Les conditions requises pour succéder ou l’aptitude à hériter: existence et absence d’indignité successorale

La mort n’est pas la fin. Elle met seulement un terme à ce qui a commencé et à ce qui a vécu. Mais la vie se poursuit à travers ce qui reste et continue à exister.

Lorsque la Camarde vient frapper à la porte de celui dont l’heure est venue, le trépas emporte certes extinction de la personnalité juridique. Le défunt laisse néanmoins derrière lui un patrimoine, sans maître, qui a vocation à être immédiatement transmis à ceux qui lui survivent.

Cette transmission du patrimoine qui intervient concomitamment au moment du décès est exprimée par l’adage hérité de l’ancien droit « le mort saisit le vif par son hoir le plus proche ».

Ce principe procède de l’idée que la personne du défunt survit à travers ses successeurs – héritiers et légataires – lesquels ont vocation à recueillir l’ensemble de ses biens, mais également la totalité de ses dettes.

Parce que l’ouverture d’une succession s’accompagne d’enjeux, en particulier financiers, souvent importants, elle est de nature à plonger la famille dans une crise qui sera parfois profonde, les successeurs se disputant le patrimoine du défunt.

Le droit ne peut bien évidemment pas rester indifférent à cette situation qui menace la paix sociale et dont l’Histoire a montré qu’elle pouvait conduire à l’effondrement de royaumes entiers. La succession de Charlemagne a profondément marqué l’Histoire de France.

Bien que les héritiers soient immédiatement saisis à la mort du défunt, ce qui, concrètement, signifie qu’ils entrent en possession de son patrimoine sans période intercalaire, la transmission qui s’opère n’échappe pas à l’emprise du droit.

À cet égard, les règles qui connaissent de la transmission à cause de mort forment ce que l’on appelle le droit des successions.

Il ressort de ce corpus normatif que la transmission par voie successorale peut être réglée :

  • Soit par l’effet de la loi
    • On parle de succession ab intestat, ce qui signifie qui littéralement « sans testament»
    • Dans cette hypothèse, c’est donc la loi qui désigne les héritiers et détermine la part du patrimoine du de cujus (celui de la succession duquel il s’agit) qui leur revient
  • Soit par l’effet de la volonté
    • On parle ici de transmission par voie testamentaire, car résultant de l’établissement d’un acte appelé testament.
    • Dans cette hypothèse, c’est le de cujus qui désigne les personnes appelées à hériter (légataires) et qui détermine les biens ou la portion de biens (legs) qu’il leur entend leur léguer.

Que la transmission à cause de mort s’opère par l’effet de la loi ou par l’effet d’un testament, elle requiert, dans les deux cas, et au préalable, l’ouverture de la succession du défunt.

Une fois la succession ouverte, seules pourront être appelées les personnes qui justifient des qualités requises pour hériter.

En effet, pour succéder au de cujus, deux conditions cumulatives doivent être remplies :

  • D’une part, l’héritier doit exister au jour de l’ouverture de la succession
  • D’autre part, l’héritier ne doit pas être frappé d’une cause indignité successorale

§1 : L’existence de l’héritier

L’article 725 du Code civil prévoit que « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable. »

Il ressort de cette disposition que pour hériter, il convient d’exister, ce qui dès lors interroge sur la définition de ce verbe.

Dans le langage courant, on dit d’une personne qu’elle existe lorsqu’elle est en vie par opposition à une personne décédée qui n’existe plus.

Reste que, comme observé par Michel Grimaldi, « ce n’est pas de l’existence physique qu’il s’agit, mais de l’existence juridique, c’est-à-dire de la personnalité juridique, de l’aptitude à acquérir des droits »[1].

Aussi, l’existence telle qu’envisagée à l’article 725 du Code civil, ne correspond pas en tout point à celle définie en biologie.

Pour exemple, sous l’empire du droit antérieur, les personnes condamnées à une peine de mort civile étaient privées de leur capacité à hériter, alors même qu’elles étaient encore en vie.

En droit des successions, la notion d’existence s’est ainsi construite sur la base d’un certain nombre de fictions juridiques qui, tantôt conduisent à attribuer la qualité d’héritier à des personnes qui n’existent pas encore, tantôt à refuser la qualité d’héritier à des personnes auxquelles on reconnaît pourtant une existence juridique.

Afin d’appréhender la condition tenant à l’existence, il convient donc de déterminer qu’elles sont les personnes qui sont pour

I) Les personnes pourvues de l’aptitude à hériter

Deux enseignements peuvent être retirés de l’article 725 du Code civil qui pose l’existence comme première condition à l’octroi de la qualité d’héritier :

  • D’une part, le respect de la condition tenant à l’existence de la personne appelée à hériter doit être apprécié au jour de l’ouverture de la succession
  • D’autre part, l’existence commence au jour de la conception, pourvu que l’enfant naisse vivant et viable

A) Le moment de l’appréciation de l’existence

Conformément à l’article 725 du Code civil, les personnes auxquelles on reconnaît l’aptitude à hériter sont celles qui existent « à l’instant de l’ouverture de la succession ».

L’existence de la personne appelée à succéder doit ainsi être appréciée au moment où la succession s’ouvre, soit au jour où le de cujus est réputé mort.

La raison en est que, en application du principe de continuité de la personne du défunt, la transmission de son patrimoine doit intervenir concomitamment à son décès.

Aussi, est-ce pour éviter qu’une rupture ne vienne affecter cette transmission, qu’il a été décidé que seules les personnes qui existaient au jour de l’ouverture de la succession étaient aptes à hériter.

B) La conception comme point de départ de l’existence

L’article 725 du Code civil prévoit que « pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable. »

Aussi, est-ce au moment de la conception de l’enfant qu’il y a lieu de se placer pour déterminer si au jour de l’ouverture de la succession, il est apte à hériter. Encore faut-il que celui-ci naisse vivant et viable.

1. Principe

==> Énoncé du principe

Définir l’existence consiste, au fond, à déterminer là où elle commence et là où elle se termine.

S’agissant de la fin de l’existence, elle ne soulève pas de réelle difficulté dans la mesure où un seul événement peut servir de borne : la mort.

S’agissant, en revanche, du début de l’existence, la question est plus délicate : doit-on retenir comme date de commencement la naissance ou la conception de la personne ?

La difficulté a été tranchée dès l’entrée en vigueur du Code civil. Ses rédacteurs ont retenu la seconde option en reprenant le principe exprimé par l’adage « infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus agitur ».

Pris dans son sens littéral, cet adage signifie que l’enfant conçu est considéré comme né chaque fois qu’il y va de son intérêt.

Aussi, l’enfant posthume, soit celui qui naît postérieurement au décès de l’un ou l’autre de ses parents, serait apte à hériter, le principe dit de l’infans conceptus, faisant commencer l’existence humaine, non pas au jour de la naissance, mais au moment de la conception.

Il n’est donc pas nécessaire d’être né pour succéder, il suffit d’avoir été conçu au jour de l’ouverture de la succession.

À l’analyse, il y a quelque chose de contradictoire à, d’un côté, octroyer des droits à enfant dès sa conception et, d’un autre côté poser que la personnalité juridique ne s’acquiert qu’au jour de la naissance.

Pour être titulaire de droits, il faut être pourvu d’une capacité de jouissance. Or cette capacité est étroitement attachée à la personnalité juridique.

En toute rigueur, un enfant ne devrait donc être apte à recueillir des droits qu’au jour de sa naissance.

Aussi, est-ce pour surmonter cette difficulté que la règle infans conceptus fait rétroagir, par le jeu d’une fiction juridique, les effets de la naissance au moment de la conception.

==> Justification du principe

L’instauration de la règle « infans conceptus » se justifie essentiellement pour deux raisons :

  • Première raison
    • Il est scientifiquement établi que la vie commence dès le stade de la conception ; c’est à ce moment que l’on fixe le point de départ de l’existence
    • Indépendamment de l’argument scientifique qui est relativement récent, cette réalité a très tôt été admise chez les juristes.
    • La preuve en est les romains qui sont à l’origine de la règle, laquelle a, par suite, été reprise, dans les mêmes termes, par les rédacteurs du Code civil qui voyaient également dans la conception le commencement de l’existence
  • Seconde raison
    • Reconnaître à l’enfant, dès sa conception, l’aptitude à hériter participe d’une volonté d’instaurer une égalité successorale entre enfants.
    • L’égalité commande, en effet, d’octroyer à l’enfant seulement conçu les mêmes droits que ceux dont sont titulaires ses frères et sœurs déjà nés.
    • Pourquoi opérer une différence de traitement entre eux alors que tous existent au jour du décès de leur parent ? L’admettre reviendrait à créer une rupture d’égalité fondée sur la seule antériorité de la naissance.
    • Or cela s’est contraire à l’article 735 du Code civil qui dispose que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leurs père et mère ou autres ascendants, sans distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes.».

2. Conditions

Il ressort de l’article 725 du Code civil que deux conditions cumulatives doivent être réunies pour que l’enfant seulement conçu soit apte à hériter :

  • D’une part, la conception doit être antérieure à l’ouverture de la succession
  • D’autre part, l’enfant doit être né vivant et viable

a. Première condition : l’exigence d’antériorité de la conception au décès

Si, en application de l’article 725 du Code civil, pour succéder il suffit que l’enfant ait « déjà été conçu », encore faut-il que sa conception soit antérieure à l’ouverture de la succession.

Dès lors que la conception est postérieure au décès, il est trop tard. La condition tenant à l’existence n’est, par hypothèse, plus remplie. Or pour recueillir des droits il faut, a minima, exister.

La question qui alors se pose est de savoir à quel moment l’enfant peut-il être réputé avoir été conçu.

Pour déterminer la date de conception, il y a lieu de faire jouer les deux présomptions légales à l’article 311 du Code civil.

  • Première présomption
    • L’article 311, al. 1er du Code civil prévoit que « la loi présume que l’enfant a été conçu pendant la période qui s’étend du trois centième au cent quatre-vingtième jour, inclusivement, avant la date de la naissance»
    • Cette présomption étant de portée générale, elle peut être appliquée aux fins de déterminer si l’enfant conçu est apte à hériter.
    • En substance, la présomption posée par le texte répute la conception intervenir entre le 300e jour et le 125e jour avant la naissance de l’enfant.
    • On en déduit qu’un enfant né au plus tard 300 jours après le décès du de cujus sera apte à hériter.
    • Sous l’empire du droit antérieur, il s’agissait là d’une présomption irréfragable, qui ne pouvait donc pas être renversée.
    • Dans un arrêt du Ogez du 9 juin 1959, la Cour de cassation avait jugé en ce sens qu’« en fixant à 180 et 300 jours le minimum et le maximum de la durée de gestation, l’article 312 du Code civil a posé une présomption qui n’est pas susceptible de preuve contraire ; que doit, en conséquence, être déclaré illégitime sur l’action en contestation engagée par application de l’article 315 du même Code l’enfant né plus de 300 jours après la dissolution du mariage» ( 1ère civ. 9 juin 1959, n°58-10.038)
    • La loi n°72-3 du janvier 1972 est venue modifier cet état du droit en conférant un caractère simple à cette présomption qui a été transférée à l’article 311.
    • Il en résulte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.
    • Aussi, tout ne serait pas perdu pour un enfant qui naîtrait plus de trois cents jours après le décès du de cujus: s’il prouve que sa conception est intervenue antérieurement à l’ouverture de la succession, il pourra succéder.
    • Prenons l’exemple d’un enfant qui naîtrait 301 jours après le décès du de cujus.
    • En application de l’article 311, al. 1er du Code civil, il est a priori dépourvu de la qualité d’héritier.
    • Il lui est néanmoins possible de prouver qu’il a été conçu 304 jours avant sa naissance, de sorte qu’il était déjà conçu au moment du décès et que, par voie de conséquence, il était bien apte à succéder au défunt.
  • Seconde présomption
    • L’article 311, al. 2e du Code civil prévoit que « la conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant. »
    • Il ressort de ce texte que la conception est réputée intervenir à n’importe quel moment entre le 300e jour et le 125e jour avant la naissance de l’enfant.
    • La date qu’il y a lieu de retenir est celle qui lui est la plus favorable, ce qui s’agissant d’acquérir la qualité à hériter sera celle qui précède le décès du de cujus.
    • Cette présomption dite omni meliore momento (au moment le plus favorable) est comme la précédente une présomption simple de sorte qu’elle souffre la preuve contraire.
    • Dans ces conditions, la qualité d’héritier d’un enfant né durant la période de conception légale pourra lui être contestée s’il est établi qu’en réalité il a été conçu postérieurement au décès du de cujus.
    • Prenons l’exemple d’un enfant qui naîtrait 298 jours après le décès du défunt
    • Dans cette hypothèse, il est présumé avoir été conçu entre le 298e et le 300e jour avant sa naissance.
    • Sa qualité d’héritier pourra toutefois lui être contestée s’il est établi qu’il a, en réalité, été conçu 297 jours avant sa naissance.
    • Si cette preuve est rapportée, l’enfant ne pourra alors pas être appelée à la succession de cujus.

b. Seconde condition : l’exigence de naissance d’un enfant vivant et viable

==> Notion de viabilité

Il ne suffit pas que l’enfant ait été conçu avant le décès du de cujus. Encore faut-il qu’il naisse vivant et viable.

Aussi, l’aptitude à succéder de l’enfant non encore né à est assortie d’une condition résolutoire qui ne sera levée que s’il répond à l’exigence de viabilité.

N’est donc pas apte à hériter l’enfant qui :

  • Soit est mort-né
  • Soit naît vivant, mais non viable

Toute la question est alors de savoir ce que recouvre la notion d’enfant né viable. Selon Philippe Salvage, la viabilité serait un « faisceau de critères relatifs s’articulant autour des idées de maturité et de conformation et se manifestant par l’autonomie végétative de l’être »[2].

Autrement dit, la viabilité suppose que :

  • D’une part, l’enfant soit doté d’une constitution en ordre de fonctionnement présentant un niveau de maturité suffisant pour lui permettre de vivre de façon autonome
  • D’autre part, il soit porteur de tous les organes essentiels à l’existence.

En substance, pour être considéré comme viable, l’enfant ne doit donc présenter aucune anomalie qui serait incompatible avec la vie.

Dans un arrêt du 8 février 1830, la Cour d’appel de Bordeaux a jugé en ce sens que « selon l’ancien droit, un enfant était viable quand il était né vivant, à terme, bien conformé et avec tous les organes nécessaires à la vie » (CA Bordeaux, 8 février. 1830, S., 1830.2.164 ; D., 1830.160).

L’exigence de viabilité procède d’une approche pragmatique. Pourquoi reconnaître la qualité d’héritier à un enfant qui est condamné à mourir avant d’avoir vécu ?

Il convient de ne pas perdre de vue le sens de l’institution qu’est la succession : transmettre un patrimoine aux personnes qui survivent au de cujus et qui participeront de la continuation de sa personne.

À quoi bon transmettre ce patrimoine à un enfant qui ne sera, par hypothèse, pas en capacité de jouer ce rôle ? Rien ne le justifie, raison pour laquelle le législateur subordonne l’acquisition de la qualité d’héritier à la viabilité de l’être non encore né.

S’agissant de l’approche juridique de la viabilité, elle est assise sur une présomption simple.

Autrement dit, l’enfant est présumé viable, dès lors que, d’une part, il naît et que, d’autre part, il est en vie au moment de la naissance.

==> L’abandon des critères de l’OMS

Reprenant les préconisations formulées par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une circulaire prise le 22 juillet 1993 par le ministère de la santé présume que l’enfant est viable lorsque deux critères alternatifs sont remplis :

  • La naissance de l’infant intervient à plus de 22 semaines d’aménorrhée chez la mère
  • L’enfant pèse au moins cinq cents grammes.

Cette circulaire visait à préciser les règles relatives à l’état civil issues de la loi du 8 janvier 1993 et, en particulier, l’article 79-1 du Code civil qui traite de l’inscription à l’état civil de l’enfant décédé avant son inscription à l’état civil.

En application de cette disposition, l’enfant bénéficie d’un état civil complet dès lors qu’un certificat médical indique qu’il est né vivant et viable et précise les jour et heure de naissance et de décès.

À défaut d’un tel certificat médical, l’officier de l’état civil doit établir un acte d’enfant sans vie.

Sous l’empire du droit antérieur, cet acte ne pouvait toutefois pas être dressé lorsque le fœtus ne répondait pas aux critères de viabilité de la circulaire.

Par trois arrêts du 6 février 2008, la Cour de cassation a sanctionné cette pratique en jugeant que « l’article 79-1, alinéa 2, du code civil ne subordonne l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse » (Cass. 1ère civ. 6 févr. 2008, n°06-16.498, n°06-16.499, n°06-16.500).

En exigeant que l’enfant soit né à plus de 22 semaines d’aménorrhée chez la mère ou qu’il pèse au moins cinq cents grammes, la première chambre civile estime que la circulaire du 22 juillet 1993 a ajouté au texte des conditions qu’il ne prévoyait pas.

==> Présomption de viabilité

Afin de déterminer si un enfant est viable, il y a donc lieu de se départir des critères de viabilité posés par la circulaire du 22 juillet 1993 qui, d’ailleurs ont, consécutivement aux arrêts rendus par la Cour de cassation, été définitivement été écartés par le décret n°2008-800 du 20 août 2008 relatif à l’application du second alinéa de l’article 79-1 du code civil.

Désormais, il convient plutôt de raisonner sur la base de la présomption de viabilité qui s’infère de la jurisprudence (V. notamment CA Bordeaux, 8 février. 1830, S., 1830.2.164 ; D., 1830.160)

Il est, en effet, admis que la viabilité de l’enfant est présumée, dès lors qu’il naît en vie.

Gérard Cornu écrit en ce sens que tout « enfant né vivant est présumé viable, même s’il est mort rapidement après. Une présomption de viabilité s’attache au premier signe de vie »[3].

Cette présomption de viabilité n’est toutefois pas légale. Il s’agit d’une présomption simple qui donc souffre de la preuve contraire.

Afin d’établir que l’enfant n’est pas viable, il faudra démontrer :

  • D’une part, qu’il ne possède pas la maturité suffisante pour vivre
  • D’autre part, qu’il présente une anomalie physique incompatible avec la vie

II) Les personnes dépourvues de l’aptitude à hériter

Les personnes qui ne sont pas aptes à succéder se répartissent en cinq catégories :

  • Les personnes décédées
  • L’enfant mort-né ou né non viable
  • Les personnes absentes
  • Les personnes disparues
  • Les personnes morales

A) Les personnes décédées

1. Principe

==> La mort naturelle

Parce que le décès emporte extinction de la personnalité juridique, les personnes qui sont décédées ne sont pas aptes à hériter.

Seules les personnes vivantes « à l’instant de l’ouverture de la succession » sont pourvues de la qualité d’héritier.

Il peut être observé que, en 1804, les rédacteurs du Code civil avaient envisagé deux sortes de morts comme causes d’incapacité à succéder :

  • La mort naturelle, procédant d’une cessation des fonctions vitales
  • La mort civile, procédant d’une condamnation judiciaire

La mort civile ayant été abolie par la loi du 31 mai 1854, la mort ne présente désormais plus qu’une seule forme : elle ne peut être que naturelle.

==> Les critères de la mort

C’est le décret n°96-1041 du 2 décembre 1996 qui règle la procédure actuelle de détermination de la mort d’une personne.

Cette procédure est plus ou moins lourde selon que la personne décédée est ou non maintenue artificiellement en vie aux fins de faire l’objet d’un prélèvement d’organes.

  • La procédure simplifiée de constat de la mort en l’absence de maintien en vie artificiel de la personne décédée
    • Lorsque la personne décédée n’est pas maintenue artificiellement en vie, l’article R. 1232-1 du Code de la santé publique prévoit que si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents :
      • Absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée ;
      • Abolition de tous les réflexes du tronc cérébral ;
      • Absence totale de ventilation spontanée
    • Le constat de la mort doit être formalisé dans un procès-verbal établi sur un document dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
    • L’article R. 1232-3 du Code de la santé publique précise que ce procès-verbal doit indiquer les résultats des constatations cliniques ainsi que la date et l’heure du constat de la mort.
    • Il doit, en outre, être établi et signé par un médecin appartenant à une unité fonctionnelle ou un service distinct de ceux dont relèvent les médecins qui effectuent un prélèvement d’organe ou une greffe.
  • La procédure renforcée de constat de la mort en présence d’un maintien en vie artificiel de la personne décédée
    • Lorsque la personne décédée est maintenue artificiellement en vie aux fins de faire l’objet d’un prélèvement d’organe, l’article R. 1232-2 du Code de la santé publique prévoit que, en complément des trois critères cliniques mentionnés à l’article R. 1232-1, il est recouru pour attester du caractère irréversible de la destruction encéphalique :
      • Soit à deux électroencéphalogrammes nuls et aréactifs effectués à un intervalle minimal de quatre heures, réalisés avec amplification maximale sur une durée d’enregistrement de trente minutes et dont le résultat est immédiatement consigné par le médecin qui en fait l’interprétation ;
      • Soit à une angiographie objectivant l’arrêt de la circulation encéphalique et dont le résultat est immédiatement consigné par le radiologue qui en fait.
    • Dans ce cas de figure, le constat de la mort doit être formalisé dans un procès-verbal établi sur un document dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé.
    • Le formalisme auquel ce procès-verbal doit répondre est, en revanche, plus lourd, compte tenu du maintien en vie artificiel du patient décédé.
    • L’article R. 1232-3, al. 3 du Code de la santé publique prévoit en ce sens que lorsque le constat de la mort est établi pour une personne assistée par ventilation mécanique et conservant une fonction hémodynamique, le procès-verbal de constat de la mort indique les résultats des constatations cliniques concordantes de deux médecins répondant à la condition mentionnée à l’article L. 1232-4.
    • Ce procès-verbal mentionne, en outre, le résultat des examens définis au 1° ou au 2° de l’article R. 1232-2, ainsi que la date et l’heure de ce constat.
    • Il doit être signé par les deux médecins susmentionnés.

Que la personne dont le décès est constaté soit ou non maintenue artificiellement en vie, l’article R. 1232-4 du Code de la santé publique prévoit que « le procès-verbal du constat de la mort est signé concomitamment au certificat de décès prévu par arrêté du ministre chargé de la santé. »

==> La preuve de la mort

Pour qu’une personne décédée soit privée de sa capacité à hériter, encore faut-il que sa mort intervienne antérieurement à l’ouverture de la succession du de cujus.

Aussi, la date de la mort présente un enjeu majeur, ce qui, dès lors pose la question de sa preuve.

S’agissant de la charge de cette preuve, elle pèse sur les ayants droit de l’héritier présomptif.

La plupart de temps, cette preuve sera rapportée par la production de l’acte de décès sur lequel figure notamment le jour, l’heure et le lieu de décès (art. 79 C. civ.)

Parce que l’acte de décès appartient à la catégorie des actes d’état civil, il est réputé constater, « d’une manière authentique, un événement dont dépend l’état d’une ou de plusieurs personnes » (Cass. 1ère civ. 14 juin 1983, n°82-13.247).

L’acte de décès tire donc sa force probante de son caractère authentique. Il en résulte qu’il fait foi jusqu’à inscription de faux, à tout le moins s’agissant de l’existence matérielle des faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions (Cass. 1ère civ. 26 mai 1964).

En effet, il y a lieu de distinguer deux sortes d’informations sur l’acte de décès :

  • Les informations qui résultent des propres constatations de l’officier d’état civil
    • Le caractère authentique de l’acte de décès confère à ces informations une force probante des plus efficaces, car elles font foi jusqu’à inscription en faux
    • Celui qui conteste la véracité de l’une d’elles devra donc engager des poursuites judiciaires, selon les règles de procédure énoncées aux articles 303 à 316 du Code de procédure civile.
  • Les informations qui résultent des déclarations que l’officier d’état civil reçoit de la personne qui a déclaré le décès
    • Ces informations font foi jusqu’à ce qu’il soit rapporté la preuve contraire.
    • Dans un arrêt du 19 octobre 1999, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « si l’acte de décès n’établit, quant à l’heure du décès, qu’une simple présomption, il appartient à celui qui la conteste d’en établir l’exactitude» ( 1ère civ., 19 oct. 1999, n° 97-19.845).

S’agissant de la date et l’heure du décès, ces deux informations ne sont donc pas couvertes par le caractère authentique de l’acte de décès, faute pour l’officier d’état civil d’avoir pu les constater personnellement.

Dans ces conditions, elles pourront être remises en cause, ce qui supposera d’établir que, soit la date, soit l’heure, ou les deux, sont erronées

2. Tempérament

Par exception à la règle privant les personnes décédées de l’aptitude à hériter, les articles 752 et 752-2 du Code civil admettent que certains descendants de l’héritier prédécédé puissent lui succéder par le jeu de la représentation.

Pour mémoire, la représentation est définie par l’article 751 du Code civil comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté »

Ce mécanisme interviendra, par exemple, lorsque, dans le cadre de la succession d’un grand-père, les petits enfants, viendront représenter leur parent décédé, de sorte qu’ils occuperont éventuellement le même rang que leur oncle.

S’agissant des personnes admises à représenter l’héritier présomptif prédécédé, il s’agit :

  • D’une part, en ligne directe des descendants à l’infini ( 752 C. civ.)
  • D’autre part, en ligne collatérale, des enfants et descendants de frères ou sœurs du défunt ( 752-2 C. civ.)

Ainsi, le décès de l’héritier présomptif ne prive ses descendants de la possibilité succéder en son lieu et place au de cujus.

B) L’enfant mort-né ou né non viable

Lorsqu’un enfant décède avant que n’ait pu être réalisée la déclaration de naissance, il y a lieu de distinguer selon qu’il est né vivant et viable ou seulement sans vie.

  • L’enfant né vivant et viable
    • L’article 79-1, al. 1er du Code civil prévoit que lorsqu’un enfant est décédé avant que sa naissance ait été déclarée à l’état civil, l’officier de l’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès sur production d’un certificat médical indiquant que l’enfant est né vivant et viable et précisant les jours et heures de sa naissance et de son décès.
    • L’établissement d’un acte de naissance présente ici un enjeu majeur, car cette formalité conférera à l’enfant décédé la personnalité juridique et, par voie de conséquence, la capacité à hériter.
  • L’enfant né sans vie
    • L’article 79-1, al. 2e du Code civil prévoit que, lorsque l’enfant est mort-né ou naît vivant mais non viable, l’officier de l’état civil peut établir sur la demande des parents un acte d’enfant sans vie.
    • L’établissement de cet acte permettra d’inscrire cet enfant sur le livret de famille et d’organiser de funérailles.
    • En revanche, l’enfant ne se verra pas conférer la personnalité juridique, en conséquence de quoi il n’acquerra pas la qualité d’héritier.

C) Les personnes absentes

L’absence est définie à l’article 112 du Code civil comme la situation d’une personne qui « a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles ».

Il s’agit, autrement dit, de l’hypothèse où une personne ne s’est pas manifestée auprès de ses proches pendant une période prolongée, de sorte que l’on ignore si elle est encore en vie ou si elle est décédée.

Cette situation se rencontrera essentiellement à des époques troublées par la guerre, la révolution ou encore des catastrophes naturelles.

Quel que soit le motif de l’absence, faute de certitude sur la situation de la personne qui ne donne plus aucun signe de vie, la question se pose de savoir ce qu’il doit advenir de son patrimoine.

Doit-on désigner un administrateur aux fins d’administrer ses biens dans l’attente que l’absent réapparaisse ou doit-on ouvrir sa succession ?

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter aux articles 112 à 132 du Code civil qui règlent la situation de l’absence.

À l’analyse, le dispositif mis en place distingue deux périodes qui se succèdent :

  • La présomption d’absence qui fait primer la vie sur la mort
  • La déclaration d’absence qui fait primer la mort sur la vie

==> La personne présumée absente

L’article 112 du Code civil prévoit que « lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence sans que l’on en ait eu de nouvelles, le juge des tutelles peut, à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constater qu’il y a présomption d’absence. »

Il ressort de cette disposition que, lorsque les conditions de l’absence sont réunies, le juge rend une décision constatant la présomption d’absence.

Cette décision emporte deux effets majeurs :

  • Elle fixe le point de départ du délai au terme duquel la présomption d’absence sera convertie en déclaration d’absence, soit en un acte qui présumé l’absent mort
  • Elle instaure un système de représentation de l’absent qui fait l’objet des mêmes mesures de protection que celles prises à la faveur de l’incapable majeur

À cet égard, durant toute la période au cours de laquelle la présomption d’absence joue l’absent est présumé en vie, ce qui signifie que, à ce stade, non seulement sa succession ne saurait s’ouvrir, mais encore il conserve sa capacité à hériter comme précisé par l’article 725 du Code civil.

La présomption d’absence est, par ailleurs, sans incidence sur la situation matrimoniale de l’absent qui demeure marié ou pacsé.

Cette présomption emporte pour seule conséquence l’instauration d’une mesure de représentation de l’absent qui est traité comme un incapable, en ce qu’il fait l’objet des mêmes mesures de protection.

==> La personne déclarée absente

Lorsque la période de présomption d’absence arrive à son terme, s’amorce une seconde phase, celle de la déclaration d’absence qui conduit à présumer l’absent décédé.

Il ne s’agit donc plus ici d’assurer la protection de l’absent dont on présume qu’il est en vie, mais d’organiser la liquidation de ses intérêts, puisqu’on présume dorénavant qu’il est mort.

Le basculement de la présomption de vie vers une présomption de mort s’opère au bout d’un délai compris entre 10 et 20 ans selon le cas.

À l’analyse, ce délai varie selon que la présomption d’absence a ou non été judiciairement constatée

  • La présomption d’absence a été judiciairement constatée
    • L’article 122 du Code civil prévoit que « lorsqu’il se sera écoulé dix ans depuis le jugement qui a constaté la présomption d’absence, soit selon les modalités fixées par l’article 112, soit à l’occasion de l’une des procédures judiciaires prévues par les articles 217 et 219, 1426 et 1429, l’absence pourra être déclarée par le tribunal judiciaire à la requête de toute partie intéressée ou du ministère public».
    • Ainsi, dès lors que la présomption d’absence a été régulièrement constatée par le juge, la déclaration d’absence peut être prononcée.
    • Ce délai commence à courir à compter de la date fixée dans la décision qui a constaté la présomption d’absence
  • La présomption d’absence n’a pas été judiciairement constatée
    • L’absence de constatation judiciaire de la présomption d’absence n’est pas un obstacle au prononcé de la déclaration d’absence
    • L’article 122 du Code civil prévoit en ce sens que l’absence peut être déclarée lorsque « à défaut d’une telle constatation, la personne aura cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, sans que l’on en ait eu de nouvelles depuis plus de vingt ans. »
    • Cette hypothèse se rencontrera notamment, lorsque le patrimoine du présumé absent aura été administré par un mandataire, de sorte que le recours à la procédure visant à obtenir des mesures de protection était sans intérêt.
    • Aussi, s’il n’est pas nécessaire d’obtenir la constatation judiciaire de la présomption d’absence, le délai pour obtenir la déclaration d’absence est doublé.
    • La difficulté pour le demandeur consistera à rapporter la preuve de l’écoulement d’un délai de 20 ans.
    • Ainsi que l’observait Jean foyer l’objectif est ici « de protéger les intérêts d’un présumé absent contre des proches qui ne se sont pas montrés diligents pour la gestion de son patrimoine, ou dont on pourrait craindre qu’ils soient tentés de faire déclarer frauduleusement l’absence d’une personne vivante durablement éloignée de ses affaires».

L’article 128 du Code civil prévoit que « le jugement déclaratif d’absence emporte, à partir de la transcription, tous les effets que le décès établi de l’absent aurait eus. »

Ce jugement produit donc l’effet inverse que la présomption d’absence : l’absent bascule du statut de présumé en vie en présumé mort.

Il en résulte notamment que l’absent perd son aptitude à hériter, puisque sa personnalité juridique s’éteint.

D) Les personnes disparues

L’article 88 du Code civil prévoit que « peut être judiciairement déclaré, à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées, le décès de tout Français disparu en France ou hors de France, dans des circonstances de nature à mettre sa vie en danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé. »

Il ressort de cette disposition que lorsqu’une personne a disparu dans des circonstances de nature à faire sérieusement douter de sa survie (naufrage, effondrement d’une mine, catastrophe naturelle, accident d’avion, incendie etc.), c’est le juge procédera à la constatation du décès pour cause de disparition.

La disparition se distingue de l’absence qui correspond à l’hypothèse où l’on ignore si la personne absente est morte ou encore en vie.

S’agissant de la disparition, il existe une probabilité très élevée que la personne soit décédée, en raison des circonstances violentes dans lesquelles elle a disparu.

Lorsque l’on a la certitude qu’une personne a été victime d’un naufrage ou d’un accident d’avion et que celle-ci ne réapparaît plus, il est vraisemblable, sinon certain qu’elle soit décédée.

S’agissant des effets de la disparition, il y a lieu de se reporter à l’article 91, al. 3e du Code civil.

Cette disposition prévoit que « les jugements déclaratifs de décès tiennent lieu d’actes de décès et sont opposables aux tiers, qui peuvent seulement en obtenir la rectification ou l’annulation, conformément aux articles 99 et 99-1 du présent code. »

Ainsi, la personne qui est déclarée disparue est réputée décédée à l’instar de la personne qui est déclarée absente.

Il en résulte que sa personnalité juridique prend fin, ce qui emporte, par voie de conséquence, son aptitude à hériter.

S’agissant de la date à laquelle il y a lieu de faire jouer les effets de la disparition, il convient de retenir, non pas la date de prononcé du jugement, mais la date à laquelle le disparu est réputé mort, laquelle doit nécessairement être fixée par la décision.

C’est donc à cette date qu’il y aura lieu de se placer afin d’apprécier l’aptitude de la personne disparue à succéder au de cujus.

E) Les personnes morales

En application de l’article 725 du Code civil, pour succéder, il faut en principe exister. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, devraient donc être aptes à hériter, tant les personnes physiques, que les personnes morales.

S’agissant de ces dernières, bien qu’elles n’aient pas de réalité tangible, elles existent bien juridiquement. Et pour cause, en leur reconnaissant la personnalité juridique, la loi leur confère la capacité à détenir un patrimoine.

Rien ne devrait donc s’opposer à ce que les personnes morales puissent recueillir les biens d’une personne physique dans le cadre d’une succession.

Tel n’est pour autant pas l’état du droit qui subordonne l’acquisition de la qualité d’héritier à l’existence d’un lien de parenté ou d’alliance entre le de cujus et ses successibles.

Pour cette raison, les personnes morales sont inaptes à hériter, à tout le moins dans le cadre d’une succession ab intestat, soit la succession qui s’opère sans testament.

La jurisprudence, puis le législateur, ont toutefois admis que les personnes morales pouvaient, à certaines conditions, bénéficier d’une libéralité par voie de donation ou par voie testamentaire.

À l’analyse, l’aptitude d’une personne morale à recueillir une libéralité dépend de sa nature juridique (société, association, fondation etc.).

S’agissant des sociétés civiles et commerciales, la jurisprudence leur a très tôt reconnu cette aptitude (V. en ce sens Cass. req. 23 févr. 1891).

À cet égard, l’exercice de leur droit à recueillir une libéralité n’est nullement subordonné à l’octroi d’une quelconque autorisation, ni à l’accomplissement d’une déclaration (Cass. req., 29 nov. 1897).

Tout au plus, en raison du principe de spécialité qui limite leur capacité de jouissance, l’objet social figurant dans les statuts de la société civile ou commerciale devra comprendre la possibilité de recueillir une libéralité.

S’agissant des fondations, des congrégations et des associations, non seulement elles ont la capacité de recevoir des libéralités entre vifs ou par testament, mais encore qu’elles peuvent les accepter librement (art. 910 C. civ.).

L’article 910 prévoit néanmoins que si le préfet constate que l’organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu’il n’est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité.

Afin que ce contrôle puisse effectivement être exercé, le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 fait peser une obligation de déclaration sur les associations, fondations et congrégations recueillant la libéralité.

§2 : L’absence d’indignité successorale

Si l’aptitude à hériter est indépendante de la volonté de celui auquel elle est reconnue, il est en revanche certains agissements qui sont incompatibles avec la qualité d’héritier.

Certains comportements moralement répréhensibles, sinon délictueux, dont a fait montre l’héritier envers le de cujus sont, en effet, de nature à le priver de sa vocation successorale.

Ces comportements tombent sous le coup de ce que l’on appelle l’indignité.

==> Notion

Envisagée aux articles 726 à 729-1 du Code civil, l’indignité successorale est classiquement définie comme la déchéance du droit de succéder au défunt à raison d’atteintes graves portées à son encontre.

L’indignité produit sensiblement les mêmes effets qu’une exhérédation, à deux nuances près.

  • D’une part, l’indignité successorale se produit sous l’effet de la loi, alors que l’exhérédation ordinaire résulte de la volonté du de cujus.
  • D’autre part, alors que l’indignité successorale est susceptible de priver l’héritier de sa part réservataire, lorsqu’elle est le fait du de cujus, l’exhérédation ne pourra se limiter qu’à la quotité disponible.

Pour ces deux raisons, l’indignité successorale ne se confond pas avec l’exhérédation. Néanmoins, depuis l’entrée en vigueur de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, il apparaît que les deux institutions se sont rapprochées.

En effet, l’indignité n’est plus, comme sous l’empire du droit en vigueur, un effet légal strictement attaché à une conduite incriminée, qu’aucune volonté contraire ne saurait écarter.

Désormais, l’indignité peut être neutralisée par le pardon accordé à l’indigne, soit par le de cujus lui-même, soit par ses cohéritiers.

==> Nature

S’agissant de la nature de l’indignité successorale, la doctrine est partagée entre deux approches :

  • Première approche : l’assimilation de l’indignité à une incapacité
    • D’aucuns soutiennent que l’indignité s’apparenterait à une incapacité de jouissance, celle-ci produisant finalement les mêmes effets : celui qui est reconnu indigne est inapte à recueillir le patrimoine du de cujus.
    • À cette analyse, il est objecté notamment qu’une incapacité serait toujours prononcée pour des raisons « indépendantes du mérite ou du démérite de la personne»[4].
    • Au surplus, les incapacités auraient une portée générale. Or l’indignité ne frappe l’indigne que pour la succession de la personne envers laquelle il s’est mal comporté.
    • Ainsi que l’observe néanmoins Michel Grimaldi, il existe « des incapacités relatives qui, précisément, ne concernent que les rapports entre deux personnes déterminées»[5].
    • Tel est notamment le cas du médecin qui est frappé d’une incapacité de jouissance spéciale quant à recevoir une libéralité émanant de son patient ( 909 C. civ.).
    • Il en va de même pour le tuteur auquel il est fait interdiction recevoir une libéralité provenant du mineur dont il assurait la représentation ( 907 C. civ.).
  • Seconde approche : l’assimilation de l’indignité à une peine privée
    • La doctrine majoritaire assimile l’indignité successorale à une peine privée, car elle jouerait le rôle de sanction.
    • Dans un arrêt du 18 décembre 1984, la Cour de cassation a statué en ce sens, en qualifiant expressément l’indignité de « peine civile de nature personnelle et d’interprétation stricte».
    • Elle en déduit qu’elle « ne peut être étendue au-delà des textes qui l’instituent » ( 1ère civ. 18 déc. 1984, n°83-16.028).

Selon que l’on assimile l’indignité successorale à une incapacité ou à une peine privée, elle ne sera pas soumise au même principe.

Si l’indignité s’analyse en une incapacité, alors elle ne peut frapper que les personnes expressément visées par la loi. Rien ne ferait en revanche obstacle à ce que les juges puissent se livrer à une interprétation extensive des textes aux fins d’appliquer l’indignité à des cas non expressément prévus par la loi.

Si l’indignité est assimilée à une peine privée, elle obéit alors au principe de légalité des délits et des peines, ce qui signifie qu’elle ne peut jouer que pour les cas expressément visés par un texte.

À l’examen, c’est plutôt la seconde approche qui semble avoir été adoptée par la jurisprudence, (Cass. 1ère civ. 18 déc. 1984, n°83-16.028). Elle doit donc être appréhendée comme une peine privée.

==> Domaine

Le domaine de l’indignité successoral est cantonné aux seules successions ab intestat, soit à celles qui s’opèrent en dehors de tout testament.

L’indignité ne joue pas :

  • Dans le cadre des libéralités
    • Pour mémoire, les libéralités recouvrent les donations et les testaments, soit les actes à titre gratuit qui procèdent de la volonté du disposant
    • Pour ces actes, en cas de mauvaise conduite du bénéficiaire envers leur auteur, la sanction est toute autre.
    • Il s’agit, en effet, de la révocation pour cause d’ingratitude.
    • En soi, l’ingratitude produit les mêmes effets que l’indignité successorale.
    • Elle s’en distingue toutefois en ce qu’elle sanctionne des agissements moins graves.
    • Aussi, les cas d’ingratitude et d’indignité ne coïncident pas totalement
  • Dans le cadre des avantages matrimoniaux
    • L’article 1527 du Code civil définit les avantages matrimoniaux comme ceux « que l’un ou l’autre des époux peut retirer des clauses d’une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes».
    • Il s’agit, autrement dit, de tout profit procuré à l’un des époux résultant des règles qui président au fonctionnement du régime matrimonial.
    • Les avantages matrimoniaux présentent la particularité d’échapper au régime des libéralités ; ils leur sont étrangers.
    • Est-ce à dire qu’ils sont susceptibles de relever du domaine de l’indignité, puisque ne pouvant donc pas être révoqués pour cause d’ingratitude ?
    • Dans un arrêt remarqué du 7 avril 1998, la Cour de cassation a répondu par la négative.
    • Dans cette décision, elle a estimé que l’indignité successorale était insusceptible de sanctionner le conjoint condamné à une peine de 10 ans de réclusion criminelle pour avoir mortellement frappé son épouse ( 1ère civ., 7 avr. 1998, n° 96-14.508).
    • La position prise par la Cour de cassation est sévère.
    • Aussi, marque-t-elle sa volonté de faire une application stricte des textes et de circonscrire le domaine de l’indignité aux seules successions ab intestat.

==> Réforme

Le régime de l’indignité successorale a été profondément réformé par la loi 2001-1135 du 3 décembre 2001 relative aux droits du conjoint survivant et des enfants adultérins et modernisant diverses dispositions de droit successoral.

Il était notamment reproché aux règles antérieures d’être trop étroites, trop rigides et quelquefois injustes.

La loi du 3 décembre 2001 a tenu compte des critiques, en créant de nouveaux cas d’indignité successorale, dont la plupart sont facultatifs pour le juge, afin d’apporter de la souplesse dans un dispositif.

Le texte met fin, par ailleurs, à l’injustice dont étaient victimes les enfants de l’indigne : ceux-ci, qui n’ont commis aucune faute, peuvent désormais représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu (art. 729-1 C. civ.).

Bien qu’en règle générale on ne puisse représenter que des personnes mortes, cette représentation peut avoir lieu du vivant même de l’indigne.

L’appréhension de l’indignité successorale suppose d’envisager ses causes, après quoi il conviendra de se focaliser sur ses effets.

I) Les causes d’indignité successorale

Les rédacteurs du Code civil n’avaient envisagé que trois causes d’indignité successorale :

  • Avoir été condamnée pour meurtre ou tentative de meurtre à l’endroit du défunt
  • Avoir porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse, soit avoir cherché à le faire condamner à mort en l’accusant d’un crime qu’il n’avait pas commis
  • Avoir été instruit du meurtre du défunt et ne l’avoir pas dénoncé aux autorités judiciaires

Lors des travaux parlementaires dont est issue la loi du 3 décembre 2001, il est apparu que les cas d’indignité successorale prévus par le Code civil étaient pour le moins étroits, sinon désuets.

Aussi, a-t-il été jugé nécessaire de les revoir, ce qui a conduit, non seulement à les élargir, mais encore à les répartir en deux catégories :

  • Les cas d’indignité de plein droit
  • Les cas d’indignité facultative

Tandis que les premiers jouent automatiquement en cas de condamnation pénale de l’héritier présomptif, les seconds requièrent l’intervention du juge civile qui devra se prononcer sur leur bien-fondé.

A) Les cas d’indignité de plein droit

L’article 726 du Code civil prévoit deux cas d’indignité de plein droit :

  • Premier cas
    • Il s’agit de la condamnation comme auteur ou complice, à une peine criminelle de celui qui a volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt.
    • Ce cas d’indignité vise indistinctement le meurtre ( 221-1 et 221-4 C. pén.), l’assassinat (art. 221-3 C. pén.), l’empoisonnement (art. 221-5 C. pén.).
  • Second cas
    • Il s’agit de la condamnation comme auteur ou complice, à une peine criminelle de celui qui a volontairement porté des coups ou commis des violences ou voies de fait ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
    • Ce cas d’indignité recouvre toutes les infractions sanctionnant les atteintes portées à l’intégrité physique du de cujus et qui ont conduit à son décès, sans pour autant que l’auteur de l’infraction ou son complice aient été animés d’une intention homicide.

Plusieurs enseignements peuvent être retirés des cas d’indignité de plein droit visés par l’article 726 du Code civil.

Tout d’abord, seule une condamnation à une peine criminelle est constitutive d’une cause d’indignité de plein droit.

Par peine criminelle, il faut entendre une condamnation pénale supérieure à 10 ans de réclusion.

Ensuite, il peut être observé que, désormais, le complice de l’auteur du crime est également susceptible d’être frappée par l’indignité successorale, ce qui n’était pas le cas sous l’empire du droit antérieur

Enfin, il n’est pas nécessaire que celui qui a porté atteinte à la vie du défunt, à tout le moins qui y a concouru volontairement, soit animé de la volonté de tuer, pour encourir l’indignité successorale.

Il s’agit là d’une nouveauté introduite par la loi du 3 décembre 2001, le législateur ayant estimé qu’absence d’intention homicide n’excusait pas l’héritier qui, par ses agissements, porte la responsabilité de la mort du de cujus.

B) Les cas d’indignité facultative

L’article 727 du Code civil prévoit six cas d’indignité successorale :

  • Premier cas
    • Il s’agit de la condamnation comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle, de celui qui a volontairement donné ou tenté de donner la mort au défunt.
    • Sont ici visées les mêmes infractions qu’au 1e de l’article 726 du Code civil, soit le meurtre, l’assassinat et l’empoisonnement.
    • La seule différence, c’est que l’auteur ou le complice de l’infraction a été condamné, non pas à une peine criminelle, mais à une peine correctionnelle.
    • Par peine correctionnelle, il faut entendre une peine d’emprisonnement qui n’excède pas dix ans.
    • Parce que la peine prononcée à son encontre est moins lourde, le législateur a estimé que l’indignité devait, pour cette situation, n’être que facultative.
    • Le dernier alinéa du texte précise néanmoins que « peuvent également être déclarés indignes de succéder ceux qui ont commis les actes mentionnés aux 1° et 2° et à l’égard desquels, en raison de leur décès, l’action publique n’a pas pu être exercée ou s’est éteinte. »
    • Autrement dit, lorsque l’action publique n’a pas pu être mise en mouvement pour quelque raison que ce soit, l’indignité successorale pourra malgré tout être prononcée par un juge.
    • L’objectif recherché par cette règle est d’empêcher la famille de l’auteur ou du complice de l’infraction ne puisse hériter du patrimoine de la victime.
  • Deuxième cas
    • Il s’agit de la condamnation comme auteur ou complice, à une peine correctionnelle de celui qui a volontairement commis des violences ayant entraîné la mort du défunt sans intention de la donner.
    • Ce cas d’indignité participe de la même logique que le précédent, en ce que les infractions visées sont exactement les mêmes que celles énoncées au 2e de l’article 726 du Code civil.
    • La peine prononcée présente néanmoins un caractère correctionnel, de sorte que l’indignité encourue ne joue plus de plein droit ; elle est facultative.
    • Par ailleurs, l’absence de mise en mouvement de l’action publique est ici aussi sans incidence sur le risque encouru par l’auteur ou le complice de l’infraction d’être frappé d’une indignité successorale.
    • Le dernier alinéa du texte est également applicable à cette cause d’indignité facultative
  • Troisième cas
    • Il s’agit de la condamnation comme auteur ou complice, à une peine criminelle ou correctionnelle de celui qui a commis des tortures et actes de barbarie, des violences volontaires, un viol ou une agression sexuelle envers le défunt.
    • Ce cas d’indignité facultative a été introduit par la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.
    • Cet ajout est motivé par la volonté du législateur de réprimer plus sévèrement les auteurs de violences conjugales.
    • Il est parti du constat que si la loi permettait de déclarer l’indignité successorale en cas de faux témoignage et de dénonciation calomnieuse contre le défunt, tel n’était pas le cas pour les violences sexuelles ou physiques dès lors qu’elles n’ont pas été mortelles.
    • Il y avait là, selon les parlementaires, un problème d’échelle de valeurs qu’il fallait corriger.
    • Pour cette raison, il a été décidé de créer un nouveau cas d’indignité successorale pour celui qui a été condamné à une peine criminelle pour avoir commis des violences volontaires ou un viol sur le défunt.
    • Le mari violent ne peut désormais donc plus hériter de son épouse si celle-ci décède avant lui.
    • Sur ce point, la commission des lois a souhaité viser, en plus des violences et du viol, les actes de torture et de barbarie et les agressions sexuelles, et prévoir que l’indignité pourrait être prononcée même si le conjoint a seulement été condamné à une peine correctionnelle.
  • Quatrième cas
    • Il s’agit de la condamnation de celui qui est à l’origine d’un témoignage mensonger porté contre le défunt dans une procédure criminelle.
    • Il s’agit là d’une reprise d’un souhait formulé par une partie de la doctrine qui regrettait que cette infraction ne soit pas une cause d’indignité.
    • Pour mémoire, l’infraction de faux témoignage dans le cadre est envisagée à l’article 434-13 du Code pénale.
    • Cette disposition prévoit que « le témoignage mensonger fait sous serment devant toute juridiction ou devant un officier de police judiciaire agissant en exécution d’une commission rogatoire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »
    • Il s’agirait autrement dit, pour l’héritier présomptif, de témoigner contre le de cujus dans le cadre d’une procédure criminelle en alléguant des faits qu’il sait faux.
  • Cinquième cas
    • Il s’agit de la condamnation de celui qui s’est volontairement abstenu d’empêcher soit un crime soit un délit contre l’intégrité corporelle du défunt d’où il est résulté la mort, alors qu’il pouvait le faire sans risque pour lui ou pour les tiers.
    • Ce cas d’indignité successorale est une innovation de la loi du 3 décembre 2001.
    • Il vise à sanctionner celui qui savait qu’un crime ou un délit allait se commettre à l’endroit de la personne du défunt, mais n’a rien dit, ni rien fait.
    • Or s’il avait agi, il aurait pu empêcher la mort du de cujus.
    • Parce qu’il porte une part de responsabilité dans le drame qui s’est produit, il ne mérite pas d’hériter.
    • Son abstention est d’autant plus blâmable que le décès du de cujus lui a directement profité en ce que, sans l’indignité, il hériterait prématurément.
    • Au surplus, on est légitimement en droit de le soupçonner d’avoir laissé faire dans le seul dessein d’accélérer sa vocation successorale.
    • Reste que le domaine de ce cas d’indignité est pour le moins restreint.
    • Pour être retenu, il faudra établir :
      • D’une part, l’abstention volontaire de l’héritier volontaire
      • D’autre part, que l’atteinte portée au de cujus était constitutive d’un crime ou d’un délit
      • En outre, que cette atteinte consistait en une agression physique sur sa personne
      • Enfin, que l’héritier présomptif était en capacité d’agir sans risque pour lui ou pour les tiers
    • Au bilan, les conditions devant être remplies pour que ce cas d’indignité soit retenu sont si nombreuses que, en pratique, ne sera caractérisé que dans de très rares cas
  • Sixième cas
    • Il s’agit de la condamnation de celui qui est à l’origine d’une dénonciation calomnieuse contre le défunt lorsque, pour les faits dénoncés, une peine criminelle était encourue.
    • Ce cas d’indignité successorale n’est autre qu’une reprise de l’un des cas prévus par les rédacteurs du Code civil.
    • L’ancien article 727, 2e prévoyait en effet que l’indignité était encourue par « celui qui a porté contre le défunt une accusation capitale jugée calomnieuse».
    • La seule différence, c’est que la dénonciation calomnieuse visée ici porte sur une infraction punie, non plus de peine de mort, mais par une peine criminelle.
    • L’esprit de ce cas d’indignité successorale n’en reste pas moins le même.
    • Il s’agit de sanctionner celui qui a portée contre le de cujus une accusation très grave, car portant sur des faits de nature criminelle, et, à ce titre, l’a exposé au risque d’être condamné à une lourde peine.
    • Certes, la motivation de l’auteur de la calomnie ne résidera pas dans la perspective d’hériter prématurément du de cujus, celui-ci ne risquant plus d’être condamné à mort.
    • Néanmoins, le préjudice personnel susceptible de lui être causé est si important que l’héritier présomptif doit être privé de sa vocation successorale.

II) La mise en œuvre de l’indignité successorale

Selon que l’indignité successorale joue de plein droit ou selon qu’elle est facultative, sa mise en œuvre diffère.

A) La mise en œuvre de l’indignité successorale de plein droit

Lorsque l’indignité successorale joue de plein droit, car résultant de l’une des causes visées par l’article 726 du Code civil, elle est automatique en ce sens que, pour produire ses effets, il n’est pas besoin de saisir le juge.

Aussi, est-elle attachée à la condamnation pénale dont, au fond, elle est une conséquence légale.

Encore faut-il néanmoins qu’elle soit invoquée, faute de quoi elle ne pourra pas jouer.

Les personnes admises à se prévaloir de l’indignité successorale de plein droit sont limitées.

On compte :

  • Les cohéritiers de l’indigne
  • Les ayants droit de l’indigne
  • Les légataires à titre universel et à titre particulier
  • Le ministère public en l’absence d’héritier

B) La mise en œuvre de l’indignité successorale facultative

Lorsque l’indignité est facultative, soit résulte de l’une des causes visées à l’article 727 du Code civil, sa mise œuvre requiert l’obtention d’une déclaration judiciaire d’indignité.

Aussi, cela suppose-t-il pour celui qui se prévaut de cette forme d’indignité successorale de saisir le juge civil.

À la différence de l’indignité de plein droit, l’indignité facultative n’est pas automatique ; elle doit être prononcée.

==> Compétence

En application de l’article 727-1 du Code civil, la juridiction compétente pour prononcer la déclaration d’indignité successorale est le Tribunal judiciaire.

Plus précisément, parce qu’il s’agit d’une demande qui intéresse les rapports entre héritiers, c’est la juridiction dans le ressort de laquelle est ouverte la succession jusqu’au partage qui est compétente (art. 45 CPC), étant précisé que la succession doit s’ouvrir au lieu du dernier domicile du défunt (art. 720 C. civ.).

==> Titulaires de l’action

L’article 727-1 du Code civil prévoit que « la déclaration d’indignité prévue à l’article 727 est prononcée après l’ouverture de la succession par le tribunal judiciaire à la demande d’un autre héritier. »

Il ressort de cette disposition que seuls les cohéritiers de l’indigne ont qualité pour saisir le juge aux fins de déclaration judiciaire d’indignité.

Aussi, sont privés de la possibilité d’exercer cette action, tant les héritiers testamentaires, que les légataires, alors même qu’ils auraient intérêt à agir.

En l’absence d’héritier, le second alinéa du texte précise que « la demande peut être formée par le ministère public. »

==> Moment d’exercice de l’action

L’article 727-1 du Code civil prévoit expressément que la demande visant à ce qu’un héritier soit déclaré indigne ne peut être formulée qu’après l’ouverture de la succession.

Aucune action ne pourra donc être exercée, tant que la victime de l’indignité n’est pas décédée.

==> Délai pour agir

L’article 727-1 du Code civil prévoit que « la demande doit être formée dans les six mois du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès. »

Il s’infère de cette disposition qu’il y a lieu de distinguer selon que la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité intervient avant ou après le décès.

  • La décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité intervient avant le décès de la victime de l’indignité
    • Dans cette hypothèse, l’action en déclaration d’indignité doit être exercée dans un délai de 6 mois à compter du décès du de cujus.
  • La décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité intervient après le décès de la victime de l’indignité
    • Dans cette hypothèse, l’action en déclaration d’indignité doit être exercée dans un délai de 6 mois à compter du prononcé de la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité

==> Décision

Après avoir examiné les circonstances de la cause et vérifié que l’un des cas d’indignité facultative visé par l’article 727 du Code civil était caractérisé, le juge pourra prononce une déclaration d’indignité.

III) Les effets de l’indignité successorale

Lorsqu’elle est acquise, soit directement par l’effet d’une condamnation pénale, soit par l’effet d’une décision du juge civil, l’indignité emporte plusieurs effets.

A) Les effets de l’indignité à l’égard de l’indigne

L’indignité produit deux effets à l’égard de l’indigne :

  • Il est exclu de la succession du de cujus
  • Il doit restitution des fruits et revenus

1. Exclusion de la succession

==> Principe

L’indignité a pour effet principal d’exclure l’indigne de la succession : il est déchu de son droit à succéder au de cujus, il perd sa qualité d’héritier.

S’agissant des libéralités susceptibles d’avoir été consenties par ce dernier à l’indigne, il peut être observé qu’elles ne relèvent pas de l’indignité. Elles ne peuvent être révoquées que pour cause d’ingratitude.

Aussi, l’indignité n’a d’incidence que sur la seule succession ab intestat. L’indigne peut donc conserver le bénéfice des donations ou dispositions testamentaires dont il aurait été gratifié par le défunt.

L’effet attaché à l’indignité n’est, par ailleurs, que relatif en ce sens qu’elle ne prive l’indigne de son aptitude à hériter que dans ses seuls rapports avec le de cujus.

Aussi, conserve-t-il sa capacité à hériter d’une autre personne et notamment aux parents de la victime de l’indignité, soit par le jeu de transmissions successives, soit par le jeu de la représentation successorale.

==> Exception

L’article 728 du Code civil prévoit que « n’est pas exclu de la succession le successible frappé d’une cause d’indignité prévue aux articles 726 et 727, lorsque le défunt, postérieurement aux faits et à la connaissance qu’il en a eue, a précisé, par une déclaration expresse de volonté en la forme testamentaire, qu’il entend le maintenir dans ses droits héréditaires ou lui a fait une libéralité universelle ou à titre universel. »

Il ressort de cette disposition que le de cujus dispose de la faculté de maintenir l’indigne dans ses droits, malgré les fautes commises à son endroit.

Cette faculté de pardon reconnue au de cujus joue, tant en matière d’indignité de plein droit, qu’en matière d’indignité facultative.

C’est là une innovation de la loi n°2001-1135 du 3 décembre 2001, le législateur ayant estimé qu’il y avait lieu de donner le dernier mot au défunt, sa volonté primant ainsi les effets de la loi.

Reste que pour que le pardon opère et déjoue les effets de l’indignité, trois conditions cumulatives doivent être réunies :

  • D’une part, le de cujus doit avoir eu connaissance des faits commis à son encontre et frappés de l’une des causes d’indignité
  • D’autre part, il doit avoir exprimé sa volonté de maintenir l’indigne dans ses droits, nonobstant les faits dont il a eu connaissance
  • Enfin, le pardon accordé par le de cujus à l’indigne doit intervenir après la découverte des faits frappés d’indignité et prendre la forme :
    • Soit d’une disposition testamentaire, ce qui suppose donc que les faits pardonnés soient expressément mentionnés dans le testament
    • Soit d’une libéralité universelle ou à titre universel

2. Obligation de restitution des fruits et revenus

L’article 729 du Code civil prévoit que « l’héritier exclu de la succession pour cause d’indignité est tenu de rendre tous les fruits et tous les revenus dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »

Cette disposition marque le caractère rétroactif de l’indignité successorale. Cette situation se rencontrera lorsque l’indigne est entré en possession des biens du de cujus et que l’indignité n’a pas encore produit ses effets.

Tel sera le cas pour l’indignité facultative qui ne peut être déclaré que postérieurement au décès du défunt.

Pour ce qui est de l’indignité de plein droit, la rétroactivité ne concernera que l’hypothèse où la condamnation de l’indigne a été prononcée après le décès du de cujus et que l’indigne est entré en possession immédiatement après l’ouverture de la succession.

En tout état de cause, lorsque l’indignité – de plein droit ou facultative – produit ses effets, l’indigne est réputé n’avoir jamais hérité.

Il en résulte qu’il a l’obligation de restituer :

  • D’une part, les biens qu’il aurait recueillis dans son patrimoine
  • D’autre part, les fruits et les revenus qu’il a éventuellement retirés de ces biens

C’est parce que l’indigne est considéré comme un possesseur de mauvaise foi, qu’il est tenu de restituer intégralement les fruits et revenus provenant des biens dont il a eu la jouissance.

Quant aux tiers auxquels l’indigne aurait transférer la propriété des biens recueillis, leur situation est pour le moins précaire car endossant la qualité d’acquéreur a non domino, soit d’acquéreur sans titre valable.

S’agissant des immeubles, l’opération encourt la nullité en application de la règle nemo plus juris.

Seule la prescription acquisitive pourra consolider la situation du tiers, encore qu’il ne pourra pas se prévaloir de la prescription abrégée.

S’agissant des meubles, la remise en cause de l’opération dépendra de la bonne ou mauvaise foi du tiers.

S’il est de bonne foi, nonobstant sa qualité d’acquéreur a non domino, il conservera le bénéfice de son acquisition. Si, en revanche, il est de mauvaise foi, une action en revendication pourra être exercée, le délai de prescription étant porté à trente ans.

B) Les effets de l’indignité à l’égard des héritiers

Parce qu’il s’agit d’une peine personnelle, l’indignité ne produit ses effets qu’à l’encontre de l’indigne ; elle est sans incidence :

  • D’une part, sur les cohéritiers
  • D’autre part, sur les enfants

S’agissant des enfants, il s’agit là d’une autre innovation introduite par la loi du 3 décembre 2001.

L’article 729-1 du Code civil prévoit que « les enfants de l’indigne ne sont pas exclus par la faute de leur auteur, soit qu’ils viennent à la succession de leur chef, soit qu’ils y viennent par l’effet de la représentation […] ».

Il ressort de cette disposition que les enfants de l’indigne peuvent venir en représentation de celui-ci.

Pour mémoire, la représentation est définie par l’article 751 du Code civil comme « une fiction juridique qui a pour effet d’appeler à la succession les représentants aux droits du représenté »

Le législateur a ici voulu mettre fin à l’injustice dont étaient victimes les enfants de l’indigne : ceux-ci, qui n’ont commis aucune faute, doivent pouvoir représenter leur auteur dans la succession dont il est exclu.

L’article 729-1 précise néanmoins que « l’indigne ne peut, en aucun cas, réclamer, sur les biens de cette succession, la jouissance que la loi accorde aux père et mère sur les biens de leurs enfants. »

Cette précision vise à déroger à la règle posée à l’article 386-1 du Code civil qui confère aux parents d’un enfant mineur un droit de jouissance légale sur les biens qu’ils administrent.

Il ne faudrait pas que l’indigne puisse tirer profit des biens dont il a été privé par l’entremise de ses enfants qui l’ont représenté dans la succession du de cujus.

Afin d’illustrer la règle énoncée à l’article 729-1, prenons l’exemple de la succession de A qui laisse derrière lui deux enfants, B et C. B qui a deux enfants E et F, est frappé d’indignité.

Si les enfants de l’indigne ne pouvaient pas venir en représentation de celui-ci, alors c’est C qui recueillerait l’intégralité de la succession de A.

Si en revanche les enfants de l’indigne sont admis à le représenter, alors ils pourront se partager la moitié de la succession de A, tandis que C recueillera l’autre moitié.

 

 

[1] M. Grimaldi, Droit des successions, éd. LexisNexis, 2017, n°101, p. 77.

[2] Ph. Salvage, « La viabilité de l’enfant nouveau-né », RTD civ., 1976, p. 725

[3] G. Cornu, Droit civil, Introduction, les personnes, les biens, Domat Droit privé, 9ème éd., 1999, p. 186

[4] M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, t. III, LGDJ, 7e éd. 1918, n°1731.

[5] M. Grimaldi, Droit des successions, éd. Lexisnexis, 2017, n°105, p. 81.

L’exécution provisoire des décisions de justice (jugements, ordonnances): régime juridique

🡺Vue générale

L’exécution provisoire se définit comme la faculté accordée à la partie gagnante (créancier) de poursuivre immédiatement à l’encontre de la partie perdante (débiteur) l’exécution de la décision judiciaire qui en est assortie.

À cet égard, l’exécution provisoire constitue une exception à l’effet suspensif de l’appel – c’est de fait cette voie de recours qui retient l’attention, l’opposition étant rarement exercée -, en permettant au créancier d’exécuter par provision la décision rendue.

Elle lui permet ainsi d’éviter que le débiteur ne forme appel qu’à des fins dilatoires, pour retarder l’exécution de la décision ou organiser son insolvabilité, mais aussi, « même si les voies de recours sont exercées en toute loyauté, sans esprit de chicane ou d’abus, (…) d’éviter les inconvénients pouvant résulter pour lui de la lenteur de la justice, spécialement lorsqu’elles sont portées devant des juridictions dont le rôle est encombré » (P. Julien, N. Fricero, Droit judiciaire privé, lgdj, 2001).

Un avantage aussi décisif accordé à la partie gagnante implique, en contrepartie, l’octroi d’une protection plus forte à la partie perdante en ce qui concerne la responsabilité du dommage causé par l’exécution.

Cela apparaît encore plus justifié depuis le nouveau décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 qui, renforçant l’exigence d’effectivité des décisions de première instance, a institué, à l’article 526 du CPC, une possibilité de radiation du rôle par le premier président de la cour d’appel lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision exécutoire à titre provisoire qui a été frappée d’appel.

Surtout, dans le droit fil de ce renforcement de l’effectivité des décisions de première instance, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une modification substantielle du droit positif en consacrant le principe de l’exécution provisoire de droit des décisions de justice.

Aussi, désormais, toutes les décisions rendues par les juridictions civiles bénéficient de l’exécution provisoire de droit, sauf exceptions tenant à la matière considérée, ce qui est le cas par exemple, devant le tribunal judiciaire, des décisions en matière de nationalité, de rectification et d’annulation judiciaire des actes d’état civil, de déclaration d’absence, de prénom, de modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil, de déclaration d’absence, de filiation, d’adoption, des décisions du juge aux affaires familiales en matière de divorce, de séparation de corps, de liquidation des régimes matrimoniaux et des indivisions entre personnes liées par un PACS ou entre concubins, ou des décisions rendues en matière de sécurité sociale.

🡺Distinction entre exécution provisoire et exécution inconditionnelle ou définitive

L’exécution provisoire constitue donc une dérogation à l’effet suspensif des voies de recours ordinaires.

Dans son principe, elle n’anéantit pas totalement cet effet suspensif, mais tend seulement à le neutraliser.

En revanche, l’exécution provisoire n’a vocation à s’appliquer que pour autant que la décision n’est pas exécutoire de manière inconditionnelle ou à titre définitif.

Est ainsi exécutoire à titre définitif le jugement rendu par un Tribunal judiciaire qui est passé en force de chose jugée au sens de l’article 500 du CPC.

Tel est, par exemple, le cas d’un jugement auquel la partie perdante a acquiescé, l’acquiescement emportant renonciation aux voies de recours (Cass 2e, 9 octobre 1985 n° 84-12.441).

Devient exécutoire de manière inconditionnelle le jugement frappé d’appel, lorsque, après avoir existé, l’effet suspensif du recours a ultérieurement disparu.

Ainsi lorsque l’affaire est radiée du rôle de la cour d’appel faute pour l’avoué de l’appelant d’avoir déposé ses conclusions au greffe dans les quatre mois de la déclaration d’appel (art. 915 CPC), le jugement dont il est interjeté appel devient exécutoire de manière immédiate et inconditionnelle

Il s’ensuit qu’est dès lors irrecevable comme dépourvue d’objet la demande d’arrêt de l’exécution provisoire. De même, l’ordonnance suspendant l’exécution provisoire prise avant la radiation de l’affaire est privée de tout effet à compter de la date de la radiation.

Toutefois, bien que l’article 539 du code de procédure civile précise que n’est suspensif de l’exécution du jugement que le recours « exercé dans le délai », la formalisation d’un appel manifestement tardif produit néanmoins, en droit commun, un effet suspensif dès lors qu’il n’appartient qu’au seul juge du fond (formation de jugement de la cour d’appel ou conseiller de la mise en état (art. 911 CPC) et non au greffe ou au premier président, de déclarer l’appel irrecevable comme tardif.

Il s’ensuit qu’en cas d’appel, même tardif, le jugement déféré n’est susceptible que d’une exécution provisoire.

Tel est notamment le cas lorsque l’extinction prématurée de l’instance d’appel par suite de la péremption de l’instance (art. 386 CPC) est suivie d’un nouvel appel, même formalisé hors délai.

Mais cette exécution devient définitive lorsque la cour ou le conseiller de la mise en état constate l’irrecevabilité du recours.

Cela étant, l’exercice d’un appel manifestement tardif dans le seul but d’écarter le caractère définitif de l’exécution de la décision des premiers juges, voire aux fins de saisine du premier président d’une demande d’arrêt ou d’aménagement de l’exécution du jugement, pourrait, pour ce motif, être qualifié d’abusif ou dilatoire, et ainsi exposer son auteur à une amende civile, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient lui être réclamés par ailleurs (art. 559 CPC).

🡺Distinction entre exécution provisoire et exécution immédiate ordinaire

Il convient encore de distinguer l’exécution provisoire de l’exécution immédiate. Sont ainsi immédiatement exécutoires les jugements avant-dire droit, notamment ceux prescrivant une expertise, dès lors que l’article 545 du code de procédure civile fait défense d’interjeter appel à leur encontre indépendamment du jugement sur le fond.

Aucun effet suspensif lié à l’ouverture du délai d’appel n’est donc attaché à de telles décisions.

Un jugement décidant une expertise ou un sursis à statuer n’entrerait dans le champ de l’exécution provisoire de droit qu’en cas d’autorisation d’un appel immédiat par le premier président de la cour dans les conditions fixées aux articles 272 et 380 du CPC.

Sauf cette dernière hypothèse, qui devrait demeurer marginale dans le cadre du contentieux des droits d’enregistrement et assimilés, les parties ne peuvent donc pas solliciter une mesure d’arrêt ou d’aménagement de l’exécution immédiate d’un jugement décidant une mesure d’expertise.

🡺Distinction entre exécution provisoire de droit et exécution provisoire ordonnée

Le code de procédure civile distingue traditionnellement l’exécution provisoire de droit de l’exécution provisoire ordonnée.

La distinction opérée par le CPC emporte pour conséquence que n’a pas à ordonner l’exécution provisoire pour que celle-ci produise tous ses effets (art. 514 CPC).

Par ailleurs, les effets de l’exécution provisoire s’étendent, lorsque celle-ci est de droit, à tous les chefs du jugement qui en bénéficie, y compris ceux concernant la charge des dépens et l’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Cass 2e civ. 24 juin 1998 n° 96-22.851).

I) L’octroi de l’exécution provisoire par la juridiction de première instance

A) L’exécution provisoire de droit

1. Les décisions assorties de l’exécution provisoire de droit

Les décisions rendues en première instance sont, par principe, assorties de l’exécution provisoire.

C’est là une nouveauté – importante sinon marquante – de la réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Sous l’empire du droit antérieur, le principe était que, pour bénéficier de l’exécution provisoire, les parties devaient en faire la demande au juge, faute de quoi l’effet suspensif de l’appel faisait obstacle à toute exécution de la décision rendue.

Désormais, le principe est inversé : la décision rendue en première instance doit être exécutée par la partie qui succombe.

a. Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur l’article 514, al. 2 du CPC prévoyait que sont exécutoires de droit à titre provisoire :

  • Les ordonnances de référé
  • Les décisions qui prescrivent des mesures provisoires pour le cours de l’instance
  • Les décisions qui ordonnent des mesures conservatoires
  • Les ordonnances du juge de la mise en état qui accordent une provision au créancier.

La question qui se posait était alors de savoir si la liste énoncée par cette disposition était ou non exhaustive.

À cette interrogation, il convenait de répondre négativement, l’adverbe notamment signalant la possibilité pour le législateur et la jurisprudence d’étendre la liste.

🡺l’extension de la liste par la loi

Plusieurs textes prévoient une exécution provisoire de droit, justifiée par l’urgence de la mise en œuvre des décisions prononcées :

  • Décisions statuant sur l’exercice de l’autorité parentale
    • L’article 1074-1 du CPC prévoit, par exemple, que « les mesures portant sur l’exercice de l’autorité parentale, la pension alimentaire, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et la contribution aux charges du mariage, ainsi que toutes les mesures prises en application de l’article 255 du Code civil, sont exécutoires de droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en matière de procédures collectives
    • L’article R. 661-1 du Code de commerce prévoit que « les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en matière fiscale
    • L’article R. 205-5 du Livre des procédures fiscales dispose que « le jugement du tribunal est exécutoire de droit à titre provisoire. »
  • Décisions statuant en droit du travail
    • L’article R. 1454-28 du Code du travail dispose que sont de droit exécutoires à titre provisoire
      • Le jugement qui n’est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
      • Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toutes pièces que l’employeur est tenu de délivrer ;
      • Le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l’article R. 1454-14, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. Cette moyenne est mentionnée dans le jugement.
  • Décisions statuant sur une demande de mesures de protection des victimes de violences
    • L’article 1136-7 du CPC prévoit que l’ordonnance rendue par le Juge aux affaires familiales qui statue sur la demande de mesures de protection des victimes de violences est exécutoire à titre provisoire à moins que le juge en dispose autrement.

🡺L’extension de la liste par la jurisprudence

Dans un arrêt du 13 janvier 2000 la Cour de cassation a jugé que les condamnations au paiement d’une provision par les juges du fond sont exécutoires de droit à titre provisoire (Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 99-13.265).

Dans cette affaire, un premier président avait été saisi en référé pour arrêter l’exécution provisoire dont la condamnation à provision était assortie et avait accueilli cette demande en retenant que le jugement frappé d’appel n’était pas exécutoire de droit. Sa décision a été cassée au visa des articles 514 et 524 du nouveau Code de procédure civile.

La deuxième chambre civile avait déjà énoncé la règle dans un arrêt du 18 novembre 1999, dans un contexte toutefois différent, puisque la conséquence qui en avait été tirée était que le paiement, même sans réserve, de la provision fixée par les premiers juges, ne pouvait valoir acquiescement (Cass. 2e civ., 18 nov. 1999, n° 97-12.709).

b. La réforme de la procédure civile

🡺Ratio legis

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

Le décret du 11 décembre 2019 a ainsi consacré le principe de l’exécution de droit des décisions de justice.

Cette modification substantielle du droit positif procède de la consécration de la proposition 30 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle consistant à « généraliser l’exécution provisoire

de droit de la décision ». À cet égard, cette proposition repose sur plusieurs constats :

  • Tout d’abord, le Groupe de travail relève que de nombreuses décisions, provisoires mais également au fond, touchant des domaines essentiels à la vie du justiciable, bénéficient déjà de l’exécution provisoire de droit.
  • Ensuite, il est souligné que le contentieux de l’exécution provisoire devant le premier président de la cour d’appel est très faible au regard du nombre de décisions assorties de l’exécution provisoire rendues par les juridictions.
  • Enfin, le Groupe de travail ajoute que le Juge disposerait d’ores et déjà des outils lui permettant d’assurer les restitutions qui seraient éventuellement nécessaires en cas d’infirmation de la décision par le juge d’appel.

Il en conclut que « la revalorisation de la décision civile de première instance doit s’accompagner de la consécration du principe de l’exécution provisoire de droit pour les décisions de première instance. »

Reste que l’on ne saurait se méprendre sur la véritable intention du législateur qui se cache derrière ces arguments qui peinent à convaincre : l’inversion du principe et de l’exception est moins guidée par la volonté de renforcer la décision civile de première instance que par l’objectif de dissuader les justiciables d’interjeter appel.

Surtout, comme relevé par les concluants qui, dans le cadre de l’action en référé-suspension, engagée à l’encontre du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, celui-ci « modifie, de manière insidieuse, des équilibres subtils établis, sur le fondement de l’œuvre du professeur Motulsky, dans les années soixante-dix. »[1].

Ils poursuivent, en avançant que dans le système actuel, l’appel est indispensable à la bonne administration de la justice, puisqu’il permet de rectifier le nombre considérable d’erreurs commises en première instance.

Or les (maigres) moyens alloués à la justice de première instance ne permettent pas de rendre des décisions d’une qualité suffisante ; ce pourquoi la France a choisi, comme la plupart des pays d’Europe continentale, de ne pas doter les jugements de première instance de l’exécution provisoire de droit.

Le décret du 11 décembre 2019 institue pourtant cette exécution provisoire de droit. Aussi, la difficulté est que cette réforme, si elle est maintenue, conduira à cristalliser la décision de première instance, à décourager l’appel, un appel qui demeure pourtant, en l’absence de redéploiement des moyens de la justice en faveur de la première instance, indispensable.

Ce « détricotage » ou cette « désactivation » rampante de l’appel, maintenu facialement, pose d’évidents problèmes d’accès au juge.

À cela s’ajoutent les risques auxquels est exposée la partie perdante en première instance, à qui il appartiendra de recouvrer les sommes versées dans le cadre de l’exécution provisoire, et qui donc est susceptible de se heurter à l’insolvabilité de son contradicteur.

i. Principe

En application de l’article 514 du CPC le principe est donc que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire »

Les décisions rendues en première instance bénéficient ainsi de l’exécution provisoire de droit, ce qui implique qu’il n’est pas nécessaire pour les parties de la solliciter.

Autrement dit, le Juge n’a pas à ordonner l’exécution provisoire pour que celle-ci produise tous ses effets (art. 514 CPC).

Les effets de l’exécution provisoire s’étendent, lorsque celle-ci est de droit, à tous les chefs du jugement qui en bénéficie, y compris ceux concernant la charge des dépens et l’allocation d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile (Cass 2e civ. 24 juin 1998 n° 96-22851).

Lorsque l’exécution provisoire est de droit la question se pose de savoir si la partie à la faveur de laquelle elle opère peut y renoncer dans l’attente que le jugement rendu passe en force de chose jugée, en particulier lorsqu’un appel a été interjeté.

Pour répondre à cette question, il convient de se tourner vers l’article 524 du CPC qui prévoit que « lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision. »

Ainsi, en cas d’absence d’exécution de la décision rendue en première instance, l’appelant qui bénéficie de l’exécution provisoire, s’expose à ce que l’affaire soit radiée du rôle.

Il ne pourra s’abstenir que dans deux cas :

  • Soit l’exécution de la décision serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives
  • Soit l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision

ii. Exceptions

Si le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 a posé le principe de l’exécution de droit des décisions de justice, cette dernière peut néanmoins être écartée dans certains cas, tantôt par la loi, tantôt par le Juge

🡺L’exécution provisoire est écartée par la loi

L’article 514 du CPC prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. »

À l’examen, la loi en dispose autrement dans plusieurs cas :

  • Devant le Tribunal judiciaire l’exécution provisoire n’est pas de droit pour les décisions rendues en matière :
    • de nationalité (art. 1045 CPC)
    • de rectification et d’annulation judiciaire des actes d’état civil (art. 1054-1 CPC)
    • de déclaration de naissance et de changement de prénom (art. 1055-3 CPC)
    • de modification de la mention du sexe dans les actes de l’état civil (art. 1055-10 CPC)
    • de déclaration d’absence (art. 1067-1 CPC)
    • de filiation et de subsides (art. 1149 CPC)
    • d’adoption (art. 1178-1 CPC)
  • Devant le Conseil de prud’hommes, l’exécution provisoire n’est pas de droit (art. R. 1454-28 C. trav.)
  • Devant le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire, l’exécution provisoire n’est pas étendue aux décisions par lesquelles le tribunal prononce la faillite personnelle ou l’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci (art. L. 653-11 C. com).

🡺L’exécution provisoire est écartée par le juge

L’exécution provisoire de droit dont sont désormais assorties, par principe, les décisions rendues en première instance est susceptible d’être écartée pour tout ou partie par le Juge lorsque, conformément à l’article 514-1 du CPC, il « estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire ».

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par incompatibilité de l’exécution provisoire avec la nature de l’affaire

Si l’on se reporte à la jurisprudence rendue sous l’empire du droit antérieur, il apparaît que cette incompatibilité doit s’apprécier au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue

Ainsi, lorsque le juge écarte l’exécution provisoire il doit se demander si l’exécution de la décision qu’il rend ne risque pas de rendre impossible un retour un arrière en cas de réformation de sa décision en appel.

Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire doit être écartée, ce par souci de protection de la partie contre laquelle elle joue

À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.

Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.)

Si le juge dispose d’un pouvoir souverain pour apprécier l’opportunité d’écarter l’exécution provisoire, l’alinéa 3 de l’article 514-1 vient néanmoins tempérer ce pouvoir.

Cette disposition prévoit, en effet, que « par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. »

À l’inverse, pour les décisions qui ne correspondent à aucune de ces situations, le Juge pourra écarter l’exécution provisoire à la condition toutefois qu’il soit établi qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire

À cet égard, il pourra statuer sur le maintien de l’exécution provisoire, soit d’office, soit à la demande d’une partie par décision spécialement motivée (art. 514-1, al.2 CPC).

2. L’arrêt de l’exécution provisoire de droit

a. Principe

L’article 514-3 du CPC prévoit que « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Cette disposition, issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, reprend, en substance, l’ancien article 524 du CPC qui envisageait l’arrêt de l’exécution provisoire de droit.

Ainsi, lorsque l’exécution provisoire est de droit, elle peut être neutralisée, mais seulement lorsque la demande est formulée auprès du Premier président de la Cour d’appel .

Autrefois, la Cour de cassation considérait que l’arrêt de l’exécution provisoire de droit était interdit, dans la mesure où l’ancien article 524 du CPC n’envisageait cette mesure que pour l’exécution provisoire ordonnée (V. en ce sens Cass. 2e civ., 13 janv. 2000, n° 99-13.265).

Toutefois, certains Premiers présidents de Cour d’appel s’étaient reconnu le pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire attachée de plein droit à diverses décisions de première instance (et il faut préciser ici que si l’exécution provisoire ordonnée peut être arrêtée par le premier président lorsqu’elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, la solution était totalement contraire en présence d’une exécution provisoire de droit, attachée de manière automatique à la décision de premier degré).

Certains premiers présidents s’étaient néanmoins octroyé ce pouvoir lorsqu’ils étaient en présence d’une violation flagrante de la loi et, plus particulièrement, d’une règle fondamentale de procédure.

Le plus souvent d’ailleurs, il s’était agi de la violation des droits de la défense. Cette solution prônée par les chefs de Cour portait le sceau du bon sens, car comment ne pas tenir pour excessif la poursuite de l’exécution immédiate de tels jugements ?

Reste que le bon sens et les bons sentiments ne suffisent pas à justifier une mesure contra legem. Aussi, a-t-il fallu attendre le décret n° 2004-836 du 20 août 2004 pour trouver à cette extension de l’intervention possible du premier président une assise juridique certaine.

Ainsi, l’article 514-3 confère désormais au Premier président de la Cour d’appel le pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire de droit. Plusieurs conditions doivent néanmoins être réunies.

b. Conditions d’application

Sous l’empire du droit antérieur, la suspension de l’exécution provisoire de droit était subordonnée à la réunion des conditions cumulatives que sont :

  • La violation du principe du contradictoire ou de l’article 12 du CPC
  • L’existence d’un risque de conséquences manifestement excessives

Le décret du 11 décembre 2019 a manifestement réformé ses conditions qui, si elles sont toujours cumulatives et au nombre de deux, consistent désormais en :

  • L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
  • L’existence d’un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives

La violation du principe du contradictoire ou de l’article 12 du CPC a ainsi disparu de la liste des conditions de suspension de l’exécution provisoire.

Sous l’empire du droit antérieur, pour que le Premier président de la Cour d’appel puisse exercer son pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire de droit dont est assortie la décision qui lui est déférée, il appartenait, en effet, au demandeur de démontrer, alternativement, soit la violation du principe du principe du contradictoire, soit la violation de l’article 12 du CPC.

  • La condition tenant à la violation du principe du contradictoire impliquait pour le demandeur de démontrer en quoi cette violation a consisté et d’établir qu’elle était injustifiée.
  • La condition tenant à la violation de l’article 12 supposait, quant à elle, que le demandeur établisse que le Juge de première instance avait omis de relever d’office un moyen de pur droit ou de redonner aux faits litigieux leur véritable qualification

Désormais, cette condition est remplacée par l’obligation qui est faite au demandeur de justifier de l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance.

Outre l’exigence tenant à ces conditions tenant à la suspension de l’exécution provisoire dont la réunion doit être démontrée par le demandeur, le texte ajoute une condition de recevabilité de la demande qui tient à la formulation, en première instance, sur l’exécution provisoire.

🡺Les conditions tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire

Les conditions tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire sont donc au nombre de deux

  • L’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
    • Pour que le demandeur soit fondé à solliciter la suspension de l’exécution provisoire de droit il doit donc justifier l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision »
    • Tout d’abord, il peut être relevé que cette condition est une reprise de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui autorise le Premier président de la Cour d’appel à prononcer un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution.
    • Ce sursis à exécution ne peut, toutefois, être accordé, selon le texte, que s’il existe « des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. »
    • La formulation de l’article 514-3 du CPC est ainsi empruntée à l’article R. 121-22 du CPCE
    • Reste que, aucun de ces deux textes ne fournit de clé de lecture de la condition posée.
    • En dépit d’indications, il peut tout d’abord être relevé que l’article 514-3 du CPC ne distingue pas selon que les moyens soulevés par le demandeur intéressent le fond du litige ou la procédure.
    • Ensuite, l’emploi de la formulation « moyen sérieux » invite le Premier président de la Cour d’appel à se livrer à une appréciation du bien-fondé de l’appel.
    • Il lui faudra, autrement dit, déterminer si la décision rendue en première instance comporte des erreurs de droit, à tout le moins si les critiques encourues sont suffisamment pertinentes pour justifier une réformation de la décision.
    • En la matière, le Premier président disposera d’un pouvoir souverain d’appréciation, de sorte que sa décision devrait, sur ce point, échapper au contrôle exercé par la Cour de cassation.
  • L’existence d’un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives
    • La seconde condition – reprise du droit antérieur – tenant à l’arrêt de l’exécution provisoire de droit exige du demandeur qu’il démontre que l’exécution de la décision déférée au Premier président de la Cour d’appel « risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »
    • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « conséquences manifestement excessives ».
    • La Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).
    • Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).
    • La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable.
    • Ainsi, l’importance de la condamnation n’est pas, en elle-même, un motif suffisant pour justifier l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution provisoire, encore faut-il que les facultés du débiteur ne lui permettent pas d’exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier ou, à l’inverse, que le risque d’insolvabilité, l’absence ou la faiblesse des facultés de restitution chez le créancier, voire son comportement ou sa situation particulière, soient de nature à compromettre le remboursement en cas d’infirmation du jugement.
    • Il résulte en outre de l’arrêt du 2 novembre 1990, ainsi que de très nombreuses autres décisions de la Cour de cassation, que ne saurait être arrêtée ou aménagée l’exécution provisoire bénéficiant à un jugement, motif pris des chances de succès ou du bien-fondé de l’appel (Cass 3e civ., 4 nov. 1987, n° 86-13.189), de l’irrégularité du jugement (Cass 2e civ., 25 mars 1992, n°90-21.962), voire de la méconnaissance des droits de la défense (Cass 2e civ., 13 mars 1996, n°95-16.325).
    • Cela étant, dans la limite et le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour de cassation, la mesure d’arrêt de l’exécution provisoire relève néanmoins du pouvoir souverain d’appréciation, par le juge qui examine la demande, du risque de conséquences manifestement excessives (Cass. soc., 11 déc. 1990, n°86-45.377, Cass. 2e civ. 5 février 1997, n° 94-21.070).
    • Il n’est donc pas possible, s’agissant de questions de fait, de déterminer de manière générale les cas dans lesquels sera ou non caractérisée l’existence de conséquences manifestement excessives.
    • Il convient en conséquence, dans chaque espèce, de déterminer si la poursuite de l’exécution provisoire de droit est susceptible d’entraîner, non pas seulement des difficultés financières chez le débiteur – insuffisantes à caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives – mais également des dommages irréversibles dépassant très largement les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire.
    • De même, l’appréciation du risque de non-restitution par le bénéficiaire de l’exécution provisoire doit tenir compte de tous les éléments, tant actuels, que raisonnablement envisageables dans l’avenir, permettant d’apprécier la capacité réelle, ou la volonté objective, du créancier de rembourser les sommes versées en cas d’infirmation de la décision des premiers juges (ordonnance suspendant l’exécution provisoire d’une condamnation de l’État au versement d’une somme importante à un particulier, dès lors que ce dernier, non-résident, ne possédait en France aucun bien propre à répondre d’une restitution éventuelle et n’avait fourni aucun engagement de caution).

🡺La condition tenant à la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire

L’alinéa 2 de l’article 514-3 du CPC prévoit que « la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance. »

La demande d’arrêt de l’exécution provisoire est ainsi subordonnée à la satisfaction d’une condition de recevabilité.

À cet égard deux situations doivent être distinguées :

  • Première situation : l’appelant a fait valoir des observations en première instance sur l’exécution provisoire
    • Dans cette hypothèse, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire est recevable en tout état de cause dès lors qu’est établie l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
  • Seconde situation : l’appelant n’a pas fait valoir des observations en première instance sur l’exécution provisoire
    • Dans cette hypothèse en revanche, la demande d’arrêt de l’exécution provisoire ne sera recevable que si l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives sont révélées postérieurement à la décision de première instance
    • À défaut, l’appelant ne sera pas recevable à solliciter la suspension de l’exécution provisoire
    • Afin de se préserver cette faculté, les parties auront ainsi tout intérêt à toujours discuter, en première instance, du bien-fondé de l’exécution provisoire de droit

c. Procédure

🡺L’appel

La demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire ou au sursis à l’exécution est subordonnée à l’existence d’un appel et non au dépôt des conclusions d’appel (V. en ce sens Cass. 2e civ., 20 déc. 2001, n° 00-17.029).

Elle est introduite selon les règles de droit commun du référé, par voie d’assignation, soit à une audience habituelle soit, en cas d’urgence, d’heure à heure (art. 514-6 CPC).

L’ordonnance du Premier président de la cour d’appel qui statue en référé, en vertu des pouvoirs propres que lui confère l’article 514-3 du CPC, sur une demande tendant à voir ordonner ou arrêter l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel, met fin à l’instance autonome introduite devant ce magistrat, de sorte que sa décision est susceptible d’un pourvoi immédiat (Cass. Ass. plén., 2 nov. 1990, n° 90-12.698).

Il en résulte également que le Premier président doit statuer sur les dépens de cette instance, sans pouvoir énoncer que les dépens du référé suivront ceux de l’instance principale (Cass. 2e civ., 29 oct. 1990, n° 89-14.925).

Le caractère abusif de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire peut être sanctionné par l’octroi de dommages-intérêts : le premier président qui relève que cette demande a été introduite avec légèreté et mauvaise foi, et dans le seul but de faire échec au jugement sans démontrer que l’exécution de celui-ci provoquerait des conséquences manifestement excessives sur la situation du demandeur et constate que cette procédure a causé un préjudice au bénéficiaire du jugement, peut décider que la procédure est abusive et dilatoire et allouer des dommages-intérêts (Cass. 2e civ., 12 nov. 1997, n° 95-20.280).

Le premier président ne peut remettre en cause les effets des actes d’exécution accomplis ou les paiements effectués antérieurement à sa décision (Cass. 2e civ., 31 janv. 2002, n° 00-11.881).

Cependant, lorsqu’une saisie-attribution a été pratiquée sur le fondement d’un jugement assorti de l’exécution provisoire, le premier président statuant en référé, saisi d’une demande tendant à l’arrêt de l’exécution provisoire, ne peut déclarer cette demande irrecevable en retenant que l’exécution provisoire du jugement a été consommée par la saisie-attribution, sans constater que le paiement n’était pas différé (Cass. 2e civ., 23 oct. 1996, n° 95-22.269).

🡺L’opposition

L’article 514-3, al. 3 du CPC prévoit que lorsque la voie de recours exercée contre la décision rendue en première instance consiste en une opposition, le Juge compétent pour connaître de l’arrêt de l’exécution provisoire c’est, non pas le Premier président de la Cour d’appel, mais le juge qui a rendu la décision.

À cet égard, il peut prononcer l’arrêt de l’exécution provisoire soit d’office, soit à la demande d’une partie, à la condition néanmoins qu’il existe un risque que l’exécution entraîne des conséquences manifestement excessives au préjudice de la partie qui la subit.

La condition tenant à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance a, dans cette configuration disparue.

La raison en est que c’est le juge de première instance qui a rendu la décision assortie de l’exécution provisoire de droit qui va statuer. Il n’est dès lors pas compétent pour se prononcer sur le risque de réformation de sa propre décision.

3. Le rétablissement de l’exécution provisoire de droit

L’article 514-4 du CPC prévoit que « lorsque l’exécution provisoire de droit a été écartée en tout ou partie, son rétablissement ne peut être demandé, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu’il y ait urgence, que ce rétablissement soit compatible avec la nature de l’affaire et qu’il ne risque pas d’entraîner des conséquences manifestement excessives. »

Cette disposition envisage ainsi la possibilité d’un rétablissement de l’exécution provisoire de droit qui aurait été écartée par le Juge de première instance.

La demande doit alors être formée, soit auprès du Premier président de la Cour d’appel, soit au Juge de la mise en état s’il est saisi.

En tout état de cause, le rétablissement de l’exécution provisoire est subordonné à la réunion de trois conditions cumulatives :

  • L’existence d’un cas d’urgence
    • Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).
    • Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.
    • En toute hypothèse, l’urgence est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.
  • La compatibilité du rétablissement de l’exécution provisoire avec la nature de l’affaire
    • À l’examen, la jurisprudence considère que la compatibilité s’apprécie au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue
    • Ainsi, lorsque le juge se prononce sur le rétablissement de l’exécution provisoire il doit se demander si un retour en arrière est possible en cas de réformation de sa décision en appel.
    • Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire peut être rétablie.
    • À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.
    • Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.).
  • L’absence de risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives
    • Pour mémoire, la Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).
    • Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).
    • La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable.

Ce n’est seulement que si ces trois conditions sont réunies que l’exécution provisoire de droit qui avait été écartée en première instance peut être rétablie.

4. Aménagement de l’exécution provisoire de droit

Le Premier président de la Cour d’appel dispose toujours de la faculté d’aménager l’exécution provisoire de droit en ordonnant l’une des mesures prévues aux articles 521 et 522 du CPC.

L’aménagement de l’exécution provisoire de droit relève du pouvoir discrétionnaire du Premier président qui peut, en tout état de cause, adopter deux sortes de mesures :

  • Première mesure : consignation des fonds dus au titre de la condamnation
    • L’article 521, al. 1er du CPC dispose que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »
    • Il ressort de cette disposition que la partie qui a succombé en première instance, peut être contrainte par le juge de consigner le montant de la somme qu’il a été condamné à verser.
    • Il ne s’agit pas ici de conditionner l’exécution provisoire dont bénéficie le créancier, mais de permettre au débiteur d’éviter qu’elle soit poursuivie à son encontre.
    • Si, cette mesure présente l’avantage de prémunir la partie perdante de l’insolvabilité de son contradicteur en cas de réformation de la décision rendue, l’inconvénient est qu’elle ne permet pas à ce dernier de percevoir immédiatement le montant de la condamnation, ce qui peut lui être fort préjudiciable en cas de fragilité de sa situation financière.
    • C’est la raison pour laquelle le législateur a écarté cette mesure en matière de condamnation relative au paiement de sommes qui correspondent à des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.
    • À cet égard, l’article 521, al. 2 du CPC précise que « en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »
    • Dans un arrêt du 12 juillet 1992, la Cour de cassation a précisé que cette mesure n’était pas limitée au cas de condamnation du chef de la réparation d’un dommage corporel
    • La deuxième chambre civile a, en effet, considéré que « lorsque l’exécution provisoire est de droit, le premier président peut, en vertu de l’article 524 du nouveau Code de procédure civile, prendre la mesure prévue à l’article 521, alinéa 2, du même Code pour toute condamnation au versement d’un capital, sans avoir à rechercher si l’exécution aurait des conséquences manifestement excessives » (Cass. 2e civ. 12 juill. 1992, n°91-11.280).
  • Seconde mesure : substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente
    • L’article 522 du CPC dispose que « le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente. »
    • Pratiquement ce pouvoir est en réalité limité puisqu’il suppose qu’une garantie ait été initialement et régulièrement constituée.
    • L’exécution provisoire étant de droit, la faculté conférer au juge de substituer la garantie n’aura d’intérêt que le juge subordonne l’exécution provisoire à la constitution d’une garantie.

5. Les mesures accessoires à l’exécution provisoire de droit

L’article 514-5 du CPC prévoit que « le rejet de la demande tendant à voir écarter ou arrêter l’exécution provisoire de droit et le rétablissement de l’exécution provisoire de droit peuvent être subordonnés, à la demande d’une partie ou d’office, à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »

Cette faculté dont dispose le juge d’exiger la constitution d’une garantie vise à éviter que la restitution ou la réparation soit impossible en cas de réformation de la décision contestée.

  • La nature de la garantie
    • La garantie exigée par le juge peut consister, tant en un cautionnement bancaire qu’en une hypothèque, un nantissement ou un gage.
    • À cet égard, l’article 518 du CPC précise que la nature, l’étendue et les modalités de la garantie prévue aux articles 514-5 et 517 doivent être précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • En toute hypothèse, le jugement ne deviendra alors exécutoire qu’à la condition que la garantie soit constituée.
  • Détermination de la valeur de la garantie
    • L’article 520 du CPC dispose que si la valeur de la garantie ne peut être immédiatement appréciée, le juge invite les parties à se présenter devant lui à la date qu’il fixe, avec leurs justifications.
    • Il est alors statué sans recours.
    • La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement.
  • Modalités de constitution de la garantie
    • En application de l’article 519 du CPC, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci peut être déposée
      • Soit, par défaut, à la Caisse des dépôts et consignations
      • Soit, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet
    • Dans ce dernier cas, le juge, s’il fait droit à cette demande, doit constater dans sa décision les modalités du dépôt.
    • L’article 519 du CPC précise que si le tiers refuse le dépôt, la somme est déposée, sans nouvelle décision, à la Caisse des dépôts et consignations.

B) L’exécution provisoire facultative

L’exécution provisoire facultative est régie par les articles 515 à 517-4 du CPC.

À l’examen, le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a maintenu le droit en vigueur sous réserve de deux modifications apportées à l’article 517-1 du CPC, qui reprend partiellement les quatre premiers alinéas de l’ancien article 524 du CPC.

1. L’octroi de l’exécution provisoire

a. Conditions d’octroi

L’article 515 du CPC dispose que « lorsqu’il est prévu par la loi que l’exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d’office ou à la demande d’une partie, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire. »

Il ressort de cette disposition que l’exécution provisoire peut être ordonnée par le Juge lorsqu’elle n’est pas de droit et qu’elle n’est pas interdite par la loi.

Son octroi est toutefois subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives. L’exécution provisoire doit, en effet, être, d’une part, nécessaire et, d’autre part, compatible avec la nature de l’affaire.

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par compatibilité et nécessité :

  • Sur la compatibilité de l’exécution provisoire avec la nature l’affaire
    • À l’examen, la jurisprudence considère que la compatibilité s’apprécie au regard du caractère irréversible du dommage susceptible d’être causé à la partie bénéficiaire de la décision ou au caractère irrémédiable de la solution rendue
    • Ainsi, lorsque le juge octroie l’exécution provisoire il doit se demander si un retour en arrière est possible en cas de réformation de sa décision en appel.
    • Si tel est le cas, alors l’exécution provisoire peut être ordonnée.
    • À titre d’exemple, on peut penser que l’exécution immédiate d’une décision ordonnant la destruction d’un bien immobilier peut être considérée comme incompatible avec la nature de l’affaire.
    • Il en va de même en matière de décision statuant sur l’état des personnes (divorce, établissement d’un lien de filiation etc.)
  • Sur la nécessité de l’exécution provisoire
    • Le caractère nécessaire de l’exécution provisoire s’apprécie au regard des intérêts du bénéficiaire de la décision.
    • Il convient donc pour le juge de tenir compte de l’ancienneté de la créance, de la situation financière du créancier ou encore son état de fragilité.

b. Compétence

Selon le stade de la procédure et le sens de la décision rendue, les règles de compétence désigneront, tantôt le juge de première instance, tantôt le Premier président de la Cour d’appel pour statuer sur l’octroi de l’exécution provisoire

  • Au stade de la première instance
    • Principe
      • Le juge compétent pour statuer sur l’octroi de l’exécution provisoire est le Juge de première instance qui peut :
        • Soit accéder à la demande formulée par les parties par voie de conclusions écrites orales
        • Soit accorder l’exécution provisoire d’office, de sa propre initiative
    • Exception
      • L’article 517-2 du CPC dispose que « lorsque l’exécution provisoire a été refusée, elle ne peut être demandée, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état et à condition qu’il y ait urgence »
      • Il ressort de cette disposition que, en cas de refus d’octroi de l’exécution provisoire par le Juge de première instance, tout n’est pas perdu par la partie déboutée de sa demande : elle peut formuler une nouvelle demande auprès :
        • Soit du Premier président de la Cour d’appel
        • Soit du Conseiller de la mise en état
      • Pour qu’il soit fait droit à sa demande, il devra néanmoins établir l’urgence, ce qui consistera à démontrer que, l’absence d’exécution provisoire, pourrait avoir des conséquences irréversibles.
  • Au stade de l’appel
    • L’article 517-3 du CPC prévoit que « lorsque l’exécution provisoire n’a pas été demandée, ou si, l’ayant été, le juge a omis de statuer, elle ne peut être demandée, en cas d’appel, qu’au premier président ou, dès lors qu’il est saisi, au magistrat chargé de la mise en état. »
    • Dans l’hypothèse où le juge de première instance a omis de statuer sur l’exécution provisoire ou qu’elle n’a pas été demandée, elle peut être octroyée au stade de l’appel
      • Soit par le Premier président tant qu’aucun Conseiller de mise en état n’est saisi
      • Soit par le Conseiller de la mise en état lorsque la procédure d’appel est engagée
    • En tout état de cause, contrairement à l’hypothèse où l’exécution provisoire a été refusée en première instance, il n’est pas nécessaire ici de justifier d’une urgence.
    • Aussi, l’octroi de l’exécution provisoire sera déterminé en considération de sa compatibilité avec l’affaire ou de sa nécessité.

2. L’arrêt de l’exécution provisoire facultative

a. Compétence

La compétence de la juridiction qui est investie du pouvoir d’arrêter l’exécution provisoire ordonnée dépend de la voie de recours exercée par le demandeur (art. 517-1 CPC) :

  • En cas d’appel, c’est le Premier président de la Cour d’appel qui est compétent pour statuer sur l’arrêt de l’exécution provisoire ordonnée
  • En cas d’opposition, c’est le juge qui a rendu la décision qui est compétent pour statuer sur l’arrêt de l’exécution provisoire dont elle est assortie

b. Causes de l’arrêt de l’exécution provisoire

L’article 517-1 du CPC dispose que lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée en cas d’appel, que par le premier président :

  • Soit si elle est interdite par la loi
  • Soit lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

α: S’agissant des cas où l’exécution provisoire est interdite par loi

Les cas d’interdiction d’exécution provisoire sont exceptionnels. On peut citer la prestation compensatoire fixée par la décision qui prononce le divorce (art. 1079 CPC), le jugement qui déclare le faux (art. 310 CPC).

Faisant application de l’article 178 du décret du 27 novembre 1991, la Cour de cassation juge que les décisions rendues par le bâtonnier en matière de contestation d’honoraires ne peuvent être assorties de l’exécution provisoire par celui-ci (Cass. 1ère civ., 9 avr. 2002, n° 99-19.761).

Il faut souligner que l’article 46 du décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005, entré en vigueur le 1er mars 2006 et applicable aux procédures en cours, a abrogé l’alinéa 2 de l’article 515 du Code de procédure civile interdisant d’ordonner l’exécution provisoire pour les dépens.

β: S’agissant des cas où il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

Lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, au fond, conformément à l’article 515 du CPC, son arrêt est subordonné :

  • D’une part, à l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision
  • D’autre part, à l’existence d’un risque que l’exécution provisoire entraîne des conséquences manifestement excessives

🡺Sur l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision

Pour que le demandeur soit fondé à solliciter la suspension de l’exécution provisoire lorsqu’elle a été ordonnée, il doit donc justifier l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par « moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision »

Tout d’abord, il peut être relevé que cette condition est une reprise de l’article R. 121-22 du Code des procédures civiles d’exécution qui autorise le Premier président de la Cour d’appel à prononcer un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution.

Ce sursis à exécution ne peut, toutefois, être accordé, selon le texte, que s’il existe « des moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour. »

La formulation de l’article 514-3 du CPC est ainsi empruntée à l’article R. 121-22 du CPCE.

Reste que, aucun de ces deux textes ne fournit de clé de lecture de la condition posée.

En dépit d’indications, il peut tout d’abord être relevé que l’article 514-3 du CPC ne distingue pas selon que les moyens soulevés par le demandeur intéressent le fond du litige ou la procédure.

Ensuite, l’emploi de la formulation « moyen sérieux » invite le Premier président de la Cour d’appel à se livrer à une appréciation du bien-fondé de l’appel.

Il lui faudra, autrement dit, déterminer si la décision rendue en première instance comporte des erreurs de droit, à tout le moins si les critiques encourues sont suffisamment pertinentes pour justifier une réformation de la décision.

En la matière, le Premier président disposera d’un pouvoir souverain d’appréciation, de sorte que sa décision devrait, sur ce point, échapper au contrôle exercé par la Cour de cassation.

🡺Sur l’existence d’un risque que l’exécution provisoire entraîne des conséquences manifestement excessives

La question qui se pose ici est de savoir ce que l’on doit entendre par « conséquences manifestement excessives ».

La Cour de cassation a défini les critères de qualification de la notion de conséquences manifestement excessives, notamment dans un arrêt d’assemblée plénière du 2 novembre 1990 (Cass., ass. plén., 2 nov. 1990, n°90-12.698).

Dans cette décision, elle a considéré que le caractère manifestement excessif des conséquences de l’exécution provisoire devait s’apprécier, quel que soit le montant de la condamnation, exclusivement, au regard de la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés, ou des facultés de remboursement du créancier (V. également en ce sens Cass. 2e civ, 12 nov. 1997, n° 95-20.280).

La doctrine tend à analyser très restrictivement le contenu de la notion ainsi définie par la Haute juridiction, n’y admettant que les situations dans lesquelles l’exécution provisoire risque de laisser des traces indélébiles d’une gravité suffisante, c’est-à-dire de causer un dommage irréparable, ou quasi irréparable .

Ainsi, l’importance de la condamnation n’est pas, en elle-même, un motif suffisant pour justifier l’arrêt ou l’aménagement de l’exécution provisoire, encore faut-il que les facultés du débiteur ne lui permettent pas d’exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier ou, à l’inverse, que le risque d’insolvabilité, l’absence ou la faiblesse des facultés de restitution chez le créancier, voire son comportement ou sa situation particulière, soient de nature à compromettre le remboursement en cas d’infirmation du jugement.

Il résulte en outre de l’arrêt du 2 novembre 1990, ainsi que de très nombreuses autres décisions de la Cour de cassation, que ne saurait être arrêtée ou aménagée l’exécution provisoire bénéficiant à un jugement, motif pris des chances de succès ou du bien-fondé de l’appel (Cass 3e civ., 4 nov. 1987, n° 86-13.189), de l’irrégularité du jugement (Cass 2e civ., 25 mars 1992, n°90-21.962), voire de la méconnaissance des droits de la défense (Cass 2e civ., 13 mars 1996, n°95-16.325).

Cela étant, dans la limite et le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour de cassation, la mesure d’arrêt de l’exécution provisoire relève néanmoins du pouvoir souverain d’appréciation, par le juge qui examine la demande, du risque de conséquences manifestement excessives (Cass. soc., 11 déc. 1990, n°86-45.377, Cass. 2e civ. 5 février 1997, n° 94-21.070).

Il n’est donc pas possible, s’agissant de questions de fait, de déterminer de manière générale les cas dans lesquels sera ou non caractérisée l’existence de conséquences manifestement excessives.

Il convient en conséquence, dans chaque espèce, de déterminer si la poursuite de l’exécution provisoire de droit est susceptible d’entraîner, non pas seulement des difficultés financières chez le débiteur – insuffisantes à caractériser l’existence de conséquences manifestement excessives – mais également des dommages irréversibles dépassant très largement les risques normaux inhérents à toute exécution provisoire.

De même, l’appréciation du risque de non-restitution par le bénéficiaire de l’exécution provisoire doit tenir compte de tous les éléments, tant actuels, que raisonnablement envisageables dans l’avenir, permettant d’apprécier la capacité réelle, ou la volonté objective, du créancier de rembourser les sommes versées en cas d’infirmation de la décision des premiers juges (ordonnance suspendant l’exécution provisoire d’une condamnation de l’État au versement d’une somme importante à un particulier, dès lors que ce dernier, non-résident, ne possédait en France aucun bien propre à répondre d’une restitution éventuelle et n’avait fourni aucun engagement de caution).

3. L’aménagement de l’exécution provisoire ordonnée

L’article 517-1 du CPC autorise l’aménagement de l’exécution provisoire lorsqu’elle a été ordonnée, selon les modalités prévues aux articles 517 et 518 à 522 du CPC.

Cette possibilité d’aménagement de l’exécution provisoire facultative n’est ouverte qu’à la condition qu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives

Le législateur est ainsi revenu sur la position de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 23 janvier 1991 avait estimé que la possibilité d’aménager l’exécution provisoire ordonnée par le juge n’était pas subordonnée à la condition que cette exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives (Cass. 2e civ., 23 janv. 1991, n° 89-18.925)

Désormais, lorsque la double condition énoncée à l’article 517-1 du CPC est remplie, trois sortes de mesures d’aménagement de l’exécution provisoire sont susceptibles d’être prises par le Juge :

  • La constitution d’une garantie
  • La consignation d’une somme d’argent
  • La substitution de la garantie initiale par une garantie équivalente

La possibilité d’aménager l’exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président (Cass., 2e civ., 26 oct. 2006, n° 04-18.722).

🡺S’agissant de la constitution d’une garantie

  • Principe de constitution de la garantie
    • L’article 517 du CPC dispose que « l’exécution provisoire peut être subordonnée à la constitution d’une garantie, réelle ou personnelle, suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations. »
    • Cette faculté dont dispose le juge d’exiger la constitution d’une garantie vise à éviter que la restitution ou la réparation soit impossible en cas de réformation de la décision contestée.
    • La garantie exigée par le juge peut consister, tant en un cautionnement bancaire qu’en une hypothèque, un nantissement ou un gage.
    • À cet égard, l’article 518 du CPC précise que la nature, l’étendue et les modalités de la garantie sont précisées par la décision qui en prescrit la constitution.
    • En toute hypothèse, le jugement ne deviendra alors exécutoire qu’à la condition que la garantie soit constituée.
  • Détermination de la valeur de la garantie
    • L’article 520 du CPC dispose que si la valeur de la garantie ne peut être immédiatement appréciée, le juge invite les parties à se présenter devant lui à la date qu’il fixe, avec leurs justifications.
    • Il est alors statué sans recours.
    • La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement.
  • Modalités de constitution de la garantie
    • En application de l’article 519 du CPC, lorsque la garantie consiste en une somme d’argent, celle-ci peut être déposée
      • Soit, par défaut, à la Caisse des dépôts et consignations
      • Soit, à la demande de l’une des parties, entre les mains d’un tiers commis à cet effet
    • Dans ce dernier cas, le juge, s’il fait droit à cette demande, doit constater dans sa décision les modalités du dépôt.
    • L’article 519 du CPC précise que si le tiers refuse le dépôt, la somme est déposée, sans nouvelle décision, à la Caisse des dépôts et consignations.

🡺S’agissant de la consignation d’une somme d’argent

L’article 521 du CPC prévoit que « la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. »

Il ressort de cette disposition que la partie qui a succombé en première instance, peut être contrainte par le juge de consigner le montant de la somme qu’il a été condamné à verser.

Il ne s’agit pas ici de conditionner l’exécution provisoire dont bénéficie le créancier, mais de permettre au débiteur d’éviter qu’elle soit poursuivie à son encontre.

Si, cette mesure présente l’avantage de prémunir la partie perdante de l’insolvabilité de son contradicteur en cas de réformation de la décision rendue, l’inconvénient est qu’elle ne permet pas à ce dernier de percevoir immédiatement le montant de la condamnation, ce qui peut lui être fort préjudiciable en cas de fragilité de sa situation financière.

C’est la raison pour laquelle le législateur a écarté cette mesure en matière de condamnation relative au paiement de sommes qui correspondent à des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions.

À cet égard, l’article 521, al. 2 du CPC précise que « en cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine. »

🡺S’agissant de la substitution de la garantie initiale par une garantie équivalente

L’article 522 du CPC dispose que « le juge peut, à tout moment, autoriser la substitution à la garantie primitive d’une garantie équivalente. »

Pratiquement ce pouvoir est en réalité limité puisqu’il suppose qu’une garantie ait été initialement et régulièrement constituée.

II) Le sort de l’exécution provisoire à l’issue de la procédure d’appel ou d’opposition

A) En cas de confirmation de la décision de première instance

En cas de confirmation de la décision rendue en première instance, l’exécution provisoire devient définitive, de sorte qu’il n’est plus possible de la remettre en cause, sauf cassation de l’arrêt d’appel.

Il en résulte que les garanties qui ont pu être exigées sont levées et les sommes consignées versées à la partie gagnante.

B) En cas d’infirmation de la décision de première instance

L’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que si l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire à titre provisoire, elle se fait « aux risques du créancier ».

Dès lors, le débiteur devra être rétabli dans ses droits en nature ou par équivalent si le titre exécutoire est ultérieurement modifié par réformation de la décision adoptée en première instance.

Ce rétablissement du débiteur dans ses droits se traduira par des restitutions et/ou des réparations.

1. Les restitutions

En application de l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution, la jurisprudence considère que, en cas d’exécution provisoire, d’une décision réformée en appel, il y a lieu à restitution.

Cette disposition prévoit, plus précisément, que celui qui a fait exécuter la décision infirmée doit rétablir « le débiteur dans ses droits en nature ou par équivalent ».

Cette obligation de restitution qui pèse sur le créancier finalement débouté par la cour d’appel soulève immédiatement deux interrogations

  • Quid du point de départ de l’obligation de restitution
  • Quid de l’étendue de l’obligation de restitution

🡺Sur le point de départ de l’obligation de restitution

Le point de départ de l’obligation de restitution est constitué par la notification de la décision ouvrant droit à restitution.

Dans un arrêt du 3 mars 1995, l’assemblée plénière a jugé en ce sens, au visa de l’ancien article 1153, al. 3 du Code civil, que « la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution » (Cass. ass. plén. 3 mars 1995, 91-19.497).

L’obligation de restitution ne fait aucun doute lorsque la décision d’appel, annulant ou infirmant la décision des premiers juges, porte expressément condamnation à restituer.

La question s’est en revanche posée de savoir si la notification de la décision d’appel permet d’exiger la restitution de ce qui a été versé au titre de l’exécution provisoire, lorsque l’arrêt est silencieux sur ce point.

Depuis longtemps, la jurisprudence considère que la décision d’infirmation ou d’annulation constitue un titre exécutoire permettant de poursuivre les restitutions sans que le juge d’appel ne l’ordonne expressément (V. en ce sens Cass. soc., 27 févr. 1991 ; Cass. 3e civ., 19 février 2002).

De l’avis des auteurs, cette solution est pleinement justifiée dans la mesure où l’appel est une voie de réformation.

La décision d’appel venant modifier la décision de première instance et se substituant à celle-ci, elle met nécessairement à néant les dispositions contraires du jugement, de sorte que le simple rapprochement des deux décisions permet de déterminer les dispositions qui n’ont plus lieu d’être et, en conséquence, de justifier la restitution.

Cette solution a en outre le mérite d’éviter de multiplier inutilement les procédures judiciaires.

🡺Sur l’étendue de l’obligation de restitution

L’étendue de l’obligation de restitution diffère selon que celle-ci est effectuée en nature ou par équivalent.

Lorsqu’elle est possible, la restitution en nature ne pose pas de difficulté particulière.

L’intimé doit restituer tout ce que l’appelant lui avait remis et en cas d’infirmation partielle, les restitutions ne doivent intervenir qu’à due concurrence.

Dans l’hypothèse où la restitution en nature est impossible, la restitution est effectuée par équivalent sous forme de dommages-intérêts puisque l’exécution a été poursuivie aux risques du créancier.

S’agissant de l’hypothèse la plus courante, qui est celle de la restitution d’une somme d’argent, s’est posée la question de savoir laquelle des deux parties devaient bénéficier des intérêts produits entre la date à laquelle le paiement a été effectué au titre de l’exécution provisoire et celle de la restitution.

Jusqu’en 1987, la Cour de cassation décidait que dans la mesure où l’intimé n’aurait en définitive jamais dû être mis en possession de la somme d’argent, puisque la cour d’appel a refusé de le déclarer créancier, il était tenu à restituer les intérêts qu’il avait perçus au cours de l’instance d’appel (V. en ce sens Cass. soc., 28 oct. 1981).

La Cour de cassation a néanmoins opéré, sur ce point, un revirement de jurisprudence en 1987, initié par un arrêt de la chambre sociale le 16 juillet (Cass. soc., 16 juill. 1987).

Les autres Chambres de la Cour de cassation ont à leur tour consacré cette solution, en considérant que le créancier ne pouvait être tenu, considérant que son titre n’a « disparu, qu’à la restitution selon les principes de l’article 1153, alinéa 2, du Code civil » (Cass. 1ère civ., 3 janv. 1991 ; Cass. 2e civ., 9 décembre 1999).

Cette règle a, enfin, été consacrée par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 mars 1995 (Cass. Ass. Plén., 3 mars 1995).

Les intérêts légaux ne courent donc qu’à compter de la signification, portant sommation de restituer, de l’arrêt de la cour d’appel infirmant ou annulant le jugement assorti de l’exécution provisoire.

Cette solution n’est pas, selon la doctrine, à l’abri de toute critique. En effet, la somme versée au titre de l’exécution provisoire a produit des intérêts durant l’instance d’appel.

Il s’agit donc de déterminer si la partie qui doit bénéficier de ces intérêts est celle qui était en droit de percevoir la somme, puisque disposant d’un titre exécutoire, ou celle qui a eu en définitive gain de cause.

Dans la mesure où la restitution doit être intégrale, il serait donc préférable de considérer qu’elle doit également porter sur les fruits, c’est-à-dire les intérêts.

En effet, il résulte de l’infirmation de la décision de première instance que l’intimé n’aurait, en principe, jamais dû percevoir cette somme.

En d’autres termes, la jurisprudence actuelle fait bénéficier l’une des parties des intérêts d’une somme qu’elle n’aurait jamais dû percevoir.

En conséquence, il serait préférable de considérer que la restitution doit également porter sur les intérêts.

Reste que dans un arrêt du 15 mai 2003, la Cour de cassation a réitéré sa solution en affirmant que « la partie qui doit restituer une somme qu’elle détenait en vertu d’une décision de justice exécutoire n’en doit les intérêts au taux légal qu’à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution » (Cass. 2e civ. 15 mai 2003, n°99-21.657).

2. Les réparations

Parce que l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que l’exécution provisoire est poursuivie aux risques et périls du créancier.

En cas de modification du titre dont il se prévaut, la jurisprudence a toujours considéré que, par principe, pesait sur ce dernier une obligation de réparer les dommages causés par l’exécution provisoire de la décision de première instance, ultérieurement annulée ou infirmée.

Ce principe doit néanmoins être tempéré par la règle énoncée à l’article L. 111-11 du même Code qui dispose que si « le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée, […] cette exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute. »

Aussi, ressort-il de la combinaison de ces deux dispositions que le régime de l’obligation de réparation diffère selon que le recours exercé est ou non suspensif.

🡺S’agissant d’un recours suspensif

Lorsque le recours exercé par l’appelant est suspensif, c’est l’article L. 111-10 du Code des procédures civiles d’exécution qui a vocation à s’appliquer de sorte qu’une obligation de réparation pèse sur l’intimé du seul fait de l’accomplissement d’un acte d’exécution forcée.

En la matière, la jurisprudence fait application des principes généraux de la responsabilité civile.

Aussi conviendra-t-il de rapporter la preuve que l’acte d’exécution a causé un préjudice à la partie contre laquelle l’exécution provisoire a été engagée.

Pour donner droit à indemnisation, encore faut-il que ce préjudice soit réparable. Le plus souvent, il s’agira de la perte de jouissance d’un bien et des conséquences qui en ont découlé (V. en ce sens Cass. com., 12 février 1973).

Le préjudice pourra encore consister en une perte de gain résultant de ce qu’un investissement n’a pu être effectué ou même des conséquences d’un état de cessation des paiements provoqué par le fait de n’avoir pas eu la somme en cause à disposition.

S’agissant du fait générateur du préjudice, il est constitué par l’acte d’exécution forcée qui a été pratiqué par l’intimé à l’encontre de l’appelant.

La jurisprudence exige en effet que l’intimé ait fait pratiquer des actes d’exécution forcée (Cass. 1ère civ., 6 juin 1990).

Une exécution spontanée de la part de l’appelant ne saurait donc lui permettre d’obtenir réparation du préjudice qu’il a subi en raison de cette exécution (V. en ce sens Cass. 3e civ, 26 mars 1997).

Dans un arrêt du 1er juillet 1998, la Cour de cassation a précisé qu’il n’est nullement besoin pour la partie qui sollicite la réparation de son préjudice de démontrer que l’intimé a commis une faute en exigeant l’exécution de la décision de première instance (Cass. 3e civ., 1er juill. 1998, n° 96-18.930).

Il en résulte que la réparation s’impose du seul fait de l’exécution forcée.

🡺S’agissant d’un recours non-suspensif

Lorsque le recours exercé par l’appelant est suspensif, c’est l’article L. 111-11 du Code des procédures civiles d’exécution qui a vocation à s’appliquer.

Pour rappel, cette disposition prévoit que si « le pourvoi en cassation en matière civile n’empêche pas l’exécution de la décision attaquée, […] cette exécution ne peut donner lieu qu’à restitution ; elle ne peut en aucun cas être imputée à faute. »

Il en résulte que l’accomplissement d’un acte d’exécution forcée ne saurait constituer, en lui-même, une faute. Pour obtenir réparation du préjudice causé par l’exécution provisoire, l’appelant devra prouver le caractère fautif de la mise en œuvre de l’exécution provisoire.

Par un arrêt du 9 novembre 2000, la Cour de cassation avait déjà ouvert : après avoir affirmé que « le recours par une voie extraordinaire et le délai ouvert pour l’exercer ne sont pas suspensifs d’exécution si la loi n’en dispose autrement », la deuxième chambre civile en a déduit « qu’en matière de tierce opposition et de recours en révision, seule une exécution fautive peut donner lieu à réparation » (Cass. civ. 2ème, 9 nov. 2000).

La Cour de cassation a certes précisé que la voie de recours qui était exercée en l’occurrence était une voie de recours extraordinaire. Mais elle s’est fondée sur le caractère non suspensif d’une telle voie de recours, pour en déduire que seule une exécution fautive peut donner lieu à réparation.

  1. Conclusions prises par la SCP Nicolay – de Lanouvelle – Honnotin

La prohibition du recours à l’année lombarde pour le calcul du taux effectif global (TEG/TAEG)

Jusqu’il y a peu, les établissements bancaires avaient pour habitude de calculer les intérêts sur la base, non pas d’une année civile de 365 jours de 12 mois comprenant 30 ou 31 jours et 28 ou 29 jours en février, mais d’une année théorique de 360 jours correspondant à 12 mois de 30 jours chacun.

Cet usage est né au Moyen Âge en Lombardie. Il a été institué pour des considérations d’ordre pratique. À cette époque, les arrêtés de compte étaient effectués manuellement. Il était dès lors éminemment plus commode de calculer les intérêts dus par l’emprunteur sur un mois, un trimestre ou un semestre, en recourant à un diviseur de 360 jours.

Le recours à l’année dite lombarde a été consacré à l’époque révolutionnaire par le décret du 18 frimaire An III. Le texte disposait que « la Convention nationale décrète que l’intérêt annuel des capitaux sera compté par et pour trois cent soixante jours seulement. Il n’y aura point de cours pendant les sans-culottides ».

Son adoption est consécutive au vote de la loi du 4 frimaire An II qui avait aboli le calendrier grégorien à la faveur d’un calendrier comportant 12 mois de 30 jours chacun. Ce calendrier prévoyait, en outre, 5 ou 6 jours supplémentaires (selon que l’année était ou non bissextile) dits « sans culottides » dédiés à la célébration des fêtes républicaines. Il a néanmoins été décidé que les intérêts ne devaient pas courir durant ces jours de fêtes, de sorte que, en matière bancaire, l’année était ramenée à 360 jours.

Le décret du 18 frimaire An III fut remis en cause quatorze ans plus tard par la loi du 3 septembre 1807 qui se référait, pour la détermination du taux d’usure, non pas à l’année Lombarde, mais à l’année civile.

Les juridictions ont toutefois admis, pendant de nombreuses années encore, que les banques puissent calculer les intérêts sur la base d’une année lombarde. Dans un arrêt du 19 avril 1982, la Cour d’appel de Paris a estimé, par exemple, que « considérant qu’il convient, comme l’a retenu la banque, de calculer les intérêts sur 360 jours conformément à l’usage bancaire de très longue date trouvant son origine en Lombardie, au Moyen-Âge et s’étant perpétué jusqu’à notre époque en raison de son caractère pratique, en ce que le chiffre de 360 est successivement divisible par douze, deux, quatre, six, ce qui correspond au mois, au semestre, au trimestre et à deux mois […] ; Que cet usage a du reste été admis par Mme M. qui a accepté de payer les agios qui avaient été calculés sur cette base de 360 jours […] »[1].

Il faut attendre un arrêt du 10 janvier 1995 pour que cette jurisprudence soit formellement condamnée par la Cour de cassation. Au visa de l’article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global, elle considère « qu’il résulte du texte susvisé que le taux annuel de l’intérêt doit être déterminé par référence à l’année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours »[2].

Cass. com. 10 janv. 1995
Attendu, selon l'arrêt critiqué, que le Crédit du Nord a clôturé le compte courant de la société Invitance, à laquelle il avait consenti un découvert pendant plusieurs années ; qu'un litige est né entre les parties au sujet des conditions de la cessation de ce concours bancaire, des modalités de la fixation du taux des intérêts, de la capitalisation trimestrielle de ceux-ci, de l'application de dates de valeur différentes des dates d'inscription en compte et de la durée de l'année prise en considération pour le calcul de la dette d'intérêts ; qu'après avoir statué au fond sur certaines demandes, la cour d'appel a désigné un expert et dit que celui-ci devrait calculer, à partir du solde du compte de la société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôture du compte en se conformant aux usages bancaires relatifs, notamment, à la capitalisation trimestrielle des intérêts, à l'année bancaire de 360 jours et à la pratique des jours de valeur ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1131 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter la prétention de la société Invitance faisant valoir que son obligation de payer des intérêts était partiellement dénuée de cause, dans la mesure où les sommes prises en considération pour le calcul de ceux-ci étaient augmentées, sans fondement, par l'application de dates de valeur, l'arrêt retient que la pratique des jours de valeur n'est prohibée par aucune disposition légale ou réglementaire, qu'elle est d'un usage constant et généralisé, qui se fonde sur le fait qu'une remise au crédit, comme une inscription au débit, nécessite un certain délai pour l'encaissement et le décaissement ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les opérations litigieuses, autres que les remises de chèques en vue de leur encaissement, n'impliquaient pas que, même pour le calcul des intérêts, les dates de crédit ou de débit soient différées ou avancées, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au calcul du taux effectif global ;

Attendu que, pour décider que l'expert qu'il désignait devrait tenir compte de l'usage bancaire relatif à l'année de 360 jours pour calculer, à partir du solde du compte de la société Invitance au 10 septembre 1985, les découverts successifs jusqu'à la clôture du compte, l'arrêt retient que le calcul des intérêts doit être fait sur 360 jours et non 365 jours, l'année bancaire n'étant que de 360 jours, conformément à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen-Age, en raison de son caractère pratique en ce que le chiffre de 360, à la différence de celui de 365, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à 2 mois, au trimestre et au semestre, et que cet usage a d'ailleurs trouvé son expression législative dans la loi du 18 frimaire an III, selon laquelle l'intérêt annuel des capitaux sera compté par an et pour 360 jours ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte du texte susvisé que le taux annuel de l'intérêt doit être déterminé par référence à l'année civile, laquelle comporte 365 ou 366 jours, la cour d'appel a violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a décidé que l'expert qu'il désignait devrait se conformer aux usages bancaires relatifs à l'année bancaire de 360 jours et à la pratique des jours de valeur, l'arrêt rendu le 20 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

La chambre commerciale censure ainsi les juges du fond qui, pour valider le calcul des intérêts effectués par l’établissement bancaire mis en cause, avaient estimé, comme en 1982, que « le calcul des intérêts doit être fait sur 360 jours et non 365 jours, l’année bancaire n’étant que de 360 jours, conformément à un usage qui trouve son origine en Lombardie, au Moyen-Âge, en raison de son caractère pratique en ce que le chiffre de 360, à la différence de celui de 365, est divisible par 12, 6, 4 et 2, ce qui correspond au mois, à 2 mois, au trimestre et au semestre, et que cet usage a d’ailleurs trouvé son expression législative dans la loi du 18 frimaire an III, selon laquelle l’intérêt annuel des capitaux sera compté par an et pour 360 jours »[3].

Cette solution était pourtant contraire à la lettre du décret du 4 septembre 1985 qui prévoyait, sans ambiguïté, que « lorsque les versements sont effectués avec une fréquence autre qu’annuelle, le taux effectif global est obtenu en multipliant le taux de période par le rapport entre la durée de l’année civile et celle de la période unitaire ». La règle a, par suite, été codifiée à l’article R. 313-1, II, al. 5 du Code de la consommation lors de l’adoption du décret n°97-298 du 27 mars 1997.

Cette disposition n’était toutefois applicable qu’au seul calcul du TEG. La question s’est alors posée de savoir si l’exigence posée par le texte était transposable au TAEG, soit aux crédits consentis aux consommateurs. La réponse réside à l’article R. 313-1, III du Code de la consommation qui prévoyait que « pour toutes les opérations de crédit autres que celles mentionnées au II, le taux effectif global est dénommé ” taux annuel effectif global ” et calculé à terme échu, exprimé pour cent unités monétaires, selon la méthode d’équivalence définie par la formule figurant en annexe au présent article. ».

En se reportant à ladite annexe on pouvait lire que « l’écart entre les dates utilisées pour le calcul est exprimé en années ou en fractions d’années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,41666 jours (c’est-à-dire 365/12), que l’année soit bissextile ou non. ».

Depuis l’abrogation l’article R. 313-1 du Code de la consommation par le décret n°2016-884 du 29 juin 2016, l’exigence de recours à l’année civile pour le calcul du taux d’intérêt figure à l’article R. 314-2 pour le TEG et à l’annexe de l’article R. 314-3 pour le TAEG. La règle a ainsi été maintenue.

De son côté, la Cour de cassation a réitéré sa position à plusieurs reprises[4]. Reste que le débat relatif au recours de l’année lombarde n’était, pour autant, pas définitivement purgé.

En premier lieu, on s’est interrogé sur la possibilité pour les établissements bancaires de recourir, pour le calcul du TAEG, à la méthode basée sur l’année de 12 mois normalisés.

Cette méthode consiste à ne pas prendre en compte le nombre exact de jours dans l’année, mais de considérer que chaque mois compte théoriquement 31,41666666 jours, (c’est à dire 365/12) que l’année soit bissextile ou non.

L’annexe de l’article R. 313-1 autorisait explicitement d’asseoir le calcul du TAEG sur une année de 12 mois normalisés. Le champ d’application de cette annexe était toutefois circonscrit aux seuls crédits à la consommation. Certains emprunteurs ont alors soutenu devant les juridictions du fond que le recours au mois normalisé était prohibé en matière de crédit immobilier. La jurisprudence ne s’est toutefois pas laissée séduire par cette argumentation[5]. Dans un arrêt du 15 juin 2016, la Cour de cassation a d’ailleurs admis, à demi-mot, que le calcul du taux d’intérêt puisse reposer sur l’année de 12 mois normalisés pour les crédits immobiliers.

L’entrée en vigueur du nouvel article R. 314-3 du Code de la consommation est venue consacrer cette jurisprudence. L’annexe, dont il est assorti, est applicable, tant aux crédits à la consommation, qu’aux crédits immobiliers.

Cette annexe reprend, en effet, les mêmes termes que celle qui était attachée à l’ancien article R. 313-1, en envisageant que le calcul du TAEG puisse être effectué sur la base d’une année de mois normalisés.

Les emprunteurs ne sont dès lors plus fondés à contester cette méthode de calcul qui est admise au même titre que la méthode qui repose sur l’année civile.

En second lieu, la jurisprudence a été amenée à trancher la question de savoir si les parties au contrat de crédit pouvaient convenir d’un intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année lombarde.

Si les articles R. 314-2 et R. 314-3 du Code de la consommation prohibent expressément le recours à l’année lombarde pour le calcul du TEG/TAEG, aucun texte n’interdit de s’y référer pour calculer le taux conventionnel, soit le taux nominal du crédit.

Le doute est né d’un arrêt du 17 janvier 2006, aux termes duquel la Cour de cassation a estimé « qu’une banque qui perçoit, au titre d’un prêt, des intérêts calculés par référence à l’année bancaire de 360 jours au lieu de l’année civile, sans que l’acte de prêt ne prévoit cette référence méconnaît les exigences légales relatives à l’indication préalable et par écrit du taux effectif global, et encourt à ce titre la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et l’application du taux légal »[6].

Cass. com. 17 janv. 2006
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Vu l'article 1907 du Code civil, ensemble les articles L. 313-1, L.313-2, et R. 313-1 du Code de la consommation :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a acquis un fonds de commerce au moyen d'un prêt d'équipement consenti par le Crédit lyonnais (la banque), le 18 février 1994 ; que l'acte de prêt mentionne un taux d'intérêt annuel de 9,78%, et un taux effectif global de 10,67 % ; que l'emprunteur a cessé de régler les échéances de ce prêt à compter du mois de novembre 1997 ; que la banque l'a alors poursuivi en paiement ; qu'il a contesté la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel au motif que cet intérêt n'avait pas été appliqué à une année civile de trois cent soixante cinq jours, mais à une année de trois cent soixante jours ;

Attendu que, pour se borner à ordonner la restitution des sommes trop perçues, l'arrêt retient que la banque a seulement commis une erreur dans l'application du taux d'intérêt en calculant les intérêts sur la base de 360 jours au lieu de l'année civile ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la banque était redevable à son client d'une somme de 235,55 euros perçue par elle au titre des intérêts calculés par référence à l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'avoir été par référence à l'année civile, ce dont il se déduisait que le taux d'intérêt indiqué n'avait pas été effectivement appliqué de sorte que les exigences légales relatives à l'indication préalable et par écrit du taux effectif global n'avaient pas été respectées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 avril 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Au vrai, l’examen de la jurisprudence révèle qu’il convient de distinguer selon que le crédit est consenti à un professionnel ou à un consommateur.

Dans un arrêt du 24 mars 2009, la chambre commerciale a considéré que « si le TEG doit être calculé sur la base de l’année civile, rien n’interdit aux parties de convenir d’un taux d’intérêt conventionnel calculé sur une autre base »[7]. Pour cette dernière, lorsque le contrat de crédit est destiné à financer une activité professionnelle, les parties peuvent prévoir de calculer l’intérêt conventionnel sur la base d’une année lombarde, à la condition que cette modalité soit stipulée dans le contrat de prêt[8].

Lorsque, en revanche, le crédit est consenti à un consommateur, la première chambre civile juge, au visa notamment des articles L. 313-1, L.313-2, et R. 313-1 du Code de la consommation, que « le taux de l’intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l’acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l’intérêt légal, être calculé sur la base de l’année civile »[9]. La solution ainsi adoptée est contestable, dans la mesure où aucune des dispositions visées par la Cour de cassation n’interdit aux parties de prévoir que les intérêts conventionnels seront calculés sur la base d’une année lombarde. Les textes visent le seul TAEG.

Cass. 1ère civ. 19 juin 2013
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable :

Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation ;
Attendu qu'en application combinée de ces textes, le taux de l'intérêt conventionnel mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur ou un non-professionnel doit, comme le taux effectif global, sous peine de se voir substituer l'intérêt légal, être calculé sur la base de l'année civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'une offre de prêt acceptée le 15 février 2005, M. X... a contracté auprès d'une banque un « prêt relais habitat révisable » d'une durée de vingt-quatre mois, remboursable en une seule échéance différée, moyennant un taux effectif global et un taux de période variable « donnés à titre indicatif en fonction de l'indice Moy. arithm./15 j. Euribor douze mois », les conditions générales du prêt précisant que « le calcul des intérêts dus est effectué sur la base d'une année de trois cent soixante jours (soit douze mois de trente jours) » ; qu'en raison de la défaillance de l'emprunteur, la société Compagnie européenne de garanties et de cautions (la société CEGC), qui s'était portée caution solidaire de ce prêt, a désintéressé la banque puis exercé une action subrogatoire contre le débiteur principal, lequel a opposé à la caution subrogée la nullité de la stipulation de l'intérêt nominal, calculé d'après l'année dite « lombarde » de trois cent soixante jours ;

Attendu que, pour rejeter cette exception et condamner M. X... à payer à la société CEGC la somme de 312 239,72 euros, l'arrêt retient que si le taux effectif global doit être calculé sur la base d'une année civile, rien n'interdit aux parties à un prêt de convenir d'un taux d'intérêt conventionnel conclu sur une autre base, que l'acte de prêt du 15 février 2005 stipulant expressément que les intérêts conventionnels seront calculés sur la base d'une année de trois cent soixante jours, c'est de manière inopérante que M. X... oppose à la caution, subrogée dans les droits de la banque créancière, la nullité de cette stipulation, s'agissant de modalités qui, librement convenues entre les parties, ne peuvent être remises en cause ;

Qu'en statuant ainsi quand le prêt litigieux, visant expressément les articles L. 312-1 à L. 312-6 du code de la consommation, obéissait au régime du crédit immobilier consenti à un consommateur ou un non-professionnel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Faisant fi des critiques émises par la doctrine à l’encontre de cette jurisprudence, la première chambre civile a reconduit sa position à plusieurs reprises[10].

Lorsque, dès lors, les établissements bancaires consentent des crédits à des consommateurs, ils n’ont d’autre choix que de prévoir un intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année civile. En cas de méconnaissance de cette exigence, le prêteur s’expose à une lourde sanction, laquelle peut aller jusqu’à la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels.

[1] CA Paris, 19 avr. 1982 : D. 1982, IR, p. 409, obs. Vasseur ; RTD com. 1982, p. 598, obs. M. Cabrillac.

[2] Cass. com., 10 janv. 1995 : JCP E 1995, I, 465, n° 20, obs. C. Gavalda et J. Stoufflet ; Banque févr. 1995, p. 93, obs. J.-L Guillot

[3] CA Paris 20 sept. 1991.

[4] Cass. com. 18 mars 1997, n°94-22216 : D. Affaires 1997.506 ; CCC 1997, comm. 124, obs. G. Raymond ; Cass. com. 3 mars 2004, n°01-10225

[5] V. en ce sens CA Paris, Pôle 5, Chambre 6, 3 décembre 2015, n°14/14373 ; CA Lyon, 1ère chambre civile B, 15 novembre 2016, n° 15/03108.

[6] Cass. com., 17 janv. 2006, n 04-11.100 : JurisData n° 2006-031798 ; JCP E 2006, 1850, obs. J. S.

[7] Cass. com., 24 mars 2009, n° 08-12.530 : Bull. civ. IV, n° 44 ; Banque et droit, mai-juin 2009, obs. Th. Bonneau ; RTD com. 2009, p. 422, obs. D. Legeais ; Gaz. Pal. 20-21 mai 2009, p. 6, note S. Piedelièvre.

[8] Dans un arrêt du 8 décembre 2016, la Cour d’appel d’Orléans a jugé que « si les parties à un contrat de prêt immobilier à finalité professionnelle peuvent convenir d’un taux d’intérêt conventionnel calculé sur la base d’une année de 360 jours au lieu d’une année civile, encore faut-il que cette modalité soit stipulée dans le contrat de prêt ».

[9] Cass. 1re civ., 19 juin 2013, n° 12-16.651 : RD bancaire et fin. 2013, comm. 185, obs. F. Crédot et T. Samin ; Banque oct. 2013, note J.-L. Guillot et M. Boccara.

[10] V. en ce sens Cass. 1re civ., 17 juin 2015 : Banque et droit, sept.-oct. 2015, p. 26, obs. Th. Bonneau ; Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 16-11.625.

Le taux d’intérêt légal

==> Domaine du taux d’intérêt légal

Le taux d’intérêt légal est celui qui a vocation à s’appliquer dans un certain nombre de situations prévues par la loi ou la jurisprudence.

Ce taux de référence est principalement utilisé dans les procédures civiles ou commerciales.

L’article 1231-6 du Code civil énonce en ce sens que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ».

L’article 1231-7 dispose encore que « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. ».

==> Fixation du taux d’intérêt légal

Initialement, le taux d’intérêt légal était établi par le législateur lui-même. Par une loi du 3 septembre 1807 il avait, par exemple, été porté à 5%.

Afin d’apporter un peu plus de souplesse à ce système qui, en période de forte inflation monétaire, ne permettait pas de rémunérer suffisamment les créanciers, la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 relative à l’information et à la protection des consommateurs a prévu que le taux d’intérêt légal serait dorénavant fixé par décret « en fonction de la moyenne arithmétique des douze dernières moyennes mensuelles des taux de rendement actuariel des adjudications de bons du Trésor à taux fixe à treize semaines ».

Le calcul, fondé sur le taux de financement de l’Etat à treize semaines conduisit toutefois à une baisse très forte de son niveau dans un contexte où les taux sans risque de court terme étaient pratiquement nuls.

Parce qu’il était particulièrement bas, le taux légal n’était nullement dissuasif pour les débiteurs contre lesquels courraient des intérêts moratoires.

Aussi, Le législateur est-il intervenu une nouvelle fois dans le dessein de rendre à la fois plus représentatif du coût de refinancement de celui à qui l’argent est dû et de l’évolution de la situation économique.

L’ordonnance n° 2014-947 du 20 août 2014 relative au taux de l’intérêt légal a institué, dans cette perspective, une distinction entre deux taux légaux fondée sur le coût de refinancement de deux catégories.

L’article 313-2 du Code monétaire et financier prévoit désormais que le taux légal « comprend un taux applicable lorsque le créancier est une personne physique n’agissant pas pour des besoins professionnels et un taux applicable dans tous les autres cas. ».

Dans les deux cas, il est calculé semestriellement, en fonction du taux directeur de la Banque centrale européenne sur les opérations principales de refinancement et des taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement.

Toutefois, pour les particuliers, les taux pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pris en compte pour le calcul du taux applicable sont les taux effectifs moyens de crédits consentis aux particuliers.

==> Modalités de calcul du taux d’intérêt légal

Les modalités de calcul du taux d’intérêt légal sont précisées à l’article D. 313-1-A du Code monétaire et financier.

Aux termes de cette disposition :

  • D’une part, pour les créances des personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels, le taux d’intérêt légal est égal à la somme du taux des opérations principales de refinancement de la Banque centrale européenne en vigueur deux mois avant le début du semestre considéré et de 60 % de la moyenne, au cours de la période de 24 mois glissants s’achevant deux mois avant le début du semestre considéré, de l’écart constaté par la Banque de France entre, d’une part, le taux des nouveaux crédits amortissables à la consommation des particuliers dont la période de fixation initiale du taux est inférieure ou égale à un an et, d’autre part, le taux des opérations principales de refinancement de la Banque centrale européenne en vigueur simultanément.
  • D’autre part, pour tous les autres cas, le taux d’intérêt légal est égal à la somme du taux des opérations principales de refinancement de la Banque centrale européenne en vigueur deux mois avant le début du semestre considéré et de 60 % de la moyenne, au cours de la période de 24 mois glissants s’achevant deux mois avant le début du semestre considéré, de l’écart constaté par la Banque de France entre, d’une part, le taux des nouveaux crédits aux sociétés non financières résidentes (hors découverts) dont la période de fixation initiale du taux est inférieure ou égale à un an et, d’autre part, le taux des opérations principales de refinancement de la Banque centrale européenne en vigueur simultanément.

La Banque de France procède aux calculs précités et en communique les résultats à la direction générale du Trésor au plus tard quinze jours avant l’échéance de publication.

Le ministre chargé de l’économie fait procéder à la publication par arrêté au Journal officiel de la République française des taux qui serviront de référence pour le semestre suivant.

==> Majoration du taux d’intérêt légal en cas de condamnation judiciaire

  • Principe
    • L’article L. 313-3 du Code monétaire et financier dispose que, en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision.
    • Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.
  • Tempérament
    • Le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur
      • Soit exonérer le débiteur de la majoration
      • Soit en réduire le montant.
  • Application pratique
    • Calcul des intérêts légaux simples
      • Les intérêts légaux simples courent à compter du jour de la décision (sauf autre date indiquée dans la décision).
      • La personne condamnée au paiement de la somme ne doit que des intérêts simples si cette somme est versée dans un délai de 2 mois suivant la date d’application du jugement.
      • Pour calculer des intérêts légaux simples qui sont dus, il faut multiplier la somme due par le nombre de jours de retard et par le taux applicable sur la période. Le résultat est divisé par 100 fois le nombre de jours de l’année (366 jours pour les années bissextiles, 365 jours pour les autres).
        • Exemple de calcul :
          • Date du jugement : 1er septembre 2016
          • Décision : condamnation à payer 2 000 €
          • Délai d’application de la décision : jour de la décision
          • Taux d’intérêt légal au 1er septembre 2016 : 4,35% (le créancier est un particulier)
          • Si le débiteur s’engage à payer le 30 septembre 2016, on obtient :
            • (2 000 X 29 X 4,35) / (366 X 100) = 6,89
            • 2 000 €+6,89 € = 2 006,89 €
          • Le débiteur devra rembourser 2 006,89 €.
    • Calcul des intérêts légaux majorés
      • Si le débiteur ne paie pas dans un délai de 2 mois suivant la date d’application du jugement, les intérêts sont majorés au-delà de ces 2 mois.
      • Si le jugement est applicable immédiatement (exécution provisoire), le délai de 2 mois court à partir de la date de la signification du jugement.
      • Si le jugement est applicable après un délai (jugements susceptibles d’appel ou d’opposition), le délai de 2 mois court à partir du jour d’expiration des voies de recours.
      • Le taux majoré correspond au taux d’intérêt légal, majoré de 5 points.
        • Exemple de calcul:
          • Date du jugement : 1 septembre 2015, signifié le 17 septembre et devient applicable ce même jour
          • Décision : condamnation à payer 2 000 €
          • Taux d’intérêt légal en 2015 (2e semestre) : 4,29% (le créancier est un particulier)
          • Taux d’intérêt légal majoré en 2015 (2e semestre) : 9,29%
          • Taux d’intérêt légal majoré en 2016 (1er semestre) : 9,54%
          • Le débiteur doit payer des intérêts majorés à partir du 18 novembre 2015.
          • Si le débiteur rembourse au 10 avril 2016, il faut calculer le montant dû pour chaque période et les additionner de la manière suivante :
          • Montant des intérêts légaux simples échus pour l’année 2015 :
            • (2 000 X 61 X 4,29) / (365 X 100) = 14,34 €
          • Montant des intérêts légaux majorés échus pour l’année 2015 :
            • (2 000 X 44 X 9,29) / (365 X 100) = 22,40 €
          • Montant des intérêts échus majorés pour l’année 2016 :
            • (2 000 X 100 X 9,54) / (366 X 100) = 52,13 €
          • Le débiteur doit rembourser :
            • 2 000€ + 14,34€ + 22,40€ + 52,13€ = 2 088,87€

TAUX D’INTÉRÊT LÉGAL
AnnéeTaux
2018 (1er semestre)3,73 % si le créancier est un particulier

0,89 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2017 (2e semestre)3,94 % si le créancier est un particulier

0,90 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2017 (1er semestre)4,16 % si le créancier est un particulier

0,90 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2016 (2e semestre)4,35 % si le créancier est un particulier

0,93 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2016 (1er semestre)4,54 % si le créancier est un particulier

1,01 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2015 (2e semestre)4,29 % si le créancier est un particulier

0,99 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
2015 (1er semestre)4,06 % si le créancier est un particulier

0,93 % pour les autres créanciers (professionnels, etc.)
20140,04 %
20130,04 %
20120,71 %
20110,38 %

La situation des créanciers privilégiés

Lorsqu’une entreprise rencontre des difficultés financières, bien souvent elle peine à convaincre les investisseurs, fournisseurs et autres partenaires commerciaux de lui apporter leurs concours, à plus forte raison si elle fait l’objet d’une procédure collective.

La poursuite de son exploitation dépend pourtant de sa capacité à mobiliser des ressources financières, matérielles et humaines.

C’est la raison pour laquelle, afin de faciliter le redressement de l’entreprise en difficulté, le législateur a décidé de favoriser les créanciers qui, après l’ouverture d’une procédure collective, consentent à cette dernière la fourniture, soit d’un crédit, soit d’une prestation destinée à la poursuite de son activité pendant la période d’observation.

L’article L. 622-17 du Code de commerce prévoit en ce sens que « les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

Cette disposition confère de la sorte aux créanciers, dits privilégiés, un droit de priorité, en ce que, à la différence des autres créanciers, ils pourront être payés à l’échéance. Le principe d’interdiction des paiements ne leur est donc pas applicable.

Toutefois, pour bénéficier de ce régime de faveur, la créance invoquée doit répondre à un certain nombre de critères.

Quant au privilège dont elle est assortie, le législateur l’a strictement encadré. Il lui a fallu, en effet, envisager l’hypothèse où plusieurs créances nées postérieurement au jugement d’ouverture entreraient en concours.

Aussi, afin de régler les conflits priorité susceptibles de naître entre plusieurs créances privilégiées, un ordre de paiement a été institué au sein de cette catégorie de créances.

I) Le domaine des créances privilégiées

Il ressort de l’article L. 622-17 du Code de commerce que pour être qualifiée de privilégiée la créance doit répondre à trois critères cumulatifs qui tiennent

  • D’abord, à la date de naissance de la créance
  • Ensuite, à la régularité de la créance
  • Enfin, à l’utilité de la créance

A) La date de naissance de la créance

Seules les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture peuvent bénéficier du régime de faveur.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présente un intérêt essentiel.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par créance postérieure ?

Si l’on est légitimement en droit de penser qu’une créance peut être qualifiée de postérieure dès lors que son fait générateur se produit après le prononcé du jugement d’ouverture, plusieurs difficultés sont nées :

  • tantôt quant à l’opportunité de retenir comme critère de la créance postérieure son fait générateur
  • tantôt quant à la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

1) Sur l’opportunité de retenir le fait générateur comme critère de la créance postérieure

Si, en première intention, l’on voit mal pourquoi le fait générateur d’une créance ne pourrait-il pas être retenu pour déterminer si elle est ou non antérieure au jugement d’ouverture, une difficulté est née de l’interprétation de l’ancien article L. 621-43 du Code de commerce.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. »

Seules les créances « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » étaient donc soumises au régime de la déclaration, les créances privilégiées en étant exclues.

La formule choisie par le législateur n’était pas dénuée d’ambiguïté : fallait-il prendre pour date de référence, afin de déterminer l’antériorité d’une créance, sa date de naissance ou sa date d’exigibilité ?

Cette question s’est en particulier posée pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture mais dont l’exigibilité intervenait postérieurement.

Le contentieux relatif aux créances à déclarer selon leur date de naissance a été très important.

L’enjeu était, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 27 juillet 2005, de savoir si le créancier pouvait ou non se faire payer à échéance.

L’arrêt rendu en date du 20 février 1990 par la Cour de cassation est une illustration topique de cette problématique.

Cass. com. 20 févr. 1990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Service agricole industriel du Clairacais (la société) a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 juillet 1986 et que le personnel a été licencié le 8 août 1986, avec dispense d'accomplir le préavis légal ; que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Lot-et-Garonne (l'URSSAF) n'a été inscrite sur la liste des créances bénéficiant des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 que pour les cotisations afférentes aux salaires de la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la contestation par elle formée en vue d'obtenir son admission sur la liste précitée pour les cotisations relatives aux salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, ainsi qu'aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements, a été rejetée par le tribunal, dont la cour d'appel a infirmé la décision ;.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'URSSAF en ce qui concerne les cotisations sur les indemnités de congés payés et de préavis, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement prioritaire des créances nées après le jugement d'ouverture ne peut être obtenu pour des créances nées après le jugement de liquidation ; qu'en déclarant prioritaires des créances sociales afférentes aux indemnités de rupture, la cour d'appel, qui a relevé que les licenciements, fait générateur de la créance, étaient postérieurs au jugement d'ouverture, mais n'a pas constaté qu'ils étaient antérieurs au jugement de liquidation, a violé par fausse application la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l'URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire ; que le moyen est donc sans fondement ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu les articles 40 et 47, premier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt retient que ces salaires ont été versés après l'ouverture du redressement judiciaire, en sorte que la créance de l'URSSAF, qui n'a pris naissance que lors du versement ainsi effectué, bénéficie de la priorité de paiement prévue à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l'URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • son personnel est licencié
    • L’URASSAF est éligible au rang de créancier privilégié seulement pour les créances postérieures au jugement d’ouverture
  • Demande
    • L’URSAFF demande à ce que l’ensemble de ces créances soient admises au rang de créances privilégiées
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 1988, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’URSAFF
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où les salaires sur lesquels portent les cotisations impayées ont été versés postérieurement à l’ouverture de la procédure, ils n’endossent pas la qualification de créance antérieure.
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir accédé à la demande de l’URSAFF en qualifiant la créance invoquée de postérieure « alors qu’elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l’URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement»
    • Les créances dont se prévalait l’URSAFF devaient donc être soumises au régime juridique, non pas des créances postérieures, mais à celui des créances antérieures.
    • S’agissant des autres créances invoquées par l’organisme social, lesquels portaient sur des salaires perçus postérieurement au jugement d’ouverture, la chambre commerciale estime à l’inverse que « l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l’ouverture du redressement judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l’URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire»
  • Analyse
    • Cette solution adoptée par la Cour de cassation intervient à la suite d’un long débat portant sur le régime juridique des créances de sécurité sociale
    • Très tôt s’est posée la question de la qualification des cotisations sociales qui se rattachaient à des salaires payés après le jugement d’ouverture mais se rapportant à une période de travail antérieure à ce jugement.
    • Deux conceptions s’opposaient sur cette question
      • Première conception
        • On considère que le régime juridique des créances de sécurité sociale est autonome et ne doit pas être influencé par les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
        • Selon cette conception, les créances doivent donc être réglées à la date normale d’exigibilité dès lors qu’elles sont postérieures au jugement d’ouverture quand bien même les cotisations seraient calculées sur un salaire rémunérant une période d’emploi antérieure au jugement.
      • Seconde conception
        • On peut estimer, à l’inverse, que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le travail fourni par le salarié et non le paiement des salaires, quand bien même leur versement constitue une condition de leur exigibilité.
        • Selon cette conception, les cotisations sociales doivent donc être regardées comme des créances antérieures.
    • De toute évidence, la Cour de cassation a opté dans l’arrêt en l’espèce pour la seconde conception.
    • Pour la chambre commerciale, le fait générateur du salaire c’est le travail effectué.
    • Or les cotisations sociales sont afférentes au salaire dû au salarié
    • Par conséquent, leur fait générateur c’est bien le travail du salarié et non la date d’exigibilité du salaire.
    • La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir confondu la naissance de la créance et son exigibilité.
    • C’est donc au jour du travail effectué qu’il faut remonter pour déterminer si l’on est en présence d’une créance antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture.

On peut en déduire que le critère de rattachement d’une créance à la catégorie des créances postérieure est donc celui de la date de sa naissance.

L’adoption de la date de naissance de la créance comme critère de rattachement à la catégorie des créances postérieure exclut dès lors tout rôle que pourrait jouer la date d’exigibilité de la créance dans ce rattachement.

La date d’exigibilité n’est que celle à laquelle le créancier peut prétendre au paiement.

Elle est, par conséquent, naturellement distincte de la date de naissance qui, en principe, interviendra antérieurement.

Tandis que la date de naissance de la créance se rapporte à sa création, sa date d’exigibilité se rapporte quant à elle à son exécution.

Le débat est définitivement clos depuis l’adoption de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 qui a remplacé la formule « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » par l’expression « est née » qui apparaît plus précise.

C’est donc le fait générateur de la créance dont il doit être tenu compte et non la date d’exigibilité afin de savoir si une créance est soumise au régime de la déclaration ou si, au contraire, elle peut faire l’objet d’un paiement à l’échéance.

2) Sur la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

La détermination du fait générateur d’une créance n’est pas toujours simple.

Pour ce faire, il convient de distinguer les créances contractuelles des créances extracontractuelles.

a) Les créances extracontractuelles

La postériorité d’une créance extracontractuelle au jugement d’ouverture n’est pas toujours aisée à déterminer.

La détermination de la date de naissance de cette catégorie de créances soulève parfois, en effet, des difficultés.

Bien que la jurisprudence soit guidée, le plus souvent, par une même logique, on ne saurait se livrer à une systématisation des critères adoptés.

Aussi, est-ce au cas par cas qu’il convient de raisonner en ce domaine, étant précisé que les principales difficultés se sont concentrées sur certaines créances en particulier :

i) Les créances de condamnation

Deux sortes de créances doivent être ici distinguées : la créance principale de condamnation et les créances accessoires à la condamnation

==> La créance principale de condamnation

Il s’agit de la créance qui a pour effet générateur l’événement à l’origine du litige.

La créance de réparation naît, par exemple, au jour de la survenance du dommage.

Si donc le dommage survient antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, quand bien même la décision de condamnation serait rendue postérieurement, la créance de réparation endossera la qualification de créance antérieure (V. en ce sens com., 9 mai 1995; Cass. com., 4 oct. 2005, n° 03-19.367)

==> Les créances accessoires à la condamnation

Son notamment ici visées les créances de dépens et d’article 700

La particularité de ces créances est qu’elles sont attachées, moins au fait générateur du litige, qu’à la décision de condamnation

Aussi, toute la difficulté est de déterminer la date de naissance de cette catégorie singulière de créances

La jurisprudence a connu une évolution sur ce point :

  • Première étape
    • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que, en raison du caractère accessoire des créances de dépens ou d’article 700, leur qualification dépendait de la date de naissance de la créance principale de condamnation.
    • Telle a été la solution retenue par la chambre commerciale dans un arrêt du 24 novembre 1998

Cass. Com. 24 nov. 1998
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 22 juin 1994) et les productions, que le groupement agricole d'exploitation en commun de la Morinais (le GAEC), qui a subi des dommages à la suite de la pollution d'une rivière, a engagé diverses procédures en vue de rechercher la responsabilité de la société Entreprise redonnaise de réparations électriques (société ERRE) et d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ERRE devenue la Société européenne de transformateurs (la SET), le Tribunal, qui a constaté l'intervention volontaire de l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et du représentant de ses créanciers, a déclaré cette société et son dirigeant, M. X..., pris à titre personnel, responsables du préjudice subi par le GAEC, a fixé la créance de ce dernier à l'égard de la SET, a fixé à 10 000 francs la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés in solidum par la SET et M. X... ; que la cour d'appel, statuant sur le recours formé contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a dit que les dépens d'appel seront supportés in solidum par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et M. X... ; que le GAEC a demandé que les dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lui soient payés par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le GAEC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créances de dépens et celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient du régime instauré par ledit article, spécialement lorsque le ou les instances en cause ont été reprises par l'administrateur de la procédure collective ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que le GAEC, appelant, le faisait valoir dans ses écritures circonstanciées ; qu'en refusant de dire et juger que les frais de dépens litigieux bénéficieraient du privilège de l'article 40 précité, au motif qu'il n'y a pas lieu de distinguer les frais engagés postérieurement au jugement d'ouverture pouvant bénéficier du rang des dettes de l'article 40 et des autres, en sorte que l'ensemble des frais engagés pour parvenir à rendre la décision définitive est à inclure dans la déclaration de créance à inscrire au passif, excepté les frais engagés par les mandataires judiciaires depuis leur nomination, la cour d'appel a statué sur le fondement de motifs erronés et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel devait, à tout le moins, faire le départ entre les frais et dépens visés antérieurement et ceux visés postérieurement au jugement déclaratif, les organes de la procédure collective ayant repris à leur compte la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, pour se prononcer pertinemment sur ceux susceptibles de bénéficier du régime de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en refusant de procéder de la sorte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article précité ;

Mais attendu que la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont nées de l'action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d'en fixer le montant ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les frais avaient été engagés avant ou après le jugement d'ouverture, n'a pas violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Un groupement agricole a subi un préjudice suite à la pollution d’une rivière par une société qui, par suite, fera l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
    • Cette société est déclarée responsable du préjudice causé au groupement agricole
    • Elle est notamment condamnée aux dépens et à l’article 700 (frais irrépétibles)
  • Demande
    • Le groupement agricole demande à l’administrateur que les dépens de première instance et d’appel ainsi que la somme due au titre de l’article 700 soient admis au rang des créances postérieures
  • Procédure
    • Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour d’appel de Rennes déboute l’administrateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les dépens et l’article 700 ont été octroyés avant ou après l’ouverture de la procédure, dans la mesure où leur fait générateur se situe antérieurement au jugement d’ouverture, soit au moment où l’action a été introduite par le groupement
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la créance de dépens et d’article 700 est née postérieurement à l’ouverture de la procédure soit au moment du prononcé du jugement dans lequel ils sont octroyés au groupement agricole.
    • Or le jugement a bien été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 novembre 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
    • Elle estime que « la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont nées de l’action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d’en fixer le montant»
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale, la qualification de la créance de dépens et d’article 700 est adossée à celle de la créance principale.
    • Si cette dernière naît avant le jugement d’ouverture, les créances de dépens et de frais irrépétibles sont soumises au régime des créances antérieures.
    • Dans le cas contraire, elles endossent la qualification de créances postérieures.
  • Seconde étape
    • Dans un arrêt remarqué du 12 juin 2002, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « la créance des dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l’article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective»
    • Ainsi, pour la chambre commerciale, la qualification des créances de dépens et d’article 700 ne doit plus être déterminée en considération de la date de naissance de la créance de condamnation principale
    • Les créances accessoires à la condamnation doivent, en toute hypothèse, échapper à la qualification de créances antérieures, dès lors que la décision de condamnation est rendue postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Dans un arrêt du 7 octobre 2009, la Cour de cassation a confirmé cette solution en précisant que « la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622 17 du code de commerce (ancien article L. 621 32), lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective» ( com. 7 oct. 2009)

Cass. com. 12 juin 2002
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 14 décembre 1999), que la société Schwind (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 4 juin 1996, l'URSSAF du Bas-Rhin a déclaré une créance qui a été contestée ;

Et sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt, qui l'a condamnée à payer à l'URSAFF une somme de 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, d'avoir dit que cette indemnité et les dépens de l'URSSAF seraient employés en frais privilégiés de procédure collective, alors, selon le moyen, que les créances de dépens obtenues à l'issue d'une action tendant à faire admettre une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont des créances antérieures car elles se rattachent à la créance contestée par l'action, de sorte qu'elles peuvent seulement être admises au passif du débiteur et à la condition qu'elles aient fait l'objet d'une déclaration régulière ; qu'en condamnant la procédure collective à payer les dépens, la cour d'appel a violé les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance des dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

ii) Les créances sociales

La qualification des créances sociales a fait l’objet d’un abondant contentieux, notamment en ce qui concerne la détermination du fait générateur de l’indemnité de licenciement.

Dans un arrêt du 16 juin 2010, la chambre sociale a considéré que le fait générateur de l’indemnité de licenciement résidait, non pas dans la conclusion du contrat de travail, mais dans la décision de licenciement.

Cass. soc. 16 juin 2010
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2008), que M. X..., employé par la société Cider santé (la société) a été licencié le 14 mai 2007 pour motif économique par le liquidateur, la société ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire par jugements successifs du tribunal de commerce des 17 janvier et 2 mai 2007 ; que les sommes représentant les droits du salarié au jour de la rupture de son contrat de travail n'ayant été garanties par l'assurance générale des salaires qu'en partie, le salarié a saisi le juge de l'exécution, qui a autorisé par ordonnances du 16 juillet 2007 deux saisies conservatoires entre les mains des sociétés Repsco promotion et Codepharma ; que Mme Y..., liquidateur de la société, a assigné le 12 septembre 2007 M. X..., la société Repsco promotion et la société Codepharma, devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de ces deux ordonnances ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par M. X... entre les mains des sociétés Codepharma et Repso promotion alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 641-13-I du code de commerce ne vise ni les créances nées pour les besoins de la procédure, ni les créances nées pour les besoins de la liquidation judiciaire parmi les créances assorties d'un privilège de procédure ; qu'en qualifiant l'indemnité due au salarié licencié postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur de «créance née régulièrement pour les besoins de la procédure» pour affirmer que cette créance devait bénéficier d'un traitement préférentiel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que seules les créances nées pendant la poursuite provisoire de l'activité en liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période bénéficient d'un privilège de procédure ; que tel n'est pas le cas de l'indemnité due au salarié, licencié pour motif économique en raison du prononcé, sans poursuite d'activité, de la liquidation judiciaire de son employé ; qu'en élisant néanmoins une telle créance à un rang privilégié aux motifs erronés qu' «il n'y avait pas lieu de distinguer entre créance indemnitaire liée à la rupture du contrat de travail et créance de salaire lorsque ces créances sont nées après l'ouverture de la procédure collective», la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 641-13-I du code de commerce ;

Mais attendu que relèvent notamment du privilège institué par l'article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le licenciement de M. X... avait été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, en a exactement déduit que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu'en conséquence, elles relevaient de l'article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l'activité ait cessé immédiatement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Faits
    • Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de la société qui l’employait.
    • Cette société faisait l’objet, au moment du licenciement, d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Afin d’obtenir le paiement de ses indemnités, non garanties par l’AGS, le salarié demande au JEX l’autorisation de pratiquer deux saisies conservatoires sur les comptes de son ex-employeur
  • Demande
    • Le liquidateur de la société demande la rétractation des deux ordonnances autorisant la réalisation des saisies demandées par le salarié
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 juin 2008, la Cour d’appel de Versailles déboute le liquidateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où le licenciement a été prononcé dans le cadre de la procédure collective, soit postérieurement au jugement d’ouverture, la créance d’indemnité de licenciement pouvait être admise au rang des créances privilégiées.
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur
    • La chambre sociale considère que « relèvent notamment du privilège institué par l’article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure»
    • Or elle constate que le licenciement du salarié a été prononcé dans le cadre de la procédure collective en cours.
    • Il en résulte pour elle que « les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu’en conséquence, elles relevaient de l’article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l’activité ait cessé immédiatement ».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, elles échappaient à la qualification de créance antérieure, à la faveur du régime des créances privilégiées.

 iii) Les créances fiscales

Le fait générateur d’une créance fiscale est différent selon le type d’impôt auquel est assujetti le débiteur.

En toute hypothèse, la date qui est le plus souvent retenue pour déterminer si une créance fiscale endosse ou non la qualification de créance antérieure est le jour de son exigibilité.

  • S’agissant de l’impôt sur le revenu
    • La Cour de cassation a estimé que la date qui doit être prise en compte, ce n’est pas le jour de perception du revenu, mais l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus.

Cass. com. 14 janv. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2001), que par jugement du 21 juillet 1994, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; que le trésorier principal de Bagneux a décerné le 15 février 1996 à l'employeur de Mme X... un avis à tiers détenteur relatif à l'impôt sur les revenus de l'année 1994 des époux X..., dont ceux-ci ont demandé la mainlevée au juge de l'exécution ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X..., pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation et de mainlevée de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que la créance du trésorier principal de Bagneux au titre de l'impôt sur le revenu dû par les époux X... pour l'année 1994 était postérieure à l'ouverture de la procédure collective ouverte le 21 juin 1994 à l'encontre de M. X..., dès lors que les impositions n'avaient été mises en recouvrement que le 31 juillet 1995, sans rechercher si le Trésor public n'était pas tenu de déclarer à titre provisionnel sa créance au passif de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code du commerce ;

2 / que dans leurs conclusions signifiées le 2 février 2000, M. et Mme X... faisaient valoir que le dessaisissement de M. X... consécutif à la liquidation judiciaire de ses biens interdisait toute poursuite exercée sur les biens communs des époux, soit en l'occurrence sur les gains et salaires de Mme X... ; qu'en estimant que la procédure collective ouverte à l'égard de M. X... laissait subsister l'obligation distincte pesant sur son épouse, codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu, sans répondre aux conclusions des époux X... faisant valoir que les biens communs des époux ne pouvaient en toute hypothèse faire l'objet de poursuite, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le fait générateur de l'impôt sur les revenus résultant de l'expiration de l'année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus, l'arrêt, répondant aux conclusions prétendument délaissées, retient exactement que la créance du Trésor public au titre de l'impôt sur les revenus perçus par les époux X... au cours de l'année 1994 était postérieure à l'ouverture, le 21 juin 1994, de la procédure collective de M. X... et que le comptable du Trésor chargé du recouvrement pouvait poursuivre individuellement le débiteur sur ses biens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi formé par M. X... ;

REJETTE le pourvoi formé par Mme X... ;

  • S’agissant de l’impôt sur les sociétés
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens, en considérant que « le fait générateur de l’impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l’exercice comptable et non pas de la perception des impôts »

Cass. com., 16 déc. 2008
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2007), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.708 ) que la société à responsabilité limitée Network music group (la société) a fait l'objet, le 20 août 1997, d'un jugement de redressement judiciaire, puis, le 5 mai 1998, d'un plan de continuation ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, les 31 août et 30 novembre 1998, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1997 et de la contribution de 10 % y afférente, le trésorier principal de Boulogne-Billancourt (le trésorier) a, en application des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce, demandé à l'administrateur le règlement de cette créance fiscale due par la société ; que contestant le caractère privilégié de la créance du Trésor, la société a assigné le trésorier et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités devant le tribunal de commerce, pour en obtenir le remboursement, motif pris de ce qu'elle était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % y afférente, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des articles 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire y afférente, dus au titre d'un exercice donné, lequel correspond à une période de 12 mois mais ne coïncide pas nécessairement avec l'année civile, sont réglés spontanément par le contribuable sous forme d'acomptes trimestriels et sans émission d'un avis d'imposition, au plus tard le 20 février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre de cet exercice et ce, à compter de la date de clôture de l'exercice précédent; que le solde de cet impôt et de son complément doit lui-même être acquitté spontanément par le redevable en même temps qu'il souscrit sa déclaration de résultats de l'exercice considéré c'est-à-dire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, avant le 1er avril de l'année suivante ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés résulte de l'expiration de l'année au cours de laquelle les bénéfices sont perçus, bien qu'il soit exigible trimestriellement dans les conditions susvisées et que la date de son fait générateur ne puisse être postérieure à sa date d'exigibilité, les juges d'appel ont purement et simplement violé les textes susvisés ;

2°/ que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu ne sont pas dus et versés dans des conditions identiques ; que l'impôt sur les sociétés est payé spontanément, par voie d'acomptes, tandis que le paiement de l'impôt sur le revenu est précédé de l'émission d'un avis d'imposition ; que la circonstance que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés soient déterminés dans les mêmes conditions que les bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 209 du code général des impôts est sans incidence sur le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt sur les sociétés qui demeurent différents de ceux de l'impôt sur le revenu ; qu'en assimilant les conditions dans lesquelles l'impôt sur les sociétés est dû avec celles de l'impôt sur le revenu sous prétexte que les modalités de calcul des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés et des bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu étaient identiques, les juges d'appel ont encore violé les dispositions des articles 12, 209, 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

3°/ que les acomptes d'impôt sur les sociétés dus au Trésor public antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et non acquittés, constituent des créances nées antérieurement à cette décision, qui ne peuvent donc être réglées postérieurement et doivent donner lieu à une déclaration du Trésor public en application de l'article L. 621-43 du code de commerce ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés est l'expiration de l'année et non la perception des bénéfices et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à part les sommes nées de l'activité de la société antérieure à l'ouverture de la procédure collective, bien que l'impôt sur les sociétés soit exigible au cours de l'exercice de réalisation des bénéfices et doive être réglé spontanément par voie d'acomptes, les juges d'appel ont violé les articles L. 621-24, L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce alors en vigueur ainsi que les articles 1668, 1668 B du code général des impôts et 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

Mais attendu qu'en matière de procédure collective, la date du fait générateur de l'impôt permet de déterminer si la créance doit être déclarée au titre de l'article L. 621-43 du code de commerce ou si son recouvrement peut être poursuivi au titre de l'article L. 621-32 du même code ; que, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l'exercice comptable et non pas de la perception des impôts, et, après avoir constaté que le principe de la créance des impôts en cause était né au 31 décembre 1997, soit après l'ouverture de la procédure collective, en a déduit que celle-ci relevait de l'article L. 621-32 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • S’agissant de la TVA
    • L’article 269, 1, a) du Code général des impôts prévoit que le fait générateur de la TVA assise sur des prestations de service est, sauf cas particuliers, l’exécution de la prestation en cause et celui de la TVA assise sur une vente est, toujours sous réserve de situations spécifiques, la date de livraison.

iv) Créance de dépollution

Dans un arrêt du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a estimé que la créance de dépollution naît « de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture »

Autrement dit, cette créance dont est titulaire le Trésor a pour fait générateur la décision du préfet ordonnant qu’une somme d’argent soit consignée en vue du financement de la remise en état du site pollué.

Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa décision en retenant comme fait générateur de la créance la date de fermeture du site (Cass. com. 19 nov. 2003).

La portée de cette jurisprudence est toutefois incertaine pour les auteurs.

Cass. com. 17 sept. 2002
Sur le premier moyen :

Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société d'utilisation du phénol (la société SUP), exploitante d'une installation classée, a été mise en redressement judiciaire le 6 janvier 1994, puis en liquidation judiciaire ;

que le liquidateur, M. X..., n'ayant pas déféré à une mise en demeure de remettre le site en l'état, le préfet lui a ordonné le 8 septembre 1995, par application du troisième texte susvisé, de consigner une somme répondant des travaux à réaliser ; que le liquidateur a soutenu que, n'ayant pas été déclarée à la procédure collective, cette créance du Trésor était éteinte ;

Attendu que pour déclarer éteinte la créance du Trésor et accueillir la demande de restitution de la somme consignée présentée par le liquidateur de la société SUP, la cour d'appel a retenu que l'activité de celle-ci était nécessairement arrêtée le jour de la liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance du Trésor était née de l'arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

b) Les créances contractuelles

La question de la date de naissance des créances contractuelles n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés en matière de procédures collectives.

En principe, les créances contractuelles ont pour fait générateur la date de conclusion du contrat, soit, selon le principe du consensualisme, au jour de la rencontre des volontés.

Cette conception volontariste du contrat devrait, en toute logique, conduire à ne qualifier de créances antérieures que les obligations résultant d’un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture.

En raison néanmoins du caractère dérogatoire du droit des entreprises en difficulté et des objectifs spécifiques qu’il poursuit, il est des cas où cette conception du fait générateur de la créance contractuelle est remise en cause, à tout le moins est envisagée sous un autre angle.

Au fond, comme le soulignent certains auteurs, tant l’article L. 622-17, qui régit les créances antérieures, que l’article L. 622-13 relatif aux créances postérieures, se prononcent moins sur le fait générateur, que sur le régime qui leur est applicable.

Aussi, le droit des entreprises en difficulté ne remettrait nullement en cause l’approche civiliste du fait générateur des créances contractuelles.

La date du contrat permettrait donc toujours de déterminer le caractère antérieur ou postérieur de la créance et, ce faisant, le régime normalement applicable à la créance à condition toutefois, et là résiderait la particularité du droit des entreprises en difficulté, qu’aucune disposition spécifique ne vienne soumettre cette créance à un régime distinct de celui qui devrait lui être naturellement applicable.

Comme en matière de créance extracontractuelle, c’est également au cas par cas qu’il convient ici de raisonner.

i) Créance résultant d’un contrat de vente

==> Principe

Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation a estimé que la créance résultant d’un contrat de vente avait pour fait générateur, non pas la date de conclusion du contrat, mais le jour de son exécution.

Cass. com. 15 févr. 2000
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 6 septembre 1994, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SIAQ a admis la créance de la société Etudes et réalisations graphiques (société ERG), à titre chirographaire, pour une certaine somme, tandis que la société ERG soutenait que sa créance était née de la poursuite de l'activité et relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour dire que la créance de la société ERG, correspondant à une commande passée avant le redressement judiciaire de la société SIAQ et livrée à celle-ci postérieurement au jugement d'ouverture, ne relevait pas de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt énonce que " le fait que cette prestation ait profité à la société SIAQ après l'ouverture de la procédure importe peu, dès lors que l'accord des parties sur la réalisation de la commande, qui fige les obligations respectives des parties et fait naître l'obligation au paiement, est intervenu avant la procédure collective " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

  • Faits
    • Contrat de vente conclu entre deux sociétés
    • Entre la conclusion du contrat et la livraison de la marchandise, la société acheteuse est placée en redressement judiciaire
    • La société vendeuse n’est donc pas payée
    • Tandis que le juge-commissaire considère qu’il s’agit là d’une créance antérieure, le vendeur estime que sa créance est née de la poursuite de l’activité
  • Demande
    • Le vendeur se prévaut du bénéfice de l’article 40 de la loi du 25 janvier 85, soit du régime des créanciers privilégiés
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 mai 1996, la Cour d’appel d’Agen déboute le vendeur de sa demande
    • Les juges du fond estiment que le contrat de vente a été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, de sorte que la créance revendiquée ne saurait être admise au rang des créances privilégiées
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que le fait générateur de l’obligation de paiement ce n’est pas la conclusion du contrat de vente, mais la délivrance de la chose achetée
    • Or en l’espèce, la délivrance a eu lieu postérieurement au jugement d’ouverture.
    • La créance du vendeur, peut donc bien être admise au rang des créances privilégiées
  • Analyse
    • De toute évidence, la solution retenue ici par la Cour de cassation est totalement dérogatoire au droit commun
    • Techniquement la créance nait bien, comme l’avait affirmé la Cour d’appel, au jour de la conclusion du contrat !
    • C’est la rencontre des volontés qui est créatrice d’obligations et non la délivrance de la chose
    • Tel n’est pas ce qui est pourtant décidé par la Cour de cassation
    • Pour la chambre commerciale c’est l’exécution de la prestation qui fait naître la créance
    • Le droit de revendication du vendeur de meuble dessaisi est manifestement sacrifié sur l’autel du droit des procédures collectives.
    • Cette solution est appliquée de manière générale à tous les contrats à exécution successive

==> Exceptions

  • Contrat de vente immobilière
    • Dans cette hypothèse, la qualification de la créance dépend, non pas de la remise des clés de l’immeuble, mais de son transfert de propriété.
    • Dans un arrêt du 1er février 2000, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer» ( com. 1er févr. 2000).
  • Garantie des vices cachés
    • Dans l’hypothèse où le débiteur endosse la qualité, non plus de vendeur, mais d’acheteur, la créance de garantie des vices cachés a pour fait générateur la date de conclusion du contrat.
    • Cette solution a été consacrée dans un arrêt du 18 janvier 2005.
    • La Cour de cassation a considéré dans cette décision que « la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice» ( com. 18 janv. 2005)

ii) Créance résultant d’un contrat à exécution successive

En matière de contrat à exécution successive, la Cour de cassation considère que le fait générateur de la créance réside, non pas dans la date de conclusion du contrat, mais au jour de la fourniture de la prestation caractéristique.

  • Pour le contrat de travail
    • Le fait générateur de la créance de salaire réside dans l’exécution de la prestation de travail.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1988 la Cour de cassation considère, par exemple, que « après avoir retenu exactement que les dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations ne pouvaient prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le jugement constate que les cotisations réclamées se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l’ouverture de la procédure collective ; qu’en l’état de ces énonciations, c’est à bon droit que le tribunal a décidé qu’une telle créance était née antérieurement au jugement d’ouverture et que, par suite, peu important l’époque à laquelle les salaires correspondants avaient été payés, l’acte tendant à obtenir paiement de cette créance devait être annulé» ( com. 8 nov. 1988).
  • Pour le contrat de bail
    • Le fait générateur de la créance de loyer réside quant à elle dans la jouissance de la chose
    • Dans un arrêt du 28 mai 2002, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la redevance prévue par un contrat à exécution successive poursuivi par l’administrateur est une créance de la procédure pour la prestation afférente à la période postérieure au jugement d’ouverture et constitue une créance née antérieurement au jugement d’ouverture pour la prestation afférente à la période antérieure à ce jugement et soumise à déclaration au passif» ( com. 28 mai 2002)

iii) Créance résultant d’un contrat de prêt

Bien que la jurisprudence tende désormais à considérer que le contrat de prêt constitue, non plus un contrat réel, mais un contrat consensuel, en matière de procédure collective, la cour de cassation estime toujours que la qualification endossée par la créance de remboursement est déterminée par la date de déblocage des fonds.

En matière d’ouverture de crédit, la chambre commerciale a estimé que, en ce qu’elle constitue une promesse de prêt, elle « donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

iv) Créance résultant d’un contrat de cautionnement

L’hypothèse visée ici est la situation où la caution, après avoir été actionnée en paiement par le créancier, se retourne contre le débiteur principal.

Elle dispose contre ce dernier de deux recours : un recours personnel et un recours subrogatoire.

  • En cas d’exercice par la caution de son recours subrogatoire
    • Dans cette hypothèse, la créance dont elle se prévaut la caution contre le débiteur n’est autre que celle dont était titulaire le créancier accipiens
    • La date de naissance de cette créance devrait, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à cette créance
  • En cas d’exercice par la caution de son recours personnel
    • Recours de la caution contre le débiteur
      • La détermination du fait générateur de la créance invoquée par la caution est ici plus problématique.
      • Deux approches sont envisageables
        • On peut considérer que la créance a pour fait générateur la conclusion du contrat
        • On peut également estimer que cette créance naît du paiement de la caution entre les mains du créancier accipiens.
      • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, lorsque le jugement d’ouverture intervient entre la date de conclusion du contrat de caution et la date de paiement, la qualification de la créance sera différente.
      • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a opté pour la première approche.
      • Elle a, autrement dit, considéré que « la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l’article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution» ( com. 3 févr. 2009)

Cass. com. 3 févr. 2009
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2309 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que poursuivi en paiement des sommes dues par Mme X..., au titre d'un prêt dont il s'était rendu caution, M. de Y... (la caution), a, en application des dispositions de l'article 2309 du code civil , assigné celle-ci, qui avait été mise en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en paiement de la somme mise en recouvrement contre lui ;

Attendu que, pour déclarer l'action de la caution recevable et condamner Mme X... à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la procédure collective de la débitrice principale puisque l'assignation en paiement de la banque à l'encontre de la caution a été délivrée le 16 novembre 1990 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution et que l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas aux créanciers, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de cette même loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement de caution était du 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de Mme X... avait été clôturée le 28 février 1990 pour insuffisance d'actif, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

  • Recours de la caution contre ses cofidéjusseurs
    • Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a retenu une solution identique à celle adoptée dans l’arrêt du 3 février 2009.
      • Faits
        • Une banque consent un prêt à une société
        • En garantie, deux associés souscrivent à un cautionnement en faveur de la banque
        • L’un des associés caution cède ses parts sociales à l’autre
        • La société est par suite placée en liquidation judiciaire
        • La caution qui avait cédé ses parts règle à la banque la créance à hauteur du montant déclarée à la procédure
        • La caution se retourne alors contre le commissaire d’exécution au plan afin que lui soit réglée la part due par son ex-coassocié décédé entre-temps
      • Demande
        • La caution qui a réglé la dette principale réclame à l’administrateur le paiement de la part dû par les ayants droit de son cofidéjusseur
      • Procédure
        • Par un arrêt du 2 octobre 2001, la Cour d’appel de Besançon accède à la requête de la caution
        • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’action contre le cofidéjusseur ne naît qu’à partir du moment où l’un d’eux a réglé la dette principale, la créance de la caution naît au jour du paiement de la dette principale
      • Solution
        • Par un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
        • Elle considère que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l’article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution»
        • Aussi, la Cour de cassation reproche-t-elle à la Cour d’appel d’avoir pris comme fait générateur de la créance le paiement de la dette principale par la caution.
        • Pour elle, dans la mesure où la souscription du cautionnement a eu lieu antérieurement au jugement d’ouverture, la créance de la caution n’est pas éligible au rang des créances privilégiées.
      • Analyse
        • La solution adoptée par la Cour de cassation ne s’impose pas avec évidence.
        • Car au fond, cette position revient à dire que, au moment où elle s’engage envers le créancier, la caution acquiert :
          • D’une part, la qualité de débiteur accessoire de la dette principale
          • D’autre part, la qualité de créancier chirographaire antérieur quant au recours qui lui est ouvert par le code civil contre son ou ses cofidéjusseurs
        • Au total, il semble désormais être acquis que le recours personnel de la caution, qu’il soit dirigé contre un cofidéjusseur soumis à une procédure collective ou contre le débiteur principal soumis à une procédure collective, naît au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Cass. com. 16 juin 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 mars 1986, l'Union des banques régionales (la banque) a consenti un prêt à la société La Lizaine (la société), avec pour garantie le cautionnement solidaire de MM. X... et Y..., associés de la société ; que, le 31 janvier 1988, M. Y... a cédé à M. X... l'ensemble de ses parts sociales ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance qui a été admise pour un certain montant ;

que M. X... a été mis en redressement judiciaire à la suite duquel un plan de cession a été arrêté, M. Z... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que M. Y... ayant réglé, en sa qualité de caution, une somme de 50 000 francs pour solde de la créance de la banque, a assigné M. X... en remboursement de cette somme ; que M. Z..., ès qualités, est intervenu à l'instance ; que M. X... est décédé le 4 mars 1998 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y... alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, à qui il appartenait de fixer les termes du litige, n'avait demandé à la cour d'appel de condamner M. Z..., ès qualités, à payer la somme de 25 000 francs à M. Y... ; qu'en prononçant cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions récapitulatives déposées par M. Y... le 20 mai 1999 que ce dernier a sollicité la condamnation de M. Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à lui payer une somme de 50 000 francs en application de l'article 2033 du Code civil ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-32 du Code de commerce ;

Attendu que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution;

Attendu que pour condamner M. Z..., commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y..., l'arrêt retient que s'agissant de rapports entre deux cautions, et non entre une caution et le débiteur principal, M. Y... ne disposait d'aucune action avant d'avoir payé, ce par application de l'article 2033 du Code civil, que l'origine de sa créance est, dès lors, postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. X..., de telle sorte que cette créance n'était pas soumise à l'obligation de déclaration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'engagement de caution de M. Y... avait été souscrit avant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

B) L’exigence de régularité de la créance

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après l’ouverture de la procédure.

Que doit-on entendre par l’expression « nées régulièrement » ?

Le législateur a entendu viser ici les créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de la procédure.

Pour mémoire, selon la nature de la procédure dont fait l’objet le débiteur, l’administrateur, lorsqu’il est désigné, sera investi d’un certain nombre de pouvoirs, qu’il exercera, parfois, à titre exclusif.

En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-1 du Code de commerce prévoit par exemple que si « l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant […] lorsque le tribunal désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux. »

Lorsqu’il s’agit d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur sera complètement dessaisi de son pouvoir de gestion de l’entreprise à la faveur de l’administrateur (art. L. 641-9 C. com.)

Ainsi, la créance régulière est celle qui résulte d’un acte accompli en vertu d’un pouvoir dont était valablement investi son auteur.

A contrario, une créance sera jugée irrégulière en cas de dépassement de pouvoir par le débiteur ou l’administrateur.

Pour apprécier la régularité d’une créance il faut alors distinguer selon que la créance est d’origine contractuelle ou délictuelle

1) Les créances contractuelles

  • Pour les créances nées de la conclusion d’un contrat
    • La créance naît régulièrement si le contrat a été conclu par un organe qui était investi du pouvoir d’accomplir l’acte.
    • Pour les actes de gestion courante, le débiteur dispose de ce pouvoir en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • Pour les créances nées de l’exécution d’un contrat en cours
    • Lorsqu’une décision de continuation a été prise
      • La créance ne peut naître régulièrement qu’à la condition que le contrat ait été poursuivi en vertu d’une décision prise par la personne habilitée
      • Il s’agira
        • soit de l’administrateur lorsqu’il est désigné
        • soit du débiteur après avis conforme du mandataire
      • En matière de liquidation judiciaire, seul le liquidateur est investi de ce pouvoir.
    • Lorsqu’aucune décision de continuation n’a été prise
      • Lorsque la créance trouve son origine dans l’exécution d’un contrat en cours pour lequel aucune décision de continuation n’a été prise, la jurisprudence considère classiquement que cette absence de décision n’entache pas la régularité de la créance.
      • Il est, par ailleurs, indifférent que la décision prise ultérieurement soit favorable ou non à une continuation du contrat en cours (V. en ce sens com. 12 juill. 1994)
  • Cas particulier de la créance de salaire
    • Si, en principe, l’irrégularité de la créance s’apprécie au regard du dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur, il est un cas où cette règle est écartée
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation a, en effet, estimé que quand bien même une créance de salaire serait née irrégulièrement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, elle pouvait, malgré tout, bénéficier du régime des créances privilégiées.

Cass. soc. 13 juill. 2010
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, bien que faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. X... a continué d'exercer son activité et d'employer M. Y... qu'il avait engagé en qualité de manoeuvre avant l'ouverture de la procédure ; qu'ayant appris l'existence de la procédure collective, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'un rappel de salaires ;

Attendu pour rejeter cette demande, l'arrêt, qui prononce la résiliation du contrat de travail, retient que les créances dont M. Y... poursuit le paiement, nées de la poursuite d'activité de M. X... après sa liquidation judiciaire, ou de la résiliation du contrat postérieurement à la liquidation judiciaire, ne sont pas nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce, qu'elles se trouvent par conséquent hors procédure et que leur montant ne peut pas être fixé dans le cadre de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l'a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l'activité, sans que puissent lui être opposés l'usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement, et alors, d'autre part, que l'article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Alors que la procédure de liquidation est engagée, l’entreprise continue d’employer un salarié alors qu’aucune décision en ce sens n’ayant été prise par le liquidateur
  • Demande
    • Après avoir eu connaissance de la procédure de liquidation, le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture de son contrat de travail et un rappel de salaire.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 octobre 2007 la Cour d’appel de Montpellier déboute le salarié de sa demande
    • Les juges du fond estiment que la créance invoquée par le salarié est née irrégulièrement, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir du privilège consenti aux créanciers postérieurs
    • Pour la Cour d’appel, il s’agit donc d’une créance hors procédure, de sorte que le salarié ne peut, ni déclarer sa créance, ni en demander le paiement à l’échéance.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L. 621-32 du Code de commerce
    • La chambre sociale considère :
      • D’une part, qu’« en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l’a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l’activité, sans que puissent lui être opposés l’usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement»
      • D’autre part, « que l’article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, le salarié était parfaitement fondé à réclamer le paiement à échéance de sa créance.
    • Elle justifie sa solution en avançant deux arguments :
      • Premier argument
        • En cas de liquidation judiciaire, le contrat de travail du salarié se poursuivrait de plein droit
        • L’article L. 622-17, VI prévoit en ce sens que les contrats de travail échappent au pouvoir discrétionnaire de l’administrateur concernant la poursuite ou non des contrats en cours.
      • Second argument
        • La créance du salarié, même irrégulière, est opposable à la procédure collective car
          • D’une part, la violation en l’espèce des règles du dessaisissement du débiteur fautif n’est pas imputable au salarié
          • D’autre part, la créance invoquée par le salarié serait parfaitement régulière au regard de l’article L. 621-32 du Code de commerce applicable à la procédure de liquidation judiciaire puisque le contrat de travail n’a pas été rompu par le liquidateur.
  • Analyse
    • De toute évidence, la Cour de cassation se livre ici à une interprétation audacieuse de l’article L. 621-32.
    • En l’espèce, il y avait clairement un dépassement de pouvoir de la part du débiteur
    • Techniquement, la créance était donc bien irrégulière.
    • Aussi, en affirmant que la violation des règles de dessaisissement par le débiteur n’était pas imputable au salarié, la Cour de cassation ajouter une condition au texte.
    • L’article L. 621-32 ne prévoit nulle part qu’une créance peut être considérée comme régulière si le dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur n’est pas imputable au créancier.
    • Lorsque, en outre, la chambre sociale ajoute que l’article L. 621-32 du Code ne concerne que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission, cette affirmation est, là encore, très critiquable.
    • Lorsque, en effet, cette disposition énonce qu’une créance doit être née régulièrement pour être opposable à la procédure et bénéficier d’un privilège de traitement, que fait-elle sinon poser une condition d’admission des créances ?
    • Ce ne sont pas des modalités de paiement dont il était question dans l’arrêt en l’espèce, mais bien de déterminer le bien-fondé du paiement d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture.

2) Les créances extracontractuelles

Dans la mesure où, par définition, les créances délictuelles et quasi-délictuelles naissent de faits illicites, elles ne devraient, en toute logique, jamais pouvoir être considérées comme nées régulièrement.

Animée par un souci de protection du créancier et, plus encore, d’indemnisation des victimes de dommages causés par le débiteur, la jurisprudence a admis que ces créances puissent être admises au rang des créances privilégiées.

Dans un arrêt remarqué du 13 octobre 1998, la Cour de cassation a que la nature délictuelle d’une créance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle puisse être née régulièrement « après le jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur ».

Cass. com. 13 oct. 1998
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Michel Z... a été assigné, le 6 mai 1992, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts par M. Edouard Z... ; que sur l'assignation en intervention forcée délivrée à M. X..., liquidateur judiciaire de M. Michel Z... désigné par un jugement du 22 mai 1986, la cour d'appel a dit que la condamnation en paiement de dommages-intérêts portée contre M. Michel Z..., l'est contre M. Y..., son liquidateur judiciaire ;

Sur la fin de non-recevoir relevée par la défense : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la créance délictuelle de M. Edouard Z... à l'encontre de M. Michel Z... est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 de sorte que M. Michel Z... étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation devra être prononcée contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la condamnation pécuniaire portée par le jugement contre M. Michel Z... l'est contre M. Y..., liquidateur judiciaire de ce dernier, et en ce qu'il a condamné M. Michel Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

C) L’exigence d’utilité de la créance

Pour être qualifié de créance privilégiée, l’article L. 622-17, I du Code de commerce exige que la créance soit née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Cette exigence a été introduite par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, complétée ensuite par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.

L’objectif poursuivi par le législateur était de réduire le nombre des créances susceptibles de faire l’objet d’un paiement à échéance, les critères de postériorité et de régularité ayant été jugés insuffisamment sélectifs.

Cette restriction a notamment été suggérée par la Cour de cassation en 2002 dans son rapport annuel.

Selon elle, la priorité conférée à l’ensemble des créances postérieures au jugement d’ouverture était « de nature à rendre plus difficile le redressement de l’entreprise si trop de créanciers peuvent en profiter. Il paraît excessif que la créance fasse ainsi l’objet d’un paiement prioritaire du seul fait qu’elle est née après le jugement d’ouverture ; il serait plus favorable au redressement des entreprises que seules les créances nécessaires à la poursuite de l’activité après le jugement d’ouverture bénéficient d’un tel traitement de faveur ».

Fort de cette invitation à durcir les critères d’admission des créances privilégiées, le législateur en a créé un nouveau : le critère d’utilité.

Afin de déterminer ce que l’on doit entendre par ce nouveau critère il convient d’envisager d’abord la notion d’utilité après quoi nous aborderons l’appréciation de cette notion. Nous nous intéresserons, enfin, aux difficultés d’application qu’elle soulève.

1) La notion d’utilité de la créance

Pour être considérée comme utile au sens de l’article L. 622-17, I la créance doit être née :

  • Soit pour les besoins de la procédure en tant que telle
  • Soit pour les besoins de l’activité de l’entreprise

==> Les créances nées pour les besoins de la procédure

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise ici :

  • Les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure
    • Il s’agit essentiellement des frais de justice, des honoraires de l’administrateur, du mandataire, des avocats, des huissiers des commissaires-priseurs ou encore des frais d’expertise.
  • Les créances nées pour les besoins de la période d’observation
    • Il s’agit de tous les frais engagés par le débiteur nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, notamment ceux engendrés par la continuation des contrats en cours.

==> Les créances nées pour les besoins de l’activité de l’entreprise

En premier lieu, il peut être observé que cette seconde catégorie de créances privilégiées tend à prendre en compte les cas dans lesquels, par exemple, une commande aurait été passée par le débiteur, donnant lieu à une prestation, mais que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne considérerait pas comme correspondant aux besoins de la procédure ou de la période d’observation.

Il n’y aurait là aucune justification à priver de telles créances d’un paiement prioritaire. D’où sa prise en compte par le législateur.

En second lieu, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, l’article L. 622-17, I du Code de commerce prévoyait que, étaient éligibles au statut des créances privilégiées, les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ».

Cette disposition vise désormais les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

La précision « pour son activité professionnelle » a ainsi été supprimée de la version initiale du texte.

Cette suppression procède d’une volonté du législateur de ne pas limiter le bénéfice du privilège de priorité aux seules créances nées pour les pour besoins de l’activité professionnelles du débiteur.

Des créances nées en contrepartie d’une prestation étrangère à son activité professionnelle pourraient, en conséquence, être qualifiées de créances privilégiées.

Pour ce faire, elles n’en devront pas moins satisfaire à trois conditions cumulatives :

  • Une créance qui correspond à une prestation
    • Par prestation, il faut entendre la fourniture d’un bien ou d’un service.
    • Cette terminologie a été intégrée dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, de sorte qu’elle ne soulève dès lors plus de difficulté
  • Une créance née en contrepartie de la prestation
    • La créance doit consister en la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
    • La fourniture de cette prestation doit avoir été utile
      • Soit à la procédure
      • Soit au maintien de l’activité de l’entreprise
    • En revanche, il est indifférent que le contrat à l’origine de la créance n’ait fait l’objet d’aucune décision de continuation dès lors qu’elle est née régulièrement.
  • Une créance née pendant la période d’observation
    • La créance ne peut accéder au rang de créance privilégiée que si elle est née pendant la période d’observation
    • Dès lors que la créance naît en dehors de cette période, quand bien même elle serait utile à la procédure où à la poursuite de l’activité, elle ne pourra pas bénéficier du privilège de priorité.
    • C’est là une exigence formelle posée par le texte.

2) L’appréciation de l’utilité de la créance

Une question a agité la doctrine : l’utilité de la créance doit-elle être appréciée en considération de l’acte qui en est à l’origine, ou au regard du bénéfice que le débiteur en retire ?

Les auteurs optent majoritairement pour la première option. Pour déterminer si créance utile pour la procédure ou pour le maintien de l’activité, il convient de se rapporter à son fait générateur.

Seules les circonstances de sa naissance sont à même de renseigner le juge sur l’opportunité de la décision prise par le débiteur.

Au fond, la question qui se pose est de savoir si l’acte d’où résulte la créance a été accompli dans l’intérêt de la procédure ou de l’entreprise.

3) Les difficultés d’application du critère

Les difficultés d’application du critère d’application du critère d’utilité concernent en particulier les créances fiscales et sociales.

Peut-on considérer que de telles créances présentent une utilité pour la procédure dans la mesure où elles conduisent, par nature, à aggraver la situation du débiteur ?

Dans un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation a admis qu’une créance dont se prévalait le RSI puisse bénéficier du statut de créance privilégiée.

Cass. com. 15 juin 2011
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse nationale du régime social des indépendants Participations extérieures (la caisse) a fait signifier à la société ARDDI (la société) le 6 octobre 2008 une contrainte datée du 12 août 2008, portant sur la contribution sociale de solidarité et des sociétés et la contribution additionnelle 2007 assises sur le chiffre d'affaires de l'année 2006 ; que la société, qui a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2006, a fait opposition à cette contrainte le 7 octobre 2008 ;

Attendu que pour annuler cette contrainte, l'arrêt retient que si la créance est bien une créance dont le fait générateur est intervenu postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, elle ne peut être considérée comme une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, ni comme une créance répondant aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une déclaration conformément à l'article L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l'activité de la société, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce pour l'activité poursuivie postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

  • Faits
    • Le RSI délivre une contrainte à une société en raison de cotisations sociales impayées en date du 6 octobre 2008
    • Depuis deux ans, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
  • Demande
    • Le débiteur revendique l’inopposabilité de la contrainte qui lui a été notifiée
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 avril 2010, la Cour d’appel de Nîmes accède à la requête du débiteur
    • Les juges du fond estiment la créance dont est porteuse la contrainte est certes postérieure à l’ouverture de la procédure collective
    • Toutefois, elle ne remplit pas les critères d’une créance prioritaire dans la mesure où :
      • D’une part, elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation fournie par le débiteur
      • D’autre part, elle n’est pas née pour les besoins de la procédure collective
    • La Cour d’appel en conclut que cette créance aurait dû faire l’objet d’une déclaration, ce qui n’a pas été fait.
    • La créance du RSI serait donc éteinte
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que la « contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l’activité de la société, entrent dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce pour l’activité poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective»
    • Autrement dit, la créance dont se prévaut le RSI répondrait, en tous points, aux critères d’éligibilité du privilège de priorité
  • Analyse
    • La solution dégagée par la Cour de cassation est, en l’espèce, parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi.
    • Dans la mesure où le paiement des cotisations sociales est une obligation légale, il est absolument nécessaire que l’entreprise, quelle que soit sa situation, satisfasse à cette obligation à défaut de quoi elle s’expose à aggraver automatiquement son passif.
    • Rien ne justifie, en conséquence, que la créance de RSI ne puisse pas être qualifiée de créance privilégiée.

Ainsi, lorsqu’une créance résulte d’une obligation légale à laquelle est subordonné l’exercice de l’activité de l’entreprise, elle est parfaitement éligible au rang des créances privilégiées.

II) Le régime des créances privilégiées

Le législateur a consenti deux privilèges aux créanciers qui justifient d’une créance répondant aux critères de l’article L. 622-17, I du Code de commerce :

  • Le paiement à l’échéance
  • Un rang favorable dans l’ordre de paiement

A) Le paiement à l’échéance de la créance

L’article L. 622-17 du Code de commerce prévoit que les créances privilégiées « sont payées à leur échéance ».

Plusieurs conséquences découlent de cette faveur consentie au créancier privilégié :

  • Inopposabilité des principes qui président au gel du passif
    • Sont inopposables au créancier qui justifie d’une créance privilégiée
      • Le principe d’interdiction des paiements
      • Le principe d’arrêt du cours des intérêts
      • Le principe d’arrêt des poursuites individuelles
  • Inopposabilité de la procédure de déclaration et de vérification des créances
    • Le créancier privilégié n’est pas soumis aux exigences de déclaration et de vérification des créances
    • Pour se faire payer, il doit seulement justifier d’une créance exigible.
  • Inopposabilité du classement des créances privilégiées
    • Lorsque plusieurs créances privilégiées entrent en concours, l’ordre de paiement ne s’opère pas selon leur rang dans le classement légal.
    • Les créanciers sont payés par ordre de réclamation, peu importe que les fonds disponibles soient insuffisants pour régler les autres créances de rang supérieur.
    • L’article L. 622-17 du Code de commerce dispose, en effet, que le classement institué entre créances privilégiées n’est applicable que dans l’hypothèse où lesdites créances n’ont pas été payées à l’échéance.

B) Le rang privilégié de la créance

Dans l’hypothèse où une créance privilégiée n’aurait pas été payée à l’échéance, il sera procédé à son règlement selon son rang dans le classement prévu par la loi.

L’article L. 622-17, II du Code de commerce prévoit en ce sens que « lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l’exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l’article L. 611-11 du présent code. »

Les titulaires de créances privilégiées non payées à l’échéance doivent ainsi participer à la répartition organisée par les organes de la procédure.

L’exercice de ce privilège est toutefois subordonné à l’information de l’administrateur.

  1. La condition d’exercice du droit au paiement

L’article L. 622-17, IV du Code de commerce dispose que « les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n’ont pas été portées à la connaissance de l’administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l’exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation. Lorsque cette information porte sur une créance déclarée pour le compte du créancier en application de l’article L. 622-24, elle rend caduque cette déclaration si le juge n’a pas statué sur l’admission de la créance. »

Ainsi, pour être éligible à la procédure de répartition, le créancier privilégié doit se manifester auprès de l’organe de la procédure compétent.

Il ne s’agira pas pour lui de procéder à une déclaration de sa créance, mais seulement d’en faire état.

Plusieurs règles édictées à l’article R. 622-15 du Code de commerce gouvernent ce processus d’information des organes de la procédure :

  • Délai d’information
    • Les créances privilégiées doivent être portées à a connaissance des organes de la procédure dans le délai d’un an à compter de la fin de la période d’observation.
  • Information du mandataire
    • L’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, tient le mandataire judiciaire informé des créances privilégiées dont il a eu connaissance dans les conditions prévues au IV du même article.
  • Communication de la liste des créances privilégiées
    • La liste de ces créances est transmise par l’administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire, dès la cessation de leurs fonctions, au commissaire à l’exécution du plan, ou au liquidateur, selon le cas, qui la complète.
  • Dépôt de la liste au greffe du Tribunal saisi
    • Le commissaire à l’exécution du plan ou le liquidateur dépose cette liste au greffe du tribunal à l’issue du délai d’un an qui suit la fin de la période d’observation, où tout intéressé peut en prendre connaissance.
    • Le greffier fait publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales une insertion indiquant ce dépôt et le délai pour présenter une contestation.
  • Contestation de la liste
    • Tout intéressé peut contester cette liste devant le juge-commissaire dans un délai d’un mois à compter de la publication.
  • Sort des créances rejetées
    • Les créances rejetées de cette liste par le juge-commissaire sont réputées avoir été déclarées dans les conditions de l’article L. 622-24.
    • Dans ce cas, le créancier adresse au mandataire judiciaire les informations prévues à l’article L. 622-25 et à l’article R. 622-23
    • si ces informations ont déjà été transmises par le créancier ou pour son compte à l’occasion d’une déclaration faite conformément à l’article L. 622-24 et sur l’admission de laquelle il n’a pas été statué, le créancier en conserve le bénéfice.
    • Toutefois, le mandataire judiciaire peut opposer au créancier les délais prévus à l’article L. 622-24 lorsque celui-ci a reçu, pour la même créance, un avertissement d’avoir à déclarer sa créance.
  • Sanction de la violation de l’obligation d’information
    • L’article L. 622-17, IV du Code de commerce prévoit que les créances qui n’ont pas été portées à la connaissance de l’organe compétent perdent purement et simplement leur privilège.

2. Le classement des créances privilégiées

Deux classements doivent être distingués : l’un externe, l’autre externe

==> Le classement externe

Le classement externe règle l’ordre des paiements entre les créances antérieures et les créances privilégiées.

  • Cas des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Les créances privilégiées sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l’exception trois catégories de créances :
      • Les créances salariales superprivilégiées visées aux articles L. 3253-2, 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, soit
        • Les rémunérations de toute nature dues aux salariés pour les soixante derniers jours de travail qui sont, déduction faite des acomptes déjà perçus, payées, nonobstant l’existence de toute autre créance privilégiée, jusqu’à concurrence d’un plafond mensuel identique pour toutes les catégories de bénéficiaires.
        • Les indemnités de congés payés qui sont, nonobstant l’existence de toute créance privilégiée, payées jusqu’à concurrence d’un plafond identique à celui établi pour une période de trente jours de rémunération par l’article L. 3253-1.
        • Les créances de l’AGS subrogé dans les droits des salariés désintéressés
      • Les frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure
        • Il s’agit notamment des honoraires dus aux mandataires, experts et administrateurs.
      • Les créances garanties par le privilège de conciliation
        • Il s’agit des créances bénéficiant du privilège de la « new money » (argent frais), établi par l’article L. 611-11 du code de commerce,
        • Rappelons qu’aux termes de cette disposition, les personnes ayant consenti, dans le cadre d’une procédure de conciliation ayant donné lieu à l’accord homologué mentionné au II de l’article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l’article L. 622-17 et au II de l’article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre , un nouveau bien ou service en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.
  • Cas de la procédure de liquidation judiciaire
    • L’article L. 641-13 du Code de commerce prévoit que lorsqu’elles ne sont pas payées à l’échéance, les créances privilégiées sont payées avant toutes les autres créances, sans préjudice des droits de rétention opposables à la procédure collective, à l’exception
      • Des créances salariales superprivilégiées
      • Des frais de justice nés régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure
      • Des créances garanties par le privilège de conciliation
      • Des créances antérieures garanties par des sûretés immobilières.

==> Le classement interne

Le classement interne règle l’ordre des paiements des créances privilégiées entre elles. Il n’y a ici pas de distinction à opérer entre l

  • Cas des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • L’article L. 622-17, III du Code de commerce prévoit que les créances privilégiées sont payées dans l’ordre suivant :
      • Les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail
        • Il s’agit là de toutes les créances qui n’ont pas été avancées par l’AGS aux salariés
      • Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l’exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l’article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ;
        • Il s’agit de tous les prêts bancaires consentis au débiteur pour la poursuite de son activité
        • Sont également visées les créances résultant des contrats dont l’exécution a été poursuivie postérieurement au jugement d’ouverture
        • L’article L. 622-17, III précise toutefois que ce rang ne peut bénéficier qu’aux prêts et délais de paiement qui ont été autorisés par le juge-commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l’activité pendant la période d’observation et font l’objet d’une publicité.
        • Par ailleurs, en cas de résiliation d’un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice du présent article
      • Les autres créances, selon leur rang
        • Il en va ainsi des créances fiscales, sociales ou encore de celles nées en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant la période d’observation.
        • Elles seront payées en fonction de leur rang.
  • Cas de la procédure de liquidation judiciaire
    • Aux termes de l’article L. 641-13, III en cas de liquidation judiciaire les créances privilégiées sont payées selon l’ordre suivant :
      • Les créances de salaires dont le montant n’a pas été avancé par l’AGS
      • Les prêts bancaires consentis au débiteur pour la poursuite de son activité
      • Les créances résultant de la poursuite d’exécution des contrats en cours
      • Les créances de salariales dont le montant a été avancé par l’AGS
      • Les autres créances, selon leur rang.

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’arrêt des poursuites individuelles

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le principe d’arrêt des poursuites individuelles.

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que :

  • D’une part, il interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17
  • D’autre part, il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.

Ainsi, le jugement d’ouverture a-t-il pour effet de suspendre les poursuites individuelles susceptibles d’être diligentées par les créanciers à l’encontre du débiteur.

L’instauration de cette règle procède du même du même objectif que celui poursuivi par le principe d’interdiction des paiements : assurer un savant équilibre entre la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et éviter que certains créanciers mettent en péril la poursuite de l’activité de l’entreprise au moyen d’action en justice.

I) Le domaine de la règle

Le domaine du principe d’arrêt des poursuites individuelles tient, d’une part aux personnes visées et, d’autre part, aux actions diligentées.

A) Les personnes visées

Deux catégories de personnes sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

  • Les créanciers
  • Les garants et coobligés
  1. Les créanciers

Si le principe d’arrêt des poursuites s’adresse en particulier aux créanciers, tous ne sont pas concernés par cette règle.

Il ressort, en effet, de l’article L. 622-21 que ne sont visés que « les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L. 622-17 ».

Trois catégories de créances sont ainsi exclues du champ d’application du principe d’arrêt des poursuites :

  • Les créanciers titulaires d’une créance antérieure
    • Il s’agit là de toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créanciers titulaires d’une créance non privilégiée
    • Il s’agit de toutes les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture mais n’étant, ni utile au déroulement de la procédure ni ne constituant la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur
  • Les créanciers titulaires d’une créance hors procédure
    • Il s’agit de toutes les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture mais qui ne répondent pas à l’exigence de régularité, soit qui sont nées en violation des règles de répartition des pouvoirs.

En dehors de ces trois catégories de créanciers, tous les autres créanciers du débiteur sont soumis au principe d’arrêt des poursuites individuelles.

2. Les garants et coobligés

==> Principe : les garants et coobligés personnes physiques

Il ressort de la lettre de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne s’imposerait qu’aux seuls créanciers du débiteur.

Est-ce à dire que cette règle ne bénéficierait pas aux garants ou aux coobligés de ce dernier ?

Par souci de cohérence et d’équité, le législateur a étendu le bénéfice du principe d’arrêt des poursuites à ces derniers par l’ordonnance du 18 décembre 2008.

L’article L. 622-28, al. 2 du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. »

Cette disposition ajoute que « le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans. »

Ainsi, dans un plus grand nombre de cas, le dirigeant qui s’est porté garant du débiteur ou a obtenu une garantie de ses proches n’aura pas à craindre les répercussions de l’ouverture de la procédure sur sa situation personnelle.

L’article L. 622-28 précise en outre que « les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »

==> Exclusion : les garants et coobligées personnes morales

Il ressort de l’article L. 622-28 du Code de commerce que le principe d’arrêt des poursuites ne profite qu’aux seuls garants et coobligés personnes morales.

S’agissant des personnes morales, elles sont soumises au droit commun.

Il en résulte que les créanciers du débiteur sont parfaitement fondés à les actionner en paiement dès lors que la créance invoquée est exigible.

B) Les actions visées

  1. L’arrêt des actions en justice

Deux catégories d’action en justice sont visées par le principe d’arrêt des poursuites :

  • Les actions relatives à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent
    • Les actions admises par principe
      • Ne sont a priori visées ici que les actions qui visent à obtenir le paiement d’une somme d’argent.
      • Majoritairement, il s’agira de celles fondées sur un défaut de paiement du débiteur
        • Action en paiement d’un loyer
        • Action en paiement d’un prix de vente
        • Action en réparation d’un préjudice
        • Action en liquidation d’une astreinte
        • Action en recouvrement de l’impôt
        • Action en paiement d’un effet de commerce
      • Que l’action ait été engagée avant le jugement d’ouverture ou qu’elle soit diligentée après, elle est en toute hypothèse, soit suspendue, soit interrompue, soit interdite.
    • Les actions exclues
      • Les actions en exécution d’une obligation de faire
        • Rapidement, la question s’est posée de savoir si les actions exercées en exécution d’une obligation de faire, n’étaient pas visées par le principe d’arrêt des poursuites.
        • L’ancien article 1142 du Code civil prévoyait, en effet, que « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts»
        • D’aucuns en ont déduit que, au fond, pareille action tendait à l’obtention d’une somme d’argent.
        • Qui plus est, dans un arrêt du 17 juin 1997, la Cour de cassation a considéré que le principe d’arrêt des poursuites serait opposable au créancier qui sollicitait l’édification d’un mur au motif que « sous couvert de condamnation de la société et de son liquidateur judiciaire à exécuter une obligation de faire, la demande de M. et Mme X… impliquait des paiements de sommes d’argent pour une cause antérieure au jugement d’ouverture» ( com. 17 juin 1997)
        • Cette solution a été confirmée par la jurisprudence postérieure (V. en ce sens com. 17 oct. 2000; Cass. com. 23 janv. 2001)
        • Toutefois, dans un arrêt du 29 avril 2002, la chambre commerciale a estimé que « la demande tendant à obtenir réparation du préjudice résultant de l’inexécution par le bailleur ou le liquidateur qui le représente de ses obligations issues d’un contrat en cours postérieurement au jugement d’ouverture est l’accessoire ou le complément de la demande principale tendant à l’exécution des travaux»
        • Elle en déduit que le principe d’arrêt des poursuites n’était pas applicable en l’espèce ( com. 29 avr. 2002).
        • Cet arrêt opère-t-il un revirement de jurisprudence ?
        • Aucune décision en sens inverse n’a été rendue depuis lors de sorte que l’on est légitimement en droit de répondre par l’affirmative.
      • L’action en nullité d’un contrat
      • L’action en dissolution d’une société
      • L’action tendant à dénoncer la fictivité d’une société
      • L’action tendant à la réalisation d’une expertise
  • Les actions relatives à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent
    • Les actions admises
      • Il s’agit de toutes les actions en résolution d’un contrat fondées sur un défaut de paiement du débiteur
      • Ce principe n’est autre que le corollaire du principe de continuation des contrats en cours
      • Pour mémoire, l’article L. 622-13, II du Code de commerce prévoit que « l’administrateur a seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. »
      • Aussi, admettre que les créanciers puissent agir en résolution d’un contrat pour défaut de paiement reviendrait à vider de sa substance le pouvoir conféré à l’administrateur.
      • Ce pouvoir implique que l’administrateur puisse d’autorité, décider de la continuation d’un contrat d’un cours, alors même que le cocontractant souhaiterait mettre un terme à la relation contractuelle en raison d’un défaut de paiement du débiteur.
      • D’où l’application du principe d’arrêt des poursuites dans cette hypothèse.
      • Le sort du créancier en demande de résolution est donc suspendu à la décision de l’administrateur.
    • Les actions exclues
      • Les actions en constatation d’une résolution acquise avant le jugement d’ouverture
        • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « les dispositions de l’article 47 de la loi du 25 janvier 1985 ne font pas obstacle à la constatation de la résolution d’un contrat de vente d’un fonds de commerce, par application d’une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant l’ouverture du jugement de redressement judiciaire» ( com. 25 nov. 1997).
      • Les actions en résolution d’un contrat fondées sur un autre motif que le défaut de paiement
        • Action en résolution pour un défaut d’obligation de faire
          • Obligation d’entretien
          • Obligation de remise d’un document
          • Obligation de créer des emplois
          • Obligation d’assurance
          • Obligation de délivrance conforme
        • Action en résolution pour accomplissement d’un acte illicite

2. L’arrêt des procédures d’exécution

L’article L. 622-21 du Code de commerce prévoit que le jugement d’ouverture « arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture. »

Deux sortes de procédures sont ici visées par cette disposition :

  • Les procédures de saisie
  • Les procédures de distribution

==> Les procédures de saisie

  • Les créanciers concernés
    • Sont concernés les mêmes créanciers que ceux visés par le principe d’arrêt des actions en justice, soit
      • Les créanciers titulaires d’une créance antérieure
      • Les créanciers titulaires d’une créance non privilégiée
      • Les créanciers titulaires d’une créance hors procédure
  • La nature de la saisie
    • Principe
      • Le principe énoncé à l’article L. 622-21 est applicable à toutes sortes de saisies
        • Les saisies-attribution
        • Les saisies conservatoires
        • Les saisies-ventes
        • Les saisies immobilières
        • Les saisies des rémunérations
      • Limites
        • Le principe d’arrêt des procédures de saisie a pour limite l’existence d’une situation acquise avant le jugement d’ouverture
        • Tel est en particulier le cas :
          • Lorsque le bien objet d’une saisie a été vendu ( com. 27 mars 2012)
          • Lorsque la saisie-attribution a été dénoncée dans les huit jours au débiteur avant le jugement d’ouverture ( com. 13 oct. 1998).
          • Lorsque l’avis à tiers détenteur a été notifié au débiteur avant le jugement d’ouverture ( com. 8 juill. 2003)
  • L’objet de la saisie
    • Il est indifférent que la saisie porte sur un meuble ou un immeuble
    • L’engagement d’une procédure est interdit ou, le cas échéant être suspendue si elle est en cours
  • Exclusion
    • Parce qu’elles ne portent ni sur des meubles, ni sur des immeubles, les mesures d’expulsion échappe au principe d’arrêt des procédures d’exécution (V. en ce sens 3e civ. 21 févr. 1990).

==> Les procédures de distribution

Le jugement d’ouverture n’a pas seulement pour effet d’arrêter les procédures de saisie, il fait également obstacle à la distribution du produit des saisies diligentées avant le jugement d’ouverture.

L’article R. 622-19 du Code de commerce précise que « conformément au II de l’article L. 622-21, les procédures de distribution du prix de vente d’un immeuble et les procédures de distribution du prix de vente d’un meuble ne faisant pas suite à une procédure d’exécution ayant produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture, en cours au jour de ce jugement, sont caduques. »

En cas de caducité, les fonds sont alors remis au mandataire judiciaire, le cas échéant par le séquestre qui par cette remise est libéré à l’égard des parties.

Ainsi, les fonds qui allaient être distribués sont réintégrés dans le patrimoine du débiteur

Dans l’hypothèse où le Tribunal saisi arrêt un plan, le mandataire judiciaire remet ces fonds au commissaire à l’exécution du plan aux fins de répartition.

II) Le contenu de la règle

Il ressort de l’article L. 622-21 du Code de commerce que le jugement d’ouverture :

  • Soit interrompt la procédure
  • Soit interdit la procédure
  • Soit arrête la procédure

Le principe ainsi énoncé a donc vocation à s’appliquer aux différents stades de la procédure.

A) La procédure n’a pas été engagée

Dans cette hypothèse, le jugement d’ouverture interdit le déclenchement d’une procédure nouvelle.

Les créanciers auxquels cette règle est applicable ne pourront dès lors que déclarer leur créance auprès du mandataire désigné.

B) La procédure a déjà été engagée

Trois hypothèses doivent être envisagées :

==> La procédure engagée est une action en justice

  • L’interruption de l’instance
    • Le jugement d’ouverture a pour effet d’interrompre les instances en cours
    • L’article L. 622-22 du Code de commerce précise que l’instance est interrompue jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance.
    • Afin de permettre au créancier d’anticiper l’interruption de l’instance et de prendre ses dispositions l’alinéa 2 de l’article L. 622-22 précise que le débiteur, partie à l’instance, informe le créancier poursuivant de l’ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.
    • En cas de violation de cette obligation, l’article L. 653-6 du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle du dirigeant de la personne morale ou de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
  • La reprise de l’instance
    • Les conditions de la reprise
      • Conformément à l’article L. 622-22 du Code de commerce est subordonnée à la déclaration de créance du créancier poursuivant
      • Pour justifier de l’accomplissement de cette formalité, l’article R. 622-20 prévoit que le créancier doit produire à la juridiction saisie de l’instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance
  • Les effets de la reprise
    • Tout d’abord, lorsqu’il est procédé par le créancier poursuivant à la déclaration de créance les instances en cours sont reprises de plein droit et le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l’administrateur ou le commissaire à l’exécution du plan sont dûment appelés
    • Ensuite, l’article L. 622-22 du Code de commerce prévoit que la reprise de l’instance ne peut avoir pour objet que la constatation des créances et la fixation de leur montant.
    • La juridiction saisie ne pourra en conséquence, ni se prononcer sur la condamnation à une somme d’argent, ni statuer sur la résolution d’un contrat.
    • Enfin, en cas de succès de l’action du créancier poursuivant, la reprise de l’instance aura pour effet de porter le montant de la constatation à l’état des créances.
    • Le créancier sera alors payé selon les règles de répartition de l’actif du débiteur

==> La procédure engagée est une mesure d’exécution

Dans cette hypothèse, la mesure est définitivement arrêtée.

Autrement dit, la procédure d’exécution engagée devient caduque.

==> La procédure engagée est une distribution du prix de saisie

Le jugement d’ouverture a également pour effet d’anéantir la procédure de distribution.

Le prix de la saisie est donc réintégré dans le patrimoine du débiteur.

B) La procédure engagée n’est pas visée par le principe d’arrêt des poursuites

L’article L. 622-23 du Code de commerce prévoit que « les actions en justice et les procédures d’exécution autres que celles visées à l’article L. 622-21 sont poursuivies au cours de la période d’observation à l’encontre du débiteur, après mise en cause du mandataire judiciaire et de l’administrateur lorsqu’il a une mission d’assistance ou après une reprise d’instance à leur initiative. »

Si donc les procédures qui ne rentrent pas dans le champ d’application de l’article L. 622-21 du Code de commerce peuvent prospérer, elles n’en sont pas moins subordonnées à la mise en cause du mandataire judiciaire et l’administrateur.

Ouverture d’une procédure collective: le principe d’interdiction des paiements

Aux termes de l’article L. 620-1 du Code de commerce, la procédure de sauvegarde « est destinée à faciliter la réorganisation de l’entreprise afin de permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

De toute évidence, il serait illusoire de vouloir atteindre ce triple objectif si aucun répit n’était consenti à l’entreprise pendant sa période de restructuration.

C’est la raison pour laquelle un certain nombre de règles ont été édictées afin d’instaurer une certaine discipline collective à laquelle doivent se conformer les créanciers.

Ces règles visent ainsi à assurer un savant équilibre entre, d’une part, la nécessité de maintenir l’égalité entre les créanciers et, d’autre part, éviter que des biens essentiels à l’activité de l’entreprise soient prématurément distraits du patrimoine du débiteur.

Parmi les principes de discipline collective posés par le législateur on compte notamment :

  • L’interdiction des paiements pour les créances nées avant le jugement d’ouverture
  • L’arrêt des poursuites individuelles contre le débiteur et ses coobligés
  • L’arrêt du cours des intérêts pour créances résultant de prêts conclus pour une durée de moins d’un an.
  • Interdiction d’inscriptions de sûretés postérieurement au jugement d’ouverture

La combinaison de ces quatre principes aboutit à un gel du passif de l’entreprise qui donc est momentanément soustrait à l’emprise des créanciers.

Focalisons-nous sur le premier d’entre eux: le principe d’interdiction des paiements.

Aux termes de l’article L. 622-7, I du Code de commerce « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d’ouverture, non mentionnée au I de l’article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires. »

Ainsi, cette disposition érige-t-elle en principe l’interdiction pour le débiteur de payer ses créanciers, en particulier ceux dont la créance est née antérieurement à l’ouverture de la procédure collective.

Pour rappel, l’article 1342, al. 1er du Code civil définit le paiement comme « l’exécution volontaire de la prestation due ». Il a pour effet de libérer le débiteur à l’égard du créancier et d’éteindre la dette.

Le paiement constitue le principal mode d’extinction des obligations.

Parmi les autres causes de satisfaction du créancier on compte également la compensation dont on s’est longtemps demandé si elle devait être envisagée de la même manière que le paiement s’agissant des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture.

Le législateur a clos le débat lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005. Le mécanisme de la compensation a été rangé dans la catégorie des exceptions dont est assorti le principe d’interdiction des paiements.

I) Le domaine du principe d’interdiction des paiements

Il ressort de l’article L. 622-7 du Code de commerce que le champ d’application du principe d’interdiction des paiements est relativement étendu.

L’application de ce principe est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives qui tiennent :

  • D’une part, à la date de naissance de la créance
  • D’autre part, à l’auteur du paiement

A) La condition tenant à la date de naissance de la créance

Deux catégories de créances doivent être distinguées

  • Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture
  • Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture
  1. Les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture

Toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture tombent, par principe, sous le coup de l’interdiction des paiements.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présente un intérêt essentiel.

Dès lors que la créance est née postérieurement au jugement d’ouverture, elle échappe au principe d’interdiction des paiements.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par créance antérieure ?

Si l’on est légitimement en droit de penser qu’une créance peut être qualifiée d’antérieure dès lors que son fait générateur se produit avant le prononcé du jugement d’ouverture, plusieurs difficultés sont nées :

  • tantôt quant à l’opportunité de retenir comme critère de la créance antérieure son fait générateur
  • tantôt quant à la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

a) Sur l’opportunité de retenir le fait générateur comme critère de la créance antérieure

Si, en première intention, l’on voit mal pourquoi le fait générateur d’une créance ne pourrait-il pas être retenu pour déterminer si elle est ou non antérieure au jugement d’ouverture, une difficulté est née de l’interprétation de l’ancien article L. 621-43 du Code de commerce.

Cette disposition prévoyait, en effet, que « à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d’ouverture, à l’exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. »

Seules les créances « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » étaient donc soumises au régime de la déclaration.

La formule choisie par le législateur n’était pas dénuée d’ambiguïté : fallait-il prendre pour date de référence, afin de déterminer l’antériorité d’une créance, sa date de naissance ou sa date d’exigibilité ?

Cette question s’est en particulier posée pour les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture mais dont l’exigibilité intervenait postérieurement.

Le contentieux relatif aux créances à déclarer selon leur date de naissance a été très important.

L’enjeu était, jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde du 27 juillet 2005, de savoir si le créancier pouvait ou non se faire payer à échéance.

L’arrêt rendu en date du 20 février 1990 par la Cour de cassation est une illustration topique de cette problématique.

Cass. com. 20 févr. 1990
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Service agricole industriel du Clairacais (la société) a été mise en redressement judiciaire le 17 juin 1986, puis en liquidation judiciaire le 15 juillet 1986 et que le personnel a été licencié le 8 août 1986, avec dispense d'accomplir le préavis légal ; que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Lot-et-Garonne (l'URSSAF) n'a été inscrite sur la liste des créances bénéficiant des dispositions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 que pour les cotisations afférentes aux salaires de la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective ; que la contestation par elle formée en vue d'obtenir son admission sur la liste précitée pour les cotisations relatives aux salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, ainsi qu'aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements, a été rejetée par le tribunal, dont la cour d'appel a infirmé la décision ;.

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli la demande de l'URSSAF en ce qui concerne les cotisations sur les indemnités de congés payés et de préavis, alors, selon le pourvoi, qu'en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, le paiement prioritaire des créances nées après le jugement d'ouverture ne peut être obtenu pour des créances nées après le jugement de liquidation ; qu'en déclarant prioritaires des créances sociales afférentes aux indemnités de rupture, la cour d'appel, qui a relevé que les licenciements, fait générateur de la créance, étaient postérieurs au jugement d'ouverture, mais n'a pas constaté qu'ils étaient antérieurs au jugement de liquidation, a violé par fausse application la disposition susvisée ;

Mais attendu que l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l'ouverture du redressement judiciaire, c'est à bon droit que la cour d'appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l'URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire ; que le moyen est donc sans fondement ;

Mais sur la première branche du moyen :

Vu les articles 40 et 47, premier alinéa, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que, pour accueillir la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt retient que ces salaires ont été versés après l'ouverture du redressement judiciaire, en sorte que la créance de l'URSSAF, qui n'a pris naissance que lors du versement ainsi effectué, bénéficie de la priorité de paiement prévue à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l'URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a accueilli la demande de l'URSSAF relative aux cotisations sur les salaires de la période du 1er mai au 17 juin 1986, l'arrêt rendu le 16 juin 1988, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

  • Faits
    • Une société est placée en liquidation judiciaire
    • son personnel est licencié
    • L’URASSAF est éligible au rang de créancier privilégié seulement pour les créances postérieures au jugement d’ouverture
  • Demande
    • L’URSAFF demande à ce que l’ensemble de ces créances soient admises au rang de créances privilégiées
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 1988, la Cour d’appel d’Agen fait droit à la demande de l’URSAFF
    • Les juges du fond estiment que dans la mesure où les salaires sur lesquels portent les cotisations impayées ont été versés postérieurement à l’ouverture de la procédure, ils n’endossent pas la qualification de créance antérieure.
  • Solution
    • Par un arrêt du 20 février 1990, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • Elle reproche à la Cour d’appel d’avoir accédé à la demande de l’URSAFF en qualifiant la créance invoquée de postérieure « alors qu’elle constatait que les cotisations dont le paiement était poursuivi se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, ce dont il résultait que la créance de l’URSSAF avait son origine antérieurement à ce jugement»
    • Les créances dont se prévalait l’URSAFF devaient donc être soumises au régime juridique, non pas des créances postérieures, mais à celui des créances antérieures.
    • S’agissant des autres créances invoquées par l’organisme social, lesquels portaient sur des salaires perçus postérieurement au jugement d’ouverture, la chambre commerciale estime à l’inverse que « l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 étant applicable aux créances nées régulièrement après l’ouverture du redressement judiciaire, c’est à bon droit que la cour d’appel a considéré que devait bénéficier des dispositions de ce texte la créance de cotisations de l’URSSAF relative aux indemnités de congés payés et de préavis consécutives aux licenciements opérés après le prononcé de la liquidation judiciaire»
  • Analyse
    • Cette solution adoptée par la Cour de cassation intervient à la suite d’un long débat portant sur le régime juridique des créances de sécurité sociale
    • Très tôt s’est posée la question de la qualification des cotisations sociales qui se rattachaient à des salaires payés après le jugement d’ouverture mais se rapportant à une période de travail antérieure à ce jugement.
    • Deux conceptions s’opposaient sur cette question
      • Première conception
        • On considère que le régime juridique des créances de sécurité sociale est autonome et ne doit pas être influencé par les dispositions relatives au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises
        • Selon cette conception, les créances doivent donc être réglées à la date normale d’exigibilité dès lors qu’elles sont postérieures au jugement d’ouverture quand bien même les cotisations seraient calculées sur un salaire rémunérant une période d’emploi antérieure au jugement.
      • Seconde conception
        • On peut estimer, à l’inverse, que le fait générateur des cotisations sociales réside dans le travail fourni par le salarié et non le paiement des salaires, quand bien même leur versement constitue une condition de leur exigibilité.
        • Selon cette conception, les cotisations sociales doivent donc être regardées comme des créances antérieures.
    • De toute évidence, la Cour de cassation a opté dans l’arrêt en l’espèce pour la seconde conception.
    • Pour la chambre commerciale, le fait générateur du salaire c’est le travail effectué.
    • Or les cotisations sociales sont afférentes au salaire dû au salarié
    • Par conséquent, leur fait générateur c’est bien le travail du salarié et non la date d’exigibilité du salaire.
    • La Cour de cassation reproche ainsi à la Cour d’appel d’avoir confondu la naissance de la créance et son exigibilité.
    • C’est donc au jour du travail effectué qu’il faut remonter pour déterminer si l’on est en présence d’une créance antérieure ou postérieure au jugement d’ouverture.

Le critère de rattachement d’une créance à la catégorie des créances antérieure est donc celui de la date de sa naissance.

L’adoption de la date de naissance de la créance comme critère de rattachement à la catégorie des créances antérieure exclut dès lors tout rôle que pourrait jouer la date d’exigibilité de la créance dans ce rattachement.

La date d’exigibilité n’est que celle à laquelle le créancier peut prétendre au paiement.

Elle est, par conséquent, naturellement distincte de la date de naissance qui, en principe, interviendra antérieurement.

Tandis que la date de naissance de la créance se rapporte à sa création, sa date d’exigibilité se rapporte quant à elle à son exécution.

Le débat est définitivement clos depuis l’adoption de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 qui a remplacé la formule « ayant une origine antérieure au jugement d’ouverture » par l’expression « est née » qui apparaît plus précise.

C’est donc le fait générateur de la créance dont il doit être tenu compte et non la date d’exigibilité afin de savoir si une créance est soumise au régime de la déclaration ou si, au contraire, elle peut faire l’objet d’un paiement à l’échéance.

b) Sur la détermination du fait générateur de la créance en lui-même

La détermination du fait générateur d’une créance n’est pas toujours simple.

Pour ce faire, il convient de distinguer les créances contractuelles des créances extracontractuelles.

?) Les créances extracontractuelles

L’antériorité d’une créance extracontractuelle au jugement d’ouverture n’est pas toujours aisée à déterminer.

La détermination de la date de naissance de cette catégorie de créances soulève parfois, en effet, des difficultés.

Bien que la jurisprudence soit guidée, le plus souvent, par une même logique, on ne saurait se livrer à une systématisation des critères adoptés.

Aussi, est-ce au cas par cas qu’il convient de raisonner en ce domaine, étant précisé que les principales difficultés se sont concentrées sur certaines créances en particulier :

==> Les créances de condamnation

Deux sortes de créances doivent être ici distinguées : la créance principale de condamnation et les créances accessoires à la condamnation

  • La créance principale de condamnation
    • Il s’agit de la créance qui a pour effet générateur l’événement à l’origine du litige.
    • La créance de réparation naît, par exemple, au jour de la survenance du dommage.
    • Si donc le dommage survient antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, quand bien même la décision de condamnation serait rendue postérieurement, la créance de réparation endossera la qualification de créance antérieure (V. en ce sens com., 9 mai 1995; Cass. com., 4 oct. 2005, n° 03-19.367)
  • Les créances accessoires à la condamnation
    • Son notamment ici visées les créances de dépens et d’article 700
    • La particularité de ces créances est qu’elles sont attachées, moins au fait générateur du litige, qu’à la décision de condamnation
    • Aussi, toute la difficulté est de déterminer la date de naissance de cette catégorie singulière de créances
    • La jurisprudence a connu une évolution sur ce point :
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a estimé que, en raison du caractère accessoire des créances de dépens ou d’article 700, leur qualification dépendait de la date de naissance de la créance principale de condamnation.
      • Telle a été la solution retenue par la chambre commerciale dans un arrêt du 24 novembre 1998
      • Faits
        • Un groupement agricole a subi un préjudice suite à la pollution d’une rivière par une société qui, par suite, fera l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
        • Cette société est déclarée responsable du préjudice causé au groupement agricole
        • Elle est notamment condamnée aux dépens et à l’article 700 (frais irrépétibles)
      • Demande
        • Le groupement agricole demande à l’administrateur que les dépens de première instance et d’appel ainsi que la somme due au titre de l’article 700 soient admis au rang des créances postérieures
      • Procédure
        • Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour d’appel de Rennes déboute l’administrateur de sa demande
        • Pour les juges du fond, il n’y a pas lieu de distinguer selon que les dépens et l’article 700 ont été octroyés avant ou après l’ouverture de la procédure, dans la mesure où leur fait générateur se situe antérieurement au jugement d’ouverture, soit au moment où l’action a été introduite par le groupement
      • Moyens
        • L’auteur du pourvoi soutient que la créance de dépens et d’article 700 est née postérieurement à l’ouverture de la procédure soit au moment du prononcé du jugement dans lequel ils sont octroyés au groupement agricole.
        • Or le jugement a bien été prononcé postérieurement à l’ouverture de la procédure
      • Solution
        • Par un arrêt du 24 novembre 1998, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le créancier
        • Elle estime que « la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d’ouverture dès lors qu’elles sont nées de l’action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d’en fixer le montant»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale, la qualification de la créance de dépens et d’article 700 est adossée à celle de la créance principale.
        • Si cette dernière naît avant le jugement d’ouverture, les créances de dépens et de frais irrépétibles sont soumises au régime des créances antérieures.
        • Dans le cas contraire, elles endossent la qualification de créances postérieures.

Cass. Com. 24 nov. 1998
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt déféré (Rennes, 22 juin 1994) et les productions, que le groupement agricole d'exploitation en commun de la Morinais (le GAEC), qui a subi des dommages à la suite de la pollution d'une rivière, a engagé diverses procédures en vue de rechercher la responsabilité de la société Entreprise redonnaise de réparations électriques (société ERRE) et d'obtenir réparation de son préjudice ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société ERRE devenue la Société européenne de transformateurs (la SET), le Tribunal, qui a constaté l'intervention volontaire de l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et du représentant de ses créanciers, a déclaré cette société et son dirigeant, M. X..., pris à titre personnel, responsables du préjudice subi par le GAEC, a fixé la créance de ce dernier à l'égard de la SET, a fixé à 10 000 francs la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a dit que les dépens seront supportés in solidum par la SET et M. X... ; que la cour d'appel, statuant sur le recours formé contre ce jugement, l'a confirmé en toutes ses dispositions et, y ajoutant, a dit que les dépens d'appel seront supportés in solidum par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET et M. X... ; que le GAEC a demandé que les dépens de première instance et d'appel ainsi que la somme due au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile lui soient payés par l'administrateur du redressement judiciaire de la SET en application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que le GAEC reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, que les créances de dépens et celles résultant de la mise en oeuvre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 bénéficient du régime instauré par ledit article, spécialement lorsque le ou les instances en cause ont été reprises par l'administrateur de la procédure collective ; que tel était le cas en l'espèce, ainsi que le GAEC, appelant, le faisait valoir dans ses écritures circonstanciées ; qu'en refusant de dire et juger que les frais de dépens litigieux bénéficieraient du privilège de l'article 40 précité, au motif qu'il n'y a pas lieu de distinguer les frais engagés postérieurement au jugement d'ouverture pouvant bénéficier du rang des dettes de l'article 40 et des autres, en sorte que l'ensemble des frais engagés pour parvenir à rendre la décision définitive est à inclure dans la déclaration de créance à inscrire au passif, excepté les frais engagés par les mandataires judiciaires depuis leur nomination, la cour d'appel a statué sur le fondement de motifs erronés et a ainsi violé, par refus d'application, l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel devait, à tout le moins, faire le départ entre les frais et dépens visés antérieurement et ceux visés postérieurement au jugement déclaratif, les organes de la procédure collective ayant repris à leur compte la procédure pendante devant le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, pour se prononcer pertinemment sur ceux susceptibles de bénéficier du régime de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en refusant de procéder de la sorte, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article précité ;

Mais attendu que la créance de dépens et les sommes allouées au GAEC en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ont, comme la créance principale elle-même, leur origine antérieurement au jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont nées de l'action engagée avant ce jugement et poursuivie après lui contre la SET et les organes de la procédure collective en vue de faire constater cette créance principale et d'en fixer le montant ; qu'ainsi la cour d'appel, qui a exactement énoncé qu'il n'y avait pas lieu de distinguer selon que les frais avaient été engagés avant ou après le jugement d'ouverture, n'a pas violé l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, inapplicable en la cause ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

    • Seconde étape
      • Dans un arrêt remarqué du 12 juin 2002, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « la créance des dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l’article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective»
      • Ainsi, pour la chambre commerciale, la qualification des créances de dépens et d’article 700 ne doit plus être déterminée en considération de la date de naissance de la créance de condamnation principale
      • Les créances accessoires à la condamnation doivent, en toute hypothèse, échapper à la qualification de créances antérieures, dès lors que la décision de condamnation est rendue postérieurement au jugement d’ouverture.
      • Dans un arrêt du 7 octobre 2009, la Cour de cassation a confirmé cette solution en précisant que « la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile mise à la charge du débiteur trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre dans les prévisions de l’article L. 622 17 du code de commerce (ancien article L. 621 32), lorsque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective» ( com. 7 oct. 2009)

Cass. com. 12 juin 2002
Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 14 décembre 1999), que la société Schwind (la société) ayant été mise en redressement judiciaire le 4 juin 1996, l'URSSAF du Bas-Rhin a déclaré une créance qui a été contestée ;

Et sur les deuxième et troisième moyens réunis :

Attendu que la société reproche à l'arrêt, qui l'a condamnée à payer à l'URSAFF une somme de 3 000 francs au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens, d'avoir dit que cette indemnité et les dépens de l'URSSAF seraient employés en frais privilégiés de procédure collective, alors, selon le moyen, que les créances de dépens obtenues à l'issue d'une action tendant à faire admettre une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, sont des créances antérieures car elles se rattachent à la créance contestée par l'action, de sorte qu'elles peuvent seulement être admises au passif du débiteur et à la condition qu'elles aient fait l'objet d'une déclaration régulière ; qu'en condamnant la procédure collective à payer les dépens, la cour d'appel a violé les articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la créance des dépens et des frais résultant de l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, mis à la charge du débiteur, trouve son origine dans la décision qui statue sur ces dépens et frais et entrent dans les prévisions de l'article L. 621-32 du Code de commerce lorsque cette décision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

==> Les créances sociales

La qualification des créances sociales a fait l’objet d’un abondant contentieux, notamment en ce qui concerne la détermination du fait générateur de l’indemnité de licenciement.

Dans un arrêt du 16 juin 2010, la chambre sociale a considéré que le fait générateur de l’indemnité de licenciement résidait, non pas dans la conclusion du contrat de travail, mais dans la décision de licenciement.

Cass. soc. 16 juin 2010
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 2 juin 2008), que M. X..., employé par la société Cider santé (la société) a été licencié le 14 mai 2007 pour motif économique par le liquidateur, la société ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde puis de liquidation judiciaire par jugements successifs du tribunal de commerce des 17 janvier et 2 mai 2007 ; que les sommes représentant les droits du salarié au jour de la rupture de son contrat de travail n'ayant été garanties par l'assurance générale des salaires qu'en partie, le salarié a saisi le juge de l'exécution, qui a autorisé par ordonnances du 16 juillet 2007 deux saisies conservatoires entre les mains des sociétés Repsco promotion et Codepharma ; que Mme Y..., liquidateur de la société, a assigné le 12 septembre 2007 M. X..., la société Repsco promotion et la société Codepharma, devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de ces deux ordonnances ;

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt confirmatif de rejeter sa demande de mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par M. X... entre les mains des sociétés Codepharma et Repso promotion alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 641-13-I du code de commerce ne vise ni les créances nées pour les besoins de la procédure, ni les créances nées pour les besoins de la liquidation judiciaire parmi les créances assorties d'un privilège de procédure ; qu'en qualifiant l'indemnité due au salarié licencié postérieurement au prononcé de la liquidation judiciaire de son employeur de «créance née régulièrement pour les besoins de la procédure» pour affirmer que cette créance devait bénéficier d'un traitement préférentiel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2°/ que seules les créances nées pendant la poursuite provisoire de l'activité en liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de la procédure ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période bénéficient d'un privilège de procédure ; que tel n'est pas le cas de l'indemnité due au salarié, licencié pour motif économique en raison du prononcé, sans poursuite d'activité, de la liquidation judiciaire de son employé ; qu'en élisant néanmoins une telle créance à un rang privilégié aux motifs erronés qu' «il n'y avait pas lieu de distinguer entre créance indemnitaire liée à la rupture du contrat de travail et créance de salaire lorsque ces créances sont nées après l'ouverture de la procédure collective», la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 641-13-I du code de commerce ;

Mais attendu que relèvent notamment du privilège institué par l'article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que le licenciement de M. X... avait été prononcé par le liquidateur conformément à ses obligations dans le cadre de la procédure collective en cours, en a exactement déduit que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu'en conséquence, elles relevaient de l'article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l'activité ait cessé immédiatement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Faits
    • Un salarié est licencié pour motif économique par le liquidateur de la société qui l’employait.
    • Cette société faisait l’objet, au moment du licenciement, d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Afin d’obtenir le paiement de ses indemnités, non garanties par l’AGS, le salarié demande au JEX l’autorisation de pratiquer deux saisies conservatoires sur les comptes de son ex-employeur
  • Demande
    • Le liquidateur de la société demande la rétractation des deux ordonnances autorisant la réalisation des saisies demandées par le salarié
  • Procédure
    • Par un arrêt du 2 juin 2008, la Cour d’appel de Versailles déboute le liquidateur de sa demande
    • Pour les juges du fond, dans la mesure où le licenciement a été prononcé dans le cadre de la procédure collective, soit postérieurement au jugement d’ouverture, la créance d’indemnité de licenciement pouvait être admise au rang des créances privilégiées.
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 juin 2010, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur
    • La chambre sociale considère que « relèvent notamment du privilège institué par l’article L. 641-13-I du code de commerce, dans sa rédaction en vigueur au jour du licenciement, les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire, pour les besoins du déroulement de la procédure»
    • Or elle constate que le licenciement du salarié a été prononcé dans le cadre de la procédure collective en cours.
    • Il en résulte pour elle que « les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, et qu’en conséquence, elles relevaient de l’article L. 641-13-I du code de commerce, peu important que l’activité ait cessé immédiatement ».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que les créances indemnitaires résultant de la rupture du contrat de travail étaient nées régulièrement après le jugement prononçant la liquidation judiciaire pour les besoins du déroulement de cette procédure, elles échappaient à la qualification de créance antérieure, à la faveur du régime des créances privilégiées.

==> Les créances fiscales

Le fait générateur d’une créance fiscale est différent selon le type d’impôt auquel est assujetti le débiteur.

En toute hypothèse, la date qui est le plus souvent retenue pour déterminer si une créance fiscale endosse ou non la qualification de créance antérieure est le jour de son exigibilité.

  • S’agissant de l’impôt sur le revenu
    • La Cour de cassation a estimé que la date qui doit être prise en compte, ce n’est pas le jour de perception du revenu, mais l’expiration de l’année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus.

Cass. com. 14 janv. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 janvier 2001), que par jugement du 21 juillet 1994, M. X... a été mis en liquidation judiciaire ; que le trésorier principal de Bagneux a décerné le 15 février 1996 à l'employeur de Mme X... un avis à tiers détenteur relatif à l'impôt sur les revenus de l'année 1994 des époux X..., dont ceux-ci ont demandé la mainlevée au juge de l'exécution ;

Et sur le moyen unique du pourvoi formé par Mme X..., pris en ses deux branches :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation et de mainlevée de l'avis à tiers détenteur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en estimant que la créance du trésorier principal de Bagneux au titre de l'impôt sur le revenu dû par les époux X... pour l'année 1994 était postérieure à l'ouverture de la procédure collective ouverte le 21 juin 1994 à l'encontre de M. X..., dès lors que les impositions n'avaient été mises en recouvrement que le 31 juillet 1995, sans rechercher si le Trésor public n'était pas tenu de déclarer à titre provisionnel sa créance au passif de la procédure collective, la cour d'appel a privé sa décision de tout fondement légal au regard des articles 47 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-40 et L. 621-43 du Code du commerce ;

2 / que dans leurs conclusions signifiées le 2 février 2000, M. et Mme X... faisaient valoir que le dessaisissement de M. X... consécutif à la liquidation judiciaire de ses biens interdisait toute poursuite exercée sur les biens communs des époux, soit en l'occurrence sur les gains et salaires de Mme X... ; qu'en estimant que la procédure collective ouverte à l'égard de M. X... laissait subsister l'obligation distincte pesant sur son épouse, codébitrice solidaire de l'impôt sur le revenu, sans répondre aux conclusions des époux X... faisant valoir que les biens communs des époux ne pouvaient en toute hypothèse faire l'objet de poursuite, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le fait générateur de l'impôt sur les revenus résultant de l'expiration de l'année au cours de laquelle ces revenus ont été perçus, l'arrêt, répondant aux conclusions prétendument délaissées, retient exactement que la créance du Trésor public au titre de l'impôt sur les revenus perçus par les époux X... au cours de l'année 1994 était postérieure à l'ouverture, le 21 juin 1994, de la procédure collective de M. X... et que le comptable du Trésor chargé du recouvrement pouvait poursuivre individuellement le débiteur sur ses biens ; que la cour d'appel, qui n'avait pas à se livrer à la recherche inopérante visée à la première branche, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

DECLARE irrecevable le pourvoi formé par M. X... ;

REJETTE le pourvoi formé par Mme X... ;

  • S’agissant de l’impôt sur les sociétés
    • La Cour de cassation a statué dans le même sens, en considérant que « le fait générateur de l’impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l’exercice comptable et non pas de la perception des impôts »

Cass. com., 16 déc. 2008
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 11 décembre 2007), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, 28 novembre 2006, pourvoi n° 05-13.708 ) que la société à responsabilité limitée Network music group (la société) a fait l'objet, le 20 août 1997, d'un jugement de redressement judiciaire, puis, le 5 mai 1998, d'un plan de continuation ; qu'à la suite de la mise en recouvrement, les 31 août et 30 novembre 1998, de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1997 et de la contribution de 10 % y afférente, le trésorier principal de Boulogne-Billancourt (le trésorier) a, en application des dispositions de l'article L. 621-32 du code de commerce, demandé à l'administrateur le règlement de cette créance fiscale due par la société ; que contestant le caractère privilégié de la créance du Trésor, la société a assigné le trésorier et le commissaire à l'exécution du plan ès qualités devant le tribunal de commerce, pour en obtenir le remboursement, motif pris de ce qu'elle était née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de remboursement de l'impôt sur les sociétés et de la contribution de 10 % y afférente, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en application des articles 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code, dans leur rédaction alors en vigueur, l'impôt sur les sociétés et la contribution supplémentaire y afférente, dus au titre d'un exercice donné, lequel correspond à une période de 12 mois mais ne coïncide pas nécessairement avec l'année civile, sont réglés spontanément par le contribuable sous forme d'acomptes trimestriels et sans émission d'un avis d'imposition, au plus tard le 20 février, le 20 mai, le 20 août et le 20 novembre de cet exercice et ce, à compter de la date de clôture de l'exercice précédent; que le solde de cet impôt et de son complément doit lui-même être acquitté spontanément par le redevable en même temps qu'il souscrit sa déclaration de résultats de l'exercice considéré c'est-à-dire, dans les trois mois de la clôture de l'exercice ou si aucun exercice n'est clos au cours d'une année, avant le 1er avril de l'année suivante ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés résulte de l'expiration de l'année au cours de laquelle les bénéfices sont perçus, bien qu'il soit exigible trimestriellement dans les conditions susvisées et que la date de son fait générateur ne puisse être postérieure à sa date d'exigibilité, les juges d'appel ont purement et simplement violé les textes susvisés ;

2°/ que l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu ne sont pas dus et versés dans des conditions identiques ; que l'impôt sur les sociétés est payé spontanément, par voie d'acomptes, tandis que le paiement de l'impôt sur le revenu est précédé de l'émission d'un avis d'imposition ; que la circonstance que les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés soient déterminés dans les mêmes conditions que les bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application de l'article 209 du code général des impôts est sans incidence sur le fait générateur et les conditions d'exigibilité de l'impôt sur les sociétés qui demeurent différents de ceux de l'impôt sur le revenu ; qu'en assimilant les conditions dans lesquelles l'impôt sur les sociétés est dû avec celles de l'impôt sur le revenu sous prétexte que les modalités de calcul des bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés et des bénéfices passibles de l'impôt sur le revenu étaient identiques, les juges d'appel ont encore violé les dispositions des articles 12, 209, 1668 et 1668 B du code général des impôts et des articles 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

3°/ que les acomptes d'impôt sur les sociétés dus au Trésor public antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et non acquittés, constituent des créances nées antérieurement à cette décision, qui ne peuvent donc être réglées postérieurement et doivent donner lieu à une déclaration du Trésor public en application de l'article L. 621-43 du code de commerce ; qu'en considérant que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés est l'expiration de l'année et non la perception des bénéfices et qu'il n'y avait pas lieu de mettre à part les sommes nées de l'activité de la société antérieure à l'ouverture de la procédure collective, bien que l'impôt sur les sociétés soit exigible au cours de l'exercice de réalisation des bénéfices et doive être réglé spontanément par voie d'acomptes, les juges d'appel ont violé les articles L. 621-24, L. 621-32 et L. 621-43 du code de commerce alors en vigueur ainsi que les articles 1668, 1668 B du code général des impôts et 358 à 366 I de l'annexe III à ce code ;

Mais attendu qu'en matière de procédure collective, la date du fait générateur de l'impôt permet de déterminer si la créance doit être déclarée au titre de l'article L. 621-43 du code de commerce ou si son recouvrement peut être poursuivi au titre de l'article L. 621-32 du même code ; que, c'est à bon droit, que la cour d'appel a retenu que le fait générateur de l'impôt sur les sociétés et la taxe y afférente résulte, en application des articles 36, 38 et 209 du CGI, de la clôture de l'exercice comptable et non pas de la perception des impôts, et, après avoir constaté que le principe de la créance des impôts en cause était né au 31 décembre 1997, soit après l'ouverture de la procédure collective, en a déduit que celle-ci relevait de l'article L. 621-32 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • S’agissant de la TVA
    • L’article 269, 1, a) du Code général des impôts prévoit que le fait générateur de la TVA assise sur des prestations de service est, sauf cas particuliers, l’exécution de la prestation en cause et celui de la TVA assise sur une vente est, toujours sous réserve de situations spécifiques, la date de livraison.

==> Créance de dépollution

Dans un arrêt du 17 septembre 2002, la Cour de cassation a estimé que la créance de dépollution naît « de l’arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d’ouverture »

Autrement dit, cette créance dont est titulaire le Trésor a pour fait générateur la décision du préfet ordonnant qu’une somme d’argent soit consignée en vue du financement de la remise en état du site pollué.

Dans un arrêt du 19 novembre 2003, la Cour de cassation a semblé revenir sur sa décision en retenant comme fait générateur de la créance la date de fermeture du site (Cass. com. 19 nov. 2003).

La portée de cette jurisprudence est toutefois incertaine pour les auteurs.

Cass. com. 17 sept. 2002
Sur le premier moyen :

Vu les articles 40 et 50 de la loi du 25 janvier 1985, ainsi que l'article 23 de la loi du 19 juillet 1976 ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Société d'utilisation du phénol (la société SUP), exploitante d'une installation classée, a été mise en redressement judiciaire le 6 janvier 1994, puis en liquidation judiciaire ;

que le liquidateur, M. X..., n'ayant pas déféré à une mise en demeure de remettre le site en l'état, le préfet lui a ordonné le 8 septembre 1995, par application du troisième texte susvisé, de consigner une somme répondant des travaux à réaliser ; que le liquidateur a soutenu que, n'ayant pas été déclarée à la procédure collective, cette créance du Trésor était éteinte ;

Attendu que pour déclarer éteinte la créance du Trésor et accueillir la demande de restitution de la somme consignée présentée par le liquidateur de la société SUP, la cour d'appel a retenu que l'activité de celle-ci était nécessairement arrêtée le jour de la liquidation judiciaire ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance du Trésor était née de l'arrêté préfectoral ordonnant la consignation, postérieur au jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 mars 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

?) Les créances contractuelles

La question de la date de naissance des créances contractuelles n’est pas sans poser un certain nombre de difficultés en matière de procédures collectives.

En principe, les créances contractuelles ont pour fait générateur la date de conclusion du contrat, soit, selon le principe du consensualisme, au jour de la rencontre des volontés.

Cette conception volontariste du contrat devrait, en toute logique, conduire à ne qualifier de créances antérieures que les obligations résultant d’un contrat conclu antérieurement au jugement d’ouverture.

En raison néanmoins du caractère dérogatoire du droit des entreprises en difficulté et des objectifs spécifiques qu’il poursuit, il est des cas où cette conception du fait générateur de la créance contractuelle est remise en cause, à tout le moins est envisagée sous un autre angle.

Au fond, comme le soulignent certains auteurs, tant l’article L. 622-17, qui régit les créances antérieures, que l’article L. 622-13 relatif aux créances postérieures, se prononcent moins sur le fait générateur, que sur le régime qui leur est applicable.

Aussi, le droit des entreprises en difficulté ne remettrait nullement en cause l’approche civiliste du fait générateur des créances contractuelles.

La date du contrat permettrait donc toujours de déterminer le caractère antérieur ou postérieur de la créance et, ce faisant, le régime normalement applicable à la créance à condition toutefois, et là résiderait la particularité du droit des entreprises en difficulté, qu’aucune disposition spécifique ne vienne soumettre cette créance à un régime distinct de celui qui devrait lui être naturellement applicable.

Comme en matière de créance extracontractuelle, c’est également au cas par cas qu’il convient ici de raisonner.

==> Créance résultant d’un contrat de vente

  • Principe
    • Dans un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation a estimé que la créance résultant d’un contrat de vente avait pour fait générateur, non pas la date de conclusion du contrat, mais le jour de son exécution.

Cass. com. 15 févr. 2000
Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par ordonnance du 6 septembre 1994, le juge-commissaire du redressement judiciaire de la société SIAQ a admis la créance de la société Etudes et réalisations graphiques (société ERG), à titre chirographaire, pour une certaine somme, tandis que la société ERG soutenait que sa créance était née de la poursuite de l'activité et relevait de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour dire que la créance de la société ERG, correspondant à une commande passée avant le redressement judiciaire de la société SIAQ et livrée à celle-ci postérieurement au jugement d'ouverture, ne relevait pas de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, l'arrêt énonce que " le fait que cette prestation ait profité à la société SIAQ après l'ouverture de la procédure importe peu, dès lors que l'accord des parties sur la réalisation de la commande, qui fige les obligations respectives des parties et fait naître l'obligation au paiement, est intervenu avant la procédure collective " ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse.

  • Faits
    • Contrat de vente conclu entre deux sociétés
    • Entre la conclusion du contrat et la livraison de la marchandise, la société acheteuse est placée en redressement judiciaire
    • La société vendeuse n’est donc pas payée
    • Tandis que le juge-commissaire considère qu’il s’agit là d’une créance antérieure, le vendeur estime que sa créance est née de la poursuite de l’activité
  • Demande
    • Le vendeur se prévaut du bénéfice de l’article 40 de la loi du 25 janvier 85, soit du régime des créanciers privilégiés
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 mai 1996, la Cour d’appel d’Agen déboute le vendeur de sa demande
    • Les juges du fond estiment que le contrat de vente a été conclu antérieurement à l’ouverture de la procédure, de sorte que la créance revendiquée ne saurait être admise au rang des créances privilégiées
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 février 2000, la Cour de cassation, casse l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que le fait générateur de l’obligation de paiement ce n’est pas la conclusion du contrat de vente, mais la délivrance de la chose achetée
    • Or en l’espèce, la délivrance a eu lieu postérieurement au jugement d’ouverture.
    • La créance du vendeur, peut donc bien être admise au rang des créances privilégiées
  • Analyse
    • De toute évidence, la solution retenue ici par la Cour de cassation est totalement dérogatoire au droit commun
    • Techniquement la créance nait bien, comme l’avait affirmé la Cour d’appel, au jour de la conclusion du contrat !
    • C’est la rencontre des volontés qui est créatrice d’obligations et non la délivrance de la chose
    • Tel n’est pas ce qui est pourtant décidé par la Cour de cassation
    • Pour la chambre commerciale c’est l’exécution de la prestation qui fait naître la créance
    • Le droit de revendication du vendeur de meuble dessaisi est manifestement sacrifié sur l’autel du droit des procédures collectives.
    • Cette solution est appliquée de manière générale à tous les contrats à exécution successive
  • Exceptions
    • Contrat de vente immobilière
      • Dans cette hypothèse, la qualification de la créance dépend, non pas de la remise des clés de l’immeuble, mais de son transfert de propriété.
      • Dans un arrêt du 1er février 2000, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le contrat de vente de l’immeuble dont l’une des clauses subordonne le transfert de propriété au paiement intégral du prix est un contrat de vente à terme n’incluant pas un prêt et que ce contrat était en cours lors de l’ouverture de la procédure collective, une partie du prix restant à payer» ( com. 1er févr. 2000).
    • Garantie des vices cachés
      • Dans l’hypothèse où le débiteur endosse la qualité, non plus de vendeur, mais d’acheteur, la créance de garantie des vices cachés a pour fait générateur la date de conclusion du contrat.
      • Cette solution a été consacrée dans un arrêt du 18 janvier 2005.
      • La Cour de cassation a considéré dans cette décision que « la créance née de la garantie des vices cachés a son origine au jour de la conclusion de la vente et non au jour de la révélation du vice» ( com. 18 janv. 2005)

==> Créance résultant d’un contrat à exécution successive

En matière de contrat à exécution successive, la Cour de cassation considère que le fait générateur de la créance réside, non pas dans la date de conclusion du contrat, mais au jour de la fourniture de la prestation caractéristique.

  • Pour le contrat de travail
    • Le fait générateur de la créance de salaire réside dans l’exécution de la prestation de travail.
    • Dans un arrêt du 8 novembre 1988 la Cour de cassation considère, par exemple, que « après avoir retenu exactement que les dispositions relatives à l’exigibilité des cotisations ne pouvaient prévaloir sur celles de la loi du 25 janvier 1985 qui interdisent de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture du redressement judiciaire, le jugement constate que les cotisations réclamées se rapportaient à des salaires perçus pour une période de travail antérieure à l’ouverture de la procédure collective ; qu’en l’état de ces énonciations, c’est à bon droit que le tribunal a décidé qu’une telle créance était née antérieurement au jugement d’ouverture et que, par suite, peu important l’époque à laquelle les salaires correspondants avaient été payés, l’acte tendant à obtenir paiement de cette créance devait être annulé» ( com. 8 nov. 1988).
  • Pour le contrat de bail
    • Le fait générateur de la créance de loyer réside quant à elle dans la jouissance de la chose
    • Dans un arrêt du 28 mai 2002, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « la redevance prévue par un contrat à exécution successive poursuivi par l’administrateur est une créance de la procédure pour la prestation afférente à la période postérieure au jugement d’ouverture et constitue une créance née antérieurement au jugement d’ouverture pour la prestation afférente à la période antérieure à ce jugement et soumise à déclaration au passif» ( com. 28 mai 2002)

==> Créance résultant d’un contrat de prêt

Bien que la jurisprudence tende désormais à considérer que le contrat de prêt constitue, non plus un contrat réel, mais un contrat consensuel, en matière de procédure collective, la cour de cassation estime toujours que la qualification endossée par la créance de remboursement est déterminée par la date de déblocage des fonds.

En matière d’ouverture de crédit, la chambre commerciale a estimé que, en ce qu’elle constitue une promesse de prêt, elle « donne naissance à un prêt, à concurrence des fonds utilisés par le client » (Cass. com. 21 janv. 2004).

==> Créance résultant d’un contrat de cautionnement

L’hypothèse visée ici est la situation où la caution, après avoir été actionnée en paiement par le créancier, se retourne contre le débiteur principal.

Elle dispose contre ce dernier de deux recours : un recours personnel et un recours subrogatoire.

  • En cas d’exercice par la caution de son recours subrogatoire
    • Dans cette hypothèse, la créance dont elle se prévaut la caution contre le débiteur n’est autre que celle dont était titulaire le créancier accipiens
    • La date de naissance de cette créance devrait, en conséquence, être déterminée selon les règles applicables à cette créance
  • En cas d’exercice par la caution de son recours personnel
    • Recours de la caution contre le débiteur
      • La détermination du fait générateur de la créance invoquée par la caution est ici plus problématique.
      • Deux approches sont envisageables
        • On peut considérer que la créance a pour fait générateur la conclusion du contrat
        • On peut également estimer que cette créance naît du paiement de la caution entre les mains du créancier accipiens.
      • Selon que l’on retient l’une ou l’autre approche, lorsque le jugement d’ouverture intervient entre la date de conclusion du contrat de caution et la date de paiement, la qualification de la créance sera différente.
      • Dans un arrêt du 3 février 2009, la Cour de cassation a opté pour la première approche.
      • Elle a, autrement dit, considéré que « la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l’article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution» ( com. 3 févr. 2009)

Cass. com. 3 févr. 2009
Sur le moyen relevé d'office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 2309 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que poursuivi en paiement des sommes dues par Mme X..., au titre d'un prêt dont il s'était rendu caution, M. de Y... (la caution), a, en application des dispositions de l'article 2309 du code civil , assigné celle-ci, qui avait été mise en liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, en paiement de la somme mise en recouvrement contre lui ;

Attendu que, pour déclarer l'action de la caution recevable et condamner Mme X... à lui payer une certaine somme, l'arrêt retient que l'action indemnitaire est née postérieurement à la clôture de la procédure collective de la débitrice principale puisque l'assignation en paiement de la banque à l'encontre de la caution a été délivrée le 16 novembre 1990 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance de la caution qui agit avant paiement contre le débiteur principal, sur le fondement de l'article 2309 du code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution et que l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 ne permet pas aux créanciers, de recouvrer l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, sauf dans les cas prévus aux articles 169, alinéa 2, et 170 de cette même loi, la cour d'appel, qui a constaté que l'engagement de caution était du 30 janvier 1984 et que la liquidation judiciaire de Mme X... avait été clôturée le 28 février 1990 pour insuffisance d'actif, a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 avril 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

  • Recours de la caution contre ses cofidéjusseurs
    • Dans un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation a retenu une solution identique à celle adoptée dans l’arrêt du 3 février 2009.
      • Faits
        • Une banque consent un prêt à une société
        • En garantie, deux associés souscrivent à un cautionnement en faveur de la banque
        • L’un des associés caution cède ses parts sociales à l’autre
        • La société est par suite placée en liquidation judiciaire
        • La caution qui avait cédé ses parts règle à la banque la créance à hauteur du montant déclarée à la procédure
        • La caution se retourne alors contre le commissaire d’exécution au plan afin que lui soit réglée la part due par son ex-coassocié décédé entre-temps
      • Demande
        • La caution qui a réglé la dette principale réclame à l’administrateur le paiement de la part dû par les ayants droit de son cofidéjusseur
      • Procédure
        • Par un arrêt du 2 octobre 2001, la Cour d’appel de Besançon accède à la requête de la caution
        • Les juges du fond estiment que dans la mesure où l’action contre le cofidéjusseur ne naît qu’à partir du moment où l’un d’eux a réglé la dette principale, la créance de la caution naît au jour du paiement de la dette principale
      • Solution
        • Par un arrêt du 16 juin 2004, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel
        • Elle considère que « la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l’article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l’engagement de caution»
        • Aussi, la Cour de cassation reproche-t-elle à la Cour d’appel d’avoir pris comme fait générateur de la créance le paiement de la dette principale par la caution.
        • Pour elle, dans la mesure où la souscription du cautionnement a eu lieu antérieurement au jugement d’ouverture, la créance de la caution n’est pas éligible au rang des créances privilégiées.
      • Analyse
        • La solution adoptée par la Cour de cassation ne s’impose pas avec évidence.
        • Car au fond, cette position revient à dire que, au moment où elle s’engage envers le créancier, la caution acquiert :
          • D’une part, la qualité de débiteur accessoire de la dette principale
          • D’autre part, la qualité de créancier chirographaire antérieur quant au recours qui lui est ouvert par le code civil contre son ou ses cofidéjusseurs
        • Au total, il semble désormais être acquis que le recours personnel de la caution, qu’il soit dirigé contre un cofidéjusseur soumis à une procédure collective ou contre le débiteur principal soumis à une procédure collective, naît au jour de la signature du contrat de cautionnement.

Cass. com. 16 juin 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 15 mars 1986, l'Union des banques régionales (la banque) a consenti un prêt à la société La Lizaine (la société), avec pour garantie le cautionnement solidaire de MM. X... et Y..., associés de la société ; que, le 31 janvier 1988, M. Y... a cédé à M. X... l'ensemble de ses parts sociales ; que la société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a déclaré sa créance qui a été admise pour un certain montant ;

que M. X... a été mis en redressement judiciaire à la suite duquel un plan de cession a été arrêté, M. Z... étant nommé commissaire à l'exécution du plan ; que M. Y... ayant réglé, en sa qualité de caution, une somme de 50 000 francs pour solde de la créance de la banque, a assigné M. X... en remboursement de cette somme ; que M. Z..., ès qualités, est intervenu à l'instance ; que M. X... est décédé le 4 mars 1998 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y... alors, selon le moyen, qu'aucune des parties, à qui il appartenait de fixer les termes du litige, n'avait demandé à la cour d'appel de condamner M. Z..., ès qualités, à payer la somme de 25 000 francs à M. Y... ; qu'en prononçant cette condamnation, la cour d'appel a violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des conclusions récapitulatives déposées par M. Y... le 20 mai 1999 que ce dernier a sollicité la condamnation de M. Z..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, à lui payer une somme de 50 000 francs en application de l'article 2033 du Code civil ; que le moyen manque en fait ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 40 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L.621-32 du Code de commerce ;

Attendu que la créance de la caution qui a payé la dette et qui agit contre son cofidéjusseur sur le fondement de l'article 2033 du Code civil, prend naissance à la date de l'engagement de caution;

Attendu que pour condamner M. Z..., commissaire à l'exécution du plan de M. X..., décédé, à payer 25 000 francs à M. Y..., l'arrêt retient que s'agissant de rapports entre deux cautions, et non entre une caution et le débiteur principal, M. Y... ne disposait d'aucune action avant d'avoir payé, ce par application de l'article 2033 du Code civil, que l'origine de sa créance est, dès lors, postérieure à l'ouverture de la procédure collective de M. X..., de telle sorte que cette créance n'était pas soumise à l'obligation de déclaration ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir relevé que l'engagement de caution de M. Y... avait été souscrit avant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

2. Les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture

La loi de sauvegarde du 26 juillet 2005 a étendu le champ d’application du principe d’interdiction des paiements en incluant dans son giron les créances qui n’entrent pas dans la catégorie des créances dites privilégiées visées à l’article L. 622-17 du code de commerce.

L’article L. 622-17 les définit comme les créances « nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, le principe d’interdiction des paiements ne s’applique pas seulement aux créances nées antérieurement au jugement d’ouverture, il est également susceptible de s’appliquer aux créances postérieures.
  • D’autre part, pour être applicable à une créance née postérieurement au jugement d’ouverture, ladite créance ne doit pas être considérée comme privilégiée au sens de l’article L. 622-17 du Code de commerce

Aussi, afin d’apprécier l’étendue du champ d’application du principe d’interdiction des paiements, convient-il de déterminer ce que l’on doit entendre par créance privilégiée.

Il ressort de la définition posée à l’article L. 622-17 du Code de commerce qu’une créance privilégiée répond à trois critères cumulatifs qui tiennent

  • D’abord, à la date de naissance de la créance
  • Ensuite, à la régularité de la créance
  • Enfin, à l’utilité de la créance

a) L’exigence de postériorité de la créance au jugement d’ouverture

Pour être qualifiée de privilégiée, la créance doit nécessairement être née postérieurement au jugement d’ouverture.

Dans ces conditions, la détermination de la date de naissance de la créance présentera un intérêt majeur.

Dès lors que la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture, elle est imperméable à la qualification de créance privilégiée.

Afin de déterminer si une créance est postérieure, il conviendra alors de raisonner dans les mêmes termes que pour les créances antérieures.

b) L’exigence de régularité de la créance

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise les créances nées régulièrement après l’ouverture de la procédure.

Que doit-on entendre par l’expression « nées régulièrement » ?

Le législateur a entendu viser ici les créances nées conformément aux règles de répartition des pouvoirs entre les différents organes de la procédure.

Pour mémoire, selon la nature de la procédure dont fait l’objet le débiteur, l’administrateur, lorsqu’il est désigné, sera investi d’un certain nombre de pouvoirs, qu’il exercera, parfois, à titre exclusif.

En matière de procédure de sauvegarde, l’article L. 622-1 du Code de commerce prévoit par exemple que si « l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant […] lorsque le tribunal désigne un ou plusieurs administrateurs, il les charge ensemble ou séparément de surveiller le débiteur dans sa gestion ou de l’assister pour tous les actes de gestion ou pour certains d’entre eux. »

Lorsqu’il s’agit d’une procédure de liquidation judiciaire, le débiteur sera complètement dessaisi de son pouvoir de gestion de l’entreprise à la faveur de l’administrateur (art. L. 641-9 C. com.)

Ainsi, la créance régulière est celle qui résulte d’un acte accompli en vertu d’un pouvoir dont était valablement investi son auteur.

A contrario, une créance sera jugée irrégulière en cas de dépassement de pouvoir par le débiteur ou l’administrateur.

Pour apprécier la régularité d’une créance il faut alors distinguer selon que la créance est d’origine contractuelle ou délictuelle

==> Les créances contractuelles

  • Pour les créances nées de la conclusion d’un contrat
    • La créance naît régulièrement si le contrat a été conclu par un organe qui était investi du pouvoir d’accomplir l’acte.
    • Pour les actes de gestion courante, le débiteur dispose de ce pouvoir en matière de procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
  • Pour les créances nées de l’exécution d’un contrat en cours
    • Lorsqu’une décision de continuation a été prise
      • La créance ne peut naître régulièrement qu’à la condition que le contrat ait été poursuivi en vertu d’une décision prise par la personne habilitée
      • Il s’agira
        • soit de l’administrateur lorsqu’il est désigné
        • soit du débiteur après avis conforme du mandataire
      • En matière de liquidation judiciaire, seul le liquidateur est investi de ce pouvoir.
    • Lorsqu’aucune décision de continuation n’a été prise
      • Lorsque la créance trouve son origine dans l’exécution d’un contrat en cours pour lequel aucune décision de continuation n’a été prise, la jurisprudence considère classiquement que cette absence de décision n’entache pas la régularité de la créance.
      • Il est, par ailleurs, indifférent que la décision prise ultérieurement soit favorable ou non à une continuation du contrat en cours (V. en ce sens com. 12 juill. 1994)
  • Cas particulier de la créance de salaire
    • Si, en principe, l’irrégularité de la créance s’apprécie au regard du dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur, il est un cas où cette règle est écartée
    • Dans un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation a, en effet, estimé que quand bien même une créance de salaire serait née irrégulièrement dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, elle pouvait, malgré tout, bénéficier du régime des créances privilégiées.

Cass. soc. 13 juill. 2010
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 621-32 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, bien que faisant l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, M. X... a continué d'exercer son activité et d'employer M. Y... qu'il avait engagé en qualité de manoeuvre avant l'ouverture de la procédure ; qu'ayant appris l'existence de la procédure collective, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'un rappel de salaires ;

Attendu pour rejeter cette demande, l'arrêt, qui prononce la résiliation du contrat de travail, retient que les créances dont M. Y... poursuit le paiement, nées de la poursuite d'activité de M. X... après sa liquidation judiciaire, ou de la résiliation du contrat postérieurement à la liquidation judiciaire, ne sont pas nées régulièrement après le jugement d'ouverture au sens de l'ancien article L. 621-32 du code de commerce, qu'elles se trouvent par conséquent hors procédure et que leur montant ne peut pas être fixé dans le cadre de la procédure collective ;

Qu'en statuant ainsi alors d'une part qu'en cas de liquidation judiciaire de l'employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l'a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l'activité, sans que puissent lui être opposés l'usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement, et alors, d'autre part, que l'article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Une société fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Alors que la procédure de liquidation est engagée, l’entreprise continue d’employer un salarié alors qu’aucune décision en ce sens n’ayant été prise par le liquidateur
  • Demande
    • Après avoir eu connaissance de la procédure de liquidation, le salarié saisit la juridiction prud’homale aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité de rupture de son contrat de travail et un rappel de salaire.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 octobre 2007 la Cour d’appel de Montpellier déboute le salarié de sa demande
    • Les juges du fond estiment que la créance invoquée par le salarié est née irrégulièrement, de sorte qu’il ne saurait se prévaloir du privilège consenti aux créanciers postérieurs
    • Pour la Cour d’appel, il s’agit donc d’une créance hors procédure, de sorte que le salarié ne peut, ni déclarer sa créance, ni en demander le paiement à l’échéance.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 juillet 2010, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article L. 621-32 du Code de commerce
    • La chambre sociale considère :
      • D’une part, qu’« en cas de liquidation judiciaire de l’employeur, le contrat de travail du salarié se poursuit de plein droit tant que le liquidateur ne l’a pas rompu, et que, sauf en cas de fraude, est opposable à la procédure collective la créance du salarié née de la poursuite illicite de l’activité, sans que puissent lui être opposés l’usage irrégulier de ses pouvoirs par le débiteur et la méconnaissance de son dessaisissement»
      • D’autre part, « que l’article L. 621-32 du code de commerce, alors applicable, ne concernait que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission au passif salarial»
    • Autrement dit, pour la haute juridiction, le salarié était parfaitement fondé à réclamer le paiement à échéance de sa créance.
    • Elle justifie sa solution en avançant deux arguments :
      • Premier argument
        • En cas de liquidation judiciaire, le contrat de travail du salarié se poursuivrait de plein droit
        • L’article L. 622-17, VI prévoit en ce sens que les contrats de travail échappent au pouvoir discrétionnaire de l’administrateur concernant la poursuite ou non des contrats en cours.
      • Second argument
        • La créance du salarié, même irrégulière, est opposable à la procédure collective car
          • D’une part, la violation en l’espèce des règles du dessaisissement du débiteur fautif n’est pas imputable au salarié
          • D’autre part, la créance invoquée par le salarié serait parfaitement régulière au regard de l’article L. 621-32 du Code de commerce applicable à la procédure de liquidation judiciaire puisque le contrat de travail n’a pas été rompu par le liquidateur.
  • Analyse
    • De toute évidence, la Cour de cassation se livre ici à une interprétation audacieuse de l’article L. 621-32.
    • En l’espèce, il y avait clairement un dépassement de pouvoir de la part du débiteur
    • Techniquement, la créance était donc bien irrégulière.
    • Aussi, en affirmant que la violation des règles de dessaisissement par le débiteur n’était pas imputable au salarié, la Cour de cassation ajouter une condition au texte.
    • L’article L. 621-32 ne prévoit nulle part qu’une créance peut être considérée comme régulière si le dépassement de pouvoir du débiteur ou de l’administrateur n’est pas imputable au créancier.
    • Lorsque, en outre, la chambre sociale ajoute que l’article L. 621-32 du Code ne concerne que les modalités de paiement des créances et non les conditions de leur admission, cette affirmation est, là encore, très critiquable.
    • Lorsque, en effet, cette disposition énonce qu’une créance doit être née régulièrement pour être opposable à la procédure et bénéficier d’un privilège de traitement, que fait-elle sinon poser une condition d’admission des créances ?
    • Ce ne sont pas des modalités de paiement dont il était question dans l’arrêt en l’espèce, mais bien de déterminer le bien-fondé du paiement d’une créance née postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Les créances extracontractuelles

Dans la mesure où, par définition, les créances délictuelles et quasi-délictuelles naissent de faits illicites, elles ne devraient, en toute logique, jamais pouvoir être considérées comme nées régulièrement.

Animée par un souci de protection du créancier et, plus encore, d’indemnisation des victimes de dommages causés par le débiteur, la jurisprudence a admis que ces créances puissent être admises au rang des créances privilégiées.

Dans un arrêt remarqué du 13 octobre 1998, la Cour de cassation a que la nature délictuelle d’une créance ne faisait pas obstacle à ce qu’elle puisse être née régulièrement « après le jugement d’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l’administrateur ».

Cass. com. 13 oct. 1998
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Attendu, selon l'arrêt déféré, que M. Michel Z... a été assigné, le 6 mai 1992, en contrefaçon et paiement de dommages-intérêts par M. Edouard Z... ; que sur l'assignation en intervention forcée délivrée à M. X..., liquidateur judiciaire de M. Michel Z... désigné par un jugement du 22 mai 1986, la cour d'appel a dit que la condamnation en paiement de dommages-intérêts portée contre M. Michel Z..., l'est contre M. Y..., son liquidateur judiciaire ;

Sur la fin de non-recevoir relevée par la défense : (sans intérêt) ;

Et sur le moyen :

Vu l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient que la créance délictuelle de M. Edouard Z... à l'encontre de M. Michel Z... est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 de sorte que M. Michel Z... étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation devra être prononcée contre M. Y..., ès qualités ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou, le cas échéant, de l'administrateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la condamnation pécuniaire portée par le jugement contre M. Michel Z... l'est contre M. Y..., liquidateur judiciaire de ce dernier, et en ce qu'il a condamné M. Michel Z... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

c) L’exigence d’utilité de la créance

Pour être qualifié de créance privilégiée, l’article L. 622-17, I du Code de commerce exige que la créance soit née « pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période ».

Cette exigence a été introduite par la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, complétée ensuite par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008.

L’objectif poursuivi par le législateur était de réduire le nombre des créances susceptibles de faire l’objet d’un paiement à échéance, les critères de postériorité et de régularité ayant été jugés insuffisamment sélectifs.

Cette restriction a notamment été suggérée par la Cour de cassation en 2002 dans son rapport annuel.

Selon elle, la priorité conférée à l’ensemble des créances postérieures au jugement d’ouverture était « de nature à rendre plus difficile le redressement de l’entreprise si trop de créanciers peuvent en profiter. Il paraît excessif que la créance fasse ainsi l’objet d’un paiement prioritaire du seul fait qu’elle est née après le jugement d’ouverture ; il serait plus favorable au redressement des entreprises que seules les créances nécessaires à la poursuite de l’activité après le jugement d’ouverture bénéficient d’un tel traitement de faveur ».

Fort de cette invitation à durcir les critères d’admission des créances privilégiées, le législateur en a créé un nouveau : le critère d’utilité.

Afin de déterminer ce que l’on doit entendre par ce nouveau critère il convient d’envisager d’abord la notion d’utilité après quoi nous aborderons l’appréciation de cette notion. Nous nous intéresserons, enfin, aux difficultés d’application qu’elle soulève.

?) La notion d’utilité de la créance

Pour être considérée comme utile au sens de l’article L. 622-17, I la créance doit être née :

  • Soit pour les besoins de la procédure en tant que telle
  • Soit pour les besoins de l’activité de l’entreprise

==> Les créances nées pour les besoins de la procédure

L’article L. 622-17, I du Code de commerce vise ici :

  • Les créances nées pour les besoins du déroulement de la procédure
    • Il s’agit essentiellement des frais de justice, des honoraires de l’administrateur, du mandataire, des avocats, des huissiers des commissaires-priseurs ou encore des frais d’expertise.
  • Les créances nées pour les besoins de la période d’observation
    • Il s’agit de tous les frais engagés par le débiteur nécessaires à la poursuite de l’activité de l’entreprise, notamment ceux engendrés par la continuation des contrats en cours.

==> Les créances nées pour les besoins de l’activité de l’entreprise

En premier lieu, il peut être observé que cette seconde catégorie de créances privilégiées tend à prendre en compte les cas dans lesquels, par exemple, une commande aurait été passée par le débiteur, donnant lieu à une prestation, mais que le mandataire judiciaire ou l’administrateur ne considérerait pas comme correspondant aux besoins de la procédure ou de la période d’observation.

Il n’y aurait là aucune justification à priver de telles créances d’un paiement prioritaire. D’où sa prise en compte par le législateur.

En second lieu, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2008-1345 du 18 décembre 2008, l’article L. 622-17, I du Code de commerce prévoyait que, étaient éligibles au statut des créances privilégiées, les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à leur échéance ».

Cette disposition vise désormais les créances nées « en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance. »

La précision « pour son activité professionnelle » a ainsi été supprimée de la version initiale du texte.

Cette suppression procède d’une volonté du législateur de ne pas limiter le bénéfice du privilège de priorité aux seules créances nées pour les pour besoins de l’activité professionnelles du débiteur.

Des créances nées en contrepartie d’une prestation étrangère à son activité professionnelle pourraient, en conséquence, être qualifiées de créances privilégiées.

Pour ce faire, elles n’en devront pas moins satisfaire à trois conditions cumulatives :

  • Une créance qui correspond à une prestation
    • Par prestation, il faut entendre la fourniture d’un bien ou d’un service.
    • Cette terminologie a été intégrée dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, de sorte qu’elle ne soulève dès lors plus de difficulté
  • Une créance née en contrepartie de la prestation
    • La créance doit consister en la contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
    • La fourniture de cette prestation doit avoir été utile
      • Soit à la procédure
      • Soit au maintien de l’activité de l’entreprise
    • En revanche, il est indifférent que le contrat à l’origine de la créance n’ait fait l’objet d’aucune décision de continuation dès lors qu’elle est née régulièrement.
  • Une créance née pendant la période d’observation
    • La créance ne peut accéder au rang de créance privilégiée que si elle est née pendant la période d’observation
    • Dès lors que la créance naît en dehors de cette période, quand bien même elle serait utile à la procédure où à la poursuite de l’activité, elle ne pourra pas bénéficier du privilège de priorité.
    • C’est là une exigence formelle posée par le texte.

?) L’appréciation de l’utilité de la créance

Une question a agité la doctrine : l’utilité de la créance doit-elle être appréciée en considération de l’acte qui en est à l’origine, ou au regard du bénéfice que le débiteur en retire ?

Les auteurs optent majoritairement pour la première option. Pour déterminer si créance utile pour la procédure ou pour le maintien de l’activité, il convient de se rapporter à son fait générateur.

Seules les circonstances de sa naissance sont à même de renseigner le juge sur l’opportunité de la décision prise par le débiteur.

Au fond, la question qui se pose est de savoir si l’acte d’où résulte la créance a été accompli dans l’intérêt de la procédure ou de l’entreprise.

?) Les difficultés d’application du critère

Les difficultés d’application du critère d’application du critère d’utilité concernent en particulier les créances fiscales et sociales.

Peut-on considérer que de telles créances présentent une utilité pour la procédure dans la mesure où elles conduisent, par nature, à aggraver la situation du débiteur ?

Dans un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation a admis qu’une créance dont se prévalait le RSI puisse bénéficier du statut de créance privilégiée.

Cass. com. 15 juin 2011
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 18 décembre 2008 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse nationale du régime social des indépendants Participations extérieures (la caisse) a fait signifier à la société ARDDI (la société) le 6 octobre 2008 une contrainte datée du 12 août 2008, portant sur la contribution sociale de solidarité et des sociétés et la contribution additionnelle 2007 assises sur le chiffre d'affaires de l'année 2006 ; que la société, qui a été mise en redressement judiciaire le 20 octobre 2006, a fait opposition à cette contrainte le 7 octobre 2008 ;

Attendu que pour annuler cette contrainte, l'arrêt retient que si la créance est bien une créance dont le fait générateur est intervenu postérieurement au jugement ouvrant la procédure collective, elle ne peut être considérée comme une créance née en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pour son activité professionnelle pendant cette période, ni comme une créance répondant aux besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, et qu'elle aurait dû faire l'objet d'une déclaration conformément à l'article L. 622-24, alinéa 5, du code de commerce ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l'activité de la société, entrent dans les prévisions de l'article L. 622-17 du code de commerce pour l'activité poursuivie postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;


PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée ;

  • Faits
    • Le RSI délivre une contrainte à une société en raison de cotisations sociales impayées en date du 6 octobre 2008
    • Depuis deux ans, la société faisait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire
  • Demande
    • Le débiteur revendique l’inopposabilité de la contrainte qui lui a été notifiée
  • Procédure
    • Par un arrêt du 6 avril 2010, la Cour d’appel de Nîmes accède à la requête du débiteur
    • Les juges du fond estiment la créance dont est porteuse la contrainte est certes postérieure à l’ouverture de la procédure collective
    • Toutefois, elle ne remplit pas les critères d’une créance prioritaire dans la mesure où :
      • D’une part, elle ne constitue pas la contrepartie d’une prestation fournie par le débiteur
      • D’autre part, elle n’est pas née pour les besoins de la procédure collective
    • La Cour d’appel en conclut que cette créance aurait dû faire l’objet d’une déclaration, ce qui n’a pas été fait.
    • La créance du RSI serait donc éteinte
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 juin 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
    • La Cour de cassation considère que la « contribution sociale de solidarité et la contribution additionnelle constituent pour les sociétés assujetties une obligation légale prévue par les articles L. 651-1 et L. 245-13 du code de la sécurité sociale et que les créances en résultant, qui sont inhérentes à l’activité de la société, entrent dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce pour l’activité poursuivie postérieurement à l’ouverture de la procédure collective»
    • Autrement dit, la créance dont se prévaut le RSI répondrait, en tous points, aux critères d’éligibilité du privilège de priorité
  • Analyse
    • La solution dégagée par la Cour de cassation est, en l’espèce, parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi.
    • Dans la mesure où le paiement des cotisations sociales est une obligation légale, il est absolument nécessaire que l’entreprise, quelle que soit sa situation, satisfasse à cette obligation à défaut de quoi elle s’expose à aggraver automatiquement son passif.
    • Rien ne justifie, en conséquence, que la créance de RSI ne puisse pas être qualifiée de créance privilégiée.

Ainsi, lorsqu’une créance résulte d’une obligation légale à laquelle est subordonné l’exercice de l’activité de l’entreprise, elle est parfaitement éligible au rang des créances privilégiées.

B) La condition tenant à l’auteur du paiement

 Pour mémoire, l’article L. 622-7, I dispose que « le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture »

Cette disposition ne précise pas si le principe d’interdiction des paiements s’applique uniquement au débiteur ou s’il est écarté lorsque la dette est éteinte du fait de l’intervention d’un tiers.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

==> La saisie-attribution d’une créance à exécution successive

Dans cette situation, le paiement de la dette du débiteur est effectué par un tiers-saisi vers lequel s’est tourné le créancier.

La question qui alors se pose est de savoir si le tiers-saisi peut valablement se libérer entre les mains du créancier s’agissant des créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture, à la même que le principe d’interdiction des paiements semble y faire obstacle.

Sur cette question, une divergence de position est née entre la chambre commerciale et la deuxième chambre civile, divergence à laquelle il a été mis un terme par la chambre mixte.

  • La position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 17 mai 2001, la chambre commerciale a admis qu’une saisie-attribution produisait un effet sur les créances de loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture ( com., 17 mai 2001),
  • La position de la deuxième chambre civile
    • À l’inverse de la chambre commerciale, la deuxième chambre civile a considéré dans un arrêt du 8 mars 2001 que la saisie-attribution était privée d’efficacité pour les créances de loyers nées postérieurement au jugement d’ouverture ( 2e civ., 8 mars 2001).
  • L’intervention de la chambre mixte
    • Dans un arrêt du 22 novembre 2002, la Cour de cassation a estimé que le principe d’interdiction des paiements ne privait pas d’efficacité la saisie ainsi diligentée ( ch. Mixte, 22 nov. 2002).
      • Faits
        • Un créancier pratique une saisie-attribution entre les mains du locataire du débiteur saisi.
        • Ce dernier est, par suite, placé en liquidation judiciaire, le jugement d’ouverture intervenant alors postérieurement à la saisie
        • Le tiers saisi (le locataire) ayant réglé les loyers échus postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du créancier saisissant, le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir le remboursement de ces sommes et la mainlevée de la saisie.
      • Demande
        • Le liquidateur saisit le juge des référés afin d’obtenir
          • D’une part, le remboursement des sommes perçues postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation
          • D’autre part, la mainlevée de la saisie-attribution.
      • Procédure
        • Alors que le juge des référés avait accueilli favorablement la demande du liquidateur, la cour d’appel de Versailles infirme la décision dans un arrêt du 19 février 1999
        • Les juges du fond estiment que l’effet attributif de la saisie-attribution est définitivement acquis avant l’ouverture de la procédure collective, de sorte que le créancier était fondé à continuer de percevoir les loyers de son débiteur après le prononcé du jugement d’ouverture.
      • Solution
        • Par un arrêt du 22 novembre 2002, la Chambre mixte de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le liquidateur.
        • Elle estime « qu’il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d’une créance à exécution successive, pratiquée à l’encontre de son titulaire avant la survenance d’un jugement portant ouverture d’un redressement ou d’une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement»
        • Autrement dit, quand bien même l’exécution de la créance se poursuivait postérieurement au jugement d’ouverture, dans la mesure où elle a fait l’objet d’une saisie-attribution antérieurement au jugement, elle n’est pas soumise au régime juridique des créances antérieures.
        • Pour la chambre mixte « la saisie-attribution d’une créance à exécution successive poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement».
      • Analyse
        • Deux logiques s’affrontaient dans l’arrêt en l’espèce : la logique à laquelle répond le droit des entreprises en difficulté et celle qui sous-tend le droit des voies d’exécution
        • L’ouverture d’une procédure collective n’est pas neutre : elle poursuit comme objectif la sauvegarde de l’entreprise en difficulté, le maintien de l’activité et de l’emploi ainsi que l’apurement du passif.
        • À l’évidence, la poursuite des effets de la saisie-attribution sur les échéances postérieures au jugement d’ouverture ne favorise guère ce triple objectif.
        • La solution adoptée par la Cour de cassation contrevient, en outre, au principe d’égalité des créanciers, qui n’admet que des dérogations partielles à la faveur des celles créanciers privilégiés.
        • Tel n’était pas le cas en l’espèce, le créancier saisissant n’était pas un créancier susceptible de se prévaloir du bénéfice du paiement à l’échéance.
        • Aussi, pour certains auteurs, les principes qui régissent la naissance des créances à exécution successive ne sauraient être placés sur le même plan qu’une règle spécifique au droit des entreprises en difficulté.
        • L’article L. 622-7, I du Code de commerce ne vise pas à contribuer à la théorie de la formation des créances, mais seulement à préserver l’actif du débiteur.
        • Malgré les critiques, la chambre mixte s’est malgré tout ralliée à la position de la deuxième chambre civile, considérant que la saisie-attribution diligentée antérieurement au jugement d’ouverture produisait bien un effet sur les créances de loyers échus postérieurement audit jugement.

Cass. ch. Mixte 22 nov. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 février 1999), que la Banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la société Chauray Contrôle, a fait pratiquer à l'encontre de la société Tiar (la société) une saisie-attribution entre les mains des locataires de cette société, sur des loyers à échoir ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société, Mme X..., agissant en qualité de liquidateur, a saisi un juge des référés pour obtenir le remboursement des loyers échus postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ainsi que la mainlevée de la saisie-attribution ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, qu'aux termes de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985, une créance de loyers échus postérieurement au prononcé du redressement judiciaire est soumise aux règles de cette procédure, ce dont il résulte qu'en raison de l'indisponibilité dont elle se trouve frappée dans le patrimoine du débiteur, cette créance échappe à l'effet attributif opéré par la saisie-attribution limité aux seules sommes échues avant le jugement d'ouverture de la procédure collective ; qu'en considérant néanmoins que le tiers saisi était tenu de payer les loyers échus postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective au créancier qui a pratiqué une saisie-attribution de la créance de loyers avant le jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 13 et 43 de la loi du 9 juillet 1991 et des articles 69 et suivants du décret du 31 juillet 1992, que la saisie-attribution d'une créance à exécution successive, pratiquée à l'encontre de son titulaire avant la survenance d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires de celui-ci, poursuit ses effets sur les sommes échues en vertu de cette créance, après ledit jugement ; que, dès lors, la cour d'appel, qui a retenu que la saisie avait définitivement produit son effet attributif avant le jugement prononçant la mise en liquidation judiciaire de la société, a décidé, à bon droit, qu'il n'y avait pas lieu d'en ordonner la mainlevée et a rejeté la demande de remboursement des loyers ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

==> La délégation portant sur une créance à exécution successive

Cette situation correspond à l’hypothèse où dans le cadre d’une délégation :

  • Dans un premier temps, le délégant consent une délégation au délégateur dont il est débiteur avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps, le délégué se libère entre les mains du délégataire postérieurement au jugement d’ouverture.

La question qui immédiatement se pose est de savoir si le paiement effectué par le délégué entre les mains du délégataire ne contreviendrait pas au principe d’interdiction des paiements, dans la mesure où la délégation a pour effet d’éteindre la dette du délégant-débiteur.

Schéma - délégation

Cette question s’est notamment posée dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 30 mars 2005.

Cass. com. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d'un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997 ; qu'en règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson ; que la société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999, M. X... étant désigné en qualité d'administrateur ; que la société Colas a assigné la société Thomson et M. X..., ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers ;

Attendu que pour décider que la société Colas n'était pas fondée à demander le paiement des loyers devenus exigibles postérieurement à l'ouverture de la procédure collective de la société Mirabeau et la condamner, en conséquence, à reverser à cette dernière société les sommes reçues au titre de l'exécution provisoire du jugement, ordonner à M. Y..., séquestre, de remettre à la société Mirabeau toutes les sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonner à cette dernière société de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, l'arrêt retient que, par l'effet du jugement déclaratif, aucune partie de l'actif ne peut être distraite au profit d'un créancier particulier, que la délégation imparfaite des loyers dus par la société Thomson ayant laissé subsister la créance de la société Mirabeau, délégante, dans son patrimoine, l'ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d'observation comme après l'adoption d'un plan de continuation ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article L. 621-24 du Code de commerce ne s'appliquent qu'aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions condamnant la société Colas à payer à la société Mirabeau la somme de 682 729,68 euros reçue de M. Y... au titre de l'exécution provisoire, ordonnant à M. Y..., ès qualités, de remettre à la société Mirabeau toutes sommes reçues de la société Thomson au titre de la délégation de loyers et ordonnant à la société Thomson de payer à la société Mirabeau les sommes dues en exécution du contrat de bail, et ce pour la durée du plan, l'arrêt rendu le 11 mars 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

  • Faits
    • Par acte du 24 octobre 1997, la société Mirabeau a confié à la société Colas Midi Méditerranée (la société Colas) la construction d’un ensemble immobilier destiné à être donné en location à la société SGS Thomson Microelectronics (la société Thomson) suivant un bail commercial conclu le 30 avril 1997
    • En règlement de sa dette correspondant aux travaux, la société Mirabeau a consenti à la société Colas une délégation des loyers dus par la société Thomson
    • La société Mirabeau a été mise en redressement judiciaire le 16 septembre 1999

Schéma 2 - délégation.JPG

  • Demande
    • la société Colas assigne la société Thomson et l’administrateur, ès qualités, en paiement des sommes dues au titre de la délégation de loyers
  • Procédure
    • Par un arrêt du 11 mars 2003, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, déboule le délégué de sa demande en paiement des loyers devenus exigibles postérieurement au jugement d’ouverture.
    • Aussi, le condamne-t-elle, de surcroît, à reverser au délégant toutes les sommes reçues du délégataire au titre de la délégation de loyers
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que par l’effet du jugement d’ouverture, aucune partie de l’actif ne peut être distraite au profit d’un créancier particulier
    • Or la délégation imparfaite des loyers dus par le délégataire ayant laissé subsister la créance du débiteur (délégant) dans son patrimoine, l’ouverture de la procédure collective fait obstacle aux droits du délégataire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement, cette règle étant applicable pendant la période d’observation comme après l’adoption d’un plan de continuation.
  • Solution
    • Par un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation censure la décision prise par la Cour d’appel.
    • Elle considère que « les dispositions de l’article L. 621-24 du Code de commerce ne s’appliquent qu’aux paiements faits par le débiteur et non par un tiers »
    • Le principe d’interdiction des paiements n’est de la sorte applicable qu’aux seuls débiteurs.
    • Lorsque, dès lors, c’est un tiers qui procède à un paiement qui a pour effet d’éteindre la dette du débiteur, il échappe à la prohibition instituée à l’article L. 622-7, I du code de commerce

Le principe posé par cet arrêt revêt manifestement une portée générale. Son application ne se limite donc pas au seul mécanisme de la délégation.

==> La cession de créances professionnelles

Cette hypothèse correspond à la situation où, dans le cadre d’une cession de créances :

  • Dans un premier temps le cédant cède sa créance avant qu’il ne fasse l’objet d’une procédure collective
  • Dans un second temps le débiteur-cédé se libère postérieurement au jugement d’ouverture entre les mains du cessionnaire.

Dans cette configuration le débiteur-cédé endosse manifestement la qualité de tiers à la procédure collection.

La question qui alors se pose est de savoir si, lorsque le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, cette opération ne contrevient pas au principe d’interdiction des paiements dans la mesure où cela a pour effet d’éteindre la dette du cédant envers le cessionnaire.

Schéma - cession Dailly.JPG

Sur cette question, la position de la jurisprudence a radicalement évolué.

  • Première étape
    • Dans un arrêt du 26 avril 2000, la Cour de cassation a d’abord estimé que l’ouverture d’une procédure collective empêchait que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire, quand bien même la cession de créances était intervenue antérieurement au jugement d’ouverture.
    • La chambre commerciale a considéré en ce sens que « le jugement d’ouverture de la procédure collective à l’égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d’un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement»

Cass. com. 26 avr. 2000
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Socpresse que sur le pourvoi principal formé par la Westpac Banking Corporation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 22 août 1996), que, par contrat souscrit le 23 octobre 1986, la société Socpresse a engagé M. X... pour exercer les fonctions de conseiller aux affaires Pacifique Sud, du 1er janvier 1987 au 31 décembre 1991 ; que, par un premier bordereau de cession de créances professionnelles du 28 juin 1988, M. X... a cédé ses créances correspondant aux rémunérations dues en vertu de ce contrat, à échéance du 31 décembre 1988 et du 31 mars 1989, à la Banque Indosuez, aux droits de laquelle se trouve la Westpac Banking Corporation (la banque) ; que, par un second acte du 17 décembre 1988, M. X... a cédé les créances se rapportant aux autres rémunérations prévues par ce contrat à la banque qui a notifié les cessions de créances à la société Socpresse, débiteur cédé ; que M. X... a été mis en liquidation judiciaire le 20 décembre 1989 ; que la société Socpresse a payé les créances cédées par le premier acte mais a refusé le paiement des créances cédées par le second ; qu'elle a été assignée par la banque en paiement de ces dernières créances ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative au paiement des créances échues postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cession de créance profesionnelle future, consentie en période suspecte est valable et le débiteur cédé ne peut opposer au cessionnaire l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du cédant pour refuser de payer les créances aux échéances ; qu'en considérant que la mise en liquidation judiciaire de M. X... a mis un terme aux droits de la banque pour toutes les créances postérieures au jugement, la cour d'appel a violé les articles 1 et 4 de la loi du 2 janvier 1981 et 107 et 152 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que le jugement d'ouverture de la procédure collective à l'égard du cédant fait obstacle aux droits de la banque cessionnaire sur les créances nées de la poursuite d'un contrat à exécution successive postérieurement à ce jugement ; que le moyen n'est pas fondé ;

  • Deuxième étape
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004 la Cour de cassation a abandonné sa position antérieure en considérant que l’ouverture d’une procédure collective ne faisait pas obstacle à ce que le débiteur cédé se libère entre les mains du cessionnaire.
    • Elle a ainsi considéré que « même si son exigibilité n’est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n’est pas affecté par l’ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date»

Cass. com. 7 déc. 2004
Statuant tant sur le pourvoi principal présenté par la CRCAM d'Aquitaine que sur le pourvoi incident présenté par la société Labat-Merle (la société Labat) ;

Attendu, selon l'arrêt déféré, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 octobre 2000, pourvoi n° P 97-21.744), que, par acte du 27 janvier 1992, la société Euroméca a cédé à la CRCAM d'Aquitaine (la Caisse), selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 codifiée sous les articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier, la créance qu'elle détenait sur la société Labat au titre d'une commande que celle-ci lui avait passée ; que la société Labat n'a pas accepté cette cession, dont elle avait reçu notification, et a réglé le solde de la facture à la société Euroméca, en règlement judiciaire depuis le 19 février 1992 ;

que la Caisse a fait assigner la société Labat en paiement ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu les articles L. 313-23, L. 313-24 et L. 313-27 du Code monétaire et financier ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que, même si son exigibilité n'est pas encore déterminée, la créance peut être cédée et que, sortie du patrimoine du cédant, son paiement n'est pas affecté par l'ouverture de la procédure collective de ce dernier postérieurement à cette date ;

Attendu que pour rejeter la demande de la Caisse en paiement de la créance par la société Labat, débiteur cédé, l'arrêt retient que la créance cédée est née de la livraison et même de la fabrication postérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Euroméca, entreprise cédante, et que ce jugement fait obstacle aux droits de la Caisse sur les créances nées de l'exécution du contrat au cours de la période d'observation et exigibles au jugement d'ouverture ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, la cession prenant effet entre les parties et devenant opposable aux tiers à la date apposée sur le bordereau, la cour d'appel, qui a relevé que la cession avait pris effet entre la société Euoméca et la Caisse avant l'ouverture de la procédure collective, ce dont il résulte que le paiement que la société Labat ne contestait pas devoir, et qu'elle avait effectué après avoir reçu notification de la cession, n'était pas libératoire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés ;

Et sur le pourvoi incident :

Attendu que ce pourvoi se trouve privé d'objet par la cassation consécutive au pourvoi principal ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

II) La sanction du principe d’interdiction des paiements

Plusieurs sanctions sont applicables en cas de violation du principe d’interdiction des paiements

  • L’annulation du paiement
    • Principe
      • Aux termes de l’article L. 622-7, III « tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé»
      • Les sommes payées par le débiteur sont de la sorte réintégrées dans son patrimoine (V. en ce sens com. 3 oct. 2000)
    • Titularité de l’action
      • Tout intéressé
      • Le ministère public
    • Délai de prescription
      • Trois ans
    • Point de départ de la prescription
      • À compter de la date de réalisation du paiement
  • Faillite personnelle
    • L’article L. 653-5, 4° du Code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne qui a « payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers».
    • Cette sanction n’est applicable que dans le cas où le débiteur fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
    • Elle n’est pas encourue en cas de procédure de sauvegarde.
  • Sanction pénale
    • Aux termes de l’article L. 654-8, 1° du Code de commerce « est passible d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 30 000 euros le fait […] pour toute personne mentionnée à l’article L. 654-1, de passer un acte ou d’effectuer un paiement en violation des dispositions de l’article L. 622-7»
    • Ainsi, la violation du principe d’interdiction des paiements est-elle pénalement sanctionnée ce qui témoigne de l’importance que le législateur confère à l’objectif de maintien de l’égalité entre les créanciers et de préservation dans le patrimoine du débiteur des biens essentiels à la poursuite de son activité.

III) Les exceptions au principe d’interdiction des paiements

Le principe d’interdiction des paiements instituée à l’article L. 622-7, I du Code de commerce souffre de plusieurs exceptions.

A) Le paiement par compensation de créances connexes

==> Notion

La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »

Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.

Le droit commun exige, outre, leur réciprocité que ces créances soient certaines dans leur principe, liquides dans leur montant et exigibles, soit dont le terme est échu.

En ce que la compensation consiste, au fond, en un double paiement automatique, la question s’est rapidement posée de savoir si elle pouvait opérer entre deux créances dont l’une d’elles ne devenait certaine, liquide ou exigible qu’après le jugement d’ouverture.

Dans cette hypothèse, le principe d’interdiction des paiements ne fait-il pas obstacle à la compensation ?

Schéma - compensation.JPG

  • Première étape : l’admission jurisprudentielle du paiement par compensation
    • Dans un arrêt du 19 mars 1991, la Cour de cassation a, pour la première fois, admis que la compensation puisse opérer entre deux créances dont l’une était née postérieurement au jugement d’ouverture ( com. 19 mars 1991).
    • Avant cette décision, la jurisprudence était pour le moins fluctuante, la loi du 25 janvier 1985 étant silencieuse sur cette question.
  • Deuxième étape : consécration légale du paiement par compensation
    • Il faut attendre la loi du 10 juin 1994 pour que le paiement par compensation soit admis au rang des exceptions au principe d’interdiction des paiements.
    • L’article L. 622-7 du Code de commerce prévoit désormais que si le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture, cette règle est écartée en cas de « paiement par compensation de créances connexes».
    • Par exception, le paiement par compensation est donc admis lorsque ses conditions sont réunies postérieurement au jugement d’ouverture.

==> Conditions

La question qui alors se pose est de savoir quelles sont les conditions d’application de cette exception au principe d’interdiction des paiements.

Elles sont au nombre de trois :

  • Des créances certaines
    • Cela signifie qu’elles ne doivent être pas être contestables
    • Elles doivent être avérées dans leur principe
  • Des créances réciproques
    • Les personnes en présence doivent être simultanément et personnellement créancières et débitrices l’une de l’autre
  • Des créances connexes
    • D’abord, la jurisprudence a défini les créances connexes comme les créances issues de l’exécution ou de l’inexécution d’un même contrat (V. en ce sens 1ère civ. 11 juill. 1958).
    • Ensuite la Cour de cassation a également admis qu’une connexité puisse exister entre créances nées d’une convention cadre ( com. 19 avr. 2005)
    • Enfin, la jurisprudence a encore étendu la notion de connexité en l’appliquant à des créances réciproques qui se rattachaient à « plusieurs conventions constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général à ces relations» ( com. 9 mai 1995).
    • Dans cette dernière hypothèse, c’est alors la notion d’opération économique qui fonde le mécanisme ( com. 19 mars 1991).

Au total, il ressort de la jurisprudence que la Cour de cassation envisage la notion de connexité de manière assez souple.

Il peut d’ailleurs être observé que la Cour de cassation n’exige pas que les créances soient liquides et exigibles pour que la compensation puisse opérer dans le cadre d’une procédure collective.

Dans un arrêt du 28 septembre 2004, elle a affirmé en ce sens que « la compensation fondée sur la connexité des créances n’exige pas la réunion des conditions de la compensation légale » (Cass. com. 28 sept. 2004).

==> Efficacité

La compensation ne pourra être efficace, soit emporter extinction de la créance, qu’à la condition que le créancier déclare ladite créance.

Cette exigence est régulièrement rappelée par la Cour de cassation qui estime qu’en l’absence de déclaration, la compensation sera sans effet, de sorte que la créance sera inopposable à la procédure (V. en ce sens Cass. com. 22 févr. 1994 ; Cass. com. 26 oct. 1999).

B) Le paiement des créances alimentaires

L’article L. 622-7, I du Code de commerce exclut expressément les créances alimentaires du champ de l’interdiction des paiements des créances antérieures.

Qui plus est, cette catégorie de créance échappe à l’exigence de déclaration.

C) Le paiement des créances salariales

Aux termes de l’article L. 625-8 du Code de commerce « nonobstant l’existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu’il a une mission d’assistance, par l’administrateur, si le débiteur ou l’administrateur dispose des fonds nécessaires. »

Les créances salariales visées par cette disposition doivent ainsi être payées immédiatement sur les fonds dont dispose l’entreprise.

En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, si le paiement s’avère impossible c’est à l’AGS qu’il reviendra de régler les salariés.

Quant aux créances de salaire résultant d’une prestation de travail postérieure au jugement d’ouverture, elles devront être payées à l’échéance.

D) Le paiement des créances assises sur un, gage, un droit de rétention, une fiducie ou un crédit-bail

L’article L. 622-7, II du Code de commerce prévoit que le juge-commissaire peut autoriser le débiteur « à payer des créances antérieures au jugement, pour retirer le gage ou une chose légitimement retenue ou encore pour obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retrait ou ce retour est justifié par la poursuite de l’activité. Ce paiement peut en outre être autorisé pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée d’option est justifiée par la poursuite de l’activité. »

Ainsi, afin, de mettre un terme à un gage, à un droit de rétention ou encore pour rapatrier le bien dans le patrimoine du débiteur en raison l’existence d’une fiducie ou d’un crédit-bail, ce dernier peut être autorisé par le juge-commissaire à régler une créance née antérieurement au jugement d’ouverture.

Pour ce faire trois conditions doivent être réunies :

  • Première condition
    • Le bien doit avoir fait l’objet alternativement
      • soit d’un gage
      • soit d’un droit de rétention
      • soit d’une fiducie
      • soit d’un crédit-bail
  • Deuxième condition
    • Le bien sur lequel porte la créance antérieure doit être utile à la poursuite de l’activité de l’entreprise.
    • A défaut, le paiement de la créance antérieure ne présentera aucun intérêt.
  • Troisième condition
    • Le débiteur ou l’administrateur doivent obtenir l’autorisation du juge-commissaire

E) Le paiement des créances assises sur une clause de réserve de propriété

Conformément à l’article L. 624-16 du Code de commerce, sur autorisation du juge-commissaire, il peut être fait échec à l’exercice du droit de revendication du vendeur qui bénéfice d’une réserve de propriété par le paiement du prix du bien.

Cette disposition prévoit en ce sens, après avoir énoncé les conditions et les modalités de la revendication, que « dans tous les cas, il n’y a pas lieu à revendication si, sur décision du juge-commissaire, le prix est payé immédiatement. »

Cette règle constitue une dérogation au principe d’interdiction des paiements. Elle se justifie pour la nécessité de favoriser la poursuite de l’activité de l’entreprise.

F) Le paiement provisionnel de créances assises sur des sûretés

Autre dérogation au principe d’interdiction des paiements, la possibilité de payer les créanciers titulaires d’une sûreté.

Plus précisément, l’article L. 622-8 du Code de commerce prévoit que « le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien » lorsque celui-ci est vendu au cours de la période d’observation.

La sûreté peut ici consister tant, en un privilège spécial, qu’en un privilège général. Sont également visés l’hypothèque, le nantissement ou encore le gage.