Une association à but non-lucratif peut endosser la qualité de créancier professionnel (Cass. com. 27 sept. 2017)

Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation a admis qu’une association à but non-lucratif puisse endosser la qualité de professionnel. Elle vient ainsi apporter une précision intéressante sur le champ d’application du droit de la consommation et plus spécifiquement des règles relatives au formalisme du contrat de cautionnement.

==> Faits

Le 2 juin 2013, une société spécialisée dans le secteur du tourisme (agence de voyages) a adhéré à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme qui lui fournissait la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages.

Par des actes séparés du 14 avril 2003, les cogérants de la société adhérente se sont, chacun, rendu caution personnelle et solidaire de cet engagement envers l’association pour un montant correspondant au plafond de garantie et pour la durée d’un an tacitement renouvelable pour une ou plusieurs périodes successives de même durée

Après avoir démissionné de l’APST, la société a été, le 21 septembre 2004, mise en liquidation judiciaire

==> Demande

Assignation d’un de l’un des cogérants de la société par l’association en exécution de son engagement de caution

La caution oppose à l’association la nullité de son engagement issu de la tacite reconduction du 14 avril 2004, en raison de l’absence des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation (devenus respectivement L. 331-1 et L. 331-2 C. conso).

Autrement dit, cette dernière soutient que les formalités de forme exigées par le Code de la consommation n’ont pas été respectées de sorte que son engagement de caution est nul.

==> Procédure

Par un arrêt du 9 décembre 2014, la Cour d’appel de Toulouse a fait droit à la demande de l’association.

Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association avait agi sans but lucratif et se définissait à travers ses statuts comme un garant professionnel, elle ne pouvait, de ce fait, être considérée comme un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.

Aussi, l’engagement pris par les cautions était-il pleinement efficace, puisque le formalisme prescrit par le Code de la consommation en matière de cautionnement dans le cadre de relations entre un consommateur et un créancier professionnel n’était pas applicable en l’espèce.

En déniant à l’association la qualité de créancier professionnelle, la Cour d’appel valide donc l’engagement de caution pris par les cogérants de l’agence de voyages.

==> Solution

Par un arrêt du 27 septembre 2017, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa des anciens articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.

La Cour de cassation affirme que « « le créancier professionnel au sens de ces textes s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles »

Or elle relève que la créance garantie par le cautionnement du gérant de l’agence de voyages « était en rapport direct avec l’activité professionnelle qu’exerce, même sans but lucratif » l’association, l’activité de cette dernière consistant « à fournir sa garantie financière aux clients et fournisseurs de l’agence de voyages qu’elle compte parmi ses membres, lorsque l’agence, financièrement défaillante, est dans l’incapacité d’exécuter les prestations promises »

La chambre commerciale en déduit que l’association endossait bien la qualité de créancier professionnelle.

L’engagement pris par la caution n’était en conséquence pas valable, puisque souscrit en violation des règles de forme prescrites par le Code de la consommation.

==> Analyse

La position adoptée dans cet arrêt est conforme à la définition du professionnel telle que classiquement envisagée par la jurisprudence

Pour mémoire, le professionnel est celui qui ne relève, ni de la catégorie des consommateurs, ni de celle des non-professionnels.

La question qui alors se posait en l’espèce était de savoir si l’association était susceptible de rentrer dans l’une de ces deux catégories.

Pour le déterminer, la Cour de cassation s’appuie sur le critère du rapport direct.

  • La catégorie des consommateurs
    • Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, le Code de la consommation ne comportait aucune définition de la notion de consommateur, exceptée, depuis la loi du 1er juillet 2010, en matière de crédit à la consommation.
    • Le dispositif légal relatif aux clauses abusives est demeuré quant à lui dépourvu de définition.
    • Le législateur a fait le choix de ne pas reprendre celle prévue à l’article 2, b de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle»[1].
    • Il faut donc attendre la loi Hamon du 17 mars 2014 pour que le législateur se décide à adopter une définition du consommateur.
    • L’article 3 de cette loi a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole».
    • Au vrai cette disposition n’est autre qu’une transposition de l’article 2 de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.
    • Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette définition est que le législateur a opté pour une conception stricte du consommateur.
    • Cette qualité est désormais subordonnée à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la finalité de l’acte et, d’autre part, à la personne du contractant.
      • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
        • Le consommateur est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
        • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
        • Le texte ne règle pas, toutefois, la question de l’acte mixte, soit du contrat conclu à des fins toutes à la fois professionnelles et personnelles.
        • Dans pareille hypothèse, le 17e considérant de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 prévoit néanmoins qu’« en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur.»
      • Sur le critère relatif à la personne du contractant
        • L’article liminaire du Code de la consommation prévoit que seule une personne physique peut être qualifiée de consommateur.
        • Les personnes morales sont donc exclues du bénéfice de cette qualification.
        • Est-ce à dire que le droit de la consommation leur est inapplicable ?
        • Il ressort de la définition du non-professionnel que les personnes morales sont, à l’instar des personnes physiques, potentiellement éligibles à une application des dispositions consuméristes.
      • En raison de sa qualité de personne morale, l’association en l’espèce ne pouvait manifestement pas être qualifiée de consommateur.
      • Pouvait-elle endosser la qualité de non-professionnel ?
  • La catégorie des non-professionnels
    • Il ressort de la loi du 10 janvier 1978 que le consommateur n’est pas la seule personne à bénéficier du dispositif relatif aux clauses abusives.
    • Ce texte vise également le « non-professionnel».
    • Que doit-on entendre par là ?
    • Jusqu’à la loi Hamon du 14 mars 2016, le droit de la consommation est demeuré silencieux sur cette notion, de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de s’en saisir.
    • L’examen des décisions rendues en la matière révèle toutefois que la Cour de cassation a moins cherché à définir la notion de « non-professionnel» que de l’employer comme d’une catégorie balai lui permettant d’attraire dans le giron de la loi du 10 janvier 1978, des personnes qui ne pouvaient pas être qualifiées de consommateur, mais qui n’en étaient pas moins placées dans la même situation.
    • La qualification de non-professionnel a, de la sorte, servi de support textuel à la haute juridiction lorsqu’il lui a fallu justifier l’application du dispositif relatif aux clauses abusives aux personnes morales ou physiques ayant agi en dehors de leur domaine de spécialité.
    • L’adoption de cette approche n’a pas été sans soulever de difficultés. De deux choses l’une :
      • Soit l’on tient pour synonymes les termes « consommateur » et « non-professionnel » pour synonymes auquel cas on exclut d’emblée l’idée que le professionnel puisse bénéficier de la protection instaurée par le législateur, peu importe qu’il agisse en dehors de sa sphère de compétence lorsqu’il agit.
      • Soit l’on considère qu’il n’existe aucune synonymie entre les deux termes, auquel cas rien n’empêche que les personnes qui contractent dans le cadre de l’exercice de leur profession, mais en dehors de leur domaine de spécialité puissent bénéficier de la même protection que les consommateurs.
    • Les termes de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’une ou l’autre interprétation prime sur l’autre. La preuve en est, la position de la Cour de cassation qui a été très fluctuante sur cette question.
    • C’est dans ce contexte que la loi Hamon du 14 mars 2016 a été adoptée. Le législateur est intervenu dans le dessein, entre autres, de clarifier la situation.
    • Pour ce faire, il a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation dans lequel il définit le concept de « non-professionnel» aux côtés des notions de consommateur et de professionnel.
    • Cette disposition prévoit en ce sens que, « on entend par non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole»
    • Comme pour le consommateur, l’octroi de la qualité de « non-professionnel » est subordonné à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la personne du contractant et, d’autre part, à la finalité de l’acte.
      • Sur le critère relatif à la personne du contractant
        • Il ressort de la définition du non-professionnel que celui-ci ne peut être qu’une personne morale
        • Cela conduit dès lors à se poser la même question que pour la qualité de consommateur : les personnes physiques sont donc exclues du bénéfice de la qualification de « non-professionnel » ?
        • Si, les termes de l’alinéa 2 de l’article liminaire sont sans ambiguïté sur ce point, on ne saurait pour autant en déduire que le droit de la consommation leur est inapplicable.
        • Parce qu’elles disposent de la possibilité de se prévaloir de la qualité de consommateur, elles sont, de toute évidence, les premiers destinataires du dispositif de protection instauré par le législateur.
        • En toute hypothèse, en tant que personne morale, une association est parfaitement fondée à se prévaloir de la qualité de non-professionnel et donc à bénéficier de la protection du droit de la consommation.
      • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
        • Le non-professionnel est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
        • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelles circonstances une personne morale peut-elle être amenée à agir en dehors de l’exercice de son activité professionnelle.
        • Pour rappel, la capacité juridique des personnes morales est limitée à leur objet social.
        • Or leur objet social détermine le périmètre de leur activité professionnelle.
        • Au regard du principe de spécialité, comment envisager, dès lors, qu’une personne morale puisse agir en dehors du domaine de l’activité qui lui a été statutairement assignée ?
        • Cette situation est difficilement envisageable
        • On comprend alors mal la situation visée par le législateur.
        • Pour certains auteurs, les personnes morales qui répondraient à la qualification de « non-professionnels» ne seraient autres que celles qui exercent une activité non-lucrative, telles les associations, les syndicats ou encore les syndicats de copropriétaires.
        • L’arrêt rendu en l’espèce démontre en le contraire, puisque l’association qui agissait contre l’agence de voyages n’avait aucun but lucratif.
        • La Cour de cassation estime pourtant que cela ne faisait pas obstacle à ce qu’elle endosse la qualité de professionnel.
  • Le recours au critère du rapport direct
    • Pour conférer à l’association la qualité de professionnel, la Cour de cassation s’appuie sur le critère du rapport direct.
    • Ce critère n’est manifestement pas nouveau puisque déjà dans un arrêt du 24 janvier 1995 pour que la Cour de cassation subordonne l’application du dispositif relatif aux clauses abusives à l’absence de rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de celui qui se prévaut de la protection.
    • Elle a estimé en ce sens que « les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant» ( 1ère civ. 24 janv. 1995).
    • Dans un arrêt du 17 juillet 1996, elle précise que l’appréciation du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond ( 1ère civ., 17 juill. 1996).
    • Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.
    • Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.
    • Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.
    • Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.
    • La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.
    • C’est là, le principal critère utilisé par les juges.
    • L’arrêt rendu en l’espèce ne déjuge pas ce constat ; il le confirme.

Cass. com. 27 sept. 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 ;

Attendu que le créancier professionnel au sens de ces textes s’entend de celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 2 juin 2013, la société Tours Leader international (la société), représentée par ses cogérants, MM. Y... et X..., a adhéré à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST) qui lui fournissait la garantie financière prévue par l’article L. 211-18 II (a) du code du tourisme, nécessaire à l’obtention de la licence d’agent de voyages ; que par des actes séparés du 14 avril 2003, MM. Y... et X... se sont, chacun, rendus caution personnelle et solidaire de cet engagement envers l’APST pour un montant correspondant au plafond de garantie et pour la durée d’un an tacitement renouvelable pour une ou plusieurs périodes successives de même durée ; qu’après avoir démissionné de l’APST, la société a été, le 21 septembre 2004, mise en liquidation judiciaire ; qu’après avoir déclaré sa créance, qui a été admise, au titre de la mise en oeuvre de sa garantie financière, l’APST a assigné en exécution de son engagement de caution M. X..., lequel a opposé la nullité de son engagement issu de la tacite reconduction du 14 avril 2004, en raison de l’absence des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

Attendu que pour condamner M. X... à payer à l’APST la somme de 99 092 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, l’arrêt, après avoir constaté que l’APST est une association, constituée conformément à la loi du 1er juillet 1901, qui regroupe en son sein des agences de voyage et toute entreprise et organisme intervenant dans le secteur d’activité du tourisme et que ses statuts, agréés par le ministère du tourisme et par le ministère de l’économie et des finances, lui permettent d’agir en qualité d’organisme de garantie collective visé au titre 1 du livre II du code du tourisme, retient que l’APST, qui agit sans but lucratif et se définit à travers ses statuts comme un garant professionnel, ne peut, de ce fait, être considérée comme un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la créance garantie par le cautionnement de M. X... était en rapport direct avec l’activité professionnelle qu’exerce, même sans but lucratif, l’APST et qui consiste à fournir sa garantie financière aux clients et fournisseurs de l’agence de voyages qu’elle compte parmi ses membres, lorsque l’agence, financièrement défaillante, est dans l’incapacité d’exécuter les prestations promises, de sorte que l’APST est un créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne M. X... à payer à l’Association professionnelle de solidarité du tourisme la somme de 99 092 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009 et en ce qu’il statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 9 décembre 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

TEXTES

Code de la consommation

Article liminaire

Pour l’application du présent code, on entend par :

  • consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ;
  • non-professionnel : toute personne morale qui n’agit pas à des fins professionnelles ;
  • professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel.

Article L331-1

Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. »

Article L331-2

Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

« En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X ».

[1] Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31993L0013.

 

 

Le droit à l’ouverture d’un compte bancaire (droit au compte)

I) Liberté contractuelle et droit au compte

La liberté contractuelle autorise, en principe, le banquier à contracter avec qui il souhaite. Cette liberté qui lui est reconnue se justifie d’autant plus que la relation bancaire est empreinte d’un fort intuitu personae. Aussi, cela explique-t-il pourquoi un établissement bancaire peut décider discrétionnairement de consentir ou de refuser des crédits à ses clients.

Est-ce à dire que ce pouvoir dont jouit le banquier de choisir son contractant est un droit absolu ? La question s’est notamment posée s’agissant du droit de refuser à un client l’ouverture d’un compte. Deux arguments ont été avancés pour dénier cette faculté aux établissements bancaires.

  • Premier argument, il a été soutenu que, compte tenu du caractère indispensable pour les agents de l’ouverture d’un compte bancaire, la fourniture de ce service s’apparenterait à une mission de service public.
    • Aussi, appartiendrait-il aux banques d’assurer cette mission.
    • Cette obligation pesant sur elles, constituerait, au fond, l’une des contreparties au monopole qui leur est consenti.
  • Second argument d’aucuns ont été tentés d’avancer que le refus opposé par le banquier à un client en réponse à une demande d’ouverture de compte bancaire tomberait sous le coup de l’article L. 121-11 du Code de la consommation qui « interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime»
    • Il s’agirait donc là d’une pratique commerciale prohibée
    • Bien que séduisant, cet argument ne saurait toutefois prospérer.
    • Il ressort de l’article L. 511-4 du Code monétaire et financier que les dispositions relatives aux pratiques individuelles restrictives de concurrence ne sont pas applicables aux opérations de banque.

Manifestement, l’examen de ces arguments révèle qu’aucun d’eux n’est véritablement opérant. Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à intervenir pour consacrer un droit au compte bancaire.

II) La reconnaissance d’un droit au compte

Cette consécration s’est faite dans le cadre de l’adoption de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit.

Le droit au compte est désormais codifié à l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit en substance que « toute personne physique ou morale domiciliée en France dépourvue d’un compte de dépôt a droit à l’ouverture d’un tel compte dans l’établissement de crédit de son choix. »

L’exercice de ce droit est toutefois subordonné à la réunion de plusieurs conditions.

III) Les conditions d’exercice du droit au compte

==> Une personne physique ou morale

  • Les personnes éligibles au droit au compte
    • Tant les personnes physiques que les personnes morales sont éligibles au droit au compte bancaire.
      • S’agissant des personnes morales, pour exercer leur droit au compte, elles doivent nécessairement être domiciliées en France
      • S’agissant des personnes physiques, il peut s’agir
        • d’une personne domiciliée en France
        • d’une personne résidant légalement sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne n’agissant pas pour des besoins professionnels
        • d’une personne de nationalité française résidant hors de France.
  • Les personnes exclues du droit au compte
    • Les personnes morales non domiciliées en France
    • Les personnes physiques résidant sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne agissant pour des besoins professionnels
    • Les personnes physiques de nationalité étrangère qui ne résident pas sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne

==> L’absence de titularité d’un autre compte

Pour exercer son droit au compte, encore faut-il que le demandeur ne soit pas titulaire d’un autre compte

C’est la raison pour laquelle il devra, lorsqu’il formulera sa demande, remettre à l’établissement bancaire choisi une attestation sur l’honneur de non-détention d’un autre compte de dépôt.

IV) La décision de la banque

Deux options s’offrent à la banque lorsqu’un client formule une demande d’ouverture de compte : soit elle accède à sa demande, soit elle la refuse.

==> L’acceptation de la banque

Lorsque la banque accède à la demande du client, l’article L. 312-1-II, al. 3 du Code monétaire et financier prévoit que :

  • D’une part, s’il est en situation de fragilité financière – notamment eu égard le montant de ses ressources – il doit se voir proposer une offre spécifique qui comprend :
    • des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois
    • des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
  • D’autre part, l’établissement procède à l’ouverture du compte de dépôt demandée par le client au plus tard dans les six jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet.

==> Le refus de la banque

L’établissement peut rejeter la demande d’ouverture de compte au motif que le demandeur peut bénéficier d’un compte de dépôt selon la procédure du droit au compte

En cas de refus, plusieurs obligations pèsent sur l’établissement bancaire :

  • Obligation, lorsque l’établissement bancaire oppose un refus à une demande écrite d’ouverture de compte de dépôt de fournir gratuitement une copie de la décision de refus au demandeur sur support papier et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse (art. R. 312-3 CMF).
  • Obligation de fournir au demandeur gratuitement, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, les motifs du refus d’ouverture d’un compte bancaire en mentionnant, le cas échéant, la procédure de droit au compte (art. L. 312-1, II CMF)
  • Obligation de fourniture au demandeur systématiquement, gratuitement et sans délai, sur support papier, et sur un autre support durable lorsque celui-ci en fait la demande expresse, une attestation de refus d’ouverture de compte (art. L. 312-1, III CMF)
  • Obligation d’information de l’intéressé qu’il peut demander à la Banque de France de lui désigner un établissement de crédit pour lui ouvrir un compte (art. L. 312-1, III CMF)
  • Obligation de proposer, s’il s’agit d’une personne physique, d’agir en son nom et pour son compte en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte (art. L. 312-1, III CMF).

MODÈLE DE LETTRE DE REFUS D'OUVERTURE DE COMPTE
Au recto
Madame, Monsieur,
Vous avez souhaité ouvrir un compte de dépôt dans notre établissement.
Cependant, nous sommes au regret de vous informer que nous ne donnons pas une réponse favorable à votre demande.
Nous vous informons, toutefois, que dans le cas où vous ne disposeriez d'aucun compte de dépôt, il vous est possible, conformément à la législation sur le droit au compte, de prendre contact avec la Banque de France la plus proche de votre domicile, à l'adresse suivante :
Nous vous informons également que nous pouvons effectuer cette démarche, en votre nom et pour votre compte, auprès de la Banque de France si vous êtes une personne physique et si vous le souhaitez, après fourniture d'une pièce d'identité comprenant une photographie et d'un justificatif de domicile.
La Banque de France vous désignera d'office un établissement, qui gérera votre compte.
Dans ce cas, vous bénéficierez automatiquement de la part de l'établissement ainsi désigné d'un ensemble de services bancaires gratuits dont vous trouverez ci-joint la liste.
Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, à l'assurance de nos sentiments distingués.
Banque X
Au verso
Procédure à suivre pour l'exercice du droit au compte :
Le code monétaire et financier (art.L. 312-1) prévoit que tout particulier ou toute entreprise, domicilié en France, dépourvu d'un compte de dépôt, a droit à l'ouverture d'un tel compte dans une banque.
Si vous n'avez pas de compte de dépôt et que vous n'avez pas réussi à en obtenir un, l'établissement qui a refusé de vous en ouvrir un vous remettra gratuitement cette lettre de refus.
Muni de ce document, ainsi que d'une déclaration sur l'honneur indiquant que vous n'avez pas d'autre compte de dépôt, d'une pièce d'identité comportant une photographie et d'un justificatif de domicile, vous pouvez vous rendre au guichet de la Banque de France le plus proche de votre domicile qui désignera d'office un établissement où un compte de dépôt vous sera ouvert selon la procédure du droit au compte.
Si vous êtes une personne physique, vous pouvez également demander à l'établissement qui a refusé de vous ouvrir un compte d'effectuer en votre nom et pour votre compte cette démarche auprès de la Banque de France. Si vous le souhaitez, il pourra vous informer de cette décision.
Vous bénéficierez alors des services bancaires gratuits suivants, liés à l'exercice du droit au compte (art.D. 312-5 et D. 312-6 du code monétaire et financier) :
? l'ouverture, la tenue et la fermeture du compte ;
? un changement d'adresse par an ;
? des relevés d'identité bancaire, en cas de besoin ;
? la domiciliation de virements bancaires ;
? l'envoi mensuel d'un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
? la réalisation des opérations de caisse ;
? l'encaissement de chèques et de virements bancaires ;
? les dépôts et les retraits d'espèces au guichet de l'organisme qui tient le compte ;
? les paiements par prélèvement, titre interbancaire de paiement ou virement bancaire ;
? des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
? une carte de paiement dont chaque utilisation est autorisée par l'établissement de crédit qui l'a émise ;
? deux chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalent offrant les mêmes services.
Vous devez être prévenu, ainsi que la Banque de France, par une lettre motivée, de toute décision de fermeture de ce compte prise à l'initiative de l'établissement désigné par la Banque de France. Un délai de quarante-cinq jours doit vous être accordé avant la fermeture effective de votre compte de dépôt.

V) La saisine de la banque de France

La saisine de la banque de France peut être effectuée par 3 catégories de personnes :

  • La personne dont la demande d’ouverture d’un compte de dépôt a été refusée
  • L’établissement bancaire qui a refusé l’ouverture d’un compte de dépôt dans ses livres
    • Dans cette hypothèse, la banque agir au nom et pour le compte du demandeur en transmettant la demande de désignation d’un établissement de crédit à la Banque de France ainsi que les informations requises pour l’ouverture du compte
  • Le département, la caisse d’allocations familiales, le centre communal ou intercommunal d’action sociale dont cette personne dépend, une association ou encore une fondation à but non lucratif dont l’objet est d’accompagner les personnes en difficulté ou de défendre les intérêts des familles ou une association de consommateurs agréée
    • Là aussi, ces organismes transmettront au nom et pour le compte du demandeur la demande de désignation et les pièces requises à la Banque de France

VI) La désignation par la banque de France d’un établissement bancaire

  • Principe de désignation
    • Conformément à l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier, en cas de refus de la part de l’établissement choisi d’ouvrir un compte de dépôt à une personne éligible à la procédure de droit au compte, elle peut saisir la banque de France, afin qu’elle lui désigne un établissement de crédit en considération de plusieurs critères.
  • Critères de désignations
    • La désignation d’un établissement bancaire par la banque de France doit être effectuée en fonction de deux critères
      • D’une part, l’établissement désigné doit se situer à proximité du domicile du demandeur ou d’un autre lieu de son choix
      • D’autre part, la banque de France doit prendre en compte les parts de marché de chaque établissement susceptibles d’être désignés.
  • Condition de la désignation
    • Pour se voir désigner un établissement bancaire, le demandeur doit se munir de plusieurs documents justificatifs dont l’absence de production constitue une fin de non-recevoir :
      • L’attestation de refus d’ouverture de compte par le premier établissement sollicité
      • Une déclaration sur l’honneur de non-détention d’un autre compte de dépôt
      • Une pièce d’identité comportant une photographie
      • Un justificatif de domicile.
    • Il peut être noté que l’établissement désigné par la Banque de France procédera à l’examen systématique des justificatifs requis par la réglementation et pourra, le cas échéant, demander au client de lui fournir des documents complémentaires en application des obligations lui incombant en termes de connaissance du client, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux.
  • Moment de la désignation
    • Quel que soit le canal utilisé, la Banque de France désigne l’établissement de crédit dans un délai d’un jour ouvré à réception du dossier complet.
  • Modalités de la désignation
    • La Banque de France informe dans ce délai l’agence désignée (par télécopie ou courriel avec confirmation courrier) et, le cas échéant, l’agence qui a lancé la procédure (utilisation du même support que l’envoi d’origine, télécopie ou courriel).
    • Ainsi
      • le demandeur recevra un courrier de la Banque de France l’informant notamment du nom et de l’adresse de l’établissement désigné pour ouvrir le compte
      • le demandeur aura également la possibilité d’obtenir cette information directement auprès de l’agence qui a lancé la procédure, s’il a autorisé cette communication sur le formulaire de demande de droit au compte.

VII) Les obligations de l’établissement bancaire désigné

Elles sont au nombre de trois :

  • En premier lieu, l’établissement désigné par la banque de France a l’obligation d’offrir gratuitement au demandeur du droit au compte des services bancaires de base.
    • Il est indifférent que le bénéficiaire soit inscrit :
      • Ou sur le fichier des interdits bancaires (FCC)
      • Ou sur le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP)
  • En deuxième lieu, l’article L. 312-1 du Code monétaire et financier précise que l’ouverture d’un compte de dépôt doit être effectuée dans les trois jours ouvrés à compter de la réception de l’ensemble des pièces qui lui sont nécessaires à cet effet.
  • En troisième lieu, lors de l’ouverture du compte par l’établissement désigné par la Banque de France, le titulaire doit signer une convention de compte avec cet établissement.

VIII) Le contenu des services bancaires de base

Aux termes de l’article D. 312-5 du Code monétaire et financier, les services bancaires de base comprennent :

  • L’ouverture, la tenue et la clôture du compte ;
  • Un changement d’adresse par an ;
  • La délivrance à la demande de relevés d’identité bancaire ;
  • La domiciliation de virements bancaires ;
  • L’envoi mensuel d’un relevé des opérations effectuées sur le compte ;
  • L’encaissement de chèques et de virements bancaires ;
  • Les paiements par prélèvements SEPA, titre interbancaire de paiement SEPA ou par virement bancaire SEPA, ce dernier pouvant être réalisé aux guichets ou à distance;
  • Des moyens de consultation à distance du solde du compte ;
  • Les dépôts et les retraits d’espèces au guichet ou aux distributeurs automatiques de l’organisme teneur de compte ;
  • Une carte de paiement permettant notamment le paiement d’opérations sur internet et le retrait d’espèces dans l’Union européenne.
  • la réalisation des opérations de caisse ;
  • deux chèques de banque par mois ou moyens de paiement équivalents offrant les mêmes services.

IX) La résiliation de la convention de compte

  • Principe
    • L’établissement de crédit ne peut résilier unilatéralement la convention de compte de dépôt assorti des services bancaires de base, ouvert en application du droit au compte
    • Admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance le principe même du droit au compte
    • Toutefois, ce principe n’est pas sans limites
  • Exceptions
    • Les cas de résiliation unilatérale
      • L’établissement de crédit peut résilier la convention de compte d’un bénéficiaire du droit au compte si l’une au moins des conditions suivantes est remplie :
        • Le client a délibérément utilisé son compte de dépôt pour des opérations que l’organisme a des raisons de soupçonner comme poursuivant des fins illégales ;
        • Le client a fourni des informations inexactes ;
        • Le client ne répond plus aux conditions de domicile ou de résidence définies au I ;
        • Le client a ultérieurement ouvert un deuxième compte de dépôt en France qui lui permet d’utiliser les services bancaires de base ;
        • Le client a fait preuve d’incivilités répétées envers le personnel de l’établissement de crédit ;
        • L’établissement est dans l’une des situations prévues à l’article L. 561-8.
    • Les modalités de la résiliation unilatérale
      • L’exigence d’une double notification
        • Notification au client
          • Toute décision de résiliation à l’initiative de l’établissement de crédit fait l’objet d’une notification écrite motivée et adressée gratuitement au client.
          • L’établissement informe le client, au moment de la notification, de l’existence d’un service de relations avec la clientèle et de la médiation pour traiter les litiges éventuels liés à la résiliation de la convention de compte de dépôt.
        • Notification à la banque de France
          • La décision de résiliation à l’initiative de l’établissement est adressée, pour information, à la Banque de France.
      • Les cas de dispense de motivation
        • La décision de résiliation ne fait pas l’objet d’une motivation lorsque la notification est de nature à contrevenir aux objectifs de sécurité nationale ou de maintien de l’ordre public.
      • Le respect d’un délai de préavis
        • Un délai minimum de deux mois de préavis est octroyé au titulaire du compte, sauf dans les cas mentionnés au 1° et au 2°.

La sanction des clauses abusives

L’auteur d’une clause abusive encourt deux types de sanctions : une sanction judiciaire et une sanction administrative

I) La sanction judiciaire

La sanction susceptible d’être prononcée par le juge lorsqu’il constate le caractère abusif d’une clause varie selon que le demandeur à l’action est un consommateur ou une association

A) Le demandeur à l’action est un consommateur

Lorsque l’action est introduite par un consommateur, la sanction prononcée par le juge peut être de deux sortes : le réputé non-écrit de la clause abusive et l’octroi de dommages et intérêts

  • Le réputé non-écrit de la clause abusive
    • Tout d’abord, il peut être observé que le réputé non-écrit se distingue de la nullité, en ce qu’il n’est pas besoin de solliciter l’office du juge pour que la sanction soit efficace.
    • Le réputé non-écrit opère de plein droit, à supposer, d’une part, que le consommateur ait conscience du caractère abusif d’une clause et, d’autre part, qu’il en informe le professionnel.
    • Reste que, en cas de litige sur l’appréciation de caractère abusif d’une clause, le consommateur n’aura d’autre choix que de porter le litige devant le juge.
    • Ensuite, le réputé non-écrit a, notamment, pour conséquence de supprimer individuellement la clause abusive de l’acte, sans anéantir, pour autant, le contrat, pris dans sa globalité.
    • L’article L. 241-1 du Code de la consommation prévoit que « le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses. »
    • Toutefois, dans un arrêt du 15 mars 2012, la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas exclu la possibilité pour un État de prévoir que, en cas de stipulation d’une clause abusive, la sanction encourue soit la nullité du contrat dans son entier (CJUE, 15 mars 2012, aff. C-453/10, Perenic).
    • Les juges luxembourgeois ont affirmé que « l’article 6, § 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que, lors de l’appréciation du point de savoir si un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives peut subsister sans lesdites clauses, le juge saisi ne saurait se fonder uniquement sur le caractère éventuellement avantageux pour l’une des parties, en l’occurrence le consommateur, de l’annulation du contrat concerné dans son ensemble. Ladite directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoit, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur »
    • Quid dans l’hypothèse où la clause réputée non-écrite porte sur une obligation essentielle ? L’anéantissement de la clause abusive doit-il s’étendre à tout le contrat ?
    • Le nouvel article 1184, al. 2 du Code civil exclut cette possibilité. Il dispose que « le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite, ou lorsque les fins de la règle méconnue exigent son maintien. »
    • Ainsi, le contrat ne sera pas anéanti, quand bien même une clause portant sur une obligation essentielle serait réputée non-écrite.
  • La condamnation à des dommages et intérêts
    • La condamnation du professionnel au paiement de dommages et intérêts est subordonnée à la condition que le consommateur rapporte la preuve d’un préjudice réparable.
    • Il devra donc démontrer en quoi consiste son dommage et établir son caractère certain et personnel.

B) Le demandeur à l’action est une association

Lorsque c’est une association qui est demandeur à l’action, trois sortes de sanctions peuvent être prononcées par le juge

  • La suppression matérielle de la clause abusive
    • Il s’agit de l’hypothèse évoquée à l’article L. 621-2 du Code de la consommation aux termes duquel « les associations de consommateurs mentionnées à l’article L. 621-1 et agissant dans les conditions précisées à cet article peuvent demander à la juridiction civile, statuant sur l’action civile ou à la juridiction répressive, statuant sur l’action civile, d’ordonner au défendeur ou au prévenu, le cas échéant sous astreinte, toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites ou à supprimer une clause illicite dans le contrat ou le type de contrat proposé aux consommateurs ou dans tout contrat en cours d’exécution. »
    • Cette sanction consiste donc à supprimer la clause abusive d’un contrat non encore conclu.
    • Le juge va éradiquer matériellement la clause figurant dans un modèle de convention qui servira de base à la conclusion de contrats futurs.
  • La suppression juridique de la clause abusive
    • Cette sanction est prévue à l’alinéa 2 de l’article L. 621-2 du Code de la consommation.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que les associations « peuvent également demander, selon le cas, à la juridiction civile ou à la juridiction répressive de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques en cours d’exécution conclus par le défendeur ou le prévenu avec des consommateurs et de lui ordonner d’en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »
    • La sanction envisagée ici consiste, non pas à éradiquer une clause qui figure dans un contrat non encore conclu, mais à réputer non écrite une clause présente dans un contrat en cours d’exécution, soit qui produit déjà des effets.
    • La sanction est donc ici purement juridique. Elle consiste en l’anéantissement de la clause d’un contrat déjà formé.
  • La condamnation à des dommages et intérêts
    • Bien qu’aucun texte ne permette explicitement aux associations de solliciter la condamnation du professionnel au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice collectif subi par les consommateurs, dans un arrêt du 5 octobre 1999 la Cour de cassation a offert cette possibilité aux associations (Cass. 1re civ., 5 oct. 1999, n°97-17.559).
    • La première chambre civile a affirmé en ce sens que « une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l’octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs ».

Cass. 1re civ., 5 oct. 1999

Attendu que l’Union fédérale des consommateurs de l’Isère (UFC 38), agréée au sens de l’article L. 411-1 du Code de la consommation, a saisi les juridictions civiles afin de voir supprimer certaines des clauses du contrat type de vente utilisé par la société Emme ; que certaines de ces clauses ayant été déclarées illicites ou abusives, elle a sollicité des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par les intérêts collectifs des consommateurs ;

Sur le moyen unique pris en ses quatre premières branches :

Vu les articles L. 421-1 et L. 421-6 du Code de la consommation ;

Attendu que pour débouter l’UFC 38 de sa demande, la cour d’appel relève que l’article L. 421-6 du Code de la consommation sur lequel est fondée l’action de l’UFC ne prévoit pas en faveur des associations habilitées à exercer une action en suppression de clauses abusives, un droit à réparation et donc l’octroi de dommages-intérêts ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l’octroi de dommages-intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Et sur la cinquième branche du moyen : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 juin 1997, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.

II) La sanction administrative

  • Le prononcé d’une amende civile
    • Aux termes de l’article L. 241-2 du Code de la consommation « dans les contrats mentionnés à l’article L. 212-1, la présence d’une ou de plusieurs clauses abusives relevant du décret pris en application du quatrième alinéa de l’article L. 212-1 est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. »
  • Procédure de sanction
    • L’article R. 522-8 du Code de la consommation prévoit que :
      • Premièrement, préalablement au prononcé de la sanction prévue à l’article L. 531-6, le préfet ou, à Paris, le préfet de police informe par écrit, la personne mise en cause de la non-conformité à la réglementation du produit prélevé établie par l’essai ou l’analyse ainsi que de la sanction qu’il encourt.
      • Deuxièmement, une copie du rapport d’analyses ou d’essais est jointe au courrier.
      • Troisièmement, cette personne est mise à même de présenter ses observations, écrites ou orales, dans le délai d’un mois. Elle peut, le cas échéant, être assistée d’un conseil ou représentée par un mandataire de son choix. »
      • Quatrièmement, au terme de cette procédure, la personne mise en cause est informée de la décision motivée qui indique les voies et délais de recours.
  • Procédure de recouvrement
    • L’article R. 522-9 du Code de la consommation dispose que « le recouvrement est effectué à l’appui d’un titre de perception unique émis par le préfet et recouvré par le comptable public compétent, en application des dispositions des articles 23 à 28 et 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. »
  1. Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31993L0013. ?

La notion de société

==> Définition

L’article 1832 du Code civil dispose :

« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.

Aussi, ressort-il très clairement de cette définition que la société s’apparente à un contrat.

Est-ce à dire que la notion de contrat permet, à elle seule, de rendre compte de la nature de la société ?

Autrement dit, la société est-elle réductible à « un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » (Art. 1101 C. civ.) ?

Une rapide lecture de l’article 1832 permet d’en douter.

Cette disposition prévoit, en effet, à son alinéa 2, qu’une société « peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ».

Une société peut dès lors être créée en dehors du cadre de la formation d’un contrat. Sa création peut, en effet, procéder de l’accomplissement d’un acte unilatéral.

Qui plus est, comment la notion de contrat permet-elle d’appréhender la personnalité morale dont est susceptible d’être pourvue la société ?

La thèse du contrat ne permet pas, en effet, de rendre compte de la personnalité juridique dont jouit la société.

Ainsi, la question de la nature de la société se pose.

Deux qualifications sont classiquement débattues à ce sujet :

  • La qualification de contrat
  • La qualification d’institution

Qu’est-ce qu’une institution ?

Selon le doyen Houriou, une institution consiste en l’adhésion, par la majorité des membres d’un groupe de personnes, à une organisation sociale en vue de la poursuivre un intérêt commun.

==> La société : contrat ou institution ?

  • Arguments pour la qualification de contrat
    • L’article 1832 du Code civil vise expressément la qualification de contrat
    • L’acte fondateur de la société réside dans la manifestation de volonté des associés
    • L’autonomie de la volonté préside à l’élaboration du pacte social, en ce sens que les associés déterminent librement le contenu des statuts
    • La société peut être dissoute par le seul effet de la volonté des associés
    • Pour être valide, la société doit satisfaire aux mêmes exigences que celles posées en matière de contrat (capacité, consentement et objet)
  • Arguments pour la qualification d’institution
    • La société n’est pas un contrat, car il s’agit d’un acte multilatéral, voire unilatéral.
    • Le choix de la forme sociale (SARL, SNC, SA etc.) est rigoureusement encadré par la loi.
    • La constitution de la société doit satisfaire à un certain nombre d’exigences légales, de sorte que la validité d’une société n’est pas subordonnée à la seule manifestation de volonté des associés.
    • De nombreuses obligations d’origine légale s’imposent aux associés quant à la rédaction des statuts
    • La plupart des règles qui régissent le fonctionnement des assemblées et des organes de direction et de gestion sont d’ordre public
    • Une société ne saurait être instituée en vue de poursuivre une fin étrangère à celle prévue par la loi : le partage de bénéfices et/ou la réalisation d’économies.
    • La société est une personne morale.

Au total, il apparaît que les arguments qui plaident en faveur de la nature contractuelle de la société sont aussi nombreux que ceux qui mettent en exergue sa dimension institutionnelle.

Aussi, la société est probablement de nature hybride.

Comme le relèvent en ce sens des auteurs, « la société n’est tout à fait ni un contrat ni une institution mais une entité au sein de laquelle coexistent des règles contractuelles et des règles de type institutionnel » (MM. Mercadal et Janin, Sociétés commerciales, Mémento pratique F. Lefebvre, 1996, n° 27, p. 18).

Certains auteurs relèvent, néanmoins, l’émergence d’un mouvement de contractualisation de la société (V. en ce sens J.-P. Bertel, « Liberté contractuelle et sociétés – Essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des sociétés », RTD Com. 1996 p.595)

Les manifestations de l’émergence de ce mouvement sont multiples :

  • L’institution par la loi n° 94-1 du 3 janvier 1994 des sociétés par actions simplifiée, qui confère aux associés une grande liberté quant à l’organisation du fonctionnement des assemblées d’actionnaires et des organes de direction et de gestion.
  • Assouplissement des règles relatives à la conclusion de pactes d’actionnaires, lesquels permettent de parachever l’organisation de la société.

Il peut, par ailleurs, être observé que la Cour de justice de l’Union européenne participe à l’émergence de ce mouvement.

Dans un arrêt du 10 mars 1992, elle de la sorte affirmé que « les statuts d’une société doivent être considérés, pour l’application de la Convention de Bruxelles, comme un contrat régissant à la fois les rapports entre les actionnaires et les rapports entre ceux-ci et la société qu’ils créent » (CJUE, 10 mars 1992, Powell Duffryn plc c/ Wolfgang Petereit)

Pour conclure, il apparaît, comme le relève Thibaut Massart, que « les analyses contractuelle et institutionnelle se rejoignent sur un point. Pour l’une comme pour l’autre, la société est au fond un groupement organisé. Mais, pour l’analyse contractuelle, il s’agit d’un groupement organisé par le contrat, alors que pour l’analyse institutionnelle, il s’agit d’un groupement organisé par la loi » (Th. Massart, « le contrat de société », Rép. Droit des Sociétés)

==> La finalité de la société

Aux termes de l’article 1832 du Code civil, « La société est instituée […] en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Deux objectifs sont ainsi assignés par la loi à la société :

  • Le partage de bénéfices
  • Le partage de l’économie qui pourra en résulter.

Que doit-on entendre par bénéfices ?

La loi donne en donne plusieurs définitions :

  • L’article L. 232-11 du Code de commerce dispose que « le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l’exercice, diminué des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire.»
  • L’article 38, 2 du Code général des impôts définit, quant à lui, le bénéfice comme « la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l’impôt diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés. L’actif net s’entend de l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ».

En raison de leur trop grande spécificité, aucune de ces définitions légales des bénéfices ne permet de distinguer la société des autres groupements.

Pour ce faire, c’est vers la jurisprudence qu’il convient de se tourner.

Dans un célèbre arrêt Caisse rurale de la commune de Manigod c/ Administration de l’enregistrement rendu en date du 11 mars 1914, la Cour de cassation définit les bénéfices comme « tout gain pécuniaire ou tout gain matériel qui ajouterait à la fortune des intéressés ».

L’adoption d’une définition des bénéfices par la Cour de cassation procède, manifestement, d’une volonté de distinguer la société des autres groupements tels que :

  • Les groupements d’intérêt économique
  • Les associations

==> L’inclusion des groupements d’intérêt économique dans le champ de la qualification de société

Bien que la définition des bénéfices posée par la Cour de cassation ait le mérite d’exister, elle n’en a pas moins été jugée trop restrictive.

En estimant que les bénéfices ne pouvaient consister qu’en un gain pécuniaire ou matériel, cette définition implique que les groupements qui se sont constitués en vue, non pas de réaliser un profit, mais de générer des économies sont privés de la possibilité d’adopter une forme sociale.

Or la structure sociétaire présente de très nombreux avantages.

Aussi, afin de permettre aux groupements d’intérêt économique, dont l’objet est la réalisation d’économies, de se constituer en société, le législateur a-t-il décidé d’intervenir.

La loi du 4 janvier 1978 a, de la sorte, modifié l’article 1832 du Code civil en précisant qu’une société peut être instituée « en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »

Si, cet élargissement de la notion de société a permis aux groupements d’intérêt économique d’adopter une forme sociale, il a corrélativement contribué à flouer la distinction entre les sociétés et les groupements dont le but est autre que la réalisation de bénéfices.

Ainsi, la frontière entre les sociétés et les associations est parfois difficile à déterminer.

==> L’exclusion des associations du champ de la qualification de société

Quelle est la distinction entre une société et une association ?

La différence entre ces deux groupements tient à leur finalité.

  • Conformément à l’article 1832 du Code civil, « la société est instituée […] en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. »
  • Aux termes de l’article 1er de la loi du 1er juillet 1901 « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices».

Ainsi, le critère de la distinction entre la société et l’association est le partage des bénéfices.

Tandis que la société se constitue dans un but exclusivement lucratif, l’association poursuit, en principe, un but non-lucratif

En apparence, ce critère ne semble pas soulever de difficultés. Sa mise est œuvre n’est, cependant, pas aussi aisée qu’il y paraît.

En effet, si l’on procède à une lecture attentive de la loi du 1er juillet 1901, il ressort de l’alinéa 1er que ce qui est interdit pour une association, ce n’est pas la réalisation de bénéfices, mais leur distribution entre ses membres.

Dans ces conditions, rien n’empêche une association de se constituer dans un but à vocation exclusivement lucrative.

Aussi, lorsque cette situation se rencontre, la différence entre l’association et la société est pour le moins ténue.

Cette différence est d’autant plus ténue que, dans certaines circonstances, le droit commercial est applicable aux associations.

==> Application du droit commercial aux associations

Dans un arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation a admis que le droit commercial puisse s’appliquer à une association (Cass. com., 17 mars 1981).

illustration-1

Faits :

  • Groupement associatif qui crée un commerce de vente de produits alimentaires (viande Halal)
  • Approvisionnement auprès d’un boucher qui, par la suite, ne sera pas réglé de sa créance

Demande :

Le créancier impayé assigne l’association en paiement

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 9 mai 1979, la Cour d’appel de Paris accède à la requête du créancier
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association effectuait des actes de commerce (achat pour la revente) dans le cadre du magasin de produits alimentaires qu’elle avait créé, elle pouvait se voir opposer les livres de commerce lesquels ont permis au fournisseur de prouver l’existence de sa créance

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
    • Les juges du fond auraient dû se demander si l’association exerçait bien une activité commerciale, ce qu’elle n’a pas fait
    • Les livres de commerce ne sont opposables qu’aux commerçants. Or une association n’est pas un commerçant

Problème de droit :

Une association qui exploite un magasin de vente de produits alimentaires peut-elle se voir opposer par un créancier ses livres de commerce ?

Solution de la Cour de cassation :

  • Dispositif de l’arrêt:
    • Par un arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association
  • Sens de l’arrêt:
    • La Cour de cassation valide l’analyse de la Cour d’appel tendant à dire que l’association exerçait une activité de nature commerciale dans le cadre l’exploitation de son magasin d’alimentation
      • Accomplissement de façon habituelle d’actes de commerce (achat pour la revente)
    • La chambre commerciale en déduit que les livres de commerce du créancier étaient opposables à l’association
    • Il en résulte plus généralement que, pour la Cour de cassation, le droit commercial est applicable à l’association, dès lors qu’elle accomplit des actes de commerce.

Analyse de l’arrêt

Pour mémoire, aux termes, de l’article L. 121-1 du Code de commerce, « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».

Tout l’enjeu pour le créancier était donc de démontrer que, dans la mesure où l’association accomplissait de façon habituelle des actes de commerce dans le cadre de l’exploitation de son magasin, le droit commercial lui était applicable.

Cela lui permettait, dès lors, de pouvoir lui opposer ses livres de commerce afin de prouver l’existence de sa créance.

Pour mémoire, l’ancien article 1380 du Code civil disposait que « les livres des marchands font preuve contre eux ; mais celui qui en veut tirer avantage ne peut les diviser en ce qu’ils contiennent de contraire à sa prétention. »

Au total, il apparaît que le fait pour une association d’accomplir de façon habituelle des actes de commerce, ne suffit pas à la requalifier en société, dès lors que la loi de 1901 lui interdit seulement de partager le profit réalisé entre ses membres.

C’est uniquement en présence d’un tel partage des bénéfices que l’association se trouverait exposée à une requalification en société.

Rien ne fait obstacle, par ailleurs, à ce que le droit commercial s’applique à une association.

Dans la présente espèce, son application ne soulevait guère de difficulté, dans la mesure où le magasin exploité par l’association avait un but lucratif.

Quid dans l’hypothèse où une association accomplit des actes de commerce en vue de financer un but non-lucratif ?

==> Le critère d’application du droit commercial aux associations

En principe, le droit commercial ne devrait s’appliquer qu’aux seules associations qui poursuivent un but lucratif.

Pour rappel, conformément à la théorie de l’accessoire, un acte commercial par nature peut parfaitement être qualifié d’acte civil par accessoire, s’il se rattache à une opération civile principale.

Tel est le cas pour les actes de commerce par nature qui seraient accomplis par un non-commerçant dans le cadre de l’exercice de son activité civile.

On peut en déduire que le droit commercial n’a pas vocation à s’appliquer à une association à but non-lucratif qui accomplit des actes de commerce par nature.

L’accomplissement desdits actes doit cependant demeurer accessoire à l’activité statutaire civile de l’association.

C’est seulement si l’activité commerciale de l’association activité revêt un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire que le droit commercial lui sera applicable.

Bien que la Cour de cassation ait régulièrement recours à la théorie de l’accessoire afin de déterminer si une société est ou non soumise au droit commercial, un arrêt du 14 février 2006 a semé le trouble quant à l’application de cette théorie aux associations (Cass. com., 14 févr. 2006).

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Faits :

  • Une association offre de manière permanente aux particuliers un site Internet destiné à favoriser les « échanges d’immeubles »
  • Dans le cadre d’un litige avec une autre association, elle se voit assigner par cette dernière devant le Tribunal de commerce

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 1er février 2005, la Cour d’appel estime le tribunal de commerce saisi compétent
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’association assignée avait pour activité principale la mise à disposition d’une plate-forme permettant aux internautes l’échange d’immeubles, le tribunal de commerce était bien compétent

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
  • L’activité exercée par l’association en l’espèce ne s’apparente pas à celle d’intermédiaire, conformément à l’article L. 110-1 du C. com, car elle est relative à l’échange d’immeubles. Or l’échange d’immeubles n’est pas visé à l’article L. 110-1 c.com/
    • L’article L. 110-1 du Code de commerce prévoit en ce sens que :
      • « La loi répute actes de commerce […]3° Toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou parts de sociétés immobilières»
    • L’enjeu était donc ici pour l’auteur de pourvoi d’exclure cette qualification d’intermédiaire afin d’écarter la compétence du Tribunal de commerce
  • La Cour d’appel aurait dû se demander si l’activité revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire
    • Autrement dit, pour l’auteur du pourvoi, dans la mesure où l’objet principal de l’association était purement civil, conformément à la théorie de l’accessoire, les actes de commerce accomplis devaient également être qualifiés de civils.

Problème de droit :

Un litige relatif à la mise à disposition sur internet par une association d’une plate-forme permettant aux internautes l’échange d’immeubles relève-t-il de la compétence du tribunal de commerce ?

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par un arrêt du 14 février 2006, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association initialement assignée

Sens de l’arrêt:

  • La cour de cassation valide le raisonnement tenu par les juges du fond
  • D’une part, elle estime que, compte tenu de la teneur du service fourni par l’association, cette dernière s’apparentait bien à un intermédiaire au sens de l’article L. 110-1 du Code de commerce
    • Pour la Cour de cassation, le fait de mettre à disposition une plate-forme permettant aux internautes de favoriser l’échange d’immeubles constitue un acte de commerce par nature, quand bien même cet acte n’est pas expressément visé par l’article L. 110-1 du Code de commerce.
  • D’autre part, la Cour de cassation considère, et c’est là que réside tout l’intérêt de l’arrêt, que « la cour d’appel […] n’avait pas à effectuer la recherche inopérante visée par la seconde branche du moyen»
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale, les juges du fond n’avaient pas à rechercher si l’activité exercée par l’association « revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire»

Analyse de l’arrêt

==> Sur la notion d’acte de commerce par nature

En l’espèce, l’association offre de manière permanente aux particuliers un site Internet destiné à favoriser les échanges d’immeubles.

Or cette activité n’est pas expressément visé par l’article L. 110-1 du Code de commerce.

Cette disposition qualifie d’actes de commerce  « toutes opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou de parts de sociétés immobilières ».

En l’espèce, l’association peut certes être qualifiée d’intermédiaire. Cependant, son activité a pour objet « l’échange d’immeuble », et non « l’achat, la souscription ou la vente d’immeubles »

D’où la thèse défendue par l’auteur du pourvoi consistant à dire que les actes accomplis par l’association ne sauraient être qualifiés d’actes de commerce par nature.

Plusieurs arguments peuvent néanmoins être opposés à cette thèse :

  • Premier argument
    • Techniquement, l’opération d’échange ne s’apparente pas à un achat ou à une vente.
    • Aux termes de l’article 1702 du Code civil « l’échange est un contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre. »
    • Cependant, le contrat d’échange opère, au même titre que le contrat de vente, un transfert de propriété.
    • Dès lors, s’il est vrai que la Cour de cassation s’est écartée, dans son interprétation de l’article L. 110-1 du Code de commerce, de la lettre du texte, elle ne s’en est pas moins conformée à son esprit.
    • La Cour de cassation relève d’ailleurs que l’association « offrait une prestation permettant la rencontre de l’offre et de la demande en vue de la vente et de l’achat d’immeubles»
  • Second argument
    • L’énumération des actes de commerce par nature à laquelle se livre l’article L. 110-1 du Code de commerce est non-exhaustive.
    • Il résulte que le juge est libre de découvrir de nouveaux actes de commerce par nature.
    • Il n’est pas lié à la liste établie dans le Code de commerce, laquelle liste n’est pas figée.

==> Sur la commercialité de l’activité exercée par l’association

La Cour de cassation considère dans cette décision que les juges du fond n’avaient pas à rechercher si l’activité exercée par l’association « revêtait un caractère spéculatif répété au point de primer l’objet statutaire ».

De toute évidence, cette affirmation de la chambre commerciale force l’attention, sinon à l’interrogation.

L’association en l’espèce n’endossait pas en l’espèce la qualité de commerçant. Or en principe, les actes de commerce par nature accomplis par une personne non-commerçante ne donnent pas lieu à l’application du droit commercial, conformément à la théorie de l’accessoire.

La décision rendue en l’espèce par la Cour de cassation nous donne, de toute évidence, l’impression du contraire.

Dans son attendu, la chambre commerciale laisse entendre, en dispensant les juges du fond de vérifier si l’activité réelle de l’association primait sur son objet statutaire civil, que le droit commercial serait susceptible de s’appliquer du seul fait de l’accomplissement, par l’association, d’un acte de commerce.

Si l’association avait accompli un acte de commerce par la forme, tel qu’une lettre de change, la solution de la Cour de cassation ne prêterait pas à discussion.

Toutefois, en l’espèce, l’acte effectué par l’association était un acte de commerce par nature.

Or un tel acte de commerce n’implique pas, par principe, l’application du droit commercial, ce pour deux raisons :

  • L’acte de commerce par nature ne confère pas à son auteur la qualité de commerçant
  • L’acte de commerce par nature conduit à l’application du droit commercial uniquement s’il est accompli à titre habituel

Dès lors, quelle portée donner à l’arrêt de la Cour de cassation ? Comment justifier la solution adoptée ?

Pour Hervé Lecuyer, la chambre commerciale a peut-être estimé que l’acte accompli par l’association n’était autre qu’un acte de commerce par l’objet[1]

L’acte de commerce par objet est un acte dont l’accomplissement est réservé aux commerçants.

Aussi, une personne non-commerçante qui accomplirait un acte de commerce par l’objet s’exposerait à l’application du droit commercial, dans la mesure elle empiéterait sur le monopole des commerçants[2].

Dans cette catégorie des actes de commerce par l’objet figurent notamment :

  • Le cautionnement commercial
  • Les opérations portant sur le fonds de commerce
  • La cession de contrôle d’une société

Qu’en est-il de l’activité consistant à offrir « offrait de manière permanente aux particuliers un site internet visant à favoriser les échanges d’immeubles » ?

Peut-elle être qualifiée d’activité commerciale pour son objet ?

Le doute est permis, dans la mesure où les actes portant sur des immeubles sont, par nature, purement civils.

En tout état de cause, l’association exerçant une activité commerciale de manière permanente, ce qui explique, sans aucun doute la solution retenue, bien que la motivation retenue par la Cour de cassation peine à convaincre.

Au total, il apparaît que la Cour de cassation fait reposer la compétence du tribunal de commerce, non pas sur la qualité de commerçant, mais sur l’accomplissement d’actes de commerce.

Est-ce à dire qu’une association pourrait, malgré tout, endosser la qualité de commerçant ?

==> Qualité de commerçant et associations

Dans l’arrêt du 17 mars 1981 la Cour de cassation reconnaît indéniablement à l’association qui se livrait, de façon habituelle, à l’accomplissement d’actes de commerce par nature, la qualité de commerçant de fait.

C’est la raison pour laquelle, elle considère que le droit commercial lui était applicable.

Peut-on en déduire que les associations sont éligibles à la qualification de commerçant de droit ?

La Cour de cassation n’y semble pas favorable, comme en témoigne un arrêt de la chambre commerciale du 1er mars 1994 (Cass. com. 1er mars 1984).

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Faits :

  • Association qui a en charge la gestion d’un restaurant
  • Demande le remboursement de la TVA suite à la réalisation de travaux de réhabilitation des locaux
  • L’association demande, en parallèle, son inscription au RCS
  • Cette inscription lui est néanmoins refusée par le greffier du TC

Demande :

Inscription de l’association au RCS

Procédure :

  • Dispositif de la décision rendue au fond:
    • Par un arrêt du 13 février 1992, la Cour d’appel de Paris déboute l’association de sa demande
  • Motivation des juges du fond:
    • Les juges du fond relèvent que l’association ne rentre dans aucune des catégories de groupements qui ont l’obligation de s’inscrire au RCS

Moyens des parties :

  • Contenu du moyen:
    • Inscription au RCS constituerait une faculté pour les groupements qui exerceraient une activité commerciale, bien que non visés par la loi.

Problème de droit :

Une association qui exerce une activité commerciale est-elle fondée à revendiquer son inscription au RCS

Solution de la Cour de cassation :

Dispositif de l’arrêt:

  • Par un arrêt du 1er mars 1994, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’association

Sens de l’arrêt:

La Cour de cassation estime que dans la mesure où l’association ne rentre dans aucune des catégories de groupements qui ont pour obligation de s’inscrire au RCS, l’association n’était pas fondée à revendiquer son inscription

Analyse de l’arrêt

Pourquoi l’association revendique-t-elle la possibilité de s’inscrire au RCS ?

Tout simplement, car elle revendique le statut de commerçant, compte tenu de la nature de son activité : commerciale !

Or l’inscription au RCS est obligatoire pour les commerçants.

Si l’on met le présent arrêt en perspective avec la précédente décision (Cass. com., 17 mars 1981), il en ressort un paradoxe :

  • Dans l’arrêt du 17 mars 1981, la Cour de cassation considère l’association comme un commerçant de fait, dans la mesure où elle accomplissait, à titre habituel, des actes de commerce
  • Dans la présente décision, plus récente, la Cour de cassation refuse à l’association de s’inscrire au RCS, soit d’endosser la qualité de commerçant de droit

Est-ce à dire que la Cour de cassation considère que les associations peuvent revêtir la qualité de commerçant, mais qu’elles doivent demeurer confinées au statut de commerçant de fait ?

La question qui alors se pose est de savoir, pourquoi refuser aux associations la possibilité de s’inscrire au RCS ?

La loi de 1901 dans son art. 1er précise que : « l’association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices ».

Certes, le domaine privilégié des associations consiste en l’exercice d’activités non lucratives. Toutefois, rien dans la lettre, ni dans l’esprit de la loi du 1er juillet 1901 ne permet de leur interdit, d’une part d’accomplir des actes de commerce, ni d’accéder au statut de commerçant.

À la vérité, en refusant aux associations la possibilité de s’inscrire au RCS tout en les autorisant à exercer une activité commerciale, cela revient à les condamner à demeurer des commerçants de fait !

Pour ce faire, la Cour de cassation se livre à une lecture littérale de l’article 1er du décret n°84-406 du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, lequel établit une liste exhaustive des personnes assujetties à l’immatriculation au RCS.

Or les associations ne figurent pas parmi les personnes visées par cette disposition.

La Cour de cassation en déduit que les associations ne peuvent pas s’inscrire au RCS.

[1] H. Lecuyer, « Commercialité des opérations d’intermédiation via Internet en matière immobilière », CCE n° 7-8, Juillet 2006,  comm. 113

[2] G. Ripert et R. Roblot, par L Vogel, Traité de droit commercial : LJDG 1998, t. 1, vol. 1, 17e éd., n° 325 et s