier par le Juge est une simple faculté qu’il n’est pas tenu d’exercer systématiquement.
    • En pratique, les avocats devanceront sa demande en lui déposant leurs dossiers de plaidoiries respectifs.
  • Demande des avocats de ne pas plaider l’affaire à l’audience
    • Dans la pratique, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.
    • Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, elle aussi, été officialisée par le décret du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.
    • À cet égard, le troisième alinéa de l’ancien article 779 du CPC prévoyait que « le président ou le juge de la mise en état, s’il a reçu délégation à cet effet, peut également, à la demande des avocats, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu’il fixe, quand il lui apparaît que l’affaire ne requiert pas de plaidoiries. »
    • Cette faculté des parties à solliciter une dispense d’audience a été généralisée à tous les stades de l’instance
    • Cette demande peut être formulée dès l’acte introductif d’instance, ce qui se traduit par l’insertion d’une mention dans l’assignation ou la requête conjointe.
    • Au stade de l’achèvement de l’instruction de l’affaire, l’article 799, al. 3 prévoit que « lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre. »
    • Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public. »
    • Par ailleurs, à la date annoncée, les parties devront être informées du nom des juges et de la date à laquelle le jugement sera rendu.
    • Ces informations sont impératives, tout justiciable devant savoir par qui il est jugé et quand il le sera.

2. L’irrecevabilité des conclusions et des pièces tardives

🡺Principe

L’article 802 du CPC dispose que « après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. »

Il résulte de cette règle que, postérieurement à la date de l’ordonnance de clôture, les parties sont irrecevables à produire des conclusions et des pièces.

Il est indifférent que la production tardive soit fautif, le seul critère d’irrecevabilité devant être apprécié par le Juge étant la date de l’ordonnance de clôture.

À cet égard, en application de l’article 802 du CPC, il appartient au Juge de relever d’office l’irrecevabilité.

La conséquence en est que ce dernier ne pourra rendre sa décision qu’en se rapportant aux dernières conclusions déposées avant le prononcé de l’ordonnance de clôture.

Dans un arrêt du 11 mars 1992, la Cour de cassation a précisé que « le juge, qui relève d’office le moyen tiré de l’irrecevabilité de conclusions déposées après l’ordonnance de clôture, n’a pas à inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen » (Cass. 2e civ. 11 mars 1992, n°90-19.699).

Reste que pour écarter les conclusions et pièces hors délai, le Juge devra s’assurer que le concluant ait bien eu connaissance de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ., 18 nov. 2010, n°09-17.159).

🡺Le sort des conclusions et pièces de dernière heure

L’ordonnance de clôture, qui marque la fin de l’instruction à la date fixée par le juge, a pour effet d’interdire, à compter de la date où elle est prononcée, le dépôt de toutes conclusions et la production de toutes pièces à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

Si les conclusions déposées et les pièces produites après l’ordonnance de clôture sont irrecevables, a contrario, elles sont recevables si elles l’ont été avant l’ordonnance. Le sont-elles dans tous les cas ?

À l’analyse, l’article 802 du CPC n’interdit pas de façon littérale le dépôt de pièces à la veille du prononcé de l’ordonnance de clôture.

Cependant l’article 15 du même code dispose que « les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense ».

Quant au contrôle de la mise en œuvre du principe fondamental de la contradiction ainsi exprimé, il est assuré par le juge auquel l’article 16 du CPC fait obligation d’observer et de faire observer lui-même le respect de ce principe.

Lorsque les conclusions sont déposées et les pièces produites en dernière heure, c’est-à-dire à une date très proche de la date de clôture, laquelle aura été portée à l’avance à la connaissance des parties par le juge de la mise en état, le principe de la contradiction ne peut pas être respecté dès lors que la partie adverse ne dispose pas d’un délai suffisant dans le temps restant pour prendre connaissance des pièces et conclusions et y répliquer.

L’article 135 du CPC permet, dans ces conditions, au juge d’écarter des débats les pièces qui n’ont pas été communiquées « en temps utile ».

Cette notion de temps utile, qui fait référence à la même notion visée à l’article 15 du même code, ne s’applique qu’aux productions de pièces et non aux conclusions, pour lesquelles n’existe pas de disposition correspondante.

Ce concept de « temps utile » crée, selon le rapport annuel de la Cour de cassation publié en 1995, une sorte de « période suspecte » antérieure à l’ordonnance de clôture, durant laquelle les productions et communications de pièces sont exposées à un rejet.

À cet égard, le professeur Perrot a fait observer que « la notion de temps utile est malaisée à définir. C’est essentiellement une question de fait appréciée par le juge dans chaque cas d’espèce. Pour déterminer si les communications et notifications à l’adversaire ont eu lieu en temps utile, le juge doit procéder à une sorte de compte à rebours très aléatoire, en partant de la date à laquelle tout débat doit être arrêté et en se demandant si le temps dont l’adversaire a disposé peut être considéré comme suffisant pour organiser utilement sa défense. On devine la marge d’incertitude que comporte une telle appréciation ».

Lorsque l’on se tourne vers la jurisprudence, il apparaît que la décision d’irrecevabilité des pièces ou conclusions, prononcée d’office ou à la demande d’une partie, fait l’objet d’un contrôle très strict de la Cour de cassation qui s’explique par le fait qu’elle constitue une mesure radicale.

La jurisprudence exige que les conclusions aient été déposées de manière que la partie adverse ait été mise dans l’impossibilité de répliquer avant la clôture, ce qui suppose, d’une part, que les conclusions ou pièces nécessitaient une réponse, d’autre part, que le délai encore disponible pour y répondre était insuffisant.

Une jurisprudence abondante des trois chambres civiles et de la chambre commerciale exprime cette exigence : « le juge ne peut écarter des débats des conclusions déposées avant l’ordonnance de clôture sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction » (Cass. 2e civ. 11 janv. 2001, n°99-13.060 )

Il s’agit donc de savoir selon Antoine Bolze si, au cas par cas, le dépôt tardif a été déloyal dans la mesure où « son contenu fait entrer dans la phase préparatoire qui s’achève des éléments dont la nouveauté désorganise la défense de l’adversaire ».

Dans un arrêt du 5 décembre 2012 la Cour de cassation a réitéré sa position en considérant que des conclusions ou pièces tardives ne pouvaient être déclarées irrecevables qu’à la condition qu’il soit établi l’existence de circonstances particulières ayant empêché le respect de la contradiction (Cass. 1ère civ. 5 déc. 2012, n°11-20.552).

🡺Exceptions

Le principe d’irrecevabilité des conclusions et pièces tardives est assorti de quatre exceptions énoncées aux alinéas 2 et 3 de l’article 802 du CPC.

Ces exceptions se justifient par l’impossibilité pour le concluant, dans certains cas, de présenter ses demandes.

Aussi, des conclusions et pièces pourront toujours être produites dans les cas suivants :

  • Dépôt de demandes en intervention volontaire
    • Dans cette hypothèse, il s’agit d’autoriser les tiers à intervenir à l’instance, ces derniers ne pouvant pas connaître, par hypothèse, la date de clôture de l’instruction.
    • L’article 803, al. 2e du CPC précise que « si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l’instruction, l’ordonnance de clôture n’est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. »
    • Ainsi, c’est au juge de déterminer s’il y a lieu de révoquer l’ordonnance de clôture, ce qu’il sera contraint de faire si, compte tenu de l’objet de la demande en intervention volontaire, il n’est pas en mesure de statuer sur l’ensemble de l’affaire.
    • Reste que la Cour de cassation a néanmoins admis que le juge puisse choisir de statuer d’abord sur la cause principale, si la demande en intervention volontaire risque de retarder à l’excès le jugement sur le fond (V. en ce sens Cass. com. 20 févr. 2001, n°97-16.019).
  • Dépôt de conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats
    • Cette hypothèse se justifie par la nécessité d’actualiser les montant évoqués dans les conclusions prises par les parties.
    • La clôture de l’instruction n’interrompt nullement le cours des intérêts, ni l’exigibilité des loyers, raison pour laquelle il est nécessaire de permettre aux parties de mettre à jour leurs écritures, mais seulement sur ces éléments pécuniaires.
  • Formulation de demandes de révocation de l’ordonnance de clôture
    • Cette hypothèse se justifie par la reconnaissance même d’un droit de révoquer l’ordonnance de clôture.
    • Par hypothèse, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture ne peut être formulée que postérieurement à la décision du Juge, d’où cette dérogation au principe d’irrecevabilité des conclusions tardives posé par l’article 802 du CPC.
  • Dépôt de conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsqu’une cause d’interruption de l’instance interviendra postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture.
    • Afin de mettre en terme à l’interruption de l’instance et de solliciter sa reprise, il est nécessaire que les parties disposent de la faculté de déposer des conclusions.
    • Or dans la mesure où l’ordonnance de clôture a déjà été rendu, le principe d’irrecevabilité des écritures tardives y fait obstacle ; d’où l’exception posée par l’article 802 du CPC.
    • De nouvelles conclusions pourront ainsi être prises, mais uniquement aux fins de discuter de la reprise de l’instance.

Si la liste des exceptions au principe d’irrecevabilité des conclusions tardives est limitative, la Cour de cassation a, dans un arrêt du 20 juin 2012 admis un cinquième cas justifiant qu’il soit dérogé à ce principe : la demande de rejet de conclusions ou de pièces déposées à la dernière heure.

Dans cette décision, la première chambre civile a considéré que « si les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ ou des pièces ont été déposées en temps utile au sens de l’article 15 du code de procédure civile, ils se doivent de répondre à des conclusions qui en sollicitent le rejet, que ces dernières soient déposées avant ou après le prononcé de l’ordonnance de clôture »

C) La révocation de l’ordonnance de clôture ou le rabat de clôture

1. Les causes de révocation de l’ordonnance de clôture

Il ressort des termes de l’article 803 du CPC que la révocation de l’ordonnance de clôture peut être prononcée dans trois cas :

  • La cause grave
  • La demande en intervention volontaire
  • L’orientation des parties vers une audience de règlement amiable

🡺Premier cas : la cause grave

L’article 803, al. 1er du CPC dispose que « l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue »

Bien que la cause grave ne soit pas définie par les textes, l’article 803 du CPC exclut d’emblée la constitution d’avocat postérieurement à la clôture.

À l’examen, par cause grave, il ne peut s’agir que d’une circonstance indépendante de la volonté du demandeur, qui s’est révélée à lui postérieurement à l’ordonnance de clôture et qui est de nature à avoir une incidence sur la solution du litige.

La combinaison de ces deux éléments réunis à conduit la jurisprudence :

  • À admettre la cause grave
    • En cas de communication d’une pièce dont dépend la solution du litige
    • En cas de retard dans l’octroi de l’aide juridictionnel auquel était subordonnée l’intervention de l’avocat
  • À exclure la cause grave
    • En cas de délai suffisant pour répondre à des conclusions déposées à une date proche de la clôture
    • En cas de succession d’avocat

🡺Deuxième cas : la demande en intervention volontaire

L’article 803, al. 2 du CPC prévoit que la demande en intervention volontaire peut justifier la révocation de l’ordonnance de clôture, à la condition néanmoins que le Tribunal ne soit pas en mesure de statuer sur le tout de l’affaire, sans que cette nouvelle demande ne soit instruite.

Reste que la révocation de l’ordonnance de clôture par le juge dans cette circonstance n’est qu’une simple faculté.

🡺Troisième cas : l’orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 803, al. 4e du CPC prévoit que « l’ordonnance de clôture peut également être révoquée, après recueil de l’avis des parties, afin de permettre au juge de la mise en état, conformément à l’article 785, de décider de la convocation des parties à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues aux articles 774-1 à 774-4. »

Cette cause de révocation de l’ordonnance de clôture a été introduite par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023.

Pour mémoire, « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige. »

L’objectif recherché ici est de laisser une dernière chance aux parties de trouver un compromis avant que leur litige ne soit tranché par la formation de jugement.

2. La demande de révocation de l’ordonnance de clôture

L’article 803, al. 3 du CPC dispose que « l’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties ».

Dans le premier cas de figure, la Cour de cassation considère « qu’en application de l’article 783 [803 nouveau] du Code de procédure civile, les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture doivent être formées par conclusions » (Cass. 2e civ. 1er avr. 2004, n°02-13.996).

3. La décision de révocation de l’ordonnance de clôture

🡺Pouvoirs du juge

L’article 803, al. 3 du CPC prévoit que « l’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l’ouverture des débats, par décision du tribunal. »

Il ressort de cette disposition que la décision de révocation de l’ordonnance de clôture peut intervenir dans trois cas :

  • La juge peut révoquer d’office l’ordonnance de clôture sans que cette révocation ait été sollicitée par les parties
  • Le juge peut révoquer l’ordonnance de clôture à la demande des parties, à la condition qu’elles justifient d’une cause grave
  • L’ordonnance est révoquée par décision du Tribunal réuni dans sa formation de jugement, d’où il s’ensuit une réouverture les débats

Ainsi, l’ordonnance de clôture peut être révoquée :

  • Soit par le Juge de la mise en état, lequel demeure saisi jusqu’à la date de l’audience
  • Soit par le Tribunal lui-même même qui est saisi à compter de la date de l’audience

Dans cette dernière hypothèse, soit lorsque c’est le Tribunal qui est saisi, il convient de distinguer deux hypothèses :

  • Le Tribunal prononce la réouverture des débats avec révocation de l’ordonnance de clôture
    • Dans cette hypothèse, les parties disposent de la faculté de conclure sur tous les points du litige pendant devant la juridiction, y compris formuler de nouvelles demandes (V. en ce sens Cass. 3e civ. 13 nov. 1997, n°95-15.705).
    • L’affaire est alors renvoyée devant le Juge de la mise en état
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que la réouverture des débats n’emportait pas révocation de l’ordonnance de clôture, de sorte qu’il appartient au Tribunal de le spécifier dans le dispositif de sa décision (Cass. 2e civ. 14 mai 1997, n°95-17.009)
    • Seul le renvoi de l’affaire devant le Juge de la mise en état vaut révocation de l’ordonnance de clôture (Cass. 2e civ. 19 févr. 2009, n°07-19.504).
  • Le Tribunal prononce la réouverture des débats sans révocation de l’ordonnance de clôture
    • Dans cette hypothèse, la réouverture des débats intervient sur le fondement de l’article 444 du CPC
    • Cette disposition prévoit que « le président peut ordonner la réouverture des débats. Il doit le faire chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés. »
    • La réouverture des débats n’est ici pas subordonnée à la révocation de l’ordonnance de clôture.
    • La conséquence est que les parties ne pourront conclure que sur le point de droit ou de fait soulevé par le juge

🡺Motivation de la décision de révocation

Bien que l’article 803 du CPC ne prévoit pas que l’ordonnance de révocation doive être motivée, la Cour de cassation l’exige, en particulier s’agissant de la caractérisation de la cause grave justifiant la décision prise.

4. Les effets de la révocation de l’ordonnance de clôture

La révocation de l’ordonnance de clôture a pour effet de rouvrir la phase d’instruction de l’affaire, de sorte que les parties sont autorisées à déposer de nouvelles conclusions et pièces.

La révocation de l’ordonnance est nécessairement totale, en ce sens que le Tribunal ne saurait limiter la réouverture des débats à la production de certaines conclusions ou pièces.

Les parties sont libres de conclure sur tous les points du litige qui leur sied, ce qui implique qu’ils soient autorisés à formuler de nouvelles demandes.

  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019
  2. V. en ce sens Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963; N. Fricero-Goujon, La caducité en droit judiciaire privé : thèse Nice, 1979 ; C. Pelletier, La caducité des actes juridiques en droit privé, L’Harmattan, coll. « logiques juridiques », 2004 ; R. Chaaban, La caducité des actes juridiques, LGDJ, 2006.
  3. R. Perrot, « Titre exécutoire : caducité d’une ordonnance d’homologation sur la pension alimentaire », RTD Civ., 2004, p. 559.
  4. M.-C. Aubry, « Retour sur la caducité en matière contractuelle », RTD Civ., 2012, p. 625.
  5. H. roland et L. Boyer, Introduction au droit, Litec, coll. « Traités », 2002, n°102, p. 38.
  6. Article 1089 du Code civil.
  7. Article 1043 du Code civil.
  8. Article 1042, alinéa 1er du Code civil.
  9. V. Wester-Ouisse, « La caducité en matière contractuelle : une notion à réinventer », JCP G, n°4, Janv. 2001, I 290.
  10. V. en ce sens F. Garron, La caducité du contrat : étude de droit privé, PU Aix-Marseille, 2000.
  11. Pour Caroline Pelletier la caducité envisagée par les civilistes et la caducité que l’on rencontre en droit judiciaire privé forment une seule et même notion (C. Pelletier, op. cit., n°402, p.494-495). À l’inverse, Rana Chaaban estime qu’il s’agit là de caducités différentes (R. Chaaban, op. cit., n°29, p. 20). Elle estime en ce sens que, « contrairement à la caducité judiciaire, la caducité de droit civil éteint un droit substantiel, et non un élément processuel ».
  12. V. en ce sens S. Guinchard, «Le temps dans la procédure civile », in XVe Colloque des instituts d’études judiciaires, Clermont-Ferrand, 13-14-15 octobre 1983, Annales de la faculté de droit et de science politique de Clermont-Ferrand, 1983, p. 65-76.
  13. R. Chaaban, op. cit., n°371, p. 333.
  14. Pierre Hébraud affirme en ce sens que les effets de l’acte caduc « se concentrent dans cette chute, sans rayonner au-delà, sans s’accompagner, notamment de rétroactivité » (P. Hébraud, Préface de la thèse de Y. Buffelan-Lanore, Essai sur la notion de caducité des actes juridiques en droit civil, LGDJ, 1963, p. VI).
  15. Dès 1971 la notion de caducité fait son apparition en droit des contrats. Dans trois arrêts remarqués, la Cour de cassation juge, par exemple, caduque une stipulation contractuelle qui ne satisfaisait plus, en cours d’exécution d’un contrat, à l’exigence de déterminabilité du prix (Cass. com., 27 avr. 1971, n° 69-10.843, n° 70-10.752 et n° 69-12.329 : Gaz. Pal. 1971, 2, p. 706, [3 arrêts] ; JCP G 1972, II, 16975 note J. Boré ; D. 1972, p. 353, note J. Ghestin, W. Rabinovitch).
  16. Caroline Pelletier note que le cantonnement de la caducité aux actes juridiques non entrés en vigueur « ne reflète plus l’état du droit positif et [qu’elle] peut, aussi, sans inconvénient, résulter d’un fait générateur intervenant après le début de l’exécution de l’acte juridique » (C. Pelletier, op. cit., n°3, p. 17).
  17. R. Houin, « Le problème des fictions en droit civil », Travaux de l’association H. Capitant, 1947, p. 247.
  18. J. Deprez, La rétroactivité dans les actes juridiques : Thèse, Rennes, 1953, n°1.
  19. Ibid., n°61.
  20. Cass. 2e civ., 2 déc. 1982 : Bull. civ. 1982, II, n° 158 ; RTD civ. 1983, p. 593, obs. R. Perrot; Cass. 2e civ., 13 févr. 1985 : JCP G 1985, IV, 15.
  21. Cass. ass. plén., 3 avr. 1987 : JCP G 1987, II, 20792, concl. M. Cabannes ; Gaz. Pal. 1987, 2, somm. p. 173, note H. Croze et Ch. Morel ; RTD civ. 1987, p. 401, obs. R. Perrot ; D. 1988, Somm. p. 122, obs. P. Julien.
  22. Cass. soc., 21 mai 1996 : D. 1996, inf. rap. p. 154 ; Civ. 2e, 3 mai 2001, n° 99-13.592, D. 2001. 1671; RTD civ. 2001. 667, obs. R. Perrot, Bull. civ. II, n° 89 ; Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n° 99-16.269: Bull. civ. 2001, II, n° 153; Com. 14 mars 2006, n° 03-10.945.
  23. V. en ce sens L. Miniato, « La loi du 17 juin 2008 rend-elle caduque la jurisprudence de l’assemblée plénière de la Cour de cassation ? », Dalloz, 2008, p. 2592.

Débats oraux: la police de l’audience

?Principe

L’article 439 al. 1er du CPC pose le principe que « les personnes qui assistent à l’audience doivent observer une attitude digne et garder le respect dû à la justice. »

À cet égard, cette disposition poursuit en précisant que « il leur est interdit de parler sans y avoir été invitées, de donner des signes d’approbation ou de désapprobation, ou de causer du désordre de quelque nature que ce soit. »

L’article 439 du CPC fait indéniablement écho au premier alinéa de l’article 24 qui dispose que « les parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice. »

?Pouvoirs du Président

Le pouvoir de police de l’audience est assuré par le Président du Tribunal qui, en application de l’article 438, al. 1er du CPC veille à l’ordre de l’audience.

Afin de faire cesser le trouble survenu à l’audience, le Président dispose de plusieurs alternatives. Il peut :

  • Adresser des injonctions à la personne à l’origine de ce trouble (art. 24, al. 2e CPC)
  • Faire expulser cette personne si elle n’obtempère pas (art. 439, al. 2e CPC)
  • Prononcer, même d’office, suivant la gravité des manquements supprimer les écrits, les déclarer calomnieux, ordonner l’impression et l’affichage de ses jugements (art. 24, al. 2e CPC)

L’article 438 du CPC précise que « tout ce qu’il ordonne pour l’assurer doit être immédiatement exécuté ». Le Président du Tribunal pourra ainsi solliciter le concours de la force publique afin, notamment, de procéder à l’expulsion de la personne à l’origine du trouble.

?Sanctions encourues par les avocats

Sous l’empire du droit antérieur, le serment de l’avocat, tel qu’énoncé par la loi du 22 ventôse an XII, l’obligeait notamment à exercer sa profession « dans le respect des lois et des tribunaux » ainsi qu’à « ne rien dire de contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de l’État et à la paix public ».

Il en résultait la possibilité pour la juridiction saisie d’un litige de prononcer directement à l’endroit de l’avocat qui avait manqué son serment, une sanction disciplinaire.

Considérant qu’il y avait là « une intrusion u pouvoir judiciaire dans la fonction de défense qui requiert essentiellement la liberté », le législateur a retiré au juge cette faculté de prononcer une sanction l’avocat.

Désormais, l’article 25 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques dispose que « toute juridiction qui estime qu’un avocat a commis à l’audience un manquement aux obligations que lui impose son serment, peut saisir le procureur général en vue de poursuivre cet avocat devant l’instance disciplinaire dont il relève. »

Ainsi, en cas de délit d’audience, il appartient au Président du Tribunal de saisir le Procureur général auquel il appartiendra de diligenter des poursuites ou de classer l’affaire.

En cas de poursuites contre l’avocat, le procureur général peut alors saisir l’instance disciplinaire qui doit statuer dans le délai de quinze jours à compter de la saisine.

Faute d’avoir statué dans ce délai, l’instance disciplinaire est réputée avoir rejeté la demande et le procureur général peut interjeter appel.

La cour d’appel ne peut prononcer de sanction disciplinaire qu’après avoir invité le bâtonnier ou son représentant à formuler ses observations.

Lorsque le manquement a été commis devant une juridiction de France métropolitaine et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située dans un département ou un territoire d’outre-mer ou à Mayotte, le délai dont dispose l’instance disciplinaire pour statuer sur les poursuites est augmenté d’un mois.

Il en est de même lorsque le manquement a été commis devant une juridiction située dans un département ou un territoire d’outre-mer, ou à Mayotte, et qu’il y a lieu de saisir une instance disciplinaire située en France métropolitaine.

La saisie conservatoire de créances

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire de créances.

La saisie conservatoire de créances a pour finalité de rendre indisponibles les sommes détenues par un tiers pour le compte du débiteur et de les affecter au profit du créancier saisissant.

L’objet de cette saisie conservatoire est identique à celui de la saisie attribution : une créance de somme d’argent.

I) Les opérations de saisie

A) Procédure

  1. Opérations de saisie entre les mains du tiers

L’article R. 523-1 du CPCE prévoit que le créancier procède à la saisie au moyen d’un acte d’huissier signifié au tiers.

À peine de nullité, cet acte doit contenir les mentions suivantes (Code des procédures civiles d’exécution :

  • L’énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation judiciaire ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
  • La reproduction du troisième alinéa de l’article L. 141-2 du CPCE et de l’article L. 211-3 du CPCE, soit
    • D’une part, que ( L. 141-2 CPCE) :
      • L’acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l’objet.
      • Si la saisie porte sur des biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée est réputé gardien des objets saisis sous les sanctions prévues par l’article 314-6 du code pénal.
      • Si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription.
    • D’autre part, que ( L. 211-3 CPCE) :
      • Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Il convient de préciser que l’article L. 523-4 du CPCE n’impose pas une signification du titre exécutoire en exécution duquel est pratiquée à la saisie conservatoire. Il existe seulement sa présentation au tiers saisi.

Quant à l’acte de saisie en lui-même, il doit être signifié au tiers saisi, une fois la saisie régularisée.

À cet égard, en application de l’article 658 du Code de procédure civile, lorsque la signification est effectuée auprès d’une personne morale « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656. La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification. »

Dans un arrêt du 7 novembre 2002, la Cour de cassation a jugé qu’une saisie conservatoire de créances pouvait être signifiée à l’adresse de l’agence bancaire qui gère le compte du débiteur (Cass. 2e civ. 7 novembre 2002, n°01-02308).

a) Les obligations du tiers saisi

Le tiers saisi est tenu de fournir à l’huissier les renseignements prévus à l’article L. 211-3 du CPCE c’est-à-dire de lui déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Ces renseignements doivent être mentionnés sur l’acte de saisie (art. R. 523-4 CPCE).

II doit en outre lui remettre toutes pièces justificatives.

Ainsi, le tiers saisi a l’obligation de répondre sur-le-champ à l’huissier de justice instrumentaire, à l’instar de la procédure de saisie-attribution (Cass. 2e civ. 1er févr. 2006, n°04.11693).

Si elle n’est pas contestée avant l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, la déclaration du tiers est réputée exacte pour les seuls besoins de la saisie (art. R. 523-6 CPCE).

Enfin, le tiers saisi est tenu de ne pas se dessaisir des sommes saisies. Dans le cas contraire, il s’expose à être condamné à payer une seconde fois le créancier saisissant, le premier paiement étant inopposable à ce dernier.

Toutefois, rien n’interdit l’huissier de justice, à l’instar du créancier ou du débiteur, de saisir le JEX aux fins de faire consigner les fonds saisis entre les mains d’un séquestre.

À cet égard, l’article R. 523-2 du CPCE dispose que la remise des fonds séquestrés arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi.

b) Les sanctions des obligations du tiers

L’article R. 523-5 du CPCE prévoit que le tiers qui ne fournit pas les renseignements prévus s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier.

II peut également être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Mais en cas de signification d’une saisie conservatoire de créance dans les conditions visées par l’article 659 du code de procédure civile, le tiers saisi, qui n’en a pas eu connaissance, ne peut être condamné au profit du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 13 juin 2002, n°00-22021).

Dans un autre cas où la signification avait été faite en mairie, il a été jugé que le défaut de diligences de l’huissier pour trouver le tiers saisi constituait un motif légitime de l’absence de réponse de ce dernier (Cass. 2e civ. 2ème 22 mars 2001, n°99-14941).

Dans un arrêt du 4 octobre 2001, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui avait observé que la sanction rigoureuse qui frappe le tiers saisi négligent appelle en contrepartie de la part de l’huissier un soin particulier dans la conduite de son interpellation et qu’à défaut, le tiers saisi a un motif légitime à ne pas répondre ou à répondre avec un certain retard (Cass. civ, 2ème 4 octobre 2001, n°99-20653).

Par ailleurs, la saisie conservatoire qui n’a pas été convertie en saisie-attribution lors du jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire du saisi, ne peut plus produire ses effets et ce jugement s’oppose à ce que le créancier poursuivant puisse faire condamner le tiers saisi qui ne fournit pas les renseignements prévus (Cass. civ. 2ème 20 octobre 2005, n°04-10870).

2. Dénonciation de la saisie au débiteur

À peine de caducité de la saisie conservatoire, celle-ci doit être portée à la connaissance du débiteur dans un délai de huit jours au moyen d’un acte d’huissier (art. R. 523-3 CPCE).

Dans un arrêt du 6 mai 2004 la Cour de cassation a jugé que la caducité de la saisie conservatoire (qui n’avait pas été portée à la connaissance du débiteur dans le délai visé par l’article R. 523-3 du CPCE) la prive de tous ses effets et, s’oppose donc à ce que le créancier saisissant puisse faire condamner le tiers saisi sur le fondement de l’article R. 523-5 du CPCE (Cass. civ. 2ème 6 mai 2004, n°02-12484).

Cet acte contient, à peine de nullité, selon l’énumération figurant au deuxième alinéa de l’article R. 523-3 du CPCE :

  • Une copie de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet, suivant l’article 495 du C. proc. civ. « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée », toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre ainsi que du montant de la dette ;
  • Une copie du procès-verbal de saisie ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • La reproduction des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE ;
  • L’indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l’article R. 162-2 du CPCE ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.

B) Effets de la saisie conservatoire

  1. Indisponibilité et consignation des sommes saisies

L’acte de saisie rend indisponibles, à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n’est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée, les sommes saisies (art. L. 523-1 CPCE).

À la différence de la saisie-attribution, la saisie conservatoire n’opère pas un transfert de propriété des sommes saisies à la faveur du créancier saisissant. Les fonds saisis demeurent dans le patrimoine du débiteur. Ils sont seulement frappés d’indisponibilité (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 févr. 2007). Le débiteur ne dispose donc plus céder ou nantir sa créance.

En revanche, parce qu’elle fait toujours partie de son patrimoine, elle demeure pleinement saisissable.

En outre, la saisie emporte, de plein droit, consignation des sommes indisponibles (art. L. 523-1 CPCE).

En l’absence de précision de la part des textes, il est possible de considérer que cette consignation peut être effectuée entre les mains de l’huissier du créancier saisissant, comme c’est le cas en matière de saisie-vente pour le prix de vente amiable des biens saisis (art. R. 221-32 CPCE).

Toutefois, tout intéressé peut demander que les sommes saisies soient consignées entre les mains d’un séquestre.

Ce séquestre est désigné, à défaut d’accord amiable, par le juge de l’exécution saisi sur requête (art. R. 523-2, al.1 CPCE).

La remise des fonds au séquestre a pour effet d’arrêter le cours des intérêts dus par le tiers saisi (art. R. 523-2, al. 2 CPCE).

Il convient encore d’observer que la saisie conservatoire interrompt dès sa signification la prescription de la créance saisie entre les mains du tiers, conformément à l’article L. 141-2 du CPCE.

2. Affectation des sommes saisies au profit exclusif du créancier saisissant

L’article L. 523-1 du CPCE précise que la saisie conservatoire produit les effets d’une consignation prévus à l’article 2350 du code civil.

Ce texte dispose que le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et privilège de l’article 2333 du code civil, c’est-à-dire gage de la créance au profit exclusif du créancier.

Aux termes de cet article, le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l’objet, par privilège et préférence aux autres créanciers.

Ainsi le créancier premier saisissant n’est pas en concours avec les autres créanciers du débiteur pour l’attribution des sommes saisies (art. L. 521-1 CPCE).

C) Particularités de la saisie conservatoire pratiquée sur un compte de dépôt

Les dispositions de l’article L. 162-1 du CPCE sont applicables en cas de saisie conservatoire pratiquée entre les mains d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt.

Cet article précise les modalités de calcul du solde du ou des comptes de dépôt au jour de la saisie.

Il est rappelé que les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire (art. L. 3252-7 C. trav.).

Par ailleurs, l’époux commun en biens du débiteur peut bénéficier du régime de protection de ses salaires versés sur le compte prévu à l’article R. 162-9 du CPCE.

Les règles applicables aux avis à tiers détenteur et aux saisies de droit commun sont transposables aux saisies conservatoires.

Les créances insaisissables sont mises à disposition du titulaire du compte par le tiers saisi dans les conditions indiquées ci-après :

Conformément à l’article R. 162-2 du CPCE, lorsqu’un compte fait l’objet d’une saisie, le tiers saisi laisse à la disposition du débiteur personne physique, sans qu’aucune demande soit nécessaire, et dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d’un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul, mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, soit le revenu de solidarité active.

Il en avertit aussitôt le débiteur.

En cas de pluralité de comptes, il est opéré une mise à disposition au regard de l’ensemble des soldes créditeurs, la somme est imputée, en priorité, sur les fonds disponibles à vue.

Le tiers saisi informe sans délai l’huissier chargé du recouvrement du montant laissé à disposition du titulaire du compte ainsi que du ou des comptes sur lesquels est opérée cette mise à disposition.

En cas de saisies de comptes ouverts auprès d’établissements différents, l’huissier chargé du recouvrement détermine le ou les tiers saisis chargés de laisser à disposition la somme mentionnée au premier alinéa ainsi que les modalités de cette mise à disposition. Il en informe les tiers saisis (art. R. 162-2 CPCE).

Tout débiteur faisant l’objet d’une saisie sur son compte bancaire peut obtenir la mise à disposition des sommes insaisissables sur présentation à l’établissement bancaire des justificatifs attestant de cette insaisissabilité.

Lorsque ces sommes insaisissables proviennent de créances à échéances périodiques, telles que les sommes payées à titre de prestations familiales ou d’indemnités de chômage, du RSA, le débiteur peut en obtenir une mise à disposition immédiate (art. R. 162-4 CPCE).

Lorsque les sommes insaisissables proviennent d’une créance à échéance non périodique, la mise à disposition ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai de quinze jours pour la régularisation des opérations en cours (art. R. 162-5 CPCE).

II) Conversion en saisie-attribution

Le créancier qui a obtenu ou qui possède un titre exécutoire peut demander le paiement de la créance saisie.

L’article L. 523-2 du CPCE prévoit que cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie à concurrence des sommes dont le tiers saisi s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

A) Procédure

  1. Signification d’un acte de conversion au tiers saisi

L’article R. 523-7 du CPCE prévoit que le créancier doit faire signifier au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie-conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes dues en vertu du titre exécutoire, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

La nécessité de l’acte de signification a été rappelée par la Cour de cassation.

À cet égard, elle a censuré une cour d’appel qui avait déclaré que le tiers saisi était libéré de sa dette, sans constater la signification par le tiers saisissant au tiers saisi d’un acte de conversion de la saisie-conservatoire en saisie-attribution et le paiement par le tiers saisi entre les mains du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 23 novembre 2000, n°98-2279).

L’acte de conversion doit en outre informer le tiers que, dans cette limite, la demande de paiement entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier (art. R. 523-7, dernier alinéa CPCE).

Cette demande de paiement n’a toutefois d’effet que dans la limite de la créance visée par la saisie conservatoire.

2. Dénonciation de la conversion au débiteur

Une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au débiteur, étant précisé que l’article R. 523-8 du CPCE ne prescrit aucune mention obligatoire.

De la même manière, aucun délai n’est prévu pour cette dénonciation, mais le créancier saisissant a tout intérêt à agir rapidement, car c’est seulement à compter de la signification au débiteur que court le délai de contestation.

B) Contestation

Le débiteur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’acte de conversion pour contester celui-ci devant le juge de l’exécution (art. R. 523-9 CPCE).

Ce délai est prescrit à peine d’irrecevabilité.

La contestation doit en outre être dénoncée le même jour et sous peine de la même sanction à l’huissier qui a procédé à la saisie.

Le tiers saisi quant à lui, est informé de la contestation par son auteur et par lettre simple.

C) Paiement par le tiers saisi

  1. Moment du paiement

Le quatrième alinéa de l’article R. 523-9 du CPCE, prévoit que le tiers effectue le paiement sur présentation d’un certificat du greffe ou établi par l’huissier attestant que le débiteur n’a pas contesté l’acte de conversion.

Toutefois, le paiement peut intervenir avant l’expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester l’acte de conversion (art. R. 523-9, dernier alinéa CPCE).

Si la saisie conservatoire a porté sur des créances à exécution successive, le tiers saisi se libère entre les mains du créancier ou de son mandataire au fur et à mesure des échéances (art. R. 211-15, al. 2 CPCE).

En cas de contestation, le juge de l’exécution peut donner effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette. Dans ce cas, sa décision est exécutoire sur minute (art. R. 211-12, al.1 CPCE).

En outre, s’il apparaît que ni le montant de la créance du saisissant ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, le juge de l’exécution peut ordonner à titre provisionnel le paiement d’une somme qu’il détermine et prescrire, le cas échéant, des garanties. Sa décision n’a pas autorité de chose jugée au principal (art. R. 211-12, al.2 CPCE).

2. Effets du paiement

Dans la limite des sommes versées, le paiement éteint l’obligation du débiteur vis-à-vis du créancier saisissant et celle du tiers saisi à l’égard du débiteur (art. R. 211-7, alinéa 2 CPCE).

Quelle que soit la nature de la créance saisie, celui qui reçoit le paiement doit en donner quittance au tiers et en informer le débiteur (art. R. 211-7, al. 1 CPCE – cas général – et art. R. 211-15, al. 2 CPCE – créances à exécution successive).

3. Incidents

  • Refus de paiement
    • Si le tiers saisi refuse de payer les sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, le créancier doit saisir le juge de l’exécution afin que ce dernier lui délivre un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi ( R. 211-9 CPCE).
  • Défaut de paiement
    • Le créancier qui n’est pas payé conserve ses droits contre le débiteur saisi sauf si le défaut de paiement est imputable à sa propre négligence.
    • Dans ce cas, il perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi ( R. 211-8 CPCE).

La notion de responsable du traitement

Selon le groupe de l’article 29 la notion de responsable du traitement des données et son interaction avec la notion de sous-traitant des données jouent un rôle central dans l’application du RGPD, car elles déterminent la ou les personnes chargées de faire respecter les règles en matière de protection des données et la manière dont les personnes concernées peuvent exercer leurs droits dans la pratique.

Ainsi, en présence d’un traitement de données à caractère personnel il convient de déterminer le responsable à qui il échoit de respecter les règles de protection des droits et libertés et de supporter d’éventuelles sanctions administratives, civiles voire pénales.

Le rôle premier de la notion de responsable du traitement est donc de déterminer qui est chargé de faire respecter les règles de protection des données, et comment les personnes concernées peuvent exercer leurs droits dans la pratique. En d’autres termes, il s’agit d’attribuer les responsabilités.

L’article 3 de la loi informatique et libertés définit le responsable du traitement comme « la personne, l’autorité publique, le service ou l’organisme qui détermine ses finalités et ses moyens ».

Dans une approche plus restrictive, la convention 108 désigne le responsable du traitement comme le « «maître du fichier» lequel est « la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui est compétent selon la loi nationale, pour décider quelle sera la finalité du fichier automatisé, quelles catégories de données à caractère personnel doivent être enregistrées et quelles opérations leur seront appliquées. »

Cette définition n’a pas été retenue par le RGPD qui prévoit, en son article 4, 7), que le responsable du traitement est « la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement; lorsque les finalités et les moyens de ce traitement sont déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à sa désignation peuvent être prévus par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre ».

À l’examen, la définition du responsable du traitement énoncée dans la directive s’articule, selon le G29, autour de trois composantes principales :

  • L’aspect individuel: « la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme »
  • La possibilité d’une responsabilité pluraliste: « qui seul ou conjointement avec d’autres »
  • Les éléments essentiels qui permettent de distinguer le responsable du traitement des autres acteurs: « détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel »

Afin de déterminer la ou les personnes responsables d’un traitement de données à caractère personne, il convient de se reporter à la méthodologie élaborée par le G29 dans son avis 1/2010 sur les notions de «responsable du traitement» et de «sous-traitant».

I) L’aspect personnel

Le premier élément de la définition a trait à l’aspect personnel: qui peut être responsable du traitement, et donc considéré comme responsable en dernier ressort des obligations découlant de la directive.

La définition reproduit exactement le libellé de l’article 2 de la convention 108 et n’a fait l’objet d’aucun débat particulier lors du processus d’adoption de la directive. Elle renvoie à un vaste éventail de sujets susceptibles de jouer le rôle de responsable du traitement, de la personne physique à la personne morale, en passant par «tout autre organisme».

Il importe que l’interprétation de ce point garantisse la bonne application de la directive, en favorisant autant que possible une identification claire et univoque du responsable du traitement en toutes circonstances, même si aucune désignation officielle n’a été faite et rendue publique.

Il convient avant tout de s’écarter le moins possible de la pratique établie dans les secteurs public et privé par d’autres domaines du droit, tels que le droit civil, le droit administratif et le droit pénal.

Dans la plupart des cas, ces dispositions indiqueront à quelles personnes ou à quels organismes les responsabilités doivent être attribuées et permettront, en principe, d’identifier le responsable du traitement.

==> Principe : le responsable du traitement est une personne morale

Dans la perspective stratégique d’attribution des responsabilités, et afin que les personnes concernées puissent s’adresser à une entité plus stable et plus fiable lorsqu’elles exercent les droits qui leur sont conférés par la directive, il est préférable de considérer comme responsable du traitement la société ou l’organisme en tant que tel, plutôt qu’une personne en son sein.

C’est en effet la société ou l’organisme qu’il convient de considérer, en premier ressort, comme responsable du traitement des données et des obligations énoncées par la législation relative à la protection des données, à moins que certains éléments précis n’indiquent qu’une personne physique doive être responsable.

D’une manière générale, on partira du principe qu’une société ou un organisme public est responsable en tant que tel des opérations de traitement qui se déroulent dans son domaine d’activité et de risques.

Parfois, les sociétés et les organismes publics désignent une personne précise pour être responsable de l’exécution des opérations de traitement.

Cependant, même lorsqu’une personne physique est désignée pour veiller au respect des principes de protection des données ou pour traiter des données à caractère personnel, elle n’est pas responsable du traitement mais agit pour le compte de la personne morale (société ou organisme public), qui demeure responsable en cas de violation des principes, en sa qualité de responsable du traitement.

==> Exception : le responsable du traitement peut être une personne physique

Une analyse distincte s’impose dans le cas où une personne physique agissant au sein d’une personne morale utilise des données à des fins personnelles, en dehors du cadre et de l’éventuel contrôle des activités de la personne morale.

Dans ce cas, la personne physique en cause serait responsable du traitement décidé, et assumerait la responsabilité de cette utilisation de données à caractère personnel. Le responsable du traitement initial pourrait néanmoins conserver une certaine part de responsabilité si le nouveau traitement a eu lieu du fait d’une insuffisance des mesures de sécurité.

Ainsi, le rôle du responsable du traitement est décisif et revêt une importance particulière lorsqu’il s’agit de déterminer les responsabilités et d’infliger des sanctions.

Même si celles-ci varient d’un État membre à l’autre parce qu’elles sont imposées selon les droits nationaux, la nécessité d’identifier clairement la personne physique ou morale responsable des infractions à la législation sur la protection des données est sans nul doute un préalable indispensable à la bonne application de la loi informatique et libertés.

II) La possibilité d’une personne pluraliste

La possibilité que le responsable du traitement agisse «seul ou conjointement avec d’autres» n’avait pas été prévue initialement par les textes.

Ainsi, n’était-il pas envisagé le cas où tous les responsables du traitement décident de façon égale et sont responsables de façon égale d’un même traitement.

Pourtant, la réalité montre qu’il ne s’agit là que d’une des facettes de la «responsabilité pluraliste». Dans cette optique, «conjointement» doit être interprété comme signifiant «ensemble avec» ou «pas seul», sous différentes formes et associations.

Il convient tout d’abord de noter que la probabilité de voir de multiples acteurs participer au traitement de données à caractère personnel est naturellement liée à la multiplicité des activités qui, selon la loi, peuvent constituer un «traitement» devenant, au final, l’objet de la «coresponsabilité».

La définition du traitement énoncée à l’article 2 de la loi informatique et libertés n’exclut pas la possibilité que différents acteurs participent à plusieurs opérations ou ensembles d’opérations appliquées à des données à caractère personnel.

Ces opérations peuvent se dérouler simultanément ou en différentes étapes.

Dans un environnement aussi complexe, il importe d’autant plus que les rôles et les responsabilités puissent facilement être attribués, pour éviter que les complexités de la coresponsabilité n’aboutissent à un partage des responsabilités impossible à mettre en œuvre, qui compromettrait l’efficacité de la législation sur la protection des données.

Ainsi, une coresponsabilité naît lorsque plusieurs parties déterminent, pour certaines opérations de traitement :

  • soit la finalité
  • soit les éléments essentiels des moyens qui caractérisent un responsable du traitement

Cependant, dans le cadre d’une coresponsabilité, la participation des parties à la détermination conjointe peut revêtir différentes formes et n’est pas nécessairement partagée de façon égale.

En effet, lorsqu’il y a pluralité d’acteurs, ils peuvent entretenir une relation très proche (en partageant, par exemple, l’ensemble des finalités et des moyens d’une opération de traitement) ou, au contraire, plus distante (en ne partageant que les finalités ou les moyens, ou une partie de ceux-ci).

Dès lors, un large éventail de typologies de la coresponsabilité doit être examiné, et leurs conséquences juridiques évaluées, avec une certaine souplesse pour tenir compte de la complexité croissante de la réalité actuelle du traitement de données.

Par exemple, le simple fait que différentes parties coopèrent dans le traitement de données à caractère personnel, par exemple dans une chaîne, ne signifie pas qu’elles sont coresponsables dans tous les cas. En effet, un échange de données entre deux parties, sans partage des finalités ou des moyens dans un ensemble commun d’opérations, doit être considéré uniquement comme un transfert de données entre des responsables distincts.

L’appréciation peut toutefois être différente si plusieurs acteurs décident de créer une infrastructure commune afin de poursuivre leurs propres finalités individuelles. En créant cette infrastructure, ces acteurs déterminent les éléments essentiels des moyens à utiliser et deviennent coresponsables du traitement des données, du moins dans cette mesure, même s’ils ne partagent pas nécessairement les mêmes finalités.

À cet égard, l’article 26 du RGPD prévoit que :

  • D’une part, lorsque deux responsables du traitement ou plus déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement, ils sont les responsables conjoints du traitement. Les responsables conjoints du traitement définissent de manière transparente leurs obligations respectives aux fins d’assurer le respect des exigences du présent règlement, notamment en ce qui concerne l’exercice des droits de la personne concernée, et leurs obligations respectives quant à la communication des informations visées aux articles 13 et 14, par voie d’accord entre eux, sauf si, et dans la mesure, où leurs obligations respectives sont définies par le droit de l’Union ou par le droit de l’État membre auquel les responsables du traitement sont soumis. Un point de contact pour les personnes concernées peut être désigné dans l’accord.
  • D’autre part, l’accord visé au paragraphe 1 reflète dûment les rôles respectifs des responsables conjoints du traitement et leurs relations vis-à-vis des personnes concernées. Les grandes lignes de l’accord sont mises à la disposition de la personne concernée.
  • Enfin, indépendamment des termes de l’accord visé au paragraphe 1, la personne concernée peut exercer les droits que lui confère le présent règlement à l’égard de et contre chacun des responsables du traitement.

III) Les éléments essentiels qui permettent de distinguer le responsable du traitement des autres acteurs

Le responsable du traitement est celui qui « détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ».

Cette composante comporte deux éléments qu’il convient d’analyser séparément :

  • Détermine
  • Les finalités et les moyens du traitement

A) Détermine

La notion de responsable du traitement est une notion fonctionnelle, visant à attribuer les responsabilités aux personnes qui exercent une influence de fait, et elle s’appuie donc sur une analyse factuelle plutôt que formelle.

Par conséquent, un examen long et approfondi sera parfois nécessaire pour déterminer cette responsabilité. L’impératif d’efficacité impose cependant d’adopter une approche pragmatique pour assurer une prévisibilité de la responsabilité.

À cet égard, des règles empiriques et des présomptions concrètes sont nécessaires pour guider et simplifier l’application de la législation en matière de protection des données.

Ceci implique une interprétation de la directive garantissant que «l’organisme qui détermine» puisse être facilement et clairement identifié dans la plupart des cas, en s’appuyant sur les éléments de droit et/ou de fait à partir desquels l’on peut normalement déduire une influence de fait, en l’absence d’indices contraires.

Ces contextes peuvent être analysés et classés selon les trois catégories de situations suivantes, qui permettent d’aborder ces questions de façon systématique:

==> Responsabilité découlant d’une compétence explicitement donnée par la loi

Il s’agit notamment du cas visé dans la seconde partie de la définition, à savoir lorsque le responsable du traitement ou les critères spécifiques pour le désigner sont fixés par le droit national ou communautaire.

La désignation explicite du responsable du traitement par le droit n’est pas courante et ne présente généralement pas de grandes difficultés. Dans certains pays, le droit national prévoit que les pouvoirs publics assument la responsabilité du traitement des données à caractère personnel effectué dans le cadre de leurs fonctions

Il est cependant plus fréquent que la législation, plutôt que de désigner directement le responsable du traitement ou de fixer les critères de sa désignation, charge une personne, ou lui impose, de collecter et traiter certaines données.

Cela pourrait être le cas d’une entité qui se voit confier certaines missions publiques (par exemple, la sécurité sociale) ne pouvant être réalisées sans collecter au moins quelques données à caractère personnel, et qui crée un registre afin de s’en acquitter.

Dans ce cas, c’est donc le droit qui détermine le responsable du traitement. De façon plus générale, la loi peut obliger des entités publiques ou privées à conserver ou fournir certaines données. Ces entités seraient alors normalement considérées comme responsables de tout traitement de données à caractère personnel intervenant dans ce cadre.

==> Responsabilité découlant d’une compétence implicite

Il s’agit du cas où le pouvoir de déterminer n’est pas explicitement prévu par le droit, ni la conséquence directe de dispositions juridiques explicites, mais découle malgré tout de règles juridiques générales ou d’une pratique juridique établie relevant de différentes matières (droit civil, droit commercial, droit du travail, etc.).

Dans ce cas, les rôles traditionnels qui impliquent normalement une certaine responsabilité permettront d’identifier le responsable du traitement: par exemple, l’employeur pour les informations sur ses salariés, l’éditeur pour les informations sur ses abonnés, l’association pour les informations sur ses membres ou adhérents.

Dans tous ces exemples, le pouvoir de déterminer les activités de traitement peut être considéré comme naturellement lié au rôle fonctionnel d’une organisation (privée), entraînant au final également des responsabilités en matière de protection des données.

Du point de vue juridique, peu importe que le pouvoir de déterminer soit confié aux entités juridiques mentionnées, qu’il soit exercé par les organes appropriés agissant pour leur compte, ou par une personne physique dans le cadre de fonctions similaires.

==> Responsabilité découlant d’une influence de fait

Il s’agit du cas où la responsabilité du traitement est attribuée après une évaluation des circonstances factuelles. Un examen des relations contractuelles entre les différentes parties concernées sera bien souvent nécessaire.

Cette évaluation permet de tirer des conclusions externes, attribuant le rôle et les obligations de responsable du traitement à une ou plusieurs parties.

Il peut arriver qu’un contrat ne désigne aucun responsable du traitement mais qu’il contienne suffisamment d’éléments pour attribuer cette responsabilité à une personne qui exerce apparemment un rôle prédominant à cet égard. Il se peut également que le contrat soit plus explicite en ce qui concerne le responsable du traitement.

S’il n’y a aucune raison de penser que les clauses contractuelles ne reflètent pas exactement la réalité, rien ne s’oppose à leur application. Les clauses d’un contrat ne sont toutefois pas toujours déterminantes, car les parties auraient alors la possibilité d’attribuer la responsabilité à qui elles l’entendent.

Le fait même qu’une personne détermine comment les données à caractère personnel sont traitées peut entraîner la qualification de responsable du traitement, même si cette qualification sort du cadre d’une relation contractuelle ou si elle est expressément exclue par un contrat.

B) Les finalités et les moyens du traitement

La détermination des finalités et des moyens revient à établir respectivement le «pourquoi» et le «comment» de certaines activités de traitement.

Dans cette optique, et puisque ces deux éléments sont indissociables, il est nécessaire de donner des indications sur le degré d’influence qu’une entité doit avoir sur le «pourquoi» et le «comment» pour être qualifiée de responsable du traitement.

Lorsqu’il s’agit d’évaluer la détermination des finalités et des moyens en vue d’attribuer le rôle de responsable du traitement, la question centrale qui se pose est donc le degré de précision auquel une personne doit déterminer les finalités et les moyens afin d’être considérée comme un responsable du traitement et, en corollaire, la marge de manœuvre que la directive laisse à un sous-traitant.

Ces définitions prennent tout leur sens lorsque divers acteurs interviennent dans le traitement de données à caractère personnel et qu’il est nécessaire de déterminer lesquels d’entre eux sont responsables du traitement (seuls ou conjointement avec d’autres) et lesquels sont à considérer comme des sous-traitants, le cas échéant.

L’importance à accorder aux finalités ou aux moyens peut varier en fonction du contexte particulier dans lequel intervient le traitement.

Il convient d’adopter une approche pragmatique mettant davantage l’accent sur le pouvoir discrétionnaire de déterminer les finalités et sur la latitude laissée pour prendre des décisions.

Les questions qui se posent alors sont celle du motif du traitement et celle du rôle d’éventuels acteurs liés, tels que les sociétés d’externalisation de services: la société qui a confié ses services à un prestataire extérieur aurait-elle traité les données si le responsable du traitement ne le lui avait pas demandé, et à quelles conditions?

Un sous-traitant pourrait suivre les indications générales données principalement sur les finalités et ne pas entrer dans les détails en ce qui concerne les moyens.

S’agissant de la détermination des «moyens», ce terme comprend de toute évidence des éléments très divers, ce qu’illustre d’ailleurs l’évolution de la définition.

En effet, «moyens» ne désigne pas seulement les moyens techniques de traiter des données à caractère personnel, mais également le «comment» du traitement, qui comprend des questions comme «quelles données seront traitées», «quels sont les tiers qui auront accès à ces données», «à quel moment les données seront-elles effacées», etc.

La détermination des «moyens» englobe donc à la fois des questions techniques et d’organisation, auxquelles les sous-traitants peuvent tout aussi bien répondre (par exemple, «quel matériel informatique ou logiciel utiliser?»), et des aspects essentiels qui sont traditionnellement et intrinsèquement réservés à l’appréciation du responsable du traitement, tels que «quelles sont les données à traiter?», «pendant combien de temps doivent-elles être traitées?», «qui doit y avoir accès», etc.

Dans ce contexte, alors que la détermination de la finalité du traitement emporterait systématiquement la qualification de responsable du traitement, la détermination des moyens impliquerait une responsabilité uniquement lorsqu’elle concerne les éléments essentiels des moyens.

Dans cette optique, il est tout à fait possible que les moyens techniques et d’organisation soient déterminés exclusivement par le sous-traitant des données.

Dans ce cas, lorsque les finalités sont bien définies mais qu’il existe peu, voire aucune indication sur les moyens techniques et d’organisation, les moyens devraient représenter une façon raisonnable d’atteindre la ou les finalités, et le responsable du traitement devrait être parfaitement informé des moyens utilisés.

Si un contractant avait une influence sur la finalité et qu’il procédait au traitement (également) à des fins personnelles, par exemple en utilisant les données à caractère personnel reçues en vue de créer des services à valeur ajoutée, il deviendrait alors responsable du traitement (ou éventuellement coresponsable du traitement) pour une autre activité de traitement et serait donc soumis à toutes les obligations prévues par la législation applicable en matière de protection des données.

Mariage: constitution du dossier, publication des bans et célébration

I) La constitution du dossier de mariage

L’article 63 du code civil liste les pièces devant être produites par les futurs époux pour la constitution de leur dossier de mariage.

Il précise à cet égard que doivent être fournis les documents suivants :

  • Les copies intégrales de leur acte de naissance ou le cas échéant, un acte de notoriété (pièces visées aux articles 70 et 71 du code civil) ;
  • La justification de l’identité au moyen d’une pièce délivrée par une autorité publique ;
  • L’indication des prénoms, nom, date et lieu de naissance, profession et domicile des témoins, sauf lorsque le mariage doit être célébré par une autorité étrangère

==> Sur la production de copie intégrale

L’article 70 du code civil prévoit la remise par chacun des futurs époux d’une copie intégrale de son acte de naissance à l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage.

Cet article précise que la copie de l’acte de naissance ne doit pas être datée de plus de trois mois si elle a été délivrée en France, six mois si elle a été délivrée dans un consulat à l’étranger.

Un certain nombre de questions ont été posées à la Chancellerie s’agissant de l’appréciation de ce délai.

S’agissant du point de départ du délai de validité de la copie intégrale de l’acte, celle-ci doit être appréciée au jour du dépôt du dossier du mariage et non au jour de la célébration du mariage dès lors que c’est ce dépôt qui conditionne la publication des bans.

Toutefois, si avant la célébration du mariage, l’état civil d’un des futurs époux a été modifié, celui-ci doit en aviser l’officier de l’état civil chargé de célébrer son mariage en produisant une nouvelle copie de son acte mis à jour.

Cette précaution, dont doivent être avertis les candidats au mariage au moment de la constitution de leur dossier, doit permettre d’éviter à l’usager de solliciter la rectification ultérieure de son acte de mariage.

Concernant la production d’un acte de naissance étranger, l’instruction générale relative à l’état civil (IGREC) préconise, par extension, que la copie soit datée de moins de six mois.

Les copies intégrales d’actes de naissance produites en vue de la célébration sont versées aux pièces annexes de l’acte de mariage.

==> Sur les autres pièces à produire

  • Justificatifs de domicile
    • Les dispositions figurant aux articles 165 et 166 du code civil requièrent que les futurs époux justifient du domicile ou de la résidence de l’un d’eux et/ou de leur parent, dès lors que cette preuve fonde la compétence de l’officier de l’état civil devant célébrer leur union et permet d’ordonner la publicité des bans à la mairie ou à l’autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage et à celles du domicile ou de la résidence des futurs époux.
    • En effet, les justificatifs du domicile et le cas échéant de la résidence des futurs époux sont requis pour permettre à l’officier de l’état civil célébrant le mariage d’adresser l’avis aux fins de publication des bans dans les diverses mairies et autorités diplomatiques ou consulaires françaises.
    • À cet égard, l’officier de l’état civil doit solliciter la production de toutes pièces justificatives permettant d’établir la réalité du domicile ou de la résidence à cette adresse (bail locatif, quittances de loyer, factures EDF, GDF, factures de téléphone à l’exclusion de téléphonie mobile, avis d’imposition ou de non-imposition, avis de taxe d’habitation, attestation ASSEDIC, attestation de l’employeur,…).
    • Si ces éléments de preuve ne sont pas exhaustifs, il convient de relever qu’une simple attestation sur l’honneur ne peut constituer une preuve suffisante.
    • Ces pièces doivent par ailleurs présenter un caractère récent au jour de la constitution du dossier.
    • En cas de doute, les officiers de l’état civil doivent saisir le parquet territorialement compétent.
  • Prévention de la bigamie
    • Quelle que soit la nationalité des futurs époux, les conditions d’ordre public de la loi française doivent être observées par ces derniers comme, par exemple, la prohibition de la bigamie prévue à l’article 147 du code civil.
    • Ainsi lorsque la copie d’acte de naissance ne permet pas de rapporter la preuve que le futur époux n’est pas lié par un précédent mariage (ex : mariage dissous par le décès d’un époux ou acte de naissance étranger provenant d’un système juridique ne prévoyant pas la mise à jour des actes de l’état civil, voir ci-dessus), cette preuve peut notamment être constituée par la production d’une copie de l’acte de décès de son précédent conjoint, par un certificat de coutume établi attestant du célibat de l’intéressé, etc.
    • S’agissant des ressortissants étrangers, ces derniers doivent rapporter la preuve du contenu de leur loi personnelle notamment par la production d’un certificat de coutume afin de permettre à l’officier de l’état civil de s’assurer du respect de ses conditions.

II) La publication des bans

Aux termes de l’article 63, al. 1er du Code civil « avant la célébration du mariage, l’officier de l’état civil fera une publication par voie d’affiche apposée à la porte de la maison commune. Cette publication énoncera les prénoms, noms, professions, domiciles et résidences des futurs époux, ainsi que le lieu où le mariage devra être célébré. ».

Cette obligation est plus connue sous le nom d’exigence de publication des bans.

==> Le moment de la publication des bans

La chancellerie a été interpellée sur la question de savoir à quel moment l’officier de l’état civil peut procéder à la publication des bans.

Sauf cas de dispense, les bans ne peuvent en principe être publiés qu’après que les futurs époux ont remis un dossier complet et le cas échéant, ont été auditionnés conformément à l’article 63 du code civil.

Toutefois, si le ou les futurs époux demeure(nt) dans l’attente de la preuve du contenu de sa (leur) loi personnelle, la publication des bans peut être effectuée sous réserve que les autres pièces précitées aient été produites.

==> L’avis de publication des bans

La loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a élargi le lieu de célébration du mariage au lieu du domicile ou de la résidence de l’un des parents d’un futur époux (articles 74 et 165 du code civil).

La circulaire du 29 mai 2013 de présentation de la loi du 17 mai 2013 a rappelé que cette loi n’avait pas modifié les dispositions relatives à la publication des bans.

Conformément à l’article 166 du code civil, la publication des bans est faite à la mairie du lieu du mariage ainsi qu’à la mairie du domicile ou à défaut de domicile à la mairie de la résidence de chacun des futurs époux.

Dès lors, l’officier de l’état civil chargé de célébrer le mariage doit adresser un avis de publication des bans à la mairie du domicile de chacun des époux.

À défaut de domicile en France, cette formalité sera faite à la mairie de la résidence en France du ou des époux.

En cas de domicile à l’étranger (et en l’absence de résidence en France), l’officier de l’état civil adressera un avis de publication à la représentation diplomatique ou consulaire française dans le ressort du domicile du futur époux de nationalité française.

Lorsque le futur époux est de nationalité étrangère, il lui appartient de faire procéder à cette publication des bans prévue par le droit français auprès de l’autorité locale compétente sous réserve que la loi étrangère reconnaisse cette formalité préalable au mariage.

La saisine du procureur de la République par l’officier de l’état civil communal ou consulaire en cas d’indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue à l’article 63 du code civil, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre des articles 146 et 180 du code civil ne suspend pas la publication des bans.

Celle-ci doit être opérée dès lors que les pièces requises ont été données et l’audition effectuée. La formule de l’avis de publication des bans indique pour chacun des futurs époux son domicile et éventuellement sa résidence, à défaut d’un domicile en France.

Cette indication permet de justifier la compétence de la mairie destinataire de l’avis pour procéder à la publicité du mariage.

Elle n’a pas pour objet de justifier la compétence de l’officier de l’état civil pour procéder à la célébration du mariage prévue par la loi.

L’élargissement par la loi du lieu du mariage au domicile ou à la résidence du ou des parents des futurs mariés ne justifie donc pas d’indiquer dans les avis de publication une résidence des futurs époux au domicile des parents.

III) La célébration du mariage

Rappelant que le mariage civil est le seul à produire des effets juridiques, à la différence du mariage religieux, l’article 165 du Code civil est modifié afin de consacrer explicitement et symboliquement le caractère républicain du mariage.

Cet article énonce que « le mariage sera célébré publiquement lors d’une cérémonie républicaine par l’officier de l’état civil de la commune dans laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs parents, aura son domicile ou sa résidence à la date de la publication prévue par l’article 63, et, en cas de dispense de publication, à la date de la dispense prévue à l’article 169 ci-après. ».

Ainsi, la publication des bans est une condition requise pour procéder à la célébration du mariage.

De même, le maire doit effectuer les vérifications légales résultant en particulier de l’article 63 du Code civil et visant à s’assurer de la véritable intention matrimoniale des futurs époux.

À l’issue de ces vérifications, le maire, en sa qualité d’officier de l’état civil doit, sauf opposition du parquet ou décision en ce sens du tribunal de grande instance, procéder à la célébration.

Comme rappelé dans la circulaire du 22 juin 2010 relative à la lutte contre les mariages simulés, il n’entre pas dans les pouvoirs du maire d’apprécier l’opportunité de la célébration d’un mariage, et, a fortiori, il ne peut refuser, pour des motifs d’ordre personnel, de respecter la loi et de célébrer un mariage.

Un tel refus exposerait l’officier de l’état civil au prononcé

  • D’une part, de sanctions administratives : suspension ou révocation en application de l’article L 2122-16 du code général des collectivités territoriales
  • D’autre part, de sanctions pénales : articles 432-1 et suivants du code pénal

Lors de la célébration, l’officier de l’état civil fera lecture aux époux des articles du Code civil énoncés à l’article 75 du même code à l’exception de l’article 220 dont la lecture a été supprimée.

Enfin, à l’issue de la célébration, l’officier de l’état civil invitera les époux et les témoins à signer avec lui l’acte de mariage lequel sera adapté si nécessaire selon le sexe des époux et nommera les époux dans l’ordre choisi par eux lors de la constitution du dossier de mariage.

L’officier de l’état civil, lors de la remise de celui-ci attirera l’attention des futurs époux sur ce point. Il remettra aux époux un livret de famille ou complètera pour les couples de personnes de sexe différent le livret de famille des parents ayant ensemble un enfant commun.

Pour mémoire, si l’un des époux possède un livret délivré à l’occasion de la naissance ou l’adoption de son enfant, ce livret ne pourra être complété avec la référence au mariage lorsque l’autre époux n’est pas le parent de l’enfant.

La rétroactivité de la loi fiscale

En matière fiscale, c’est la loi qui constitue la principale source de règles.

Est-ce à dire que le législateur peut légiférer comme bon lui semble ?

Certainement pas !

Le pouvoir du législateur connaît, en matière fiscale, trois catégories de limites :

1) Les limites qui tiennent aux principes constitutionnels qui encadrent le droit fiscal

  • Le principe de nécessité de l’impôt
  • Le principe d’égalité devant l’impôt
  • Le principe de légalité de l’impôt

2) Les limites qui tiennent aux droits fondamentaux et libertés reconnus aux contribuables

  • Droit au procès équitable
  • Principe d’inviolabilité du domicile
  • La sauvegarde du secret fiscal

3) Les limites qui tiennent à la rétroactivité de la loi fiscale

  • Dans une décision du n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, le Conseil constitutionnel a estimé que : «Le principe de non rétroactivité des lois n’a valeur constitutionnelle, en vertu de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qu’en matière répressive ; que néanmoins, si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ».
  • Il ressort de cette décision qu’une distinction doit donc être faite entre
    • La loi fiscale en matière répressive
    • La loi fiscale en matière non-répressive

==> La loi fiscale en matière répressive

  • Principe
    • Principe absolu de non-rétroactivité de la loi fiscale en matière répressive
  • Fondement
    • Article 8 de la DDHC
      • Selon cette disposition : « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée»
    • Conformément à cette disposition, le législateur ne saurait édicter de nouvelles sanctions applicables aux contribuables pour des agissements antérieurs à la publication de la loi nouvelle et qui donc ne tombaient pas sous le coup de la loi ancienne.

==> La loi fiscale en matière non-répressive

  • Principe
    • Principe relatif de non-rétroactivité de la loi fiscale en matière non-répressive
  • Fondement
    • Article 2 du Code civil
      • Selon cette disposition : « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif»
    • Ainsi pour le Conseil constitutionnel, c’est « par exception aux dispositions de valeur législative de l’article 2 du Code civil que le législateur peut, pour des raisons d’intérêt général, modifier rétroactivement les règles que l’administration fiscale et le juge de l’impôt ont pour mission d’appliquer» ( Const. décision n°86-223 du 29 décembre 1986)
  • Exceptions
    • Les lois expressément rétroactives : la petite rétroactivité fiscale
      • Principe
        • Cette disposition n’ayant qu’une valeur législative, législateur peut y déroger à sa guise, à tout le moins autant que la loi qu’il édicte est conforme aux normes supérieures
      • Conditions
        • La loi doit être expressément rétroactive, c’est-à-dire présentée comme telle par le législateur
        • La loi doit revêtir un caractère exceptionnel
        • Le législateur doit poursuivre un but d’intérêt général
        • Respect de l’acquisition de la prescription légale
        • La loi ne doit pas porter atteinte aux espérances légitimes des contribuables (V. en ce sens CE, plén. fisc., 9 mai 2012, n° 308996, min. c/ Sté EPI, note S. Vailhen)
    • Les lois de validation : la grande rétroactivité fiscale
      • Principe
        • Il s’agit d’une« loi votée par le Parlement dont l’objet ou l’effet est de valider rétroactivement des actes juridiques qui n’avaient pas été créés valablement sous l’empire d’une loi ancienne, de manière à les rendre définitifs et insusceptibles d’annulation. (V. en ce sens CEDH 25 nov. 2010, Lilly France c. France, n° 20429/07)
      • Conditions
        • Respect du principe des décisions de justice passées en force de chose jugée
        • Respect de l’acquisition de la prescription légale
        • La loi de validation ne doit pas porter atteinte au principe de non-rétroactivité en matière répressive
        • Le législateur doit poursuivre un but d’intérêt général
        • La mesure adoptée doit être proportionnelle à l’objectif poursuivi
    • Les lois interprétatives
      • Selon Philippe Malinvaud la loi interprétative est, le plus souvent, adoptée en vue de « redresser l’interprétation faite de la loi par la jurisprudence qui ne serait pas conforme à l’intention du législateur».
      • Il s’agit, autrement dit, d’une loi qui vient interpréter une disposition fiscale obscure
      • Le législateur n’ajoute rien au dispositif fiscal en vigueur
      • Il apporte simplement un éclairage quant à l’interprétation de la règle.