La médiation au service des relations individuelles de travail

par Federica Rongeat-Oudin (Directrice du DU médiation – Université de Tours) et Martin Oudin (Maître de conférences Hdr – Université de Tours)

Une médiation intra entreprise, dite aussi médiation en entreprise, est une médiation qui intervient au service d’une relation de travail fragilisée.  Le médiateur en entreprise est sollicité pour aider des salariés qui, confrontés à des difficultés relationnelles qui se mêlent souvent à des difficultés liées à l’organisation du travail, voient leur motivation entamée et parfois même leur santé mentale et physique atteinte. Leur relation de travail est ainsi mise à mal par des malentendus, des incompréhensions, des difficultés de communication qui peuvent nourrir un sentiment de stress, susciter un comportement d’évitement ou provoquer un conflit ouvert. L’ambition de la médiation en entreprise est précisément la restauration et l’amélioration de la qualité de cette relation de travail.

Dans ce contexte, les entreprises qui ont recours à la médiation la choisissent rarement comme une alternative à une procédure judiciaire. Elles recherchent plus souvent une voie pour aider des salariés à renouer un dialogue rompu. En effet, si le médiateur en entreprise est parfois appelé à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail, la plupart de ses interventions se déroulent en amont, lorsque l’enjeu est de sauver et de poursuivre la relation de travail dans un climat de confiance et de coopération.

Par ailleurs, les relations de travail à propos desquelles le médiateur en entreprise est sollicité sont le plus souvent les relations dites individuelles. La médiation en entreprise va réunir une équipe, un service, deux ou plusieurs collaborateurs, avec ou sans lien hiérarchique. Nous n’envisagerons donc pas dans ces quelques lignes la médiation dans les relations collectives de travail, d’autant plus que le médiateur qui intervient dans ce cadre a un rôle qui le distingue beaucoup des autres médiateurs[1].

Depuis quelques années, la médiation en entreprise s’est imposée peu à peu dans le panorama des interventions sollicitées par les entreprises. Elle est aujourd’hui reconnue comme un outil original de gestion des relations de travail.

Pour dresser son portrait, nous avons choisi deux angles de vue selon qu’on observe la médiation en entreprise au regard des autres types de médiations ou au regard de l’entreprise. Aussi, le premier angle présentera les traits du médiateur en entreprise, tantôt singuliers, tantôt communs aux autres médiateurs. Le second, propre à l’entreprise, dessinera la médiation en entreprise dans le contexte de la protection de la santé au travail.

I – Le médiateur en entreprise : singularités et points communs avec les autres médiateurs

Comme tout médiateur, la posture du médiateur en entreprise et le cadre d’intervention qu’il propose sont des garanties indispensables pour susciter la confiance des personnes reçues. Ce n’est que dans un climat de confiance – si ce n’est dans l’autre personne, du moins dans le médiateur et le processus  – que les personnes pourront parvenir à coopérer en vue de surmonter leurs difficultés.
Les règles de droit qui définissent sa posture et régissent son intervention sont donc les mêmes que celles qui régissent les autres médiateurs dits de droit commun. Il existe bien un texte singulier dans le code du travail consacré à la médiation dans le cas de harcèlement moral (art. L. 1152-6 C. trav., v. infra) mais les modalités qu’il propose sont facultatives, si bien que le médiateur en entreprise reste avant tout au regard de la loi un médiateur de droit commun.
Cependant, lorsque l’on observe dans le détail la mise en œuvre de ces règles, on constate quelques singularités qu’il conviendra de souligner.

A – La posture du médiateur en entreprise 

Indépendance – Le médiateur en entreprise, comme tout médiateur, mène sa mission de façon indépendante, sans recevoir d’instructions de la part de la direction de l’entreprise ou de quiconque. Une fois menée, il ne rend pas non plus compte du contenu précis de celle-ci, à moins que les parties ne lui aient demandé de le faire (V. infra sur la confidentialité).
L’indépendance n’est cependant pas inscrite dans le code de procédure civile pour ce médiateur (elle ne l’est que pour le médiateur judiciaire). La source de cette règle réside dans le code national de déontologie des médiateurs de 2009 auquel le médiateur peut choisir d’adhérer.
L’indépendance concerne aussi bien le médiateur en entreprise qui exerce son activité à titre libéral que le médiateur salarié de l’entreprise qui lui confie cette mission. En pratique, le médiateur en entreprise est sollicité et choisi par la direction de l’entreprise. Le médiateur contractualise alors son intervention avec la direction en prévoyant le respect par celle-ci de son indépendance ainsi que du cadre d’intervention propre à la médiation (et notamment les principes de liberté et de confidentialité vus infra). Cette contractualisation se fera pour le médiateur salarié au moment de la définition de sa mission et, pour le médiateur en exercice libéral, à l’occasion de la signature du contrat de prestation de services. Ce contrat qui lie le médiateur à la direction prescriptrice ne doit pas être confondu avec l’engagement à la médiation (dit aussi protocole d’entrée en médiation) que prennent les personnes qui acceptent de participer à une médiation. Ainsi, là où dans d’autres contextes, un seul acte regroupe les engagements du médiateur, ses conditions d’intervention et l’engagement des parties à la médiation, ici il faut prévoir deux actes : le contrat de prestation de services entre le médiateur et le prescripteur et l’engagement à la médiation des participants.

Impartialité – Le médiateur est impartial en ce sens qu’il agit sans prévention ni préférence pour l’une ou l’autre partie (Code de procédure civile, art. 1530). Cette impartialité est intimement dépendante de l’indépendance de médiateur. En effet, ce principe d’indépendance que le médiateur en entreprise annonce aux personnes impliquées dans le conflit mais aussi aux différentes parties prenantes (délégués du personnel, agent de prévention, DRH, hiérarchie non directement impliquée), est indispensable pour convaincre ces mêmes personnes de son impartialité. Cela est d’autant plus vrai lorsque la médiation réunit deux salariés unis par un lien hiérarchique.

Neutralité – Le médiateur est aussi tenu à la neutralité et s’abstient de donner son opinion ou de faire des propositions sur la façon de surmonter un différend (Code national de déontologie du médiateur). Cette neutralité est la condition de la responsabilisation des participants qui trouveront par eux-mêmes leur solution sans attendre du tiers qu’il la leur donne. En cela, la neutralité est indissociable de l’impartialité, laquelle pourrait être mise à mal si le médiateur devait faire une proposition pouvant être perçue comme plus favorable à l’un qu’à l’autre. On notera cependant l’originalité de la « procédure de médiation » proposée en cas de harcèlement moral par l’art. 1152-6 du Code du travail. Il est prévu que le médiateur qui ne parviendrait pas à concilier les parties peut soumettre des propositions en vue de mettre fin au harcèlement. Ce texte laisse les praticiens perplexes car il laisse entendre que le médiateur a pour mission de vérifier la réalité harcèlement, ce qui le place dans un rôle d’enquêteur incompatible avec l’esprit de la médiation. 

B – Les principes d’intervention du médiateur en entreprise  

Liberté – Comme dans toute médiation, le principe de liberté s’applique de manière différenciée pour le médiateur et pour les parties. Il signifie pour ces dernières qu’elles sont à la fois libres d’entrer dans la démarche et libres de la quitter à tout moment, sans avoir à se justifier (Code national de déontologie précité). Cette liberté reste présente alors même que la médiation a été voulue et est financée par la direction de l’entreprise. Dans le contrat conclu avec le médiateur, la direction s’engage à respecter ce principe de liberté et s’interdit de faire pression sur les salariés. Il faut cependant bien admettre que le seul fait que l’intervention d’un médiateur soit proposée par la direction est de nature à faire pression sur les salariés impliqués. Enfin, les salariés sont aussi libres dans la recherche de leurs solutions, dans la mesure bien entendu où ces solutions n’impliquent pas le pouvoir organisationnel. Le périmètre de leur négociation a pour limite leur pouvoir de décision. Comme bien souvent les solutions impliquent en partie la direction, celle-ci est associée à ce stade de la médiation. Il arrive aussi que les parties aboutissent non pas à des décisions mais à des propositions de solutions qu’elles décident de porter ensemble à la direction.
La liberté est un principe qui concerne aussi la personne du médiateur en entreprise (v. code national de déontologie). Celui-ci peut à tout moment cesser sa mission, et même d’ailleurs refuser de l’engager par exemple à la suite de la rencontre d’information avec qualiles participants. Il le fera lorsqu’il craint que la médiation ne fragilise davantage un participant. Il pourrait aussi décider d’y mettre fin s’il constatait que le processus de médiation était instrumentalisé par une des parties. Cependant, il n’a pas à préciser les raisons à la direction, sous peine de contrevenir à son engagement de confidentialité.

Confidentialité – La confidentialité lie bien évidemment le médiateur en entreprise. La confidentialité porte sur le contenu des échanges et signifie que le médiateur ne rend pas compte de ce que les parties ont échangé même s’il est sollicité par la direction ou par les délégués du personnel. Le contenu de l’accord issu de la médiation n’est cependant pas couvert par la confidentialité si sa divulgation est nécessaire pour sa mise en œuvre (art. 21-3 L. n° 95-125 du 8 févr. 95). En pratique, la direction est informée de cet accord – ou des propositions convenues entre les parties – par les salariés eux-mêmes. Parfois même, la direction a déjà été associée au stade de la recherche des solutions parce qu’elles impliquaient le pouvoir organisationnel.
La confidentialité est aussi un engagement que chaque partie prend à l’égard de l’autre lorsqu’elles adhèrent au processus de médiation. Elles s’interdisent de dévoiler le contenu de leurs échanges à d’autres. Cette confidentialité s’entend aussi comme une obligation de loyauté par laquelle les parties s’engagent à ne pas se servir des échanges contre l’autre, par exemple lors d’une évaluation ou d’une procédure contentieuse. En pratique, conscient que les parties seront interrogées par leurs collègues, le médiateur les invite à chaque fin de séance à préciser ensemble de ce qu’elles décident de garder confidentiel et de ce qu’elles peuvent partager avec leurs collègues. 

Responsabilisation – La responsabilisation des parties est enfin un principe fondamental de la médiation (elle découle implicitement de l’art. 1530 CPC qui précise que ce sont les parties qui recherchent un accord). Elle implique pour chaque partie d’accepter la possibilité de reconnaître sa part de responsabilité dans la relation conflictuelle. Elle implique pour le médiateur de résister aux tentatives des parties, conscientes ou inconscientes, d’en faire un tiers qui leur donnerait raison en cherchant à le convaincre, en lui demandant son opinion, en lui soumettant des pièces pour qu’il les instruise, etc. Le principe de responsabilisation pousse ces dernières à trouver elles-mêmes l’issue à leurs différends et constitue le gage d’une exécution spontanée de leur accord.
Après avoir rendu compte de la médiation en entreprise et de ses singularités par rapport à d’autres médiations, il reste à préciser, du point de vue des entreprises, comment elle s’inscrit dans la politique de prévention des atteintes portées à la santé des salariés. 

II – La médiation en entreprise dans le contexte de la santé au travail 

La médiation est pour une entreprise un outil précieux pour prévenir certains risques psychosociaux et améliorer la qualité de vie au travail. Du point de vue de l’employeur, elle est une mesure de prévention qui lui permet de satisfaire à son obligation de protéger la santé mentale et physique de ses salariés[2].

A – La médiation en entreprise, un outil pour prévenir les risques psychosociaux et améliorer la qualité des relations de travail

Médiation et risques psychosociaux – Les travailleurs sont parfois exposés à des risques liés à leur environnement de travail qui, lorsqu’ils se réalisent, les affectent psychiquement et parfois aussi physiquement. Ils sont définis comme les « risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental. »[3]
Les relations de travail sont au cœur de cette problématique. Des relations de travail tendues peuvent affecter de façon considérable des salariés. Lorsqu’ils n’y trouvent plus de soutien, de solidarité, de confiance et de respect, mais au contraire de la compétition, du contrôle excessif, de la méfiance, ils résistent difficilement aux contraintes et aux changements dans l’organisation du travail et développent du stress et/ou un profond mal-être.
Ces relations de travail tendues, conflictuelles, peuvent trouver leur source dans des facteurs de risques liés à l’organisation du travail. Par exemple, dans une situation de travail où le facteur de risque réside dans ce que l’on appelle les exigences du travail, comme une activité au rythme très soutenu, ce facteur va conduire les salariés à être tendus, inquiets, ce qui pourra avoir pour conséquence de créer des conflits dans une équipe et, au sein de cette équipe, certains développeront des TMS directement liés à cette situation. 
On reconnait aujourd’hui que les relations entre collègues ont un impact sur la santé psychosociale des collaborateurs[4]. Lorsque la coopération n’est plus possible dans une équipe, lorsqu’une personne n’est pas intégrée dans un collectif, lorsque les collaborateurs disent souffrir d’un management trop contrôlant, chacune de ces situations est potentiellement source de stress et de mal-être pour les personnes concernées[5].
Allant plus loin, des relations conflictuelles vont avoir à leur tour un impact sur l’organisation du travail. Illustrons ce phénomène fréquent par l’exemple suivant : à la suite d’une fusion, un service est réorganisé. Cette réorganisation a nourri un conflit entre deux personnes contraintes désormais de partager les mêmes tâches. Ce conflit qui ne concernait directement que ces deux personnes a fini par créer deux clans dans l’équipe. Cette situation de nature relationnelle conduit les personnes à adopter de nouveaux comportements : les réunions hebdomadaires deviennent mensuelles, certains dossiers ne sont plus contrôlés par telle personne, etc. On voit ici comment des difficultés relationnelles modifient l’organisation du travail au sein d’une équipe qui s’adapte inconsciemment en suivant de nouvelles règles d’organisation.
C’est pourquoi, conscientes que les relations de travail sont souvent au cœur des situations qui mettent en jeu la santé psychosociale des salariés, les entreprises choisissent de recourir à la médiation. Elles offrent ainsi aux salariés la possibilité d’exprimer leurs difficultés et de discuter des voies de solution possibles, sachant que la discussion portera à la fois sur les difficultés relationnelles mais aussi de leur impact sur l’organisation du travail. 

Médiation et qualité de vie au travail – Ces dernières années est apparue la notion de « qualité de vie au travail », laquelle traduit une approche plus positive que celle de la prévention des risques psychosociaux. Cette notion est associée à l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 « vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle »[6]. Elle marque l’engagement des entreprises de tenir compte de l’impact de l’environnement de travail sur le développement personnel et professionnel du salarié. Cet engagement va au-delà de la seule lutte contre les atteintes à la santé et implique de considérer les différentes composantes de la qualité de vie au travail que sont les relations de travail, l’information ou bien encore les relations sociales.
Si l’on s’en tient aux relations de travail, une multitude d’actions peuvent être imaginées pour contribuer à améliorer leur qualité[7]. L’ANI préconise certaines d’entre elles, parmi lesquelles la mise en place d’espaces de discussion pour favoriser l’expression des salariés sur leur travail (article 12). Ces espaces de discussion s’entendent comme des : « (…) espaces collectifs qui permettent une discussion centrée sur l’expérience de travail et ses enjeux, les règles de métier, le sens de l’activité, les ressources, les contraintes. (…)»[8]. Donner un temps et un lieu pour que les salariés puissent s’exprimer sur leur travail est une initiative salutaire. Mais un des dangers qui guette un tel espace de discussion est le découragement voire l’épuisement de leurs participants qui peuvent avoir le sentiment que les discussions tournent en rond et ne produisent rien.
Pour se prémunir de ce risque d’épuisement, les modalités de ces réunions doivent être soigneusement pensées. En particulier, ces discussions doivent être menées dans un cadre très précis tenu par un tiers facilitateur. Ce facilitateur, « chargé d’animer le groupe et d’en restituer l’expression » à la hiérarchie est spécialement visé dans l’ANI à l’article 12. Un médiateur, formé à tenir un cadre strict pour encadrer des discussions à l’occasion de relations conflictuelles, est à même de mener une telle mission. Il sait non seulement animer un groupe en réunissant les conditions pour libérer et canaliser la parole, mais il sait aussi accompagner les participants dans une co-construction de propositions ou de solutions.
L’espace de discussion peut ainsi avoir pour objet de discussion non seulement le travail et ses conditions d’exercice mais aussi les relations de travail elles-mêmes[9]. Dans ce cas, l’objectif sera de déployer des initiatives pour les enrichir afin qu’elles deviennent une ressource sur laquelle les salariés pourront s’appuyer pour faire face plus sereinement aux événements et bouleversements organisationnels.
On le constate, la médiation est aujourd’hui un outil incontournable, qu’il s’agisse de l’inscrire dans une démarche de prévention des risques psychosociaux ou bien d’amélioration de la qualité de vie au travail. Elle peut aider des salariés à retrouver du sens à leur travail et à leur collaboration. L’employeur quant à lui, outre l’avantage de retrouver des salariés motivés et performants, se plie à son obligation de protéger la santé de ses salariés.obligation

B – La médiation en entreprise, un moyen pour l’employeur d’accomplir son obligation de sécurité

En effet, du point de vue de l’employeur, la médiation est une des mesures de prévention qu’il peut prendre pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés.
Cependant, l’art. L. 4121-1 du Code du travail qui consacre cette obligation de sécurité ne détaille pas les mesures à prendre pour réaliser cette protection. L’art. L. 4121-1 du Code du travail vise de façon générale des « actions de prévention des risques professionnels», des « actions d’information et de formation » et des actions portant sur l’organisation du travail. Les principes de prévention énoncés à l’article suivant mettent l’accent sur les mesures collectives et sur celles qui relèvent de la prévention dite primaire, c’est-à-dire celle visant à l’élimination du risque psychosocial.
La médiation n’est citée que dans le cas spécifique du traitement d’une situation de harcèlement moral (L. 1152-6 du Code du travail et Accord National Interprofessionnel du 26 mars 2010 qui vise aussi la violence).
Mais en dehors de ces derniers textes spéciaux, on ne trouve pas de référence expresse à la médiation en tant que mesure de prévention.
Parce que les mesures individuelles ne sont pas jugées prioritaires, ainsi que les mesures dites de prévention secondaire (où le risque est présent) ou tertiaire (où le dommage est apparu ; on parle aussi de mesures curatives), on peut légitimement se demander si la médiation relève bien des mesures dites de prévention. 

Médiation, mesure à la fois individuelle et collective – A y regarder de plus près cependant, la médiation est une mesure individuelle qui a un effet sur le collectif. Une difficulté vécue entre deux ou plusieurs salariés touche, par un effet systémique, l’entourage professionnel (et personnel aussi) que sont les autres collègues, la hiérarchie si elle n’est pas déjà directement impliquée, les autres services, les clients, les fournisseurs, etc.  En agissant pour dépasser cette difficulté et amener les parties à trouver un mode de fonctionnement leur permettant de continuer à travailler ensemble ou au contraire à se séparer sereinement, la médiation agit indirectement sur l’ensemble des personnes impactées par le malaise que créait cette tension. 

Médiation, mesure curative ou véritablement préventive – Il est aussi vrai que la médiation apparaît de prime abord comme une mesure curative plus que préventive. Dans la pratique pourtant, elle n’est pas cantonnée à une situation où le risque psychosocial est apparu. Elle est aussi déployée au titre de la prévention dite primaire, par exemple pour anticiper la fusion de deux services en donnant la possibilité aux salariés d’exprimer et partager leurs craintes et d’anticiper ce changement en concevant des solutions d’adaptation. On retrouve aussi la médiation au niveau de la prévention dite secondaire, pour réduire le risque présent, dans des actions de sensibilisation et de formation de managers et agents à la gestion des conflits en adoptant les outils du médiateur.

Médiation dans la jurisprudence récente – Si l’on examine maintenant la jurisprudence récente rendue sur le fondement de l’art. 4121-1 du Code du travail, on observe un changement majeur de perspective. Désormais, l’employeur peut, s’il justifie avoir pris toutes les mesures nécessaires, être exonéré de sa responsabilité. Ainsi, l’obligation de sécurité qui pèse sur lui n’a pas plus pour seul but « de faciliter la réparation du dommage subi par le salarié, mais d’assurer l’effectivité du principe de prévention »[10].  Ce principe de prévention retrouve ainsi son sens premier en incitant l’employeur à non seulement réagir immédiatement dès qu’il a connaissance de troubles, mais avant tout à prendre des mesures véritablement préventives. La Cour de cassation a consacré cette lecture dans un arrêt du 1er juin 2016[11]. Elle énonce que « ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ; ».
Mais si l’employeur est désormais admis à s’exonérer de sa responsabilité, les conditions sont néanmoins très sévères : il ne peut pas attendre passivement la production du dommage pour agir, il doit anticiper et, lorsque le pire n’a pu être évité, réagir immédiatement[12]. Dans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt de juin 2016, une procédure d’alerte en cas de harcèlement avait été prévue et une médiation avait eu lieu. Mais la Cour souligne qu’il aurait fallu en amont avoir également réalisé des actions d’information et de formation « propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral. » La Cour distingue clairement les mesures de prévention (information, formation) des mesures pour faire cesser les faits de harcèlement (alerte, enquête, médiation).
Cet assouplissement de l’obligation de sécurité a surpris, d’autant plus que l’arrêt a été rendu dans une situation de harcèlement où la sévérité était de mise. En effet, même si une telle évolution avait été amorcée dans l’arrêt Air France du 25 nov. 2015[13], on doutait de sa portée dans une telle situation. L’assouplissement est cependant confirmé dans le rapport publié par la Cour de cassation : « la solution adoptée le 25 novembre 2015 est étendue à la situation de harcèlement moral en ce sens que l’employeur peut désormais s’exonérer de sa responsabilité en matière de harcèlement moral, quand un tel harcèlement s’est produit dans l’entreprise, mais pas à n’importe quelles conditions. »[14]
Certains commentateurs voient dans cette décision la consécration d’une obligation de résultat désormais atténuée, d’autres d’une obligation de moyens renforcée[15]. D’autres encore relèvent au contraire l’abandon de cette distinction entre obligation de moyens et de résultat[16]. Ramenée à la médiation, cette évolution jurisprudentielle nous confirme que la médiation est une mesure parmi d’autres qui enrichit l’éventail des mesures propres à protéger la santé des salariés[17]
. Elle n’est cependant bien évidemment pas suffisante à elle seule. On a vu que cet éventail devait être déployé dès le stade de l’anticipation des risques et ne devait pas se cantonner à des mesures curatives. A ce sujet, on rappellera que la médiation, si elle a été menée dans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt du 1er juin 2016 à titre curatif, peut aussi constituer une mesure véritablement préventive si elle intervient avant ou au moment de la naissance d’un conflit relationnel, c’est-à-dire au titre de la prévention primaire et secondaire. Il faut bien reconnaître que la médiation se présente alors ici davantage comme un outil de gestion que comme un mode alternatif de résolution des conflits. Mais c’est précisément dans cette optique que les entreprises y ont aujourd’hui de plus en plus souvent recours.


Article initialement publié in La lettre des médiations, n° 5, mai 2018.

[1] Il rédige une recommandation pour mettre fin au litige et un rapport sur le différend, art. L. 2523-5 et s. Code du travail.
[2] Sur l’ensemble de la question, OUDIN F., ROULET V. et OUDIN M., (dir.), L’essor de la médiation en entreprise, Médias & Médiations, 2014, 117p ; BRET J.M, La médiation : un mode innovant de gestion des risques psychosociaux, Médias & Médiations, 2016.
[3] Rapport dit Gollac sur le suivi statistique des risques psychosociaux, 2011, p. 31.
[4] Rapport dit Gollac précité.
[5] V. aussi le rapport de 2014 EUROFOUND qui vise les relations interpersonnelles, horizontales et verticales, p. 27, à télécharger sur http://www.eurofound.europa.eu.
[6] Un arrêté d’extension du 15 avril 2014 rend obligatoires, pour les employeurs et les salariés compris dans le champ d’application de l’Accord, ses dispositions. Sur cet accord, LANOUZIERE, H (2013), Un coup pour rien ou un tournant décisif ?, Sem. Soc. Lamy, 16 sept. 2013, n° 1597.
[7] Sur cette question v. BECARD A.C., OUDIN F. et OUDIN M. (2015), La qualité des relations de travail, IRES, 165p.
[8] JOURNAUD S., Discuter du travail pour mieux le transformer, Revue Travail & Changement n° 358, janv. févr. mars 2015, p. 2.
[9] La qualité des relations de travail, op. cit. p. 52.
[10] En ce sens, FANTONI-QUITON S., VERKINDT P-Y., Obligation de résultat en matière de santé au travail, à l’impossible, l’employeur est tenu?, rev. Droit social 2013.229.
[11] N° 14-19.702, FS P+B+R+I, MOULY J., L’assouplissement de l’obligation de sécurité en matière de harcèlement moral, JCP G 2016, note 822 ; RADE Ch., Feue la responsabilité de plein droit de l’employeur en matière de harcèlement : le mieux, ennemi du bien, Lexbase Hebdo, éd. soc. 16 juin 2016 n° 656 ; Loiseau G., Le renouveau de l’obligation de sécurité, sem. Jur. Social, n° 24, 21 juin 2016, 1220 ; CORRIGNA-CARSIN D., JCP G 2016, act. 683, p. 1180.
[12] V. déjà Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-69.444 et n° 09-70.902,  Lexbase Hebdo éd. soc. n° 448, 14 juill. 2011, RADE Ch., Harcèlement dans l’entreprise : l’employeur doit réagir vite !.
[13] Cass. soc. n° 14-24.444 ; ANTONMATTEI P-H., Obligation de sécurité de résultat : virage jurisprudentiel sur l’aile !, Dr. Soc. 2016.457 ; ICARD J., L’incidence de la jurisprudence Air France dans le contentieux du harcèlement moral. Essai de prospective, Cah. Soc. 2016.214.
[14] https://www.courdecassation.fr/IMG///Commentaire_arret1068_version201605.pdf.
[15] Op. cit. MOULY J.
[16] En ce sens, LOISEAU G., op. cit.
[17] V. déjà Cass. soc. 3 déc. 2014, n° 13-18.743. Dans cet arrêt, la médiation est expressément citée parmi les mesures prises : « N’a pas manqué à son obligation de sécurité de résultat l’employeur qui justifie avoir tout mis en oeuvre pour que le conflit personnel entre deux salariées puisse se résoudre au mieux des intérêts de l’intéressée, en adoptant des mesures telles que la saisine du médecin du travail et du CHSCT et en prenant la décision, au cours d’une réunion de ce comité, de confier une médiation à un organisme extérieur. »

Formation, effets, sanction de l’accord amiable dans la procédure de conciliation

La principale mission du conciliateur est énoncée à l’article L. 611-7 du Code de commerce qui, pour rappel, prévoit qu’il « a pour mission de favoriser la conclusion entre le débiteur et ses principaux créanciers ainsi que, le cas échéant, ses cocontractants habituels, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de l’entreprise. »

L’objectif poursuivi par le conciliateur durant toute la procédure sera donc de négocier avec les créanciers du débiteur des délais de paiement, voire des remises de dette.

L’issue de la procédure de conciliation c’est donc l’accord amiable qui, s’il est respecté par les parties, devrait permettre au débiteur de surmonter les difficultés rencontrées par son entreprise.

I) La conclusion de l’accord amiable

Pour parvenir à la conclusion d’un accord qui devrait être bénéfique pour toutes les parties à la procédure, le conciliateur dispose de plusieurs leviers qu’il pourra actionner.

==> Premier levier : l’obtention de délais de paiement

  • Le contenu du droit du débiteur
    • Au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l’article 1343-5 du code civil
      • Pour mémoire, cette disposition prévoit
        • D’une part, que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
        • D’autre part, que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.
      • En outre, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.
      • Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
      • Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d’aliment.
    • Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur.
    • Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l’accord prévu au présent article.
      • Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision.
    • En cas d’impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal.
      • Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation.
      • Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.
  • L’exercice du droit du débiteur
    • L’article R. 611-35 du Code de commerce prévoit que l’obtention d’un délai de grâce par le débiteur suppose le respect d’une certaine procédure
      • La saisine du Président du Tribunal
        • le débiteur assigne le créancier poursuivant ou l’ayant mis en demeure devant le président du tribunal qui a ouvert la procédure de conciliation.
        • Celui-ci statue sur les délais en la forme des référés après avoir recueilli les observations du conciliateur ou, le cas échéant, du mandataire à l’exécution de l’accord.
        • La demande est, le cas échéant, portée à la connaissance de la juridiction saisie de la poursuite, qui sursoit à statuer jusqu’à la décision se prononçant sur les délais.
        • La décision rendue par le président du tribunal est communiquée à cette juridiction par le greffier.
        • Elle est notifiée par le greffier au débiteur et au créancier et communiquée au conciliateur si celui-ci est encore en fonction ou, le cas échéant, au mandataire à l’exécution de l’accord.
      • La notification de la décision au créancier
        • Le créancier mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 611-7 est informé par le greffier, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de la conclusion de l’accord dès sa constatation ou son homologation ainsi que de toute décision mettant fin à la procédure de conciliation.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord est portée à la connaissance du créancier selon les mêmes modalités.

==> Deuxième levier : l’obtention de remises de dettes des créanciers publics

L’article L. 611-7 du Code de commerce prévoit que les administrations financières, les organismes de sécurité sociale, les institutions gérant le régime d’assurance chômage et les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale peuvent consentir des remises de dettes.

Ces remises de dettes sont encadrées par plusieurs règles édictées aux articles L. 626-6 du Code de commerce

Il ressort de ces articles que deux sortes de remises de dettes doivent être distinguées : les remises de dettes consenties par les administrations financières et celles consenties par les autres administrations publiques.

  • Les remises de dettes consenties par les administrations autres que financières
    • Les conditions d’octroi de la remise de dette
      • L’article L. 626-6 du code de commerce prévoit que les remises de dettes consenties par une administration autre que financière doivent être effectuées dans des conditions similaires à celles que lui octroierait, dans des conditions normales de marché, un opérateur économique privé placé dans la même situation.
    • Les dettes visées
      • L’article D. 626-10 précise que les dettes susceptibles d’être remises correspondent :
        • Aux pénalités, intérêts de retard, intérêts moratoires, amendes fiscales ou douanières, majorations, frais de poursuite, quel que soit l’impôt ou le produit divers du budget de l’Etat auquel ces pénalités ou frais s’appliquent
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite, pénalités et amendes attachés aux cotisations et contributions sociales recouvrées par les organismes de sécurité sociale et par les institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale et par les institutions régies par le livre VII du code rural et de la pêche maritime
        • Aux majorations de retard, frais de poursuite et pénalités attachés aux contributions et cotisations recouvrées par Pôle emploi pour le compte de l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage
        • Aux cotisations et contributions sociales patronales d’origine légale ou conventionnelle qu’un employeur est tenu de verser au titre de l’emploi de personnel salarié
        • Aux droits au principal afférents aux seuls impôts directs perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales
        • Aux créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine, aux redevances domaniales, aux redevances pour services rendus et aux autres produits divers du budget de l’Etat.
      • Les remises de dettes sont consenties par priorité sur les frais de poursuite, les majorations et amendes, puis sur les intérêts de retard et les intérêts moratoires, et enfin sur les droits et les sommes dus au principal. Les dettes dues au principal ne peuvent pas faire l’objet d’une remise totale
    • L’exigibilité de la dette
      • Conformément à l’article D. 626-11 du Code de commerce peuvent être remises les dettes exigibles à la date de réception de la demande de remise, valant saisine de la commission mentionnée à l’article D. 626-14, et dues aux administrations, organismes et institutions mentionnés à l’article D. 626-9.
    • La forme de la demande de remise de dette
      • L’article D. 626-12 du Code de commerce prévoit que, en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation, le débiteur ou le conciliateur saisit, y compris par voie dématérialisée, la commission mentionnée à l’article D. 626-14 de la demande de remise de dettes.
      • Cette saisine a lieu, sous peine de forclusion, dans un délai de deux mois à compter de la date d’ouverture de la procédure
      • Cette demande est accompagnée
        • De l’état actif et passif des sûretés ainsi que de celui des engagements hors bilan
        • Des comptes annuels et des tableaux de financement des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis, ainsi que de la situation de l’actif réalisable et disponible et du passif exigible
        • Du montant des dettes privées. Les dettes privées correspondent à l’ensemble des concours consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
      • Elle peut être utilement complétée par tous documents, notamment
        • Un plan de trésorerie prévisionnel
        • Un état prévisionnel des commandes
        • Le montant des remises sollicitées ou obtenues auprès des créanciers privés.
    • La recevabilité de la demande
      • L’article D. 626-15 du Code de commerce dispose que les remises de dettes ont pour objet de faciliter la restructuration financière de l’entreprise en difficulté, la poursuite de son activité économique et le maintien de l’emploi.
      • Plusieurs conditions doivent donc être remplies pour que la demande de remise de dette soit recevable :
        • La remise de dettes n’est pas justifiée dès lors que l’entreprise n’est plus viable.
        • Elle ne doit pas représenter un avantage économique injustifié pour l’entreprise bénéficiaire.
        • Les efforts des créanciers publics sont coordonnés avec ceux des autres créanciers en vue de faciliter le redressement durable de l’entreprise et permettre le recouvrement de recettes publiques futures.
        • La recevabilité de la demande de remise est subordonnée à la constatation que le débiteur, ou, s’il est une personne morale, ses organes ou ses représentants, n’a pas fait l’objet depuis au moins dix ans d’une condamnation définitive pour l’une des infractions sanctionnées par les articles L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8224-3 et L. 8224-5 du code du travail
    • L’examen de la demande
      • Il est effectué en tenant compte de plusieurs critères :
        • Les efforts consentis par les créanciers autres que ceux mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les efforts financiers consentis par les actionnaires et les dirigeants
        • La situation financière du débiteur et des perspectives de son rétablissement pérenne
        • Le comportement habituel du débiteur vis-à-vis des créanciers mentionnés à l’article D. 626-9
        • Les éventuels autres efforts consentis par ces créanciers portant sur les cessions de rang de privilège ou d’hypothèque ou l’abandon de ces sûretés ou les délais de paiement déjà accordés.
  • Les remises de dettes consenties par les administrations financières
    • Deux sortes d’impôt susceptibles de faire l’objet d’une remise de dette doivent être distinguées :
      • S’agissant des impôts directs, les administrations financières peuvent remettre l’ensemble des sommes perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales ainsi que des produits divers du budget de l’Etat dus par le débiteur.
      • S’agissant des impôts indirects perçus au profit de l’Etat et des collectivités territoriales, seuls les intérêts de retard, majorations, pénalités ou amendes peuvent faire l’objet d’une remise.

==> Troisième levier : la limitation de la responsabilité des créanciers

  • Avant 2005 : le principe de responsabilité des créanciers pour soutien abusif
    • Antérieurement à 2005, lorsqu’un créancier accordait des facilités de paiement au débiteur, alors même qu’il le savait en difficulté, il était susceptible d’être poursuivi pour soutien abusif sur le fondement de la responsabilité pour faute.
    • La jurisprudence estimait qu’un tel concours était susceptible de créer chez le débiteur l’apparence d’une solvabilité, ce qui dès lors pouvait avoir pour conséquence d’occasionner aux autres créanciers un préjudice qui aurait pu être évité s’ils ne s’étaient pas mépris sur la situation financière réelle de l’entreprise.
    • La menace de cette sanction n’était, manifestement, pas de nature à inciter les créanciers à conclure un accord amiable avec le débiteur, le risque qu’une action en responsabilité civile soit engagée à leur endroit étant pour le moins dissuasif.
  • La loi du 26 juillet 2005 : l’instauration d’un principe d’irresponsabilité
    • En raison de cette menace qui pesait sur les créanciers, le législateur est intervenu en 2005.
    • Plus précisément, lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, il a inséré un article L. 650-1 dans le Code de commerce qui prévoyait que « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. »
    • Cette limitation de la responsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur a été analysée par certains comme constituant une entorse au principe de responsabilité pour faute. Or il s’agit là d’un principe constitutionnel.
    • La saisine du Conseil constitutionnel qui a dès lors été saisi ( const. n° 2005-522, 22 juill. 2005).
    • Le requérant soutenait que l’article L. 650-1 du Code de commerce « annihile quasiment toute faculté d’engager la responsabilité délictuelle des créanciers pour octroi ou maintien abusif de crédit» de telle sorte « qu’elle méconnaîtrait tant le principe de responsabilité que le droit au recours ».
    • Dans une décision du 22 juillet 2005, les juges de la rue de Montpensier répondent à cette critique en avançant que « si la faculté d’agir en responsabilité met en oeuvre l’exigence constitutionnelle posée par les dispositions de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 aux termes desquelles : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, cette exigence ne fait pas obstacle à ce que, en certaines matières, pour un motif d’intérêt général, le législateur aménage les conditions dans lesquelles la responsabilité peut être engagée»
    • Le Conseil constitutionnel relève, en l’espèce, que :
      • D’une part, « le législateur a expressément prévu que la responsabilité de tout créancier qui consent des concours à une entreprise en difficulté resterait engagée en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de prise de garanties disproportionnées » de sorte que « contrairement à ce qui est soutenu, il n’a pas supprimé cette responsabilité»
      • D’autre part, « en énonçant les cas dans lesquels la responsabilité des créanciers serait engagée du fait des concours consentis, le législateur a cherché à clarifier le cadre juridique de la mise en jeu de cette responsabilité». Or « cette clarification est de nature à lever un obstacle à l’octroi des apports financiers nécessaires à la pérennité des entreprises en difficulté ; qu’elle satisfait ainsi à un objectif d’intérêt général suffisant »
    • Le Conseil constitutionnel déduit de ces deux constatations que la limitation de la responsabilité aux créanciers qui prêtent leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de conciliation ne « portent pas atteinte au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction ; que doit être dès lors écarté le grief tiré de la violation de l’article 16 de la Déclaration de 1789»
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce est donc bien conforme à la constitution.
  • L’ordonnance du 18 décembre 2008 : le cantonnement du principe d’irresponsabilité
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a restreint le champ d’application du principe d’irresponsabilité des créanciers accordant leur concours financier au débiteur.
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce dispose désormais que « lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci »
    • La limitation de responsabilité prévue par cette disposition ne peut ainsi bénéficier qu’aux seuls créanciers qui ont prêté leur concours financier à un débiteur qui fait l’objet :
      • Soit d’une procédure de sauvegarde
      • Soit d’une procédure de redressement judiciaire
      • Soit d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Est-ce à dire que les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur dans le cadre d’une procédure de conciliation ne pourront pas se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce ?
    • Deux situations doivent être distinguées :
      • La procédure de conciliation débouche sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur pourront se prévaloir du principe d’irresponsabilité posé à l’article L. 650-1 du Code de commerce
      • La procédure de conciliation ne débouche pas sur l’ouverture d’une procédure collective
        • Dans cette hypothèse, les créanciers qui ont apporté leur concours financier au débiteur s’exposent à des poursuites pour soutien abusif
        • Ils ne pourront pas se prévaloir d’une limitation de leur responsabilité au titre de l’article L. 650-1 du Code de commerce.
  • Les exceptions au principe d’irresponsabilité
    • L’article L. 650-1 du Code de commerce prévoit trois exceptions au principe d’irresponsabilité dont jouissent les créanciers qui ont accordé leur concours financier au débiteur
      • La fraude
      • L’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
      • La disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
    • Si la lettre de l’article L. 650-1 du Code de commerce laisse à penser qu’il s’agit là de trois exceptions autonomes, lesquelles peuvent alternativement fonder la condamnation d’un créancier pour soutien abusif, la jurisprudence s’est livrée à une interprétation quelque peu différente de ce texte.
    • Dans un arrêt du 27 mars 2012, la Cour de cassation a, en effet, estimé que pour engager la responsabilité du débiteur il convient de satisfaire à deux conditions cumulatives ( com., 27 mars 2012).
      • Première condition
        • Il convient d’établir l’existence d’un soutien abusif du créancier, soit d’une faute au sens de l’article 1240 du Code civil
        • Il peut être observé que cette condition n’est pourtant pas prévue par l’article L. 650-1 du Code de commerce.
      • Seconde condition
        • Il convient de rapporter la preuve, en plus de l’existence d’une faute :
          • Soit d’une fraude
          • Soit d’une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur
          • soit d’une disproportion des garanties prises en contrepartie des concours consenties
        • Il s’agit là d’élément dont l’établissement est alternatif et non cumulatif.
        • Ce qui importe c’est que l’un d’eux soit établi en complément de la caractérisation d’une faute.

Schéma 6.JPG

  • La Cour de cassation a confirmé sa position dans deux arrêts rendus en 2014.
  • Dans ces décisions elle a notamment estimé que dès lors qu’il n’est pas établi que le créancier poursuivi pour soutien abusif avait commis une faute, il était inutile de rechercher s’il s’était immiscé dans la gestion du débiteur ( com., 11 févr. 2014) ou si les garanties consenties étaient disproportionnées (Cass. com., 28 janv. 2014)

Schéma 7.JPG

Schéma 8.JPG

==> L’octroi d’un privilège en cas d’ouverture subséquente d’une procédure collective

  • Le fondement du privilège de conciliation
    • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
    • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
    • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
    • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournissent un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation

==> La neutralisation des clauses dissuasives d’ouverture d’une procédure de conciliation

Deux mécanismes ont été instaurés par le législateur afin de protéger le débiteur contre les stipulations contractuelles qui aggraveraient la situation du débiteur en cas d’ouverture d’une procédure de conciliation.

  • Premier mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 1er prévoit que, est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc
  • Second mécanisme
    • L’article L. 611-16, al. 2 prévoit que, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de ces procédures pour la quote-part excédant la proportion fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.

II) Les effets de l’accord amiable

Lorsque le débiteur et ses créanciers parviennent à un accord, celui-ci produit un certain nombre d’effets.

Tandis que certains de ces effets seront communs à tous les accords de conciliation (2), d’autres dépendront du type de formalisation de l’accord, celui-ci pouvant faire l’objet, soit d’une simple constatation par le Président de la juridiction saisie, soit d’une véritable homologation judiciaire (1).

A) Les effets communs à tous les accords de conciliation

Si le conciliateur parvient à mener à bien sa mission cela devrait se traduire par la formalisation d’un accord de conciliation.

La conclusion de cet accord produira des effets :

  • D’une part, sur la situation du débiteur
  • D’autre part, sur la situation des créanciers
  • Enfin, sur la situation des garants
  1. La situation du débiteur
  • Les obligations du débiteur
    • En ce que l’accord de conciliation s’apparente à un contrat, il sera pourvu de la force obligatoire propre à n’importe quelle obligation contractuelle.
    • Il en résulte que le débiteur sera tenu de satisfaire les engagements qu’il a souscrits lors de la conclusion de l’accord.
    • Il devra, notamment, respecter les échéanciers qui ont été négociés par le conciliateur et procéder à la restructuration économique et sociale à laquelle il s’est engagé.
  • Les pouvoirs du débiteur
    • Sur l’entreprise
      • Ni l’ouverture d’une procédure de conciliation, ni la conclusion d’un accord n’a pour effet de dessaisir le débiteur du pouvoir de direction de son entreprise.
      • Nonobstant la désignation d’une conciliation, le débiteur demeure investi de ses pouvoirs d’administration et de disposition de sorte qu’il est libre d’accomplir tous les actes qu’il juge nécessaire pour l’exploitation de son entreprise.
    • Sur la procédure
      • Preuve que la procédure de conciliation ne saurait être imposée au débiteur, conformément à l’article R. 611-37 du Code de commerce, lorsqu’il en fait la demande « le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.»

2. La situation des créanciers

La conclusion de l’accord de conciliation produit trois effets sur la situation des créanciers partie à l’accord :

  • La suspension des poursuites
    • Principe
      • Introduit par l’ordonnance du 18 décembre 2014, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que « pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle tant sur les meubles que les immeubles du débiteur dans le but d’obtenir le paiement des créances qui en font l’objet».
      • Ainsi les créanciers qui ont consenti des délais de paiement ou des remises de dette au débiteur sont privés de la possibilité d’engager des poursuites contre lui une fois l’accord de conciliation conclu.
    • Créances visées
      • Il ressort de l’article L. 611-10-1 du Code de commerce que la suspension des poursuites ne concerne que les créances pour lesquelles le créancier a formellement consenti une remise ou un délai de paiement.
      • Pour les créances non prévues à l’accord, le créancier demeure libre de poursuivre le débiteur
  • L’interruption des délais
    • En contrepartie de la suspension des poursuites, l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que l’accord de conciliation « interrompt, pour la même durée, les délais impartis aux créanciers parties à l’accord à peine de déchéance ou de résolution des droits afférents aux créances mentionnées par l’accord. »
    • En cas de résolution de l’accord de conciliation, les créanciers conservent ainsi le droit de poursuivre le débiteur.
    • Le délai de prescription reprendra son cours au jour où l’accord a été conclu.
  • L’interdiction de l’anatocisme
    • Dernier effet de la conclusion de l’accord de conciliation sur la situation des créanciers : l’article L. 611-10-1 du Code de commerce prévoit que nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
    • Autrement dit, cela signifie que les intérêts échus des créances objet de l’accord ne peuvent être intégrés dans le capital aux fins de produire eux-mêmes des intérêts.
    • L’anatocisme est donc interdit
    • Le législateur a souhaité, par cette règle, ne pas aggraver la situation du débiteur.

3. La situation des garants

La question qui se pose ici est de savoir si le délai de paiement ou la remise de dette consentie au débiteur dans le cadre d’un accord de conciliation peut bénéficier aux garants ?

a) Le droit commun

En droit commun, deux situations doivent être distinguées :

  • Le délai de paiement est octroyé au débiteur par un juge
    • Dans cette hypothèse, dans la mesure où il s’agit d’une décision judiciaire, elle produit un effet individuel
    • Le délai de paiement ne bénéficie, en conséquence, qu’au seul débiteur
    • Aussi appartiendra-t-il aux garants de saisir eux-mêmes le juge, sur le fondement de l’article 1345-5 du Code civil, afin de bénéficier à leur tour d’un délai de grâce.
  • Un délai de paiement ou une remise de dette a été consenti conventionnellement au débiteur par le créancier
    • Dans cette hypothèse, nonobstant l’effet relatif des conventions, l’article 1350-2 du Code civil prévoit que « la remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, même solidaires. »
    • Lorsque, de la sorte, un délai de paiement ou une remise de dette est consenti directement par le créancier au débiteur elle bénéficie immédiatement aux garants
    • Cette règle n’est autre que la manifestation du principe selon lequel l’accessoire suit le principal.
    • Le créancier s’oblige, dès lors, si l’éventualité se présentait, à poursuivre les garants dans les mêmes termes que le débiteur.

b) La procédure de conciliation

Deux périodes doivent être distinguées :

==> Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

La lecture de l’ancien article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce invitait à distinguer selon que l’on était en présence d’un accord seulement constaté ou selon que l’on était en présence d’un accord homologué :

  • S’agissant d’un accord homologué
    • L’article L. 611-10, al. 3 du Code de commerce prévoyait que « les coobligés et les personnes ayant consenti un cautionnement ou une garantie autonome peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord homologué. »
    • Ainsi, les garants étaient-ils fondés à se prévaloir des délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur principal par les créanciers parties à l’accord.
  • S’agissant d’un accord constaté
    • L’article L. 611-10 al. 3 était silencieux sur cette question.
    • Devait-on en déduire que, dans cette hypothèse, les garants ne pouvaient pas bénéficier des délais de paiements et remises de dettes consenties au débiteur ?
    • La question a été posée à la Cour de cassation qui y a répondu dans un arrêt remarqué du 5 mai 2004 ( com. 5 mai 2004).
    • Dans cette décision, la chambre commerciale a estimé que, quand bien même l’accord était seulement constaté « la cour d’appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficiaient à la caution »

Cass. com. 5 mai 2004
Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 9 mars 2001), qu'au mois de juin 1989, le Groupement des industries du transport et du tourisme (GITT) a lancé une émission d'obligations, divisée en deux emprunts, dont l'un à taux variable de 3 000 000 francs, était, en particulier, destiné au financement de la Banque d'entreprises financières et industrielles (BEFI) et garanti par celle-ci à hauteur de 60/300èmes ;

que cet emprunt était divisé en trois tranches A, B, C, venant à échéance respectivement les 17 juillet 1998, 17 juillet 1999 et 17 juillet 2000 ; que la sicav Rochefort court terme (devenue Chateaudun court terme) a acquis la totalité des obligations des tranches A et B, qu'elle a cédées à la Caisse centrale de réassurance (CCR) ; qu'à la suite du remboursement par la BEFI de sa quote-part, le GITT a utilisé les fonds pour assurer les besoins de trésorerie de la société Crédit touristique et des transports (C2T) ; que les obligataires des tranches concernées ont lors de l'assemblée générale du 27 juin 1995 refusé de ratifier les opérations de substitution de C2T à la BEFI dans l'engagement de garantie de l'emprunt ; que la CCR et la sicav Chateaudun ont, le 16 octobre 1997, assigné la BEFI aux fins de la voir déclarer garante, dans la limite de sa quote-part de 20 %, solidairement avec le GITT, du service en intérêts, principal et accessoires des tranches A et B de l'emprunt concerné ;

qu'entre-temps est intervenu entre le GITT d'une part, et la CCR et la sicav Chateaudun, d'autre part, un accord, homologué le 12 décembre 1997, par le tribunal dans le cadre d'une procédure de réglement amiable régie par les articles L. 611-1 et suivants du Code de commerce ; que la BEFI a contesté sa garantie et sollicité la communication de l'accord ; que le tribunal a rejeté l'incident et dit que la BEFI était garante solidairement avec le GITT, à concurrence de sa quote-part, du service des tranches A et B de l'emprunt ; qu'en cause d'appel, la BEFI a réitéré son incident de communication de l'accord et a appelé en garantie le GITT ;

[…]

Et sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en ses trois branches :

Attendu que la CCR fait grief à l'arrêt d'avoir dit irrecevable et mal fondée son action tendant à l'exécution ou, à défaut, à la reconnaissance de la garantie du remboursement d'une quote-part de l'emprunt obligataire par la BEFI, caution solidaire, alors, selon le moyen ;

1 / que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office la fin de non recevoir tirée du prétendu défaut d'intérêt de la société CCR à poursuivre la société BEFI, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de réglement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984 ;

qu'en déclarant l'action de la société CCR irrecevable, faute pour cette dernière de justifier de l'exigibilité de la dette du débiteur principal, quant elle avait pourtant constaté qu'à son échéance, l'emprunt n'avait été que partiellement remboursé, d'où il résultait, en vertu des stipulations contractuelles liant les parties, que la garantie de la société BEFI était due, nonobstant d'éventuels délais de paiement ou remises accordés au débiteur principal dans le cadre d'un accord de réglement amiable, susceptibles d'être opposés par la caution au créancier, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 2036 du Code civil, ensemble les articles L. 611-4 du Code de commerce et 31 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la demande subsidiaire de la société CCR avait pour objet de faire juger que le remboursement anticipé, par la société BEFI, de sa quote-part de l'emprunt, n'avait pas eu pour conséquence de faire disparaître l'obligation de garantie ; que le créancier avait intérêt à ce que ce point, sur lequel les parties s'opposaient, soit tranché, ne serait-ce qu'à titre préventif, avant que la dette principale ne soit devenue exigible ;

qu'en déduisant dès lors l'irrecevabilité de la demande de ce que l'exigibilité de la dette principale n'était pas démontrée, la cour d'appel a violé l'article 31 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt, qui a examiné au fond la prétention, avant de la dire irrecevable, relève que "la CCR était parfaitement libre, dans le cadre du réglement amiable, de souscrire ou non à l'accord emportant restructuration de la dette, en accordant des remises ou des délais au débiteur" ; qu'il retient que la CCR ne peut, sans déséquilibrer gravement l'économie des relations contractuelles et sans s'affranchir de son obligation de se comporter en partenaire loyal, exiger de sa co-contractante, garante, qu'elle a exclu de l'élaboration du plan, l'exécution de sa propre obligation ; qu'en l'état de ses énonciations, la cour d'appel a fait ressortir à bon droit que les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d'un règlement amiable bénéficiaient à la caution ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident

  • Faits
    • Une société, le GITT (groupement des industries du transport et du tourisme), a émis des obligations dont le remboursement était garanti par un établissement financier, la BEFI (Banque d’entreprises financières et industrielles).
      • Pour rappel, un emprunt obligataire est un instrument financier émis par une personne morale (Etat, collectivité publique, entreprise publique ou privée) qui reçoit en prêt une certaine somme d’argent de la part des souscripteurs des titres.
        • Une société A émet des obligations.
        • En contrepartie de la souscription à ces obligations les souscripteurs vont prêter de l’argent à la société émettrice à un certain taux défini lors de l’émission des obligations
        • La société qui a émis les obligations devra, par suite, rembourser les obligations à une certaine échéance !
        • C’est à ce stade de l’opération qu’intervient la caution : dans l’hypothèse où la société émettrice n’est pas en mesure de rembourser le prêt consenti par les souscripteurs d’obligations à l’échéance prévue, la caution est appelée en garantie
        • C’est ce qu’a fait la BEFI en l’espèce
      • À la suite de difficultés financières, la société le (GITT) a conclu un accord avec ses créanciers obligataires dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984.
      • La société a obtenu la restructuration de sa dette, et notamment l’octroi de remises et de délais de paiement.
      • Parmi les créanciers parties à cet accord figurait la CCR (Caisse centrale de réassurance) qui, après avoir ainsi accordé des délais et des remises au débiteur principal, avait ensuite fait jouer, à l’échéance initialement prévue, la garantie de la BEFI et ce, pour la totalité de la créance initiale.
      • C’est alors que la BEFI refuse de garantir la dette de la société émettrice d’obligations (le GITT).
  • Demande
    • La CCR, créancier obligataire, appelle la BEFI en garantie de la créance qu’elle détient à l’encontre du GITT.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 9 mars 2001, la Cour d’appel de Paris rejette la demande du créancier obligataire (la société CCR).
    • Les juges du fond relèvent que le créancier obligataire était libre d’accorder au débiteur principal des délais et remises de paiement, ce qu’il a fait
    • Il serait par conséquent déloyal de ne pas faire bénéficier de ces délais de paiement à la caution, alors que le créancier obligataire l’a exclu du plan.
  • Moyens des parties
    • La caution ne peut pas se prévaloir des délais et remises de paiement consentis au débiteur principal dans le cadre du règlement amiable, dans la mesure où elle n’en était pas partie.
    • La créance invoquée par le créancier obligataire était par conséquent parfaitement exigible à l’égard de la caution.
  • Problème de droit
    • Les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable peuvent-ils ou non bénéficier à la caution ?
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 mai 2004, la chambre commerciale rejette le pourvoi formé par le créancier obligataire.
    • La Cour de cassation estime dans cette décision que « les remises ou délais accordés par un créancier dans le cadre d’un règlement amiable bénéficient à la caution».
    • Ainsi contredit-elle frontalement l’auteur du pourvoi principal qui soutenait dans la 2e branche du moyen que « la caution solidaire ne peut se prévaloir, pour se soustraire à son engagement, des remises et des délais de paiement consentis par le créancier au débiteur principal dans le cadre de la procédure de règlement amiable instituée par la loi du 1er mars 1984».
    • La Cour de cassation reprend ici à son compte le raisonnement de la Cour d’appel.
    • En effet, elle relève, à son tour, que :
      • Le créancier obligataire était parfaitement libre d’accorder des remises et délais de paiement au débiteur principal
      • Dans la mesure où elle a accepté de conclure un accord avec ce dernier, il serait déloyal que le créancier obligataire réclame le paiement de créancier à la caution, ce d’autant plus qu’elle l’a exclu de la procédure de règlement amiable
      • C’est la raison pour laquelle, selon la Cour de cassation, les remises et délais de paiement doivent bénéficier à la caution !!!
  • Analyse
    • Si l’on se reporte à l’ancien article 1287 du Code civil, il n’y, a priori, rien de surprenant dans cette décision.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoyait que « la remise ou décharge conventionnelle accordée au débiteur principal libère les cautions ».
    • Ainsi, dans l’hypothèse où le créancier obligataire consent une remise de dette au débiteur principal, elle devrait, en toute logique, bénéficier à la caution.
    • Cette solution n’est, cependant, pas si évidente qu’il y paraît ; d’où la locution « à bon droit» auquel a recours la Cour de cassation qui, par cette formule, nous signale que la décision des juges du fond était pour le moins audacieuse.
    • Dans l’arrêt en l’espèce, nous sommes en présence d’un accord seulement constaté.
    • Or dans cette hypothèse l’ancien article L. 611-10, al. 3e ne réglait pas le sort des cautions du débiteur principal.
    • Qui plus est, en droit commun, lorsqu’un délai de paiement est octroyé par un juge, il s’agit là d’une décision qui ne bénéficie qu’au seul débiteur en raison de l’effet strictement individuel des décisions de justice
    • La question que l’on était dès lors légitimement en droit de se poser était de savoir quel régime juridique appliquer au délai de paiement consenti au débiteur dans le cadre d’un accord amiable constaté ?
    • De deux choses l’une :
      • Soit l’on considère que l’accord constaté revêt une dimension judiciaire, dans la mesure où son efficacité est subordonnée à l’intervention d’un juge, auquel cas les délais de paiement consentis au débiteur ne sauraient bénéficier à la caution
      • Soit l’on considère que la nature contractuelle de l’accord constaté prime sur sa dimension judiciaire, auquel cas rien ne fait obstacle à ce que les garants puissent bénéficier des délais de paiements consentis au débiteur principal, conformément à l’article 1350-2 du Code civil.
    • La Cour de cassation a manifestement opté par la seconde solution en estimant que les délais de paiement et remises de dettes consentis au débiteur dans le cadre d’un accord constaté bénéficiait à la
    • Cette solution est radicalement opposée à celle qu’elle avait adoptée dans un arrêt du 13 novembre 1996 où elle avait estimé que « malgré leur caractère volontaire, les mesures consenties par les créanciers dans le plan conventionnel de règlement, prévu par l’article L. 331-6 ancien du Code de la consommation, ne constituent pas, eu égard à la finalité d’un tel plan, une remise de dette au sens de l’article 1287 du Code civil» ( 1ère civ. 13 nov. 1996).
    • Pour justifier sa décision, la Cour de cassation fonde son raisonnement en l’espèce sur le comportement du créancier.
    • Dans la mesure où celui-ci consent des remises ou délais de paiement au débiteur dans le cadre de la procédure de règlement amiable, il serait déloyal qu’il réclame à a caution le paiement de sa créance
    • Ainsi, la chambre commerciale de la Cour de cassation considère-t-elle implicitement qu’un créancier ne peut, après avoir participé à un règlement amiable, effectuer ensuite un acte – en l’espèce l’action en paiement dirigée contre la caution – dont la conséquence sera nécessairement, par le recours qu’il générera ultérieurement, une remise en cause de l’efficacité dudit règlement.
    • La Cour de cassation fait primer ici l’objectif législatif d’efficacité des procédures de traitement des difficultés du débiteur principal sur le principe d’indifférence à l’égard de la caution de l’ouverture d’une telle procédure.

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==> Après l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 18 décembre 2008

À l’occasion de l’adoption de l’ordonnance du 18 décembre 2008, le législateur a introduit un article L. 611-10-2  dans le Code de commerce qui prévoit que « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des mesures accordées au débiteur en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ainsi que des dispositions de l’accord constaté ou homologué. »

Il ressort de cette disposition que deux modifications ont été apportées par le législateur au régime juridique des garants du débiteur principal.

  • Première modification
    • L’article L. 611-10-2 uniformise la situation des garants et coobligés qu’il s’agisse d’un accord seulement constaté ou homologué.
    • Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer.
    • Dans les deux cas, ils bénéficient des délais de paiements et remises de dette consentis par les créanciers dans le cadre de l’accord de conciliation
  • Seconde modification
    • Antérieurement à la réforme de 2008, seules les cautions, les coobligés où les titulaires d’une garantie autonome pouvaient se prévaloir du délai de paiement ou de la remise de dette consenti au débiteur.
    • Désormais, l’article L. 611-10-2 vise toutes sortes de garanties, telles que la fiducie par exemple ou la technique de la délégation imparfaite.

B) Les effets propres à la formalisation de l’accord

  1. L’accord constaté par le Président du Tribunal
  • La force exécutoire de l’accord constaté
    • Aux termes de l’article L. 611-8 du Code de commerce « le président du tribunal, sur la requête conjointe des parties, constate leur accord et donne à celui-ci force exécutoire.»
    • L’article R. 611-39 précise que « en application du I de l’article L. 611-8, l’accord des parties est constaté par une ordonnance du président du tribunal qui y fait apposer la formule exécutoire par le greffier. »
    • Aussi, cela signifie-t-il que, en cas d’inexécution de l’accord le créancier sera d’ores et déjà muni d’un titre exécutoire, ce qui lui permettra d’engager une procédure de recouvrement judiciaire de sa créance.
  • L’absence de cessation des paiements
    • La constatation de l’accord par le juge est conditionnée par la déclaration certifiée du débiteur qu’il n’était pas en cessation des paiements au moment de la conclusion de l’accord de conciliation, à tout le moins qu’il ne s’y trouve plus.
  • Publication et voies de recours
    • En raison de son caractère confidentiel, l’accord constaté ne fait l’objet d’aucune mesure de publicité.
    • L’article R. 611-39 du Code de commerce prévoit en ce sens que des copies de l’accord ne peuvent être délivrées qu’aux parties et aux personnes qui peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord.
      • C’est là le principal avantage que procure ce type de formalisation de l’accord
    • Par ailleurs, il n’est susceptible d’aucune voie de recours.

2. L’accord homologué par le Président du Tribunal

==> Conditions de l’homologation

L’article L. 611-8 du Code de commerce subordonne l’homologation de l’accord de conciliation à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • Le débiteur ne doit pas être en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin
    • Ainsi, si l’absence de cessation des paiements n’est pas une condition d’ouverture de la procédure de conciliation, elle le devient lorsque l’on envisage une homologation de l’accord.
  • Les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise
    • Cette condition révèle l’intention du législateur de ne permettre aux seuls accords sérieux d’être homologués
  • L’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires
    • Cette condition tient au principe d’égalité des créanciers, en ce sens que l’accord de conciliation ne doit pas être un prétexte pour avantager certains créanciers au détriment de d’autres de façon disproportionnée.

==> Procédure d’homologation

  • Information des représentants du personnel
    • Aux termes de l’article L. 611-8-1 du Code de commerce le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel sont informés par le débiteur du contenu de l’accord lorsque celui-ci demande l’homologation.
  • Audition des personnes intéressées à l’accord
    • L’article L. 611-9 du Code de commerce prévoit que le tribunal statue sur l’homologation après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil
      • Le débiteur
      • Les créanciers parties à l’accord
      • Les représentants du comité d’entreprise
        • À défaut, des délégués du personnel, le conciliateur et le ministère public.
      • L’ordre professionnel ou l’autorité compétente dont relève, le cas échéant, le débiteur qui exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est entendu ou appelé dans les mêmes conditions.
      • Le tribunal peut entendre toute autre personne dont l’audition lui paraît utile.
  • Notification de l’accord
    • Le jugement statuant sur l’homologation de l’accord est notifié par le greffier au débiteur et aux créanciers signataires de l’accord.
    • Il est communiqué au conciliateur et au ministère public.
    • Lorsque le débiteur est soumis au contrôle légal de ses comptes, l’accord homologué est transmis à son commissaire aux comptes.
  • Publicité du jugement d’homologation
    • Contrairement à l’accord de conciliation seulement constaté par le Président du Tribunal compétent, l’accord homologué fait l’objet d’une mesure de publicité, ce qui n’est pas sans constituer une formalité dissuasive pour le débiteur qui souhaiterait que la procédure demeure discrète.
    • Toutefois, seul le jugement d’homologation est public, l’accord de conciliation en lui-même restant couvert par le sceau du secret.
    • L’article L. 611-10 du Code de commerce prévoit en ce sens le jugement d’homologation est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance et fait l’objet d’une mesure de publicité.
    • Plus précisément, conformément à l’article R. 611-43 du Code de commerce Un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
    • Cette insertion contient l’indication
      • du nom du débiteur
      • de son siège
      • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
      • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
      • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
      • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
    • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
    • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
    • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
    • Il peut être observé que le jugement rejetant la demande d’homologation ne fait pas l’objet d’une publication.
  • Voies de recours
    • Le jugement d’homologation est susceptible d’appel de la part du ministère public et, en cas de contestation relative au privilège mentionné à l’article L. 611-11, de la part des parties à l’accord.
    • Il peut également être frappé de tierce opposition.
    • Quant au jugement rejetant l’homologation, il est également susceptible d’appel.

==> Effets de l’homologation

Lorsqu’il est homologué par le Président du Tribunal compétent l’accord de conciliation produit plusieurs effets :

  • La levée pour le débiteur de l’interdiction d’émettre des chèques
    • Aux termes de l’article L. 611-10-2 du Code de commerce l’accord homologué entraîne la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques conformément à l’article L. 131-73 du code monétaire et financier, mise en œuvre à l’occasion du rejet d’un chèque émis avant l’ouverture de la procédure de conciliation.
    • Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cette interdiction est levée sur les comptes afférents au patrimoine visé par la procédure.
    • L’article R. 611-45 précise que le débiteur justifie de la levée de l’interdiction d’émettre des chèques auprès de l’établissement de crédit qui est à l’origine de cette mesure par la remise d’une copie du jugement homologuant l’accord, à laquelle il joint un relevé des incidents de paiement.
    • L’établissement de crédit qui est à l’origine de l’interdiction informe la Banque de France de la levée de cette interdiction aux fins de régularisation.
  • L’octroi d’un privilège de conciliation pour le créancier
    • Le fondement du privilège de conciliation
      • Pour convaincre les créanciers de conclure l’accord de conciliation, le conciliateur peut brandir la perspective de l’obtention d’un privilège dans l’hypothèse où le débiteur ferait l’objet, subséquemment, d’une procédure collective.
      • Il s’agit du privilège « d’argent frais» ou de « new money »
      • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit en ce sens que « en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre, un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service. »
      • L’octroi de ce privilège aux créanciers qui ont participé à la procédure de conciliation en cas d’ouverture d’une procédure collective a été critiqué par certains qui y ont vu une rupture d’égalité entre les créanciers antérieurs.
      • Dans sa décision du 22 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que « le législateur a institué le privilège contesté afin d’inciter les créanciers d’une entreprise en difficulté, quel que soit leur statut, à lui apporter les concours nécessaires à la pérennité de son activité ; qu’au regard de cet objectif, ceux qui prennent le risque de consentir de nouveaux concours, sous forme d’apports en trésorerie ou de fourniture de biens ou services, se trouvent dans une situation différente de celle des créanciers qui se bornent à accorder une remise de dettes antérieurement constituées ; qu’ainsi, le législateur n’a pas méconnu le principe d’égal» ( const., n° 2005-522, 22 juill. 2005)
  • Les conditions d’octroi du privilège de conciliation
    • Pour bénéficier du privilège prévu à l’article L. 611-11 du Code de commerce, plusieurs conditions doivent être remplies :
      • Première condition : l’exigence d’homologation
        • Le privilège de conciliation ne peut être consenti au créancier qu’à la condition que l’accord fasse l’objet d’une homologation par le Président du Tribunal compétent
        • En cas d’accord seulement constaté, le créancier ne bénéficiera d’aucun privilège quand bien même il a fait apport d’argent frais.
      • Deuxième condition : l’exigence d’un nouvel apport de trésorerie, d’un nouveau bien ou service
        • Seuls les créanciers qui effectuent un apport d’argent frais ou fournisse un nouveau bien ou service peuvent se prévaloir du privilège de conciliation
        • Ce nouvel apport peut intervenir à n’importe quel moment de la procédure
        • Avant l’ordonnance du 12 mars 2014, le nouvel apport devait nécessairement être effectué au moment de la conclusion de l’accord amiable.
        • Cette condition a été supprimée, de sorte que le privilège de conciliation pourra bénéficier aux créanciers qui ont effectué des apports avant la conclusion de l’accord.
      • Troisième condition : un investissement aux fins de poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le nouvel apport doit être effectué en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité
        • Tous les concours financiers ne justifieront donc pas l’octroi du privilège de conciliation.
      • Quatrième condition : l’exclusion des apports consentis par les actionnaires et associés du débiteur dans le cadre d’une augmentation de capital.
        • Lorsqu’ainsi, un associé ou un actionnaire effectue un nouvel apport dans le cadre d’une augmentation de capital, il ne peut se prévaloir du privilège de conciliation.
        • Il est, cependant, susceptible d’en bénéficier, s’il effectue un apport en compte-courant d’associé.
  • La situation du créancier bénéficiaire du privilège de conciliation
    • L’article L. 611-11 du Code de commerce prévoit que le bénéficiaire d’un privilège de conciliation est payé, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13.
    • Il en résulte qu’il sera payé :
      • Après
        • Les créances de salaire
        • Les créances de frais de justice nées postérieurement au jugement d’ouverture
      • Avant
        • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
        • Les créances nées au cours de la période d’observation
  • La neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements
    • Aux termes de l’article L. 631-8, al. 2 et L. 641-1-IV du Code de commerce sauf cas de fraude, la date de cessation des paiements ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive ayant homologué un accord amiable en application du II de l’article L. 611-8.
    • Cette neutralisation de la possibilité de reporter la date de cessation des paiements est source de sécurité pour les créanciers qui, s’ils participent à l’accord de conciliation, ne s’exposeront pas à ce que les actes qu’ils auront accomplis à la faveur du débiteur tombent sous le coup des nullités de la période suspecte.

III) La fin de l’accord amiable

Quatre causes distinctes sont susceptibles de mettre fin à l’accord de conciliation.

  • La demande du débiteur
    • Aux termes de l’article R. 611-37 du Code de commerce lorsque le débiteur en fait la demande, le président du tribunal met fin sans délai à la procédure de conciliation.
    • Il s’agit là d’un droit discrétionnaire qui a pour seule limite la cessation des paiements qui, si elle était constatée, obligerait le débiteur à la déclarer dans un délai de 45 jours, ce qui, par voie de conséquence, l’exposerait à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
  • La demande du conciliateur
    • L’article R. 611-36 du Code de commerce prévoit que le conciliateur peut demander au président du tribunal de mettre fin à sa mission lorsqu’il estime indispensables les propositions faites par lui au débiteur en application du premier alinéa de l’article L. 611-7 et que celui-ci les a rejetées.
    • Toutefois, dès lors que l’accord a été conclu, il doit être exécuté à l’instar de n’importe quelle obligation contractuelle.
  • L’ouverture d’une procédure collective
    • Aux termes de l’article L. 611-12 du Code de commerce, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué en application de l’article L. 611-8.
    • Ainsi, en cas d’ouverture d’une procédure collective, l’accord constaté ou homologué devient caduc
    • En ce cas d’ailleurs, les créanciers recouvrent l’intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, sans préjudice des dispositions prévues à l’article L. 611-11.
  • L’inexécution de l’accord
    • L’article L. 611-10-3 prévoit que, en cas d’inexécution de l’accord, celui-ci fait l’objet d’une résolution.
      • Compétence
        • Lorsque l’accord est seulement constaté, c’est le Président du Tribunal saisi qui est compétent ( L. 611-10-3, al. 1er)
        • Lorsque l’accord a été homologué, cela relève de la compétence du Tribunal qui statue en formation collégiale ( L. 611-10-3, al. 2e)
      • Saisine de la juridiction compétente
        • L’article 611-10-3 du Code de commerce prévoit que la résolution peut être demandée par l’une des parties à l’accord constaté
        • Cela signifie que, tant les créanciers, que le débiteur ont qualité pour demander la résolution de l’accord.
        • Cette qualité à agir n’est manifestement pas reconnue au ministère public, ni au juge qui ne saurait se saisir d’office.
      • Exercice de la demande de résolution
        • Aux termes de l’article R. 611-46 du Code de commerce, la demande de résolution de l’accord constaté ou homologué présentée en application de l’article L. 611-10-3 est formée par assignation.
        • Toutes les parties à l’accord ainsi que les créanciers auxquels des délais de paiement ont été imposés en application du cinquième alinéa de l’article L. 611-7 ou du dernier alinéa de l’article L. 611-10-1 doivent être mis en cause par le demandeur, le cas échéant sur injonction du tribunal.
      • Publicité et notification du jugement
        • Le jugement rendu est communiqué au ministère public et notifié par le greffier aux créanciers mentionnés à l’alinéa précédent.
        • La décision prononçant la résolution de l’accord homologué fait l’objet des publicités prévues à l’article R. 611-43.
          • Pour mémoire, cette disposition prévoit que, un avis du jugement d’homologation est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
          • Cette insertion contient l’indication
            • du nom du débiteur
            • de son siège
            • lorsqu’il est une personne physique, de l’adresse de son entreprise ou de son activité.
            • Il est également mentionné son numéro unique d’identification
            • le cas échéant, le nom de la ville où se trouve le greffe ou la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé.
            • Lorsque l’activité en difficulté est celle à laquelle un entrepreneur individuel à responsabilité limitée a affecté un patrimoine, l’insertion précise le registre où a été déposée la déclaration d’affectation.
          • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou, lorsqu’il est une personne physique, l’adresse de son entreprise ou de son activité.
          • Il mentionne que le jugement est déposé au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.
          • Ces publicités sont faites d’office par le greffier dans les huit jours de la date du jugement.
      • Effets de la résolution
        • Il se déduit de la lettre de l’article 611-10-3 du Code de commerce que, une fois résolu, l’accord est anéanti rétroactivement.
        • Aussi, cela devrait conduire à une remise en l’état antérieur, soit à anéantir les remises de dettes où les sûretés qui auraient été constituées par les créanciers
        • L’article 611-10-3 précise d’ailleurs, le président du tribunal ou le tribunal qui décide la résolution de l’accord peut aussi prononcer la déchéance de tout délai de paiement
        • Quid du sort du privilège de conciliation ?
        • Si, la jurisprudence n’a encore apporté aucune réponse à cette question, la doctrine est plutôt favorable à son maintien.

La procédure d’alerte et la prévention des entreprises en difficulté

==>Ratio legis

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés, il est un risque que ses dirigeants ne réagissent pas à temps pour les traiter, soit parce qu’ils ne prennent pas conscience de la situation, soit parce qu’ils ne souhaitent pas effrayer les créanciers ou s’exposer à la menace de poursuites.

En tout état de cause, si le dirigeant ne réagit pas rapidement, son incurie est susceptible de compromettre la continuité de l’exploitation.

Aussi, afin que le chef d’entreprise ne se retrouve pas dans cette situation, le législateur est intervenu plusieurs reprises pour instaurer des mécanismes de prévention des entreprises en difficulté.

Parmi ces mécanismes, loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises a institué une procédure d’alerte qui a pour objet d’attirer l’attention des dirigeants sur les difficultés objectivement décelables que rencontre l’entreprise.

L’idée qui sous-tend cette procédure est d’engager une discussion avec le chef d’entreprise afin qu’il réagisse vite et prenne les mesures qui s’imposent.

La procédure d’alerte peut avoir deux origines : elle peut être interne ou externe à l’entreprise

I) Les alertes internes à l’entreprise

En interne, elle procédure d’alerte peut être déclenchée par plusieurs opérateurs :

  • Les associés
  • Le commissaire aux comptes
  • Le comité d’entreprise

A) Le déclenchement de la procédure d’alerte par les associés

==>Les titulaires du droit d’alerte

Le droit d’alerte ne peut pas être exercé par les associés de toutes les sociétés. Il est réservé :

  • aux associés des SARL (art. L. 223-36 C. com)
  • aux associés des SA ( L. 225-232 C. com)
  • aux associés des SCA ( L. 226-1 C. com combiné à l’art. L. 225-232 C. com)
  • aux associés des SAS ( L. 227-1 C. com combiné à l’art. L. 225-232 C. com)

==>Le critère de déclenchement de la procédure d’alerte

Aux termes des articles L. 223-36 et L. 225-232 du Code de commerce, la procédure d’alerte ne peut être déclenchée par les associés qu’en vue de porter à la connaissance du dirigeant (gérant ou con président du Conseil d’administration) des faits « de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

Bien que les associés ne soient pas tenus à la confidentialité qui échoit notamment au commissaire aux comptes, ils n’auront pas d’intérêt à ébruiter les difficultés de l’entreprise, ne serait-ce que pour pas créer un sentiment de peur chez les partenaires sociaux.

==>Le déroulement de la procédure

  • S’agissant de la SARL, l’article 223-36 du Code de commerce prévoit que « tout associé non gérant peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse du gérant est communiquée au commissaire aux comptes.»
  • S’agissant de la SA l’article 225-232 du Code de commerce, applicable également aux SCA et SAS prévoit que « un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social ou une association répondant aux conditions fixées à l’article L. 225-120 peuvent, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au président du conseil d’administration ou au directoire sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La réponse est communiquée au commissaire aux comptes»

Ainsi lorsqu’elle est déclenchée par l’associé d’une société, la procédure d’alerte se déroule en trois temps :

  • Premier temps : une question
    • Dans les SA, SCA et SAS, la question peut être posée
      • Soit par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital social
      • Soit par une association d’actionnaires justifiant d’une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant ensemble au moins 5 % des droits de vote.
    • La question ne peut être posée que deux fois par exercice au dirigeant
    • Elle doit être posée par écrit
    • Elle doit porter sur un « fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation».
  • Second temps : une réponse
    • Le dirigeant sollicité dans le cadre du déclenchement de la procédure d’alerte par un ou plusieurs associés a l’obligation de formuler une réponse
    • Les articles R. 223-29 et 225-164 du Code de commerce disposent que le gérant ou le président du conseil d’administration doivent répondre :
      • par écrit
      • dans le délai d’un mois à compter de la réception de la question
  • Troisième temps : l’information du commissaire aux comptes
    • Les articles L. 223-36 et 225-232 du Code de commerce prévoient que le dirigeant doit communiquer au commissaire aux comptes copie :
      • de la question qui lui a été posée
      • de la réponse apportée à la question
    • Les articles R. 223-29 et 225-164 prévoit que cette communication doit s’opérer dans un délai de deux mois

B) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le commissaire aux comptes

Pour que la procédure d’alerte puisse être déclenchée par un commissaire aux comptes, encore faut-il qu’il y en ait un qui soit désigné dans l’entreprise concernée.

Or la loi ne rend pas obligatoire la désignation d’un commissaire aux comptes dans toutes les entreprises.

Dès lors il convient de déterminer quelles sont les entreprises au sein desquelles la procédure d’alerte est susceptible d’être déclenchée par un commissaire aux comptes, après quoi nous envisagerons, le critère de déclenchement de la procédure, puis son déroulement.

  1. Les entreprises visées

Les entreprises au sein desquelles la procédure d’alerte est susceptible d’être déclenchée par un commissaire aux comptes sont les suivantes :

  • Les sociétés commerciales
    • Parmi les sociétés commerciales, il faut distinguer :
      • Les sociétés commerciales dont la désignation d’un commissaire au compte est obligatoire quelle que soit la taille de l’entreprise
        • Les sociétés anonymes ( L. 234-1 C. com)
        • Les sociétés en commandite par actions ( L. 226-1, al. 2 C. com)
        • Les sociétés par actions simplifiées ( L. 227-1, al. 3 C. com)
      • Les sociétés commerciales dont la désignation d’un commissaire aux comptes est subordonnée à l’atteinte d’une certaine taille
        • Cette taille est atteinte lorsque, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants sont dépassés:
          • 1 550 000 euros pour le total du bilan,
          • 3 100 000 euros pour le montant hors taxes du chiffre d’affaires
          • 50 pour le nombre moyen de salariés
        • Cette condition de seuil a été posée pour les trois formes de sociétés commerciales suivantes :
          • La société en nom collectif ( L. 221-9 C. com.)
          • La société en commandite simple ( L. 222-2 C. com.)
          • La société à responsabilité limitée ( L. 223-35 C. com.)
  • Les groupements d’intérêts économiques
    • Aux termes de l’article L. 251-12, al. 3 du Code de commerce, dans un groupement d’intérêts économiques le contrôle des comptes doit être exercé par un ou plusieurs commissaires aux comptes lorsque celui-ci comporte cent salariés ou plus à la clôture d’un exercice.
  • Les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique
    • L’article L. 612-1 du Code de commerce prévoit que :
      • D’une part, « les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique dont le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d’affaires ou les ressources et le total du bilan dépassent, pour deux de ces critères, des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat, doivent établir chaque année un bilan, un compte de résultat et une annexe.»
      • D’autre part, « ces personnes morales sont tenues de nommer au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. »
    • Il ressort de cette disposition que pour que la désignation d’un commissaire au compte soit obligatoire, plusieurs conditions doivent être réunies :
      • L’existence d’une personne morale
        • Cela suppose donc que le groupement soit « pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licites, dignes par suite d’être juridiquement reconnus et protégés» ( soc. 17 avr. 1991).
        • Il pourra s’agir :
          • de sociétés civiles
          • d’associations
      • L’exerce une activité économique
        • Ne sont donc pas concernés
          • Les syndicats
          • Les comités d’entreprise
          • Les partis politiques
      • L’atteinte d’une certaine taille
        • Comme pour les sociétés commerciales, cette taille est atteinte lorsque, à la clôture de l’exercice social, deux des trois seuils suivants sont dépassés:
          • 1 550 000 euros pour le total du bilan,
          • 3 100 000 euros pour le montant hors taxes du chiffre d’affaires
          • 50 pour le nombre moyen de salariés
  • Les entreprises publiques
    • L’article 30 de la loi n° 84-148 du 1 mars 1984 relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises dispose que « les établissements publics de l’Etat non soumis aux règles de la comptabilité publique sont tenus de désigner au moins un commissaire aux comptes et un suppléant. Toutefois, cette obligation ne s’impose pas lorsque le nombre de salariés, le montant hors taxes du chiffre d’affaires ou des ressources ainsi que le total du bilan ne dépassent pas, pour deux de ces critères, des seuils fixés par décret en Conseil d’Etat. »

2. Le critère de déclenchement de l’alerte

Aux termes des articles L. 234-1 et L. 612-3 du Code de commerce « Lorsque le commissaire aux comptes d’une personne morale relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de cette personne morale, il en informe les dirigeants de la personne morale ».

Ainsi, le critère de déclenchement de la procédure d’alerte par un commissaire aux comptes c’est la détection de « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation » de la personne morale.

Que doit-on entendre par cette formule ? Le législateur n’esquisse aucune définition de la notion.

Tout au plus, l’article L. 123-20 du Code de commerce dispose que :

« Les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités.

 Même en cas d’absence ou d’insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux amortissements, dépréciations et provisions nécessaires.

 Il doit être tenu compte des passifs qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même s’ils sont connus entre la date de la clôture de l’exercice et celle de l’établissement des comptes. »

Pour détecter des faits qui seraient de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes va donc, en grande partie, s’appuyer sur les éléments comptables dont il dispose.

L’article L. 123-14 du Code de commerce prévoit en ce sens que « les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise. ».

Aussi, le commissaire aux comptes, va-t-il devoir s’assurer qu’aucun élément ne vient menacer l’équilibre financier de l’entreprise.

Dans le cas contraire, cela pourrait conduire, si le déséquilibre financier est conséquent, à la cession des paiements.

Il peut être observé que le commissaire aux comptes peut ne pas se limiter à un examen des documents purement comptables.

Le législateur a employé une formule relativement vague en visant les « faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation », afin de permettre au commissaire aux comptes de prendre en compte des éléments d’ordre économiques, tels que la rupture de relations commerciales avec un client important pour l’entreprise, une hausse significative du coût de production en raison de la hausse de matières premières.

À la vérité, l’analyse faite par le commissaire aux comptes doit être globale, soit à la fois synthétique et analytique.

3. Le déroulement de la procédure

==> La procédure d’alerte dans les SA, SCA et SAS

Lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes dans une SA, SCA ou SAS, elle comporte quatre étapes qu’il convient de parfaitement distinguer.

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des dirigeants
    • L’interpellation des dirigeants
      • Aux termes de l’article L. 234-1 du Code de commerce, lorsque le commissaire aux comptes d’une société anonyme relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, il en informe le président du conseil d’administration ou du directoire
      • L’article R. 234-1 du Code de commerce précise que cette interpellation doit être effectuée
        • Par écrit
        • Sans délai
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
      • Il peut être observé que cette interpellation est confidentielle. Le commissaire ne peut s’en ouvrir qu’aux seuls dirigeants de la personne morale.
      • À défaut, le commissaire aux comptes engage sa responsabilité.
      • L’article L. 225-241 du Code de commerce dispose que « les commissaires aux comptes sont responsables, tant à l’égard de la société que des tiers, des conséquences dommageables des fautes et négligences par eux commises dans l’exercice de leurs fonctions.»
    • La réponse des dirigeants
      • L’article R. 234-1 du Code de commerce prévoit que « le président du conseil d’administration ou le directoire répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information»
      • Si le dirigeant ne défère pas à cette interpellation, il engage sa responsabilité
      • L’article L. 820-4, 2° du Code de commerce prévoit en ce sens que « est puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 75 000 euros le fait, pour les dirigeants d’une personne morale ou toute personne ou entité au service d’une personne ou entité ayant un commissaire aux comptes, de mettre obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ou des experts nommés en exécution des articles L. 223-37 et L. 225-231, ou de leur refuser la communication sur place de toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission et, notamment, de tous contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux.»
      • Pour ce qui est de la responsabilité civile, il conviendra de se tourner vers le droit commun de la responsabilité, soit vers l’article 1240 du Code civil.
  • Deuxième étape : la saisine du Conseil d’administration ou de surveillance
    • L’invitation du président du Conseil d’administration ou du directoire à faire délibérer le conseil d’administration ou de surveillance
      • L’article L. 234-1, al. 2 du Code de commerce prévoit que « à défaut de réponse sous quinze jours ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont copie est transmise au président du tribunal de commerce, le président du conseil d’administration ou le directoire à faire délibérer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur les faits relevés. »
      • Conformément à l’article R. 234-2 du code de commerce, cette invitation faite par le commissaire est formulée :
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les huit jours qui suivent la réponse du président du conseil d’administration ou du directoire, ou la constatation de l’absence de réponse dans les délais prévus au deuxième alinéa de l’article R. 234-1.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai par le commissaire aux comptes au président du tribunal par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La convocation du conseil d’administration ou de surveillance
      • À réception de cette invitation du commissaire aux comptes, le président du conseil d’administration ou le directoire doit convoquer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, en vue de le faire délibérer sur les faits relevés :
        • Dans les huit jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes
        • Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance dans les mêmes conditions.
    • La délibération du conseil d’administration ou de surveillance
      • La délibération doit intervenir dans les quinze jours qui suivent la réception de cette lettre.
    • La communication du procès-verbal de délibération au Président du tribunal de commerce et au comité d’entreprise
      • Un extrait du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est adressé au Président du tribunal, au commissaire aux comptes, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les huit jours qui suivent la réunion du conseil.
      • Manifestement, à l’issue de cette seconde phase, la procédure d’alerte n’est plus confidentielle dans la mesure où tous les organes sociaux sont informés des difficultés rencontrées par la société.
  • Troisième étape : la saisine de l’assemblée d’actionnaires
    • L’invitation par le commissaire aux comptes à convocation d’une assemblée d’actionnaire
      • L’article L. 234-1, al. 3 prévoit que « lorsque le conseil d’administration ou le conseil de surveillance n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, une assemblée générale est convoquée »
      • Ainsi, à défaut de réponse par le président du conseil d’administration ou du directoire ou lorsque la continuité de l’exploitation demeure compromise en dépit des décisions arrêtées, le commissaire aux comptes les invite à faire délibérer une assemblée générale sur les faits relevés.
      • Cette invitation est faite :
        • par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la délibération du conseil ou de l’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes, qui est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par le président du conseil d’administration ou du directoire, dans les huit jours qui suivent sa réception.
    • La convocation de l’assemblée générale par le conseil d’administration ou le directoire
      • Le conseil d’administration ou le directoire procède à la convocation de l’assemblée générale dans les huit jours suivant l’invitation faite par le commissaire aux comptes, dans les conditions prévues par les articles R. 225-62 et suivants.
      • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de notification faite par le commissaire aux comptes.
    • La convocation de l’assemblée générale par le commissaire aux comptes
      • En cas de carence du conseil d’administration ou du directoire, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale :
        • dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au conseil d’administration ou au directoire et en fixe l’ordre du jour.
        • Il peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
    • La délibération de l’assemblée d’actionnaires
      • Le commissaire aux comptes établit un rapport spécial qui est présenté à cette assemblée.
      • Ce rapport est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel.
  • Quatrième étape : l’information du Président du Tribunal de commerce
    • L’article L. 234-1, al. 4 du Code de commerce prévoit que « si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats. »
    • Conformément à L’article R. 234-4 du Code de commerce précise que lorsque le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal :
      • Cette information est faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
    • Au regard des documents que lui aura fournis le commissaire aux comptes, le président du Tribunal de commerce pourra entreprendre deux mesures :
      • Convoquer les dirigeants de l’entreprise afin qu’ils s’expliquent sur la situation financière et économique de la société
      • Informer le ministère public, s’il constate la cessation des paiements, dans la mesure où il lui est interdit de se saisir d’office.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-1 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

==> La procédure d’alerte dans les SNC, SCS et SARL

Dans les SNC, SCS et SARL, lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes, elle comporte trois étapes, lesquelles sont assorties de la possibilité d’une reprise de la procédure par le commissaire aux comptes là où elle a été abandonnée.

  • Première étape : l’interpellation et réponse du dirigeant
    • L’interpellation du dirigeant
      • Aux termes de l’article L. 234-2 du Code de commerce, dans les autres sociétés que les sociétés anonymes, le commissaire aux comptes demande au dirigeant des explications sur les faits qu’il juge de nature à compromettre la continuité de l’exploitation
      • L’article R. 234-5, al. 1er du Code de commerce précise que :
        • La demande d’explications doit porter sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
        • Cette demande est adressée
          • Par écrit
          • Sans délai
          • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La réponse du dirigeant
      • L’article R. 234-5, al. 2e prévoit que le dirigeant doit répondre à l’interpellation du commissaire aux comptes
        • Par écrit
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande d’explication
        • Il doit adresser une copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et au conseil de surveillance, s’il en existe.
      • Dans sa réponse, le dirigeant doit donner une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées.
    • Avertissement du Président du Tribunal de commerce
      • D’une part, dès réception de la réponse ou à défaut de réponse sous quinze jours, le commissaire aux comptes en informe le président du tribunal de commerce.
      • D’autre part, Il peut demander à être entendu par le président du tribunal
  • Deuxième étape : invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée générale
    • L’invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée générale
      • À défaut de réponse du dirigeant ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, deux démarches doivent être effectuées par le commissaire aux comptes :
        • Rédiger un rapport spécial
        • Inviter le dirigeant à faire délibérer sur les faits relevés une assemblée générale
      • L’article R. 234-6 du Code de commerce précise que l’invitation à faire délibérer l’assemblée sur les faits relevés prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-2
        • Doit être adressée par le commissaire aux comptes au dirigeant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse du dirigeant ou la date d’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • La demande doit être accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai au président du tribunal, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • L’information du comité des entreprises
      • Dans les huit jours de leur réception, le dirigeant communique l’invitation et le rapport du commissaire aux comptes au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et procède à la convocation de l’assemblée générale.
    • La convocation de l’assemblée générale par le dirigeant
      • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de l’invitation faite par le commissaire aux comptes.
    • La convocation de l’assemblée générale par le commissaire aux comptes
      • En cas de carence du dirigeant, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au dirigeant.
      • Il fixe l’ordre du jour de l’assemblée et peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
      • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
  • Troisième étape : L’information du Président du Tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal de commerce et lui en communique les résultats.
    • Aux termes de l’article R. 234-7 du Code de commerce, cette information doit être faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-2, al. 4 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

==> La procédure d’alerte dans les GIE

Dans les groupements d’intérêts économiques, lorsque la procédure d’alerte est déclenchée par le commissaire aux comptes, elle comporte trois étapes :

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des administrateurs
    • L’interpellation des administrateurs
      • L’article L. 251-15 du Code de commerce prévoit que lorsque le commissaire aux comptes relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du groupement, il en informe les administrateurs
      • L’article R. 251-3 du Code de commerce précise que l’information prévue à l’article L. 251-15 que le commissaire aux comptes adresse aux administrateurs porte sur tout fait qu’il relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
    • La réponse des administrateurs
      • Les administrateurs du GIE sont tenus de répondre au commissaire aux comptes. Il s’agit d’une obligation
      • Les administrateurs répondent
        • Par écrit
        • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception
        • Dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information mentionnée ci-dessus
        • Adressent copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise.
        • Dans leur réponse, ils donnent une analyse de la situation et précisent, le cas échéant, les mesures envisagées.
    • Avertissement du Président du Tribunal de commerce
      • Le commissaire aux comptes informe immédiatement le président du tribunal compétent de l’existence de cette procédure par lettre remise en mains propres contre récépissé au président ou à son délégataire, ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Deuxième étape : invitation des administrateurs à convoquer l’assemblée générale
    • En cas d’inobservation de ces dispositions, ou s’il constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, le commissaire aux comptes établit un rapport spécial et invite par écrit les administrateurs à faire délibérer la prochaine assemblée générale sur les faits relevés.
    • La demande du commissaire aux comptes de communication du rapport qu’il a rédigé conformément au deuxième alinéa de l’article L. 251-15 est formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse des administrateurs.
    • La demande du commissaire aux comptes et son rapport sont communiqués par les administrateurs au comité d’entreprise dans les quinze jours qui suivent la réception de cette demande.
  • Troisième étape : l’information du Président du tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal et lui en communique les résultats.
    • Lorsque le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal compétent, cette information est faite immédiatement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Cette information comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.

==> La procédure d’alerte dans les personnes morales de droit privé non commerçantes ayant une activité économique

  • Première étape : l’interpellation et la réponse des dirigeants
    • L’interpellation des dirigeants
      • Aux termes de l’article L. 612-3 du Code de commerce, lorsque le commissaire aux comptes d’une personne morale visée aux articles L. 612-1 et L. 612-4 relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation de cette personne morale, il en informe les dirigeants de la personne morale.
        • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
          • Conformément à l’article R. 234-1 du Code de commerce, l’information des dirigeants porte sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
          • Cette information est faite sans délai, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
          • Conformément à l’article R. 234-5 du Code de commerce la demande d’explications porte sur tout fait que le commissaire aux comptes relève lors de l’examen des documents qui lui sont communiqués ou sur tout fait dont il a connaissance à l’occasion de l’exercice de sa mission.
          • Cette demande est adressée sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • La réponse des dirigeants
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • Le président du conseil d’administration ou le directoire répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de l’information
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • Le dirigeant répond par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les quinze jours qui suivent la réception de la demande d’explication et adresse copie de la demande et de sa réponse, dans les mêmes formes et les mêmes délais, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et au conseil de surveillance, s’il en existe.
        • Dans sa réponse, il donne une analyse de la situation et précise, le cas échéant, les mesures envisagées.
        • Le commissaire aux comptes informe sans délai le président du tribunal de l’existence de cette procédure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
  • Deuxième étape : invitation du dirigeant à convoquer l’assemblée
    • À défaut de réponse dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, ou si celle-ci ne permet pas d’être assuré de la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes invite, par un écrit dont la copie est transmise au président du tribunal de grande instance, les dirigeants à faire délibérer l’organe collégial de la personne morale sur les faits relevés.
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • L’invitation du commissaire aux comptes à faire délibérer le conseil d’administration ou le conseil de surveillance prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-1 est formulée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans les huit jours qui suivent la réponse du président du conseil d’administration ou du directoire, ou la constatation de l’absence de réponse dans les délais prévus au deuxième alinéa de l’article R. 234-1.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai par le commissaire aux comptes au président du tribunal par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Le président du conseil d’administration ou le directoire convoque, dans les huit jours qui suivent la réception de la lettre du commissaire aux comptes, le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, en vue de le faire délibérer sur les faits relevés.
        • Le commissaire aux comptes est convoqué à cette séance dans les mêmes conditions.
        • La délibération intervient dans les quinze jours qui suivent la réception de cette lettre.
        • Un extrait du procès-verbal des délibérations du conseil d’administration ou du conseil de surveillance est adressé au président du tribunal, au commissaire aux comptes, au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les huit jours qui suivent la réunion du conseil.
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • Par hypothèse, cette étape n’a pas lieu d’être lorsque l’organe collégial chargé de l’administration se confond avec l’organe chargé de la direction.
  • Troisième étape : la convocation de l’assemblée générale
    • Lorsque l’organe collégial de la personne morale n’a pas été réuni pour délibérer sur les faits relevés ou lorsque le commissaire aux comptes n’a pas été convoqué à cette séance ou si le commissaire aux comptes constate qu’en dépit des décisions prises la continuité de l’exploitation demeure compromise, une assemblée générale est convoquée
      • Si organe collégial chargé de l’administration distinct de l’organe chargé de la direction
        • A défaut de réponse par le président du conseil d’administration ou du directoire ou lorsque la continuité de l’exploitation demeure compromise en dépit des décisions arrêtées, le commissaire aux comptes les invite à faire délibérer une assemblée générale sur les faits relevés.
        • Cette invitation est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la délibération du conseil ou de l’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes, qui est communiqué au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, par le président du conseil d’administration ou du directoire, dans les huit jours qui suivent sa réception.
        • Le conseil d’administration ou le directoire procède à la convocation de l’assemblée générale dans les huit jours suivant l’invitation faite par le commissaire aux comptes, dans les conditions prévues par les articles R. 225-62 et suivants.
        • L’assemblée générale doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de notification faite par le commissaire aux comptes.
        • En cas de carence du conseil d’administration ou du directoire, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au conseil d’administration ou au directoire et en fixe l’ordre du jour.
        • Il peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
      • Si organe collégial chargé de l’administration non distinct de l’organe chargé de la direction
        • L’invitation à faire délibérer l’assemblée sur les faits relevés prévue au deuxième alinéa de l’article L. 234-2 est adressée par le commissaire aux comptes au dirigeant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, dans les quinze jours qui suivent la réception de la réponse du dirigeant ou la date d’expiration du délai imparti pour celle-ci.
        • Elle est accompagnée du rapport spécial du commissaire aux comptes.
        • Une copie de cette invitation est adressée sans délai au président du tribunal, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
        • Dans les huit jours de leur réception, le dirigeant communique l’invitation et le rapport du commissaire aux comptes au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel et procède à la convocation de l’assemblée générale.
        • Celle-ci doit, en tout état de cause, être réunie au plus tard dans le mois suivant la date de l’invitation faite par le commissaire aux comptes.
        • En cas de carence du dirigeant, le commissaire aux comptes convoque l’assemblée générale dans un délai de huit jours à compter de l’expiration du délai imparti au dirigeant.
        • Il fixe l’ordre du jour de l’assemblée et peut, en cas de nécessité, choisir un lieu de réunion autre que celui éventuellement prévu par les statuts, mais situé dans le même département.
        • Dans tous les cas, les frais entraînés par la réunion de l’assemblée sont à la charge de la société.
  • Quatrième étape : l’information du Président du Tribunal de commerce
    • Si, à l’issue de la réunion de l’assemblée générale, le commissaire aux comptes constate que les décisions prises ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, il informe de ses démarches le président du tribunal et lui en communique les résultats.
    • Lorsque, le commissaire aux comptes informe de ses démarches le président du tribunal, cette information est faite sans délai par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • Elle comporte la copie de tous les documents utiles à l’information du président du tribunal ainsi que l’exposé des raisons qui l’ont conduit à constater l’insuffisance des décisions prises.
  • Réactivation de la procédure d’alerte
    • L’article L. 234-2, al. 4 du Code de commerce prévoit que dans un délai de six mois à compter du déclenchement de la procédure d’alerte, le commissaire aux comptes peut en reprendre le cours au point où il avait estimé pouvoir y mettre un terme lorsque, en dépit des éléments ayant motivé son appréciation, la continuité de l’exploitation demeure compromise et que l’urgence commande l’adoption de mesures immédiates.
    • Ainsi, en cas de réapparition des difficultés qui avaient attiré l’attention du commissaire aux comptes, celui-ci peut reprendre la procédure d’alerte là où il l’avait abandonnée.

C) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le comité d’entreprise

==> Titulaires du droit de déclencher l’alerte

  • Principe : le comité d’entreprise
    • Aux termes de l’article L. 432-5 du Code du travail « lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. »
    • Par hypothèse, seul le comité d’entreprise est titulaire du droit de déclencher l’alerte, ce qui dès lors ne concerne pas toutes les entreprises.
    • En effet, la création d’un comité d’entreprise n’est obligatoire que pour les entreprises qui emploient plus de cinquante salariés.
  • Exception : les délégués du personnel
    • L’article L. 2313-14, al. 1er du Code du travail prévoit que « en l’absence de comité d’entreprise, par suite d’une carence constatée aux élections ou lorsque le comité d’entreprise a été supprimé, les délégués du personnel peuvent, pour l’exercice du droit d’alerte économique prévu à l’article L. 2323-50, demander des explications dans les mêmes conditions que le comité d’entreprise. »
    • Ainsi, les délégués du personnel sont titulaires du droit de déclencher la procédure d’alerte, à la condition qu’aucun comité d’entreprise n’ait été créé, alors que le seuil des cinquante salariés a été atteint.
  • Exclusion : les comités d’établissement
    • Dans un arrêt du 6 avril 2005, la Cour de cassation a estimé que « si les comités d’établissements ont les mêmes attributions que le comité d’entreprise, l’exercice du droit d’alerte étant subordonné à l’existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, les comités d’établissements ne sont pas investis de cette prérogative » ( soc. 6 avr. 2005)
    • Ainsi, les comités d’établissement ne sont pas titulaires du droit de déclencher la procédure d’alerte.

Schéma 1.JPG

==> Critère du déclenchement de la procédure d’alerte

L’article L. 432-5 du Code du travail prévoit que « lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications. »

Le critère de déclenchement de la procédure d’alerte par le comité d’entreprise n’est pas de nature comptable comme cela était le cas pour les commissaires aux comptes. La formule employée est plus large.

Par ailleurs, le texte ne fait pas référence à la rupture de la continuité de l’exploitation. On peut en déduire que le comité d’entreprise pourra déclencher l’alerte, alors même que la pérennité de l’entreprise n’est pas menacée. Il est seulement nécessaire que la situation soit « préoccupante ».

Que doit-on entendre par « préoccupante » ?

Est préoccupant ce qui génère une inquiétude. Or pour générer une inquiétude il est nécessaire que la situation soit suffisamment grave. Si les faits dénoncés par le comité d’entreprise ne sont pas suffisamment sérieux, ils ne sauraient justifier le déclenchement de la procédure d’alerte.

Aussi, le comité d’entreprise s’exposerait-il dans cette situation à se voir opposer une fin de non-recevoir par la direction.

  1. Déroulement de la procédure d’alerte

==> Confidentialité des informations échangées

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que, aux termes de l’article L. 432-5, V du Code du travail, « les informations concernant l’entreprise communiquées en application du présent article ont par nature un caractère confidentiel. Toute personne qui y a accès en application de ce même article est tenue à leur égard à une obligation de discrétion. »

Ainsi, le dialogue qui a vocation à s’instaurer entre le comité d’entreprise et la direction dans le cadre de la procédure d’alerte est couvert par le sceau du secret.

Dans l’hypothèse, où le comité d’entreprise violerait cette obligation, il engagerait sa responsabilité.

2. Les étapes de la procédure

Les différentes phases de la procédure d’alerte, lorsqu’elle est déclenchée par le comité d’entreprise, sont prévues à l’article L. 432-5 du Code du travail.

  • Première étape : interpellation de l’employeur

    • Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.
    • Cette demande est inscrite de droit à l’ordre du jour de la prochaine séance du comité d’entreprise.
  • Deuxième étape : l’établissement d’un rapport
    • L’exigence d’établissement d’un rapport
      • Si le comité d’entreprise n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il établit un rapport.
      • Dans les entreprises employant au moins mille salariés, ce rapport est établi par la commission économique prévue par l’article L. 2325-23.
    • La rédaction du rapport
      • Pour l’élaboration du rapport, le comité d’entreprise ou la commission économique peut se faire assister, une fois par exercice, de l’expert-comptable prévu au premier alinéa de l’article L. 434-6, convoquer le commissaire aux comptes et s’adjoindre avec voix consultative deux salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence et en dehors du comité d’entreprise.
      • Les salariés disposent de cinq heures chacun pour assister le comité d’entreprise ou la commission économique en vue de l’établissement du rapport.
      • Ce temps leur est payé comme temps de travail.
    • La conclusion du rapport
      • Le rapport du comité d’entreprise ou de la commission économique conclut en émettant un avis sur l’opportunité de saisir de ses conclusions l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées ou d’en informer les associés dans les autres formes de sociétés ou les membres dans les groupements d’intérêt économique.
    • La diffusion du rapport
      • Le rapport est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.
  • Troisième étape : la saisine ou l’information des organes sociaux
    • Il convient ici de distinguer selon que l’entreprise est pourvue ou non d’un conseil d’administration ou de surveillance
      • L’entreprise est pourvue d’un conseil d’administration ou de surveillance
        • Dans cette hypothèse, le comité d’entreprise peut saisir l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance
        • Si le comité opte pour cette solution, la question doit être inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du conseil d’administration ou du conseil de surveillance à condition que celui-ci ait pu être saisi au moins quinze jours à l’avance.
        • L’article R. 432-17 du Code du travail précise que, lorsque le comité d’entreprise a saisi l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance en application de l’article L. 432-5, cet organe en délibère dans le mois de la saisine
        • Lorsque le conseil d’administration ou de surveillance délibère, il doit apporter une réponse motivée au conseil d’administration
        • L’extrait du procès-verbal des délibérations de l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance où figure la réponse motivée à la demande d’explication faite en application de l’article L. 432-5 est adressé au comité d’entreprise dans le mois qui suit la réunion de cet organe.
      • L’entreprise n’est pas pourvue d’un conseil d’administration ou de surveillance
        • L’article L. 432-5, IV du Code du travail prévoit que dans les autres formes de sociétés ou dans les groupements d’intérêt économique, lorsque le comité d’entreprise a décidé d’informer les associés ou les membres de la situation de l’entreprise, le gérant ou les administrateurs sont tenus de communiquer à ceux-ci le rapport de la commission économique ou du comité d’entreprise.
        • L’article R. 2323-19 du Code du travail précise que dans les sociétés autres que celles qui ont un conseil d’administration ou de surveillance ou dans les groupements d’intérêt économique, les administrateurs communiquent aux associés et aux membres du groupement le rapport de la commission économique ou du comité d’entreprise dans les huit jours de la délibération du comité d’entreprise demandant cette communication.

II) Les alertes externes à l’entreprise

A) Le déclenchement de la procédure d’alerte par les groupements de prévention agréés

Afin d’accroître les chances de prévention des entreprises en difficulté, la loi du 1er mars 1984 a ouvert la possibilité à des groupements agréés de déclencher la procédure d’alerte.

Pour ce faire, cela suppose que l’entreprise ait, au préalable, adhéré au groupement lequel joue en quelque sorte le rôle d’une sentinelle.

Il peut être observé que, conformément à l’article D. 611-2 du Code de commerce, les groupements de prévention agréés sont constitués sous toute forme juridique qui leur confère une personnalité morale de droit privé.

==> Conditions d’agrément

  • Sur la demande d’agrément (art. D. 611-3 et D. 611-4 C. com.)
    • Les demandes d’agrément sont déposées auprès du préfet de la région dans laquelle le groupement a son siège ; il en accuse réception après s’être assuré que le dossier est complet.
    • Les demandes indiquent :
      • L’objet du groupement qui correspond à la mission définie à l’article L. 611-1
      • Le ressort dans lequel il assure son activité, qui ne dépasse pas le cadre de la région dans laquelle il a son siège
      • Les personnes morales appelées à adhérer au groupement
      • Les moyens dont dispose le groupement, et les personnes intervenant en son nom avec l’indication de leurs qualifications professionnelles
      • Les méthodes d’analyse des informations comptables et financières ainsi que leur fréquence.
    • Toute demande d’agrément est accompagnée des documents suivants :
      • Un exemplaire des statuts et, le cas échéant, du règlement intérieur du groupement
      • La justification de l’exécution des formalités prévues par la législation en vigueur pour la création et la régularité du fonctionnement du groupement selon la forme juridique choisie
      • La liste des personnes qui dirigent, gèrent ou administrent le groupement avec, pour chacune d’elles, l’indication de leurs nom, prénoms, date et lieu de naissance, nationalité, domicile, profession et nature de l’activité exercée dans le groupement
      • Pour chacun des dirigeants, gérants, administrateurs, une attestation selon laquelle il n’a fait l’objet d’aucune incapacité d’exercer le commerce ou une profession, d’aucune interdiction de diriger, gérer, administrer, contrôler une personne morale ou une entreprise individuelle ou artisanale
      • Une copie certifiée conforme du contrat d’assurance mentionné à l’article D. 611-5
      • L’engagement prévu à l’article D. 611-5.
  • Sur les obligations qui échoient au groupement agréé (art. D. 611-5 C. com.)
    • Les groupements s’engagent
      • À ne faire aucune publicité, sauf dans les journaux et bulletins professionnels
      • A faire figurer sur leur correspondance et sur tous les documents établis par leurs soins leur qualité de groupements de prévention agréés et les références de la décision d’agrément
      • À informer le préfet des modifications apportées à leur statut et des changements intervenus en ce qui concerne les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent les groupements dans le délai d’un mois à compter de la réalisation de ces modifications et changements
      • À exiger de toute personne collaborant à leurs travaux le respect du secret professionnel
      • À souscrire un contrat auprès d’une société d’assurances ou d’un assureur agréé les garantissant contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu’ils peuvent encourir en raison des négligences et fautes commises dans l’exercice de leurs activités
      • Au cas où l’agrément leur serait retiré, à en informer leurs adhérents dès réception de la notification de la décision de retrait.
  • Sur la délivrance de l’agrément (art. D. 611-6 C. com.)
    • Le préfet de région dispose d’un délai de trois mois pour accorder ou refuser son agrément.
    • Le point de départ de ce délai est fixé au jour de la délivrance de l’accusé de réception précisant le caractère complet du dossier de demande déposé par le groupement.
    • Si le préfet de région n’a pas notifié sa réponse dans le délai qui lui est imparti, le groupement est réputé agréé.
    • Le retrait de l’agrément, prononcé par le préfet de région, est notifié par lettre au groupement et à toutes les administrations.
    • L’agrément est accordé pour une durée maximale de trois ans renouvelable par arrêté du préfet de la région où est situé le siège du groupement.
    • La décision tient compte notamment
      • De la conformité des objectifs du groupement à ceux définis par l’article L. 611-1
      • De l’adéquation des moyens mis en oeuvre aux objectifs poursuivis
      • Des engagements souscrits en application de l’article D. 611-5, de leur respect en cas de demande de renouvellement
      • Des garanties de bonne moralité offertes par les dirigeants, gérants, administrateurs et toutes personnes intervenant au nom du groupement et de leur expérience dans l’analyse des informations comptables et financières ainsi que dans la gestion des entreprises.
    • L’agrément peut être retiré, selon une procédure identique à celle de son octroi dès lors que les conditions fixées à l’article D. 611-5 ne sont plus respectées.

==> L’adhésion au groupement agréé

L’article L. 611-1, al. 1er du Code de commerce prévoit que toute personne immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ainsi que tout entrepreneur individuel à responsabilité limitée et toute personne morale de droit privé peut adhérer à un groupement de prévention agréé par arrêté du représentant de l’Etat dans la région

==> Mission

Aux termes de l’article L. 611-1, al. 2 du Code de commerce, le groupement agréé a pour mission de fournir à ses adhérents, de façon confidentielle, une analyse des informations économiques, comptables et financières que ceux-ci s’engagent à lui transmettre régulièrement.

==> Les outils de détection des difficultés du groupement

Les articles L. 611-1 et D. 611-9 du Code de commerce prévoit que :

  • D’abord, à la diligence du représentant de l’Etat, les administrations compétentes prêtent leur concours aux groupements de prévention agréés. Les services de la Banque de France peuvent également, suivant des modalités prévues par convention, être appelés à formuler des avis sur la situation financière des entreprises adhérentes. Les groupements de prévention agréés peuvent aussi bénéficier d’aides des collectivités territoriales.
  • Ensuite, les renseignements nominatifs éventuellement délivrés conservent leur caractère confidentiel.
  • Enfin, l’inobservation de cette règle entraîne de plein droit le retrait de l’agrément dans les formes prévues pour son octroi.

==> Les critères de déclenchement de la procédure d’alerte

L’article L. 611-1, al. 3e dispose que « lorsque le groupement relève des indices de difficultés, il en informe le chef d’entreprise et peut lui proposer l’intervention d’un expert. »

Ainsi le signe de déclenchement de l’alerte consiste en la détection d’« indices de difficultés ».

Que doit-on entendre par cette formule ? Le législateur ne le dit pas. Aussi, s’agit-il d’un critère pour le moins large, qui laisse à penser que le groupement pourra se fonder sur n’importe quel élément susceptible de justifier une réaction de l’entreprise sous surveillance.

Le risque est alors que le groupement, pour s’exonérer de sa responsabilité, déclenche l’alerte de manière impromptue.

Aussi, appartiendra-t-il au chef d’entreprise d’en apprécier la pertinence.

==> Déroulement de la procédure

La procédure d’alerte lorsqu’elle est déclenchée par un groupement agréé ne comporte qu’une seule phase : l’information du chef d’entreprise, conformément à l’article L. 611-1 du Code de commerce.

Tout au plus, le dernier alinéa de cette disposition précise que les groupements de prévention agréés sont habilités à conclure, notamment avec les établissements de crédit, les sociétés de financement et les entreprises d’assurance, des conventions au profit de leurs adhérents.

Là s’arrête leur pouvoir d’intervention, lequel demeure, manifestement, pour le moins limité.

B) Le déclenchement de la procédure d’alerte par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance

Aux termes des articles L. 611-2, I et L. 611-2-1, al. 1er du Code de commerce, lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués, soir par le président du tribunal de commerce, soit par le Président du tribunal de grande instance pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.

==> Les entreprises visées par la procédure

Deux catégories d’entreprises sont susceptibles de faire l’objet d’une convocation par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance :

  • Première catégorie (art. L. 611-2 C. com.)
    • Entreprises visées
      • les groupements d’intérêt économique
      • les entreprises individuelles, commerciales ou artisanales
    • Compétence: le Président du tribunal de commerce
  • Seconde catégorie (art. L. 611-2-1 C. com.)
    • Entreprises visées
      • Les personnes morales de droit privé ou les personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante
      • Les professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé
    • Exception
      • L’article 611-2-1 du Code de commerce pose une exception pour les auxiliaires de justice.
      • Il prévoit en ce sens que lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d’avocat, d’administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d’officier public ou ministériel, le président du tribunal de grande instance ne procède qu’à l’information de l’ordre professionnel ou de l’autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel.
    • Compétence: le Président du tribunal de grande instance

==> Le critère de déclenchement de la procédure

L’article L. 611-2 du Code de commerce subordonne le déclenchement de la procédure d’alerte par le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance à l’existence de « difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation ».

La formule est similaire à celle qui figure dans les textes qui régissent la procédure d’alerte lorsqu’elle est déclenchée par le commissaire aux comptes.

Aussi, cette formule doit-elle être comprise à la lumière, notamment, de l’article L. 123-20 du Code de commerce qui, pour rappel, dispose que « les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités. »

Conformément à l’article L. 232-21 du Code de commerce, il échoit précisément à la plupart des entreprises une obligation de dépôt des comptes au greffe du Tribunal de commerce.

Cette disposition prévoit en ce sens que « les sociétés en nom collectif dont tous les associés indéfiniment responsables sont des sociétés à responsabilité limitée ou des sociétés par actions sont tenues de déposer au greffe du tribunal, pour être annexés au registre du commerce et des sociétés, dans le mois suivant l’approbation des comptes annuels par l’assemblée ordinaire des associés ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique ».

Ainsi, le Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance s’appuiera principalement sur les documents comptables fournis par l’entreprise pour déterminer si elle connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation, mais pas que.

La formule utilisée par l’article L. 611-2 du Code de commerce permet, en effet, au Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance de ne pas s’arrêter à une vision purement comptable de la situation.

Pour déterminer s’il y a lieu de déclencher l’alerte, il lui sera loisible de prendre en compte d’autres signaux, tels que les assignations en paiement dont fait régulièrement l’objet l’entreprise visée ou encore la multiplication des sûretés constituées par ses créanciers.

Lorsque, encore, dans le cas où, du fait de pertes constatées dans les documents comptables, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, la décision de l’assemblée générale, dont la réunion est obligatoire en pareille hypothèse, est déposée au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social et inscrite au registre du commerce et des sociétés (V. en ce sens art. L. 225-248 et R. 225-166 du Code de commerce)

Il est de la sorte, de nombreux signaux susceptibles d’être envoyés au président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance qui pourront, en conséquence, déterminer s’il y a lieu de déclencher la procédure d’alerte.

==> Le déroulement de la procédure

  • La convocation des dirigeants de l’entreprise
    • Lorsqu’il résulte de tout acte, document ou procédure qu’une entreprise connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l’exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation.
    • L’article R. 611-10 du Code de commerce précise que cette convocation doit respecter certaines formes :
      • Elle doit être adressée au chef d’entreprise par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et par lettre simple, reproduisant les termes du I de l’article L. 611-2 et, le cas échéant, ceux de l’article L. 611-2-1, ainsi que des articles R. 611-11 et R. 611-12. Le cas échéant, la lettre précise la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
      • La convocation doit être envoyée un mois au moins à l’avance.
      • Il est joint une note par laquelle le président du tribunal expose les faits qui ont motivé son initiative.
  • L’entretien avec le chef d’entreprise
    • Le chef d’entreprise se rend à l’entretien
      • La convocation du chef d’entreprise a pour objet d’engagement d’un dialogue
      • Aussi, à l’occasion d’un entretien, le Président de tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance va interroger le chef d’entreprise sur les éléments qui ont attiré son attention, l’idée étant de l’alerter sur la situation.
      • L’article R. 611-11 du Code de commerce précise que :
        • D’une part, l’entretien se tient hors la présence du greffier
        • D’autre part, il donne lieu à l’établissement par le président du tribunal d’un procès-verbal qui ne mentionne que la date et le lieu de l’entretien ainsi que l’identité des personnes présentes.
        • Enfin, ce procès-verbal est signé par ces dernières et le président du tribunal.
    • Le chef d’entreprise ne se rend pas à l’entretien
      • Si la personne convoquée ne se rend pas à la convocation, un procès-verbal de carence est dressé le jour même par le greffier aux fins d’application des dispositions du second alinéa du I de l’article L. 611-2.
      • À ce procès-verbal est joint l’avis de réception de la convocation.
      • Une copie de ce procès-verbal est notifiée sans délai par le greffier à la personne convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reproduisant les termes du second alinéa du I de l’article L. 611-2.

==> Les pouvoirs de la juridiction saisie

L’article L. 611-2 du Code de commerce confère trois sortes de prérogative au Président du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance

  • Pouvoir de convocation du chef d’entreprise
    • Principe
      • Le pouvoir de convocation du chef d’entreprise est subordonné au respect de deux conditions cumulatives
        • L’entreprise visée doit ne pas avoir un objet purement civil
        • L’entreprise visée doit connaître des difficultés de nature à compromettre la continuité de son exploitation
    • Exception
      • L’article L. 611-2, II, du Code de commerce prévoit que, par exception, lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut, le cas échéant sur demande du président d’un des observatoires mentionnés à l’article L. 910-1 A, leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
      • Ainsi, pour les auxiliaires de justice, le Président du tribunal de grande instance ne dispose que d’un pouvoir d’information.
      • L’article R. 611-10-1 du Code de commerce précise que le président du tribunal informe l’ordre ou l’autorité compétente dont relève l’intéressé par une note exposant les difficultés de nature à compromettre la continuité de l’activité du professionnel qui ont été portées à sa connaissance.
      • Cette note est transmise par le greffier au représentant légal de l’un ou l’autre de ces organismes par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
      • Le représentant de l’ordre ou de l’autorité compétente est invité à faire connaître au président du tribunal, dans la même forme, les suites données à cette information dans le délai d’un mois.
  • Pouvoir de renseignement
    • À l’issue de l’entretien ou si le dirigeant n’a pas déféré à sa convocation, conformément à l’article L. 611-2, al. 2 du Code de commerce le Président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur.
    • L’article R. 611-12 du Code de commerce précise que :
      • La demande de renseignements prévue au deuxième alinéa de l’article L. 611-2 est adressée dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien ou du procès-verbal de carence.
      • Cette demande doit être accompagnée de la copie du procès-verbal d’entretien ou de carence établi en application de l’article R. 611-11.
    • Si la demande a été présentée dans les formes et délai prescrits, les personnes et organismes interrogés communiquent les renseignements réclamés dans le délai d’un mois.
    • Dans le cas contraire, ils ne sont pas tenus d’y répondre.
  • Pouvoir d’injonction
    • Aux termes de l’article L. 611-2, II, lorsque les dirigeants d’une société commerciale ne procèdent pas au dépôt des comptes annuels dans les délais prévus par les textes applicables, le président du tribunal peut leur adresser une injonction de le faire à bref délai sous astreinte.
      • Contenu de l’ordonnance d’injonction
        • L’article R. 611-13 du Code de commerce prévoit que le président du tribunal rend une ordonnance faisant injonction au représentant légal de la personne morale de déposer les comptes annuels ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée de déposer les documents mentionnés au premier alinéa de l’article L. 526-14
        • Cette ordonnance fixe le taux de l’astreinte et mentionne, en outre, les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera examinée.
        • Le chef d’entreprise dispose d’un délai d’un mois pour s’exécuter à compter de la notification ou de la signification de l’ordonnance, sous peine d’astreinte.
        • L’ordonnance n’est pas susceptible de recours
      • Notification de l’ordonnance d’injonction
        • Aux termes de l’article R. 611-14 du Code de commerce, le greffier notifie l’ordonnance au représentant légal de la personne morale.
        • La lettre de notification reproduit les dispositions du second alinéa du II de l’article L. 611-2 ainsi que l’article R. 611-15 et le premier alinéa de l’article R. 611-16.
          • Si la lettre est retournée avec une mention précisant qu’elle n’a pas été réclamée par son destinataire
            • Le greffier fait signifier l’ordonnance.
            • La signification reproduit les dispositions mentionnées à l’alinéa premier.
          • Si la lettre est retournée avec une mention précisant que le destinataire ne se trouve plus à l’adresse indiquée
            • Dans cette hypothèse, l’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal qui en informe le ministère public.
            • Le greffier porte la mention de la cessation d’activité sur le registre du commerce et des sociétés.
          • L’ordonnance portant injonction de faire est conservée à titre de minute au greffe.
      • Exécution de l’ordonnance d’injonction
        • L’ordonnance a été exécutée dans les délais impartis
          • L’affaire est retirée du rôle par le président du tribunal.
        • L’ordonnance n’a pas été exécutée dans les délais impartis
          • Le greffier constate le non-dépôt des comptes par procès-verbal.
      • Inexécution de l’ordonnance d’injonction
        • En cas d’inexécution de l’injonction de faire qu’il a délivrée, le président du tribunal statue sur la liquidation de l’astreinte.
        • Il statue en dernier ressort lorsque le montant de l’astreinte n’excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal de commerce.
        • Le montant de la condamnation prononcée est versé au Trésor public et recouvré comme en matière de créances étrangères à l’impôt.
        • La décision est communiquée au Trésor public et signifiée à la diligence du greffier au représentant légal de la personne morale ou à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée. L’appel est formé, instruit et jugé selon les règles applicables à la procédure sans représentation obligatoire.