Les caractères du cautionnement: accessoire, consensuel et unilatéral

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs du cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur les caractères de l’opération.

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenue que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

La notion de cautionnement: éléments constitutifs et caractères

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

§1: Les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement

Le cautionnement consiste donc en une opération triangulaire à laquelle interviennent trois personnes : un créancier, un débiteur et une caution.

  • Un premier rapport – principal – se noue entre le créancier et le débiteur qui entretiennent entre eux un lien d’obligation
  • Un deuxième rapport – accessoire – se crée entre la caution et le créancier, la première s’engageant contractuellement à payer le second en cas de défaillance du débiteur
  • Un troisième rapport est établi entre la caution et le débiteur. Il se distingue des deux autres en ce qu’il ne consiste pas en un lien d’obligation. Il ne sera mis en jeu qu’en cas de défaillance du débiteur.

Pratiquement, en cas de défaillance du débiteur principal, soit s’il n’exécute pas l’obligation à laquelle il est tenu envers le créancier, ce dernier pourra actionner en paiement la caution au titre de l’engagement accessoire auquel elle a souscrit.

Après avoir désintéressé le créancier, la caution pourra alors se retourner contre le débiteur aux fins d’être remboursée à concurrence de ce qu’elle a payé.

Analysons désormais, un à un, les trois rapports autour desquels s’articule l’opération de cautionnement.

I) Le rapport entre le créancier et le débiteur

Le cautionnement ne se conçoit, pour mémoire, que s’il existe une obligation principale à garantir.

C’est là la raison d’être de n’importe quelle sûreté : conférer au créancier un droit – personnel ou réel – qui lui procure une position le prémunissant du risque de défaillance de son débiteur.

Chez les romains, l’engagement pris au titre d’un cautionnement se confondait avec l’obligation garantie, si bien que la caution et le débiteur étaient solidairement tenus envers le créancier.

Tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’engagement souscrit par la caution est distinct de l’obligation principale, bien qu’accessoire à cette dernière.

La question qui alors se pose est de savoir si toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement.

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter aux articles 2292 et 2293 du Code civil qui fixent les exigences auxquelles l’obligation cautionnée doit répondre.

  • Une obligation valable
    • La spécificité – sans doute la plus importante – du cautionnement réside dans son caractère accessoire.
    • Par accessoire, il faut comprendre que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.
    • Pour cette raison, l’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable», soit une obligation qui n’est entachée d’aucune irrégularité quant à ses éléments constitutifs.
    • Un contrat qui serait frappé de nullité ne peut donc pas faire l’objet d’un cautionnement. Il s’agit là d’un empêchement dirimant à l’engagement de caution.
    • Par exception à la règle, l’alinéa 2 de l’article 2293 du Code civil prévoit que « celui qui se porte caution d’une personne physique dont il savait qu’elle n’avait pas la capacité de contracter est tenu de son engagement. »
  • Une obligation présente ou future
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures […]. »
    • L’obligation présente est celle qui naît au jour de la souscription du cautionnement, peu importe qu’elle soit ou non exigible à cette même date.
    • S’agissant de l’obligation future, il s’agit de celle dont le fait générateur survient postérieurement à la souscription du cautionnement.
    • Si le cautionnement de dettes futures est admis, encore faut-il que l’obligation cautionnée soit déterminable.
  • Une obligation déterminée déterminable
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations […] déterminées ou déterminables. »
    • Il ressort de cette disposition que le cautionnement peut avoir pour objet n’importe quelle obligation, pourvu qu’elle soit déterminable.
    • À cet égard, l’article 1163, al. 3e du Code civil prévoit que « la prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire. »
    • Appliquée au cautionnement, cette règle implique, en substance, que l’acte régularisé par la caution soit suffisamment précis pour que l’on soit en mesure de déterminer l’étendue de son engagement.

Au bilan, il se dégage des articles 2292 et 2293 du Code civil que toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement, dès lors qu’elles sont valables et déterminables.

Qu’il s’agisse de leur source ou de leur nature, elles tous deux sont sans incidence sur la potentialité d’une dette être cautionnée.

  • S’agissant de la source de l’obligation cautionnée
    • Si, dans la très grande majorité des cas, les obligations cautionnées résultent de la conclusion d’un contrat, on s’est demandé si les obligations qui trouvent leur source dans un délit ou quasi-délit ne pouvaient pas également faire l’objet d’un cautionnement.
    • Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusé à l’admettre (V. en ce sens 2e civ. 13 déc. 1993).
    • Au soutien de cette position, il a été avancé est que le cautionnement ne pouvait avoir pour objet qu’une obligation valable.
    • Or un délit ou quasi-délit futur présente, par hypothèse, un caractère illicite.
    • D’où le refus de la Cour de cassation de reconnaître la validité d’un cautionnement qui porterait sur une obligation délictuelle.
    • Un revirement a néanmoins été opéré par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 octobre 1996.
    • Dans cette décision, la Première chambre civile a jugé que « le cautionnement garantissant le paiement à la victime de créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit est licite» (Cass. 1ère 8 oct. 1996, n°94-19.239).
    • Elle a réaffirmé cette solution, en des termes similaires, dans un arrêt du 13 mai 1998 ( 1ère civ. 13 mai 1998, n°96-14.852).
    • Depuis lors, cette position adoptée par la Cour de cassation n’a pas été remise en cause.
  • S’agissant de la nature de l’obligation cautionnée
    • L’obligation cautionnée consiste, en principe, pour le débiteur à payer au créancier une somme d’argent.
    • Dans le silence des textes, rien n’interdit toutefois que le cautionnement ait pour objet une obligation de faire, soit une obligation consistant pour le débiteur à fournir une prestation autre que le transfert d’une somme d’argent.
      • Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
    • En cas de défaillance du débiteur, quid de l’exécution de l’obligation de la caution ?
    • En application de l’article 1231-1 du Code civil, les auteurs s’accordent à dire que la caution ne sera nullement tenue de fournir la prestation promise par le débiteur initialement.
    • Elle devra seulement verser au créancier une somme d’argent qui correspond à la valeur de cette prestation.

II) Le rapport entre la caution et le créancier

==> La source du cautionnement : le contrat

Bien que le cautionnement tire sa raison d’être de l’existence d’une obligation principale à garantir, il ne se confond pas avec cette obligation.

Le cautionnement désigne le rapport qui se noue entre, d’un côté, le créancier de l’obligation cautionnée et, d’un autre côté, la personne qui s’oblige à payer en cas de défaillance du débiteur, la caution.

La spécificité du lien qui unit le créancier à la caution réside dans sa nature conventionnelle. Car un cautionnement procède toujours de la conclusion d’un contrat.

C’est là une particularité qui le distingue des sûretés réelles, lesquelles peuvent puiser leur source indifféremment dans la loi, le contrat ou la décision du juge.

Tel n’est pas le cas du cautionnement qui peut certes être imposé par la loi ou par le juge, auquel cas on le qualifiera de légal ou de judiciaire.

Néanmoins, dans ces deux hypothèses, la constitution du cautionnement ne procédera nullement d’une obligation qui pèserait sur un tiers de garantir la dette d’autrui.

Il s’agit seulement pour la loi ou pour le juge de subordonner l’octroi ou le maintien d’un droit à la fourniture par le débiteur d’une caution.

Celui qui donc accepte de se porter caution au profit du débiteur le fera toujours volontairement, sans que la loi ou le juge ne l’y obligent.

Aussi, le cautionnement que l’on qualifie couramment – et par abus de langage – de légal ou judiciaire s’analyse, en réalité, en une sûreté purement conventionnelle puisqu’il sera souscrit dans le cadre de la conclusion d’un contrat entre un tiers (la caution) et le débiteur.

Il en résulte qu’il est soumis, pour une large part, au droit des obligations et plus précisément aux règles qui intéressent la formation, le contenu et l’extinction du contrat.

==> Les parties au contrat de cautionnement

Parce que le cautionnement est un contrat, il est nécessairement le produit de la rencontre des volontés de deux personnes : la caution et le créancier.

  • La caution
    • La caution, désignée parfois sous le qualificatif de fidéjusseur en référence au fidejussor qui endossait le rôle de caution en droit romain, n’est autre que la personne qui s’engage envers le créancier à payer en lieu et place du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
    • En application du principe de l’autonomie de la volonté, une personne ne saurait valablement se porter caution sans y avoir consenti.
    • Aussi, ne peut-on être obligé à un cautionnement contre son gré ou à son insu : la souscription d’un engagement de caution procède toujours d’une démarche volontaire.
    • Par ailleurs, pour être partie à un contrat de cautionnement il faut justifier de la capacité juridique requise, soit disposer de la capacité à contracter, ce qui n’est pas le cas des mineurs ou des majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle.
    • Dès lors, en revanche, que la condition tenant à la capacité est remplie, toute personne physique ou morale peut se porter caution.
    • En outre, il est indifférent que la personne qui s’oblige à cautionner la dette d’autrui endosse la qualité de consommateur ou de professionnel.
    • La qualité de la caution a pour seul effet de lui conférer une protection plus ou moins renforcée.
    • C’est ainsi que le cautionnement souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel est soumis à un régime juridique particulièrement contraignant.
    • Les exigences applicables sont, à l’inverse, bien moins rigoureuses lorsque le cautionnement est conclu en dehors d’une relation d’affaires.
  • Le créancier
    • Le créancier, qui peut indifféremment être une personne physique ou morale, est le bénéficiaire de l’engagement souscrit par la caution.
    • Dans cette opération triangulaire que constitue le cautionnement, il occupe une position pour le moins privilégiée puisque, tant dans ses rapports avec la caution, que dans ses rapports avec le débiteur principal, il se trouve toujours dans la situation de celui envers qui une prestation est due :
      • Le débiteur doit exécuter la prestation initialement promise
      • La caution doit garantir l’exécution de l’obligation du débiteur
    • S’agissant du cautionnement, la position du créancier est d’autant plus favorable qu’il s’agit d’un contrat unilatéral, en ce sens qu’il ne crée d’obligations qu’à la charge de la seule caution.
    • Dans ces conditions, la qualité du créancier devrait être sans incidence sur le régime applicable : qu’il endosse ou non la qualité de professionnel, le cautionnement souscrit par la caution devrait être soumis aux mêmes exigences.
    • Tel n’est toutefois pas le cas, le législateur ayant, au fil des réformes, mis à la charge des créanciers professionnels et notamment des établissements crédits un certain nombre d’obligations – toujours plus nombreuses – l’objectif recherché étant de conférer une protection à la caution.
    • Cette distinction entre créanciers professionnels et créanciers non-professionnels introduite initialement dans le Code de la consommation a été reprise par l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés.
    • Elle figure désormais dans le Code civil, corpus au sein duquel toutes les règles régissant le cautionnement ont été rassemblées.

==> La situation du débiteur

Parce que le cautionnement est un contrat, seuls la caution et le créancier endossent la qualité de partie.

Bien que le débiteur soit directement intéressé à l’opération, il y reste néanmoins étranger et doit donc, à ce titre, être regardé comme un tiers.

Aussi, le débiteur est-il insusceptible de fixer les termes du contrat de cautionnement, ni de s’ingérer dans son exécution.

La plupart du temps, l’engagement de caution sera, certes, pris sur la demande du débiteur.

L’article 2288 du Code civil prévoit toutefois expressément qu’un contrat de cautionnement peut être conclu à son insu, soit sans que son accord ait été sollicité, ni qu’il ait été informé.

III) Le rapport entre la caution et le débiteur

À la différence du lien qui unit le créancier au débiteur principal ou le créancier à la caution dont la qualification ne soulève pas de difficulté – il s’agit dans les deux cas d’un contrat – le rapport que la caution entretient avec le débiteur se laisse, quant à lui, plus difficilement saisir.

La raison en est que la nature de ce rapport est susceptible de varier selon les circonstances qui ont conduit à la conclusion du cautionnement.

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur
  • Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

A) Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur

Dans cette hypothèse, le cautionnement a été conclu sans que le débiteur ait donné son accord. Tout au plus, il peut avoir été informé de l’opération. Il n’en est toutefois pas à l’origine.

Faute de rencontre des volontés entre le débiteur et la caution, la qualification de contrat du lien qui les unit doit d’emblée être écartée.

Leur relation présente un caractère purement légal. Aussi, est-elle réduite à sa plus simple expression, soit se limite, en simplifiant à l’extrême, aux seuls recours que la loi confère à la caution contre le débiteur défaillant.

Au nombre de ces recours figurent :

  • Le recours personnel
    • L’article 2308 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu’elle a payées que pour les intérêts et les frais. »
  • Le recours subrogatoire
    • L’article 2309 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.»

Réciproquement, on pourrait imaginer que le débiteur dispose d’un recours contre la caution pour le cas où cette dernière ne déférerait pas à l’appel en garantie du créancier, cette situation étant susceptible de lui causer un préjudice.

Reste que, dans la configuration envisagée ici, l’engagement de caution a été pris indépendamment de la volonté du débiteur.

Dans ces conditions, on voit mal comment celui-ci pourrait se prévaloir d’une obligation qui n’est, ni prévue par la loi, ni ne peut trouver sa source dans un contrat.

D’aucuns soutiennent que lorsque le cautionnement est souscrit à l’insu du débiteur, il s’analyse en une gestion d’affaires, car il répondrait aux critères de l’acte de gestion utile.

Cette qualification, si elle était retenue par le juge, pourrait alors fonder une action du débiteur contre la caution, au titre des obligations qui pèsent sur le gérant d’affaires.

L’article 1301 du Code civil prévoit notamment qu’il « est soumis, dans l’accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d’un mandataire. »

L’article 1301-1 précise que le gérant « est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable ; il doit poursuivre la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou son successeur soit en mesure d’y pourvoir ».

Si l’on transpose ces règles au cautionnement, cela signifie que l’inexécution de l’engagement pris par la caution envers le créancier serait constitutive d’un manquement aux obligations qui lui échoient en sa qualité de gérant d’affaires.

Aussi, le débiteur serait-il fondé, en tant que maître de l’affaire, à engager la responsabilité de la caution.

Pour l’heure, aucune décision n’a, à notre connaissance, été rendue en ce sens. Par ailleurs, la doctrine est plutôt défavorable à l’application des règles de la gestion d’affaires au rapport caution-débiteur.

Des auteurs affirment en ce sens que la qualification de gestion d’affaires « nécessite une volonté de gérer les affaires d’autrui qui est ici trop ténue ; surtout, elle impliquerait la libération du garant dès l’acceptation de l’opération par le maître de l’affaire (le débiteur), ce qui est inconcevable »[2].

B) Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

Dans l’hypothèse où le cautionnement a été souscrit par la caution à la demande du débiteur, ce qui correspond à la situation la plus fréquente, il est admis que le rapport qu’ils entretiennent entre eux présente un caractère contractuel.

La raison en est que, dans cette configuration, l’engagement pris par la caution procède d’un accord, tacite ou exprès, conclu avec le débiteur à titre gratuit ou onéreux.

Tel est le cas, par exemple, lorsque le débiteur sollicite un établissement bancaire aux fins qu’il lui fournisse, moyennant rémunération, un service de caution.

Le recours à une caution professionnelle peut être exigé, soit par la loi ou le juge, soit par le prêteur lui-même en contrepartie de l’octroi d’un crédit.

Quels que soit les caractères de l’accord conclu entre le débiteur et la caution, il est le produit d’une rencontre des volontés, en conséquence de quoi il s’analyse en un contrat.

Reste à déterminer la qualification de ce contrat, ce qui n’est pas sans avoir fait l’objet d’une importante controverse.

Plusieurs qualifications ont, en effet, été attribuées par les auteurs à l’accord conclu entre le débiteur et la caution.

Ces qualifications diffèrent néanmoins selon que l’accord initial a donné lieu ou non à la régularisation d’un cautionnement.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

  • Le mandat
    • Les auteurs classiques ont d’abord vu dans le lien noué entre le débiteur et la caution un mandat.
    • En sollicitant la caution afin qu’elle garantisse l’exécution de l’obligation principale, le débiteur lui aurait, en effet, donné mandat de s’engager au profit du créancier.
    • A priori, cette approche est parfaitement compatible avec la qualification de mandat, lequel est défini à l’article 1984 du Code civil comme « l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom».
    • L’exécution du mandat consistant ainsi à accomplir un acte juridique au nom et pour le compte du mandant, il semble possible d’imaginer que cet acte puisse être un cautionnement.
    • Bien que séduisante, cette analyse est aujourd’hui unanimement réfutée par la doctrine.
    • Le principal argument avancé tient aux effets du mandat qui divergent fondamentalement de ceux attachés au contrat conclu entre le débiteur et la caution.
    • Lorsque dans le cadre de l’exercice de sa mission, le mandataire accompli un acte, il agit au nom et pour le compte du mandant, de sorte qu’il n’est pas engagé personnellement à l’opération.
    • Tel n’est pas le cas de la caution qui, lorsqu’elle conclut un cautionnement au profit du créancier, s’oblige personnellement à l’opération, quand bien même elle agit sur la demande du débiteur.
    • En cas de défaillance de celui-ci, c’est donc bien elle qui sera appelée en garantie et personne d’autre.
    • Pour cette raison, la relation que le débiteur entretient avec la caution ne peut pas s’analyser en un mandat.
  • Le contrat de commission
    • Afin de surmonter l’obstacle tenant aux effets du mandat qui, par nature, est une technique de représentation, des auteurs ont suggéré de qualifier le lien unissant le débiteur à la caution de mandat sans représentation, dont la forme la plus connue est le contrat de commission.
    • Au soutien de cette analyse, il est soutenu que le mandat pourrait avoir pour objet une représentation imparfaite, ce qui correspond à l’hypothèse où le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom ( 1154, al. 2e C. civ.)
    • La conséquence en est qu’il devient seul engagé à l’égard du cocontractant.
    • Celui qui est réputé être partie à l’acte ce n’est donc pas le représenté, comme en matière de représentation parfaite, mais le représentant qui endosse les qualités de créanciers et débiteurs.
    • Appliqué au rapport entretenu entre le débiteur et la caution, la qualification de mandat sans représentation permet d’expliquer pourquoi la caution est seule engagée au contrat de cautionnement.
    • Reste que cette qualification n’est pas totalement satisfaisante, elle présente une faille.
    • En effet, la conclusion d’un mandat de représentation suppose que l’engagement pris par le mandataire, qui donc agit en son nom personnel, soit exactement le même que l’obligation mise à la charge du mandant après le dénouement de l’opération.
    • Tel n’est cependant pas le cas en matière de cautionnement : l’obligation souscrite par la caution est différente de l’obligation qui pèse sur le débiteur.
    • L’engagement de la caution se limite à payer le créancier en cas de défaillance du débiteur, tandis que l’obligation mise à la charge de celui-ci a pour objet la fourniture de la prestation initialement promise.
    • Les deux obligations ne sont pas les mêmes, raison pour laquelle la qualification de mandat sans représentation ne s’applique pas au rapport caution-débiteur.
  • La promesse de cautionnement
    • Autre qualification attribuée à la relation entretenue par la caution avec le débiteur : la promesse de cautionnement.
    • Selon cette thèse, défendue par Franck Steinmetz, la caution endosserait la qualité de promettant, en ce sens qu’elle promettrait au débiteur de s’engager auprès du créancier à garantir l’exécution de l’obligation principale.
    • Là encore, cette proposition de qualification du rapport caution-débiteur n’emporte pas la conviction.
    • En premier lieu, une promesse de contrat a pour objet la conclusion d’un contrat définitif.
    • Par hypothèse, elle est donc conclue entre les mêmes parties que celles qui concluront l’accord final.
    • L’opération de cautionnement ne correspond pas à cette situation : la caution promet au débiteur de s’obliger à titre définitif non pas envers lui ce qui n’aurait pas de sens, mais envers une tierce personne, le créancier.
    • Il n’y a donc pas identité de parties entre la promesse de cautionnement et le contrat de cautionnement stricto sensu.
    • En second lieu, à supposer que l’engagement pris par la caution envers le débiteur s’analyse en une promesse, leurs rapports devraient prendre fin au moment même où le contrat de cautionnement est conclu.
    • Or tel n’est pas le cas. La relation entre le débiteur et la caution se poursuit bel et bien tant que le cautionnement n’est pas éteint.
    • Pour les deux raisons ainsi exposées, la qualification de promesse de contrat doit être écartée.
  • Le contrat de crédit
    • S’il est une qualification du rapport débiteur-caution qui fait l’unanimité : c’est celle de contrat de crédit.
    • En promettant au débiteur de payer le créancier qui le solliciterait, l’opération s’analyse incontestablement en un crédit.
    • Classiquement, on définit le crédit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait»[3].
    • Bien que correspondant au sens commun que l’on attache, en première intention, au crédit, cette définition est pour le moins étroite, sinon réductrice des opérations que recouvre en réalité la notion de crédit.
    • En effet, le crédit ne doit pas être confondu avec le prêt d’argent qui ne connaît qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds.
    • Tel n’est pas le cas du crédit qui, comme relevé par François Grua, « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette»[4].
    • Cette approche est confirmée par l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier qui définit le crédit comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie».
    • Il ressort de cette disposition que la loi envisage donc deux formes de crédit, la première consistant en la mise à disposition temporaire ou future de fonds, la seconde en l’octroi d’une garantie.
    • Le cautionnement, qui est nommément visé par le texte, appartient à la seconde catégorie.
    • Il constitue donc une opération de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier et relève donc, lorsqu’il est pratiqué de façon habituelle, du monopole des établissements bancaires et financiers ( L. 511-5, al. 1er CMF).
    • L’article 511-7 du Code monétaire et financier autorise toutefois une entreprise, « quelle que soit sa nature», dans l’exercice de son activité professionnelle, à consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement.
    • En application de cette disposition, il a été admis qu’il pouvait également s’agir pour une entreprise de se porter caution ou sous-caution, y compris à titre habituel, au profit d’un partenaire commercial.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

Il est des cas où, alors même que la caution s’est engagée envers le débiteur à le garantir de son obligation souscrite auprès du créancier, aucun cautionnement ne sera finalement régularisé.

Dans cette hypothèse, quelle qualification donner à l’accord conclu entre la caution et le débiteur ?

L’enjeu est ici de faire produire des effets à cet accord et plus encore de déterminer dans quelle mesure la caution est engagée envers le créancier alors même qu’elle n’a conclu aucun cautionnement avec lui, à tout le moins pas directement.

Certains auteurs estiment que, parce que l’accord intervenu entre la caution et le débiteur est pourvu de la force obligatoire attachée à n’importe quel contrat, la conclusion d’un contrat de cautionnement ne serait, au fond, pas indispensable.

Pratiquement, cela permettrait d’admettre qu’une caution puisse s’engager au profit d’un créancier indéterminé.

Au soutien de cette thèse, il a été soutenu que l’accord conclu entre le débiteur et la caution s’analyserait en une stipulation pour autrui.

Pour mémoire, la stipulation pour autrui est un contrat par lequel une partie appelée le stipulant, obtient d’une autre, appelée le promettant, l’engagement qu’elle donnera ou fera, ou ne fera pas quelque chose au profit d’un tiers appelé le bénéficiaire.

Il s’agit, autrement dit, de faire promettre, par voie contractuelle, à une personne qu’elle s’engage à accomplir une prestation au profit d’autrui.

L’une des applications la plus répandue de la stipulation pour autrui est l’assurance-vie. Le souscripteur du contrat d’assurance-vie fait promettre à l’assureur de verser un capital ou une rente, moyennant le paiement de primes, à un bénéficiaire désigné dans le contrat.

À l’instar du cautionnement, la stipulation pour autrui fait naître trois rapports :

  • Rapport stipulant-promettant
    • Parce que l’accord conclu entre le stipulant et le promettant s’analyse en un contrat, le promettant est tenu d’exécuter l’obligation promise à la faveur du bénéficiaire.
    • Ainsi, l’article 1209 du Code civil prévoit que « le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire».
  • Rapport promettant-bénéficiaire
    • L’article 1206 du Code civil prévoit que « le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation».
    • Cela signifie que le bénéficiaire peut contraindre le promettant à exécuter l’engagement pris à son profit aux termes de la stipulation, quand bien même il n’est pas partie au contrat.
    • C’est là l’originalité de la stipulation pour autrui, le droit dont est investi le bénéficiaire contre le promettant naît directement dans son patrimoine sans qu’il lui soit transmis par le stipulant.
  • Rapport stipulant-bénéficiaire
    • La stipulation pour autrui fait certes naître un droit direct au profit du bénéficiaire contre le promettant.
    • Ce droit demeure néanmoins précaire tant qu’il n’a pas été accepté par le bénéficiaire.
    • L’article 1206 du Code civil prévoit, en effet que « le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.»
    • Ce n’est donc que lorsque le bénéficiaire a accepté la stipulation que le droit stipulé à son profit devient irrévocable.

Il ressort de l’articulation des rapports entretenus par les personnes intéressées à la stipulation pour autrui, que cette opération présente de nombreuses ressemblances avec le cautionnement.

Afin de déterminer s’il y a identité entre les deux, superposons les rapports de l’une et l’autre opération :

  • Tout d’abord, le rapport entre le stipulant et le promettant correspondrait au rapport débiteur-caution
  • Ensuite, le rapport entre le promettant et le bénéficiaire correspondrait quant à lui au rapport caution-créancier
  • Enfin, le rapport entre le stipulant et le bénéficiaire correspondrait au rapport débiteur-créancier

Si donc l’on raisonne par analogie, à supposer que l’opération de cautionnement s’analyse en une stipulation pour autrui, cela signifierait que la caution serait engagée envers le bénéficiaire du seul fait de l’accord conclu avec le débiteur.

Il en résulterait alors deux conséquences :

  • Le créancier pourrait poursuivre la caution, alors même qu’aucun contrat de cautionnement n’a été conclu entre eux
  • Le débiteur pourrait contraindre la caution à exécuter l’engagement pris envers le créancier

Bien que séduisante, l’analogie opérée par une partie de doctrine entre le cautionnement et la stipulation pour autrui ne résiste pas à la critique pour deux raisons principales.

En premier lieu, le cautionnement est un contrat. L’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés n’est pas revenue sur cette spécificité.

Le nouvel article 2288 du Code civil prévoit en ce sens que « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il en résulte qu’il ne peut valablement produire ses effets qu’à la condition qu’il y ait un échange des consentements entre la caution et le débiteur.

L’article 2294 précise, à cet égard, que le cautionnement doit être exprès, ce qui signifie qu’il ne peut pas être présumé.

C’est là une différence majeure avec la stipulation pour autrui dont l’originalité réside précisément dans la création d’un lien d’obligation entre le promettant et le bénéficiaire sans qu’aucun accord ne soit directement intervenu entre eux.

Le promettant est personnellement engagé envers le bénéficiaire du seul fait du contrat conclu avec le stipulant.

Pour cette seule raison, l’analogie entre le cautionnement et la stipulation pour autrui est inopérante.

En second lieu, si, une fois régularisé, le contrat de cautionnement oblige la caution à payer le créancier en cas d’appel en garantie, c’est à la condition que ce dernier préserve les droits et actions dont il est investi à l’égard du débiteur.

L’article 2314 du Code civil prévoit, en effet, que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

Ainsi, le créancier doit-il prendre toutes les mesures utiles aux fins de ménager ce que l’on appelle le bénéfice de subrogation qui joue, de plein droit, au profit de la caution qui a payé en lieu et place du débiteur.

Pour que le créancier soit en mesure de satisfaire à cette obligation qui lui échoit, encore faut-il ait connaissance de l’engagement pris par la caution envers lui.

Or tel ne sera pas nécessairement le cas si l’on se place dans la configuration de la stipulation pour autrui : aucune obligation n’impose que le bénéficiaire soit informé de l’accord conclu entre le stipulant et le promettant.

Surtout, et c’est là un argument déterminant nous semble-t-il, le principe même de faire peser sur le créancier une obligation en matière de cautionnement – au cas particulier celle de préserver les droits et actions dans lesquels la caution est susceptible de se subroger – est incompatible avec la stipulation pour autrui qui ne peut jamais faire naître d’obligation à la charge du bénéficiaire.

Pour toutes ces raisons, le cautionnement ne saurait s’analyser en une stipulation pour autrui bien qu’il s’agisse là d’opérations dont les économies générales sont proches.

À cet égard, dans un arrêt du 18 décembre 2002, la Cour de cassation a prononcé la nullité d’un cautionnement qui reposait sur une stipulation pour autrui (Cass. 3e civ. 18 déc. 2002, n°99-18.141).

Il s’agissait en l’espèce, du cautionnement conclu entre un établissement bancaire et un entrepreneur principal au profit de ses sous-traitants.

La particularité de cette technique de garantie, qualifiée usuellement de « cautionnement-flotte » réside dans la couverture d’un risque global.

Il s’agit, en effet, pour l’entrepreneur principal de se faire garantir, comme l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 l’y oblige, le paiement de l’ensemble des sous-traitants qui ont vocation à intervenir sur le chantier pendant une période donnée.

Dans le silence des textes sur la forme que doit arborer cette garantie, une pratique s’était instituée consistant pour les établissements bancaires à cautionner de façon générale toutes opérations de sous-traitante présentes et futures, sans que le nom des sous-traitements ne soit expressément visé dans l’acte de cautionnement.

La Cour de cassation a condamné cette pratique au motif que « la caution personnelle et solidaire, garantissant le paiement de toutes les sommes dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant en application du sous-traité, doit comporter le nom de ce sous-traitant et le montant du marché garanti, ce qui exclut l’existence d’une stipulation pour autrui ».

Au soutien de sa décision, la troisième chambre civile rappelle que, en application de la loi du 31 décembre 1975, les opérations de sous-traitance doivent être garanties par une caution solidaire, mais également personnelle obtenue par l’entrepreneur auprès d’un établissement bancaire.

Il en résulte que la validité du cautionnement souscrit est subordonnée à la mention du nom du sous-traitant et des sommes garanties dans l’acte.

Par cette décision, la Cour de cassation a ainsi posé un principe de prohibition du cautionnement-flotte.

Dans un arrêt du 20 juin 2012, elle est toutefois revenue sur sa position en admettant qu’il puisse y être recouru pour garantir le paiement des sous-traitants (Cass. 3e civ. 20 juin 2012, n°11-18.463).

La haute juridiction a, en effet, reconnu la validité de cette technique de garantie dès lors que :

  • D’une part, un accord-cadre a été régularisé entre l’entrepreneur principal et l’établissement de crédit
  • D’autre part, cet accord prévoit la notification par l’entrepreneur principal à l’établissement de crédit des contrats de sous-traitance qu’il entend faire garantir et qu’il lui soit délivré en retour par ce dernier, dans les trois jours ouvrés suivant la notification de l’avis, une attestation de cautionnement.

Bien que, par cette décision, la validité du cautionnement-flotte soit désormais admise, les conditions posées par la Cour de cassation excluent toujours la qualification de stipulation pour autrui.

En effet, il n’est certes plus besoin de mentionner le nom du sous-traitant dans l’accord-cadre initial instituant le cautionnement.

Cette exigence resurgit néanmoins à chaque fois que l’entrepreneur principal contracte avec un nouveau sous-traitant. Il s’oblige à notifier le contrat de sous-traitance à la caution.

Cette exigence ne se retrouve pas dans la stipulation pour autrui, le bénéficiaire au profit duquel le promettant s’engage pouvant être une personne indéterminée au moment de la conclusion du contrat à l’origine de la créance (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 oct. 1959, n°58-10.056).

Le nouvel article 1205, al. 2e in fine du Code civil prévoit en ce sens que le bénéficiaire « peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de la promesse. »

S’agissant du cautionnement-flotte, la Cour de cassation exige que le sous-traitant, soit désigné dès la formalisation du contrat de sous-traitance, soit avant même que la caution soit appelée à exécuter son engagement ; d’où l’incompatibilité avec la stipulation pour autrui.

§2: Les caractères de l’opération de cautionnement

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenu que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément en application du principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

Le caractère consensuel du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère consensuel du cautionnement.

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[1].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

L’échange des consentements ou la rencontre de l’offre et de l’acceptation

?Théorie de l’offre et de l’acceptation

Le contrat n’est autre que le produit de la rencontre des volontés. Plus précisément, cette rencontre des volontés s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

Aussi, en dehors de la rencontre de l’offre et de l’acceptation aucun contrat ne saurait valablement se former, cette rencontre traduisant l’échange des consentements des parties.

Or conformément à la théorie de l’autonomie de la volonté, seules les parties qui ont exprimé leur consentement au contrat peuvent s’obliger. On saurait, en effet, contraindre une personne à contracter, sans qu’elle y consente.

?Réforme des obligations

Curieusement, en 1804, les rédacteurs du Code civil se sont surtout focalisés sur les conditions de validité et sur l’exécution du contrat.

Aussi, cela s’est fait au détriment du processus de conclusion du contrat qui était totalement ignoré par le Code civil.

Aucune disposition n’était, en effet, consacrée à la rencontre des volontés, alors même qu’il s’agit là du fait générateur du contrat.

Afin de remédier à cette carence, c’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de bâtir la théorie de l’offre et de l’acceptation, notamment à partir des dispositions relatives au consentement des parties.

Il ne restait alors plus qu’au législateur de consacrer cette construction prétorienne lors de la réforme du droit des obligations.

C’est ce qu’il a fait lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a introduit dans le Code civil plusieurs dispositions qui régissent le processus de conclusion du contrat (art. 1113 à 1122).

En introduction de la sous-section relative à « l’offre et l’acceptation », le nouvel article 1113 prévoit désormais que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Afin d’appréhender le mécanisme qui régit la rencontre des volontés, il conviendra, dès lors, dans un premier temps, de s’intéresser à l’émission de l’offre, puis, dans un second temps, à son acceptation.

I) L’offre

A) Notion

?Définition

L’offre de contracter, ou pollicitation, est un acte unilatéral de volonté par lequel une personne, le pollicitant, fait connaître, d’une part, son intention ferme de contracter avec une autre personne (le destinataire) et, d’autre part, les termes essentiels du contrat proposé.

L’offre est, en d’autres termes, une proposition à conclure un contrat

?Distinctions

L’offre doit être distinguée de plusieurs notions avec lesquelles il convient de ne pas la confondre :

  • Offre de contracter et engagement unilatéral de volonté
    • L’engagement unilatéral de volonté oblige son auteur à exécuter la prestation promise
    • L’offre de contracter n’engage à rien son auteur tant qu’elle n’a pas été acceptée, le principe étant qu’elle peut être librement révoquée.
  • Offre de contracter et invitation à entrer en pourparlers
    • L’invitation à entrer en pourparlers ne fixe pas les éléments essentiels du contrat, de sorte que si elle est acceptée, le contrat ne saurait être formé
    • L’offre de contracter prévoit quant à elles tous les éléments nécessaires à la rencontre des volontés. En cas d’acceptation, le contrat est conclu, sans que le pollicitant puisse négocier.
  • Offre de contracter et promesse unilatérale de contrat
    • La promesse unilatérale de contrat est un avant-contrat, en ce sens qu’elle est le produit d’un accord de volontés.
    • L’offre de contracter ne s’apparente pas à un avant-contrat, dans la mesure où, par définition, elle n’a pas été acceptée.

B) Les caractères de l’offre

Aux termes de l’article 1114 du Code civil, « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Bien que, étonnamment, cette disposition n’en fasse pas directement mention, il en ressort que, pour être valide, à tout le moins pour être efficace, l’offre doit être ferme et précise.

?La fermeté de l’offre

  • L’absence de réserve
    • L’offre doit être ferme
    • Par ferme, il faut entendre que le pollicitant a exprimé sa volonté « d’être lié en cas d’acceptation ».
    • Autrement dit, l’offre doit révéler la volonté irrévocable de son auteur de conclure le contrat proposé.
    • Plus concrètement, l’offre ne doit être assortie d’aucune réserve, ce qui aurait pour conséquence de permettre au pollicitant de faire échec à la formation du contrat en cas d’acceptation
    • Cela lui permettrait, en effet, de garder la possibilité de choisir son cocontractant parmi tous ceux qui ont répondu favorablement à l’offre
    • Or au regard de la théorie de l’offre et de l’acceptation, cela est inconcevable.
    • L’auteur de l’offre ne saurait disposer de la faculté d’émettre des réserves, dans la mesure où il est de l’essence de l’offre, une fois acceptée, d’entraîner instantanément la conclusion du contrat
    • Elle ne saurait, par conséquent, être assortie d’une condition, faute de quoi elle s’apparenterait à une simple invitation à entrer en pourparlers.
    • Dans un arrêt du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a, par exemple, censuré une Cour d’appel pour avoir estimé qu’une offre de prêt qui était assortie de « réserves d’usage » était valide (Cass. com. 10 janv. 2012, n°10-26.149).
    • Au soutien de sa décision la chambre commerciale avance que « un accord de principe donné par une banque ‘sous les réserves d’usage’ implique nécessairement que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours ».

Cass. com. 10 janv. 2012

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1382 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 5 mai 2007, M. X… et Mme Y… ont signé un compromis de vente portant sur l’acquisition d’un appartement au prix de 350 000 euros, sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt ; que, par lettre du 4 juin 2007, la société Lyonnaise de banque (la banque), leur a donné un “accord de principe sous les réserves d’usage” pour un prêt de 335 000 euros, subordonnant son accord, notamment, à l’obtention par Mme Y… d’un contrat de travail à durée indéterminée, ce dont il a été justifié le 11 juin 2007 ; que, le 23 juin 2007, la banque a notifié son refus d’octroyer le prêt sollicité en invoquant un taux d’endettement excessif ; que M. X… et Mme Y… ont assigné la banque en responsabilité et demandé la réparation de leurs préjudices ;

Attendu que pour condamner la banque à payer à M. X… et Mme Y… une certaine somme, l’arrêt retient qu’en formulant un accord de principe “sous les réserves d’usage”, pour un prêt dont le montant, la durée, le taux, les frais de dossier sont spécifiés, la banque s’est engagée à formuler une offre conforme à ces éléments et qu’elle était tenue de poursuivre, de bonne foi, la négociation sur les autres éléments accessoires, nécessaires à la formulation de la convention de prêt ; qu’il retient encore que la banque n’a pas respecté cette obligation en mettant fin aux discussions au motif, fallacieux, d’un taux d’endettement trop élevé ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’un accord de principe donné par une banque «sous les réserves d’usage» implique nécessairement que les conditions définitives de l’octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a rejeté les demandes en paiement de dommages-intérêts formées au titre du retard dans la régularisation du compromis et de la mauvaise foi, l’arrêt rendu le 16 septembre 2010, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée

  • Les contrats conclus intuitu personae
    • Il s’agit des contrats conclus en considération de la personne du cocontractant
    • Tel est le cas, par exemple, du contrat de bail, du contrat de travail ou encore du contrat de prêt, dans lesquels la personne du cocontractant est déterminante du consentement du pollicitant
    • Ainsi, les contrats conclus intuitu personae sont-ils toujours assortis d’une réserve tacite : la personne du destinataire de l’offre
    • Il en résulte que, l’acceptation ne suffira pas à former le contrat, sa conclusion étant subordonnée à l’agrément du pollicitant
    • Tant la doctrine que la jurisprudence s’accordent à dire que les contrats conclus intuitu personae ne pourront jamais faire l’objet d’une véritable offre, au sens, désormais, de l’article 1114 du Code civil.
  • Tempérament
    • Il est un cas où, malgré l’émission d’une réserve, l’offre n’est pas déchue de sa fermeté : il s’agit de l’hypothèse où la réserve concerne un événement extérieur à la volonté du pollicitant.
      • Exemples :
        • L’offre de vente de marchandises peut être conditionnée au non-épuisement des stocks
        • L’offre de prêt peut être conditionnée à l’obtention, par le destinataire, d’une garantie du prêt (Cass. 3e civ., 23 juin 2010, n°09-15.963)
    • Ce qui compte c’est que la réalisation de la réserve ne dépende pas de la volonté du pollicitant.
    • La validité de la réserve est, par ailleurs, subordonnée au respect d’une condition
      • Condition
        • Dans un arrêt du 1er juillet 1998, la Cour de cassation a estimé qu’une offre pouvait, par exception, être assortie d’une réserve, qu’à la condition que cette réserve ait été explicitement exprimée par le pollicitant (Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n°96-20.605)

Cass. 3e civ., 1er juill. 1998

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1583 du Code civil ;

Attendu que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur dès qu’on est convenu de la chose et du prix ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Besançon, 12 avril 1996), que les époux Y…, propriétaires de différentes parcelles de terrain sur le territoire de la commune de Chaux-la-Lotière (la commune), ont accepté, par lettre du 3 avril 1992, l’offre de la commune parue le 1er avril 1992 dans un journal portant sur la vente d’un terrain à bâtir ; que la commune a, néanmoins, vendu la parcelle à Mme X… ; que les époux Y… ont assigné la commune et Mme X… pour voir juger que l’offre de vente de la parcelle et l’acceptation de celle-ci, par eux, le 3 avril 1992 valait vente à leur profit ;

Attendu que, pour rejeter cette demande, l’arrêt retient que, si, en principe, l’acceptation de l’offre publique notifiée à la commune par les époux Y… suffisait à la formation du contrat de vente, en l’espèce, la commune avait loti et mis en vente dans le but de fixer sur son territoire de nouveaux habitants et que cette considération sur les qualités requises pour contracter étant connue des époux Y… leur était opposable ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que l’offre publique de vente ne comportait aucune restriction, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 avril 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon

?La précision de l’offre

Dans la mesure où aussitôt qu’elle sera acceptée, l’offre suffira à former le contrat, elle doit être suffisamment précise, faute de quoi la rencontre des volontés ne saurait se réaliser.

L’article 1114 du Code civil prévoit en ce sens que « l’offre, faite à personne déterminée ou indéterminée, comprend les éléments essentiels du contrat envisagé »

Par éléments essentiels, il faut entendre, selon Philippe Delebecque, « les éléments centraux, spécifiques, qui traduisent l’opération juridique et économique que les parties veulent réaliser »[1].

Autrement dit, il s’agit des éléments dont la détermination constitue une condition de validité du contrat

Exemple :

  • La validité du contrat de vente est subordonnée à la détermination de la chose cédée et du prix
  • La validité du contrat de bail est subordonnée à la détermination de la chose louée et du loyer

A contrario, l’offre pourra être considérée comme précise, bien que les modalités d’exécution du contrat n’aient pas été exprimées par le pollicitant (Cass. 3e civ., 28 oct. 2009, n°08-20.224), sauf à ce qu’il soit d’usage qu’elles soient tenues pour essentielles par les parties.

Rien n’interdit, par ailleurs, à l’offrant de conférer un caractère essentiel à un élément du contrat qui, d’ordinaire, est regardé comme accessoire.

Il lui appartiendra, néanmoins, d’exprimer clairement dans son offre que cet élément est déterminant de son consentement (V en ce sens Cass. com., 16 avr. 1991, n°89-20.697), faute de quoi les juridictions estimeront qu’il n’est pas entré dans le champ contractuel.

?Sanction

L’article 1114 du Code civil prévoit que la sanction du défaut de précision et de fermeté de l’offre n’est autre que la requalification en « invitation à entrer en négociation ».

Cela signifie dès lors que, en cas d’acceptation, le contrat ne pourra pas être considéré comme formé, la rencontre des volontés n’ayant pas pu se réaliser.

Ni l’offrant, ni le destinataire de l’offre ne pourront, par conséquent, exiger l’exécution du contrat.

Deux options vont alors s’offrir à eux :

  • Soit poursuivre les négociations jusqu’à l’obtention d’un accord
  • Soit renoncer à la conclusion du contrat

En toute hypothèse, tant que les partenaires ne se sont pas entendus sur les éléments essentiels du contrat, la seule obligation qui leur échoit est de faire preuve de loyauté de bonne foi lors du déroulement des négociations et en cas de rupture des pourparlers.

C) La manifestation de l’offre

Aux termes de l’article 1113, al. 2 du Code civil, il est précisé que l’offre « peut résulter d’une déclaration ou d’un comportement non équivoque de son auteur. »

Le législateur est manifestement venu entériner la position de la jurisprudence selon laquelle pour être valide, l’offre doit être extériorisée.

?Principe : le consensualisme

Conséquence du principe d’autonomie de la volonté, le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés.

Il en résulte que, par principe, la validité du contrat n’est subordonnée à la satisfaction d’aucunes formes en particulier.

Le seul échange des consentements suffit à conclure le contrat.

Aussi, l’extériorisation de l’offre est libre, de sorte qu’elle peut être, soit expresse, soit tacite :

  • L’offre expresse
    • L’offre est expresse lorsqu’elle est formulée oralement ou par le biais d’un écrit
  • L’offre tacite
    • L’offre est tacite lorsque le pollicitant s’exprime par un comportement, une attitude.
    • Tel est le cas lorsqu’un objet est exposé dans la vitrine d’un magasin ou lorsqu’un chauffeur de taxi stationne sur un emplacement dédié
    • Il en sera de même en matière de tacite reconduction d’un contrat à exécution successive.
    • Lorsqu’un locataire reste dans les lieux qui lui sont loués après l’expiration du bail, son attitude peut, en effet, être regardée comme une offre de renouvellement du contrat.

?Exception : le formalisme

Dans certains cas, le législateur exige l’établissement d’un écrit ainsi que la figuration de certaines mentions sur l’offre de contracter.

Tel est par exemple le cas en matière de crédit à la consommation (art. 310-10 et suivants du Code de la consommation).

Il en va de même en matière de contrat conclue par voie électronique, lorsque l’offre émane d’un professionnel

L’article 1127-1 du Code civil impose à ce dernier doit faire figurer sur son offre un certain nombre d’informations.

D) Efficacité

L’offre est susceptible d’être privée d’efficacité dans deux hypothèses :

  • Lorsqu’elle est révoquée
  • Lorsqu’elle devient caduque

1. La révocation de l’offre

L’article 1115 du Code civil prévoit que l’offre « peut être librement rétractée tant qu’elle n’est pas parvenue à son destinataire. »

Aussi, cette disposition invite-t-elle à distinguer deux situations s’agissant de la révocation de l’offre :

?L’offre n’a pas été portée à la connaissance de son destinataire

Dans cette hypothèse, conformément à l’article 1115 du Code civil, c’est donc le principe de liberté qui préside à la révocation de l’offre.

Cette liberté de révocation se justifie pour deux raisons :

  • Première raison
    • La rencontre des volontés n’a pas pu se réaliser dans la mesure où l’offre, qui n’est pas parvenue à son destinataire, ne peut pas, par définition, avoir été acceptée.
    • Il en résulte que le contrat ne s’est pas formé et que, par voie de conséquence, aucune obligation n’a été créée.
    • On ne saurait, dès lors, obliger le pollicitant à exécuter un contrat inexistant, et donc lui interdire de se rétracter.
  • Seconde raison
    • Il peut être observé que la liberté de révocation de l’offre dont jouit le pollicitant tant qu’elle n’a pas été portée à la connaissance du destinataire, confirme l’intention du législateur de ne pas assimiler l’offre à un engagement unilatéral de volonté
    • Si tel avait été le cas, cela aurait eu pour conséquence de priver le pollicitant de la faculté de révoquer son offre.
    • Dès son émission, l’offre aurait, en effet, été génératrice d’une obligation de maintien
    • Or le principe c’est la libre révocation de l’offre, preuve qu’elle ne s’apparente pas à un engagement unilatéral de volonté.

?L’offre a été portée à la connaissance de son destinataire

L’article 1116 du Code civil prévoit que lorsque l’offre est parvenue à son destinataire « elle ne peut être rétractée avant l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l’issue d’un délai raisonnable ».

Aussi, dans cette hypothèse, le principe qui préside à la révocation de l’offre n’est plus la liberté, mais l’obligation de maintien.

Deux questions immédiatement alors se posent : quelle est l’étendue de l’obligation de maintien de l’offre d’une part, et quelle est la sanction de sa violation, d’autre part ?

  • L’étendue de l’obligation de maintien de l’offre
    • Trois hypothèses doivent être distinguées :
      • L’offre émise par le pollicitant est assortie d’un délai
        • Dans cette hypothèse, pèse sur le pollicitant une obligation de maintien de l’offre
        • Il ne pourra pas la révoquer pendant ce délai
        • Dans certains cas, la loi fixe elle-même ce délai
          • Exemples :
            • En matière de contrats conclus à distance
            • En matière de crédit à la consommation
      • L’offre émise par le pollicitant n’est assortie d’aucun délai
        • Dans cette hypothèse, l’article 1115 du Code civil est venu consacrer la jurisprudence qui avait posé la règle selon laquelle, lorsqu’aucun délai n’est stipulé, le pollicitant est tenu de maintenir l’offre dans un délai raisonnable
        • Par délai raisonnable il faut entendre « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)
        • Le délai raisonnable est apprécié in concreto, soit, selon les circonstances de l’espèce.
        • En outre, en cas de réponse immédiate exigée par le pollicitant, la Cour de cassation estime que l’offre est réputée n’être assortie d’aucun délai
        • Elle devra par conséquent être, malgré tout, être maintenue dans un délai raisonnable (Cass. 3e civ., 25 mai 2005, n°03-19.411).
      • L’offre est émise par voie électronique
        • En matière de contrat électronique, l’article 1127-1 du Code civil prévoit que « l’auteur d’une offre reste engagé par elle tant qu’elle est accessible par voie électronique de son fait. »
        • Ainsi, tant que l’offre est en ligne, le pollicitant a l’obligation de maintien de l’offre qu’il a émise, peu importe qu’il ait assorti cette dernière d’un délai.
  • La sanction de l’obligation de maintien de l’offre
    • La question qui se pose est ici de savoir quelle sanction prononcer en cas de rétractation prématurée de l’offre par le pollicitant ?
    • La doctrine
      • Deux théories ont été avancées par les auteurs :
        • Soit l’on considère que, en cas de violation de l’obligation de maintien de l’offre, la rétractation du pollicitant est privée d’efficacité, de sorte que, si l’offre est acceptée, le contrat est réputé être formé
          • Au soutien de cette théorie, deux fondements ont été avancés:
            • La théorie de l’engagement unilatéral : l’offre s’apparenterait à un engagement unilatéral de volonté. L’obligation de maintien de l’offre trouverait alors sa source dans la seule volonté du pollicitant.
            • La théorie de l’avant-contrat : l’obligation de maintien de l’offre trouverait sa source dans un accord de volontés implicite entre le pollicitant et le destinataire qui porterait sur la stipulation d’un délai de réflexion
        • Soit l’on estime, à l’inverse, que, en cas de violation de l’obligation de maintien de l’offre, la rétractation du pollicitant produit tous ses effets, en conséquence de quoi elle ferait obstacle à la formation du contrat
          • Selon cette thèse, la violation de l’obligation de maintien de l’offre serait constitutive d’une faute délictuelle
          • Par conséquent, elle ne pourrait donner lieu qu’à l’allocation de dommages et intérêts
    • La jurisprudence
      • La jurisprudence a plutôt abondé dans le sens de la seconde thèse, soit en faveur de l’allocation de dommages et intérêts.
      • Autrement dit, la rétractation du pollicitant produirait, en tout état de cause, tous ses effets, nonobstant la violation de l’obligation de maintien de l’offre (V. en ce sens Cass. soc., 22 mars 1972, n°71-40.266)
      • La jurisprudence ne considérera le contrat formé que dans l’hypothèse où l’acceptation est antérieure à la rétractation (Cass. 1re civ., 8 oct. 1958).
      • Dans un arrêt du 20 mai 2009, la Cour de cassation a ainsi reproché à une Cour d’appel d’avoir prononcé la caducité d’une offre « sans rechercher si l’acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d’un délai précis » (Cass. 3e civ., 20 mai 2009, n°08-13.230).

Cass. 3e civ., 20 mai 2009

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1101 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 15 janvier 2008) que le département de la Haute-Savoie a adressé le 17 mars 1995 à M. X… une offre de rétrocession d’une partie d’un terrain que celui-ci lui avait vendu en 1981 en se réservant un droit de préférence ; que le 8 décembre 2001 M. X… a enjoint au département de signer l’acte authentique de vente ; que Mme X…, venant aux droits de son père décédé, l’ayant assigné le 28 janvier 2004 en réalisation forcée de la vente, le département s’est prévalu de la caducité de son offre ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’offre contenue dans la lettre du 17 mars 1995 a été renouvelée dans le courrier du 7 octobre 1996 sans être assortie d’aucun délai et qu’en conséquence M. X… a pu l’accepter par courrier du 8 décembre 2001 ;

Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’acceptation était intervenue dans le délai raisonnable nécessairement contenu dans toute offre de vente non assortie d’un délai précis, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 janvier 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry, autrement composée ;

    • L’ordonnance du 10 février 2016
        • Il ressort des alinéas 2 et 3 de l’article 1116 du Code civil introduits par l’ordonnance du 10 février 2016 que :
          • D’une part, « la rétractation de l’offre en violation de cette interdiction empêche la conclusion du contrat.
          • D’autre part, la rétractation « engage la responsabilité extracontractuelle de son auteur dans les conditions du droit commun sans l’obliger à compenser la perte des avantages attendus du contrat. »
        • Le législateur a donc choisi d’entériner la solution dégagée par la jurisprudence s’agissant de la sanction de l’obligation de maintien de l’offre.
        • Autrement dit, dès lors que l’offre n’a pas été acceptée par son destinataire, la rétractation du pollicitant fait obstacle à la formation du contrat.
        • Aussi, en cas de rétractation prématurée de l’offre, le juge ne pourra allouer au destinataire que des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.
        • L’alinéa 3 de l’article 1116 précise que le juge ne sera pas tenu d’indemniser le requérant pour « la perte des avantages attendus du contrat ».

2. La caducité de l’offre

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que classiquement la caducité se définit comme la sanction qui prive un acte d’efficacité en raison de la disparition de l’un de ses éléments essentiels.

De ce point de vue, la caducité se rapproche de la nullité, qui a également pour conséquence l’anéantissement de l’acte qu’elle affecte.

Est-ce à dire que les deux notions se confondent ? Assurément non. C’est précisément en s’appuyant sur la différence qui existe entre les deux que les auteurs définissent la caducité.

Tandis que la nullité sanctionnerait l’absence d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation, la caducité s’identifierait, quant à elle, à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

En matière d’offre, l’article 1117 du Code civil prévoit que l’offre devient caduque dans trois hypothèses :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès de l’offrant
  • Soit en cas de décès du destinataire de l’offre

Les deux derniers cas de caducité de l’offre ne sont pas sans avoir fait l’objet d’hésitations jurisprudentielles.

a. Le décès de l’offrant

?Les tergiversations jurisprudentielles sur le sort de l’offre en cas de décès de l’offrant

La question s’est, en effet, posée en jurisprudence de savoir si l’offre devenait caduque en cas de décès de l’offrant ou si, au contraire, elle devait être maintenue.

  • Première étape
    • Avant 1983, la jurisprudence considérait que lorsque le décès de l’offrant intervenait entre l’émission de l’offre et l’acceptation, cela faisait obstacle à la formation du contrat.
    • Le décès du pollicitant avait donc pour effet d’entraîner la caducité de l’offre
    • La Cour de cassation estimait en ce sens que la rencontre des volontés n’avait pas pu se réaliser, dans la mesure où son décès emportait disparition de sa volonté.
  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 3 novembre 1983, la Cour de cassation est revenue sur sa position initiale en considérant dans le cadre d’un litige qu’elle a eu à connaître que « l’offre de vente n’avait pas été rétractée par m z… et ne pouvait dès lors être considérée comme caduque, ou inopposable à ses héritiers, du seul fait de son décès, et que l’acceptation de cette offre par la safer avait rendue la vente parfaite » (Cass. 3e civ., 3 novembre 1983, n°82-12.996)
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, le décès de l’offrant ne fait pas obstacle à la formation du contrat.
    • Le décès n’est donc pas de nature à entraîner la caducité de l’offre.
    • Celle-ci se transmettrait dès lors aux héritiers du pollicitant qui, en cas d’acceptation pendant le délai, sont obligés d’acter la formation du contrat, et par voie de conséquence, de l’exécuter.
  • Troisième étape
    • Dans un arrêt du 10 mars 1989, la Cour de cassation a opéré un nouveau revirement de jurisprudence en estimant que l’offre « devenue caduque par l’effet du décès [du pollicitant], ne pouvait être l’objet postérieurement à cette date d’une acceptation de la part [de son destinataire] » (Cass. 3e civ., 10 mai 1989, n°87-18.130).
    • La Cour de cassation revient ainsi à sa position initiale, soit à la règle selon laquelle le décès de l’offrant a pour effet d’entraîner la caducité de l’offre.
  • Quatrième étape
    • Dans un arrêt du 10 décembre 1997, nouveau revirement jurisprudence : la Cour de cassation décide que l’offre survit au décès de l’offrant (Cass. 3e civ., 10 déc. 1997, n°95-16.461)
    • Faits
      • En l’espèce, il s’agissait d’une offre assortie d’un délai exprès d’acceptation faite par deux offrants
      • L’un décède pendant le délai d’acceptation et le destinataire de l’offre accepte avant l’expiration du délai.
    • Procédure
      • Par un arrêt du 27 mars 1995, la Cour d’appel de Toulouse considère que le contrat ne pouvait pas se former puisque l’offre était caduque à la date de l’acceptation.
    • Solution
      • La décision des juges du fond est censurée par la Cour de cassation qui estime que qu’en raison de l’acceptation pendant le délai et en dépit du décès de l’un des offrants avant l’acceptation, le contrat était formé.
      • Pour justifier sa solution, la haute juridiction avance que les offrants s’étaient engagés à maintenir leur offre pendant un délai précis et que, par conséquent, le décès de l’un des offrants avant la fin de ce délai n’avait pas pu rendre l’offre caduque.
    • Analyse
      • Comment interpréter cet arrêt ?
      • La question se pose de savoir ce qui fait obstacle à la caducité :
        • Est-ce la stipulation d’un délai
        • Est-ce le décès de l’offrant
      • Les deux interprétations ont été défendues par la doctrine de sorte que l’on s’est demandé si véritablement cette décision opérait un revirement de jurisprudence.
      • La réponse à cette question va être apportée près de 17 ans plus tard

Cass. 3e civ., 10 déc. 1997

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 27 mars 1995), que, par acte sous seing privé du 21 mai 1987, les époux Y… ont promis de vendre à M. X… une maison, et ce jusqu’au 31 décembre 1991, que M. Y… étant décédé le 3 février 1989, M. X… a accepté l’offre le 27 avril 1990 et levé l’option le 1er novembre 1991 ; qu’il a ensuite assigné les consorts Y… afin d’obtenir la signature de l’acte authentique de vente à laquelle ces derniers s’opposaient ;

Attendu que pour décider que l’offre de vente faite par les époux Y… était devenue caduque lors de son acceptation par M. X…, le 27 avril 1990 du fait du décès de M. Y…, l’arrêt retient que le délai prévu à la promesse unilatérale de vente n’était qu’un délai de levée d’option et non un délai de maintien de l’offre ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses propres constatations que les époux Y… s’étaient engagés à maintenir leur offre jusqu’au 31 décembre 1991 et que le décès de M. Y… n’avait pu rendre cette offre caduque, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 27 mars 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

  • Cinquième étape
    • Dans un arrêt du 25 juin 2014, la Cour de cassation a finalement estimé que « l’offre qui n’est pas assortie d’un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu’elle ait été acceptée » (Cass. 1re civ., 25 juin 2014, n°13-16.529).
    • Aussi, ressort-il de cet arrêt que le sort de l’offre dépend, en définitive, de la stipulation d’un délai
      • En présence d’un délai : le décès de l’offrant n’entraîne pas la caducité de l’offre
      • En l’absence d’un délai : le décès de l’offrant entraîne la caducité de l’offre
    • Dans cet arrêt, la Cour de cassation adopte donc une solution intermédiaire qui consiste à distinguer selon que le pollicitant a, ou non, stipulé un délai.
    • Cette distinction est, cependant, très critiquable dans la mesure où l’on comprend mal pourquoi il conviendrait de traiter différemment le sort de l’offre selon qu’elle est ou non assortie d’un délai
    • En toutes hypothèses, il échoit, en effet, au pollicitant de maintenir l’offre, a minima, dans un délai raisonnable.
    • Pourquoi, dès lors, distinguer selon la nature du délai ?
    • À la vérité, soit l’on considère que, en cas de décès de l’offrant cette obligation est transmise à ses héritiers, soit l’on considère que l’offre est caduque.
    • On ne saurait, toutefois, adopter une solution intermédiaire.

Cass. 1re civ., 25 juin 2014

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que, par acte unilatéral sous seing privé du […] juillet 2005, P. X… a « déclaré vendre » à son frère, M. J.-M. X…, la moitié indivise d’immeubles qu’ils ont recueillie dans la succession de leur père F. X… ; qu’il est décédé le […] novembre 2005 en laissant à sa succession ses deux enfants, M. T. X… et Mme Y… ; que des difficultés se sont élevées entre eux quant au sort des biens litigieux, M. J.-M. X… prétendant en être entier propriétaire pour avoir acquis la part indivise de son frère ; que par un premier arrêt, non critiqué, la cour d’appel a dit que cet acte constituait une offre de vente qui n’avait pas été acceptée avant le décès de P. X… ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. J.-M. X… fait grief à l’arrêt de dire que l’offre de vente du […] juillet 2005 était caduque au décès de P. X… et de dire, en conséquence, que la maison et le bois situés à […] faisaient partie de l’actif de la succession de F. X…, alors, selon le moyen :

1°/ qu’une offre de vente ne peut être considérée comme caduque du seul fait du décès de l’offrant ; qu’en jugeant néanmoins, pour dire que la maison et le bois sis à […] faisaient partie de l’actif de la succession, que l’offre de vente faite le […] juillet 2005 à son frère par P. X… était devenue caduque au décès de ce dernier, la cour d’appel a violé les articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;

2°/ que le décès de l’offrant qui était engagé dans des pourparlers ne rend pas son offre caduque ; qu’en se bornant, pour dire que l’offre du […] juillet 2005 était caduque, à se fonder sur la double circonstance déduite du décès de l’offrant et de l’intuitu personae de cette offre, sans rechercher si, dès lors que les parties s’étaient rapprochées après l’émission de l’offre, que le bénéficiaire avait cherché le financement de l’acquisition, que les pourparlers étaient engagés à un point tel qu’au mois d’octobre 2005 les pièces nécessaires à la rédaction de l’acte notarié de vente étaient demandées à ce dernier, le décès du pollicitant ne pouvait constituer une cause de caducité de son offre, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1101, 1103 et 1134 du code civil ;

Mais attendu que l’offre qui n’est pas assortie d’un délai est caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu’elle ait été acceptée ; qu’ayant relevé qu’aucun délai de validité de l’offre n’avait été fixé la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a, à bon droit déduit, que l’offre était caduque en raison du décès de P. X… ; que le moyen n’est donc pas fondé

?Le règlement législatif du sort de l’offre en cas de décès de l’offrant

En réaction aux critiques adressées par la doctrine à la position de la Cour de cassation, le législateur a opté pour l’abandon de la solution adoptée en 2014.

Il ressort, en effet, de l’article 1117, al. 2 du Code civil que peu importe qu’un délai ait, ou non, été stipulé, l’offre ne survit pas au décès de l’offrant : elle est frappée de caducité.

Autrement dit, le décès de l’offrant fait obstacle à la formation du contrat. Les héritiers ne seront donc pas liés par l’offre émise par le de cujus, en ce sens qu’ils ne seront pas contraints d’exécuter le contrat en cas d’acceptation.

b. Le décès du destinataire de l’offre

Dans sa rédaction antérieure à la loi du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance du 10 février 2016, l’article 1117 du Code civil ne réglait pas le sort de l’offre en cas de décès du destinataire.

À la lecture de cette disposition, des sénateurs ont fait part de leur étonnement de ne pas voir réglée cette situation.

À cet égard, la Cour de cassation a pu considérer que, dans cette hypothèse, l’offre devenait caduque et plus précisément qu’elle ne se transmettait pas aux héritiers du destinataire (Cass. 1ère civ., 5 nov. 2008, n° 07-16.505).

Selon certains auteurs, la solution devrait être radicalement inverse en présence d’un contrat conclu intuitu personae.

Le législateur a néanmoins jugé une clarification nécessaire, le silence de la loi sur ce point lui semblant source d’incertitude et d’insécurité juridique.

Il a donc été décidé de modifier l’article 1117 du code civil afin d’affirmer clairement la caducité de l’offre en cas de décès du destinataire.

Désormais, l’offre devient donc caduque dans quatre cas :

  • Soit à l’expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, à l’issue d’un délai raisonnable
  • Soit en cas d’incapacité de l’auteur de l’offre
  • Soit en cas de décès du pollicitant
  • Soit en cas de décès du destinataire

II) L’acceptation

A) Notion

L’acceptation est définie à l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Pour mémoire, l’article 1114 du Code civil définit l’offre comme « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Ainsi l’acceptation apparaît-elle comme le miroir de l’offre. Et pour cause, dans la mesure où elle est censée venir à sa rencontre. L’acceptation est, en ce sens l’acte unilatéral par lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat.

À la différence, néanmoins, de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

Quand, en d’autres termes, l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est, en principe, réputé formé. Le pollicitant et l’acceptant deviennent immédiatement liés contractuellement. L’acceptation ne réalisera, toutefois, la rencontre des volontés qu’à certaines conditions

B) Conditions

Afin d’être efficace, l’acceptation doit répondre à 3 conditions cumulatives qui tiennent

  • D’une part, au moment de son intervention
  • D’autre part, à ses caractères
  • Enfin, à son étendue

1. Le moment de l’acceptation

L’acceptation doit nécessairement intervenir avant que l’offre ne soit caduque

Aussi, cela signifie-t-il que l’acceptation doit avoir été émise :

  • Soit pendant le délai stipulé par le pollicitant
  • Soit, à défaut, dans un délai raisonnable, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, pendant « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)

Lorsque l’acceptation intervient en dehors de l’un de ces délais, elle ne saurait rencontrer l’offre qui est devenue caduque.

L’acceptation est alors privée d’efficacité, en conséquence de quoi le contrat ne peut pas être formé.

2. Les caractères de l’acceptation

?L’acceptation pure et simple

Pour être efficace, l’acceptation doit être pure et simple.

En d’autres termes, il n’existe véritablement d’acceptation propre à former le contrat qu’à la condition que la volonté de l’acceptant se manifeste de façon identique à la volonté du pollicitant.

La Cour de cassation a estimé en ce sens que le contrat « ne se forme qu’autant que les deux parties s’obligent dans les mêmes termes » (Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-13.941).

Par pure et simple, il faut donc entendre, conformément à l’article 1118, al. 1er, que l’acceptation doit avoir été formulée par le destinataire de l’offre de telle sorte qu’il a exprimé sa volonté claire et non équivoque « d’être lié dans les termes de l’offre. »

?La modification de l’offre

L’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. »

Lorsque, dès lors, l’acceptant émet une réserve à l’offre sur un ou plusieurs de ses éléments ou propose une modification, l’acceptation s’apparente à une contre-proposition insusceptible de réaliser la formation du contrat.

Au fond, l’acceptation se transforme en une nouvelle offre que le pollicitant initial peut ou non accepter.

En toutes hypothèses, le contrat n’est pas formé

Le pollicitant et le destinataire de l’offre doivent, en somme, être regardés comme des partenaires dont la rencontre des volontés n’est qu’au stade des pourparlers.

Aussi, la conclusion définitive du contrat est-elle subordonnée à la concordance parfaite entre l’offre et l’acceptation.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par une « acceptation non conforme à l’offre ».

  • Conceptions envisageables
    • Première conception
      • L’acceptation est non conforme à l’offre, dès lors qu’une réserve ou une proposition de modification est émise par le destinataire
    • Seconde conception
      • Afin de déterminer si l’acceptation est non conforme à l’offre, il convient de distinguer selon que la réserve ou la proposition de modification porte ou non sur un élément essentiel du contrat.
  • La jurisprudence
    • La jurisprudence considère que le contrat n’est réputé formé qu’à la condition que l’offre et l’acceptation se rencontrent sur les éléments essentiels du contrat (V. en ce sens Cass. req., 1er déc. 1885).
    • Dans un arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation a ainsi reconnu la conformité d’une acceptation à l’offre en relevant « qu’un accord de volontés était intervenu entre les parties sur les éléments qu’elle-même tenait pour essentiels même si des discussions se poursuivaient par ailleurs pour parfaire le contrat sur des points secondaires et admis s’être engagée » (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-14.719)
    • Il résulte de cette décision que, dès lors que l’acceptation a porté sur les éléments essentiels du contrat, elle est réputée conforme à l’offre
    • A contrario, cela signifie que lorsque la réserve émise par le destinataire de l’offre porte sur des éléments accessoires au contrat, elle ne fait pas obstacle à la rencontre de l’acceptation et de l’offre.
    • Toutefois, dans l’hypothèse où la réserve exprimée par le destinataire de l’offre porte sur un élément accessoire tenu pour essentiel par l’une des parties, elle s’apparente à une simple contre-proposition, soit à une nouvelle offre et non à acceptation pure et simple de nature à parfaire le contrat (Cass. 3e civ. 27 mai 1998).
  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • Si l’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet », cette disposition se garde bien de préciser ce que l’on doit entendre par « acceptation non conforme à l’offre. »
    • Toutefois, la formule « sauf à constituer une offre nouvelle », laisse à penser que le législateur a entendu consentir une certaine latitude au juge quant à l’appréciation de la conformité de l’acceptation à l’offre.
    • Est-ce à dire que la distinction établie par la jurisprudence entre les réserves qui portent sur des éléments essentiels du contrat et les réserves relatives à des éléments contractuels accessoires a été reconduite ?
    • On peut raisonnablement le penser, étant précisé que pour apprécier la conformité de l’acceptation à l’offre le juge se référera toujours à la commune intention des parties.

3. L’étendue de l’acceptation

À supposer que l’acceptation soit identique à l’offre, encore faut-il, pour être efficace, que l’acceptant ait eu connaissance de tous les éléments du contrat.

La question alors se pose de savoir si l’émission de l’acceptation permet de considérer que le destinataire de l’offre n’est engagé que s’agissant des seuls éléments du contrat dont il a eu connaissance, ou si, au contraire, l’acceptation vaut pour toutes les clauses, y compris celles dont il n’a pas pris connaissance lors de la conclusion du contrat.

Plusieurs sortes de documents doivent être distinguées :

  • Les documents contractuels signés
    • S’agissant des documents contractuels signés, la jurisprudence pose une présomption simple de connaissance des stipulations contractuelles par le destinataire de l’offre (Cass. 1re civ. 20 janv. 1993).
    • Aussi, lui appartiendra-t-il de prouver, en cas de clause sibylline ou peu apparente, qu’il n’en a pas eue connaissance, de sorte que son acceptation n’a pas pu rencontrer l’offre dans tous ses éléments (V. en ce sens Cass. 1re civ., 3 mai 1979).
  • Les conditions générales
    • Notion
      • Tout d’abord, il peut être observé, à titre de remarque liminaire, que les conditions générales se rencontrent, le plus souvent, dans les contrats d’adhésion, soit les contrats dont les stipulations ne sont pas susceptibles d’être discutées par les parties, l’une ne laissant pour seul choix à l’autre que d’adhérer en bloc au contrat ou, à défaut, de ne pas contracter.
      • L’article 1110 du Code civil définit encore le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
      • Aucune définition n’ayant été donnée par le législateur des conditions générales, c’est vers la doctrine qu’il convient de se tourner.
      • Un auteur définit les conditions générales comme « les clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire »[2]
      • Les conditions générales sont, autrement dit, les stipulations qui figurent sur un document contractuel prérédigé.
    • Valeur contractuelle
      • Quelle valeur donner aux conditions générales ?
      • Aux termes de l’article 1119 du Code civil, « les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
      • Il ressort de cette disposition que, pour être opposables au destinataire de l’offre, les conditions générales doivent avoir été
        • d’une part, portées à sa connaissance
        • d’autre part, acceptées par lui
      • L’examen de la jurisprudence révèle que la satisfaction de ces deux conditions cumulatives peut être établie de deux façons :
        • Tout d’abord, les conditions générales sont présumées avoir été portées à la connaissance du destinataire de l’offre et acceptées par lui lorsque figure sur le document contractuel signé la mention par laquelle le signataire reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions générales (V. en ce sens Cass. 1re civ. 20 janv. 1993)
        • Ensuite, les conditions générales doivent, soit figurer sur le document contractuel signé, soit être expressément visé par ce dernier (Cass. 1re civ., 16 févr. 1999).
    • Conflit entre conditions générales ou avec les conditions particulières
      • Il peut arriver qu’une discordance existe, soit entre les conditions générales entre elles, soit entre les conditions générales et les conditions particulières.
      • Dans les deux cas on ne saurait manifestement estimer que le destinataire de l’offre a accepté les conditions générales
      • Est-ce à dire que ces discordances sont susceptibles de faire obstacle à la rencontre de l’offre et de l’acceptation ?
      • L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit deux règles qui permettent de régler ce genre de conflits
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales entre elles
          • L’article 1119, al. 2 prévoit que « en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. »
          • La solution retenue par le législateur vient confirmer la jurisprudence antérieure (Cass. com. 20 nov. 1984)
          • Dans la mesure où les conditions générales sont, la plupart du temps, stipulées à la faveur du pollicitant, leur anéantissement ne saurait porter atteinte aux intérêts du destinataire de l’offre.
          • Ajouté à cela, le nouvel article 1190 du Code civil dispose que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé.
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales et les stipulations particulières
          • Le législateur a repris la jurisprudence antérieure qui estimait que les conditions particulières primaient sur les conditions générales (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999).
          • L’article 1119, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »
  • Les documents publicitaires
    • Quid du sort des documents publicitaires sur le fondement desquels, le destinataire de l’offre s’est engagé ?
    • L’acceptation a-t-elle pour effet de les faire entrer dans le champ contractuel, de sorte que les stipulations obligent l’acceptant ?
    • La jurisprudence estime de façon constante que « les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant » (Cass. 1ère civ., 6 mai 2010, n°08-14.461).
    • Il en résulte que, dans l’hypothèse où le contrat signé ne reprend pas les stipulations figurant sur les documents publicitaires, le destinataire de l’offre sera malgré tout tenu de les respecter.
  • Les documents annexes
    • Il s’agit de tous les documents accessoires au contrat principal, soit les brochures, affiches ou encore les écriteaux, lesquels seront, le plus souvent, portés à la connaissance du destinataire de l’offre que postérieurement à la conclusion du contrat.
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les documents annexes n’entrent dans le champ contractuel qu’à la condition qu’ils aient été portés à la connaissance du signataire, préalablement à l’acception (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1959)
    • Aussi, sauf à ce que le contrat signé fasse expressément référence aux documents annexes, ils seront présumés être inopposables à l’acceptant
    • Il appartiendra donc au pollicitant de prouver que le destinataire de l’offre a bien eu connaissance des documents annexes.

C) Manifestation de l’acceptation

Aux termes de l’article 1118, « l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour être efficace, l’acceptation doit être extériorisée.

Dans la mesure où le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés, la validité du contrat n’est subordonnée, en principe, à la satisfaction d’aucunes formes en particulier (V. en ce sens Cass. 3e civ. 27 nov. 1990, n°89-14.033).

Conséquemment, trois hypothèses peuvent être envisagées :

1. L’acceptation est expresse

Il s’agit de l’hypothèse où l’acceptation est exprimée par le destinataire de l’offre au moyen d’un écrit, de la parole ou d’un geste.

Dans cette situation, l’efficacité de l’acceptation ne soulève guère de difficulté, dans la mesure où la volonté de l’acceptant sera dépourvue d’ambiguïté.

2. L’acceptation tacite

L’acceptation est tacite lorsque la volonté du destinataire de l’offre de l’accepter résulte des circonstances de faits.

La situation la plus courante est l’exécution par l’acceptant du contrat, objet de l’offre.

Dans un arrêt du 25 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi estimé que « en acceptant d’intervenir dans l’exécution de l’accord, [le destinataire de l’offre] a nécessairement souscrit aux obligations définies par celui-ci » (Cass. 1ère civ., 25 juin 1991, n° 90-11.485).

L’acceptation tacite pourra également résulter de diverses sortes de comportements, tel que monter dans un taxi ou un autobus ou encore continuer d’encaisser les loyers nonobstant l’expiration d’un bail.

3. Le silence de l’acceptant

Très tôt, la question s’est posée de savoir si le silence du destinataire de l’offre pouvait valoir acceptation.

Pour Demogue « il y a silence au sens juridique quand une personne au cours de cette activité qu’est la vie n’a manifesté sa volonté par rapport à un acte juridique, ni par une action spéciale à cet effet, ni par une action dont on puisse déduire sa volonté ».

Aussi, convient-il de distinguer le silence de l’acceptation tacite :

?L’acceptation tacite

Elle se manifeste par une attitude, un comportement, un geste ou l’exécution d’un contrat

Autrement dit, le destinataire de l’offre ne dit pas oui, ni ne l’écrit pas. Son acceptation se déduit de son comportement.

?Le silence

Il ne fait l’objet d’aucune extériorisation.

Le destinataire de l’offre ne réagit pas, il est complètement passif.

Le silence vaut-il acceptation ?

  • Principe
    • Dans un ancien arrêt du 25 mars 1870 la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que « en droit, le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstances, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » (Cass. 1re civ., 25 mai 1870).
    • Ainsi, selon cette décision qui ne dit mot ne consent pas (Pour un rappel de cette règle V. notamment Cass. com., 25 avr. 2006).
    • Surtout, l’article 1120 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit désormais que « le silence ne vaut pas acceptation ».
  • Exceptions
    • Si l’article 1120 prévoit que l’acceptation ne saurait se déduire du silence du destinataire de l’offre, il précise néanmoins, in fine, « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. »
    • Autrement dit, il est des cas où, par exception, le silence peut parfaitement valoir acceptation.
    • Il en ira ainsi dans toute une série de circonstances :
      • L’existence d’un texte spécial
        • Lorsque le silence est réglementé, il peut être interprété comme valant acceptation
        • Exemples :
        • En matière de contrat de bail, l’article 1738 du Code civil prévoit, en matière de contrat de bail, que « si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit.
        • En matière de contrat de travail, l’article L. 1222-6 du Code du travail prévoit que lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail « à défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »
      • L’existence d’usages professionnels
        • Le silence peut également être réglementé par un usage professionnel
        • En vertu de cet usage, le professionnel qui a reçu une offre peut être obligé d’exprimer son refus, faute de quoi il sera réputé l’avoir acceptée.
        • Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a ainsi estimé en ce sens que, s’agissant d’un contrat de vente de vin entre deux professionnels exerçant dans le même secteur d’activité, « l’établissement et l’envoi, par le courtier au vendeur et à l’acheteur de la “lettre de confirmation” sans qu’il y ait de leur part un accord formel équivalait suivant l’usage ancien et constant en Bordelais, à une vente parfaite, sauf protestation dans un très bref délai fixé par les usages loyaux et constants de la profession à 48 heures de la réception de cette lettre dont l’envoi est à la charge du courtier » (Cass. com. 13 mai 2003, n°00-21.555).
      • La force de l’habitude
        • Lorsque deux contractants étaient antérieurement en relations d’affaires et que, périodiquement et régulièrement, ils concluaient des contrats ayant la même nature, le même objet et le même but, sans, à chaque nouveau contrat, exprimer formellement leur volonté de s’engager, la jurisprudence considère que, en dépit du silence, un contrat qui s’inscrit dans la continuité de cette relation contractuelle est réputé formé (Cass. com., 15 mars 2011, n°10-16.422)
        • Ainsi, la force de l’habitude peut conférer au silence du destinataire de l’offre la valeur d’une acceptation.
      • L’intérêt exclusif du destinataire
        • Lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire, le silence vaut acceptation.
        • Il en va ainsi lorsqu’un créancier consent une remise de dette à son débiteur (Cass. req., 29 mars 1938)
        • L’idée sous-jacente est ici que l’acceptant n’a aucune raison de refuser l’offre qui lui est faite, compte tenu de l’avantage exclusif qu’elle lui procure.
      • L’existence de circonstances particulières caractérisant une acceptation
        • Dans un arrêt du 24 mai 2005, la Cour de cassation a estimé que « si, en principe, le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n°02-15.188).

Cass. 1re civ., 24 mai 2005

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le préfet de la région d’Ile-de-France a notifié à M. X…, qui avait obtenu un permis de construire sur une parcelle dont il est propriétaire, un arrêté lui enjoignant de faire réaliser préalablement aux travaux une opération préventive de fouilles archéologiques ; que M. X… a accepté un devis “diagnostic archéologique” établi par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), aux droits de laquelle vient l’INRAP ; que l’AFAN a informé M. X… que le diagnostic était positif et que “la partie arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de sauvetage urgent devant être réalisée”, ce qui a conduit le préfet à prendre un nouvel arrêté prévoyant que l’AFAN procéderait en urgence à une opération préventive de fouilles entre le 14 avril 1998 et le 17 avril 1998 ; que M. X… ayant refusé de régler la facture correspondant à ces travaux au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui avait adressé l’AFAN, celle-ci l’a assigné en paiement ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 1er mars 2002) d’avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi :

1 / que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que M. X…, destinataire du second devis, ne l’avait jamais retourné ni signé et n’avait pas davantage déclaré l’accepter ; qu’en décidant cependant que le propriétaire du terrain aurait de la sorte accepté ce second devis, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

2 / qu’il appartient au créancier qui demande l’exécution de la convention qu’il invoque de rapporter la preuve de l’existence de l’accord résultant de l’acceptation de son offre par l’autre partie ; qu’en énonçant que M. X…, destinataire du second devis, ne soutenait pas valablement ne pas l’avoir accepté, à défaut de manifestation expresse de volonté de rupture de ses relations contractuelles avec l’AFAN, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ; que l’arrêt relève que le permis de construire délivré à M. X… lui imposait de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques situés sur le terrain d’assiette de l’opération de construction, que l’arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France, pris en exécution de cette contrainte, a imposé l’opération de fouille préventive, que cet arrêté a été signé au visa de la convention signée par l’Etat et l’AFAN et qu’ainsi M. X…, dont la volonté est certes liée par les contraintes administratives, ne pouvait sans se priver de l’attestation de levée de contraintes archéologiques qui lui a été délivrée le 29 avril 1998 ne pas faire exécuter les prestations prévues par le second devis ; qu’ayant exactement déduit de ces circonstances que le silence gardé par M. X… à la suite de la réception du devis que lui avait adressé l’AFAN avait la signification d’une acceptation, c’est sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a ensuite énoncé que M. X… ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté, soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

        • Avec cette décision, la haute juridiction a, de la sorte, entendu abandonner le caractère limitatif des circonstances où le silence est susceptible d’être interprété comme valant acceptation.
        • Autrement dit, dorénavant, des circonstances particulières, autres qu’un usage ou des relations affaire, peuvent conférer au silence du destinataire de l’offre la signification d’une volonté de s’engager.
        • Cette solution a été consacrée par le législateur à l’article 1120 du Code civil qui prévoit que le silence résultant de « circonstances particulières » peut valoir acceptation.

D) Effets

?Principe

À la différence de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

En vertu du principe du consensualisme, le contrat est donc formé, de sorte que le pollicitant devient immédiatement lié contractuellement à l’acceptant.

Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation affirme en ce sens que s’agissant d’un contrat de vente que « la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités » (Cass. 3e civ. 14 janv. 1987, n°85-16.306).

Cass. 3e civ. 14 janv. 1987

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Orléans 23 mai 1985), statuant sur renvoi après cassation, que, par acte sous seing privé du 13 novembre 1978, Mme A… s’est engagée à céder à M. Y… une maison et toute l’oeuvre en sa possession de la famille A… moyennant une somme payable comptant et une rente viagère mensuelle ; que l’acte précisait que serait étudiée avec la Bibliothèque Nationale la possibilité de faire, de cette maison, un musée ou une fondation A…, que M. Y… souscrivait divers engagements dont notamment celui de mettre à la disposition de Mme A… les moyens nécessaires pour terminer la biographie de son oncle, Alexandre A…, et faire éditer un livre, et d’organiser, dans sa galerie, une série d’expositions des oeuvres de la famille A… ; qu’il était mentionné que l’accord ne prendrait son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire ; que postérieurement au paiement par M. Y… de la partie du prix payable comptant et du premier terme de la rente, Mme A… a refusé de donner suite à cet accord ;

Attendu que Mme Lebel Z…, aux droits de Mme A…, fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré valable l’accord passé le 13 novembre 1978 entre Mme A… et M. Y…, alors, selon le moyen, que “si la vente est parfaite dès lors qu’est constaté l’accord des parties sur la chose et le prix, il est loisible aux parties de subordonner le caractère parfait et définitif de la vente à la réalisation d’une condition suspensive, qu’en l’espèce, dans l’acte du 13 novembre 1978, relatif à la cession non seulement d’un bien immobilier mais également de biens mobiliers et des droits y afférents, il était expressément stipulé par les parties que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire (Me du X… …), qu’en se bornant à retenir, pour affirmer qu’il ne résultait d’aucune disposition de l’acte ni des circonstances de la cause que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la signature d’un acte authentique, que celles-ci étaient d’accord sur la chose et le prix dès le 13 novembre 1978 et qu’il n’était pas établi que Mme A… avait entendu faire des conditions accessoires énumérées dans l’acte un élément essentiel de la vente, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties en prévoyant dans l’acte du 13 novembre 1978 que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par le notaire désigné, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil, et a violé par fausse application l’article 1589 du Code civil” ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé justement que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités, l’arrêt retient souverainement que les parties à l’acte du 13 novembre 1978 s’étaient, dès cette date, entendues sur la chose et sur le prix et que si elles ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement ; que par ces seuls motifs, l’arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Exceptions

Par exception, il est des cas où la rencontre de l’offre et l’acceptation ne suffit pas à former le contrat.

La loi exigera en effet, soit que l’expression du consentement soit complétée par l’accomplissement de certaines formalités ou à la remise de la chose, soit que le destinataire de l’offre observe un délai de réflexion avant de manifester son acceptation.

Parfois même, la loi autorisera le destinataire de l’offre à se rétracter, nonobstant la rencontre de l’offre et l’acceptation.

Plusieurs hypothèses doivent donc être envisagées :

  • La formation du contrat est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités : les contrats solennels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 2 du Code civil prévoit que « le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi »
      • Ainsi, la rencontre de l’offre et de l’acceptation est insuffisante pour réaliser la formation d’un contrat solennel.
      • La loi impose aux contractants l’accomplissement de certaines formalités, lesquelles sont exigées ad validitatem et non ad probationem, comme tel est le cas en matière de contrats consensuels.
    • Applications
      • L’établissement d’un acte authentique sera parfois exigé
        • Il en va ainsi en matière de donation, de vente immobilière, d’hypothèque ou encore de convention matrimoniale
      • L’établissement d’un écrit simple sera d’autres fois exigé
        • Il en va ainsi en matière de crédit à la consommation, de démarchage à domicile, de crédit immobilier, de cautionnement ou encore de conventions collectives
    • Sanction
      • Le non-respect du formalisme exigé par la loi en matière de contrat solennel est sanctionné par la nullité absolue.
  • La formation du contrat est subordonnée à la remise de la chose : les contrats réels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 3 prévoit que « le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose. »
      • En matière de contrat réel, la rencontre de l’offre et l’acceptation est, là encore, insuffisante quant à réaliser la formation du contrat
      • Sa validité est conditionnée par la remise de la chose
    • Applications
      • Peuvent être qualifiés de contrats réels les contrats de gage, de dépôt ou de prêt, encore que pour ce dernier, la jurisprudence a évolué.
      • Particularité du contrat de prêt :
        • Depuis un arrêt du 28 mars 2000, il convient de distinguer selon que le prêt est consenti ou non par un professionnel (Cass. 1ère civ., 28 mars 2000, n°97-21.422)
        • La haute juridiction a, effet, décidé dans cette décision que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ».
        • En dehors de cette hypothèse, le contrat de prêt demeure un contrat réel, de sorte que la remise de la chose est exigée ad validitatem.

Cass. 1ère civ., 28 mars 2000

Attendu que Daniel X… a acheté, le 21 février 1992, à la société Sanlaville, du matériel agricole qui devait être fourni par la société Fiatgeotech, le financement du prix devant être assuré à hauteur de 700 000 francs par un prêt consenti par la société UFB Locabail ; qu’aux termes du contrat, l’UFB Locabail s’est engagée à verser directement à la société Sanlaville le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par le vendeur de la livraison du matériel, sous condition, notamment de l’adhésion de Daniel X… à une assurance-vie à souscrire auprès de la compagnie UAP Collectives aux droits de laquelle se trouve la société Axa collectives, qui a repris l’instance en ses lieu et place ; que Daniel X… ayant fait parvenir le 31 mars 1992 à l’UFB Locabail le dossier d’adhésion à la garantie d’assurance sur la vie, la société Sanlaville a adressé, le 22 juin suivant, à l’UFB le bon de livraison du matériel ; que Daniel X… est, entre-temps, décédé accidentellement le 4 juin 1992 ; qu’une contestation étant née sur la qualité du matériel livré et l’UFB Locabail ayant dénié devoir financer l’opération, les héritiers X… ont assigné la société Sanlaville, prise en la personne de son liquidateur judiciaire et l’UFB Locabail pour faire prononcer la résiliation de la vente et, subsidiairement, condamner l’UFB à verser à la société Sanlaville le montant du prêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que l’UFB Locabail fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 1997), d’avoir jugé que le contrat de financement souscrit par Daniel X… l’obligeait à payer la somme convenue à ses héritiers, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu’il ressort de l’arrêt que l’UFB n’ayant jamais remis les fonds faisant l’objet du contrat de prêt à Daniel X… avant la date de livraison du matériel, le contrat de prêt ne s’était pas formé, la cour d’appel a violé l’article 1892 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, que le contrat de prêt était conclu intuitu personae dès lors que le prêteur s’engageait en considération des possibilités de remboursement de l’emprunteur, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter le contrat de prêt initialement conclu au bénéfice de Daniel X… au profit des ayants-cause de ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1122 du Code civil ; alors, en troisième lieu, que l’article 6 du contrat de prêt stipulait que les sommes restant dues par l’emprunteur deviendraient immédiatement exigibles en cas de décès de ce dernier et l’article 10 de l’acte prévoyait qu’en cas de décès de l’emprunteur avant remboursement de toutes les sommes dues au prêteur, il y aurait solidarité et indivisibilité entre ses héritiers, de sorte qu’en se fondant sur ces clauses qui impliquaient que les fonds avaient été préalablement remis à l’emprunteur avant son décès, pour caractériser une obligation de l’UFB de verser des fonds au profit des héritiers, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et alors, en quatrième lieu, que les fonds que l’UFB s’était engagée à verser à Daniel X… ne lui ayant jamais été remis, l’engagement de l’établissement financier ne pouvait s’analyser qu’en une promesse de prêt dont l’inexécution, à la supposer fautive, ne pouvait donner lieu qu’à l’allocation de dommages-intérêts, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter son engagement résultant de la promesse de prêt en lui imposant de verser aux ayants-droit de Daniel X… les sommes qui y étaient visées, la cour d’appel a violé les articles 1892 et 1142 du même Code ;

Mais attendu que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ; que l’arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par Daniel X… et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l’effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue ; d’où il suit que le moyen qui n’est pas fondé en sa première branche, est inopérant en ses trois autres branches

    • Sanction
      • Comme en matière de contrat solennel, la sanction encourue en cas de non remise de la chose objet d’un contrat réel est la nullité absolue.
      • Le contrat est donc réputé n’avoir jamais existé en raison d’une irrégularité de forme qui fait obstacle, non pas à la rencontre des volontés, mais à sa validité.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’observation d’un délai de réflexion
    • Principe
      • Le nouvel article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion ».
      • Par délai de réflexion, il faut entendre, précise cette même disposition, « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ».
      • Ainsi, le délai de réflexion fait-il obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation, cette dernière ne pouvait être exprimée qu’à l’expiration du délai stipulé par le pollicitant ou par la loi.
      • Lorsque le législateur impose l’observation d’un délai de réflexion, il est animé par un souci de protection de la partie la plus faible.
      • Le délai de réflexion a vocation à prévenir une décision précipitée que le destinataire de l’offre pourrait regretter après coup.
      • Car en l’absence de délai de réflexion, dès lors que l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est formé.
      • L’acceptant est alors tenu d’exécuter la prestation à laquelle il s’est obligé.
    • Applications
      • En matière de crédit immobilier, l’article 313-34 du Code de la consommation prévoit que « l’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. »
      • En matière de contrat d’enseignement à distance, l’article 444-8 du Code de l’éducation prévoit encore que « à peine de nullité, le contrat ne peut être signé qu’au terme d’un délai de sept jours après sa réception. »
    • Sanction
      • La sanction encourue en cas d’inobservation d’un délai de réflexion est la nullité du contrat
      • L’acceptation est réputée n’avoir jamais rencontré l’offre émise par le pollicitant.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’absence de rétractation du destinataire de l’offre
    • Principe
      • L’article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir […] un délai de rétractation ».
      • Par délai de rétractation il faut entendre poursuit cette disposition « le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement. »
      • Le délai de rétractation se distingue du délai de réflexion en ce qu’il ne fait pas obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation.
    • Nature du délai de rétractation
      • Dans l’hypothèse où la loi prévoit un délai de rétractation la question se pose de savoir à quel moment le contrat est réputé être définitivement formé ?
      • Les thèses en présence
        • Selon la première thèse, le contrat ne serait définitivement formé qu’à l’expiration du délai de rétractation (V. en en ce sens G. Cornu)
          • La conséquence en est, selon cette thèse, que le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution, dans la mesure où il n’existe pas encore, nonobstant la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
        • Selon la deuxième thèse, le contrat serait réputé formé dès la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le droit de rétractation devant s’analyser comme une faculté, pour l’acceptant, d’anéantir unilatéralement le contrat (V. en ce sens A. Françon)
          • Il en résulte, selon cette théorie, que le contrat peut être exécuté dès l’acceptation de l’offre par son destinataire, celui-ci bénéficiant d’une faculté de dédit
        • Selon la troisième thèse, le contrat serait, certes, réputé formé dès l’échange des consentements. Toutefois, son efficacité serait suspendue à l’expiration du délai de rétractation (V. en ce sens V. Christianos)
          • Dès lors, bien que formé, le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution de la part du destinataire de l’offre.
      • La jurisprudence
        • Dans un arrêt du 10 juin 1992, la Cour de cassation a estimé que s’agissant d’un contrat de vente que « le contrat était formé dès la commande », nonobstant l’existence d’un droit de rétractation (Cass.1ère civ. 10 juin 1992, n°90-17.267).
        • Ainsi, la haute juridiction considère-t-elle que la formation du contrat est acquise dès l’échange des consentements, soit lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat.

Cass.1ère civ. 10 juin 1992

Sur le moyen unique :

Vu l’article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ;

Attendu que le 12 août 1988 M. Michel X… a souscrit, à la suite d’un démarchage auprès de la société Air photo France, un bon de commande pour une photographie encadrée de sa maison ; que par lettre recommandée du 5 septembre 1988 il a fait connaître à cette société qu’il annulait sa commande ; que la société lui a opposé la tardiveté de la rétractation, intervenue après le délai de 7 jours prévus par la loi du 22 décembre 1972 ;

Attendu que pour annuler l’injonction de payer en date du 5 juillet 1989 délivrée contre M. X…, la décision attaquée a énoncé que le délai de 7 jours n’est pas un délai préfix et que M. X… avait fait parvenir son annulation à la société Air photo France dans un délai suffisamment bref pour permettre à cette dernière d’éviter des frais d’agrandissement et les aléas de leur recouvrement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le contrat était formé dès la commande et que la faculté de renonciation était limitée à 7 jours à compter de celle-ci, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er février 1990, entre les parties, par le tribunal d’instance de Pontarlier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Montbéliard

      • Le législateur
        • À l’examen, l’ordonnance du 10 février 2016 semble opiner dans le sens de la Cour de cassation
        • Car si le délai de rétractation est celui « avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement », cela signifie, implicitement, que pour pouvoir « rétracter son consentement », le destinataire de l’offre doit, au préalable, l’avoir exprimé.
        • Or, conformément au principe du consensualisme, le contrat est réputé formé dès l’échange des consentements des parties.
        • Si dès lors, le législateur avait estimé que l’existence d’un droit de rétractation faisait obstacle à la formation du contrat, il est peu probable qu’il ait associé cette faculté à la manifestation du consentement de l’acceptant.
      • Au total, il apparaît donc que le délai de rétractation n’interdit pas au destinataire de l’offre de consentir au contrat qui lui est proposé.
      • Ce délai lui offre seulement la faculté de se rétracter pendant une période déterminée.
      • Le consentement de l’acceptant ne devra donc irrévocable qu’à l’expiration du délai de rétractation.
    • Applications
      • En matière de contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, le délai de rétractation est fixé par la loi à 14 jours
      • En matière de contrat d’assurance vie, la loi prévoit un délai de rétractation de 30 jours
      • En matière de courtage matrimonial, le délai de rétractation est de 7 jours à compter de la signature du contrat
    • Sanctions
      • Dans l’hypothèse où il se rétracte, le destinataire de l’offre est réputé n’avoir jamais accepté le contrat, ce qui dès lors a pour effet de priver d’efficacité la rencontre des volontés.
      • En d’autres termes, le contrat est anéanti rétroactivement.
      • L’exercice du droit de rétraction produit, dès lors, le même effet qu’une nullité.
      • Quid, néanmoins, dans l’hypothèse où le contrat a été totalement ou partiellement exécuté ?
      • L’article 1122 du Code civil est silencieux sur ce point.
      • La question de la sanction applicable en cas d’exécution anticipée du contrat est donc ouverte.
      • Dans la mesure où le droit de droit de rétractation ne s’analyse pas, a priori, comme un obstacle à la formation du contrat, seules deux sanctions sont envisageables en cas d’exécution totale ou partielle :
        • La résolution
        • La caducité
  1. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  2. A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges Jauffret, 1974, p. 622 ?

Le régime juridique de l’acceptation: notion, caractères, étendue, manifestation et réforme des obligations

?Théorie de l’offre et de l’acceptation

Le contrat n’est autre que le produit de la rencontre des volontés. Plus précisément, cette rencontre des volontés s’opère, en simplifiant à l’extrême, selon le processus suivant :

  • Premier temps : une personne, le pollicitant, émet une offre de contracter
  • Second temps : l’offre fait l’objet d’une acceptation par le destinataire

Si, pris séparément, l’offre et l’acceptation ne sont que des manifestations unilatérales de volontés, soit dépourvues d’effet obligatoire, lorsqu’elles se rencontrent, cela conduit à la création d’un contrat, lui-même générateur d’obligations.

Tous les contrats sont le fruit d’une rencontre de l’offre et de l’acceptation, peu importe que leur formation soit instantanée où s’opère dans la durée.

Aussi, en dehors de la rencontre de l’offre et de l’acceptation aucun contrat ne saurait valablement se former, cette rencontre traduisant l’échange des consentements des parties.

Or conformément à la théorie de l’autonomie de la volonté, seules les parties qui ont exprimé leur consentement au contrat peuvent s’obliger. On saurait, en effet, contraindre une personne à contracter, sans qu’elle y consente.

?Réforme des obligations

Curieusement, en 1804, les rédacteurs du Code civil se sont surtout focalisés sur les conditions de validité et sur l’exécution du contrat.

Aussi, cela s’est fait au détriment du processus de conclusion du contrat qui était totalement ignoré par le Code civil.

Aucune disposition n’était, en effet, consacrée à la rencontre des volontés, alors même qu’il s’agit là du fait générateur du contrat.

Afin de remédier à cette carence, c’est donc à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de bâtir la théorie de l’offre et de l’acceptation, notamment à partir des dispositions relatives au consentement des parties.

Il ne restait alors plus qu’au législateur de consacrer cette construction prétorienne lors de la réforme du droit des obligations.

C’est ce qu’il a fait lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016 qui a introduit dans le Code civil plusieurs dispositions qui régissent le processus de conclusion du contrat (art. 1113 à 1122).

En introduction de la sous-section relative à « l’offre et l’acceptation », le nouvel article 1113 prévoit désormais que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager. ».

Nous nous focaliserons ici sur le régime de l’acceptation.

I) Notion

L’acceptation est définie à l’article 1118 du Code civil comme « la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Pour mémoire, l’article 1114 du Code civil définit l’offre comme « la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation ».

Ainsi l’acceptation apparaît-elle comme le miroir de l’offre. Et pour cause, dans la mesure où elle est censée venir à sa rencontre. L’acceptation est, en ce sens l’acte unilatéral par lequel l’acceptant signifie au pollicitant qu’il entend consentir au contrat.

À la différence, néanmoins, de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

Quand, en d’autres termes, l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est, en principe, réputé formé. Le pollicitant et l’acceptant deviennent immédiatement liés contractuellement. L’acceptation ne réalisera, toutefois, la rencontre des volontés qu’à certaines conditions

II) Conditions

Afin d’être efficace, l’acceptation doit répondre à 3 conditions cumulatives qui tiennent

  • D’une part, au moment de son intervention
  • D’autre part, à ses caractères
  • Enfin, à son étendue

A) Le moment de l’acceptation

L’acceptation doit nécessairement intervenir avant que l’offre ne soit caduque

Aussi, cela signifie-t-il que l’acceptation doit avoir été émise :

  • Soit pendant le délai stipulé par le pollicitant
  • Soit, à défaut, dans un délai raisonnable, c’est-à-dire, selon la jurisprudence, pendant « le temps nécessaire pour que celui à qui [l’offre] a été adressée examine la proposition et y réponde » (Cass. req., 28 févr. 1870)

Lorsque l’acceptation intervient en dehors de l’un de ces délais, elle ne saurait rencontrer l’offre qui est devenue caduque.

L’acceptation est alors privée d’efficacité, en conséquence de quoi le contrat ne peut pas être formé.

B) Les caractères de l’acceptation

?L’acceptation pure et simple

Pour être efficace, l’acceptation doit être pure et simple.

En d’autres termes, il n’existe véritablement d’acceptation propre à former le contrat qu’à la condition que la volonté de l’acceptant se manifeste de façon identique à la volonté du pollicitant.

La Cour de cassation a estimé en ce sens que le contrat « ne se forme qu’autant que les deux parties s’obligent dans les mêmes termes » (Cass. 2e civ., 16 mai 1990, n°89-13.941).

Par pure et simple, il faut donc entendre, conformément à l’article 1118, al. 1er, que l’acceptation doit avoir été formulée par le destinataire de l’offre de telle sorte qu’il a exprimé sa volonté claire et non équivoque « d’être lié dans les termes de l’offre. »

?La modification de l’offre

L’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet, sauf à constituer une offre nouvelle. »

Lorsque, dès lors, l’acceptant émet une réserve à l’offre sur un ou plusieurs de ses éléments ou propose une modification, l’acceptation s’apparente à une contre-proposition insusceptible de réaliser la formation du contrat.

Au fond, l’acceptation se transforme en une nouvelle offre que le pollicitant initial peut ou non accepter.

En toutes hypothèses, le contrat n’est pas formé

Le pollicitant et le destinataire de l’offre doivent, en somme, être regardés comme des partenaires dont la rencontre des volontés n’est qu’au stade des pourparlers.

Aussi, la conclusion définitive du contrat est-elle subordonnée à la concordance parfaite entre l’offre et l’acceptation.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par une « acceptation non conforme à l’offre ».

  • Conceptions envisageables
    • Première conception
      • L’acceptation est non conforme à l’offre, dès lors qu’une réserve ou une proposition de modification est émise par le destinataire
    • Seconde conception
      • Afin de déterminer si l’acceptation est non conforme à l’offre, il convient de distinguer selon que la réserve ou la proposition de modification porte ou non sur un élément essentiel du contrat.
  • La jurisprudence
    • La jurisprudence considère que le contrat n’est réputé formé qu’à la condition que l’offre et l’acceptation se rencontrent sur les éléments essentiels du contrat (V. en ce sens Cass. req., 1er déc. 1885).
    • Dans un arrêt du 28 février 2006, la Cour de cassation a ainsi reconnu la conformité d’une acceptation à l’offre en relevant « qu’un accord de volontés était intervenu entre les parties sur les éléments qu’elle-même tenait pour essentiels même si des discussions se poursuivaient par ailleurs pour parfaire le contrat sur des points secondaires et admis s’être engagée » (Cass. com. 28 févr. 2006, n°04-14.719)
    • Il résulte de cette décision que, dès lors que l’acceptation a porté sur les éléments essentiels du contrat, elle est réputée conforme à l’offre
    • A contrario, cela signifie que lorsque la réserve émise par le destinataire de l’offre porte sur des éléments accessoires au contrat, elle ne fait pas obstacle à la rencontre de l’acceptation et de l’offre.
    • Toutefois, dans l’hypothèse où la réserve exprimée par le destinataire de l’offre porte sur un élément accessoire tenu pour essentiel par l’une des parties, elle s’apparente à une simple contre-proposition, soit à une nouvelle offre et non à acceptation pure et simple de nature à parfaire le contrat (Cass. 3e civ. 27 mai 1998).
  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • Si l’article 1118, al. 3 du Code civil prévoit que « l’acceptation non conforme à l’offre est dépourvue d’effet », cette disposition se garde bien de préciser ce que l’on doit entendre par « acceptation non conforme à l’offre. »
    • Toutefois, la formule « sauf à constituer une offre nouvelle », laisse à penser que le législateur a entendu consentir une certaine latitude au juge quant à l’appréciation de la conformité de l’acceptation à l’offre.
    • Est-ce à dire que la distinction établie par la jurisprudence entre les réserves qui portent sur des éléments essentiels du contrat et les réserves relatives à des éléments contractuels accessoires a été reconduite ?
    • On peut raisonnablement le penser, étant précisé que pour apprécier la conformité de l’acceptation à l’offre le juge se référera toujours à la commune intention des parties.

C) L’étendue de l’acceptation

À supposer que l’acceptation soit identique à l’offre, encore faut-il, pour être efficace, que l’acceptant ait eu connaissance de tous les éléments du contrat.

La question alors se pose de savoir si l’émission de l’acceptation permet de considérer que le destinataire de l’offre n’est engagé que s’agissant des seuls éléments du contrat dont il a eu connaissance, ou si, au contraire, l’acceptation vaut pour toutes les clauses, y compris celles dont il n’a pas pris connaissance lors de la conclusion du contrat.

Plusieurs sortes de documents doivent être distinguées :

  • Les documents contractuels signés
    • S’agissant des documents contractuels signés, la jurisprudence pose une présomption simple de connaissance des stipulations contractuelles par le destinataire de l’offre (Cass. 1re civ. 20 janv. 1993).
    • Aussi, lui appartiendra-t-il de prouver, en cas de clause sibylline ou peu apparente, qu’il n’en a pas eue connaissance, de sorte que son acceptation n’a pas pu rencontrer l’offre dans tous ses éléments (V. en ce sens Cass. 1re civ., 3 mai 1979).
  • Les conditions générales
    • Notion
      • Tout d’abord, il peut être observé, à titre de remarque liminaire, que les conditions générales se rencontrent, le plus souvent, dans les contrats d’adhésion, soit les contrats dont les stipulations ne sont pas susceptibles d’être discutées par les parties, l’une ne laissant pour seul choix à l’autre que d’adhérer en bloc au contrat ou, à défaut, de ne pas contracter.
      • L’article 1110 du Code civil définit encore le contrat d’adhésion comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties. »
      • Aucune définition n’ayant été donnée par le législateur des conditions générales, c’est vers la doctrine qu’il convient de se tourner.
      • Un auteur définit les conditions générales comme « les clauses abstraites, applicables à l’ensemble des contrats individuels ultérieurement conclus, rédigées par avance et imposées par un contractant à son partenaire »[2]
      • Les conditions générales sont, autrement dit, les stipulations qui figurent sur un document contractuel prérédigé.
    • Valeur contractuelle
      • Quelle valeur donner aux conditions générales ?
      • Aux termes de l’article 1119 du Code civil, « les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. »
      • Il ressort de cette disposition que, pour être opposables au destinataire de l’offre, les conditions générales doivent avoir été
        • d’une part, portées à sa connaissance
        • d’autre part, acceptées par lui
      • L’examen de la jurisprudence révèle que la satisfaction de ces deux conditions cumulatives peut être établie de deux façons :
        • Tout d’abord, les conditions générales sont présumées avoir été portées à la connaissance du destinataire de l’offre et acceptées par lui lorsque figure sur le document contractuel signé la mention par laquelle le signataire reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions générales (V. en ce sens Cass. 1re civ. 20 janv. 1993)
        • Ensuite, les conditions générales doivent, soit figurer sur le document contractuel signé, soit être expressément visé par ce dernier (Cass. 1re civ., 16 févr. 1999).
    • Conflit entre conditions générales ou avec les conditions particulières
      • Il peut arriver qu’une discordance existe, soit entre les conditions générales entre elles, soit entre les conditions générales et les conditions particulières.
      • Dans les deux cas on ne saurait manifestement estimer que le destinataire de l’offre a accepté les conditions générales
      • Est-ce à dire que ces discordances sont susceptibles de faire obstacle à la rencontre de l’offre et de l’acceptation ?
      • L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit deux règles qui permettent de régler ce genre de conflits
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales entre elles
          • L’article 1119, al. 2 prévoit que « en cas de discordance entre des conditions générales invoquées par l’une et l’autre des parties, les clauses incompatibles sont sans effet. »
          • La solution retenue par le législateur vient confirmer la jurisprudence antérieure (Cass. com. 20 nov. 1984)
          • Dans la mesure où les conditions générales sont, la plupart du temps, stipulées à la faveur du pollicitant, leur anéantissement ne saurait porter atteinte aux intérêts du destinataire de l’offre.
          • Ajouté à cela, le nouvel article 1190 du Code civil dispose que le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé.
        • S’agissant des discordances entre les conditions générales et les stipulations particulières
          • Le législateur a repris la jurisprudence antérieure qui estimait que les conditions particulières primaient sur les conditions générales (Cass. 1re civ., 9 févr. 1999).
          • L’article 1119, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que « en cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l’emportent sur les premières. »
  • Les documents publicitaires
    • Quid du sort des documents publicitaires sur le fondement desquels, le destinataire de l’offre s’est engagé ?
    • L’acceptation a-t-elle pour effet de les faire entrer dans le champ contractuel, de sorte que les stipulations obligent l’acceptant ?
    • La jurisprudence estime de façon constante que « les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant » (Cass. 1ère civ., 6 mai 2010, n°08-14.461).
    • Il en résulte que, dans l’hypothèse où le contrat signé ne reprend pas les stipulations figurant sur les documents publicitaires, le destinataire de l’offre sera malgré tout tenu de les respecter.
  • Les documents annexes
    • Il s’agit de tous les documents accessoires au contrat principal, soit les brochures, affiches ou encore les écriteaux, lesquels seront, le plus souvent, portés à la connaissance du destinataire de l’offre que postérieurement à la conclusion du contrat.
    • L’examen de la jurisprudence révèle que les documents annexes n’entrent dans le champ contractuel qu’à la condition qu’ils aient été portés à la connaissance du signataire, préalablement à l’acception (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1959)
    • Aussi, sauf à ce que le contrat signé fasse expressément référence aux documents annexes, ils seront présumés être inopposables à l’acceptant
    • Il appartiendra donc au pollicitant de prouver que le destinataire de l’offre a bien eu connaissance des documents annexes.

III) Manifestation de l’acceptation

Aux termes de l’article 1118, « l’acceptation est la manifestation de volonté de son auteur d’être lié dans les termes de l’offre. »

Aussi, ressort-il de cette disposition que pour être efficace, l’acceptation doit être extériorisée.

Dans la mesure où le consensualisme préside au processus de rencontre des volontés, la validité du contrat n’est subordonnée, en principe, à la satisfaction d’aucunes formes en particulier (V. en ce sens Cass. 3e civ. 27 nov. 1990, n°89-14.033).

Conséquemment, trois hypothèses peuvent être envisagées :

A) L’acceptation est expresse

Il s’agit de l’hypothèse où l’acceptation est exprimée par le destinataire de l’offre au moyen d’un écrit, de la parole ou d’un geste.

Dans cette situation, l’efficacité de l’acceptation ne soulève guère de difficulté, dans la mesure où la volonté de l’acceptant sera dépourvue d’ambiguïté.

B) L’acceptation tacite

L’acceptation est tacite lorsque la volonté du destinataire de l’offre de l’accepter résulte des circonstances de faits.

La situation la plus courante est l’exécution par l’acceptant du contrat, objet de l’offre.

Dans un arrêt du 25 juin 1991, la Cour de cassation a ainsi estimé que « en acceptant d’intervenir dans l’exécution de l’accord, [le destinataire de l’offre] a nécessairement souscrit aux obligations définies par celui-ci » (Cass. 1ère civ., 25 juin 1991, n° 90-11.485).

L’acceptation tacite pourra également résulter de diverses sortes de comportements, tel que monter dans un taxi ou un autobus ou encore continuer d’encaisser les loyers nonobstant l’expiration d’un bail.

C) Le silence de l’acceptant

Très tôt, la question s’est posée de savoir si le silence du destinataire de l’offre pouvait valoir acceptation.

Pour Demogue « il y a silence au sens juridique quand une personne au cours de cette activité qu’est la vie n’a manifesté sa volonté par rapport à un acte juridique, ni par une action spéciale à cet effet, ni par une action dont on puisse déduire sa volonté ».

Aussi, convient-il de distinguer le silence de l’acceptation tacite :

?L’acceptation tacite

Elle se manifeste par une attitude, un comportement, un geste ou l’exécution d’un contrat

Autrement dit, le destinataire de l’offre ne dit pas oui, ni ne l’écrit pas. Son acceptation se déduit de son comportement.

?Le silence

Il ne fait l’objet d’aucune extériorisation.

Le destinataire de l’offre ne réagit pas, il est complètement passif.

Le silence vaut-il acceptation ?

  • Principe
    • Dans un ancien arrêt du 25 mars 1870 la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que « en droit, le silence de celui qu’on prétend obligé ne peut suffire, en l’absence de toute autre circonstances, pour faire preuve contre lui de l’obligation alléguée » (Cass. 1re civ., 25 mai 1870).
    • Ainsi, selon cette décision qui ne dit mot ne consent pas (Pour un rappel de cette règle V. notamment Cass. com., 25 avr. 2006).
    • Surtout, l’article 1120 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit désormais que « le silence ne vaut pas acceptation ».
  • Exceptions
    • Si l’article 1120 prévoit que l’acceptation ne saurait se déduire du silence du destinataire de l’offre, il précise néanmoins, in fine, « à moins qu’il n’en résulte autrement de la loi, des usages, des relations d’affaires ou de circonstances particulières. »
    • Autrement dit, il est des cas où, par exception, le silence peut parfaitement valoir acceptation.
    • Il en ira ainsi dans toute une série de circonstances :
      • L’existence d’un texte spécial
        • Lorsque le silence est réglementé, il peut être interprété comme valant acceptation
        • Exemples :
        • En matière de contrat de bail, l’article 1738 du Code civil prévoit, en matière de contrat de bail, que « si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par l’article relatif aux locations faites sans écrit.
        • En matière de contrat de travail, l’article L. 1222-6 du Code du travail prévoit que lorsque l’employeur envisage la modification d’un élément essentiel du contrat de travail « à défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou de quinze jours si l’entreprise est en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée. »
      • L’existence d’usages professionnels
        • Le silence peut également être réglementé par un usage professionnel
        • En vertu de cet usage, le professionnel qui a reçu une offre peut être obligé d’exprimer son refus, faute de quoi il sera réputé l’avoir acceptée.
        • Dans un arrêt du 13 mai 2003, la Cour de cassation a ainsi estimé en ce sens que, s’agissant d’un contrat de vente de vin entre deux professionnels exerçant dans le même secteur d’activité, « l’établissement et l’envoi, par le courtier au vendeur et à l’acheteur de la “lettre de confirmation” sans qu’il y ait de leur part un accord formel équivalait suivant l’usage ancien et constant en Bordelais, à une vente parfaite, sauf protestation dans un très bref délai fixé par les usages loyaux et constants de la profession à 48 heures de la réception de cette lettre dont l’envoi est à la charge du courtier » (Cass. com. 13 mai 2003, n°00-21.555).
      • La force de l’habitude
        • Lorsque deux contractants étaient antérieurement en relations d’affaires et que, périodiquement et régulièrement, ils concluaient des contrats ayant la même nature, le même objet et le même but, sans, à chaque nouveau contrat, exprimer formellement leur volonté de s’engager, la jurisprudence considère que, en dépit du silence, un contrat qui s’inscrit dans la continuité de cette relation contractuelle est réputé formé (Cass. com., 15 mars 2011, n°10-16.422)
        • Ainsi, la force de l’habitude peut conférer au silence du destinataire de l’offre la valeur d’une acceptation.
      • L’intérêt exclusif du destinataire
        • Lorsque l’offre est faite dans l’intérêt exclusif du destinataire, le silence vaut acceptation.
        • Il en va ainsi lorsqu’un créancier consent une remise de dette à son débiteur (Cass. req., 29 mars 1938)
        • L’idée sous-jacente est ici que l’acceptant n’a aucune raison de refuser l’offre qui lui est faite, compte tenu de l’avantage exclusif qu’elle lui procure.
      • L’existence de circonstances particulières caractérisant une acceptation
        • Dans un arrêt du 24 mai 2005, la Cour de cassation a estimé que « si, en principe, le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (Cass. 1re civ., 24 mai 2005, n°02-15.188).

Cass. 1re civ., 24 mai 2005

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le préfet de la région d’Ile-de-France a notifié à M. X…, qui avait obtenu un permis de construire sur une parcelle dont il est propriétaire, un arrêté lui enjoignant de faire réaliser préalablement aux travaux une opération préventive de fouilles archéologiques ; que M. X… a accepté un devis “diagnostic archéologique” établi par l’Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN), aux droits de laquelle vient l’INRAP ; que l’AFAN a informé M. X… que le diagnostic était positif et que “la partie arrière de la parcelle nécessitait une investigation plus approfondie, une petite fouille de sauvetage urgent devant être réalisée”, ce qui a conduit le préfet à prendre un nouvel arrêté prévoyant que l’AFAN procéderait en urgence à une opération préventive de fouilles entre le 14 avril 1998 et le 17 avril 1998 ; que M. X… ayant refusé de régler la facture correspondant à ces travaux au motif qu’il n’avait pas accepté le devis que lui avait adressé l’AFAN, celle-ci l’a assigné en paiement ;

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt attaqué (Versailles, 1er mars 2002) d’avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi :

1 / que le silence ne vaut pas à lui seul acceptation ; que M. X…, destinataire du second devis, ne l’avait jamais retourné ni signé et n’avait pas davantage déclaré l’accepter ; qu’en décidant cependant que le propriétaire du terrain aurait de la sorte accepté ce second devis, la cour d’appel a violé les articles 1101 et 1108 du Code civil ;

2 / qu’il appartient au créancier qui demande l’exécution de la convention qu’il invoque de rapporter la preuve de l’existence de l’accord résultant de l’acceptation de son offre par l’autre partie ; qu’en énonçant que M. X…, destinataire du second devis, ne soutenait pas valablement ne pas l’avoir accepté, à défaut de manifestation expresse de volonté de rupture de ses relations contractuelles avec l’AFAN, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ; que l’arrêt relève que le permis de construire délivré à M. X… lui imposait de ne pas mettre en péril les vestiges archéologiques situés sur le terrain d’assiette de l’opération de construction, que l’arrêté du préfet de la région d’Ile-de-France, pris en exécution de cette contrainte, a imposé l’opération de fouille préventive, que cet arrêté a été signé au visa de la convention signée par l’Etat et l’AFAN et qu’ainsi M. X…, dont la volonté est certes liée par les contraintes administratives, ne pouvait sans se priver de l’attestation de levée de contraintes archéologiques qui lui a été délivrée le 29 avril 1998 ne pas faire exécuter les prestations prévues par le second devis ; qu’ayant exactement déduit de ces circonstances que le silence gardé par M. X… à la suite de la réception du devis que lui avait adressé l’AFAN avait la signification d’une acceptation, c’est sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel a ensuite énoncé que M. X… ne pouvait, à défaut de manifestation expresse de volonté, soutenir qu’il n’avait pas accepté le second devis ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

        • Avec cette décision, la haute juridiction a, de la sorte, entendu abandonner le caractère limitatif des circonstances où le silence est susceptible d’être interprété comme valant acceptation.
        • Autrement dit, dorénavant, des circonstances particulières, autres qu’un usage ou des relations affaire, peuvent conférer au silence du destinataire de l’offre la signification d’une volonté de s’engager.
        • Cette solution a été consacrée par le législateur à l’article 1120 du Code civil qui prévoit que le silence résultant de « circonstances particulières » peut valoir acceptation.

IV) Effets

?Principe

À la différence de l’offre, l’acceptation, lorsqu’elle est exprimée, a pour effet de parfaire le contrat.

En vertu du principe du consensualisme, le contrat est donc formé, de sorte que le pollicitant devient immédiatement lié contractuellement à l’acceptant.

Dans un arrêt du 14 janvier 1987, la Cour de cassation affirme en ce sens que s’agissant d’un contrat de vente que « la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités » (Cass. 3e civ. 14 janv. 1987, n°85-16.306).

Cass. 3e civ. 14 janv. 1987

Sur le moyen unique :

Attendu selon l’arrêt attaqué (Orléans 23 mai 1985), statuant sur renvoi après cassation, que, par acte sous seing privé du 13 novembre 1978, Mme A… s’est engagée à céder à M. Y… une maison et toute l’oeuvre en sa possession de la famille A… moyennant une somme payable comptant et une rente viagère mensuelle ; que l’acte précisait que serait étudiée avec la Bibliothèque Nationale la possibilité de faire, de cette maison, un musée ou une fondation A…, que M. Y… souscrivait divers engagements dont notamment celui de mettre à la disposition de Mme A… les moyens nécessaires pour terminer la biographie de son oncle, Alexandre A…, et faire éditer un livre, et d’organiser, dans sa galerie, une série d’expositions des oeuvres de la famille A… ; qu’il était mentionné que l’accord ne prendrait son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire ; que postérieurement au paiement par M. Y… de la partie du prix payable comptant et du premier terme de la rente, Mme A… a refusé de donner suite à cet accord ;

Attendu que Mme Lebel Z…, aux droits de Mme A…, fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré valable l’accord passé le 13 novembre 1978 entre Mme A… et M. Y…, alors, selon le moyen, que “si la vente est parfaite dès lors qu’est constaté l’accord des parties sur la chose et le prix, il est loisible aux parties de subordonner le caractère parfait et définitif de la vente à la réalisation d’une condition suspensive, qu’en l’espèce, dans l’acte du 13 novembre 1978, relatif à la cession non seulement d’un bien immobilier mais également de biens mobiliers et des droits y afférents, il était expressément stipulé par les parties que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par un notaire (Me du X… …), qu’en se bornant à retenir, pour affirmer qu’il ne résultait d’aucune disposition de l’acte ni des circonstances de la cause que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la signature d’un acte authentique, que celles-ci étaient d’accord sur la chose et le prix dès le 13 novembre 1978 et qu’il n’était pas établi que Mme A… avait entendu faire des conditions accessoires énumérées dans l’acte un élément essentiel de la vente, sans rechercher quelle avait été la commune intention des parties en prévoyant dans l’acte du 13 novembre 1978 que leur accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par le notaire désigné, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1134 du Code civil, et a violé par fausse application l’article 1589 du Code civil” ;

Mais attendu qu’après avoir énoncé justement que la vente est parfaite entre les parties dès qu’on est convenu de la chose et du prix et que le défaut d’accord définitif sur les éléments accessoires de la vente ne peut empêcher le caractère parfait de la vente à moins que les parties aient entendu retarder la formation du contrat jusqu’à la fixation de ces modalités, l’arrêt retient souverainement que les parties à l’acte du 13 novembre 1978 s’étaient, dès cette date, entendues sur la chose et sur le prix et que si elles ont prévu l’entérinement de l’acte par un notaire, il ne résulte ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause qu’elles aient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur consentement ; que par ces seuls motifs, l’arrêt est légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

?Exceptions

Par exception, il est des cas où la rencontre de l’offre et l’acceptation ne suffit pas à former le contrat.

La loi exigera en effet, soit que l’expression du consentement soit complétée par l’accomplissement de certaines formalités ou à la remise de la chose, soit que le destinataire de l’offre observe un délai de réflexion avant de manifester son acceptation.

Parfois même, la loi autorisera le destinataire de l’offre à se rétracter, nonobstant la rencontre de l’offre et l’acceptation.

Plusieurs hypothèses doivent donc être envisagées :

  • La formation du contrat est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités : les contrats solennels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 2 du Code civil prévoit que « le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi »
      • Ainsi, la rencontre de l’offre et de l’acceptation est insuffisante pour réaliser la formation d’un contrat solennel.
      • La loi impose aux contractants l’accomplissement de certaines formalités, lesquelles sont exigées ad validitatem et non ad probationem, comme tel est le cas en matière de contrats consensuels.
    • Applications
      • L’établissement d’un acte authentique sera parfois exigé
        • Il en va ainsi en matière de donation, de vente immobilière, d’hypothèque ou encore de convention matrimoniale
      • L’établissement d’un écrit simple sera d’autres fois exigé
        • Il en va ainsi en matière de crédit à la consommation, de démarchage à domicile, de crédit immobilier, de cautionnement ou encore de conventions collectives
    • Sanction
      • Le non-respect du formalisme exigé par la loi en matière de contrat solennel est sanctionné par la nullité absolue.
  • La formation du contrat est subordonnée à la remise de la chose : les contrats réels
    • Principe
      • L’article 1109, al. 3 prévoit que « le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose. »
      • En matière de contrat réel, la rencontre de l’offre et l’acceptation est, là encore, insuffisante quant à réaliser la formation du contrat
      • Sa validité est conditionnée par la remise de la chose
    • Applications
      • Peuvent être qualifiés de contrats réels les contrats de gage, de dépôt ou de prêt, encore que pour ce dernier, la jurisprudence a évolué.
      • Particularité du contrat de prêt :
        • Depuis un arrêt du 28 mars 2000, il convient de distinguer selon que le prêt est consenti ou non par un professionnel (Cass. 1ère civ., 28 mars 2000, n°97-21.422)
        • La haute juridiction a, effet, décidé dans cette décision que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ».
        • En dehors de cette hypothèse, le contrat de prêt demeure un contrat réel, de sorte que la remise de la chose est exigée ad validitatem.

Cass. 1ère civ., 28 mars 2000

Attendu que Daniel X… a acheté, le 21 février 1992, à la société Sanlaville, du matériel agricole qui devait être fourni par la société Fiatgeotech, le financement du prix devant être assuré à hauteur de 700 000 francs par un prêt consenti par la société UFB Locabail ; qu’aux termes du contrat, l’UFB Locabail s’est engagée à verser directement à la société Sanlaville le montant du prêt sur simple avis qui lui serait fait par le vendeur de la livraison du matériel, sous condition, notamment de l’adhésion de Daniel X… à une assurance-vie à souscrire auprès de la compagnie UAP Collectives aux droits de laquelle se trouve la société Axa collectives, qui a repris l’instance en ses lieu et place ; que Daniel X… ayant fait parvenir le 31 mars 1992 à l’UFB Locabail le dossier d’adhésion à la garantie d’assurance sur la vie, la société Sanlaville a adressé, le 22 juin suivant, à l’UFB le bon de livraison du matériel ; que Daniel X… est, entre-temps, décédé accidentellement le 4 juin 1992 ; qu’une contestation étant née sur la qualité du matériel livré et l’UFB Locabail ayant dénié devoir financer l’opération, les héritiers X… ont assigné la société Sanlaville, prise en la personne de son liquidateur judiciaire et l’UFB Locabail pour faire prononcer la résiliation de la vente et, subsidiairement, condamner l’UFB à verser à la société Sanlaville le montant du prêt ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que l’UFB Locabail fait grief à l’arrêt attaqué (Grenoble, 1er octobre 1997), d’avoir jugé que le contrat de financement souscrit par Daniel X… l’obligeait à payer la somme convenue à ses héritiers, alors, selon le moyen, en premier lieu, qu’il ressort de l’arrêt que l’UFB n’ayant jamais remis les fonds faisant l’objet du contrat de prêt à Daniel X… avant la date de livraison du matériel, le contrat de prêt ne s’était pas formé, la cour d’appel a violé l’article 1892 du Code civil ; alors, en deuxième lieu, que le contrat de prêt était conclu intuitu personae dès lors que le prêteur s’engageait en considération des possibilités de remboursement de l’emprunteur, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter le contrat de prêt initialement conclu au bénéfice de Daniel X… au profit des ayants-cause de ce dernier, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi l’article 1122 du Code civil ; alors, en troisième lieu, que l’article 6 du contrat de prêt stipulait que les sommes restant dues par l’emprunteur deviendraient immédiatement exigibles en cas de décès de ce dernier et l’article 10 de l’acte prévoyait qu’en cas de décès de l’emprunteur avant remboursement de toutes les sommes dues au prêteur, il y aurait solidarité et indivisibilité entre ses héritiers, de sorte qu’en se fondant sur ces clauses qui impliquaient que les fonds avaient été préalablement remis à l’emprunteur avant son décès, pour caractériser une obligation de l’UFB de verser des fonds au profit des héritiers, la cour d’appel s’est fondée sur un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil ; et alors, en quatrième lieu, que les fonds que l’UFB s’était engagée à verser à Daniel X… ne lui ayant jamais été remis, l’engagement de l’établissement financier ne pouvait s’analyser qu’en une promesse de prêt dont l’inexécution, à la supposer fautive, ne pouvait donner lieu qu’à l’allocation de dommages-intérêts, de sorte qu’en condamnant néanmoins l’UFB à exécuter son engagement résultant de la promesse de prêt en lui imposant de verser aux ayants-droit de Daniel X… les sommes qui y étaient visées, la cour d’appel a violé les articles 1892 et 1142 du même Code ;

Mais attendu que le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel ; que l’arrêt attaqué, qui relève que la proposition de financement avait été signée par Daniel X… et que les conditions de garanties dont elle était assortie étaient satisfaites, retient, à bon droit, que la société UFB Locabail était, par l’effet de cet accord de volonté, obligée au paiement de la somme convenue ; d’où il suit que le moyen qui n’est pas fondé en sa première branche, est inopérant en ses trois autres branches

    • Sanction
      • Comme en matière de contrat solennel, la sanction encourue en cas de non remise de la chose objet d’un contrat réel est la nullité absolue.
      • Le contrat est donc réputé n’avoir jamais existé en raison d’une irrégularité de forme qui fait obstacle, non pas à la rencontre des volontés, mais à sa validité.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’observation d’un délai de réflexion
    • Principe
      • Le nouvel article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir un délai de réflexion ».
      • Par délai de réflexion, il faut entendre, précise cette même disposition, « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ».
      • Ainsi, le délai de réflexion fait-il obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation, cette dernière ne pouvait être exprimée qu’à l’expiration du délai stipulé par le pollicitant ou par la loi.
      • Lorsque le législateur impose l’observation d’un délai de réflexion, il est animé par un souci de protection de la partie la plus faible.
      • Le délai de réflexion a vocation à prévenir une décision précipitée que le destinataire de l’offre pourrait regretter après coup.
      • Car en l’absence de délai de réflexion, dès lors que l’offre rencontre l’acceptation, le contrat est formé.
      • L’acceptant est alors tenu d’exécuter la prestation à laquelle il s’est obligé.
    • Applications
      • En matière de crédit immobilier, l’article 313-34 du Code de la consommation prévoit que « l’offre est soumise à l’acceptation de l’emprunteur et des cautions, personnes physiques, déclarées. L’emprunteur et les cautions ne peuvent accepter l’offre que dix jours après qu’ils l’ont reçue. »
      • En matière de contrat d’enseignement à distance, l’article 444-8 du Code de l’éducation prévoit encore que « à peine de nullité, le contrat ne peut être signé qu’au terme d’un délai de sept jours après sa réception. »
    • Sanction
      • La sanction encourue en cas d’inobservation d’un délai de réflexion est la nullité du contrat
      • L’acceptation est réputée n’avoir jamais rencontré l’offre émise par le pollicitant.
  • La formation du contrat est subordonnée à l’absence de rétractation du destinataire de l’offre
    • Principe
      • L’article 1122 du Code civil prévoit que « la loi ou le contrat peuvent prévoir […] un délai de rétractation ».
      • Par délai de rétractation il faut entendre poursuit cette disposition « le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement. »
      • Le délai de rétractation se distingue du délai de réflexion en ce qu’il ne fait pas obstacle à la rencontre de l’offre et l’acceptation.
    • Nature du délai de rétractation
      • Dans l’hypothèse où la loi prévoit un délai de rétractation la question se pose de savoir à quel moment le contrat est réputé être définitivement formé ?
      • Les thèses en présence
        • Selon la première thèse, le contrat ne serait définitivement formé qu’à l’expiration du délai de rétractation (V. en en ce sens G. Cornu)
          • La conséquence en est, selon cette thèse, que le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution, dans la mesure où il n’existe pas encore, nonobstant la rencontre de l’offre et de l’acceptation.
        • Selon la deuxième thèse, le contrat serait réputé formé dès la rencontre de l’offre et de l’acceptation, le droit de rétractation devant s’analyser comme une faculté, pour l’acceptant, d’anéantir unilatéralement le contrat (V. en ce sens A. Françon)
          • Il en résulte, selon cette théorie, que le contrat peut être exécuté dès l’acceptation de l’offre par son destinataire, celui-ci bénéficiant d’une faculté de dédit
        • Selon la troisième thèse, le contrat serait, certes, réputé formé dès l’échange des consentements. Toutefois, son efficacité serait suspendue à l’expiration du délai de rétractation (V. en ce sens V. Christianos)
          • Dès lors, bien que formé, le contrat ne saurait faire l’objet d’une exécution de la part du destinataire de l’offre.
      • La jurisprudence
        • Dans un arrêt du 10 juin 1992, la Cour de cassation a estimé que s’agissant d’un contrat de vente que « le contrat était formé dès la commande », nonobstant l’existence d’un droit de rétractation (Cass.1ère civ. 10 juin 1992, n°90-17.267).
        • Ainsi, la haute juridiction considère-t-elle que la formation du contrat est acquise dès l’échange des consentements, soit lorsque les parties se sont entendues sur les éléments essentiels du contrat.

Cass.1ère civ. 10 juin 1992

Sur le moyen unique :

Vu l’article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ;

Attendu que le 12 août 1988 M. Michel X… a souscrit, à la suite d’un démarchage auprès de la société Air photo France, un bon de commande pour une photographie encadrée de sa maison ; que par lettre recommandée du 5 septembre 1988 il a fait connaître à cette société qu’il annulait sa commande ; que la société lui a opposé la tardiveté de la rétractation, intervenue après le délai de 7 jours prévus par la loi du 22 décembre 1972 ;

Attendu que pour annuler l’injonction de payer en date du 5 juillet 1989 délivrée contre M. X…, la décision attaquée a énoncé que le délai de 7 jours n’est pas un délai préfix et que M. X… avait fait parvenir son annulation à la société Air photo France dans un délai suffisamment bref pour permettre à cette dernière d’éviter des frais d’agrandissement et les aléas de leur recouvrement ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le contrat était formé dès la commande et que la faculté de renonciation était limitée à 7 jours à compter de celle-ci, le Tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 1er février 1990, entre les parties, par le tribunal d’instance de Pontarlier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Montbéliard

      • Le législateur
        • À l’examen, l’ordonnance du 10 février 2016 semble opiner dans le sens de la Cour de cassation
        • Car si le délai de rétractation est celui « avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement », cela signifie, implicitement, que pour pouvoir « rétracter son consentement », le destinataire de l’offre doit, au préalable, l’avoir exprimé.
        • Or, conformément au principe du consensualisme, le contrat est réputé formé dès l’échange des consentements des parties.
        • Si dès lors, le législateur avait estimé que l’existence d’un droit de rétractation faisait obstacle à la formation du contrat, il est peu probable qu’il ait associé cette faculté à la manifestation du consentement de l’acceptant.
      • Au total, il apparaît donc que le délai de rétractation n’interdit pas au destinataire de l’offre de consentir au contrat qui lui est proposé.
      • Ce délai lui offre seulement la faculté de se rétracter pendant une période déterminée.
      • Le consentement de l’acceptant ne devra donc irrévocable qu’à l’expiration du délai de rétractation.
    • Applications
      • En matière de contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, le délai de rétractation est fixé par la loi à 14 jours
      • En matière de contrat d’assurance vie, la loi prévoit un délai de rétractation de 30 jours
      • En matière de courtage matrimonial, le délai de rétractation est de 7 jours à compter de la signature du contrat
    • Sanctions
      • Dans l’hypothèse où il se rétracte, le destinataire de l’offre est réputé n’avoir jamais accepté le contrat, ce qui dès lors a pour effet de priver d’efficacité la rencontre des volontés.
      • En d’autres termes, le contrat est anéanti rétroactivement.
      • L’exercice du droit de rétraction produit, dès lors, le même effet qu’une nullité.
      • Quid, néanmoins, dans l’hypothèse où le contrat a été totalement ou partiellement exécuté ?
      • L’article 1122 du Code civil est silencieux sur ce point.
      • La question de la sanction applicable en cas d’exécution anticipée du contrat est donc ouverte.
      • Dans la mesure où le droit de droit de rétractation ne s’analyse pas, a priori, comme un obstacle à la formation du contrat, seules deux sanctions sont envisageables en cas d’exécution totale ou partielle :
        • La résolution
        • La caducité
  1. Ph. Delebecque, Les clauses allégeant les obligations : thèse, Aix, 1981, p. 198, n° 164 ?
  2. A. Seube, « Les conditions générales des contrats », Mélanges Jauffret, 1974, p. 622 ?