Conditions de mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle: le fait générateur

Cinquième et dernière sanction susceptible d’être encourue par la partie qui a manqué à ses obligations contractuelles : la condamnation au paiement de dommages et intérêts.

Cette sanction prévue par l’article 1217 du Code civil présente la particularité de pouvoir être cumulée avec les autres sanctions énoncées par le texte. Anciennement traitée aux articles 1146 à 1155 du Code civil, elle est désormais envisagée dans une sous-section 5 intitulée « la réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat ».

Tel qu’indiqué par l’intitulé de cette sous-section 5, l’octroi des dommages et intérêts au créancier vise, à réparer les conséquences de l’inexécution contractuelle dont il est victime.

Si, à certains égards, le système ainsi institué se rapproche de l’exécution forcée par équivalent, en ce que les deux sanctions se traduisent par le paiement d’une somme d’argent, il s’en distingue fondamentalement, en ce que l’octroi de dommages et intérêts a pour finalité, non pas de garantir l’exécution du contrat, mais de réparer le préjudice subi par le créancier du fait de l’inexécution du contrat. Les finalités recherchées sont donc différentes.

S’agissant de l’octroi de dommages et intérêts au créancier victime d’un dommage, le mécanisme institué aux articles 1231 et suivants du Code civil procède de la mise en œuvre d’une figure bien connue du droit des obligations, sinon centrale : la responsabilité contractuelle.

Classiquement, il est admis que cette forme de responsabilité se rapproche très étroitement de la responsabilité délictuelle.

Ce rapprochement ne signifie pas pour autant que les deux régimes de responsabilité se confondent, bien que le maintien de leur distinction soit contesté par une partie de la doctrine.

En effet, à l’instar de la responsabilité délictuelle la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle est subordonnée à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • L’inexécution d’une obligation contractuelle
  • Un dommage
  • Un lien de causalité entre l’inexécution de l’obligation et le dommage

Nous nous focaliserons ici sur la première condition.

L’article 1231-1 du Code civil dispose que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »

Il ressort de cette disposition que, pour être remplie, la condition tenant à l’exécution contractuelle, un manquement contractuel doit, d’une part, être caractérisé. D’autre part, ce manquement doit pouvoir être imputé au débiteur, faute de quoi sa responsabilité ne pourra pas être recherchée.

1. L’exigence d’un manquement contractuel

L’article 1231-1 du Code civil subordonne la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’existence :

  • Soit à l’inexécution de l’obligation
  • Soit d’un retard dans l’exécution de l’obligation

Il ressort de cette disposition que l’inexécution contractuelle doit être entendue largement, celle-ci pouvant être totale ou partielle. Mais elle peut également consister en une exécution tardive ou défectueuse.

Plus généralement, l’inexécution visée par l’article 1231-1 du Code civil s’apparente en un manquement, par le débiteur, aux stipulations contractuelles.

La question qui alors se pose est de savoir en quoi ce manquement doit-il consister pour être générateur de responsabilité contractuelle ; d’où il s’ensuit la problématique de la preuve.

a. Le contenu du manquement

Très tôt la question s’est donc posée de savoir ce que l’on doit entendre par manquement contractuel, le Code civil étant silencieux sur ce point.

Plus précisément on s’est demandé si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté devait être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute était indifférent.

a.1. Problématique de la faute

Sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, le Code civil semblait apporter deux réponses contradictoires à cette interrogation.

  • D’un côté, l’article 1137, al. 1er disposait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables. »
    • On en déduisait, que pour rechercher la responsabilité contractuelle du débiteur, il appartenait au créancier, non seulement de rapporter la preuve d’une inexécution, mais encore d’établir que le débiteur ne s’était pas comporté en bon père de famille.
    • Classiquement, l’expression « bon père de famille » désigne la personne qui est avisée, soignée et diligente.
    • Conformément à cette définition, le débiteur ne pourrait, dès lors, voir sa responsabilité contractuelle engagée que s’il peut lui être reproché des faits de négligence ou d’imprudence que le contractant, bon père de famille, placé dans les mêmes conditions, n’aurait pas commis.
  • D’un autre côté, l’article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • À la différence de l’ancien article 1137 du Code civil cette disposition n’exigeait pas du créancier qu’il prouve que le débiteur ne s’est pas comporté en bon père de famille pour que sa responsabilité puisse être recherchée.
    • Il s’évinçait donc de l’article 1147 que l’absence de faute du débiteur était sans incidence : seule importe l’existence d’une inexécution contractuelle.

Au bilan, tandis que l’ancien article 1137 du Code civil subordonnait la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle à l’établissement d’une faute, l’article 1147 ne l’exigeait pas, la seule inexécution contractuelle se suffisant à elle-même.

Pour sortir de l’impasse et résoudre cette contradiction, un auteur, René Demogue, suggéra de raisonner en opérant une distinction entre :

  • D’une part, les obligations de moyens qui relèveraient de l’application de l’article 1137 du Code civil
  • D’autre part, les obligations de résultat qui obéiraient, quant à elles, à la règle posée à l’article 1147

a.2. Obligations de moyens et obligations de résultat

?Exposé de la distinction

Demogue soutenait ainsi que la conciliation entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil tenait à la distinction entre les obligations de résultat et les obligations de moyens :

  • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur est contraint d’atteindre un résultat déterminé
    • Exemple: Dans le cadre d’un contrat de vente, pèse sur le vendeur une obligation de résultat : celle livrer la chose promise. L’obligation est également de résultat pour l’acheteur qui s’engage à payer le prix convenu.
    • Il suffira donc au créancier de démontrer que le résultat n’a pas été atteint pour établir un manquement contractuel, source de responsabilité pour le débiteur
  • L’obligation est de moyens lorsque le débiteur s’engage à mobiliser toutes les ressources dont il dispose pour accomplir la prestation promise, sans garantie du résultat
    • Exemplele médecin a l’obligation de soigner son patient, mais n’a nullement l’obligation de le guérir.
    • Dans cette configuration, le débiteur ne promet pas un résultat : il s’engage seulement à mettre en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre un bon père de famille pour atteindre le résultat

La distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat rappelle immédiatement la contradiction entre les anciens articles 1137 et 1147 du Code civil.

  • En matière d’obligation de moyens
    • Pour que la responsabilité du débiteur puisse être recherchée, il doit être établi que celui-ci a commis une faute, soit que, en raison de sa négligence ou de son imprudence, il n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat promis.
    • Cette règle n’est autre que celle posée à l’ancien article 1137 du Code civil.
  • En matière d’obligation de résultat
    • Il est indifférent que le débiteur ait commis une faute, sa responsabilité pouvant être recherchée du seul fait de l’inexécution du contrat.
    • On retrouve ici la règle édictée à l’ancien article 1147 du Code civil.

La question qui alors se pose est de savoir comment déterminer si une obligation est de moyens ou de résultat.

?Critères de la distinction

En l’absence d’indications textuelles, il convient de se reporter à la jurisprudence qui se détermine au moyen d’un faisceau d’indices.

Plusieurs critères – non cumulatifs – sont, en effet, retenus par le juge pour déterminer si l’on est en présence d’une obligation de résultat ou de moyens :

  • La volonté des parties
    • La distinction entre obligation de résultat et de moyens repose sur l’intensité de l’engagement pris par le débiteur envers le créancier.
    • La qualification de l’obligation doit donc être appréhendée à la lumière des clauses du contrat et, le cas échéant, des prescriptions de la loi.
    • En cas de silence de contrat, le juge peut se reporter à la loi qui, parfois, détermine si l’obligation est de moyens ou de résultat.
    • En matière de mandat, par exemple, l’article 1991 du Code civil dispose que « le mandataire est tenu d’accomplir le mandat tant qu’il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution ».
    • C’est donc une obligation de résultat qui pèse sur le mandataire.
  • Le contrôle de l’exécution
    • L’obligation est de résultat lorsque le débiteur a la pleine maîtrise de l’exécution de la prestation due.
    • Inversement, l’obligation est plutôt de moyens, lorsqu’il existe un aléa quant à l’obtention du résultat promis
    • En pratique, les obligations qui impliquent une action matérielle sur une chose sont plutôt qualifiées de résultat.
    • À l’inverse, le médecin, n’est pas tenu à une obligation de guérir (qui serait une obligation de résultat) mais de soigner (obligation de moyens).
    • La raison en est que le médecin n’a pas l’entière maîtrise de la prestation éminemment complexe qu’il fournit.
  • Rôle actif/passif du créancier
    • L’obligation est de moyens lorsque le créancier joue un rôle actif dans l’exécution de l’obligation qui échoit au débiteur
    • En revanche, l’obligation est plutôt de résultat, si le créancier n’intervient pas

?Mise en œuvre de la distinction

Le recours à la technique du faisceau d’indices a conduit la jurisprudence à ventiler les principales obligations selon qu’elles sont de moyens ou de résultat.

L’examen de la jurisprudence révèle néanmoins que cette dichotomie entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’est pas toujours aussi marquée.

Il est, en effet, certaines obligations qui peuvent être à cheval sur les deux catégories, la jurisprudence admettant, parfois, que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve qu’il n’a commis aucune faute.

Pour ces obligations on parle d’obligations de résultat atténué ou d’obligation de moyens renforcée : c’est selon. Trois variétés d’obligations doivent donc, en réalité, être distinguées.

  • Les obligations de résultat
    • Au nombre des obligations de résultat on compte notamment :
      • L’obligation de payer un prix, laquelle se retrouve dans la plupart des contrats (vente, louage d’ouvrage, bail etc.)
      • L’obligation de délivrer la chose en matière de contrat de vente
      • L’obligation de fabriquer la chose convenue dans le contrat de louage d’ouvrage
      • L’obligation de restituer la chose en matière de contrat de dépôt, de gage ou encore de prêt
      • L’obligation de mettre à disposition la chose et d’en assurer la jouissance paisible en matière de contrat de bail
      • L’obligation d’acheminer des marchandises ou des personnes en matière de contrat de transport
      • L’obligation de sécurité lorsqu’elle est attachée au contrat de transport de personnes (V. en ce sens Cass. ch. mixte, 28 nov. 2008, n° 06-12.307).
  • Les obligations de résultat atténuées ou de moyens renforcées
    • Parfois la jurisprudence admet donc que le débiteur d’une obligation de résultat puisse s’exonérer de sa responsabilité.
    • Pour ce faire, il devra renverser la présomption de responsabilité en démontrant qu’il a exécuté son obligation sans commettre de faute.
    • Tel est le cas pour :
      • L’obligation de conservation de la chose en matière de contrat de dépôt
      • L’obligation qui pèse sur le preneur en matière de louage d’immeuble qui, en application de l’article 1732 du Code civil, « répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu sans sa faute »
      • L’obligation de réparation qui échoit au garagiste et plus généralement à tout professionnel qui fournit une prestation de réparation de biens (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 2 févr. 1994, n°91-18764).
      • L’obligation qui échoit sur le transporteur, en matière de transport maritime, qui « est responsable de la mort ou des blessures des voyageurs causées par naufrage, abordage, échouement, explosion, incendie ou tout sinistre majeur, sauf preuve, à sa charge, que l’accident n’est imputable ni à sa faute ni à celle de ses préposés » (art. L. 5421-4 du code des transports)
      • L’obligation de conseil que la jurisprudence appréhende parfois en matière de contrats informatiques comme une obligation de moyen renforcée.
  • Les obligations de moyens
    • À l’analyse les obligations de moyens sont surtout présentes, soit dans les contrats qui portent sur la fourniture de prestations intellectuelles, soit lorsque le résultat convenu entre les parties est soumis à un certain aléa
    • Aussi, au nombre des obligations de moyens figurent :
      • L’obligation qui pèse sur le médecin de soigner son patient, qui donc n’a nullement l’obligation de guérir (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 4 janv. 2005, n°03-13.579).
        • Par exception, l’obligation qui échoit au médecin est de résultat lorsqu’il vend à son patient du matériel médical qui est légitimement en droit d’attendre que ce matériel fonctionne (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°03-12.146).
        • Il en va de même s’agissant de l’obligation d’information qui pèse sur le médecin, la preuve de l’exécution de cette obligation étant à sa charge et pouvant se faire par tous moyens.
      • L’obligation qui pèse sur la partie qui fournit une prestation intellectuelle, tel que l’expert, l’avocat (réserve faite de la rédaction des actes), l’enseignant,
      • L’obligation qui pèse sur le mandataire qui, en application de l’article 1992 du Code civil « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion. »
      • L’obligation de surveillance qui pèse sur les structures qui accueillent des enfants ou des majeurs protégés (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 mars 1997, n°95-12.891).

?Sort de la distinction après la réforme du droit des obligations

La lecture de l’ordonnance du 10 février 2016 révèle que la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de résultat n’a pas été reprise par le législateur, à tout le moins formellement.

Est-ce à dire que cette distinction a été abandonnée, de sorte qu’il n’a désormais plus lieu d’envisager la responsabilité du débiteur selon que le manquement contractuel porte sur une obligation de résultat ou de moyens ?

Pour la doctrine rien n’est joué. Il n’est, en effet, pas à exclure que la Cour de cassation maintienne la distinction en s’appuyant sur les nouveaux articles 1231-1 et 1197 du Code civil, lesquels reprennent respectivement les anciens articles 1147 et 1137.

Pour s’en convaincre il suffit de les comparer :

  • S’agissant des articles 1231-1 et 1147
    • L’ancien article 1147 prévoyait que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
    • Le nouvel article 1231-1 prévoit que « le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure. »
  • S’agissant des articles 1197 et 1137
    • L’ancien article 1137 prévoyait que « l’obligation de veiller à la conservation de la chose, soit que la convention n’ait pour objet que l’utilité de l’une des parties, soit qu’elle ait pour objet leur utilité commune, soumet celui qui en est chargé à y apporter tous les soins raisonnables ».
    • Le nouvel article 1197 prévoit que « l’obligation de délivrer la chose emporte obligation de la conserver jusqu’à la délivrance, en y apportant tous les soins d’une personne raisonnable. »

Une analyse rapide de ces dispositions révèle que, au fond, la contradiction qui existait entre les anciens articles 1137 et 1147 a survécu à la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016 et la loi de ratification du 21 avril 2018, de sorte qu’il y a tout lieu de penser que la Cour de cassation ne manquera pas de se saisir de ce constat pour confirmer la jurisprudence antérieure.

b. La preuve du manquement

La mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est subordonnée à la preuve d’un manquement contractuel.

Deux questions alors se posent :

  • D’une part, sur qui pèse la charge de la preuve ?
  • D’autre part, quel est l’objet de la preuve ?

Ces questions sont manifestement indissociables de la problématique consistant à se demander si, pour engager la responsabilité contractuelle du débiteur, le manquement constaté doit être constitutif d’une faute ou si l’établissement d’une faute est indifférent.

Le régime de la preuve en matière contractuelle est, en effet, radicalement différent selon que la mise en œuvre de la responsabilité du débiteur est ou non subordonnée à la caractérisation d’une faute.

On en revient alors à la distinction entre l’obligation de moyens et l’obligation de résultat qui détermine le régime probatoire applicable.

  • Lorsque l’obligation est de moyen, le créancier doit établir la faute du débiteur
    • Autrement dit, il doit démontrer que le débiteur n’a pas mis en œuvre tous les moyens dont il disposait pour atteindre le résultat convenu ainsi que l’aurait fait le bon père de famille.
    • La gravité de la faute ici importe peu : la responsabilité du débiteur est engagée dès lors qu’il est établi qu’il a manqué à ses obligations contractuelles par négligence ou une imprudence.
    • Cette gravité de la faute ne sera prise en compte que pour déterminer s’il y a lieu d’exclure les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité.
  • Lorsque l’obligation est de résultat, il suffit au créancier de démontrer que le résultat promis n’a pas été atteint
    • Dans cette configuration, la charge de la preuve est en quelque sorte inversée : ce n’est pas au créancier de démontrer que le débiteur a manqué à ses obligations, mais au débiteur de prouver que le résultat stipulé au contrat a bien été atteint.
    • L’exécution, même partielle, des obligations du débiteur, ne lui permet pas de s’exonérer de sa responsabilité.
    • Seul compte ici l’atteinte du résultat auquel s’est engagé le débiteur.
    • Pour s’exonérer de sa responsabilité, ce dernier ne disposera que d’une seule option : établir la survenance d’une cause étrangère.

2. L’imputabilité du manquement

S’il est absolument nécessaire pour que le débiteur d’une obligation engage sa responsabilité qu’une inexécution du contrat, même partielle, puisse lui être reprochée, il est indifférent que cette inexécution ne résulte pas de son fait personnel.

Lorsque, en effet, l’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui ou au fait d’une chose, le débiteur est également susceptible d’engager sa responsabilité.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelle mesure le débiteur répond-il du fait d’autrui et du fait d’une chose.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’autrui

Il est classiquement admis que le débiteur d’une obligation peut engager sa responsabilité contractuelle du fait d’autrui.

Tout d’abord, la loi prévoit de nombreux cas de responsabilité contractuelle du fait d’autrui. Il en va ainsi en matière de :

  • Contrat de bail, le preneur répondant des dégradations et des pertes qui arrivent par « le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires » (art. 1735 C.civ.)
  • Contrat d’entreprise, le maître d’ouvrage répondant « du fait des personnes qu’il emploie » (art. 1797 C. civ.)
  • Contrat d’hôtellerie, l’hôtelier étant responsable « du vol ou du dommage de ces effets, soit que le vol ait été commis ou que le dommage ait été causé par leurs préposés, ou par des tiers allant et venant dans l’hôtel. » (art. 1953 C. civ.)
  • Contrat de mandat, le mandataire répondant « de celui qui s’est substitué dans sa gestion (art. 1994 C. civ.)
  • Contrat de transport, le commissionnaire de transport étant « garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises. » (art. L. 132-6 C. com.)

Ensuite, la jurisprudence reconnaît la responsabilité contractuelle du fait d’autrui lorsque le débiteur a volontairement introduit un tiers dans l’exécution de son obligation.

Il en va ainsi du préposé, du sous-traitant, du mandataire, des représentants du débiteur et plus généralement de tous ceux interviennent sur la demande du débiteur dans la relation contractuelle.

Il en résulte a contrario que lorsque l’intervention du tiers est spontanée, le débiteur n’engage pas sa responsabilité contractuelle en cas d’inexécution contractuelle du fait de ce tiers.

Dans un arrêt du 15 janvier 1993 la Cour d’appel de Grenoble a parfaitement résumé la règle en affirmant que « la responsabilité contractuelle du fait d’autrui couvre les fautes de toutes les personnes auxquelles le débiteur de l’obligation fait appel pour l’exécution du contrat » (CA Grenoble, 15 janv. 1993).

Reste que la responsabilité contractuelle du fait d’autrui ne va en général conduire à faire peser la charge de la dette de réparation sur la tête du cocontractant débiteur que de manière temporaire.

En effet, celui-ci sera fondé, dans le cadre de l’exercice d’une action récursoire, à obtenir le remboursement des sommes qu’il aura exposées auprès du tiers à l’origine du dommage.

?L’inexécution contractuelle est imputable au fait d’une chose

Bien que le Code civil soit silencieux sur la responsabilité contractuelle du fait des choses, elle a pourtant été conceptualisée par la doctrine qui distingue deux hypothèses :

  • Première hypothèse : la chose est l’objet de l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie aux contrats qui ont pour objet le transfert de propriété de la chose ou sa mise à disposition.
    • Tel est le cas des contrats de vente, d’entreprise ou encore de bail
    • Pour ces contrats, le contractant qui transfère la propriété ou la jouissance de la chose est, la plupart du temps, tenu de garantir son cocontractant contre les vices cachés
    • Aussi, lorsqu’un tel vice affecte l’usage de la chose, l’inexécution contractuelle a bien pour origine cette chose.
    • Le débiteur de l’obligation de garantie engage donc bien sa responsabilité contractuelle du fait de la chose objet du contrat.
  • Seconde hypothèse : la chose est un moyen d’exécuter l’obligation
    • Cette hypothèse renvoie principalement aux contrats d’entreprise dont l’exécution suppose l’utilisation de choses par le maître d’œuvre tels que, par exemple, des outils ou des instruments.
    • Aussi, le maître d’œuvre engage sa responsabilité lorsqu’un dommage est causé par l’une des choses qu’il avait sous sa garde et qu’il a utilisée pour fournir la prestation promise.
  1. J. Carbonnier, Droit civil : les biens, les obligations, éd. PUF, coll. « Quadrige », 2004, t. 2, n°1094, p. 2222 ?
  2. J. Béguin, Rapport sur l’adage “nul ne peut se faire justice soi-même” en droit français, Travaux Association H. Capitant, t. XVIII, p. 41 s ?
  3. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, coll. « bibliothèque de droit privé », 1992, n°495, p. 287 et s. ?
  4. J. Mestre, obs. RTD civ. 1985, p. 372 s ?
  5. D. Mazeaud, op. cit., n°630, p. 359 ?
  6. F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 9e éd. Dalloz, coll. « Précis droit privé », 2005, n°624, p. 615 ?

Modèle d’assignation en référé probatoire par-devant le Président près le Tribunal de grande instance (art. 145 CPC)

 

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ASSIGNATION EN RÉFÉRÉ
PAR-DEVANT LE PRÉSIDENT
PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE […]

L’AN DEUX MILLE […]
ET LE

 

A LA DEMANDE DE :

[Si personne physique]

Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], [profession], demeurant à [adresse]

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Ayant pour avocat :

Maître [nom, prénom], Avocat inscrit au Barreau de [ville], y demeurant [adresse]

Au cabinet duquel il est fait élection de domicile

 

J‘AI HUISSIER SOUSSIGNÉ :

 

DONNÉ ASSIGNATION À :

[Si personne physique]

Monsieur ou Madame [nom, prénom], né le [date], de nationalité [pays], [profession], demeurant à [adresse]

Où étant et parlant à :

[Si personne morale]

La société [raison sociale], [forme sociale], au capital social de [montant], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de [ville] sous le numéro […], dont le siège social est sis [adresse], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés, en cette qualité, audit siège

Où étant et parlant à :

 

D’AVOIR À COMPARAÎTRE :

Le [date] à [heures]

Par-devant le Président près le Tribunal de Grande Instance de [ville], séant dite ville [adresse]

 

ET L’INFORME :

Qu’un procès lui est intenté pour les raisons exposées ci-après.

Que, les parties se défendent elles-mêmes ou ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat.

Qu’à défaut de comparaître à cette audience ou à toute autre à laquelle l’examen de cette affaire serait renvoyé, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

Les pièces sur lesquelles la demande est fondée sont visées et jointes en fin d’acte selon bordereau.

 

TRÈS IMPORTANT

Il est, par ailleurs, rappelé au défendeur les articles du Code de procédure civile reproduits ci-après :

Article 640

Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Article 641

Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

 Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Article 642

Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

 Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Article 642-1

Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

Article 643

Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de tierce opposition dans l’hypothèse prévue à l’article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :

1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;

2. Deux mois pour celles qui demeurent à l’étranger.

 

PLAISE AU TRIBUNAL

Préalablement à la saisine du Tribunal de céans, [identité du demandeur] a tenté de résoudre amiablement le litige en proposant à [identité du défendeur] de [préciser les diligences accomplies] :

Toutefois, cette tentative de règlement amiable n’a pas abouti pour les raisons suivantes : [préciser les raisons de l’échec]

I) RAPPEL DES FAITS

  • Exposer les faits de façon synthétique et objective, tel qu’ils pourraient être énoncés dans le jugement à intervenir
  • Chaque élément de fait doit, en toute rigueur, être justifié au moyen d’une pièce visée dans le bordereau joint en annexe, numérotée et communiquée à la partie adverse et au juge

II) DISCUSSION

A) Sur l’adoption de mesure d’instruction in futurum

  1. En droit

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC, la mesure sollicitée doit être justifiée par la nécessité de conserver ou d’établir les faits en vue d’un procès potentiel.

==> Sur les conditions

Il ressort du texte que la mise en œuvre de cette procédure est subordonnée à la réunion de conditions cumulatives.

D’une part, La demande ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d’un motif légitime, dont l’existence est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. 2e civ., 8 février 200, n°05-14198).

La légitimité du motif est étroitement liée à la situation des parties et à la nature de la mesure sollicitée, le motif n’étant légitime que si les faits à établir ou à conserver sont eux-mêmes pertinents et utiles.

Le juge n’a pas à caractériser la légitimité de la mesure au regard des différents fondements juridiques possibles de l’action en vue de laquelle elle était sollicitée (Cass. 2e civ., 8 juin 2000, n° 97-13962).

Les mesures d’instruction peuvent tendre à la conservation des preuves, mais aussi à l’établissement de faits, et peuvent concerner des tiers, si aucun empêchement légitime ne s’y oppose (Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n°10-20048).

En tout état de cause, les mesures d’investigation ordonnées, que ce soit en référé ou sur requête, doivent être légalement admissibles.

D’autre part, mesure par nature préventive, le référé de l’article 145 du code de procédure civile, parfois appelé « référé instruction », a pour objet de permettre à un sujet de droit de se procurer une preuve dont il pourrait avoir besoin à l’appui d’un procès potentiel. Aussi, encore faut-il que ce dernier soit envisageable.

Le litige doit être potentiel, ce qui signifie qu’il ne doit pas être en cours. Selon une jurisprudence bien établie, la condition tenant à l’absence d’instance au fond, prescrite par le texte (« avant tout procès »), est une condition de recevabilité devant être appréciée, et conséquemment remplie, au jour de la saisine du juge des référés.

Par procès, il faut entendre une instance au fond. Dans un arrêt du 11 mai 1993, la Cour de cassation a considéré qu’une mesure in futurum devait être ordonnée « avant tout procès, c’est-à-dire avant que le juge du fond soit saisi du procès en vue duquel (cette mesure) est sollicitée » (Cass. com., 11 mai 1993).

La saisine du Juge des référés n’interdit donc pas l’introduction d’une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ., 17 juin 1998).

==> Sur les mesures prises

Lorsque le juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, il peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10831). Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises.

À cet égard, ce peut être :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

S’agissant de la production forcée de pièces, c’est de manière prétorienne que les « mesures d’instruction » ont été étendues à cette sollicitation, par combinaison des articles 10, 11 et 145 du CPC.

En effet, l’article 145 relève d’un sous-titre du Code de procédure civile consacrée aux mesures d’instruction.

La production de pièces est régie, quant à elle, par un sous-titre distinct, ce qui a fait dire à certains que, en l’absence de texte prévoyant expressément la production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers, cette mesure ne relevait pas de la compétence du Juge des référés saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Reste que l’article 145 est compris dans le titre VII du Code de procédure dédié à « l’administration judiciaire de la preuve ».

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a admis que le juge des référés puisse ordonner la production forcée de pièces détenues, soit par une autre partie (Cass. com. 11 avril 1995, n° 92-20985 ; Cass. 2eciv. 23 septembre 2004, n° 02-16459 ; Cass. 2e civ., 17 février 2011, n° 10-30638) ou par des tiers (Cass. 1ère civ., 20 décembre 1993, n° 92-12819 ; Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n° 10-20048).

Il a, en effet, été considéré que cette production forcée était de nature à contribuer à la bonne « instruction » de l’affaire.

Pratiquement, il conviendra, de solliciter la production forcée de pièces sous astreinte, afin que l’ordonnance rendue puisse être exécutée efficacement.

Enfin, Lorsque la demande de production forcée de pièces est sollicitée en cours de procédure, il conviendra de se fonder sur les articles 11 et 138 du Code de procédure civile.

2. En l’espèce

 

[…]

 

==> En conséquence, il est donc demandé au Président du Tribunal de céans d’ordonner à [nom de la partie visée] de [préciser la mesure à ordonner], ce sous une astreinte de [X euros] par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir.

B) Sur les frais irrépétibles et les dépens

Compte tenu de ce qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts et faire valoir ses droits, il est parfaitement fondé à solliciter la condamnation de [nom du défendeur] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Les pièces justificatives visées par le requérant sont énumérées dans le bordereau annexé aux présentes écritures.

 

PAR CES MOTIFS

 

Vu l’article 145 du Code de procédure civile
Vu la jurisprudence
Vu les pièces versées au débat

Il est demandé au Tribunal de Grande Instance de [ville] de :

Déclarant la demande de [Nom du demandeur] recevable et bien fondée,

  • ORDONNER à [nom de la partie visée] de [préciser la mesure à ordonner], ce sous une astreinte de [X euros] par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la signification de la décision à intervenir.
  • DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de [nom du demandeur] les frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts

En conséquence,

  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] au paiement de la somme de [montant] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
  • CONDAMNER [nom de l’adversaire] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître [identité de l’avocat concerné], avocat, en application de l’article 699 du Code de procédure civile
  • ORDONNER, vu l’urgence, l’exécution provisoire de l’ordonnance sur minute

 

 

SOUS TOUTES RÉSERVES ET CE AFIN QU’ILS N’EN IGNORENT


Bordereau récapitulatif des pièces visées au soutien de la présente assignation :

Sanction de l’inexécution du contrat: la réduction du prix de la prestation

?Généralisation en droit commun de la sanction

Issu de la réforme du droit des obligations, l’article 1223 du Code civil dispose que « en cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. »

Ainsi, au nombre des sanctions susceptibles d’être invoquées par le créancier en cas de défaillance du débiteur, figure la faculté de solliciter la réduction du prix de la prestation.

Il s’agit d’une sanction intermédiaire entre l’exception d’inexécution et la résolution, qui permet de procéder à une révision du contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu.

À l’examen, l’article 1223 du Code civil a été envisagé par l’ordonnance du 10 février 2016 aux fins de généraliser une sanction connue du code civil, la réduction du prix, inspirée des projets d’harmonisation européens.

Si le code civil ne prévoyait pas de façon générale la possibilité pour le créancier d’accepter une exécution non conforme du débiteur, en contrepartie d’une réduction proportionnelle du prix, cette faculté existe en droit positif à titre spécial, par exemple :

  • En matière de garantie des vices cachés par l’action estimatoire de l’article 1644 du Code civil
  • En matière de vente immobilière en cas de contenance erronée ou de mesure erronée de plus d’un vingtième (articles 1617 et 1619 C. civ.).

À la différence de ces textes spéciaux, l’article 1223 offre toutefois la possibilité au créancier d’une obligation imparfaitement exécutée d’accepter cette réduction sans devoir saisir le juge en diminution du prix. C’est là la véritable nouveauté introduite par cette disposition.

?Modifications apportées par la loi de ratification du 20 avril 2018

Lors de l’élaboration de la loi de ratification adoptée le 20 avril 2018, on s’est interrogé sur l’intérêt du dispositif de réduction du prix mis en place qui, au fond, autorise les parties à renégocier leur contrat, ce qu’elles peuvent naturellement faire sans texte :

  • Le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée mettrait en demeure le débiteur de respecter le contrat conclu.
  • Celui-ci, se trouvant dans l’impossibilité d’exécuter le contrat, offrirait au créancier d’exécuter imparfaitement son obligation et le créancier de l’obligation pourrait en contrepartie solliciter une réduction proportionnelle du prix.

Initialement, le texte issu de l’ordonnance du 10 février 2016 prévoyait seulement que « le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. »

Comme relevé par l’un des rapporteurs au projet de loi, le terme qui prêtait à confusion était celui « d’acceptation », qui laissait à penser qu’une offre préalable d’exécution imparfaite aurait été faite par le débiteur au créancier.

Or, il y a fort à parier que, dans de nombreux cas, le débiteur mis en demeure de s’exécuter ne se risquera pas à faire une telle offre, qui constituerait un aveu de sa défaillance.

Dans l’esprit des rédacteurs de l’ordonnance, il semble que cette absence d’offre de la part du débiteur de l’obligation n’empêche pourtant pas le créancier d’« accepter » son exécution imparfaite et de mettre en œuvre le mécanisme de réduction proportionnelle du prix.

Le créancier est alors érigé en véritable juge de l’exécution du contrat.

Cette situation est sans grande conséquence dans l’hypothèse où le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée a déjà acquitté le prix, puisqu’il ne pourra que solliciter la réduction du prix auprès du débiteur et saisir le juge en cas de refus de celui-ci d’obtempérer.

Il en va tout autrement si le créancier de l’obligation, qui estime que son exécution est imparfaite, n’a pas encore acquitté l’intégralité du prix.

Dans cette hypothèse, le deuxième alinéa de l’article 1223 l’autorisait à notifier au débiteur « sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais ».

Le débiteur se voyait alors imposer cette réduction, à charge pour lui de saisir le juge pour la contester.

L’effet de la décision unilatérale était alors très fort puisque toute latitude était laissée au créancier pour apprécier l’ampleur de l’inexécution et le montant de la réduction demandée.

Cette deuxième hypothèse n’est pas sans avoir provoqué certaines inquiétudes, notamment de la part des professions exerçant une activité de conseil, telle que la profession d’avocat, qui craignaient des abus.

En effet, un client pourrait accepter la convention d’honoraires de son avocat puis, par la suite, s’estimer insatisfait de l’exécution du contrat et décider de réduire les honoraires dus, estimant que la prestation ne valait pas le prix fixé.

En donnant ce pouvoir unilatéral au créancier, les rédacteurs de l’ordonnance se sont écartés complètement de ce qu’est le contrat : la chose des parties.

Aussi, lors de l’élaboration de la loi de ratification, le législateur, en a tiré la conséquence qu’il convenait de supprimer le terme « accepter », qui prêtait à confusion, car il laissait supposer qu’une offre préalable d’exécution imparfaite devrait être formulée par le débiteur pour que le créancier puisse mettre en œuvre le mécanisme de réduction du prix.

Il a, en outre, été décidé qu’il n’y avait pas lieu, comme le faisait l’article 1223 dans son ancienne rédaction, de créer une différence si sensible dans le pouvoir du créancier selon qu’il a payé ou non le prix.

Lorsque le créancier a déjà payé le prix, il ne peut que « solliciter » une réduction auprès du débiteur, alors que s’il n’a pas totalement payé, il peut « décider » unilatéralement cette réduction.

Il en est résulté la suppression du terme « solliciter » qui s’appliquait à l’hypothèse dans laquelle la réduction du prix intervenait alors que le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée s’était déjà acquitté du prix, bien conscient des limites de cette solution, puisque cette décision unilatérale du créancier serait sans effet si le débiteur refusait de rembourser les sommes déjà versées.

Par cohérence, le législateur a également modifié l’article 1217 du code civil, qui énumère les différentes sanctions encourues en cas d’inexécution du contrat, pour remplacer, concernant le mécanisme de la réduction du prix, le mot « solliciter » par le mot « décider ».

Il en a, par ailleurs, profité pour détailler la formulation de l’article 1223 dont les conditions de mise en œuvre sont désormais clarifiées.

Ces conditions diffèrent selon que la réduction du prix intervient :

  • avant le paiement du prix (art. 1223, al. 1er c. civ.)
  • après le paiement du prix (art. 1223, al. 2e civ.)

I) La réduction du prix intervient avant le paiement du prix par le débiteur

L’article 1223, al. 1er du Code civil dispose que « en cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. »

Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier de la prestation imparfaitement exécutée n’aurait pas encore payé tout ou partie du prix, il doit notifier au débiteur sa décision unilatérale de réduire le prix proportionnellement à l’inexécution constatée, dans les meilleurs délais.

Il ressort du texte que l’exercice par le créancier de sa faculté de réduire le prix de la prestation est subordonné au respect de plusieurs conditions.

A) Conditions de fond

?Une exécution imparfaite

Pour que le créancier soit fondé à réduire le prix de la prestation, une exécution imparfaite du contrat doit pouvoir être constatée

Aussi, en se référant à la notion d’« exécution imparfaite », le texte vise l’hypothèse d’une exécution partielle de la prestation, ce qui, par voie de conséquence, rend inéligible à la réduction du prix les cas où l’inexécution de l’obligation est totale.

Une exécution imparfaite peut consister en un retard, en une délivrance partielle de la chose et plus généralement à toute fourniture de la prestation non conforme aux stipulations contractuelles.

?La notification dans les meilleurs délais de la décision de réduction du prix

Il ressort du premier alinéa de l’article 1223 du Code civil que la réduction du prix suppose une notification du débiteur dans les meilleurs délais.

Trois enseignements peuvent être tirés de la règle ainsi posée :

  • Premier enseignement
    • La réduction du prix procède d’une décision unilatérale du créancier.
    • Aussi n’est-il pas nécessaire pour lui de saisir le juge pour que, d’une part, soit constatée l’exécution imparfaite du contrat et, d’autre part, pour que la sanction de la réduction s’applique.
    • Cette sanction est donc à la main du créancier qui dispose d’un pouvoir discrétionnaire en la matière
    • Le débiteur demeure libre de contester en justice la réduction du prix appliquée par le créancier s’il estime qu’elle est mal fondée ou s’il considère qu’elle n’est pas proportionnelle à la gravité de l’inexécution du contrat.
  • Deuxième enseignement
    • L’application de la sanction de réduction du prix de la prestation est subordonnée à la notification de la décision du créancier.
    • Cette notification peut intervenir soit, par voie d’exploit d’huissier, soit par voie de mise en demeure.
    • Elle vise à porter à la connaissance du débiteur la décision prise à son endroit.
    • En ce qu’elle est constitutive d’une déclaration de volonté, conformément au droit commun, le créancier n’a pas à motiver sa décision.
    • La notification matérialise l’exercice, par le créancier, de son droit potestatif à réduire le prix de la prestation.
  • Troisième enseignement
    • L’article 1223, al. 1er du Code civil exige que la notification de la décision du créancier intervienne dans les meilleurs délais.
    • Autrement dit, le créancier ne doit pas tarder à informer le débiteur de sa décision de réduire le prix de la prestation.

?Une réduction du prix proportionnelle à l’inexécution

L’article 1223 du Code civil précise que la réduction du prix sollicitée par le créancier de l’obligation imparfaitement exécutée doit être proportionnelle à la gravité de cette inexécution.

Cette exigence se justifie par la nature de la sanction que constitue la réduction du prix.

Il s’agit, en effet, d’une sanction intermédiaire entre l’exception d’inexécution et la résolution, qui permet de procéder à une révision du contrat à hauteur de ce à quoi il a réellement été exécuté en lieu et place de ce qui était contractuellement prévu.

L’exigence de proportionnalité de la réduction du prix vise à garantir le maintien de l’équilibre contractuel qui ne doit pas être modifié par le créancier sous prétexte de l’exécution imparfaite d’une obligation.

B) Condition de forme

?Notification par mise en demeure du créancier

La mise en œuvre de la sanction de réduction du prix est subordonnée à la mise en demeure préalable du débiteur

Il convient de le prévenir sur le risque auquel il s’expose en cas d’inaction, soit de se voir imposer une réduction du prix de la prestation.

La mise en demeure que le créancier adresse au débiteur doit répondre aux exigences énoncées aux articles 1344 et suivants du Code civil.

Pour rappel, la mise en demeure se définit comme l’acte par lequel le créancier commande à son débiteur d’exécuter son obligation.

Elle peut prendre la forme, selon les termes de l’article 1344 du Code civil, soit d’une sommation, soit d’un acte portant interpellation suffisante.

Quant au contenu de la mise en demeure, l’acte doit comporter :

  • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
  • Le délai – raisonnable – imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
  • La menace d’une sanction

En application de l’article 1344 du Code civil, la mise en demeure peut être notifiée au débiteur :

  • Soit par voie de signification
  • Soit au moyen d’une lettre missive

Par ailleurs, il ressort de l’article 1344 du Code civil que les parties au contrat peuvent prévoir que l’exigibilité des obligations stipulées au contrat vaudra mise en demeure du débiteur.

Dans cette hypothèse, la mise en œuvre de la réduction du prix ne sera donc pas subordonnée à sa mise en demeure.

?Acceptation par écrit du débiteur

Dans l’hypothèse où le créancier décide de réduire le prix de la prestation, l’article 1223 al. 1er précise que « l’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. »

L’acceptation – écrite – par le débiteur de la décision du créancier de réduire le prix de la prestation a pour effet mettre définitivement fin à toute contestation ultérieure du prix.

Si le débiteur n’acceptait pas la réduction de prix, il peut toujours saisir le juge pour contester la décision du créancier.

II) La réduction du prix intervient après le paiement du prix par le débiteur

L’article 1223, alinéa 2 du Code civil dispose que « si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix. »

Il ressort de cette disposition que dans l’hypothèse où le créancier de la prestation aurait déjà payé l’intégralité du prix, il ne pourra que demander au juge d’ordonner au débiteur un remboursement des sommes versées proportionnel à l’inexécution constatée.

Sauf à ce que le débiteur accepte la réduction du prix, ce qui, en pratique sera rarement le cas, le créancier n’aura d’autre choix que de saisir le juge aux fins d’obtenir la mise en œuvre effective de la sanction qu’il aurait appliquée s’il n’avait pas payé le prix de la prestation.

Cette disposition autorise ainsi le juge à prononcer la réduction du prix de la prestation, plutôt que d’octroyer au créancier des dommages et intérêts compensatoires, ce qui suppose l’établissement d’une faute et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Lorsque c’est une réduction du prix de la prestation qui est sollicitée par le créancier, seule l’exécution imparfaite du contrat devra être démontrée, ce qui n’est pas sans faciliter la tâche du créancier sur lequel pèse la charge de la preuve.

Les pouvoirs du Juge de la mise en état

?La désignation du Juge de la mise en état

En application de l’article 779 du CPC, la désignation du Juge de la mise en état peut intervenir dans deux cas :

  • Dans le cadre de la procédure de mise en état conventionnelle
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où les parties ont opté pour la conclusion d’une convention de procédure participative.
    • Plus précisément, un juge de la mise en état sera désigné si les parties ont formulé une demande de date de fixation de l’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.
    • Bien que, par hypothèse, la mise en état soit ici conventionnelle, le juge désigné est chargé de trancher toutes les difficultés susceptibles de naître dans le cadre de la procédure participative.
    • Cette faculté de saisir le juge est une nouveauté introduite par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui a modifié les termes de l’article 1555, 5 du CPC.
    • En effet, cette disposition prévoit désormais que si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention (art. 1555, 5° CPC).
  • Dans le cadre de la procédure de mise en état judiciaire
    • En application de l’article 779 du CPC, lorsque, à l’issue de la procédure d’orientation, le Président du Tribunal ou le Président de chambre à laquelle l’affaire a été distribuée, décide de ne pas renvoyer l’affaire à l’audience aux fins de jugement, il procède à la désignation d’un juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire.
    • Cette désignation peut être décidée, tant au moment de la première audience d’orientation, qu’au moment de la seconde audience qui est susceptible de se tenir lorsque le Président considérera qu’il convient de consentir un délai aux parties avant de décider de l’orientation de l’affaire.
    • En tout état de cause, la désignation du juge de la mise en état, amorce la voie de ce que l’on appelle le circuit long.
    • Elle se produira toutes les fois que l’affaire n’est pas en état d’être jugée, à moins que l’une des parties ait été négligente dans l’observation des délais impartis pour conclure ou produire des pièces auquel cas le Président disposera toujours de la faculté de renvoyer directement l’affaire à l’audience de plaidoiries en guise de sanction, à la condition, toutefois, que la demande ait été formellement exprimée par un avocat.
    • Lorsque le Précisent décide de désigner le juge de la mise en état aux fins d’instruction de l’affaire qui, par hypothèse, n’est pas en état d’être jugée, le greffe est tenu d’en aviser les avocats, conformément au dernier alinéa de l’article 779 du CPC.

?Les missions du Juge de la mise en état

La mission du Juge de la mise en état est d’assurer l’instruction de l’affaire. L’article 780 prévoit en ce sens que « l’affaire est instruite sous le contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle a été distribuée. »

Afin de mener à bien cette mission, le juge de la mise en état doit être guidé par deux objectifs dont l’atteinte conditionne le renvoi de l’affaire à l’audience de jugement :

  • Premier objectif
    • Il appartient au Juge de la mise en état de veiller au déroulement loyal de la procédure, spécialement à la ponctualité de l’échange des conclusions et de la communication des pièces.
    • Autrement dit, le Juge de la mise en état doit être le garant de la bonne tenue du débat judiciaire et, en particulier, du respect du principe du contradictoire.
    • L’observation de ce principe est une condition absolument nécessaire pour qu’il puisse être statué sur l’affaire.
    • L’article 16 du CPC dispose que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. »
    • Le principe de la contradiction est l’un des fondements du procès équitable.
    • Il participe du principe plus général du respect des droits de la défense et du principe de loyauté des débats.
    • À cet égard, pour la Cour européenne, le principe de la contradiction implique notamment le droit pour une partie de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l’autre, ainsi que de les discuter (CEDH, 20 février 1996, Lobo Machado c. Portugal, requête n° 15764/89).
  • Second objectif
    • L’article 799 du CPC prévoit que le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et renvoie l’affaire devant le tribunal pour être plaidée
    • Ainsi, le second objectif qui doit être atteint par le Juge de la mise en état est d’impulser, en adoptant au besoin toutes les mesures utiles, les échanges de conclusions et les communications de pièces jusqu’à ce que le débat soit épuisé.
    • Autrement dit, il a pour tâche de faire en sorte que l’affaire soit en état d’être jugée.
    • Cette mission implique qu’il rythme la procédure en fixant un calendrier procédural, qu’il sollicite des auditions, qu’il entende les avocats, qu’il leur adresse des injonctions ou bien encore qu’il ordonne toute mesure d’instruction légalement admissible.

Au bilan, l’objectif d’efficacité et de célérité des procédures impose d’accorder une attention particulière à la mise en état.

Déjà plusieurs fois améliorée, elle est une phase essentielle et dynamique du procès civil dont l’objectif est de permettre d’audiencer des affaires véritablement en état d’être jugées.

Elle ne doit pas se limiter à de simples échanges de conclusions entre parties. Il s’agit en effet de permettre une mise en état non pas purement formelle mais une mise en état dite « intellectuelle » ce qui implique, de la part du juge notamment, une pleine connaissance de l’état du dossier.

Pour parvenir à cet objectif qui lui est assigné, le Juge de la mise en état dispose de nombreuses prérogatives dont certaines relèvent de sa compétence exclusive, soit de pouvoirs qui lui sont propres.

À cet égard, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a étendu les pouvoirs du Juge de la mise en état.

Il a désormais compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir, y compris lorsqu’il est nécessaire de trancher préalablement une question de fond.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

À l’examen, les pouvoirs – nombreux et étendus – dont est investi le Juge de la mise en état peuvent être classés en deux catégories :

  • Première catégorie : les pouvoirs d’administration judiciaire
    • Ces pouvoirs sont conférés aux juges de la mise en état afin qu’il exerce sa mission de contrôle et d’impulsion de l’instruction.
    • L’adoption de mesures d’administration judiciaire va, en effet, lui permettre d’impulser le débat et de discipliner les parties dans l’échange des conclusions et la production des pièces
    • La particularité des décisions instaurant des mesures d’administration judiciaire est qu’elles sont dépourvues de l’autorité de la chose jugée et qu’elles sont insusceptibles de voies de recours.
  • Seconde catégorie : les pouvoirs juridictionnels
    • Les pouvoirs juridictionnels dont est investi le juge de la mise en état visent à lui permettre de trancher les contestations et incidents susceptibles d’intervenir au cours de l’instruction de l’affaire
    • À la différence des mesures judiciaires, les actes juridictionnels sont assortis de l’autorité de la chose jugée, tantôt au principal, tantôt au provisoire.
    • Ils sont également susceptibles de voies de recours, ce qui dès lors tempère le caractère discrétionnaire et irrévocable des décisions prises par le Juge de la mise en état
    • Enfin, les actes juridictionnels doivent répondre au formalisme qui s’impose au juge lorsqu’il rend un jugement, en particulier à l’exigence de motivation de tout jugement

I) Les pouvoirs d’administration judiciaire

A) Fixation du calendrier procédural

Il ressort de l’article 781 du CPC que le calendrier procédural peut être fixé selon deux modalités différentes.

Il peut être le produit :

  • Soit d’une décision unilatérale du Juge de la mise en état qui imposera aux avocats des délais sans qu’ils aient pu les discuter
  • Soit d’une concertation entre avocats auxquels le Juge de la mise en état aura octroyé la possibilité d’en négocier les termes

1. La fixation unilatérale du calendrier procédural

?La fixation de délais

L’article 781, al. 1er du CPC dispose que « le juge de la mise en état fixe, au fur et à mesure, les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, eu égard à la nature, à l’urgence et à la complexité de celle-ci, et après avoir provoqué l’avis des avocats. »

Il ressort de cette disposition que si lorsque le juge de la mise en état fixe des délais il doit :

  • D’une part, tenir compte d’un certain nombre de critères (urgence, complexité et nature de l’affaire) lesquels doivent lui permettre d’apprécier la durée du délai accordé
  • D’autre part, solliciter l’avis des avocats, ce qui signifie qu’ils doivent être convoqués à l’audience et invité à présenter leurs observations, bien qu’il ne soit pas lié par leurs demandes.

Les délais fixés par le Juge de la mise en état visent à permettre aux parties d’échanger des conclusions et de communiquer des pièces.

Ainsi, le débat contradictoire est-il rythmé par des dates butoirs qui s’imposent tantôt au demandeur, tantôt au défendeur.

Les parties se voient de la sorte invitée tour à tour à conclure dans un délai fixé par le Juge de la mise en état.

En application de l’article 792 du CPC la décision du juge fait l’objet d’une simple mention au dossier.

Parce qu’il s’agit d’une mesure judiciaire, elle est insusceptible de voies de recours.

?L’octroi de prorogations

Lorsque les délais fixés n’ont pas été respectés, soit parce que trop courts, soit parce que les parties ont été négligentes, le juge de la mise en état peut accorder des prorogations (art. 781, al. 2 CPC).

Cette faculté reste à la discrétion du juge qui devra apprécier l’opportunité d’octroyer une telle prorogation.

Autre alternative susceptible d’être retenue par le juge, l’article 764, al. 6 prévoit qu’il peut également renvoyer l’affaire à une conférence ultérieure en vue de faciliter le règlement du litige.

?Les injonctions

Lorsqu’une partie ne respecte pas le délai qui lui était imparti pour conclure, l’article 780 du CPC confère au Juge de la mise en état le pouvoir de prononcer des injonctions de conclure ou de communiquer les pièces attendues.

L’article 774 prévoit, à cet égard, que les injonctions doivent toujours donner lieu à la délivrance d’un bulletin.

Ce bulletin doit être daté et signé par le greffier, et remis ou déposé par celui-ci au lieu où sont effectuées, au siège du tribunal, les notifications entre avocats.

?Les sanctions

En cas de non-respect des délais fixés par le juge de la mise en état, deux sanctions sont encourues par les parties, selon que la négligence est imputable à une seule d’entre elles ou aux deux :

  • La clôture partielle en cas de défaut d’une seule partie
    • L’article 800 du CPC prévoit que « si l’un des avocats n’a pas accompli les actes de la procédure dans le délai imparti, le juge peut ordonner la clôture à son égard, d’office ou à la demande d’une autre partie, sauf, en ce dernier cas, la possibilité pour le juge de refuser par ordonnance motivée non susceptible de recours ».
    • On parlera alors de clôture partielle, car prononcée à l’encontre de la partie qui aura été négligente.
    • Cette clôture partielle est seulement subordonnée au non-respect d’un délai fixé par le juge.
    • Le juge n’est pas contraint, pour prononcer cette sanction, de constater l’inobservation d’une injonction, ni de provoquer l’avis des avocats : une simple défaillance suffit à fonder la clôture
    • La copie de l’ordonnance de clôture partielle est adressée à la partie défaillante, à son domicile réel ou à sa résidence.
    • La partie sanctionnée sera dès lors privée du droit de communiquer de nouvelles pièces et de produire de nouvelles conclusions.
    • Reste que lorsque des demandes ou des moyens nouveaux sont présentés au Juge de la mise ou en cas de cause grave et dûment justifié, ce dernier peut toujours, d’office ou lorsqu’il est saisi de conclusions à cette fin, rétracter l’ordonnance de clôture partielle afin de permettre à la partie contre laquelle la clôture partielle a été prononcée de répliquer.
  • La radiation de l’affaire en cas de négligence des deux parties
    • Principe
      • L’article 801, al. 1er du CPC dispose que « si les avocats s’abstiennent d’accomplir les actes de la procédure dans les délais impartis, le juge de la mise en état peut, d’office, après avis donné aux avocats, prendre une ordonnance de radiation motivée non susceptible de recours. »
      • L’alinéa 2 précise que « copie de cette ordonnance est adressée à chacune des parties par lettre simple adressée à leur domicile réel ou à leur résidence. »
      • Le Juge de la mise en état dispose ainsi de la faculté, en cas de négligence des deux parties, de prononcer la radiation de l’affaire.
      • Cette faculté est un rappel de la règle plus générale énoncée à l’article 381 du CPC qui prévoit que « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ».
    • Effets
      • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
      • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
      • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
      • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »
    • Régime
      • En ce que la radiation est une mesure d’administration judiciaire (art. 383 CPC), elle est insusceptible de voie de recours.
      • Reste que l’article 801 du CPC impose au juge
        • D’une part, de provoquer l’avis des avocats
        • D’autre part, de rendre ordonnance de radiation qui doit être motivée.

2. La fixation concertée du calendrier procédural

L’article 781, al. 3 du CPC prévoit que le juge de la mise en état « peut, après avoir recueilli l’avis des avocats, fixer un calendrier de la mise en état. »

L’alinéa 4 de cette disposition précise que le calendrier comporte alors « le nombre prévisible et la date des échanges de conclusions, la date de la clôture, celle des débats et, par dérogation aux premier et deuxième alinéas de l’article 450, celle du prononcé de la décision. »

S’inspirant des pratiques de juridictions ayant mis en place des « contrats de procédure », l’article 781 introduit par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 a consacré ce dispositif.

L’ancienne rédaction prévoyait seulement que le juge fixe les délais nécessaires à l’instruction de l’affaire, « au fur et à mesure ».

Prise à la lettre, cette disposition interdisait donc les calendriers de procédure. À tout le moins, elle n’incitait pas les juges de la mise en état à s’orienter dans cette voie.

Désormais, le juge, après avoir recueilli l’accord des conseils des parties, peut donc fixer le calendrier de la mise en état qui comportera la date de toutes les étapes de la procédure, y compris celle du jugement.

Ce calendrier ne doit pas se limiter à un simple énoncé de dates. Il doit procéder, pour être efficace, d’une collaboration volontaire et étroite entre les avocats et le juge et résulter d’une action concertée au sein des juridictions.

Sans bouleverser les règles du procès civil, il conduit à un travail en commun qui impose que chacun connaisse tous les éléments du dossier à chaque étape de son traitement et puisse, en quelque sorte, anticiper l’évolution de la mise en état.

En impliquant davantage les auxiliaires de justice, ce dispositif innovant permet indubitablement de raccourcir les délais de procédure en supprimant les audiences formelles de mise en état et en éliminant les temps morts.

L’article 781 prévoit d’ailleurs, spécifiquement les conditions dans lesquelles ce calendrier peut être modifié, afin qu’il ne reste pas seulement indicatif.

Les délais fixés dans le calendrier peuvent, en effet, être prorogés qu’en cas de cause grave et dûment justifiée. À défaut, il conviendra de prononcer la radiation de l’affaire.

B) L’orientation du procès

Le juge de la mise en état a pour mission principale d’adopter toutes les mesures utiles pour que l’affaire soit en état d’être jugée.

À cette fin, il est investi du pouvoir de développer l’instance, soit d’orienter le procès dans son organisation, mais également dans son contenu.

?Sur l’orientation du procès quant à son organisation

  • La jonction et la disjonction d’instance
    • L’article 783 du CPC autorise le Juge de la mise en état à procéder aux jonctions et disjonctions d’instance.
    • La jonction d’instance se justifie lorsque deux affaires sont connexes, soit, selon l’article 367 du CPC, « s’il existe entre les litiges un lien tel qu’il soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble. »
    • L’examen de la jurisprudence révèle que ce lien sera caractérisé dès lors qu’il est un risque que des décisions contradictoires, à tout le moins difficilement conciliables soient rendues.
    • Le lien de connexité peut donc tenir, par exemple, à l’identité des parties ou encore à l’objet de leurs prétentions.
    • Réciproquement, il conviendra de disjoindre une affaire en plusieurs lorsqu’il est dans l’intérêt d’une bonne justice que certains points soient jugés séparément.
    • Ainsi, le Juge de la mise en état dispose-t-il du pouvoir d’élargir ou de réduire le périmètre du litige pendant devant lui.
  • L’invitation des parties à mettre en cause tous les intéressés
    • L’article 786 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les parties à mettre en cause tous les intéressés dont la présence lui paraît nécessaire à la solution du litige. »
    • Cette disposition n’est qu’un rappel de l’article 332 du CPC qui relève d’une section consacrée à l’intervention forcée.
    • Le code de procédure civile distingue trois sortes d’intervention forcée :
      • La mise en cause d’un tiers aux fins de condamnation (Art. 331 CPC) ;
      • La mise en cause pour jugement commun (Art. 331 CPC) :
      • L’appel en garantie, qui constitue le cas le plus fréquent d’intervention forcée (Art. 334 et s.).
    • L’article 333 du CPC prévoit que le tiers mis en cause est tenu de procéder devant la juridiction saisie de la demande originaire, sans qu’il puisse décliner la compétence territoriale de cette juridiction, même en invoquant une clause attributive de compétence.
    • Lorsque le Juge de la mise en état invite les parties à mettre en cause un tiers, il ne peut pas les y contraindre : il ne peut qu’émettre une suggestion.
  • Constater la conciliation des parties et homologuer des accords
    • L’article 785 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut constater la conciliation, même partielle, des parties. »
    • En pareil cas, il homologue, à la demande des parties, l’accord qu’elles lui soumettent.
    • La teneur de l’accord, même partiel, est alors consignée, selon le cas, dans un procès-verbal signé par les parties et le juge ou dans un constat signé par les parties et le conciliateur de justice.
    • Les extraits du procès-verbal dressé par le juge qui sont délivrés aux parties valent titre exécutoire.
  • Désigner un médiateur
    • Innovation du décret du 11 décembre 2019, l’article 785, al. 2 du CPC autorise le Juge de la mise en état à désigner un médiateur.
    • Cette désignation s’opérera dans les conditions de l’article 131-1 du CPC qui prévoit que « le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose. »
    • Cette désignation ne pourra donc intervenir qu’à la condition d’avoir recueilli le consentement des parties.
    • La mission du médiateur consistera alors à assister les parties dans une recherche mutuelle de résolution du litige.

?Sur l’orientation du procès quant à son contenu

  • L’invitation des parties à préciser leurs positions
    • L’article 782 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n’auraient pas conclu, à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige et, le cas échéant, à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l’article 768. »
    • Cette prérogative dont est investi le juge de la mise en état a vocation à lui permettre de faire avancer le débat
    • Il pourra, en effet, attirer l’attention d’une partie sur la nécessité de répondre à un moyen de droit qui n’a pas été débattue, alors même qu’il pourrait avoir une incidence sur la solution du litige.
    • De la même manière, il peut suggérer à une partie d’apporter des précisions sur des éléments de fait qui sont demeurés sans réponse.
  • L’invitation des parties à communiquer des pièces
    • Dans le droit fil de son pouvoir d’inviter les parties à préciser leurs positions respectives, le juge de la mise en état peut exiger que l’original ou une des pièces visées dans leurs écritures lui soient communiqués (art. 782 CPC)
    • Ce pouvoir dont il est investi lui permet de s’assurer que la preuve des allégations des parties est rapportée
    • À défaut, il pourra en tirer toutes les conséquences qui s’imposent.
  • L’audition des parties
    • Autre prérogative conférée au juge de la mise en état, l’article 784 prévoit qu’il « peut, même d’office, entendre les parties. »
    • En toute hypothèse, cette audition des parties a lieu contradictoirement à moins que l’une d’elles, dûment convoquée, ne se présente pas.
    • Le juge de la mise en état pourra être tenté d’auditionner les parties, soit pour obtenir des précisions orales sur un moyen de fait ou de droit qui a retenu son attention, soit lorsqu’il considérera qu’une conciliation est possible

II) Les pouvoirs juridictionnels

Le juge de la mise en état n’est pas seulement investi du pouvoir de contrôler et d’organiser l’instance, il lui incombe également de régler toutes les difficultés qui surviennent en son cours.

Il ne s’agira pas ici pour le juge de la mise en état d’adopter des mesures d’administration judiciaires dont la finalité est d’assurer le bon déroulement de l’instance, mais de rendre des décisions à caractère juridictionnel, lesquels vise à trancher une contestation ou un incident.

Le juge de la mise en état est investi du pouvoir de rendre des décisions à caractère juridictionnelles que l’on peut classer en deux catégories

  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire
  • Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Tandis que les premières s’imposent aux parties dans l’attente que le litige soit tranché au fond, les secondes sont définitives, en ce sens que le juge ne peut pas être saisi ultérieurement pour les mêmes fins.

A) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Ces décisions sont donc celles qui ne lient pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge de la mise en état s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge de la mise en état, ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, lorsqu’il est statué au provisoire, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge de la mise en état, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision.

Au nombre des pouvoirs juridictionnels du Juge de la mise en état qui l’autorisent à statuer au provisoire on peut distinguer ceux qu’il détient en propre, de ceux qu’il emprunte au Juge des référés

1. Les pouvoirs propres du Juge de la mise en état

On recense plusieurs pouvoirs autorisant le Juge de la mise à statuer au provisoire que l’article 789 du CPC lui confère en propre :

?Les pouvoirs relatifs à la production de pièces

L’article 788 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l’obtention et à la production des pièces. »

Cette disposition lui confère donc le pouvoir de statuer selon les règles communes à toutes les procédures énoncées aux articles 132 du CPC.

Ainsi, en application de ces règles, le juge peut, par exemple enjoindre à une partie, sous astreinte, de communiquer une pièce (art. 133 CPC).

Il peut encore, toujours sous astreinte, fixer le délai, et, s’il y a lieu, les modalités de la communication (art. 134 CPC).

Enfin, il peut également écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile (art. 135 CPC).

?Les pouvoirs relatifs à l’adoption de mesures d’instruction

L’article 789, 5° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction. »

De toute évidence, cette disposition fait directement écho aux articles 143 et suivants du CPC qui régissent les mesures d’instruction susceptible d’être prises dans le cadre du procès civil.

En particulier, l’article 143 du CPC dispose que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible. »

L’article 144 précise que les mesures d’instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer.

En application de ces textes, le juge de la mise en état dispose de toute liberté pour prescrire une mesure d’instruction.

Dans la mesure où la loi ne pose aucune limite, les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient légalement admissibles.

Ces mesures peuvent consister en :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

L’article 147 du CPC l’autorise à conjuguer plusieurs mesures d’instruction.

Il peut ainsi, à tout moment et même en cours d’exécution, décider de joindre toute autre mesure nécessaire à celles qui ont déjà été ordonnées.

Le juge peut encore accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Bien qu’il dispose de toute latitude pour prescrire des mesures d’instruction, l’article 147 du CPC intime au Juge de limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.

?Les pouvoirs relatifs à l’allocation de provisions ad litem

L’article 789, 2° autorise le juge de la mise en état à allouer une provision pour le procès.

L’octroi de cette provision ad litem (en vue du procès) vise à permettre à une partie, en situation de difficultés financières, de faire face à certains coûts de l’instance, tels que, par exemple, les frais d’expertise

?Les pouvoirs relatifs aux dépens et aux frais irrépétibles

L’article 790 du CPC prévoit que « le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l’article 700. »

Cette prérogative lui a été conférée par le décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005

  • S’agissant des dépens ce sont les frais nécessaires à la conduite du procès dont le montant est fixé, soit par voie réglementaire, soit par décision judiciaire
  • S’agissant des frais irrépétibles, ils se définissent négativement comme ceux, non tarifés, engagés par une partie à l’occasion d’une instance non compris dans les dépens prévus par l’article 695 du nouveau Code de procédure civile.

Le pouvoir dont est investi le juge de la mise en état, l’autorise à statuer sur les frais de l’instance dont il a pu constater l’extinction mais également sur les frais exposés par les parties aux fins de mettre en œuvre les mesures conservatoires, provisoires ou d’instruction prononcées.

Si, par principe, lorsque le Juge de la mise en état statue sur les dépens et les frais irrépétibles sa décision est seulement assortie de l’autorité de la chose jugée au provisoire, il en va autrement lorsqu’il statue sur des exceptions de procédure ou des incidents d’instance.

2. Les pouvoirs empruntés au Juge des référés

À l’examen, plusieurs pouvoirs conférés par l’article 789 du CPC au juge de la mise en état sont semblables à ceux dont est investi le juge des référés.

Cette disposition précise néanmoins que, dès lors que le juge de la mise en état est saisi, il dispose d’une compétence exclusive de toute intervention du Juge des référés.

Autrement dit, la désignation d’un Juge de la mise en état fait obstacle à la saisie du Juge des référés.

L’article 789, al.1er précise expressément que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour exercer un certain nombre de pouvoirs, dont ceux qu’il emprunte au Juge des référés.

Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a toutefois nuancé la règle en affirmant que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent.

L’article 789 du CPC confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier uniquement « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

Autrement dit, dès lors qu’il est saisi en premier, les parties n’ont d’autre choix que de s’en remettre au Juge de la mise en état, quand bien même leur demande serait susceptible de relever de la compétence du Juge des référés.

En tout état de cause, le Juge de la mise en état emprunte au Juge des référés un certain nombre de pouvoirs énoncés à l’article 789 du CPC :

?Allouer une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable

Ce pouvoir du Juge de la mise en état rejoint la prérogative conférée par l’article 835, al. 2 du CPC au juge des référées.

Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, [le juge des référés] peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Pareillement à l’article 835, al. 2e du CPC l’article 789, 3° du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence.

À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit.

D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge de la mise en état sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires.

Autre élément qui rapproche le Juge de la mise en état du Juge des référés, l’article 789 du CPC prévoit, dans les mêmes termes que l’article 489 relatif à l’ordonnance de référé, qu’il peut « subordonner l’exécution de sa décision à la constitution d’une garantie dans les conditions prévues aux articles 517 à 522 ».

À cet égard, l’article 517 du Code de procédure civile précise que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

La nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.

Par ailleurs, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci est déposée à la Caisse des dépôts et consignations ; elle peut aussi l’être, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet.

En outre, le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente.

?Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires

L’article 789, 4° du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l’exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d’un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées »

Ce pouvoir du Juge de la mise en état se rapproche très étroitement de l’office du Juge des référés lorsqu’il est saisi sur le fondement des articles 834 ou 835, al. 1er du CPC.

Tous les deux sont investis du pouvoir d’adopter des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond.

Plus précisément, il s’agit de mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal

La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.

Elle peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la désignation d’un séquestre etc.

Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

La ressemblance entre les prérogatives du Juge de la mise en état et du juge des référés en matière de mesures provisoires se renforce à la lecture des articles 789, 4° in fine et 488 du CPC qui les autorisent respectivement à « modifier ou compléter » des mesures qui auraient déjà été ordonnées soit par eux-mêmes, soit par un autre juge statuant au provisoire « en cas de survenance d’un fait nouveau ».

B) Les décisions à caractère juridictionnel assorties de l’autorité de la chose jugée au principal

Le pouvoir que le Code de procédure civile confère au Juge de la mise en état ne se limite pas à statuer au provisoire. Il est également investi du pouvoir de rendre des décisions assorties de l’autorité de la chose jugée au principal.

Ainsi, certaines décisions prises par le Juge de la mise en état, sont rendues par lui à titre définitif. Pour ces décisions, le Code de procédure civile lui confère un pouvoir exclusif.

Il ressort de l’article 789, 1° du CPC que tel est le cas lorsqu’il statue sur les exceptions de procédures et les incidents d’instance.

Quant aux fins de non-recevoir, si depuis la réforme de la procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur elles, elles restent soumises à un régime spécifique.

1. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux exceptions de procédure et aux incidents d’instance

a. Principe

L’article 789, 1° du CPC dispose, en effet, que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge »

Il ressort de cette disposition que le Juge de la mise en état est donc investi du pouvoir de connaître des exceptions de procédure et des incidents d’instance.

i. Les exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

L’article 73 du CPC définit l’exception de procédure comme « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »

Il ressort de cette définition que l’exception de procédure se distingue très nettement de la défense au fond et des fins de non-recevoir.

L’exception de procédure s’oppose à la défense au fond car elle ne repose pas sur une contestation du bien-fondé de la prétention du demandeur, mais porte uniquement sur la procédure dont elle a pour objet de paralyser le cours.

L’exception de procédure se distingue également de la fin de non-recevoir, en ce qu’elle est constitutive d’une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure ; elle affecte la validité de la procédure, alors que la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir et atteint l’action elle-même : « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir » (articles 32 et 122 du CPC).

Au nombre des exceptions de procédure figurent :

  • Les exceptions d’incompétence
  • Les exceptions de litispendance et de connexité
  • Les exceptions dilatoires
  • Les exceptions de nullité

Cette liste est-elle limitative ? Selon certains auteurs, comme Serge Guinchard ou Isabelle Pétel-Teyssié, la définition de l’article 73 du CPC permet de concevoir d’autres exceptions, dès lors qu’elles tendent à la finalité énoncée par cet article.

Cette opinion a été illustrée par la jurisprudence qui a qualifié d’exception de procédure la règle « le criminel tient le civil en l’état » (Cass. 1ère civ., 28 avril 1982) en précisant que l’exception était de la nature de celle visée à l’article 108 du CPC, c’est-à-dire une exception dilatoire ou encore l’incident tendant à faire constater la caducité du jugement par application de l’article 478 du CPC procédure civile (Cass. 2e civ., 22 novembre 2001) ou l’incident de péremption (Cass. 2e civ., 31 janvier 1996).

S’agissant des exceptions de procédure relevant du pouvoir du Juge de la mise en état, l’article 789, 1° du CPC n’opère aucune distinction, de sorte que, en application de l’adage ubi lex non distinguit nec nos distinguere debemus, il n’y a pas lieu de distinguer : toutes sont concernées y compris celles qui seraient découvertes par la jurisprudence.

ii. Les incidents d’instance relevant du pouvoir du Juge de la mise en état

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

Si le Code de procédure ne définit pas ce qu’est un incident d’instance, il les énumère.

Ainsi, au nombre des incidents d’instance figurent :

?La jonction et la disjonction d’instances

Lorsque des affaires pendantes devant lui présentent un lien de connexité, le juge peut, à la demande des parties ou d’office, ordonner la jonction de plusieurs instances.

Inversement, il peut prononcer la disjonction d’une instance en plusieurs (art. 367 CPC).

Tandis que la jonction ne peut être prononcée qu’à l’égard des instances qui doivent être suivies selon la même procédure, la disjonction doit être prononcée si deux demandes introduites par un acte commun doivent être suivies selon des procédures différentes.

?L’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

  • Événements emportant de plein droit interruption de l’instance (art.369 CPC)
    • La majorité d’une partie
    • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
    • L’effet du jugement qui prononce le règlement judiciaire ou la liquidation des biens (redressement ou liquidation judiciaires) dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
    • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle.
  • Événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse (art. 370 CPC)
    • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible (art. 370 CPC), étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation.
    • la cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur (art. 370 CPC)
    • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice (art. 370 CPC).

?La suspension de l’instance

L’instance se trouve suspendue lorsque certains événements étrangers à la situation personnelle des parties ou à celle de leur représentant, viennent arrêter son cours.

Tel est le cas pour :

  • Le sursis à statuer
  • La radiation de l’affaire
  • Le retrait du rôle

?L’extinction de l’instance

Le jugement est l’issue normale de tous les procès ; cependant une instance peut s’éteindre d’autres manières.

Il est des cas où l’instance s’éteint accessoirement à l’action.

Ce sont : la transaction, l’acquiescement, le désistement d’action, ou, dans les actions non transmissibles, le décès d’une partie (art. 384 CPC).

Mais il est également des cas où l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation.

L’action proprement dite n’en est pas affectée de sorte qu’une nouvelle instance pourrait être introduite s’il n’y a pas prescription (art. 385 CPC).

  • Péremption d’instance
    • L’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans (art. 386 CPC).
    • En d’autres termes, la péremption d’instance est l’anéantissement de l’instance par suite de l’inaction des plaideurs.
  • Désistement d’instance
    • Le désistement d’instance est l’offre faite par le demandeur au défendeur, qui l’accepte, d’arrêter le procès sans attendre le jugement.
  • Acquiescement à la demande
    • L’acquiescement est le fait, de la part d’une partie, ordinairement le défendeur, de reconnaître le bien-fondé des prétentions de l’adversaire (art. 408 CPC).
    • À la différence de la péremption d’instance ou du désistement, l’acquiescement à la demande emporte non seulement annulation de la procédure mais également renonciation à l’action.
    • L’acquiescement à la demande doit être distingué de l’acquiescement au jugement qui emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours.
  • Caducité de la citation
    • Par application de l’article 468 du code de procédure civile, le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. Cependant, la déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours, le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile.
    • Dans ce cas les parties sont convoquées à une audience ultérieure.

S’agissant de l’article 789, 1° qui confère au Juge de la mise en état le pouvoir de connaître des incidents d’instance, comme pour les exceptions de procédure, il n’opère aucune distinction, de sorte que tous relèvent de sa compétence.

Ainsi, peut-il être amené à statuer, tant sur les incidents qui affectent la poursuite de l’instance, que ceux qui conduisent à son extinction.

b. Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

L’article 789 du CPC prévoit que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour […] statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l’article 47 et sur les incidents mettant fin à l’instance ».

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Ce monopole qui portait d’abord sur les exceptions dilatoires a, par suite, été étendu à toutes les exceptions de procédure (décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998), puis aux incidents d’instance (décret n° 2004-836 du 20 août 2004).

Pour comprendre le sens de cette exclusivité de la compétence du juge en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il convient de se remémorer que l’institution du juge de la mise en état avait pour objet de permettre de purger la procédure des incidents avant son renvoi à l’audience, afin que le tribunal n’ait à juger que le fond du droit.

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des exceptions de procédure, l’article 789 du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les exceptions et incidents qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

Si, l’article 789 du CPC confère une compétence exclusive au Juge de la mise en état pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents d’instance, il précise que « les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu’ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».

Cela signifie que le dessaisissement du juge de la mise en état a pour effet d’interdire aux parties de soulever des exceptions de procédure et des incidents instance.

Pratiquement, les parties seront donc irrecevables à s’en prévaloir, sauf à établir qu’elles se sont révélées postérieurement au dessaisissement du Juge de la mise en état.

Par principe, la formation de jugement n’a donc pas vocation à connaître les exceptions de procédure et les incidents d’instance qui doivent toutes avoir été purgées lors de l’instruction de l’affaire.

2. Les décisions du Juge de la mise en état relatives aux fins de non-recevoir

L’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme « tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ».

La liste de l’article 122 du code de procédure civile n’est pas limitative : des fins de non-recevoir nombreuses existent en droit de la famille (procédure de réconciliation des époux dans la procédure de divorce, filiation…), en matière de publicité foncière (fin de non-recevoir pour non-publication de la demande au bureau des hypothèques, dans les actions en nullité ou en résolution affectant des droits immobiliers – décret 4 janvier 1955, art 28), en matière de surendettement des particuliers (absence de bonne foi du demandeur).

Tandis que l’exception de procédure est une irrégularité qui concerne le fond ou la forme des actes de procédure qui affecte la validité de la procédure, la fin de non-recevoir est une irrégularité qui touche au droit d’agir : elle affecte l’action elle-même, la justification même de l’acte.

Au nombre des fins de non-recevoir figurent, celles énoncées par l’article 122 du CPC que sont :

  • Le défaut de qualité
  • Le défaut d’intérêt
  • La prescription
  • Délai préfix
  • Chose jugée

Les fins de non-recevoir relèvent-elles du pouvoir du Juge de la mise en état ? Tandis que la jurisprudence répondait négativement à cette question jusqu’à la réforme de la procédure civile, le législateur est venu modifier la règle par l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

a. Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, les fins de non-recevoir n’étaient pas visées par l’ancien l’article 771, 1° du Code de procédure civile, devenu l’article 789, 1°.

On en déduisait, par voie de conséquence, qu’elles échappaient purement et simplement à l’office du Juge de la mise en état.

Dans un avis du 13 novembre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « les incidents mettant fin à l’instance visés par le deuxième alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile sont ceux mentionnés par les articles 384 et 385 du même code et n’incluent pas les fins de non-recevoir ».

Manifestement, cet avis a été diversement accueilli par la doctrine.

Un auteur a, par exemple, estimé que la mise en état rénovée par le décret du 28 décembre 2005 « doit permettre de traiter les exceptions et fins de non-recevoir afin que seul le fond de l’affaire soit évoqué lors d’une audience de plaidoiries » (E. Bonnet,Gaz. Pal. du 1er au 5 janvier 2006, p. 9 et 10)

Par ailleurs, pour M. Beauchard, le Juge de la mise en état « est dorénavant compétent pour statuer non seulement sur les exceptions de procédure, mais également sur les fins de non-recevoir qui ont pour effet, lorsqu’elles sont admises, de mettre fin à l’instance (défaut d’intérêt ou de qualité pour agir, autorité de la chose jugée, prescription) ».

Biens que certains auteurs se soient ainsi élevés contre cette exclusion des fins de non-recevoir de la sphère de compétence du Juge de la mise en état, la Cour de cassation n’est jamais revenue sur sa position, ce dont se félicitait la doctrine majoritaire.

En effet, les fins de non-recevoir constituent des moyens de défense définis au titre V du livre premier du CPC. Elles sont donc différentes des incidents d’instance définis au titre XI.

Permettre au juge de la mise en état de statuer sur ces moyens de défense reviendrait donc, selon les auteurs, à les assimiler aux incidents d’instance alors qu’ils n’ont pas le même statut juridique, ce qui est contraire à la logique intellectuelle et juridique du CPC.

L’article 123 du CPC permet de proposer une fin de non-recevoir en tout état de cause. Or admettre que le Juge de la mise en état puisse statuer sur celle-ci, conduirait à neutraliser cette règle, la fin de non-recevoir ne pouvant plus, une fois tranchée, être invoquée devant la formation de jugement.

Aussi, comment concilier l’article 123 du CPC avec le pouvoir exclusif du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non-recevoir ?

Dire que les fins de non-recevoir constituent des incidents mettant fin à l’instance au sens de l’article 789,1° du CPC aurait pour conséquence d’introduire une disparité de traitement entre les procédures avec mise en état et les procédures sans mise en état où les fins de non-recevoir pourraient continuer à être proposées en tout état de cause. Il paraît difficile de faire de l’article 123 un article à géométrie variable.

À cet égard, on peut noter que dans la circulaire du 8 février 2006, la chancellerie avait repris les termes du décret pour dire que le juge de la mise en état est désormais seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance.

La question de la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir lui avait été précisément posée.

Elle avait alors répondu dans les termes suivants dans un document du 14 avril 2006 intitulé « Réflexions sur le décret du 28 décembre 2005 ».

« Non, les compétences dévolues au juge de la mise en état par le premier alinéa de l’article 771 du nouveau code de procédure civile portent exclusivement sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l’instance. Les fins de non-recevoir sont distinctes des incidents mettant fin à l’instance. Elles tendent à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond. Elles recouvrent notamment le défaut de qualité, d’intérêt, la prescription et la chose jugée et peuvent être soulevées en tout état de cause. Elles sont susceptibles de régularisation. Une nouvelle instance pourra toujours être réintroduite suite à un jugement ayant admis une fin de non-recevoir.

Les incidents mettant fin à l’instance sont énumérés aux articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile. Il s’agit de la transaction, de l’acquiescement, de la péremption, de la caducité, du désistement et du décès d’une partie. Ils ne sont pas sanctionnés par l’irrecevabilité de l’action mais par l’extinction de l’instance en raison d’un événement de la volonté ou de la négligence des parties. Ils ne sont pas susceptibles de régularisation. L’autorité de la chose jugée pourra être opposée à une action introduite après une décision déclarant l’instance éteinte.

Le juge de la mise en état n’est donc pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Les premières décisions rendues sur la question par les juges du fond se sont prononcés majoritairement pour une impossibilité du juge de la mise en état de statuer sur les fins de non- recevoir (TGI Toulouse, ord. JME, 1er ch., 12 avril 2006, RG 03/01865).

Par exemple, un conseiller de la mise en état ne s’est pas reconnu le pouvoir de statuer sur l’irrecevabilité d’un appel-nullité en matière de procédures collectives car « les notions d’exceptions de procédure et d’incidents mettant fin à l’instance doivent être appréciées au regard des définitions données par le nouveau code de procédure civile et ne sauraient englober les défenses au fond et les fins de non-recevoir, et ne sauraient s’entendre au sens large d’incidents de mise en état » (CA Toulouse, ord. CME, 2ème ch., 15 mars 2006, RG 05/04909).

Plusieurs autres décisions ont statué dans le même sens (V. en ce sens CA Rouen, ord. CME, 3avril 2006, RG 05/02395 ; CA Montpellier, ord. CME, 29 mars 2006, RG 05/02183).

Reste que le législateur a entendu revenir sur cette position de la jurisprudence en conférant au Juge de la mise en état le pouvoir de statuer sur les fins de non-recevoir

b. Réforme de la procédure civile

b.1 L’extension des pouvoirs du Juge de la mise en état

L’article 789, 6° du CPC dispose que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi opéré une extension des pouvoirs du Juge de la mise en état qui peut désormais connaître des fins de non-recevoir.

Cette innovation est présentée par le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile comme visant à désencombrer le rôle des affaires dont les conditions d’introduction compromettent leur examen au fond ou qui apparaissent manifestement irrecevables.

Pour que la faculté de statuer sur les fins de non-recevoir reconnue au Juge de la mise en état soit cohérente avec les termes de l’article 123 du CPC qui détermine le régime des fins de non-recevoir, il est désormais précisé que « les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement »

Tel est donc le cas, lorsque l’affaire fait l’objet d’une mise en état dans le cadre de la procédure écrite pendante devant le Tribunal judiciaire.

b.2 Régime

i. Le monopole du Juge de la mise en état

En application du 1er alinéa de l’article 789 du CPC, le juge de la mise en état est, en principe, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Cela signifie donc que dès lors qu’il est désigné, le Juge de la mise en état est investi d’un monopole : tant qu’il est saisi les exceptions de procédure et les incidents d’instance ne peuvent être tranchés que par lui « à l’exception de toute autre juridiction ».

Reste que si le juge de la mise en état a compétence exclusive pour statuer sur les fins de non-recevoir tant qu’il est saisi, encore faut-il que les parties décident de lui faire trancher cette catégorie d’incidents sans attendre que l’incident soit jugé avec le fond de l’affaire, par le tribunal.

Pour pallier cette difficulté, il a donc été décidé que les fins de non-recevoir devaient être tranchés immédiatement.

Aussi, afin que la clôture de la mise en état produise un effet de purge des fins de non-recevoir à l’instar des exceptions de procédure et des incidents mettant fin à l’instance, l’article 789, al. 3e du CPC oblige les parties, à peine d’irrecevabilité, à soulever les fins de non-recevoir devant le juge de la mise en état, qui les tranchera.

Cette obligation ne vise évidemment pas les fins de non-recevoir qui surviendraient postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Reste que, comme relevé par Mehdi Kebir, « les parties sont désormais textuellement soumises à un principe de concentration des fins de non-recevoir devant le magistrat instructeur. Le changement est notable et s’inscrit dans la continuité d’une solution dont les jalons ont déjà été posés en jurisprudence en ce qui concerne le conseiller de la mise en état »[1].

ii. Les limites du monopole du Juge de la mise en état

L’article 789, 2e du CPC envisage l’hypothèse où l’examen de la fin de non-recevoir par le Juge de la mise en état nécessite qu’il tranche au préalable une question de fond.

Doit-il se désister à la faveur de la juridiction de jugement ou peut-il se prononcer sur la question de fond qui, en principe, ne relève pas de sa compétence ?

Le décret du 11 décembre 2019 a répondu à cette interrogation en posant un principe qu’il a assorti d’exceptions.

?Principe

L’article 789, al. 2 du CPC pose que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. »

Ainsi, le juge de la mise en état se voit-il conférer le pouvoir de trancher une question de fond, lorsque de son examen dépend l’appréhension de la fin de non-recevoir.

?Exceptions

Par exception, la question de fond et la fin de non-recevoir peuvent être tranchées par la formation de jugement :

  • Soit à la demande des parties
    • L’article 789 al. 2 dispose que dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s’y opposer.
    • Ainsi lorsque dans la phase du jugement c’est une formation collégiale de la juridiction qui a vocation à connaître de l’affaire, les parties peuvent contraindre le Juge de la mise en état à renvoyer l’affaire devant une formation de jugement.
    • Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa de l’article 789, le texte précise le juge de la mise en état renvoie l’affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l’instruction, pour qu’elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
    • Le texte invite alors la formation de jugement à statuer sur la fin de non-recevoir même si elle n’estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond.
    • Le cas échéant, elle renvoie l’affaire devant le juge de la mise en état.
  • Soit à l’initiative du Juge de la mise en état
    • Le renvoi devant la formation de jugement peut également être provoqué par le Juge de la mise en état lui-même, s’il l’estime nécessaire.
    • Dans la mesure où il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire, comme précisé par l’article 789, cette décision de renvoi est insusceptible d’une voie de recours.
    • Si la formation de jugement estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher au préalable la question de fond pour statuer sur la fin de non-recevoir elle peut renvoyer l’affaire devant le Juge de la mise en état.

En tout état de cause, l’article 789 dispose que lorsque le juge de la mise en état ou la formation de jugement sont amenés à statuer sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir, ils doivent le faire par des dispositions distinctes dans le dispositif de l’ordonnance ou du jugement.

  1. M. Kebir, « Réforme de la procédure civile : promotion de la mise en état conventionnelle et extension des pouvoirs du JME », Dalloz actualité, 23 déc. 2019 ?

La nullité des actes de procédure pour vice de forme

?Notion

La nullité est la « sanction encourue par un acte juridique entaché d’un vice de forme ou d’une irrégularité de fond qui consiste dans l’anéantissement de l’acte »[1].

Si en droit public les nullités sont en principe toujours absolues et existent sans texte, en droit privé il n’en est pas de même.

Ainsi la procédure civile opère-t-elle une distinction majeure entre les nullités pour vice de fond et les nullités pour vice de forme.

  • Les nullités pour vice de forme sont réglées par l’article 114, alinéa 1er aux termes duquel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».
  • Les nullités pour vice de fond sont énumérées à l’article 117 du CPC. Il s’agit du défaut de capacité d’ester en justice et du défaut de pouvoir.

La distinction entre nullités de forme et de fond est la principale difficulté du système actuel des nullités.

Aux nullités de forme, qui constituent le régime général des nullités procédurales, dont l’article 114 du nouveau code de procédure civile précise qu’elles ne peuvent être sanctionnées que si la nullité est « expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public », s’opposent donc les nullités de fond énumérées de façon exhaustive à l’article 117.

Entre les deux catégories de nullités, le critère général de distinction certainement voulu par les rédacteurs du code consiste en ce que les vices de forme affectent l’instrumentum, alors que les nullités pour irrégularités de fond atteignent le negotium.

Récusé par une partie de la doctrine, au sein de laquelle M. Perrot critique en particulier le recours, selon lui inadapté à la nature des actes de procédure, à des catégories issues du droit civil, ce critère général de distinction est toutefois le plus souvent admis. L’importance du débat tient au fait que les deux sortes de nullités ont des régimes très différents.

Alors que la nullité de forme doit être soulevée in limine litis, et que, selon l’article 114, elle « ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public », ces restrictions ne s’appliquent pas aux nullités de fond.

La distinction entre nullité de fond et nullité de forme présente ainsi un intérêt procédural, raison pour laquelle il convient de les envisager séparément.

I) Les causes de nullité pour vice de forme

Au nombre des causes de nullités d’actes de procédure, on rencontre d’abord le très vaste domaine des vices de forme auquel le législateur a délibérément donné la prééminence en y incluant la plupart des déficiences de nature à affecter la validité d’un acte et en soumettant l’admission de la nullité comme sanction à des conditions très contraignantes.

L’exception doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Elle n’aura d’effet que si aucune régularisation ultérieure n’est venue effacer rétroactivement le vice initial et si celui qui s’en prévaut démontre l’existence du grief que lui cause l’irrégularité.

Surtout, l’article 114 du CPC prévoit qu’aucun acte ne peut être déclaré nul en ce cas si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi. Est ainsi énoncé par cette disposition le fameux principe : point de nullité sans texte.

Ce principe est toutefois assorti d’une exception en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public (formalité qui donne à l’acte sa nature, ses caractères, qui en constitue sa raison d’être)

?Principe : pas de nullité sans texte

En matière de nullité pour vice de forme, l’anéantissement de l’acte ne sera encouru qu’à la condition qu’un texte le prévoit expressément.

Pour déterminer les causes de nullité pour vice de conforme, il convient, par conséquent, de se reporter à toutes les règles qui sont prescrites à « peine de nullité ».

Un petit tour d’horizon révèle qu’elles sont nombreuses, à tel point que la nullité pour vice de forme représente la plupart des causes de nullité d’actes de procédure.

Parmi les vices de forme pouvant entacher un acte de procédure et entraîner sa nullité, on peut citer notamment :

  • Les mentions qui doivent figurer sur l’assignation
  • L’omission ou l’inexactitude de certaines mentions propres à l’acte d’huissier de justice
  • Les mentions qui doivent figurer sur l’acte de déclaration d’appel
  • Les formalités de notification des actes de procédure et des décisions de justice

?Exception : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Le principe énoncé à l’article 114 du CPC selon lequel « pas de nullité sans texte » est assorti d’une exception remarquable : l’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public

Cette exception est issue de l’ancienne distinction opérée par la jurisprudence entre les formalités substantielles et les formalités secondaires.

Dans un arrêt du 18 novembre 1947, la Cour de cassation avait, en effet, écarté l’application du principe « pas de nullité sans grief » (introduit par un décret-loi du 30 octobre 1935) en cas de violation d’une formalité substantielle.

Elle en avait donné la définition dans un arrêt du 3 mars 1955, aux termes duquel elle avait jugé que « le caractère substantiel est attaché dans un acte de procédure à ce qui tient à sa raison d’être et lui est indispensable pour remplir son objet » (Cass. 3e civ., 3 mars 1955 ; V. également en ce sens Cass. 2e civ. 20 oct. 1967).

Une partie de la doctrine avait critiqué cette jurisprudence, contraire selon elle aux vœux du législateur, en faisant valoir notamment qu’elle consistait à raisonner inexactement comme si la violation d’une formalité substantielle frappait l’acte d’inexistence.

Cela n’a pas empêché la jurisprudence de maintenir la distinction entre les formalités substantielles, dont l’inobservation est sanctionnée par la nullité alors qu’aucun texte ne le prévoit, des formalités secondaires assujetties au principe « pas de nullité sans texte ».

Pour déterminer si l’on est en présence d’une formalité substantielle ou secondaire il convient donc de se demander si la formalité qui lui est attachée est indispensable à la réalisation de son objet.

À l’examen, les formalités reconnues par la jurisprudence comme substantielles sont rares. Il en va ainsi de l’exigence de production d’un certificat médical au soutien d’une requête aux fins d’ouverture d’une mesure de curatelle ou de tutelle ou encore l’exigence de signature de l’auteur de l’acte de procédure.

II) L’exigence d’un grief

L’article 114, al. 2 du CPC prévoit que « la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public. »

Pour que la nullité pour vice de forme produise ses effets, ce texte exige ainsi que la partie qui s’en prévaut justifie d’un grief. Cette règle est résumée par la formule « pas de nullité sans grief ».

La cause de la nullité est indifférente : ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’un vice de forme. Cette exigence de justification d’un grief trouve sa source dans la volonté du législateur de prévenir les manœuvres dilatoires des parties.

Cette règle s’inspire, à certains égards, du droit de la responsabilité civile qui subordonne le succès d’une action en réparation à la démonstration d’un préjudice.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par grief.

Le grief est constitué par le tort causé à la partie qui invoque le vice et qui a été empêché ou limité dans ses possibilités de défense.

Dès lors que le vice de forme a pour incidence de nuire ou de désorganiser la défense de la partie qui s’en prévaut, le grief est constitué. En somme, le grief sera caractérisé toutes les fois qu’il sera démontré que l’irrégularité a perturbé le cours du procès.

Comme tout fait juridique, le grief doit pouvoir être établi par tous moyens. En général le grief est apprécié par les juridictions in concreto, soit compte tenu des circonstances et conditions particulières, tenant à la cause, aux parties, à la nature de l’irrégularité, à ses incidences (Cass. 2e civ., 27 juin 2013, n°12-20.929).

Cependant, exceptionnellement certaines juridictions s’en tiennent à l’importance de la règle transgressée lorsqu’elle porte par elle-même atteinte aux droits de la défense (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12.809).

L’interprétation in abstracto aurait, de toute évidence, pour effet de dénaturer et plus encore de limiter la portée de la règle « nullité sans grief n’opère rien », ce qui équivaudrait pratiquement à revenir au système des nullités substantielles.

C’est la raison pour laquelle cette appréciation du grief in abstracto est limitée aux cas d’inexistence de l’acte (absence de signature, acte formalisé par un officier ministériel incompétent, sans qualité etc.).

Dans un arrêt du 3 décembre 2015, la Cour de cassation a déduit, en ce sens, l’existence d’un grief de la seule omission de mentions essentielles à la validité d’un congé (Cass. 3e civ., 3 déc. 2015, n°14-12.809).

Dans ces circonstances, le préjudice résulte, en quelque sorte, par lui-même, de l’importance de la règle transgressée, de sorte qu’il ne saurait être question d’accorder une valeur quelconque à un acte qui n’existe pas, le préjudice existant de plano.

Reste les cas dans lesquels la nullité d’un acte de procédure est prononcée en l’absence de démonstration d’un grief et en présence d’un vice qui n’entre pas dans l’énumération de l’article 117. La doctrine les range en trois catégories.

  • Tout d’abord, il s’agit, des actes affectés d’un vice qui porte atteinte aux règles d’organisation judiciaire, par exemple l’acte signifié par un huissier de justice instrumentant en dehors de son ressort territorial.
  • Ensuite, seraient en cause également des actes portant gravement atteinte aux droits de la défense (encore qu’on puisse penser que dans les affaires concernées, la nullité aurait généralement pu être aussi prononcée sur le fondement de l’article 114 en constatant l’existence d’un grief).
  • Enfin, il s’agit des actes omis, catégorie qui, elle-même, se subdivise entre les hypothèses où l’acte n’a pas été accompli du tout, et celles où a été fait un acte à la place d’un autre requis par la loi (ainsi la jurisprudence retient-elle que l’appel interjeté dans une forme autre que celle prévue équivaut à une absence d’acte).

Toutes ces décisions sont en général approuvées par les auteurs, y compris par ceux qui estiment que l’énumération de l’article 117 est limitative, parce qu’ils considèrent, soit qu’elles entrent en réalité dans les cas de nullités de fond ou de forme prévus par la loi, soit, pour ce qui concerne les omissions d’actes que la Cour de cassation sanctionne par la nullité (Cass. 2e civ. 27 nov. 1996) en évitant de parler de vice de fond, qu’il s’agit d’un type de nullité légitimement créé par la jurisprudence.

III) La régularisation de la nullité pour vice de forme

L’article 115 du CPC prévoit que « la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. »

Il ressort de cette disposition que tout n’est pas perdu en cas de nullité pour vice de forme. L’auteur de l’acte irrégulier dispose, par principe, de la faculté de régulariser la situation.

Il s’ensuivra une validation rétroactive de l’acte entaché de nullité, celui-ci retrouvant la potentialité de produire tous ses effets.

La lecture de l’article 115 du CPC révèle cependant que trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • Première condition
    • Pour que la nullité pour vice de forme soit couverte cela suppose, avant toute chose, que l’auteur de l’acte procède à sa régularisation.
    • Un nouvel acte rectifié et annulant et remplaçant celui entaché d’une irrégularité devra donc être accompli.
    • Il pourra s’agir, par exemple, en cas d’omission de mentions prescrites à peine de nullité, de délivrer à la partie adverse une nouvelle assignation ou de procéder à de nouvelles formalités de notifications ou de saisie.
  • Deuxième condition
    • Aucune forclusion ne doit être intervenue entre la naissance de l’irrégularité et la régularisation de l’acte
    • Reste que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, il est peu de chance que cette situation se rencontre dans la mesure où, en application de l’article 2241 du Code civil, la demande en justice interrompt les délais de prescription et de forclusion.
    • L’article 2242 précise que « l’interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. »
  • Troisième condition
    • Pour que régularisation de l’acte soit opérante, l’article 115 du CPC exige qu’elle ne laisse subsister aucun grief.
    • Cela signifie donc que l’irrégularité dont était frappé l’acte ne doit plus causer aucun tort à la partie adverse, faute de quoi cette dernière sera toujours fondée à se prévaloir de la nullité
    • Il en résulte que la régularisation devra intervenir dans les plus brefs délais, sans quoi il est un risque que la défense de l’adversaire s’en trouve durablement perturbée.

IV) Mise en œuvre de la nullité pour vice de forme

  • Présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • Seule la partie destinataire de l’acte entaché d’une irrégularité ou celle au préjudice de laquelle il est accompli sont recevables à se prévaloir de la nullité pour vice de forme.
    • Dans un arrêt du 21 juillet 1986, la Cour de cassation avait jugé en ce sens, en des termes généraux, qu’un acte de procédure ne pouvait être annulé pour vice de forme que sur la demande d’une partie « intéressée » (Cass. 2e civ., 21 juill. 1986).
  • Office du Juge
    • À la différence de la nullité pour vice de fond, le Juge n’est pas investi du pouvoir de soulever d’office une nullité pour vice de forme.
  • Moment de la présentation de l’exception de nullité pour vice de forme
    • L’article 112 du CPC prévoit que « la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité. »
    • L’article 113 poursuit en disposant que « tous les moyens de nullité contre des actes de procédure déjà faits doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été. »
    • Il ressort de ces deux dispositions :
      • D’une part, que l’exception de nullité pour vice de forme doit être soulevée à mesure que les actes susceptibles d’être affectés par une irrégularité sont accomplis
      • D’autre part, que cette exception doit être présentée avant toute défense au fond, ce qui implique, lorsque l’acte irrégulier intervient postérieurement à la présentation d’un moyen de défense, de se référer à la date de l’acte pour apprécier la recevabilité de l’exception de nullité

Le constat d’huissier: régime juridique

I) Définition

Un constat d’huissier se définit comme l’acte établi sous la forme d’un procès-verbal par un huissier de justice, commis par un juge ou mandaté par un particulier, aux termes duquel sont formulées des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter.

Il s’agit, en somme, d’un instrument de preuve permettant d’établir la matérialité d’un fait. Le recours à ce procédé réside dans le caractère authentique présenté par l’acte qui est régularisé par l’huissier de justice instrumentaire.

II) Intérêt du recours à un constat d’huissier

L’intérêt de recourir à un huissier de justice pour dresser un constat, réside dans la force probante de cet acte qui est reconnue par les tribunaux.

Parce qu’il est un officier ministériel, l’huissier de justice confère aux actes qu’il établit un caractère authentique, à tout le moins pour certaines mentions telles que la date, le lieu, ou encore l’identité des parties.

S’agissant du procès-verbal de constat, les énonciations qu’il comporte font foi jusqu’à preuve du contraire, de sorte qu’il s’agit là d’un formidable moyen pour inverser la charge de la preuve, alors même que, en application de l’article 9 du Code de procédure civile, cette charge pèse, en principe, sur celui qui allègue les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Mieux vaut donc, pour gagner un procès, se prévaloir d’un constat d’huissier que de produire des éléments dont la force probante est laissée à la libre appréciation du juge.

III) Les domaines d’intervention de l’huissier en matière de constat

Sans besoin d’y être autorisé ou après obtention de l’accord d’un juge, l’huissier établit des procès-verbaux de constatation qui décrivent, de façon neutre et incontestable, ce qu’il observe :

  • En se rendant sur les lieux où se déroulent les faits qu’une personne lui demande de relever (malfaçons, non-présentation d’enfants, nuisances de voisinage, abandon de poste, etc.),
  • En effectuant des captures d’écran sur les sites internet accessibles par tous (diffamation, plagiat, publicité mensongère, etc.),
  • En effectuant des retranscriptions de SMS, de messages vocaux ou de vidéos

Les domaines d’intervention de l’huissier de justice en matière de constat sont extrêmement variés :

  • Sinistre de tous ordres (malfaçons, dégâts des eaux, incendies, catastrophes naturelles)
  • Actes de concurrence déloyale
  • Contrefaçon
  • Affichage de permis de construire
  • État d’avancement de travaux
  • Atteintes aux biens ou aux personnes
  • État des lieux d’entrée et de sortie
  • Tenue d’assemblées générales (copropriétés, associations, sociétés)
  • Nuisances sonores ou olfactives
  • Troubles de voisinage
  • Conflits familiaux (abandon de famille, non présentation d’enfants)
  • Diffamation, injures, dénonciation calomnieuse
  • Inventaires de biens dans le cadre de la liquidation d’une succession, d’un régime matrimonial ou de l’ouverture d’une procédure collective

Cette liste n’est bien évidemment pas exhaustive. Le domaine d’intervention de l’huissier est illimité, en ce sens qu’il peut être mandaté pour dresser un constat toutes les fois qu’il est nécessaire d’établir la matérialité d’un fait.

IV) La saisine de l’huissier

L’article 1er, al. 2 de l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers prévoit que, pour l’établissement d’un constat, l’huissier de justice peut être :

  • Soit commis par un Juge
  • Soit mandaté par un particulier

A) L’huissier commis par un Juge

  1. La désignation de l’huissier de justice

Lorsque le constat est réalisé sur commission du Juge, la désignation de l’huissier peut intervenir :

  • Soit avant tout procès
  • Soit au cours du procès

==> La désignation d’un huissier de justice avant tout procès

Selon l’article 9 du code de procédure civile, c’est aux parties qu’incombe la charge de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions.

Cependant, l’article 143 précise que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

Certes, les parties ne sont pas véritablement titulaires d’un droit à obtenir une mesure d’instruction.

À cet égard, l’article 146 du code de procédure civile fait interdiction au juge d’ordonner une mesure d’instruction en vue de suppléer leur carence dans l’établissement de la preuve.

Toutefois, le code de procédure civile a prévu la possibilité pour une partie d’obtenir l’organisation d’une mesure d’instruction judiciaire avant même l’engagement d’un procès.

L’article 145 de ce code dispose en ce sens que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Il est de jurisprudence constante que l’article 146 du code de procédure civile est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l’article 145 du même code (Cass. 2e civ., 10 juillet 2008, n°07-15369 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2011, n°10-11732).

Plus précisément, le demandeur doit justifier que la mesure, qui ne peut être ordonnée si un procès est déjà en cours entre les parties, est en lien avec un litige susceptible de les opposer et que l’action éventuelle concernant ce litige n’est pas manifestement vouée à l’échec : la mesure doit être de nature à éclairer le juge susceptible d’être saisi du litige opposant les parties (Cass. 2e civ., 29 septembre 2011, n° 10-24684).

Il ressort de l’article 145 du Code de procédure civile que, lorsque le juge est saisi, avant qu’un procès n’ait lieu, il est investi du pouvoir de prendre deux sortes de mesures :

  • Soit il peut prendre des mesures propres à assurer la conservation des preuves
  • Soit il peut prendre des mesures qui tendent à la constitution de preuves

C’est ce que l’on appelle des mesures d’instruction in futurum.

L’article 145 du Code de procédure civile présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Lorsque la sollicitation de mesures d’instruction in futurum se justifie, deux conditions devront être remplies par le demandeur :

  • D’une part, aucune instance au fond ne doit avoir été introduite, les mesures d’instructions in futurum visant à se procurer des preuves avant tout procès
  • D’autre part, il doit justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec

Après avoir vérifié que ces conditions sont remplies, le juge pourra prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général.

La deuxième chambre civile a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait considéré que parce que « la mesure d’instruction demandée s’analysait en une mesure générale d’investigation portant sur l’ensemble de l’activité de la société Drouot et tendant à apprécier cette activité et à la comparer avec celle de sociétés ayant le même objet, la cour d’appel n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle tient de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, en décidant sans ajouter au texte une condition qu’il ne contenait pas, que la mesure demandée excédait les prévisions de cet article » (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10831).

Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées, pourvu qu’elles soient précises. À cet égard, ce peut être :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

Ainsi, s’agissant de la désignation d’un huissier, sa mission devra être délimitée et précise. Les constatations et/ou investigations sollicitées ne pourront donc pas être formulées en des termes trop généraux.

La mission de l’huissier devra être limitée à ce qui est strictement nécessaire pour éclairer le juge et à ce qui entretient un lien suffisamment étroit avec la solution du litige à venir.

==> La désignation d’un huissier de justice au cours du procès

Au cours du procès, le Juge dispose toujours de la faculté de désigner un huissier de justice aux fins qu’il opère toutes les constatations utiles à la manifestation de la vérité.

L’article 232 du CPC dispose en ce sens que « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien ».

Cette désignation de l’huissier de justice en tant que technicien peut intervenir, soit à la demande d’une partie, soit d’office.

L’article 250 du CPC précise que « les constatations peuvent être prescrites à tout moment, y compris en conciliation ou au cours du délibéré. »

Lorsque les constatations ont été prescrites au cours du délibéré, le juge, à la suite de l’exécution de la mesure, ordonne la réouverture des débats si l’une des parties le demande ou s’il l’estime nécessaire.

En tout état de cause, selon l’article 147, le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux, étant précisé qu’il peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites.

Par ailleurs, conformément à l’article 251, le juge qui prescrit des constatations fixe le délai dans lequel le constat sera déposé ou la date de l’audience à laquelle les constatations seront présentées oralement.

Il doit, en outre, désigner dans sa décision, la ou les parties qui seront tenues de verser par provision au constatant une avance sur sa rémunération, dont il fixe le montant.

2. Les pouvoirs de l’huissier de justice

Lorsque l’huissier de justice intervient sur commission du Juge il est investi de pouvoirs plus étendus que lorsqu’il est saisi par un particulier.

Reste qu’il demeure soumis à l’observation de règles rigoureuses qui encadrent l’exécution de sa mission.

==> Les modalités d’exercice de la mission de l’huissier

Lorsque l’huissier de justice intervient sur commission du Juge, il dispose de la faculté d’effectuer toutes les constatations utiles qui relèvent de sa mission, y compris celles qui impliquent qu’il pénètre dans un lieu privé.

À cet égard, il sera autorisé, pour mener à bien sa mission, à requérir le concours de la force publique.

Si les constatations de l’huissier de justice ne se heurtent à aucune contrainte horaire lorsqu’elles sont effectuées dans un lieu public (Cass. 2e civ. 14 janv. 1998, n°95-18344), tel n’est pas le cas lorsqu’elles interviennent dans un lieu privé.

Cette interdiction a pour origine l’article 76 de la Constitution du 22 frimaire an VIII qui dispose que « la maison de toute personne habitant le territoire français, est un asile inviolable. – Pendant la nuit, nul n’a le droit d’y entrer que dans le cas d’incendie, d’inondation, ou de réclamation faite de l’intérieur de la maison. – Pendant le jour, on peut y entrer pour un objet spécial déterminé ou par une loi, ou par un ordre émané d’une autorité publique ».

Dans le droit fil de cette disposition révolutionnaire, l’article 664 du CPC prévoit que « aucune signification ne peut être faite avant six heures et après vingt et une heures, non plus que les dimanches, les jours fériés ou chômés, si ce n’est en vertu de la permission du juge en cas de nécessité. »

La jurisprudence a étendu l’interdiction posée par cette disposition aux constatations effectuées par un huissier de justice qui intervient sur commission du juge.

Il en résulte donc qu’un huissier de justice ne peut opérer aucune constatation entre 6h du matin et 21h du soir ainsi que toute la journée du dimanche et des jours fériées, sauf autorisation expresse du juge si les circonstances l’exigent.

==> Le périmètre de la mission de l’huissier

Lorsque l’huissier de justice intervient sur commission du Juge le périmètre de sa mission est déterminé par la décision, périmètre en dehors duquel il ne saurait opérer aucune investigation de son propre chef.

Autrement dit, la mission de l’huissier est circonscrite aux seules constatations et diligences visées par l’ordonnance du Juge, d’où l’exigence de précision de la demande formulée par le requérant.

Quant à la détermination du périmètre de la mission confiée à l’huissier, l’article 147 du CPC prévoit que « le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s’attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux. »

L’article 149 précise que « le juge peut à tout moment accroître ou restreindre l’étendue des mesures prescrites. »

Lorsque le juge détermine le périmètre de la mission confiée à l’huissier il doit donc être guidé par le seul souci d’éclairer sa décision et d’obtenir la manifestation de la vérité.

B) L’huissier mandaté par un particulier

Lorsque l’huissier est mandaté par un particulier pour établir un constat, sa mission s’exercera en dehors du contrôle du Juge, de sorte que son périmètre sera déterminé dans l’acte de saisine de l’officier ministériel dans la limite de l’atteinte aux droits des tiers.

A cet égards, les constatations requises par le requérant pourront être effectuées, tant dans un lieu public, que dans un lieu privé, étant précisé que dans cette dernière hypothèse, la marge de manœuvre de l’huissier de justice instrumentaire sera limitée.

==> Les constatations réalisées dans un lieu public

Les textes sont silencieux sur la notion de lieu public, de sorte qu’il convient de se reporter à la jurisprudence.

Dans un jugement du 23 octobre 1986, le Tribunal de grande instance de Paris a considéré qu’un lieu public pouvait être défini comme « le lieu accessible à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, que l’accès en soit permanent et inconditionnel ou subordonné à certaines conditions » (TGI Paris, 23 oct. 1986 confirmé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 19 novembre 1986).

Ainsi, pour être qualifié de public le lieu dans lequel l’huissier de justice instrumentaire intervient doit être :

  • Accessible à tous
  • Accessible sans qu’il soit besoin de justifier d’une autorisation spéciale
  • Accessible en permanence et sans conditions

Il en va ainsi des lieux d’une voie publique, d’un lieu de culte, d’un hôtel de ville, d’un palais de justice ou encore d’un hôpital.

À cet égard la circulaire du 2 mars 2011 relative à la mise en œuvre de la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public a précisé que « l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ».

Lorsqu’un huissier se transporte sur un lieu public pour effectuer des constatations, il n’est pas nécessaire qu’il requiert l’autorisation du Juge, ni qu’il respecte les heures légales.

==> Les constatations réalisées dans un lieu privé

À l’instar du lieu public, le lieu privé n’est défini par aucun texte, raison pour laquelle il est nécessaire de se reporter là encore à la jurisprudence.

Le lieu privé est envisagé comme l’endroit qui n’est pas autorisé aux personnes, sauf autorisation de ceux qui l’occupent d’une manière permanente ou temporaire (V. en ce sens CA Besançon, 5 janv. 1978).

Le lieu privé bénéficie, de la même protection que le domicile, soit notamment de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

Dans sa décision du 29 décembre 1983, le Conseil constitutionnel a érigé la protection du domicile en principe à valeur constitutionnelle en le rattachant à l’article 66 de la Constitution.

Preuve de l’importance que le législateur attache à la protection du domicile, sa violation est sanctionnée pénalement, quand bien même l’intrusion serait le fait d’un huissier de justice.

L’article 432-8 du Code pénal dispose en ce sens que « le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, agissant dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, de s’introduire ou de tenter de s’introduire dans le domicile d’autrui contre le gré de celui-ci hors les cas prévus par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »

Pour pénétrer dans un lieu privé, l’huissier de justice doit nécessairement :

  • Soit obtenir le consentement de l’occupant
  • Soit être muni d’un titre exécutoire

Dès lors que les constatations ont été sollicitées par l’occupant, elles pourront être réalisées en dehors des horaires légaux (6h – 21h).

==> Les constatations réalisées dans un lieu privé ouvert au public

Un lieu privé ouvert au public est un endroit appartenant à une personne physique ou morale de droit privé qui en détermine les modalités d’accès et d’occupation.

Peuvent être considérés comme des lieux privés ouverts au public les cafés, restaurants, magasins, les cinémas et théâtres, les établissements bancaires.

Lorsque le constat est réalisé sur un lieu privé ouvert au public, l’huissier devra à l’instar du lieu privé non ouvert au public, soit obtenir l’autorisation de l’occupant temporaire ou permanent, soit être muni d’un titre exécutoire.

V) La validité du constat d’huissier

Pour être valable, le constat d’huissier doit satisfaire à plusieurs conditions prévues, et par l’ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers et par le Code de procédure civile.

==> Compétence de l’huissier

Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques modifie les règles de compétence territoriale des huissiers de Justice (1er janvier 2017), pour l’établissement de procès-verbaux de constat, la compétence territoriale de l’huissier de justice est nationale.

Elle n’est donc plus limitée au ressort de la Cour d’appel de sa résidence comme c’était le cas avant.

==> Neutralité des constatations

L’article 1er, al. 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 impose à l’huissier de justice commis par la justice ou à la requête de particulier d’« effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. »

Dans le même sens, l’article 249, al. 2e prévoit que « le constatant ne doit porter aucun avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ».

Il ressort de ces dispositions que les constatations effectuées par l’huissier de justice instrumentaire doivent être empreintes de neutralité.

Autrement dit, il est interdit à l’huissier de justice de porter de tirer des conséquences ou de porter des appréciations sur les constatations faites.

Son intervention doit se limiter à constater des faits et à consigner dans un procès-verbal de constat. Il ne saurait, en conséquence, se déporter sur le terrain de la causalité, sauf à empiéter sur l’office du juge, ce qui est lui strictement défendu.

==> Exécution des constatations

L’article 233 du CPC prévoit que « le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée. »

Ainsi, seul l’huissier de justice en personne peut effectuer les constatations sollicitées. Tout au plus, il peut déléguer cette mission à un clerc, à la condition que celui-ci soit habilité à procéder à des constatations.

En tout état de cause, l’article 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que les huissiers de justice sont tenus d’établir leurs actes, exploits et procès-verbaux en un original ; ils en établissent des expéditions certifiées conformes.

À cet égard, ils sont responsables de la rédaction de leurs actes, sauf, lorsque l’acte a été préparé par un autre officier ministériel, pour les indications matérielles qu’ils n’ont pas pu eux-mêmes vérifier.

VI) La force probante du constat d’huissier

Parce que l’huissier de justice est un officier ministériel, les actes qu’il établit présentent, en principe, un caractère authentique.

Pour rappel, l’article 1369 du Code civil dispose que « l’acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. »

La particularité de l’acte authentique est qu’il « fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté. »

Le caractère authentique d’un acte lui confère ainsi une force probante des plus efficaces puisque seule une action en inscription de faux est susceptible de le remettre en cause.

La question qui alors se pose est de savoir si le procès-verbal de constat est constitutif d’un acte authentique.

À l’examen, seuls certains éléments du procès-verbal de constat présentent ce caractère authentique :

  • La date du constat
  • Le nom de l’huissier
  • La signature de l’huissier

S’agissant des énonciations relatives aux constatations effectuées par l’huissier de justice, l’article 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 prévoit que « sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire ».

Ainsi, les constatations consignées dans le procès-verbal établi par l’huissier peuvent être réfutées par une preuve contraire. Seule une présomption simple pèse sur ces constatations (V. en ce sens Cass. 2e civ. 6 juin 2013, n°12-17771). Elles ne présentent donc aucun caractère authentique.

Comme le rappelait le doyen Carbonnier à propos de l’adage « idem est non esse aut non probari » : « les droits sont comme s’ils n’existaient pas s’ils ne peuvent être prouvés ».

Il semble légitime qu’en matière civile, les constats dressés par un officier ministériel, soumis à des obligations déontologiques et à un contrôle strict, aient pour effet de renverser la charge de la preuve du fait de cette présomption simple établie par la loi.

Il ressort donc de la règle posée par le législateur que lorsqu’un juge doit trancher entre des prétentions contradictoires, les unes appuyées par un constat d’huissier, les autres fondées sur le témoignage d’un particulier, il ne peut accorder davantage de crédit aux constatations matérielles réalisées par l’huissier de justice et doit motiver avec soin sa décision par une analyse comparative des éléments qui lui sont présentés.

La procédure de référé devant le Tribunal judiciaire

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

?Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Dans la pratique, les justiciables tendent à avoir de plus en plus recours au juge des référés, simplement dans le but d’obtenir plus rapidement une décision judiciaire, détournant ainsi la fonction initiale de cette procédure.

On peut en outre souligner que depuis la loi du 30 juin 2000, une procédure de référé administratif a été introduite dans cet ordre juridictionnel.

?Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé est exécutoire immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

?Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 484 à 492 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 834 à 838 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 834 à 838 du CPC.
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 872 à 873-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 893 à 896 du CPC
    • Pour le Conseil de prud’hommes l’article 879 qui renvoie aux articles R. 1455-1 et suivants du Code du travail
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 956 et 957 du CPC.

I) La compétence du Juge des référés

A) La compétence d’attribution

?Une compétence calquée sur la compétence au fond

Le juge compétent pour connaître d’une procédure de référé est :

  • Soit le Président du Tribunal judiciaire qui serait compétent pour statuer sur le fond du litige.
  • Soit le Juge des contentieux de la protection pour les matières qui relèvent de sa compétence, soit celles visées aux articles L. 213-4-2 à L. 213-4-7 du COJ

Naturellement, la compétence de droit commun du tribunal judiciaire fait de son Président le juge des référés de droit commun.

L’article 836 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « les pouvoirs du président du tribunal judiciaire prévus aux deux articles précédents s’étendent à toutes les matières où il n’existe pas de procédure particulière de référé. »

S’agissant du Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’hommale, le législateur a institué une formation spéciale pour statuer sur les demandes en référé (art. L. 1423-13 et R. 1455-1 et suivants du Code du travail).

?Juge des référés et Juge de la mise en l’état

Enfin, l’article 789 du Code de procédure civile prévoit que lorsque le Juge de la mise en état est saisi, il est « jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal ».

Il en résulte que les parties ne disposent plus de la faculté de saisir le Juge des référés dont ils empruntent, à certains égards.

La désignation d’un Juge de la mise en état fait donc obstacle à la saisie du Juge des référés. Dans un arrêt du 10 novembre 2010, la Cour de cassation a néanmoins précisé que son monopole est circonscrit à l’objet du litige dont le Tribunal est saisi au fond (Cass. 2e civ. 10 nov. 2010, n°09-17.147).

Par ailleurs, si le juge des référés a été saisi avant la nomination du juge de la mise en état il demeure compétent. L’article 789 confère, en effet, une compétence exclusive à ce dernier que « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation ».

B) La compétence territoriale

Très tôt la jurisprudence a considéré que le Juge territorialement compétent pour statuer en référé est celui-là même qui serait compétent pour connaître du litige au fond (Cass. civ. 4 mai 1910).

Aussi, convient-il de se reporter aux articles 42 et suivants du Code de procédure civile pour déterminer la compétence territoriale du Juge des référés.

?Principe

À cet égard, l’article 42 prévoit que, en principe, « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. »

S’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.

Si le défendeur n’a, ni domicile, ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure ou celle de son choix s’il demeure à l’étranger.

?Cas particuliers

  • Premier cas
    • En matière réelle immobilière la juridiction du lieu où est situé l’immeuble est seule compétente (art. 44 CPC).
  • Deuxième cas
    • En matière de succession, sont portées devant la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu’au partage inclusivement (art. 45 CPC) :
      • Les demandes entre héritiers ;
      • Les demandes formées par les créanciers du défunt ;
      • Les demandes relatives à l’exécution des dispositions à cause de mort.
  • Troisième cas
    • Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur :
      • En matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l’exécution de la prestation de service ;
      • En matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi ;
      • En matière mixte, la juridiction du lieu où est situé l’immeuble ;
      • En matière d’aliments ou de contribution aux charges du mariage, la juridiction du lieu où demeure le créancier.

C) Incidence des clauses compromissoires et attributives de compétence

?Pour les clauses attributives de compétence

Dans un arrêt du 17 juin 1998, la Cour de cassation a considéré que « la clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés » (Cass. 2e civ., 17 juin 1998, n° 95-10.563).

Le juge des référés demeure donc compétent nonobstant la stipulation d’une telle clause.

?Pour les clauses compromissoires

La clause compromissoire est la convention par laquelle les parties à un ou plusieurs contrats s’engagent à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à ce ou à ces contrats.

  • Principe
    • L’article 1448 du Code de procédure civile issu du décret n°2011-48 du 13 janvier 2011 pose que « lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable. »
    • Ainsi, en cas de stipulation d’une clause compromissoire le Juge des référés doit se déclarer incompétent, ce qui n’est pas le cas en matière de clause attributive de compétence.
  • Exception
    • L’article 1449 du Code de procédure civile dispose que « l’existence d’une convention d’arbitrage ne fait pas obstacle, tant que le tribunal arbitral n’est pas constitué, à ce qu’une partie saisisse une juridiction de l’Etat aux fins d’obtenir une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ou conservatoire »
    • Lorsque, de la sorte, une partie sollicite l’adoption de mesures conservatoires ou d’instruction, la stipulation d’une clause compromissoire ne fait pas obstacle à la saisine du Juge des référés

II) La saisine du Juge des référés

?Juge du provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que le juge des référés « n’est pas saisi du principal », en ce sens que les mesures qu’il prend n’ont qu’un caractère provisoire.

Aussi, le provisoire emporte-t-il certains effets, à commencer par l’absence d’autorité de la chose jugée au principal de la décision ordonnée, ou encore l’impossibilité de concevoir un recours en révision contre une ordonnance de référé, dès lors qu’elle est toujours susceptible d’être rapportée en cas de circonstances nouvelles (Cass. 2e civ., 11 juillet 2013, n° 12-22.630).

La conséquence en est que l’ordonnance rendue ne s’impose donc pas au juge du fond qui serait saisi ultérieurement aux mêmes fins, ce qui, autrement dit, signifie que la décision rendue par le juge des référés ne préjudicie pas au principal.

Rien n’interdit au juge saisi au fond de rendre une décision différente de celle qui aura été prise par le Juge des référés. Le premier ne sera pas non plus tenu de tenir compte de la solution retenue par le second.

La procédure de référé et la procédure au fond sont ainsi totalement déconnectées, raison pour laquelle elles peuvent se succéder ou être concomitantes.

  • La procédure de référé et la procédure au fond se succèdent
    • Il s’agit de l’hypothèse la plus répandue
    • Le juge des référés a rendu une décision provisoire qui engendre la saisine de la juridiction au fond
    • Bien que cette saisine au fond ne soit pas nécessaire, elle sera souvent effectuée par la partie qui y trouve un intérêt, en particulier si la décision rendue en référé ne lui est pas favorable.
  • La procédure de référé et la procédure au fond sont concomitantes
    • Lorsque l’urgence de la situation ne permet pas d’attendre l’issue de la procédure engagée au fond, les parties disposent de la faculté de saisir, en parallèle, le juge des référés
    • Celui-ci rendra alors une décision provisoire qui aura vocation à s’appliquer tant qu’aucune décision au fond ne sera intervenue

?Juge de l’évidence

Le juge des référés n’est pas seulement le juge du provisoire, il est également le juge de l’évidence.

Concrètement, le pouvoir du juge des référés est limité à ce qui est manifeste, ce qui lui interdit de se prononcer sur trois catégories de problématiques juridiques :

  • Le statut des biens et des personnes
    • Il s’agit de toutes les questions qui ont trait aux incapacités, à la filiation, à la qualité de propriétaire ou encore à la régularité d’une sûreté réelle
    • Seul un examen au fond permet de trancher le litige.
  • Les actions en responsabilité
    • Si le juge des référés est compétent pour allouer une provision à une partie, il ne dispose pas du pouvoir d’octroyer des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice dont se prévaudrait le demandeur (V. en ce sens Cass. 2e civ., 11 déc. 2008, n° 07-20.255).
    • La raison en est que la caractérisation des conditions de mise en œuvre de la responsabilité suppose un examen au fond.
  • L’interprétation et la validité des actes juridiques
    • Dans un arrêt du 4 juillet 2006, la Cour de cassation a considéré que la nécessité pour le Juge des référés de se livrer à l’interprétation d’un contrat révélait l’existence d’une contestation sérieuse, de sorte que la demande qui lui était soumise échappait à sa compétence (Cass. 1ère civ. 4 juill. 2006, n°05-11.591).
    • Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, par ailleurs, que le juge des référés n’est pas investi du pouvoir d’annuler un acte (Cass. soc. 14 mars 2006, 04-48.322) ou de résilier un contrat (Cass. com. 13 oct. 1998, n°96-15.062).
    • Tout au plus, le juge des référés dispose du pouvoir de constater la résolution d’un contrat déjà acquise, de plein droit, par le jeu d’une clause résolutoire, comme c’est le cas en matière de bail (Cass. com. 28 nov. 2006, n° 04-20.734).

III) Les variétés de référé

Si le point commun à toutes les mesures de référé susceptibles d’être prononcées par le Juge réside dans le caractère provisoire dont elles sont assorties, il existe plusieurs cas d’ouverture du référé.

Selon le résultat recherché par le demandeur, le fondement de la mesure invoquée sera différent. À cet égard, on distingue classiquement 4 sortes de référés :

  • Le référé d’urgence
  • Le référé conservatoire
  • Le référé provision
  • Le référé injonction
  • Le référé probatoire

A) Le référé d’urgence (art. 834 CPC)

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’intérêt de ce référé réside indéniablement dans la possibilité pour le demandeur de solliciter du Juge des référés l’adoption de toutes mesures qu’il jugera utiles dès lors que leur prononcé n’implique pas un examen du litige au fond.

Reste que, en contrepartie, il devra démontrer la réunion de plusieurs conditions qui seront appréciées strictement par le Juge.

1. Sur la recevabilité de la demande

La recevabilité d’une action en référé sur le fondement de l’article 834 du Code de procédure civile est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

a. L’établissement d’un cas d’urgence

Première condition à remplir pour solliciter le Juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC : l’établissement d’un cas d’urgence.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 834 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, n°04-11.121).

b. L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

Pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’établissement d’un cas d’urgence ne suffit pas. Il faut encore démontrer que la mesure sollicitée :

  • Soit ne se heurte à aucune contestation sérieuse
  • Soit se justifie par l’existence d’un différend

Il convient d’observer que ces deux conditions énoncées, en sus de l’exigence d’urgence, sont alternatives, de sorte que la non satisfaction de l’une ne fait pas obstacle à l’adoption par le juge de la mesure sollicitée par le demandeur (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n°78-15.549).

Ainsi, dans l’hypothèse où ladite mesure se heurterait à une contestation sérieuse, tout ne serait pas perdu pour le requérant qui peut toujours obtenir gain cause si l’adoption de la mesure est justifiée par l’existence d’un différend.

Reste que, en pareille hypothèse, le pouvoir du Juge des référés sera limité à l’adoption d’une mesure conservatoire, soit d’une mesure qui ne consistera pas en l’application de la règle de droit substantielle, objet du litige.

A contrario, en l’absence de contestation sérieuse, le juge sera investi d’un pouvoir des plus étendue, en sorte qu’il pourra prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’étendue du pouvoir du Juge des référés dépend ainsi de l’existence d’une contestation sérieuse, la démonstration de l’existence d’un différend n’étant nécessaire qu’en présente d’une telle contestation.

?Sur l’absence de contestation sérieuse

Dès lors que la mesure sollicitée se heurtera à une contestation sérieuse, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC sera contraint de rejeter la demande formulée par le requérant.

Il convient d’observer que l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas une exception d’incompétence, mais s’apparente à un défaut de pouvoir du juge. Elle n’a donc pas à être soulevée avant toute défense au fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-17.524).

À l’instar de la notion d’urgence, la référence à l’absence de contestation sérieuse ne se laisse pas aisément définir. Que faut-il entendre par cette formule ?

Elle doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond. En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Plusieurs exemples peuvent être convoqués pour illustrer les limites du pouvoir du juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC.

Ont été considérées comme constitutifs d’une contestation sérieuse et donc ne relevant pas du pouvoir du juge des référés :

Si le Juge des référés excède ses pouvoirs et encourt la cassation pour violation de la loi dans l’hypothèse où il est contraint de se livrer à l’interprétation pour statuer, il en va autrement lorsqu’il lui incombe, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d’une obligation, d’interpréter non pas un contrat, mais la loi.

À cet égard, la Cour de cassation a pu censurer le juge du provisoire qui s’était refusé à mettre en œuvre une telle interprétation et s’est alors prononcée au visa de l’article 12 du code de procédure civile selon lequel le juge (des référés également) doit trancher le litige conformément aux règles de droit (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-42.116).

S’agissant de l’appréciation de l’absence de contestation sérieuse, elle ne relève plus du pouvoir souverain des juges du fonds depuis un arrêt rendu par l’assemblée plénière en date du 16 novembre 2001 (Cass. ass. plén., 16 nov. 2001, n° 99-20.114).

?Sur l’existence d’un différend

Si la démonstration de l’existence d’un différend n’est pas nécessaire lorsque, en cas d’urgence, il est établi l’absence de contestation sérieuse, tel n’est pas le cas en présence d’une contestation sérieuse.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra, en effet, au demandeur, de démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par l’existence d’un différend.

Par différend, il faut entendre tout litige ou désaccord, de quelque nature que ce soit, entre les parties.

Reste que pour que le juge prononce une mesure conservatoire s’il constate l’existence d’un différend entre les parties, celui-ci devra justifier l’adoption de la mesure.

Autrement dit, la mesure sollicitée ne devra pas être étrangère au différend. Elle devra être en lien avec lui.

Il pourra, par exemple, s’agir de la désignation d’un mandataire ad hoc en cas de mésentente entre associés d’une société (Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n°11-23.153).

La mesure prise peut encore consister en la suspension d’un commandement de payer en cas de litige entre le créancier et son débiteur (Cass. com., 26 févr. 1980, n°78-15.687).

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 1er févr. 2011, n°10-10.353).

2. Sur les mesures prononcées

?Les mesures autorisées

Pour mémoire, l’article 834 du CPC prévoir que, lorsque le juge des référés en cas d’urgence il peut « ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

À l’examen, il apparaît que l’article 834 du CPC confère au juge le pouvoir de prononcer deux sortes de mesures, selon qu’il existe ou non une contestation sérieuse :

  • En l’absence de contestation sérieuse
    • Le juge dispose du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation, soit des mesures qui sont très proches de celles susceptibles d’être prononcées à l’issue de l’instance au fond.
    • Dans cette hypothèse, l’application de la règle de droit substantielle n’est contestée, de sorte que le juge des référés dispose du pouvoir de lui faire produire ses effets.
  • En présence d’une contestation sérieuse
    • Le juge des référés sera privé de son pouvoir de prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.
    • Il ne pourra prononcer des mesures conservatoires, soit des mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Il pourra s’agir, par exemple, de la désignation d’un administrateur provisoire ou de la mise sous séquestre d’une somme d’argent.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle (suspension de travaux dans l’attente de la décision du juge du fond, désignation d’un administrateur judiciaire pour une association ou une copropriété, suspension des effets d’un commandement de payer, désignation d’un séquestre etc.)

?Les mesures interdites

Bien que le Juge des référés dispose, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation de la décision au fond, il lui est interdit d’ordonner une mesure qui se heurte à une contestation sérieuse.

Ainsi lui est-il interdit de prononcer une mesure qui procède :

  • Soit de l’appréciation du statut des personnes ou de biens
  • Soit de l’appréciation du bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit de l’interprétation des termes d’un acte juridique ou de l’appréciation de sa validité

B) Le référé conservatoire (art. 835, al. 1er CPC)

L’article 835, al. 1er du CPC dispose que « le président du tribunal judiciaire ou le juge de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’il s’agit de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser un trouble illicite, le Juge des référés dispose du pouvoir de prononcer deux sortes de mesures :

  • Des mesures conservatoires
  • Des remises en état

La question qui rapidement s’est posée a été de savoir si ces mesures pouvaient indifféremment être prononcées lorsqu’est établi, soit la survenance d’un dommage imminent, soit l’existence d’un trouble manifestement illicite.

À l’examen, il apparaît que l’adoption d’une mesure de remise en état ne saurait, par définition, être prononcée pour prévenir un dommage imminent. Cette mesure ne se conçoit que si le dommage s’est déjà réalisé. Or s’il est imminent, cela signifie qu’il n’a pas encore eu lieu.

De ce constat, on peut en déduire que :

  • D’une part, l’adoption d’une mesure de remise en état ne sera prononcée que pour faire cesser un trouble manifestement illicite
  • D’autre part, la prescription d’une mesure conservatoire ne se justifiera que dans l’hypothèse où il est nécessaire de prévenir un dommage imminent

En toute hypothèse, comme prévu par l’article 835, al. 1er du CPC, il est indifférent qu’existe une contestation sérieuse.

Lorsque le juge est saisi sur le fondement de cette disposition, l’établissement d’une telle contestation sera sans incidence sur le pouvoir du Juge de prononcer une mesure conservatoire ou une mesure de remise en état.

1. Prévention du dommage imminent et prescription d’une mesure conservatoire

Pour solliciter la prescription d’une mesure conservatoire du Juge des référés, il convient donc de justifier l’existence d’un dommage imminent.

?Sur le dommage imminent

Le dommage imminent s’entend du dommage qui n’est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer (V. en ce sens Cass. com., 13 avr. 2010, n° 09-14.386).

Ainsi, appartient-il au demandeur de démontrer que, sans l’intervention du Juge, il est un risque dont la probabilité est certaine qu’un dommage irréversible se produise.

Ce dommage peut procéder d’une situation de fait, de la méconnaissance d’un droit ou de la violation d’une règle.

La probabilité de la survenance de ce dommage doit être suffisamment forte pour justifier l’adoption de mesures conservatoires, soit de mesures qui peuvent être contraignantes pour la partie contre laquelle elles sont prises.

Il convient d’observer que, dans ce cas de figure, le pouvoir dont est investi le Juge des référés est semblable à celui qu’il détient en application de l’article 835 du CPC, l’existence d’une contestation sérieuse étant indifférent.

Pour ce qui est de la condition tenant à l’urgence, elle est comprise dans l’exigence de survenance imminente du dommage.

S’agissant de l’appréciation du dommage imminent elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fonds, la Cour de cassation n’exerçant aucun contrôle sur cette notion (V. en ce sens Cass. 3e civ., 5 nov. 2015, n° 14-18.184).

?Sur les mesures conservatoires

Lorsque le juge constate le risque de survenance d’un dommage imminent, il est investi du pouvoir de prononcer des mesures conservatoires.

La mesure conservatoire est à l’opposé de la mesure d’anticipation, en ce qu’elle ne doit pas consister à anticiper la décision au fond. Autrement dit, elle a seulement vocation à geler une situation dans l’attente qu’il soit statué au principal sur le litige.

Une mesure conservatoire peut consister en la suspension de travaux, en la désignation d’un administrateur judiciaire pour une personne morale, en la suspension des effets d’un commandement de payer, en la désignation d’un séquestre etc.

A contrario, une mesure conservatoire ne pourra pas consister en l’octroi d’une provision ou en la mainlevée d’un commandement de payer.

2. Cessation d’un trouble manifestement illicite et adoption d’une mesure de remise en état

Pour solliciter du Juge des référés l’adoption d’une mesure de remise en état, le demander doit justifier la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans un arrêt du 22 mars 1983, la Cour de cassation a précisé que, dans cette hypothèse, il n’était pas nécessaire de démontrer l’urgence à l’instar d’une demande de référé (Cass. 3e civ. 22 mars 1983, n°81-14.547).

Cette décision a été confirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 5 mai 2011 (Cass. 2e civ., 5 mai 2011, n°10-19.231).

?Sur le trouble manifestement illicite

Le trouble manifestement illicite s’entend, selon un auteur, de « toute perturbation résultant d’un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit ».

Il ressort de la jurisprudence que ce trouble peut résulter de la méconnaissance d’un droit ou d’une règle (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 17 mars 2016, n° 15-14.072).

Il importe peu que la règle violée soit d’origine légale ou contractuelle. Il est également indifférent que la norme méconnue soit de nature civile ou pénale.

À cet égard, constitue un trouble manifestement illicite :

S’agissant de l’appréciation de l’existence d’un trouble manifestement illicite, la Cour de cassation exerce son contrôle sur cette notion (Cass. ass. plén., 28 juin 1996, n°94-15.935) ou son absence (pour une corrida organisée dans la zone couverte par une tradition locale ininterrompue : Cass. 2e Civ., 22 nov. 2001, n°00-16.452).

Plus précisément, la deuxième chambre civile a décidé de laisser à l’appréciation souveraine des juges du fond les éléments de preuve établissant l’existence du trouble, mais exerce son contrôle sur l’illicéité manifeste de ce trouble (Cass. 2e Civ., 7 juin 2007, n°07-10.601 ; Cass. 2e civ., 6 déc. 2007, n°07-12.256).

Les juges du provisoire apprécient ensuite souverainement la mesure propre à mettre fin au trouble qu’ils ont constaté (Cass. 2e civ., 12 juillet 2012n°11-20.687), car il résulte de la lettre même du texte que l’intervention du juge des référés ne peut tendre qu’à faire cesser le trouble (ou à empêcher la survenance du dommage imminent), ce qui lui laisse une latitude importante dans le choix des mesures, à cette exception près que la mesure ne doit pas être inopérante (Cass. 2e civ., 30 avr. 2009, n°08-16.493) et ne pas porter une atteinte excessive à la liberté d’expression (Cass. soc., 26 mai 2010, n°09-12.282).

Mais si, au jour où le juge des référés statue, le trouble allégué a pris fin, aucune mesure ne peut être prononcée sur le fondement de l’article 835, al. 1er, du CPC, étant précisé qu’en cas d’appel, la cour d’appel statuant en référé doit apprécier l’existence du trouble ou du risque allégué en se plaçant au jour où le premier juge a rendu sa décision et non au jour où elle statue (Cass. 2e civ., 4 juin 2009, n°08-17.174).

En cas de cessation du trouble au jour de l’ordonnance, seule la réparation du dommage peut alors être envisagée, mais elle relève du juge du fond (Cass. 2e civ., 22 sept. 2005, n°04-12.032), ce dernier ne disposant pas, en l’état des textes, des moyens de faire cesser l’illicite, quoiqu’il puisse condamner, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, à des dommages-intérêts pour compenser le coût de réparations de nature à empêcher la survenance d’un dommage grave et imminent, que la jurisprudence assimile au préjudice certain (Cass. 2e civ., 15 mai 2008, n°07-13.483).

?Sur les mesures de remise en état

La mesure de remise en état prescrite par le juge doit avoir pour finalité de faire cesser le trouble manifestement illicite dont il est fait état par le demandeur.

Il pourra donc s’agir de faire cesser la diffusion d’un article de presse diffamatoire, de prononcer la mainlevée d’une saisie pratiquée sans titre exécutoire, d’ordonner la destruction de travaux, la remise en état des lieux ou encore l’expulsion d’un occupant sans droit ni titre.

La demande d’adoption d’une mesure de remise en état ne pourra être motivée que par la nécessité de faire cesser un trouble manifestement illicite.

C) Le référé provision (art. 835, al. 2e CPC)

L’article 835, al. 2e du CPC prévoit que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier »

Il ressort de cette disposition que, dans l’hypothèse où l’obligation dont se prévaut le demandeur n’est pas « sérieusement contestable », il peut solliciter du juge des référés l’octroi d’une provision.

Plusieurs règles encadrent la demande d’une provision fondée sur l’article 835, al. 2e du CPC :

?L’indifférence d’établissement d’un cas d’urgence

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 835, al. 2e du CPC, la Cour de cassation a précisé qu’il n’était pas nécessaire pour le demandeur d’établir l’existence d’un cas d’urgence, comme exigé lorsque la demande est fondée sur l’article 834 du CPC.

Dans un arrêt du 25 mars 2003, la première chambre civile a jugé en ce sens que « la faculté accordée au juge d’allouer une provision au créancier n’est pas subordonnée à la constatation de l’urgence » (Cass. 1ère civ., 25 mars 2003, n° 00-13.471).

Aussi, est-ce sur cet élément essentiel que le référé d’urgence et le référé provision se distinguent. Tandis que pour l’un l’urgence est indifférente, pour l’autre elle est une condition essentielle.

Ils se rejoignent néanmoins sur un point : l’exigence d’absence de contestation sérieuse.

?L’exigence d’absence d’obligation sérieusement contestable

L’article 835, al. 2e du CPC subordonne la demande d’une provision à l’absence d’obligation sérieusement contestable.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « obligation sérieusement contestable ».

À la vérité, cette formule se rapproche très étroitement des termes de l’article 834 du CPC qui autorise à solliciter du Juge des référés « toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».

Autant dire que les deux notions se confondent. Elles peuvent donc être envisagées de la même manière.

L’existence d’une obligation une obligation sérieusement contestable doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond.

En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Lorsque l’absence d’obligation sérieusement contestable est établie, le juge intervient dans sa fonction d’anticipation, en ce sens qu’il va faire produire à la règle de droit substantiel objet du litige des effets de droit. D’où la faculté dont il dispose d’allouer une provision, en prévision du jugement à intervenir.

Aussi lorsque l’obligation invoquée sera sérieusement contestable, le pouvoir du Juge des référés sera cantonné à l’adoption de mesures conservatoires. Il ne pourra, dans ces conditions, être saisi, soit sur le fondement de l’article 834 du CPC, soit sur le fondement de l’article 835, al. 1er.

S’agissant de l’appréciation de l’absence d’« obligation sérieusement contestable », elle fait l’objet d’un contrôle de la cour de cassation à l’instar de la notion de « contestation sérieuse » (Cass. 2e civ., 24 mars 2016, n° 15-15.306).

?La demande d’octroi d’une provision

En cas d’obligation non sérieusement contestable, une provision peut être accordée : le demandeur peut donc solliciter l’octroi d’une somme provisionnelle, et non d’une somme à titre de dommages-intérêts ou au titre d’une créance contractuelle.

Dans le cas contraire, la demande pourrait être rejetée au motif qu’elle ne relève pas du pouvoir du juge des référés qui pourrait considérer « n’y avoir lieu à référé sur la demande d’indemnisation ».

S’il est investi d’un pouvoir d’anticipation, cela ne lui permet, pour autant, pas de statuer au principal.

Dès lors qu’est démontrée l’absence d’obligation sérieusement contestable, le Juge des référés dispose d’un pouvoir souverain pour déterminer le montant de la provision à allouer au demandeur (Cass. com., 20 nov. 2007, n° 06-20.669).

Aussi, rien ne s’oppose à ce que le Juge des référés alloue une provision une somme correspondant à l’intégralité de la créance qui sera invoquée au principal.

Dans un arrêt du 20 janvier 1981, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « le montant de la provision n’avait d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée » (Cass. com., 20 janv. 1981, n°79-13.050).

Dans l’hypothèse où l’obligation invoquée serait partiellement contestable, le juge pourra allouer une provision pour la partie non sérieusement contestable.

D) Le référé injonction (art. 835, al. 2e in fine CPC)

L’article 835, al. 2e in fine dispose que « dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

En cas d’obligation non sérieusement contestable, le juge des référés dispose ainsi de la faculté, en plus du pouvoir d’allouer une provision, d’ordonner l’exécution d’une obligation de faire.

Pour que la mesure prononcée soit efficace, il conviendra pour le juge des référés, de l’assortir d’une astreinte, à défaut de quoi l’inexécution de l’obligation ne serait pas sanctionnée.

Le référé injonction peut, par exemple, être utilisé aux fins de solliciter l’expulsion des lieux d’un occupant sans droit, ni titre (V. en ce sens Cass. 3e civ. 14 oct. 1987).

E) Le référé probatoire (art. 145 CPC)

Selon l’article 9 du code de procédure civile, c’est aux parties qu’incombe la charge de prouver les faits propres à fonder leurs prétentions.

Cependant, l’article 143 précise que « les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d’office, être l’objet de toute mesure d’instruction légalement admissible ».

Certes, les parties ne sont pas véritablement titulaires d’un droit à obtenir une mesure d’instruction.

À cet égard, l’article 146 du code de procédure civile fait interdiction au juge d’ordonner une mesure d’instruction en vue de suppléer leur carence dans l’établissement de la preuve.

Toutefois, le code de procédure civile a prévu la possibilité pour une partie d’obtenir l’organisation d’une mesure d’instruction judiciaire avant même l’engagement d’un procès.

L’article 145 de ce code dispose en ce sens que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».

Il est de jurisprudence constante que l’article 146 du code de procédure civile est sans application lorsque le juge est saisi sur le fondement de l’article 145 du même code (Cass. 2e civ., 10 juillet 2008, n°07-15.369 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2011, n°10-11.732).

Plus précisément, le demandeur doit justifier que la mesure, qui ne peut être ordonnée si un procès est déjà en cours entre les parties, est en lien avec un litige susceptible de les opposer et que l’action éventuelle concernant ce litige n’est pas manifestement vouée à l’échec : la mesure doit être de nature à éclairer le juge susceptible d’être saisi du litige opposant les parties (Cass. 2e civ., 29 sept. 2011, n° 10-24.684).

Il ressort de l’article 145 du Code de procédure civile que, lorsque le juge est saisi, avant qu’un procès n’ait lieu, il est investi du pouvoir de prendre deux sortes de mesures :

  • Soit il peut prendre des mesures propres à assurer la conservation des preuves
  • Soit il peut prendre des mesures qui tendent à la constitution de preuves

C’est ce que l’on appelle des mesures d’instruction in futurum

Reste que la mise en œuvre de cette disposition est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que les mesures susceptibles d’être prononcées par le juge sont limitées.

1. Les conditions de mises en œuvre

a. Les conditions procédurales

L’article 145 du Code de procédure civile présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent.

Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché.

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n°00-11.134).

Lorsque toutefois la procédure sur requête se justifie, deux conditions devront être remplies par le requérant :

  • D’une part, aucune instance au fond ne doit avoir été introduite, les mesures d’instructions in futurum visant à se procurer des preuves avant tout procès
  • D’autre part, il doit justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec

Au bilan, la voie privilégiée pour engager une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC, c’est le référé.

La procédure sur requête ne peut être envisagée qu’à la condition de justifier de circonstances exceptionnelles.

b. Les conditions de fond

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC, la mesure sollicitée doit être justifiée par la nécessité de conserver ou d’établir les faits en vue d’un procès potentiel.

?Sur la justification d’un motif légitime

La demande ne peut être accueillie que si le demandeur justifie d’un motif légitime, dont l’existence est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass. 2e civ., 8 févr. 200, n°05-14.198).

La légitimité du motif est étroitement liée à la situation des parties et à la nature de la mesure sollicitée, le motif n’étant légitime que si les faits à établir ou à conserver sont eux-mêmes pertinents et utiles.

Le juge n’a pas à caractériser la légitimité de la mesure au regard des différents fondements juridiques possibles de l’action en vue de laquelle elle était sollicitée (Cass. 2e civ., 8 juin 2000, n° 97-13.962).

Les mesures d’instruction peuvent tendre à la conservation des preuves, mais aussi à l’établissement de faits, et peuvent concerner des tiers, si aucun empêchement légitime ne s’y oppose (Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n°10-20.048).

Les mesures d’investigation ordonnées, que ce soit en référé ou sur requête, doivent être légalement admissibles.

La Cour de cassation veille à ce que le juge se soit assuré que les mesures sollicitées ne comportent pas d’atteinte à une liberté fondamentale (Cass. 2e civ., 10 nov. 2010, n° 09-71.674 ; Cass. 2e civ., 6 janv. 2011, n° 09-72.841).

Par exemple, il a été jugé qu’excède les mesures d’instruction légalement admissibles au sens de l’article 145 du code de procédure civile, la mesure ordonnée par le président d’un tribunal de commerce autorisant un huissier de justice à se rendre dans les locaux d’une société suspectée d’actes de concurrence déloyale et de détournement de clientèle et à se saisir de tout document social, fiscal, comptable, administratif, de quelque nature que ce soit, susceptible d’établir la preuve, l’origine et l’étendue du détournement, permettant ainsi à l’huissier de justice de fouiller à son gré les locaux de la société, sans avoir préalablement sollicité la remise spontanée des documents concernés et obtenu le consentement du requis (Cass. 2e civ., 16 mai 2012, n° 11-17.229).

Aussi, la Cour de cassation se montre vigilante sur l’étendue des investigations pouvant être autorisées sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Il peut être noté que, dans un arrêt du 7 janvier 1999, la Cour de cassation a estimé que « le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures qu’il ordonne procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées » (Cass. 2e civ. 7 janvier 1999, n° 95-21.934).

En pratique, il existe de nombreuses contestations contre les décisions ordonnant des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145, en raison :

  • De l’insuffisance de démonstration du « motif légitime » de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige ;
  • De l’imprécision de la mesure d’expertise sollicitée, la mission de l’expert ne pouvant pas être générale, mais précisément limitée à la recherche des faits pertinents, en quelque sorte « ciblée » (comme pour toute demande d’expertise, y compris devant le juge du fond) ;

Reste que, le Juge ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire, raison pour laquelle il lui appartient de motiver sa décision d’admettre ou de rejeter une demande de mesure d’instruction ou de production forcée de pièces sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ., 8 mars 2007, n° 06-15.251).

C’est là une différence essentielle avec le juge saisi au fond qui dispose du pouvoir d’ordonner discrétionnairement ou non une mesure d’instruction (Cass. com. 3 avr. 2007, n° 06-12.762 ; Cass. com17 mars 2004, n° 00-13.081).

?Sur la potentialité d’un procès

Mesure par nature préventive, le référé de l’article 145 du code de procédure civile, parfois appelé « référé instruction », a pour objet de permettre à un sujet de droit de se procurer une preuve dont il pourrait avoir besoin à l’appui d’un procès potentiel.

Encore faut-il que ce dernier soit envisageable.

Le litige doit être potentiel, ce qui signifie qu’il ne doit pas être en cours. Selon une jurisprudence bien établie, la condition tenant à l’absence d’instance au fond, prescrite par le texte (« avant tout procès »), est une condition de recevabilité devant être appréciée, et conséquemment remplie, au jour de la saisine du juge des référés.

Par procès, il faut entendre une instance au fond. Dans un arrêt du 11 mai 1993, la Cour de cassation a considéré qu’une mesure in futurum devait être ordonnée « avant tout procès, c’est-à-dire avant que le juge du fond soit saisi du procès en vue duquel (cette mesure) est sollicitée » (Cass. com., 11 mai 1993, n°90-20.430).

La saisine du Juge des référés n’interdit donc pas l’introduction d’une demande sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ., 17 juin 1998, n°95-10.563).

Quant à l’appréciation de l’existence d’un procès, dans un arrêt du 28 juin 2006, la Cour de cassation a considéré « qu’en statuant ainsi, alors que l’absence d’instance au fond, qui constitue une condition de recevabilité de la demande, devait s’apprécier à la date de la saisine du juge, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. 2e civ., 28 juin 2006, n° 05-19.283).

Reste que l’interdiction de saisir le Juge des référés sur le fondement de l’article 145 est inapplicable lorsque la mesure litigieuse est sollicitée pour recueillir la preuve, avant tout procès, d’actes de concurrence déloyale distincts du procès qui oppose les parties (Cass. com. 3 avr. 2013, n°12-14.202).

2. Les mesures prises

Lorsque le juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, il peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général.

La deuxième chambre civile a ainsi validé la décision d’une Cour d’appel qui avait considéré que parce que « la mesure d’instruction demandée s’analysait en une mesure générale d’investigation portant sur l’ensemble de l’activité de la société Drouot et tendant à apprécier cette activité et à la comparer avec celle de sociétés ayant le même objet, la cour d’appel n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle tient de l’article 145 du nouveau Code de procédure civile, en décidant sans ajouter au texte une condition qu’il ne contenait pas, que la mesure demandée excédait les prévisions de cet article » (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831).

Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises. À cet égard, ce peut être :

  • La désignation d’un expert
  • La désignation d’un huissier de justice
  • La production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers

S’agissant de la production forcée de pièces, c’est de manière prétorienne que les « mesures d’instruction » ont été étendues à cette sollicitation, par combinaison des articles 10, 11 et 145 du CPC.

En effet, l’article 145 relève d’un sous-titre du Code de procédure civile consacrée aux mesures d’instruction.

La production de pièces est régie, quant à elle, par un sous-titre distinct, ce qui a fait dire à certains que, en l’absence de texte prévoyant expressément la production forcée de pièces par une autre partie ou par un tiers, cette mesure ne relevait pas de la compétence du Juge des référés saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Reste que l’article 145 est compris dans le titre VII du Code de procédure dédié à « l’administration judiciaire de la preuve ».

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a admis que le juge des référés puisse ordonner la production forcée de pièces détenues, soit par une autre partie (Cass. com. 11 avril 1995, n° 92-20.985 ; Cass. 2e civ. 23 sept. 2004, n° 02-16.459 ; Cass. 2e civ., 17 févr. 2011, n° 10-30.638) ou par des tiers (Cass. 1ère civ., 20 déc. 1993, n° 92-12.819 ; Cass. 2e civ., 26 mai 2011, n° 10-20.048).

Il a, en effet, été considéré que cette production forcée était de nature à contribuer à la bonne « instruction » de l’affaire.

Pratiquement, il conviendra, de solliciter la production forcée de pièces sous astreinte, afin que l’ordonnance rendue puisse être exécutée efficacement.

Enfin, Lorsque la demande de production forcée de pièces est sollicitée en cours de procédure, il conviendra de se fonder sur les articles 11 et 138 du Code de procédure civile.

3. L’exécution de la mesure prise

?Principe

Lorsque le Juge des référés est saisi sur le fondement de l’article 145 du CPC il est immédiatement dessaisi après avoir ordonné la mesure sollicitée (Cass. 2e civ., 6 juin 2013, n° 12-21.683).

Il en résulte qu’il n’est pas compétent pour connaître de l’irrégularité de l’exécution de la mesure ordonnée.

Dans un arrêt du 15 juin 1994, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « en déboutant les époux X… de leur demande d’interdiction et en ordonnant la mesure d’instruction sollicitée, avait épuisé sa saisine en tant que juridiction des référés ; qu’elle a donc à bon droit déclaré que les époux X… n’étaient pas recevables à lui demander une nouvelle expertise » (Cass. 2e civ., 15 juin 1994, n°92-18.186).

Dans un arrêt du 24 juin 1998, elle a encore décidé après avoir relevé que « pour commettre un nouveau technicien en lui confiant une mission identique à celle qui avait été précédemment ordonnée, [l’arrêt attaqué] retient que le premier technicien n’a pas correctement exécuté sa mission alors qu’en ordonnant par son arrêt du 3 octobre 1995 la mesure d’expertise sollicitée par la société Henri Maire, elle avait épuisé les pouvoirs que le juge des référés tient de l’article 145 susvisé, toute demande de nouvelle mesure d’instruction motivée par l’insuffisance des diligences du technicien commis ne pouvant relever que de l’appréciation du juge du fond, la cour d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs » (Cass. 2e civ. 24 juin 1998, n° 97-10.638).

Aussi, c’est aux seuls juges du fond d’apprécier la régularité de l’exécution de la mesure d’instruction in futurum ordonnée par le Juge des référés sur le fondement de l’article 145 du CPC (Cass. 2e civ. 2 déc. 2004, n°02-20.205).

?Tempéraments

Une fois la mesure ordonnée le Juge des référés peut seulement « sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, déclarer commune à une autre partie une mesure d’instruction qu’il a précédemment ordonnée en référé » (Cass. 2e civ., 12 juill. 2001, n° 00-10.162).

Rien ne lui interdit, par ailleurs d’étendre la mission de l’expert à toutes fins utiles dont dépend la solution du litige (Cass. com., 22 sept. 2016, n° 15-14.449).

IV) L’instance en référé

A) La représentation des parties

Si, sous l’empire du droit antérieur, en matière de référé les parties disposaient de la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire représenter, la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a modifié la règle.

Désormais, la procédure de référé est, s’agissant de la représentation des parties, alignée sur les mêmes règles que celles applicables dans le cadre de la procédure au fond.

Le principe est donc que la représentation est obligatoire. Par exception, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire représenter.

?La représentation obligatoire

L’article 760 du CPC prévoit que les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

La représentation est ainsi, par principe, obligatoire devant le Tribunal judiciaire.

Cette représentation obligatoire relève, à cet égard, du monopole de postulation des avocats.

Il en résulte que les avocats ne sont autorisés à accomplir des actes de procédure que devant les tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel.

Pour les avocats extérieurs au ressort de la Cour d’appel, leur intervention ne pourra se limiter qu’à l’activité de plaidoirie.

La conséquence en est pour le justiciable, qu’il devra s’attacher les services de deux avocats :

  • Un avocat plaidant pour défendre sa cause à l’oral devant la juridiction saisie
  • Un avocat postulant pour accomplir les actes de procédure

?La représentation facultative

Devant le Tribunal judiciaire, la représentation par avocat n’est facultative que par exception.

L’article 761 du CPC prévoit en ce sens que les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

Lorsque la représentation est facultative, l’article 762 du CPC dispose que les parties peuvent :

  • Soit se défendre elles-mêmes.
  • Soit se faire assister ou représenter par :
    • Un avocat ;
    • Leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne directe ;
    • Leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
    • les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.
  • L’article 761, al. 3 du CPC précise que l’État, les départements, les régions, les communes et les établissements publics peuvent se faire représenter ou assister par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
  • Lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties disposent ainsi du choix d’assurer leur propre défense ou de désigner un mandataire.
  • Lorsqu’elles choisissent de se faire représenter, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

B) L’introduction de l’instance

1. L’acte introductif d’instance

?L’assignation

L’article 485, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la demande est portée par voie d’assignation à une audience tenue à cet effet aux jour et heure habituels des référés. »

Il n’existe ainsi qu’un seul mode de saisine du Juge des référés : l’assignation. Elle est définie à l’article 55 du CPC comme « l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge. »

L’assignation consiste, autrement dit, en une citation à comparaître par-devant la juridiction saisie, notifiée à la partie adverse afin qu’elle prenne connaissance des prétentions du demandeur et qu’elles puissent, dans le cadre d’un débat contradictoire, fournir des explications.

L’assignation présente cette particularité de devoir être notifiée au moyen d’un exploit d’huissier.

Ainsi, doit-elle être adressée, non pas au juge, mais à la partie mise en cause qui, par cet acte, est informée qu’un procès lui est intenté, en conséquence de quoi elle est invitée à se défendre.

?Formalisme

Dans le cadre de la procédure de référé par-devant le Tribunal judiciaire, l’assignation doit comporter, à peine de nullité, un certain nombre de mentions énoncées par le Code de procédure.

La teneur de ces mentions diffère selon que la représentation est obligatoire ou selon qu’elle est facultative

La représentation obligatoire

Mentions de droit commun
Art. 54A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 752• Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, l'assignation contient à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat du demandeur

2° Le délai dans lequel le défendeur est tenu de constituer avocat

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.
Art. 760• Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire.

• La constitution de l'avocat emporte élection de domicile.
Art. 763Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l'assignation. Toutefois, si l'assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l'audience, il peut constituer avocat jusqu'à l'audience.
Art. 764• Dès qu'il est constitué, l'avocat du défendeur en informe celui du demandeur ; copie de l'acte de constitution est remise au greffe.

• L'acte comporte, le cas échéant, l'accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

La représentation facultative

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 56• L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 :

1° Les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera appelée ;

2° Un exposé des moyens en fait et en droit ;

3° La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé ;

4° L'indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s'expose à ce qu'un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire.

L'assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée.
Art. 648• Tout acte d'huissier de justice indique, indépendamment des mentions prescrites par ailleurs

1. Sa date ;

2. a) Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;

b) Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.

3. Les nom, prénoms, demeure et signature de l'huissier de justice

4. Si l'acte doit être signifié, les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège social.
Art. 473• Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n'a pas été délivrée à personne.

• Le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d'appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.
Mentions spécifiques
Art. 753• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, l'assignation contient, à peine de nullité, outre les mentions prescrites aux articles 54 et 56, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui le demandeur élit domicile en France lorsqu'il réside à l'étranger.

• Le cas échéant, l'assignation mentionne l'accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• L'acte introductif d'instance rappelle en outre les dispositions de l'article 832 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s'il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.
Art. 832• Sans préjudice des dispositions de l'article 68, la demande incidente tendant à l'octroi d'un délai de paiement en application de l'article 1343-5 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l'appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l'audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

• L'auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l'audience, conformément au second alinéa de l'article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s'il les estime régulières, recevables et bien fondées.
Art. 762• Lorsque la représentation par avocat n'est pas obligatoire, les parties se défendent elles-mêmes.

• Les parties peuvent se faire assister ou représenter par :

-un avocat ;
-leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité ;
-leurs parents ou alliés en ligne directe ;
-leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclus ;
-les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise.

• Le représentant, s'il n'est avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial.

2. La constitution d’avocat

?Représentation obligatoire/représentation facultative

La constitution d’avocat n’est exigée, en matière de référé, que pour les cas où la représentation est obligatoire, ce qui, devant le Tribunal judiciaire est, en application de l’article 760 du CPC, le principe.

Pour mémoire, en vertu de l’article 761 du CPC, la représentation n’est facultative que lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
    • Sauf à ce que la matière relève de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire, auquel cas la constitution d’avocat est obligatoire quel que soit le montant sur lequel porte la demande
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

?L’obligation de constitution

L’article 760 du Code de procédure civile dispose que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire. »

L’article 763 précise que « lorsque la représentation par avocat est obligatoire, le défendeur est tenu de constituer avocat dans le délai de quinze jours, à compter de l’assignation. »

Le texte précise toutefois que « si l’assignation lui est délivrée dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience. »

Par ailleurs, en application de l’article 760, al. 2e, « la constitution de l’avocat emporte élection de domicile », ce qui signifie que tous les actes de procédure dont le défendeur est destinataire devront être adressés à son avocat et non lui être communiqués à son adresse personnelle.

Lorsque la représentation est obligatoire ne peuvent se constituer que les avocats inscrits au barreau du ressort de la Cour d’appel compétente.

Dans certains cas (procédures de saisie immobilière, partage et de licitation, en matière d’aide juridictionnelle etc.), seuls les avocats inscrits au Barreau relevant du Tribunal judiciaire sont autorisés à se constituer.

?Le délai de constitution

  • Principe
    • Le défendeur dispose d’un délai de 15 jours pour constituer avocat à compter de la délivrance de l’assignation.
    • Ce délai est calculé selon les règles de computation des délais énoncées aux articles 640 et suivants du CPC.
  • Exceptions
    • Si l’assignation est délivrée au défendeur dans un délai inférieur ou égal à quinze jours avant la date de l’audience, il peut constituer avocat jusqu’à l’audience.
    • Lorsque le défendeur réside dans les DOM-TOM ou à l’étranger le délai de constitution d’avocat est d’augmenter d’un ou deux mois selon la situation (art. 643 et 644 CPC)
    • Lorsque l’assignation n’a pas été délivrée à personne, l’article 471 du CPC prévoit que « le défendeur qui ne comparaît pas peut, à l’initiative du demandeur ou sur décision prise d’office par le juge, être à nouveau invité à comparaître si la citation n’a pas été délivrée à personne. »

?La sanction du défaut de constitution

Le défaut de constitution d’avocat emporte des conséquences très graves pour le défendeur puisque cette situation s’apparente à un défaut de comparution.

Or aux termes de l’article 472 du CPC « si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. »

La conséquence en est, selon l’article 54 que « faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ».

Dans cette hypothèse deux possibilités :

  • Soit le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne.
  • Soit le jugement est réputé contradictoire lorsque la décision est susceptible d’appel ou lorsque la citation a été délivrée à la personne du défendeur.

?Le formalisme de la constitution

  • Contenu de l’acte de constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que l’acte de constitution d’avocat indique
      • Si le défendeur est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
      • Si le défendeur est une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui le représente légalement.
    • L’article 764, al. 2e ajoute que « l’acte comporte, le cas échéant, l’accord du défendeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. »
  • Notification de la constitution
    • L’article 765 du CPC prévoit que la constitution de l’avocat par le défendeur ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
    • En application de l’article 764 précise qu’une copie de l’acte de constitution doit être remise au greffe.
    • L’article 767 précise que la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution et des conclusions est faite soit dès leur notification, soit si celle-ci est antérieure à la saisine du tribunal, avec la remise de la copie de l’assignation.
    • En outre, cette dénonciation doit s’opérer soit par voie de RPVA soit en requérant les services des huissiers audienciers
    • En application de l’article 769 du CPC la remise au greffe de l’acte de constitution est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.
  • Notification du greffe aux avocats constitués
    • L’article 773 du CPC prévoit qu’il appartient au greffe d’aviser aussitôt les avocats dont la constitution lui est connue du numéro d’inscription au répertoire général, des jour et heure fixés par le président du tribunal pour l’appel de l’affaire et de la chambre à laquelle celle-ci est distribuée.
    • Cet avis est donné aux avocats dont la constitution n’est pas encore connue, dès la remise au greffe de la copie de l’acte de constitution.

3. La comparution

Pour mémoire, la comparution est l’acte par lequel une partie se présente devant une juridiction.

Pour comparaître, encore faut-il que le justiciable ait eu connaissance de la citation en justice dont il fait l’objet.

Lorsque cette citation prend la forme d’une assignation, elle doit être délivrée au défendeur par voie d’huissier.

La question qui alors se pose est de savoir jusqu’à quelle date avant l’audience l’assignation peut être notifiée.

En effet, la partie assignée en justice doit disposer du temps nécessaire pour

  • D’une part, prendre connaissance des faits qui lui sont reprochés
  • D’autre part, préparer sa défense et, le cas échéant, consulter un avocat

À l’analyse, ce délai de comparution, soit la date butoir au-delà de laquelle l’assignation ne peut plus être délivrée diffère d’une procédure à l’autre.

Qu’en est-il en matière de référé ?

?Règles communes aux juridictions civiles et commerciales

  • Principe
    • Aucun délai de comparution n’est prévu par les textes. Il est seulement indiqué à l’article 486 du Code de procédure civile que « le juge s’assure qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense ».
    • Le défendeur doit, autrement dit, avoir pu disposer de suffisamment de temps pour assurer sa défense avant la tenue de l’audience, faute de quoi il sera fondé à solliciter du Juge un renvoi (V. en ce sens Cass. 2e civ., 9 nov. 2006, n° 06-10.714).
    • L’article 486 du CPC doit néanmoins être combiné à l’article 754 d’où il s’infère que, pour la procédure de référé, l’enrôlement de l’affaire doit intervenir dans un délai de 15 jours avant l’audience.
    • Il en résulte que le délai entre la date de signification de l’assignation et la date d’audience doit être suffisant pour que le demandeur puisse procéder au placement de l’assignation dans le délai fixé.
    • À défaut l’assignation encourt la caducité.
  • Exception
    • L’article 485, al. 2e du Code de procédure civile prévoit que si « le cas requiert célérité, le juge des référés peut permettre d’assigner, à heure indiquée, même les jours fériés ou chômés »
    • Cette procédure, qualifiée de référé d’heure à heure, permet ainsi à une personne d’obtenir une audience dans un temps extrêmement rapproché, l’urgence étant souverainement appréciée par le juge
    • Reste que pour assigner en référé d’heure à heure le requérant devra avoir préalablement obtenu l’autorisation du Juge
    • Pour ce faire, il devra lui adresser une requête selon la procédure prévue aux articles 493 et suivants du Code de procédure civile (procédure sur requête)
    • Cette requête devra être introduite aux fins d’obtenir l’autorisation d’assigner à heure indiquée
    • Quant au défendeur, il devra là encore disposer d’un délai suffisant pour assurer sa défense.
    • La faculté d’assigner d’heure à heure est permise par-devant toutes les juridictions à l’exception du Conseil de prud’hommes.

?Règles spécifiques au Tribunal judiciaire

Les dispositions communes qui régissent les procédures pendantes devant le Tribunal judiciaire ne fixent aucun délai de comparution, de sorte qu’il y a lieu de se reporter aux règles particulières applicables à chaque procédure.

En matière de référé, c’est donc les articles 484 et suivants du CPC qui s’appliquent, lesquels ne prévoient, ainsi qu’il l’a été vu, aucun délai de comparution.

Le juge doit seulement s’assurer qu’il s’est écoulé un temps suffisant entre l’assignation et l’audience pour que la partie assignée ait pu préparer sa défense.

Est-ce à dire que, si cette condition est remplie, l’assignation peut être délivrée – hors le cas du référé heure à heure – moins d’une semaine avant l’audience ?

A priori, aucun texte ne l’interdit, à tout le moins en référé. Il faut néanmoins compter avec un autre paramètre qui n’est autre que le délai d’enrôlement de l’assignation.

En effet, pour saisir le juge, il ne suffit pas de faire délivrer une citation en justice au défendeur avant l’audience. Il faut encore, que cette citation soit inscrite au rôle de la juridiction.

Or cette formalité doit être accomplie dans un certain délai, lequel est parfois plus long que le délai de comparution, étant précisé que l’enrôlement suppose la production de l’acte de signification de la citation.

En pareille hypothèse, cela signifie que l’assignation devra avoir été délivrée avant l’expiration du délai d’enrôlement, ce qui n’est pas sans affecter le délai de comparution qui, mécaniquement, s’en trouve allongé.

Pour exemple :

Dans l’hypothèse où aucun délai de comparution n’est prévu, ce qui est le cas pour la procédure de référé pendante devant le Tribunal judiciaire et que le délai d’enrôlement de l’assignation est fixé à 15 jours, il en résulte l’obligation pour le demandeur de faire signifier l’assignation au défendeur avant l’expiration de ce délai.

En pratique, il devra se ménager une marge de sécurité d’un ou deux jours compte tenu des contraintes matérielles inhérentes à la notification et à l’accomplissement des formalités d’enrôlement.

Aussi, afin de déterminer la date butoir de délivrance de l’assignation, il y a lieu de se référer tout autant au délai de comparution, qu’au délai d’enrôlement les deux étant très étroitement liés.

4. L’enrôlement de l’affaire

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que la saisine du Tribunal judiciaire ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

4.1. Le placement de l’assignation

a. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

b. Le délai

b.1. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b.2. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

c. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

4.2. L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

4.3. La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulé par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

C) Le déroulement de l’instance

1. Une procédure contradictoire

À la différence de la procédure sur requête, la procédure de référé présente un caractère contradictoire

Conformément à l’article 15 du CPC il est donc exigé que les parties se fassent connaître mutuellement en temps utile :

  • Les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions
  • Les éléments de preuve qu’elles produisent
  • Les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

L’article 16 ajoute que le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

À cet égard, en application de l’article 132 la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie à l’instance et la communication des pièces doit être spontanée.

À défaut, le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.

Reste que dans la mesure où la procédure de référé est animée par l’urgence, la question se pose du délai de la communication des écritures et des pièces.

Quid dans l’hypothèse où ces éléments seraient communiqués la veille de l’audience voire le jour-même ?

Dans un arrêt du 12 juin 2002, la Cour de cassation a admis que des écritures puissent être communiquées le jour-même dès lors que la partie concluante ne soulevait aucune prétention nouvelle (Cass. 3e civ. 12 juin 2002, n°01-01.233).

Lorsque toutefois des circonstances particulières empêchent la contradiction, la Cour de cassation considère que la communication d’écriture au dernier moment n’est pas recevable (Cass. 2e civ. 4 déc. 2003, n°01-17.604).

Dans un arrêt du 1er mars 2006, la Cour de cassation a encore considéré que « les conclusions doivent être communiquées en temps utile au sens de l’article 15 du nouveau code de procédure civile ; qu’ayant relevé que les conclusions de M. P., appelant, avaient été remises au greffe de la juridiction huit minutes avant le début de l’audience, la cour d’appel [statuant en référé] a, par ce seul motif, souverainement rejeté des débats ces conclusions tardives, auxquelles l’adversaire était dans l’incapacité de répondre » (Cass. 3e civ, 1er mars 2006, n° 04-18.327).

2. Une procédure orale

La procédure de référé est orale, de sorte qu’il appartient à chaque partie de développer verbalement à l’audience ses arguments en fait et en droit.

Bien que les conclusions écrites ne soient pas obligatoires, il est d’usage qu’elles soient adressées au juge des référés

Dans un arrêt du 25 septembre 2013 la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « la procédure de référé étant orale et en l’absence de disposition particulière prévoyant que les parties peuvent être autorisées à formuler leurs prétentions et leurs moyens par écrit sans se présenter à l’audience, le dépôt par une partie d’observations écrites, ne peut suppléer le défaut de comparution » (Cass. soc. 25 sept. 2013, n° 12-17.968).

Si le contenu des débats oraux diffère de ce qui figure dans les écritures des parties, le juge ne doit, en principe, fonder sa décision que sur les seuls arguments oraux développés en audience.

S’agissant de l’invocation des exceptions de procédure, dans un arrêt du 16 octobre 2003 la Cour de cassation a jugé que ces « exceptions doivent, à peine d’irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ; que, devant le tribunal de commerce, la procédure étant orale, les prétentions des parties peuvent être formulées au cours de l’audience et qu’il en est notamment ainsi des exceptions de procédure » (Cass. 2e civ. 16 oct. 2003, n°01-13.036).

3. La procédure sans audience

L’article 836-1 prévoit que « à tout moment de la procédure, les parties peuvent donner expressément leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. Dans ce cas, il est fait application de l’article 828 et, lorsque la représentation par avocat n’est pas obligatoire, de l’article 829. »

Il convient donc de distinguer selon que la représentation par avocat est obligatoire ou facultative :

  • La représentation par avocat est obligatoire
    • L’article 828 prévoit que, dans ce cas, les parties formulent leurs prétentions et leurs moyens par écrit. Le jugement est contradictoire.
    • Le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande.
  • La représentation par avocat est facultative
    • L’article 829 prévoit que lorsqu’elle est formulée en cours d’instance, la déclaration par laquelle chacune des parties consent au déroulement de la procédure sans audience est remise ou adressée au greffe et comporte à peine de nullité :
      • Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
      • Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
    • Elle est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature.

4. Orientation des parties vers une audience de règlement amiable

L’article 836-2 du CPC prévoit que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut décider que les parties seront convoquées à une audience de règlement amiable selon les modalités prévues à l’article aux articles 774-1 à 774-4. »

Ce dispositif a été créé par décret n°2023-686 du 29 juillet 2023 aux fins de favoriser la résolution amiable des litiges devant le Tribunal judiciaire.

Plus précisément, il permet de confier à un juge, qui n’est pas celui saisi du litige, la mission d’accompagner les parties, dans un cadre confidentiel, à trouver une solution au conflit qui les oppose.

L’article 774-2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que « l’audience de règlement amiable a pour finalité la résolution amiable du différend entre les parties, par la confrontation équilibrée de leurs points de vue, l’évaluation de leurs besoins, positions et intérêts respectifs, ainsi que la compréhension des principes juridiques applicables au litige ».

À cet égard, l’audience de règlement amiable se distingue des autres modes alternatifs de règlement des conflits en ce que le juge joue ici un rôle central.

Tandis que dans le cadre d’une transaction, d’une médiation ou d’une conciliation amiable, sa mission se cantonne bien souvent à homologuer l’accord conclu par les parties, dans le cadre de l’audience de règlement amiable c’est à lui qu’il revient de conduire la procédure en rappelant aux parties les grands principes de droit applicables au litige qui les oppose et en les accompagnant dans la recherche d’un compromis.

L’audience de règlement amiable est régie aux articles 774-1 à 774-4 du Code de procédure civile.

À l’issue de l’audience de règlement amiable, le juge chargé de cette audience informe le juge saisi qu’il y est mis fin par soi-transmis.

Deux issues sont possibles :

  • Succès de l’audience de règlement amiable
    • En application de l’article 774-4 du CPC en cas d’accord trouvé par les parties dans le cadre de l’audience de règlement amiable, ces dernières peuvent décider de formaliser cet accord.
    • Il s’agit là toutefois d’une simple faculté.
    • Si elles choisissent d’exercer cette faculté, elles peuvent demander au juge chargé de l’audience de règlement amiable, assisté du greffier, de constater leur accord, total ou partiel, dans les conditions des articles 130 et 131, al. 1er du CPC.
    • En application de ces dispositions, la teneur de l’accord, même partiel, est consignée dans un procès-verbal signé par les parties, le greffier et le juge.
    • Les extraits de ce procès-verbal délivrés par le greffe valent titre exécutoire en application de l’article 131 du CPC.
    • Dans l’hypothèse où les parties parviendraient à un accord après la tenue de l’audience de règlement amiable, elles peuvent le soumettre à l’homologation du juge saisi.
    • Elles peuvent également solliciter l’apposition de la formule exécutoire par le greffe en cas de formalisation de leur accord par voie d’acte contresigné par avocats.
  • Échec de l’audience de règlement amiable
    • Le juge en charge de l’audience de règlement amiable peut y mettre fin à tout moment s’il estime que les conditions de la recherche d’un accord amiable ne sont plus réunies.
    • Il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire qui ne requiert aucune motivation particulière et qui, surtout, est insusceptible de faire l’objet d’une voie de recours.

Compte tenu de ce que la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable a pour effet d’interrompre l’instance principale, pour que cette instance puisse reprendre son cours à l’issue de l’audience de règlement amiable, les parties devront accomplir un acte de reprise d’instance par dépôt de conclusions en ce sens ou par citation (art. 373 CPC).

À défaut, le juge saisi informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable devra convoquer les parties à une audience afin :

  • Soit d’inviter les parties à accomplir un acte de reprise d’instance, le cas échéant avec désistement, par dépôt de conclusions en ce sens ou citation
  • Soit radier l’affaire à défaut de diligences accomplies dans le délai imparti aux parties

L’article 392 du CPC prévoit que « lorsque l’instance a été interrompue par la décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable, un nouveau délai court à compter de la première audience fixée postérieurement devant le juge saisi de l’affaire. »

En tout état de cause, il revient au juge saisi de, soit mettre fin à l’instance, soit poursuivre la mise en état de l’affaire.

Deux situations sont alors envisageables :

  • Les parties sont parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi constatera le désistement des parties ainsi que l’extinction de l’instance.
  • Les parties ne sont pas parvenues à formaliser un accord
    • Dans cette hypothèse, le juge saisi sera informé par le juge en charge de l’audience de règlement amiable et devra en tirer toutes les conséquences sur l’orientation de l’instance dont il est saisi lors d’une nouvelle audience.
    • Dans le cadre de cette audience il pourra :
      • Soit constater le désistement des parties ou radier l’affaire faute pour les parties de comparaître ou si elles le lui demandent
      • Soit réintroduire l’affaire dans le circuit procédural normal au stade où l’instance avait été interrompue, étant précisé qu’en cas d’accord partiel intervenu entre les parties, il ne sera statué par la juridiction de jugement que sur les prétentions résiduelles de ces dernières.

5. Renvoi de l’affaire au fond

?Le renvoi de l’affaire

L’article 837, al. 1er du CPC dispose « à la demande de l’une des parties et si l’urgence le justifie, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut renvoyer l’affaire à une audience dont il fixe la date pour qu’il soit statué au fond. »

Il est ainsi des cas où le juge des référés peut estimer que la question qui lui est soumise ne relève pas de l’évidence et qu’elle se heurte à une contestation sérieuse.

Dans cette hypothèse, il dispose de la faculté, en cas d’urgence, de renvoyer l’affaire au fond, soit pour qu’il soit tranché au principal et non seulement au provisoire.

Lorsque le Juge des référés procède à un tel renvoi, il doit veiller, en fixant la date d’audience, à ce que le défendeur dispose d’un temps suffisant pour préparer sa défense.

Par ailleurs, l’article 837, al. 2 in fine précise que « lorsque le président de la juridiction a ordonné la réassignation du défendeur non comparant, ce dernier est convoqué par acte d’huissier de justice à l’initiative du demandeur. »

L’ordonnance rendue emporte alors saisine de la juridiction.

?Le jugement au fond de l’affaire

L’alinéa 2 de l’article 837 du CPC précise que lorsque la représentation est obligatoire, il y a lieu de faire application d’un certain nombre de règles empruntées à la procédure à jour fixe :

  • D’une part, le défendeur est tenu de constituer avocat avant l’audience (art. 842 CPC)
  • D’autre part, le juge auquel l’affaire est renvoyée dispose de trois options :
    • Première option
      • S’il considère que l’affaire est en état d’être jugée, le juge peut décider qu’elle sera plaidée sur-le-champ en l’état où elle se trouve, même en l’absence de conclusions du défendeur ou sur simples conclusions verbales.
    • Deuxième option
      • En application de l’article 779 du CPC, le président peut décider que les avocats se présenteront à nouveau devant lui, à une date d’audience qu’il fixe, pour conférer une dernière fois de l’affaire s’il estime qu’un ultime échange de conclusions ou une ultime communication de pièces suffit à mettre l’affaire en état ou que les conclusions des parties doivent être mises en conformité avec les dispositions de l’article 768.
    • Troisième option
      • Le juge peut considérer que l’affaire n’est pas en état d’être jugée raison pour laquelle il y a lieu de la renvoyer devant le juge de la mise en état aux fins d’instruction
      • Dans cette hypothèse, l’affaire sera ainsi redirigée vers la voie du circuit long.
      • Elle sera donc instruite selon les règles énoncées aux articles 780 à 797 du CPC.

V) L’ordonnance de référé

A) L’autorité de l’ordonnance

?Une décision provisoire

L’article 484 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance de référé est une décision provisoire ».

Par provisoire il faut entendre que la décision rendue par le Juge des référés a vocation à être substituée par une décision définitive qui sera rendue par une juridiction statuant au fond.

Aussi, les mesures prises par le Juge des référés ne sont pas destinées à être pérennes. Elles sont motivées, le plus souvent, par l’urgence, à tout le moins par la nécessité de sauvegarder, à titre conservatoire, les intérêts du demandeur.

?Une décision dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal

L’article 488 du Code de procédure civile ajoute que « l’ordonnance de référé n’a pas, au principal, l’autorité de la chose jugée. »

Cela signifie que la décision rendue par le juge des référés ne lie pas le juge du fond saisi ultérieurement ou concomitamment pour les mêmes fins.

Dans un arrêt du 13 novembre 2014, la Cour de cassation a considéré en ce sens que « l’ordonnance de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, il est toujours loisible à l’une des parties à la procédure de référé de saisir le juge du fond pour obtenir un jugement définitif » (Cass. 2e civ., 13 nov. 2014, n°13-26.708).

Sensiblement dans les mêmes termes elle a encore affirmé dans un arrêt du 25 février 2016 que « une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement » (Cass. 3e civ. 25 févr. 2016, n°14-29.760).

Les parties disposent donc de la faculté de saisir la juridiction au fond pour trancher un litige dont l’objet est identique à celui sur lequel le juge des référés s’est prononcé.

Quant au juge statuant au fond, il n’est nullement tenu de statuer dans le même sens que la décision rendue par le Juge des référés ni même de tenir compte de la solution adoptée qui, par nature, est provisoire.

En résumé, les juges du fond ne sont tenus, ni par les constatations de fait ou de droit du juge des référés, ni par les déductions qu’il a pu en faire, ni par sa décision (V. en ce sens Cass. 2e civ., 2 févr. 1982)

?Une décision pourvue de l’autorité de la chose jugée au provisoire

Si la décision du juge des référés est dépourvue de l’autorité de la chose jugée au principal, elle possède, en revanche, l’autorité de la chose jugée au provisoire.

Cela signifie que, tant qu’aucune décision au fond n’est intervenue, l’ordonnance du juge des référés s’impose aux parties.

L’article 488, al. 2 du Code de procédure civile prévoit en ce sens que l’ordonnance de référé « ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu’en cas de circonstances nouvelles ».

Ce n’est donc qu’en cas de survenance de circonstances nouvelles que les parties peuvent solliciter du Juge des référés la rétractation de son ordonnance.

Dans un arrêt du 16 décembre 2003, la Cour de cassation a précisé que « ne constituent pas une circonstance nouvelle autorisant la rétractation d’une ordonnance de référé des faits antérieurs à la date de l’audience devant le juge des référés qui a rendu l’ordonnance et connus de celui qui sollicite la rétractation » (Cass. 3e civ. 16 déc. 2003, n°02-17.316).

Pour être une circonstance nouvelle, il est donc nécessaire que :

  • D’une part, le fait invoqué soit intervenu postérieurement à l’audience de référé ou ait été ignoré du plaideur au jour de l’audience
  • D’autre part, qu’il soit un élément d’appréciation nécessaire à la décision du Juge ou ayant une incidence sur elle

La Cour de cassation a, par exemple, considéré que des conclusions d’expertise rendues par un expert pouvaient constituer des circonstances nouvelles au sens de l’article 488 du Code de procédure civile (Cass. 3e civ. 20 oct. 1993).

Enfin, pour la Cour de cassation, le recours en rétractation prévu à l’article 488 du Code de procédure civile écarte le recours en révision de l’article 593 du code de procédure civile. Dans un arrêt du 11 juillet 2013 elle a, en effet, jugé que « le recours en révision n’est pas ouvert contre les ordonnances de référé susceptibles d’être rapportées ou modifiées en cas de circonstances nouvelles » (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n°12-22.630).

B) L’exécution de l’ordonnance

En application de l’article 514 du CPC l’ordonnance de référé en de droit exécutoire à titre provisoire à l’instar de l’ensemble des décisions de première instance.

Le caractère exécutoire à titre provisoire de l’ordonnance de référé lui est conféré de plein droit, c’est-à-dire sans qu’il soit besoin pour les parties d’en formuler la demande auprès du juge.

À la différence néanmoins d’une ordonnance sur requête qui est exécutoire sur minute, l’ordonnance de référé doit, au préalable, avoir été signifiée à la partie adverse pour pouvoir être exécutée, sauf à ce que le juge ordonne expressément dans sa décision, comme le lui permet « en cas de nécessité » l’alinéa 3 de l’article 489, que « l’exécution de l’ordonnance aura lieu au seul vu de la minute ».

Une fois signifiée, l’ordonnance de référé pourra alors donner lieu à l’exécution forcée des mesures prononcées par le Juge.

Il convient enfin d’observer que cette ordonnance est exécutoire à titre provisoire en toutes ces dispositions, y compris celles statuant sur les dépens et l’article 700.

C) Les voies de recours

1. Les voies de recours ordinaires

?L’appel

  • Taux de ressort
    • L’article 490 du CPC prévoit que « l’ordonnance de référé peut être frappée d’appel à moins qu’elle n’émane du premier président de la cour d’appel ou qu’elle n’ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l’objet de la demande. »
    • Ainsi, est-il possible pour une partie d’interjeter appel d’une ordonnance de référé à la condition
      • Soit qu’elle n’émane pas du Premier Président de la Cour d’appel
      • Soit qu’elle n’ait pas été rendue en dernier ressort
  • Délai d’appel
    • Le délai pour interjeter appel d’une ordonnance de référé est, en application de l’article 490 du CPC, de 15 jours
    • Ce délai court à compter de la signification de l’ordonnance à la partie adverse
    • Dans la mesure où les ordonnances de référé sont exécutoires de plein droit, l’appel n’est ici pas suspensif

?L’opposition

L’article 490 du CPC envisage la possibilité de former opposition d’une ordonnance de référé dans un cas très spécifique : lorsque l’ordonnance a été rendue en dernier ressort par défaut.

Le délai d’opposition est de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance.

2. Les voies de recours extraordinaires

?La tierce opposition

Pour rappel, définie à l’article 582 du CPC la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque.

Aussi, a-t-elle pour effet de remettre en question relativement à son auteur les points jugés qu’elle critique, pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.

À cet égard, l’article 585 du CPC prévoit que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement. »

Il est de jurisprudence constante que l’ordonnance de référé est regardée comme un jugement au sens de ce texte, raison pour laquelle il est admis que la tierce opposition est admise en matière de référé.

?Le pourvoi en cassation

Si le pourvoi en cassation n’est pas ouvert pour les ordonnances de référés susceptibles d’appel (Cass. 3e civ., 25 nov. 2014, n° 13-10.653), il est admis pour les ordonnances rendues en dernier ressort.

Le délai pour former un pourvoi auprès de la Cour de cassation est de deux mois à compter de la notification de l’ordonnance (Cass. soc., 30 janv. 2002, n° 99-45.140).

Procédure de référé devant le Tribunal judiciaire: le référé d’urgence (art. 834 du CPC)

« La procédure est la forme dans laquelle on doit intenter les demandes en justice, y défendre, intervenir, instruire, juger, se pourvoir contre les jugements et les exécuter » (R.-J. POTHIER, Traité de procédure civile, in limine, 1er volume Paris, 1722, Debure)

?Présentation générale

Lorsqu’un litige exige qu’une solution, au moins provisoire, soit prise dans l’urgence par le juge, une procédure spécifique dite de référé est prévue par la loi.

Elle est confiée à un juge unique, généralement le président de la juridiction qui rend une ordonnance de référé.

L’article 484 du Code de procédure civile définit l’ordonnance de référé comme « une décision provisoire rendue à la demande d’une partie, l’autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n’est pas saisi du principal le pouvoir d’ordonner immédiatement les mesures nécessaires. »

Il ressort de cette disposition que la procédure de référé présente trois caractéristiques :

  • D’une part, elle conduit au prononcé d’une décision provisoire, en ce sens que le juge des référés ne se prononce pas sur le fond du litige. L’ordonnance rendue en référé n’est donc pas définitive
  • D’autre part, la procédure de référé offre la possibilité à un requérant d’obtenir du Juge toute mesure utile afin de préserver ses droits et intérêts
  • Enfin, la procédure de référé est, à la différence de la procédure sur requête, placée sous le signe du contradictoire, le Juge ne pouvant statuer qu’après avoir entendu les arguments du défendeur

Le juge des référés, juge de l’urgence, juge de l’évidence, juge de l’incontestable, paradoxalement si complexes à saisir, est un juge au sens le plus complet du terme.

Il remplit une fonction sociale essentielle, et sa responsabilité propre est à la mesure du pouvoir qu’il exerce.

Selon les termes de Pierre DRAI, ancien Premier Président de la Cour de cassation « toujours présent et toujours disponible (…) (il fait) en sorte que l’illicite ne s’installe et ne perdure par le seul effet du temps qui s’écoule ou de la procédure qui s’éternise ».

Le référé ne doit cependant pas faire oublier l’intérêt de la procédure à jour fixe qui répond au même souci, mais avec un tout autre aboutissement : le référé a autorité provisoire de chose jugée alors que dans la procédure à jour fixe, le juge rend des décisions dotées de l’autorité de la chose jugée au fond.

En toute hypothèse, avant d’être une technique de traitement rapide aussi bien de l’urgence que de plusieurs cas d’évidence, les référés ont aussi été le moyen de traiter l’urgence née du retard d’une justice lente.

Reste que les fonctions des référés se sont profondément diversifiées. Dans bien des cas, l’ordonnance de référé est rendue en l’absence même d’urgence.

Mieux encore, lorsqu’elle satisfait pleinement le demandeur, il arrive que, provisoire en droit, elle devienne définitive en fait – en l’absence d’instance ultérieure au fond.

En outre, la Cour européenne des droits de l’homme applique désormais au juge du provisoire les garanties du procès équitable de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH, gde ch., arrêt du 15 octobre 2009, Micallef c. Malte, no 17056/06). S’affirme ainsi une véritable juridiction du provisoire.

Le juge des référés est saisi par voie d’assignation. Il instruit l’affaire de manière contradictoire lors d’une audience publique, et rend une décision sous forme d’ordonnance, dont la valeur n’est que provisoire et qui n’est pas dotée au fond de l’autorité de la chose jugée.

L’ordonnance de référé ne tranche donc pas l’entier litige. Elle est cependant exécutoire à titre provisoire.

Le recours au juge des référés, qui n’est qu’un juge du provisoire et de l’urgence, n’est possible que dans un nombre limité de cas :

  • Le référé d’urgence
    • Dans les cas d’urgence, le juge peut prononcer toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence du litige en question. On dit à cette occasion que le juge des référés est le juge de l’évidence, de l’incontestable.
  • Le référé conservatoire
    • Le juge des référés peut également prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (il peut ainsi, par exemple, suspendre la diffusion d’une publication portant manifestement atteinte à la vie privée d’un individu).
  • Le référé provision
    • Le juge des référés est compétent pour accorder une provision sur une créance qui n’est pas sérieusement contestable.
  • Le référé injonction
    • Le juge des référés peut enjoindre une partie d’exécuter une obligation, même s’il s’agit d’une obligation de faire.
  • Le référé probatoire
    • Lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de certains faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, le juge peut ordonner des mesures d’instruction, par exemple une expertise.

Nous nous focaliserons ici sur le référé urgence.

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que « dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend. »

L’intérêt de ce référé réside indéniablement dans la possibilité pour le demandeur de solliciter du Juge des référés l’adoption de toutes mesures qu’il jugera utiles dès lors que leur prononcé n’implique pas un examen du litige au fond.

Reste que, en contrepartie, il devra démontrer la réunion de plusieurs conditions qui seront appréciées strictement par le Juge.

I) Sur la recevabilité de la demande

La recevabilité d’une action en référé sur le fondement de l’article 834 du Code de procédure civile est subordonnée à la satisfaction de deux conditions :

A) L’établissement d’un cas d’urgence

Première condition à remplir pour solliciter le Juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC : l’établissement d’un cas d’urgence.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

Son appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond. L’urgence de l’article 834 du code de procédure civile ne fait, en effet, pas l’objet d’un contrôle de la part de la Cour de cassation, en raison de son caractère factuel, ce qui donne aux arrêts rendus sur cette question la valeur de simples exemples, qui se bornent à constater que les juges l’ont caractérisée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 3 mai 2006, n°04-11.121).

B) L’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un différend

Pour saisir le juge des référés sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’établissement d’un cas d’urgence ne suffit pas. Il faut encore démontrer que la mesure sollicitée :

  • Soit ne se heurte à aucune contestation sérieuse
  • Soit se justifie par l’existence d’un différend

Il convient d’observer que ces deux conditions énoncées, en sus de l’exigence d’urgence, sont alternatives, de sorte que la non satisfaction de l’une ne fait pas obstacle à l’adoption par le juge de la mesure sollicitée par le demandeur (Cass. 2e civ., 19 mai 1980, n°78-15.549).

Ainsi, dans l’hypothèse où ladite mesure se heurterait à une contestation sérieuse, tout ne serait pas perdu pour le requérant qui peut toujours obtenir gain cause si l’adoption de la mesure est justifiée par l’existence d’un différend.

Reste que, en pareille hypothèse, le pouvoir du Juge des référés sera limité à l’adoption d’une mesure conservatoire, soit d’une mesure qui ne consistera pas en l’application de la règle de droit substantielle, objet du litige.

A contrario, en l’absence de contestation sérieuse, le juge sera investi d’un pouvoir des plus étendue, en sorte qu’il pourra prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC, l’étendue du pouvoir du Juge des référés dépend ainsi de l’existence d’une contestation sérieuse, la démonstration de l’existence d’un différend n’étant nécessaire qu’en présente d’une telle contestation.

?Sur l’absence de contestation sérieuse

Dès lors que la mesure sollicitée se heurtera à une contestation sérieuse, le juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC sera contraint de rejeter la demande formulée par le requérant.

Il convient d’observer que l’existence d’une contestation sérieuse ne constitue pas une exception d’incompétence, mais s’apparente à un défaut de pouvoir du juge. Elle n’a donc pas à être soulevée avant toute défense au fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 19 mars 1986, n° 84-17.524).

À l’instar de la notion d’urgence, la référence à l’absence de contestation sérieuse ne se laisse pas aisément définir. Que faut-il entendre par cette formule ?

Elle doit se comprendre comme l’interdiction pour le juge de prononcer une mesure qui supposerait qu’il tranche une question au fond. En d’autres termes le prononcé de la mesure sollicité ne doit, en aucun cas, préjudicier au principal.

La contestation sérieuse s’oppose ainsi à ce qui est manifeste et qui relève de l’évidence. À cet égard, la contestation sera qualifiée de sérieuse toutes les fois qu’il s’agira :

  • Soit de trancher une question relative au statut des personnes
  • Soit de se prononcer sur le bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit d’interpréter ou d’apprécier la validité un acte juridique

Plusieurs exemples peuvent être convoqués pour illustrer les limites du pouvoir du juge des référés saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC.

Ont été considérées comme constitutifs d’une contestation sérieuse et donc ne relevant pas du pouvoir du juge des référés :

Si le Juge des référés excède ses pouvoirs et encourt la cassation pour violation de la loi dans l’hypothèse où il est contraint de se livrer à l’interprétation pour statuer, il en va autrement lorsqu’il lui incombe, pour statuer sur le caractère non sérieusement contestable d’une obligation, d’interpréter non pas un contrat, mais la loi.

À cet égard, la Cour de cassation a pu censurer le juge du provisoire qui s’était refusé à mettre en œuvre une telle interprétation et s’est alors prononcée au visa de l’article 12 du code de procédure civile selon lequel le juge (des référés également) doit trancher le litige conformément aux règles de droit (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-42.116).

S’agissant de l’appréciation de l’absence de contestation sérieuse, elle ne relève plus du pouvoir souverain des juges du fonds depuis un arrêt rendu par l’assemblée plénière en date du 16 novembre 2001 (Cass. ass. plén., 16 nov. 2001, n° 99-20.114).

?Sur l’existence d’un différend

Si la démonstration de l’existence d’un différend n’est pas nécessaire lorsque, en cas d’urgence, il est établi l’absence de contestation sérieuse, tel n’est pas le cas en présence d’une contestation sérieuse.

Dans cette dernière hypothèse, il appartiendra, en effet, au demandeur, de démontrer que la mesure sollicitée est justifiée par l’existence d’un différend.

Par différend, il faut entendre tout litige ou désaccord, de quelque nature que ce soit, entre les parties.

Reste que pour que le juge prononce une mesure conservatoire s’il constate l’existence d’un différend entre les parties, celui-ci devra justifier l’adoption de la mesure.

Autrement dit, la mesure sollicitée ne devra pas être étrangère au différend. Elle devra être en lien avec lui.

Il pourra, par exemple, s’agir de la désignation d’un mandataire ad hoc en cas de mésentente entre associés d’une société (Cass. 1ère civ. 17 oct. 2012, n°11-23.153).

La mesure prise peut encore consister en la suspension d’un commandement de payer en cas de litige entre le créancier et son débiteur (Cass. com., 26 févr. 1980, n°78-15.687).

Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (V. en ce sens Cass. 3e civ., 1er févr. 2011, n°10-10.353).

II) Sur les mesures prononcées

?Les mesures autorisées

Pour mémoire, l’article 834 du CPC prévoir que, lorsque le juge des référés en cas d’urgence il peut « ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ».

À l’examen, il apparaît que l’article 834 du CPC confère au juge le pouvoir de prononcer deux sortes de mesures, selon qu’il existe ou non une contestation sérieuse :

  • En l’absence de contestation sérieuse
    • Le juge dispose du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation, soit des mesures qui sont très proches de celles susceptibles d’être prononcées à l’issue de l’instance au fond.
    • Dans cette hypothèse, l’application de la règle de droit substantielle n’est contestée, de sorte que le juge des référés dispose du pouvoir de lui faire produire ses effets.
  • En présence d’une contestation sérieuse
    • Le juge des référés sera privé de son pouvoir de prononcer une mesure d’anticipation de la décision au fond.
    • Il ne pourra prononcer des mesures conservatoires, soit des mesures qui, en raison de l’existence d’un différend, doivent permettre d’attendre la décision au principal
    • La mesure prononcée sera donc nécessairement éloignée des effets de la règle de droit substantielle dont l’application est débattue par les parties.
    • Il pourra s’agir, par exemple, de la désignation d’un administrateur provisoire ou de la mise sous séquestre d’une somme d’argent.
    • Ainsi, la mesure prise ne consistera pas à anticiper la décision rendue au fond, mais seulement à geler une situation conflictuelle (suspension de travaux dans l’attente de la décision du juge du fond, désignation d’un administrateur judiciaire pour une association ou une copropriété, suspension des effets d’un commandement de payer, désignation d’un séquestre etc.)

?Les mesures interdites

Bien que le Juge des référés dispose, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 834 du CPC du pouvoir de prononcer des mesures d’anticipation de la décision au fond, il lui est interdit d’ordonner une mesure qui se heurte à une contestation sérieuse.

Ainsi lui est-il interdit de prononcer une mesure qui procède :

  • Soit de l’appréciation du statut des personnes ou de biens
  • Soit de l’appréciation du bien-fondé d’une action en responsabilité
  • Soit de l’interprétation des termes d’un acte juridique ou de l’appréciation de sa validité

RGPD: le droit de rectification

Tandis que pèse sur le responsable du traitement un certain nombre d’obligations, la personne concernée jouit de plusieurs droits qui lui conférés par la loi informatique et libertés et le RGPD.

Au nombre de ces droits figurent le droit de rectification des données à caractère personnel.

Le droit de rectification est le pendant de l’obligation qui échoit au responsable du traitement de traiter, en application de l’article 6, 4° de la LIL, des données à caractère personnel « exactes, complètes, si nécessaire, mises à jour ».

Pour assurer le respect de cette obligation, il appartient au responsable du traitement de « prendre les mesures appropriées pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées soient effacées ou rectifiées ».

A cet égard, dans une délibération du 1er mars 2016, la CNIL a précisé que « l’article 6-4° consiste sans ambiguïté en une obligation de résultat en ce qu’il impose au responsable de traitement de garantir l’exactitude des données à caractère personnel qu’il traite en prenant toutes les mesures utiles afin de rectifier ou d’effacer les données inexactes. Le droit pour les personnes concernées d’obtenir du responsable de traitement la rectification ou l’effacement de données inexactes, énoncé à l’article 40 de la loi Informatique et Libertés, est le corollaire de cette obligation. Il s’agit ainsi pour ce dernier d’atteindre un objectif déterminé et non de déployer ses meilleurs efforts afin d’y parvenir » (CNIL Délib. 2016-053 du 1 mars 2016).

Reste qu’il s’infère du RGPD que l’exigence d’un traitement portant sur des données exactes et complètes est une obligation, non pas de résultat mais de moyen.

Le texte prévoit, en effet, que « toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder ».

Dans l’hypothèse où les données traitées par le responsable du traitement ne seraient pas complètes, exactes ou non actualisées, la personne concernée dispose d’un droit de rectification.

==> Le contenu du droit de rectification

L’article 16 du RGPD prévoit en ce sens que « la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement, dans les meilleurs délais, la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes. Compte tenu des finalités du traitement, la personne concernée a le droit d’obtenir que les données à caractère personnel incomplètes soient complétées, y compris en fournissant une déclaration complémentaire ».

De son côté, l’article 40 de la LIL dispose que « toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d’un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l’utilisation, la communication ou la conservation est interdite. »

Il ressort de cette disposition que le droit de rectification est entendu par les textes dans un sens large.

Cette rectification peut, en effet, consister à appliquer plusieurs traitements sur les données visées.

Elles peuvent, en effet, être :

  • Rectifiées
  • Complétées
  • Mises à jour
  • Verrouillées

Pour ce faire, il est cependant nécessaire que ces données soient :

  • Inexactes
  • Incomplètes
  • Équivoques
  • Périmées

Dans l’hypothèse où les données visées par la demande de rectification seraient parfaitement exactes et n’auraient pas été collectées en contravention de la LIL, le responsable du traitement sera légitimement en droit de refuser de procéder à la rectification sollicitée.

==> L’exercice du droit de rectification

  • Le destinataire de la demande
    • La demande de rectification doit être adressé au responsable du traitement qui est le débiteur de l’obligation
    • Il est donc inopérant de formuler cette demande auprès de la CNIL
  • La justification de l’identité
    • Pour accéder à la demande de la personne concernée, le responsable du traitement sera fondé à exiger du demander qu’il justifie son identité.
    • Il ne devra pas, néanmoins, lui imposer des pièces justificatives qui seraient disproportionnées eu égard à la demande formulées
  • Le coût de la demande
    • L’exercice du droit de rectification est gratuit, de sorte que le demandeur ne saurait supporter aucune charge.
    • A cet égard, l’article 40, I, al. 4 de la LIL prévoit que lorsqu’il obtient une modification de l’enregistrement, l’intéressé est en droit d’obtenir le remboursement des frais correspondant au coût de la copie

==> L’exécution du droit de rectification

  • Délai
    • A réception de la demande de rectification, le responsable du traitement devra s’exécuter dans les meilleurs délais et, au plus tard, dans un délai d’un mois.
    • En cas d’absence de réponse du responsable du traitement dans le délai d’un mois à compter de la demande, la personne concernée peut saisir la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui se prononce sur cette demande dans un délai de trois semaines à compter de la date de réception de la réclamation.
  • Preuve
    • L’article 40, I de la LIL prévoit que lorsque l’intéressé en fait la demande, le responsable du traitement doit justifier, sans frais pour le demandeur, qu’il a procédé aux opérations exigées en vertu de l’alinéa précédent.
    • En cas de contestation, la charge de la preuve incombe au responsable auprès duquel est exercé le droit d’accès sauf lorsqu’il est établi que les données contestées ont été communiquées par l’intéressé ou avec son accord.

La réparation intégrale du dommage corporel : chimère utopie et réalité

« Ce qu’est le droit, c’est ce que nous croyons être le droit »

Emmanuel Lévy

Il est un principe en droit français, c’est celui de la réparation intégrale du dommage corporel[1]. Des études comparatives des droits nationaux ont du reste montré que la réparation était intégrale dans l’Europe toute entière[2]. Ce n’est pas à dire toutefois que ce principe d’application générale n’est pas assorti de dérogations. En France, par exemple, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’est pas indemnisée complètement. La loi plafonne les revenus de remplacement et énumère limitativement les chefs de préjudices indemnisables[3]. La restitutio in integrum du dommage corporel suppose donc, d’une part, que tous les préjudices qui résultent de l’atteinte à l’intégrité physique soient pris en considération et, d’autre part, que chacun d’entre eux soit indemnisé.

Pour ce faire, il a d’abord fallu mettre un terme à une pratique qui consistait à allouer à la victime une indemnité « toutes causes de préjudices confondus ». Il s’est agi ensuite de normaliser les pratiques : les tiers payeurs, les assureurs, les fonds d’indemnisation et de garantie recourant à des nomenclatures des chefs de préjudices corporels distinctes. Saisi d’une terminologie parfois fantaisiste, le juge était alors contraint de rechercher la substance véritable du préjudice allégué…avec le risque d’erreur d’appréciation et de flottement notionnel qu’on imagine. Depuis lors, une liste non limitative des postes de préjudices corporels s’est spontanément imposée à tout un chacun. C’est désormais l’assentiment général.

De fait, la nomenclature dite Dintilhac est pratiquée par tous les experts en réparation du dommage corporel (médecins-conseils, assureurs, experts judiciaires, avocats, fonds d’indemnisation et de garantie, juges administratifs et judiciaires). Et pour accuser un peu plus cette normalisation, et taire les quelques discussions qu’elle prête encore à la marge, il est proposé d’ajouter un article 1269 nouveau au Code civil, qui disposerait : « Les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d’un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d’État. »[4] En bref, et c’est l’important, toutes les personnes concernées par la réparation du dommage corporel sont à présent guidées dans leur office respectif par un inventaire qui comporte (pour l’heure) quelques 29 postes de préjudices. Ceci étant, pour qu’il y ait réparation intégrale, il faut encore que l’indemnisation accordée soit égale au préjudice subi. C’est que l’étendue de la réparation est gouvernée par un principe d’équivalence entre la réparation et le dommage. Or, cela est pour ainsi dire infaisable particulièrement lorsque la victime est le siège d’une atteinte à son intégrité physique.

Par hypothèse, et relativement à toute une série de chefs de préjudices corporels, il n’est pas possible d’accorder une réparation intégrale au sens mathématique du terme. Mis à part les quelques chefs de préjudices patrimoniaux actuels, subis avant que le débiteur des dommages et intérêts compensatoires ne soit désigné (au terme d’une transaction ou d’un procès), et sous réserve que la victime établisse leur étendue exacte (ex. : dépenses de santé actuelles, pertes de gains professionnels actuels), aucun autre chef de préjudice corporel ne peut donner lieu à une réparation intégrale à proprement parler. Il ne peut s’agir au mieux que d’une réparation approximative. C’est typiquement le cas de l’indemnisation des pertes de gains professionnels futurs, de l’incidence professionnelle ou encore du préjudice scolaire universitaire ou de formation. Dans ces trois cas de figure, il est franchement conjectural de savoir avec précision quelle aurait été la situation de la victime si l’acte dommageable ne s’était pas produit. Ceci étant, on a justement écrit qu’il n’était pas saugrenu de « formuler des hypothèses concernant l’avenir »[5]. L’évaluation de la réparation ne se fait certes plus sur la base d’un calcul arithmétique, mais sur la base d’une estimation[6]. Ce n’est pas à dire qu’elle serait dénuée de toute considération objective. Bien au contraire. Concrètement, les dommages et intérêts sont liquidés au terme d’un raisonnement de type probabiliste. Quant à soutenir qu’il y aurait, dans le cas particulier, violation du principe de réparation intégrale, on aura garde de se souvenir que « le propre de la responsabilité, dit la Cour de cassation, est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage (et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu) »[7]. Au fond, une réparation à peu près équivalente au préjudice subi reste, en droit, une réparation intégrale. C’est dire que « le droit n’a pas la rigueur des mathématiques » (F. Leduc). Mais s’agissant en revanche des chefs de préjudices extrapatrimoniaux, qui indemnisent nécessairement une souffrance endurée, il n’y a aucune espèce d’équivalent envisageable. Aussi bien « les avantages de simplicité et d’objectivité dont le principe (sous étude) peut se réclamer (…) disparaissent totalement »[8]. Et dans la mesure où l’évaluation de la réparation des préjudices non économiques est nécessairement arbitraire, on ne saurait garantir aux victimes une égalité de traitement.

Au terme de ces quelques considérations liminaires, une conclusion intermédiaire peut être proposée. À la question : la réparation intégrale a-t-elle une signification appliquée au dommage corporel, la réponse est ambivalente, à tout le moins en théorie. Certainement, peut-on répondre, toutes les fois qu’il s’agit d’indemniser un chef de préjudice patrimonial. Certainement pas, en revanche, à chaque fois qu’il s’agit de compenser un chef de préjudice extrapatrimonial[9]. En disant cela, il est signifié que la réparation in integrum a en principe un sens et que c’est par exception qu’elle le perd. À la réflexion, et réserve faite des quelques chefs de préjudices patrimoniaux actuels, il se pourrait qu’elle n’en ait en définitive aucun, et ce quelle que soit la nature du préjudice subi. L’hypothèse de travail est que la réparation intégrale du dommage corporel oscille pratiquement entre illusoire (à tort) et illusion (à raison).

À l’expérience, le droit vivant de la réparation du dommage corporel est perfectible, à telle enseigne qu’une fois le processus d’évaluation du dommage corporel arrivé à son terme, si tant est qu’on le puisse toujours, la réparation du dommage corporel ne saurait jamais être à proprement parler intégrale. Autrement dit, et c’est ce qui sera soutenu en premier lieu, la réparation intégrale est illusoire (I). Ce pourrait-il qu’il en soit autrement ? Possiblement pas. Sur cette pente, il sera défendu en second lieu que la réparation intégrale est une illusion (II).

I.- L’illusoire réparation intégrale du dommage corporel

La réparation intégrale du dommage corporel est illusoire pour au moins deux séries de raisons. D’une part, la preuve du dommage corporel est diabolique (A). D’autre part, l’évaluation du dommage corporel est redoutable (B).

A.- La preuve diabolique du dommage corporel

La preuve du dommage corporel est diabolique tant en médecine (1) qu’en droit (2).

1.- Preuve du dommage corporel et médecine

Le système français légal de la preuve ne souffre pas la discussion : la victime doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention (C. proc. civ., art. 9). Et le Code de procédure civile d’exiger plus précisément que l’intéressée remette sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaire à l’accomplissement de sa mission (art. 275). Rapporter la preuve du dommage corporel n’est pas ce qui est le plus compliqué. Prouver en revanche que l’atteinte n’est pas un malheur qu’on ne saurait imputer à qui que ce soit ou, pour le dire autrement, démontrer que la victime n’est pas l’entité sacrificielle d’une catastrophe anonyme, c’est là bien plus difficile. C’est qu’il importe au demandeur d’attester qu’il a consommé les soins et/ou les produits de santé incriminés.

Le Code de santé publique dit utilement que « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quel que titre que soit, par des professionnels et établissements de santé (…) » (C. santé publ., art. L. 1111-7). Si la victime n’est pas en mesure de présenter son dossier médical ou son dossier pharmaceutique au soutien de son action en réparation, elle peut toujours prier celui ou celle qui détient les informations la concernant de les lui communiquer.

À l’expérience, le dispositif n’est pas satisfaisant. D’abord, il s’agirait que lesdites informations n’aient pas été détruites. Or, le dossier médical du patient n’est conservé que vingt années durant (C. santé publ. art. R. 1112-7). Ensuite, il s’agirait que le détenteur accède à la demande du patient. Or, la rétention est tentante pour prévenir une éventuelle mise en cause[10]. Elle n’est du reste pas sanctionnée par le Code de la santé publique. Et le demandeur d’être alors contraint de saisir, selon le cas de figure, qui la Commission d’accès aux documents administratifs, qui le conseil départemental de l’ordre des médecins, qui la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. En conséquence, la perspective d’une réparation intégrale pourrait être notablement améliorée en assurant à tout un chacun un accès inconditionnel à ses données de santé. Ce n’est pas à dire toutefois qu’il n’existe aucun dispositif approchant. Simplement, le dossier médical partagé (créé auprès d’un hébergeur de données de santé à caractère personnel et placé sous la responsabilité de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés. C. santé publ., art. L. 1111-14) n’a pas encore l’ampleur escomptée[11].

Au reste, quand bien même la victime serait-elle en capacité de produire in extenso son dossier médical, le fardeau de la preuve ne s’en trouverait pas nécessairement allégé. Il s’agirait encore que l’examen médical soit probant. Or, il faut bien voir que de nombreux examens médicaux sont invariablement opérateurs-dépendants. C’est typiquement le cas de l’imagerie médicale et de l’échographie en particulier. Si le praticien n’est pas au fait des données acquises de la science et de la technique, l’examen ne sera possiblement d’aucun secours. Le développement professionnel continu des professionnels de santé est en l’occurrence une préoccupation de premier plan (C. santé publ., art. L. 4021-1) : c’est qu’on ne trouve que ce que l’on cherche ; et qu’on ne cherche que ce que l’on connaît[12].

De surcroît, quelques autres examens ont une valeur probatoire remarquable, seulement le Code de déontologie médicale déclare que le médecin doit limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins[13]. Et, au risque de se mettre en délicatesse avec ses obligations, le professionnel de santé peut être des plus hésitants à l’idée de prescrire un examen certainement probant mais par trop invasif et/ou possiblement mortifère[14].

La preuve du dommage corporel n’est pas qu’affaire de médecine et de science. C’est aussi affaire de droit et d’art.

2.- Preuve du dommage corporel et droit

Il importe que la victime puisse utilement défendre sa cause. La preuve du dommage corporel ne souffre pas l’amateurisme (quand bien même serait-il éclairé). C’est dire que l’intéressée doit être, en tout état de cause, représentée. À quoi bon soutenir que la réparation allouée est intégrale s’il s’avère que la médiocrité des dommages et intérêts alloués (voire selon le cas de figure arrachés au débiteur) interdit concrètement le rétablissement de la victime. Les juristes savent qu’il importe de prendre attache avec des femmes et hommes de l’art, en l’occurrence des avocats-conseils spécialisés en droit du dommage corporel tandis que les profanes ignorent possiblement tout. De salutaires associations pallient certes, peu ou prou, l’absence d’information des victimes. Il reste que, à hauteur de principe, ces dernières gagneraient à être autrement mieux avisées. À l’expérience, les mentions de spécialisation des avocats-conseils sont mal connues[15]. Et, quand bien même le seraient-elles, il importerait encore que la victime sache que les règles qui gouvernent la réparation du mal dont elle est atteinte sont rangées sous la bannière « droit du dommage corporel ».

C’est que les mots du droit forment un écran linguistique pour qui n’a pas été initié à ce système de signes[16]. Par hypothèse, la victime n’est pas qualifiée pour formuler justement son besoin de droit. Pour peu qu’elle ne soit autorisée à ne l’exprimer que par écrit, comme c’est précisément le cas des victimes du Benfluorex (Médiator) qui ne sont indemnisées que sur la foi des pièces médicales produites – i.e. sans qu’elles n’aient été interrogées en personne par les experts[17] –, la barrière logomachique peut s’avérer plus grande encore. Or, c’est d’autant plus fâcheux dans le cas particulier que la matière est faite de mille et une chausse-trappes.

Le caractère redoutable de l’évaluation du dommage corporel l’atteste.

B.- L’évaluation redoutable du dommage corporel

L’évaluation du dommage corporel est redoutable pour deux séries de raison au moins qui tiennent, d’une part, aux experts désignés (1) et, d’autre part, aux outils employés (2).

1.- Évaluation et experts

L’évaluation par l’expert du dommage corporel est la clé de voûte de tout le dispositif. L’expertise est censée permettre à la personne chargée de prendre une décision (le régleur ou le juge) de le faire en toute connaissance de cause. En vérité, c’est un exercice « particulièrement difficile et périlleux tant pour l’expert, qui est le plus souvent tenté de se substituer au juge, que pour celui-ci, qui doit s’appuyer sur une expertise sans lui abandonner la décision »[18]. Les processualistes considèrent justement que « le technicien construit les faits en les nommant et opère ainsi une véritable pré-qualification des faits »[19]. En conséquence, il importe que la compétence du médecin expert soit agréée.

Or, il est remarquable de souligner que la qualité du technicien est acquise sur la foi d’une simple inscription sur une liste d’experts dressée, qui par une cour d’appel, qui par le bureau de la Cour de cassation. Autrement dit, la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires n’exige pas que les intéressés justifient d’une compétence accusée dans leur domaine de spécialité en général ni dans l’évaluation du dommage corporel en particulier. La saisine a priori du conseil départemental de l’ordre des médecins n’a aucune espèce d’incidence de ce point de vue. L’incompétence technique tant en médecine qu’en droit sourdre.

La loi exhorte pourtant le médecin expert à se récuser s’il estime que les questions qui lui sont posées lui sont étrangères[20] ou bien à recueillir des informations auprès d’un tiers sapiteur qu’il s’adjoint[21]. À l’expérience, il n’en va malheureusement pas toujours ainsi[22]. Pour peu, de surcroît, que la victime n’ait pas su s’agréger les compétences d’un avocat-conseil particulièrement avisé, la réparation ne sera vraisemblablement intégrale, peu importe la nature des chefs de préjudices soufferts, que parce que le droit aura habilité une autorité à dire qu’il en est ainsi.

La victime, le droit et la justice gagneraient à garantir que les personnes, à savoir tant les médecins que les juristes, sont assurément les mieux inspirées en réparation du dommage corporel. C’est qu’il faut bien voir encore que les outils de l’évaluation dudit dommage sont d’un maniement fort délicat.

2.- Évaluation et outils

De prime abord, l’évaluation médicale du dommage corporel est une question qui paraît étrangère aux préoccupations du juriste et ne semble intéresser que le médecin-expert. Après tout, c’est de description médicale et technique du dommage corporel dont il s’agit. En vérité, et les praticiens du dommage corporel le savent bien, l’expertise médicale est déterminante, car elle a pour objet de décrire la réalité de l’atteinte dont la victime est le siège. C’est, pour le dire autrement, l’alpha et l’omega de la réparation intégrale du dommage corporel. Il faut bien voir que la détermination des chefs de préjudices subis et l’évaluation monétaire de la créance de réparation sont invariablement liées à la réalité médico-légale décrite par le médecin-expert. L’ennuyant, c’est qu’il n’existe pour l’heure aucun instrument unique d’évaluation des incapacités mais bien plutôt toute une série.

L’hétérogénéité des méthodes d’évaluation est telle qu’il est douteux qu’on puisse valablement employer le singulier pour désigner la compensation des différents chefs de préjudices corporels. Le pluriel sied mieux dans le cas particulier. C’est bien plutôt des réparations intégrales dont il devrait être question. Pour preuve : les mesures de l’atteinte à l’intégrité physique – ou la quantification de l’atteinte aux fonctions de l’organisme – des sujets varient d’un barème médico-légal à l’autre et d’un médecin-expert à un autre. On accordera certes que l’évaluation barémique n’est pas une science exacte[23]. Ce n’est pas à dire qu’on ne puisse améliorer l’existant.

De lege ferenda, il s’agirait que le déficit fonctionnel soit mesuré selon un barème médical unique, indicatif, dont les modalités d’élaboration, de révision et de publication seraient déterminées par voie réglementaire. C’est très exactement la lettre de l’article 1270 du projet de réforme de la responsabilité civile. Il faut s’en féliciter. Le barème n’est pas qu’un vulgaire instrument de mesure. Il a ceci de commode qu’il participe à objectiver l’évaluation. Aussi vertueux que soit le médecin-expert – et la souscription par l’intéressé d’une déclaration d’indépendance peut au passage fortifier ses résolutions[24] -, il peut être aveuglé par ses convictions ou plus volontiers trompé par ses (mé)connaissances[25]. Le barème fait alors office de directives d’interprétation des doléances exprimées par la victime. Couplé nécessairement avec une nomenclature (non limitative) des postes de préjudices, il participe à normaliser la réparation du dommage corporel et à assurer une égalité de traitement.

De lege lata, et en tout état de cause, il importe que le médecin-expert motive son évaluation et ne se contente pas d’une application mécanique ou systématique du barème pris pour référence. Et, dans un ordre d’idées approchantes, l’avocat-conseil ne saurait se satisfaire de l’emploi d’une quelconque formule mathématique. Ni le médecin ni le juriste ne sont des géomètres condamnés par le droit de la réparation intégrale du dommage corporel à l’application servile d’un quelconque théorème[26]. Tout n’est certainement pas arrangé par le nombre (Pythagore). Quant au monde, il ne saurait être mathématique (Villani) [27]. L’incapacité fonctionnelle de la victime est une chose. Ses répercussions sur sa vie de tous les jours en sont une autre. « Il importe encore de prendre en compte l’intensité avec laquelle cette incapacité a pu et peut encore affecter les conditions d’existence de la victime directe, en lui faisant perdre sa qualité de vie et les joies usuelles de la vie courante, en la séparant de son environnement familial et amical, en l’empêchant de se livrer à ses activités sportives ou de loisirs, à une activité sexuelle, en l’affublant de cicatrices, en la faisant souffrir physiquement et psychiquement, ou bien encore en lui retirant tout espoir de réaliser un projet de vie familiale « normal »[28]. Dans la mesure où les contenus respectifs du déficit fonctionnel temporaire et du déficit fonctionnel permanent mélangent tout à la fois un aspect fonctionnel objectif (l’atteinte à l’intégrité du corps humain, une incapacité fonctionnelle) et un aspect situationnel subjectif (les incidences de cette atteinte, de cette incapacité sur la vie de celui qui la subie), l’assistance de l’homme ou de la femme de l’art est déterminante.

La mesure des déficits physiologiques ne doit pas être laissée à la seule appréciation du médecin-expert. Le ministère d’un avocat-conseil, spécialement formé à cet effet, devrait être rendu obligatoire peu important le caractère amiable de la procédure[29]. C’est des conditions du rétablissement de la victime dont il s’agit. Autrement dit, c’est (pour ainsi dire exclusivement) d’argent. Pour ce faire, il importe que l’avocat-conseil ait à l’esprit la représentation monétaire de l’évaluation médicale du dommage corporel et qu’il partage son savoir avec son contradicteur légitime. Grader une souffrance endurée 2 ou 3 sur une échelle graduée de 1 (souffrances très légères) à 7 (souffrances très importantes), pour ne prendre qu’un exemple, peut donner l’impression à celui qui ne sait pas que ce sont là des bavardages. Or, en application du référentiel de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, la maigre indemnité va tout de même en moyenne du simple au double.

Porter la contradiction a maxima, c’est au fond rendre moins illusoire la réparation intégrale du dommage corporel. Est-ce à dire que, ce faisant, ladite réparation pourrait ne plus être une illusion ? Peut-être, mais c’est une espérance qu’il n’est pas souhaitable d’entretenir.

II.- L’illusion de la réparation intégrale du dommage corporel

La réparation intégrale du dommage corporel est une illusion. Pour le dire autrement, le principe de l’équivalence entre la réparation et le dommage est une croyance qui structure la perception des personnes intéressées au nombre desquelles on compte, au premier chef, les victimes.

À l’analyse, la croyance dans le caractère intégral de la réparation est aussi nécessaire (A) que suffisante (B).

A.- Une croyance nécessaire dans la réparation intégrale

La croyance est « une adhésion de l’esprit qui, sans être entièrement rationnelle, exclut le doute et comporte une part de conviction personnelle, de persuasion intime ». Aussi bien la croyance dans le caractère intégral de la réparation allouée est-elle des plus nécessaires dans le cas particulier tant pour la victime (1) que pour tout un chacun (2).

1.- La croyance nécessaire de la victime

La croyance de la victime dans le caractère intégral de la réparation qui lui est allouée est nécessaire. Elle participe d’une philosophie de la résignation, qui ne dit pas son nom. Pour cause : jamais la victime atteinte dans son intégrité physique ne sera complètement replacée dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu. Le dommage corporel étant pour ainsi dire irréversible, l’équivalent accordé sera le plus souvent bien éloigné de l’état antérieur perdu[30]. Par voie de conséquence, sauf à mourir de colère, la victime est nécessairement condamnée à se résigner.

Ce n’est pas à dire pour autant que le principe de réparation intégrale n’est qu’ « un énoncé déclaratif sans réelle portée positive »[31]. D’abord, la croyance chez la victime qu’elle a été intégralement indemnisée et la conviction que ses souffrances ont été endurées peuvent faire possiblement office de cataplasme. Ensuite et surtout la croyance dans le caractère intégral de l’indemnisation allouée s’avère être nécessaire pour tout un chacun.

2.- La croyance nécessaire de tout un chacun

L’observance du principe d’équivalence entre le dommage corporel et la réparation est profitable pour plusieurs raisons. Partant du constat que l’atteinte à l’intégrité corporelle a acquis rang de « summa injuria [mettant] en question la paix sociale »[32], le rétablissement aussi exacte que possible de l’équilibre détruit par le dommage fait figure en quelque sorte de signifiant.

Réparer intégralement le dommage corporel, c’est dire que la justice a été rendue, que les adversaires en conflits ont été séparés, que la société a été apaisée. C’est encore assurer à tout un chacun que le droit s’est appliqué à amoindrir la peine de la victime, qu’il a cherché à indemniser son dommage et toutes ses répercutions. C’est enfin proposer au juge un guide dans sa recherche d’une solution aussi équitable[33] qu’acceptable par tout un chacun. En ce sens un premier président honoraire de la Cour de cassation a pu écrire que « l’office du juge est d’abord de rechercher dans les litiges qui lui sont soumis la solution juste, c’est-à-dire celle qui (…) ne heurte ni sa conscience, ni la conscience collective »[34].

Au fond, « c’est le miracle du droit (en général) que de ne pas se résigner au constat impuissant d’un ineffable (l’irréparable, la douleur), mais de se donner les outils techniques pour tenter d’objectiver et de verbaliser juridiquement toutes les répercutions du dommage dans la vie de la victime »[35]. À l’analyse, le principe de la réparation intégrale du dommage corporel réalise en quelque sorte ce miracle (en particulier).

Croire dans les virtualités potentielles dudit principe est nécessaire. Cela est-il suffisant ?

B.- Une croyance suffisante dans la réparation intégrale

Il a été proposé en doctrine et en jurisprudence de dépasser le principe de la réparation intégrale. Il semblerait qu’il soit plus profitable de révéler que la victime est marquée ad vitam aeternam au fer de l’empreinte indélébile du mal et que son rétablissement ne saurait jamais être complet. La tentation de la vérité est grande (1). On gagnerait pourtant à y résister (2).

1.- La tentation de la vérité

On a écrit au sujet de la faute que « les juristes, pour satisfaire certaines aspirations sans rompre les cadres du droit établi, ont détourné de leur sens les mots ou les institutions, ou créé des fictions. Et quand on vide les mots de leur sens usuel, on n’est pas compris et on n’est plus soi-même maître de sa pensée »[36]. On pourrait écrire la même chose relativement à la notion de réparation intégrale. Pour peu que les dommages et intérêts compensatoires aient pour objet d’effacer entre autres quelques chefs de préjudices extrapatrimoniaux, et la réparation n’aura d’intégrale que le nom. C’est la raison pour laquelle il a été proposé en doctrine de dire une autre vérité, à savoir que la réparation est appropriée[37] ou que la satisfaction est équitable. C’est d’ailleurs dans cette direction de pensée que la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH) s’est récemment prononcée.

Aux termes d’un arrêt remarqué du 25 juin 2013[38], la victime d’un dommage moral obtient de la Cour EDH une satisfaction surnuméraire (Conv. EDH, art. 41). Les juges de Strasbourg considèrent en l’espèce que la réparation allouée par la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction du Tribunal de grande instance de Paris n’est pas de nature à effacer complétement les conséquences de la violation dont le requérant a été le siège. En ce sens, un juge écrit qu’une satisfaction équitable doit être octroyée lorsque l’ordre juridique interne n’a pas permis une réparation intégrale (opinion séparée concordante). L’ennui, c’est que l’article 706-3 du Code de procédure pénale dit très précisément que la réparation allouée est intégrale[39]. En bref, la Cour européenne suggère qu’il n’est pas juste d’affirmer que la réparation d’un chef de préjudice extrapatrimonial est intégrale ni utile de faire croire au complet rétablissement de la victime.

Est-ce à dire qu’on gagnerait à employer une formule moins définitive et illusoire, qui décrirait manifestement mieux le réel ? À la réflexion, rien n’est mois sûr. La notion de réparation intégrale dit bien plus qu’il n’y paraît. Aussi bien doit-on résister à la tentation.

2.- La résistance à la tentation

On a écrit que « le droit n’est pas une simple technique juridique réglant les conflits de la vie ; il est une marche vers ce qui le dépasse : un chemin qui mène aux valeurs fondamentales de l’être (…), un chemin qui mène à la vérité et l’identité profonde de l’homme »[40]. La réparation intégrale du dommage corporel est faite du même bois. On a très justement dit que ce n’est pas parce que l’on sait qu’il n’est pas possible d’offrir à la victime de graves lésions corporelles d’effacer purement et simplement son dommage qu’il ne faut pas, avec lucidité mais détermination, essayer sans relâche d’approcher cet objectif, si ce n’est l’atteindre »[41].

L’objectif est très certainement la complétude de la réparation. Mais c’est aussi une dette de réparation justement calculée sans léser le responsable. La notion de réparation intégrale du dommage corporel est certainement des plus fécondes. Simplement, pour la pratiquer plus justement, il importerait de corriger ici et là quelques unes des règles applicables. C’est qu’« à défaut de droit idéalement juste, du moins faut-il que le droit imparfait dont on dispose soit le même pour tous »[42].

Dans la mesure où il n’est pas de tradition de hiérarchiser les intérêts protégés en général ni les chefs de préjudices corporels en particulier, qui sont tous placés sur un même plan, le droit gagnerait à discipliner le pouvoir d’appréciation du juge relativement à la liquidation des chefs de préjudices extrapatrimoniaux. Concrètement, un référentiel indicatif, à la manière des barèmes indicatifs d’évaluation médico-légale, pourrait se révéler fructueux. Le procédé est bien connu[43]. Le projet de réforme de la responsabilité civile l’emploie du reste[44]. Il s’agit que le quantum de l’indemnisation des chefs de préjudices extrapatrimoniaux ne soit pas discrétionnairement défini par le juge, mais bien plutôt fixé en contemplation de ce qui est ordinairement alloué. Et la loi de réserver au juge la liberté de minorer ou, au contraire, de majorer le montant des dommages et intérêts toutes les fois que les faits de l’espèce le justifient pour peu que la motivation soit spécialement motivée.

Pour conclure, il faut bien voir que la réparation intégrale a encore quelques autres vertus que celles qui viennent d’être présentés. C’est entre autres un discriminant. La notion sert à sérier les régimes d’indemnisation selon qu’ils allouent une réparation forfaitaire ou bien plutôt qu’ils accordent une réparation intégrale. Ce faisant, elle propose un autre « chemin » au législateur et au juge. Le président Dintilhac a eu l’occasion de dire que le principe de la réparation intégrale du dommage corporel était une « utopie constructive ». [45] Se pourrait-il en définitive qu’elle n’ait jamais été rien d’autres ? Nombreuses sont les victimes qui ne recouvreront jamais plus leur pleine capacité. Le droit l’a toujours su. Il en porte distinctement la marque : « le propre de la responsabilité est de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu ».

J.B.

[1] Principe général tant du droit civil que du droit administratif de la responsabilité (CE, sect., 19 mars 1971, Mergui : Rec. CE 1971, p. 235, concl. Rougevin-Baville ; AJDA 1971, p. 274, chron. Labetoulle et Caranes ; RDP 1972, p. 234, note Waline). V. aussi Ch. Cormier, Le préjudice en droit administratif français, préf. D. Truchet, Bibl. dr. public, tome 228, L.G.DJ., 2002, pp. 369 et s.

[2] La réparation intégrale en Europe. Études comparatives des droits nationaux (F. Leduc et Ph. Pierre dir.), Larcier, 2012. Voy. aussi D. Gardner, « L’indemnisation du préjudice corporel dans les juridictions de tradition civiliste (rapport général) » in L’indemnisation, Travaux de l’Association Henri Capitant, journées québecoises, 2004, Société de législation comparée, 2008, p. 481. Voy. égal. en ce sens, Ch. Coutant-Lapalus, Le principe de la réparation intégrale en droit privé, préf. F. Pollaud-Dulian, PUAM, 2002, nos 152 et s.

[3] C. sécu. soc., art. L. 431-1 et s. Il en va ainsi depuis la loi du 9 avr. 1898 concernant les responsabilités dans les accidents du travail.

[4] Projet de réforme de la responsabilité civile, mars 2017 :

http://www.textes.justice.gouv.fr/publication/projet_de_reforme_de_la_responsabilite_civile_13032017.pdf

[5] G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, 3ème éd., LGDJ, p. 257, n° 104.

[6] F. Leduc, Juris-cl. civil 201, « Régime de la réparation », nos 59-66.

[7] Cass. 2ème civ., 28 oct. 1954 : JCP G 1955, II, 8765, note R. Savatier.

[8] G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, op. cit., n° 58.

[9] Voy. égal. en ce sens, J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, Les obligations, le fait juridique, 14ème éd., A. Colin, 2011, n° 388.

[10] Voy. en ce sens « Expertise des pathologies liées au Benfluorex (Médiator) : bilan à mi-parcours du collège d’experts chargé de se prononcer sur les responsabilités, Archives des maladies du cœur et des vaisseaux, Revue de la Société française de cardiologie », déc. 2015, p. 23, spéc. p. 24.

[11] L’article 5 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 rel. à l’assurance maladie avait accordé à tout un chacun la faculté de constituer en ligne un dossier médical personnel (art. L. 161-36-1 C. sécu. soc.). Un site Internet dédié avait été crée dans la foulée par le Gouvernement (www. dmp.gouv.fr). Mais, faute de parvenir à généraliser sa pratique, le législateur a fait machine arrière. Le dispositif a été abrogé. Le choix a été fait de le remplacer par le Dossier médical partagé (loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, art. 94. Décret n° 2016-914 du 4 juill. 2016 rel. au dossier médical partagé codifié aux articles R. 1111-26 et s. nouv. C. santé publ.). Le site Internet porte encore la marque de ces tergiversations.

[12] Libre interprétation du paradoxe de Ménon (Platon).

[13] C. santé publ., art. R. 4127-8, al. 2. V. égal. art. L. 1110-5 C. santé publ. et L. 162-2-1 C. sécu. soc. : « Les médecins sont tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d’observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins. »

[14] C’est typiquement le cas de l’échographie d’effort, de l’échographie trans-thoracique ou du cathétérisme droit d’effort. V. en ce sens, « Expertise des pathologies liées au Benfluorex : bilan à mi-parcours du collège d’experts chargé de se prononcer sur les responsabilités », op. cit., p. 29.

[15] Voy. égal. en ce sens, A. Lienhard, « Réparation intégrale des préjudices en cas de dommage corporel : la nécessité d’un nouvel équilibre indemnitaire », D. 2006.2485, n° 12. À noter encore que les avocats spécialisés ne sont pas des plus nombreux.

[16] V. not. G. Cornu, Linguistique juridique, 3ème éd., Montchrestien, 2005.

[17] C. santé publ., art. L. 1142-24-2.

[18] G. Mor, Évaluation du préjudice corporel, 2ème éd., Delmas, 2014, n° 111.11. À noter toutefois que l’expertise pratiquée à la demande d’une victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ou à celle de la caisse s’impose en principe erga omnes (i.e. requérant, caisse, juge). V. en ce sens : C. proc. civ., art. 246 ensemble C. sécu. soc., art. L. 141-2 ; Cass. soc., 20 janv. 1994, n° 91-14-.984. Les mots font sens ; on dit en pratique que l’expertise a une « force irréfragable » (V. not. Cass. soc., 20 janv. 1994, n° 91-17.282). Il en va différemment en droit des accidents du travail agricoles. Le régime de l’expertise médicale étant celui qui est défini au Code de procédure civile, il ne s’impose pas aux parties et à la juridiction (C. sécu. soc., art. R. 142-39 ; Cass. 2ème civ., 29 juin 2004, n° 02-20.905).

[19] L. Cadiet et E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 9ème éd., Litec, 2016.

[20] C. santé publ., art. R. 4127-106 (in Exercice de la médecine d’expertise – Déontologie médicale) ensemble C. proc. civ., art. 267, al. 2.

[21] C. proc. civ., art. 264.

[22] Voy. égal. en ce sens G. Mor, Évaluation du préjudice corporel, op. cit., n° 111.15. M. le Roy, J.-D. le Roy et B. Bibal, L’évaluation du préjudice corporel, 20ème éd., Lexisnexis 2015, p. 48.

[23] Voy. égal. en ce sens, Y. Lambert-Faivre et S. Porchy-Simon, Droit du dommage corporel. Systèmes d’indemnisation, 7ème éd., Dalloz, 2012, n° 103, p. 119.

[24] Commission de réflexion sur l’expertise judiciaire, rapport pour 2011. Modèle de « déclaration d’acceptation et déclaration d’impartialité et d’indépendance ». www.justice.gouv.fr/art_pix/rapp_com_reflextion_expertise.pdf

[25] Pendant que quelques autres experts sont mus par quelques autres intérêts…V. en ce sens un rapport de la Cour des comptes, rédigé à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat : La prévention des conflits d’intérêts en matière d’expertise sanitaire, mars 2016.

[26] La formule dite de Gabrielli est pratiquée lorsque le fait générateur dommageable a aggravé une incapacité fonctionnelle documentée. Dans la mesure où le défendeur n’est responsable que parce que et dans la mesure où il a causé le dommage, on ne peut valablement le condamner qu’à compenser les chefs de préjudices qui lui sont exclusivement imputables (à tout le moins en principe). Il s’agit concrètement de tenir compte de la capacité initiale réduite (c1) et de la capacité restante (C2). Soit (c1)-c2)/c1. La critique vaut également pour l’indice de Karnofsky ou la règle de Balthazar.

[27] A. Supiot, La gouvernance par les nombres, Cours au Collège de France (2012-14), Fayard, 2015, p. 104.

[28] A. Guégan, « La distinction préjudices temporaires et permanents : l’exemple du déficit fonctionnel in Autour de la nomenclature Dintilhac », Gaz. pal. déc. 2014.

[29] C’est une proposition qui a été faite en son temps par le groupe de travail du Conseil national d’aide aux victimes (Ministère de la justice, 2002). C’est une proposition qui se heurte pour l’instant à la question de la rémunération des diligences de l’avocat.

[30] J. Flour, J.-L. Aubert et É. Savaux, Les obligations, 2.- Le fait juridique, op. cit., n° 387, p. 502.

[31] Voy. sur ce point, J.-B. Prévost, « Aspects philosophiques de la réparation intégrale », Gaz. pal. avr. 2010, n° 100, p. 7.

[32] G. Ripert, Le régime démocratique et le droit civil moderne, 2ème éd., L.G.D.J., 1948, p. 476. Voy. plus généralement J. Bourdoiseau, L’influence perturbatrice du dommage corporel en droit des obligations, préf. F. Leduc, Bibl. dr. pr., tome  513, L.G.D.J., 2008, nos  248 et s.

[33] R. Libchaber, L’ordre juridique et le discours du droit. Essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ, 2013, n° 173. Voy. égal. Perelman, Logique juridique, nouvelle rhétorique, Dalloz, 1976, p. 172 : « Le droit a pour objet la réalisation dans les sociétés humaines d’un ordre aussi équitable que possible ».

[34] G. Canivet, « La méthode jurisprudentielle à l’épreuve du juste et de l’injuste » in De l’injuste au juste (M.-A. Frison-Roche dir.), Dalloz, 1997, p. 101.

[35] J.-B. Prévost, « Aspects philosophiques de la réparation intégrale », op. cit.

[36] P. Esmein, « La faute et sa place dans la responsabilité civile », RTD civ. 1949, p. 481, spéc. n° 1. Voy. égal. Ph. Malaurie, L. Aynès et Ph. Stoffel-Munck, Droit des obligations, 8ème éd., Defrénois, 2016, nos 53, 54.

[37] Ph. le Tourneau e.a., Droit de la responsabilité et des contrats, 10ème éd., Dalloz-Action, 2014-15.

[38] Cour EDH, 25 juin 2013, req. 30812/7, Aff. Trévalec c./ Belgique. Analyse critique O. Sabard, « Le principe de la réparation intégrale menacée par la satisfaction équitable ! », D. 2013.2139.

[39] Et une opinion séparée dissidente de souligner que la réparation accordée par la CIVI visait précisément à couvrir le préjudice causé au requérant par les faits qui ont conduit la cour à conclure à une violation de l’article 2 de la Convention.

[40] Ph. Malaurie, « Pourquoi une introduction au droit », JCP G. 2016.1189, n° 8.

[41] Ph. Brun, « Le droit en principe : la réparation intégrale en droit du dommage corporel », Lamy Droit civil, n° 110. V. égal. en ce sens, G. Viney, P. Jourdain, Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, op. cit., n° 58, p. 158.

[42] Ph Jestaz, Le droit, 5ème éd., Dalloz, 2007, p. 17.

[43] V. par ex. Rapport sur l’indemnisation du dommage corporel, juin 2003, p. 32. P. Jourdain et G. Viney, Traité de droit civil, Les effets de la responsabilité, op. cit., n° 152 ; S. Porchy-Simon, « La nécessaire réforme du droit du dommage corporel », mél. H. Groutel, Litec 2006, p. 359, spéc. n° 24.

[44] Art. 1271 : [Un décret en Conseil d’État fixe les postes de préjudices extrapatrimoniaux qui peuvent être évalués selon un référentiel indicatif d’indemnisation, dont il détermine les modalités d’élaboration et de publication. Ce référentiel est réévalué régulièrement en fonction de l’évolution de la moyenne des indemnités accordées par les juridictions. À cette fin,] une base de données rassemble, sous le contrôle de l’État et dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, les décisions définitives rendues par les cours d’appel en matière d’indemnisation du dommage corporel des victimes d’un accident de la circulation.

[45] J.-P. Dintilhac, « La nomenclature et le recours des tiers payeurs in La réparation du dommage corporel », Gaz. Pal. 11-13 février 2007, p. 55.