La saisie conservatoire: régime juridique

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

§1 : La saisie conservatoire des biens meubles corporels

==> Droit commun

L’article L. 522-1 prévoit que le créancier qui a obtenu ou possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens qui ont été rendus indisponibles jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

La saisie conservatoire de biens meubles corporels permet de rendre indisponibles ces biens avant de procéder à leur réalisation par la conversion de la mesure en saisie-vente.

Les dispositions de l’article R. 221-19 du CPCE, relatives à la garde des objets saisis, sont applicables à la saisie conservatoire des meubles corporels (art. R. 522-4 CPCE).

La valeur élevée et le caractère particulier de certains biens (bateau, navire, aéronef) ont conduit le législateur à édicter pour leur saisie des modalités spécifiques dérogatoires au droit commun.

==> Droit spécial

  • Saisie de navire
    • L’article L. 4123-1 du code des transports indique que les bateaux définis à l’article L. 4111-1 du code des transports peuvent faire l’objet de mesures conservatoires ou être saisis selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
    • A cet égard, l’article 30 du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer évoque la saisie conservatoire de navire en précisant que la saisie conservatoire empêche le départ du navire mais ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire.
    • L’article L. 5114-22 du code des transports précise que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d’un navire sans autre précision.
  • Saisie d’aéronef
    • L’article R. 123-9 du code de l’aviation civile prévoit la possibilité pour les créanciers d’un propriétaire d’aéronef non domicilié en France ou d’un aéronef de nationalité étrangère de pratiquer une saisie conservatoire avec l’autorisation du juge d’instance du lieu où l’appareil a atterri.
    • L’article L. 6123-1 du code des transports n’autorise la saisie conservatoire des aéronefs français et étrangers, affectés à un service d’État ou à des transports publics, que si la créance porte sur les sommes dues par le propriétaire à raison de l’acquisition de ces aéronefs ou de contrats de formation ou de maintenance liés à leur exploitation.

En dehors des dispositions énoncées, le législateur n’a pas édicté de modalités spécifiques pour la saisie conservatoire de ces biens.

Les saisies conservatoires de ces biens sont codifiées au code des procédures d’exécution.

I) Les opérations de saisie

La procédure de saisie conservatoire des biens meubles corporels comporte deux phases

  • La première phrase est purement conservatoire : elle consiste en l’accomplissement de l’acte de saisie proprement dit ( R. 522-1 CPCE)
  • La seconde phase consiste à régulariser un acte de conversion en saisie-vente ouvrant la possibilité de procéder à la réalisation du bien selon le formalisme de la saisie-vente ( R. 522-7 CPCE).

Une saisie peut être pratiquée sur les biens meubles corporels appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A) La saisie pratiquée entre les mains du débiteur

L’article R. 522-1 du CPCE prévoit que « après avoir rappelé au débiteur qu’il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l’objet d’une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l’huissier dresse un procès-verbal de saisie ».

==> L’acte de saisie

A peine de nullité, l’acte de saisie doit contenir les mentions suivantes :

  • La mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet, suivant l’article 495 du code de procédure civile, « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ». Toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre, ainsi que du montant de la dette ;
  • La désignation détaillée des biens saisis ;
  • Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d’une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens ;
  • La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article R. 221-13 du CPCE (cas où une cause légitime rend le déplacement des biens nécessaires, le gardien étant tenu d’en informer préalablement le créancier et de lui indiquer le lieu où les biens seront placés), sous peine des sanctions prévues à l’article 314-6 du code pénal, et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • L’indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte ;
  • La reproduction de l’article 314-6 du code pénal (délit de détournement d’objets saisis), et celle des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité de la saisie conservatoire et à leur contestation.

L’huissier peut faire application de l’article R. 221-12 du CPCE, c’est-à-dire photographier les biens saisis en vue de leur vérification ultérieure.

==> Le débiteur est présent

Si le débiteur est présent, l’huissier doit lui rappeler verbalement le contenu des mentions des 4° et 5° de l’article R. 522-1 du CPCE et lui remettre une copie de l’acte portant les mêmes signatures que l’original, soit :

  • La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article R. 221-13 sous peine des sanctions prévues à l’article 314-6 du code pénal et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie des mêmes biens ;
  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;

La remise de l’acte au débiteur présent vaut signification (art. R. 522-2 CPCE).

==> Le débiteur est absent

Lorsque le débiteur n’a pas assisté aux opérations de saisie, l’huissier lui signifie une copie de l’acte, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu’il porte à sa connaissance toute information relative à l’existence d’une éventuelle saisie antérieure et qu’il lui en communique le procès-verbal (art. R. 522-3 CPCE).

L’acte devra surtout ne pas omettre la mention prévue au 7° de l’article R. 522-1 du CPCE, soit l’indication, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte.

B) La saisie pratiquée entre les mains d’un tiers

==> L’acte de saisie

Lorsqu’elle est pratiquée entre les mains d’un tiers, la procédure de saisie conservatoire doit répondre aux conditions fixées de l’article R. 221-21 du CPCE à l’article R. 221-29 du CPCE en matière de saisie-vente, à l’exception du premier alinéa de l’article R. 221-21 du CPCE (présentation du commandement de payer notifié au débiteur) et de l’article R. 221-26 du CPCE (signification de l’acte de saisie-vente au débiteur avec indication qu’il dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis) qui ne sont pas applicables (art. R. 522-5 CPCE).

En particulier, le troisième alinéa de l’article L. 221-1 du CPCE impose à l’huissier l’obtention d’une autorisation du juge de l’exécution pour procéder à une saisie-vente dans le local d’habitation d’un tiers.

Bien qu’une telle autorisation ne soit pas prévue pour la saisie conservatoire, il est préconisé d’obtenir dans ce sens, par voie de requête, une autorisation du juge de l’exécution pour pratiquer une saisie conservatoire dans les locaux privés occupés par un tiers.

Si le tiers déclare ne détenir aucun bien appartenant au débiteur ou s’il refuse de répondre, il en est dressé acte et l’huissier l’avertit des sanctions auxquelles il s’expose, en vertu de l’article R. 221-21 du CPCE auquel renvoie l’article R. 522-5 du CPCE.

==> La dénonciation au débiteur

L’acte de saisie, qui est signifié au débiteur dans un délai de huit jours de la saisie, doit, à peine de nullité, contenir, conformément au deuxième alinéa de l’article R. 522-5 du CPCE :

  • Une copie de l’autorisation du juge ou du titre, selon le cas, en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet suivant l’article 495 du code de procédure civile, « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la nullité au juge de l’exécution du lieu de son propre domicile ;
  • La reproduction des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité des mesures conservatoires et à leur contestation.

II) Les effets de la saisie

La saisie conservatoire entraîne l’indisponibilité des biens saisis (art. L. 521-1 CPCE), c’est à dire l’interdiction de les déplacer ou de les aliéner.

Cependant si une cause légitime rend le déplacement des biens nécessaire, le gardien doit en informer préalablement le créancier en lui indiquant le lieu où ils seront placés (art. R. 221-13 et R. 522-1 du CPCE).

Le débiteur, qui est normalement gardien, conserve l’usage des biens saisis, à moins qu’il ne s’agisse de biens consomptibles.

Le juge de l’exécution, saisi sur requête, peut ordonner la remise des objets à un séquestre (art. R. 221-19 et R. 522-4 du CPCE).

Si, parmi les biens saisis, se trouve un véhicule terrestre à moteur, celui-ci peut être immobilisé jusqu’à son enlèvement en vue de la vente (art. R. 221-19, al. 3 CPCE).

En tout état de cause, l’indisponibilité ne confère au créancier premier saisissant aucun droit de préférence sur le prix de vente des biens saisis.

III) La conversion en saisie-vente

A) Principe

L’article L. 522-1 du CPCE prévoit que le créancier qui a obtenu ou qui possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens saisis à titre conservatoire jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

Sans titre, la vente du bien saisi est donc impossible. La conversion peut être prononcée dans le même acte que le jugement de condamnation.

B) Procédure

==> L’acte de conversion

Le créancier doit signifier au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité, les mentions suivantes (art. R. 522-7 CPCE) :

  • La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Un commandement d’avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.

Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure.

Si la saisie a été pratiquée entre les mains d’un tiers une copie de l’acte de conversion doit lui être dénoncée (art. R. 522-7 CPCE).

==> La vérification des biens saisis

Outre que seul l’huissier peut être chargé de procéder à la vérification des biens saisis, celle-ci doit intervenir à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la date de l’acte de conversion, soit avant la tentative de vente amiable.

Pour cette raison, l’acte de vérification des biens doit être signifié au débiteur avec la mention qu’il dispose d’un délai d’un mois pour vendre à l’amiable les biens saisis dans les conditions prescrites aux articles R. 221-30, R. 221-31 et R. 221-32 du CPCE (relatifs à la saisie-vente) lesquels doivent d’ailleurs être reproduits (art. R. 522-8 CPCE).

==> Ouverture d’une procédure collective

En cas d’ouverture d’une procédure collective la saisie conservatoire ne peut être convertie en saisie vente ce qui implique la mainlevée de la saisie conservatoire.

Les biens doivent avoir été saisis avant la date de cessation de paiement et avoir été vendus avant le jugement d’ouverture pour que la mesure conservatoire échappe à la nullité.

C) La vente des biens saisis

L’article R. 522-10 du CPCE prévoit que « à défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée des biens saisis dans les conditions prescrites aux articles R. 221-33 à R. 221-39. »

Aussi, convient-il de distinguer la phase de vente volontaire, de la phase – subsidiaire – de vente forcée, étant précisé que les règles de la saisie-vente sont applicables en la matière.

  1. La vente volontaire

L’article R. 522-10 du CPCE autorise le débiteur à vendre les biens saisis pour en affecter le prix au paiement des créanciers.

a) Délai ouvert au saisi et situation des biens au cours du délai

==> Délai

Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder lui-même à la vente amiable des biens saisis (Art. R. 522-10 et R. 221-30 CPCE).

Ce délai court à compter de la notification de l’acte de saisie (art. R. 221-30 CPCE), c’est-à-dire à compter de la remise de l’acte au débiteur présent (art. R. 221-17 CPCE), ou de la signification par l’huissier de l’acte de saisie au débiteur qui n’a pas assisté aux opérations (art. R. 221-18 CPCE).

Ce délai est augmenté, le cas échéant, des quinze jours impartis aux créanciers saisissants et opposants pour répondre aux propositions de vente amiable effectuées par le débiteur (art. R. 221-31 CPCE).

==> Situation des biens au cours du délai

Pendant ce délai, les biens restent indisponibles, sous la responsabilité du gardien. En aucun cas, ils ne peuvent être déplacés avant la consignation du prix par l’acquéreur (art. R. 221-30 CPCE).

Cette indisponibilité n’interdit pas au débiteur de vendre les biens saisis, elle lui impose seulement de les vendre en respectant la procédure prévue. Si le débiteur aliène les biens saisis dans d’autres conditions, les sanctions pénales du détournement d’objet saisi lui seront applicables.

La recherche d’un acquéreur amiable dans les termes et conditions des articles R. 221-30 à R. 221-32 du CPCE n’est donc possible qu’après que le bien ait été rendu indisponible, et ne peut faire sortir valablement le bien du patrimoine du saisi qu’une fois que le projet de vente est devenu une vente parfaite non seulement par l’accord du créancier-saisissant (et des créanciers opposants s’il y en a), mais encore par la consignation du prix par l’acquéreur amiable entre les mains de l’huissier ayant procédé à la saisie, dans les délais convenus et acceptés par les créanciers, le non-respect de ces principes entraînant la réalisation des biens saisis par la vente forcée.

b) Communication des propositions d’acquisition et réponse des créanciers

==> Communication des propositions d’acquisition

La procédure de vente amiable tend à assurer le paiement des créanciers (art. L. 221-3 CPCE) et à éviter toute dissimulation de la part du débiteur.

Le débiteur doit informer, par écrit, l’huissier chargé de l’exécution des propositions qui lui ont été faites (art. L. 221-3 CPCE).

Il doit préciser l’identité et l’adresse de l’acquéreur éventuel ainsi que le délai dans lequel ce dernier se propose de consigner le prix convenu (art. R. 221-31 CPCE).

La tardiveté d’une offre communiquée à l’huissier, non tranchée par les textes, après le délai d’un mois, devrait en principe entraîner son irrecevabilité.

L’huissier transmet les indications qu’il a reçues par écrit du débiteur, au créancier saisissant ainsi qu’aux créanciers opposants (art. R. 221-41 et suivants CPCE).

Cette communication se fait par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (art. R. 221-31 CPCE).

==> Réponse des créanciers

Le délai court à partir de la réception de la lettre recommandée (art. 668 et 669, al. 2 du CPC : la date de notification par voie postale est celle de la remise de la lettre à son destinataire, c’est à dire celle du récépissé ou de l’émargement).

Dans la mesure où les lettres ne portent pas des dates identiques pour tous les créanciers, chacun dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre qui lui est destinée : l’huissier doit donc attendre l’expiration du dernier délai de quinze jours avant de poursuivre la procédure.

Dans le délai de quinze jours, le créancier doit opter :

  • Soit il refuse, et les biens seront vendus aux enchères publiques (art. L. 221-3 CPCE).
    • Ce refus doit être émis avant l’expiration du délai de quinzaine ;
  • Soit il accepte, parce qu’il juge les propositions de vente amiable satisfaisantes et de nature à protéger ses intérêts.
    • Dans ce cas, il peut se manifester auprès de l’huissier par écrit, ou encore rester silencieux pendant le délai de quinze jours, en effet, le défaut de réponse dans le délai fixé par l’article R. 221-31 du CPCE vaut acceptation des créanciers.
    • La vente amiable peut alors être réalisée.

c) Conséquences de la procédure de vente amiable

Lorsque les créanciers ont accepté les propositions de vente amiable, le transfert de la propriété des biens vendus est subordonné à la consignation du prix de vente entre les mains de l’huissier (art. R. 221-32 CPCE).

Cette consignation doit avoir lieu dans le délai auquel l’acquéreur s’était engagé (art. R. 221-31 CPCE).

La consignation est un élément essentiel dès lors que le transfert de la propriété du bien y est subordonné (art. L. 221-3 CPCE).

De plus, la délivrance du bien n’a lieu que si la consignation a été effectuée (art. R. 221-32 CPCE).

L’acquéreur devenu propriétaire peut alors prendre possession du bien et le déplacer (art. R. 221-30 CPCE), et l’huissier peut procéder à la distribution des deniers : il dispose d’un délai d’un mois à compter de la consignation pour remettre le produit de la vente au créancier ou pour établir un projet de répartition (art. R. 251-1 et R. 251-3 CPCE).

2. La vente forcée

a) Conditions de la vente forcée

La vente forcée peut intervenir lorsque les biens saisis n’ont pas fait l’objet d’une vente amiable.

Les trois situations suivantes sont susceptibles de se présenter :

  • L’expiration du délai pour procéder à la vente amiable
  • Les propositions du débiteur sont jugées insuffisantes par les créanciers
  • L’absence de consignation du prix de vente

i) Expiration du délai pour procéder à la vente amiable

Dans cette situation, le créancier saisissant conserve néanmoins la maîtrise du recouvrement de sa créance, l’expiration du délai d’un mois n’implique pas le recours immédiat à la vente forcée.

ii) Propositions du débiteur jugées insuffisantes par les créanciers

Dans l’hypothèse d’une pluralité de créanciers (seuls sont admis à participer aux opérations de la saisie les créanciers qui ont formé opposition) il y a lieu de considérer que le refus d’un seul d’entre eux entraîne le rejet de la proposition du débiteur à l’égard de tous.

Le refus d’autoriser la vente doit être motivé.

En effet, l’article L. 221-3 du CPCE prévoit la vente aux enchères publiques si le créancier établit que ces propositions sont insuffisantes.

Le refus du (ou des créanciers) doit donc être motivé par l’insuffisance des propositions du débiteur.

La motivation raisonnable d’un éventuel refus du créancier consiste dans l’insuffisance du prix proposé, le créancier estimant que le bien serait vendu à un meilleur prix dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.

En principe, la responsabilité du créancier ne peut pas être recherchée en raison du refus d’autorisation.

Toutefois, pour éviter un refus arbitraire, il est prévu que la responsabilité du créancier peut être engagée s’il est inspiré par l’intention de nuire au débiteur (art. L. 221-3 CPCE).

Cette application logique de l’abus du droit donne lieu à une instance devant le juge de l’exécution (art. L. 213-6 et R. 121-11 et suivants du COJ).

iii) Absence de consignation du prix de vente

Les propositions du débiteur ont été acceptées expressément ou tacitement par les créanciers, mais l’acquéreur n’a pas procédé à la consignation du prix de vente dans le délai convenu entre les mains de l’huissier (art. R. 221-32 CPCE).

b) Mise en œuvre de la vente forcée

La personne chargée de l’exécution doit procéder à l’enlèvement des biens pour qu’ils soient vendus aux enchères publiques (art. L. 221-3 CPCE).

i) Détermination du lieu de vente

La vente forcée des biens se fait aux enchères publiques, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, soit en salle des ventes ou sur un marché public, au choix du créancier (art. R. 221-33 CPCE).

ii) Publicité

==> Forme de la publicité

La publicité de la vente s’effectue obligatoirement par voie d’affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci.

La personne chargée de l’exécution détermine le jour et l’heure de la vente, en accord avec le créancier saisissant en fonction des jours et heures habituels de vente dans la salle des ventes ou sur le marché public.

La Cour de cassation a précisé à cet égard que si l’huissier de justice a la possibilité de fixer et de reporter la date de la vente, il doit respecter les intérêts de son client mandant, le créancier saisissant (Cass. 1ère civ. 9 juillet 1985, n° 83-12012).

Cette publicité indique également la nature des biens saisis, décrits sommairement.

Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente (art. R. 221-34 CPCE).

La vente peut également être annoncée par voie de presse (art. R. 221-34 CPCE).

Cette publicité facultative peut être faite dans tous les journaux, nationaux ou locaux : l’objectif est d’assurer les meilleures conditions d’information et de mise en concurrence lors de la vente.

==> Délai de la publicité

Cette publicité est faite à l’expiration du délai prévu à l’article R. 221-31 du CPCE, c’est-à-dire un mois à compter de la notification de l’acte de saisie, augmenté de quinze jours si le débiteur a fait une proposition de vente amiable.

En tout état de cause, elle doit être réalisée huit jours avant la date fixée pour la vente (art. R. 221-34 CPCE).

==> Conséquence du défaut de publicité

La publicité est une formalité substantielle qui conditionne la validité de la vente. Néanmoins, rien n’impose dans les dispositions du code des procédures civiles d’exécution qu’elle soit effectuée avant ou après l’enlèvement des meubles en vue de leur adjudication.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 30 avril 2002 que la publicité préalable à la vente n’étant pas prescrite à peine de nullité, de sorte qu’il appartient au juge qui entend prononcer cette sanction de rechercher en quoi ce défaut d’accomplissement constitue la violation d’une formalité substantielle ou d’ordre public au sens de l’article 114 du code de procédure civile.

A défaut, celui-ci ne peut pas annuler le procès-verbal d’enlèvement des meubles saisis et ordonner leur restitution (Cass. 2e civ. 30 avril 2002, n°99-17111).

==> Cas particulier : vente des éléments mobiliers d’un fonds de commerce

La vente mobilière doit être notifiée au moins dix jours avant sa date aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce depuis au moins quinze jours.

Cette notification consiste en la dénonciation du procès-verbal de saisie au domicile élu dans les inscriptions.

Il est rappelé que sont assimilés à ces créanciers, les créanciers bénéficiant d’un nantissement sur le matériel et l’outillage.

iii) Information du débiteur saisi

Le débiteur saisi est avisé par l’huissier des lieux, jour et heure de la vente, huit jours au moins avant sa date. Cette information peut se faire par lettre simple ou par tout moyen approprié.

Cependant, aucune disposition n’édicte la nullité de la saisie à défaut d’avis du débiteur dans le délai (art. R. 221-35 CPCE).

iv) Vérification des biens saisis

Avant la vente, la consistance et la nature des biens saisis sont vérifiées par l’officier ministériel chargé de la vente. L’acte qui est dressé, qualifié de procès-verbal de vérification, mentionne les objets dégradés ou manquants (art. R. 221-36 CPCE).

La qualité d'”officier ministériel chargé de la vente” précitée, qui vise en principe le commissaire-priseur, n’empêche pas que l’inventaire des biens saisis puisse être effectué par l’huissier des finances publiques.

Lorsque l’officier n’obtient pas le consentement du saisi pour pénétrer dans les lieux (absence ou refus d’accès), l’ouverture forcée ne pourra être que du ressort de l’huissier car le commissaire-priseur ne peut se prévaloir de la qualité de personne chargée de l’exécution au sens de l’article L. 142-1 du CPCE pour s’introduire par la contrainte chez le débiteur saisi ou chez un tiers (TGI Paris, JEX, 7 janvier 2000, D. 2000, p. 751).

Toutefois, cet acte devant être dressé par un officier ministériel, le contreseing du commissaire-priseur est nécessaire.

L’acte de vérification des biens saisis a pour effet de mettre fin à la mission du gardien et, s’il établit des disparitions ou des dégradations, l’acte peut être à l’origine d’une poursuite pénale et d’une action en responsabilité civile contre l’intéressé.

c) Réalisation de la vente

i) Personne chargée de la vente

La vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers assermentés (art. R. 221-37 CPCE).

Le choix du lieu de la vente et par conséquent de la personne à laquelle elle est confiée appartient au créancier sous réserve des conditions prescrites par l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 modifié instituant les commissaires-priseurs et de la compétence territoriale des officiers ministériels (art. R. 221-33 CPCE).

ii) Déroulement de la vente et sort du prix de vente

?) Déroulement de la vente

==> Adjudication au plus offrant

Le déroulement des enchères est laissé à l’appréciation de l’agent chargé de la vente qui décide, notamment, de l’ordre dans lequel les biens sont vendus et de la mise à prix.

Les personnes intéressées portent librement les enchères, sans ministère d’avocat et sans qu’un minimum soit fixé pour augmenter les enchères (sous réserve d’une décision contraire de l’agent chargé de la vente).

La durée des enchères est également laissée à l’appréciation de la personne chargée de la vente en l’absence de précision légale.

L’adjudication est faite au plus offrant, après trois criées (art. R. 221-37 CPCE) et la vente est arrêtée lorsque le prix des biens vendus assure le paiement du montant des causes de la saisie et des oppositions en principal, intérêts et frais (art. L. 221-4 CPCE).

==> Versement au comptant du prix

Le prix de vente est payable au comptant (art. R. 221-38 CPCE), ce qui suppose que le paiement soit concomitant à l’adjudication, et interdit de considérer que l’agent chargé de la vente puisse accorder un délai de paiement.

A défaut de paiement comptant, l’objet est revendu sur réitération des enchères (Art. R. 221-38 CPCE).

Le bien est remis en vente et, si la réitération ne permet pas d’obtenir un prix équivalent, le premier adjudicataire peut être poursuivi en paiement de la différence devant le juge de l’exécution (art. L. 213-6 COJ).

==> Procès-verbal de vente

Il est dressé acte de la vente (art. R. 221-39 CPCE).

L’acte comporte les indications générales figurant dans les actes rédigés par un officier ministériel.

L’acte de vente est un acte authentique, dans la mesure où il est établi par un officier ministériel, et fait donc foi jusqu’à inscription en faux sur tous les faits qu’il constate (Cass. req. 13 mars 1867 ; Cass. crim., 16 juin 1955 ; CA Paris, 16 mars 1981).

?) Effets de l’adjudication

==> Transfert du droit de propriété

La vente transfère le droit de propriété sur le bien à l’adjudicataire qui peut prendre possession du meuble.

Comme tout acquéreur possesseur d’un meuble, l’adjudicataire est soumis à la règle de l’article 2276 du code civil et si le véritable propriétaire revendiquait son bien, l’adjudicataire, l’ayant acquis dans une vente publique, aurait droit au remboursement s’il était contraint de restituer le bien (art. 2277 C. civ.).

En revanche, il ne bénéficie pas de la garantie des vices cachés, qui n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice (art. 1649 C. civ.).

==> Personnes pouvant faire valoir leurs droits sur le prix

Aux termes de l’article L. 221-5 du CPCE, seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente :

  • Le créancier saisissant ;
  • Les créanciers opposants qui se sont manifestés avant la vérification des objets saisis ( R. 221-41 CPCE) ;
  • Les créanciers qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure conservatoire sur les mêmes biens.

==> Répartition du prix

L’agent chargé de la vente peut procéder à la distribution des deniers.

Il dispose d’un délai d’un mois à compter de la consignation pour remettre le produit de la vente au créancier ou pour établir un projet de répartition (art. R. 251-1 et R. 251-3 CPCE).

C) Incidents

Les incidents peuvent être provoqués par le débiteur lui-même ou par un autre créancier.

L’article R. 522-9 du CPCE envisage deux situations :

  • Le déplacement des objets saisis ;
  • L’intervention d’une saisie-vente sur les biens saisis à titre conservatoire.

Suivant le cas, l’huissier doit faire injonction au débiteur de l’informer, dans un délai de huit jours, soit du lieu où les objets saisis se trouvent, soit de l’identité de l’huissier qui a procédé à la saisie vente ou du créancier pour le compte de qui elle a été diligentée.

A défaut de réponse, le créancier a la possibilité de saisir le juge de l’exécution qui peut ordonner la remise de ces informations sous astreinte, sans préjudice d’une action pénale pour détournement de biens saisis.

Le débiteur peut également s’opposer à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente.

IV) La pluralité de saisies

A) Le concours de saisies : signification du procès-verbal de saisie et de conversion aux créanciers antérieurs

II résulte de l’article L. 521-1 du CPCE que, sous réserve des effets propres à la saisie des sommes d’argent, un bien peut faire l’objet de plusieurs saisies conservatoires.

Un bien saisi à titre conservatoire peut également faire l’objet d’une saisie-vente.

Dans tous les cas, l’huissier qui pratique une nouvelle saisie, que celle-ci soit une saisie conservatoire (art. R. 522-11 CPCE) ou une saisie-vente (art. R. 522-12 CPCE) doit signifier une copie du procès-verbal de saisie à chacun des créanciers saisissants antérieurs.

II procède de manière identique pour l’acte de conversion en saisie-vente (art. R. 522-12, al. 2 CPCE).

B) Information des autres créanciers saisissants en cas de propositions de vente amiable

En cas de propositions de vente amiable, le créancier qui les accepte doit en informer les autres créanciers saisissants, par lettre recommandée avec avis de réception.

Un délai de quinze jours est ouvert à chaque créancier pour faire connaître s’il accepte les propositions du débiteur et préciser la nature et le montant de sa créance (art. R. 522-13, al. 2 CPCE).

Le défaut de réponse vaut acceptation (art. R. 522-13, al. 3 CPCE).

Le créancier qui ne fournit aucune indication sur la nature et le montant de sa créance dans le délai précité perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente amiable, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après la répartition (art. R. 522-13, al. 4 CPCE).

A peine de nullité, la lettre recommandée visée supra doit reproduire les deuxième à quatrième alinéas de l’article R. 522-13 du CPCE.

C) Information des créanciers ayant pratiqué une saisie conservatoire en cas de vente forcée des biens précédemment saisis

En cas de vente forcée, le créancier saisissant qui fait procéder à l’enlèvement des biens saisis doit en informer les créanciers qui ont pratiqué une saisie conservatoire sur les mêmes biens avant l’acte de saisie ou de conversion.

Cette information est donnée par lettre recommandée avec avis de réception qui, à peine de nullité, doit:

  • Contenir l’indication du nom et de l’adresse de l’officier ministériel chargé de la vente
  • Reproduire le deuxième alinéa de l’article R. 522-14 du CPCE.
    • Cet alinéa prévoit que chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, faire connaître à l’officier ministériel la nature et le montant de sa créance.

Le défaut de réponse dans le délai imparti entraîne la même sanction qu’en cas de vente amiable.

§2 : La saisie conservatoire des créances

La saisie conservatoire de créances a pour finalité de rendre indisponibles les sommes détenues par un tiers pour le compte du débiteur et de les affecter au profit du créancier saisissant.

L’objet de cette saisie conservatoire est identique à celui de la saisie attribution : une créance de somme d’argent.

I) Les opérations de saisie

A) Procédure

  1. Opérations de saisie entre les mains du tiers

L’article R. 523-1 du CPCE prévoit que le créancier procède à la saisie au moyen d’un acte d’huissier signifié au tiers.

À peine de nullité, cet acte doit contenir les mentions suivantes (Code des procédures civiles d’exécution :

  • L’énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation judiciaire ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
  • La reproduction du troisième alinéa de l’article L. 141-2 du CPCE et de l’article L. 211-3 du CPCE, soit
    • D’une part, que ( L. 141-2 CPCE) :
      • L’acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l’objet.
      • Si la saisie porte sur des biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée est réputé gardien des objets saisis sous les sanctions prévues par l’article 314-6 du code pénal.
      • Si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription.
    • D’autre part, que ( L. 211-3 CPCE) :
      • Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Il convient de préciser que l’article L. 523-4 du CPCE n’impose pas une signification du titre exécutoire en exécution duquel est pratiquée à la saisie conservatoire. Il existe seulement sa présentation au tiers saisi.

Quant à l’acte de saisie en lui-même, il doit être signifié au tiers saisi, une fois la saisie régularisée.

À cet égard, en application de l’article 658 du Code de procédure civile, lorsque la signification est effectuée auprès d’une personne morale « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656. La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification. »

Dans un arrêt du 7 novembre 2002, la Cour de cassation a jugé qu’une saisie conservatoire de créances pouvait être signifiée à l’adresse de l’agence bancaire qui gère le compte du débiteur (Cass. 2e civ. 7 novembre 2002, n°01-02308).

a) Les obligations du tiers saisi

Le tiers saisi est tenu de fournir à l’huissier les renseignements prévus à l’article L. 211-3 du CPCE c’est-à-dire de lui déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Ces renseignements doivent être mentionnés sur l’acte de saisie (art. R. 523-4 CPCE).

II doit en outre lui remettre toutes pièces justificatives.

Ainsi, le tiers saisi a l’obligation de répondre sur-le-champ à l’huissier de justice instrumentaire, à l’instar de la procédure de saisie-attribution (Cass. 2e civ. 1er févr. 2006, n°04.11693).

Si elle n’est pas contestée avant l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, la déclaration du tiers est réputée exacte pour les seuls besoins de la saisie (art. R. 523-6 CPCE).

Enfin, le tiers saisi est tenu de ne pas se dessaisir des sommes saisies. Dans le cas contraire, il s’expose à être condamné à payer une seconde fois le créancier saisissant, le premier paiement étant inopposable à ce dernier.

Toutefois, rien n’interdit l’huissier de justice, à l’instar du créancier ou du débiteur, de saisir le JEX aux fins de faire consigner les fonds saisis entre les mains d’un séquestre.

À cet égard, l’article R. 523-2 du CPCE dispose que la remise des fonds séquestrés arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi.

b) Les sanctions des obligations du tiers

L’article R. 523-5 du CPCE prévoit que le tiers qui ne fournit pas les renseignements prévus s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier.

II peut également être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Mais en cas de signification d’une saisie conservatoire de créance dans les conditions visées par l’article 659 du code de procédure civile, le tiers saisi, qui n’en a pas eu connaissance, ne peut être condamné au profit du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 13 juin 2002, n°00-22021).

Dans un autre cas où la signification avait été faite en mairie, il a été jugé que le défaut de diligences de l’huissier pour trouver le tiers saisi constituait un motif légitime de l’absence de réponse de ce dernier (Cass. 2e civ. 2ème 22 mars 2001, n°99-14941).

Dans un arrêt du 4 octobre 2001, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui avait observé que la sanction rigoureuse qui frappe le tiers saisi négligent appelle en contrepartie de la part de l’huissier un soin particulier dans la conduite de son interpellation et qu’à défaut, le tiers saisi a un motif légitime à ne pas répondre ou à répondre avec un certain retard (Cass. civ, 2ème 4 octobre 2001, n°99-20653).

Par ailleurs, la saisie conservatoire qui n’a pas été convertie en saisie-attribution lors du jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire du saisi, ne peut plus produire ses effets et ce jugement s’oppose à ce que le créancier poursuivant puisse faire condamner le tiers saisi qui ne fournit pas les renseignements prévus (Cass. civ. 2ème 20 octobre 2005, n°04-10870).

2. Dénonciation de la saisie au débiteur

À peine de caducité de la saisie conservatoire, celle-ci doit être portée à la connaissance du débiteur dans un délai de huit jours au moyen d’un acte d’huissier (art. R. 523-3 CPCE).

Dans un arrêt du 6 mai 2004 la Cour de cassation a jugé que la caducité de la saisie conservatoire (qui n’avait pas été portée à la connaissance du débiteur dans le délai visé par l’article R. 523-3 du CPCE) la prive de tous ses effets et, s’oppose donc à ce que le créancier saisissant puisse faire condamner le tiers saisi sur le fondement de l’article R. 523-5 du CPCE (Cass. civ. 2ème 6 mai 2004, n°02-12484).

Cet acte contient, à peine de nullité, selon l’énumération figurant au deuxième alinéa de l’article R. 523-3 du CPCE :

  • Une copie de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet, suivant l’article 495 du C. proc. civ. « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée », toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre ainsi que du montant de la dette ;
  • Une copie du procès-verbal de saisie ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • La reproduction des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE ;
  • L’indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l’article R. 162-2 du CPCE ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.

B) Effets de la saisie conservatoire

  1. Indisponibilité et consignation des sommes saisies

L’acte de saisie rend indisponibles, à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n’est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée, les sommes saisies (art. L. 523-1 CPCE).

À la différence de la saisie-attribution, la saisie conservatoire n’opère pas un transfert de propriété des sommes saisies à la faveur du créancier saisissant. Les fonds saisis demeurent dans le patrimoine du débiteur. Ils sont seulement frappés d’indisponibilité (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 févr. 2007). Le débiteur ne dispose donc plus céder ou nantir sa créance.

En revanche, parce qu’elle fait toujours partie de son patrimoine, elle demeure pleinement saisissable.

En outre, la saisie emporte, de plein droit, consignation des sommes indisponibles (art. L. 523-1 CPCE).

En l’absence de précision de la part des textes, il est possible de considérer que cette consignation peut être effectuée entre les mains de l’huissier du créancier saisissant, comme c’est le cas en matière de saisie-vente pour le prix de vente amiable des biens saisis (art. R. 221-32 CPCE).

Toutefois, tout intéressé peut demander que les sommes saisies soient consignées entre les mains d’un séquestre.

Ce séquestre est désigné, à défaut d’accord amiable, par le juge de l’exécution saisi sur requête (art. R. 523-2, al.1 CPCE).

La remise des fonds au séquestre a pour effet d’arrêter le cours des intérêts dus par le tiers saisi (art. R. 523-2, al. 2 CPCE).

Il convient encore d’observer que la saisie conservatoire interrompt dès sa signification la prescription de la créance saisie entre les mains du tiers, conformément à l’article L. 141-2 du CPCE.

2. Affectation des sommes saisies au profit exclusif du créancier saisissant

L’article L. 523-1 du CPCE précise que la saisie conservatoire produit les effets d’une consignation prévus à l’article 2350 du code civil.

Ce texte dispose que le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et privilège de l’article 2333 du code civil, c’est-à-dire gage de la créance au profit exclusif du créancier.

Aux termes de cet article, le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l’objet, par privilège et préférence aux autres créanciers.

Ainsi le créancier premier saisissant n’est pas en concours avec les autres créanciers du débiteur pour l’attribution des sommes saisies (art. L. 521-1 CPCE).

C) Particularités de la saisie conservatoire pratiquée sur un compte de dépôt

Les dispositions de l’article L. 162-1 du CPCE sont applicables en cas de saisie conservatoire pratiquée entre les mains d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt.

Cet article précise les modalités de calcul du solde du ou des comptes de dépôt au jour de la saisie.

Il est rappelé que les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire (art. L. 3252-7 C. trav.).

Par ailleurs, l’époux commun en biens du débiteur peut bénéficier du régime de protection de ses salaires versés sur le compte prévu à l’article R. 162-9 du CPCE.

Les règles applicables aux avis à tiers détenteur et aux saisies de droit commun sont transposables aux saisies conservatoires.

Les créances insaisissables sont mises à disposition du titulaire du compte par le tiers saisi dans les conditions indiquées ci-après :

Conformément à l’article R. 162-2 du CPCE, lorsqu’un compte fait l’objet d’une saisie, le tiers saisi laisse à la disposition du débiteur personne physique, sans qu’aucune demande soit nécessaire, et dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d’un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul, mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, soit le revenu de solidarité active.

Il en avertit aussitôt le débiteur.

En cas de pluralité de comptes, il est opéré une mise à disposition au regard de l’ensemble des soldes créditeurs, la somme est imputée, en priorité, sur les fonds disponibles à vue.

Le tiers saisi informe sans délai l’huissier chargé du recouvrement du montant laissé à disposition du titulaire du compte ainsi que du ou des comptes sur lesquels est opérée cette mise à disposition.

En cas de saisies de comptes ouverts auprès d’établissements différents, l’huissier chargé du recouvrement détermine le ou les tiers saisis chargés de laisser à disposition la somme mentionnée au premier alinéa ainsi que les modalités de cette mise à disposition. Il en informe les tiers saisis (art. R. 162-2 CPCE).

Tout débiteur faisant l’objet d’une saisie sur son compte bancaire peut obtenir la mise à disposition des sommes insaisissables sur présentation à l’établissement bancaire des justificatifs attestant de cette insaisissabilité.

Lorsque ces sommes insaisissables proviennent de créances à échéances périodiques, telles que les sommes payées à titre de prestations familiales ou d’indemnités de chômage, du RSA, le débiteur peut en obtenir une mise à disposition immédiate (art. R. 162-4 CPCE).

Lorsque les sommes insaisissables proviennent d’une créance à échéance non périodique, la mise à disposition ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai de quinze jours pour la régularisation des opérations en cours (art. R. 162-5 CPCE).

II) Conversion en saisie-attribution

Le créancier qui a obtenu ou qui possède un titre exécutoire peut demander le paiement de la créance saisie.

L’article L. 523-2 du CPCE prévoit que cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie à concurrence des sommes dont le tiers saisi s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

A) Procédure

  1. Signification d’un acte de conversion au tiers saisi

L’article R. 523-7 du CPCE prévoit que le créancier doit faire signifier au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie-conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes dues en vertu du titre exécutoire, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

La nécessité de l’acte de signification a été rappelée par la Cour de cassation.

À cet égard, elle a censuré une cour d’appel qui avait déclaré que le tiers saisi était libéré de sa dette, sans constater la signification par le tiers saisissant au tiers saisi d’un acte de conversion de la saisie-conservatoire en saisie-attribution et le paiement par le tiers saisi entre les mains du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 23 novembre 2000, n°98-2279).

L’acte de conversion doit en outre informer le tiers que, dans cette limite, la demande de paiement entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier (art. R. 523-7, dernier alinéa CPCE).

Cette demande de paiement n’a toutefois d’effet que dans la limite de la créance visée par la saisie conservatoire.

2. Dénonciation de la conversion au débiteur

Une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au débiteur, étant précisé que l’article R. 523-8 du CPCE ne prescrit aucune mention obligatoire.

De la même manière, aucun délai n’est prévu pour cette dénonciation, mais le créancier saisissant a tout intérêt à agir rapidement, car c’est seulement à compter de la signification au débiteur que court le délai de contestation.

B) Contestation

Le débiteur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’acte de conversion pour contester celui-ci devant le juge de l’exécution (art. R. 523-9 CPCE).

Ce délai est prescrit à peine d’irrecevabilité.

La contestation doit en outre être dénoncée le même jour et sous peine de la même sanction à l’huissier qui a procédé à la saisie.

Le tiers saisi quant à lui, est informé de la contestation par son auteur et par lettre simple.

C) Paiement par le tiers saisi

  1. Moment du paiement

Le quatrième alinéa de l’article R. 523-9 du CPCE, prévoit que le tiers effectue le paiement sur présentation d’un certificat du greffe ou établi par l’huissier attestant que le débiteur n’a pas contesté l’acte de conversion.

Toutefois, le paiement peut intervenir avant l’expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester l’acte de conversion (art. R. 523-9, dernier alinéa CPCE).

Si la saisie conservatoire a porté sur des créances à exécution successive, le tiers saisi se libère entre les mains du créancier ou de son mandataire au fur et à mesure des échéances (art. R. 211-15, al. 2 CPCE).

En cas de contestation, le juge de l’exécution peut donner effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette. Dans ce cas, sa décision est exécutoire sur minute (art. R. 211-12, al.1 CPCE).

En outre, s’il apparaît que ni le montant de la créance du saisissant ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, le juge de l’exécution peut ordonner à titre provisionnel le paiement d’une somme qu’il détermine et prescrire, le cas échéant, des garanties. Sa décision n’a pas autorité de chose jugée au principal (art. R. 211-12, al.2 CPCE).

2. Effets du paiement

Dans la limite des sommes versées, le paiement éteint l’obligation du débiteur vis-à-vis du créancier saisissant et celle du tiers saisi à l’égard du débiteur (art. R. 211-7, alinéa 2 CPCE).

Quelle que soit la nature de la créance saisie, celui qui reçoit le paiement doit en donner quittance au tiers et en informer le débiteur (art. R. 211-7, al. 1 CPCE – cas général – et art. R. 211-15, al. 2 CPCE – créances à exécution successive).

3. Incidents

  • Refus de paiement
    • Si le tiers saisi refuse de payer les sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, le créancier doit saisir le juge de l’exécution afin que ce dernier lui délivre un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi ( R. 211-9 CPCE).
  • Défaut de paiement
    • Le créancier qui n’est pas payé conserve ses droits contre le débiteur saisi sauf si le défaut de paiement est imputable à sa propre négligence.
    • Dans ce cas, il perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi ( R. 211-8 CPCE).

§3 : La saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières

Cette saisie a pour objectif de rendre indisponible l’intégralité des droits d’associé et valeurs mobilières détenus par le débiteur sans pour autant conférer au créancier saisissant un droit préférentiel sur les titres saisis.

I) Les opérations de saisie

Les opérations de saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières comportent la signification d’un acte de saisie au tiers et sa dénonciation au débiteur.

A) Signification d’un acte de saisie au tiers

  1. Détermination du tiers saisi

La détermination de la personne à laquelle l’acte de saisie doit être signifié, dépend de l’objet de la saisie.

a) Principe

L’article R. 232-1 du CPCE prévoit que les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire doivent être saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice.

Ce principe, intangible en ce qui concerne les droits d’associé, souffre plusieurs exceptions lorsque la saisie porte sur des valeurs mobilières.

Il peut être observé que les droits incorporels autres que les droits d’associés et valeurs mobilières sont en principe saisissables en vertu de cette disposition en l’absence d’interdiction.

Mais le décret n°92-755 du 31 juillet 1992 codifié au code des procédures civiles d’exécution n’a pas prévu de procédure de saisie appropriée.

b) Exceptions

==> Cas des valeurs mobilières nominatives

Les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société (banque, établissement financier, avocat, notaire…) sont saisies auprès de celui-ci.

La société est tenue de faire connaître à l’huissier l’identité de son mandataire (art. R. 232-2 CPCE).

Toutefois, si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité (banque, société de bourse) de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de cet intermédiaire (art. R. 232-3, al. 2 CPCE).

==> Cas des valeurs mobilières au porteur

Les valeurs mobilières au porteur sont obligatoirement gérées par un intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise.

C’est donc à ce dernier que l’acte de saisie doit être signifié (art. R. 232-3, al. 1 CPCE).

==> Cas de l’existence d’un seul intermédiaire habilité

Le débiteur titulaire de valeurs mobilières nominatives et de valeurs mobilières au porteur peut confier l’ensemble de ces valeurs à un seul intermédiaire habilité auprès duquel la saisie devra donc être opérée (art. R. 232-4 CPCE).

Aux fins de faire connaître ces personnes, lorsque la saisie ne peut être pratiquée auprès d’elle, la société émettrice est tenue d’informer l’huissier du nom du mandataire ou de l’intermédiaire habilité qui tient ses comptes.

L’huissier qui connaît ainsi l’intermédiaire pratique la saisie entre ses mains et lui signifie directement l’acte de saisie.

2. Forme

L’article R. 524-1 du CPCE prévoit que la saisie est pratiquée au moyen d’un acte d’huissier qui contient, à peine de nullité :

  • Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
  • La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies.

3. Effet

Le 1er alinéa de l’article R. 232-8 du CPCE, auquel renvoie l’article R. 524-3 du même Code en ce qui concerne la saisie conservatoire, prévoit que l’acte de saisie rend indisponible les droits pécuniaires du débiteur.

II en résulte que celui-ci ne peut plus, à compter de la signification de l’acte de saisie au tiers détenteur des titres, ni percevoir les dividendes ou intérêts, ni céder ou nantir les valeurs et droits saisis.

B) Dénonciation de l’acte de saisie au débiteur

Les modalités de cette dénonciation prévues à l’article R. 524-2 du CPCE sont les mêmes que pour les saisies-conservatoires des créances.

Le débiteur peut obtenir la mainlevée de l’acte de saisie en consignant une somme suffisante pour désintéresser le créancier, laquelle est spécialement affectée au profit de ce dernier (art. R. 232-8, al. 2 CPCE auquel renvoie l’article R. 524-3 CPCE).

II) La conversion en saisie-vente

A) Procédure

La conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente suppose que le créancier ait obtenu un titre exécutoire qui constate l’existence de sa créance.

Un acte de conversion est signifié au débiteur puis dénoncé au tiers.

  1. Signification au débiteur

L’article R.524-4 du CPCE prévoit que l’acte de conversion signifié au débiteur doit contenir, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes à payer en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Un commandement d’avoir à payer cette somme, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis ;

Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure, soit :

  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les conditions prescrites soit à l’article R. 233-3 du CPCE, soit, s’il s’agit de droits d’associés ou de valeurs mobilières non admises à la cote officielle ou à celle du second marché, à l’article R. 221-30 du CPCE, à l’article R. 221-31 du CPCE et à l’article R. 221-32 du CPCE ;
  • Si la saisie porte sur des valeurs mobilières cotées, l’indication qu’il peut, en cas de vente forcée et jusqu’à la réalisation de celle-ci, faire connaître au tiers saisi l’ordre dans lequel elles devront être vendues ;
  • La reproduction des articles R. 221-30 à 233-3 du CPCE.

2. Dénonciation au tiers saisi

L’article R. 524-5 du CPCE prévoit qu’une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au tiers saisi.

B) Modalités de la vente

La vente des droits d’associés et des valeurs mobilières intervient selon des modalités semblables à celles qui existent en matière de saisie-vente des mêmes biens (art. R. 233-3 à R. 233-9 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 524-6 du CPCE).

  1. La vente volontaire

Dans le mois de la signification qui lui a été faite, le débiteur peut donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies.

Le produit de la vente est alors indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier saisissant.

Si les sommes provenant de la vente suffisent à désintéresser le ou les créanciers, cette indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs saisies (art. 233-3 CPCE).

Jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur peut indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières seront vendues.

A défaut, aucune contestation n’est recevable sur le choix effectué (art. R233-4 CPCE).

2. La vente forcée

La vente forcée est effectuée à la demande du créancier saisissant sur présentation d’un certificat, délivré par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance ou établi par l’huissier qui a procédé à la saisie, attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou, le cas échéant, d’un jugement ayant rejeté la contestation soulevée par le redevable (art. R233-1 CPCE).

Une fois en possession du certificat délivré par le greffe ou l’huissier, le créancier transmet ce document au tiers saisi en lui demandant de faire procéder à la vente des valeurs saisies.

Celle-ci s’effectuera par l’intermédiaire de la société de bourse opérant habituellement pour le compte du tiers saisi, dès lors qu’il s’agit de titres cotés.

Le CPCE ne prévoit pas que cette demande doive présenter la forme d’une signification par voie d’huissier.

Toutefois, afin de limiter les possibilités de contestation par le débiteur, ce mode de notification est privilégié.

En revanche, l’intervention de l’avocat du créancier ne se justifie pas en l’absence de contentieux devant le juge judiciaire.

Le créancier se tient informé de la vente auprès du tiers saisi qui doit bloquer les fonds provenant de la vente des titres et les lui verser à réception.

Qu’elle soit volontaire ou forcée, la vente des valeurs mobilières admises à la cote officielle ou à celle du second marché est réalisée par l’intermédiaire d’une société de bourse, qui a le monopole de la négociation des valeurs mobilières admises aux négociations par le conseil des bourses de valeur.

§4 : La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort

I) Procédure à l’égard du propriétaire du coffre

L’article R. 525-1 du CPCE prévoit que la procédure de saisie conservatoire à l’égard du propriétaire du coffre est identique dans sa forme et dans son effet à celle de la saisie-vente des biens placés dans un coffre-fort.

Dès lors, la saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort est soumise aux dispositions des articles R. 511-1 à R. 512-3 du CPCE, et aux dispositions des articles R. 224-1 à R. 224-2 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 525-1 du CPCE.

En application de l’article R. 224-1 du CPCE, la saisie est effectuée par acte d’huissier de justice signifié au tiers propriétaire du coffre-fort, lequel est tenu de fournir à l’huissier l’identification du coffre.

Cet acte contient, à peine de nullité :

  • Les noms et domicile du débiteur et, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • La référence au titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Une injonction d’interdire tout accès au coffre, si ce n’est en présence de l’huissier de justice.

Le tiers est tenu de fournir à l’huissier de justice l’identification de ce coffre. Il en est fait mention dans l’acte.

La signification de l’acte de saisie emporte interdiction d’accéder au coffre hors de la présence de l’huissier. Ce dernier peut procéder à l’apposition de scellés (CPCE, art. R. 224-2).

II) Procédure à l’égard du débiteur

A) Dénonciation de la saisie

L’article R. 525-2 du CPCE prévoit que la dénonciation est effectuée par acte d’huissier de justice signifié au débiteur le premier jour ouvrable suivant la signification de l’acte de saisie au tiers propriétaire du coffre-fort.

Cet acte contient, à peine de nullité :

  • La dénonciation de l’acte de saisie ;
  • La mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet suivant l’article 495 du code de procédure civile « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ; toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre, ainsi que du montant de la dette ;
  • L’indication que l’accès au coffre lui est interdit, si ce n’est, sur sa demande, en présence de l’huissier de justice ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La reproduction de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE .

B) L’ouverture du coffre

Elle peut se produire, soit à la demande du débiteur, soit en cas de résiliation du contrat de location du coffre et, en tout état de cause, lorsque le créancier qui a obtenu un titre exécutoire veut faire procéder à la vente des biens saisis.

  1. Ouverture à la demande du débiteur

À tout moment, le débiteur peut demander l’ouverture du coffre en présence de l’huissier de justice (art. R. 525-3 CPCE).

L’huissier procède alors à l’inventaire des biens qui sont saisis à titre conservatoire. Ces biens sont immédiatement enlevés pour être placés sous la garde de l’officier ministériel ou d’un séquestre désigné, à défaut d’accord amiable, sur requête par le juge de l’exécution du lieu de la saisie.

Le cas échéant, l’huissier peut photographier les objets retirés du coffre (art. R. 525-3, alinéa 2 CPCE).

Ces photographies pourront être communiquées devant le juge en cas de contestation (art. R. 221-12 CPCE).

Une copie de l’acte de saisie est remise ou signifiée au débiteur.

Cet acte doit contenir, à peine de nullité, la désignation du juge de l’exécution du lieu de la saisie devant lequel doivent être portées les contestations relatives aux opérations de saisie (art. R. 525-3, alinéa 3 CPCE).

2. Ouverture en cas de résiliation du contrat de location

En cas de résiliation du contrat de location du coffre, le propriétaire de celui-ci est tenu d’en informer immédiatement l’huissier de justice (art. R. 525-4, al.1 CPCE).

L’huissier signifie au débiteur une sommation d’être présent aux lieu, jour et heure indiqués, en personne ou par tout mandataire, avec l’avertissement qu’en cas d’absence ou de refus d’ouverture, celle-ci aura lieu par la force et à ses frais (art. R. 525-4, al.2 CPCE).

L’ouverture du coffre ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification de la sommation, sauf si le débiteur demande que cette ouverture ait lieu à une date plus rapprochée.

Une fois le coffre ouvert, il est procédé à l’inventaire et à l’enlèvement des biens saisis à titre conservatoire dans les conditions prévues à l’article R. 224-5 à R. 224-7 du CPCE.

En l’absence du débiteur, l’ouverture forcée du coffre-fort doit avoir lieu en présence du propriétaire ou de son préposé dûment habilité. Les frais sont avancés par le créancier.

C) La vente des biens saisis

La vente des biens saisis ne peut intervenir que lorsque le créancier a obtenu un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

II y est procédé selon des modalités différentes suivant que le coffre a déjà été ouvert ou non (art. R. 525-5 CPCE).

  1. Les biens ont déjà été retirés du coffre

II en sera ainsi lorsque le débiteur aura demandé l’ouverture du coffre ou en cas de résiliation du contrat de location du coffre.

Dans ce cas, les biens ayant fait l’objet d’une saisie conservatoire effective, les dispositions applicables sont celles des articles R. 522-7 à R. 522-14 du CPCE relatives à la conversion de la saisie conservatoire des biens meubles corporels en saisie-vente.

2. Le coffre n’a pas encore été ouvert

S’il n’a pas été procédé à l’ouverture du coffre au moment où le créancier obtient un titre exécutoire, la saisie-conservatoire a eu pour seul effet d’interdire au débiteur d’accéder au coffre hors la présence de l’huissier de justice.

La procédure à mettre en œuvre est alors celle de la saisie-vente des biens placés dans un coffre-fort, prévue aux articles R. 224-3 à R. 224-9 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 525-5, al. 2 du CPCE.

La saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières.

Cette saisie a pour objectif de rendre indisponible l’intégralité des droits d’associé et valeurs mobilières détenus par le débiteur sans pour autant conférer au créancier saisissant un droit préférentiel sur les titres saisis.

I) Les opérations de saisie

Les opérations de saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières comportent la signification d’un acte de saisie au tiers et sa dénonciation au débiteur.

A) Signification d’un acte de saisie au tiers

  1. Détermination du tiers saisi

La détermination de la personne à laquelle l’acte de saisie doit être signifié, dépend de l’objet de la saisie.

a) Principe

L’article R. 232-1 du CPCE prévoit que les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire doivent être saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice.

Ce principe, intangible en ce qui concerne les droits d’associé, souffre plusieurs exceptions lorsque la saisie porte sur des valeurs mobilières.

Il peut être observé que les droits incorporels autres que les droits d’associés et valeurs mobilières sont en principe saisissables en vertu de cette disposition en l’absence d’interdiction.

Mais le décret n°92-755 du 31 juillet 1992 codifié au code des procédures civiles d’exécution n’a pas prévu de procédure de saisie appropriée.

b) Exceptions

==> Cas des valeurs mobilières nominatives

Les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société (banque, établissement financier, avocat, notaire…) sont saisies auprès de celui-ci.

La société est tenue de faire connaître à l’huissier l’identité de son mandataire (art. R. 232-2 CPCE).

Toutefois, si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité (banque, société de bourse) de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de cet intermédiaire (art. R. 232-3, al. 2 CPCE).

==> Cas des valeurs mobilières au porteur

Les valeurs mobilières au porteur sont obligatoirement gérées par un intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise.

C’est donc à ce dernier que l’acte de saisie doit être signifié (art. R. 232-3, al. 1 CPCE).

==> Cas de l’existence d’un seul intermédiaire habilité

Le débiteur titulaire de valeurs mobilières nominatives et de valeurs mobilières au porteur peut confier l’ensemble de ces valeurs à un seul intermédiaire habilité auprès duquel la saisie devra donc être opérée (art. R. 232-4 CPCE).

Aux fins de faire connaître ces personnes, lorsque la saisie ne peut être pratiquée auprès d’elle, la société émettrice est tenue d’informer l’huissier du nom du mandataire ou de l’intermédiaire habilité qui tient ses comptes.

L’huissier qui connaît ainsi l’intermédiaire pratique la saisie entre ses mains et lui signifie directement l’acte de saisie.

2. Forme

L’article R. 524-1 du CPCE prévoit que la saisie est pratiquée au moyen d’un acte d’huissier qui contient, à peine de nullité :

  • Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
  • La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies.

3. Effet

Le 1er alinéa de l’article R. 232-8 du CPCE, auquel renvoie l’article R. 524-3 du même Code en ce qui concerne la saisie conservatoire, prévoit que l’acte de saisie rend indisponible les droits pécuniaires du débiteur.

II en résulte que celui-ci ne peut plus, à compter de la signification de l’acte de saisie au tiers détenteur des titres, ni percevoir les dividendes ou intérêts, ni céder ou nantir les valeurs et droits saisis.

B) Dénonciation de l’acte de saisie au débiteur

Les modalités de cette dénonciation prévues à l’article R. 524-2 du CPCE sont les mêmes que pour les saisies-conservatoires des créances.

Le débiteur peut obtenir la mainlevée de l’acte de saisie en consignant une somme suffisante pour désintéresser le créancier, laquelle est spécialement affectée au profit de ce dernier (art. R. 232-8, al. 2 CPCE auquel renvoie l’article R. 524-3 CPCE).

II) La conversion en saisie-vente

A) Procédure

La conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente suppose que le créancier ait obtenu un titre exécutoire qui constate l’existence de sa créance.

Un acte de conversion est signifié au débiteur puis dénoncé au tiers.

  1. Signification au débiteur

L’article R.524-4 du CPCE prévoit que l’acte de conversion signifié au débiteur doit contenir, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes à payer en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Un commandement d’avoir à payer cette somme, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis ;

Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure, soit :

  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les conditions prescrites soit à l’article R. 233-3 du CPCE, soit, s’il s’agit de droits d’associés ou de valeurs mobilières non admises à la cote officielle ou à celle du second marché, à l’article R. 221-30 du CPCE, à l’article R. 221-31 du CPCE et à l’article R. 221-32 du CPCE ;
  • Si la saisie porte sur des valeurs mobilières cotées, l’indication qu’il peut, en cas de vente forcée et jusqu’à la réalisation de celle-ci, faire connaître au tiers saisi l’ordre dans lequel elles devront être vendues ;
  • La reproduction des articles R. 221-30 à 233-3 du CPCE.

2. Dénonciation au tiers saisi

L’article R. 524-5 du CPCE prévoit qu’une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au tiers saisi.

B) Modalités de la vente

La vente des droits d’associés et des valeurs mobilières intervient selon des modalités semblables à celles qui existent en matière de saisie-vente des mêmes biens (art. R. 233-3 à R. 233-9 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 524-6 du CPCE).

  1. La vente volontaire

Dans le mois de la signification qui lui a été faite, le débiteur peut donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies.

Le produit de la vente est alors indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier saisissant.

Si les sommes provenant de la vente suffisent à désintéresser le ou les créanciers, cette indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs saisies (art. 233-3 CPCE).

Jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur peut indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières seront vendues.

A défaut, aucune contestation n’est recevable sur le choix effectué (art. R233-4 CPCE).

2. La vente forcée

La vente forcée est effectuée à la demande du créancier saisissant sur présentation d’un certificat, délivré par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance ou établi par l’huissier qui a procédé à la saisie, attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou, le cas échéant, d’un jugement ayant rejeté la contestation soulevée par le redevable (art. R233-1 CPCE).

Une fois en possession du certificat délivré par le greffe ou l’huissier, le créancier transmet ce document au tiers saisi en lui demandant de faire procéder à la vente des valeurs saisies.

Celle-ci s’effectuera par l’intermédiaire de la société de bourse opérant habituellement pour le compte du tiers saisi, dès lors qu’il s’agit de titres cotés.

Le CPCE ne prévoit pas que cette demande doive présenter la forme d’une signification par voie d’huissier.

Toutefois, afin de limiter les possibilités de contestation par le débiteur, ce mode de notification est privilégié.

En revanche, l’intervention de l’avocat du créancier ne se justifie pas en l’absence de contentieux devant le juge judiciaire.

Le créancier se tient informé de la vente auprès du tiers saisi qui doit bloquer les fonds provenant de la vente des titres et les lui verser à réception.

Qu’elle soit volontaire ou forcée, la vente des valeurs mobilières admises à la cote officielle ou à celle du second marché est réalisée par l’intermédiaire d’une société de bourse, qui a le monopole de la négociation des valeurs mobilières admises aux négociations par le conseil des bourses de valeur.

La saisie conservatoire de créances

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire de créances.

La saisie conservatoire de créances a pour finalité de rendre indisponibles les sommes détenues par un tiers pour le compte du débiteur et de les affecter au profit du créancier saisissant.

L’objet de cette saisie conservatoire est identique à celui de la saisie attribution : une créance de somme d’argent.

I) Les opérations de saisie

A) Procédure

  1. Opérations de saisie entre les mains du tiers

L’article R. 523-1 du CPCE prévoit que le créancier procède à la saisie au moyen d’un acte d’huissier signifié au tiers.

À peine de nullité, cet acte doit contenir les mentions suivantes (Code des procédures civiles d’exécution :

  • L’énonciation des nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation judiciaire ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • La défense faite au tiers de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu’il doit au débiteur ;
  • La reproduction du troisième alinéa de l’article L. 141-2 du CPCE et de l’article L. 211-3 du CPCE, soit
    • D’une part, que ( L. 141-2 CPCE) :
      • L’acte de saisie rend indisponibles les biens qui en sont l’objet.
      • Si la saisie porte sur des biens corporels, le débiteur saisi ou le tiers détenteur entre les mains de qui la saisie a été effectuée est réputé gardien des objets saisis sous les sanctions prévues par l’article 314-6 du code pénal.
      • Si la saisie porte sur une créance, elle en interrompt la prescription.
    • D’autre part, que ( L. 211-3 CPCE) :
      • Le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Il convient de préciser que l’article L. 523-4 du CPCE n’impose pas une signification du titre exécutoire en exécution duquel est pratiquée à la saisie conservatoire. Il existe seulement sa présentation au tiers saisi.

Quant à l’acte de saisie en lui-même, il doit être signifié au tiers saisi, une fois la saisie régularisée.

À cet égard, en application de l’article 658 du Code de procédure civile, lorsque la signification est effectuée auprès d’une personne morale « l’huissier de justice doit aviser l’intéressé de la signification, le jour même ou au plus tard le premier jour ouvrable, par lettre simple comportant les mêmes mentions que l’avis de passage et rappelant, si la copie de l’acte a été déposée en son étude, les dispositions du dernier alinéa de l’article 656. La lettre contient en outre une copie de l’acte de signification. »

Dans un arrêt du 7 novembre 2002, la Cour de cassation a jugé qu’une saisie conservatoire de créances pouvait être signifiée à l’adresse de l’agence bancaire qui gère le compte du débiteur (Cass. 2e civ. 7 novembre 2002, n°01-02308).

a) Les obligations du tiers saisi

Le tiers saisi est tenu de fournir à l’huissier les renseignements prévus à l’article L. 211-3 du CPCE c’est-à-dire de lui déclarer l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s’il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures.

Ces renseignements doivent être mentionnés sur l’acte de saisie (art. R. 523-4 CPCE).

II doit en outre lui remettre toutes pièces justificatives.

Ainsi, le tiers saisi a l’obligation de répondre sur-le-champ à l’huissier de justice instrumentaire, à l’instar de la procédure de saisie-attribution (Cass. 2e civ. 1er févr. 2006, n°04.11693).

Si elle n’est pas contestée avant l’acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution, la déclaration du tiers est réputée exacte pour les seuls besoins de la saisie (art. R. 523-6 CPCE).

Enfin, le tiers saisi est tenu de ne pas se dessaisir des sommes saisies. Dans le cas contraire, il s’expose à être condamné à payer une seconde fois le créancier saisissant, le premier paiement étant inopposable à ce dernier.

Toutefois, rien n’interdit l’huissier de justice, à l’instar du créancier ou du débiteur, de saisir le JEX aux fins de faire consigner les fonds saisis entre les mains d’un séquestre.

À cet égard, l’article R. 523-2 du CPCE dispose que la remise des fonds séquestrés arrête le cours des intérêts dus par le tiers saisi.

b) Les sanctions des obligations du tiers

L’article R. 523-5 du CPCE prévoit que le tiers qui ne fournit pas les renseignements prévus s’expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier.

II peut également être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Mais en cas de signification d’une saisie conservatoire de créance dans les conditions visées par l’article 659 du code de procédure civile, le tiers saisi, qui n’en a pas eu connaissance, ne peut être condamné au profit du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 13 juin 2002, n°00-22021).

Dans un autre cas où la signification avait été faite en mairie, il a été jugé que le défaut de diligences de l’huissier pour trouver le tiers saisi constituait un motif légitime de l’absence de réponse de ce dernier (Cass. 2e civ. 2ème 22 mars 2001, n°99-14941).

Dans un arrêt du 4 octobre 2001, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui avait observé que la sanction rigoureuse qui frappe le tiers saisi négligent appelle en contrepartie de la part de l’huissier un soin particulier dans la conduite de son interpellation et qu’à défaut, le tiers saisi a un motif légitime à ne pas répondre ou à répondre avec un certain retard (Cass. civ, 2ème 4 octobre 2001, n°99-20653).

Par ailleurs, la saisie conservatoire qui n’a pas été convertie en saisie-attribution lors du jugement d’ouverture d’un redressement judiciaire du saisi, ne peut plus produire ses effets et ce jugement s’oppose à ce que le créancier poursuivant puisse faire condamner le tiers saisi qui ne fournit pas les renseignements prévus (Cass. civ. 2ème 20 octobre 2005, n°04-10870).

2. Dénonciation de la saisie au débiteur

À peine de caducité de la saisie conservatoire, celle-ci doit être portée à la connaissance du débiteur dans un délai de huit jours au moyen d’un acte d’huissier (art. R. 523-3 CPCE).

Dans un arrêt du 6 mai 2004 la Cour de cassation a jugé que la caducité de la saisie conservatoire (qui n’avait pas été portée à la connaissance du débiteur dans le délai visé par l’article R. 523-3 du CPCE) la prive de tous ses effets et, s’oppose donc à ce que le créancier saisissant puisse faire condamner le tiers saisi sur le fondement de l’article R. 523-5 du CPCE (Cass. civ. 2ème 6 mai 2004, n°02-12484).

Cet acte contient, à peine de nullité, selon l’énumération figurant au deuxième alinéa de l’article R. 523-3 du CPCE :

  • Une copie de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie a été pratiquée; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet, suivant l’article 495 du C. proc. civ. « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée », toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre ainsi que du montant de la dette ;
  • Une copie du procès-verbal de saisie ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • La reproduction des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE ;
  • L’indication, en cas de saisie de compte, du montant de la somme à caractère alimentaire laissée à la disposition du débiteur en application de l’article R. 162-2 du CPCE ainsi que du ou des comptes sur lesquels cette mise à disposition est opérée.

B) Effets de la saisie conservatoire

  1. Indisponibilité et consignation des sommes saisies

L’acte de saisie rend indisponibles, à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n’est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée, les sommes saisies (art. L. 523-1 CPCE).

À la différence de la saisie-attribution, la saisie conservatoire n’opère pas un transfert de propriété des sommes saisies à la faveur du créancier saisissant. Les fonds saisis demeurent dans le patrimoine du débiteur. Ils sont seulement frappés d’indisponibilité (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 févr. 2007). Le débiteur ne dispose donc plus céder ou nantir sa créance.

En revanche, parce qu’elle fait toujours partie de son patrimoine, elle demeure pleinement saisissable.

En outre, la saisie emporte, de plein droit, consignation des sommes indisponibles (art. L. 523-1 CPCE).

En l’absence de précision de la part des textes, il est possible de considérer que cette consignation peut être effectuée entre les mains de l’huissier du créancier saisissant, comme c’est le cas en matière de saisie-vente pour le prix de vente amiable des biens saisis (art. R. 221-32 CPCE).

Toutefois, tout intéressé peut demander que les sommes saisies soient consignées entre les mains d’un séquestre.

Ce séquestre est désigné, à défaut d’accord amiable, par le juge de l’exécution saisi sur requête (art. R. 523-2, al.1 CPCE).

La remise des fonds au séquestre a pour effet d’arrêter le cours des intérêts dus par le tiers saisi (art. R. 523-2, al. 2 CPCE).

Il convient encore d’observer que la saisie conservatoire interrompt dès sa signification la prescription de la créance saisie entre les mains du tiers, conformément à l’article L. 141-2 du CPCE.

2. Affectation des sommes saisies au profit exclusif du créancier saisissant

L’article L. 523-1 du CPCE précise que la saisie conservatoire produit les effets d’une consignation prévus à l’article 2350 du code civil.

Ce texte dispose que le dépôt ou la consignation de sommes, effets ou valeurs, ordonné judiciairement à titre de garantie ou à titre conservatoire, emporte affectation spéciale et privilège de l’article 2333 du code civil, c’est-à-dire gage de la créance au profit exclusif du créancier.

Aux termes de cet article, le gage confère au créancier le droit de se faire payer sur la chose qui en est l’objet, par privilège et préférence aux autres créanciers.

Ainsi le créancier premier saisissant n’est pas en concours avec les autres créanciers du débiteur pour l’attribution des sommes saisies (art. L. 521-1 CPCE).

C) Particularités de la saisie conservatoire pratiquée sur un compte de dépôt

Les dispositions de l’article L. 162-1 du CPCE sont applicables en cas de saisie conservatoire pratiquée entre les mains d’un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt.

Cet article précise les modalités de calcul du solde du ou des comptes de dépôt au jour de la saisie.

Il est rappelé que les rémunérations ne peuvent faire l’objet d’une saisie conservatoire (art. L. 3252-7 C. trav.).

Par ailleurs, l’époux commun en biens du débiteur peut bénéficier du régime de protection de ses salaires versés sur le compte prévu à l’article R. 162-9 du CPCE.

Les règles applicables aux avis à tiers détenteur et aux saisies de droit commun sont transposables aux saisies conservatoires.

Les créances insaisissables sont mises à disposition du titulaire du compte par le tiers saisi dans les conditions indiquées ci-après :

Conformément à l’article R. 162-2 du CPCE, lorsqu’un compte fait l’objet d’une saisie, le tiers saisi laisse à la disposition du débiteur personne physique, sans qu’aucune demande soit nécessaire, et dans la limite du solde créditeur au jour de la saisie, une somme à caractère alimentaire d’un montant égal au montant forfaitaire, pour un allocataire seul, mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, soit le revenu de solidarité active.

Il en avertit aussitôt le débiteur.

En cas de pluralité de comptes, il est opéré une mise à disposition au regard de l’ensemble des soldes créditeurs, la somme est imputée, en priorité, sur les fonds disponibles à vue.

Le tiers saisi informe sans délai l’huissier chargé du recouvrement du montant laissé à disposition du titulaire du compte ainsi que du ou des comptes sur lesquels est opérée cette mise à disposition.

En cas de saisies de comptes ouverts auprès d’établissements différents, l’huissier chargé du recouvrement détermine le ou les tiers saisis chargés de laisser à disposition la somme mentionnée au premier alinéa ainsi que les modalités de cette mise à disposition. Il en informe les tiers saisis (art. R. 162-2 CPCE).

Tout débiteur faisant l’objet d’une saisie sur son compte bancaire peut obtenir la mise à disposition des sommes insaisissables sur présentation à l’établissement bancaire des justificatifs attestant de cette insaisissabilité.

Lorsque ces sommes insaisissables proviennent de créances à échéances périodiques, telles que les sommes payées à titre de prestations familiales ou d’indemnités de chômage, du RSA, le débiteur peut en obtenir une mise à disposition immédiate (art. R. 162-4 CPCE).

Lorsque les sommes insaisissables proviennent d’une créance à échéance non périodique, la mise à disposition ne peut avoir lieu avant l’expiration du délai de quinze jours pour la régularisation des opérations en cours (art. R. 162-5 CPCE).

II) Conversion en saisie-attribution

Le créancier qui a obtenu ou qui possède un titre exécutoire peut demander le paiement de la créance saisie.

L’article L. 523-2 du CPCE prévoit que cette demande emporte attribution immédiate de la créance saisie à concurrence des sommes dont le tiers saisi s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

A) Procédure

  1. Signification d’un acte de conversion au tiers saisi

L’article R. 523-7 du CPCE prévoit que le créancier doit faire signifier au tiers saisi un acte de conversion qui contient, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie-conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes dues en vertu du titre exécutoire, en principal, frais et intérêts échus ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Une demande de paiement des sommes précédemment indiquées à concurrence de celles dont le tiers s’est reconnu ou a été déclaré débiteur.

La nécessité de l’acte de signification a été rappelée par la Cour de cassation.

À cet égard, elle a censuré une cour d’appel qui avait déclaré que le tiers saisi était libéré de sa dette, sans constater la signification par le tiers saisissant au tiers saisi d’un acte de conversion de la saisie-conservatoire en saisie-attribution et le paiement par le tiers saisi entre les mains du créancier saisissant (Cass. 2e civ. 2ème 23 novembre 2000, n°98-2279).

L’acte de conversion doit en outre informer le tiers que, dans cette limite, la demande de paiement entraîne attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier (art. R. 523-7, dernier alinéa CPCE).

Cette demande de paiement n’a toutefois d’effet que dans la limite de la créance visée par la saisie conservatoire.

2. Dénonciation de la conversion au débiteur

Une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au débiteur, étant précisé que l’article R. 523-8 du CPCE ne prescrit aucune mention obligatoire.

De la même manière, aucun délai n’est prévu pour cette dénonciation, mais le créancier saisissant a tout intérêt à agir rapidement, car c’est seulement à compter de la signification au débiteur que court le délai de contestation.

B) Contestation

Le débiteur dispose d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’acte de conversion pour contester celui-ci devant le juge de l’exécution (art. R. 523-9 CPCE).

Ce délai est prescrit à peine d’irrecevabilité.

La contestation doit en outre être dénoncée le même jour et sous peine de la même sanction à l’huissier qui a procédé à la saisie.

Le tiers saisi quant à lui, est informé de la contestation par son auteur et par lettre simple.

C) Paiement par le tiers saisi

  1. Moment du paiement

Le quatrième alinéa de l’article R. 523-9 du CPCE, prévoit que le tiers effectue le paiement sur présentation d’un certificat du greffe ou établi par l’huissier attestant que le débiteur n’a pas contesté l’acte de conversion.

Toutefois, le paiement peut intervenir avant l’expiration du délai de contestation si le débiteur a déclaré par écrit ne pas contester l’acte de conversion (art. R. 523-9, dernier alinéa CPCE).

Si la saisie conservatoire a porté sur des créances à exécution successive, le tiers saisi se libère entre les mains du créancier ou de son mandataire au fur et à mesure des échéances (art. R. 211-15, al. 2 CPCE).

En cas de contestation, le juge de l’exécution peut donner effet à la saisie pour la fraction non contestée de la dette. Dans ce cas, sa décision est exécutoire sur minute (art. R. 211-12, al.1 CPCE).

En outre, s’il apparaît que ni le montant de la créance du saisissant ni la dette du tiers saisi ne sont sérieusement contestables, le juge de l’exécution peut ordonner à titre provisionnel le paiement d’une somme qu’il détermine et prescrire, le cas échéant, des garanties. Sa décision n’a pas autorité de chose jugée au principal (art. R. 211-12, al.2 CPCE).

2. Effets du paiement

Dans la limite des sommes versées, le paiement éteint l’obligation du débiteur vis-à-vis du créancier saisissant et celle du tiers saisi à l’égard du débiteur (art. R. 211-7, alinéa 2 CPCE).

Quelle que soit la nature de la créance saisie, celui qui reçoit le paiement doit en donner quittance au tiers et en informer le débiteur (art. R. 211-7, al. 1 CPCE – cas général – et art. R. 211-15, al. 2 CPCE – créances à exécution successive).

3. Incidents

  • Refus de paiement
    • Si le tiers saisi refuse de payer les sommes qu’il a reconnu devoir ou dont il a été jugé débiteur, le créancier doit saisir le juge de l’exécution afin que ce dernier lui délivre un titre exécutoire à l’encontre du tiers saisi ( R. 211-9 CPCE).
  • Défaut de paiement
    • Le créancier qui n’est pas payé conserve ses droits contre le débiteur saisi sauf si le défaut de paiement est imputable à sa propre négligence.
    • Dans ce cas, il perd ses droits à concurrence des sommes dues par le tiers saisi ( R. 211-8 CPCE).

La saisie conservatoire de biens meubles corporels

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire de biens meubles corporels.

==> Droit commun

L’article L. 522-1 prévoit que le créancier qui a obtenu ou possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens qui ont été rendus indisponibles jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

La saisie conservatoire de biens meubles corporels permet de rendre indisponibles ces biens avant de procéder à leur réalisation par la conversion de la mesure en saisie-vente.

Les dispositions de l’article R. 221-19 du CPCE, relatives à la garde des objets saisis, sont applicables à la saisie conservatoire des meubles corporels (art. R. 522-4 CPCE).

La valeur élevée et le caractère particulier de certains biens (bateau, navire, aéronef) ont conduit le législateur à édicter pour leur saisie des modalités spécifiques dérogatoires au droit commun.

==> Droit spécial

  • Saisie de navire
    • L’article L. 4123-1 du code des transports indique que les bateaux définis à l’article L. 4111-1 du code des transports peuvent faire l’objet de mesures conservatoires ou être saisis selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
    • A cet égard, l’article 30 du décret n° 67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer évoque la saisie conservatoire de navire en précisant que la saisie conservatoire empêche le départ du navire mais ne porte aucune atteinte aux droits du propriétaire.
    • L’article L. 5114-22 du code des transports précise que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire d’un navire sans autre précision.
  • Saisie d’aéronef
    • L’article R. 123-9 du code de l’aviation civile prévoit la possibilité pour les créanciers d’un propriétaire d’aéronef non domicilié en France ou d’un aéronef de nationalité étrangère de pratiquer une saisie conservatoire avec l’autorisation du juge d’instance du lieu où l’appareil a atterri.
    • L’article L. 6123-1 du code des transports n’autorise la saisie conservatoire des aéronefs français et étrangers, affectés à un service d’État ou à des transports publics, que si la créance porte sur les sommes dues par le propriétaire à raison de l’acquisition de ces aéronefs ou de contrats de formation ou de maintenance liés à leur exploitation.

En dehors des dispositions énoncées, le législateur n’a pas édicté de modalités spécifiques pour la saisie conservatoire de ces biens.

Les saisies conservatoires de ces biens sont codifiées au code des procédures d’exécution.

I) Les opérations de saisie

La procédure de saisie conservatoire des biens meubles corporels comporte deux phases

  • La première phrase est purement conservatoire : elle consiste en l’accomplissement de l’acte de saisie proprement dit ( R. 522-1 CPCE)
  • La seconde phase consiste à régulariser un acte de conversion en saisie-vente ouvrant la possibilité de procéder à la réalisation du bien selon le formalisme de la saisie-vente ( R. 522-7 CPCE).

Une saisie peut être pratiquée sur les biens meubles corporels appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A) La saisie pratiquée entre les mains du débiteur

L’article R. 522-1 du CPCE prévoit que « après avoir rappelé au débiteur qu’il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l’objet d’une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l’huissier dresse un procès-verbal de saisie ».

==> L’acte de saisie

A peine de nullité, l’acte de saisie doit contenir les mentions suivantes :

  • La mention de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet, suivant l’article 495 du code de procédure civile, « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ». Toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il est seulement fait mention de la date, de la nature du titre, ainsi que du montant de la dette ;
  • La désignation détaillée des biens saisis ;
  • Si le débiteur est présent, sa déclaration au sujet d’une éventuelle saisie antérieure sur les mêmes biens ;
  • La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article R. 221-13 du CPCE (cas où une cause légitime rend le déplacement des biens nécessaires, le gardien étant tenu d’en informer préalablement le créancier et de lui indiquer le lieu où les biens seront placés), sous peine des sanctions prévues à l’article 314-6 du code pénal, et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie sur les mêmes biens ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les autres contestations, notamment celles relatives à l’exécution de la saisie ;
  • L’indication, le cas échéant, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte ;
  • La reproduction de l’article 314-6 du code pénal (délit de détournement d’objets saisis), et celle des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité de la saisie conservatoire et à leur contestation.

L’huissier peut faire application de l’article R. 221-12 du CPCE, c’est-à-dire photographier les biens saisis en vue de leur vérification ultérieure.

==> Le débiteur est présent

Si le débiteur est présent, l’huissier doit lui rappeler verbalement le contenu des mentions des 4° et 5° de l’article R. 522-1 du CPCE et lui remettre une copie de l’acte portant les mêmes signatures que l’original, soit :

  • La mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés, ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article R. 221-13 sous peine des sanctions prévues à l’article 314-6 du code pénal et que le débiteur est tenu de faire connaître la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie des mêmes biens ;
  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, en demander la mainlevée au juge de l’exécution du lieu de son domicile ;

La remise de l’acte au débiteur présent vaut signification (art. R. 522-2 CPCE).

==> Le débiteur est absent

Lorsque le débiteur n’a pas assisté aux opérations de saisie, l’huissier lui signifie une copie de l’acte, en lui impartissant un délai de huit jours pour qu’il porte à sa connaissance toute information relative à l’existence d’une éventuelle saisie antérieure et qu’il lui en communique le procès-verbal (art. R. 522-3 CPCE).

L’acte devra surtout ne pas omettre la mention prévue au 7° de l’article R. 522-1 du CPCE, soit l’indication, des nom, prénom et qualité des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans l’acte.

B) La saisie pratiquée entre les mains d’un tiers

==> L’acte de saisie

Lorsqu’elle est pratiquée entre les mains d’un tiers, la procédure de saisie conservatoire doit répondre aux conditions fixées de l’article R. 221-21 du CPCE à l’article R. 221-29 du CPCE en matière de saisie-vente, à l’exception du premier alinéa de l’article R. 221-21 du CPCE (présentation du commandement de payer notifié au débiteur) et de l’article R. 221-26 du CPCE (signification de l’acte de saisie-vente au débiteur avec indication qu’il dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis) qui ne sont pas applicables (art. R. 522-5 CPCE).

En particulier, le troisième alinéa de l’article L. 221-1 du CPCE impose à l’huissier l’obtention d’une autorisation du juge de l’exécution pour procéder à une saisie-vente dans le local d’habitation d’un tiers.

Bien qu’une telle autorisation ne soit pas prévue pour la saisie conservatoire, il est préconisé d’obtenir dans ce sens, par voie de requête, une autorisation du juge de l’exécution pour pratiquer une saisie conservatoire dans les locaux privés occupés par un tiers.

Si le tiers déclare ne détenir aucun bien appartenant au débiteur ou s’il refuse de répondre, il en est dressé acte et l’huissier l’avertit des sanctions auxquelles il s’expose, en vertu de l’article R. 221-21 du CPCE auquel renvoie l’article R. 522-5 du CPCE.

==> La dénonciation au débiteur

L’acte de saisie, qui est signifié au débiteur dans un délai de huit jours de la saisie, doit, à peine de nullité, contenir, conformément au deuxième alinéa de l’article R. 522-5 du CPCE :

  • Une copie de l’autorisation du juge ou du titre, selon le cas, en vertu duquel la saisie a été pratiquée ; les copies de la requête et de l’ordonnance seront annexées à l’acte. En effet suivant l’article 495 du code de procédure civile, « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée » ;
  • La mention, en caractères très apparents, du droit qui appartient au débiteur, si les conditions de validité de la saisie ne sont pas réunies, d’en demander la nullité au juge de l’exécution du lieu de son propre domicile ;
  • La reproduction des dispositions de l’article R. 511-1 du CPCE à l’article R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité des mesures conservatoires et à leur contestation.

II) Les effets de la saisie

La saisie conservatoire entraîne l’indisponibilité des biens saisis (art. L. 521-1 CPCE), c’est à dire l’interdiction de les déplacer ou de les aliéner.

Cependant si une cause légitime rend le déplacement des biens nécessaire, le gardien doit en informer préalablement le créancier en lui indiquant le lieu où ils seront placés (art. R. 221-13 et R. 522-1 du CPCE).

Le débiteur, qui est normalement gardien, conserve l’usage des biens saisis, à moins qu’il ne s’agisse de biens consomptibles.

Le juge de l’exécution, saisi sur requête, peut ordonner la remise des objets à un séquestre (art. R. 221-19 et R. 522-4 du CPCE).

Si, parmi les biens saisis, se trouve un véhicule terrestre à moteur, celui-ci peut être immobilisé jusqu’à son enlèvement en vue de la vente (art. R. 221-19, al. 3 CPCE).

En tout état de cause, l’indisponibilité ne confère au créancier premier saisissant aucun droit de préférence sur le prix de vente des biens saisis.

III) La conversion en saisie-vente

A) Principe

L’article L. 522-1 du CPCE prévoit que le créancier qui a obtenu ou qui possède un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la vente des biens saisis à titre conservatoire jusqu’à concurrence du montant de sa créance.

Sans titre, la vente du bien saisi est donc impossible. La conversion peut être prononcée dans le même acte que le jugement de condamnation.

B) Procédure

==> L’acte de conversion

Le créancier doit signifier au débiteur un acte de conversion qui contient, à peine de nullité, les mentions suivantes (art. R. 522-7 CPCE) :

  • La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes à payer, en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Un commandement d’avoir à payer cette somme dans un délai de huit jours, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis.

Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure.

Si la saisie a été pratiquée entre les mains d’un tiers une copie de l’acte de conversion doit lui être dénoncée (art. R. 522-7 CPCE).

==> La vérification des biens saisis

Outre que seul l’huissier peut être chargé de procéder à la vérification des biens saisis, celle-ci doit intervenir à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la date de l’acte de conversion, soit avant la tentative de vente amiable.

Pour cette raison, l’acte de vérification des biens doit être signifié au débiteur avec la mention qu’il dispose d’un délai d’un mois pour vendre à l’amiable les biens saisis dans les conditions prescrites aux articles R. 221-30, R. 221-31 et R. 221-32 du CPCE (relatifs à la saisie-vente) lesquels doivent d’ailleurs être reproduits (art. R. 522-8 CPCE).

==> Ouverture d’une procédure collective

En cas d’ouverture d’une procédure collective la saisie conservatoire ne peut être convertie en saisie vente ce qui implique la mainlevée de la saisie conservatoire.

Les biens doivent avoir été saisis avant la date de cessation de paiement et avoir été vendus avant le jugement d’ouverture pour que la mesure conservatoire échappe à la nullité.

C) La vente des biens saisis

L’article R. 522-10 du CPCE prévoit que « à défaut de vente amiable dans le délai prévu, il est procédé à la vente forcée des biens saisis dans les conditions prescrites aux articles R. 221-33 à R. 221-39. »

Aussi, convient-il de distinguer la phase de vente volontaire, de la phase – subsidiaire – de vente forcée, étant précisé que les règles de la saisie-vente sont applicables en la matière.

  1. La vente volontaire

L’article R. 522-10 du CPCE autorise le débiteur à vendre les biens saisis pour en affecter le prix au paiement des créanciers.

a) Délai ouvert au saisi et situation des biens au cours du délai

==> Délai

Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder lui-même à la vente amiable des biens saisis (Art. R. 522-10 et R. 221-30 CPCE).

Ce délai court à compter de la notification de l’acte de saisie (art. R. 221-30 CPCE), c’est-à-dire à compter de la remise de l’acte au débiteur présent (art. R. 221-17 CPCE), ou de la signification par l’huissier de l’acte de saisie au débiteur qui n’a pas assisté aux opérations (art. R. 221-18 CPCE).

Ce délai est augmenté, le cas échéant, des quinze jours impartis aux créanciers saisissants et opposants pour répondre aux propositions de vente amiable effectuées par le débiteur (art. R. 221-31 CPCE).

==> Situation des biens au cours du délai

Pendant ce délai, les biens restent indisponibles, sous la responsabilité du gardien. En aucun cas, ils ne peuvent être déplacés avant la consignation du prix par l’acquéreur (art. R. 221-30 CPCE).

Cette indisponibilité n’interdit pas au débiteur de vendre les biens saisis, elle lui impose seulement de les vendre en respectant la procédure prévue. Si le débiteur aliène les biens saisis dans d’autres conditions, les sanctions pénales du détournement d’objet saisi lui seront applicables.

La recherche d’un acquéreur amiable dans les termes et conditions des articles R. 221-30 à R. 221-32 du CPCE n’est donc possible qu’après que le bien ait été rendu indisponible, et ne peut faire sortir valablement le bien du patrimoine du saisi qu’une fois que le projet de vente est devenu une vente parfaite non seulement par l’accord du créancier-saisissant (et des créanciers opposants s’il y en a), mais encore par la consignation du prix par l’acquéreur amiable entre les mains de l’huissier ayant procédé à la saisie, dans les délais convenus et acceptés par les créanciers, le non-respect de ces principes entraînant la réalisation des biens saisis par la vente forcée.

b) Communication des propositions d’acquisition et réponse des créanciers

==> Communication des propositions d’acquisition

La procédure de vente amiable tend à assurer le paiement des créanciers (art. L. 221-3 CPCE) et à éviter toute dissimulation de la part du débiteur.

Le débiteur doit informer, par écrit, l’huissier chargé de l’exécution des propositions qui lui ont été faites (art. L. 221-3 CPCE).

Il doit préciser l’identité et l’adresse de l’acquéreur éventuel ainsi que le délai dans lequel ce dernier se propose de consigner le prix convenu (art. R. 221-31 CPCE).

La tardiveté d’une offre communiquée à l’huissier, non tranchée par les textes, après le délai d’un mois, devrait en principe entraîner son irrecevabilité.

L’huissier transmet les indications qu’il a reçues par écrit du débiteur, au créancier saisissant ainsi qu’aux créanciers opposants (art. R. 221-41 et suivants CPCE).

Cette communication se fait par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (art. R. 221-31 CPCE).

==> Réponse des créanciers

Le délai court à partir de la réception de la lettre recommandée (art. 668 et 669, al. 2 du CPC : la date de notification par voie postale est celle de la remise de la lettre à son destinataire, c’est à dire celle du récépissé ou de l’émargement).

Dans la mesure où les lettres ne portent pas des dates identiques pour tous les créanciers, chacun dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre qui lui est destinée : l’huissier doit donc attendre l’expiration du dernier délai de quinze jours avant de poursuivre la procédure.

Dans le délai de quinze jours, le créancier doit opter :

  • Soit il refuse, et les biens seront vendus aux enchères publiques (art. L. 221-3 CPCE).
    • Ce refus doit être émis avant l’expiration du délai de quinzaine ;
  • Soit il accepte, parce qu’il juge les propositions de vente amiable satisfaisantes et de nature à protéger ses intérêts.
    • Dans ce cas, il peut se manifester auprès de l’huissier par écrit, ou encore rester silencieux pendant le délai de quinze jours, en effet, le défaut de réponse dans le délai fixé par l’article R. 221-31 du CPCE vaut acceptation des créanciers.
    • La vente amiable peut alors être réalisée.

c) Conséquences de la procédure de vente amiable

Lorsque les créanciers ont accepté les propositions de vente amiable, le transfert de la propriété des biens vendus est subordonné à la consignation du prix de vente entre les mains de l’huissier (art. R. 221-32 CPCE).

Cette consignation doit avoir lieu dans le délai auquel l’acquéreur s’était engagé (art. R. 221-31 CPCE).

La consignation est un élément essentiel dès lors que le transfert de la propriété du bien y est subordonné (art. L. 221-3 CPCE).

De plus, la délivrance du bien n’a lieu que si la consignation a été effectuée (art. R. 221-32 CPCE).

L’acquéreur devenu propriétaire peut alors prendre possession du bien et le déplacer (art. R. 221-30 CPCE), et l’huissier peut procéder à la distribution des deniers : il dispose d’un délai d’un mois à compter de la consignation pour remettre le produit de la vente au créancier ou pour établir un projet de répartition (art. R. 251-1 et R. 251-3 CPCE).

2. La vente forcée

a) Conditions de la vente forcée

La vente forcée peut intervenir lorsque les biens saisis n’ont pas fait l’objet d’une vente amiable.

Les trois situations suivantes sont susceptibles de se présenter :

  • L’expiration du délai pour procéder à la vente amiable
  • Les propositions du débiteur sont jugées insuffisantes par les créanciers
  • L’absence de consignation du prix de vente

i) Expiration du délai pour procéder à la vente amiable

Dans cette situation, le créancier saisissant conserve néanmoins la maîtrise du recouvrement de sa créance, l’expiration du délai d’un mois n’implique pas le recours immédiat à la vente forcée.

ii) Propositions du débiteur jugées insuffisantes par les créanciers

Dans l’hypothèse d’une pluralité de créanciers (seuls sont admis à participer aux opérations de la saisie les créanciers qui ont formé opposition) il y a lieu de considérer que le refus d’un seul d’entre eux entraîne le rejet de la proposition du débiteur à l’égard de tous.

Le refus d’autoriser la vente doit être motivé.

En effet, l’article L. 221-3 du CPCE prévoit la vente aux enchères publiques si le créancier établit que ces propositions sont insuffisantes.

Le refus du (ou des créanciers) doit donc être motivé par l’insuffisance des propositions du débiteur.

La motivation raisonnable d’un éventuel refus du créancier consiste dans l’insuffisance du prix proposé, le créancier estimant que le bien serait vendu à un meilleur prix dans le cadre d’une vente aux enchères publiques.

En principe, la responsabilité du créancier ne peut pas être recherchée en raison du refus d’autorisation.

Toutefois, pour éviter un refus arbitraire, il est prévu que la responsabilité du créancier peut être engagée s’il est inspiré par l’intention de nuire au débiteur (art. L. 221-3 CPCE).

Cette application logique de l’abus du droit donne lieu à une instance devant le juge de l’exécution (art. L. 213-6 et R. 121-11 et suivants du COJ).

iii) Absence de consignation du prix de vente

Les propositions du débiteur ont été acceptées expressément ou tacitement par les créanciers, mais l’acquéreur n’a pas procédé à la consignation du prix de vente dans le délai convenu entre les mains de l’huissier (art. R. 221-32 CPCE).

b) Mise en œuvre de la vente forcée

La personne chargée de l’exécution doit procéder à l’enlèvement des biens pour qu’ils soient vendus aux enchères publiques (art. L. 221-3 CPCE).

i) Détermination du lieu de vente

La vente forcée des biens se fait aux enchères publiques, soit au lieu où se trouvent les objets saisis, soit en salle des ventes ou sur un marché public, au choix du créancier (art. R. 221-33 CPCE).

ii) Publicité

==> Forme de la publicité

La publicité de la vente s’effectue obligatoirement par voie d’affiches indiquant les lieu, jour et heure de celle-ci.

La personne chargée de l’exécution détermine le jour et l’heure de la vente, en accord avec le créancier saisissant en fonction des jours et heures habituels de vente dans la salle des ventes ou sur le marché public.

La Cour de cassation a précisé à cet égard que si l’huissier de justice a la possibilité de fixer et de reporter la date de la vente, il doit respecter les intérêts de son client mandant, le créancier saisissant (Cass. 1ère civ. 9 juillet 1985, n° 83-12012).

Cette publicité indique également la nature des biens saisis, décrits sommairement.

Les affiches sont apposées à la mairie de la commune où demeure le débiteur saisi et au lieu de la vente (art. R. 221-34 CPCE).

La vente peut également être annoncée par voie de presse (art. R. 221-34 CPCE).

Cette publicité facultative peut être faite dans tous les journaux, nationaux ou locaux : l’objectif est d’assurer les meilleures conditions d’information et de mise en concurrence lors de la vente.

==> Délai de la publicité

Cette publicité est faite à l’expiration du délai prévu à l’article R. 221-31 du CPCE, c’est-à-dire un mois à compter de la notification de l’acte de saisie, augmenté de quinze jours si le débiteur a fait une proposition de vente amiable.

En tout état de cause, elle doit être réalisée huit jours avant la date fixée pour la vente (art. R. 221-34 CPCE).

==> Conséquence du défaut de publicité

La publicité est une formalité substantielle qui conditionne la validité de la vente. Néanmoins, rien n’impose dans les dispositions du code des procédures civiles d’exécution qu’elle soit effectuée avant ou après l’enlèvement des meubles en vue de leur adjudication.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 30 avril 2002 que la publicité préalable à la vente n’étant pas prescrite à peine de nullité, de sorte qu’il appartient au juge qui entend prononcer cette sanction de rechercher en quoi ce défaut d’accomplissement constitue la violation d’une formalité substantielle ou d’ordre public au sens de l’article 114 du code de procédure civile.

A défaut, celui-ci ne peut pas annuler le procès-verbal d’enlèvement des meubles saisis et ordonner leur restitution (Cass. 2e civ. 30 avril 2002, n°99-17111).

==> Cas particulier : vente des éléments mobiliers d’un fonds de commerce

La vente mobilière doit être notifiée au moins dix jours avant sa date aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce depuis au moins quinze jours.

Cette notification consiste en la dénonciation du procès-verbal de saisie au domicile élu dans les inscriptions.

Il est rappelé que sont assimilés à ces créanciers, les créanciers bénéficiant d’un nantissement sur le matériel et l’outillage.

iii) Information du débiteur saisi

Le débiteur saisi est avisé par l’huissier des lieux, jour et heure de la vente, huit jours au moins avant sa date. Cette information peut se faire par lettre simple ou par tout moyen approprié.

Cependant, aucune disposition n’édicte la nullité de la saisie à défaut d’avis du débiteur dans le délai (art. R. 221-35 CPCE).

iv) Vérification des biens saisis

Avant la vente, la consistance et la nature des biens saisis sont vérifiées par l’officier ministériel chargé de la vente. L’acte qui est dressé, qualifié de procès-verbal de vérification, mentionne les objets dégradés ou manquants (art. R. 221-36 CPCE).

La qualité d'”officier ministériel chargé de la vente” précitée, qui vise en principe le commissaire-priseur, n’empêche pas que l’inventaire des biens saisis puisse être effectué par l’huissier des finances publiques.

Lorsque l’officier n’obtient pas le consentement du saisi pour pénétrer dans les lieux (absence ou refus d’accès), l’ouverture forcée ne pourra être que du ressort de l’huissier car le commissaire-priseur ne peut se prévaloir de la qualité de personne chargée de l’exécution au sens de l’article L. 142-1 du CPCE pour s’introduire par la contrainte chez le débiteur saisi ou chez un tiers (TGI Paris, JEX, 7 janvier 2000, D. 2000, p. 751).

Toutefois, cet acte devant être dressé par un officier ministériel, le contreseing du commissaire-priseur est nécessaire.

L’acte de vérification des biens saisis a pour effet de mettre fin à la mission du gardien et, s’il établit des disparitions ou des dégradations, l’acte peut être à l’origine d’une poursuite pénale et d’une action en responsabilité civile contre l’intéressé.

c) Réalisation de la vente

i) Personne chargée de la vente

La vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers assermentés (art. R. 221-37 CPCE).

Le choix du lieu de la vente et par conséquent de la personne à laquelle elle est confiée appartient au créancier sous réserve des conditions prescrites par l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 modifié instituant les commissaires-priseurs et de la compétence territoriale des officiers ministériels (art. R. 221-33 CPCE).

ii) Déroulement de la vente et sort du prix de vente

?) Déroulement de la vente

==> Adjudication au plus offrant

Le déroulement des enchères est laissé à l’appréciation de l’agent chargé de la vente qui décide, notamment, de l’ordre dans lequel les biens sont vendus et de la mise à prix.

Les personnes intéressées portent librement les enchères, sans ministère d’avocat et sans qu’un minimum soit fixé pour augmenter les enchères (sous réserve d’une décision contraire de l’agent chargé de la vente).

La durée des enchères est également laissée à l’appréciation de la personne chargée de la vente en l’absence de précision légale.

L’adjudication est faite au plus offrant, après trois criées (art. R. 221-37 CPCE) et la vente est arrêtée lorsque le prix des biens vendus assure le paiement du montant des causes de la saisie et des oppositions en principal, intérêts et frais (art. L. 221-4 CPCE).

==> Versement au comptant du prix

Le prix de vente est payable au comptant (art. R. 221-38 CPCE), ce qui suppose que le paiement soit concomitant à l’adjudication, et interdit de considérer que l’agent chargé de la vente puisse accorder un délai de paiement.

A défaut de paiement comptant, l’objet est revendu sur réitération des enchères (Art. R. 221-38 CPCE).

Le bien est remis en vente et, si la réitération ne permet pas d’obtenir un prix équivalent, le premier adjudicataire peut être poursuivi en paiement de la différence devant le juge de l’exécution (art. L. 213-6 COJ).

==> Procès-verbal de vente

Il est dressé acte de la vente (art. R. 221-39 CPCE).

L’acte comporte les indications générales figurant dans les actes rédigés par un officier ministériel.

L’acte de vente est un acte authentique, dans la mesure où il est établi par un officier ministériel, et fait donc foi jusqu’à inscription en faux sur tous les faits qu’il constate (Cass. req. 13 mars 1867 ; Cass. crim., 16 juin 1955 ; CA Paris, 16 mars 1981).

?) Effets de l’adjudication

==> Transfert du droit de propriété

La vente transfère le droit de propriété sur le bien à l’adjudicataire qui peut prendre possession du meuble.

Comme tout acquéreur possesseur d’un meuble, l’adjudicataire est soumis à la règle de l’article 2276 du code civil et si le véritable propriétaire revendiquait son bien, l’adjudicataire, l’ayant acquis dans une vente publique, aurait droit au remboursement s’il était contraint de restituer le bien (art. 2277 C. civ.).

En revanche, il ne bénéficie pas de la garantie des vices cachés, qui n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice (art. 1649 C. civ.).

==> Personnes pouvant faire valoir leurs droits sur le prix

Aux termes de l’article L. 221-5 du CPCE, seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente :

  • Le créancier saisissant ;
  • Les créanciers opposants qui se sont manifestés avant la vérification des objets saisis ( R. 221-41 CPCE) ;
  • Les créanciers qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure conservatoire sur les mêmes biens.

==> Répartition du prix

L’agent chargé de la vente peut procéder à la distribution des deniers.

Il dispose d’un délai d’un mois à compter de la consignation pour remettre le produit de la vente au créancier ou pour établir un projet de répartition (art. R. 251-1 et R. 251-3 CPCE).

C) Incidents

Les incidents peuvent être provoqués par le débiteur lui-même ou par un autre créancier.

L’article R. 522-9 du CPCE envisage deux situations :

  • Le déplacement des objets saisis ;
  • L’intervention d’une saisie-vente sur les biens saisis à titre conservatoire.

Suivant le cas, l’huissier doit faire injonction au débiteur de l’informer, dans un délai de huit jours, soit du lieu où les objets saisis se trouvent, soit de l’identité de l’huissier qui a procédé à la saisie vente ou du créancier pour le compte de qui elle a été diligentée.

A défaut de réponse, le créancier a la possibilité de saisir le juge de l’exécution qui peut ordonner la remise de ces informations sous astreinte, sans préjudice d’une action pénale pour détournement de biens saisis.

Le débiteur peut également s’opposer à la conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente.

IV) La pluralité de saisies

A) Le concours de saisies : signification du procès-verbal de saisie et de conversion aux créanciers antérieurs

II résulte de l’article L. 521-1 du CPCE que, sous réserve des effets propres à la saisie des sommes d’argent, un bien peut faire l’objet de plusieurs saisies conservatoires.

Un bien saisi à titre conservatoire peut également faire l’objet d’une saisie-vente.

Dans tous les cas, l’huissier qui pratique une nouvelle saisie, que celle-ci soit une saisie conservatoire (art. R. 522-11 CPCE) ou une saisie-vente (art. R. 522-12 CPCE) doit signifier une copie du procès-verbal de saisie à chacun des créanciers saisissants antérieurs.

II procède de manière identique pour l’acte de conversion en saisie-vente (art. R. 522-12, al. 2 CPCE).

B) Information des autres créanciers saisissants en cas de propositions de vente amiable

En cas de propositions de vente amiable, le créancier qui les accepte doit en informer les autres créanciers saisissants, par lettre recommandée avec avis de réception.

Un délai de quinze jours est ouvert à chaque créancier pour faire connaître s’il accepte les propositions du débiteur et préciser la nature et le montant de sa créance (art. R. 522-13, al. 2 CPCE).

Le défaut de réponse vaut acceptation (art. R. 522-13, al. 3 CPCE).

Le créancier qui ne fournit aucune indication sur la nature et le montant de sa créance dans le délai précité perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente amiable, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après la répartition (art. R. 522-13, al. 4 CPCE).

A peine de nullité, la lettre recommandée visée supra doit reproduire les deuxième à quatrième alinéas de l’article R. 522-13 du CPCE.

C) Information des créanciers ayant pratiqué une saisie conservatoire en cas de vente forcée des biens précédemment saisis

En cas de vente forcée, le créancier saisissant qui fait procéder à l’enlèvement des biens saisis doit en informer les créanciers qui ont pratiqué une saisie conservatoire sur les mêmes biens avant l’acte de saisie ou de conversion.

Cette information est donnée par lettre recommandée avec avis de réception qui, à peine de nullité, doit:

  • Contenir l’indication du nom et de l’adresse de l’officier ministériel chargé de la vente
  • Reproduire le deuxième alinéa de l’article R. 522-14 du CPCE.
    • Cet alinéa prévoit que chaque créancier doit, dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la lettre, faire connaître à l’officier ministériel la nature et le montant de sa créance.

Le défaut de réponse dans le délai imparti entraîne la même sanction qu’en cas de vente amiable.

Les sûretés judiciaires: publicité provisoire et définitive

==> Contexte

Il est des situations qui imposent au créancier d’agir immédiatement, faute de temps pour obtenir un titre exécutoire, aux fins de se prémunir contre l’insolvabilité de son débiteur en assurant la sauvegarde de ses droits.

L’enjeu pour le créancier, est, en d’autres termes, de se ménager la possibilité d’engager une procédure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur, lorsqu’il aura obtenu, parfois après plusieurs années, un titre exécutoire à l’issue d’une procédure au fond ou en référé.

Afin de répondre à la situation d’urgence dans laquelle est susceptible de se trouver un créancier, la loi lui confère la possibilité de solliciter, du Juge de l’exécution, ce que l’on appelle des mesures conservatoires.

L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en ce sens que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »

Afin d’assurer la sauvegarde de ses droits, le créancier peut solliciter du Juge deux sortes de mesures conservatoires au nombre desquelles figurent :

  • La saisie conservatoire
    • Elle vise à rendre indisponible un bien ou une créance dans le patrimoine du débiteur
  • La sûreté judiciaire
    • Elle vise à conférer au créancier un droit sur la valeur du bien ou de la créance grevée

Parce que les mesures conservatoires peuvent être prises sans que le créancier justifie d’un titre exécutoire, à tout le moins d’une décision passée en force de chose jugée, les conditions d’application de ces mesures ont été envisagées plus restrictivement que celles qui encadrent les mesures d’exécution forcée.

==> Notion de sûreté

Une sûreté est une garantie accordée à un créancier contre le risque d’insolvabilité de son débiteur.

Classiquement, on distingue les sûretés réelles, des sûretés personnelles.

  • La sûreté personnelle
    • Elle est l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette.
    • Autrement dit, consiste en l’adjonction au rapport d’obligation principal existant d’un rapport d’obligation accessoire qui confère au créancier un droit de gage général sur le patrimoine du garant en cas de défaillance du débiteur initial
    • Conformément à l’article 2287-1 du Code civil, au nombre des sûretés personnelles figurent :
      • Le cautionnement
      • La garantie autonome
      • La lettre d’intention
  • La sûreté réelle
    • Elle consiste en l’affectation d’un bien au paiement préférentiel du créancier.
    • Elle se caractérise ainsi par l’affectation spéciale et prioritaire d’un ou plusieurs éléments d’actif du débiteur en garantie de l’obligation souscrite
    • Parmi les sûretés réelles on distingue les sûretés réelles immobilières des sûretés réelles mobilières
      • Les sûretés réelles immobilières
        • Enumérées à l’article 2373 du Code civil, il s’agit :
          • Du privilège
          • Du gage immobilier
          • De l’hypothèque.
      • Les sûretés réelles mobilières
        • Enumérées à l’article 2329 du Code civil, il s’agit :
          • Des privilèges mobiliers
          • Du gage de meubles corporels
          • Du nantissement de meubles incorporels
          • De La propriété retenue ou cédée à titre de garantie

Parmi les sûretés réelles, figurent donc ce que l’on appelle les privilèges.

L’article 2324 du Code civil définit le privilège comme le « droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers, même hypothécaires. »

Le privilège est une sûreté légale en ce sens que pas de privilège sans texte. Il est accordé en considération de la qualité de la créance.

Les privilèges se classent en deux catégories :

  • Les privilèges généraux: ils portent sur l’ensemble des biens meubles et immeubles du débiteur
  • Les privilèges spéciaux: ils portent sur certains biens meubles ou immeubles du débiteur

==> Sûretés conventionnelles, légales et judiciaires

Les sûretés ne se distinguent pas seulement par leur objet, elles se différencient également selon leur source :

  • Une sûreté est dite conventionnelle lorsqu’elle est librement stipulée par les parties à un contrat
  • Une sûreté est dite légale lorsque la loi subordonne l’exercice d’un droit à sa constitution
  • Une sûreté est dite judiciaire lorsque, soit sa constitution résulte de la décision d’un juge, soit sa mise en œuvre est soumise au contrôle du juge

S’agissant des sûretés dites judiciaires, il convient de ne pas confondre les sûretés résultant d’un jugement de condamnation, de celles constituées à titre conservatoire.

  • S’agissant des sûretés résultant d’un jugement de condamnation, elles sont, en réalité, d’origine légale, en ce sens que c’est la loi qui assortit de plein droit la décision du juge d’une sûreté
  • S’agissant des sûretés constituées à titre conservatoire, leur constitution procède d’une appréciation souveraine du Juge indépendamment de l’effet que la loi attache à sa décision

Manifestement, le régime juridique de ces deux sortes de sûretés diffère fondamentalement dans la mesure où les sûretés constituées à titre conservatoire font l’objet d’une publicité provisoire, ce qui n’est pas le cas des sûretés résultant d’un jugement de condamnation.

Il convient, enfin, d’observer, s’agissant des sûretés judiciaires, qu’elles ne résultent pas toutes de la décision d’un juge.

Elles peuvent également être constituées par un créancier dispensé d’obtenir l’autorisation d’un juge, car détenant un titre exécutoire. On qualifie ces sûretés de judiciaires, car leur mise en œuvre demeure soumise au contrôle du Juge qui, à tout moment, peut prononcer la mainlevée de la mesure conservatoire s’il estime que les conditions requises ne sont pas réunies.

==> Domaine des sûretés judiciaires

L’article L. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que, une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur :

  • Les immeubles
  • Les fonds de commerce
  • Les actions, parts sociales et valeurs mobilières.

Il convient d’observer que la sûreté judiciaire peut être constituée sur un bien frappé d’indisponibilité telle qu’une créance faisait l’objet d’une saisie conservatoire.

==> Conditions de constitution des sûretés judiciaires

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

==> Mise en œuvre de la constitution des sûretés judiciaires

La mise en œuvre de la constitution d’une sûreté judiciaire comporte deux phases :

  • La phase de publicité provisoire de la sûreté
  • La phase de publicité définitive de la sûreté

I) La publicité provisoire des sûretés judiciaires

A) Les formalités de publicité

Les formalités de publicité provisoire diffèrent d’une sûreté à l’autre.

==> L’inscription provisoire d’une hypothèse

L’article R. 532-1 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire d’hypothèque est opérée par le dépôt au service de la publicité foncière de deux bordereaux dans les conditions prévues par l’article 2428 du code civil.

A cet égard, en application de cette dernière disposition, le créancier doit présenter au service chargé de la publicité foncière :

  • L’original, une expédition authentique ou un extrait littéral de la décision judiciaire donnant naissance à l’hypothèque, lorsque celle-ci résulte des dispositions de l’article 2123 ;
  • L’autorisation du juge, la décision judiciaire ou le titre pour les sûretés judiciaires conservatoires.

Chacun des bordereaux doit contenir exclusivement les informations suivantes :

  • La désignation du créancier, l’élection de domicile et la désignation du débiteur, conformément aux dispositions des 1° et 2° du troisième alinéa de l’article 2428 du C. civ. ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires ;
  • La désignation, conformément aux premier et troisième alinéas de l’article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, de l’immeuble sur lequel l’inscription est requise.

Le dépôt est refusé :

  • A défaut de présentation du titre générateur de la sûreté pour les hypothèques et sûretés judiciaires ;
  • A défaut de la mention visée de la certification de l’identité des parties prescrite par les articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, ou si les immeubles ne sont pas individuellement désignés, avec indication de la commune où ils sont situés.

La formalité est également rejetée :

  • D’une part, lorsque les bordereaux comportent un montant de créance garantie supérieur à celui figurant dans le titre pour les hypothèques et sûretés judiciaires
  • D’autre part, si le requérant ne substitue pas un nouveau bordereau sur formule réglementaire au bordereau irrégulier en la forme.

==> Le nantissement provisoire d’un fonds de commerce

L’article R. 532-2 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce est opérée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux bordereaux sur papier libre contenant :

  • La désignation du créancier, son élection de domicile dans le ressort du tribunal de commerce où se trouve situé le fonds et la désignation du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

==> Le nantissement de parts sociales

L’article R. 532-3 du CPCE prévoit que le nantissement de parts sociales est opéré par la signification à la société d’un acte contenant :

  • La désignation du créancier et celle du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

Dans l’hypothèse où il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement est publié au registre du commerce et des sociétés.

Par principe, le nantissement a pour effet de grever l’ensemble des parts à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.

==> Le nantissement de valeurs mobilières

L’article R. 532-4 du CPCE prévoit que le nantissement des valeurs mobilières est opéré par la signification d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.

Cette déclaration doit contenir :

  • La désignation du créancier et du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

Le nantissement grève alors l’ensemble des valeurs mobilières à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.

B) L’information du débiteur

En application de l’article R. 532-5 du CPCE, quelle que soit la nature de la sûreté prise, le créancier doit, à peine de caducité de la mesure, en informer le débiteur par acte d’huissier huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ou la signification du nantissement

Cet acte de dénonciation doit contenir, à peine de nullité :

  • Une copie de l’ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise
    • La copie de la requête doit être annexée à l’acte en application de l’article 495 du code de procédure civile qui prévoit que « la copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée»
    • Toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n’est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ;
  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l’article R. 512-1 du CPCE
  • La reproduction :
    • Des dispositions de l’article R. 511-1 à R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité des mesures conservatoires
    • Des dispositions de l’article R. 532-6 du CPCE concernant la mainlevée de la publicité provisoire.

C) Diligences complémentaires en l’absence de titre exécutoire

==> Obtention d’un titre exécutoire

L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.

Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.

La formule « accomplir les formalités nécessaires » vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.

Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.

La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.

En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.

La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois

L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé

Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE (Cass. 2e civ. 3 avr. 2003).

Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu

==> La dénonciation aux tiers

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

Cette hypothèse se rencontrera uniquement en matière de nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

D) Les effets de la publicité provisoire

==> Opposabilité aux tiers

Aux termes de l’article L. 532-1 du CPCE « les sûretés judiciaires deviennent opposables aux tiers du jour de l’accomplissement des formalités de publicité. »

Le rang initial résultant de la publicité provisoire sera maintenu si la publicité définitive est régulièrement effectuée.

==> Conservation de la sûreté

L’article R. 532-7 du CPCE prévoit que la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans dans la limite des sommes pour lesquelles elle a été opérée. Son renouvellement peut être effectué dans les mêmes formes et pour une durée égale.

Si le renouvellement n’est pas effectué dans le délai légal, la sûreté judiciaire devient caduque et donc rétroactivement anéantie : elle sera réputée n’avoir jamais été prise.

Dans un arrêt du 5 mai 1981, la Cour de cassation a jugé qu’une régularisation tardive d’une inscription provisoire d’hypothèque est impossible (Cass. 3e civ. 5 mai 1981, n° 79-17057).

==> Attribution du prix de vente du bien grevé avant l’accomplissement de la publicité définitive

L’article L. 531-2 du CPCE prévoit que les biens grevés d’une sûreté demeurent aliénables.

Si, dès lors, le bien est vendu avant l’accomplissement des formalités de publicité définitive, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire provisoire jouit des mêmes droits que le titulaire d’une sûreté conventionnelle ou légale.

Toutefois, la part du prix qui lui revient dans la distribution est consignée en application de l’article R. 532-8, al. 1er du CPCE.

Cette part lui est remise s’il justifie avoir procédé à la publicité définitive dans le délai prévu. À défaut, elle revient aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur (Art. R. 532-8, al. 2 CPCE).

Par exception, en cas de vente de valeurs mobilières inscrites sur un compte tenu et géré par un intermédiaire habilité, le prix peut être utilisé pour acquérir d’autres valeurs qui sont alors subrogées aux valeurs vendues (Art. L. 531-2, al. 2 CPCE).

A cet égard, la Cour de cassation considère que les différents titres compris dans un portefeuille de valeurs mobilières ne s’analysent pas comme des biens indépendants, mais qu’ils sont un bien unique, car formant une universalité (Cass. civ. 1ère, 12 nov.1998, n° 96-18041).

Le réemploi n’est, néanmoins, pas obligatoire. En son absence, le prix de vente des valeurs mobilières sera consigné.

E) Recours du débiteur

Le débiteur a la possibilité d’obtenir :

  • Soit la mainlevée de la publicité provisoire
  • Soit le cantonnement des effets de la sûreté
  • Soit la substitution de la sûreté

==> Sur la mainlevée

La mainlevée ordonnée par le juge a pour conséquence d’entraîner la radiation de l’inscription provisoire d’hypothèque ou de nantissement, celle-ci devenant rétroactivement sans effet.

Elle ne s’effectue pas de la même façon suivant les sûretés judiciaires :

  • En cas d’hypothèque judiciaire conservatoire ou en cas de nantissement conservatoire de fonds de commerce, on opère une radiation de l’inscription provisoire.
  • En cas de nantissement conservatoire de parts sociales ou en cas de nantissement conservatoire de valeurs mobilières, il n’y a rien à radier et par conséquent la décision de mainlevée suffit.

==> Sur le cantonnement des effets de la sûreté

Seul, le débiteur peut demander au juge de l’exécution de limiter les effets de la sûreté provisoire lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties (Art. R. 532-9 du CPCE).

Le débiteur doit justifier que les biens qui demeurent grevés, après prononcé de la limitation des effets de la sûreté provisoire, ont une valeur double du montant des sommes garanties.

La réduction sera possible uniquement si la sûreté grève plusieurs biens.

==> La substitution de la sûreté

Comme toutes les mesures conservatoires, le débiteur dispose de la faculté de demander le remplacement de la sûreté judiciaire qui grève un ou plusieurs de ses biens.

Cette faculté peut être intéressante pour le débiteur, car même si les biens grevés par des sûretés judiciaires ne sont pas indisponibles, il aura cependant plus de difficultés à céder de tels biens, et en tout état de cause la valeur qu’il en retirera sera moindre.

II) La publicité définitive des sûretés judiciaires

A) Délai

La publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois.

Le point de départ de ce délai est différent, selon que la procédure a été mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution ou avec un titre exécutoire (Art. R. 533-4 CPCE).

Ce délai est calculé comme le sont les délais de procédure, c’est-à-dire selon les dispositions des articles 640 et suivants du CPC.

En particulier, il expire le dernier jour du mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

À défaut d’un quantième identique, il expire le dernier jour du mois (art. 641 CPC).

==> Procédure mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution

Le délai de deux mois pour procéder à la publicité définitive court du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée.

À cet égard, il est rappelé qu’une décision rendue par une juridiction civile est considérée comme passée en force de chose jugée lorsque les voies de recours ordinaires (opposition et appel) sont épuisées.

==> Procédure mise en œuvre avec un titre exécutoire

II résulte de la combinaison de l’article R. 532-6 et de l’article R. 533-4 du CPCE que le délai de deux mois est décompté de la manière suivante :

  • Délai minimum à respecter : la publicité définitive ne peut être effectuée avant l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de dénonciation prévu à l’article R. 532-5 du CPCE destiné à informer le débiteur de la réalisation de la publicité provisoire ( R. 532-6 CPCE) ;
  • Le point de départ du délai de deux mois est donc l’expiration du délai d’un mois
  • Par conséquent, le délai maximum dont dispose un créancier muni d’un titre exécutoire pour procéder à la publicité définitive est de trois mois à compter de la notification de l’acte informant le débiteur de l’accomplissement de la publicité provisoire (Art. R. 532-5 CPCE).

Toutefois, lorsque le débiteur a demandé la mainlevée de la publicité provisoire, le délai de deux mois court du jour de la décision rejetant la contestation (Art. R. 533-4, al. 2 CPCE).

Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai a pour point de départ le jour où le titre est passé en force de chose jugée.

B) Procédure

Pour procéder à la publicité définitive de la sûreté conservatoire, le créancier doit démontrer que les conditions requises sont réunies, c’est-à-dire, dans le cas le plus fréquent, présenter son titre exécutoire en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE.

II convient d’envisager deux situations.

1. Le bien objet de la sûreté n’a pas été vendu

==> Inscription d’hypothèque

L’article art. R. 533-2, al. 1 du CPCE prévoit que les formalités de publicité définitive de l’hypothèque judiciaire provisoire sont effectuées conformément à l’article 2428 du Code civil.

L’inscription provisoire prise par un créancier est confirmée par une inscription définitive, sans qu’il y ait lieu d’obtenir du juge une décision au fond, dans les deux mois de la décision passée en force de chose jugée rendant exécutoire la créance.

Sous réserve de l’appréciation des tribunaux, il y a lieu de considérer que ce délai de deux mois court à compter de la notification au redevable de la décision passée en force de chose jugée.

Il est calculé comme le sont les délais de procédure, selon les dispositions des articles 640 et suivants du Code de procédure civile.

Par ailleurs, en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE le créancier doit présenter au responsable du service de la publicité foncière le document attestant du respect des conditions de délai qui lui sont imparties pour requérir l’inscription définitive.

Le défaut de production de cette pièce est sanctionné par le refus de dépôt, sans que le créancier ne puisse régulièrement s’y opposer.

En outre, l’inscription initiale devient caduque et sa radiation peut être demandée par l’intéressé au juge de l’exécution, en l’absence de confirmation de l’inscription dans le délai de deux mois.

En revanche, l’inscription définitive effectuée dans le délai rétroagit à la date de la formalité de l’inscription provisoire initiale dans la limite des sommes visées par cette dernière (Art. R. 533-1 CPCE).

L’inscription définitive conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans.

==> Inscription de nantissement du fonds de commerce

L’article R. 533-2, al. 1er du CPCE prévoit que la publicité définitive du nantissement provisoire du fonds de commerce est opérée conformément à l’article L. 143-17 du code de commerce et à l’article 24 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce c’est-à-dire par le dépôt de deux bordereaux établis sur papier libre dans les mêmes formes que ceux utilisés pour requérir l’inscription provisoire, accompagnés d’un original ou d’une expédition du titre exécutoire.

==> Nantissement des parts sociales et valeurs mobilières

L’article R. 533-3, al. 1er du CPCPE prévoit que la publicité définitive du nantissement des parts sociales et valeurs mobilières est effectuée dans les mêmes formes que la publicité provisoire, c’est-à-dire par la signification d’un acte à la société ou d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1, à R. 232-4 du CPCE.

S’il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement devra être publié au registre du commerce et des sociétés.

Après accomplissement de cette formalité, le créancier peut, le cas échéant, demander l’agrément du nantissement.

2. La vente du bien objet de la sûreté est intervenue

Lorsque la vente du bien grevé est intervenue avant que le créancier ait été en mesure de procéder à la publicité définitive, cette dernière est remplacée par la signification du titre exécutoire à la personne chargée de la répartition du prix.

En application de l’article R. 533-5 du CPCE, cette signification doit intervenir dans le délai de deux mois prévu à l’article R. 533-4 du CPCE.

C) Effet

L’article R. 533-1 du CPCE prévoit que la publicité définitive donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière.

L’inscription définitive se substitue alors rétroactivement à l’inscription provisoire.

II en résulte que l’ouverture d’une procédure collective ne met pas obstacle à la confirmation de la sûreté lorsque cette dernière a été publiée à titre conservatoire avant la cessation des paiements et le jugement déclaratif.

Cette position est conforme à la jurisprudence rendue par la Cour de cassation en matière d’hypothèque judiciaire provisoire (Cass. com. 17 novembre 1992, n° 90-22058).

L’article L. 632-1 du Code de commerce précise que la publicité définitive prise après la cessation des paiements est nulle, à moins que la publicité provisoire ne soit antérieure à la date de cessation des paiements.

L’inscription définitive de l’hypothèque judiciaire confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite qui sont exercés dans les conditions prévues en matière d’hypothèque légale.

L’inscription conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans. Pour conserver la garantie, le créancier doit procèder au renouvellement de l’inscription avant l’expiration de ce délai.

D) Conséquence du défaut de publicité définitive

À défaut de confirmation dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE, la publicité provisoire est caduque (art. L. 533-1 et R. 533-6, al. 1 du CPCE). Elle cesse donc de produire effet et entraîne la radiation de l’inscription.

Lorsque l’inscription provisoire est devenue caduque car n’ayant pas été confirmée dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE la demande de radiation est portée devant le juge de l’exécution.

L’article R. 533-6, al. 1er du CPCE prévoit encore que, en cas d’extinction de l’instance introduite par le créancier ou de rejet de sa demande, la demande de radiation est portée devant le juge saisi du fond ou, à défaut, devant le juge de l’exécution.

Lorsque le juge saisi du fond a statué sur la demande de mainlevée de la publicité provisoire, la radiation est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée (Art. R. 533-6, al. 3 CPCE).

Les frais de radiation sont à la charge du créancier.

Enfin, si le bien grevé a été vendu, la part du prix revenant au créancier titulaire de la sûreté conservatoire, qui a normalement été consignée, est remise, selon le cas, aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.

Si la publicité provisoire a été effectuée pour un nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières, il ne peut y avoir de radiation.

Faute de disposition particulière du décret visant cette hypothèse, il y a lieu de considérer que l’acte de nantissement ou la déclaration est devenue rétroactivement sans effet, ce que le juge de l’exécution constatera en prononçant la mainlevée de la mesure.

Sûretés judiciaires: la publicité provisoire

L’article L. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que, une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur :

  • Les immeubles
  • Les fonds de commerce
  • Les actions, parts sociales et valeurs mobilières.

Il convient d’observer que la sûreté judiciaire peut être constituée sur un bien frappé d’indisponibilité telle qu’une créance faisait l’objet d’une saisie conservatoire.

==> Conditions de constitution des sûretés judiciaires

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaire, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

==> Mise en œuvre de la constitution des sûretés judiciaires

La mise en œuvre de la constitution d’une sûreté judiciaire comporte deux phases :

  • La phase de publicité provisoire de la sûreté
  • La phase de publicité définitive de la sûreté

Nous ne nous intéresserons ici qu’à la première phase.

I) Les formalités de publicité

Les formalités de publicité provisoire diffèrent d’une sûreté à l’autre.

==> L’inscription provisoire d’une hypothèse

L’article R. 532-1 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire d’hypothèque est opérée par le dépôt au service de la publicité foncière de deux bordereaux dans les conditions prévues par l’article 2428 du code civil.

A cet égard, en application de cette dernière disposition, le créancier doit présenter au service chargé de la publicité foncière :

  • L’original, une expédition authentique ou un extrait littéral de la décision judiciaire donnant naissance à l’hypothèque, lorsque celle-ci résulte des dispositions de l’article 2123 ;
  • L’autorisation du juge, la décision judiciaire ou le titre pour les sûretés judiciaires conservatoires.

Chacun des bordereaux doit contenir exclusivement les informations suivantes :

  • La désignation du créancier, l’élection de domicile et la désignation du débiteur, conformément aux dispositions des 1° et 2° du troisième alinéa de l’article 2428 du C. civ. ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires ;
  • La désignation, conformément aux premier et troisième alinéas de l’article 7 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, de l’immeuble sur lequel l’inscription est requise.

Le dépôt est refusé :

  • A défaut de présentation du titre générateur de la sûreté pour les hypothèques et sûretés judiciaires ;
  • A défaut de la mention visée de la certification de l’identité des parties prescrite par les articles 5 et 6 du décret du 4 janvier 1955, ou si les immeubles ne sont pas individuellement désignés, avec indication de la commune où ils sont situés.

La formalité est également rejetée :

  • D’une part, lorsque les bordereaux comportent un montant de créance garantie supérieur à celui figurant dans le titre pour les hypothèques et sûretés judiciaires
  • D’autre part, si le requérant ne substitue pas un nouveau bordereau sur formule réglementaire au bordereau irrégulier en la forme.

==> Le nantissement provisoire d’un fonds de commerce

L’article R. 532-2 du CPCE prévoit que l’inscription provisoire de nantissement sur un fonds de commerce est opérée par le dépôt au greffe du tribunal de commerce de deux bordereaux sur papier libre contenant :

  • La désignation du créancier, son élection de domicile dans le ressort du tribunal de commerce où se trouve situé le fonds et la désignation du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel l’inscription est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

==> Le nantissement de parts sociales

L’article R. 532-3 du CPCE prévoit que le nantissement de parts sociales est opéré par la signification à la société d’un acte contenant :

  • La désignation du créancier et celle du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

Dans l’hypothèse où il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement est publié au registre du commerce et des sociétés.

Par principe, le nantissement a pour effet de grever l’ensemble des parts à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.

==> Le nantissement de valeurs mobilières

L’article R. 532-4 du CPCE prévoit que le nantissement des valeurs mobilières est opéré par la signification d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1 à R. 232-4 selon le cas.

Cette déclaration doit contenir :

  • La désignation du créancier et du débiteur ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la sûreté est requise ;
  • L’indication du capital de la créance et de ses accessoires.

Le nantissement grève alors l’ensemble des valeurs mobilières à moins qu’il ne soit autrement précisé dans l’acte.

II) L’information du débiteur

En application de l’article R. 532-5 du CPCE, quelle que soit la nature de la sûreté prise, le créancier doit, à peine de caducité de la mesure, en informer le débiteur par acte d’huissier huit jours au plus tard après le dépôt des bordereaux d’inscription ou la signification du nantissement

Cet acte de dénonciation doit contenir, à peine de nullité :

  • Une copie de l’ordonnance du juge ou du titre en vertu duquel la sûreté a été prise
    • La copie de la requête doit être annexée à l’acte en application de l’article 495 du code de procédure civile qui prévoit que « la copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée»
    • Toutefois, s’il s’agit d’une créance de l’État, des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, il n’est fait mention que de la date, de la nature du titre et du montant de la dette ;
  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur peut demander la mainlevée de la sûreté comme il est dit à l’article R. 512-1 du CPCE
  • La reproduction :
    • Des dispositions de l’article R. 511-1 à R. 512-3 du CPCE relatives aux conditions de validité des mesures conservatoires
    • Des dispositions de l’article R. 532-6 du CPCE concernant la mainlevée de la publicité provisoire.

III) Diligences complémentaires en l’absence de titre exécutoire

==> Obtention d’un titre exécutoire

L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.

Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.

La formule « accomplir les formalités nécessaires » vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.

Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.

La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.

En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.

La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois

L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé

Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE (Cass. 2e civ. 3 avr. 2003).

Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu

==> La dénonciation aux tiers

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

Cette hypothèse se rencontrera uniquement en matière de nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

IV) Les effets de la publicité provisoire

==> Opposabilité aux tiers

Aux termes de l’article L. 532-1 du CPCE « les sûretés judiciaires deviennent opposables aux tiers du jour de l’accomplissement des formalités de publicité. »

Le rang initial résultant de la publicité provisoire sera maintenu si la publicité définitive est régulièrement effectuée.

==> Conservation de la sûreté

L’article R. 532-7 du CPCE prévoit que la publicité provisoire conserve la sûreté pendant trois ans dans la limite des sommes pour lesquelles elle a été opérée. Son renouvellement peut être effectué dans les mêmes formes et pour une durée égale.

Si le renouvellement n’est pas effectué dans le délai légal, la sûreté judiciaire devient caduque et donc rétroactivement anéantie : elle sera réputée n’avoir jamais été prise.

Dans un arrêt du 5 mai 1981, la Cour de cassation a jugé qu’une régularisation tardive d’une inscription provisoire d’hypothèque est impossible (Cass. 3e civ. 5 mai 1981, n° 79-17057).

==> Attribution du prix de vente du bien grevé avant l’accomplissement de la publicité définitive

L’article L. 531-2 du CPCE prévoit que les biens grevés d’une sûreté demeurent aliénables.

Si, dès lors, le bien est vendu avant l’accomplissement des formalités de publicité définitive, le créancier titulaire de la sûreté judiciaire provisoire jouit des mêmes droits que le titulaire d’une sûreté conventionnelle ou légale.

Toutefois, la part du prix qui lui revient dans la distribution est consignée en application de l’article R. 532-8, al. 1er du CPCE.

Cette part lui est remise s’il justifie avoir procédé à la publicité définitive dans le délai prévu. À défaut, elle revient aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur (Art. R. 532-8, al. 2 CPCE).

Par exception, en cas de vente de valeurs mobilières inscrites sur un compte tenu et géré par un intermédiaire habilité, le prix peut être utilisé pour acquérir d’autres valeurs qui sont alors subrogées aux valeurs vendues (Art. L. 531-2, al. 2 CPCE).

A cet égard, la Cour de cassation considère que les différents titres compris dans un portefeuille de valeurs mobilières ne s’analysent pas comme des biens indépendants, mais qu’ils sont un bien unique, car formant une universalité (Cass. civ. 1ère, 12 nov.1998, n° 96-18041).

Le réemploi n’est, néanmoins, pas obligatoire. En son absence, le prix de vente des valeurs mobilières sera consigné.

V) Recours du débiteur

Le débiteur a la possibilité d’obtenir :

  • Soit la mainlevée de la publicité provisoire
  • Soit le cantonnement des effets de la sûreté
  • Soit la substitution de la sûreté

==> Sur la mainlevée

La mainlevée ordonnée par le juge a pour conséquence d’entraîner la radiation de l’inscription provisoire d’hypothèque ou de nantissement, celle-ci devenant rétroactivement sans effet.

Elle ne s’effectue pas de la même façon suivant les sûretés judiciaires :

  • En cas d’hypothèque judiciaire conservatoire ou en cas de nantissement conservatoire de fonds de commerce, on opère une radiation de l’inscription provisoire.
  • En cas de nantissement conservatoire de parts sociales ou en cas de nantissement conservatoire de valeurs mobilières, il n’y a rien à radier et par conséquent la décision de mainlevée suffit.

==> Sur le cantonnement des effets de la sûreté

Seul, le débiteur peut demander au juge de l’exécution de limiter les effets de la sûreté provisoire lorsque la valeur des biens grevés est manifestement supérieure au montant des sommes garanties (Art. R. 532-9 du CPCE).

Le débiteur doit justifier que les biens qui demeurent grevés, après prononcé de la limitation des effets de la sûreté provisoire, ont une valeur double du montant des sommes garanties.

La réduction sera possible uniquement si la sûreté grève plusieurs biens.

==> La substitution de la sûreté

Comme toutes les mesures conservatoires, le débiteur dispose de la faculté de demander le remplacement de la sûreté judiciaire qui grève un ou plusieurs de ses biens.

Cette faculté peut être intéressante pour le débiteur, car même si les biens grevés par des sûretés judiciaires ne sont pas indisponibles, il aura cependant plus de difficultés à céder de tels biens, et en tout état de cause la valeur qu’il en retirera sera moindre.

La mise en oeuvre des mesures conservatoires

Lorsque le créancier aura obtenu l’autorisation du Juge ou qu’il sera muni de l’un des titres visés à l’article L. 511-2 du CPCE, il pourra mandater un huissier de justice aux fins de faire pratiquer une mesure conservatoire sur le patrimoine de son débiteur.

Reste que pour que la mesure conservatoire soit efficace, un certain nombre de diligences doivent être accomplies par l’huissier instrumentaire, faute de quoi la mesure sera frappée de caducité.

I) Les phases de mise en œuvre des mesures conservatoires

En substance, la mise en œuvre d’une mesure conservatoire comporte quatre phases bien distinctes :

  • Première étape
    • L’huissier mandaté par le créancier doit procéder
      • Soit à la réalisation de l’acte de saisie
      • Soit à l’accomplissement des formalités d’inscription de la sûreté
  • Deuxième étape
    • La mesure conservatoire pratiquée par l’huissier de justice doit être dénoncée au débiteur si elle n’a pas été effectuée entre ses mains
  • Troisième étape
    • En l’absence de titre exécutoire, le créancier poursuivant devra engager une procédure aux fins d’en obtenir un
  • Quatrième étape
    • Lorsqu’un titre exécutoire aura été obtenu ou que la décision dont était en possession le créancier sera passée en force de chose jugée, la mesure conservatoire pratiquée pourra être convertie en mesure d’exécution forcée

II) Les délais de mise en œuvre des mesures conservatoires

Les quatre phases décrites ci-dessus sont enfermées dans des brefs délais, dont le non-respect est sanctionné par la caducité de la mesure conservatoire prise.

==> L’exécution de la mesure conservatoire dans un délai de trois mois

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

Ainsi, en cas d’inertie du créancier au-delà du délai de trois mois, l’ordonnance rendue par le Juge saisi est frappée de caducité.

Ce délai court à compter du prononcé de la décision du Juge et non de sa signification, laquelle n’a pas besoin d’intervenir dès lors que l’ordonnance est exécutoire sur minute.

À cet égard, l’article 640 du Code de procédure civile prévoit que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »

Il peut, par ailleurs, être observé que si la mesure conservatoire initiée en exécution de l’ordonnance est devenue caduque, ladite ordonnance ne peut, en aucun cas, servir de fondement pour pratiquer une nouvelle mesure conservatoire, quand bien même le délai de trois mois n’aurait pas expiré. (V. en ce sens CA Paris, 22 oct. 1999).

S’agissant, enfin, du coût de la mesure, l’article L. 512-2 du CPCE prévoit que « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. »

==> La dénonciation de la mesure conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers dans un délai de huit jours

Lorsque la mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d’un tiers, il échoit au créancier de dénoncer cette mesure dans un délai de huit jours au débiteur à qui l’acte constatant la mesure conservatoire et, le cas échéant, l’ordonnance, doivent être communiquées.

Lorsque, en revanche, la mesure est accomplie directement entre les mains du débiteur, cette dénonciation est inutile puisqu’elle vise à informer le débiteur, d’une part, sur le contenu de l’ordonnance et, d’autre part, sur la réalisation de la mesure.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au débiteur, elle est frappée de caducité.

==> L’engagement d’une procédure ou l’accomplissement de formalités en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois

  • Principe général
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
    • Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
    • La formule « accomplir les formalités nécessaires» vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
    • Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
    • La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
    • En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
    • La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
    • Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE ( 2e civ. 3 avr. 2003).
    • Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
  • L’ordonnance portant injonction de payer
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que « en cas de rejet d’une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti au précédent alinéa, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l’ordonnance de rejet. »
    • Ainsi, le délai d’un mois est, en quelque sorte, prorogé par l’ordonnance de rejet, à la condition néanmoins qu’une instance au fond soit introduite consécutivement au rejet.
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a estimé qu’une assignation en référé ne permettait pas de proroger le délai d’un mois ( 2e civ. 5 juill. 2005).

==> La dénonciation des diligences accomplies en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de huit jours

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

III) La conversion des mesures conservatoires

Lorsqu’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible aura été obtenu par le créancier poursuivant, la mesure conservatoire pratique pourra faire l’objet d’une conversion.

Autrement dit, elle pourra être transformée :

  • Soit en mesure d’exécution forcée
  • Soit en sûreté définitive

Reste que le régime juridique de cette conversion est sensiblement différent selon que la mesure conservatoire initialement pratiquée consiste en une saisie conservatoire ou en l’inscription d’une sûreté judiciaire.

==> S’agissant des saisies conservatoires

Pour opérer la conversion d’une saisie conservatoire en saisie définitive, il n’est besoin, pour le créancier, que d’obtenir un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE.

Aussi, cette conversion peut-elle être pratiquée alors que la décision obtenue n’est pas passée en force de chose jugée. Elle devra, néanmoins, être assortie de l’exécution provisoire.

La conversation s’opérera alors au moyen de la signification d’un acte de conversion signifié au tiers saisi et dénoncé au débiteur.

Aucun délai n’est prescrit pour procéder à cette conversion une fois le titre exécutoire obtenu.

==> S’agissant des sûretés judiciaires

Pour convertir une sûreté judiciaire en sûreté définitive, l’article R. 533-4 du CPCE exige que le créancier obtienne une décision passée en force de chose jugée.

Ainsi, l’obtention d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE n’est pas suffisante. La décision obtenue doit ne plus être soumise à une voie de recours suspensif ni être assorti d’un délai de grâce.

Quant à la réalisation de la conversation, elle se fait au moyen d’une publicité définitive propre à chacune des sûretés susceptibles d’être constituée à titre conservatoire.

Les formalités doivent être accomplies auprès de l’organe qui a reçu la publicité provisoire.

Surtout, l’article R. 533-4 du CPCE prévoit que la publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

  • Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
  • Si la procédure a été mise en œuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R. 532-6
    • Si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation
    • Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
  • Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.

La procédure d’adoption des mesures conservatoires

Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge.

Ce principe connaît néanmoins des exceptions, en particulier lorsque le créancier dispose bien d’un titre exécutoire, mais que celui-ci n’est pas revêtu de la force de chose jugée.

I) Principe : l’exigence de demande d’autorisation

Lorsque le créancier qui souhaite la mise en œuvre de mesures conservatoires n’est en possession d’aucun titre exécutoire, il doit solliciter l’autorisation du Juge.

L’obtention de cette autorisation suppose alors l’observation d’un certain nombre de règles procédurales.

A) La compétence du juge

==> La compétence d’attribution

  • La compétence de principe du Juge de l’exécution
    • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
    • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
    • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
    • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
  • La compétence facultative du Président du Tribunal de commerce
    • L’article L. 511-3 in fine prévoit que, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire « elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale»
    • Cette compétence se justifie par le rôle joué par les juridictions commerciales en matière de prévention des entreprises en difficulté.
    • L’examen de la demande d’adoption de mesure conservatoire permettra notamment à la juridiction consulaire de prendre connaissance de la situation financière du débiteur poursuivi, lequel est susceptible de se trouver en état de cessation des paiements, ce qui déclenchera l’ouverture d’une procédure collective.
    • Il ressort du texte précité que la saisine du Président du Tribunal de commerce est néanmoins subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • La demande doit être formulée avant tout procès, soit lorsque qu’une instance au fond ou en référé n’a été introduite devant une juridiction civile ou commerciale
      • La demande doit tendre à la conservation d’une créance commerciale
    • Ainsi, dès lors qu’une instance est en cours, seul le Juge de l’exécution est compétent pour connaître de l’autorisation d’une mesure conservatoire.
    • Rien n’empêche, par ailleurs, que ce dernier soit saisi alors même que les conditions de saisine du Président du Tribunal de commerce seraient remplies.

==> La compétence territoriale

  • Principe
    • L’article R. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur. »
    • Si la créance est de nature commerciale, le juge compétent est le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
    • La règle ainsi posée est d’ordre public de sorte que toute clause contraire est réputée non écrite.
    • Le juge irrégulièrement saisi doit alors relever d’office son incompétence.
  • Exception
    • Lorsque le débiteur réside à l’étranger ou si le lieu ou il demeure est inconnu, l’article R. 121-2 du CPCE permet de s’adresser au Juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure ( 2e civ. 9 nov. 2006).

Cass. 2e civ. 9 nov. 2006
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2004), qu'autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) a inscrit des hypothèques judiciaires provisoires sur des biens immobiliers situés dans le ressort de ce tribunal et dans celui de Cahors et appartenant à M. X..., qui demeurait à Monaco ; que M. X... a sollicité la rétractation de l'ordonnance et la mainlevée des inscriptions ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice compétent pour autoriser les inscriptions d'hypothèques provisoires litigieuses et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :

1 / que selon l'article 9 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution compétent, lorsque le débiteur demeure à l'étranger est, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, celui du lieu d'exécution de la mesure ; que dès lors, en déclarant compétent le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, lieu de situation de l'un des immeubles saisis, nonobstant la compétence exclusive attribuée au juge de l'exécution du domicile du débiteur, en vertu de la dérogation instituée par l'article 211 du même décret, pour autoriser une mesure conservatoire, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

2 / que le juge de l'exécution du lieu de l'exécution de la mesure ne peut autoriser une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens situés hors de son ressort ; qu'en conséquence, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice pour autoriser les inscriptions sur les biens situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

3 / que le juge compétent pour statuer sur une requête en inscription d'hypothèque provisoire sur des immeubles situés dans le ressort de différents tribunaux de grande instance ne pourrait être que le juge dans le ressort duquel est situé le plus grand nombre de ces immeubles ; que ses propres constatations faisant ressortir que trois des cinq biens immobiliers visés par la requête en inscription d'hypothèques provisoires sont situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;

Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la compétence attribuée au juge du domicile du débiteur par l'article 211 du décret du 31 juillet 1992 n'est pas exclusive de l'application de l'article 9, alinéa 2, du même décret, dont les dispositions d'ordre public donnent compétence au juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure lorsque le débiteur demeure à l'étranger ;

Et attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit, par motifs adoptés, que le juge de l'exécution dans le ressort duquel est situé l'un des immeubles du débiteur demeurant à l'étranger est compétent pour autoriser des inscriptions d'hypothèque sur les biens immobiliers du débiteur situés en dehors de son ressort ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) L’auteur de la demande

Si l’auteur de la demande est le créancier ou son représentant légal, il dispose de la faculté :

  • Soit de se défendre lui-même ( R. 121-6 CPCE et art. 853 C. com.)
  • Soit de se faire assister ou représenter

==> En cas de saisine du Juge de l’exécution

En application de l’article R. 121-7 du CPCE, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par :

  • Un avocat qui doit justifier d’un pouvoir spécial
  • Son conjoint ;
  • Son concubin ou la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ;
  • Ses parents ou alliés en ligne directe ;
  • Ses parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
  • Les personnes exclusivement attachées à son service personnel ou à son entreprise
  • Quant à L’Etat, aux régions, aux départements, aux communes et leurs établissements publics, ils peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.

==> En cas de saisine du Président du Tribunal de commerce

En application de l’article 853 du Code de procédure civile, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de son choix, étant précisé que, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

C) La forme de la demande

==> La présentation d’une requête

L’article R. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « la demande d’autorisation prévue à l’article L. 511-1 est formée par requête. »

Ainsi, c’est par voie de requête que le Juge compétent pour connaître de l’adoption de mesures conservatoires doit être saisi.

Cette requête est régie par les articles 493 et suivants du Code de procédure civile.

À cet égard, en application de l’article 494 du Code de procédure civile, elle doit être présentée selon les formes suivantes :

  • La requête est présentée en double exemplaire
  • Elle doit être motivée, ce qui implique pour le créancier de démontrer
    • L’existence d’une créance fondée dans son principe
    • Une menace pour le recouvrement de sa créance
  • Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.
  • Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

==> Les mentions obligatoires

Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la requête sont énoncées à l’article 58 du Code de procédure civile.

Cette disposition prévoit que la requête contient à peine de nullité :

  • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
  • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
  • L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
  • L’objet de la demande.

D) La décision du Juge

==> La forme de la décision

La décision du Juge saisi est rendue par voir d’ordonnance qui, en pratique, aura été prérédigée par le créancier et sera positionnée au bas de la requête.

Si, le Juge dispose de la possibilité débouter ou d’accéder à la demande du créancier, il doit, en tout état de cause, motiver sa décision.

L’article R. 511-4 du CPCE prévoit en ce sens que, à peine de nullité de son ordonnance, le juge :

  • Détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée
  • Précise les biens sur lesquels la mesure porte.

==> Le contenu de la décision

Le juge saisi dispose de trois options :

  • Il peut accéder à la demande du créancier
    • Dans cette hypothèse, en application de l’article 495 du Code de procédure civile, l’ordonnance devient exécutoire au seul vu de la minute, de sorte que le créancier agira à ses risques et périls
    • Copie de la requête et de l’ordonnance est alors laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
  • Il peut débouter le créancier de ses prétentions
    • Dans cette hypothèse, le créancier disposera de la faculté d’interjeter appel dans un délai de quinze jours à compter de la date de prononcé de l’ordonnance
    • Par exception, le créancier ne pourra pas faire appel dans l’hypothèse où l’ordonnance aurait été rendue par le premier Président de la Cour d’appel
  • Il peut réexaminer sa décision aux fins de provoquer un débat contradictoire
    • Entorse au principe de dessaisissement d’une juge une fois sa décision rendue, l’article R. 511-5 du Code de procédure civile confère au juge le pouvoir de revenir sur sa décision ce qui n’est pas sans interpeller sur l’articulation de cette règle avec le principe dispositif énoncé à l’article 1er du Code de procédure civile qui prévoit que « Seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d’y mettre fin avant qu’elle ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi. »
    • L’article R. 511-5 du Code de procédure civile prévoit, en effet, que « en autorisant la mesure conservatoire, le juge peut décider de réexaminer sa décision ou les modalités de son exécution au vu d’un débat contradictoire.»
    • En pareille hypothèse, il fixe la date de l’audience, sans préjudice du droit pour le débiteur de le saisir à une date plus rapprochée.
    • C’est alors au créancier qu’il convient d’assigner le débiteur, en utilisant le cas échéant l’acte qui lui dénonce la saisie.

==> La durée de validité de l’ordonnance

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

À l’expiration de ce délai, tout n’est pas perdu pour le créancier qui disposera de la possibilité de formuler une nouvelle demande.

II) Exception : la dispense de demande d’autorisation

L’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.

Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :

==> Le créancier est en possession d’un titre exécutoire

Par titre exécutoire, il faut entendre, selon l’article L. 111-3 du CPCE :

  • Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
  • Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
  • Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
  • Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
  • Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

==> Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire

Les décisions qui ne possèdent pas de force exécutoire se classent en deux catégories :

  • Première catégorie
    • Il s’agit des décisions qui ne sont pas passées en force de chose jugée en ce sens que :
      • D’une part, la décision est encore soumise à un recours suspensif ou au délai d’exercice d’un tel recours
      • D’autre part, la décision n’est pas assortie de l’exécution provisoire
  • Seconde catégorie
    • Il s’agit des décisions qui sont assorties d’un délai de grâce

==> Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque

  • S’agissant de la lettre de change acceptée et du billet à ordre c’est le droit cambiaire qui s’applique, de sorte que, outre la garantie conférée par le titre au créancier, les exceptions attachées à la créance fondamentale lui sont inopposables.
  • S’agissant du chèque impayé, l’article L. 131 du Code monétaire et financier prévoit que le tireur est garant du paiement, de sorte que la créance est réputée fondée en son principe.

==> Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Le créancier titulaire d’une créance de loyer impayé est fondé à pratiquer une mesure conservatoire sans solliciter, au préalable, l’autorisation du Juge.

Il doit néanmoins justifier d’une créance qui résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.

Aussi, le contrat de louage doit-il :

  • D’une part, être constaté par écrit
  • D’autre part, porter sur un immeuble

Il appartiendra à l’huissier de vérifier la réunion de ces deux conditions, faute de quoi il engagerait sa responsabilité dans l’hypothèse où la mesure conservatoire prise serait mal-fondée.

À cet égard, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser plusieurs points :

  • La jurisprudence interprète la notion de contrat de louage d’immeuble pour le moins restrictivement puisqu’elle exclut de son champ le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce.
  • La créance invoquée ne pourra porter que sur le loyer et les charges ou provisions pour charge lorsqu’elles sont prévues dans le contrat de bail
  • La créance ne pourra pas comprendre l’indemnité due au titre d’une clause pénale ou de tout autre frais étranger au loyer
  • La créance de loyer ne saurait fonder, en aucune manière, l’adoption – sans autorisation du Juge – de mesures conservatoires à l’encontre de la caution du locataire

Entreprises en difficulté: les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour instaurer des procédures dont la vocation commune est l’appréhension des difficultés rencontrées par l’entreprise.

Tantôt cette appréhension des difficultés de l’entreprise sera préventive, tantôt elle sera curative.

==> Prévention des entreprises en difficulté / Traitement des entreprises en difficulté

Deux sortes de procédures doivent être distinguées :

  • Les procédures de prévention des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir, en amont, soit avant que l’entreprise ne soit en cessation des paiements.
    • Les deux principales procédures de prévention des entreprises en difficulté sont :
      • le mandat ad hoc
      • la conciliation
    • Elles présentent l’avantage pour le débiteur
      • d’une part, d’être confidentielles, l’objectif étant de ne pas effrayer les créanciers, ce qui produirait l’effet inverse de celui recherché
      • d’autre part, de revêtir une dimension contractuelle, en ce sens qu’elles ont pour finalité de conduire à la conclusion d’un accord amiable
  • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté
    • Il s’agit ici d’intervenir à un stade où si, la cessation des paiements n’est pas encore constatée, elle est imminente si l’on ne réagit pas
    • Les procédures de traitement des entreprises en difficulté sont au nombre de trois :
      • La procédure de sauvegarde
      • La procédure de redressement judiciaire
      • La procédure de liquidation judiciaire
    • Contrairement aux procédures de préventions des entreprises en difficultés, les procédures de traitement des entreprises en difficulté empruntent, non pas la voie amiable, mais la voie judiciaire
    • Il en résulte inévitablement un nombre bien plus important de contraintes pour le dirigeant, susceptible d’être dépossédés de son pouvoir de gestion de son entreprise à la faveur d’un administrateur.

==> Genèse de la procédure de sauvegarde

Antérieurement à la grande réforme du droit des entreprises en difficulté engagée par la loi du 26 juillet 2005, on ne dénombrait que deux procédures de traitement des entreprises en difficultés :

  • La procédure de redressement judiciaire
  • La procédure de liquidation judiciaire

Si ces deux procédures réformées par la loi du 25 janvier 1985 poursuivaient déjà comme objectif le sauvetage des entreprises et des emplois, le législateur a cherché, en 2005, à compléter les dispositifs de traitement des entreprises en difficulté afin de permettre aux différents acteurs en présence d’agir encore plus tôt lorsqu’une entreprise est en mauvaise posture économique, sans pour autant que les droits des créanciers soient totalement lésés.

Sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985, il peut être observé que l’ouverture d’une procédure collective était soumise à la survenance d’une cessation des paiements du débiteur.

La cessation des paiements était le seul et unique critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

L’application de ce critère avait pour inconvénient majeur de manquer cruellement de souplesse :

  • Tant que la cessation des paiements du débiteur n’était pas constatée, il ne pouvait faire l’objet que d’une procédure de traitement amiable, alors même que les difficultés rencontrées par l’entreprise auraient pu justifier l’ouverture d’une procédure collective.
  • En revanche après la constatation de la cessation des paiements, il ne pouvait plus que faire l’objet d’une procédure judiciaire, alors que la voie amiable aurait parfaitement pu être envisagée, aux fins de résorber les difficultés traversées par l’entreprise.

En 2005, le législateur est venu mettre un terme à cette situation pour le moins absurde, en permettant l’ouverture d’une procédure collective sans qu’il soit besoin d’établir la cessation des paiements.

Pour ce faire la loi du 26 juillet 2005 a institué la procédure de sauvegarde applicable à tout débiteur « qui justifie de difficultés susceptibles de le conduire à la cessation des paiements »

Il s’agit, autrement dit, d’une procédure judiciaire qui s’ouvre avant même que le débiteur ne soit en cessation des paiements.

Cette innovation majeure tendait à répondre à la critique récurrente adressée au droit antérieur, selon laquelle la prise en charge judiciaire des difficultés des entreprises intervient, dans la majeure partie des cas, trop tardivement, à un moment où la situation du débiteur est tellement obérée que l’issue de la procédure ne peut être que la liquidation.

Aussi, la nouvelle procédure de sauvegarde, s’inspirant de dispositifs existant dans d’autres traditions juridiques – notamment le chapitre 11 du titre 11 du code fédéral américain, relatif à la faillite – a été pensée pour assurer une réorganisation de l’entreprise en lui permettant de faire face aux difficultés qu’elle traverse.

==> Finalité de la procédure de sauvegarde

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Ainsi poursuit-elle un triple objectif :

  • La poursuite de l’activité économique
  • Le maintien de l’emploi
  • L’apurement du passif

Ces trois objectifs poursuivis par la procédure de sauvegarde ont, indéniablement, guidé la main du législateur quant au façonnement du régime judiciaire de cette procédure.

Il en va de même des décisions adoptées par la Cour de cassation qui, pour la plupart, doivent être interprétées à l’aune de la finalité de la procédure de sauvegarde.

Pour bien comprendre où la procédure de sauvegarde se situe par rapport aux autres procédures de traitement des entreprises en difficulté, comparons-la avec les objectifs poursuivis par ces dernières.

  • La procédure de conciliation: conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise ( L. 611-7 C. com).
  • La procédure de sauvegarde: faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 620-1 C. com)
  • La procédure de sauvegarde accélérée: restructuration de l’endettement des grandes entreprises remplissant des conditions de seuil
  • La procédure de redressement judiciaire:
    • Permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif ( L. 631-1 C. com.)
    • Élaboration d’un plan de redressement à l’issue d’une période d’observation ( L. 631-1 C. com.)
  • La procédure de liquidation judiciaire :
    • Soit, mettre fin à l’activité de l’entreprise ou réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens ( L. 640-1 C. com.)
    • Soit la cession de l’entreprise ayant pour but d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif ( L. 642-1 C. com.)

==> Parachèvement de la réforme

Instaurée par la loi du 26 juillet 2005, la procédure de sauvegarde a fait l’objet de plusieurs réformes successives en 2008, 2010 et 2014.

  • Première réforme : ordonnance n° 2008-1345du 18 décembre 2008
    • Après trois années d’application, il est apparu nécessaire de renforcer l’efficacité des dispositifs qu’elle propose et de tirer les conséquences des difficultés rencontrées par les praticiens.
    • À cette fin, l’objectif principal poursuivi par l’ordonnance du 18 décembre 2008 était triple :
      • Assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
        • L’ordonnance adoptée en 2008, dispense le débiteur de démontrer que les difficultés rencontrées par l’entreprise sont de nature à le conduire à la cessation des paiements
        • Il est ressort de la pratique que cette preuve est trop souvent ardue à rapporter
        • Sa complexité s’accroît, qui plus est, à mesure de la précocité de sa demande d’ouverture.
      • Extension des pouvoirs du dirigeant de l’entreprise en difficulté
        • L’ordonnance étend le rôle et les prérogatives du dirigeant au moment de l’ouverture et pendant la procédure de sauvegarde.
        • Ainsi, a été introduite la possibilité pour le débiteur qui demande l’ouverture d’une sauvegarde de proposer au tribunal la désignation de l’administrateur judiciaire de son choix ( L. 621-4 C. com.).
        • Il lui est également désormais permis de procéder lui-même à l’inventaire de son patrimoine dans le délai fixé par le tribunal, sous réserve que celui-ci soit certifié par un commissaire aux comptes ou attesté par un expert-comptable ( L. 621-4 et L. 622-6-1 C. com).
      • Amélioration des conditions de réorganisation de l’entreprise
        • L’ordonnance entend faciliter la poursuite de l’activité au cours de la période d’observation et la préparation du plan de sauvegarde, notamment en aménageant les effets de certaines sûretés.
        • Elle améliore par ailleurs les règles de fonctionnement des comités de créanciers et des assemblées d’obligataires, afin de prendre en considération les enseignements de la pratique et l’apparition de nouveaux acteurs du financement des entreprises.
        • Enfin, elle s’attache à favoriser une réorganisation pérenne après l’arrêté du plan de sauvegarde.
  • Deuxième réforme : loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière
    • Elle est venue instituer une nouvelle procédure de sauvegarde des entreprises, intitulée « procédure de sauvegarde financière accélérée ».
    • Réservée au cercle des « créanciers financiers » des entreprises, c’est-à-dire aux établissements de crédit, la sauvegarde financière accélérée permet de dépasser l’opposition des créanciers minoritaires lorsque moins d’un tiers d’entre eux ont fait échouer la conciliation préalable.
    • Cette innovation juridique s’inscrit dans le droit de fil de la loi de 2005 sur la sauvegarde des entreprises.
    • La sauvegarde est dite « accélérée », car le délai est fixé à un mois à compter du jugement d’ouverture et n’est prorogeable qu’une fois.
    • Le régime de la déclaration de créance est précisé.
    • La majorité des deux tiers s’apprécie conformément à la procédure de sauvegarde de droit commun, c’est-à-dire en fonction du montant des créances.
  • Troisième réforme : ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives
    • L’institution d’une procédure de sauvegarde accélérée
      • Cette ordonnance a instauré une procédure de sauvegarde accélérée dont les principes sont inspirés de la procédure de sauvegarde financière accélérée prévue par la loi du 22 octobre 2010.
      • Bien qu’il s’agisse d’une procédure collective puisque les effets de l’ouverture de cette procédure concernent des catégories homogènes de créanciers auxquels est imposée une discipline collective et dont les intérêts sont représentés par un mandataire judiciaire, la sauvegarde accélérée ne peut être ouverte que si le débiteur a préalablement obtenu l’ouverture d’une procédure de conciliation, en cours à la date de la saisine du tribunal.
    • Précision du régime juridique de la procédure de sauvegarde classique
      • Première précision
        • L’ordonnance du 12 mars 2014 a supprimé l’obligation pour l’administrateur de payer sans délai le cocontractant dont le contrat est poursuivi pendant la période d’observation
          • Le texte fait néanmoins peser sur l’administrateur l’obligation de vérifier qu’en imposant la continuation du contrat il ne risque pas de créer un préjudice prévisible à l’intéressé.
          • La règle du paiement comptant demeure applicable à la procédure de redressement judiciaire et à la liquidation judiciaire, en application de l’article L. 641-11-1 du Code de commerce.
      • Deuxième précision
        • à défaut de plan adopté par les comités de créanciers et lorsque la clôture de la procédure conduirait à bref délai à la cessation des paiements, l’ordonnance autorise le Tribunal à convertir la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire à la demande non seulement du débiteur, mais également des mandataires de justice ou du ministère public, ce qui élargit les passerelles entre les procédures.
      • Troisième précision
        • alors que le débiteur n’intervenait que pour le choix de l’administrateur judiciaire, le texte prévoit qu’il peut formuler des observations lorsqu’est envisagée la désignation de plusieurs mandataires judiciaires ou plusieurs administrateurs judiciaires, ainsi que lorsque le ministère public propose la désignation d’un ou plusieurs mandataires de justice.

==> La procédure de sauvegarde ou la procédure de droit commun

Il ressort de l’articulation des dispositions du Code de commerce consacrées au traitement des entreprises en difficulté que la procédure de sauvegarde est érigée en procédure de droit commun.

Elle constitue, autrement dit, la procédure dont les règles s’appliquent aux autres procédures collectives soit aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.

Il en résulte que les Titres III et IV du Livre VI du Code de commerce ne comportent que des dispositions particulières.

Il conviendra, en conséquence, pour le praticien de se reporter au Titre II du Livre VI afin d’accéder aux dispositions générales qui régissent les procédures de traitement des entreprises en difficulté, ce qui n’est pas sans susciter l’étonnement dans la mesure où la procédure de sauvegarde est celle à laquelle il est le moins recouru dans la pratique.

Au vrai, la différence majeure qui existe entre les trois procédures collectives envisagées par le Code de commerce réside essentiellement dans leurs conditions d’ouverture.

S’agissant de la procédure de sauvegarde, son ouverture est, en principe, subordonnée à la satisfaction de conditions qui tiennent :

  • D’une part, à l’activité de l’entreprise (I)
  • D’autre part, à la situation de l’entreprise (II)

Toutefois, il est des circonstances qui justifieront que la procédure de sauvegarde soit applicable à un débiteur qui ne remplira aucune de ces deux séries de conditions. On dira alors qu’elle fait l’objet d’une extension (III).

I) La condition tenant à l’activité de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce « la procédure de sauvegarde est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé. »

Il ressort de cette disposition que sont éligibles à la procédure de sauvegarde deux catégories de personnes :

  • Les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole
  • Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé

A) Les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

La première catégorie de personnes susceptibles de bénéficier de la procédure de sauvegarde regroupe les débiteurs exerçant une activité commerciale, artisanale ou agricole

Ce qui importe, ce n’est donc pas la qualité de commerçant, d’artisan ou d’agriculteur, mais la nature de l’activité exercée.

Peu importe la forme de l’entreprise concernée, ce qui compte c’est qu’elle exerce une activité commerciale, artisanale ou agricole.

  1. L’exercice d’une activité commerciale

a) Principe

Les personnes qui, en principe, exercent une activité commerciale ne sont autres que les commerçants.

La question qui alors se pose est de savoir qu’est-ce qu’un commerçant ?

i) Définition de la qualité de commerçant

Aux termes de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Trois enseignements peuvent être tirés de cette définition du commerçant :

  • Le commerçant tient sa qualité de l’accomplissement d’actes de commerce.
    • C’est donc l’activité commerciale qui confère à son auteur la qualité de commerçant et non l’inverse
  • L’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ne confère nullement à son auteur la qualité de commerçant.
    • Il s’agit seulement d’un mode de preuve de la qualité de commerçant
  • La reconnaissance de la qualité de commerçant suppose la réunion de trois conditions cumulatives:
    • L’accomplissement d’actes de commerce
    • À titre de profession habituelle
    • De manière indépendante

ii) Les éléments constitutifs de la qualité de commerçant

==> L’accomplissement d’actes de commerce

  • Principe
    • Seuls les actes de commerce par nature confèrent à leur auteur la qualité de commerçant
  • Exclusion
    • Les actes de commerce par accessoire sont exclus dans la mesure où pour être qualifiés d’actes de commerce, cela suppose que leur auteur revête la qualité de commerçant
    • Les actes de commerce par la forme ne sont pas non plus susceptibles de conférer à leur auteur la qualité de commerçant dans la mesure où ils sont précisément accomplis indépendamment de la qualité de commerçant
      • Ainsi, le fait d’émettre de façon régulière des lettres de change, ne saurait conférer au tireur la qualité de commerçant, nonobstant le caractère commercial de cet acte
  • Exception
    • Par exception, la qualité de commerçant peut être conférée à certaines personnes, indépendamment de l’activité qu’elles exercent
    • Il s’agit :
      • Des sociétés visées à l’article L. 210-1 du Code de commerce auxquelles on confère la qualité de commerçant indépendamment de leur activité, soit :
        • Les sociétés en nom collectif
        • Les sociétés en commandite simple
        • Les sociétés à responsabilité limitée
        • Les sociétés par actions
      • Des associés en nom collectif ( L. 221-1 du Code de commerce)
      • Des associés commandités ( L. 222-1 du Code de commerce)

==> L’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle

  • Principe
    • L’accomplissement isolé d’actes de commerce est insuffisant quant à conférer la qualité de commerçant.
    • Il est nécessaire que celui qui accomplit des actes de commerce par nature se livre à une certaine répétition et qu’il accomplisse lesdits actes dans le cadre de l’exercice d’une profession
  • Conditions
    • L’exigence de répétition
      • Aucun seuil n’a été fixé par la jurisprudence pour déterminer à partir de quand il y a répétition
      • À, ce qui compte, c’est moins le nombre d’actes de commerce accomplis que le dessein de leur auteur[1], soit la spéculation
      • Il en résulte que l’accomplissement d’un seul acte de commerce peut suffire à conférer à son auteur la qualité de commerçant
        • Exemple : l’acquisition d’un fonds de commerce
    • L’exercice d’une profession
      • Pour que l’accomplissement d’actes de commerce de façon répétée confère à leur auteur la qualité de commerçant, encore faut-il que l’exercice de son activité commerciale constitue une profession
      • Par profession, il faut entendre selon le doyen Riper « le fait de consacrer d’une façon principale et habituelle son activité à l’accomplissement d’une tâche dans le dessein d’en tirer profit »
      • Autrement dit, pour que l’activité commerciale constitue une profession, cela suppose que, pour son auteur, elle soit sa principale source de revenus et lui permette d’assurer la pérennité de son entreprise
      • Dès lors, celui qui accomplirait de façon habituelle des actes de commerce sans aucune intention d’en tirer profit, ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant ( en ce sens Cass. com., 13 mai 1970 : D. 1970, jurispr. p. 644).
    • Non-exclusivité de l’activité commerciale
      • Il n’est nullement besoin que l’activité commerciale soit exclusive de toute autre activité pour que la qualité de commerçant soit conférée à son auteur
      • L’activité commerciale peut parfaitement se cumuler avec une activité civile

==> L’accomplissement d’actes de commerce de façon indépendante

  • Principe
    • La jurisprudence a posé une troisième condition quant à la reconnaissance de la qualité de commerçant à celui qui accomplit des actes de commerce à titre de profession habituelle ( en ce sens Cass. com., 30 mars 1993: Bull. civ. 1993, IV n° 126, p. 86).
    • Leur auteur doit les accomplir de façon indépendante, soit en son nom et pour son compte.
    • Il en résulte que celui qui accomplit des actes de commerce de façon répété pour le compte d’autrui ne saurait se voir conférer la qualité de commerçant.
  • Notion d’indépendance
    • L’indépendance dont il s’agit est juridique et non économique.
    • Il en résulte que les membres d’un réseau de distribution ou un franchisé peuvent parfaitement être qualifiés de commerçants.
  • Personnes exclues de la qualité de commerçant
    • Les salariés qui agissent pour le compte de leur employeur.
    • Les dirigeants sociaux qui agissent au nom et pour le compte d’une société.
    • Les mandataires, tels que les agents commerciaux qui représentent un commerçant.

iii) L’établissement de la qualité de commerçant

==> La présomption de la qualité de commerçant

  • Présomption simple
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 123-7 du Code de commerce « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant».
      • Ainsi, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés fait présumer la qualité de commerçant
      • Il s’agit là d’une présomption simple
    • Exception
      • L’article 123-7 du Code de commerce prévoit néanmoins que « cette présomption n’est pas opposable aux tiers et administrations qui apportent la preuve contraire. Les tiers et administrations ne sont pas admis à se prévaloir de la présomption s’ils savaient que la personne immatriculée n’était pas commerçante.»
  • Présomption irréfragable
    • Le commerçant qui cesse son activité doit formuler une demande de radiation du RCS dans les deux mois qui suivent sa cessation d’activité.
    • À défaut, il est irréfragablement présumé commerçant en cas de vente ou de location-gérance de son fonds de commerce ( en ce sens Cass. com., 9 févr. 1971 : D. 1972, jurispr. p. 600, note A. Jauffret)

==> La preuve de la qualité de commerçant

Dans l’hypothèse où aucune immatriculation au registre du commerce et des sociétés n’a été effectuée, la qualité de commerçant se prouve par tous moyens.

Il conviendra de démontrer la satisfaction des conditions exigées à l’article L. 121-1 du Code de commerce.

Parfois, la seule démonstration de l’exploitation d’une entreprise commerciale suffira (V. en ce sens Cass. com., 11 févr. 2004 : JurisData n° 2004-022278)

b) Cas particuliers

==> Les associés en nom collectif

Conformément à l’article L. 221-1 du Code de commerce les associés en nom collectif endossent la qualité de commerçant

Aussi, cela signifie-t-il que le droit commercial leur est applicable.

Est-ce à dire qu’ils peuvent nécessairement solliciter le bénéfice de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce devrait étonnamment nous conduire à répondre par la négative à cette question.

Pour mémoire ce texte prévoit que la procédure de sauvegarde ne peut bénéficier qu’aux seuls débiteurs qui exercent une activité commerciale.

Or nonobstant leur qualité de commerçant, techniquement les associés en nom collectif n’exercent aucune activité commerciale.

Lorsqu’ils accomplissent un acte de commerce, ils agissent au nom et pour le compte de la société dans laquelle ils sont intéressés.

Il en résulte que la procédure de sauvegarde ne devrait pas leur être applicable dans la mesure où ils n’exercent aucune activité commerciale.

Dans un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation a pourtant décidé du contraire.

Cass. 2e civ., 5 déc. 2013
Sur le moyen unique, après avis de la chambre commerciale en application de l'article 1015-1 du code de procédure civile :

Attendu, selon le jugement attaqué rendu en dernier ressort (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Bayonne, 17 juin 2011), que M. et Mme X..., qui se sont portés cautions solidaires d'un prêt consenti à la société en nom collectif dont ils étaient les associés gérants, ont saisi une commission de surendettement d'une demande de traitement de leur situation de surendettement ; qu'un créancier a contesté la décision de la commission ayant déclaré leur demande recevable ;

Attendu que M. et Mme X... font grief au jugement de les déclarer irrecevables à saisir la commission de surendettement alors, selon le moyen, que la procédure de traitement du surendettement bénéficie sans restriction à la caution personne physique dont l'engagement garantit le paiement de dettes professionnelles, nées notamment de l'activité d'une société ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable la demande des débiteurs tendant au bénéfice du traitement de leur surendettement, le jugement attaqué a retenu que leur engagement de caution souscrit au profit d'une société était afférent à une opération professionnelle ; qu'en statuant de la sorte, le juge de l'exécution a violé l'article L. 330-1 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

Mais attendu que les associés gérants d'une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à "toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale" ; qu'il s'ensuit qu'en application de l'article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers ;

Que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision d'irrecevabilité se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Deux associés d’une SNC se sont portés caution solidaire d’un prêt consenti à leur société.
    • Ne parvenant pas à satisfaire à leur engagement lorsque la banque les sollicite pour régler la dette de leur société, ils demandent l’ouverture, à leur profit d’une procédure de surendettement.
    • Leur demande est jugée recevable par la commission de surendettement, à la suite de quoi un créancier décide de contester la décision de la commission.
  • Procédure
    • Par jugement rendu en dernier ressort le 17 juin 2011 par le juge de l’exécution près le Tribunal de grande instance de Bayonne, il a été fait droit à la demande de surendettement effectué par les associés en nom collectif qui avait été jugée irrecevable par la commission de surendettement
    • Le JEX a estimé, en l’espèce, que dans la mesure où l’acte de caution a été accompli pour les besoins de l’activité professionnelle des débiteurs, ces derniers ne pouvaient pas bénéficier de la procédure de surendettement.
    • Autrement dit, pour le JEX, il aurait fallu pour que les dettes contractées par les associés en nom collectif puissent justifier l’ouverture d’une procédure de surendettement qu’elles revêtent une nature purement civile.
    • Or en l’espèce ce n’est pas le cas, puisqu’il s’agissait d’un cautionnement souscrit par les débiteurs en vue d’obtenir un prêt pour une société.
  • Moyens des parties
    • Les associés en nom collectif invoquent, au soutien de leur demande, que la procédure de surendettement bénéficie à la caution personne physique qui garantit une dette professionnelle, ce conformément à l’article L. 330-1 du Code de la consommation.
    • Pour mémoire, l’article L. 711-1 du Code de la consommation dispose que « la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. L’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement».
    • L’argument avancé en l’espèce est pour le moins solide.
    • En effet, l’article L. 711-1 du Code de la consommation vise clairement la situation en l’espèce.
    • Voilà deux personnes physiques qui viennent cautionner, à titre personnel, la société dans laquelle ils sont associés.
  • Problématique
    • La question qui alors se pose est de savoir si une personne physique qui se porte caution, à titre personnel, pour la dette contractée pour la société en nom collectif dont elle est associée peut bénéficier d’une procédure de surendettement ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 décembre 2013, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les associés de la société pour laquelle ils se sont portés caution.
    • Elle justifie sa décision en affirmant que « les associés gérants d’une société en nom collectif qui ont de droit la qualité de commerçants sont réputés exercer une activité commerciale au sens des articles L. 631-2 et L. 640-2 du code de commerce qui disposent, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que les procédures de redressement et liquidation judiciaires sont applicables à “toutes personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale” ; qu’il s’ensuit qu’en application de l’article L 333-1 du code de la consommation, ils sont exclus du bénéfice des dispositions relatives au surendettement des particuliers»
    • La Cour de cassation raisonne ici en quatre temps:
      • La Cour de cassation rappelle d’abord que les associés en nom collectif ont, de droit, la qualité de commerçant, ce qui est indiscutable !
      • Ensuite elle relève que les articles 631-2 et L. 640-2 intègrent dans la liste des personnes susceptibles de faire l’objet d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire qui « exercent une activité commerciale ».
      • Par un syllogisme un peu douteux, elle en déduit que les associés en nom collectif sont expressément visés par ces dispositions du Code de commerce, puisqu’ils seraient réputés, de par leur qualité de commerçant, exercer une activité commerciale !
      • En conséquence, dans la mesure où l’ouverture d’une procédure collective est exclusive de toute autre procédure, les associés en nom collectif ne sauraient bénéficier de la procédure de surendettement personnel.
      • La raison en est que l’article L. 711-1 du Code de la consommation exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce, sans qu’il y ait lieu de distinguer, précise la jurisprudence.
    • Manifestement, en l’espèce, la Cour de cassation n’abonde pas dans le sens des juges du fond.
    • Elle signale son désaccord au moyen d’une substitution de motifs :
      • le JEX avait jugé irrecevable la demande de surendettement des associés en nom collectifs en raison de la nature de la dette contracté par eux : une dette professionnelle
      • La Cour de cassation considère, quant à elle, la demande de surendettement irrecevable, non pas, en raison de la nature de la dette contractée, mais en raison de la nature de l’activité exercée par les associés : une activité commerciale
    • Ce sont là bien évidemment, deux fondements juridiques bien distincts.
    • Aussi, la Cour de cassation a-t-elle estimé que celui sur lequel reposait s’est appuyé le JEX était erroné !
    • Car pour la Cour de cassation, afin de déterminer si une personne physique peut faire l’objet d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, il faut se reporter aux seuls articles L. 631-2 et 640-2 du code de commerce.
    • Or ces dispositions ne font nullement référence au critère de la nature de la dette contractée !
    • L’article L. 631-2 du Code de commerce dispose en effet que « la procédure de redressement judiciaire est applicable à toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur, à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, ainsi qu’à toute personne morale de droit privé».
    • Ainsi, la Cour de cassation rappelle-t-elle aux JEX qu’il doit se tenir à une interprétation stricte des textes, ce qu’il n’a pas fait.
  • Analyse
    • La solution adoptée en l’espèce par la Cour de cassation est pour le moins audacieuse.
    • L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a modifié le champ d’application des articles L. 611-4, L. 620-2, L. 631-2 et 640 du Code de commerce, en ce sens que ces dispositions ne visent plus comme bénéficiaire d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire « tout commerçant» mais « toute personne exerçant une activité commerciale »,
    • L’objectif de cette modification a été de permettre aux auto-entrepreneurs de bénéficier d’une procédure collective.
    • Le législateur n’a toutefois pas anticipé l’effet collatéral que cela engendrerait sur le statut des associés en nom collectif.
    • Avant 2008, dans la mesure où ils avaient la qualité de commerçant par application de l’article L. 221-1 du Code de commerce, ils pouvaient bénéficier d’une procédure collective.
    • À compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le critère d’application du Livre VI du Code de commerce est devenu l’exercice d’une activité commerciale.
    • Or s’il ne fait aucun doute que l’associé en nom collectif a bien la qualité de commerce, c’est « en dehors de toute référence à l’activité commerciale ».
    • C’est ainsi que dans un arrêt du 6 juillet 2010, la Cour d’appel de Paris, avait refusé l’ouverture d’un redressement judiciaire à la faveur d’un associé en nom collectif.
    • Au regard de la réforme de 2008, la solution retenue dans le présent arrêt apparaît dès lors surprenante, sauf à considérer que la chambre commerciale a souhaité réparer l’erreur commise par le législateur.
    • Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, le jugement d’ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire d’une personne morale produisait « ses effets à l’égard de toutes les personnes membres ou associées de la personne morale et indéfiniment et solidairement responsables du passif social » et elle entraînait l’ouverture « à l’égard de chacune d’elles d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire selon le cas » ( com., art. L. 624-1 ancien).
    • Aussi, étaient surtout visés les associés en nom collectif et les associés commandités dans les sociétés en commandite.
    • Sous cet angle, la solution énoncée par la Cour de cassation dans l’arrêt ici rapporté ne fait donc en quelque sorte que revenir à une jurisprudence traditionnelle.
    • De surcroît, lorsqu’il a abrogé l’ancien article L. 624-1 du Code de commerce le législateur n’avait pas pour volonté d’exclure l’associé en nom du champ d’application du droit des procédures collectives, mais d’éviter l’ouverture d’une telle procédure sans vérifier au préalable la situation du débiteur.
    • En d’autres termes, en 2005 comme en 2008, l’objectif n’était nullement d’exclure l’associé en nom du champ d’application du Livre VI du Code de commerce.
    • Si, par conséquent, la solution dégagée par la Cour de cassation apparaît certes quelque peu audacieuse au regard de la lettre des textes, c’est uniquement au regard des textes de 2008 qui, comme nous l’avons vu, ont exclu les associés en nom du droit des procédures collectives, indirectement, presque par inadvertance.
    • En voulant attraire les entrepreneurs dans le champ d’application du livre VI du code de commerce, le législateur a, corrélativement, fait sortir de son giron les associés en nom collectif.

==> Les personnes physiques qui exercent une activité commerciale mais qui n’ont pas satisfait à l’obligation d’inscription au RCS

Cette obligation est énoncée à l’article L. 123-1 du Code de commerce qui prévoit dispose que :

« Il est tenu un registre du commerce et des sociétés auquel sont immatriculés, sur leur déclaration :

  • Les personnes physiques ayant la qualité de commerçant, même si elles sont tenues à immatriculation au répertoire des métiers ;
  • Les sociétés et groupements d’intérêt économique ayant leur siège dans un département français et jouissant de la personnalité morale conformément à l’article 1842 du code civil ou à l’article L. 251-4 ;
  • Les sociétés commerciales dont le siège est situé hors d’un département français et qui ont un établissement dans l’un de ces départements ;
  • Les établissements publics français à caractère industriel ou commercial ;
  • Les autres personnes morales dont l’immatriculation est prévue par les dispositions législatives ou réglementaires ;
  • Les représentations commerciales ou agences commerciales des Etats, collectivités ou établissements publics étrangers établis dans un département français.»

Dans un arrêt du 25 mars 1997, la Cour de cassation avait estimé en ce sens qu’une personne physique qui n’a jamais été inscrite au registre du commerce ne peut être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire (Cass. com., 25 mars 1997)

Cette solution est sans aucun doute applicable à la procédure de sauvegarde.

Cass. com., 25 mars 1997
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 26 septembre 1994), que Mme X... qui a géré, en société créée de fait, un fonds de commerce de bijouterie de 1985 à 1989, a déclaré le 19 février 1993 son état de cessation des paiements ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir refusé de l'admettre au bénéfice du redressement judiciaire au motif, selon le pourvoi, qu'elle ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements à l'époque de sa gestion, alors, d'une part, que la cessation des paiements est appréciée au jour où statue la juridiction, même en cause d'appel ; qu'en se plaçant au moment où Mme X... gérait le fonds de commerce pour apprécier si elle était en état de cessation des paiements, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, et en tout état de cause, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que, pour débouter Mme X... de sa demande d'admission au bénéfice du redressement judiciaire, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'intéressée ne justifiait pas avoir été en état de cessation des paiements au moment de sa gestion ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à une analyse, même sommaire, des pièces versées aux débats par Mme X..., la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, selon l'article 65, alinéa 1er, du décret du 30 mai 1984, la personne assujettie à immatriculation au registre du commerce qui n'a pas requis cette dernière à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité ne peut se prévaloir, jusqu'à immatriculation, de la qualité de commerçant, tant à l'égard des tiers que des administrations publiques ;

Attendu que l'arrêt a relevé que Mme X..., personne physique, n'a jamais été inscrite au registre du commerce ; qu'il en résulte qu'elle ne pouvait être sur sa demande, admise au bénéfice du redressement judiciaire ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés de la cour d'appel, l'arrêt se trouve légalement justifié ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • La gérante d’une société créée de fait exploitant un fonds de commerce de bijouterie déclare la cessation le 19 février 1993.
    • Elle revendique alors le bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire, cette demande lui est refusée.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 26 septembre 1994, la Cour d’appel de Bourges déboute la requérante de sa demande de redressement judiciaire
    • Pour les juges du fonds, la requérante ne justifiait pas la cessation des paiements de sorte qu’elle ne pouvait pas prétendre à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 mars 1997, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par la gérante du fonds de commerce
    • Comme la Cour d’appel, la Cour de cassation estime, certes, que la gérante du fonds, ne pouvait pas bénéficier de la procédure de redressement judiciaire.
    • Cependant, leur point d’accord s’arrête ici.
    • Pour le reste, à savoir la motivation de la Cour d’appel, la Cour de cassation censure la décision des juges du fonds au moyen d’une substitution de motif.
    • En l’espèce, cette substitution de motif nous est signalée par la formule « par ce motif de pur droit, substitué à ceux erronés»
      • La motivation de la Cour d’appel
        • La cessation des paiements n’est pas établie.
        • Par conséquent, la gérante ne peut pas bénéficier de la procédure de redressement
      • La motivation de la Cour de cassation
        • La Cour de cassation relève que l’article 65 al. 1er du décret du 30 mai 1984 prévoit que la personne à qui il échoit de s’immatriculer au RCS qui ne l’a pas fait dans un délai de 15 jours à compter du commencement de son activité, n’est pas fondée à se prévaloir de la qualité de commerçant à l’égard des tiers et de l’administration.
        • Aussi, dans la mesure où la gérante du fonds était une commerçante de fait, car non immatriculée au RCS, elle ne pouvait pas se prévaloir de la procédure de redressement judiciaire, laquelle bénéficie aux seuls commerçants régulièrement enregistrés
      • On le voit, ici la motivation de la Cour de cassation diverge en tous points de la motivation des juges du fond
      • Alors que la Cour d’appel laisse la porte ouverte au commerçant de fait quant au bénéfice de la procédure de redressement judiciaire, à la condition qu’il justifie de l’état de cessation des paiements, la Cour de cassation lui refuse en toute hypothèse cette possibilité
      • Pour la chambre commerciale, la qualité de commerçant de fait, fait obstacle au bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire.

==> Les personnes qui ont cessé leur activité commerciale mais qui ont omis de solliciter leur radiation du RCS

Si l’on opte pour une lecture stricte de l’article L. 611-4 du Code de commerce, seules les personnes qui exercent une activité commerciale sont éligibles à la procédure de sauvegarde.

Il en résulte que celles qui ont cessé leur activité ne devraient pas pouvoir, a priori, se prévaloir de cette procédure.

Quid, néanmoins, lorsqu’une personne physique a cessé son activité commerciale, mais qu’elle demeure toujours inscrite au RCS ?

Pour mémoire :

  • L’article L. 123-7 du Code de commerce prévoit que « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant. »
  • L’article L. 121-1 du Code de commerce dispose de son côté que « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle. »

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que :

  • D’une part, la personne physique qui est inscrite au RCS est présumée endosser la qualité de commerçant
  • D’autre part, le commerçant est présumé exercer une activité commerciale

En conclusion, la personne qui a cessé son activité commerciale mais qui a omis de solliciter sa radiation du RCS est présumée exercer une activité commerciale.

Dans ces conditions, la procédure de sauvegarde devrait lui être applicable.

La Cour de cassation a statué en ce sens dans un arrêt du 17 février 2015.

Cass. com., 17 févr. 2015
Sur le moyen unique :

Attendu, selon le jugement attaqué (juge de l'exécution, tribunal d'instance de Muret, 14 août 2012), rendu en dernier ressort, que Mme X... a formé un recours contre la décision ayant déclaré irrecevable sa demande de traitement de sa situation de surendettement ;

Attendu que Mme X... fait grief au jugement de confirmer cette décision alors, selon le moyen, que le commerçant qui donne son fonds en location-gérance cesse d'être commerçant ; qu'en déduisant la qualité de commerçante de Mme X... de ce qu'elle a donné son fonds en location-gérance et de ce qu'elle est en conséquence demeurée inscrite au registre du commerce et des sociétés, le tribunal a statué par des motifs impropres à établir qu'elle effectuait des actes de commerce, et a dès lors privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de commerce ;

Mais attendu que le décret n° 86-465 du 25 mars 1986 a supprimé l'obligation faite à celui qui donne son fonds en location-gérance de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ; qu'ayant relevé que Mme X... était inscrite au registre du commerce et des sociétés depuis le 11 juin 2001 pour une activité de terrassements et location d'engins de travaux publics et qu'elle était demeurée inscrite après avoir donné son fonds en location-gérance le 1er juillet 2002, de sorte qu'elle était présumée avoir la qualité de commerçant, le juge de l'exécution a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Une commerçante donne son fonds de commerce en location-gérance, sans se désinscrire, en parallèle, du RCS.
    • Ne parvenant pas à faire face à ses dettes, elle sollicite le bénéfice de la procédure de surendettement.
  • Procédure
    • La requérante est déboutée par le Juge de l’exécution de sa demande
    • Le JEX a estimé, que dans la mesure où la requérante a donné son fonds en location-gérance et qu’elle était toujours inscrite au RCS, alors elle était réputée commerçante.
    • Dans ces conditions, seul le livre VI du Code de commerce a vocation à s’appliquer à cette dernière, étant précisé que
    • Pour mémoire, l’article L. 711-3 du Code de la consommation prévoit que « Les dispositions du présent livre ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce. »
  • Solution
    • Par un arrêt du 17 février 2015, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le loueur du fonds de commerce
    • Elle relève, tout d’abord que le décret du 25 mars 1986 a supprimé l’obligation faite au loueur de fonds de commerce de s’inscrire au RCS.
    • Aussi, considère-t-elle que, dans la mesure où la requérante ne s’est pas désinscrite du RCS, on peut en déduire qu’elle a conservé son activité de commerçant.
    • Dès lors, pour la Cour de cassation, c’est bien le livre VI du Code de commerce.
    • Elle ne peut donc pas bénéficier de la procédure de surendettement, conformément à l’ancien article L. 333-3 du Code de la consommation devenu L. 711-3 qui, on le rappelle, exclut le surendettement des particuliers lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce,
  • Analyse
    • La Cour de cassation juge en l’espèce que la propriétaire du fonds ne peut pas bénéficier du surendettement des particuliers parce qu’elle est présumée être commerçante en raison de son inscription au RCS.
    • A contrario, si la requérante avait été radiée du RCS, la solution de l’arrêt du 17 février 2015 aurait conduit à admettre l’application de la procédure de surendettement des particuliers à la requérante.
    • En tout état de cause, dans un cas comme dans l’autre la situation est embarrassante :
      • Ouvrir une procédure de surendettement au bénéfice ou à l’encontre d’un loueur de fonds de commerce colle mal avec sa qualité de commerçant en sommeil
        • Quid s’il récupère le fonds alors qu’il fait l’objet d’une procédure de surendettement ?
      • Quant à la situation dans laquelle il serait radié du RCS, on sait que la procédure collective reste possible, dès lors du moins que les dettes proviennent de l’activité professionnelle
        • L’article L. 631-3 du Code de commerce prévoit en ce sens que « la procédure de redressement judiciaire est également applicable après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière»
        • Mais on sait aussi en pratique toutes les difficultés matérielles auxquelles un tribunal de commerce est confronté à l’occasion d’une procédure collective ouverte pour ou contre un futur ex-commerçant
        • Faut-il faire désigner un mandataire ad hoc ?
        • Faut-il ré-immatriculer le commerçant le temps de la procédure ?
      • On le voit, cette présomption de qualité de commerçant sur laquelle s’appuie la Cour de cassation est gênante.
        • D’un point de vue économique, le loueur du fonds reste dans la sphère commerciale, qu’il soit ou pas radié du RCS.
          • Il est donc logique qu’en cas de difficultés financières, le droit des entreprises en difficulté qui s’applique.
        • D’un point de vue juridique, le loueur du fonds de commerce en sommeil n’est, en principe, plus commerçant, sauf à ce qu’il omette de solliciter sa radiation du RCS
          • Dans cette situation il n’a toutefois que l’apparence d’un commerçant dans la mesure où il n’exerce aucune activité commerciale
          • Or conformément à l’article L. 121-1 du Code de commerce, c’est l’exercice d’une activité commerciale qui confère à une personne physique sa qualité de commerçant et non l’inverse.
        • Au total, la solution adoptée par la Cour de cassation est loin d’être satisfaisante.
        • Toutefois, tant la lettre que l’esprit des textes ne lui laissaient guère d’autre choix.

2. Les personnes qui exercent une activité artisanale

Les commerçants ne sont pas les seules personnes à être éligibles à la procédure de sauvegarde. Celles qui exercent une activité artisanale peuvent également solliciter l’ouverture de cette procédure.

L’article L. 620-2, al. 1er du Code de commerce le leur permet explicitement.

Comme pour les commerçants la question se pose de savoir ce qu’est une personne qui exerce une activité artisanale.

S’il n’existe aucune véritable définition juridique des artisans, la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 fait obligation aux personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services, à l’exclusion de l’agriculture et de la pêche et qui ont moins de dix salariés de s’immatriculer au répertoire des métiers spécifique aux artisans.

Quatre grands secteurs d’activité sont ainsi distingués (V. en ce sens : http://www.artisanat.fr/Default.aspx?tabid=292):

  • les métiers de service (cordonnier, esthéticienne, coiffeur, fleuriste, photographe etc.)
  • les métiers de production (menuisier, couturier, ébéniste, tapissier)
  • les métiers du bâtiment (maçon, couvreur, plombier, chauffagiste, électricien etc.)
  • les métiers de l’alimentation (charcutier, chocolatier, boulanger traiteur etc.)

Est-ce à dire que pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, l’artisan doit nécessairement être immatriculé au répertoire des métiers ?

Antérieurement à l’ordonnance du 18 décembre 2008, il convenait de répondre par l’affirmative à cette question.

L’ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 visait, en effet, « toute personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Seuls les artisans de droit pouvaient de la sorte solliciter l’ouverture d’une procédure collective.

L’ordonnance du 18 décembre 2008 a modifié cet état du droit en faisant désormais référence aux personnes qui exercent une activité artisanale.

On peut en déduire qu’il n’est donc plus nécessaire que l’artisan soit immatriculé au répertoire des métiers pour solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde.

Aussi, cette procédure est-elle également applicable aux artisans de fait, nonobstant l’exigence posée à l’article R. 621-1 du Code de commerce qui conditionne la demande d’ouverture d’une procédure de sauvegarde notamment à la fourniture d’un « extrait d’immatriculation aux registres et répertoires mentionnés à l’article R. 621-8 et à l’article L. 526-7 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification ».

3. Les personnes qui exercent une activité agricole

Jusqu’à une époque récente, le législateur a toujours répugné intégrer les agriculteurs dans le giron des procédures collectives.

Cette exclusion reposait sur l’idée que l’activité agricole était, par nature, étrangère à la sphère commerciale.

De plus en plus, la jurisprudence tendait pourtant à distinguer parmi les agriculteurs :

  • ceux qui exerçaient leur activité de manière traditionnelle
  • ceux dont le comportement se rapprochait de celui des commerçants.

Lors de l’adoption de la loi n° 88-1202 du 30 décembre 1988 relative à l’adaptation de l’exploitation agricole à son environnement économique et social, le législateur en a tiré la conséquence que les agriculteurs devaient pouvoir bénéficier des procédures collectives à l’instar des commerçants et des artisans. L’assimilation n’est cependant pas totale.

  • D’une part, le législateur a donné compétence au tribunal de grande instance pour connaître du redressement et de la liquidation judiciaires des agriculteurs
  • D’autre part, la loi du 30 décembre 1988 comporte des aménagements divers, telle que par exemple la durée du plan de sauvegarde (15 ans)

En toute hypothèse, les agriculteurs sont éligibles à la procédure de sauvegarde. Pour ce faire, ils doivent :

  • En premier lieu justifier de l’exercice d’une activité agricole
    • Aux termes de l’article L. 311-1 du Code rural, « sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ».
  • En second lieu, exercer une activité agricole à titre de profession habituelle
    • Dans un arrêt du 5 avril 1994, la Cour de cassation a considéré en ce sens que les activités agricoles « ne confèrent la qualité d’agriculteur, au sens de l’article 2, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985, qu’à ceux qui les exercent à titre de profession habituelle» ( com. 5 avr. 1994).

4. Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante

Les personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

 ==> S’agissant des personnes morales de droit privé

Il s’agit de toutes les personnes morales quelle que soit leur forme ou leur objet.

Le législateur n’a pas conditionné le bénéfice de la procédure de sauvegarde à l’exercice par les personnes morales d’une activité commerciale ou artisanale.

Il est seulement nécessaire que le groupement concerné satisfasse à deux conditions cumulatives :

  • D’une part, il doit être doté de la personnalité juridique
  • D’autre part, il doit être soumis aux règles du droit privé

Si ces deux conditions sont remplies, le groupement pourra bénéficier de la procédure de sauvegarde.

Dans cette perspective sont notamment visées :

  • Les sociétés commerciales
  • Les sociétés civiles
  • Les sociétés agricoles
  • Les groupements d’intérêt économique
  • Les associations
  • Les syndicats professionnels
  • Les syndicats de copropriétaires

À l’inverse sont exclus du bénéfice de la procédure de sauvegarde les groupements dépourvus de la personnalité morale, tels que :

  • Les sociétés créées de fait
  • Les sociétés de fait
  • Les sociétés en formation, soit non encore immatriculées
  • Les sociétés en participation
  • Les associations non déclarées

==> S’agissant des personnes physiques exerçant une activité indépendante

Selon l’article L. 611-5 du Code de commerce il s’agit de toutes celles qui  exercent une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

Cette catégorie de personnes est plus difficile à cerner. La difficulté de leur identification tient à notion d’« activité professionnelle indépendante » dont la définition interroge.

  • La notion d’activité professionnelle indépendante
    • Que doit-on, en effet, entendre par « activité professionnelle indépendante» ?
    • Deux conceptions sont envisageables :
      • Première conception
        • L’activité indépendante doit être entendue au sens technique du terme
        • Autrement dit, dès lors que le travailleur exerce son activité professionnelle librement, soit sans que s’exerce sur lieu un pouvoir de subordination ou de direction, il doit être regardé comme indépendant.
      • Seconde conception
        • Selon cette conception, plus restrictive, le travailleur indépendant est celui qui exerce son activité professionnelle pour son propre compte.
        • Il travaille au nom et pour le compte de personne.
  • La conception retenue par la jurisprudence
    • L’examen des décisions révèle que c’est la seconde conception qui l’a emporté.
    • La Cour de cassation a, en effet, exclut du champ d’application du Livre VI du Code de commerce un certain nombre de personnes physiques exerçant une activité professionnelle qui ont toutes en commun de travailler au nom et pour le compte d’autrui.
    • Il en va ainsi :
      • Des salariés
      • Des mandataires
      • Des agents commerciaux
      • Des dirigeants sociaux
      • Des associés d’une société d’exercice libéral
    • S’agissant de cette dernière catégorie de personnes, la Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant en date du 9 février 2010.

Cass. com. 9 févr. 2010
Sur le moyen unique, après avertissement délivré aux parties :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2008), que M. X..., qui exerçait individuellement la profession d'avocat depuis 1977, a constitué en 2005 la SELARL d'avocats Cabinet Michelet (la SELARL) ; que se prévalant d'une créance de 277 510 euros représentant des sommes facturées à ses clients au titre de la TVA et non reversées à l'administration des impôts, lors de son exercice professionnel individuel, le chef de service comptable du service des impôts des entreprises de Paris 7e Gros Caillou Varenne (le comptable des impôts) a, par acte du 25 juin 2007, assigné M. X... en liquidation judiciaire ;

Attendu que le comptable des impôts fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le moyen, que la cour d'appel a rappelé que l'assignation visait M. X..., avocat, et non pas la SELARL ; qu'elle a considéré que M. X... était débiteur à l'égard du comptable des impôts d'une somme de 277 510 euros au titre de son activité individuelle ; qu'en relevant elle-même que M. X... demeurait inscrit au tableau de l'ordre des avocats du barreau de Paris et qu'il n'avait pas cessé son activité professionnelle d'avocat lorsqu'il avait créé la SELARL, de sorte qu'on ne pouvait opposer au créancier poursuivant l'expiration du délai d'un an visé à l'article L. 631-5 du code de commerce, tout en constatant que le comptable ne pouvait assigner l'intéressé en liquidation judiciaire au titre des créances nées de son activité individuelle d'avocat dans la mesure où, à la date d'assignation, il exerçait sa profession au sein d'une SELARL, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles L. 631-5, L. 640-2 et L. 640-5 du code de commerce ;

Mais attendu que l'avocat, qui a cessé d' exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 640-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle ;

Attendu qu'ayant relevé que la SELARL a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 11 janvier 2005, l'arrêt retient que M. X..., depuis cette date, n'agit plus en son nom propre mais exerce les fonctions d'avocat au nom de la société, qu'il en déduit exactement, que ce dernier n'exploite plus pour son propre compte une entreprise libérale ;

Et attendu que M. X... ayant cessé d'exploiter, en son nom propre, une activité indépendante , au sens des articles L. 640-2 et suivants du code de commerce, à compter de l'immatriculation de la SELARL au registre du commerce le 11 janvier 2005, le comptable des impôts, qui l'a assigné en liquidation judiciaire le 25 juin 2007, était irrecevable en sa demande ; que ce motif de pur droit rend le moyen sans portée ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • Après avoir exercé sa profession à titre individuel, un avocat s’associe en 2003 au sein d’une SELARL (Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée).
    • Le comptable des impôts se prévalant d’une créance de TVA collectée et non reversée, assigne ledit avocat, devenu associé en liquidation judiciaire.
    • En défense, l’avocat oppose, au comptable des impôts, la prescription de l’action, conformément à l’article L 640-5 du Code de commerce.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « la procédure (de liquidation judiciaire) peut être ouverte sur l’assignation d’un créancier, quelle que soit la nature de sa créance. Toutefois, lorsque le débiteur a cessé son activité professionnelle, cette assignation doit intervenir dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité, s’il s’agit d’une personne exerçant une activité artisanale, d’un agriculteur ou d’une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé».
    • Ainsi, l’avocat soulève-t-il la prescription de l’action en liquidation judiciaire engagée par le comptable public des impôts.
  • Procédure
    • Par un arrêt infirmatif du 26 juin 2008, la Cour d’appel de Paris prononce l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de l’intimé.
    • Les juges du fond estiment, en l’espèce, le passage de l’exercice individuel à l’exercice social ne marque pas la fin de l’activité professionnelle.
    • Bien au contraire, pour la Cour d’appel, l’exercice de l’activité au sein d’une SELARL n’est qu’une modalité d’exercice de la profession d’avocat.
    • L’avocat qui se prévalait de la prescription de l’action n’a, en réalité, pas cessé son activité professionnelle, fut-il est devenu associé d’une SELARL
  • Solution
    • Par un arrêt du 9 février 2010, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de paris
    • Elle retient que l’avocat qui exerce au sein d’une SELARL n’agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société.
    • Au moment où il devient associé de la SELARL, il cesse d’exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l’article L. 640-2 du Code de commerce.
    • Pour être recevable, l’action du comptable des impôts devait donc être exercée dans le délai d’un an à compter de la cessation de l’activité individuelle de l’avocat conformément à l’article L. 640-5 du Code de commerce.
    • La Cour de cassation en déduit que l’action du créancier est, en l’espèce prescrite, eu égard à l’ancienneté de l’association de l’avocat.

II) La condition tenant à la situation de l’entreprise

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce « il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d’un débiteur mentionné à l’article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter. »

Ainsi pour être éligible à la procédure de sauvegarde, le débiteur doit établir la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, l’entreprise doit rencontrer des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter
  • D’autre part, l’entreprise ne doit pas être en cessation des paiements

A) L’existence de difficultés insurmontables

Dès lors que l’entreprise rencontre des difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde est envisageable pour le débiteur.

Que doit-on entendre par la formule « difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter » ? L’article L. 620-1 du Code de commerce ne le dit pas.

Ce silence est sans aucun doute volontaire, l’intention ayant animé le législateur étant de laisser au juge un grand pouvoir d’appréciation.

Bien que le législateur ne donne aucune définition des difficultés insurmontables, deux éléments peuvent servir d’appui pour mieux cerner la notion :

  1. Les critères d’ouverture des procédures collectives voisines

Afin de déterminer le niveau gravité de la difficulté qui doit être atteint par l’entreprise pour justifier l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, on peut, tout d’abord, se reporter à la hiérarchie des différents critères d’ouverture d’une procédure collective :

  • La procédure de conciliation est applicable aux débiteurs « éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.» ( L. 611-4 C. com.)
  • La procédure de sauvegarde est applicable au débiteur qui « sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter» ( L. 611-20 C. com.)
  • La procédure de redressement judiciaire est applicable au débiteur qui « dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements» ( L. 631-1 C. com)
  • La procédure de liquidation judiciaire est applicable à « tout débiteur en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible» ( L. 640-1 C. com.)

Il ressort de cette définition que pour être considérées comme insurmontables, les difficultés ne doivent pas seulement être prévisibles, mais bel et bien avérées.

Elles doivent être tellement graves que le débiteur n’est pas en mesure de redresser la barre de son entreprise.

Toutefois, si lesdites difficultés peuvent être de nature à conduire à la cessation des paiements, elles ne doivent, en aucun cas, consister en une cessation des paiements, sauf à basculer sur l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire voire de liquidation.

Il appartiendra donc au Tribunal de déterminer la nature des difficultés rencontrées par le débiteur et d’identifier la cause de leur caractère insurmontable.

Pourquoi le débiteur n’est-il pas en mesure de les surmonter seul ?

Plusieurs causes peuvent être à l’origine de cette situation.

2. Les critères dégagés par la jurisprudence

Deux épisodes jurisprudentiels ont contribué à l’entreprise de délimitation de la notion de difficultés insurmontables

==> Les arrêts du 26 juin 2007

Dans deux arrêts du 26 juin 2007 la chambre commerciale de la Cour de cassation considère notamment que « la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient » (Cass. com. 26 juin 2007, n°06-20820 et n°06-17821)

Peu importe donc que la société mère soit en bonne santé, le tribunal doit statuer en considération de la seule situation de la société débitrice.

La Cour de cassation ajoute que « les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture »

La position adoptée ici par la Cour de cassation se justifie par l’idée que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être un ultime recours

Si, entre le moment où le Tribunal a été saisi et le moment où il se prononce, la situation de l’entreprise s’est améliorée il est inutile d’ouvrir une procédure qui, parce qu’elle n’est pas confidentielle comme la conciliation, est susceptible d’effrayer les créanciers.

Cass. com. 26 juin 2007
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 26 septembre 2006), que la société N. Schlumberger, dont le capital est détenu par la société Euroshor, elle-même contrôlée à parité par le groupe NSC et le groupe Orlandi, a sollicité, le 22 janvier 2006, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde ; que le 7 février 2006, le tribunal a accueilli sa demande ; que la société Euler Hermes Sfac (la société Euler Hermes) a fait tierce opposition au jugement ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que la société Euler Hermes fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la tierce opposition, alors, selon le moyen, que le débiteur sollicitant l'ouverture d'une procédure de sauvegarde doit justifier de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, de nature à la conduire à la cessation des paiements ; qu'en considérant que la situation devait s'apprécier au regard des seules ressources propres de la société N. Schlumberger SAS, excluant le soutien que le groupe était prêt à apporter à la société, pourtant de nature à rendre les difficultés surmontables, la cour d'appel, ajoutant une condition au texte, a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu qu'ayant retenu que, pour l'ouverture de la procédure de sauvegarde d'une filiale, il est indifférent de savoir quelle sera la position que prendra la société mère dans le cadre de la période d'observation et l'éventuelle élaboration d'un plan de sauvegarde et que la situation de la société débitrice doit être appréciée en elle-même, sans que soient prises en compte les capacités financières du groupe auquel elle appartient, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'un engagement de la société mère en faveur de sa filiale, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur la seconde branche du moyen :

Attendu que la société Euler Hermes fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen, que, pour apprécier l'existence de difficultés insurmontables de nature à conduire à la cessation des paiements, la juridiction doit se placer au jour où elle statue ; qu'en se plaçant au jour de la demande d'ouverture de procédure, la cour d'appel, qui n'a pas pris en considération la situation véritable et objective du débiteur, s'est fondée sur des considérations hypothétiques qui se sont révélées fausses en l'espèce ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article L. 620-1 du code de commerce ;

Mais attendu que les conditions d'ouverture de la procédure de sauvegarde doivent être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture ; qu'ayant relevé que, même si la débitrice disposait de lignes de crédit non négligeables à la date de saisine du tribunal lui permettant d'envisager le financement d'un nouveau plan social dont la décision avait été prise au début de l'année 2006, l'épuisement prévu de ces lignes de crédit dans un avenir proche et l'existence d'un passif échu notable la plaçaient dans une situation extrêmement fragile de nature à la conduire à la cessation des paiements, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée seulement d'après les éléments existants à la date de la demande d'ouverture de la sauvegarde mais a apprécié la situation au jour du jugement d'ouverture, a pu en déduire que la société Schlumberger justifiait de difficultés qu'elle ne pouvait surmonter de nature à la conduire à la cessation des paiements ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Les arrêts du 8 mars 2011 (affaire Cœur de Défense)

Dans trois arrêts rendus en date du 8 mars 2011, la Cour de cassation a estimé qu’il est indifférent que l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ait été sollicitée par le débiteur pour échapper à ses engagements (Cass. com. 8 mars 2011)

Dès lors que l’existence de difficultés insurmontables est établie, le débiteur est fondé à réclamer l’ouverture de cette procédure.

  • Faits
    • Il s’agissait, en l’espèce, d’une vaste opération immobilière, qui avait vu la SAS HOLD acquérir l’ensemble immobilier « Coeur Défense » pour un montant de plus de 1,6 milliard d’euros.
    • Ce prix d’achat était financé par deux emprunts consentis par la banque Lehman Brothers Bankhaus AG.
    • Ces emprunts étaient garantis à la fois par
      • une hypothèque consentie par HOLD et portant sur l’ensemble immobilier
      • une cession de créances professionnelles à titre de garantie portant sur les loyers afférents à l’ensemble immobilier
      • une garantie autonome consentie par l’associé unique de la SAS HOLD, la SARL de droit luxembourgeois Dame Luxembourg
      • un nantissement des actions HOLD détenues par Dame Luxembourg, consenti avec un pacte commissoire.
      • Une garantie supplémentaire était requise de HOLD par le contrat de financement, puisqu’elle devait souscrire deux contrats couvrant le risque de hausse des taux d’intérêt, ce qu’elle avait initialement fait auprès de sociétés du groupe Lehman Brothers.
    • L’opération initiale restait dans le périmètre de ce groupe, Dame Luxembourg étant elle-même détenue par des sociétés Lehman Brothers.
    • Par la suite, la physionomie de l’opération changea.
    • Les créances de remboursement furent cédées à un fonds commun de titrisation, Windermere XII, représenté par la SA Eurotitrisation, et les deux sociétés du groupe Lehman Brothers qui assuraient la couverture de taux d’intérêt
    • Seulement, ces deux sociétés du groupe Lehman Brothers disparurent, emportées par la faillite du groupe en 2008.
    • La SA Eurotitrisation, titulaire de la créance de remboursement, demanda alors à HOLD de souscrire de nouveaux contrats de couverture de taux, puisque le groupe Lehman Brothers avait disparu, ce qu’elle ne fit pas, arguant de l’impossibilité de souscrire de tels contrats au vu de la conjoncture économique alors constatée.
    • Eurotitrisation menaça en retour HOLD de se prévaloir de la clause de déchéance du terme, sanction contractuelle du « défaut » de l’emprunteur.
  • Demande
    • La société HOLD détenue par la société Dame Luxembourg demande au tribunal de commerce de Paris l’ouverture d’une procédure de sauvegarde le 28 octobre 2008
  • Procédure
    • Les créanciers forment une tierce opposition, laquelle sera jugée recevable mais rejetée au fond par jugement du TC de Paris le 7 oct. 2009
    • Le tribunal saisi par HOLD et Dame Luxembourg donnait suite aux demandes, et ouvrait deux procédures de sauvegarde, le 3 novembre 2008, qui débouchaient sur des plans de sauvegarde arrêtés par jugements en date du 9 septembre 2009.
    • La cour d’appel de Paris, saisie sur tierce opposition par la société Eurotitrisation, rétracta cependant les jugements d’ouverture des procédures de sauvegarde de la société HOLD et de la société Dame Luxembourg, par un arrêt du 25 février 2010.
    • Pour les juges du fond les sociétés requérantes n’ont pas fait état de difficultés insurmontables au sens de l’article L. 620-1 du Code de commerce, mais seulement de circonstances imprévues rendant son obligation de couverture du risque d’augmentation du taux d’intérêt plus onéreuse.
    • En sollicitant l’ouverture d’une mesure de sauvegarde les sociétés requérantes auraient cherché à se départir de leurs obligations contractuelles
  • Solution
    • Par un arrêt du 8 mars 2011, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Chambre commerciale estime que, « hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements»
    • La Cour de cassation écarte ainsi d’un revers de main l’argument tendant à dire que les sociétés requérantes cherchaient à échapper à leurs obligations contractuelles.
    • La haute juridiction estime que l’argument soutenu par la Cour d’appel revenait à ajouter une condition à la loi
    • Or la loi précise prévoit simplement à l’article 620-1 du Code de commerce que dès lors que le débiteur est confronté à des difficultés insurmontables, il peut bénéficier de la procédure de sauvegarde.
    • Ne pourrait-on d’ailleurs pas dire, qu’il est quasi inhérent à cette démarche que de vouloir échapper à ses obligations contractuelles ?
    • En effet, lorsqu’un débiteur revendique le bénéfice d’une procédure collective, c’est, pour le dire trivialement, qu’il souhaite un temps mort.
    • Il veut échapper momentanément à ses créanciers afin de retrouver son souffle.
    • Si la Cour de cassation avait, en conséquence, retenu l’argument de la Cour d’appel, cela serait revenu à ne jamais accorder le bénéfice d’une procédure de sauvegarde
    • À chaque fois qu’un créancier sollicite cette mesure, c’est précisément qu’il désire, non pas échapper à ses créanciers, mais à tout le moins neutraliser leurs poursuites.
    • Pour certains auteurs « en déconnectant ces difficultés de l’état de cessation des paiements auquel elles sont susceptibles de conduire, l’ordonnance de 2008 a finalement rendu la sauvegarde davantage suspecte d’être une arme déloyale. »[1]

Au total, que retenir de la jurisprudence ?

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde doit être appréciée à l’aune du seul critère qu’est l’existence de difficultés insurmontables !

La notion de « difficultés insurmontables » est, de toute évidence, suffisamment large pour englober de nombreuses situations.

On peut néanmoins se demander si une seule difficulté suffit (par exemple, la perte du principal client, comme cela a été suggéré pendant les travaux parlementaires), ou s’il en faudra au moins deux.

A priori l’article L. 620-1 du Code de commerce vise indifféremment les difficultés :

  • Juridiques
  • Economiques
  • Financières
  • environnementales

Partant, le juge devra se livrer à une appréciation in concreto de la situation afin de savoir si le débiteur dispose ou non la faculté de surmonter les difficultés rencontrées.

Face à deux situations identiques, la conclusion du juge pourra être différente, selon que le débiteur a ou non les moyens de réagir.

En toute hypothèse, les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde devront toujours être appréciées au jour où il est procédé à cette ouverture (Cass. com., 26 juin 2007)

Cass. com. 8 mars 2011
Vu leur connexité, joint les pourvois n° M 10-13.988, N 10 13.989 et P 10-13.990 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que la société par actions simplifiée Heart of La Défense (société HOLD), dont le capital est entièrement détenu par une holding, la société Dame Luxembourg, a acquis, par l’intermédiaire d’une société civile immobilière, l’ensemble immobilier à usage de bureaux destiné à la location appelé “Coeur Défense” ; que, pour les besoins du financement de cette acquisition, la société HOLD a contracté auprès de la société Lehman Brothers Bankhaus AG deux prêts, garantis par une hypothèque inscrite sur l’immeuble, par une cession de créances professionnelles portant sur l’ensemble des créances de loyers et charges au titre des baux existants ou futurs conclus par la société HOLD et par le nantissement de la totalité des actions de celle-ci consenti par la société Dame Luxembourg avec pacte commissoire ; que les prêts portant intérêt à taux variable, la société HOLD a également conclu deux contrats de couverture du risque de leur variation avec la société Lehman Brothers international, en qualité de contrepartie, elle-même garantie par la société Lehman Brothers Inc. ; que, dans le cadre d’une opération de titrisation, la créance du prêteur a été ensuite cédée au fonds commun de titrisation Windermere XII (le FCT), dont la société Eurotitrisation est le gestionnaire ; que les sociétés Lehman Brothers international et Inc. ayant fait l’objet, au Royaume-Uni et aux États-Unis, de procédures collectives, la société Eurotitrisation a demandé une nouvelle contrepartie, en indiquant que les contrats de couverture n’étaient plus conformes aux critères de notation, ce qui constituait un cas de défaut ; que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg ont, alors, chacune, demandé, le 28 octobre 2008, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ; que, le 3 novembre 2008, le tribunal a accueilli ces demandes et, par jugement du 9 septembre 2009, a arrêté le plan de sauvegarde, rejetant, le 7 octobre 2009, la tierce opposition formée entre-temps par la société Eurotitrisation à l’encontre des jugements d’ouverture de la procédure ; que les loyers et charges à venir ayant fait l’objet, en référé, d’un séquestre, un dernier jugement, prononcé au fond le 19 octobre 2009, a ordonné la mainlevée de cette mesure ainsi que le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation, celle-ci s’engageant à reverser les sommes nécessaires aux dépenses d’entretien de l’ensemble immobilier ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° P 10-13.990 :

Attendu que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg font grief à l’arrêt (RG n° 09/22756) d’avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par la société Eurotitrisation, alors, selon le moyen, que la tierce opposition visant le jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, qui ne peut être demandée que par le débiteur, n’est recevable qu’à la condition, pour le créancier demandeur, d’établir que ledit jugement a été prononcé en fraude de ses droits ou d’invoquer des moyens propres ; qu’un moyen propre ne peut tendre à la contestation d’un effet inhérent à la procédure, ni être commun à tous les créanciers ; qu’en se bornant à énoncer en l’espèce, pour dire que la société Eurotitrisation disposait de moyens propres, que la société HOLD avait, en sollicitant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, cherché à imposer au FCT la modification des contrats de prêts qu’elle disait n’être plus en mesure de respecter et que la société Dame Luxembourg avait, pour sa part, cherché à faire échec à la mise en oeuvre du pacte commissoire, sans rechercher, concrètement, si les arguments ainsi invoqués, relatifs aux buts prêtés aux demandeurs à la sauvegarde, lesquels ne se distinguaient pas des effets légaux de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, n’auraient pas pu être invoqués par n’importe quel autre créancier de la société HOLD, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en la cause, ensemble l’article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu’il résulte des articles L. 661-2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et 583, alinéa 2, du code de procédure civile, que la tierce opposition est ouverte à l’encontre du jugement statuant sur l’ouverture de la procédure de sauvegarde à tout créancier invoquant des moyens qui lui sont propres ; qu’ayant retenu que la société Eurotitrisation alléguait que la procédure de sauvegarde avait pour but exclusif de permettre aux sociétés HOLD et Dame Luxembourg d’échapper, au moins temporairement, à l’exécution de leurs obligations contractuelles envers le seul FCT, qu’elle représentait, ou de la contraindre à négocier leur aménagement, de sorte que les moyens invoqués par le créancier lui étaient propres, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en ses trois premières branches :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 4 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société HOLD, l’arrêt retient que celle-ci n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de bailleresse de bureaux, mais seulement fait état de circonstances imprévues lui rendant plus onéreuse l’exécution de son obligation de couverture du risque de variation des taux d’intérêt, imposée par les contrats de prêt ayant originellement financé son acquisition et que la difficulté alléguée ne concerne que le renchérissement du contrat de couverture ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la société HOLD soutenait qu’il était impossible de trouver, en octobre 2008, une nouvelle contrepartie pour des contrats de couverture et que le prix d’un tel produit financier, de l’ordre de 60 à 70 millions d’euros, était, non seulement insurmontable, mais purement théorique en l’absence de tout marché à ce moment, la cour d’appel a méconnu l’objet du litige ;

Sur le troisième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, ensemble l’article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour accueillir la tierce opposition de la société Eurotitrisation et rétracter le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Dame Luxembourg, l’arrêt retient que la seule conséquence pour elle de la défaillance de la société HOLD serait la perte de son investissement, en exécution du pacte commissoire portant sur les actions nanties de sa filiale, mais qu’elle n’aurait à faire face à aucune autre dette après son exécution, la dette délictuelle invoquée par les obligataires du FCT n’étant pas fondée et le prêt de 249 000 000 euros envers ses actionnaires n’étant pas prouvé ni exigible, les actionnaires soutenant la demande de sauvegarde ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Dame Luxembourg qui soutenait qu’elle serait privée de son seul actif par la défaillance de sa filiale, tandis qu’elle se trouverait exposée au risque de devoir rembourser le prêt, figurant à son bilan, de 249 000 000 euros consenti par ses propres actionnaires, ce qui était de nature à la conduire à la cessation des paiements au sens du premier des textes susvisés, la cour d’appel a violé ces textes ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris ses quatrième et cinquième branches, et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, si la procédure de sauvegarde est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin, notamment, de permettre la poursuite de l’activité économique, il ne résulte pas de ce texte que l’ouverture de la procédure soit elle-même subordonnée à l’existence d’une difficulté affectant cette activité ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient aussi que la première n’invoque pas l’existence de difficultés pouvant affecter son activité de bailleresse et que la seconde n’a pas prétendu éprouver de difficultés à poursuivre son activité de gestion de son portefeuille de titres ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa huitième branche et sur le troisième moyen, pris en sa troisième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient encore que la première a cherché à porter atteinte à la force obligatoire de la clause des contrats de prêt lui imposant une obligation de couverture répondant à certains critères de notation et la seconde à échapper à l’exécution du pacte commissoire ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen du même pourvoi, pris en sa neuvième branche et le troisième moyen, pris en sa deuxième branche, réunis :

Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt retient que l’activité de location immobilière de la première pourrait se poursuivre normalement quelle que soit la composition de son actionnariat ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, si la société débitrice justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne peut lui être refusée au motif que ses associés ne seraient pas fondés à éviter, par ce moyen, d’en perdre le contrôle, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et, vu l’article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation de l’arrêt RG n° 09/22756 entraîne, par voie de conséquence, celle de l’arrêt RG n° 09/21530, qui a dit sans objet l’appel du ministère public à l’encontre du jugement du 9 septembre 2009 ayant arrêté le plan de sauvegarde, et de l’arrêt RG n° 09/21184, qui a confirmé, en raison de la rétractation du jugement de sauvegarde, la mainlevée du séquestre des loyers et charges et ordonné le versement des sommes séquestrées entre les mains de la société Eurotitrisation ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirmé le chef du dispositif du jugement déféré ayant déclaré recevable la tierce opposition, l’arrêt RG n° 09/22756 rendu le 25 février 2010, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

B) L’absence de cessation des paiements

Autre condition pour que le débiteur soit éligible à la procédure de sauvegarde, il ne doit pas être en cessation des paiements.

Manifestement, il s’agit là d’une notion centrale du droit des entreprises en difficulté : de la caractérisation de ses éléments constitutifs dépend l’ouverture ou non d’une procédure collective.

Sous l’empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, la cessation des paiements était le seul critère permettant l’ouverture d’une procédure judiciaire, à l’exception des cas exceptionnels d’« ouverture-sanction » de la procédure.

Désormais, depuis l’instauration de la procédure de sauvegarde par la loi du 25 juillet 2005, le déclenchement d’une procédure collective n’est plus lié à l’existence avérée d’une cessation des paiements, tandis que les procédures amiables de résorption des difficultés des entreprises peuvent intervenir après la cessation des paiements du débiteur.

Immédiatement une nouvelle d’ordre notionnel se pose : qu’est-ce que la cessation des paiements ? (A)

Pour être complet, il conviendra, après avoir cerné la notion, d’envisager son régime juridique.

  1. La notion de cessation des paiements

Étrangement, tandis que le siège du droit commun des procédures collectives est situé dans la partie du Code de commerce dédiée à la procédure de sauvegarde, la définition de la cessation des paiements est traitée, quant à elle, dans la partie consacrée à la procédure de redressement judiciaire.

À bien y réfléchir, cette localisation de la notion de cessation des paiements dans le Titre III du Livre VI n’est, en soi, pas illogique.

Le législateur a souhaité envisager cette notion, non pas dans sa fonction négative (condition d’exclusion de la procédure de sauvegarde), mais dans sa fonction positive (condition d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire).

Ces remarques liminaires effectuées, que doit-on entendre par la notion de cessation des paiements ?

Classiquement, les auteurs envisagent cette notion en adoptant une double approche, la première positive, la seconde négative.

Nous ne dérogerons pas à la règle.

a) L’approche positive de la cessation des paiements

Initialement, la cessation des paiements n’était définie par aucun texte. Aussi, la définition de cette notion était, jusqu’assez tardivement, pour le moins rudimentaire.

Dans un premier temps, la jurisprudence estimait que la cessation des paiements était caractérisée dès lors que le débiteur n’était pas en mesure de régler une dette à l’échéance.

Puis, les Tribunaux ont sensiblement modifié leur appréciation de la cessation des paiements en considérant qu’elle était établie dès lors que la situation du débiteur était gravement compromise et non pas seulement momentanément obérée.

Enfin, dans un arrêt de principe rendu par la Chambre commerciale en date du 14 février 1978, la Cour de cassation a considéré que l’état de cessation des paiements est caractérisé lorsque le débiteur n’est pas « mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible » (Cass. com. 14 févr. 1978).

Cass. com. 14 févr. 1978
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : vu l'article premier de la loi du 13 juillet 1967 ;
Attendu que, pour débouter l’URSSAF des landes de sa demande de mise en liquidation des biens de Barada, la cour d'appel a retenu par motifs propres et par motifs adoptes des premiers juges, que, le défaut de paiement d'une seule dette ne suffisant pas à constituer l'état de cessation des paiements, la situation de Barada, qui justifiait avoir versé des acomptes importants et dont la dette envers l’URSSAF ne se montait plus qu'à 39.639 francs 45 centimes, n'était pas désespère et sans issue, de sorte que la cessation de ses paiements n'était pas établie ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si Barada était en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale a sa décision ;

PAR CES MOTIFS : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 9 juin 1976 par la cour d'appel de Pau.

Par cet arrêt, la Cour de cassation posait les premiers jalons de la définition de la cessation des paiements.

Et pour cause, le législateur la reprendra lors de l’adoption de la loi du 25 janvier 1985.

Cette définition a, par la suite, été reprise par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises

L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose en ce sens que « il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements »

L’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté a précisé cette définition en ajoutant au texte que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements. »

Que retenir de cette définition de la cessation des paiements, dont l’ébauche a d’abord été faite par la jurisprudence, puis qui a été précisée après avoir été consacrée par le législateur ?

Il ressort de l’article L. 620-1 du Code de commerce que trois éléments constitutifs caractérisent la notion de cessation des paiements :

  • Un passif exigible
  • Un actif disponible
  • Une impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

i) Le passif exigible

Que doit-on comprendre par passif exigible ? Toute la difficulté de cerner le sens à donner à cette formule réside dans le terme exigible.

À la vérité, cet adjectif recèle un sens manifeste et un sens moins évident qui prête à discussion.

Aussi convient-il d’envisager les deux sens.

?) Le sens manifeste de la notion de passif exigible

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de l’adjectif exigible :

  • D’une part, le passif qui doit être pris en compte pour apprécier la cessation des paiements n’est pas celui qui rassemble la totalité des dettes du débiteur.
    • Seules les dettes exigibles peuvent être intégrées dans le calcul du ratio passif/actif
    • Les dettes non encore arrivées à terme ou conditionnelles doivent être exclues du calcul.
  • D’autre part, par passif exigible il faut entre celui qui commande un paiement immédiat de la part du débiteur, soit le passif échu.
    • Le passif échu est celui qui est dû sans terme, ni condition
    • Le créancier est fondé à en revendiquer le paiement immédiat

?) Le sens discuté de la notion de passif exigible

En pratique, l’état de cessation des paiements se révélera lorsque le débiteur ne sera pas en mesure de procéder au règlement d’une dette échue.

Encore faut-il toutefois que le créancier constate le défaut de paiement du débiteur.

À la vérité, tant que le débiteur n’est pas actionné en paiement, l’état de cessation des paiements relève du domaine de l’abstrait en ce sens qu’il ne produit aucun véritable effet.

Cette situation, qui dans le monde des affaires se rencontre fréquemment, conduit alors à se demander si l’exigibilité à laquelle fait référence l’article L. 620-1 du Code de commerce doit se comprendre

  • au sens strict, c’est-à-dire au sens de passif échu ?

OU

  • au sens large, c’est-à-dire au sens de passif exigé par le créancier ?

Selon que l’on retient l’une ou l’autre conception, la situation est, de toute évidence, plus ou moins favorable au débiteur.

  • Si l’on retient une conception stricte, la seule existence d’un passif échu suffit à caractériser le premier élément constitutif de la cessation des paiements
  • Si, au contraire, l’on retient une conception souple, tant que le créancier n’a pas actionné le débiteur en paiement, celui-ci ne peut pas être considéré comme se trouvant en cessation des paiements, nonobstant l’existence d’un passif échu.

Quel raisonnement tenir pour justifier l’une ou l’autre approche de la notion d’exigibilité ?

La question a fait l’objet d’un important débat doctrinal nourri par un contentieux fourni.

Surtout, il ressort de la jurisprudence que la position de la Cour de cassation sur cette question a considérablement évolué jusqu’à finalement être consacrée en 2008 par le législateur.

==> Première étape : adoption d’une conception souple de la notion de passif exigible

Tout d’abord, dans un certain nombre d’arrêts, la Cour de cassation a pu estimer que l’absence de réclamation du paiement d’une dette par le créancier auprès du débiteur pouvait s’analyser comme l’octroi tacite d’un délai de paiement (V. en ce sens com. 22 févr. 1994)

Ensuite, dans un arrêt du 12 novembre 1997, la chambre commerciale a condamné une Cour d’appel pour n’avoir pas tiré les conséquences de la non-réclamation par le Trésor d’une dette fiscale au débiteur ( com. 12 nov. 1997)

Pour la Cour de cassation le défaut de paiement de cette dette n’était, en effet, pas suffisant pour établir le défaut de paiement du passif exigible, contrairement à ce qui avait été jugé par les juges du fond.

Avec cet arrêt, la chambre commerciale introduit l’idée que, au fond, seules les dettes exigées par le créancier doivent être prises en compte dans la détermination du passif exigible.

Cette position – libérale – de la Cour de cassation a été confirmée, un an plus tard, dans un arrêt controversé rendu le 28 avril 1998 ( com 28 avr. 1998).

  • Faits
    • Deux associés souhaitent dissoudre leur société
    • La gérante de la société désignée par le liquidateur amiable pour l’occasion informe le bailleur des locaux dans lesquels est établie la société de son intention de résilier le bail
    • Le bailleur oppose le non-achèvement de la période triennale en cours, de sorte que la résiliation ne peut intervenir immédiatement
    • Plus aucun loyer n’est alors payé par la société après sa dénonciation du bail
    • Le bailleur assigne la société en paiement des loyers arriérés
    • Le bailleur l’assigne ensuite en redressement judiciaire
    • La société est alors placée en liquidation judiciaire par jugement du 10 juin 1992
  • Demande
    • Le liquidateur demande à ce que la date de cessation des paiements soit reportée au jour du premier impayé de loyer de la société
  • Procédure
    • Par un arrêt du 7 septembre 1995, la Cour d’appel de Caen déboute le liquidateur de sa demande
    • Les juge du fond estiment la date de cessation des paiements ne peut pas être reportée antérieurement au moment où la dette est exigée par le créancier.
    • Or en l’espèce, la dette a été exigée après qu’elle soit échue
  • Moyens des parties
    • Le liquidateur soutient que la date qui doit être retenue pour déterminer la cessation des paiements, c’est le moment où la dette devient exigible et non le moment où la dette est exigée.
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 avril 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
    • Au soutien de sa décision elle affirme que « le passif à prendre en considération pour caractériser l’état de cessation des paiements est le passif exigible et exigé, dès lors que le créancier est libre de faire crédit au débiteur »
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que la dette n’est pas réclamée par le créancier au débiteur, quand bien même elle serait exigible, elle ne permet pas de faire constater l’état de cessation des paiements.
  • Analyse
    • Pour mémoire, l’article L. 631-1 du Code de commerce prévoit que la cessation des paiements c’est la situation d’une entreprise qui se trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.
    • Il ressort de cette disposition qu’est seul évoqué le terme « exigible »
    • Le terme « exigé » ne figure nullement dans le texte.
    • La première conséquence – immédiate – que l’on peut tirer de cette décision, c’est que la Cour de cassation ajoute une condition à la loi.
    • Pourquoi, cet ajout ?
    • Sans aucun doute pour retarder la cessation des paiements.
    • Car pour la Cour de cassation, à tout le moins c’est ce qui ressort de sa décision, dès lors que la dette n’est pas exigée par le créancier, sa situation n’est pas suffisamment grave pour justifier la constatation des paiements, dont il résultera l’ouverture d’une procédure collective.
    • Cette solution repose sur l’idée qui consiste à dire que, au fond, la période qui s’écoule entre le moment où la dette est exigible et le moment où la dette est exigée peut s’analyser comme un délai de paiement consenti au débiteur.
    • Il en résulte que ce délai de paiement est à mettre au crédit de l’actif disponible.
    • On peut alors en déduire qu’une dette échue n’a pas à être prise en compte dans la détermination du passif dès lors que le créancier consent à son débiteur des facilités de paiement ou des reports d’échéance.
    • C’est la théorie de « la réserve de crédit »
    • L’exigibilité de la dette ne suffit donc pas ; il faut encore que le paiement ait été demandé puisque, sauf cas exceptionnels, une mise en demeure est nécessaire pour constater la défaillance du débiteur.
    • Sans compter que, tant que le paiement de la dette n’est pas réclamé au débiteur, il bénéficie d’une « réserve de crédit ».
    • C’est en ce sens que la Cour de cassation a préféré parler de passif exigé plutôt que de passif simplement exigible.
    • Le passif à prendre en considération est donc le passif qui n’a pas été payé alors qu’on avait demandé au débiteur qu’il le soit.
  • Critiques
    • La position adoptée par la Cour de cassation fait certes profiter le débiteur de l’inertie de son créancier
    • Elle conduit cependant à retarder sensiblement le déclenchement et donc corrélativement l’efficacité de la procédure.
    • Si l’insuffisance de l’actif disponible est parfois difficile à caractériser notamment lorsque le débiteur continue à faire face à ses échéances en utilisant des moyens ruineux ou frauduleux, il en allait différemment en l’espèce puisque l’entreprise n’a pas pu établir qu’elle disposait d’une quelconque trésorerie.
    • La cessation des paiements semblait donc d’autant plus acquise que l’entreprise était en fait dans une situation irrémédiablement compromise qui n’est certes pas nécessaire à la qualification mais qui témoigne néanmoins du caractère inéluctable de la procédure.
    • La position adoptée par la Cour de cassation est donc dangereuse.
    • Pourquoi vouloir retarder à tout prix la cessation des paiements alors qu’elle est inévitable ?
    • Cela n’a pas grand sens
    • Cette jurisprudence a-t-elle survécu à l’adoption de la loi du 26 juillet 2005 ?

Cass. com 28 avr. 1998

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 7 septembre 1995), que les associés de la société à responsabilité limitée Normandie express cuisines (société Normandie) ayant décidé sa dissolution anticipée, Mme Y..., gérante, a été désignée en qualité de liquidateur amiable;

Que celle-ci a informé la société civile immobilière REG (le bailleur), propriétaire des locaux loués à la société Normandie, de son intention de résilier le bail ;

Que, par lettre du 8 novembre 1990, le bailleur lui a répondu que la résiliation ne pouvait intervenir qu'au terme de la période triennale en cours, soit le 25 juin 1993, et que "sans que cela constitue de notre part une renonciation à nos droits", il mettait "les locaux en relocation pour le 1er janvier 1991";

Qu'aucun loyer n'ayant été réglé après cette date, le bailleur, par acte du 19 mars 1991, a assigné la société Normandie en paiement de l'arriéré;

Qu'après condamnation de la société au paiement d'une certaine somme à ce titre, le bailleur l'a assignée en redressement judiciaire;

Que le Tribunal a ouvert la procédure simplifiée de redressement judiciaire de la société Normandie, par jugement du 10 juin 1992, puis l'a mise en liquidation judiciaire;

que M. X..., désigné en qualité de représentant des créanciers puis de liquidateur de la procédure collective, a demandé que la date de cessation des paiements soit reportée au 1er janvier 1991 et que Mme Y... soit condamnée, sur le fondement de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, à supporter les dettes sociales, lui reprochant d'avoir, en omettant de déclarer la cessation des paiements de la société Normandie, contribué à l'insuffisance d'actif ;

[…]

Et sur le second moyen :

Attendu que le liquidateur de la procédure collective reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement des dettes sociales alors, selon le pourvoi, qu'en vertu des articles 37, 38 et 141 de la loi du 25 janvier 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, le bailleur ne peut prétendre au paiement des loyers échus postérieurement à la renonciation de la personne qualifiée pour y procéder à poursuivre le bail, et acquiert du fait de cette renonciation le droit de faire prononcer en justice la résiliation du contrat;

qu'en retenant, pour décider que la tardiveté de la déclaration de cessation des paiements de la société Normandie n'avait pas contribué à l'insuffisance d'actif, que la bailleresse aurait pu produire sa créance de loyers à échoir jusqu'à l'expiration de la période triennale en cours même si le contrat avait été résilié dès la cessation des paiements, la cour d'appel a donc violé les textes ci-dessus mentionnés ;

Mais attendu que le moyen se borne à prétendre que la déclaration de la cessation des paiements de la société Normandie faite dans le délai légal par Mme Y... aurait, par suite de la possibilité de renoncer à la poursuite du contrat de bail en cours qu'offrait l'ouverture de la procédure collective, évité l'accumulation d'une dette de loyer postérieurement à cette renonciation;

que, dès lors que les dettes nées après le jugement d'ouverture et, par conséquent, celles postérieures à la renonciation, n'entrent pas dans le passif pris en compte pour la détermination de l'insuffisance d'actif pouvant être mise à la charge des dirigeants, ce moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Deuxième étape : adoption d’une conception stricte de la notion de passif exigible

Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a durci sa position quant à l’approche de la notion de passif exigible ( com. 27 févr. 2007)

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • Suite à une réformation du jugement, c’est finalement une procédure de redressement judiciaire qui est ouverte
  • Demande
    • La date de cessation des paiements arrêtée par le Tribunal est contestée par la société et le mandataire ad hoc
  • Procédure
    • Par un arrêt du 13 septembre 2005, la Cour d’appel de Paris ne fait pas droit à la demande des appelants quant à une modification de la date de cessation des paiements
    • Les juges du fond ont estimé en l’espèce que l’actif disponible de la société n’était pas suffisant pour couvrir le passif exigible
  • Moyens
    • Premier reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte, dans le calcul de l’actif de la société, de deux immeubles, qui faisaient certes l’objet d’un droit de préemption par la Mairie, ce qui donnerait lieu à une indemnisation au prix du marché.
      • Il aurait donc fallu tenir compte de la valeur de ces immeubles dans le calcul de l’actif disponible
    • Second reproche
      • L’auteur du pourvoi reproche aux juges du fond d’avoir reporté la date de cessation des paiements, alors que le passif de la société était certes exigible, mais non encore exigé par le créancier
      • L’auteur du pourvoi s’appuie ici sur la solution dégagée dans l’arrêt du 28 février 1998
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société et son mandataire ad hoc
    • La Cour de cassation estime en l’espèce que « la société, qui n’avait pas allégué devant la cour d’appel qu’elle bénéficiait d’un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif de sorte que la cour d’appel, qui n’avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision»»
    • Cela signifie, autrement dit, que le crédit dont est susceptible de jouir le débiteur ne saurait se déduire de l’attitude passive du créancier
    • Pour la Cour de cassation, la décision du créancier de faire crédit au débiteur doit être univoque et prouvée
    • Si l’on compare cette décision avec l’arrêt rendu en 1998, il apparaît que la Cour de cassation opère ici un véritable revirement de jurisprudence.
    • Elle considère que le critère légal du « passif exigible » ne doit pas être combiné avec le critère prétorien du « passif exigé »
    • La Cour de cassation nous indique par là même que le crédit dont peut se prévaloir le débiteur pour être pris en compte dans l’actif disponible, et non dans le passif exigible, doit procéder d’une démarche volontaire et surtout expresse du créancier.
    • Le crédit consenti au débiteur ne doit pas se déduire de l’inaction du créancier, sauf à encourir une requalification en dette exigible.
  • Portée
    • L’abandon du critère du « passif exigé » ne fait aucun doute à la lecture d’un arrêt rendu le même jour par la Chambre commerciale.
    • Dans cette décision la Cour de cassation décide que « lorsque le débiteur n’allègue pas devant la cour d’appel qu’il bénéficie d’un moratoire de la part de ses créanciers et ne fait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, la cour d’appel peut décider que le passif est exigible, même s’il n’est pas exigé» ( com., 27 févr. 2007).
    • Plus récemment, la chambre commerciale est venue préciser que les sommes correspondant à « un moratoire obtenu pour les dettes sociales» devaient être soustraites du passif exigible ( com., 18 mars 2008).

Cass. com. 27 févr. 2007
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 13 septembre 2005), que la société Avenir Ivry (la société) a été mise en liquidation judiciaire par le tribunal qui s'était saisi d'office ; que la cour d'appel a réformé le jugement et a ouvert une procédure de redressement judiciaire ;

Attendu que la société et son mandataire ad hoc font grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué et d'avoir fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 13 septembre 2005, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en s'abstenant de rechercher, cependant qu'elle y était invitée, si la commune d'Ivry, après avoir exercé son droit de préemption sur les deux immeubles de la société, n'avait pas émis, le 15 février 2005, l'offre de les acquérir au prix correspondant à la valeur retenue par le juge de l'expropriation, en sorte que ces immeubles eussent constitué un actif disponible pour être immédiatement cessibles au bénéficiaire du droit préférentiel de les acheter, par la seule acceptation de son offre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

2°/ qu'en retenant l'état de cessation des paiements de la société après avoir relevé que ses dettes étaient exigibles, sinon exigées, et quand le liquidateur à liquidation judiciaire, qui s'en rapportait à justice sur les mérites de l'appel contre la décision du premier juge ayant statué sur sa saisine d'office, soulignait qu' aucune poursuite n'est en cours concernant le passif déclaré lequel, dans ces conditions, n'est pas à ce jour exigé, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 621-1 du code de commerce ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt a exactement retenu que l'actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n'était pas disponible ;

Attendu, d'autre part, que la société, qui n'avait pas allégué devant la cour d'appel qu'elle bénéficiait d'un moratoire de la part de ses créanciers, ne faisait valoir aucune contestation relative au montant ou aux caractéristiques de son passif, de sorte que la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> Troisième étape : Consécration légale de la conception stricte de la notion de passif exigible

La solution retenue par la Cour de cassation dans ses deux arrêts du 27 février 2007 a été reprise le législateur à l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008.

Ce texte est venu compléter l’article L. 631-1 du Code de commerce en y apportant la précision que « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements.»

Il ressort de cette disposition que c’est donc au débiteur qu’il appartiendra de prouver l’existence d’un délai de paiement.

Cette exigence ne déroge toutefois en rien à la règle aux termes de laquelle, il revient au créancier, en toute hypothèse, d’établir au soutien de son assignation en redressement ou en liquidation judiciaire l’état de cessation des paiements du débiteur.

?) L’exigence d’un passif exigible reposant sur une créance certaine et liquide

Bien  que l’article L. 631-1 du Code de commerce ne semble conditionner la cessation des paiements qu’à l’établissement d’un passif exigible, celui-ci n’en doit pas moins reposer sur une créance certaine et liquide.

Autrement dit, le Tribunal ne devra pas s’arrêter à la seule constatation du défaut de paiement du débiteur ; il devra également vérifier que les créances dont se prévaut le créancier sont certaines et liquides.

Pour constituer un élément de la cessation des paiements, la dette impayée ne doit pas être litigieuse c’est-à-dire qu’elle ne doit être contestée :

  • ni dans son existence
  • ni dans son montant
  • ni même dans son mode de paiement

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 25 novembre 2008 est une illustration de cette exigence (Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008).

  • Faits
    • Une SCI est condamnée en référé à payer deux provisions à une société avec laquelle elle était en litige.
    • Les sommes allouées par le Tribunal à la société qui est sortie gagnante du procès ne sont pas réglées
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 25 octobre 2007, la Cour d’appel de Versailles fait droit à la demande du créancier : ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
    • Les juges du fonds estiment que la créance litigieuse était exigible dans la mesure où une ordonnance de référé est assortie, de plein droit, de l’exécution provisoire.
    • Dès lors, compte tenu de l’état de l’actif disponible de la société débitrice, la cessation des paiements ne pouvait être que constatée
  • Solution
    • Par un arrêt du 25 novembre 2008, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.
    • Elle considère que « le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu »
    • Pour la première civile, la créance litigieuse ne pouvait donc pas être qualifiée en l’espèce de créance exigible, dans la mesure où son sort définitif n’était pas encore scellé.
    • Tant que les juges du fond n’ont pas statué, la créance demeure incertaine, d’où l’impossibilité de l’intégrer dans le calcul du passif exigible.

Cass. 1ère civ. 25 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 631-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la SCI Alliance (la SCI) a été condamnée par deux ordonnances de référé à payer diverses sommes à titre de provision à la société Gilles matériaux (société Matériaux) ; que la SCI, qui n'a pas réglé lesdites sommes, a saisi les juges du fond ; que dans le même temps, la société Matériaux a fait assigner la SCI aux fins de faire constater son état de cessation des paiements et voir, en conséquence, prononcer l'ouverture d'un redressement judiciaire à son encontre ;

Attendu que pour ouvrir une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI, l'arrêt retient que la créance de la société Matériaux est exigible en vertu des ordonnances de référé et que le fait qu'une instance au fond soit en cours n'en suspend pas l'exécution provisoire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le sort définitif de la créance était subordonné à une instance pendante devant les juges du fond, de sorte que cette créance, litigieuse et donc dépourvue de caractère certain, ne pouvait être incluse dans le passif exigible retenu, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

ii) L’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, le débiteur doit se trouver dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Quel sens donner à la formule « actif disponible » ?

Il s’agit de l’actif immédiatement réalisable, soit celui qui le débiteur est en mesure de rassembler afin de satisfaire à la demande de règlement du créancier.

==> Problématique

La difficulté soulevée par la notion d’actif disponible réside dans la question de savoir ce que l’on doit entendre par « disponible ».

Plus précisément, à partir de quand peut-on considérer que l’actif du débiteur est disponible ?

Est-ce seulement l’actif mobilisable immédiatement ? À très court terme ? À court terme ? À moyen terme ?

Où placer le curseur ?

Si le débiteur possède des biens immobiliers, doivent-il être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible où doit-on estimer que l’existence d’un délai entre la demande du créancier et la vente des biens ne permet pas de les intégrer dans l’actif disponible ?

==> La jurisprudence

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible est entendue très étroitement par la Cour de cassation.

Bien que cette dernière n’ait pas donné de définition précise de la notion, ces différentes décisions permettent de cerner son niveau d’exigence à l’endroit des juges du fond.

  • Les éléments exclus de l’actif disponible
    • Les biens immobiliers
      • Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a estimé que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
      • En l’espèce, le débiteur était pourtant sur le point de recevoir paiement du prix de vente dans le cadre d’une opération d’expropriation.
      • Cet argument n’a toutefois pas convaincu la chambre commerciale qui a confirmé l’état de cessation des paiements constaté par la Cour d’appel.
    • Le fonds de commerce
      • Dans un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’exclusion du fonds de commerce de l’actif disponible du débiteur.
        • Faits
          • Une société est placée en redressement judiciaire après constat de l’état de cessation des paiements
        • Demande
          • Le liquidateur assigne le dirigeant de la société débitrice en paiement des dettes sociales pour n’avoir pas déclaré l’état de cessation des paiements dans les délais
        • Procédure
          • Par un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour d’appel de Pau déboute le liquidateur de sa demande
          • Les juges du fond estiment que l’état de cessation des paiements est intervenu à une date postérieure de celle évoquée par le liquidateur
          • Pour eux, devait être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, la valeur du fonds de commerce mis en vente de la société débitrice
        • Solution
          • Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
          • La Cour de cassation estime, indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce, bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible.
          • La chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
          • Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement.
          • Or ce n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.
        • Analyse
          • Que retenir de cette décision ?
          • L’actif disponible ne comprend pas les biens réalisables à court terme, ce qui est le cas des immobilisations.
          • Elles doivent donc être systématiquement exclues de l’assiette de l’actif disponible.
    • Une créance à recouvrer
      • La Cour de cassation considère régulièrement qu’une créance à recouvrer ne peut pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible
      • Dans un arrêt du 7 février 2012 elle a estimé en ce sens que « si le montant d’une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l’actif disponible, il résulte des conclusions de Mme Y… que, non seulement, celle-ci n’indiquait pas dans quel délai elle escomptait percevoir le montant de la créance qu’elle invoquait sur le Trésor, mais que celle-ci était égale au montant total des sommes déclarées par le comptable public en 2007 diminué du montant global des décharges d’impositions qu’elle avait obtenues, à la fois par décision d’une juridiction administrative du 1er juin 2010 et par décision de l’administration du 3 août 2006, antérieure aux déclarations des créances fiscales, lesquelles n’ont, dès lors, porté que sur les sommes estimées encore dues, de sorte qu’il n’existait, au vu des conclusions, de certitude ni sur l’existence d’un solde en faveur de Mme Y…, ni sur la possibilité de son encaissement dans des conditions éventuellement compatibles avec la notion d’actif disponible ; que la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes »
      • Autrement dit, pour la chambre commerciale parce que le recouvrement de créance est une opération qui comporte, en soi, une part d’aléa, la créance à recouvrer ne peut être incluse dans le calcul de l’actif disponible, sauf cas exceptionnel.
    • La garantie à première demande
      • Dans un arrêt du 26 juin 1990, la Cour de cassation a estimé qu’une garantie à première demande ne pouvait pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible ( com. 26 juin 1990)
      • Qu’est-ce qu’une garantie à première demande ?
      • Il s’agit d’un acte par lequel un garant (le plus souvent une banque ou une compagnie d’assurances) s’engage à payer dès la 1ère demande et dans un délai de 15 jours, à la demande du bénéficiaire (le pouvoir adjudicateur), une somme d’argent déterminée sans pouvoir soulever d’exception, d’objection ou de contestation tenant à l’exécution de l’obligation garantie selon le contrat de base.
        • Faits
          • En l’espèce, un tiers (le district de Lacq) garantissait une dette du débiteur (la Secadil) à l’égard de l’un de ses créanciers (la Sofrea) en vertu d’une garantie à première demande.
          • Le garant avait également accepté que les sommes qu’il pourrait verser à la suite de l’appel de garantie ne seraient pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la Secadil (le débiteur).
        • Demande
          • La Sofrea (le créancier) assigne son débiteur en redressement judiciaire
        • Procédure
          • La cour d’appel de Pau prononce un sursis à statuer, retenant que la garantie donnée par le district avait pour effet d’apurer le passif de la Secadil vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible
          • Pour les juges du fond le créancier, en l’état, n’apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des « cautions » ne permettait pas le règlement du prêt.
        • Solution
          • L’arrêt de la Cour de cassation est cassé pour violation de l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985, définissant la cessation des paiements.
          • Au soutien de sa décision, elle considère que « après avoir relevé que la SECADIL était dans l’impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu’envers les autres organismes prêteurs, ” le terme d’état de cessation des paiements pouvant donc s’appliquer à elle “, et alors que ni l’existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l’accord de celui-ci pour différer l’exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d’une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l’appréciation de l’état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés»
          • Autrement dit, pour la chambre commerciale ce qui doit être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, c’est uniquement la situation du débiteur au jour où le tribunal statue, sans tenir compte du crédit dont il peut disposer auprès de tiers (banquiers, cautions…).
          • Il s’agissait pourtant d’une garantie à première demande, soit réalisable sous 15 jours.
          • Selon la Cour de cassation ce délai fait obstacle à l’intégration de la garantie à première demande dans l’assiette de l’actif disponible.

Cass. com. 26 juin 1990
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, créancière de la Société d'exploitation du circuit automobile du district de Lacq (la SECADIL) en vertu d'un prêt de somme d'argent consenti à cette dernière avec la garantie à première demande du district de Lacq (le district) qui avait, par ailleurs, accepté que les sommes versées par lui à ce titre ne deviennent pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la débitrice, la Société de financement régional Elf-Aquitaine (la SOFREA), après commandement fait à l'emprunteuse pour avoir paiement des échéances non réglées, l'a assignée en redressement judiciaire ;

Attendu que, pour surseoir à statuer sur cette demande, l'arrêt retient que la garantie donnée par le district avait pour effet d'apurer le passif de la SECADIL vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible, de sorte que la SOFREA, en l'état, n'apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des " cautions " ne permettait pas le règlement du prêt ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la SECADIL était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu'envers les autres organismes prêteurs, " le terme d'état de cessation des paiements pouvant donc s'appliquer à elle ", et alors que ni l'existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l'accord de celui-ci pour différer l'exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l'appréciation de l'état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mise en redressement judiciaire de la SECADIL, l'arrêt rendu le 18 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Les éléments inclus dans l’actif disponible
    • Les liquidités
      • Les liquidités correspondent à la trésorerie dont dispose le débiteur sur ses comptes bancaires.
      • De par leur nature, ces fonds sont disponibles à vue.
      • Il en va de même des effets de commerce dont il est susceptible d’être porteur, tels qu’une lettre de change ou un billet à ordre.
      • L’origine des liquidités est indifférente pour la Cour de cassation.
      • Il importe peu, en conséquence, que pour échapper à la cessation des paiements, le débiteur effectue un apport en compte courant (V. en ce sens com. 24 mars 2004).
      • Cette démarche ne doit toutefois pas avoir pour finalité de maintenir artificiellement en vie « une société qui était manifestement en état de cessation de paiements avec ses seuls actifs».
    • Les réserves de crédit
      • Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements»
      • Pour mémoire, cette précision a été ajoutée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
      • Alors que sous l’empire du droit antérieur la jurisprudence a pu être fluctuante sur cette question, l’intervention du législateur a permis de clarifier les choses.
      • Les réserves de crédits consenties au débiteur par les créanciers, doivent être incluses dans le calcul de l’actif disponible.

==> Conclusion

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible doit être entendue très étroitement.

Il ne peut s’agir que des éléments immédiatement réalisables.

Un parlementaire avait suggéré de n’y intégrer que les éléments d’actifs réalisables à un mois (Amendement Lauriol : JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4690).

Cette proposition n’a pas été retenue, le gouvernement de l’époque ne souhaitant pas enfermer la notion de cessation des paiements dans des délais, ce qui présenterait l’inconvénient de considérablement réduire la marge d’appréciation laissée au juge.

Or en matière de traitement des entreprises en difficulté, c’est le principe du cas par cas qui préside à la décision des tribunaux.

Aussi, l’actif disponible correspond-il à celui qui peut être mobilisé à très court terme, ce qui exclut tous les biens dont la réalisation suppose l’accomplissement de formalités.

La conséquence en est que ne peut être comprise dans l’actif disponible la valeur du patrimoine immobilier du débiteur qui, bien que supérieure au passif exigible, n’est pas réalisable immédiatement.

iii) L’impossibilité de faire face au passif exigible avec l’actif disponible

Pour être en cessation des paiements, il ne suffit pas que le débiteur présente un lourd passif exigible, encore faut-il que celui-ci ne puisse pas être couvert par l’actif disponible.

Aussi, cela signifie-t-il que le simple défaut de paiement du débiteur ne saurait fonder l’ouverture d’une procédure collective.

Dès lors que le débiteur a la capacité de faire face, il est à l’abri, à la condition toutefois que l’actif dont il fait état ne soit pas artificiel ni ne soit obtenu par des moyens frauduleux, telle l’émission de traites de complaisance.

Concrètement, c’est seulement lorsque le débiteur ne sera plus en mesure de se faire consentir des crédits par ses créanciers ou par un organisme prêteur que la cessation des paiements sera caractérisée.

L’ouverture d’une procédure collective apparaît alors inévitable.

b) L’approche négative de la cessation des paiements

La cessation des paiements se distingue de plusieurs situations et notions qu’il convient d’envisager afin de mieux la cerner.

==> Cessation des paiements et insolvabilité

La cessation des paiements c’est la situation du débiteur qui s trouve dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible

L’insolvabilité c’est la situation du débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à la totalité des dettes qui pèsent sur sa tête avec l’ensemble de son actif.

Autrement dit, tandis que pour établir la cessation des paiements on se limite à comparer le passif exigible à l’actif disponible, l’insolvabilité résulte d’un déséquilibre entre l’ensemble du passif contracté par le débiteur et la totalité de l’actif porté à son crédit.

Si, la plupart du temps, les entreprises qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire sont insolvables, cette situation ne saurait se confondre avec l’état de cessation des paiements.

Deux raisons peuvent être avancées au soutien de ce constat :

  • La solvabilité ne fait pas obstacle à la cessation des paiements
    • Un débiteur peut parfaitement être solvable, soit être en possession d’un actif dont la valeur est supérieure à son passif.
    • Pour autant, il peut ne pas être en mesure de faire face à son passif disponible, l’actif qu’il possède n’étant pas disponible, car non réalisable immédiatement.
    • Telle est l’issue à laquelle est susceptible de conduire la solution adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt du 27 février 2007.
    • Pour mémoire, elle avait estimé dans cette décision que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
  • L’insolvabilité ne correspond pas nécessairement à la cessation des paiements
    • Le passif d’une entreprise pris dans sa totalité peut être nettement supérieur à son actif disponible, sans pour autant que cette dernière soit en cessation des paiements
    • Seul le passif exigible de l’entreprise ne peut, en effet, être pris en compte, soit les dettes échues.
      • Exemple
        • Une société en formation emprunte la somme d’un million d’euros pour acquérir un immeuble tandis que son actif disponible n’est que de 100.000 euros
        • Si l’on compare le passif et l’actif de cette entreprise, il ne fait aucun doute qu’il en résulte un déséquilibre négatif
        • Toutefois, pour déterminer si elle est en cessation de paiements il convient d’intégrer au calcul, non pas le montant total de la somme empruntée, mais le montant des échéances mensuelles dues.
        • Si lesdites échéances sont de 10.000 euros par mois, l’entreprise peut sans aucune difficulté y faire face avec son actif disponible.

==> Cessation des paiements et situation irrémédiablement compromise

La situation irrémédiablement compromise est la situation dans laquelle se trouve un débiteur qui emprunte de manière irréversible le chemin de la liquidation judiciaire.

Autrement dit, lorsque le débiteur est dans cette situation il n’y a plus aucun espoir qu’il surmonte les difficultés rencontrées.

Les dettes accumulées sont telles, que l’élaboration d’un plan de redressement est inutile. Aussi, le Président du Tribunal n’aura d’autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire de l’entreprise.

Si la situation irrémédiablement compromise ne constitue pas l’événement déclencheur d’une procédure collective, lorsqu’elle est établie elle ouvre le droit du banquier de résilier unilatéralement, sans préavis, sa relation avec le débiteur, sans risque pour lui de voir sa responsabilité engagée pour rupture abusive.

L’article L. 313-12, al. 2e du Code monétaire et financier prévoit en ce sens que « l’établissement de crédit ou la société de financement n’est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l’ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s’avérerait irrémédiablement compromise. »

==> Cessation des paiements et défaut de paiement

Le défaut de paiement du débiteur ne saurait, en aucun, cas constituer une cause d’ouverture d’une procédure collective, sauf à ce que cette défaillance soit la manifestation de l’état de cessation des paiements.

Cette règle a notamment trouvé application dans un arrêt de la chambre commerciale du 27 avril 1993.

  • Faits
    • Redressement judiciaire d’une personne physique
    • Ce redressement fait suite à l’assignation du débiteur par un organisme en raison d’un impayé de cotisations sociales
  • Demande
    • Assignation en redressement judiciaire
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 avril 1991, la Cour d’appel de Montpellier fait droit à la demande du créancier, elle confirme l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
    • Les juges du fonds estiment que les impayés du débiteur font présumer la cessation des paiements
    • Aussi, reviendrait-il au débiteur de démontrer que sa défaillance est le fruit d’un refus de paiement et non d’une impossibilité de faire face à sa dette
  • Solution
    • Par un arrêt du 27 avril 1993, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Au soutien de sa décision, la chambre commerciale considère que « la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l’ouverture du redressement judiciaire»
    • Deux enseignements peuvent être retirés de la solution dégagée par la Cour de cassation
      • D’une part, la cessation des paiements ne s’apparente pas à un refus de paiement
        • La seule comparaison du passif exigible à l’actif disponible permet d’établir la cessation des paiements
      • D’autre part, en aucun cas il appartient au débiteur de prouver qu’il n’est pas en cessation des paiements
        • La Cour d’appel a renversé la charge de la preuve

Cass. com. 27 avr. 1993
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Vu l'article 1315 du Code civil, ensemble l'article 3, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que la cessation des paiements est distincte du refus de paiement et doit être prouvée par celui qui demande l'ouverture du redressement judiciaire ;

Attendu que pour confirmer la mise en redressement judiciaire de M. X... sur assignation de l'Union des travailleurs indépendants mutualistes de l'Hérault (l'UTIMH), à laquelle il est redevable d'un arriéré de cotisations, l'arrêt attaqué retient que son passif fait présumer l'état de cessation de ses paiements, et qu'il lui appartient, en conséquence, de rapporter la preuve que sa défaillance est justifiée par un refus de paiement résultant d'une prise de position de caractère syndical et qu'il est en mesure de régler ses dettes, ce qu'il ne fait pas ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. X... se trouve dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 avril 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

2. Le régime de la cessation des paiements

==> La preuve de la cessation des paiements

  • Charge de la preuve
    • Principe
      • La preuve de la cessation des paiements pèse sur celui qui s’en prévaut.
      • Pour vérifier la réalité de la cessation des paiements le Tribunal saisi désignera le plus souvent un expert.
    • Limite
      • Lorsqu’une demande de conversion d’une procédure de redressement judiciaire et liquidation judiciaire est formulée, la Cour de cassation admet que l’état de cessation des paiements puisse ne pas être prouvé.
      • La chambre commerciale a estimé en ce sens après avoir relevé que « la conversion du redressement en liquidation judiciaire devait être examinée au regard des dispositions de l’article L. 631-15, II, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, applicable en la cause ; que la cessation des paiements étant déjà constatée lors de l’ouverture du redressement judiciaire, le renvoi opéré par ce texte à l’article L. 640-1 du même code ne peut viser que la condition relative à l’impossibilité manifeste du redressement ; que dès lors, la cour d’appel n’avait pas à se prononcer sur la cessation des paiements» ( com. 23 avr. 2013).
  • Moyens de preuve
    • La preuve de la cessation des paiements se fait par tout moyen.
    • La plupart du temps c’est la méthode du faisceau d’indices qui sera appliquée par les tribunaux
    • Ce qui importe c’est que la preuve rapportée soit précise.
    • Les juridictions ne sauraient se contenter de motifs généraux pour retenir l’état de cessation des paiements (V. en ce sens com. 13 juin 2006).

==> La date de la cessation des paiements

  • Rôle de la date de cessation des paiements
    • La détermination de la date de la cessation des paiements comporte trois enjeux
      • Lorsqu’il constate l’état de cessation des paiements, le débiteur dispose d’un délai de 45 jours pour déclarer sa situation au Tribunal compétent
      • La date de cessation des paiements fixe le point de départ de la période suspecte, soit de la période au cours de laquelle certains actes conclus avec des tiers sont susceptibles d’être annulés.
      • Certaines sanctions prévues contre les dirigeants visent des faits intervenus postérieurement à la cessation des paiements, tels que la banqueroute.
  • Fixation initiale de la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8 du Code de commerce le tribunal fixe la date de cessation des paiements après avoir sollicité les observations du débiteur.
    • À défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
    • Ainsi, le Tribunal tentera de déterminer le plus précisément possible le moment à partir duquel le débiteur n’était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
    • Si l’identification de ce moment est impossible, c’est la date du jugement d’ouverture qui fera office de date de la cessation des paiements.
    • En toute hypothèse, la cessation des paiements doit être appréciée au jour où la juridiction statue (V. en ce sens com. 14 nov. 2000).
    • Il en va de même lorsque le débiteur a interjeté appel ( com. 7 nov. 1989).

==> Report de la date de cessation des paiements

  • Principe
    • En cours de procédure, le Tribunal peut être conduit à modifier la date de cessation des paiements
    • L’article L. 631-8, al. 2e dispose en ce sens que « elle peut être reportée une ou plusieurs fois»
  • Conditions
    • Les personnes ayant qualité à agir
      • La demande de report de la date de cessation des paiements ne peut être formulée que par les personnes limitativement énumérées par l’article L. 631-8, al. 3e du Code de commerce
        • l’administrateur
        • le mandataire judiciaire
        • le ministère public
      • Ainsi, le débiteur n’a pas qualité à agir en report de la date de cessation des paiements.
      • Il en va de même pour les créanciers qui souhaiteraient agir à titre individuel
    • Le délai de demande du report
      • L’article L. 631-8 du Code de commerce prévoit que la demande de modification de date doit être présentée au tribunal dans le délai d’un an à compter du jugement d’ouverture de la procédure.
      • Une fois ce délai écoulé, l’action en report est forclose de sorte que la date de cessation des paiements est définitivement figée.
  • Limites
    • La possibilité pour le Tribunal saisi de reporter la date de cessation des paiements est enfermée dans trois limites
      • Première limite : date butoir
        • Si la date de cessation des paiements peut être reportée plusieurs fois, elle ne peut pas être antérieure à plus de 18 mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure
        • La date butoir des 18 mois peut être écartée dans certains cas prévus par la jurisprudence
          • Caractérisation du délit de banqueroute ( crim. 12 janv. 1981).
          • Action en comblement de l’insuffisance d’actif ( com. 30 nov. 1993).
      • Deuxième limite : homologation de l’accord amiable
        • Lorsqu’une procédure de conciliation a été ouverte et que l’accord conclu entre le débiteur et les créanciers a été homologué, la date de cessation des paiements ne peut pas être antérieure à la date de la décision d’homologation.
      • Troisième limite : personne morale en formation
        • La date de cessation des paiements ne peut fort logiquement jamais être reportée antérieurement à la date de naissance de la personne morale, quand bien même la date butoir des 18 mois n’est pas atteinte ( com. 1er févr. 2000).

==> L’unité de la cessation des paiements

  • Droit antérieur
    • Sous l’empire du droit antérieur, il a été admis par la chambre criminelle dans un arrêt du 18 novembre 1991 que, « pour déclarer constitué le délit de banqueroute, le juge répressif a le pouvoir de retenir, en tenant compte des éléments soumis à son appréciation, une date de cessation des paiements autre que celle déjà fixée par la juridiction consulaire» ( crim. 18 nov. 1991)
    • Deux dates de cessation des paiements pouvaient de la sorte être fixées
      • L’une pour déterminer le point de départ de la période suspecte
      • L’autre pour déterminer si une infraction pénale a été commise par le dirigeant
    • Cette position de la chambre criminelle a été confirmée par la suite (V. notamment en ce sens crim. 21 juin 1993)
    • De son côté, la chambre commerciale avait également admis que la date de cessation des paiements pouvait être fixée différemment d’une juridiction consulaire à une autre ( com. 20 juin 1993)
    • Il en va ainsi lorsque, par exemple, après avoir prononcé l’ouverture d’une procédure collective, le juge consulaire
      • Soit prononce la faillite personnelle du dirigeant
      • Soit le condamne en comblement du passif
      • Soit le condamne en redressement judiciaire
    • Cette autonomie des juridictions consulaires se justifie par la possibilité qui leur a été reconnue de s’affranchir de la date butoir des 18 mois quant à la fixation de la date de cessation des paiements.
  • Droit positif
    • Par un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en posant comme principe que « l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report» ( com. 4 nov. 2014).
    • Ainsi, la Cour de cassation consacre-t-elle le principe général d’unité de la notion de cessation des paiements
    • Le mouvement avait déjà été enclenché par le décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005 pris en application de la loi du 26 juillet 2005.
    • Ce texte prévoyait, en effet, que « pour l’application de l’article R. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l’article L. 631-8».
    • La Cour de cassation en avait tiré la conséquence dans un arrêt du 5 octobre 2010 « qu’il résulte des dispositions des articles L. 653-8, alinéa 3, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et R. 653-1, alinéa 2, du code de commerce que, pour sanctionner par l’interdiction de gérer le dirigeant de la société débitrice qui n’a pas déclaré la cessation des paiements de celle-ci dans le délai légal, la date de la cessation des paiements à retenir ne peut être différente de celle fixée par le jugement d’ouverture de la procédure collective ou un jugement de report ; que, dès lors, ce dirigeant a un intérêt personnel à contester la décision de report de la date de cessation des paiements ; que son pourvoi formé à titre personnel est, en conséquence, recevable» ( com. 5 octobre 2010).
    • Le champ d’application de cette solution était cependant circonscrit au domaine de la sanction relative à l’interdiction de gérer.
    • Dans l’arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation étend cette solution à toutes les actions dont l’exercice est subordonné à l’établissement de la cessation des paiements (action en comblement de l’insuffisance d’actif, poursuite du délit de banqueroute etc.).
    • Reste désormais une question en suspens : la chambre criminelle se ralliera-t-elle à la position de la chambre commerciale ?

Cass. com. 4 nov. 2014
Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’après la mise en redressement puis liquidation judiciaires de la société Arizona (la société) les 4 février et 9 avril 2008, M. Y..., agissant en qualité de liquidateur, a assigné le gérant de cette société, M. X... (le dirigeant), en responsabilité pour insuffisance d’actif et en prononcé d’une mesure d’interdiction de gérer ;

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l’article L. 651 2 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu que l’omission de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à contribuer à l’insuffisance d’actif de la société, l’arrêt retient que cette dernière était en cessation des paiements depuis au moins le 5 juillet 2007 et qu’en s’abstenant d’en faire la déclaration dans le délai de quarante cinq jours, le dirigeant a commis une faute de gestion ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Vu l’article L. 653 8, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008, et l’article R. 653 1, alinéa 2, du même code ;

Attendu que pour condamner le dirigeant à une mesure d’interdiction de gérer, l’arrêt retient l’omission de déclarer, dans le délai légal, la cessation des paiements, dont il fixe la date au 5 juillet 2007 ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser si la date du 5 juillet 2007 était celle fixée par le jugement d’ouverture ou un jugement de report, la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 janvier 2013, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée

III) L’extension de la procédure de sauvegarde

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

A) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  • La confusion de patrimoines
  • La fictivité de la personne morale
  1. La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

  • L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines
  • L’existence de relations financières anormales

a) L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

  • Faits
    • Accord de commercialisation conclu entre la société Forest I et la société Leading
    • Par cet accord, la société Forest I qui avait acquis 50% du capital de la société Leading, a pris en location gérance le fonds de cette dernière société
    • Il en est résulté la mise en commun de moyens de gestion financière, industrielle et comptable
    • Survenance d’un désaccord entre les deux sociétés
      • Demande de rétrocession des actions acquises par la société Forest I
      • Demande de résiliation du contrat de gérance
    • Dans ce contexte, ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Leading
    • Cette procédure est étendue à la société Forest I
  • Demande
    • La société Forest I conteste cette extension de la procédure collective
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 décembre 1992, la Cour d’appel de Bourges confirme l’extension de la procédure de redressement judiciaire à la société Forest I
    • La Cour d’appel estime que, en raison du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication ce ces derniers, la confusion des patrimoines des 2 sociétés est caractérisée.
    • Dès lors, l’existence de cette caractérisation de patrimoines justifie l’extension de la procédure de redressement à la société Forest I
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la seule imbrication d’intérêts entre deux sociétés ne suffit pas à caractériser la confusion de patrimoines.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 octobre 1995, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Forest I
    • La Cour de cassation juge, en l’espèce qu’il résulte du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication inextricable entre les deux sociétés une confusion de leurs patrimoines respectifs, de sorte que l’extension par la CA de la procédure de redressement à la société Forest I est justifiée.
    • Manifestement, la chambre commerciale exerce ici un contrôle strict sur la motivation des juges du fond
    • L’étroitesse de ce contrôle vise à éviter que les Tribunaux n’admettent trop facilement l’extension d’une procédure collective.
    • Cette situation doit demeurer une exceptionnelle :
      • D’une part, en raison du bouleversement qu’elle provoque sur les droits des créanciers
      • D’autre part, parce qu’un tel montage n’est pas automatiquement illicite si les deux sociétés
        • agissent ouvertement,
        • sont gérées de façon autonome
        • leurs relations sont juridiquement causées par la conclusion de contrats en bonne et due forme
      • Lorsque les juges du fond entendent retenir la confusion des patrimoines, il leur faudra, en conséquence, motiver substantiellement leur décision.
      • Dans l’arrêt en l’espèce, la Cour de cassation a manifestement été contrainte de piocher dans la motivation des juges de première instance pour sauver la décision des juges d’appel.
      • Autre enseignement important de cette décision, la chambre commerciale relève que «  l’exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d’imbrication inextricable entre elles»
      • On peut en déduire que pour être établie, l’imbrication des patrimoines doit se traduire par une impossibilité de distinguer les passifs nés de l’un des débiteurs ou du chef de l’autre.
      • La reconstitution des patrimoines respectifs doit, autrement dit, être impossible, ce qui suppose une confusion des comptes, d’où l’importance de cet élément.

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

  • Faits
    • Une épouse qui exerçait à titre personnel une activité dans le secteur du bâtiment fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Il s’ensuivra une extension de la procédure de liquidation au conjoint de cette dernière ainsi qu’à l’EURL dont il était l’associé unique et gérant
  • Demande
    • L’époux conteste l’extension à son endroit ainsi qu’à son EURL de la procédure de liquidation dont faisait l’objet sa conjointe
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour d’appel de Nîme déboute l’époux de sa demande
    • Les juges du fond relèvent, entre autres, pour retenir la confusion des patrimoines plusieurs éléments
      • Participation active du mari dans l’activité de son épouse
      • Réciproquement, immixtion de l’épouse dans l’activité de l’Eurl
      • L’organisation du travail entre les deux époux s’apparentait à une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine
  • Solution
    • La cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux gérant de l’EURL
    • Ainsi, confirme-t-elle la solution dégagée par la Cour d’appel aux termes de laquelle l’extension de procédure collective fondée sur une confusion de patrimoines peut intervenir entre personnes physiques.
    • Autre apport de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la confusion de patrimoines peut résulter, outre d’une confusion des comptes, de l’existence « d’une véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine».
    • C’est là le second indice qui conduira les juges à retenir la confusion de patrimoines, étant précisé que la Cour de cassation exige une motivation substantielle de la décision.
    • Les juges du fond devront donc établir factuellement l’existence de cette identité d’entreprise comme s’est employée à la vérifier la Cour de cassation dans l’arrêt en l’espèce.

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

b) L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

  • Faits
    • Une SCI loue à une autre société, la société LMT, des locaux en contrepartie du paiement de loyers dont le prix dépassait celui du marché
    • La société preneuse réalisera, par suite, lors de son occupation des locaux des travaux d’embellissement, dont la propriété est revenue à la SCI.
    • C’est alors qu’à partir de 1995, il apparaît que la société locataire ne règle plus aucun loyer à la SCI
      • À la suite de quoi la SCI ne diligentera aucune mesure d’exécution
      • Alors que cela la mettait dans une situation rendant impossible le remboursement de ses emprunts
    • Peu de temps après, la société LMT est placée en redressement judiciaire.
    • Cette procédure collective est étendue à la SCI
  • Demande
    • La SCI conteste l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son endroit
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 6 janvier 2000, la Cour d’appel de Rouen déboute la SCI de sa demande
    • Les juges du fonds relèvent :
      • Le caractère excessif des loyers perçus par la SCI
      • Le bénéfice de travaux d’embellissement réalisés par la société preneuse
      • L’absence de mesure d’exécution diligentée contre la société preneuse en réaction aux impayés de loyers alors que la SCI se trouvait dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts
    • Les juges du fond déduisent de ces relations financières anormales une confusion de patrimoine entre la SCI et la société LMT qui justifie l’extension de la procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 janvier 2003, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCI
    • La chambre commerciale considère que, eu égard les rapports entretenus entre la SCI et la société LMT, il existait entre ces deux sociétés « des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines»
    • De toute évidence, pour retenir la confusion des patrimoines, la Cour de cassation ne fait ici nullement référence à une quelconque imbrication inextricable des patrimoines, confusion des comptes ou bien encore identité d’entreprise.
    • La cour de cassation s’appuie ici sur un autre critère : l’existence de relations financières anormales.
    • Qu’est-ce que l’anormalité ?
    • Il résulte de cet arrêt que l’anormalité se déduit d’abord de l’absence de toute contrepartie.
    • L’existence ou non de cette contrepartie s’apprécie au regard de l’ensemble des relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d’une opération envisagée isolément, sous peine d’interdire toute concertation entre des sociétés membres d’un même groupe.
    • L’absence de contrepartie était manifeste dans l’arrêt en l’espèce !
  • Portée
    • On assiste, dans l’arrêt en l’espèce, à un ajustement jurisprudentiel.
    • La confusion des patrimoines est fondée, non plus sur l’existence de « flux financiers anormaux» qui résultaient le plus souvent de versements de fonds sans contrepartie, mais sur l’existence de « relations financières anormales ».
    • Ce dernier critère s’avère mieux adapté, car il recouvre les flux financiers anormaux et permet de viser les hypothèses dans lesquelles l’anormalité tient justement à l’absence de mouvement de comptes entre les deux sociétés.
    • Qui plus est, ce nouveau critère est plus favorable aux créanciers, car, étant définie plus largement, la confusion des patrimoines est un peu plus facilement admise.
    • Ce changement de terminologie a été confirmé par la jurisprudence postérieure.
    • Dans un arrêt Métaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu’elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d’une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale » ( com. 19 avr. 2005).
    • Dans un autre arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale a adopté une solution qui s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement.
    • Elle valide la décision d’une Cour d’appel en relevant que « l’arrêt retient que, dépassant la seule obligation, qui lui était imposée par le bail, d’effectuer les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, la société System’D a supporté, en plus du loyer, la charge d’importants travaux d’aménagement, intérieur et extérieur, de l’immeuble loué pour un coût équivalent à six années de loyers, qu’elle a dû partiellement financer par le recours à l’emprunt, tandis que la SCI, au terme du bail, devenait, sans aucune indemnité, propriétaire de tous les aménagements ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre les deux sociétés, peu important l’absence de mouvements de fonds entre elles relatifs aux travaux d’aménagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision»
    • Une fois de plus, le contrôle minutieux par la Cour de cassation de la motivation des juges du fond témoigne de son niveau d’exigence quant à la caractérisation de la confusion des patrimoines fondée sur l’existence de relations financières anormales.
    • Plus récemment, dans un arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation a considéré que « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée» ( com. 16 juin 2015).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

Schéma 2

B) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

  • Les personnes ayant qualité à agir
    • Aux termes de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce, « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »
    • La liste des personnes ayant qualité à agir en extension de la procédure de sauvegarde est donc limitative.
    • Elle comprend
      • L’administrateur
      • Le mandataire judiciaire
      • Le débiteur
      • Le ministère public
    • Les créanciers ne peuvent, de la sorte, agir que par l’entremise du mandataire.
    • Ils n’ont pas qualité pour formuler une demande d’extension de la procédure.
    • Cette règle, consacrée par le législateur en 2008, avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 1999.
    • La chambre commerciale rejette le pourvoi formé par un créancier qui sollicitait individuellement, l’extension d’une procédure collective.
    • Elle considère dans cette décision « qu’après avoir relevé que la société Botta et fils ne possédait pas la qualité de créancière de la société Pitance nécessaire pour l’assigner directement en redressement judiciaire, l’arrêt retient exactement qu’à le supposer établi, le préjudice de la société Botta et fils serait commun à l’ensemble des créanciers de la société Botta Savoie et que l’action exercée au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers n’est pas ouverte aux créanciers individuels» ( com. 16 mars 1999).
    • Cette solution a été réitérée sans ambiguïté notamment dans un arrêt remarqué du 15 mai 2001.
    • Elle avait estimé dans cette décision que « l’action tendant à l’extension de la procédure collective d’une personne à une autre sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité d’une personne morale n’est pas ouverte aux créanciers» ( com. 15 mai 2001).
  • Forme de la demande
    • Lorsque le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le débiteur
      • Conformément à l’article R. 621-8-1 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie d’assignation
    • Lorsque le Tribunal est saisi par le ministère public
      • Conformément à l’article R. 631-4 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie de requête
  • Notification du jugement d’extension
    • Aux termes de l’article R. 621-8-1 du Code de commerce le jugement d’extension est signifié au débiteur soumis à la procédure et au débiteur visé par l’extension, à la diligence du greffier, dans les huit jours de son prononcé.
    • Il est communiqué, dans le même délai :
      • Aux mandataires de justice désignés ;
      • Au procureur de la République ;
      • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.
  • Publicité du jugement d’extension
    • En l’absence d’appel interjeté par le ministère public
      • En application de la combinaison des articles R. 621-8-1 et 621-8 du Code de commerce, le jugement qui prononce l’extension ou ordonne la réunion fait l’objet des publicités suivantes
        • Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné avec l’indication des pouvoirs conférés à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, au registre du commerce et des sociétés s’il s’agit d’un commerçant ou d’une personne morale immatriculée à ce registre.
        • À la demande du greffier du tribunal qui a ouvert la procédure, les mêmes mentions sont portées sur le répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s’il s’agit d’une entreprise artisanale.
        • S’il s’agit d’une personne non immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou aux répertoires mentionnés au deuxième alinéa, les mentions sont portées sur un registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de grande instance. Dans ce cas, le greffier indique, selon le cas, le siège ou l’adresse du débiteur, les noms, prénoms et adresse du représentant légal de la personne morale débitrice ou du débiteur personne physique.
        • Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, conformément aux 1°, 3° et 4° de cet article, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15 ou celui mentionné à l’article R. 134-6 du présent code, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime.
        • Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l’article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d’identification ainsi que, s’il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l’article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d’agriculture mentionnée par ce texte, de l’activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l’adresse du mandataire judiciaire et de l’administrateur s’il en a été désigné avec, dans ce cas, l’indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l’avis aux créanciers d’avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.
        • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
        • Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement.
    • En cas d’appel interjeté par le ministère public
      • Les formalités de publicité ne sont effectuées par le greffier du tribunal qu’au vu de l’arrêt de la cour d’appel qui lui est transmis par le greffier de cette cour dans les huit jours de son prononcé.
  • Effets du jugement
    • Le jugement d’extension ne rétroagit pas à la date du jugement d’ouverture de la première procédure.
    • Cela signifie qu’il ne produira ses effets, tant à l’égard de la personne à qui la procédure est étendue, qu’à l’égard des tiers qu’au jour où il est notifié (dans le premier cas) ou publié (dans le second cas).
    • Il en résulte deux conséquences qu’il convient de souligner
      • D’une part, la qualification des créances détenues par les créanciers sera appréciée au regard, non pas de la date du jugement d’ouverture, mais de la date de la décision d’extension de la procédure.
      • D’autre part, le point de départ du délai de déclaration est la date du jugement d’extension, de sorte qu’un créancier forclos dans le cadre de la première procédure, bénéficiera d’une seconde chance pour valablement déclarer sa créance.
  • Voies de recours
    • Appel / Cassation
      • Le nouvel article L. 661-1-I, 3° du Code de commerce dispose que sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public
      • L’appel doit être exercé dans un délai de 10 jours
    • Tierce opposition
      • La tierce opposition elle peut être formée dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement d’extension au BODACC ( com. 16 mai 2006).

C) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

  • Unicité de la procédure
    • L’extension d’une procédure collective à toutes les personnes concernées par la confusion de patrimoines ou la fictivité d’une personne morale a notamment pour conséquence d’assujettir ces dernières à une procédure unique.
    • Il en résulte une extension de la date de cessation des paiements fixée initialement et de la loi applicable
  • Identité du traitement
    • Le traitement appliqué aux personnes à qui la procédure collective est étendue doit être identique à celui réservé au débiteur
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre du débiteur initial, la même procédure doit être appliquée à toutes les personnes concernées par l’extension de procédure sans distinction, quand bien même leur situation financière ne justifierait pas qu’elles fassent l’objet d’une liquidation.
    • Bien que contestée par certains auteurs, cette règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1998, la chambre criminelle a notamment censuré une Cour d’appel qui avait admis l’application d’un traitement différencié entre débiteurs dans le cadre d’une extension de procédure alors que « divers faits établissant l’existence d’une confusion des patrimoines et que, compte tenu des liens juridiques des trois entités entre elles et de l’étroite imbrication des patrimoines en présence, il y avait lieu de joindre les procédures de redressement judiciaire ouvertes contre elles» ( crim. 23 juin 1998).
  • Réunion des patrimoines
    • L’une des principales conséquences de la procédure d’extension est que les patrimoines qui ont été artificiellement dissociés par les personnes auxquelles cette procédure s’applique sont réunis en une seule de masse active et passive.
    • La reconstitution d’un patrimoine commun permettra ainsi d’apurer le passif commun avec les éléments d’actifs qui ont été réunis sans qu’il soit besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de procédure.
    • Il s’ensuit, pour ces dernières, qu’elles deviennent débitrices du passif commun, peu importe qu’elles en soient ou non à l’origine.
    • Autrement dit, toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues solidairement à l’obligation à la dette.
    • Elles conservent, néanmoins, leur autonomie propre en ce sens que lorsque des sociétés sont visées, elles conservent leur personnalité morale.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 2001, au visa de l’article L. 624-3 du Code de commerce en a notamment tiré la conséquence que « les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu’il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d’autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d’une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n’ont pas été les dirigeants» ( com. 17 juill. 2001).

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

  • Sort des créances
    • Déclaration de créances
      • Conséquence directe de la réunion des patrimoines en une seule masse, la déclaration de créance effectuée par un créancier auprès du mandataire vaut à l’encontre de toutes les personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com. 1er oct. 1997).
      • Dans un arrêt du 19 février 2002, la Cour de cassation est venue néanmoins nuancer cette règle en exigeant que la déclaration de créance ait été accomplie postérieurement à l’extension de la procédure ( com. 19 févr. 2002).
    • Confusion
      • Dans l’hypothèse où les personnes visées par l’extension de la procédure seraient titulaires l’une contre l’autre de créances, la réunion des patrimoines en une seule masse aurait pour conséquence de réaliser une confusion.
      • Le mécanisme de confusion est défini à l’article 1300 du Code civil qui prévoit que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.»
      • La confusion opère de la sorte extinction des créances réciproques.
    • Compensation
      • Lorsqu’un créancier du débiteur est lui-même débiteur de la personne à qui la procédure collective est étendue, la réunion des patrimoines a pour conséquence de créer les conditions de réalisation de la compensation légale.
      • Le nouvel article 1289 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes»
      • L’article 1291 pose comme condition que les deux dettes aient « pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.»
      • Si tel est le cas, « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives» ( 1290 C. civ.).
  • Sort des garanties
    • Les sûretés réelles
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté spéciale
        • l’extension de la procédure ne modifie en aucune manière l’étendue de leur gage qui conserve son assiette initiale : le bien sur lequel porte la sûreté spéciale (V. en ce sens com., 16 déc. 1964)
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté générale
        • Dans cette hypothèse, le gage des créanciers est étendu aux biens des personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com., 2 mars 1999)
    • Les sûretés personnelles
      • L’extension d’une procédure collective ne saurait en aucun cas aggraver la situation de la caution en augmentant la portée de son engagement.
      • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a considéré en ce sens que dans la mesure où « le cautionnement doit être exprès», dès lors qu’il porte sur une dette déterminée, il ne saurait être étendu à d’autres dettes, notamment celles contractées par les personnes visées par l’extension de la procédure ( com., 25 nov. 1997).

[1] P.-M. LE CORRE, « La réforme du droit des entreprises en difficulté », Dalloz 2009, sp. N°211.3

[1] P. Didier, Droit commercial, éd. Economica, 2004, t.1, p. 67.