Le non-respect des conditions de formation du mariage peut faire l’objet de deux sortes de sanctions
- Une sanction préventive : l’opposition
- Une sanction curative : la nullité
I) La sanction préventive : l’opposition à mariage
==> Opposition / empêchement
L’opposition est l’acte par lequel celui qui connaît un empêchement au mariage, le signale à l’officier d’état civil en lui faisant défense de célébrer le mariage.
L’opposition a ainsi pour effet de faire obstacle à la célébration du mariage en raison de l’existence d’un empêchement à mariage.
Par empêchement, il faut entendre le non-respect d’une condition de formation du mariage.
C’est pourquoi il « empêche » la tenue de la célébration. La théorie des empêchements à mariage est assise sur l’idée qu’il convient d’agir en amont et de ne pas risquer que le mariage soit annulé après coup.
Une fois le mariage célébré, il n’est plus possible de revenir en arrière. Or la découverte, a posteriori, de la violation d’une condition de formation du mariage peut avoir des conséquences graves pour les époux.
S’il est dirimant, l’empêchement constitue, en effet, une cause de nullité de leur union.
==> Empêchements dirimants et empêchements prohibitifs
Classiquement, on distingue deux sortes d’empêchements :
- L’empêchement dirimant
- Il s’agit d’un l’empêchement relatif à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
- L’empêchement prohibitif
- Il s’agit d’un empêchement relatif à une condition dont le non-respect fait seulement obstacle à la célébration du mariage sans, pour autant, être de nature à entraîner la nullité du mariage
En toute hypothèse, que l’empêchement soit prohibitif ou dirimant il est une cause d’opposition à mariage, laquelle opposition doit être formée auprès de l’officier d’état civil.
Immédiatement une question alors se pose : quels sont les empêchements dirimants et quels sont les empêchements prohibitifs ?
Le Code civil ne nous fournit aucune liste de ces empêchements, ni aucun critère formel de distinction.
Pour les identifier, il convient alors de se reporter aux articles 180, 182 et 184 du Code civil, lesquels envisages les conditions de formation du mariage dont le non-respect est sanctionné par la nullité.
En application du principe général « pas de nullité sans texte », on peut en déduire quelles sont les conditions qui ne sont pas sanctionnées par l’anéantissement du mariage.
Il est alors possible d’opérer, à partir de cette déduction, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs.
À l’examen, seules deux conditions de formation du mariage ne sont pas sanctionnées par la nullité :
- Défaut de publication des bans
- L’existence d’une opposition en elle-même
Toutes les autres conditions sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage si elles ne sont pas respectées.
En pratique, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs ne présente aucun intérêt.
En outre, aujourd’hui, l’opposition, qui était un moyen jadis pour les familles de mettre à mal les mariages qu’elles n’approuvaient pas, n’est que très exceptionnellement soulevée.
Son terrain de prédilection est désormais celui des mariages simulés, soit des mariages blancs.
De surcroît, pour former opposition, il faut remplir un certain nombre de conditions. Ses effets dans le temps sont, par ailleurs limités.
A) Les conditions de l’opposition
- Les conditions de fond
Les conditions de fond tiennent :
- D’une part, aux personnes qui ont qualité pour former opposition
- D’autre part, aux motifs invoqués au soutien de l’opposition
==> Opposition du conjoint
- Titularité du droit d’opposition
- L’article 172 du Code civil prévoit que « le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.»
- Cette disposition confère ainsi le droit de former opposition au conjoint non-divorce de l’un des futurs époux
- Motif allégué
- Le conjoint non divorcé du futur époux n’est fondé à former opposition que si le motif allégué a trait à la bigamie
==> Opposition des ascendants
- Titularité du droit d’opposition
- L’article 173 du Code civil prévoit que « le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.»
- Cette disposition énonce un ordre hiérarchique des personnes qui ont qualité à former opposition parmi les ascendants des futurs époux :
- Père et mère
- À défaut, les grands-parents
- À défaut, les aïeuls
- Motif allégué
- Les ascendants des futurs époux peuvent alléguer, au soutien de leur opposition, n’importe quel motif, dès lors qu’il s’agit de la violation d’une condition de formation du mariage.
- Il peut donc s’agir de la bigamie, d’un vice du consentement, de la non-publication des bans ou encore du défaut d’autorisation parentale
- Épuisement du droit d’opposition
- L’alinéa 2 de l’article 173 prévoit que « après mainlevée judiciaire d’une opposition au mariage formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration »
- Ainsi, les ascendants du futur époux ne peuvent former opposition à mariage qu’une seule fois
- Il s’agit d’éviter que les ascendants forment tour à tour opposition afin d’empêcher la célébration du mariage
==> Opposition des collatéraux
- Titularité du droit d’opposition
- L’article 174 du Code civil prévoit que « à défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants»
- Il ressort de cette disposition que les collatéraux ne peuvent former opposition qu’à titre subsidiaire, soit à défaut d’ascendants.
- Au sein du cercle des collatéraux, le législateur n’a pas institué d’ordre hiérarchique
- Motif allégué
- L’article 174 du Code civil prévoit que les collatéraux ne peuvent former opposition que dans deux cas précis :
- Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 159, n’a pas été obtenu
- Il s’agit de l’hypothèse s’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille
- Cela suppose donc que le futur époux soit mineur et n’est plus d’ascendants
- Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur époux
- Il appartient toutefois à l’opposant de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
- À défaut, la mainlevée pure et simple de l’opposition pourra être prononcée
==> Opposition du tuteur et du curateur
- Titularité de l’action
- L’article 175 du Code civil prévoit que « le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer. »
- Il résulte de cette disposition que le tuteur et le curateur sont titulaires du droit de former opposition dans les mêmes conditions que les collatéraux, soit à défaut d’ascendants du futur époux, soit à titre subsidiaire
- La référence au curateur est toutefois inopérante, dans la mesure où depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé n’est plus soumis au régime de la curatelle.
- Quant à la curatelle des majeurs, elle ne comporte pas de conseil de famille
- L’hypothèse visée n’a donc plus de sens
- Motif allégué
- Les motifs susceptibles d’être allégués par le tuteur sont :
- Le défaut de consentement du conseil de famille, dans l’hypothèse où le futur époux est mineur et n’a plus d’ascendants
- L’état de démence du futur époux
==> Opposition du ministère public
- Titularité de l’action
- L’article 175-1 du Code civil prévoit que « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
- Cette prérogative a été conférée au ministère public en particulier pour lutter contre les mariages simulés
- Motif allégué
- L’article 175-1 du Code civil prévoit que le ministère public ne peut former une opposition à mariage que pour les cas où il peut demander la nullité du mariage.
- Ces cas ne sont autres que les empêchements dirimants, soit tous les empêchements relatifs à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
- Aussi, le seul empêchement dont ne pourra pas se prévaloir le ministère public, c’est la non-publication des bans
- Cas particulier des mariages de complaisance
- L’article 175-2 du Code civil prévoit que « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République.»
- En cas de signalement au ministère public d’un mariage de complaisance, plusieurs étapes doivent être observées :
- Première étape
- Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine :
- soit de laisser procéder au mariage
- soit de faire opposition à celui-ci
- soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
- Deuxième étape
- Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
- La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
- Troisième étape
- À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
- Quatrième étape
- L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours.
- La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.
2. Les conditions de forme
==> Notification de l’opposition
L’article 66 du Code civil prévoit que
- D’une part, les actes d’opposition au mariage sont signés sur l’original et sur la copie par les opposants ou par leurs fondés de procuration, spéciale et authentique
- D’autre part, ils sont signifiés, avec la copie de la procuration, à la personne ou au domicile des parties, et à l’officier de l’état civil, qui mettra son visa sur l’original.
Ainsi, l’opposition à mariage doit être formée par voie d’huissier.
==> Enregistrement de l’opposition
Aux termes de l’article 67 du Code civil, à réception de l’opposition, l’officier de l’état civil fait, sans délai, une mention sommaire des oppositions sur le registre des mariages
==> Contenu de l’acte d’opposition
L’article 176 du Code civil prévoit que tout acte d’opposition :
- Énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former
- Contient les motifs de l’opposition
- Reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition
- Contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.
Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 171-4, soit en cas de mariage de complaisance, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.
==> Sanctions
L’article 176, al. 2 prévoit que les exigences de forme sont prévues :
- à peine de nullité de l’acte d’opposition
- l’opposition sera alors sans effet
- à peine de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition
- L’huissier pourra ainsi refuser de prêter son concours à l’opposant
B) Les effets de l’opposition
==> La suspension de la célébration
L’article 68 du Code civil dispose que « en cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »
Ainsi est-il fait défense à l’officier d’état civil, en cas d’opposition de procéder à la célébration du mariage.
C’est là tout l’intérêt même de l’opposition : faire obstacle à l’union des époux dont l’une des conditions de formation n’est pas remplie.
Il peut être observé que, l’officier d’état civil n’est pas le juge du bien-fondé du motif de l’opposition, quand bien même s’il a la conviction que l’empêchement allégué n’est pas justifié.
L’existence d’une opposition constitue, en elle-même, un motif de suspension de la célébration du mariage
En conséquence, l’officier d’état civil a, quel que soit le motif invoqué, l’obligation de ne pas célébrer le mariage. C’est au seul Juge qu’il appartiendra de se prononcer sur la mainlevée de l’opposition.
==> La durée de l’opposition
L’article 176, al. 3 du Code civil prévoit que « après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. »
Ainsi, l’opposition n’est valable qu’un an.
À l’expiration de ce délai elle devient caduque.
==> Le renouvellement de l’opposition
L’opposition peut, par principe, être renouvelée, à l’exception de deux cas :
- Dans l’hypothèse où elle a été formée par un ascendant.
- Dans l’hypothèse où la mainlevée judiciaire a été prononcée
C) La mainlevée de l’opposition
La mainlevée consiste en un retrait de l’opposition, soit à priver l’acte de son efficacité. Si la mainlevée est prononcée, le mariage peut, de nouveau être célébré.
Il existe deux sortes de mainlevée :
- La mainlevée volontaire
- La mainlevée est volontaire lorsque l’opposant consent à se désister, ce qu’il peut faire devant l’officier d’état civil au moment de la célébration
- Ce dernier pourra néanmoins toujours refuser de célébrer le mariage, s’il estime que l’empêchement à mariage subsiste
- La mainlevée judiciaire
- La mainlevée est judiciaire lorsqu’elle est prononcée par un juge après que l’un des futurs époux a rapporté la preuve du mal-fondé de l’opposition
- Procédure
- Le tribunal de grande instance doit se prononcer dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs époux, même mineurs ( 177 C. civ.)
- Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ( 179, al. 1 C. civ.)
- Voies de recours
- La décision du Juge est susceptible d’appel ( 178 C. civ.)
- La Cour devra alors statuer également dans les dix jours
- Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.
II) La sanction curative : la nullité du mariage
En ce que le mariage comporte une dimension contractuelle, il est envisagé par le législateur comme un acte juridique.
À ce titre, la violation de ses conditions de formation est sanctionnée par la nullité. Lorsqu’elle est prononcée, la nullité a pour effet d’anéantir le mariage.
Ainsi, cette sanction met-elle fin à l’union conjugale, au même titre que le divorce.
Toutefois, il convient de bien distinguer ce mode de rupture du mariage du divorce, notamment en ce qu’elle n’emporte pas les mêmes effets.
- La nullité
- Elle vient sanctionner la violation d’une des conditions de formation du mariage (excepté la non-publication des bans qui constitue un empêchement prohibitif).
- La nullité agit rétroactivement, de sorte que le mariage est réputé n’avoir jamais existé.
- Elle met donc fin tant aux effets passés, qu’aux effets futurs du mariage
- Par exception, en cas de mariage putatif certains effets bénéficient toujours aux enfants et, parfois, à l’époux de bonne foi.
- Le divorce
- Il met fin au mariage soit à la suite d’une décision conjointe des époux, soit pour sanctionner une violation, non pas d’une condition de formation du mariage, mais d’une obligation née de la formation du mariage
- Le divorce ne met fin au mariage que pour l’avenir.
- Il n’est pas rétroactif comme peut l’être la nullité.
- Le divorce produit ses effets à l’égard des deux époux.
- Il n’est pas question de faire ici comme si le mariage n’avait jamais existé.
- Au contraire, le divorce va donner lieu à la liquidation de l’union matrimoniale
==> Notion
La nullité est donc la sanction encourue par un acte judiciaire entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond.
Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »
Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :
- Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
- Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement
Compte tenu de la gravité de cette sanction qui, donc est susceptible de mettre un terme à l’union conjugale, le législateur a aménagé le régime juridique des nullités en matière de mariage, de sorte qu’il se distingue de celui applicable aux contrats.
Trois différences notables avec le droit commun peuvent être observées :
- D’une part, la violation d’une condition de formation du mariage n’est pas nécessairement sanctionnée par une nullité (non-publication des bans)
- D’autre part, les conditions d’exercice de l’action en nullité du mariage sont restreintes
- Enfin, les effets de la nullité du mariage sont adoucis, en ce sens que la rétroactivité de la sanction est, sur certains points, écartée
Pour le reste, les principes généraux qui gouvernent les nullités s’appliquent au mariage, de sorte qu’il est permis d’envisager leur régime juridique, à maints égards, par analogie avec le droit commun.
==> La summa divisio des nullités
Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :
- Les nullités relatives
- Les nullités absolues
La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne
- La théorie classique
- Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.
- Autrement dit, l’acte juridique pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.
- Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.
- Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour l’acte juridique qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.
- En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue
- Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative
- Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.
- La théorie moderne
- La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.
- Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.
- Ainsi, selon cette théorie :
- La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
- La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée
- S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.
Au bilan, il ressort de la distinction opérée par la jurisprudence que la nullité est :
- absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
- relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.
==> Les cas de nullité relative et absolue
Le principe général « pas de nullité sans texte » s’applique en matière de mariage.
Cela signifie que la nullité du mariage n’est encourue qu’à la condition d’être envisagée par une disposition. À défaut, l’irrégularité ne donne pas lieu à l’annulation du mariage.
Lorsque, en revanche, que la nullité est prévue, il convient de déterminer, s’il s’agit d’une nullité relative ou absolue.
- Les nullités relatives
- Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation d’un intérêt privé
- Au nombre de ces nullités, on compte :
- Les vices du consentement
- Erreur sur les qualités essentielles de la personne
- La violence
- Le défaut d’autorisation de la famille
- Les nullités absolues
- Il s’agit des nullités qui visent à sanctionner la violation de l’intérêt génal
- Les cas de nullités absolues sont manifestement, en matière de mariage, plus nombreux que les cas de nullités relatives :
- Le défaut d’âge légal
- L’absence de consentement
- L’absence de l’époux lors du mariage
- La bigamie
- L’inceste
- La clandestinité
- L’incompétence de l’officier d’état civil
Une fois déterminée la nature de la nullité par laquelle est sanctionnée l’irrégularité dont est entaché le mariage, il conviendra d’exercer une action en justice aux fins de la faire constater par le Juge (A)
Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (B)
A) L’action en nullité
- Les titulaires de l’action en nullité
Selon que la nullité est relative ou absolue, les personnes susceptibles d’exercer l’action en nullité varient
a) Les nullités relatives
Le principe général est, en la matière, que seule la personne protégée par la règle sanctionnée par une nullité relative a qualité à agir.
En matière de mariage, cette règle a été quelque peu aménagée.
==> Les nullités pour vice du consentement
Il convient ici de distinguer l’erreur de la violence :
- La nullité pour violence
- L’article 180, al. 1er du Code civil prévoit que deux personnes ont qualité à agir pour exercer l’action en nullité :
- Le ou les époux victime de la violence
- Le ministère public
- La nullité pour erreur
- L’article 180, al. 2e du Code civil prévoit que seul l’époux qui a été induit en erreur a qualité à agir pour exercer l’action en nullité
==> Le défaut d’autorisation familiale
L’article 182 du Code civil prévoit que « le mariage contracté sans le consentement des père et mère, des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire, ne peut être attaqué que par ceux dont le consentement était requis, ou par celui des deux époux qui avait besoin de ce consentement. »
Il ressort de cette disposition que, en cas de défaut d’autorisation familiale, l’action en nullité peut être exercée :
- Par l’époux incapable
- La personne dont le consentement était requis
b) Les nullités absolues
Le principe général est, en la matière, que quiconque possède un intérêt peut exercer l’action en nullité absolue.
En matière de mariage, le cercle de ces personnes ayant qualité à agir a cependant été considérablement restreint.
Il ressort de la combinaison des articles 184 et 185 du Code civil que, en matière de nullité absolue, pour déterminer les titulaires de l’action, il convient de distinguer entre les personnes qui doivent justifier d’un intérêt pécuniaire et celles qui n’ont pas besoin de justifier d’un tel intérêt
- Les personnes n’ayant pas à justifier d’un intérêt pécuniaire
- Les époux
- Le conjoint du futur époux
- Les père et mère
- Les ascendants
- Le Conseil de famille en l’absence d’ascendants
- Le ministère public (ne peut agir que du vivant des époux)
- Les personnes devant justifier d’un intérêt pécuniaire
- Les collatéraux
- Les enfants nés d’un autre mariage, du vivant des deux époux
- Les créanciers des époux
2. La prescription de l’action en nullité
L’action en nullité se prescrit différemment selon que la nullité invoquée est absolue ou relative
==> La prescription de la nullité absolue
- Délai
- L’article 184 du Code civil prévoit que « tout mariage contracté en contravention aux dispositions contenues aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué, dans un délai de trente ans à compter de sa célébration, soit par les époux eux-mêmes, soit par tous ceux qui y ont intérêt, soit par le ministère public.»
- Dans un arrêt du 29 mai 2013, la Cour de cassation a précisé que « la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l’action en nullité absolue du mariage » (Cass 1ère, 29 mai 2013).
- Point de départ
- La prescription court à compter du jour de la célébration du mariage
- En cas d’impossibilité pour le titulaire de l’action d’agir, conformément à l’article 2234 du Code civil, la prescription est suspendue de sorte que l’action peut être exercée au-delà du délai de trente ans (Cass 1ère, 29 mai 2013)
Cass 1ère civ., 29 mai 2013 | |
Sur les deux moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 novembre 2011), qu'après s'être marié le 20 juillet 1950 avec Mme X..., Michel Y...a épousé Mme Z... au Mexique le 18 juin 1964 ; que son divorce d'avec Mme X...a été prononcé le 13 février 1967 et que son mariage avec Mme Z... a été transcrit au consulat général de France à Mexico le 30 novembre 1974 ; qu'après le prononcé de son divorce d'avec Mme Z... le 17 septembre 1990, Michel Y...s'est remarié avec Mme B...le 27 décembre 1991 ; que Michel Y...étant décédé le 13 janvier 2009, Mme B...a assigné Mme Z... en annulation du mariage célébré le 18 juin 1964, pour cause de bigamie ;
Attendu que Mme B...fait grief à l'arrêt de déclarer l'action irrecevable comme prescrite, alors, selon le moyen :
1°/ que, antérieurement à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et nonobstant la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 qui ne concerne que les actions relatives à la filiation, l'action en nullité du mariage pour bigamie n'était encadrée dans aucun délai de prescription ; que par suite, tant en application de l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qu'en application des règles générales gouvernant les conflits de lois dans le temps, la prescription trentenaire, telle que prévue par l'article 184 du code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, n'a pu courir que du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 147 et 184 du code civil, ensemble l'article 2 du même code et l'article 26- II de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
2°/ que, à supposer que le délai de trente ans institué par la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et inséré à l'article 184 du code civil ait pu s'appliquer pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, en toute hypothèse, le délai de prescription n'était pas susceptible de courir tant que Mme B...n'était pas en mesure d'agir ; qu'en s'abstenant de rechercher si la demanderesse n'avait pas été mise dans l'impossibilité d'agir avant la transcription du mariage attaqué sur l'acte de naissance de Michel Y...le 18 octobre 1979, en sorte que le point de départ de la prescription trentenaire devait être reporté à cette date, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 184 et 2234 nouveaux du code civil ;
3°/ que, à supposer que les règles gouvernant en l'espèce le point de départ ou la suspension du délai de prescription fussent celles qui étaient en vigueur avant la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'arrêt encourrait encore la cassation, pour la raison exposée à la première branche du moyen, pour défaut de base légale au regard de l'article 184 ancien du code civil et de la règle selon laquelle la prescription ne court pas à l'encontre de celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé, à bon droit, que la loi du 17 juin 2008 a maintenu à trente ans le délai de prescription applicable à l'action en nullité absolue du mariage ;
Attendu, d'autre part, que la règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement quelconque résultant soit de la loi, soit de la convention ou de la force majeure, ne s'applique pas lorsque le titulaire de l'action disposait encore, au moment où cet empêchement a pris fin, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription ; qu'ayant relevé que Mme B...indiquait dans ses écritures qu'elle aurait pu connaître la situation matrimoniale antérieure de son époux à la date de mention du mariage contracté avec Mme Z... sur l'acte de naissance de Michel Y..., soit le 18 octobre 1979, et qu'elle aurait pu prendre connaissance de l'acte de naissance de son conjoint lors de son mariage en décembre 1991, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, en a déduit que Mme B...disposait encore du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription, et que son action était prescrite ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
|
==> La prescription de la nullité relative
- Délai
- L’article 181 du Code civil prévoit que « la demande en nullité n’est plus recevable à l’issue d’un délai de cinq ans à compter du mariage. »
- Ce délai est donc considérablement réduit en comparaison de celui qui court en matière de nullité absolue
- Point de départ
- La prescription de l’action en nullité relative a pour point de départ le jour de la célébration du mariage
- En cas d’impossibilité d’exercer cette action, elle pourra toujours être exercée au-delà du délai de prescription, en application de l’adage contra non valentem agere non currit praescriptio, soit une prescription ne peut s’appliquer contre quelqu’un qui ne peut pas agir
- Cas particulier du défaut d’autorisation familiale
- L’article 183 du Code civil prévoit que « l’action en nullité ne peut plus être intentée ni par les époux, ni par les parents dont le consentement était requis, toutes les fois que le mariage a été approuvé expressément ou tacitement par ceux dont le consentement était nécessaire, ou lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de leur part, depuis qu’ils ont eu connaissance du mariage. Elle ne peut être intentée non plus par l’époux, lorsqu’il s’est écoulé cinq années sans réclamation de sa part, depuis qu’il a atteint l’âge compétent pour consentir par lui-même au mariage.»
- Il ressort de cette disposition se prescrit différemment selon le titulaire de l’action
- Action des parents et ascendants
- Le délai de prescription est de 5 ans
- Il commence à courir à compter du jour où les parents ont et connaissance du mariage
- Aucune action en nullité ne peut plus être intentée à l’expiration du délai de 5 ans
- Action de l’époux
- Le délai de prescription est également pour l’époux de 5 ans
- Toutefois, le délai commence à courir à compter du jour où il a atteint l’âge requis pour contracter mariage, soit 18 ans révolus
B) Les effets de la nullité
1. L’effet rétroactif de la nullité
Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.
Cela signifie, autrement dit, que le mariage est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
Dans la mesure où le mariage aura nécessairement reçu un commencement d’exécution, son annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.
L’effet rétroactif est attaché, tant à la nullité relative, qu’à la nullité absolue.
La rétroactivité à plusieurs conséquences sur la situation des époux, quant à leur personne et quant à leurs biens
L’obligation de communauté de vie, le devoir de fidélité, d’assistance et de secours sont considérés comme n’ayant jamais existé.
Un époux ne saurait, en conséquence, se prévaloir de l’adultère de son conjoint consécutivement à la rupture, ou encore revendiquer le paiement d’une prestation compensatoire.
Plus généralement, les rapports patrimoniaux entre les époux se régleront selon les règles du droit commun et non selon le droit des régimes matrimoniaux.
2. Le mariage putatif
==> Principe
Compte tenu de la gravité de la sanction que constitue la nullité, en ce qu’elle met brutalement un terme à l’union conjugale, le législateur a adouci, à certains égards, ses effets.
Cet assouplissement des effets de la nullité se traduit, notamment par l’instauration du mariage putatif.
Ce système consiste, non pas à préserver l’union conjugale dont la rupture est d’ores et déjà consommée, mais à limiter l’annulation aux seuls effets à venir.
Autrement dit, la nullité n’opérera pas sur les effets passés du mariage.
Cette limitation des effets de la nullité est sous-tendue par l’idée que, ni les enfants, ni l’époux de bonne foi ne doivent être touchés par la sévérité de la sanction, en conséquence de quoi il apparaît juste de faire perdurer, à leur seul bénéfice, certains effets du mariage.
==> Conditions
- L’exigence de bonne foi des époux
- L’article 201 du Code civil prévoit que « le mariage qui a été déclaré nul produit, néanmoins, ses effets à l’égard des époux, lorsqu’il a été contracté de bonne foi. »
- Il ressort de cette disposition que le mariage putatif opère, à la seule et unique condition que les époux soient de bonne foi.
- La bonne foi consiste pour un époux en l’ignorance de l’existence d’un empêchement dirimant, soit de la cause de nullité du mariage
- L’erreur commise par l’époux peut être de droit ou de fait
- La jurisprudence n’exige pas que l’erreur soit excusable, ni ne distingue selon les vices qui affectent la validité du mariage
- Il suffit que la bonne foi existe au moment du mariage
- Par ailleurs, la bonne foi est toujours présumée de sorte qu’il appartient à l’époux qui conteste l’application du mariage putatif de rapporter la preuve de la mauvaise foi de son conjoint
- Il n’est pas nécessaire que les deux époux soient de bonne foi.
- L’alinéa 2 de l’article 201 prévoit en ce sens que « si la bonne foi n’existe que de la part de l’un des époux, le mariage ne produit ses effets qu’en faveur de cet époux.»
- L’indifférence de la situation des enfants
- L’article 202 du Code civil prévoit que le mariage putatif « produit aussi ses effets à l’égard des enfants, quand bien même aucun des époux n’aurait été de bonne foi. »
- Ainsi, est-il indifférent qu’aucun des époux ne soit de bonne foi s’agissant des effets du mariage putatif à l’égard des enfants.
==> Effets
- Les effets à l’égard des époux
- Plusieurs situations sont susceptibles de se présenter
- Les deux époux sont de mauvaise foi
- Dans cette hypothèse le mariage putatif n’opérera pour aucun des deux
- Cela signifie que la nullité anéantira, tant les effets futurs du mariage que ses effets passés
- Le mariage sera réputé n’avoir produit aucun effet à l’égard des époux
- Aucun d’eux ne pourra se prévaloir des conventions matrimoniales
- Un des époux est de bonne foi
- Dans cette hypothèse, la nullité opérera sans rétroactivité pour l’époux de bonne foi
- Quant au conjoint de mauvaise foi, il ne pourra pas bénéficier du mariage putatif
- Il subira les effets de la rétroactivité de la nullité qui donc lui interdira de se prévaloir des effets passés du mariage
- Les deux époux sont de bonne foi
- Le mariage putatif opérera pour les deux époux, si bien que seuls les effets futurs du mariage seront anéantis
- Les effets passés seront maintenus, nonobstant l’annulation de l’union conjugale
- Les rapports entre époux se régleront selon les prescriptions du droit des régimes matrimoniaux
- Les époux pourront alors conserver le bénéfice des libéralités consenties l’un à l’autre
- Les effets à l’égard des enfants
- Les enfants bénéficieront, en toute hypothèse, du mariage putatif, peu importe que leurs parents soient de bonne ou de mauvaise foi
- Cette faveur présentait un intérêt particulier lorsque le droit opérait une distinction entre les enfants légitimes (issus du mariage) et les enfants naturels (issus du concubinage).
- En effet, les enfants conservaient la légitimité qu’ils avaient acquise sous l’effet du mariage de leur parent
- Désormais, ce régime de faveur n’a que peu d’intérêt en pratique dès lors que la distinction entre la filiation légitime et naturelle a été abolie par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation
- L’alinéa 2 de l’article 202 prévoit seulement que « le juge statue sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale comme en matière de divorce. »
- Les effets à l’égard des tiers
- Aucune disposition du Code civil ne règle les effets du mariage putatif à l’égard des tiers
- Il en résulte que c’est le droit commun qui leur est applicable, en particulier la théorie de l’apparence
- Le mariage entaché de nullité étant réputé n’avoir jamais existé, les époux sont considérés comme des concubins
- Or la jurisprudence admet que dès lors que des concubins ont donné l’apparence d’un couple marié, les tiers sont fondés à se prévaloir des dispositions qui régissent leurs relations avec les époux, notamment l’article 220 relatif à la solidarité des dettes ménagères.
- L’invocation de la théorie de l’apparence est cependant subordonnée à la réunion de plusieurs conditions :
- Une situation contraire à la réalité
- Une croyance légitime du tiers
- Une erreur excusable du tiers
- Une imputabilité de l’apparence au titulaire véritable