Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP): régime juridique

I) Définition

A) L’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement

==> Notion

Elle est définie à l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier comme « l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation. »

Aussi, cette activité ne consiste pas en l’accomplissement d’opérations de banque ou en la fourniture de services de paiement, elle vise seulement à mettre en relation des clients avec un établissement agréé pour fournir ce type de prestation, le plus souvent en établissement de crédit.

L’article R. 519-1 du Code monétaire et financier précise que « est considéré comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d’une opération de banque ou à la fourniture d’un service de paiement le fait pour toute personne de solliciter ou de recueillir l’accord du client sur l’opération de banque ou le service de paiement ou d’exposer oralement ou par écrit à un client potentiel les modalités d’une opération de banque ou d’un service de paiement, en vue de sa réalisation ou de sa fourniture. »

L’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement fait ainsi l’objet d’une définition extrêmement large.

==> Les opérations visées

Elle peut porter sur toute opération de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code de monétaire et financier.

Selon cette disposition « les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement. »

Trois sortes d’opérations peuvent donc faire l’objet d’une intermédiation :

  • La réception de fonds du public
    • L’article L. 312-2 dispose que sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer.
    • Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds reçus du public :
      • Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs ;
      • Les fonds qu’une entreprise reçoit de ses salariés sous réserve que leur montant n’excède pas 10 % de ses capitaux propres. Pour l’appréciation de ce seuil, il n’est pas tenu compte des fonds reçus des salariés en vertu de dispositions législatives particulières.
  • La fourniture de crédit
    • L’article L. 313-1 du Code monétaire et financier prévoit que :
      • D’une part, constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie
      • D’autre part, sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat.
  • La fourniture de services de paiement
    • L’article L. 314-1 du Code monétaire et financier prévoit que
      • Sont des services de paiement :
        • Les services permettant le versement d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement
        • Les services permettant le retrait d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement ;
        • L’exécution des opérations de paiement suivantes associées à un compte de paiement :
          • Les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement ;
          • Les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire ;
          • Les virements, y compris les ordres permanents ;
        • L’exécution des opérations de paiement suivantes associées à une ouverture de crédit :
          • Les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement ;
          • Les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire ;
          • Les virements, y compris les ordres permanents ;
        • L’émission d’instruments de paiement et / ou l’acquisition d’ordres de paiement ;
        • Les services de transmission de fonds ;
        • L’exécution d’opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l’opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services.
      • N’est pas considérée comme un service de paiement :
        • La réalisation d’opérations fondées sur l’un des documents suivants, tiré sur le prestataire de services de paiement en vue de mettre des fonds à la disposition du bénéficiaire :
          • Un titre de service sur support papier ;
          • Un chèque de voyage sur support papier ;
          • Un mandat postal sur support papier tel que défini par l’Union postale universelle ;
        • La réalisation des opérations de paiement liées au service d’actifs et de titres, notamment celles réalisées sur un compte sur livret, sur un compte mentionné au titre II du livre II, sur un compte à terme ou sur un compte-titre mentionné au chapitre Ier du titre 1er du livre II ainsi que sur un compte espèces qui lui est spécifiquement associé.

==> Fourniture additionnelle de conseil en matière de crédit

 Le rôle des IOBSP ne se cantonne pas à la facilitation de la réalisation d’opérations de banque et de services de paiements, ils sont également autorisés à dispenser des conseils à leurs clients en matière de crédit.

  • Objet de la fourniture de conseil
    • L’article L. 519-1-1 du Code de la consommation prévoit que « les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent fournir à leurs clients un service de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit mentionnés à l’article L. 313-1 du code de la consommation, à l’exclusion des opérations de regroupement de crédits définies aux articles L. 314-10 à L. 314-14 du même code.»
    • Le service de conseil consiste, selon cette disposition, en la fourniture au client, y compris au client potentiel, de recommandations personnalisées en ce qui concerne une ou plusieurs opérations relatives à des contrats de crédit.
  • Conditions de la fourniture de conseil
    • Le conseil personnalisé peut porter sur un ou plusieurs contrats de crédits à la condition que lesdits contrats soient adaptés aux besoins et à la situation financière du client sur le fondement de la prise en considération :
      • d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit de leur gamme de produits pour les intermédiaires agissant en vertu d’un mandat délivré par un établissement de crédit ou une société de financement ; ou
      • d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché pour les intermédiaires agissant en vertu d’un mandat délivré par un client.
    • L’article R. 519-22-1 du Code monétaire et financier précise que lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il recueille, sur la situation personnelle et financière de son client et sur ses préférences et ses objectifs, les informations nécessaires pour pouvoir lui recommander des contrats appropriés.
    • En outre, la recommandation doit être fondée sur des informations actualisées et sur des hypothèses raisonnables quant aux risques encourus par le client pendant la durée du contrat proposé.
    • Enfin, l’intermédiaire doit communiquer au client le nombre de contrats de crédits examinés et la dénomination des établissements de crédit ou des sociétés de financement dont les contrats ont été examinés, sa recommandation et la motivation de celle-ci au regard des informations recueillies, sur papier ou tout autre support durable.
  • Caractères de la fourniture de conseil
    • La fourniture de conseil constitue une activité distincte de l’octroi de crédit et de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.
    • Le conseil est qualifié d’indépendant dès lors qu’il est rendu en considération d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché et que sa fourniture ne donne lieu à aucune autre rémunération que celle versée, le cas échéant, par le client, ni à aucune forme d’avantage économique.
    • L’intermédiaire de crédit qui fournit une prestation de service de conseil indépendant peut se prévaloir de l’appellation de conseiller indépendant.

B) Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement

==> Notion

L’article L. 519-1 du Code monétaire et financier prévoit que « est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire ou qui fournit un service de conseil au sens de l’article L. 519-1-1. »

Il ressort de cette définition que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) peut être, tant une personne physique qu’une personne morale.

Toutefois, l’article L. 519-2 du Code monétaire et financier précise que :

  • D’une part, l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut s’exercer qu’entre deux personnes dont l’une au moins est un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement.
  • D’autre part, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut agir qu’en vertu d’un mandat délivré par l’établissement dont il distribue les produits.

==> Conditions

Pour être intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement trois conditions cumulatives doivent être remplies :

  • Objet de l’intermédiation
    • L’intermédiation ne peut avoir pour objet qu’une opération de banque ce qui comprend
      • La réception de fonds du public
      • La fourniture de services de paiement
      • La fourniture de crédits
  • Exercice à titre habituel
    • Pour être soumis au régime juridique de l’intermédiation en opération de banque et en services de paiement, l’intermédiaire doit exercer cette activité à titre habituel
    • On peut en déduire que lorsque l’opération d’intermédiation est ponctuelle, elle ne tombe pas sous le coup des dispositions du Code monétaire et financier.
  • Existence d’une contrepartie
    • Il ressort de l’article L. 519-1 du code monétaire et financier que le statut d’IOBSP est subordonné à l’octroi d’une rémunération.
    • L’article R. 519-5 du Code monétaire et financier précise que la rémunération doit s’entendre comme tout versement pécuniaire ou toute autre forme d’avantage économique convenu et lié à la prestation d’intermédiation.
    • Aussi, lorsque l’intermédiation est assurée par un opérateur à titre gratuit, il est insusceptible d’endosser le statut d’IOBSP et n’est donc pas soumis aux obligations y afférent.

II) Classification

Tandis que le Code monétaire et financier a réparti en plusieurs catégories les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, en parallèle certaines personnes sont exclues du champ d’application du dispositif.

A) Catégories

  1.  Exposé des catégories

L’article R. 519-4, I du Code monétaire et financier répartit les IOBSP en quatre catégories :

==> Les courtiers

  • Conditions
    • Immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage en opérations de banque et en services de paiement
    • Conclusion d’un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement
  • Exclusions
    • Le courtier doit agir en qualité de mandataire du client
    • Le mandant ne peut pas être
      • Soit un établissement de crédit
      • Soit une société de financement
      • Soit un établissement de paiement
      • Soit un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, et qui ne sont pas soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.

==> Les mandataires exclusifs

Plusieurs conditions doivent être remplies pour endosser cette qualité:

  • Conclusion d’un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur
    • Soit d’un établissement de crédit
    • Soit d’une société de financement
    • Soit d’un établissement de paiement
    • Soit d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement
  • Exclusivité de la relation contractuelle pour une catégorie déterminée d’opérations de banque ou de services de paiement

==> Les mandataires non exclusifs

Pour endosser cette qualité il suffit de conclure un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur

  • Soit d’un établissement de crédit
  • Soit d’une société de financement
  • Soit d’un établissement de paiement
  • Soit d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement

==> Les mandataires d’intermédiaires

  • Pour endosser cette qualité il suffit de conclure un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur
    • Soit d’un courtier
    • Soit d’un mandataire exclusif
    • Soit d’un mandataire non-exclusif

2. Règles propres aux catégories

==> Règle de non-cumul

L’article R. 519-4, II du Code monétaire et financier dispose que « une même personne ne peut cumuler l’exercice de l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement au titre de plusieurs catégories que pour:

  • Soit la fourniture d’opérations de banque de nature différente
    • Sont ici spécifiquement visés
      • le crédit à la consommation,
      • le regroupement de crédits
      • le crédit immobilier
      • le prêt viager hypothécaire.
    • Soit la fourniture de services de paiement

==> Règle propre aux mandataires d’intermédiaires

Les mandataires d’intermédiaires ne peuvent pas bénéficier de certaines dispositions relatives à la liberté d’établissement (règles édictées à l’article L. 519-8 du CMF) pour l’exercice de l’activité d’intermédiation en matière de contrat de crédit immobilier

B) Exclusions

Un certain nombre d’opérateurs sont exclus du champ d’application du régime juridique de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiements.

Les exclusions sont d’ordre légal et réglementaire.

  1. Les exclusions légales

L’article 519-1, II du Code monétaire et financier prévoit que le statut d’IOBSP ne s’applique pas :

  • aux établissements de crédit
  • aux sociétés de financement
  • aux sociétés de gestion de portefeuille lorsqu’elles agissent pour un placement collectif qu’elles gèrent
  • aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement,
  • aux établissements de paiement
  • aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement
  • aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services
  • aux personnes physiques salariées des personnes pratiquant une activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.
  • aux notaires ( L. 519-3 CMF)

2. Les exclusions réglementaires

L’article R. 519-2 introduit par le décret n°2014-1315 du 3 novembre 2014 dans le Code monétaire et financier prévoit que ne sont pas intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement au sens de l’article L. 519-1 et ne sont pas soumis aux obligations y afférent :

==> Les « petits » intermédiaires

Les personnes offrant des services d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement qui constituent un complément aux produits ou services fournis dans le cadre de leur activité professionnelle mais qui ne remplissent pas les exigences de seuil n’endossent pas le statut d’IOPSB

  • Conditions
    • Il faut que le nombre total des opérations de banque ou de services de paiement ou le montant total des crédits octroyés ou des services de paiement fournis ou réalisés par leur intermédiaire chaque année civile
      • d’une part n’excèdent pas
        • pour les opérations de banque : soit vingt opérations par an, soit un montant annuel de deux cent mille euros (200 000 €)
        • pour les services de paiement mentionnés au II de l’article L. 314-1 : vingt opérations par an.
      • d’autre part, soit compris dans la limite de trente opérations ou de 300 000 euros.
  • Exception
    • Cette exclusion ne s’applique pas
      • aux personnes qui agissent dans le cadre d’une opération de démarchage
      • aux personnes dont l’activité d’intermédiation porte en partie ou en totalité sur les opérations:
        • de crédit immobilier
        • de regroupement de crédits
        • de prêt viager hypothécaire
    • Au bilan, l’exclusion ne s’applique que pour l’intermédiation portant sur des crédits à la consommation ou des crédits consentis à des professionnels hors situation de démarchage.

==> Les indicateurs

  • Notion
    • L’indicateur est celui dont la fonction se limite à la seule mise en relation entre un établissement bancaire et un client.
    • L’article R. 519-2 du Code monétaire et financier définit l’indicateur au moyen d’un critère fonctionnel.
    • L’indicateur est :
      • Soit la personne dont le rôle se limite à indiquer un établissement bancaire à une personne intéressée à la conclusion d’une opération de banque ou d’un service de paiement en lui remettant des documents à caractère publicitaire
      • Soit la personne dont le rôle se limite à transmettre à un établissement bancaire les coordonnées d’une personne intéressée à la conclusion d’une opération de banque ou de services de paiement
  • Régime
    • Rôle
      • Le rôle de l’indicateur se limite à la seule mise en relation.
      • Aussi, ne saurait-il, en aucune manière, apporter son concours dans le processus de conclusion du contrat.
      • Tout au plus, il peut diffuser auprès de sa clientèle les brochures publicitaires de l’établissement bancaire, voire transmettre à celui-ci des coordonnées.
      • S’il sort de ce rôle – par exemple en réceptionnant des documents contractuels ou supervisant l’échange des signatures – il s’expose à une condamnation pour exercice illégal de la profession d’IOBSP
    • Rémunération
      • L’article R. 519-2 du Code monétaire et financier n’exclut pas la faculté pour l’indicateur de percevoir une rémunération en contrepartie du service d’intermédiation qu’il fournit à l’établissement bancaire.
      • Pourtant, l’article R. 519-5, II du Code monétaire et financier pose l’interdiction pour toute personne qui n’endosserait pas la qualité d’IOBSP de se voir allouer une rémunération au titre de l’activité d’intermédiation.
      • Cette disposition précise néanmoins en son III que cette interdiction « ne fait pas obstacle au versement d’une commission d’apport aux indicateurs».
      • Aussi, peut-on en déduire que les indicateurs sont autorisés à percevoir une commission, à la condition exclusive de conclure avec l’établissement bancaire une convention d’indication ou d’apport d’affaires.
    • Publicité
      • Contrairement aux IOBSP, les indicateurs ne peuvent pas communiquer, en leur qualité d’intermédiaire, sur les produits bancaires vers lesquels ils orientent leurs clients en vertu d’une convention d’indication.
      • Cette interdiction se déduit de l’article L. 546-3, al. 1er du Code monétaire et financier qui prévoit que « il est interdit à toute personne autre que l’une des personnes mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 546-1 d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire ou laissant entendre qu’elle est immatriculée sur le registre mentionné à l’article L. 546-1 au titre de l’une de ces catégories ou de créer une confusion en cette matière. »
      • Il y a fort à parier que l’indicateur qui communiquerait sur les produits pour lesquels il intervient en tant qu’intermédiaire tomberait sous le coup de cette interdiction.
  • Sanction
    • L’exercice illégal de la profession d’IOBSP est réprimé par l’article L. 571-15 du Code monétaire et financier
    • Cette disposition prévoit que « le fait, pour toute personne physique, d’exercer l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement sans satisfaire à l’obligation prévue au premier alinéa de l’article L. 519-2 est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.»

==> Les agents de prestataires de services de paiement

 Il s’agit des personnes visées à l’article L. 523-1 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit que les prestataires de services de paiement peuvent recourir aux services d’un ou plusieurs agents pour exercer pour leur compte, dans les limites de leur agrément, les activités de services de paiement.

Les agents peuvent faire la promotion des services fournis par les prestataires de services de paiement et être habilités à démarcher des clients pour le compte de ceux-ci.

Tout agent agit en vertu d’un mandat donné par un prestataire de services de paiement. Les agents sont tenus d’informer les utilisateurs de leur qualité de mandataire lorsqu’ils entrent en contact avec eux.

Un agent peut recevoir mandat de plusieurs prestataires de services de paiement.

Les prestataires de services de paiement font enregistrer auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution les agents auxquels ils entendent recourir.

À cet effet, ils communiquent à l’Autorité les informations lui permettant de vérifier que ces agents satisfont aux conditions exigées par le présent chapitre. Un prestataire de services de paiement peut recourir à un autre prestataire des services de paiement, aux fins de communiquer les informations nécessaires à l’enregistrement des agents.

Lorsqu’un agent ne remplit plus les conditions d’enregistrement, il appartient au prestataire de services de paiement d’en informer l’autorité auprès de laquelle l’agent a été enregistré.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut refuser d’enregistrer un agent si, après vérification, les informations fournies ne lui paraissent pas satisfaisantes.

==> Les personnes mandatées par les établissements de crédit

 Il s’agit des personnes visées à l’article L. 523-6 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit que les établissements de crédit peuvent mandater toute personne exerçant par ailleurs une autre profession, en vue de la délivrance de monnaie exclusivement à leurs clients disposant d’un compte présentant les caractéristiques mentionnées à l’article L. 314-1 ouvert dans leurs livres, contre un ordre de paiement donné avec un moyen de paiement associé au compte précité.

L’établissement de crédit demeure pleinement responsable, vis-à-vis de ses clients, des actes de la personne mentionnée au premier alinéa nés à l’occasion de l’activité mentionnée au même alinéa, y compris du respect par cette dernière de la confidentialité des informations dont elle a connaissance dans le cadre de cette activité.

L’activité du mandataire doit demeurer accessoire et non significative par rapport à la profession principale du mandataire.

==> Les personnes dont l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement est liée des services ou opérations connexes

L’activité doit être liée :

  • Soit au conseil et à l’assistance en matière de gestion financière, l’ingénierie financière et d’une manière générale tous les services destinés à faciliter la création et le développement des entreprises, sous réserve des dispositions législatives relatives à l’exercice illégal de certaines professions ( 311-2 CMF)
  • Soit à la fourniture de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que la fourniture de conseil et de services en matière de fusions et de rachat d’entreprises ( L. 321-2 CMF)

III) Conditions d’exercice

Parce qu’ils prêtent leur concours à la réalisation d’opérations de banque et de services de paiement, plusieurs obligations pèsent sur les IOBSP.

A) Obligation d’immatriculation

L’article L. 519-3-1 du Code monétaire et financier dispose que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement sont immatriculés sur le registre unique des intermédiaires (ORIAS) qui est librement accessible au public.

  • Modalités de l’immatriculation
    • L’immatriculation, renouvelable chaque année, est subordonnée au paiement préalable, auprès de l’ORIAS, de frais d’inscription annuels fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de 250 euros.
    • Ces frais d’inscription sont recouvrés par l’ORIAS, qui est soumis au contrôle général économique et financier de l’Etat.
    • Leur paiement intervient au moment du dépôt de la demande d’inscription ou de la demande de renouvellement.
    • Lorsque la demande d’inscription ou de renouvellement est déposée sans le paiement correspondant, l’organisme mentionné au deuxième alinéa adresse au redevable par courrier recommandé avec accusé de réception une lettre l’informant qu’à défaut de paiement dans les trente jours suivant la date de réception de cette lettre la demande d’inscription ne pourra être prise en compte.
    • Dans le cas d’une demande de renouvellement, le courrier indique que l’absence de paiement entraîne la radiation du registre.
    • L’article L. 546-2 du Code monétaire et financier précise que lors de leur immatriculation ou du renouvellement de celle-ci, les IOBSP sont tenues de transmettre à l’ORIAS toute information nécessaire à la vérification des conditions relatives à l’accès à leur activité et à son exercice.
    • Elles sont également tenues d’informer dans les meilleurs délais cet organisme lorsqu’elles ne respectent plus ces conditions.
  • Responsabilité du mandant
    • L’article L. 519-3-2 du Code monétaire et financier prévoit que « les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, les établissements de paiement et les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement qui recourent aux services d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement doivent s’assurer que ceux-ci sont immatriculés auprès de l’ORIAS.
    • À défaut, l’établissement bancaire engage sa responsabilité.
  • Mission de l’ORIAS
    • L’ORIAS est chargé de l’établissement, de la tenue et de la mise à jour du registre des personnes immatriculées.
    • À ce titre il reçoit les dossiers de demandes d’immatriculation ou de renouvellement de l’immatriculation et statue sur ces demandes.
    • Le cas échéant, il procède à la radiation du registre ou à la suppression de l’inscription dans les conditions prévues au VIII de l’article R. 546-3.
    • La commission chargée des immatriculations est chargée des immatriculations au registre mentionné au I ci-dessus.
    • À cette fin, la commission vérifie que sont remplies les conditions d’éligibilité à l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement
    • Toute personne qui y a intérêt et en fait la demande peut obtenir la communication, par l’ORIAS, du nom de l’entreprise ou de l’établissement auprès desquels les IOBSP ont souscrit un contrat d’assurance ou qui ont apporté la garantie financière prévue à l’article L. 519-4 ainsi que les références des contrats ou engagements en cause.
    • Les dossiers et fichiers correspondants sont conservés sur tout support durable pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la radiation du fichier.
  • Sanction
    • L’article L. 546-3 du Code monétaire et financier prévoit deux interdictions
      • D’une part, il est interdit à toute personne autre qu’un IOBSP d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire ou laissant entendre qu’elle est immatriculée sur le registre tenu par l’ORIAS au titre de l’une de ces catégories ou de créer une confusion en cette matière.
      • D’autre part, il est interdit à une personne immatriculée sur le registre tenu par l’ORIAS de laisser entendre qu’elle a été immatriculée au titre d’une catégorie autre que celle à laquelle elle appartient ou de créer une confusion sur ce point.
    • L’article L. 546-4 du Code monétaire et financier précise que
      • Le fait, pour toute personne, de méconnaître l’une des interdictions prescrites par l’article L. 546-3 est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.
      • Le tribunal peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article L. 131-35 du code pénal.

B) Conclusion d’un contrat de mandat

L’article L. 519-2 du Code monétaire et financier prévoit que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement agit en vertu d’un mandat délivré par un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement.

Le mandat en vertu duquel l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement agit mentionne la nature et les conditions des opérations qu’il est habilité à accomplir.

Ainsi, non seulement le mandat conclu entre l’établissement bancaire et l’IOBSP doit être écrit, mais encore il doit être précis et détaillé.

C) Capacité d’exercice

Pour exercer l’activité d’IOBSP il faut remplir des conditions qui tiennent, d’une part, aux compétences professionnelles et, d’autre part, à l’honorabilité.

L’article L. 519-3-3 du Code monétaire et financier dispose en ce sens que « les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, personnes physiques, qui exercent en leur nom propre, les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, personnes morales, et les personnes qui sont membres d’un organe de contrôle, disposent du pouvoir de signer pour le compte ou sont directement responsables de l’activité d’intermédiation au sein de ces intermédiaires doivent remplir des conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle. »

==> Compétences professionnelles

L’article R. 519-8 du Code monétaire et financier prévoit que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement et leurs mandataires doivent justifier des compétences professionnelles résultant :

  • Soit d’un diplôme sanctionnant des études supérieures d’un niveau de formation II ;
  • Soit d’une expérience professionnelle :
    • D’une durée de deux ans dans des fonctions liées à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, acquise en tant que cadre au cours des trois années précédant l’immatriculation sur le registre unique mentionné à l’article L. 546-1 ;
    • D’une durée de quatre ans dans des fonctions liées à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, acquise au cours des cinq années précédant l’immatriculation sur le registre unique mentionné à l’article L. 546-1
  • Soit d’une formation professionnelle de 150 heures adaptée à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, suivie :
    • Auprès d’un établissement de crédit, d’un établissement de paiement ou d’une entreprise d’assurance ;
    • Auprès d’un organisme de formation choisi par l’intéressé, son employeur ou, le cas échéant, son mandant, dans les conditions prévues à l’article R. 519-12.

==> Honorabilité

L’article R. 519-6 du Code monétaire et financier ferme l’accès à l’activité d’IOBSP aux personnes qui

  • Soit font l’objet:
    • D’une condamnation définitive depuis moins de 10 ans
      • Pour crime
      • À une peine d’emprisonnement ferme ou d’au moins six mois avec sursis pour :
        • L’une des infractions prévues au titre Ier du livre III du code pénal et pour les délits prévus par des lois spéciales et punis des peines prévues pour l’escroquerie et l’abus de confiance ;
        • Recel ou l’une des infractions assimilées au recel ou voisines de celui-ci prévues à la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III du code pénal ;
        • Blanchiment ;
        • Corruption active ou passive, trafic d’influence, soustraction et détournement de biens ;
        • Faux, falsification de titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l’autorité publique, falsification des marques de l’autorité ;
        • Participation à une association de malfaiteurs ;
        • Trafic de stupéfiants ;
        • Proxénétisme ou l’une des infractions prévues par les sections 2 et 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal ;
        • L’une des infractions prévues à la section 3 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal ;
        • L’une des infractions à la législation sur les sociétés commerciales prévues au titre IV du livre II du code de commerce ;
        • Banqueroute ;
        • Pratique de prêt usuraire ;
        • L’une des infractions prévues par la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, par la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos et par la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard ;
        • L’une des infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger ;
        • Fraude fiscale ;
        • L’une des infractions prévues aux articles L. 121-8 à L. 121-10, L. 222-6, L. 132-2 et L. 132-3, L. 132-13 à L. 132-15, L. 413-1 à L. 413-8, L. 422-2, L. 441-1 et L. 441-2, L. 451-1 à L. 451-16, L. 454-1 à L. 454-7, L. 455-2, L. 512-4 et L. 531-1 du code de la consommation ;
        • L’une des infractions prévues par le CMF ;
        • L’une des infractions prévues aux articles L. 8222-1, L. 8222-2, L. 8222-3, L. 8222-5 et L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail ;
        • Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé prévues par le chapitre III du titre II du livre III du code pénal ;
        • L’une des infractions à la législation ou la réglementation des assurances ;
      • À la destitution des fonctions d’officier public ou ministériel.
    • D’une interdiction de diriger, gérer, administrer ni être membre d’un organe collégial de contrôle d’un organisme mentionné aux articles L. 213-8, L. 511-1, L. 517-1, L. 517-4, L. 522-1, L. 526-1, L. 531-1, L. 542-1 et L. 543-1, ni disposer du pouvoir de signer pour le compte de cet organisme ;
    • D’une interdiction d’exercer l’une des professions ou activités mentionnées aux articles L. 341-1, L. 519-1, L. 523-1, L. 524-1, L. 525-8, L. 541-1, L. 545-1, L. 547-1 et L. 548-1 et L. 550-1.
  • Soit font l’objet :
    • D’une interdiction d’effectuer certaines opérations d’intermédiation et toutes autres limitations dans l’exercice de cette activité ;
    • D’une interdiction de pratiquer l’activité d’intermédiation.

D) Assurance

==> L’obligation d’assurance

Deux situations doivent être distinguées :

  • La couverture par le mandant des conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle de l’IOBSP
    • L’article L. 519-3-4 du Code monétaire et financier prévoit que lorsqu’un IOBSP intervient pour le compte d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, d’un établissement de paiement ou d’un autre intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, notamment en application d’un mandat qui lui a été délivré, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle de l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement sont couvertes par la personne pour le compte de laquelle il agit ou par laquelle il est mandaté.
  • La couverture par un contrat d’assurance des conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle de l’IOBSP
    • Dans l’hypothèse où l’IOBSP n’intervient pas pour le compte d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, d’un établissement de paiement ou d’un autre intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, ce dernier doit souscrire un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile.

Les intermédiaires doivent être en mesure de justifier à tout moment leur situation au regard de cette obligation.

==> Les modalités de l’obligation d’assurance

L’article R. 519-16 du Code monétaire et financier apporte quatre précisions à l’obligation d’assurance de l’IOBSP :

  • Première précision
    • Le contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par un intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement comprend des garanties dont le montant ne peut être inférieur à celles définies ci-dessous :
      • Le niveau minimal de la garantie du contrat d’assurance est fixé à 500 000 euros par sinistre et 800 000 euros par année d’assurance pour un même intermédiaire
      • Il peut fixer une franchise par sinistre qui ne doit pas excéder 20 % du montant des indemnités dues. Cette franchise n’est pas opposable aux victimes.
    • Ces garanties prennent effet au 1er mars pour une durée de douze mois. Le contrat est reconduit tacitement au 1er janvier de chaque année.
  • Deuxième précision
    • Les personnes qui débutent l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement doivent souscrire un contrat d’assurance pour la période courant de la date de leur immatriculation sur le registre unique des IOBSP jusqu’au 1er mars de l’année suivante.
  • Troisième précision
    • L’assureur délivre à la personne garantie une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle.
  • Quatrième précision
    • Toute suspension de garantie, dénonciation de la tacite reconduction ou résiliation du contrat d’assurance, est portée sans délai par l’assureur à la connaissance de l’ORIAS

E) Garantie financière

==> L’obligation de garantie

  • Principe
    • L’article L. 519-4 du Code monétaire et financière dispose que tout intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, qui, même à titre occasionnel, se voit confier des fonds en tant que mandataire des parties, est tenu à tout moment de justifier d’une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux clients.
  • Condition
    • Cette garantie ne peut résulter que d’un engagement de caution pris par un établissement de crédit ou une société de financement habilité à cet effet ou une entreprise d’assurance ou de capitalisation régie par le code des assurances.
  • Sanction
    • Aux termes de l’article L. 571-16 du Code monétaire et financier, le fait, pour tout intermédiaire en opérations de banque, de ne pas satisfaire à l’obligation instituée à l’article L. 519-4 est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

==> Les modalités de l’obligation de garantie

  • Mise en œuvre de la caution
    • L’engagement de caution prévu à l’article L. 519-4 est mis en œuvre du fait de la défaillance de l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, sans que la caution puisse opposer au créancier le bénéfice de discussion ou de division.
    • Cette défaillance de la personne garantie est réputée acquise un mois après la date de réception par celle-ci d’une lettre recommandée exigeant le paiement de sommes dues ou d’une sommation de payer demeurées sans effet. Elle est également acquise par un jugement prononçant la liquidation judiciaire.
  • Paiement de la caution
    • Le paiement est effectué par la caution dans le mois qui suit l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la réception de la première demande écrite, envoyée par lettre recommandée avec avis de réception.
    • Si d’autres demandes sont reçues pendant le délai de trois mois, une répartition a lieu au marc-le-franc dans le cas où le montant total des demandes excéderait le montant de la garantie.
  • Montant du cautionnement
    • Le montant minimal du cautionnement est fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie.
  • Durée du cautionnement
    • L’engagement de caution, dont les garanties prennent effet au 1er mars pour une durée de douze mois, est reconduit tacitement au 1er janvier de chaque année.
    • Le montant du cautionnement est révisé le cas échéant lors de la reconduction du contrat.
  • Couverture du cautionnement
    • Les personnes qui débutent l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement doivent fournir une garantie financière sous la forme d’un engagement de caution couvrant la période courant de la date de leur immatriculation sur le registre unique des IOBSP jusqu’au 1er mars de l’année suivante.

IV) Obligations

A) Obligation générale

L’article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier prévoit que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement doivent se comporter d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts des clients, y compris des clients potentiels.

Cette disposition précise que les règles de bonne conduites applicables aux IOBSP prévoient notamment les obligations à l’égard de leurs clients pour leur bonne information et le respect de leurs intérêts.

Ces obligations sont applicables aux différents stades de la relation entre l’IOBSP et son client.

B) Publicité

Plus mentions légales doivent figurer sur la publicité diffusée par un IOBSP :

  • Mentions du Code monétaire et financier (art. L. 519-4-2)
    • Avant la conclusion d’une opération de banque ou d’un service de paiement, l’IOBSP doit fournir au client des informations relatives notamment à
      • son identité
      • son immatriculation
      • l’existence de liens financiers et économiques avec son mandant
    • L’IOBSP doit aussi indiquer au client s’il est soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec un ou plusieurs établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement ou de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement
    • Il informe, en outre, le client que peut lui être communiqué, à sa demande, le nom de ces établissements ou sociétés.
  • Mentions du Code de la consommation (art. L. 322-2 et L. 322-3 C. conso)
    • Plusieurs mentions sont exigées par le Code de la consommation :
      • En matière de crédit immobilier (art. L. 322-2 C. conso)
        • Toute publicité diffusée par ou pour le compte d’une personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’argent par un particulier comporte, de manière apparente, la mention suivante :
          • « Aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut être exigé d’un particulier, avant l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’argent. »
        • Cette publicité indique le nom et l’adresse du mandant pour le compte duquel l’intermédiaire exerce son activité.
      • En toute hypothèse (art. L. 322-3 C. conso)
        • Toute publicité et tout document destinés aux emprunteurs et diffusés par ou pour le compte d’un IOBSP indiquent, de manière apparente
          • l’étendue des pouvoirs de l’intermédiaire
          • s’il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant.

C) Démarchage

L’article L. 519-5 du Code monétaire et financier autorise les IOBSP à se livrer à une activité de démarchage à la condition de remplir plusieurs conditions :

==> Produits bancaires exclus du démarchage

Sans préjudice des règles particulières applicables au démarchage de certains produits, ne peuvent pas faire l’objet de démarchage :

  • Les produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial, à l’exception :
    • des parts de sociétés civiles de placement immobilier. À l’issue d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, seules pourront faire l’objet de démarchage les parts de sociétés civiles de placement immobilier dont les statuts prévoient la limitation de la responsabilité de chaque associé au montant de sa part au capital
    • des produits entrant dans le cadre d’une opération normale de couverture, sous réserve que ces produits soient proposés exclusivement à des personnes morales
  • Les produits non autorisés à la commercialisation sur le territoire français en application de l’article L. 151-2 ;
  • Les produits relevant de l’article L. 214-42 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011 relative aux OPCVM et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et de l’article L. 214-169
  • Les instruments financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés définis aux articles L. 421-4 et L. 422-1 ou sur les marchés étrangers reconnus définis à l’article L. 423-1, à l’exception des parts ou actions d’OPCVM ou de FIA relevant des paragraphes 1,2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II, des titres financiers offerts au public après établissement d’un document d’information dans les conditions du titre Ier du livre IV du présent code, des titres émis par les sociétés de capital-risque mentionnées à l’article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 précitée et des produits proposés dans le cadre d’un dispositif relevant du livre III de la troisième partie du code du travail
  • Les bons de caisse.

==> Obligation d’information

En temps utile, avant qu’elle ne soit liée par un contrat, la personne démarchée reçoit des informations fixées par décret en Conseil d’Etat, portant notamment sur :

  • Les conditions de l’offre contractuelle, notamment le prix total effectivement dû par la personne démarchée ou, lorsqu’un prix exact ne peut être indiqué, la base de calcul du prix, permettant à la personne démarchée de vérifier ce dernier, les modalités selon lesquelles sera conclu le contrat, en particulier le lieu et la date de signature de celui-ci
  • L’existence ou l’absence du droit de rétractation, prévu selon les cas, aux articles L. 222-7 à L. 222-12 du code de la consommation ou à l’article L. 341-16 du présent code, ainsi que ses modalités d’exercice
  • La loi applicable aux relations précontractuelles ainsi qu’au contrat, et l’existence de toute clause concernant le choix d’une juridiction.

==> Domaine d’intervention

Il est interdit au démarcheur de proposer des produits, instruments financiers et services autres que ceux pour lesquels il a reçu des instructions expresses de la ou des personnes pour le compte desquelles il agit.

==> Droit de rétractation

  • Délai de rétractation
    • La personne démarchée dispose d’un délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités.
    • Le délai pendant lequel peut s’exercer le droit de rétractation commence à courir :
      • Soit à compter du jour où le contrat est conclu ;
    • Soit à compter du jour où la personne démarchée reçoit les conditions contractuelles et les informations, si cette dernière date est postérieure à celle mentionnée au 1°.
  • Exercice du droit de rétractation
    • Lorsque la personne démarchée exerce son droit de rétractation, elle ne peut être tenue qu’au paiement du prix correspondant à l’utilisation du produit ou du service financier effectivement fourni entre la date de conclusion du contrat et celle de l’exercice du droit de rétractation, à l’exclusion de toute pénalité.
    • Le démarcheur ne peut exiger de la personne démarchée le paiement du produit ou du service mentionné au premier alinéa que s’il peut prouver que la personne démarchée a été informée du montant dû, conformément au 5° de l’article L. 341-12.
    • Toutefois, il ne peut exiger ce paiement s’il a commencé à exécuter le contrat avant l’expiration du délai de rétractation sans demande préalable de la personne démarchée.
    • Le démarcheur est tenu de rembourser à la personne démarchée, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours, toutes les sommes qu’il a perçues de celle-ci en application du contrat, à l’exception du montant mentionné au premier alinéa. Ce délai commence à courir le jour où le démarcheur reçoit notification par la personne démarchée de sa volonté de se rétracter.
    • La personne démarchée restitue au démarcheur, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours, toute somme et tout bien qu’elle a reçus de ce dernier. Ce délai commence à courir à compter du jour où la personne démarchée notifie au démarcheur sa volonté de se rétracter.
    • L’exécution des contrats portant sur les services de conservation ou d’administration d’instruments financiers et de gestion de portefeuille pour le compte de tiers est différée pendant la durée du droit de rétractation.
  • Exclusion du droit de rétractation
    • Le délai de rétractation prévu au premier alinéa du I ne s’applique pas :
      • Aux services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers mentionnés à l’article L. 321-1, ainsi qu’à la fourniture d’instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1
      • Lorsque des dispositions spécifiques à certains produits et services prévoient un délai de réflexion ou un délai de rétractation d’une durée différente, auquel cas ce sont ces délais qui s’appliquent en matière de démarchage ;
      • Aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse de la personne démarchée avant que cette dernière n’exerce son droit de rétractation.
  • Délai de réflexion
    • En cas de démarchage qui consisterait à se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, les démarcheurs ne peuvent recueillir ni ordres ni fonds de la part des personnes démarchées en vue de la fourniture de services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers mentionnés à l’article L. 321-1 ou d’instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1, avant l’expiration d’un délai de réflexion de quarante-huit heures.
    • Ce délai de réflexion court à compter du lendemain de la remise d’un récépissé établissant la communication à la personne démarchée, par écrit sur support papier, des informations et documents prévus à l’article L. 341-12.
    • Le silence de la personne démarchée à l’issue de l’expiration du délai de réflexion ne peut être considéré comme signifiant le consentement de celle-ci.

D) Obligation d’information

  1. Contenu de l’obligation d’information

Conformément à l’article R. 519-20 du Code monétaire et financier, lors de l’entrée en relation, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement fournit au client, y compris au client potentiel, les informations suivantes :

==> Pour tous les IOBSP

Ils doivent indiquer :

  • Leur nom ou sa dénomination sociale
  • Leur adresse professionnelle ou celle de leur siège social
  • La catégorie d’intermédiaire à laquelle ils appartiennent
  • Leur numéro d’immatriculation d’intermédiaire
  • Les moyens leur permettant de vérifier cette immatriculation.
  • Les procédures de recours et de réclamation, y compris, pour les réclamations, les coordonnées et l’adresse des personnes auxquelles elles doivent être transmises
  • Les coordonnées et l’adresse de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
  • S’ils proposent le service de conseil mentionné à l’article L. 519-1-1 et, le cas échéant:
    • S’il s’agit d’un conseil indépendant mentionné à l’article L. 519-1-1
    • Si sa recommandation porte sur sa propre gamme de produits ou sur une large gamme de contrats de crédit disponibles sur le marché ;
    • Si le client doit acquitter des frais pour la rémunération du service de conseil indépendant.

==> Pour les mandataires d’intermédiaires

Ils doivent indiquer :

  • le nom ou la dénomination sociale
  • l’adresse professionnelle ou celle de son siège social
  • le numéro d’immatriculation de leur mandant

==> Pour les mandataires exclusifs

Ils doivent indiquer le nom des établissements de crédit, des sociétés de financement, des établissements de paiement ou des établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement avec lesquels il travaille de manière exclusive

==> Pour les courtiers et mandataires non exclusifs

Ils doivent indiquer le nom du ou des établissements avec lesquels ils ont enregistré au cours de l’année précédente une part supérieure au tiers de leur chiffre d’affaires au titre de l’activité d’intermédiation ainsi que toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % de leurs droits de vote ou de leur capital, détenue par un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou par toute entité contrôlant, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, une de ces entreprises ;

==> Pour les courtiers et leurs mandataires

  • Dans leurs rapports avec le client
    • Information d’ordre général
      • En premier lieu, l’intermédiaire précise au client, y compris au client potentiel, les raisons qui motivent ses propositions et lui indique comment il a pris en compte les informations qu’il a recueillies auprès de lui.
      • En second lieu, Avant la conclusion de toute opération de banque ou la fourniture de tout service de paiement ou de tous travaux et conseils préparatoires, l’intermédiaire précise au client, y compris au client potentiel
        • Le nombre et le nom des établissements de crédit, de la société de financement, des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement avec lesquels il travaille
        • S’il perçoit, au titre de cette opération ou de ce service, une rémunération de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement concerné et quels en sont le montant et les modalités de calcul
        • S’il détient une participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement concerné et qu’il peut, à sa demande, lui communiquer le niveau de cette participation.
    • Information sur l’analyse des contrats
      • Principe
        • L’article R. 518-28 du Code monétaire et financier prévoit que ces intermédiaires sont tenus d’analyser un nombre suffisant de contrats offerts pour pouvoir fonder une analyse objective du marché et recommander ou proposer un contrat adapté aux besoins du client, y compris du client potentiel.
        • À ce titre, pèse sur eux une obligation d’information renforcée :
          • Ils fournissent au client, y compris le client potentiel, des informations portant sur la description et la comparaison des différents types de contrats disponibles sur le marché pour les opérations et services proposés, de manière personnalisée et adaptée à leur degré de complexité.
          • Ils doivent informer le client des règles applicables aux opérations de banque et aux services de paiement et l’éclairer sur l’étendue de ses devoirs et obligations.
          • Ils veillent à proposer de manière claire et précise au client, y compris au client potentiel, les services, opérations ou contrats les plus appropriés parmi ceux qu’ils sont en mesure de présenter. Ils doivent s’abstenir de proposer un service, une opération ou un contrat qui ne serait pas adapté aux besoins du client ou du client potentiel.
      • Exception
        • Lorsque le courtier ou son mandataire ne fournit au client qu’une aide pour des travaux préparatoires à la réalisation d’une opération de banque ou d’un service de paiement, il peut, par dérogation limiter son analyse aux contrats pour lesquels il a été sollicité par le client.
        • Dans ce cas, il est soumis aux seules obligations
          • de fournir de manière personnalisée des informations sur les opérations et services pour lesquels il a été sollicité, adaptées à leur degré de complexité
          • d’informer le client des règles applicables aux opérations de banque et aux services de paiement et de l’éclairer sur l’étendue de ses devoirs et obligations.
  • Dans leurs rapports avec les établissements bancaires
    • Deux obligations pèsent sur les courtiers et leurs mandataires envers les établissements bancaires
      • D’une part, ils doivent, au moment de la souscription, répondre sincèrement à toutes demandes de renseignements de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement lorsqu’elles peuvent lui être utiles pour apprécier les antécédents du client et, le cas échéant, le risque encouru.
      • D’autre part, ils doivent s’abstenir de transmettre des fausses déclarations ou des éléments susceptibles de donner une opinion erronée du client à l’établissement de crédit, la société de financement, l’établissement de paiement ou l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.

2. Modalités de l’obligation d’information

 ==> Pour toute activité d’intermédiation

Conformément à l’article R. 519-23 du Code monétaire et financier l’information doit être communiquée au client selon deux modalités cumulatives :

  • D’abord, toute information fournie par l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement en application de la présente section doit être communiquée avec clarté et exactitude.
  • Ensuite, la communication doit être faite sur support durable à la disposition du client, y compris du client potentiel, et auquel celui-ci a facilement accès.

 ==> Pour l’activité de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier

Lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il doit communiquer au client :

  • le nombre de contrats de crédits examinés
  • la dénomination des établissements de crédit ou des sociétés de financement dont les contrats ont été examinés
  • Sa recommandation et la motivation de celle-ci au regard des informations recueillies, sur papier ou tout autre support durable.

 ==> En cas de commercialisation d’un contrat à distance

Les informations précontractuelles fournies au client, y compris au client potentiel, doivent être conformes aux dispositions des articles L. 222-1 à L. 222-18 du code de la consommation, soit des règles particulières relatives :

  • À l’obligation d’information précontractuelle
  • À la formation et à l’exécution du contrat
  • Au délai de rétractation

E) Vérification de la situation du client

==> Pour toute activité d’intermédiation

  • Pour toute opération
    • L’article R. 519-22 du Code monétaire et financier prévoit que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement présente au client, y compris au client potentiel, les caractéristiques essentielles du service, de l’opération ou du contrat proposé.
    • L’intermédiaire adapte le contenu et la forme de ces explications au niveau de connaissance et d’expérience du client, y compris du client potentiel.
  • Pour l’opération de crédit
    • L’article R. 519-21 du Code monétaire et financier exige que, lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement s’enquiert auprès du client, y compris du client potentiel :
      • D’une part, de ses connaissances et de son expérience en matière d’opérations de banque
      • D’autre part, de sa situation financière et de ses besoins, de manière à pouvoir lui offrir des services, contrats ou opérations adaptés à sa situation.
      • Enfin, des informations relatives à ses ressources et à ses charges ainsi qu’aux prêts en cours qu’il a contractés, permettant à l’établissement de crédit ou à la société de financement de vérifier sa solvabilité.
    • Lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, l’intermédiaire doit appeler l’attention du client, y compris du client potentiel, sur les conséquences que la souscription du contrat pourrait avoir sur sa situation financière et, le cas échéant, sur les biens remis en garantie.

==> Pour l’activité de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier

Lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il recueille, sur la situation personnelle et financière de son client et sur ses préférences et ses objectifs, les informations nécessaires pour pouvoir lui recommander des contrats appropriés.

La recommandation est fondée sur des informations actualisées et sur des hypothèses raisonnables quant aux risques encourus par le client pendant la durée du contrat proposé.

F) Domaine d’intervention

==> Étendue du domaine d’intervention

Conformément l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier l’activité des IOBSP se limite à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation.

Quatre sortes d’activités peuvent donc faire l’objet d’une intermédiation :

  • La réception de fonds du public
  • La fourniture de crédit
  • La fourniture de services de paiement
  • La fourniture d’un service de conseil en matière d’opérations de banque et de services de paiement

==> Prohibitions

L’article L. 322-1 du Code de la consommation prévoit qu’il est interdit pour un intermédiaire de se charger ou de se proposer moyennant rémunération :

  • D’examiner la situation d’un débiteur en vue de l’établissement d’un plan de remboursement
  • De rechercher pour le compte d’un débiteur l’obtention de délais de paiement ou d’une remise de dette.
  • D’intervenir, pour le compte du débiteur, sous quelque forme que ce soit, pour les besoins de la procédure de surendettement.

G) Correspondances

Aux termes de l’article R. 519-24 du Code monétaire et financier toute correspondance ou publicité, quel qu’en soit le support, émanant d’un intermédiaire agissant en cette qualité indique :

  • son nom ou sa dénomination sociale
  • son adresse professionnelle ou celle de son siège social
  • son numéro d’immatriculation d’intermédiaire
  • la catégorie d’intermédiaire à laquelle il appartient.

V) Rémunération

A) Paiement de la rémunération

  • Principe
    • L’article L. 519-6 du Code monétaire pose qu’il est interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt d’argent, de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
    • Il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.
  • Exception
    • L’article L. 519-6-1 prévoit que par dérogation à l’article 519-6 et dans le cadre de la fourniture d’un service de conseil indépendant, les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent percevoir une rémunération de leur client.
  • Sanction
    • La violation des règles applicables en matière de rémunération est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

B) Fixation de la rémunération

Aux termes de l’article L. 322-4 du Code monétaire et financier avant la conclusion d’un contrat de crédit, l’intermédiaire de crédit et l’emprunteur conviennent par écrit ou sur un autre support durable des frais éventuels dus par l’emprunteur à l’intermédiaire de crédit pour ses services.

L’article R. 519-26 du Code monétaire et financier opère en outre une distinction selon le statut de l’intermédiaire et la nature de l’activité exercée :

  • Pour toute opération
    • Lorsque l’intermédiaire fournit un service de conseil
      • Avant la conclusion du contrat de fourniture de ce service, il doit indiquer au client, y compris au client potentiel, par écrit ou sur un autre support durable, le montant des frais que celui-ci devra acquitter, le cas échéant, ou, si ce montant ne peut être déterminé avec certitude au moment de la communication des informations, les modalités de son calcul.
    • Lorsque l’intermédiaire est mandataire exclusif ou non exclusif
      • Il lui échoit de communiquer à la demande du client ou du client potentiel toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital, qu’ils détiennent dans un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.
  • Pour les opérations de crédit
    • Lorsque l’opération de banque est relative à un contrat de crédit, l’intermédiaire précise s’il perçoit, au titre de cette opération, une rémunération de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique concerné et quels en sont le montant ou, si ce montant n’est pas connu, les modalités de son calcul.
    • L’intermédiaire doit, en outre, rappeler à son client
      • D’une part, qu’il lui est interdit de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
      • D’autre part, qu’il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.

Précision sur l’exigence de mention manuscrite en matière de cautionnement (Cass. com. 13 déc. 2013)

Par un arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation rappelle que l’adjonction de mots à la mention manuscrite exigée en matière de cautionnement par le Code de la consommation constitue une cause de nullité lorsqu’elle l’altère la compréhension par la caution de la portée de son engagement.

  • Faits
    • Par actes du 7 novembre 2013, une personne physique se porte caution des dettes d’une société contractées auprès de plusieurs autres entités
    • Consécutivement à un défaut de paiement de cette dernière, la caution est assignée en paiement
  • Demande
    • La caution oppose aux créanciers du débiteur principal la non-conformité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales relatives aux mentions manuscrites
  • Procédure
    • Par un arrêt du 3 juillet 2015, la Cour d’appel de Paris prononce la nullité des actes de cautionnement
    • Les juges du fond considèrent que lesdits actes ont été établis en violation des règles de formalisme prescrites à l’ancien article L. 341-2 du code de la consommation.
    • Cette disposition exigeait notamment que la caution appose sur l’acte la mention manuscrite « En me portant caution de X…, […] pour la durée de …,. »
    • Or dans les actes de caution litigieux il était précisé, en sus de cette mention, « ou toute autre date reportée d’accord»
    • La Cour d’appel considère que cet ajout revenait à prévoir une durée de cautionnement alternative, de sorte que la caution se trouvait dans l’incapacité de son engagement.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les créanciers.
    • Elle rappelle, au soutien de sa décision que « la mention « pour la durée de… » qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise»
    • Or elle relève en l’espèce que « les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci»
    • La chambre commerciale en conclut que la Cour d’appel était parfaitement fondée à annuler les actes de cautionnement en totalité.
  • Analyse
    • Pour rappel, les mentions manuscrites prescrites en matière de cautionnement sont exigées à peine de nullité.
    • Cette sanction était prévue par l’article L. 341-2 du Code de la consommation lui-même qui prévoyait que « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante […]».
    • Dans un arrêt du 5 février 2013, la Cour de cassation a précisé que « la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative» ( com. 5 févr. 2013)
    • Lors de la conclusion de l’acte, la caution doit reproduire, à la main, la formule sacramentelle suivante :
      • « en me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même.»
    • La mention manuscrite exigée par le nouvel article L. 331-1 du Code de la consommation est demeurée inchangée.
    • En l’espèce, au soutien de sa demande de nullité de l’acte, la caution invoquait non pas l’omission d’une mention, mais l’adjonction de la précision « « ou toute autre date reportée d’accord» à la mention « pour la durée de… »
    • Aussi, la question qui se posait était de savoir si cette adjonction justifiait la nullité de l’acte.
    • Une lecture de l’article L. 331-1 du Code de la consommation suggère qu’il faille apporter une réponse négative à cette interrogation.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci […] »
    • La formule « et uniquement de celle-ci» retient immédiatement l’attention.
    • Doit-on considérer que l’absence reproduction fidèle de la mention manuscrite exigée par le texte est, en elle-même, une cause de nullité ou peut-on admettre certains écarts de texte ?
    • Dans un arrêt du 16 mai 2012 la Cour de cassation avait estimé que la moindre altération de la mention manuscrite justifiait que le juge prononce la nullité de l’acte ( 1ère civ. 16 mai 2012)
    • Au soutien de sa décision elle affirme « qu’est nul l’engagement de caution, souscrit sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par les textes susvisés».
    • En l’espèce, la Cour d’appel avait pourtant relevé que si la rédaction de la mention n’était pas strictement conforme aux prescriptions légales, la caution n’en avait pas moins, au travers des mentions portées, une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement
    • Les juges du fond ajoutent que la caution, tenue de recopier la formule prévue par la loi, ne saurait invoquer, pour tenter d’échapper à ses engagements, ses propres errements dans le copiage de cette formule.
    • Bien que convaincante, cette argumentation n’a pas convaincu la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.
    • La solution ainsi adoptée est pour le moins stricte, en ce sens qu’elle ne permet aucune erreur dans la reproduction de la mention manuscrite exigée par le Code de la consommation.
    • Dans un arrêt du 5 avril 2011, la chambre commerciale a néanmoins tempéré cette exigence en considérant que si « la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation» il en va différemment  lorsque « ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle » ( com. 5 avr. 2011).
    • Autre cas de figure, quid dans l’hypothèse où la mention ne comporte aucune omission, ni aucune altération mais fait l’objet d’une adjonction ?
    • C’est toute la question qui se posait dans l’arrêt en l’espèce.
    • Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation avait déjà estimé par exemple que dans la mesure où « l’évocation du caractère « personnel et solidaire » du cautionnement, d’une part, la substitution du terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier », d’autre part, n’affectaient ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341 2 et suivant du code de la consommation», l’acte de cautionnement n’encourait pas la nullité ( 1ère Civ. 10 avr. 2013).
    • La chambre commerciale a adopté une solution identique dans un arrêt du 27 janvier 2015.
    • Elle avait considéré, dans cette décision, que bien « qu’à la formule de l’article L. 341-2 du code de la consommation, la banque avait fait ajouter, après la mention « au prêteur », les mots suivants : « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apports d’actifs », […] cet ajout, portant exclusivement sur la personne du prêteur, ne dénaturait pas l’acte de caution et n’en rendait pas plus difficile la compréhension»
    • Aussi, décide-t-elle que l’acte de caution était pleinement valide dans la mesure où l’ajout n’avait « pas altéré la compréhension par les cautions du sens et de la portée de leurs engagements» ( com. 27 janv. 2015).
    • Au total, il ressort de la jurisprudence que, en cas d’adjonction de mots à la formule manuscrite, la validité de l’acte de caution tient moins à la fidélité de la reproduction de la formule sacramentelle, qu’à connaissance par la caution de la portée de son engagement.
    • Dans un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour n’avoir pas recherché si une adjonction litigieuse « modifiait la formule légale ou en rendait la compréhension plus difficile pour la caution » ( com. 4 nov. 2014).
    • Ainsi, l’adjonction de mots est-elle permise, dès lors qu’elle ne nuit pas à la compréhension par la caution de la portée de son engagement.
    • En l’espèce, l’ajout « ou toute autre date reportée d’accord » rendait la durée de l’engagement alternative, de sorte que la caution n’était pas en mesure de déterminer la limite dans le temps de son engagement.
    • C’est la raison pour laquelle la chambre commerciale valide l’annulation de l’acte de cautionnement.

Cass. com. 13 déc. 2017
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2015), que par des actes du 7 novembre 2013, M. Y... s’est rendu caution des dettes de la société du Levant envers les coassociées de celle-ci dans le capital de la société Sea Tankers, les sociétés de droit belge Sea Invest NV et Ghent Coal Terminal, et la société Sea Invest France (les sociétés du groupe Sea Invest) ; que ces dernières ayant assigné la caution en exécution de ses engagements, M. Y... a invoqué la nullité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales relatives aux mentions manuscrites ;

Attendu que les sociétés du groupe Sea Invest font grief à l’arrêt de déclarer nuls les actes de cautionnement signés par M. Y... et de rejeter, en conséquence, leur demande de paiement formée contre celui-ci alors, selon le moyen :

1°/ que si les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation imposent, à peine de nullité de l’engagement, que la caution personne physique, qui s’engage par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n’y satisfait pas lui-même », ce texte n’impose aucune obligation quant à la manière dont la durée de l’engagement doit être déterminée et ne prohibe nullement le choix d’une durée alternative fixée au regard d’un événement futur précisément défini ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en affirmant cependant, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits et, partant, débouter les sociétés créancières de leur demande en paiement, qu’« il est prévu dans les trois actes de caution une alternative entre le 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord entre le créancier et le débiteur principal ce qui ne permet pas à la caution de connaître au moment de son engagement la limite de celui-ci », la cour d’appel a ajouté aux dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation, en violation de ce texte ;

2°/ que constitue une durée d’engagement déterminée celle fixée par un terme alternatif de l’engagement ; que la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en énonçant cependant, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits, que la mention visée dans les trois actes de caution ne prévoyait pas une durée d’engagement déterminée, la cour d’appel a dénaturé les termes des engagements de cautionnement souscrits par M. Y... le 7 novembre 2013, en violation de l’article 1134 du code civil ;

3°/ qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits et, partant, débouter les sociétés créancières de leur demande en paiement, qu’il ne pouvait être tenu compte du fait qu’en définitive, l’option relative au report n’avait pas été mise en oeuvre et qu’elle avait été prévue en faveur de la société du Levant dont M. Y... était principal associé et dirigeant, sans rechercher si ces circonstances ne faisaient pas précisément obstacle à ce que M. Y... invoque le caractère prétendument indéterminable de la durée de ses engagements de caution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 341-2 du code de la consommation ;

4°/ que la nullité de l’engagement en son intégralité n’est encourue que lorsque l’omission porte atteinte à la compréhension par la caution des éléments essentiels de son engagement ; que, hors cette hypothèse, l’ajout d’une mention non prévue par la loi a pour seule conséquence la nullité de la mention ; que la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en prononçant la nullité de l’engagement de caution en son intégralité quand seule la nullité de la mention « ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant » et, selon les actes, la société créancière concernée était encourue, la cour d’appel a encore violé l’article L. 341-2 du code de la consommation ;

Mais attendu que l’arrêt énonce exactement que la mention « pour la durée de... » qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise ; qu’ayant retenu que les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci, la cour d’appel, sans ajouter à la loi ni avoir à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision d’annuler les cautionnements en totalité ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui critique un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

TEXTES

Code de la consommation

Article L. 331-1

Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

” En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. “

Article L. 331-2

Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

” En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.

Article L. 331-3

Les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel sont réputées non écrites si l’engagement de la caution n’est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires.

Le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie (Cass. com. 15 nov. 2017)

Dans un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation a apporté des précisions sur le devoir de mise en garde du banquier à l’égard de la caution non avertie.

==> Faits

Par acte du 15 décembre 2010 un établissement bancaire consent à une société un prêt en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros

Le prêt est garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire la gérante de la société

Consécutivement à un défaut de paiement de l’emprunteur, la caution est actionnée en paiement par la banque

==> Demande

Après avoir été assignée en paiement, la caution engage reconventionnellement la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde

==> Procédure

Par un arrêt du 14 décembre 2015, la Cour d’appel de PAU condamne la banque au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde.

Les juges du fond estiment, en effet, que dans la mesure où la caution était en l’espèce non-avertie, il appartenait à la banque de mettre en garde la caution sur les chances – nulles – de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire.

==> Solution

Par un arrêt du 15 novembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’établissement bancaire.

Elle justifie sa décision en affirmant que « la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.

La chambre commerciale relève que, en l’espèce :

  • d’une part, la gérante de la société n’était pas une caution avertie
  • d’autre part, l’opération était vouée à l’échec dès son lancement

Elle en conclut que la banque était tenue à l’égard de la caution d’un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement.

La haute juridiction précise qu’il importait peu que cet engagement fût adapté à ses propres capacités financières.

==> Analyse

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de l’arrêt rendu en l’espèce par la Cour de cassation :

  • Premier enseignement
    • La chambre commerciale confirme l’existence d’un devoir de mise en garde mis à la charge du banquier.
    • Elle confirme ainsi une nouvelle fois la position qu’elle avait adoptée par deux arrêts rendus le 29 juin 2007 en chambre mixte ( ch. Mixte, 29 juin 2007).
      • Dans la première espèce
        • L’emprunteur était un agriculteur qui avait souscrit une quinzaine de prêts.
        • Des échéances étant demeurées impayées, la banque avait assigné en paiement l’emprunteur et sa mère, au titre de caution, lesquels s’étaient prévalus d’un manquement de l’établissement de crédit à son obligation de conseil et d’information.
        • Les juges du fond avaient rejeté les demandes de l’emprunteur et de sa caution, aux motifs que la banque n’avait pas d’obligation de conseil à l’égard de l’emprunteur professionnel ou de sa caution et n’avait pas à s’immiscer dans les affaires de son client ou à procéder à des investigations sur sa solvabilité.
      • Dans la seconde espèce
        • Une institutrice avait été assignée en paiement des échéances impayées d’un prêt qu’elle avait souscrit avec son époux pour l’ouverture du restaurant de ce dernier.
        • Elle se prévalait, en défense, d’un manquement de la banque à son obligation d’information des risques qu’elle avait encourus alors qu’elle n’avait jamais eu d’activité artisanale et commerciale et qu’elle ne pouvait être considérée comme un emprunteur averti.
        • La cour d’appel avait rejeté cette demande et avait jugé que, compte tenu de l’expérience professionnelle de l’époux, les coemprunteurs étaient en mesure d’appréhender les risques de l’opération et que la banque n’avait aucune obligation de conseil ou d’information envers eux.
      • Après avoir affirmé dans ces deux espèces que pesait sur le banquier une obligation de mise en garde à la faveur de l’emprunteur, elle précise que ce devoir son débiteur à vérifier la capacité financière de l’emprunteur et l’alerter, le cas échéant, lorsqu’il existe un risque de non-remboursement.
      • Il peut être observé que l’emprunteur n’est pas le seul créancier de l’obligation de mise en garde.
      • Le banquier est également tenu à la même obligation envers la caution.
      • Lors de la conclusion d’un cautionnement il devra ainsi l’alerter au regard de ses capacités financières et du risque d’endettement né de l’octroi du prêt
      • L’obligation de mise en garde
  • Deuxième enseignement
    • Il ressort de l’arrêt en l’espèce que le banquier n’est tenu à l’obligation de mise en garde qu’à la condition que la caution avec laquelle il a contracté soit « non avertie».
    • Cette condition avait déjà été posée dans les arrêts du 29 juin 2007
    • Il en résulte que, pour déterminer, si le devoir de mise en garde pèse sur un établissement bancaire, les juges du fond devront se livrer à un exercice de qualification.
    • Autrement dit, ils devront se prononcer sur la qualification d’averti ou non de la caution ou de l’emprunteur.
    • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a ainsi cassé la décision d’une Cour d’appel qui n’avait pas procédé à cette recherche ( com., 3 févr. 2009).
    • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par caution avertie.
    • Il s’agit, a priori, de la personne qui ne dispose pas des compétences pour évaluer les risques liés à l’acte de cautionnement au regard de sa capacité financière.
    • S’il ne fait aucun doute que la personne qui n’exerce aucune activité dans le domaine des affaires peut être qualifiée de caution non avertie, quid du dirigeant d’entreprise qui s’est porté caution en garantie d’une dette de la société dont il est associé ?
    • L’arrêt rendu en l’espèce répond à cette interrogation
  • Troisième enseignement
    • Tout porte à croire que le dirigeant qui s’est porté caution pour l’entreprise dont il assure la gestion endosse la qualité de caution avertie, dans la mesure où pour exercer cette fonction cela suppose de disposer d’un certain nombre de compétences et d’avoir des connaissances en matière comptable et financière.
    • Tel n’a cependant pas été l’analyse de la Cour de cassation ; à tout le moins elle a refusé de faire peser sur le dirigeant d’entreprise une présomption de caution avertie.
    • Dans un arrêt du 22 mars 20016, elle a affirmé en ce sens que l’on ne saurait « déduire de sa seule qualité de dirigeant et associé de la société débitrice principale» que celui-ci endosse la qualité de caution avertie ( com. 22 mars 2016).
    • L’arrêt rendu en l’espèce par la chambre commerciale réaffirme cette position en admettant que la gérante de la société puisse ne pas être qualifiée de caution avertie.
  • Quatrième enseignement
    • La Cour de cassation ajoute que la mise en œuvre du devoir de mise en garde n’est pas subordonnée à l’existence d’une inadéquation entre les capacités financières de la caution et son engagement
    • Elle rejette ainsi l’argument soulevé dans la première branche du moyen aux termes duquel « s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde».

Cass. Com. 15 nov. 2017
Donne acte à la société Banque populaire Occitane du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Lalloz et M. Y..., en sa qualité de liquidateur de cette société ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 14 décembre 2015), qu’en vue de financer le prix d’acquisition d’un fonds de commerce d’un montant de 60 000 euros, la société Banque populaire Occitane (la banque) a, par un acte du 15 décembre 2010, consenti à la société Lalloz, dont la gérante était Mme Z..., un prêt du même montant, garanti par un nantissement et, dans une certaine limite, par le cautionnement solidaire de Mme Z... ; qu’assignée en paiement, celle-ci a recherché la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde ; Attendu que la banque fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à Mme Z... la somme de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde alors, selon le moyen :

1°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que s’il n’existe pas de disproportion manifeste entre les capacités financières de la caution et un risque d’endettement né de l’octroi du crédit, le banquier est dispensé de son devoir de mise en garde ; qu’au cas présent, la cour d’appel qui constate que l’engagement de caution de Mme Z... n’était pas manifestement disproportionné et donc que le prêt cautionné était adapté aux capacités financières de Mme Z..., ne pouvait décider que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel qui n’a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l’article susvisé ;

2°/ qu’il résulte de l’article 1147 du code civil que le devoir de mise en garde mis à la charge du banquier dispensateur du crédit oblige ce dernier avant d’apporter son concours à vérifier si les capacités financières de la caution sont adaptées au crédit envisagé et à l’alerter sur les risques encourus par un endettement excessif ; qu’ainsi, la cour d’appel ne pouvait justifier un manquement de la banque à un devoir de mise en garde envers la caution au motif erroné que cette dernière se serait abstenue d’opérer des vérifications élémentaires sur les chances de succès de l’opération projetée et sur les capacités pour la société d’injecter des capitaux dans l’affaire, sans violer l’article susvisé;

Mais attendu que la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l’égard d’une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n’est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque de l’endettement né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur ; qu’après avoir constaté que Mme Z... n’était pas une caution avertie et retenu que l’opération était vouée à l’échec dès son lancement, la cour d’appel en a, à bon droit, déduit que la banque était tenue à l’égard de Mme Z... à un devoir de mise en garde lors de la souscription de son engagement, peu important que celui-ci fût adapté à ses propres capacités financières ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en sa troisième branche, qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt du cours des intérêts

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt du cours des intérêts.

I) Le principe d’arrêt du cours des intérêts

A) Le champ d’application du principe

==> Les créanciers visés

Le principe d’arrêt du cours des intérêts a vocation à s’appliquer à tous les créanciers de la procédure à l’exception :

  • Des créanciers privilégiés qui, par définition, sont payés à l’échéance
  • Des créanciers postérieurs non privilégiés ( com. 20 juin 2000)

Pour les créances qui continuent à produire des intérêts après le jugement d’ouverture, l’article L. 622-28, al. 1er in fine précise que « nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts ». Autrement dit, l’anatocisme est formellement prohibé.

==> Les créances visées

Toutes les créances antérieures au jugement d’ouverture sont visées peu importe :

  • Qu’elles soient assorties de sûretés
  • Qu’elles résultent d’un contrat en cours ou résilié (Cass. com. 16 avr. 1991)
  • Qu’elle soit de nature salariale, sociale ou fiscale (Cass. soc. 10 déc. 1996)

==> Les intérêts visés

– Sont visés par le principe :

  • Les intérêts légaux ( com. 7 févr. 1989)
  • Les intérêts conventionnels ( com. 16 avr. 2008)
  • Les intérêts de retard ( com. 8 juin 1999)
  • Les majorations

Sont exclues du champ d’application du principe :

  • Les clauses pénales
  • Les clauses d’indexation

B) Le contenu du principe

Le principe d’arrêt du cours des intérêts revêt en caractère définitif, en ce sens qu’il n’y aura pas de reprise du cours des intérêts à l’issue de la procédure.

Dans un arrêt du 10 décembre 1996, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le jugement d’ouverture du redressement judiciaire arrête définitivement le cours des intérêts des créances nées antérieurement à ce jugement et que l’arrêt devait se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce » (Cass. soc. 10 déc. 1996).

Cass. com. 10 déc. 1996
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 juin 1994) que M. X..., employé par la société anonyme des Magasins économiques de la Capelette (Mageco), a été licencié pour motif économique le 8 juin 1988 et a saisi le conseil de prud'hommes le 20 juillet 1988 pour obtenir le paiement de primes, d'heures supplémentaires, d'indemnité de préavis, de licenciement ainsi que des dommages-intérêts ; que le conseil de prud'hommes a fait droit partiellement à ses demandes et qu'en appel, un arrêt a été rendu le 15 septembre 1992 accordant certaines indemnités et ordonnant une expertise sur d'autres chefs de la demande ; qu'une procédure de redressement judiciaire a, le 21 octobre 1992, été ouverte à l'égard de la société Mageco, désignant M. Y... en qualité de représentant des créanciers et qu'un plan de continuation a été arrêté par jugement du 4 octobre 1993, désignant M. Y... en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;
Sur les premier, deuxième et sixième moyens réunis : (sans intérêt) ;

Et sur les cinquième, septième, huitième et onzième moyens réunis :

Vu les articles 55 et 127 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, selon le premier de ces textes, le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête le cours des intérêts ; que, selon le second de ces textes, les relevés des créances résultant d'un contrat de travail visés par le juge-commissaire ainsi que les décisions rendues par les juridictions prud'homales sont portées sur l'état des créances déposé au greffe ;

Attendu que, d'une part, la cour d'appel, après avoir suspendu les intérêts à compter de la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire, les a fait courir à nouveau à compter du jugement adoptant le plan de continuation ; que, d'autre part, après avoir fixé le montant des sommes dues à M. X... au titre de son contrat de travail, elle a condamné la société Mageco à payer celles-ci à l'intéressé ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement d'ouverture du redressement judiciaire arrête définitivement le cours des intérêts des créances nées antérieurement à ce jugement et que l'arrêt devait se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a, d'une part, mis hors de cause l'ASSEDIC des Bouches-du-Rhône AGS, d'autre part, condamné la société Mageco à payer à M. X... diverses sommes avec intérêts de droit à compter du 4 octobre 1993, l'arrêt rendu le 7 juin 1994, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.

Cette solution est différente de celle adoptée sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967. Dans l’hypothèse où la situation du débiteur s’améliorait, le cours des intérêts reprenait.

Le législateur n’a pas souhaité reconduire cette règle en 1985 afin de favoriser le redressement de l’entreprise.

Afin d’accroître les chances de succès, il a été jugé opportun d’alléger autant que possible le passif de l’entreprise

C) Le sort des garants et coobligés

Dans le droit fil de la problématique relative au caractère définitif de l’arrêt du cours des intérêts, la question s’est rapidement posée de savoir si les garants et coobligés étaient susceptibles de bénéficier de la faveur faite par le législateur au débiteur.

  • Première étape
    • Dans un premier temps, la jurisprudence a estimé que les garants et coobligés pouvaient bénéficier de l’arrêt du cours des intérêts
    • Dans un arrêt du 13 novembre 1990 la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la caution n’était pas tenue des intérêts au-delà du 6 janvier 1987, date du jugement prononçant le redressement judiciaire du débiteur, dès lors que l’article 55 de la loi du 25 janvier 1985 n’opère aucune distinction pour l’arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels et que l’obligation de la caution ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur principal» ( com. 13 nov. 1990).
  • Deuxième étape
    • Vivement critiquée par la doctrine qui estimait que cette solution ne tenait pas compte de la portée de l’engagement de la caution, laquelle avait précisément vocation à garantir le créancier, la loi du 10 juin 1994 est venue briser la jurisprudence en prévoyant que les cautions et coobligés ne peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts
    • La contrepartie était que les cautions personnelles personnes physiques bénéficiaient du principe de l’arrêt des poursuites.
  • Troisième étape
    • La loi du 26 juillet 2005 est revenue sur la règle édictée par le législateur en 1994
    • Elle a en ce sens admis que les personnes physiques cautions, coobligées ou ayant donné une garantie autonome puissent se prévaloir du principe d’arrêt des poursuites
  • Quatrième étape
    • L’inclusion des garanties autonomes dans le champ d’application de la règle a été très critiquée par la doctrine en raison de l’indépendance qui existe entre la garantie souscrite par le garant et la dette principale contrairement au cautionnement.
    • Pourquoi, dès lors, vouloir soumettre au même régime les deux garanties dont les modes de réalisations sont différents ?
    • Le législateur a entendu ces critiques ce qui s’est traduit par une reformulation de la règle énoncée à l’article L. 622-28 du Code de commerce.
    • L’ordonnance du 18 décembre 2008 est venue préciser que le principe d’arrêt du cours des intérêts bénéficie aux « personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie».
    • La référence aux garanties autonomes à disparue à la faveur de la fiducie-sûreté.
    • Il peut, par ailleurs, être observé que les personnes morales sont exclues du bénéfice du principe d’arrêt du cours des intérêts.

II) L’exception au principe d’arrêt du cours des intérêts

L’article L. 622-28 du Code de commerce prévoit que échappent au principe d’arrêt du cours des intérêts : les intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus

  • Un contrat de prêt
    • Seuls les contrats de prêts sont a priori visés par l’exception
    • La jurisprudence l’a toutefois étendu aux ouvertures de crédits
    • Elle néanmoins refusé d’appliquer l’exception à un contrat de crédit-bail ( com. 29 mai 2001).
  • Une durée égale ou supérieure à un an
    • Dans l’hypothèse où la durée est prévue au contrat, l’application de l’exception ne soulèvera pas de difficultés
    • Quid lorsqu’aucune durée n’a été prévue par les parties ?
    • Dans un arrêt du 23 avril 2013, la Cour de cassation a estimé que lorsque « la convention de compte courant ne précise ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds est accordée, ni les modalités de son remboursement […] les modalités de remboursement accordées lors de la cession des titres ne conféraient pas au compte courant la qualité de prêt à plus d’un an» ( com. 23 avr. 20013)
    • Dans le silence du contrat, l’exception au principe d’arrêt du cours des intérêts ne peut donc pas être invoquée par le créancier.

Une association à but non-lucratif peut endosser la qualité de créancier professionnel (Cass. com. 27 sept. 2017)

Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a admis qu’une association à but non-lucratif puisse endosser la qualité de professionnel. Elle vient ainsi apporter une précision intéressante sur le champ d’application du droit de la consommation et plus spécifiquement des règles relatives au formalisme du contrat de cautionnement.

==> Faits

Le 2 juin 2013, une société spécialisée dans le secteur du tourisme (agence de voyages) a adhéré à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme qui lui fournissait la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages.

Par des actes séparés du 14 avril 2003, les cogérants de la société adhérente se sont, chacun, rendu caution personnelle et solidaire de cet engagement envers l’association pour un montant correspondant au plafond de garantie et pour la durée d’un an tacitement renouvelable pour une ou plusieurs périodes successives de même durée

Après avoir démissionné de l’APST, la société a été, le 21 septembre 2004, mise en liquidation judiciaire

==> Demande

Assignation d’un de l’un des cogérants de la société par l’association en exécution de son engagement de caution

La caution oppose à l’association la nullité de son engagement issu de la tacite reconduction du 14 avril 2004, en raison de l’absence des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation (devenus respectivement L. 331-1 et L. 331-2 C. conso).

Autrement dit, cette dernière soutient que les formalités de forme exigées par le Code de la consommation n’ont pas été respectées de sorte que son engagement de caution est nul.

==> Procédure

Par un arrêt du 9 décembre 2014, la Cour d’appel de Toulouse a fait droit à la demande de l’association.

Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association avait agi sans but lucratif et se définissait à travers ses statuts comme un garant professionnel, elle ne pouvait, de ce fait, être considérée comme un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.

Aussi, l’engagement pris par les cautions était-il pleinement efficace, puisque le formalisme prescrit par le Code de la consommation en matière de cautionnement dans le cadre de relations entre un consommateur et un créancier professionnel n’était pas applicable en l’espèce.

En déniant à l’association la qualité de créancier professionnelle, la Cour d’appel valide donc l’engagement de caution pris par les cogérants de l’agence de voyages.

==> Solution

Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa des anciens articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.

La Cour de cassation affirme que « « le créancier professionnel au sens de ces textes s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles »

Or elle relève que la créance garantie par le cautionnement du gérant de l’agence de voyages « était en rapport direct avec l’activité professionnelle qu’exerce, même sans but lucratif » l’association, l’activité de cette dernière consistant « à fournir sa garantie financière aux clients et fournisseurs de l’agence de voyages qu’elle compte parmi ses membres, lorsque l’agence, financièrement défaillante, est dans l’incapacité d’exécuter les prestations promises »

La chambre commerciale en déduit que l’association endossait bien la qualité de créancier professionnelle.

L’engagement pris par la caution n’était en conséquence pas valable, puisque souscrit en violation des règles de forme prescrites par le Code de la consommation.

==> Analyse

La position adoptée dans cet arrêt est conforme à la définition du professionnel telle que classiquement envisagée par la jurisprudence

Pour mémoire, le professionnel est celui qui ne relève, ni de la catégorie des consommateurs, ni de celle des non-professionnels.

La question qui alors se posait en l’espèce était de savoir si l’association était susceptible de rentrer dans l’une de ces deux catégories.

Pour le déterminer, la Cour de cassation s’appuie sur le critère du rapport direct.

  • La catégorie des consommateurs
    • Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, le Code de la consommation ne comportait aucune définition de la notion de consommateur, exceptée, depuis la loi du 1er juillet 2010, en matière de crédit à la consommation.
    • Le dispositif légal relatif aux clauses abusives est demeuré quant à lui dépourvu de définition.
    • Le législateur a fait le choix de ne pas reprendre celle prévue à l’article 2, b de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle»[1].
    • Il faut donc attendre la loi Hamon du 17 mars 2014 pour que le législateur se décide à adopter une définition du consommateur.
    • L’article 3 de cette loi a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole».
    • Au vrai cette disposition n’est autre qu’une transposition de l’article 2 de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.
    • Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette définition est que le législateur a opté pour une conception stricte du consommateur.
    • Cette qualité est désormais subordonnée à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la finalité de l’acte et, d’autre part, à la personne du contractant.
      • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
        • Le consommateur est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
        • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
        • Le texte ne règle pas, toutefois, la question de l’acte mixte, soit du contrat conclu à des fins toutes à la fois professionnelles et personnelles.
        • Dans pareille hypothèse, le 17e considérant de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 prévoit néanmoins qu’« en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur.»
      • Sur le critère relatif à la personne du contractant
        • L’article liminaire du Code de la consommation prévoit que seule une personne physique peut être qualifiée de consommateur.
        • Les personnes morales sont donc exclues du bénéfice de cette qualification.
        • Est-ce à dire que le droit de la consommation leur est inapplicable ?
        • Il ressort de la définition du non-professionnel que les personnes morales sont, à l’instar des personnes physiques, potentiellement éligibles à une application des dispositions consuméristes.
      • En raison de sa qualité de personne morale, l’association en l’espèce ne pouvait manifestement pas être qualifiée de consommateur.
      • Pouvait-elle endosser la qualité de non-professionnel ?
  • La catégorie des non-professionnels
    • Il ressort de la loi du 10 janvier 1978 que le consommateur n’est pas la seule personne à bénéficier du dispositif relatif aux clauses abusives.
    • Ce texte vise également le « non-professionnel».
    • Que doit-on entendre par là ?
    • Jusqu’à la loi Hamon du 14 mars 2016, le droit de la consommation est demeuré silencieux sur cette notion, de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de s’en saisir.
    • L’examen des décisions rendues en la matière révèle toutefois que la Cour de cassation a moins cherché à définir la notion de « non-professionnel» que de l’employer comme d’une catégorie balai lui permettant d’attraire dans le giron de la loi du 10 janvier 1978, des personnes qui ne pouvaient pas être qualifiées de consommateur, mais qui n’en étaient pas moins placées dans la même situation.
    • La qualification de non-professionnel a, de la sorte, servi de support textuel à la haute juridiction lorsqu’il lui a fallu justifier l’application du dispositif relatif aux clauses abusives aux personnes morales ou physiques ayant agi en dehors de leur domaine de spécialité.
    • L’adoption de cette approche n’a pas été sans soulever de difficultés. De deux choses l’une :
      • Soit l’on tient pour synonymes les termes « consommateur » et « non-professionnel » pour synonymes auquel cas on exclut d’emblée l’idée que le professionnel puisse bénéficier de la protection instaurée par le législateur, peu importe qu’il agisse en dehors de sa sphère de compétence lorsqu’il agit.
      • Soit l’on considère qu’il n’existe aucune synonymie entre les deux termes, auquel cas rien n’empêche que les personnes qui contractent dans le cadre de l’exercice de leur profession, mais en dehors de leur domaine de spécialité puissent bénéficier de la même protection que les consommateurs.
    • Les termes de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’une ou l’autre interprétation prime sur l’autre. La preuve en est, la position de la Cour de cassation qui a été très fluctuante sur cette question.
    • C’est dans ce contexte que la loi Hamon du 14 mars 2016 a été adoptée. Le législateur est intervenu dans le dessein, entre autres, de clarifier la situation.
    • Pour ce faire, il a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation dans lequel il définit le concept de « non-professionnel» aux côtés des notions de consommateur et de professionnel.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que, « on entend par non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole»
    • Comme pour le consommateur, l’octroi de la qualité de « non-professionnel » est subordonné à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la personne du contractant et, d’autre part, à la finalité de l’acte.
      • Sur le critère relatif à la personne du contractant
        • Il ressort de la définition du non-professionnel que celui-ci ne peut être qu’une personne morale
        • Cela conduit dès lors à se poser la même question que pour la qualité de consommateur : les personnes physiques sont donc exclues du bénéfice de la qualification de « non-professionnel » ?
        • Si, les termes de l’alinéa 2 de l’article liminaire sont sans ambiguïté sur ce point, on ne saurait pour autant en déduire que le droit de la consommation leur est inapplicable.
        • Parce qu’elles disposent de la possibilité de se prévaloir de la qualité de consommateur, elles sont, de toute évidence, les premiers destinataires du dispositif de protection instauré par le législateur.
        • En toute hypothèse, en tant que personne morale, une association est parfaitement fondée à se prévaloir de la qualité de non-professionnel et donc à bénéficier de la protection du droit de la consommation.
      • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
        • Le non-professionnel est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
        • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelles circonstances une personne morale peut-elle être amenée à agir en dehors de l’exercice de son activité professionnelle.
        • Pour rappel, la capacité juridique des personnes morales est limitée à leur objet social.
        • Or leur objet social détermine le périmètre de leur activité professionnelle.
        • Au regard du principe de spécialité, comment envisager, dès lors, qu’une personne morale puisse agir en dehors du domaine de l’activité qui lui a été statutairement assignée ?
        • Cette situation est difficilement envisageable
        • On comprend alors mal la situation visée par le législateur.
        • Pour certains auteurs, les personnes morales qui répondraient à la qualification de « non-professionnels» ne seraient autres que celles qui exercent une activité non-lucrative, telles les associations, les syndicats ou encore les syndicats de copropriétaires.
        • L’arrêt rendu en l’espèce démontre en le contraire, puisque l’association qui agissait contre l’agence de voyages n’avait aucun but lucratif.
        • La Cour de cassation estime pourtant que cela ne faisait pas obstacle à ce qu’elle endosse la qualité de professionnel.
  • Le recours au critère du rapport direct
    • Pour conférer à l’association la qualité de professionnel, la Cour de cassation s’appuie sur le critère du rapport direct.
    • Ce critère n’est manifestement pas nouveau puisque déjà dans un arrêt du 24 janvier 1995 pour que la Cour de cassation subordonne l’application du dispositif relatif aux clauses abusives à l’absence de rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de celui qui se prévaut de la protection.
    • Elle a estimé en ce sens que « les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant» ( 1ère civ. 24 janv. 1995).
    • Dans un arrêt du 17 juillet 1996, elle précise que l’appréciation du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996).
    • Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
    • Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
    • Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
    • Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
    • La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
    • C’est là, le principal critère utilisé par les juges.
    • L’arrêt rendu en l’espèce ne déjuge pas ce constat ; il le confirme.

Cass. com. 27 sept. 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu que le créancier professionnel au sens de ces textes s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 2 juin 2013, la société Tours Leader international (la société), représentée par ses cogérants, MM. Y... et X..., a adhéré à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST) qui lui fournissait la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ; que par des actes séparés du 14 avril 2003, MM. Y... et X... se sont, chacun, rendus caution personnelle et solidaire de cet engagement envers l’APST pour un montant correspondant au plafond de garantie et pour la durée d’un an tacitement renouvelable pour une ou plusieurs périodes successives de même durée ; qu’après avoir démissionné de l’APST, la société a été, le 21 septembre 2004, mise en liquidation judiciaire ; qu’après avoir déclaré sa créance, qui a été admise, au titre de la mise en oeuvre de sa garantie financière, l’APST a assigné en exécution de son engagement de caution M. X..., lequel a opposé la nullité de son engagement issu de la tacite reconduction du 14 avril 2004, en raison de l’absence des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à l’APST la somme de 99 092 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, l’arrêt, après avoir constaté que l’APST est une association, constituée conformément à la loi du 1er juillet 1901, qui regroupe en son sein des agences de voyage et toute entreprise et organisme intervenant dans le secteur d’activité du tourisme et que ses statuts, agréés par le ministère du tourisme et par le ministère de l’économie et des finances, lui permettent d’agir en qualité d’organisme de garantie collective visé au titre 1 du livre II du code du tourisme, retient que l’APST, qui agit sans but lucratif et se définit à travers ses statuts comme un garant professionnel, ne peut, de ce fait, être considérée comme un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la créance garantie par le cautionnement de M. X... était en rapport direct avec l’activité professionnelle qu’exerce, même sans but lucratif, l’APST et qui consiste à fournir sa garantie financière aux clients et fournisseurs de l’agence de voyages qu’elle compte parmi ses membres, lorsque l’agence, financièrement défaillante, est dans l’incapacité d’exécuter les prestations promises, de sorte que l’APST est un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X... à payer à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme la somme de 99 092 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009 et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

TEXTES

Code de la consommation

Article liminaire

Pour l’application du présent code, on entend par :

  • consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
  • non-professionnel : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ;
  • professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.

Article L331-1

Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. »

Article L331-2

Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X ».

[1] Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31993L0013.

 

 

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’interdiction des paiements

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le premier d’entre eux: le principe d’interdiction des paiements.

Aux termes de l’article L. 622-7, I du Code de commerce « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »

Ainsi, cette disposition érige-t-elle en principe l’interdiction pour le débiteur de payer ses créanciers, en particulier ceux dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Pour rappel, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ». Il a pour effet de libérer le débiteur à l’égard du créancier et d’éteindre la dette.

Le paiement constitue le principal mode d’extinction des obligations.

Parmi les autres causes de satisfaction du créancier on compte également la compensation dont on s’est longtemps demandé si elle devait être envisagée de la même manière que le paiement s’agissant des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture.

Le législateur a clos le débat lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005. Le mécanisme de la compensation a été rangé dans la catégorie des exceptions dont est assorti le principe d’interdiction des paiements.

I) Le domaine du principe d’interdiction des paiements

Il ressort de l’article L. 622-7 du Code de commerce que le champ d’application du principe d’interdiction des paiements est relativement étendu.

L’application de ce principe est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives qui tiennent :

  • D’une part, à la date de naissance de la créance
  • D’autre part, à l’auteur du paiement

A) La condition tenant à la date de naissance de la créance

Deux catégories de créances doivent être distinguées

  • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture
  1. Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture

Toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture tombent, par principe, sous le coup de l’interdiction des paiements.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présente un intérêt essentiel.

Dès lors que la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture, elle échappe au principe d’interdiction des paiements.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par créance antérieure ?

Si l’on est légitimement en droit de penser qu’une créance peut être qualifiée d’antérieure dès lors que son fait générateur se produit avant le prononcé du jugement d’ouverture, plusieurs difficultés sont nées :

  • tantôt quant à l’opportunité de retenir comme critère de la créance antérieure son fait générateur
  • tantôt quant à la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

a) Sur l’opportunité de retenir le fait générateur comme critère de la créance antérieure

Si, en première intention, l’on voit mal pourquoi le fait générateur d’une créance ne pourrait-il pas être retenu pour déterminer si elle est ou non antérieure au jugement d’ouverture, une difficulté est née de l’interprétation de l’ancien article L. 621-43 du Code de commerce.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. »

Seules les créances « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » étaient donc soumises au régime de la déclaration.

La formule choisie par le législateur n’était pas dénuée d’ambiguïté : fallait-il prendre pour date de référence, afin de déterminer l’antériorité d’une créance, sa date de naissance ou sa date d’exigibilité ?

Cette question s’est en particulier posée pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture mais dont l’exigibilité intervenait postérieurement.

Le contentieux relatif aux créances à déclarer selon leur date de naissance a été très important.

L’enjeu était, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 27 juillet 2005, de savoir si le créancier pouvait ou non se faire payer à échéance.

L’arrêt rendu en date du 20 février 1990 par la Cour de cassation est une illustration topique de cette problématique.

Cass. com. 20 févr. 1990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Service agricole industriel du Clairacais (la société) a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 juillet 1986 et que le personnel a été licencié le 8 août 1986, avec dispense d'accomplir le préavis légal ; que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Lot-et-Garonne (l'URSSAF) n'a été inscrite sur la liste des créances bénéficiant des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 que pour les cotisations afférentes aux salaires de la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la contestation par elle formée en vue d'obtenir son admission sur la liste précitée pour les cotisations relatives aux salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, ainsi qu'aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements, a été rejetée par le tribunal, dont la cour d'appel a infirmé la décision ;.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'URSSAF en ce qui concerne les cotisations sur les indemnités de congés payés et de préavis, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement prioritaire des créances nées après le jugement d'ouverture ne peut être obtenu pour des créances nées après le jugement de liquidation ; qu'en déclarant prioritaires des créances sociales afférentes aux indemnités de rupture, la cour d'appel, qui a relevé que les licenciements, fait générateur de la créance, étaient postérieurs au jugement d'ouverture, mais n'a pas constaté qu'ils étaient antérieurs au jugement de liquidation, a violé par fausse application la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l'URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire ; que le moyen est donc sans fondement ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu les articles 40 et 47, premier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt retient que ces salaires ont été versés après l'ouverture du redressement judiciaire, en sorte que la créance de l'URSSAF, qui n'a pris naissance que lors du versement ainsi effectué, bénéficie de la priorité de paiement prévue à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l'URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • son personnel est licencié
    • L’URASSAF est éligible au rang de créancier privilégié seulement pour les créances postérieures au jugement d’ouverture
  • Demande
    • L’URSAFF demande à ce que l’ensemble de ces créances soient admises au rang de créances privilégiées
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 1988, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’URSAFF
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où les salaires sur lesquels portent les cotisations impayées ont été versés postérieurement à l’ouverture de la procédure, ils n’endossent pas la qualification de créance antérieure.
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir accédé à la demande de l’URSAFF en qualifiant la créance invoquée de postérieure « alors qu’elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l’URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement»
    • Les créances dont se prévalait l’URSAFF devaient donc être soumises au régime juridique, non pas des créances postérieures, mais à celui des créances antérieures.
    • S’agissant des autres créances invoquées par l’organisme social, lesquels portaient sur des salaires perçus postérieurement au jugement d’ouverture, la chambre commerciale estime à l’inverse que « l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l’ouverture du redressement judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l’URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire»
  • Analyse
    • Cette solution adoptée par la Cour de cassation intervient à la suite d’un long débat portant sur le régime juridique des créances de sécurité sociale
    • Très tôt s’est posée la question de la qualification des cotisations sociales qui se rattachaient à des salaires payés après le jugement d’ouverture mais se rapportant à une période de travail antérieure à ce jugement.
    • Deux conceptions s’opposaient sur cette question
      • Première conception
        • On considère que le régime juridique des créances de sécurité sociale est autonome et ne doit pas être influencé par les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
        • Selon cette conception, les créances doivent donc être réglées à la date normale d’exigibilité dès lors qu’elles sont postérieures au jugement d’ouverture quand bien même les cotisations seraient calculées sur un salaire rémunérant une période d’emploi antérieure au jugement.
      • Seconde conception
        • On peut estimer, à l’inverse, que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le travail fourni par le salarié et non le paiement des salaires, quand bien même leur versement constitue une condition de leur exigibilité.
        • Selon cette conception, les cotisations sociales doivent donc être regardées comme des créances antérieures.
    • De toute évidence, la Cour de cassation a opté dans l’arrêt en l’espèce pour la seconde conception.
    • Pour la chambre commerciale, le fait générateur du salaire c’est le travail effectué.
    • Or les cotisations sociales sont afférentes au salaire dû au salarié
    • Par conséquent, leur fait générateur c’est bien le travail du salarié et non la date d’exigibilité du salaire.
    • La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir confondu la naissance de la créance et son exigibilité.
    • C’est donc au jour du travail effectué qu’il faut remonter pour déterminer si l’on est en présence d’une créance antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture.

Le critère de rattachement d’une créance à la catégorie des créances antérieure est donc celui de la date de sa naissance.

L’adoption de la date de naissance de la créance comme critère de rattachement à la catégorie des créances antérieure exclut dès lors tout rôle que pourrait jouer la date d’exigibilité de la créance dans ce rattachement.

La date d’exigibilité n’est que celle à laquelle le créancier peut prétendre au paiement.

Elle est, par conséquent, naturellement distincte de la date de naissance qui, en principe, interviendra antérieurement.

Tandis que la date de naissance de la créance se rapporte à sa création, sa date d’exigibilité se rapporte quant à elle à son exécution.

Le débat est définitivement clos depuis l’adoption de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 qui a remplacé la formule « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » par l’expression « est née » qui apparaît plus précise.

C’est donc le fait générateur de la créance dont il doit être tenu compte et non la date d’exigibilité afin de savoir si une créance est soumise au régime de la déclaration ou si, au contraire, elle peut faire l’objet d’un paiement à l’échéance.

b) Sur la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

La détermination du fait générateur d’une créance n’est pas toujours simple.

Pour ce faire, il convient de distinguer les créances contractuelles des créances extracontractuelles.

?) Les créances extracontractuelles

L’antériorité d’une créance extracontractuelle au jugement d’ouverture n’est pas toujours aisée à déterminer.

La détermination de la date de naissance de cette catégorie de créances soulève parfois, en effet, des difficultés.

Bien que la jurisprudence soit guidée, le plus souvent, par une même logique, on ne saurait se livrer à une systématisation des critères adoptés.

Aussi, est-ce au cas par cas qu’il convient de raisonner en ce domaine, étant précisé que les principales difficultés se sont concentrées sur certaines créances en particulier :

==> Les créances de condamnation

Deux sortes de créances doivent être ici distinguées : la créance principale de condamnation et les créances accessoires à la condamnation

  • La créance principale de condamnation
    • Il s’agit de la créance qui a pour effet générateur l’événement à l’origine du litige.
    • La créance de réparation naît, par exemple, au jour de la survenance du dommage.
    • Si donc le dommage survient antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, quand bien même la décision de condamnation serait rendue postérieurement, la créance de réparation endossera la qualification de créance antérieure (V. en ce sens com., 9 mai 1995; Cass. com., 4 oct. 2005, n° 03-19.367)
  • Les créances accessoires à la condamnation
    • Son notamment ici visées les créances de dépens et d’article 700
    • La particularité de ces créances est qu’elles sont attachées, moins au fait générateur du litige, qu’à la décision de condamnation
    • Aussi, toute la difficulté est de déterminer la date de naissance de cette catégorie singulière de créances
    • La jurisprudence a connu une évolution sur ce point :
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que, en raison du caractère accessoire des créances de dépens ou d’article 700, leur qualification dépendait de la date de naissance de la créance principale de condamnation.
      • Telle a été la solution retenue par la chambre commerciale dans un arrêt du 24 novembre 1998
      • Faits
        • Un groupement agricole a subi un préjudice suite à la pollution d’une rivière par une société qui, par suite, fera l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
        • Cette société est déclarée responsable du préjudice causé au groupement agricole
        • Elle est notamment condamnée aux dépens et à l’article 700 (frais irrépétibles)
      • Demande
        • Le groupement agricole demande à l’administrateur que les dépens de première instance et d’appel ainsi que la somme due au titre de l’article 700 soient admis au rang des créances postérieures
      • Procédure
        • Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour d’appel de Rennes déboute l’administrateur de sa demande
        • Pour les juges du fond, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les dépens et l’article 700 ont été octroyés avant ou après l’ouverture de la procédure, dans la mesure où leur fait générateur se situe antérieurement au jugement d’ouverture, soit au moment où l’action a été introduite par le groupement
      • Moyens
        • L’auteur du pourvoi soutient que la créance de dépens et d’article 700 est née postérieurement à l’ouverture de la procédure soit au moment du prononcé du jugement dans lequel ils sont octroyés au groupement agricole.
        • Or le jugement a bien été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure
      • Solution
        • Par un arrêt du 24 novembre 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
        • Elle estime que « la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont nées de l’action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d’en fixer le montant»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale, la qualification de la créance de dépens et d’article 700 est adossée à celle de la créance principale.
        • Si cette dernière naît avant le jugement d’ouverture, les créances de dépens et de frais irrépétibles sont soumises au régime des créances antérieures.
        • Dans le cas contraire, elles endossent la qualification de créances postérieures.

Cass. Com. 24 nov. 1998
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 22 juin 1994) et les productions, que le groupement agricole d'exploitation en commun de la Morinais (le GAEC), qui a subi des dommages à la suite de la pollution d'une rivière, a engagé diverses procédures en vue de rechercher la responsabilité de la société Entreprise redonnaise de réparations électriques (société ERRE) et d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ERRE devenue la Société européenne de transformateurs (la SET), le Tribunal, qui a constaté l'intervention volontaire de l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et du représentant de ses créanciers, a déclaré cette société et son dirigeant, M. X..., pris à titre personnel, responsables du préjudice subi par le GAEC, a fixé la créance de ce dernier à l'égard de la SET, a fixé à 10 000 francs la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés in solidum par la SET et M. X... ; que la cour d'appel, statuant sur le recours formé contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a dit que les dépens d'appel seront supportés in solidum par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et M. X... ; que le GAEC a demandé que les dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lui soient payés par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le GAEC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créances de dépens et celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient du régime instauré par ledit article, spécialement lorsque le ou les instances en cause ont été reprises par l'administrateur de la procédure collective ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que le GAEC, appelant, le faisait valoir dans ses écritures circonstanciées ; qu'en refusant de dire et juger que les frais de dépens litigieux bénéficieraient du privilège de l'article 40 précité, au motif qu'il n'y a pas lieu de distinguer les frais engagés postérieurement au jugement d'ouverture pouvant bénéficier du rang des dettes de l'article 40 et des autres, en sorte que l'ensemble des frais engagés pour parvenir à rendre la décision définitive est à inclure dans la déclaration de créance à inscrire au passif, excepté les frais engagés par les mandataires judiciaires depuis leur nomination, la cour d'appel a statué sur le fondement de motifs erronés et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel devait, à tout le moins, faire le départ entre les frais et dépens visés antérieurement et ceux visés postérieurement au jugement déclaratif, les organes de la procédure collective ayant repris à leur compte la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, pour se prononcer pertinemment sur ceux susceptibles de bénéficier du régime de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en refusant de procéder de la sorte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article précité ;

Mais attendu que la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont nées de l'action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d'en fixer le montant ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les frais avaient été engagés avant ou après le jugement d'ouverture, n'a pas violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

    • Seconde étape
      • Dans un arrêt remarqué du 12 juin 2002, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « la créance des dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l’article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective»
      • Ainsi, pour la chambre commerciale, la qualification des créances de dépens et d’article 700 ne doit plus être déterminée en considération de la date de naissance de la créance de condamnation principale
      • Les créances accessoires à la condamnation doivent, en toute hypothèse, échapper à la qualification de créances antérieures, dès lors que la décision de condamnation est rendue postérieurement au jugement d’ouverture.
      • Dans un arrêt du 7 octobre 2009, la Cour de cassation a confirmé cette solution en précisant que « la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622 17 du code de commerce (ancien article L. 621 32), lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective» ( com. 7 oct. 2009)

Cass. com. 12 juin 2002
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 14 décembre 1999), que la société Schwind (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 4 juin 1996, l'URSSAF du Bas-Rhin a déclaré une créance qui a été contestée ;

Et sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt, qui l'a condamnée à payer à l'URSAFF une somme de 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, d'avoir dit que cette indemnité et les dépens de l'URSSAF seraient employés en frais privilégiés de procédure collective, alors, selon le moyen, que les créances de dépens obtenues à l'issue d'une action tendant à faire admettre une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont des créances antérieures car elles se rattachent à la créance contestée par l'action, de sorte qu'elles peuvent seulement être admises au passif du débiteur et à la condition qu'elles aient fait l'objet d'une déclaration régulière ; qu'en condamnant la procédure collective à payer les dépens, la cour d'appel a violé les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance des dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

==> Les créances sociales

La qualification des créances sociales a fait l’objet d’un abondant contentieux, notamment en ce qui concerne la détermination du fait générateur de l’indemnité de licenciement.

Dans un arrêt du 16 juin 2010, la chambre sociale a considéré que le fait générateur de l’indemnité de licenciement résidait, non pas dans la conclusion du contrat de travail, mais dans la décision de licenciement.

Cass. soc. 16 juin 2010
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2008), que M. X..., employé par la société Cider santé (la société) a été licencié le 14 mai 2007 pour motif économique par le liquidateur, la société ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire par jugements successifs du tribunal de commerce des 17 janvier et 2 mai 2007 ; que les sommes représentant les droits du salarié au jour de la rupture de son contrat de travail n'ayant été garanties par l'assurance générale des salaires qu'en partie, le salarié a saisi le juge de l'exécution, qui a autorisé par ordonnances du 16 juillet 2007 deux saisies conservatoires entre les mains des sociétés Repsco promotion et Codepharma ; que Mme Y..., liquidateur de la société, a assigné le 12 septembre 2007 M. X..., la société Repsco promotion et la société Codepharma, devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de ces deux ordonnances ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par M. X... entre les mains des sociétés Codepharma et Repso promotion alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 641-13-I du code de commerce ne vise ni les créances nées pour les besoins de la procédure, ni les créances nées pour les besoins de la liquidation judiciaire parmi les créances assorties d'un privilège de procédure ; qu'en qualifiant l'indemnité due au salarié licencié postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur de «créance née régulièrement pour les besoins de la procédure» pour affirmer que cette créance devait bénéficier d'un traitement préférentiel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que seules les créances nées pendant la poursuite provisoire de l'activité en liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période bénéficient d'un privilège de procédure ; que tel n'est pas le cas de l'indemnité due au salarié, licencié pour motif économique en raison du prononcé, sans poursuite d'activité, de la liquidation judiciaire de son employé ; qu'en élisant néanmoins une telle créance à un rang privilégié aux motifs erronés qu' «il n'y avait pas lieu de distinguer entre créance indemnitaire liée à la rupture du contrat de travail et créance de salaire lorsque ces créances sont nées après l'ouverture de la procédure collective», la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 641-13-I du code de commerce ;

Mais attendu que relèvent notamment du privilège institué par l'article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le licenciement de M. X... avait été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, en a exactement déduit que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu'en conséquence, elles relevaient de l'article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l'activité ait cessé immédiatement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Faits
    • Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de la société qui l’employait.
    • Cette société faisait l’objet, au moment du licenciement, d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Afin d’obtenir le paiement de ses indemnités, non garanties par l’AGS, le salarié demande au JEX l’autorisation de pratiquer deux saisies conservatoires sur les comptes de son ex-employeur
  • Demande
    • Le liquidateur de la société demande la rétractation des deux ordonnances autorisant la réalisation des saisies demandées par le salarié
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 juin 2008, la Cour d’appel de Versailles déboute le liquidateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où le licenciement a été prononcé dans le cadre de la procédure collective, soit postérieurement au jugement d’ouverture, la créance d’indemnité de licenciement pouvait être admise au rang des créances privilégiées.
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur
    • La chambre sociale considère que « relèvent notamment du privilège institué par l’article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure»
    • Or elle constate que le licenciement du salarié a été prononcé dans le cadre de la procédure collective en cours.
    • Il en résulte pour elle que « les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu’en conséquence, elles relevaient de l’article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l’activité ait cessé immédiatement ».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, elles échappaient à la qualification de créance antérieure, à la faveur du régime des créances privilégiées.

==> Les créances fiscales

Le fait générateur d’une créance fiscale est différent selon le type d’impôt auquel est assujetti le débiteur.

En toute hypothèse, la date qui est le plus souvent retenue pour déterminer si une créance fiscale endosse ou non la qualification de créance antérieure est le jour de son exigibilité.

  • S’agissant de l’impôt sur le revenu
    • La Cour de cassation a estimé que la date qui doit être prise en compte, ce n’est pas le jour de perception du revenu, mais l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus.

Cass. com. 14 janv. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2001), que par jugement du 21 juillet 1994, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; que le trésorier principal de Bagneux a décerné le 15 février 1996 à l'employeur de Mme X... un avis à tiers détenteur relatif à l'impôt sur les revenus de l'année 1994 des époux X..., dont ceux-ci ont demandé la mainlevée au juge de l'exécution ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X..., pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation et de mainlevée de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que la créance du trésorier principal de Bagneux au titre de l'impôt sur le revenu dû par les époux X... pour l'année 1994 était postérieure à l'ouverture de la procédure collective ouverte le 21 juin 1994 à l'encontre de M. X..., dès lors que les impositions n'avaient été mises en recouvrement que le 31 juillet 1995, sans rechercher si le Trésor public n'était pas tenu de déclarer à titre provisionnel sa créance au passif de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code du commerce ;

2 / que dans leurs conclusions signifiées le 2 février 2000, M. et Mme X... faisaient valoir que le dessaisissement de M. X... consécutif à la liquidation judiciaire de ses biens interdisait toute poursuite exercée sur les biens communs des époux, soit en l'occurrence sur les gains et salaires de Mme X... ; qu'en estimant que la procédure collective ouverte à l'égard de M. X... laissait subsister l'obligation distincte pesant sur son épouse, codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu, sans répondre aux conclusions des époux X... faisant valoir que les biens communs des époux ne pouvaient en toute hypothèse faire l'objet de poursuite, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le fait générateur de l'impôt sur les revenus résultant de l'expiration de l'année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus, l'arrêt, répondant aux conclusions prétendument délaissées, retient exactement que la créance du Trésor public au titre de l'impôt sur les revenus perçus par les époux X... au cours de l'année 1994 était postérieure à l'ouverture, le 21 juin 1994, de la procédure collective de M. X... et que le comptable du Trésor chargé du recouvrement pouvait poursuivre individuellement le débiteur sur ses biens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi formé par M. X... ;

REJETTE le pourvoi formé par Mme X... ;

  • S’agissant de l’impôt sur les sociétés
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens, en considérant que « le fait générateur de l’impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l’exercice comptable et non pas de la perception des impôts »

Cass. com., 16 déc. 2008
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2007), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.708 ) que la société à responsabilité limitée Network music group (la société) a fait l'objet, le 20 août 1997, d'un jugement de redressement judiciaire, puis, le 5 mai 1998, d'un plan de continuation ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, les 31 août et 30 novembre 1998, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1997 et de la contribution de 10 % y afférente, le trésorier principal de Boulogne-Billancourt (le trésorier) a, en application des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce, demandé à l'administrateur le règlement de cette créance fiscale due par la société ; que contestant le caractère privilégié de la créance du Trésor, la société a assigné le trésorier et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités devant le tribunal de commerce, pour en obtenir le remboursement, motif pris de ce qu'elle était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % y afférente, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des articles 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire y afférente, dus au titre d'un exercice donné, lequel correspond à une période de 12 mois mais ne coïncide pas nécessairement avec l'année civile, sont réglés spontanément par le contribuable sous forme d'acomptes trimestriels et sans émission d'un avis d'imposition, au plus tard le 20 février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre de cet exercice et ce, à compter de la date de clôture de l'exercice précédent; que le solde de cet impôt et de son complément doit lui-même être acquitté spontanément par le redevable en même temps qu'il souscrit sa déclaration de résultats de l'exercice considéré c'est-à-dire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, avant le 1er avril de l'année suivante ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés résulte de l'expiration de l'année au cours de laquelle les bénéfices sont perçus, bien qu'il soit exigible trimestriellement dans les conditions susvisées et que la date de son fait générateur ne puisse être postérieure à sa date d'exigibilité, les juges d'appel ont purement et simplement violé les textes susvisés ;

2°/ que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu ne sont pas dus et versés dans des conditions identiques ; que l'impôt sur les sociétés est payé spontanément, par voie d'acomptes, tandis que le paiement de l'impôt sur le revenu est précédé de l'émission d'un avis d'imposition ; que la circonstance que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés soient déterminés dans les mêmes conditions que les bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 209 du code général des impôts est sans incidence sur le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt sur les sociétés qui demeurent différents de ceux de l'impôt sur le revenu ; qu'en assimilant les conditions dans lesquelles l'impôt sur les sociétés est dû avec celles de l'impôt sur le revenu sous prétexte que les modalités de calcul des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés et des bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu étaient identiques, les juges d'appel ont encore violé les dispositions des articles 12, 209, 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

3°/ que les acomptes d'impôt sur les sociétés dus au Trésor public antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et non acquittés, constituent des créances nées antérieurement à cette décision, qui ne peuvent donc être réglées postérieurement et doivent donner lieu à une déclaration du Trésor public en application de l'article L. 621-43 du code de commerce ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés est l'expiration de l'année et non la perception des bénéfices et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à part les sommes nées de l'activité de la société antérieure à l'ouverture de la procédure collective, bien que l'impôt sur les sociétés soit exigible au cours de l'exercice de réalisation des bénéfices et doive être réglé spontanément par voie d'acomptes, les juges d'appel ont violé les articles L. 621-24, L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce alors en vigueur ainsi que les articles 1668, 1668 B du code général des impôts et 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

Mais attendu qu'en matière de procédure collective, la date du fait générateur de l'impôt permet de déterminer si la créance doit être déclarée au titre de l'article L. 621-43 du code de commerce ou si son recouvrement peut être poursuivi au titre de l'article L. 621-32 du même code ; que, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l'exercice comptable et non pas de la perception des impôts, et, après avoir constaté que le principe de la créance des impôts en cause était né au 31 décembre 1997, soit après l'ouverture de la procédure collective, en a déduit que celle-ci relevait de l'article L. 621-32 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • S’agissant de la TVA
    • L’article 269, 1, a) du Code général des impôts prévoit que le fait générateur de la TVA assise sur des prestations de service est, sauf cas particuliers, l’exécution de la prestation en cause et celui de la TVA assise sur une vente est, toujours sous réserve de situations spécifiques, la date de livraison.

==> Créance de dépollution

Dans un arrêt du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a estimé que la créance de dépollution naît « de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture »

Autrement dit, cette créance dont est titulaire le Trésor a pour fait générateur la décision du préfet ordonnant qu’une somme d’argent soit consignée en vue du financement de la remise en état du site pollué.

Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa décision en retenant comme fait générateur de la créance la date de fermeture du site (Cass. com. 19 nov. 2003).

La portée de cette jurisprudence est toutefois incertaine pour les auteurs.

Cass. com. 17 sept. 2002
Sur le premier moyen :

Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société d'utilisation du phénol (la société SUP), exploitante d'une installation classée, a été mise en redressement judiciaire le 6 janvier 1994, puis en liquidation judiciaire ;

que le liquidateur, M. X..., n'ayant pas déféré à une mise en demeure de remettre le site en l'état, le préfet lui a ordonné le 8 septembre 1995, par application du troisième texte susvisé, de consigner une somme répondant des travaux à réaliser ; que le liquidateur a soutenu que, n'ayant pas été déclarée à la procédure collective, cette créance du Trésor était éteinte ;

Attendu que pour déclarer éteinte la créance du Trésor et accueillir la demande de restitution de la somme consignée présentée par le liquidateur de la société SUP, la cour d'appel a retenu que l'activité de celle-ci était nécessairement arrêtée le jour de la liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance du Trésor était née de l'arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

?) Les créances contractuelles

La question de la date de naissance des créances contractuelles n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés en matière de procédures collectives.

En principe, les créances contractuelles ont pour fait générateur la date de conclusion du contrat, soit, selon le principe du consensualisme, au jour de la rencontre des volontés.

Cette conception volontariste du contrat devrait, en toute logique, conduire à ne qualifier de créances antérieures que les obligations résultant d’un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture.

En raison néanmoins du caractère dérogatoire du droit des entreprises en difficulté et des objectifs spécifiques qu’il poursuit, il est des cas où cette conception du fait générateur de la créance contractuelle est remise en cause, à tout le moins est envisagée sous un autre angle.

Au fond, comme le soulignent certains auteurs, tant l’article L. 622-17, qui régit les créances antérieures, que l’article L. 622-13 relatif aux créances postérieures, se prononcent moins sur le fait générateur, que sur le régime qui leur est applicable.

Aussi, le droit des entreprises en difficulté ne remettrait nullement en cause l’approche civiliste du fait générateur des créances contractuelles.

La date du contrat permettrait donc toujours de déterminer le caractère antérieur ou postérieur de la créance et, ce faisant, le régime normalement applicable à la créance à condition toutefois, et là résiderait la particularité du droit des entreprises en difficulté, qu’aucune disposition spécifique ne vienne soumettre cette créance à un régime distinct de celui qui devrait lui être naturellement applicable.

Comme en matière de créance extracontractuelle, c’est également au cas par cas qu’il convient ici de raisonner.

==> Créance résultant d’un contrat de vente

  • Principe
    • Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation a estimé que la créance résultant d’un contrat de vente avait pour fait générateur, non pas la date de conclusion du contrat, mais le jour de son exécution.

Cass. com. 15 févr. 2000
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 6 septembre 1994, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SIAQ a admis la créance de la société Etudes et réalisations graphiques (société ERG), à titre chirographaire, pour une certaine somme, tandis que la société ERG soutenait que sa créance était née de la poursuite de l'activité et relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour dire que la créance de la société ERG, correspondant à une commande passée avant le redressement judiciaire de la société SIAQ et livrée à celle-ci postérieurement au jugement d'ouverture, ne relevait pas de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt énonce que " le fait que cette prestation ait profité à la société SIAQ après l'ouverture de la procédure importe peu, dès lors que l'accord des parties sur la réalisation de la commande, qui fige les obligations respectives des parties et fait naître l'obligation au paiement, est intervenu avant la procédure collective " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

  • Faits
    • Contrat de vente conclu entre deux sociétés
    • Entre la conclusion du contrat et la livraison de la marchandise, la société acheteuse est placée en redressement judiciaire
    • La société vendeuse n’est donc pas payée
    • Tandis que le juge-commissaire considère qu’il s’agit là d’une créance antérieure, le vendeur estime que sa créance est née de la poursuite de l’activité
  • Demande
    • Le vendeur se prévaut du bénéfice de l’article 40 de la loi du 25 janvier 85, soit du régime des créanciers privilégiés
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 mai 1996, la Cour d’appel d’Agen déboute le vendeur de sa demande
    • Les juges du fond estiment que le contrat de vente a été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, de sorte que la créance revendiquée ne saurait être admise au rang des créances privilégiées
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que le fait générateur de l’obligation de paiement ce n’est pas la conclusion du contrat de vente, mais la délivrance de la chose achetée
    • Or en l’espèce, la délivrance a eu lieu postérieurement au jugement d’ouverture.
    • La créance du vendeur, peut donc bien être admise au rang des créances privilégiées
  • Analyse
    • De toute évidence, la solution retenue ici par la Cour de cassation est totalement dérogatoire au droit commun
    • Techniquement la créance nait bien, comme l’avait affirmé la Cour d’appel, au jour de la conclusion du contrat !
    • C’est la rencontre des volontés qui est créatrice d’obligations et non la délivrance de la chose
    • Tel n’est pas ce qui est pourtant décidé par la Cour de cassation
    • Pour la chambre commerciale c’est l’exécution de la prestation qui fait naître la créance
    • Le droit de revendication du vendeur de meuble dessaisi est manifestement sacrifié sur l’autel du droit des procédures collectives.
    • Cette solution est appliquée de manière générale à tous les contrats à exécution successive
  • Exceptions
    • Contrat de vente immobilière
      • Dans cette hypothèse, la qualification de la créance dépend, non pas de la remise des clés de l’immeuble, mais de son transfert de propriété.
      • Dans un arrêt du 1er février 2000, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer» ( com. 1er févr. 2000).
    • Garantie des vices cachés
      • Dans l’hypothèse où le débiteur endosse la qualité, non plus de vendeur, mais d’acheteur, la créance de garantie des vices cachés a pour fait générateur la date de conclusion du contrat.
      • Cette solution a été consacrée dans un arrêt du 18 janvier 2005.
      • La Cour de cassation a considéré dans cette décision que « la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice» ( com. 18 janv. 2005)

==> Créance résultant d’un contrat à exécution successive

En matière de contrat à exécution successive, la Cour de cassation considère que le fait générateur de la créance réside, non pas dans la date de conclusion du contrat, mais au jour de la fourniture de la prestation caractéristique.

  • Pour le contrat de travail
    • Le fait générateur de la créance de salaire réside dans l’exécution de la prestation de travail.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1988 la Cour de cassation considère, par exemple, que « après avoir retenu exactement que les dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations ne pouvaient prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le jugement constate que les cotisations réclamées se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l’ouverture de la procédure collective ; qu’en l’état de ces énonciations, c’est à bon droit que le tribunal a décidé qu’une telle créance était née antérieurement au jugement d’ouverture et que, par suite, peu important l’époque à laquelle les salaires correspondants avaient été payés, l’acte tendant à obtenir paiement de cette créance devait être annulé» ( com. 8 nov. 1988).
  • Pour le contrat de bail
    • Le fait générateur de la créance de loyer réside quant à elle dans la jouissance de la chose
    • Dans un arrêt du 28 mai 2002, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la redevance prévue par un contrat à exécution successive poursuivi par l’administrateur est une créance de la procédure pour la prestation afférente à la période postérieure au jugement d’ouverture et constitue une créance née antérieurement au jugement d’ouverture pour la prestation afférente à la période antérieure à ce jugement et soumise à déclaration au passif» ( com. 28 mai 2002)

==> Créance résultant d’un contrat de prêt

Bien que la jurisprudence tende désormais à considérer que le contrat de prêt constitue, non plus un contrat réel, mais un contrat consensuel, en matière de procédure collective, la cour de cassation estime toujours que la qualification endossée par la créance de remboursement est déterminée par la date de déblocage des fonds.

En matière d’ouverture de crédit, la chambre commerciale a estimé que, en ce qu’elle constitue une promesse de prêt, elle « donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

==> Créance résultant d’un contrat de cautionnement

L’hypothèse visée ici est la situation où la caution, après avoir été actionnée en paiement par le créancier, se retourne contre le débiteur principal.

Elle dispose contre ce dernier de deux recours : un recours personnel et un recours subrogatoire.

  • En cas d’exercice par la caution de son recours subrogatoire
    • Dans cette hypothèse, la créance dont elle se prévaut la caution contre le débiteur n’est autre que celle dont était titulaire le créancier accipiens
    • La date de naissance de cette créance devrait, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à cette créance
  • En cas d’exercice par la caution de son recours personnel
    • Recours de la caution contre le débiteur
      • La détermination du fait générateur de la créance invoquée par la caution est ici plus problématique.
      • Deux approches sont envisageables
        • On peut considérer que la créance a pour fait générateur la conclusion du contrat
        • On peut également estimer que cette créance naît du paiement de la caution entre les mains du créancier accipiens.
      • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, lorsque le jugement d’ouverture intervient entre la date de conclusion du contrat de caution et la date de paiement, la qualification de la créance sera différente.
      • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a opté pour la première approche.
      • Elle a, autrement dit, considéré que « la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l’article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution» ( com. 3 févr. 2009)

Cass. com. 3 févr. 2009
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2309 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que poursuivi en paiement des sommes dues par Mme X..., au titre d'un prêt dont il s'était rendu caution, M. de Y... (la caution), a, en application des dispositions de l'article 2309 du code civil , assigné celle-ci, qui avait été mise en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en paiement de la somme mise en recouvrement contre lui ;

Attendu que, pour déclarer l'action de la caution recevable et condamner Mme X... à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la procédure collective de la débitrice principale puisque l'assignation en paiement de la banque à l'encontre de la caution a été délivrée le 16 novembre 1990 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution et que l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas aux créanciers, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de cette même loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement de caution était du 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de Mme X... avait été clôturée le 28 février 1990 pour insuffisance d'actif, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

  • Recours de la caution contre ses cofidéjusseurs
    • Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a retenu une solution identique à celle adoptée dans l’arrêt du 3 février 2009.
      • Faits
        • Une banque consent un prêt à une société
        • En garantie, deux associés souscrivent à un cautionnement en faveur de la banque
        • L’un des associés caution cède ses parts sociales à l’autre
        • La société est par suite placée en liquidation judiciaire
        • La caution qui avait cédé ses parts règle à la banque la créance à hauteur du montant déclarée à la procédure
        • La caution se retourne alors contre le commissaire d’exécution au plan afin que lui soit réglée la part due par son ex-coassocié décédé entre-temps
      • Demande
        • La caution qui a réglé la dette principale réclame à l’administrateur le paiement de la part dû par les ayants droit de son cofidéjusseur
      • Procédure
        • Par un arrêt du 2 octobre 2001, la Cour d’appel de Besançon accède à la requête de la caution
        • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’action contre le cofidéjusseur ne naît qu’à partir du moment où l’un d’eux a réglé la dette principale, la créance de la caution naît au jour du paiement de la dette principale
      • Solution
        • Par un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
        • Elle considère que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l’article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution»
        • Aussi, la Cour de cassation reproche-t-elle à la Cour d’appel d’avoir pris comme fait générateur de la créance le paiement de la dette principale par la caution.
        • Pour elle, dans la mesure où la souscription du cautionnement a eu lieu antérieurement au jugement d’ouverture, la créance de la caution n’est pas éligible au rang des créances privilégiées.
      • Analyse
        • La solution adoptée par la Cour de cassation ne s’impose pas avec évidence.
        • Car au fond, cette position revient à dire que, au moment où elle s’engage envers le créancier, la caution acquiert :
          • D’une part, la qualité de débiteur accessoire de la dette principale
          • D’autre part, la qualité de créancier chirographaire antérieur quant au recours qui lui est ouvert par le code civil contre son ou ses cofidéjusseurs
        • Au total, il semble désormais être acquis que le recours personnel de la caution, qu’il soit dirigé contre un cofidéjusseur soumis à une procédure collective ou contre le débiteur principal soumis à une procédure collective, naît au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Cass. com. 16 juin 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 mars 1986, l'Union des banques régionales (la banque) a consenti un prêt à la société La Lizaine (la société), avec pour garantie le cautionnement solidaire de MM. X... et Y..., associés de la société ; que, le 31 janvier 1988, M. Y... a cédé à M. X... l'ensemble de ses parts sociales ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance qui a été admise pour un certain montant ;

que M. X... a été mis en redressement judiciaire à la suite duquel un plan de cession a été arrêté, M. Z... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que M. Y... ayant réglé, en sa qualité de caution, une somme de 50 000 francs pour solde de la créance de la banque, a assigné M. X... en remboursement de cette somme ; que M. Z..., ès qualités, est intervenu à l'instance ; que M. X... est décédé le 4 mars 1998 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y... alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, à qui il appartenait de fixer les termes du litige, n'avait demandé à la cour d'appel de condamner M. Z..., ès qualités, à payer la somme de 25 000 francs à M. Y... ; qu'en prononçant cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions récapitulatives déposées par M. Y... le 20 mai 1999 que ce dernier a sollicité la condamnation de M. Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à lui payer une somme de 50 000 francs en application de l'article 2033 du Code civil ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-32 du Code de commerce ;

Attendu que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution;

Attendu que pour condamner M. Z..., commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y..., l'arrêt retient que s'agissant de rapports entre deux cautions, et non entre une caution et le débiteur principal, M. Y... ne disposait d'aucune action avant d'avoir payé, ce par application de l'article 2033 du Code civil, que l'origine de sa créance est, dès lors, postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. X..., de telle sorte que cette créance n'était pas soumise à l'obligation de déclaration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'engagement de caution de M. Y... avait été souscrit avant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

2. Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture

La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a étendu le champ d’application du principe d’interdiction des paiements en incluant dans son giron les créances qui n’entrent pas dans la catégorie des créances dites privilégiées visées à l’article L. 622-17 du code de commerce.

L’article L. 622-17 les définit comme les créances « nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, le principe d’interdiction des paiements ne s’applique pas seulement aux créances nées antérieurement au jugement d’ouverture, il est également susceptible de s’appliquer aux créances postérieures.
  • D’autre part, pour être applicable à une créance née postérieurement au jugement d’ouverture, ladite créance ne doit pas être considérée comme privilégiée au sens de l’article L. 622-17 du Code de commerce

Aussi, afin d’apprécier l’étendue du champ d’application du principe d’interdiction des paiements, convient-il de déterminer ce que l’on doit entendre par créance privilégiée.

Il ressort de la définition posée à l’article L. 622-17 du Code de commerce qu’une créance privilégiée répond à trois critères cumulatifs qui tiennent

  • D’abord, à la date de naissance de la créance
  • Ensuite, à la régularité de la créance
  • Enfin, à l’utilité de la créance

a) L’exigence de postériorité de la créance au jugement d’ouverture

Pour être qualifiée de privilégiée, la créance doit nécessairement être née postérieurement au jugement d’ouverture.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présentera un intérêt majeur.

Dès lors que la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, elle est imperméable à la qualification de créance privilégiée.

Afin de déterminer si une créance est postérieure, il conviendra alors de raisonner dans les mêmes termes que pour les créances antérieures.

b) L’exigence de régularité de la créance

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après l’ouverture de la procédure.

Que doit-on entendre par l’expression « nées régulièrement » ?

Le législateur a entendu viser ici les créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de la procédure.

Pour mémoire, selon la nature de la procédure dont fait l’objet le débiteur, l’administrateur, lorsqu’il est désigné, sera investi d’un certain nombre de pouvoirs, qu’il exercera, parfois, à titre exclusif.

En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-1 du Code de commerce prévoit par exemple que si « l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant […] lorsque le tribunal désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux. »

Lorsqu’il s’agit d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur sera complètement dessaisi de son pouvoir de gestion de l’entreprise à la faveur de l’administrateur (art. L. 641-9 C. com.)

Ainsi, la créance régulière est celle qui résulte d’un acte accompli en vertu d’un pouvoir dont était valablement investi son auteur.

A contrario, une créance sera jugée irrégulière en cas de dépassement de pouvoir par le débiteur ou l’administrateur.

Pour apprécier la régularité d’une créance il faut alors distinguer selon que la créance est d’origine contractuelle ou délictuelle

==> Les créances contractuelles

  • Pour les créances nées de la conclusion d’un contrat
    • La créance naît régulièrement si le contrat a été conclu par un organe qui était investi du pouvoir d’accomplir l’acte.
    • Pour les actes de gestion courante, le débiteur dispose de ce pouvoir en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • Pour les créances nées de l’exécution d’un contrat en cours
    • Lorsqu’une décision de continuation a été prise
      • La créance ne peut naître régulièrement qu’à la condition que le contrat ait été poursuivi en vertu d’une décision prise par la personne habilitée
      • Il s’agira
        • soit de l’administrateur lorsqu’il est désigné
        • soit du débiteur après avis conforme du mandataire
      • En matière de liquidation judiciaire, seul le liquidateur est investi de ce pouvoir.
    • Lorsqu’aucune décision de continuation n’a été prise
      • Lorsque la créance trouve son origine dans l’exécution d’un contrat en cours pour lequel aucune décision de continuation n’a été prise, la jurisprudence considère classiquement que cette absence de décision n’entache pas la régularité de la créance.
      • Il est, par ailleurs, indifférent que la décision prise ultérieurement soit favorable ou non à une continuation du contrat en cours (V. en ce sens com. 12 juill. 1994)
  • Cas particulier de la créance de salaire
    • Si, en principe, l’irrégularité de la créance s’apprécie au regard du dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur, il est un cas où cette règle est écartée
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation a, en effet, estimé que quand bien même une créance de salaire serait née irrégulièrement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, elle pouvait, malgré tout, bénéficier du régime des créances privilégiées.

Cass. soc. 13 juill. 2010
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, bien que faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. X... a continué d'exercer son activité et d'employer M. Y... qu'il avait engagé en qualité de manoeuvre avant l'ouverture de la procédure ; qu'ayant appris l'existence de la procédure collective, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'un rappel de salaires ;

Attendu pour rejeter cette demande, l'arrêt, qui prononce la résiliation du contrat de travail, retient que les créances dont M. Y... poursuit le paiement, nées de la poursuite d'activité de M. X... après sa liquidation judiciaire, ou de la résiliation du contrat postérieurement à la liquidation judiciaire, ne sont pas nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce, qu'elles se trouvent par conséquent hors procédure et que leur montant ne peut pas être fixé dans le cadre de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l'a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l'activité, sans que puissent lui être opposés l'usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement, et alors, d'autre part, que l'article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Alors que la procédure de liquidation est engagée, l’entreprise continue d’employer un salarié alors qu’aucune décision en ce sens n’ayant été prise par le liquidateur
  • Demande
    • Après avoir eu connaissance de la procédure de liquidation, le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture de son contrat de travail et un rappel de salaire.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 octobre 2007 la Cour d’appel de Montpellier déboute le salarié de sa demande
    • Les juges du fond estiment que la créance invoquée par le salarié est née irrégulièrement, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir du privilège consenti aux créanciers postérieurs
    • Pour la Cour d’appel, il s’agit donc d’une créance hors procédure, de sorte que le salarié ne peut, ni déclarer sa créance, ni en demander le paiement à l’échéance.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L. 621-32 du Code de commerce
    • La chambre sociale considère :
      • D’une part, qu’« en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l’a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l’activité, sans que puissent lui être opposés l’usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement»
      • D’autre part, « que l’article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, le salarié était parfaitement fondé à réclamer le paiement à échéance de sa créance.
    • Elle justifie sa solution en avançant deux arguments :
      • Premier argument
        • En cas de liquidation judiciaire, le contrat de travail du salarié se poursuivrait de plein droit
        • L’article L. 622-17, VI prévoit en ce sens que les contrats de travail échappent au pouvoir discrétionnaire de l’administrateur concernant la poursuite ou non des contrats en cours.
      • Second argument
        • La créance du salarié, même irrégulière, est opposable à la procédure collective car
          • D’une part, la violation en l’espèce des règles du dessaisissement du débiteur fautif n’est pas imputable au salarié
          • D’autre part, la créance invoquée par le salarié serait parfaitement régulière au regard de l’article L. 621-32 du Code de commerce applicable à la procédure de liquidation judiciaire puisque le contrat de travail n’a pas été rompu par le liquidateur.
  • Analyse
    • De toute évidence, la Cour de cassation se livre ici à une interprétation audacieuse de l’article L. 621-32.
    • En l’espèce, il y avait clairement un dépassement de pouvoir de la part du débiteur
    • Techniquement, la créance était donc bien irrégulière.
    • Aussi, en affirmant que la violation des règles de dessaisissement par le débiteur n’était pas imputable au salarié, la Cour de cassation ajouter une condition au texte.
    • L’article L. 621-32 ne prévoit nulle part qu’une créance peut être considérée comme régulière si le dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur n’est pas imputable au créancier.
    • Lorsque, en outre, la chambre sociale ajoute que l’article L. 621-32 du Code ne concerne que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission, cette affirmation est, là encore, très critiquable.
    • Lorsque, en effet, cette disposition énonce qu’une créance doit être née régulièrement pour être opposable à la procédure et bénéficier d’un privilège de traitement, que fait-elle sinon poser une condition d’admission des créances ?
    • Ce ne sont pas des modalités de paiement dont il était question dans l’arrêt en l’espèce, mais bien de déterminer le bien-fondé du paiement d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Les créances extracontractuelles

Dans la mesure où, par définition, les créances délictuelles et quasi-délictuelles naissent de faits illicites, elles ne devraient, en toute logique, jamais pouvoir être considérées comme nées régulièrement.

Animée par un souci de protection du créancier et, plus encore, d’indemnisation des victimes de dommages causés par le débiteur, la jurisprudence a admis que ces créances puissent être admises au rang des créances privilégiées.

Dans un arrêt remarqué du 13 octobre 1998, la Cour de cassation a que la nature délictuelle d’une créance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle puisse être née régulièrement « après le jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur ».

Cass. com. 13 oct. 1998
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Michel Z... a été assigné, le 6 mai 1992, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts par M. Edouard Z... ; que sur l'assignation en intervention forcée délivrée à M. X..., liquidateur judiciaire de M. Michel Z... désigné par un jugement du 22 mai 1986, la cour d'appel a dit que la condamnation en paiement de dommages-intérêts portée contre M. Michel Z..., l'est contre M. Y..., son liquidateur judiciaire ;

Sur la fin de non-recevoir relevée par la défense : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la créance délictuelle de M. Edouard Z... à l'encontre de M. Michel Z... est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 de sorte que M. Michel Z... étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation devra être prononcée contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la condamnation pécuniaire portée par le jugement contre M. Michel Z... l'est contre M. Y..., liquidateur judiciaire de ce dernier, et en ce qu'il a condamné M. Michel Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

c) L’exigence d’utilité de la créance

Pour être qualifié de créance privilégiée, l’article L. 622-17, I du Code de commerce exige que la créance soit née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Cette exigence a été introduite par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, complétée ensuite par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.

L’objectif poursuivi par le législateur était de réduire le nombre des créances susceptibles de faire l’objet d’un paiement à échéance, les critères de postériorité et de régularité ayant été jugés insuffisamment sélectifs.

Cette restriction a notamment été suggérée par la Cour de cassation en 2002 dans son rapport annuel.

Selon elle, la priorité conférée à l’ensemble des créances postérieures au jugement d’ouverture était « de nature à rendre plus difficile le redressement de l’entreprise si trop de créanciers peuvent en profiter. Il paraît excessif que la créance fasse ainsi l’objet d’un paiement prioritaire du seul fait qu’elle est née après le jugement d’ouverture ; il serait plus favorable au redressement des entreprises que seules les créances nécessaires à la poursuite de l’activité après le jugement d’ouverture bénéficient d’un tel traitement de faveur ».

Fort de cette invitation à durcir les critères d’admission des créances privilégiées, le législateur en a créé un nouveau : le critère d’utilité.

Afin de déterminer ce que l’on doit entendre par ce nouveau critère il convient d’envisager d’abord la notion d’utilité après quoi nous aborderons l’appréciation de cette notion. Nous nous intéresserons, enfin, aux difficultés d’application qu’elle soulève.

?) La notion d’utilité de la créance

Pour être considérée comme utile au sens de l’article L. 622-17, I la créance doit être née :

  • Soit pour les besoins de la procédure en tant que telle
  • Soit pour les besoins de l’activité de l’entreprise

==> Les créances nées pour les besoins de la procédure

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise ici :

  • Les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure
    • Il s’agit essentiellement des frais de justice, des honoraires de l’administrateur, du mandataire, des avocats, des huissiers des commissaires-priseurs ou encore des frais d’expertise.
  • Les créances nées pour les besoins de la période d’observation
    • Il s’agit de tous les frais engagés par le débiteur nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, notamment ceux engendrés par la continuation des contrats en cours.

==> Les créances nées pour les besoins de l’activité de l’entreprise

En premier lieu, il peut être observé que cette seconde catégorie de créances privilégiées tend à prendre en compte les cas dans lesquels, par exemple, une commande aurait été passée par le débiteur, donnant lieu à une prestation, mais que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne considérerait pas comme correspondant aux besoins de la procédure ou de la période d’observation.

Il n’y aurait là aucune justification à priver de telles créances d’un paiement prioritaire. D’où sa prise en compte par le législateur.

En second lieu, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, l’article L. 622-17, I du Code de commerce prévoyait que, étaient éligibles au statut des créances privilégiées, les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ».

Cette disposition vise désormais les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

La précision « pour son activité professionnelle » a ainsi été supprimée de la version initiale du texte.

Cette suppression procède d’une volonté du législateur de ne pas limiter le bénéfice du privilège de priorité aux seules créances nées pour les pour besoins de l’activité professionnelles du débiteur.

Des créances nées en contrepartie d’une prestation étrangère à son activité professionnelle pourraient, en conséquence, être qualifiées de créances privilégiées.

Pour ce faire, elles n’en devront pas moins satisfaire à trois conditions cumulatives :

  • Une créance qui correspond à une prestation
    • Par prestation, il faut entendre la fourniture d’un bien ou d’un service.
    • Cette terminologie a été intégrée dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, de sorte qu’elle ne soulève dès lors plus de difficulté
  • Une créance née en contrepartie de la prestation
    • La créance doit consister en la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
    • La fourniture de cette prestation doit avoir été utile
      • Soit à la procédure
      • Soit au maintien de l’activité de l’entreprise
    • En revanche, il est indifférent que le contrat à l’origine de la créance n’ait fait l’objet d’aucune décision de continuation dès lors qu’elle est née régulièrement.
  • Une créance née pendant la période d’observation
    • La créance ne peut accéder au rang de créance privilégiée que si elle est née pendant la période d’observation
    • Dès lors que la créance naît en dehors de cette période, quand bien même elle serait utile à la procédure où à la poursuite de l’activité, elle ne pourra pas bénéficier du privilège de priorité.
    • C’est là une exigence formelle posée par le texte.

?) L’appréciation de l’utilité de la créance

Une question a agité la doctrine : l’utilité de la créance doit-elle être appréciée en considération de l’acte qui en est à l’origine, ou au regard du bénéfice que le débiteur en retire ?

Les auteurs optent majoritairement pour la première option. Pour déterminer si créance utile pour la procédure ou pour le maintien de l’activité, il convient de se rapporter à son fait générateur.

Seules les circonstances de sa naissance sont à même de renseigner le juge sur l’opportunité de la décision prise par le débiteur.

Au fond, la question qui se pose est de savoir si l’acte d’où résulte la créance a été accompli dans l’intérêt de la procédure ou de l’entreprise.

?) Les difficultés d’application du critère

Les difficultés d’application du critère d’application du critère d’utilité concernent en particulier les créances fiscales et sociales.

Peut-on considérer que de telles créances présentent une utilité pour la procédure dans la mesure où elles conduisent, par nature, à aggraver la situation du débiteur ?

Dans un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation a admis qu’une créance dont se prévalait le RSI puisse bénéficier du statut de créance privilégiée.

Cass. com. 15 juin 2011
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse nationale du régime social des indépendants Participations extérieures (la caisse) a fait signifier à la société ARDDI (la société) le 6 octobre 2008 une contrainte datée du 12 août 2008, portant sur la contribution sociale de solidarité et des sociétés et la contribution additionnelle 2007 assises sur le chiffre d'affaires de l'année 2006 ; que la société, qui a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2006, a fait opposition à cette contrainte le 7 octobre 2008 ;

Attendu que pour annuler cette contrainte, l'arrêt retient que si la créance est bien une créance dont le fait générateur est intervenu postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, elle ne peut être considérée comme une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, ni comme une créance répondant aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une déclaration conformément à l'article L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l'activité de la société, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce pour l'activité poursuivie postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

  • Faits
    • Le RSI délivre une contrainte à une société en raison de cotisations sociales impayées en date du 6 octobre 2008
    • Depuis deux ans, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
  • Demande
    • Le débiteur revendique l’inopposabilité de la contrainte qui lui a été notifiée
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 avril 2010, la Cour d’appel de Nîmes accède à la requête du débiteur
    • Les juges du fond estiment la créance dont est porteuse la contrainte est certes postérieure à l’ouverture de la procédure collective
    • Toutefois, elle ne remplit pas les critères d’une créance prioritaire dans la mesure où :
      • D’une part, elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation fournie par le débiteur
      • D’autre part, elle n’est pas née pour les besoins de la procédure collective
    • La Cour d’appel en conclut que cette créance aurait dû faire l’objet d’une déclaration, ce qui n’a pas été fait.
    • La créance du RSI serait donc éteinte
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que la « contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l’activité de la société, entrent dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce pour l’activité poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective»
    • Autrement dit, la créance dont se prévaut le RSI répondrait, en tous points, aux critères d’éligibilité du privilège de priorité
  • Analyse
    • La solution dégagée par la Cour de cassation est, en l’espèce, parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi.
    • Dans la mesure où le paiement des cotisations sociales est une obligation légale, il est absolument nécessaire que l’entreprise, quelle que soit sa situation, satisfasse à cette obligation à défaut de quoi elle s’expose à aggraver automatiquement son passif.
    • Rien ne justifie, en conséquence, que la créance de RSI ne puisse pas être qualifiée de créance privilégiée.

Ainsi, lorsqu’une créance résulte d’une obligation légale à laquelle est subordonné l’exercice de l’activité de l’entreprise, elle est parfaitement éligible au rang des créances privilégiées.

B) La condition tenant à l’auteur du paiement

 Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

==> La saisie-attribution d’une créance à exécution successive

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La délégation portant sur une créance à exécution successive

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation.JPG

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

==> La cession de créances professionnelles

Cette hypothèse correspond à la situation où, dans le cadre d’une cession de créances :

  • Dans un premier temps le cédant cède sa créance avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps le débiteur-cédé se libère postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du cessionnaire.

Dans cette configuration le débiteur-cédé endosse manifestement la qualité de tiers à la procédure collection.

La question qui alors se pose est de savoir si, lorsque le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, cette opération ne contrevient pas au principe d’interdiction des paiements dans la mesure où cela a pour effet d’éteindre la dette du cédant envers le cessionnaire.

Schéma - cession Dailly.JPG

Sur cette question, la position de la jurisprudence a radicalement évolué.

  • Première étape
    • Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a d’abord estimé que l’ouverture d’une procédure collective empêchait que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, quand bien même la cession de créances était intervenue antérieurement au jugement d’ouverture.
    • La chambre commerciale a considéré en ce sens que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement»

Cass. com. 26 avr. 2000
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Socpresse que sur le pourvoi principal formé par la Westpac Banking Corporation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 22 août 1996), que, par contrat souscrit le 23 octobre 1986, la société Socpresse a engagé M. X... pour exercer les fonctions de conseiller aux affaires Pacifique Sud, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que, par un premier bordereau de cession de créances professionnelles du 28 juin 1988, M. X... a cédé ses créances correspondant aux rémunérations dues en vertu de ce contrat, à échéance du 31 décembre 1988 et du 31 mars 1989, à la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la Westpac Banking Corporation (la banque) ; que, par un second acte du 17 décembre 1988, M. X... a cédé les créances se rapportant aux autres rémunérations prévues par ce contrat à la banque qui a notifié les cessions de créances à la société Socpresse, débiteur cédé ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1989 ; que la société Socpresse a payé les créances cédées par le premier acte mais a refusé le paiement des créances cédées par le second ; qu'elle a été assignée par la banque en paiement de ces dernières créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative au paiement des créances échues postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance profesionnelle future, consentie en période suspecte est valable et le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant pour refuser de payer les créances aux échéances ; qu'en considérant que la mise en liquidation judiciaire de M. X... a mis un terme aux droits de la banque pour toutes les créances postérieures au jugement, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981 et 107 et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;

  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure en considérant que l’ouverture d’une procédure collective ne faisait pas obstacle à ce que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire.
    • Elle a ainsi considéré que « même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date»

Cass. com. 7 déc. 2004
Statuant tant sur le pourvoi principal présenté par la CRCAM d'Aquitaine que sur le pourvoi incident présenté par la société Labat-Merle (la société Labat) ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 octobre 2000, pourvoi n° P 97-21.744), que, par acte du 27 janvier 1992, la société Euroméca a cédé à la CRCAM d'Aquitaine (la Caisse), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance qu'elle détenait sur la société Labat au titre d'une commande que celle-ci lui avait passée ; que la société Labat n'a pas accepté cette cession, dont elle avait reçu notification, et a réglé le solde de la facture à la société Euroméca, en règlement judiciaire depuis le 19 février 1992 ;

que la Caisse a fait assigner la société Labat en paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, même si son exigibilité n'est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date ;

Attendu que pour rejeter la demande de la Caisse en paiement de la créance par la société Labat, débiteur cédé, l'arrêt retient que la créance cédée est née de la livraison et même de la fabrication postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Euroméca, entreprise cédante, et que ce jugement fait obstacle aux droits de la Caisse sur les créances nées de l'exécution du contrat au cours de la période d'observation et exigibles au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la cession prenant effet entre les parties et devenant opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau, la cour d'appel, qui a relevé que la cession avait pris effet entre la société Euoméca et la Caisse avant l'ouverture de la procédure collective, ce dont il résulte que le paiement que la société Labat ne contestait pas devoir, et qu'elle avait effectué après avoir reçu notification de la cession, n'était pas libératoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le pourvoi incident :

Attendu que ce pourvoi se trouve privé d'objet par la cassation consécutive au pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

II) La sanction du principe d’interdiction des paiements

Plusieurs sanctions sont applicables en cas de violation du principe d’interdiction des paiements

  • L’annulation du paiement
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 622-7, III « tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé»
      • Les sommes payées par le débiteur sont de la sorte réintégrées dans son patrimoine (V. en ce sens com. 3 oct. 2000)
    • Titularité de l’action
      • Tout intéressé
      • Le ministère public
    • Délai de prescription
      • Trois ans
    • Point de départ de la prescription
      • À compter de la date de réalisation du paiement
  • Faillite personnelle
    • L’article L. 653-5, 4° du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne qui a « payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers».
    • Cette sanction n’est applicable que dans le cas où le débiteur fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
    • Elle n’est pas encourue en cas de procédure de sauvegarde.
  • Sanction pénale
    • Aux termes de l’article L. 654-8, 1° du Code de commerce « est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait […] pour toute personne mentionnée à l’article L. 654-1, de passer un acte ou d’effectuer un paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7»
    • Ainsi, la violation du principe d’interdiction des paiements est-elle pénalement sanctionnée ce qui témoigne de l’importance que le législateur confère à l’objectif de maintien de l’égalité entre les créanciers et de préservation dans le patrimoine du débiteur des biens essentiels à la poursuite de son activité.

III) Les exceptions au principe d’interdiction des paiements

Le principe d’interdiction des paiements instituée à l’article L. 622-7, I du Code de commerce souffre de plusieurs exceptions.

A) Le paiement par compensation de créances connexes

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

B) Le paiement des créances alimentaires

L’article L. 622-7, I du Code de commerce exclut expressément les créances alimentaires du champ de l’interdiction des paiements des créances antérieures.

Qui plus est, cette catégorie de créance échappe à l’exigence de déclaration.

C) Le paiement des créances salariales

Aux termes de l’article L. 625-8 du Code de commerce « nonobstant l’existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu’il a une mission d’assistance, par l’administrateur, si le débiteur ou l’administrateur dispose des fonds nécessaires. »

Les créances salariales visées par cette disposition doivent ainsi être payées immédiatement sur les fonds dont dispose l’entreprise.

En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, si le paiement s’avère impossible c’est à l’AGS qu’il reviendra de régler les salariés.

Quant aux créances de salaire résultant d’une prestation de travail postérieure au jugement d’ouverture, elles devront être payées à l’échéance.

D) Le paiement des créances assises sur un, gage, un droit de rétention, une fiducie ou un crédit-bail

L’article L. 622-7, II du Code de commerce prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur « à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité. »

Ainsi, afin, de mettre un terme à un gage, à un droit de rétention ou encore pour rapatrier le bien dans le patrimoine du débiteur en raison l’existence d’une fiducie ou d’un crédit-bail, ce dernier peut être autorisé par le juge-commissaire à régler une créance née antérieurement au jugement d’ouverture.

Pour ce faire trois conditions doivent être réunies :

  • Première condition
    • Le bien doit avoir fait l’objet alternativement
      • soit d’un gage
      • soit d’un droit de rétention
      • soit d’une fiducie
      • soit d’un crédit-bail
  • Deuxième condition
    • Le bien sur lequel porte la créance antérieure doit être utile à la poursuite de l’activité de l’entreprise.
    • A défaut, le paiement de la créance antérieure ne présentera aucun intérêt.
  • Troisième condition
    • Le débiteur ou l’administrateur doivent obtenir l’autorisation du juge-commissaire

E) Le paiement des créances assises sur une clause de réserve de propriété

Conformément à l’article L. 624-16 du Code de commerce, sur autorisation du juge-commissaire, il peut être fait échec à l’exercice du droit de revendication du vendeur qui bénéfice d’une réserve de propriété par le paiement du prix du bien.

Cette disposition prévoit en ce sens, après avoir énoncé les conditions et les modalités de la revendication, que « dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. »

Cette règle constitue une dérogation au principe d’interdiction des paiements. Elle se justifie pour la nécessité de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise.

F) Le paiement provisionnel de créances assises sur des sûretés

Autre dérogation au principe d’interdiction des paiements, la possibilité de payer les créanciers titulaires d’une sûreté.

Plus précisément, l’article L. 622-8 du Code de commerce prévoit que « le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien » lorsque celui-ci est vendu au cours de la période d’observation.

La sûreté peut ici consister tant, en un privilège spécial, qu’en un privilège général. Sont également visés l’hypothèque, le nantissement ou encore le gage.

L’extension de la procédure de sauvegarde: confusion de patrimoines ou fictivité de la personne morale

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1.JPG

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

I) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  • La confusion de patrimoines
  • La fictivité de la personne morale

A) La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

  • L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines
  • L’existence de relations financières anormales
  1. L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

  • Faits
    • Accord de commercialisation conclu entre la société Forest I et la société Leading
    • Par cet accord, la société Forest I qui avait acquis 50% du capital de la société Leading, a pris en location gérance le fonds de cette dernière société
    • Il en est résulté la mise en commun de moyens de gestion financière, industrielle et comptable
    • Survenance d’un désaccord entre les deux sociétés
      • Demande de rétrocession des actions acquises par la société Forest I
      • Demande de résiliation du contrat de gérance
    • Dans ce contexte, ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Leading
    • Cette procédure est étendue à la société Forest I
  • Demande
    • La société Forest I conteste cette extension de la procédure collective
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 décembre 1992, la Cour d’appel de Bourges confirme l’extension de la procédure de redressement judiciaire à la société Forest I
    • La Cour d’appel estime que, en raison du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication ce ces derniers, la confusion des patrimoines des 2 sociétés est caractérisée.
    • Dès lors, l’existence de cette caractérisation de patrimoines justifie l’extension de la procédure de redressement à la société Forest I
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la seule imbrication d’intérêts entre deux sociétés ne suffit pas à caractériser la confusion de patrimoines.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 octobre 1995, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Forest I
    • La Cour de cassation juge, en l’espèce qu’il résulte du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication inextricable entre les deux sociétés une confusion de leurs patrimoines respectifs, de sorte que l’extension par la CA de la procédure de redressement à la société Forest I est justifiée.
    • Manifestement, la chambre commerciale exerce ici un contrôle strict sur la motivation des juges du fond
    • L’étroitesse de ce contrôle vise à éviter que les Tribunaux n’admettent trop facilement l’extension d’une procédure collective.
    • Cette situation doit demeurer une exceptionnelle :
      • D’une part, en raison du bouleversement qu’elle provoque sur les droits des créanciers
      • D’autre part, parce qu’un tel montage n’est pas automatiquement illicite si les deux sociétés
        • agissent ouvertement,
        • sont gérées de façon autonome
        • leurs relations sont juridiquement causées par la conclusion de contrats en bonne et due forme
      • Lorsque les juges du fond entendent retenir la confusion des patrimoines, il leur faudra, en conséquence, motiver substantiellement leur décision.
      • Dans l’arrêt en l’espèce, la Cour de cassation a manifestement été contrainte de piocher dans la motivation des juges de première instance pour sauver la décision des juges d’appel.
      • Autre enseignement important de cette décision, la chambre commerciale relève que «  l’exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d’imbrication inextricable entre elles»
      • On peut en déduire que pour être établie, l’imbrication des patrimoines doit se traduire par une impossibilité de distinguer les passifs nés de l’un des débiteurs ou du chef de l’autre.
      • La reconstitution des patrimoines respectifs doit, autrement dit, être impossible, ce qui suppose une confusion des comptes, d’où l’importance de cet élément.

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

  • Faits
    • Une épouse qui exerçait à titre personnel une activité dans le secteur du bâtiment fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Il s’ensuivra une extension de la procédure de liquidation au conjoint de cette dernière ainsi qu’à l’EURL dont il était l’associé unique et gérant
  • Demande
    • L’époux conteste l’extension à son endroit ainsi qu’à son EURL de la procédure de liquidation dont faisait l’objet sa conjointe
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour d’appel de Nîme déboute l’époux de sa demande
    • Les juges du fond relèvent, entre autres, pour retenir la confusion des patrimoines plusieurs éléments
      • Participation active du mari dans l’activité de son épouse
      • Réciproquement, immixtion de l’épouse dans l’activité de l’Eurl
      • L’organisation du travail entre les deux époux s’apparentait à une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine
  • Solution
    • La cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux gérant de l’EURL
    • Ainsi, confirme-t-elle la solution dégagée par la Cour d’appel aux termes de laquelle l’extension de procédure collective fondée sur une confusion de patrimoines peut intervenir entre personnes physiques.
    • Autre apport de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la confusion de patrimoines peut résulter, outre d’une confusion des comptes, de l’existence « d’une véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine».
    • C’est là le second indice qui conduira les juges à retenir la confusion de patrimoines, étant précisé que la Cour de cassation exige une motivation substantielle de la décision.
    • Les juges du fond devront donc établir factuellement l’existence de cette identité d’entreprise comme s’est employée à la vérifier la Cour de cassation dans l’arrêt en l’espèce.

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

  • Faits
    • Une SCI loue à une autre société, la société LMT, des locaux en contrepartie du paiement de loyers dont le prix dépassait celui du marché
    • La société preneuse réalisera, par suite, lors de son occupation des locaux des travaux d’embellissement, dont la propriété est revenue à la SCI.
    • C’est alors qu’à partir de 1995, il apparaît que la société locataire ne règle plus aucun loyer à la SCI
      • À la suite de quoi la SCI ne diligentera aucune mesure d’exécution
      • Alors que cela la mettait dans une situation rendant impossible le remboursement de ses emprunts
    • Peu de temps après, la société LMT est placée en redressement judiciaire.
    • Cette procédure collective est étendue à la SCI
  • Demande
    • La SCI conteste l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son endroit
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 6 janvier 2000, la Cour d’appel de Rouen déboute la SCI de sa demande
    • Les juges du fonds relèvent :
      • Le caractère excessif des loyers perçus par la SCI
      • Le bénéfice de travaux d’embellissement réalisés par la société preneuse
      • L’absence de mesure d’exécution diligentée contre la société preneuse en réaction aux impayés de loyers alors que la SCI se trouvait dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts
    • Les juges du fond déduisent de ces relations financières anormales une confusion de patrimoine entre la SCI et la société LMT qui justifie l’extension de la procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 janvier 2003, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCI
    • La chambre commerciale considère que, eu égard les rapports entretenus entre la SCI et la société LMT, il existait entre ces deux sociétés « des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines»
    • De toute évidence, pour retenir la confusion des patrimoines, la Cour de cassation ne fait ici nullement référence à une quelconque imbrication inextricable des patrimoines, confusion des comptes ou bien encore identité d’entreprise.
    • La cour de cassation s’appuie ici sur un autre critère : l’existence de relations financières anormales.
    • Qu’est-ce que l’anormalité ?
    • Il résulte de cet arrêt que l’anormalité se déduit d’abord de l’absence de toute contrepartie.
    • L’existence ou non de cette contrepartie s’apprécie au regard de l’ensemble des relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d’une opération envisagée isolément, sous peine d’interdire toute concertation entre des sociétés membres d’un même groupe.
    • L’absence de contrepartie était manifeste dans l’arrêt en l’espèce !
  • Portée
    • On assiste, dans l’arrêt en l’espèce, à un ajustement jurisprudentiel.
    • La confusion des patrimoines est fondée, non plus sur l’existence de « flux financiers anormaux» qui résultaient le plus souvent de versements de fonds sans contrepartie, mais sur l’existence de « relations financières anormales ».
    • Ce dernier critère s’avère mieux adapté, car il recouvre les flux financiers anormaux et permet de viser les hypothèses dans lesquelles l’anormalité tient justement à l’absence de mouvement de comptes entre les deux sociétés.
    • Qui plus est, ce nouveau critère est plus favorable aux créanciers, car, étant définie plus largement, la confusion des patrimoines est un peu plus facilement admise.
    • Ce changement de terminologie a été confirmé par la jurisprudence postérieure.
    • Dans un arrêt Métaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu’elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d’une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale » ( com. 19 avr. 2005).
    • Dans un autre arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale a adopté une solution qui s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement.
    • Elle valide la décision d’une Cour d’appel en relevant que « l’arrêt retient que, dépassant la seule obligation, qui lui était imposée par le bail, d’effectuer les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, la société System’D a supporté, en plus du loyer, la charge d’importants travaux d’aménagement, intérieur et extérieur, de l’immeuble loué pour un coût équivalent à six années de loyers, qu’elle a dû partiellement financer par le recours à l’emprunt, tandis que la SCI, au terme du bail, devenait, sans aucune indemnité, propriétaire de tous les aménagements ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre les deux sociétés, peu important l’absence de mouvements de fonds entre elles relatifs aux travaux d’aménagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision»
    • Une fois de plus, le contrôle minutieux par la Cour de cassation de la motivation des juges du fond témoigne de son niveau d’exigence quant à la caractérisation de la confusion des patrimoines fondée sur l’existence de relations financières anormales.
    • Plus récemment, dans un arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation a considéré que « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée» ( com. 16 juin 2015).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

Schéma 2.JPG

II) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

A) Les personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce, « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

La liste des personnes ayant qualité à agir en extension de la procédure de sauvegarde est donc limitative.

Elle comprend:

  • L’administrateur
  • Le mandataire judiciaire
  • Le débiteur
  • Le ministère public

Les créanciers ne peuvent, de la sorte, agir que par l’entremise du mandataire.

Ils n’ont pas qualité pour formuler une demande d’extension de la procédure.

Cette règle, consacrée par le législateur en 2008, avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 1999.

La chambre commerciale rejette le pourvoi formé par un créancier qui sollicitait individuellement, l’extension d’une procédure collective.

Elle considère dans cette décision « qu’après avoir relevé que la société Botta et fils ne possédait pas la qualité de créancière de la société Pitance nécessaire pour l’assigner directement en redressement judiciaire, l’arrêt retient exactement qu’à le supposer établi, le préjudice de la société Botta et fils serait commun à l’ensemble des créanciers de la société Botta Savoie et que l’action exercée au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers n’est pas ouverte aux créanciers individuels» ( com. 16 mars 1999).

Cette solution a été réitérée sans ambiguïté notamment dans un arrêt remarqué du 15 mai 2001.

Elle avait estimé dans cette décision que « l’action tendant à l’extension de la procédure collective d’une personne à une autre sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité d’une personne morale n’est pas ouverte aux créanciers» ( com. 15 mai 2001).

B) Forme de la demande

  • Lorsque le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le débiteur
    • Conformément à l’article R. 621-8-1 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie d’assignation
  • Lorsque le Tribunal est saisi par le ministère public
    • Conformément à l’article R. 631-4 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie de requête

C) Notification du jugement d’extension

Aux termes de l’article R. 621-8-1 du Code de commerce le jugement d’extension est signifié au débiteur soumis à la procédure et au débiteur visé par l’extension, à la diligence du greffier, dans les huit jours de son prononcé.

Il est communiqué, dans le même délai :

  • Aux mandataires de justice désignés ;
  • Au procureur de la République ;
  • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.

D) Publicité du jugement d’extension

  • En l’absence d’appel interjeté par le ministère public
    • En application de la combinaison des articles R. 621-8-1 et 621-8 du Code de commerce, le jugement qui prononce l’extension ou ordonne la réunion fait l’objet des publicités suivantes:
      • Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné avec l’indication des pouvoirs conférés à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, au registre du commerce et des sociétés s’il s’agit d’un commerçant ou d’une personne morale immatriculée à ce registre.
      • À la demande du greffier du tribunal qui a ouvert la procédure, les mêmes mentions sont portées sur le répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s’il s’agit d’une entreprise artisanale.
      • S’il s’agit d’une personne non immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou aux répertoires mentionnés au deuxième alinéa, les mentions sont portées sur un registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de grande instance. Dans ce cas, le greffier indique, selon le cas, le siège ou l’adresse du débiteur, les noms, prénoms et adresse du représentant légal de la personne morale débitrice ou du débiteur personne physique.
      • Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, conformément aux 1°, 3° et 4° de cet article, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15 ou celui mentionné à l’article R. 134-6 du présent code, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime.
      • Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l’article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d’identification ainsi que, s’il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l’article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d’agriculture mentionnée par ce texte, de l’activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l’adresse du mandataire judiciaire et de l’administrateur s’il en a été désigné avec, dans ce cas, l’indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l’avis aux créanciers d’avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.
      • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
      • Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement.
  • En cas d’appel interjeté par le ministère public
    • Les formalités de publicité ne sont effectuées par le greffier du tribunal qu’au vu de l’arrêt de la cour d’appel qui lui est transmis par le greffier de cette cour dans les huit jours de son prononcé.

E) Effets du jugement

Le jugement d’extension ne rétroagit pas à la date du jugement d’ouverture de la première procédure.

Cela signifie qu’il ne produira ses effets, tant à l’égard de la personne à qui la procédure est étendue, qu’à l’égard des tiers qu’au jour où il est notifié (dans le premier cas) ou publié (dans le second cas).

Il en résulte deux conséquences qu’il convient de souligner

  • D’une part, la qualification des créances détenues par les créanciers sera appréciée au regard, non pas de la date du jugement d’ouverture, mais de la date de la décision d’extension de la procédure.
  • D’autre part, le point de départ du délai de déclaration est la date du jugement d’extension, de sorte qu’un créancier forclos dans le cadre de la première procédure, bénéficiera d’une seconde chance pour valablement déclarer sa créance.

F) Voies de recours

  • Appel / Cassation
    • Le nouvel article L. 661-1-I, 3° du Code de commerce dispose que sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public
    • L’appel doit être exercé dans un délai de 10 jours
  • Tierce opposition
    • La tierce opposition elle peut être formée dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement d’extension au BODACC ( com. 16 mai 2006).

III) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

  • Unicité de la procédure
    • L’extension d’une procédure collective à toutes les personnes concernées par la confusion de patrimoines ou la fictivité d’une personne morale a notamment pour conséquence d’assujettir ces dernières à une procédure unique.
    • Il en résulte une extension de la date de cessation des paiements fixée initialement et de la loi applicable
  • Identité du traitement
    • Le traitement appliqué aux personnes à qui la procédure collective est étendue doit être identique à celui réservé au débiteur
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre du débiteur initial, la même procédure doit être appliquée à toutes les personnes concernées par l’extension de procédure sans distinction, quand bien même leur situation financière ne justifierait pas qu’elles fassent l’objet d’une liquidation.
    • Bien que contestée par certains auteurs, cette règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1998, la chambre criminelle a notamment censuré une Cour d’appel qui avait admis l’application d’un traitement différencié entre débiteurs dans le cadre d’une extension de procédure alors que « divers faits établissant l’existence d’une confusion des patrimoines et que, compte tenu des liens juridiques des trois entités entre elles et de l’étroite imbrication des patrimoines en présence, il y avait lieu de joindre les procédures de redressement judiciaire ouvertes contre elles» ( crim. 23 juin 1998).
  • Réunion des patrimoines
    • L’une des principales conséquences de la procédure d’extension est que les patrimoines qui ont été artificiellement dissociés par les personnes auxquelles cette procédure s’applique sont réunis en une seule de masse active et passive.
    • La reconstitution d’un patrimoine commun permettra ainsi d’apurer le passif commun avec les éléments d’actifs qui ont été réunis sans qu’il soit besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de procédure.
    • Il s’ensuit, pour ces dernières, qu’elles deviennent débitrices du passif commun, peu importe qu’elles en soient ou non à l’origine.
    • Autrement dit, toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues solidairement à l’obligation à la dette.
    • Elles conservent, néanmoins, leur autonomie propre en ce sens que lorsque des sociétés sont visées, elles conservent leur personnalité morale.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 2001, au visa de l’article L. 624-3 du Code de commerce en a notamment tiré la conséquence que « les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu’il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d’autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d’une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n’ont pas été les dirigeants» ( com. 17 juill. 2001).

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

  • Sort des créances
    • Déclaration de créances
      • Conséquence directe de la réunion des patrimoines en une seule masse, la déclaration de créance effectuée par un créancier auprès du mandataire vaut à l’encontre de toutes les personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com. 1er oct. 1997).
      • Dans un arrêt du 19 février 2002, la Cour de cassation est venue néanmoins nuancer cette règle en exigeant que la déclaration de créance ait été accomplie postérieurement à l’extension de la procédure ( com. 19 févr. 2002).
    • Confusion
      • Dans l’hypothèse où les personnes visées par l’extension de la procédure seraient titulaires l’une contre l’autre de créances, la réunion des patrimoines en une seule masse aurait pour conséquence de réaliser une confusion.
      • Le mécanisme de confusion est défini à l’article 1300 du Code civil qui prévoit que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.»
      • La confusion opère de la sorte extinction des créances réciproques.
    • Compensation
      • Lorsqu’un créancier du débiteur est lui-même débiteur de la personne à qui la procédure collective est étendue, la réunion des patrimoines a pour conséquence de créer les conditions de réalisation de la compensation légale.
      • Le nouvel article 1289 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes»
      • L’article 1291 pose comme condition que les deux dettes aient « pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.»
      • Si tel est le cas, « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives» ( 1290 C. civ.).
  • Sort des garanties
    • Les sûretés réelles
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté spéciale
        • l’extension de la procédure ne modifie en aucune manière l’étendue de leur gage qui conserve son assiette initiale : le bien sur lequel porte la sûreté spéciale (V. en ce sens com., 16 déc. 1964)
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté générale
        • Dans cette hypothèse, le gage des créanciers est étendu aux biens des personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com., 2 mars 1999)
    • Les sûretés personnelles
      • L’extension d’une procédure collective ne saurait en aucun cas aggraver la situation de la caution en augmentant la portée de son engagement.
      • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a considéré en ce sens que dans la mesure où « le cautionnement doit être exprès», dès lors qu’il porte sur une dette déterminée, il ne saurait être étendu à d’autres dettes, notamment celles contractées par les personnes visées par l’extension de la procédure ( com., 25 nov. 1997).

Formation, effets, sanction de l’accord amiable dans la procédure de conciliation

La principale mission du conciliateur est énoncée à l’article L. 611-7 du Code de commerce qui, pour rappel, prévoit qu’il « a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. »

L’objectif poursuivi par le conciliateur durant toute la procédure sera donc de négocier avec les créanciers du débiteur des délais de paiement, voire des remises de dette.

L’issue de la procédure de conciliation c’est donc l’accord amiable qui, s’il est respecté par les parties, devrait permettre au débiteur de surmonter les difficultés rencontrées par son entreprise.

I) La conclusion de l’accord amiable

Pour parvenir à la conclusion d’un accord qui devrait être bénéfique pour toutes les parties à la procédure, le conciliateur dispose de plusieurs leviers qu’il pourra actionner.

==> Premier levier : l’obtention de délais de paiement

  • Le contenu du droit du débiteur
    • Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil
      • Pour mémoire, cette disposition prévoit
        • D’une part, que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
        • D’autre part, que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
      • En outre, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
      • Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
      • Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
    • Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur.
    • Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article.
      • Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision.
    • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal.
      • Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation.
      • Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.
  • L’exercice du droit du débiteur
    • L’article R. 611-35 du Code de commerce prévoit que l’obtention d’un délai de grâce par le débiteur suppose le respect d’une certaine procédure
      • La saisine du Président du Tribunal
        • le débiteur assigne le créancier poursuivant ou l’ayant mis en demeure devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation.
        • Celui-ci statue sur les délais en la forme des référés après avoir recueilli les observations du conciliateur ou, le cas échéant, du mandataire à l’exécution de l’accord.
        • La demande est, le cas échéant, portée à la connaissance de la juridiction saisie de la poursuite, qui sursoit à statuer jusqu’à la décision se prononçant sur les délais.
        • La décision rendue par le président du tribunal est communiquée à cette juridiction par le greffier.
        • Elle est notifiée par le greffier au débiteur et au créancier et communiquée au conciliateur si celui-ci est encore en fonction ou, le cas échéant, au mandataire à l’exécution de l’accord.
      • La notification de la décision au créancier
        • Le créancier mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 611-7 est informé par le greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la conclusion de l’accord dès sa constatation ou son homologation ainsi que de toute décision mettant fin à la procédure de conciliation.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord est portée à la connaissance du créancier selon les mêmes modalités.

==> Deuxième levier : l’obtention de remises de dettes des créanciers publics

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes.

Ces remises de dettes sont encadrées par plusieurs règles édictées aux articles L. 626-6 du Code de commerce

Il ressort de ces articles que deux sortes de remises de dettes doivent être distinguées : les remises de dettes consenties par les administrations financières et celles consenties par les autres administrations publiques.

  • Les remises de dettes consenties par les administrations autres que financières
    • Les conditions d’octroi de la remise de dette
      • L’article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les remises de dettes consenties par une administration autre que financière doivent être effectuées dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation.
    • Les dettes visées
      • L’article D. 626-10 précise que les dettes susceptibles d’être remises correspondent :
        • Aux pénalités, intérêts de retard, intérêts moratoires, amendes fiscales ou douanières, majorations, frais de poursuite, quel que soit l’impôt ou le produit divers du budget de l’Etat auquel ces pénalités ou frais s’appliquent
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite, pénalités et amendes attachés aux cotisations et contributions sociales recouvrées par les organismes de sécurité sociale et par les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite et pénalités attachés aux contributions et cotisations recouvrées par Pôle emploi pour le compte de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage
        • Aux cotisations et contributions sociales patronales d’origine légale ou conventionnelle qu’un employeur est tenu de verser au titre de l’emploi de personnel salarié
        • Aux droits au principal afférents aux seuls impôts directs perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales
        • Aux créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine, aux redevances domaniales, aux redevances pour services rendus et aux autres produits divers du budget de l’Etat.
      • Les remises de dettes sont consenties par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin sur les droits et les sommes dus au principal. Les dettes dues au principal ne peuvent pas faire l’objet d’une remise totale
    • L’exigibilité de la dette
      • Conformément à l’article D. 626-11 du Code de commerce peuvent être remises les dettes exigibles à la date de réception de la demande de remise, valant saisine de la commission mentionnée à l’article D. 626-14, et dues aux administrations, organismes et institutions mentionnés à l’article D. 626-9.
    • La forme de la demande de remise de dette
      • L’article D. 626-12 du Code de commerce prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation, le débiteur ou le conciliateur saisit, y compris par voie dématérialisée, la commission mentionnée à l’article D. 626-14 de la demande de remise de dettes.
      • Cette saisine a lieu, sous peine de forclusion, dans un délai de deux mois à compter de la date d’ouverture de la procédure
      • Cette demande est accompagnée
        • De l’état actif et passif des sûretés ainsi que de celui des engagements hors bilan
        • Des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible
        • Du montant des dettes privées. Les dettes privées correspondent à l’ensemble des concours consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
      • Elle peut être utilement complétée par tous documents, notamment
        • Un plan de trésorerie prévisionnel
        • Un état prévisionnel des commandes
        • Le montant des remises sollicitées ou obtenues auprès des créanciers privés.
    • La recevabilité de la demande
      • L’article D. 626-15 du Code de commerce dispose que les remises de dettes ont pour objet de faciliter la restructuration financière de l’entreprise en difficulté, la poursuite de son activité économique et le maintien de l’emploi.
      • Plusieurs conditions doivent donc être remplies pour que la demande de remise de dette soit recevable :
        • La remise de dettes n’est pas justifiée dès lors que l’entreprise n’est plus viable.
        • Elle ne doit pas représenter un avantage économique injustifié pour l’entreprise bénéficiaire.
        • Les efforts des créanciers publics sont coordonnés avec ceux des autres créanciers en vue de faciliter le redressement durable de l’entreprise et permettre le recouvrement de recettes publiques futures.
        • La recevabilité de la demande de remise est subordonnée à la constatation que le débiteur, ou, s’il est une personne morale, ses organes ou ses représentants, n’a pas fait l’objet depuis au moins dix ans d’une condamnation définitive pour l’une des infractions sanctionnées par les articles L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8224-3 et L. 8224-5 du code du travail
    • L’examen de la demande
      • Il est effectué en tenant compte de plusieurs critères :
        • Les efforts consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les efforts financiers consentis par les actionnaires et les dirigeants
        • La situation financière du débiteur et des perspectives de son rétablissement pérenne
        • Le comportement habituel du débiteur vis-à-vis des créanciers mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les éventuels autres efforts consentis par ces créanciers portant sur les cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés ou les délais de paiement déjà accordés.
  • Les remises de dettes consenties par les administrations financières
    • Deux sortes d’impôt susceptibles de faire l’objet d’une remise de dette doivent être distinguées :
      • S’agissant des impôts directs, les administrations financières peuvent remettre l’ensemble des sommes perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l’Etat dus par le débiteur.
      • S’agissant des impôts indirects perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales, seuls les intérêts de retard, majorations, pénalités ou amendes peuvent faire l’objet d’une remise.

==> Troisième levier : la limitation de la responsabilité des créanciers

  • Avant 2005 : le principe de responsabilité des créanciers pour soutien abusif
    • Antérieurement à 2005, lorsqu’un créancier accordait des facilités de paiement au débiteur, alors même qu’il le savait en difficulté, il était susceptible d’être poursuivi pour soutien abusif sur le fondement de la responsabilité pour faute.
    • La jurisprudence estimait qu’un tel concours était susceptible de créer chez le débiteur l’apparence d’une solvabilité, ce qui dès lors pouvait avoir pour conséquence d’occasionner aux autres créanciers un préjudice qui aurait pu être évité s’ils ne s’étaient pas mépris sur la situation financière réelle de l’entreprise.
    • La menace de cette sanction n’était, manifestement, pas de nature à inciter les créanciers à conclure un accord amiable avec le débiteur, le risque qu’une action en responsabilité civile soit engagée à leur endroit étant pour le moins dissuasif.
  • La loi du 26 juillet 2005 : l’instauration d’un principe d’irresponsabilité
    • En raison de cette menace qui pesait sur les créanciers, le législateur est intervenu en 2005.
    • Plus précisément, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, il a inséré un article L. 650-1 dans le Code de commerce qui prévoyait que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »
    • Cette limitation de la responsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur a été analysée par certains comme constituant une entorse au principe de responsabilité pour faute. Or il s’agit là d’un principe constitutionnel.
    • La saisine du Conseil constitutionnel qui a dès lors été saisi ( const. n° 2005-522, 22 juill. 2005).
    • Le requérant soutenait que l’article L. 650-1 du Code de commerce « annihile quasiment toute faculté d’engager la responsabilité délictuelle des créanciers pour octroi ou maintien abusif de crédit» de telle sorte « qu’elle méconnaîtrait tant le principe de responsabilité que le droit au recours ».
    • Dans une décision du 22 juillet 2005, les juges de la rue de Montpensier répondent à cette critique en avançant que « si la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par les dispositions de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes desquelles : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, cette exigence ne fait pas obstacle à ce que, en certaines matières, pour un motif d’intérêt général, le législateur aménage les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée»
    • Le Conseil constitutionnel relève, en l’espèce, que :
      • D’une part, « le législateur a expressément prévu que la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté resterait engagée en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées » de sorte que « contrairement à ce qui est soutenu, il n’a pas supprimé cette responsabilité»
      • D’autre part, « en énonçant les cas dans lesquels la responsabilité des créanciers serait engagée du fait des concours consentis, le législateur a cherché à clarifier le cadre juridique de la mise en jeu de cette responsabilité». Or « cette clarification est de nature à lever un obstacle à l’octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté ; qu’elle satisfait ainsi à un objectif d’intérêt général suffisant »
    • Le Conseil constitutionnel déduit de ces deux constatations que la limitation de la responsabilité aux créanciers qui prêtent leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de conciliation ne « portent pas atteinte au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que doit être dès lors écarté le grief tiré de la violation de l’article 16 de la Déclaration de 1789»
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce est donc bien conforme à la constitution.
  • L’ordonnance du 18 décembre 2008 : le cantonnement du principe d’irresponsabilité
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a restreint le champ d’application du principe d’irresponsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur.
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce dispose désormais que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci »
    • La limitation de responsabilité prévue par cette disposition ne peut ainsi bénéficier qu’aux seuls créanciers qui ont prêté leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet :
      • Soit d’une procédure de sauvegarde
      • Soit d’une procédure de redressement judiciaire
      • Soit d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Est-ce à dire que les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur dans le cadre d’une procédure de conciliation ne pourront pas se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce ?
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • La procédure de conciliation débouche sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur pourront se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce
      • La procédure de conciliation ne débouche pas sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur s’exposent à des poursuites pour soutien abusif
        • Ils ne pourront pas se prévaloir d’une limitation de leur responsabilité au titre de l’article L. 650-1 du Code de commerce.
  • Les exceptions au principe d’irresponsabilité
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce prévoit trois exceptions au principe d’irresponsabilité dont jouissent les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur
      • La fraude
      • L’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
      • La disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
    • Si la lettre de l’article L. 650-1 du Code de commerce laisse à penser qu’il s’agit là de trois exceptions autonomes, lesquelles peuvent alternativement fonder la condamnation d’un créancier pour soutien abusif, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation quelque peu différente de ce texte.
    • Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a, en effet, estimé que pour engager la responsabilité du débiteur il convient de satisfaire à deux conditions cumulatives ( com., 27 mars 2012).
      • Première condition
        • Il convient d’établir l’existence d’un soutien abusif du créancier, soit d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil
        • Il peut être observé que cette condition n’est pourtant pas prévue par l’article L. 650-1 du Code de commerce.
      • Seconde condition
        • Il convient de rapporter la preuve, en plus de l’existence d’une faute :
          • Soit d’une fraude
          • Soit d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
          • soit d’une disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
        • Il s’agit là d’élément dont l’établissement est alternatif et non cumulatif.
        • Ce qui importe c’est que l’un d’eux soit établi en complément de la caractérisation d’une faute.

Schéma 6.JPG

  • La Cour de cassation a confirmé sa position dans deux arrêts rendus en 2014.
  • Dans ces décisions elle a notamment estimé que dès lors qu’il n’est pas établi que le créancier poursuivi pour soutien abusif avait commis une faute, il était inutile de rechercher s’il s’était immiscé dans la gestion du débiteur ( com., 11 févr. 2014) ou si les garanties consenties étaient disproportionnées (Cass. com., 28 janv. 2014)

Schéma 7.JPG

Schéma 8.JPG

==> L’octroi d’un privilège en cas d’ouverture subséquente d’une procédure collective

  • Le fondement du privilège de conciliation
    • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
    • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
    • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
    • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournissent un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation

==> La neutralisation des clauses dissuasives d’ouverture d’une procédure de conciliation

Deux mécanismes ont été instaurés par le législateur afin de protéger le débiteur contre les stipulations contractuelles qui aggraveraient la situation du débiteur en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation.

  • Premier mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 1er prévoit que, est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc
  • Second mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 2 prévoit que, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de ces procédures pour la quote-part excédant la proportion fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

II) Les effets de l’accord amiable

Lorsque le débiteur et ses créanciers parviennent à un accord, celui-ci produit un certain nombre d’effets.

Tandis que certains de ces effets seront communs à tous les accords de conciliation (2), d’autres dépendront du type de formalisation de l’accord, celui-ci pouvant faire l’objet, soit d’une simple constatation par le Président de la juridiction saisie, soit d’une véritable homologation judiciaire (1).

A) Les effets communs à tous les accords de conciliation

Si le conciliateur parvient à mener à bien sa mission cela devrait se traduire par la formalisation d’un accord de conciliation.

La conclusion de cet accord produira des effets :

  • D’une part, sur la situation du débiteur
  • D’autre part, sur la situation des créanciers
  • Enfin, sur la situation des garants
  1. La situation du débiteur
  • Les obligations du débiteur
    • En ce que l’accord de conciliation s’apparente à un contrat, il sera pourvu de la force obligatoire propre à n’importe quelle obligation contractuelle.
    • Il en résulte que le débiteur sera tenu de satisfaire les engagements qu’il a souscrits lors de la conclusion de l’accord.
    • Il devra, notamment, respecter les échéanciers qui ont été négociés par le conciliateur et procéder à la restructuration économique et sociale à laquelle il s’est engagé.
  • Les pouvoirs du débiteur
    • Sur l’entreprise
      • Ni l’ouverture d’une procédure de conciliation, ni la conclusion d’un accord n’a pour effet de dessaisir le débiteur du pouvoir de direction de son entreprise.
      • Nonobstant la désignation d’une conciliation, le débiteur demeure investi de ses pouvoirs d’administration et de disposition de sorte qu’il est libre d’accomplir tous les actes qu’il juge nécessaire pour l’exploitation de son entreprise.
    • Sur la procédure
      • Preuve que la procédure de conciliation ne saurait être imposée au débiteur, conformément à l’article R. 611-37 du Code de commerce, lorsqu’il en fait la demande « le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.»

2. La situation des créanciers

La conclusion de l’accord de conciliation produit trois effets sur la situation des créanciers partie à l’accord :

  • La suspension des poursuites
    • Principe
      • Introduit par l’ordonnance du 18 décembre 2014, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que « pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet».
      • Ainsi les créanciers qui ont consenti des délais de paiement ou des remises de dette au débiteur sont privés de la possibilité d’engager des poursuites contre lui une fois l’accord de conciliation conclu.
    • Créances visées
      • Il ressort de l’article L. 611-10-1 du Code de commerce que la suspension des poursuites ne concerne que les créances pour lesquelles le créancier a formellement consenti une remise ou un délai de paiement.
      • Pour les créances non prévues à l’accord, le créancier demeure libre de poursuivre le débiteur
  • L’interruption des délais
    • En contrepartie de la suspension des poursuites, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que l’accord de conciliation « interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l’accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l’accord. »
    • En cas de résolution de l’accord de conciliation, les créanciers conservent ainsi le droit de poursuivre le débiteur.
    • Le délai de prescription reprendra son cours au jour où l’accord a été conclu.
  • L’interdiction de l’anatocisme
    • Dernier effet de la conclusion de l’accord de conciliation sur la situation des créanciers : l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
    • Autrement dit, cela signifie que les intérêts échus des créances objet de l’accord ne peuvent être intégrés dans le capital aux fins de produire eux-mêmes des intérêts.
    • L’anatocisme est donc interdit
    • Le législateur a souhaité, par cette règle, ne pas aggraver la situation du débiteur.

3. La situation des garants

La question qui se pose ici est de savoir si le délai de paiement ou la remise de dette consentie au débiteur dans le cadre d’un accord de conciliation peut bénéficier aux garants ?

a) Le droit commun

En droit commun, deux situations doivent être distinguées :

  • Le délai de paiement est octroyé au débiteur par un juge
    • Dans cette hypothèse, dans la mesure où il s’agit d’une décision judiciaire, elle produit un effet individuel
    • Le délai de paiement ne bénéficie, en conséquence, qu’au seul débiteur
    • Aussi appartiendra-t-il aux garants de saisir eux-mêmes le juge, sur le fondement de l’article 1345-5 du Code civil, afin de bénéficier à leur tour d’un délai de grâce.
  • Un délai de paiement ou une remise de dette a été consenti conventionnellement au débiteur par le créancier
    • Dans cette hypothèse, nonobstant l’effet relatif des conventions, l’article 1350-2 du Code civil prévoit que « la remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires. »
    • Lorsque, de la sorte, un délai de paiement ou une remise de dette est consenti directement par le créancier au débiteur elle bénéficie immédiatement aux garants
    • Cette règle n’est autre que la manifestation du principe selon lequel l’accessoire suit le principal.
    • Le créancier s’oblige, dès lors, si l’éventualité se présentait, à poursuivre les garants dans les mêmes termes que le débiteur.

b) La procédure de conciliation

Deux périodes doivent être distinguées :

==> Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

La lecture de l’ancien article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce invitait à distinguer selon que l’on était en présence d’un accord seulement constaté ou selon que l’on était en présence d’un accord homologué :

  • S’agissant d’un accord homologué
    • L’article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce prévoyait que « les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué. »
    • Ainsi, les garants étaient-ils fondés à se prévaloir des délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur principal par les créanciers parties à l’accord.
  • S’agissant d’un accord constaté
    • L’article L. 611-10 al. 3 était silencieux sur cette question.
    • Devait-on en déduire que, dans cette hypothèse, les garants ne pouvaient pas bénéficier des délais de paiements et remises de dettes consenties au débiteur ?
    • La question a été posée à la Cour de cassation qui y a répondu dans un arrêt remarqué du 5 mai 2004 ( com. 5 mai 2004).
    • Dans cette décision, la chambre commerciale a estimé que, quand bien même l’accord était seulement constaté « la cour d’appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficiaient à la caution »

Cass. com. 5 mai 2004
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 9 mars 2001), qu'au mois de juin 1989, le Groupement des industries du transport et du tourisme (GITT) a lancé une émission d'obligations, divisée en deux emprunts, dont l'un à taux variable de 3 000 000 francs, était, en particulier, destiné au financement de la Banque d'entreprises financières et industrielles (BEFI) et garanti par celle-ci à hauteur de 60/300èmes ;

que cet emprunt était divisé en trois tranches A, B, C, venant à échéance respectivement les 17 juillet 1998, 17 juillet 1999 et 17 juillet 2000 ; que la sicav Rochefort court terme (devenue Chateaudun court terme) a acquis la totalité des obligations des tranches A et B, qu'elle a cédées à la Caisse centrale de réassurance (CCR) ; qu'à la suite du remboursement par la BEFI de sa quote-part, le GITT a utilisé les fonds pour assurer les besoins de trésorerie de la société Crédit touristique et des transports (C2T) ; que les obligataires des tranches concernées ont lors de l'assemblée générale du 27 juin 1995 refusé de ratifier les opérations de substitution de C2T à la BEFI dans l'engagement de garantie de l'emprunt ; que la CCR et la sicav Chateaudun ont, le 16 octobre 1997, assigné la BEFI aux fins de la voir déclarer garante, dans la limite de sa quote-part de 20 %, solidairement avec le GITT, du service en intérêts, principal et accessoires des tranches A et B de l'emprunt concerné ;

qu'entre-temps est intervenu entre le GITT d'une part, et la CCR et la sicav Chateaudun, d'autre part, un accord, homologué le 12 décembre 1997, par le tribunal dans le cadre d'une procédure de réglement amiable régie par les articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce ; que la BEFI a contesté sa garantie et sollicité la communication de l'accord ; que le tribunal a rejeté l'incident et dit que la BEFI était garante solidairement avec le GITT, à concurrence de sa quote-part, du service des tranches A et B de l'emprunt ; qu'en cause d'appel, la BEFI a réitéré son incident de communication de l'accord et a appelé en garantie le GITT ;

[…]

Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que la CCR fait grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable et mal fondée son action tendant à l'exécution ou, à défaut, à la reconnaissance de la garantie du remboursement d'une quote-part de l'emprunt obligataire par la BEFI, caution solidaire, alors, selon le moyen ;

1 / que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office la fin de non recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt de la société CCR à poursuivre la société BEFI, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de réglement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984 ;

qu'en déclarant l'action de la société CCR irrecevable, faute pour cette dernière de justifier de l'exigibilité de la dette du débiteur principal, quant elle avait pourtant constaté qu'à son échéance, l'emprunt n'avait été que partiellement remboursé, d'où il résultait, en vertu des stipulations contractuelles liant les parties, que la garantie de la société BEFI était due, nonobstant d'éventuels délais de paiement ou remises accordés au débiteur principal dans le cadre d'un accord de réglement amiable, susceptibles d'être opposés par la caution au créancier, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2036 du Code civil, ensemble les articles L. 611-4 du Code de commerce et 31 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la demande subsidiaire de la société CCR avait pour objet de faire juger que le remboursement anticipé, par la société BEFI, de sa quote-part de l'emprunt, n'avait pas eu pour conséquence de faire disparaître l'obligation de garantie ; que le créancier avait intérêt à ce que ce point, sur lequel les parties s'opposaient, soit tranché, ne serait-ce qu'à titre préventif, avant que la dette principale ne soit devenue exigible ;

qu'en déduisant dès lors l'irrecevabilité de la demande de ce que l'exigibilité de la dette principale n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, qui a examiné au fond la prétention, avant de la dire irrecevable, relève que "la CCR était parfaitement libre, dans le cadre du réglement amiable, de souscrire ou non à l'accord emportant restructuration de la dette, en accordant des remises ou des délais au débiteur" ; qu'il retient que la CCR ne peut, sans déséquilibrer gravement l'économie des relations contractuelles et sans s'affranchir de son obligation de se comporter en partenaire loyal, exiger de sa co-contractante, garante, qu'elle a exclu de l'élaboration du plan, l'exécution de sa propre obligation ; qu'en l'état de ses énonciations, la cour d'appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d'un règlement amiable bénéficiaient à la caution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident

  • Faits
    • Une société, le GITT (groupement des industries du transport et du tourisme), a émis des obligations dont le remboursement était garanti par un établissement financier, la BEFI (Banque d’entreprises financières et industrielles).
      • Pour rappel, un emprunt obligataire est un instrument financier émis par une personne morale (Etat, collectivité publique, entreprise publique ou privée) qui reçoit en prêt une certaine somme d’argent de la part des souscripteurs des titres.
        • Une société A émet des obligations.
        • En contrepartie de la souscription à ces obligations les souscripteurs vont prêter de l’argent à la société émettrice à un certain taux défini lors de l’émission des obligations
        • La société qui a émis les obligations devra, par suite, rembourser les obligations à une certaine échéance !
        • C’est à ce stade de l’opération qu’intervient la caution : dans l’hypothèse où la société émettrice n’est pas en mesure de rembourser le prêt consenti par les souscripteurs d’obligations à l’échéance prévue, la caution est appelée en garantie
        • C’est ce qu’a fait la BEFI en l’espèce
      • À la suite de difficultés financières, la société le (GITT) a conclu un accord avec ses créanciers obligataires dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984.
      • La société a obtenu la restructuration de sa dette, et notamment l’octroi de remises et de délais de paiement.
      • Parmi les créanciers parties à cet accord figurait la CCR (Caisse centrale de réassurance) qui, après avoir ainsi accordé des délais et des remises au débiteur principal, avait ensuite fait jouer, à l’échéance initialement prévue, la garantie de la BEFI et ce, pour la totalité de la créance initiale.
      • C’est alors que la BEFI refuse de garantir la dette de la société émettrice d’obligations (le GITT).
  • Demande
    • La CCR, créancier obligataire, appelle la BEFI en garantie de la créance qu’elle détient à l’encontre du GITT.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 9 mars 2001, la Cour d’appel de Paris rejette la demande du créancier obligataire (la société CCR).
    • Les juges du fond relèvent que le créancier obligataire était libre d’accorder au débiteur principal des délais et remises de paiement, ce qu’il a fait
    • Il serait par conséquent déloyal de ne pas faire bénéficier de ces délais de paiement à la caution, alors que le créancier obligataire l’a exclu du plan.
  • Moyens des parties
    • La caution ne peut pas se prévaloir des délais et remises de paiement consentis au débiteur principal dans le cadre du règlement amiable, dans la mesure où elle n’en était pas partie.
    • La créance invoquée par le créancier obligataire était par conséquent parfaitement exigible à l’égard de la caution.
  • Problème de droit
    • Les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable peuvent-ils ou non bénéficier à la caution ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 mai 2004, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par le créancier obligataire.
    • La Cour de cassation estime dans cette décision que « les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficient à la caution».
    • Ainsi contredit-elle frontalement l’auteur du pourvoi principal qui soutenait dans la 2e branche du moyen que « la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et des délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984».
    • La Cour de cassation reprend ici à son compte le raisonnement de la Cour d’appel.
    • En effet, elle relève, à son tour, que :
      • Le créancier obligataire était parfaitement libre d’accorder des remises et délais de paiement au débiteur principal
      • Dans la mesure où elle a accepté de conclure un accord avec ce dernier, il serait déloyal que le créancier obligataire réclame le paiement de créancier à la caution, ce d’autant plus qu’elle l’a exclu de la procédure de règlement amiable
      • C’est la raison pour laquelle, selon la Cour de cassation, les remises et délais de paiement doivent bénéficier à la caution !!!
  • Analyse
    • Si l’on se reporte à l’ancien article 1287 du Code civil, il n’y, a priori, rien de surprenant dans cette décision.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoyait que « la remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions ».
    • Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier obligataire consent une remise de dette au débiteur principal, elle devrait, en toute logique, bénéficier à la caution.
    • Cette solution n’est, cependant, pas si évidente qu’il y paraît ; d’où la locution « à bon droit» auquel a recours la Cour de cassation qui, par cette formule, nous signale que la décision des juges du fond était pour le moins audacieuse.
    • Dans l’arrêt en l’espèce, nous sommes en présence d’un accord seulement constaté.
    • Or dans cette hypothèse l’ancien article L. 611-10, al. 3e ne réglait pas le sort des cautions du débiteur principal.
    • Qui plus est, en droit commun, lorsqu’un délai de paiement est octroyé par un juge, il s’agit là d’une décision qui ne bénéficie qu’au seul débiteur en raison de l’effet strictement individuel des décisions de justice
    • La question que l’on était dès lors légitimement en droit de se poser était de savoir quel régime juridique appliquer au délai de paiement consenti au débiteur dans le cadre d’un accord amiable constaté ?
    • De deux choses l’une :
      • Soit l’on considère que l’accord constaté revêt une dimension judiciaire, dans la mesure où son efficacité est subordonnée à l’intervention d’un juge, auquel cas les délais de paiement consentis au débiteur ne sauraient bénéficier à la caution
      • Soit l’on considère que la nature contractuelle de l’accord constaté prime sur sa dimension judiciaire, auquel cas rien ne fait obstacle à ce que les garants puissent bénéficier des délais de paiements consentis au débiteur principal, conformément à l’article 1350-2 du Code civil.
    • La Cour de cassation a manifestement opté par la seconde solution en estimant que les délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur dans le cadre d’un accord constaté bénéficiait à la
    • Cette solution est radicalement opposée à celle qu’elle avait adoptée dans un arrêt du 13 novembre 1996 où elle avait estimé que « malgré leur caractère volontaire, les mesures consenties par les créanciers dans le plan conventionnel de règlement, prévu par l’article L. 331-6 ancien du Code de la consommation, ne constituent pas, eu égard à la finalité d’un tel plan, une remise de dette au sens de l’article 1287 du Code civil» ( 1ère civ. 13 nov. 1996).
    • Pour justifier sa décision, la Cour de cassation fonde son raisonnement en l’espèce sur le comportement du créancier.
    • Dans la mesure où celui-ci consent des remises ou délais de paiement au débiteur dans le cadre de la procédure de règlement amiable, il serait déloyal qu’il réclame à a caution le paiement de sa créance
    • Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère-t-elle implicitement qu’un créancier ne peut, après avoir participé à un règlement amiable, effectuer ensuite un acte – en l’espèce l’action en paiement dirigée contre la caution – dont la conséquence sera nécessairement, par le recours qu’il générera ultérieurement, une remise en cause de l’efficacité dudit règlement.
    • La Cour de cassation fait primer ici l’objectif législatif d’efficacité des procédures de traitement des difficultés du débiteur principal sur le principe d’indifférence à l’égard de la caution de l’ouverture d’une telle procédure.

Schéma 9.JPG

==> Après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

À l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a introduit un article L. 611-10-2  dans le Code de commerce qui prévoit que « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ainsi que des dispositions de l’accord constaté ou homologué. »

Il ressort de cette disposition que deux modifications ont été apportées par le législateur au régime juridique des garants du débiteur principal.

  • Première modification
    • L’article L. 611-10-2 uniformise la situation des garants et coobligés qu’il s’agisse d’un accord seulement constaté ou homologué.
    • Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer.
    • Dans les deux cas, ils bénéficient des délais de paiements et remises de dette consentis par les créanciers dans le cadre de l’accord de conciliation
  • Seconde modification
    • Antérieurement à la réforme de 2008, seules les cautions, les coobligés où les titulaires d’une garantie autonome pouvaient se prévaloir du délai de paiement ou de la remise de dette consenti au débiteur.
    • Désormais, l’article L. 611-10-2 vise toutes sortes de garanties, telles que la fiducie par exemple ou la technique de la délégation imparfaite.

B) Les effets propres à la formalisation de l’accord

  1. L’accord constaté par le Président du Tribunal
  • La force exécutoire de l’accord constaté
    • Aux termes de l’article L. 611-8 du Code de commerce « le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire.»
    • L’article R. 611-39 précise que « en application du I de l’article L. 611-8, l’accord des parties est constaté par une ordonnance du président du tribunal qui y fait apposer la formule exécutoire par le greffier. »
    • Aussi, cela signifie-t-il que, en cas d’inexécution de l’accord le créancier sera d’ores et déjà muni d’un titre exécutoire, ce qui lui permettra d’engager une procédure de recouvrement judiciaire de sa créance.
  • L’absence de cessation des paiements
    • La constatation de l’accord par le juge est conditionnée par la déclaration certifiée du débiteur qu’il n’était pas en cessation des paiements au moment de la conclusion de l’accord de conciliation, à tout le moins qu’il ne s’y trouve plus.
  • Publication et voies de recours
    • En raison de son caractère confidentiel, l’accord constaté ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité.
    • L’article R. 611-39 du Code de commerce prévoit en ce sens que des copies de l’accord ne peuvent être délivrées qu’aux parties et aux personnes qui peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord.
      • C’est là le principal avantage que procure ce type de formalisation de l’accord
    • Par ailleurs, il n’est susceptible d’aucune voie de recours.

2. L’accord homologué par le Président du Tribunal

==> Conditions de l’homologation

L’article L. 611-8 du Code de commerce subordonne l’homologation de l’accord de conciliation à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin
    • Ainsi, si l’absence de cessation des paiements n’est pas une condition d’ouverture de la procédure de conciliation, elle le devient lorsque l’on envisage une homologation de l’accord.
  • Les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise
    • Cette condition révèle l’intention du législateur de ne permettre aux seuls accords sérieux d’être homologués
  • L’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires
    • Cette condition tient au principe d’égalité des créanciers, en ce sens que l’accord de conciliation ne doit pas être un prétexte pour avantager certains créanciers au détriment de d’autres de façon disproportionnée.

==> Procédure d’homologation

  • Information des représentants du personnel
    • Aux termes de l’article L. 611-8-1 du Code de commerce le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés par le débiteur du contenu de l’accord lorsque celui-ci demande l’homologation.
  • Audition des personnes intéressées à l’accord
    • L’article L. 611-9 du Code de commerce prévoit que le tribunal statue sur l’homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil
      • Le débiteur
      • Les créanciers parties à l’accord
      • Les représentants du comité d’entreprise
        • À défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public.
      • L’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est entendu ou appelé dans les mêmes conditions.
      • Le tribunal peut entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile.
  • Notification de l’accord
    • Le jugement statuant sur l’homologation de l’accord est notifié par le greffier au débiteur et aux créanciers signataires de l’accord.
    • Il est communiqué au conciliateur et au ministère public.
    • Lorsque le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes, l’accord homologué est transmis à son commissaire aux comptes.
  • Publicité du jugement d’homologation
    • Contrairement à l’accord de conciliation seulement constaté par le Président du Tribunal compétent, l’accord homologué fait l’objet d’une mesure de publicité, ce qui n’est pas sans constituer une formalité dissuasive pour le débiteur qui souhaiterait que la procédure demeure discrète.
    • Toutefois, seul le jugement d’homologation est public, l’accord de conciliation en lui-même restant couvert par le sceau du secret.
    • L’article L. 611-10 du Code de commerce prévoit en ce sens le jugement d’homologation est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et fait l’objet d’une mesure de publicité.
    • Plus précisément, conformément à l’article R. 611-43 du Code de commerce Un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
    • Cette insertion contient l’indication
      • du nom du débiteur
      • de son siège
      • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
      • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
      • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
      • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
    • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
    • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
    • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
    • Il peut être observé que le jugement rejetant la demande d’homologation ne fait pas l’objet d’une publication.
  • Voies de recours
    • Le jugement d’homologation est susceptible d’appel de la part du ministère public et, en cas de contestation relative au privilège mentionné à l’article L. 611-11, de la part des parties à l’accord.
    • Il peut également être frappé de tierce opposition.
    • Quant au jugement rejetant l’homologation, il est également susceptible d’appel.

==> Effets de l’homologation

Lorsqu’il est homologué par le Président du Tribunal compétent l’accord de conciliation produit plusieurs effets :

  • La levée pour le débiteur de l’interdiction d’émettre des chèques
    • Aux termes de l’article L. 611-10-2 du Code de commerce l’accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant l’ouverture de la procédure de conciliation.
    • Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cette interdiction est levée sur les comptes afférents au patrimoine visé par la procédure.
    • L’article R. 611-45 précise que le débiteur justifie de la levée de l’interdiction d’émettre des chèques auprès de l’établissement de crédit qui est à l’origine de cette mesure par la remise d’une copie du jugement homologuant l’accord, à laquelle il joint un relevé des incidents de paiement.
    • L’établissement de crédit qui est à l’origine de l’interdiction informe la Banque de France de la levée de cette interdiction aux fins de régularisation.
  • L’octroi d’un privilège de conciliation pour le créancier
    • Le fondement du privilège de conciliation
      • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord de conciliation, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
      • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
      • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
      • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
      • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournisse un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation
  • La neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8, al. 2 et L. 641-1-IV du Code de commerce sauf cas de fraude, la date de cessation des paiements ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L. 611-8.
    • Cette neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements est source de sécurité pour les créanciers qui, s’ils participent à l’accord de conciliation, ne s’exposeront pas à ce que les actes qu’ils auront accomplis à la faveur du débiteur tombent sous le coup des nullités de la période suspecte.

III) La fin de l’accord amiable

Quatre causes distinctes sont susceptibles de mettre fin à l’accord de conciliation.

  • La demande du débiteur
    • Aux termes de l’article R. 611-37 du Code de commerce lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.
    • Il s’agit là d’un droit discrétionnaire qui a pour seule limite la cessation des paiements qui, si elle était constatée, obligerait le débiteur à la déclarer dans un délai de 45 jours, ce qui, par voie de conséquence, l’exposerait à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
  • La demande du conciliateur
    • L’article R. 611-36 du Code de commerce prévoit que le conciliateur peut demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission lorsqu’il estime indispensables les propositions faites par lui au débiteur en application du premier alinéa de l’article L. 611-7 et que celui-ci les a rejetées.
    • Toutefois, dès lors que l’accord a été conclu, il doit être exécuté à l’instar de n’importe quelle obligation contractuelle.
  • L’ouverture d’une procédure collective
    • Aux termes de l’article L. 611-12 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué en application de l’article L. 611-8.
    • Ainsi, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’accord constaté ou homologué devient caduc
    • En ce cas d’ailleurs, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 611-11.
  • L’inexécution de l’accord
    • L’article L. 611-10-3 prévoit que, en cas d’inexécution de l’accord, celui-ci fait l’objet d’une résolution.
      • Compétence
        • Lorsque l’accord est seulement constaté, c’est le Président du Tribunal saisi qui est compétent ( L. 611-10-3, al. 1er)
        • Lorsque l’accord a été homologué, cela relève de la compétence du Tribunal qui statue en formation collégiale ( L. 611-10-3, al. 2e)
      • Saisine de la juridiction compétente
        • L’article 611-10-3 du Code de commerce prévoit que la résolution peut être demandée par l’une des parties à l’accord constaté
        • Cela signifie que, tant les créanciers, que le débiteur ont qualité pour demander la résolution de l’accord.
        • Cette qualité à agir n’est manifestement pas reconnue au ministère public, ni au juge qui ne saurait se saisir d’office.
      • Exercice de la demande de résolution
        • Aux termes de l’article R. 611-46 du Code de commerce, la demande de résolution de l’accord constaté ou homologué présentée en application de l’article L. 611-10-3 est formée par assignation.
        • Toutes les parties à l’accord ainsi que les créanciers auxquels des délais de paiement ont été imposés en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ou du dernier alinéa de l’article L. 611-10-1 doivent être mis en cause par le demandeur, le cas échéant sur injonction du tribunal.
      • Publicité et notification du jugement
        • Le jugement rendu est communiqué au ministère public et notifié par le greffier aux créanciers mentionnés à l’alinéa précédent.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord homologué fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 611-43.
          • Pour mémoire, cette disposition prévoit que, un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
          • Cette insertion contient l’indication
            • du nom du débiteur
            • de son siège
            • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
            • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
            • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
            • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
          • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
          • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
          • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
      • Effets de la résolution
        • Il se déduit de la lettre de l’article 611-10-3 du Code de commerce que, une fois résolu, l’accord est anéanti rétroactivement.
        • Aussi, cela devrait conduire à une remise en l’état antérieur, soit à anéantir les remises de dettes où les sûretés qui auraient été constituées par les créanciers
        • L’article 611-10-3 précise d’ailleurs, le président du tribunal ou le tribunal qui décide la résolution de l’accord peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement
        • Quid du sort du privilège de conciliation ?
        • Si, la jurisprudence n’a encore apporté aucune réponse à cette question, la doctrine est plutôt favorable à son maintien.

Cautionnement et cause de l’engagement de la caution (Cass. com. 17 mai 2017)

Par un arrêt du 17 mai 2017, la Cour de cassation rappelle que, en matière de cautionnement, la cause de l’engagement de la caution réside dans l’existence d’une dette à garantir.

  • Faits
    • Une personne physique s’est rendue, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements d’une société à la faveur d’une banque
    • Par jugement du 3 juillet 2009, ladite société fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, laquelle sera convertie, par la suite, en liquidation judiciaire
    • Après avoir déclaré sa créance, le créancier met en demeure la caution de satisfaire à son engagement.
  • Demande
    • En réaction au refus de la caution de s’exécuter, la banque l’a assigné en paiement
    • Au soutien de sa défense, la caution argue que son engagement était sans cause, dans la mesure où, au jour où le cautionnement a été souscrit, la société garantie était insolvable.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 12 janvier 2015, la Cour d’appel de Bordeaux a fait droit à la demande de la banque
    • Les juges du fond estiment
      • d’une part, qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée
      • d’autre part, que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause
    • La Cour d’appel relève enfin que la caution était parfaitement avisée de ce que le débiteur principal avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution
    • Son engagement n’était donc nullement dépourvu de cause
  • Solution
    • la chambre commerciale casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation estime, en particulier au visa de l’article 1131 du Code civil – pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 (sic !) – que les motifs énoncés par la Cour d’appel au soutien de sa décision sont « impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective»
    • La haute juridiction considère, autrement dit, que la motivation des juges du fond est ici totalement inopérante, d’où le défaut de base légale…
    • Afin de déterminer si l’engagement de la caution était causé, il leur appartenait de s’intéresser, non pas à la situation du débiteur principal, soit à son insolvabilité, mais à l’existence d’une dette à garantir.
    • Pour la chambre commerciale, la cause de l’engagement de la caution ne réside donc pas dans le rapport caution-débiteur principal, mais dans le rapport caution créancier.
    • Cette solution vient assurément confirmer une jurisprudence désormais ancienne qui tendait à considérer que « dès lors que la dette que l’engagement de la caution a pour objet de garantir existe.», l’engagement de la caution est parfaitement causé (V. en ce sens 1re civ., 30 mai 1978).
    • Il s’agit là d’une approche purement objective de la cause dans le contrat de cautionnement.
    • On ne se préoccupe pas des motifs qui ont conduit la caution à s’engager, mais uniquement de l’existence d’une dette à garantir.

Cass. com. 17 mai 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles 1131 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et 2289 du même code ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 16 mai 2008, M. X… s’est rendu, dans une certaine limite, caution personnelle et solidaire des engagements de la société Alain Barrière au profit de la société Banque populaire Centre Atlantique, devenue Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (la banque) ; que le 3 juillet 2009, la société Alain Barrière a été mise en redressement judiciaire, lequel a été converti le 21 juillet suivant en liquidation judiciaire ; que la banque a déclaré sa créance, puis mis la caution en demeure de payer ; que le 12 décembre 2009, M. X… s’est, dans une certaine limite, rendu caution solidaire au profit de la banque ; qu’assigné en paiement, M. X… a demandé que soit prononcée, pour absence de cause, la nullité de son engagement du 12 décembre 2009 ; que le fonds commun de titrisation « Hugo créance 3 », représenté par la société de gestion GTI Asset management, est venu aux droits de la banque en vertu d’une cession de créances ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X… et le condamner à payer à la banque la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées, l’arrêt énonce qu’il n’est pas interdit de se porter caution d’un débiteur dont l’insolvabilité est avérée et que le fait d’écarter l’erreur prétendue de la caution sur la situation financière de la cautionnée, dès lors que l’existence de la dette principale est constante, équivaut à éliminer l’absence de cause, puis retient qu’il doit en être déduit que, M. X… étant parfaitement avisé de ce que sa société avait fait l’objet d’un jugement de liquidation au moment où il a souscrit son engagement de caution, celui-ci n’était pas dépourvu de cause ;

Qu’en se déterminant par ces motifs, impropres à caractériser, en l’absence d’un avantage consenti par le créancier, la cause de l’engagement souscrit par M. X… après le prononcé de la liquidation judiciaire du débiteur principal en garantie d’une dette antérieure à l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;



PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il dit que l’acte de cautionnement du 12 décembre 2009, postérieur à la liquidation judiciaire de la Société Alain Barrière, engageait M. Alain X… pour la somme de 100 000 euros, déboute ce dernier de ses contestations, fins et conclusions, le condamne, en sa qualité de caution de la Société Alain Barrière, à payer à la Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique la somme de 100 000 euros, correspondant au montant de son engagement de caution au titre du compte courant n° 1182947082 et des cessions de créances professionnelles impayées et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 12 janvier 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;

Les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation en matière de cautionnement sont écartées lorsque l’acte a été établi en la forme authentique (Cass. com. 14 juin 2017)

Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation a estimé que, lorsqu’un acte de cautionnement avait été établi en la forme authentique, les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation ne lui étaient pas applicables (Cass. com. 14 juin 2017, n°12-11.644)

  • Faits
    • Une société est demeurée impayée de plusieurs prestations qu’elle avait effectuées à la faveur d’une autre société
    • Elle assigne en référé son débiteur en paiement d’une provision
    • Finalement, un accord transactionnel est conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés
  • Demande
    • L’accord n’ayant pas été respecté, la société créancière assigne en paiement la caution, gérante de la société débitrice
    • Cette dernière soulève alors comme moyen de défense l’irrégularité de l’acte de cautionnement
  • Procédure
    • Par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour d’appel de Rouen a fait droit à la demande du créancier
    • Les juges du fond estiment que, dans la mesure où l’acte de cautionnement, avait été établi en la forme authentique, le formaliste prescrit par le Code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce
  • Solution
    • Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la caution.
    • La chambre commerciale considère que « les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu’il en est de même de celles de l’article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 »
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, dès lors qu’un cautionnement est établi sous la forme authentique, les dispositions du Code de la consommation qui commandent aux parties d’observer un formalisme rigoureux sont écartées.
    • Pour mémoire :
      • L’article L. 331-1 du Code de la consommation prévoit que :
        • Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
        • En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. ” »
      • L’article L. 331-2 du Code de la consommation dispose quant à lui que :
        • « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
        • ” En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.»
    • En l’espèce, il n’avait vraisemblablement pas été satisfait à ce formalisme par les parties ; d’où la ligne de défense de la caution.
    • L’argument avancé par cette dernière n’a, toutefois, pas convaincu la Cour de cassation qui a estimé que les exigences du Code de la consommation n’étaient pas applicable lorsque le cautionnement a été établi en la forme authentique.
    • La solution n’est pas nouvelle.
    • Dans un arrêt du 29 janvier 1991, la Cour de cassation avait adopté la même solution ( com. 29 janv. 1991).
    • Dans un arrêt du 11 décembre 1990 elle a encore considéré, après avoir rappelé que à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, lorsqu’un acte de cautionnement est souscrit par un commerçant, le formalisme de l’ancien article 1326 du Code civil devenu l’article 1376 n’est pas applicable à l’acte signé ( com. 11 déc. 1990).
      • Pour rappel, l’article 1376 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Aussi la solution retenue par la Cour de cassation dans le présent arrêt est rigoureusement conforme à la jurisprudence antérieure.
    • Qui plus est, elle se justifie par les garanties que confère la conclusion d’un acte authentique à ses signataires lesquelles garanties remplissent la même fonction que le formalisme imposé par le Code de la consommation ou le Code civil : l’information de la caution sur la portée de son engagement.

Cass. com. 14 juin 2017
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 octobre 2011), que la société Georges Vatinel et compagnie (la société Vatinel) a effectué pour la société La Maison d'Altair, dont Mme X... était la gérante, plusieurs prestations ; que restant impayée de celles-ci, la société Vatinel a assigné en référé la société La Maison d'Altair en paiement d'une provision ; qu'un accord a été conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés le 10 février 2010 ; qu'à défaut de paiement, la société Vatinel a assigné Mme X..., en sa qualité de caution ; que Mme X... s'est opposée à cette demande en soutenant que la société Vatinel ne produisait aucun acte de cautionnement valable ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de reconnaître sa qualité de caution et de la condamner, en cette qualité, à payer à la société Vatinel la somme de 16 672, 13 euros alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 341-2 du code la consommation est applicable à toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel ; qu'il est applicable au dirigeant de la société qui a la qualité de débiteur principal ; que la formule prévue par le texte est la seule qui puisse être utilisée ; que la règle est d'ordre public ; qu'en condamnant Mme X..., quand il résultait des énonciations mêmes de l'arrêt que le cautionnement n'avait pas été souscrit dans les conditions prévues par le texte et selon la formule qu'il institue, les juges du fond ont violé les articles L. 341-2, L. 341-3 du code de la consommation ;

2°/ que les articles 1326 et 2015 anciens du code civil, ou 2292 nouveau, du code civil, s'appliquent à la caution qui a le caractère de dirigeant réserve faite du cas où le dirigeant a personnellement la qualité de commerçant ; qu'à défaut d'écrit, le créance doit à tout le moins faire état d'un commencement de preuve par écrit et d'un complément de preuve, le
commencement de preuve par écrit ne pouvant être retenu que si, selon les juges du fond, il rend vraisemblable l'acte allégué ; qu'en s'abstenant de constater au cas d'espèce que la société Vatinel justifiait d'un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, ensemble au regard des articles 1326 du code civil, 2015 ancien du même code et 2292 nouveau du code civil ;

3°/ qu'à défaut de constater que Mme X... avait personnellement la qualité de commerçant, seule circonstance permettant d'invoquer à son égard la liberté de la preuve, les juges du fond ont à tout le moins entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce ;

Mais attendu que les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, ne s'appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu'il en est de même de celles de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'ayant relevé que l'ordonnance de référé du 10 février 2010 homologuait l'accord comportant mention de l'engagement de Mme X... de fournir une garantie personnelle, ce dont il résultait que l'engagement de Mme X..., en qualité de caution solidaire de la société Vatinel, recueilli dans une décision judiciaire, avait été constaté dans un acte authentique, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les constatations, inopérantes, invoquées par les deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;