L’interprétation du contrat et le juge

En matière contractuelle, l’interprétation est l’opération qui consiste à conférer une signification à une clause du contrat.

En cours d’exécution, il est possible que la rédaction d’une ou plusieurs stipulations apparaisse maladroite, sibylline, voire incomplète, de sorte que la compréhension du contenu des obligations des parties s’en trouverait malaisée.

Aussi, conviendra-t-il d’interpréter le contrat, soit pour en élucider le sens, soit pour en combler les lacunes.

  • Dans le premier cas, il s’agira d’une interprétation explicative : la recherche de la signification du contrat devra être effectuée en considération de la volonté des parties
  • Dans le second cas, il s’agira de combler les lacunes du contrat : l’interprétation du juge deviendra alors créatrice, de sorte qu’il n’aura d’autre choix que de s’écarter de la volonté des parties et d’interpréter le contrat à la lumière de la loi, l’équité et les usages

1. L’interprétation explicative au nom de la volonté des parties

Lorsque le juge se livre à une interprétation explicative du contrat, son pouvoir est encadré par deux règles auxquelles il ne saurait déroger sous aucun prétexte, sous peine de censure par la Cour de cassation :

  • La recherche exclusive de la commune intention des parties
  • L’interdiction absolue de dénaturer le sens ou la portée de stipulations claires et précise

1.1 La recherche de la commune intention des parties

a. Principe

i. Principe cardinal

Aux termes de l’article 1188, al. 1er du Code civil « le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. »

Cette disposition exprime l’objectif qui doit toujours être poursuivi par le juge lorsqu’il interprète le contrat : la recherche de l’intention des parties.

Aussi, est-ce la méthode subjective qui, lorsque cela est possible, doit toujours prévaloir sur toutes autres considérations.

Cela signifie donc que la recherche de la commune intention des parties doit primer :

  • d’une part, sur le sens littéral des termes du contrat
  • d’autre part, sur l’équité à laquelle le juge pourrait être tenté de succomber

Afin de parvenir à interpréter le contrat à la lumière de cette commune intention des parties qui ne sera pas toujours aisé de déceler, le législateur lui a adressé un certain nombre de directives complémentaires, énoncées aux articles 1189 à 1191 du Code civil.

ii. Directives complémentaires

?Première directive : l’interprétation en considération de la globalité du contrat ou de l’ensemble contractuel

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Le contrat est conclu de manière isolée
    • Dans cette hypothèse, l’article 1189, al. 1er du Code civil prévoit que « toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. »
    • Cela signifie que les stipulations contractuelles ne doivent pas être interprétées isolément en faisant abstraction de l’environnement contractuel dans lequel elles s’insèrent.
    • Chaque clause appartient à tout, en conséquence de quoi l’interprétation du contrat doit être envisagée de manière globale
    • Lorsque, dès lors, le juge se livre à l’interprétation d’une stipulation en particulier, il doit veiller à ce que la signification qu’il lui confère ne heurte pas la cohérence du contrat.
  • Le contrat appartient à un ensemble contractuel
    • L’ordonnance du 10 février 2016 a anticipé cette hypothèse en posant à l’article 1189, al. 2 du Code civil que « lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci. »
    • Ainsi, c’est au regard de l’ensemble contractuel pris dans sa globalité que les contrats qui le composent doivent être interprétés.

?Deuxième directive : l’interprétation en considération de l’utilité de la clause

Aux termes de l’article 1191 du Code civil, « lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun. »

Cette directive adressée au juge relève manifestement du bon sens

À quoi bon donner un sens à une clause qui serait dépourvue d’effet au détriment d’une stipulation qui produirait un effet utile ?

Cette règle vise, manifestement, à remplacer celle posée par l’ancien article 1157 du Code civil qui prévoyait que « lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n’en pourrait produire aucun »

Cet article était lui-même inspiré de l’adage « actus interpretandus est potius ut valeat quam ut pereat » : un acte doit être interprété plutôt pour qu’il produise un effet que pour qu’il reste lettre morte

?Troisième directive : l’interprétation en considération de la qualité d’une partie

Aux termes de l’article 1190 du Code civil « dans le doute, le contrat de gré à gré s’interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d’adhésion contre celui qui l’a proposé. »

Cette disposition est directement inspirée de l’ancien article 1162 du Code civil qui prévoyait que « dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation »

À la différence de l’article 1162, l’article 1190 distingue désormais selon que le contrat est de gré à gré ou d’adhésion.

  • S’agissant du contrat de gré à gré
    • Il ressort de l’article 1190 que, en cas de doute, le contrat de gré à gré doit être interprété contre le créancier
    • Ainsi, lorsque le contrat a été librement négocié, le juge peut l’interpréter en fonction, non pas de ses termes ou de l’utilité de la clause litigieuse, mais de la qualité des parties.
    • Au fond, cette règle repose sur l’idée que, de par sa qualité de créancier, celui-ci est réputé être en position de force par rapport au débiteur.
    • Dans ces conditions, aux fins de rétablir l’équilibre, il apparaît juste que le doute profite au débiteur.
    • Il peut être observé que, sous l’empire du droit ancien, l’interprétation d’une clause ambiguë a pu conduire la Cour de cassation à valider la requalification de cette stipulation en clause abusive (Cass. 1er civ. 19 juin 2001, n°99-13.395).
    • Plus précisément, la première chambre civile a estimé, après avoir relevé que « la clause litigieuse, était rédigée en des termes susceptibles de laisser croire au consommateur qu’elle autorisait seulement la négociation du prix de la prestation [qu’en] affranchissant dans ces conditions le prestataire de services des conséquences de toute responsabilité moyennant le versement d’une somme modique, la clause litigieuse, qui avait pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, était abusive et devait être réputée non écrite selon la recommandation n° 82-04 de la Commission des clauses abusives ».
  • S’agissant du contrat d’adhésion
    • L’article 1190 du Code civil prévoit que, en cas de doute, le contrat d’adhésion s’interprète contre celui qui l’a proposé
    • Cette règle trouve la même justification que celle posée en matière d’interprétation des contrats de gré à gré
    • Pour mémoire, le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties (art. 1110, al. 2 C. civ.)
    • Aussi, le rédacteur de ce type de contrat est réputé être en position de force rapport à son cocontractant
    • Afin de rétablir l’équilibre contractuel, il est par conséquent normal d’interpréter le contrat d’adhésion à la faveur de la partie présumée faible.
    • Cette règle n’est pas isolée
    • L’article L. 211-1 du Code de la consommation prévoit que
      • D’une part, « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. »
      • D’autre part, « elles s’interprètent en cas de doute dans le sens le plus favorable au consommateur. Les dispositions du présent alinéa ne sont toutefois pas applicables aux procédures engagées sur le fondement de l’article L. 621-8. »
    • Dans un arrêt du 21 janvier 2003, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « selon ce texte applicable en la cause, que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel » (Cass. 1ère civ. 21 janv. 2003, n°00-13.342 et 00-19.001)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public.
    • La question que l’on est alors légitimement en droit de se poser est de savoir s’il en va de même pour le nouvel article 1190 du Code civil.

Cass. 1ère civ. 21 janv. 2003

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation ;

Attendu, selon ce texte applicable en la cause, que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ;

Attendu que le 26 juin 1984, M. X… a souscrit auprès de la compagnie Préservatrice Foncière assurances (PFA Vie) deux contrats d’assurance de groupe garantissant en cas de décès et d’invalidité permanente totale, le versement d’un capital ; qu’il a cédé, le même jour, le bénéfice de l’un des contrats à la société Union pour le financement d’immeubles de sociétés (UIS) ; que M. X…, atteint d’une sclérose en plaque, a cessé son activité professionnelle en 1994, a été placé en invalidité et a sollicité la mise en oeuvre des garanties contractuelles ; que s’étant heurté à un refus de la compagnie d’assurances faisant valoir qu’il ne remplissait pas la double condition prévue au contrat, il a fait assigner cette dernière, le 17 septembre 1996, devant le tribunal de grande instance ;

Attendu qu’il résulte des énonciations mêmes de l’arrêt attaqué qui a débouté M. X… de sa demande, que la clause définissant le risque invalidité était bien ambiguë de sorte qu’elle devait être interprétée dans le sens le plus favorable à M. X… ;

qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 26 janvier 2000, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Agen ;

B. Tempérament

L’obligation de recherche pour le juge de la commune intention des parties n’est pas sans tempérament.

Il est des situations où faute de stipulations suffisamment claires et précises, les directives d’interprétation complémentaires ne lui seront d’aucun secours.

Le législateur a anticipé cette hypothèse en prévoyant à l’article 1188, al.2 que « lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. »

Aussi, cette disposition autorise-t-elle le juge à s’écarter de la méthode d’interprétation subjective à la faveur de la méthode objective.

Plus précisément, lorsque la recherche de la commune intention des parties se heurte à l’ambiguïté du corpus contractuel, le juge peut se reporter à l’intention susceptible d’être prêtée à « une personne raisonnable » ?

Que doit-on entendre par « personne raisonnable »? Il s’agissait, autrefois, du bon père de famille. Cet élément posé, cela ne nous renseigne pas plus sur le sens de cette formule.

Quoi qu’il en soit, cette possibilité pour le juge de se reporter à l’intention d’une « personne raisonnable » est conditionnée par l’impossibilité de rechercher la commune intention des parties.

L’article 1188 du Code civil institue ainsi clairement une hiérarchie entre la méthode d’interprétation subjective et objective.

1.2 L’interdiction de dénaturer le sens et la portée de stipulations claires et précises

Aux termes de l’article 1192 du Code civil « on ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. »

Cette disposition doit être comprise comme posant une limite au pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond en matière contractuelle : l’exercice du contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation

?Le pouvoir souverain d’interprétation des juges du fond en matière d’interprétation

En principe, l’interprétation des contrats est une question abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond.

Cette règle se justifie par le fait que la Cour de cassation n’a pas vocation à connaître « du fond » des litiges. Or l’interprétation d’un contrat relève clairement d’une question de fond, sinon de fait.

La norme contractuelle ne produit, effectivement, qu’un effet relatif, en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux seules parties. Le contrat, bien qu’opposable aux tiers, ne crée aucune obligation à leur égard, sinon celle de ne pas faire obstacle à son exécution.

Il en résulte que l’on ne saurait voir dans l’interprétation de la norme contractuelle une question de droit, comme c’est le cas d’une règle d’application plus générale telle que, par exemple, une convention collective.

Dès lors, l’interprétation d’une stipulation obscure ou ambiguë échappe totalement au contrôle de la Cour de cassation, sauf à ce que les juges du fond aient dénaturé le sens du contrat.

?L’exercice du contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation

Si donc l’interprétation des contrats est, en principe, une question de fait abandonnée au pouvoir souverain des juges du fond pour les raisons précédemment évoquées, après quelques atermoiements (V. en ce sens notamment Cass. ch. réunies, 2 févr. 1808) la Cour de cassation s’est reconnu le droit de censurer les décisions qui modifient le sens de clauses claires et précises.

Dans un célèbre arrêt du 15 avril 1872, elle a ainsi jugé « qu’il n’est pas permis aux juges, lorsque les termes de ces conventions sont clairs et précis, de dénaturer les obligations qui en résultent, et de modifier les stipulations qu’elles renferment » (Cass. civ. 15 avr. 1872).

Autrement dit, il est fait défense aux juges du fond d’altérer le sens du contrat, sous couvert d’interprétation, pour des considérations d’équité, dès lors que les stipulations sont suffisamment claires et précises.

C’est là le sens de la règle qui a été consacrée à l’article 1192 du Code civil. Antérieurement à la réforme des obligations, cette règle avait pour fondement l’ancien article 1134, car elle n’est autre que l’émanation du principe de force obligatoire du contrat.

Parce que le contrat est intangible, la liberté du juge doit être limitée dès lors qu’il s’agit de conférer une signification à l’acte.

2. L’interprétation créatrice au nom de la loi, de l’équité et les usages

En cas de lacunes et de silence du contrat, il est illusoire de rechercher la commune intention des parties qui, par définition, n’a probablement pas été exprimée par elles.

Aussi, le juge n’aura-t-il d’autre choix que d’adopter la méthode objective d’interprétation, soit pour combler le vide contractuel, de se rapporter à des valeurs extérieures à l’acte, telles que l’équité ou la bonne foi.

Tel est le sens de l’article 1194 du Code civil qui prévoit que « les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l’équité, l’usage ou la loi. ». Il est manifestement formulé dans les mêmes termes que l’ancien article 1135 du Code civil.

En somme, cette disposition autorise le juge à découvrir des obligations qui s’imposent aux parties alors mêmes qu’elles n’avaient pas été envisagées lors de la conclusion du contrat : c’est ce que l’on appelle le forçage du contrat.

?Le forçage du contrat ou le pouvoir créateur du juge

L’histoire du droit civil moderne révèle que l’ancien article 1135, désormais 1194, a joué en rôle central dans l’évolution de la jurisprudence.

Son œuvre créatrice en matière contractuelle est, pour une large part, assise sur cette disposition qui permet au juge d’étendre le champ contractuel bien au-delà de ce qui était initialement prévu par les parties.

  • Exemple :
    • afin d’éviter à la victime d’un accident de transport de devoir prouver la faute du transporteur pour obtenir réparation, les tribunaux ont découvert dans le contrat de transport une obligation de sécurité, qualifiée de résultat.
    • La victime est, de la sorte, dispensée de rapporter la preuve d’une faute.
    • C’est ici clairement l’équité qui a fondé l’adjonction de cette obligation, alors même qu’elle n’était pas prévue au contrat.
    • Pour autant, la jurisprudence a estimé qu’elle n’en résultait pas moins de sa nature (Cass. civ. 21 nov. 1911)

Cass. civ. 21 nov. 1911

Sur l’unique moyen du pourvoi :

Vu l’article 1134 du Code civil ;

Attendu que des qualités et des motifs de l’arrêt attaqué, il résulte que le billet de passage remis, en mars 1907, par la Compagnie Générale Transatlantique à Y… Hamida X…, lors de son embarquement à Tunis pour Bône, renfermait, sous l’article 11, une clause, attribuant compétence exclusive au tribunal de commerce de Marseille pour connaître des difficultés auxquelles l’exécution du contrat de transport pourrait donner lieu ;

Qu’au cours du voyage, Y… Hamida, à qui la Compagnie avait assigné une place dans le sous-pont, à côté des marchandises, a été grièvement blessé au pied par la chute d’un tonneau mal arrimé ;

Attendu que, quand une clause n’est pas illicite, l’acceptation du billet sur lequel elle est inscrite, implique, hors les cas de dol ou de fraude, acceptation, par le voyageur qui la reçoit, de la clause elle-même ;

Que, vainement, l’arrêt attaqué déclare que les clauses des billets de passage de la Compagnie Transatlantique, notamment l’article 11, ne régissent que le contrat de transport proprement dit et les difficultés pouvant résulter de son exécution, et qu’en réclamant une indemnité à la Compagnie pour la blessure qu’il avait reçue, Y… agissait contre elle non “en vertu de ce contrat et des stipulations dont il lui imputait la responsabilité” ;

Que l’exécution du contrat de transport comporte, en effet, pour le transporteur l’obligation de conduire le voyageur sain et sauf à destination, et que la cour d’Alger constate elle-même que c’est au cours de cette exécution et dans des circonstances s’y rattachant, que Y… a été victime de l’accident dont il poursuit la réparation ;

Attendu, dès lors, que c’est à tort que l’arrêt attaqué a refusé de donner effet à la clause ci-dessus relatée et déclaré que le tribunal civil de Bône était compétent pour connaître de l’action en indemnité intentée par Y… Hamida contre la Compagnie Transatlantique ; Qu’en statuant ainsi, il a violé l’article ci-dessus visé.

Par ces motifs, CASSE,

Au nombre de ces obligations découvertes par la jurisprudence on compte notamment :

  • L’obligation de sécurité
  • L’obligation d’information
  • L’obligation de conseil
  • L’obligation de renseignement

S’agissant de l’œuvre créatrice des juges du fond, le contrôle de la Cour de cassation s’en trouve nécessairement renforcé.

La haute juridiction peut, sans aucune difficulté, censurer des tribunaux pour avoir découvert une obligation qu’elle n’entendait pas consacrer ou, au contraire, pour avoir refusé de reconnaître une obligation qu’elle souhaitait imposer.

Quoi qu’il en soit, cette faculté dont dispose le juge de découvrir des obligations non prévues par les parties, conduit à se demander ce qu’il reste du principe d’intangibilité des conventions.

Sous couvert d’équité, de loyauté ou encore de bonne foi, la jurisprudence a de plus en plus tendance à user de la technique du forçage du contrat afin d’en modifier les termes, ce qui, dans certains cas, est susceptible de produire les mêmes effets qu’une révision.

Les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation en matière de cautionnement sont écartées lorsque l’acte a été établi en la forme authentique (Cass. com. 14 juin 2017)

Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation a estimé que, lorsqu’un acte de cautionnement avait été établi en la forme authentique, les règles de formalisme prescrites par le Code de la consommation ne lui étaient pas applicables (Cass. com. 14 juin 2017, n°12-11.644)

  • Faits
    • Une société est demeurée impayée de plusieurs prestations qu’elle avait effectuées à la faveur d’une autre société
    • Elle assigne en référé son débiteur en paiement d’une provision
    • Finalement, un accord transactionnel est conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés
  • Demande
    • L’accord n’ayant pas été respecté, la société créancière assigne en paiement la caution, gérante de la société débitrice
    • Cette dernière soulève alors comme moyen de défense l’irrégularité de l’acte de cautionnement
  • Procédure
    • Par un arrêt du 20 octobre 2011, la Cour d’appel de Rouen a fait droit à la demande du créancier
    • Les juges du fond estiment que, dans la mesure où l’acte de cautionnement, avait été établi en la forme authentique, le formaliste prescrit par le Code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce
  • Solution
    • Par un arrêt du 14 juin 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la caution.
    • La chambre commerciale considère que « les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, ne s’appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu’il en est de même de celles de l’article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 »
    • Autrement dit, pour la Cour de cassation, dès lors qu’un cautionnement est établi sous la forme authentique, les dispositions du Code de la consommation qui commandent aux parties d’observer un formalisme rigoureux sont écartées.
    • Pour mémoire :
      • L’article L. 331-1 du Code de la consommation prévoit que :
        • Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :
        • En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. ” »
      • L’article L. 331-2 du Code de la consommation dispose quant à lui que :
        • « Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :
        • ” En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.»
    • En l’espèce, il n’avait vraisemblablement pas été satisfait à ce formalisme par les parties ; d’où la ligne de défense de la caution.
    • L’argument avancé par cette dernière n’a, toutefois, pas convaincu la Cour de cassation qui a estimé que les exigences du Code de la consommation n’étaient pas applicable lorsque le cautionnement a été établi en la forme authentique.
    • La solution n’est pas nouvelle.
    • Dans un arrêt du 29 janvier 1991, la Cour de cassation avait adopté la même solution ( com. 29 janv. 1991).
    • Dans un arrêt du 11 décembre 1990 elle a encore considéré, après avoir rappelé que à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens, lorsqu’un acte de cautionnement est souscrit par un commerçant, le formalisme de l’ancien article 1326 du Code civil devenu l’article 1376 n’est pas applicable à l’acte signé ( com. 11 déc. 1990).
      • Pour rappel, l’article 1376 du Code civil prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l’acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres.»
    • Aussi la solution retenue par la Cour de cassation dans le présent arrêt est rigoureusement conforme à la jurisprudence antérieure.
    • Qui plus est, elle se justifie par les garanties que confère la conclusion d’un acte authentique à ses signataires lesquelles garanties remplissent la même fonction que le formalisme imposé par le Code de la consommation ou le Code civil : l’information de la caution sur la portée de son engagement.

Cass. com. 14 juin 2017
Sur les deux moyens, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 20 octobre 2011), que la société Georges Vatinel et compagnie (la société Vatinel) a effectué pour la société La Maison d'Altair, dont Mme X... était la gérante, plusieurs prestations ; que restant impayée de celles-ci, la société Vatinel a assigné en référé la société La Maison d'Altair en paiement d'une provision ; qu'un accord a été conclu entre les parties puis homologué par ordonnance du juge des référés le 10 février 2010 ; qu'à défaut de paiement, la société Vatinel a assigné Mme X..., en sa qualité de caution ; que Mme X... s'est opposée à cette demande en soutenant que la société Vatinel ne produisait aucun acte de cautionnement valable ;

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de reconnaître sa qualité de caution et de la condamner, en cette qualité, à payer à la société Vatinel la somme de 16 672, 13 euros alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 341-2 du code la consommation est applicable à toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel ; qu'il est applicable au dirigeant de la société qui a la qualité de débiteur principal ; que la formule prévue par le texte est la seule qui puisse être utilisée ; que la règle est d'ordre public ; qu'en condamnant Mme X..., quand il résultait des énonciations mêmes de l'arrêt que le cautionnement n'avait pas été souscrit dans les conditions prévues par le texte et selon la formule qu'il institue, les juges du fond ont violé les articles L. 341-2, L. 341-3 du code de la consommation ;

2°/ que les articles 1326 et 2015 anciens du code civil, ou 2292 nouveau, du code civil, s'appliquent à la caution qui a le caractère de dirigeant réserve faite du cas où le dirigeant a personnellement la qualité de commerçant ; qu'à défaut d'écrit, le créance doit à tout le moins faire état d'un commencement de preuve par écrit et d'un complément de preuve, le
commencement de preuve par écrit ne pouvant être retenu que si, selon les juges du fond, il rend vraisemblable l'acte allégué ; qu'en s'abstenant de constater au cas d'espèce que la société Vatinel justifiait d'un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le fait allégué, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1347 du code civil, ensemble au regard des articles 1326 du code civil, 2015 ancien du même code et 2292 nouveau du code civil ;

3°/ qu'à défaut de constater que Mme X... avait personnellement la qualité de commerçant, seule circonstance permettant d'invoquer à son égard la liberté de la preuve, les juges du fond ont à tout le moins entaché leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce ;

Mais attendu que les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, ne s'appliquent pas aux cautionnements consentis par acte authentique ; qu'il en est de même de celles de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; qu'ayant relevé que l'ordonnance de référé du 10 février 2010 homologuait l'accord comportant mention de l'engagement de Mme X... de fournir une garantie personnelle, ce dont il résultait que l'engagement de Mme X..., en qualité de caution solidaire de la société Vatinel, recueilli dans une décision judiciaire, avait été constaté dans un acte authentique, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer les constatations, inopérantes, invoquées par les deuxième et troisième branches, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

 

 

Tableau récapitulatif des délais de prescription en matière civile et commerciale

DELAI DE PRESCRIPTION DE DROIT COMMUN
5 ansActions personnelles et mobilièresLe jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Art. 2224 C. civ.
DELAIS DE PRESCRIPTION SPECIAUX
DomaineDélaisDomainePoint de départTexte
Droit des biens99 ansLe droit de propriété est imprescriptibleArt. 2227 C. civ.
30 ansactions réelles immobilièresLe jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.Art. 2227
C. civ.
L'usufruitPar le non usage à compter du jour où il est acquisArt. 617
C. civ.
Les droits d'usage et d'habitationPar le non-usage à compter du jour où ils sont acquisArt. 625
C. civ
Les servitudesPar le non-usage à compter du jour où elles sont acquisesArt. 706
C. civ.
3 ansAction en revendication d'un meuble perdu ou volé acquis par un tiers de bonne foi Le jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient.Art. 2276
C. civ.
1 ansSi un cours d'eau, domanial ou non, enlève par une force subite une partie considérable et reconnaissable d'un champ riverain, et la porte vers un champ inférieur ou sur la rive opposée, le propriétaire de la partie enlevée peut réclamer sa propriété Le jour oùl a propriété d'une partie d'un champ a été emporté par le cours d'eau Art. 559
C. civ.
Droit de l'indivision5 ansAction relative aux fruits et revenus de l'indivisionLa date à laquelle ils ont été perçus ou auraient pu l'être.Art. 815-10, al. 3
C. civ.
5 ansAction en nullité d'une cession ou d'une licitation de droits indivis opérée en violation du droit de préemption ou de substitution des indivisairesLa date de la cession ou de la licitationArt. 815-16
C. civ.
1 moisL'exercice du droit de préemption ou de substitution de l'indivisaireLa notification par l'indivisaire cédant de son projet de cessionArt. 815-14
C. civ.
Droit des contrats5 ansL'action en nullité d'un contrat pour vice du consentement> Le jour où l'erreur ou le dot ont été découverts
> En cas de violence, que du jour où elle a cessé.
Art. 1144
C. civ.
Droit des contrats spéciaux2 ansAction résultant des vices rédhibitoires > Le jour de la découverte du vice
> En cas de vice affectant un immeuble à construire, l'action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l'année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.
Art. 1648
C. civ.
Action en garantie de bon fonctionnement de certains éléments d'équipement d'un ouvrage réalisé au titre d'un contrat d'entrepriseLa date de réception de l'ouvrageArt. 1792-3
C. civ.
1 ansAction en supplément de prix de la part du vendeur, et celle en diminution de prix ou en résiliation du contrat de la part de l'acquéreur,La date de conclusion du contratArt. 1622
C. civ.
Action relative aux vices de construction ou défauts de conformité apparents contre le vendeur d'un immeuble à construireLa date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.Art. 1648, al. 2
C. civ.
La garantie de parfait achèvement pesant sur l'entrepreneurLa date de réception de l'ouvrageArt. 1792-6, al. 2
C. civ.
Droit de la consommation2 ansAction des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateursLa date de fourniture du bien ou serviceArt. L. 218-2
C. conso
Droit des sûretés10 ansL'inscription de privilèges ou hypothèques lorsque l'échéance ou la dernière échéance est antérieure ou concomitante à l'inscription,Le jour de l'accomplissement de la formalitéArt. 2434
C. civ.
3 ansL'inscription de l'hypothèse légale des épouxLe jour de l'inscription de l'hypothèqueArt. 2403
C. civ.
1 ansAction tendant à l'inscription ou au complément d'inscription de l'hypothèque légale du pupille et des personnes sous tutelle devenues capables> Après la majorité du pupille ou son émancipation
> Après après la mainlevée de la tutelle du majeur
Art. 2410
C. civ.
Droit de la responsabilité30 ansObligations financières liées à la réparation de certains dommages à l'environnementLe jour de la réalisation du fait domageableArt. L. 152-1
C. env.
20 ansAction en réparation d'un préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie, ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur,La date de la consolidation du dommage initial ou aggravéArt. 2226, al. 2
C. civ.
10 ansL'action en responsabilité du fait des produits défectueuxLa mise en circulation du produitArt. 1245-15
C. civ.
L'action en responsabilité née à raison d'un événement ayant entraîné un dommage corporel, engagée par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultentLa date de la consolidation du dommage initial ou aggravéArt. 2226, al. 1
C. civ.
5 ansAction en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiéesLa fin de mission des personnes ayant représenté ou assisté les parties en justiceArt. 2225
C. civ.
3 ansAction en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueuxla date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur. Art. 1245-16
C. civ.
2 ansAction en responsabilité dirigée contre les huissiers de justice pour la perte ou la destruction des pièces qui leur sont confiées dans l'exécution d'une commission ou la signification d'un acteLa réalisation du fait dommageableArt. 2 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers
1 ansAction du fournisseur d'un produit défectueux contre le producteur de celui-ciLa date de la citation en justice du fournisseur Art. 1245-6
C. civ.
3 moisLa faculté, pour le fournisseur attrait sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux, de désigner son propre fournisseur ou le producteurLa date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. Art. 1245-6
C. civ.
Droit des personnes5 ansAction en nullité d'un acte accompli par une personne frappée d'insanité d'esprit Le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.Art. 414-2, al. 3
C. civ.
Action en responsabilité contre la personne en charge d'un mineurLa majorité de l'intéressé, alors même que la gestion aurait continué au-delà, ou de la fin de la mesure si elle cesse avant.Art. 413
C. civ.
Action en responsabilité contre la personne en charge d'un majeur protégé> La fin de la mesure de protection alors même que la gestion aurait continué au-delà.
> Toutefois, lorsque la curatelle a cessé par l'ouverture d'une mesure de tutelle, le délai ne court qu'à compter de l'expiration de cette dernière.
Art. 423
C. civ.
Action en L'action en nullité, en rescision ou en réduction d'un acte accompli par une personne faisant l'objet mesure de sauvegarde de justiceLe jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Art. 435
C. civ.
Action en nullité, en rescision ou en réduction d'un acte accompli par une personne faisant l'objet d'une mesure de curatelle ou de tutelleLe jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Art. 465 et 1152
C. civ.
Action en rescision ou en réduction d'un acte accompli par une personne faisant l'objet d'un mandat de protection futureLe jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Art. 488
C. civ.
Action en reddition de comptes, en revendication ou en paiement diligentée par la personne protégée ou ayant été protégée ou par ses héritiers relativement aux faits de la tutelle La fin de la mesure, alors même que la gestion aurait continué au-delà.Art. 515
C. civ.
2 ansAction en nullité des délibérations du Conseil de famille lorsqu'elles ont été surprises par dol ou fraude ou que des formalités substantielles ont été omises. > Le jour de la délibération ainsi que par le mineur devenu majeur ou émancipé dans les deux années de sa majorité ou de son émancipation.
La prescription ne court pas s'il y a eu dol ou fraude tant que le fait qui en est à l'origine n'est pas découvert.
Art. 402, al. 3
C. civ.
Action en nullité des actes accomplis en vertu d'une délibération annulée Le délai court de l'acte et non de la délibération.Art. 402, al. 4
C. civ.
Droit de la nationalité2 ansLe Gouvernement peut s'opposer par décret en Conseil d'Etat, pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique, à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger > La date du récépissé prévu au deuxième alinéa de l'article 26
> si l'enregistrement a été refusé, à compter du jour où la décision judiciaire admettant la régularité de la déclaration est passée en force de chose jugée.
Art. 21-4
C. civ.
2 ansLa contestation par le ministère public de la déclaration de nationalitéDate de la déclarationArt. 26-4
C. civ.
2 ansLes décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat> La publication du décret au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales > si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude.Art. 27-2
C. civ.
1 ansLa faculté de renoncer à la nationalité française.La date d'acquisition d'une nationalité étrangèreArt. 23-1
C. civ.
Droit de la filiation10 ansLes actions relatives à la filiation> Le jour où la personne a été privée de l'état qu'elle réclame, ou a commencé à jouir de l'état qui lui est contesté.
> A l'égard de l'enfant, ce délai est suspendu pendant sa minorité.
Art. 321
C. civ
10 ansL'action aux fins de subsidesLa majorité de l'enfantArt. 342
C. civ
5 ansAction en contestation de la filiation en présence d'un titre corroboré par une possession d'étatLe jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. Art. 333
C. civ.
Droit de la famille30 ansAction en nullité absolue du mariageLe jour de la célébration du mariageArt. 184
C. civ
5 ansAction en nullité relative du mariageLa célébration du mariageArt. 181
C. civ.
Action en délivrance d'un acte de notoriété aux fins d'établir une possession d'étatLa cessation de la possession d'état alléguée ou à compter du décès du parent prétendu, y compris lorsque celui-ci est décédé avant la déclaration de naissanceArt. 317
C. civ.
2 ansAction en nullité contre les actes accomplis en violation d'une ordonnance du JAF, s'ils ont été passés avec un tiers de mauvaise foi, ou même s'agissant d'un bien dont l'aliénation est sujette à publicité, s'ils sont simplement postérieurs à la publication prévue par l'article précédent.> Le jour où l'époux a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée
> si cet acte est sujet à publicité, plus de deux ans après sa publication.
Art. 220-3
C. civ.
1 ansAction en nullité des actes de disposition portant sur le logement familial et les meubles qui le garnissentLe jour où l'époux qui agit a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissous.Art. 215, al. 3
C. civ.
2 moisLa faculté de rétracter le consentement à l'adoption plénièreLe jour d'expression du consentement à l'adoption plénièreArt. 348-3, al. 2
C. civ.
Droit des successions et des libéralités10 ansLa faculté d'option successoraleL'ouverture de la successionArt. 780
C. civ.
L'action en révision des conditions et charges grevant une libéralitéLa mort du disposantArt. 900-5
C. civ.
L'action en réduction d'une libéralité excessiveL'ouverture de la successionArt. 921
C. civ.
5 ansAction en nullité de l'option exercée par un héritier pour erreur, dol ou violence est une cause de nullité de l'option exercée par l'héritier.Le jour où l'erreur ou le dol a été découvert ou du jour où la violence a cessé.Art. 777
C. civ.
Action en réduction d'une libéralité entre vifsL'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.Art. 921
C. civ.
Action en révocation d'une donation pour cause de survenance d'enfantLa naissance ou de l'adoption du dernier enfant. Art. 966
C. civ.
Action en réduction d'une donation-partage Le décès du donateurArt. 1077-2
C. civ.
2 ansLe droit de préférence mobilier des créanciers successoraux ou des créanciers personnels de l'héritier>A l'égard des meubles, le jour de l'ouverture de la succession.
> A l'égard des immeubles, l'action peut être exercée tant qu'ils demeurent entre les mains de l'héritier.
Art. 881
C. civ
Action en garantie dans le cadre du partage d'une successionLe jour de l'éviction ou de la découverte du trouble.Art. 886
C. civ.
Action en complément de part du copartageant léséLe jour du partage.Art. 889
C. civ.
Action en réduction d'une libéralité excessiveLe délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.Art. 921
C. civ.
Dans le cadre de l'acceptation d'une succession à concurrence de l'actif net, Les créanciers de la succession doivent déclarer leurs créances dans un délai de quinze mois > la publicité prévue à l'article 788
> les créances non assorties de sûretés sur les biens de la succession sont éteintes à l'égard de celle-ci. Cette disposition bénéficie également aux cautions et coobligés, ainsi qu'aux personnes ayant consenti une garantie autonome portant sur la créance ainsi éteinte.
Art. 792
C. civ.
1 ansLa créance d'aliments due par le conjoint survivant aux ascendantsle jour du décès ou du moment à partir duquel les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant aux ascendants. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage. Art. 758
C. civ.
Le droit au logement temporaire et du droit viager au logement ouvert au conjoint survivantLe jour du décès de l'épouxArt. 765-1
C. civ.
Le droit à pension ouvert au conjoint survivant à l'encontre de la successionLe jour du décès de l'épouxArt. 767
C. civ.
Action en révocation d'une renonciation à l'action en réduction> La demande en révocation est formée dans l'année, à compter du jour de l'ouverture de la succession, si elle est fondée sur l'état de besoin
> Elle est formée dans l'année, à compter du jour du fait imputé par le renonçant ou du jour où le fait a pu être connu par ses héritiers, si elle est fondée sur le manquement aux obligations alimentaires ou sur l'un des faits visés au 3° de l'article 930-3.
Art. 930-4
C. civ.
La demande en révocation d'une libéralité entre vifs pour cause d'ingratitudeLe jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.Art. 957
C. civ.
Action en révocation d'une disposition testamentaire pour injure grave à la mémoire du testateurLe jour du délitArt. 1047
C. civ.
Action aux fins de libérer la part de réserve du légataire de la charge découlant d'une libéralité graduelleLe jour où le légataire a eu connaissance du testamentArt. 1054
C. civ.
6 moisAction en déclaration d'indignité successoraleLe jour du décès si la décision de condamnation ou de déclaration de culpabilité est antérieure au décès, ou dans les six mois de cette décision si elle est postérieure au décès. Art. 727-1
C. civ.
5 mois Action de l'héritier acceptant pur et simple aux fins d'être déchargé de tout ou partie de son obligation à une dette successoraleLe jour où il a eu connaissance de l'existence et de l'importance de la detteArt. 786
C. civ.
3 moisL'exercice du droit d'accession relativement aux choses immobilièresLa notification qui leur sera faite par l'autorité compétenteArt. 563
C. civ.
L'option du conjoint survivant invité à choisir entre l'usufruit et la pleine propriétéLa date d'interpélation du conjoint survivantArt. 758-3
C. civ.
Action en contestation portant sur la conservation ou l'aliénation d'un bien relevant d'une succession acceptée à concurrence de l'actif netLa date de publicité effectuée par le TribunalArt. 794, al. 2
C. civ.
Action en réclamation d'une succession vacante ayant fait l'objet d'un projet de réalisation d'actif notifié aux héritiers connusLa notification du projet de réalisationArt. 810-8
C. civ.
La faculté d'exécuter la réduction d'une libéralité en nature ouverte au bénéficiaire mis en demeure de prendre partiLa date à laquelle un héritier réservataire l'a mis en demeure de prendre parti.Art. 924-1
C. civ.
2 moisLa faculté d'option de l'héritier sommé de prendre partiLa date de sommation de l'héritierArt. 772, al. 1
C. civ.
1 moisAction en contestation d'un projet de règlement du passif d'une succession vacanteLa date de publicité du projetArt. 810-5
C. civ.
La faculté de s'opposer au paiement d'une soulte par dationLa date de proposition du paiement d'une soulte par dationArt. 832-1, al. 5
C. civ.
Droit des régimes matrimoniaux5 ansAction en responsabilité engagée contre un époux commun en biens, bénéficiaire d'un mandat tacite de gérer les biens propres de l'autre, à raison des fruits qu'il a négligé de percevoir ou qu'il a consommés frauduleusementLe jour où la perception des fruits des biens propres de l'époux mandant a été négligée ou à compter du jour où ils ont été consommés frauduleusementArt. 1432
C. civ.
3 ansAction en liquidation du régime de participation aux acquêts se prescrit par trois ans à compter de la dissolution du régime matrimonial. la dissolution du régime matrimonial.art. 1578
C. civ.
2 ansAction en nullité d'un acte accompli par un époux qui a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communsLe jour où l'autre époux a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté.Art. 1427
C. civ.
Les actions ouvertes contre les tiers en vertu de l'article 1341-2 s dans le cadre de la liquidation d'un régime de participation aux acquêtsLa clôture de la liquidation.Article 1578
C. civ.
3 moisL'opposition à la modification d'un régime matrimonialLa date de publication de la modification du régime matrimonialArt. 1397, al. 3
C. civ.
1 moisLa faculté d'acquisition ou d'attribution ouverte au conjoint survivantLe jour où les héritiers ont mis en demeure le survivant de prendre parti.Art. 1392, al. 1
C. civ.
La faculté de prélèvement ouverte au conjoint survivantLe jour où les héritiers ont mis en demeure le conjoint survivant de prendre partiArt. 1513
C. civ.
Droit du travail3 ansL'action en paiement ou en répétition du salaireLe jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Article L3245-1
C. trav.
Droit commercial5 ansLes obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçantsNaissance de la créanceArt. L. 110-4
C. com.
Actions en responsabilité civile engagées à l'occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meuble aux enchères publiquesl'adjudication ou de la prisée.Art. L. 321-17
C. com.
Droit des instruments de paiement et de crédit3 ansActions résultant de la lettre de change contre l'accepteurLa date d'échéance de la traiteArt. L. 511-78, al. 1
C. com.
Actions résultant d'un billet à ordreLa date d'échéance de l'effetArt. L. 512-3
C. com.
1 ansLes actions du porteur contre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par un an à partir de la date du protêt dressé en temps utile ou de celle de l'échéance, en cas de clause de retour sans frais.La date du protêt dressé en temps utile ou de celle de l'échéance, en cas de clause de retour sans frais.Art. L. 511-78, al. 2
C. com.
L'action du porteur du chèque contre le tiré se prescrit par un an à partir de l'expiration du délai de présentation.Le jour où l'endosseur a remboursé la lettre ou du jour où il a été lui-même actionné.Art. L. 511-78, al. 3
C. com.
6 moisLes actions des endosseurs les uns contre les autres et contre le tireur se prescrivent par six mois à partir du jour où l'endosseur a remboursé la lettre ou du jour où il a été lui-même actionné.Le jour où l'endosseur a remboursé la lettre ou du jour où il a été lui-même actionné.Art. L. 511-78, al. 3
C. com.
Les actions en recours du porteur contre les endosseurs, le tireur et les autres obligés se prescrivent par six mois à partir de l'expiration du délai de présentation.La date d'expiration du délai de présentation.Article L131-59
CMF
Les actions en recours des divers obligés au paiement d'un chèque les uns contre les autres se prescrivent par six mois à partir du jour où l'obligé a remboursé le chèque ou du jour où il a été lui-même actionné. Le jour de la dernière poursuite judiciaireArticle L131-60
CMF
Droit des sociétés10 ansL'action en responsabilité contre les fondateurs d'une sociétéLe jour où l'une ou l'autre, selon le cas, des formalités visées à l'alinéa 3 de l'article 1839 a été accomplie, soit l'immatriculation de la société ou de la publication de l'acte modifiant les statutsArt. 1840
C. civ.
5 ans Actions contre les associés non liquidateurs ou leurs héritiers et ayants causeLa publication de la dissolution de la sociétéArt. 1859
C. civ.
3 ansAction aux fins de régularisation d'une sociétél'immatriculation de la société ou de la publication de l'acte modifiant les statuts.Art. 1839
C. civ.
Action en responsabilité fondée sur l'annulation de la société ou des actes et délibérations postérieurs à la constitutionLe jour où la décision d'annulation est passée en force de chose jugée.Art. 1844-17, al. 1
C. civ.
Action en dommages-intérêts tendant à la réparation du préjudice causé par le vice dont la société, l'acte ou la délibération était entachéLe jour où la nullité a été couverte.Art. 1844-17, al. 2
C. civ.
1 moisLa faculté ouverte au cédant de parts sociales d'une société civile de s'opposer à la dissolution anticipée de celle-ci en cas de défaut d'agrémentLa décision du cédant faisant connaître qu'il renonce à la cession Art. 1863, al. 2
C. civ.
Droit des voies d'exécution10 ansL'exécution des titres exécutoiresLe jour de la délivrance du titre exécutoireArt. L. 111-4
C. proc. Exe.

Les compétences d’attribution du Tribunal d’instance: tableau récapitulatif

TRIBUNAL D'INSTANCE
DomaineCompétence
d'attribution
TexteTaux de
compétence
Taux de
ressort
Actions personnelles et mobilièresSous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros. Il connaît aussi des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10 000 euros.Art. 221-4 COJ<10.000 eurosDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Baux à usage d'habitationLe tribunal d'instance connaît des actions dont un contrat de louage d'immeubles à usage d'habitation ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.R. 221-38 COJCompétence exclusiveDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Injonction de payer La demande est portée, selon le cas, devant le tribunal d'instance ou devant le président du tribunal de grande instance ou du tribunal de commerce, dans la limite de la compétence d'attribution de ces juridictions.Art. 1406 CPC<10.000 eurosDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Injonction de faireL'exécution en nature d'une obligation née d'un contrat conclu entre des personnes n'ayant pas toutes la qualité de commerçant peut être demandée au tribunal d'instance lorsque la valeur de la prestation dont l'exécution est réclamée n'excède pas le taux de compétence de cette juridiction.Art. 1425-1 CPC<10.000 eurosDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Procédure européenne d'injonction de payerLe juge du tribunal d'instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d'injonction de payer. Art. L. 221-7 COJCompétence exclusiveDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Droit de la consommationLe tribunal d'instance connaît des actions relatives à l'application du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation.Art. R. 221-39 COJCompétence exclusiveDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Le tribunal d'instance connaît des actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l'article L. 333-4 du code de la consommation.Art. R. 221-39-1 COJCompétence exclusive
Surendettement et rétablissement personnelLe juge du tribunal d'instance connaît des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel. Un décret peut désigner, dans le ressort de chaque tribunal de grande instance, un ou plusieurs tribunaux d'instance dont les juges seront seuls compétents pour connaître de ces mesures et de cette procédure.Art. L. 221-8-1Compétence exclusivePremier
ressort
Contentieux de la saisie des rémunérationsPar dérogation aux dispositions de l'article L. 213-6, le juge du tribunal d'instance connaît de la saisie des rémunérations, à l'exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Art. L. 221-8 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux de l'expulsionLe tribunal d'instance connaît des actions tendant à l'expulsion des personnes qui occupent aux fins d'habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre.Art. R. 221-5 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux des titres perdus ou volésLe tribunal d'instance connaît des demandes de mainlevée de l'opposition frappant les titres perdus ou volés dans les conditions prévues par les articles 19 et 20 du décret n° 56-27 du 11 janvier 1956 relatif à la procédure à suivre en cas de dépossession de titres au porteur ou de coupons.Art. R. 221-6 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux sur les conditions des funéraillesLe tribunal d'instance connaît des contestations sur les conditions des funérailles.Art. R. 221-7 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux des frais, émoluments et débours des auxiliaires de justice et des officiers publics ou ministérielsLe tribunal d'instance connaît des demandes relatives aux frais, émoluments et débours des auxiliaires de justice et des officiers publics ou ministériels suivant les modalités définies au premier alinéa de l'article 52 du code de procédure civile.Art. R. 221-11 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux socialLe tribunal d'instance connaît des contestations relatives à la formation, à l'exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l'employeur et le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports.Art. R. 221-13 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux rural et agricoleLe tribunal d'instance connaît :

1° Des actions pour dommages causés aux champs et cultures, aux fruits et récoltes, aux arbres, aux clôtures et aux bâtiments agricoles, que ces dommages résultent du fait de l'homme, des animaux domestiques ou des instruments et machines de culture ;

2° Des actions pour dommages causés aux cultures et récoltes par le gibier ;

3° Des demandes relatives aux vices rédhibitoires et aux maladies contagieuses des animaux domestiques, fondées sur les dispositions du code rural et de la pêche maritime ou sur la convention des parties, quel qu'ait été le mode d'acquisition des animaux ;

4° Des actions en rescision, réduction de prix ou dommages-intérêts pour lésion dans les ventes d'engrais, amendements, semences et plants destinés à l'agriculture, et de substances destinées à l'alimentation du bétail ;

5° Des contestations relatives aux warrants agricoles ;

6° Des contestations relatives aux travaux nécessaires à l'entretien et à la mise en état de viabilité des chemins d'exploitation.
Art. R. 221-14 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Le tribunal d'instance connaît en matière de contrat de fourniture de produits des demandes présentées par les organisations professionnelles agricoles en application de l'article L. 632-7 du code rural et de la pêche maritime.Art. R. 221-20 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux des ventes de biens abandonnésLe tribunal d'instance connaît :

1° Des litiges relatifs à la vente des objets abandonnés dans les garde-meubles ou chez tout dépositaire, des objets confiés à des ouvriers, industriels ou artisans pour être travaillés, réparés ou mis en garde et des objets confiés à des entrepreneurs de transport et non réclamés, ainsi qu'au paiement des sommes dues à ces différents détenteurs ;


Art. R. 221-15 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux du transport de colis et bagagesLe tribunal d'instance connaît :

2° Des actions entre les transporteurs et les expéditeurs ou les destinataires relatives aux indemnités pour perte, avarie, détournement des colis et bagages, y compris les colis postaux, ou pour retard dans la livraison ; ces indemnités ne pourront excéder les tarifs prévus aux conventions intervenues entre les transporteurs concessionnaires et l'Etat.
Art. R. 221-15 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux des rapports de voisinageLe tribunal d'instance connaît des actions en bornage.Art. R. 221-12 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Le tribunal d'instance connaît :

1° Des actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l'usage des lieux pour les plantations ou l'élagage d'arbres ou de haies ;

2° Des actions relatives aux constructions et travaux mentionnés à l'article 674 du code civil ;

3° Des actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l'irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;

4° Des contestations relatives à l'établissement et à l'exercice des servitudes instituées par les articles L. 152-14 à L. 152-23 du code rural et de la pêche maritime, 640 et 641 du code civil ainsi qu'aux indemnités dues à raison de ces servitudes ;

5° Des contestations relatives aux servitudes établies au profit des associations syndicales prévues par l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires.
Art. R. 221-16 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Le tribunal d'instance connaît :

1° Des contestations relatives aux indemnités auxquelles peuvent donner lieu, conformément à l'article L. 215-5 du code de l'environnement, l'élargissement ou l'ouverture du nouveau lit des cours d'eau non domaniaux ;

2° Des contestations relatives aux indemnités dues à raison des servitudes aéronautiques de balisage prévues aux articles D. 243-1 et suivants du code de l'aviation civile ;

3° Des contestations relatives aux indemnités dues à raison des servitudes prévues par l'article L. 171-10 du code de la voirie routière ;

4° Des actions mentionnées aux articles L. 211-1 et L. 211-20 du code rural et de la pêche maritime.
Art. R. 221-17 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux relatif aux antennes de radiodiffusionLe tribunal d'instance connaît des contestations relatives à l'application des I et II de l'article 1er de la loi n° 66-457 du 2 juillet 1966 relative à l'installation d'antennes réceptrices de radiodiffusion et des décrets n° 67-1171 du 28 décembre 1967 et n° 2009-53 du 15 janvier 2009 pris en application de cette loi.Art. R. 221-22-1 COJCompétence exclusivePremier
ressort
Contentieux électoralLe tribunal d'instance connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection :
1° Des juges des tribunaux de commerce ;
2° Des conseillers prud'hommes.
Art. R221-24Compétence exclusiveDernier
ressort
Le tribunal d'instance connaît des contestations des décisions prises par le préfet et relatives à l'électorat des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux.Art. R221-25
Le tribunal d'instance connaît des contestations des décisions prises par la commission d'établissement des listes électorales et relatives à l'électorat :
1° Des délégués consulaires ;
2° Des membres des chambres de commerce et d'industrie territoriales.
Art. R221-26
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à l'électorat, à l'éligibilité et à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection :

1° Des représentants du personnel aux comités d'entreprise, aux comités d'établissement et aux comités centraux d'entreprise ;

2° Des délégués du personnel ;

3° Des représentants des salariés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance des sociétés anonymes ;

4° Des représentants des salariés au conseil d'administration ou au conseil de surveillance des entreprises mentionnées à l'article 1er de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public ;

5° Des représentants des salariés au conseil d'administration de la Société nationale des chemins de fer français ;

6° Des délégués de bord de la marine marchande ;

7° Des représentants du personnel aux conseils d'administration des caisses primaires d'assurance maladie, des caisses générales de sécurité sociale et des caisses d'allocations familiales ;

8° Des représentants des assujettis aux assemblées générales des caisses de mutualité sociale agricole ;

9° Des représentants des professionnels de la santé exerçant à titre libéral sous le régime des conventions nationales mentionnées au titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale, dans les unions régionales des professionnels de santé.
Art. R221-27
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à la désignation :
1° Des délégués syndicaux et des représentants syndicaux aux comités d'entreprise, aux comités d'établissement, aux comités centraux d'entreprise et aux comités de groupe ;
2° De la délégation des représentants du personnel aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Art. R221-28
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à la désignation ou à l'élection du représentant des salariés dans les cas prévus par les articles L. 621-4, L. 631-9 et L. 641-1 du code de commerce.Art. R221-29
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives aux inscriptions et radiations sur les listes destinées aux élections des délégués mineurs.Art. R221-30
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à l'électorat des conseillers des centres régionaux de la propriété forestière.Art. R221-31
Le tribunal d'instance connaît des contestations relatives à la régularité des opérations électorales en ce qui concerne l'élection :

1° Des membres du conseil d'administration des mutuelles, des membres de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, des représentants des salariés au conseil d'administration et des délégués des sections locales de vote dans les conditions prévues à l'article R. 125-3 du code de la mutualité ;

2° Des représentants des locataires au conseil d'administration ou de surveillance des sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré dans les conditions prévues à l'article R. 422-2-1 du code de la construction et de l'habitation.
Art. R221-32
Le tribunal d'instance connaît des contestations des décisions de la commission administrative relatives à la formation et à la révision des listes électorales dans les conditions prévues par les articles L. 25, L. 27, L. 36 et L. 40 du code électoral ainsi que des réclamations présentées devant lui en application de l'article L. 34 du même code.Art. R221-33
Le tribunal d'instance connaît :

1° Des contestations des décisions de la commission départementale et des réclamations relatives à la formation de la liste pour l'élection des membres des chambres d'agriculture dans les conditions prévues à l'article R. 511-23 du code rural et de la pêche maritime ;

2° Des contestations des décisions du président de la chambre de métiers relatives à la formation et à la révision des listes pour l'élection des membres des chambres de métiers dans les conditions prévues à l'article 14 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des chambres des métiers et à leur élection.
Art. R221-34
Le tribunal d'instance connaît :

1° Des contestations des décisions de la commission départementale et des réclamations relatives à la formation de la liste pour l'élection des membres des chambres d'agriculture dans les conditions prévues à l'article R. 511-23 du code rural et de la pêche maritime ;

2° Des contestations des décisions du président de la chambre de métiers relatives à la formation et à la révision des listes pour l'élection des membres des chambres de métiers dans les conditions prévues à l'article 14 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des chambres des métiers et à leur élection.
Art. R221-36
Contentieux des rentes viagèresLes contestations relatives à l'application de la loi n° 49-420 du 25 mars 1949 révisant certaines rentes viagères constituées entre particuliers sont portées devant le tribunal dans le ressort duquel est situé le bien lorsqu'il s'agit d'un immeuble ou d'un fonds de commerce et devant le tribunal dans le ressort duquel est situé le domicile du crédirentier lorsqu'il s'agit d'un meuble.

Les contestations relatives à l'application de la loi n° 49-1098 du 2 août 1949 portant révision de certaines rentes viagères constituées par les compagnies d'assurances, par la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse ou par des particuliers moyennant l'aliénation de capitaux en espèces, à l'exception du titre II de cette loi, et de la loi n° 51-695 du 24 mai 1951 portant majoration de certaines rentes viagères et pensions sont portées devant le tribunal dans le ressort duquel est situé le domicile du crédirentier.
Art. R. 221-51-2 COJ<10.000 eurosDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros
Contentieux relatifs aux transactions avec le fonds de garantie automobileLes demandes d'indemnités doivent obligatoirement être accompagnées d'une expédition de la décision de justice intervenue ou d'une copie certifiée conforme de l'acte portant règlement transactionnel pour la fixation définitive de l'indemnité.

A défaut d'accord du fonds de garantie avec la victime ou ses ayants droit soit sur la transaction intervenue, soit sur la fixation de l'indemnité lorsque le responsable des dommages est inconnu ou lorsque la décision de justice invoquée est inopposable au fonds de garantie, soit sur l'existence des diverses conditions d'ouverture du droit à l'indemnité, la victime ou ses ayants droit saisissent, suivant le taux de la demande, le tribunal d'instance ou le tribunal de grande instance. Le litige peut être porté devant la juridiction du lieu où l'accident s'est produit.
Art. R. 421-14 C. ass.<10.000 eurosDernier
ressort
<4.000 euros

Premier
ressort
>4.000 euros

Pratique restrictive de concurrence: de l’abus de dépendance économique au déséquilibre significatif

Le contrôle de l’équivalence des prestations n’est pas le monopole du droit civil. Le droit commercial, et plus précisément le droit de la concurrence, comporte de plus en plus de règles qui visent à assurer l’équilibre des relations commerciales.

Cela se traduit par la prohibition d’un certain nombre de pratiques qualifiées d’anticoncurrentielles, car portant atteinte au libre jeu de la concurrence sur le marché.

Parmi ces pratiques l’ordonnance n° 86-1243 du 1 décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence avait notamment introduit la prohibition de l’abus de dépendance économique.

1. L’abus de dépendance économique

L’ancien article L. 420-2 du Code de commerce prévoyait en ce sens que :

« I. – Est prohibée, dans les mêmes conditions, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises :

1° D’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci ;

2° De l’état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente ou fournisseur qui ne dispose pas de solution équivalente.

II. – Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.

L’abus de dépendance économique était envisagé au même niveau que l’abus de position dominante »

Il ressort de cette disposition que l’abus de dépendance économique était associé à l’abus de position dominante, ces pratiques étant envisagées comme formant les deux faces d’une même pièce : l’abus de domination.

Rapidement, cette association s’est toutefois révélée pas très heureuse. Tandis que l’abus de position dominante relève de la catégorie des pratiques anticoncurrentielles, l’abus de dépendance économique constitue plutôt une pratique restrictive de concurrence.

La différence entre ces deux catégories de pratiques tient, grosso modo, à l’existence d’une atteinte au marché.

Schématiquement :

  • Les règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles visent à sanctionner les atteintes à la libre concurrence
  • Les règles relatives aux pratiques restrictives visent à sanctionner les atteintes à la liberté contractuelle.

Cette distinction devrait, en toute logique, se traduire par l’exigence d’établir une atteinte au libre jeu de la concurrence pour le seul abus de position dominante.

L’abus de dépendance économique devrait, quant à lui, pouvoir être sanctionnée sans qu’il soit besoin de se préoccuper des effets de cette pratique sur le marché.

Bien que cette dualité de régime fût souhaitée par de nombreux auteurs, la lettre de l’article L. 420-2 du Code de commerce ne le permettait pas.

Dans sa rédaction initiale, cette disposition plaçait en effet l’abus de position économique sur le même plan que l’abus de position dominante de sorte qu’elle était assimilée à une pratique anticoncurrentielle.

Il en résultait deux conséquences :

  • L’abus de dépendance économique supposait d’établir une atteinte au libre jeu de la concurrence
  • L’action ne pouvait être menée que par l’autorité de régulation compétente, soit le Conseil de la concurrence à l’époque

En raison de la difficulté qu’il y avait à réunir ces deux conditions, l’abus de dépendance économique n’a pas connu le succès escompté.

D’où l’intervention du législateur pour réformer l’ordonnance du 1er décembre 1986, ce qui a donné lieu à la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales.

2. La réforme de l’abus de dépendance économique

Deux modifications peuvent être portées au crédit de l’ordonnance de 1986 :

  • Sur la caractérisation de l’abus de dépendance économique, la condition tenant à l’établissement d’une atteinte au marché a été supprimée
  • Sur le contrôle de l’abus de dépendance économique, le pouvoir de sanction a été retiré à l’autorité de régulation de la concurrence à la faveur du juge judiciaire.

Le législateur ne s’est pas arrêté là. Il est intervenu une nouvelle fois lors de l’adoption de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (NRE).

Cette loi est venue dupliquer la pratique d’abus de dépendance économique pour l’inscrire à l’article L. 442-6 du Code de commerce qui énumère les pratiques restrictives de concurrence.

L’abus de dépendance économique relevait de la sorte, tant des pratiques anticoncurrentielles (art. 420-2 C. com), que des pratiques restrictives (art. 442-6 C. com).

  • En tant que pratique anticoncurrentielle, l’abus de dépendance économique devait pour être sanctionné « affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence »
  • En tant que pratique restrictive, l’abus de dépendance économique supposait de prouver que la position de l’agent, en raison de sa puissance d’achat ou de vente lui permettait de le soumettre son cocontractant « à des conditions commerciales ou obligations injustifiées »

Malgré l’élévation de l’abus de dépendance économique au rang des pratiques restrictives de concurrence, cette règle est demeurée pour le moins ineffective, en raison d’une interprétation jurisprudentielle stricte de ses conditions d’application.

Ajouté à cela, les victimes de cette pratique étaient peu enclines à engager une action en justice à l’encontre de leur principal client par peur de représailles.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie dite « LME » a été adoptée.

L’un des objectifs affichés de ce texte a été de prévenir l’abus de puissance de négociation des grandes centrales d’achat à l’égard des petits fournisseurs.

Pour ce faire, le législateur a supprimé l’abus de dépendance économique de la liste des pratiques énoncées à l’article L. 442-6, I, 2° à la faveur d’une prohibition plus large de la pratique consistant à « soumettre ou […] tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

3. La notion de déséquilibre significatif

La notion de déséquilibre significatif fait manifestement directement écho aux termes de l’ancien article L. 131-2 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives, ce qui n’a pas échappé aux auteurs, lesquels y ont vu immédiatement une transposition du dispositif consumériste au droit commercial.

La doctrine s’en est majoritairement émue pour trois raisons principales :

  • Tout d’abord, il a été reproché à ce texte de porter atteinte à la liberté contractuelle notamment en raison de la lourde amende civile encourue par l’auteur de l’infraction (deux millions d’euros ou trois fois le montant des sommes indûment perçues)
  • Ensuite, certains ont argué que la situation du consommateur face au professionnel n’est pas semblable à celle du fournisseur face au distributeur. Le dispositif de l’article L. 442-6, I, 2, propre au droit de la consommation, ne serait donc pas transposable, en l’état, au droit de la concurrence.
  • Enfin, une partie de la doctrine a considéré que, en raison de l’absence de définition de la notion de « déséquilibre significatif », l’article L. 442-6, I, 2° contrevenait au principe de légalité des délits et des peines, l’amende civile encourue revêtant un caractère répressif.
    • Sur cette dernière critique, la question a été posée au Conseil constitutionnel par le Tribunal de Bobigny dans le cadre d’une QPC.
    • Dans une décision n° 2010-85 du 13 janvier 2011 celui-ci a toutefois estimé que la sanction dont était assortie la nouvelle pratique instituée à l’article L. 442-6, I, 2° était parfaitement conforme à l’article 8 de la DDHC.
    • Les juges de la rue de Montpensier ont affirmé en ce sens que « pour déterminer l’objet de l’interdiction des pratiques commerciales abusives dans les contrats conclus entre un fournisseur et un distributeur, le législateur s’est référé à la notion juridique de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties qui figure à l’article L. 132-1 du code de la consommation reprenant les termes de l’article 3 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 susvisée ; qu’en référence à cette notion, dont le contenu est déjà précisé par la jurisprudence, l’infraction est définie dans des conditions qui permettent au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d’arbitraire ; qu’en outre, la juridiction saisie peut, conformément au sixième alinéa du paragraphe III de l’article L. 442-6 du code de commerce, consulter la commission d’examen des pratiques commerciales composée des représentants des secteurs économiques intéressés ; qu’eu égard à la nature pécuniaire de la sanction et à la complexité des pratiques que le législateur a souhaité prévenir et réprimer, l’incrimination est définie en des termes suffisamment clairs et précis pour ne pas méconnaître le principe de légalité des délits ».

Ainsi, pour le Conseil constitutionnel la notion de « déséquilibre significatif » n’est pas dépourvue de définition dans la mesure où ses contours ont d’ores et déjà été délimités par la jurisprudence en droit de la consommation.

Il appartient donc aux juridictions de reprendre la définition existante afin de déterminer s’il y a lieu de sanctionner ou non l’existence d’un déséquilibre significatif, comme pratique restrictive de concurrence.

Est-ce à dire que le déséquilibre significatif de l’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce est le même que celui envisagé à l’article L. 212-1 du Code de la consommation (anciennement L. 132-1) ?

On ne saurait être aussi catégorique, ne serait-ce que parce que ces dispositions ne sont pas rédigées en des termes identiques.

4. Les conditions d’application du déséquilibre significatif

Il ressort de l’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce que l’auteur d’un déséquilibre significatif engage sa responsabilité lorsque trois conditions cumulatives sont réunies.

?Une relation avec un partenaire commercial

L’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce n’a vocation à régir que les rapports institués entre deux contractants dans le cadre d’une relation commerciale

Cette disposition n’intéresse donc pas les contrats conclus entre un consommateur et un professionnel.

Elle ne s’applique qu’entre partenaires commerciaux.

Là ne s’arrête pas la différence avec l’article L. 212-1 du Code de la consommation.

Tandis que ce texte ne sanctionne que le déséquilibre créé par le professionnel au détriment du consommateur, l’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce peut être indifféremment invoquée à la faveur de l’une ou l’autre partie au contrat.

Cette disposition vise, très largement, « le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Rien n’exclut, par conséquent, que le bénéfice de cette protection soit invoqué par le distributeur à l’encontre de son fournisseur, alors même que le rapport de force est généralement inversé.

Enfin, la notion de « partenaire commerciale » visé par le texte induit l’exigence d’une relation économique établie entre la victime du déséquilibre et son cocontractant.

?Une soumission ou d’une tentative de soumission

Deuxième condition exigée par l’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce, l’auteur du déséquilibre significatif doit « soumettre ou tenter de soumettre » son partenaire commercial.

Cette formule appelle plusieurs remarques :

  • Tout d’abord, sur la formule en elle-même, le terme de soumission implique l’existence d’une position de force d’un contractant sur l’autre. Autrement dit, l’une des parties au contrat doit exercer une contrainte économique telle sur son cocontractant qu’il le prive de sa liberté contractuelle.
    • Dans un arrêt du 18 septembre 2013, la Cour d’appel de Paris évoque « l’existence d’un rapport de force économique déséquilibré entre les parties, dont il se déduit la soumission du partenaire le plus faible » (CA Paris, 18 sept. 2013).
    • Dans un arrêt du 27 mai 2005, la Cour de cassation a, pour constater l’existence d’un rapport de soumission, que « les clauses litigieuses étaient insérées dans tous les contrats signés par les fournisseurs, lesquels ne disposaient pas du pouvoir réel de les négocier, et relevé que les fournisseurs, dont seuls 3 % étaient des grands groupes, ne pouvaient pas prendre le risque d’être déréférencés par le Galec qui détenait, en 2009, 16,9 % des parts du marché de la distribution, la cour d’appel, qui n’a pas procédé par affirmation générale, a pu en déduire que les fournisseurs avaient été soumis aux exigences du Galec, caractérisant ainsi l’existence d’une soumission au sens de l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce 8 sept. 2013 » (Cass. com. 27 mai 2015, n°14-11.387).
  • Ensuite, en tant que pratique restrictive, pour être sanctionnée l’exercice de cette contrainte ne suppose pas de porter atteinte au marché. Le seul constat de le l’existence d’un déséquilibre significatif suffit à fonder le prononcé d’une sanction.
  • Enfin, il peut être observé que l’exigence d’un comportement particulier imputable à l’auteur du déséquilibre significatif constitue une différence notable avec les conditions de mise en œuvre de l’article L. 212-1 du Code de la consommation qui n’exige pas du professionnel qu’il soumette ou tente de soumettre le consommateur dans le cadre de leur relation contractuelle. L’application de cette disposition est subordonnée à l’établissement d’un élément objectif : l’existence d’une clause qui crée « un déséquilibre significatif ». Peu importe la position dans laquelle le professionnel se trouve par rapport au consommateur.

?Des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties

Dans un arrêt du 23 mai 2013, la Cour d’appel de Paris a défini le déséquilibre significatif comme le « fait, pour un opérateur économique, d’imposer à un partenaire des conditions commerciales telles que celui-ci ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée au regard de la valeur du service rendu » (CA Paris, 23 mai 2013).

La question qui immédiatement se pose est de savoir comment apprécier le déséquilibre ?

Doit-il être apprécié clause par clause ou au regard du contrat pris dans sa globalité ?

Contrairement à l’article L. 212-1 du Code de la consommation vise les « clauses » qui créent un déséquilibre significatif, l’article L. 442-6, I, 2 du Code de commerce évoque les « obligations » en général à l’origine du déséquilibre, ce qui n’est pas sans renvoyer au contrat pris dans sa globalité.

En matière de pratique restrictive de concurrence, le juge semble dès lors devoir apprécier le déséquilibre significatif au regard de l’économie du contrat.

Dans un arrêt du 3 mars 2015, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « l’article L. 442-6 I 2° du code de commerce invite à apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie » (Cass. com. 3 mars 2015, n°13-27.525).

Dans cette perspective, plusieurs critères vont être pris en compte par le juge pour apprécier le déséquilibre.

  • L’absence de réciprocité
    • Lorsque certaines clauses sont unilatérales, en ce sens qu’elles ne peuvent être invoquées que par une seule partie au contrat, cette absence de réciprocité peut être interprétée comme le signe de l’existence d’un déséquilibre sanctionnable.
    • Tel sera le cas, par exemple, d’une clause qui ne prévoit de faculté de résiliation unilatérale qu’à la faveur du seul distributeur.
    • Il en ira de même pour une clause de révision de prix dépourvu de réciprocité.
  • L’absence de contrepartie
    • Lorsque le contrat confère à l’une des parties un avantage sans contrepartie, le juge pourra en déduire l’existence d’un déséquilibre significatif.
    • Dans un arrêt du 4 juillet 2013, la Cour d’appel de Paris a estimé en ce sens s’agissant d’une clause de retour des invendus qui « met à la charge des fournisseurs une obligation, sans qu’aucune contrepartie ne leur soit accordée [qu’] elle instaure, par là, un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. » (CA. Paris 7 juill. 2013).
  • Le caractère inhabituel de la clause
    • Si une clause unilatérale insérée dans un contrat commercial peut ne pas être sanctionnée lorsqu’elle est fréquemment stipulée, tel ne sera pas le cas lorsque cette même clause est inhabituelle.
    • Tel est le sens de deux arrêts rendus par la Cour d’appel de Paris le 27 avr. 2011 et le 18 décembre 2013 (CA. Paris 27 avr. 2011 ; CA. Paris 18 sept. 2013).
  • Indifférence de la nature du déséquilibre
    • Pour mémoire, l’article 1168 du Code civil prévoit que la lésion est indifférente en droit français.
    • Cela signifie que si le déséquilibre contractuel consiste en une disproportion entre la prestation due et le prix convenu, il ne devrait pas pouvoir être sanctionné.
    • Selon certains auteurs, la ratio legis de l’article L. 442-2, I, 2° du Code de commerce autoriserait toutefois à penser que, en matière de contrats commerciaux, la lésion serait, par exception au principe, admise.
    • Dans un arrêt du 1er juillet 2015 la Cour d’appel de Paris a manifestement adhéré à cette analyse en affirmant que « si le juge judiciaire ne peut contrôler les prix qui relèvent de la négociation commerciale, il doit sanctionner les pratiques commerciales restrictives de concurrence et peut annuler les clauses contractuelles qui créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, même lorsque ces clauses sont relatives à la détermination du prix, et ce en application des dispositions de l’article L. 442-6 I 2°du code de commerce qui sanctionne tout déséquilibre contractuel dès lors qu’il est significatif » (CA Paris, 1er juill. 2015).
    • Par ailleurs, dans un arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de cassation a jugé que « la similitude des notions de déséquilibre significatif prévues aux articles L. 132-1, devenu L. 212-1, du code de la consommation et L. 442-6, I, 2° du code de commerce, relevée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, n’exclut pas qu’il puisse exister entre elles des différences de régime tenant aux objectifs poursuivis par le législateur dans chacun de ces domaines, en particulier quant à la catégorie des personnes qu’il a entendu protéger et à la nature des contrats concernés ; qu’ainsi, l’article L. 442-6, I, 2° précité, qui figure dans le Livre quatrième du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, et au Chapitre II du Titre IV, dédié aux pratiques restrictives de concurrence, n’exclut pas, contrairement à l’article L. 212-1 du code de la consommation, que le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu ; qu’en outre, la cour d’appel a exactement retenu que la loi du 4 août 2008, en exigeant une convention écrite qui indique le barème de prix tel qu’il a été préalablement communiqué par le fournisseur, avec ses conditions générales de vente, a entendu permettre une comparaison entre le prix arrêté par les parties et le tarif initialement proposé par le fournisseur ; qu’il suit de là que l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce autorise un contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (Cass. com. 25 janv. 2017, n°15-23.547).
    • Ainsi, la Cour de cassation semble admettre la lésion sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce par exception aux articles 1169 du Code civil et L. 212-1 du Code de la consommation.

5. Titularité de l’action

?Les titulaires de l’action

Aux termes de l’article L. 442-6, III du Code de commerce « l’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article. »

Il ressort de cette disposition que la victime du déséquilibre significatif n’est pas la seule titulaire de l’action.

Afin, d’éviter qu’elle se résigne à agir par peur de représailles de la part de son cocontractant, le législateur a ouvert l’action à trois autorités différentes :

  • Le ministère public
  • Le ministre de l’économie
  • Le président de l’Autorité de la concurrence

?Les difficultés soulevées par l’ouverture d’une action au ministre de l’économie

En octroyant au ministre de l’économie le droit d’agir, alors même qu’il est, a priori, dépourvu d’intérêt à agir, cela contrevient à la règle « nul ne plaide par procureur ».

L’ouverture de l’action au ministre de l’économique a, pour cette principale raison, été fortement critiquée par la doctrine qui y voyait une atteinte à un principe fondamental de procédure civile.

Dans une décision du 13 mai 2011, le Conseil constitutionnel a toutefois estimé qu’« il est loisible au législateur de reconnaître à une autorité publique le pouvoir d’introduire, pour la défense d’un intérêt général, une action en justice visant à faire cesser une pratique contractuelle contraire à l’ordre public ; que ni la liberté contractuelle ni le droit à un recours juridictionnel effectif ne s’opposent à ce que, dans l’exercice de ce pouvoir, cette autorité publique poursuive la nullité des conventions illicites, la restitution des sommes indûment perçues et la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés » (Cons. const., 13 mai 2011, n° 2011-126 QPC, Sté Système U Centrale Nationale)

Pour les juges de la rue de Montpensier, lorsque le ministre de l’économie exerce l’action qui lui est ouverte sur le fondement de l’article L. 442-6, II, 2° du Code de commerce, il ne plaide pas par procureur, mais agit en défense de l’intérêt général, soit plus précisément pour assurer le bon fonctionnement du marché.

?Réserve du Conseil constitutionnel : l’obligation d’information des parties au contrat

Le Conseil constitutionnel a assorti sa décision du 13 mai 2011 : le ministre de l’économie ne peut agir en justice pour dénoncer l’existence d’un déséquilibre significatif qu’à la condition « que les parties au contrat ont été informées de l’introduction d’une telle action ».

Rapidement, cette réserve a soulevé des difficultés d’interprétation.

La question s’est posée de savoir si l’obligation d’information devait être satisfaite quelle que soit l’action diligentée par le ministre ou s’il pouvait s’en départir dans l’hypothèse où il ne solliciterait que la cessation de la pratique abusive.

Dans un arrêt du 3 mars 2015, la Cour de cassation a opté pour seconde option.

Elle a estimé « qu’il résulte de la réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2011-126 QPC du 13 mai 2011 que c’est seulement lorsque l’action engagée par l’autorité publique tend à la nullité des conventions illicites, à la restitution des sommes indûment perçues et à la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés que les parties au contrat doivent en être informées ; qu’ayant constaté que le ministre avait renoncé en cours d’instance à poursuivre l’annulation des clauses litigieuses, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu que son action, qui ne tendait plus qu’à la cessation des pratiques et au prononcé d’une amende civile, était recevable » (Cass. com. 3 mars 2015, n°14-10.907).

?L’autonomie du droit d’agir du ministre de l’économie

Il importe peu que la victime n’ait pas consenti à l’action engagée par le ministre de l’économie.

Dans un arrêt du 8 juillet 2008, la Cour de cassation a estimé que « l’action du ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions du premier de ces textes, qui tend à la cessation des pratiques qui y sont mentionnées, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l’indu et au prononcé d’une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs » (Cass. com. 8 juill. 2008, n°07-16.761).

Le ministre de l’économique peut donc parfaitement introduire une action en justice sans le consentement de la victime.

Il devra toutefois l’en avertir, sauf à ce qu’il ne sollicite qu’une cessation de la pratique abusive.

Cass. com. 8 juill. 2008

Sur le premier moyen :

Vu l’article L. 442-6 III du code de commerce ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que l’action du ministre chargé de l’économie, exercée en application des dispositions du premier de ces textes, qui tend à la cessation des pratiques qui y sont mentionnées, à la constatation de la nullité des clauses ou contrats illicites, à la répétition de l’indu et au prononcé d’une amende civile, est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence qui n’est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs ;

Attendu qu’en septembre 2001, la société coopérative Groupements d’achats des centres Leclerc (le Galec) ayant obtenu, de la part de ses vingt-trois fournisseurs en produits frais, des contrats de coopération commerciale moins favorables que ceux consentis à la société Carrefour, leur a réclamé réparation par la voie de protocoles d’accords transactionnels à hauteur d’un montant total de 23 313 681,51 euros ; que le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, estimant ces conventions contraires aux dispositions de l’article L. 442.-6-I-2 a et II a du code de commerce, comme portant sur des prestations rétroactives et ne reposant sur aucun préjudice en l’absence de service commercial effectivement rendu, a assigné le Galec en constatation de leur nullité, en restitution par le Galec des sommes perçues et en paiement d’une amende civile de deux millions d’euros ;

Attendu que pour décider que l’action du ministre chargé de l’économie était irrecevable et dire sans objet sa demande d’amende civile, l’arrêt retient que par son action fondée sur les dispositions de l’article L. 442-6 III du code de commerce, il recherchait le rétablissement des fournisseurs dans leurs droits patrimoniaux individuels afin de défendre et de restaurer l’ordre public économique prétendument troublé par les transactions intervenues entre eux et le Galec et qu’il avait introduit cette action de substitution sans en informer les fournisseurs titulaires des droits et qu’il a poursuivi la procédure sans les y associer alors que dix-sept d’entre eux avaient expressément exprimé leur volonté contraire en violation de l’article 6 § 1 de la Convention qui garantit à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement devant un tribunal indépendant et impartial qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur l’autre moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 3 mai 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;

6. Prescription de l’action

  • Le délai de prescription
    • Conformément à l’article L. 110-4, I du Code de commerce « les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes. »
  • Le point de départ de la prescription
    • S’agissant du point de départ de la prescription, tout dépend de la sanction sollicitée par le demandeur :
      • Pour la répétition de l’indu, il s’agira de la date à laquelle le paiement est devenu indu
      • Pour la réparation du préjudice, il s’agira
        • soit de la date de réalisation du préjudice
        • soit la date à laquelle le dommage a été révélé à la victime
      • Pour la nullité du contrat, il s’agira de la date de conclusion du contrat

7. Sanction

Plusieurs sanctions sont prévues par l’article L. 442-6, III du Code de commerce.

  • La réparation du préjudice causé
    • Cette sanction pourra être sollicitée, tant par la victime, que par les autorités publiques.
    • Quid de la nature de cette action en responsabilité ? S’agit-il d’une responsabilité de nature contractuelle ou délictuelle ?
    • La jurisprudence a envisagé les deux possibilités
  • La cessation de la pratique abusive
    • Cette sanction ne peut être sollicitée que par le ministère public ou le ministre de l’économie
    • Cela peut se traduire :
      • Soit par l’anéantissement de la clause à l’origine du déséquilibre
      • Soit par l’obligation de renégociation du contrat
  • Le réputé non-écrit
    • Cette sanction, qui peut être sollicitée, tant par la victime, que par les autorités publiques, est semblable à celle prononcée en matière de clause abusive.
    • Cela témoigne de la proximité que l’article L. 442-6, III du Code de commerce entretient avec l’article L. 212-1 du Code de la consommation relatif aux clauses abusives.
  • La nullité du contrat
    • La nullité du contrat ne sera prononcée que dans les cas les plus graves, soit lorsque l’anéantissement d’une ou plusieurs causes serait insuffisant pour mettre fin au déséquilibre.
    • Ainsi, le juge privilégiera toujours la sanction du réputé non-écrit.
  • La répétition de l’indu
    • Cette sanction peut être sollicitée par la victime dès lors qu’elle justifiera que des sommes ont indûment été versées à son créancier en raison du déséquilibre.
    • À la vérité, il s’agit là, moins d’une sanction autonome, que d’une conséquence de la rétroactivité de l’anéantissement d’une clause ou du contrat dans son entier.
  • L’amende civile
    • Cette sanction ne pourra être sollicitée que par le ministre de l’économie ou le ministère public.
    • S’agissant du quantum de l’amende il pourra atteindre au choix :
      • Soit 5 millions d’euros
      • Soit le triple du montant des sommes indûment versées ou, de manière proportionnée aux avantages tirés du manquement
      • Soit 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques mentionnées au présent article ont été mises en œuvre.

Les parties au contrat de consommation: le consommateur, le professionnel et le non-professionnel

Le dispositif relatif aux clauses abusives prévu par le Code de la consommation est susceptible de s’appliquer toutes les fois qu’un contrat a été conclu entre :

  • D’un côté, le débiteur du dispositif
    • un professionnel
  • D’un autre côté, le créancier du dispositif
    • un consommateur
    • un non-professionnel

1. Le débiteur du dispositif relatif aux clauses abusives : le professionnel

Aux termes de l’article liminaire du Code de la consommation introduit par la loi Hamon du 17 mars 2014, puis modifié par l’ordonnance du 14 mars 2016, le professionnel est défini comme « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel. »

Il ressort de cette définition que deux critères président à la notion de professionnel : un critère personnel et un critère matériel.

?Le critère personnel

Le professionnel peut, indistinctement être :

  • Une personne physique
  • Une personne morale
  • Une personne privée
  • Une personne publique
  • Une personne investie d’un pouvoir de représentation

En toutes hypothèses, le professionnel doit nécessairement exercer une activité économique à titre indépendant.

?Le critère matériel

Le professionnel se définit surtout par l’activité qu’il exerce. Aussi, cette activité peut être de toute nature.

Il peut s’agir, en effet, d’une activité :

  • Commerciale
  • Industrielle
  • Artisanale
  • Libérale
  • Agricole

Le professionnel n’est donc pas nécessairement un commerçant.

Il constitue une catégorie bien plus large qui transcende la distinction entre les commerçants et les non-commerçants.

L’avocat, le médecin ou l’architecte peuvent être qualifiés de professionnels, de sorte qu’ils sont débiteurs du dispositif relatif aux clauses abusives au même titre qu’une société commerciale.

2. Les créanciers du dispositif relatif aux clauses abusives : le consommateur ou le non-professionnel

2.1 Le consommateur

Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, le Code de la consommation ne comportait aucune définition de la notion de consommateur, exceptée, depuis la loi du 1er juillet 2010, en matière de crédit à la consommation.

Le nouvel article L. 311-1, 2° du Code de la consommation prévoit en ce sens que « sont considérés comme […] emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ».

Le dispositif légal relatif aux clauses abusives est demeuré quant à lui dépourvu de définition. Le législateur a fait le choix de ne pas reprendre celle prévue à l’article 2, b de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle »[1].

Cette absence de définition légale n’a, manifestement, pas été sans soulever de nombreuses difficultés.

Aussi, la loi Hamon du 14 mars 2016 est-elle venue mettre un terme à cette carence en introduisant une définition restrictive de la notion de consommateur.

a. Les difficultés soulevées par l’absence de définition légale de la notion de consommateur

Les deux principales difficultés soulevées par l’absence de définition de la notion de consommateur ont été de savoir :

  • Si, d’une part, les professionnels agissant en dehors de leur spécialité pouvaient être regardés comme des consommateurs.
  • Si, d’autre part, les personnes morales agissant à des fins non-professionnelles pouvaient également être assimilées à des consommateurs.

a.1 Sur l’assimilation des professionnels agissant en dehors de leur activité à des consommateurs

i. Problématique

Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, la notion de consommateur n’était définie par aucun texte, bien qu’elle soit visée par plusieurs articles du Code de la consommation, en particulier par les dispositions relatives aux clauses abusives.

Classiquement, on enseigne que la notion de consommateur peut être prise dans deux sens différents : un sens économique et un sens juridique.

  • Au sens économique, le consommateur est celui qui intervient au dernier stade du processus de circulation des biens, soit après la production et la distribution.
  • Au sens juridique, le consommateur n’est plus regardé comme un maillon de la chaîne économique : il est appréhendé comme une partie faible au contrat qu’il convient de protéger.

Si l’on se focalise sur cette seconde acception de la notion de consommateur, une question immédiatement alors se pose : que doit-on entendre par partie faible au contrat.

Plus précisément, à qui le dispositif relatif aux clauses abusives doit-il bénéficier ? Qui le législateur a-t-il voulu protéger ?

ii. Les approches envisageables

Deux approches de la notion de consommateur, au sens juridique du terme, peuvent être retenues.

  • L’approche restrictive
    • Le consommateur n’est autre que le profane qui agit exclusivement pour ses besoins personnels et familiaux, soit en dehors de l’exercice de toute activité professionnelle.
    • Cette approche repose, de la sorte, sur la qualité du consommateur, lequel serait nécessairement un non-professionnel.
    • Bien qu’elle présente l’immense avantage de reposer sur un critère simple, cette vision s’est heurtée à la lettre de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation.
    • Cette disposition prévoyait, en effet, que le dispositif relatif aux clauses abusives bénéficiait, tant au consommateur qu’au non-professionnel, ce qui, dès lors, est susceptible de disqualifier l’approche restrictive.
    • En effet, de deux choses l’une :
      • Soit l’on tient les termes « consommateur » et « non-professionnel » pour synonymes auquel cas on exclut d’emblée l’idée que le professionnel puisse bénéficier de la protection instaurée par le législateur, peu importe qu’il agisse en dehors de sa sphère de compétence lorsqu’il agit.
      • Soit l’on considère qu’il n’existe aucune synonymie entre les deux termes, auquel cas rien n’empêche que les personnes qui contractent dans le cadre de l’exercice de leur profession, mais en dehors de leur domaine de spécialité puissent bénéficier de la même protection que les consommateurs.
    • D’où le débat qui s’en est suivi sur l’opportunité d’adopter une approche extensive de la notion de consommateur.
  • L’approche extensive
    • Selon cette approche, la notion de consommateur doit être appréhendée, non pas au regard du critère de la qualité de professionnel de celui qui conclut un contrat de biens ou de services, mais en considération du critère de sa compétence.
    • Le consommateur s’apparenterait ainsi à toute personne qui agit en dehors de sa sphère de compétence habituelle, car dans cette hypothèse, elle est placée dans la même situation que le profane.
    • Cette conception permet ainsi d’attraire dans la catégorie des consommateurs celui qui, dans le cadre de l’exercice de sa profession, agit en dehors de son domaine de compétence.
  • Si donc on récapitule, tandis que l’approche restrictive de la notion de consommateur repose sur le critère de la qualité de celui qui contracte, l’approche extensive repose quant à elle sur le critère de la compétence.
  • Quelle approche a été retenue par la jurisprudence ?
  • Il ressort des nombreuses décisions rendues sur cette question par la Cour de cassation que sa position a connu une véritable évolution.

iii. L’évolution jurisprudentielle

?Première étape : adoption de l’approche extensive

Dans un arrêt du 15 avril 1982, la Cour de cassation a estimé que le dispositif relatif aux clauses abusives était parfaitement applicable à un professionnel agissant en dehors de son domaine de compétence (Cass. 1ère civ. 15 avr. 1982, n°80-14.757).

Cass. 1ère civ. 15 avr. 1982

juges du fond, m x…, agriculteur, a reçu, le 30 juin 1978, à la suite d’un incendie dans son exploitation au cours de la nuit du 29 au 30 juin 1978, la visite d’un démarcheur de la société générale d’expertise roux sa, qui lui a proposé les services de cette société pour procéder à l’expertise du sinistre ; Que m x… a accepte de confier la mission d’expertise a la société roux, moyennant une rémunération de 3 % des estimations, selon un contrat signe le même jour ; Que, cependant, le cabinet d’expertise Guillet et sauret ayant, ce même jour, propose a m x… les mêmes services, pour une rémunération de 2 % , m x… a adresse à la société roux une lettre par laquelle il déclarait renoncer au contrat, en faisant référence aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ; Que, sur une demande de la société roux pour que soit reconnue la validité de la convention conclue avec m x…, la cour d’appel a prononcé la nullité du contrat pour inobservation des prescriptions de l’article 2 du texte précité ;

Attendu que la société roux fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, pour statuer ainsi, décide que les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 étaient applicables, en écartant l’article 8-1-e de ce texte, selon lequel sont exclues du domaine d’application de la loi les prestations de services lorsqu’elles sont proposées pour les besoins d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou d’une activité professionnelle, ce qui serait le cas en l’espèce ; Qu’ainsi, la cour d’appel aurait abusivement restreint l’application de cette disposition, qui doit, selon le pourvoi, s’appliquer aux contrats de toute nature en rapport avec l’exploitation, et pas seulement à ceux relevant de l’exercice de sa profession par le client ;

Mais attendu que le régime institue par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicite à domicile, en tant que consommateur présume inexpérimenté ; Que l’exception a ce régime de protection, prévue par l’article 8-1-e de ce texte, ne s’applique qu’à celui qui contracte non en qualité de consommateur, mais dans l’exercice de son activité professionnelle ; Que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le contrat litigieux, qui concernait l’expertise d’un sinistre, échappait a la compétence professionnelle de m x…, agriculteur, et devait en conséquence, être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;

Qu’elle a ainsi légalement justifie sa décision ;

Que le moyen n’est donc pas fonde ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 10 juin 1980 par la cour d’appel de bourges.

  • Faits
    • Un agriculteur, a reçu, le 30 juin 1978, à la suite d’un incendie dans son exploitation, la visite d’une société qui lui a proposé ses services aux fins de procéder à l’expertise du sinistre
    • Alors qu’il avait accepté de confier la mission d’expertise à la société, moyennant une rémunération de 3 % des estimations, l’agriculteur est sollicité le même jour par une autre société qui lui propose, le même jour, les mêmes services pour une rémunération de seulement 2 %.
    • Aussi, décide-t-il de renoncer au premier contrat, en se prévalant des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.
  • Demande
    • La société assigne l’agriculteur aux fins de faire constater en justice la validité du contrat.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 juin 1980, la Cour d’appel de Bourges déboute la société requérante de sa demande et prononce la nullité du contrat
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que l’agriculteur était parfaitement fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 qui offrent au consommateur un droit de rétractation en cas de démarchage à domicile.
    • Plus précisément, ils estiment que l’article l’article 8-1-e de ce texte, selon lequel sont exclues du domaine d’application de la loi les prestations de services lorsqu’elles sont proposées pour les besoins d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou d’une activité professionnelle, ne seraient pas applicables en l’espèce, compte tenu de l’état d’ignorance dans lequel se trouvait l’agriculteur.
  • Solution
    • Dans son arrêt du 15 avril 1982, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société requérante.
    • Pour valider la décision des juges du fond, elle considère que si « le régime institué par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicité à domicile, en tant que consommateur présume inexpérimenté […], l’exception à ce régime de protection, prévue par l’article 8-1-e de ce texte, ne s’applique qu’à celui qui contracte non en qualité de consommateur, mais dans l’exercice de son activité professionnelle »
    • La haute juridiction en déduit que, en l’espèce, « le contrat litigieux, qui concernait l’expertise d’un sinistre, échappait a la compétence professionnelle l’agriculteur, et devait en conséquence, être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 »
    • La première chambre civile assimile donc le professionnel qui agit en dehors de son domaine de compétence à un consommateur.
    • Ce qui compte, ce n’est donc pas que la personne qui contracte endosse ou non la qualité de professionnel, ce qui importe c’est de savoir si elle agit dans le cadre de sa sphère de compétence habituelle.
    • Cela revient dès lors à considérer que les termes « consommateur » et « non-professionnel » auxquels la loi fait référence, ne sont pas synonymes.
    • La catégorie des « non-professionnels » peut, en effet, selon cette vision, parfaitement accueillir les personnes qui agissent dans le cadre de leur profession, mais en dehors de leur domaine d’activité.
    • Ainsi, la Cour de cassation s’est-elle manifestement livrée, dans cet arrêt, à une approche extensive de la notion de consommateur.

?Deuxième étape : adoption d’une approche restrictive

Dans un arrêt du 15 avril 1986, la Cour de cassation a opéré de revirement de jurisprudence radical en adoptant une interprétation restrictive de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 (Cass. 1ère civ. 15 avr. 1986, n°84-15.801).

Elle affirme en ce sens que « la protection qu’il institue ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ».

Aussi, cela conduit-il la Cour de cassation à exclure du champ d’application du dispositif relative aux clauses abusives les professionnels qui agissent en dehors domaine de compétence.

Cass. 1ère civ., 15 avr. 1986

Sur le premier moyen :

Vu l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que la protection qu’il institue ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ;

Attendu que M.Jean-François Bodier, agent d’assurances, a souscrit le 6 janvier 1983 auprès d’un représentant de la société Rayconile un ordre de publicité en vue de l’impression et de l’expédition par voie postale d’une housse d’annuaires téléphoniques comportant un encart publicitaire, à mille abonnés pendant trois ans à raison d’une diffusion par an, en versant à titre d’avance la somme de 360 francs ; que six jours après, le 12 janvier 1983, il adressait une lettre recommandée à la société Rayconile pour lui dire qu’en fonction de probabilité d’un futur déménagement, il demandait à rompre l’engagement qu’il venait de contracter ;

Attendu que, passant outre à cette demande, la société Rayconile a adressé le 21 janvier 1983 à M.Bodier une confirmation de la commande en précisant qu’elle faisait imprimer et diffuser les housses publicitaires ; que M.Bodier ayant refusé de régler les sommes réclamées, cette société l’a assigné devant le tribunal d’instance ; qu’elle a été déboutée de son action au motif que M.Bodier n’était qu’un ” consommateur ” dans ses relations avec elle et que certaines stipulations du contrat auraient été contraires aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978 ” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que M.Bodier avait traité en qualité de professionnel de l’assurance et pour la publicité de son cabinet, circonstances d’où il résultait qu’en l’espèce cette loi n’était pas applicable, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen,

CASSE et ANNULE, en son entier, le jugement rendu le 5 juin 1984, entre les parties, par le Tribunal d’instance de Chateaudun ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’instance de Chartres,

  • Faits
    • Un agent d’assurances, a souscrit le 6 janvier 1983 auprès d’un représentant de la société Rayconile un ordre de publicité en vue de l’impression et de l’expédition par voie postale d’une housse d’annuaires téléphoniques comportant un encart publicitaire, à mille abonnés pendant trois ans à raison d’une diffusion par an, en versant à titre d’avance la somme de 360 francs
    • Six jours après la conclusion du contrat, l’agent d’assurances souhaite se rétracter en faisant valoir auprès de son cocontractant qu’il était probable qu’il soit amené à déménager.
    • Ce dernier refuse et adresse à son client une confirmation de la commande en précisant qu’elle lui fournirait, malgré tout, la prestation initialement convenue.
    • L’agent d’assurances refuse alors de régler les sommes réclamées.
  • Demande
    • La société prestataire assigne en paiement son client à qui elle avait refusé la rupture unilatérale du contrat.
  • Procédure
    • Par jugement du 5 juin 1984, le Tribunal d’instance de Châteaudun déboute la société requérante au motif que l’agent d’assurances n’était qu’un ” consommateur ” dans ses relations avec elle et que certaines stipulations du contrat auraient été contraires aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978.
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 avril 1986, la première chambre civile casse et annule le jugement rendu en premier et dernier ressort par le Tribunal d’instance de Châteaudun.
    • La Cour de cassation estime, en effet, que la protection instituée par la loi du 10 janvier 1978 « ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ».
    • Or en l’espèce, elle relève que l’agent d’assurances était un professionnel.
    • Ainsi, pour la Cour de cassation adopte-t-elle une conception restrictive de la notion de consommateur.
    • Dans la mesure où l’assureur agit dans le cadre de sa profession, il ne saurait être rangé dans la catégorie des non-professionnels et, par voie de conséquence, bénéficier de la protection instaurée par la loi du 10 janvier 1978.
    • Cette conception revient dès lors à tenir pour synonyme les termes « consommateur » et « non-professionnel » visés par la loi.
    • Bien que cette solution ait été rendue en conformité avec l’avis de la Commission de refonte du droit de la consommation qui « n’a pas voulu assimiler aux consommateurs les personnes qui, agissant dans l’exercice d’une profession, contractent avec des professionnels de spécialité différente », de nombreux auteurs critiquèrent cette position de la Cour de cassation.
    • Certains firent, en effet, remarquer que cela conduisait à priver à une personne, parce qu’elle agit dans le cadre de l’exercice de sa profession, du bénéfice de protection instaurée par le législateur, alors même que lorsqu’elle agit en dehors de sa sphère de compétence habituelle, elle est placée dans la même situation que le consommateur.
    • Comme l’a fait remarquer Georges Berlioz, « comment admettre, par exemple, qu’un passager aérien qui voyage pour ses besoins professionnels soit exclu de la protection contre les clauses abusives, alors que son voisin qui a contracté avec le transporteur dans un but privé soit admis à s’en prévaloir » ?
    • Cette situation est absurde. D’où la raison, sans doute, du nouveau revirement opéré par la Cour de cassation un an plus tard.

?Troisième étape : le retour à une approche extensive

Dans un arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation est revenue à une approche extensive de la notion de consommateur (Cass. 1ère civ. 28 avr. 1987, n°85-13.674).

Cass. 1ère civ., 28 avr. 1987

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Abonnement téléphonique a installé un système d’alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel et que celle-ci a dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l’alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison ; que, sur son assignation, la cour d’appel a déclaré nulle la clause du contrat suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu’une obligation de moyens et non de résultat, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu’en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat, enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu’elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier ;

Attendu qu’Abonnement téléphonique reproche aux juges du second degré d’avoir ainsi statué, aux motifs que la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause, la société Pigranel se trouvant dans la situation de n’importe quel individu non commerçant, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une opération commerciale entre professionnels, à but lucratif pour l’une comme pour l’autre des parties, alors que, d’une part, selon le moyen, la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s’applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu’ils jugent abusives, en particulier dans le cas de l’espèce puisque la société Pigranel est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la cour d’appel a violé l’article 35 de ladite loi, les articles 1er à 5 du décret précité et l’article 1134 du Code civil ; qu’il est affirmé, d’autre part, qu’Abonnement téléphonique ne pouvait en aucun cas souscrire une obligation de résultat au regard des dommages prétendument subis et des mauvais fonctionnements de l’installation ; que, de troisième part, selon le moyen, la clause refusant à la société Pigranel tout droit à résiliation ou à dommages-intérêts en cas de dérangement n’était pas interdite par le décret, dont l’article 2 a donc été violé en même temps que l’article 1134 du Code civil ; qu’il est enfin prétendu que l’arrêt attaqué a encore violé les mêmes textes en annulant la clause attribuant diverses indemnités à Abonnement téléphonique en cas de cessation du contrat quel qu’en soit le motif ;

Mais attendu, sur le premier point, que les juges d’appel ont estimé que le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ; qu’ils en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable ;

Et attendu, sur les trois autres points, que le vendeur étant tenu de délivrer une chose apte à rendre le service que l’acquéreur peut légitimement en attendre, la cour d’appel, qui a relevé que l’installation n’a pas fonctionné de manière satisfaisante, dès sa mise en service jusqu’à la décision de résiliation, et qu’elle a provoqué pendant ces deux années de nombreuses alertes intempestives, a ainsi légalement justifié, au regard de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, le chef de son arrêt décidant de tenir pour abusives et donc non écrites, dans ces limites, les trois clauses ci-avant analysées ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • La société Abonnement téléphonique a installé un système d’alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel.
    • Cette dernière a, par la suite, dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l’alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison.
    • Contre cette demande, la société d’Abonnement téléphonique invoquait plusieurs clauses selon lesquelles elle n’était tenue que d’une obligation de moyens et qu’aucune indemnité, aucune résiliation n’était possible du fait des dérangements mais que des indemnités lui étaient dues en cas de rupture du contrat.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 19 mars 1985, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la nullité de plusieurs clauses du contrat :
      • D’abord la stipulation suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu’une obligation de moyens et non de résultat
      • Ensuite, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu’en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat
      • Enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu’elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier.
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le fournisseur de l’alarme.
    • Elle justifie sa décision en validant l’application par les juges du fond de la loi du 10 janvier 1978 après avoir relevé que « le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ».
    • Ainsi, la Cour de cassation considère-t-elle que nonobstant sa qualité de professionnel, la société acquéreur pouvait bénéficier du mécanisme de protection des clauses abusives dans la mesure où elle avait agi en dehors de son domaine de spécialité.
    • Le principe posé par la haute juridiction est donc clair : la loi du 10 janvier 1978 s’applique au professionnel, fût-ce une personne morale, dès lors qu’il est placé relativement au contenu du contrat en cause, dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur.
    • Au sens de la loi du 10 janvier 1978, la personne qui agit dans le cadre de sa profession mais en dehors de sa sphère de compétence habituelle est assimilée au non-professionnel, ce qui présente l’avantage de fournir un fondement textuel à cette solution.

?Quatrième étape : l’apparition du critère légal du lien direct

La loi Doubin du 31 décembre 1989 relatif au démarchage à domicile est venue réformer l’article L. 121-22, 4° du Code de la consommation en posant une exception à l’application du dispositif protecteur pour « les ventes, locations ventes de biens ou de prestations de service lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».

On pouvait alors légitimement en déduire, a contrario, que lorsque l’un des contrats visés par cette exception était conclu sans « rapport direct » avec les activités d’un professionnel, celui-ci était fondé à revendiquer le bénéfice de la législation relative au démarchage à domicile.

Surtout, cette réforme alors fournir un nouveau support textuel à la Cour de cassation pour justifier l’application du dispositif relatif aux clauses abusives professionnel agissant en dehors de son domaine de spécialité.

?Cinquième étape : retour à une conception stricte de la notion de consommateur

Bien que l’on ait pu légitimement penser que la Cour de cassation ferait une application extensive de la loi Doubin du 31 décembre 1989 relatif au démarchage à domicile aux clauses abusives, tel ne fut pas le cas.

Au contraire, dans une décision du 24 novembre 1993, la première chambre civile est revenue à une approche restrictive de la notion de consommateur en considérant, à propos du contrat qui lui était soumis que « le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels » (Cass. 1ère civ. 24 nov. 1993, n°91-17.753).

Ainsi, pour la Cour de cassation la qualité de professionnel du requérant fait obstacle à ce qu’il se prévale du dispositif relatif aux clauses abusives quand bien même il aurait agi en dehors de son domaine de spécialité.

Il peut être observé que cette solution était manifestement conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans un arrêt du 19 janvier 1993 avait estimé que « l’article 13 de la convention doit être interprété en ce sens que le demandeur, qui agit dans l’ exercice de son activité professionnelle et qui n’ est, dès lors, pas lui-même le consommateur, partie à l’ un des contrats énumérés par le premier alinéa de cette disposition, ne peut pas bénéficier des règles de compétence spéciales prévues par la convention en matière de contrats conclus par les consommateurs. »

Et d’ajouter qu’il résulte du libellé et de la fonction des dispositions de la directive « que celles-ci ne visent que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles qui est lié par un des contrats énumérés à l’article 13 et qui est partie à l’action en justice, conformément à l’article 14 ».

Cass. 1ère civ. 24 nov. 1993

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X…, arboriculteur, a acheté à M. Y…, pépinièriste, 6 008 plants de pommiers Starkrimson S 106 premier choix, qu’il a plantés en janvier 1981 ; qu’à la première floraison des arbres, il s’est aperçu que ces pommiers n’appartenaient pas à la même variété ; qu’une expertise judiciaire à établi que 68 % des plants n’étaient pas conformes à la commande ; que M. X… a alors réclamé à M. Y… une somme de 600 000 francs en réparation de son préjudice ; que l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 mai 1991) faisant application d’une clause conventionnelle limitant la garantie de l’authenticité des variétés au remboursement du prix facturé, a condamné M. Y… à payer à M. X… la somme de 50 048,12 francs ;

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que la non-conformité constitue un vice caché lorsqu’elle n’a pu apparaître que plus de deux ans après la livraison, alors que, la cour d’appel ne s’est pas expliquée sur la notion d’authenticité des variétés pour appliquer la clause limitative de responsabilité, et n’a pas non plus précisé en quoi la qualité de professionnel de M. X… devait lui permettre de s’apercevoir d’un vice indécelable lors de la livraison, et alors, enfin, que la clause litigieuse serait abusive ;

Mais attendu que, devant les juges du fond, l’acquéreur des plants n’a pas fondé son action en indemnité sur l’existence du prétendu vice caché d’hétérogénéité dont serait atteint la variété Starkrimson, mais sur un manquement du vendeur à son obligation de livrer exclusivement, conformément à la commande, des plants appartenant à cette variété et que la cour d’appel n’était pas tenue de modifier le fondement juridique de la demande qui lui était présentée ;

Attendu ensuite, qu’ayant constaté que dans la proportion de 68 % les plants livrés par M. Y… n’appartenaient pas à la variété Starkrimson mais à la variété standard Red Delicious, la cour d’appel a, par une interprétation implicite des termes de la convention, retenu que ce manquement à son obligation de délivrance entraînait pour le vendeur celle de garantir “l’authenticité” de la variété des plants livrés, au sens de la clause limitative de responsabilité, qu’elle a, dès lors, appliquée à bon droit ;

Attendu, encore, que cette clause limitant la responsabilité de M. Y… à raison non des vices cachés de la chose vendue, mais des défauts de conformité de la marchandise livrée, la cour d’appel n’avait pas à rechercher, pour déclarer la clause opposable à M. X…, si ce dernier était un professionnel de même spécialité que le vendeur ;

Attendu, enfin, que le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

?Sixième étape : le recours au critère du rapport direct

Il fallut attendre un arrêt du 24 janvier 1995 pour que la Cour de cassation subordonne l’application du dispositif relatif aux clauses abusives à l’absence de rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de celui qui se prévaut de la protection (Cass. 1ère civ. 24 janv. 1995, n°92-18.227).

Cass. 1ère civ., 24 janv. 1995

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 18 novembre 1982, la société Héliogravure Jean Didier a conclu avec l’établissement public Electricité de France (EDF) un contrat de fourniture d’énergie électrique haute tension ; que, se plaignant de coupures de courant survenues au cours du mois de janvier 1987 et de l’année 1988, elle a assigné EDF aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 784 230 francs en réparation du préjudice causé par ces interruptions ; qu’EDF a opposé que celles-ci étaient la conséquence d’une grève menée par une partie de son personnel, revêtant le caractère de force majeure ; qu’elle a demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 567 084,49 francs représentant le montant de sa facture du mois de janvier 1987 ; que l’arrêt attaqué (Douai, 14 mai 1992) a écarté la demande d’indemnisation formée au titre des interruptions survenues en janvier 1987 en retenant que la situation conflictuelle avait fait naître pour EDF un état de contrainte caractérisant le cas de force majeure ; qu’ayant, pour les coupures survenues en 1988, considéré qu’EDF ne rapportait pas la preuve qu’il s’agissait d’interruptions entrant dans la définition de l’article XII, alinéa 5, du contrat et assimilables à des cas de force majeure, il a procédé au calcul de l’indemnisation conformément à la clause de l’alinéa 3 du même article, limitant, à moins de faute lourde établie, le montant de la somme destinée à réparer le dommage causé à l’usager, écartant en cela les prétentions de la société Héliogravure Jean Didier selon lesquelles cette clause devait être réputée non écrite en application des articles 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ; qu’enfin, procédant à la compensation entre l’indemnité ainsi calculée et la somme de 70 891,72 francs, dette non contestée par la société Héliogravure Jean Didier, il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 496 192,77 francs outre intérêts à compter du 7 juin 1990 ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Héliogravure Jean Didier fait aussi grief à l’arrêt de s’être prononcé ainsi qu’il l’a fait alors, selon le moyen, d’une part, qu’en se fondant sur le fait que ladite société disposait d’un personnel d’encadrement compétent dans le domaine juridique, ce que n’avait nullement soutenu EDF, la cour d’appel a violé l’article 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, qu’est un consommateur celui qui contracte hors de sa sphère habituelle d’activité et de sa spécialité ; que les contrats souscrits auprès de EDF sont des contrats types qui ne peuvent être négociés en raison du monopole de ce service public, ce qui place les commerçants, quand ils contractent, dans la même situation qu’un simple particulier ; qu’en estimant que la société Héliogravure Jean Didier, entreprise d’imprimerie, était un utilisateur professionnel de l’énergie électrique qui ne pouvait bénéficier des dispositions de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, la cour d’appel a violé l’article 35 de cette loi, ainsi que l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ;

Mais attendu que les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que, par ces motifs substitués, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Le 18 novembre 1982, la société Héliogravure Jean Didier a conclu avec l’établissement public Electricité de France (EDF) un contrat de fourniture d’énergie électrique haute tension.
    • À la suite de coupures de courant survenues au cours du mois de janvier 1987 et de l’année 1988, elle a assigné EDF aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 784 230 francs en réparation du préjudice causé par ces interruptions
    • EDF a alors opposé que celles-ci étaient la conséquence d’une grève menée par une partie de son personnel, revêtant le caractère de force majeure.
    • Aussi, a-t-elle demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 567 084,49 francs représentant le montant de sa facture du mois de janvier 1987.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 mai 1992, la Cour d’appel de Douai a débouté le requérant de sa demande d’indemnisation au titre des interruptions survenues en janvier 1987.
    • Les juges du fond considèrent :
      • D’une part, que la situation conflictuelle avait fait naître pour EDF un état de contrainte caractérisant le cas de force majeure
      • D’autre part, s’agissant des coupures survenues au cours de l’année 1988, que la demande d’indemnisation était parfaitement fondée, dans la mesure où EDF ne rapportait pas la preuve qu’il s’agissait d’interruptions entrant dans la définition de l’article XII, alinéa 5, du contrat et assimilables à des cas de force majeure.
      • Toutefois, la Cour d’appel considère que le calcul de l’indemnisation doit s’opérer conformément à l’article 3 de la convention conclue entre les parties qui limitait, à moins de faute lourde établie, le montant de la somme destinée à réparer le dommage causé à l’usager.
      • Or l’application de cette clause limitative de responsabilité est contestée par le requérant qui soutient que cette clause devait être réputée non écrite en application des articles 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 novembre 1993, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société requérante à l’encontre de l’arrêt d’appel.
    • La première chambre civile considère, en opérant par substitution de motif, que « les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant »
    • Or en l’espèce, le contrat conclu entre EDF et la société requérante avait un rapport direct avec l’activité de cette dernière.
    • D’où l’impossibilité pour elle d’invoquer le bénéfice du dispositif relatif aux clauses abusives.
    • La Cour de cassation abandonne ainsi le critère de l’incompétence à la faveur du critère du rapport direct.
    • On passe donc d’un critère subjectif à un critère objectif
    • Dès lors qu’existe un rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle du contractant, le dispositif relatif aux clauses abusives est inapplicable.
    • A contrario, on pouvait en déduire que la protection instaurée par le législateur s’applique lorsque le contrat est sans rapport avec la profession de celui qui agit.
    • Restait alors à déterminer comment ce rapport direct devait-il être apprécié ? Que devait-on entendre par la formule utilisée par la Cour de cassation ?

?Septième étape : l’appréciation du rapport direct

Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation estime que l’appréciation du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).

Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.

Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.

Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.

Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.

La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.

C’est là, le principal critère utilisé par les juges.

Au total, il apparaît que, si l’adoption du critère du rapport direct s’est révélée favorable aux professionnels sollicités dans le cadre d’un démarchage à domicile, cela est moins vrai pour les ceux victimes de clauses abusives.

À la vérité, le recours au critère du rapport direct a permis au juge de trouver un juste équilibre entre l’exclusion totale des professionnels du bénéfice des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et une application trop souple de ces dispositions dont pouvait se prévaloir tout professionnel dès lors qu’il agissait en dehors de son domaine de spécialité.

a.2 Sur l’assimilation des personnes morales agissant à des fins non-professionnelles à des consommateurs

?Première étape : l’assimilation des personnes morales au consommateur

Dans son arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation a d’abord estimé que les personnes morales n’étaient pas exclues du bénéfice de la loi du 10 janvier 1978 (Cass. 1ère civ., 28 avr. 1987, n°85-13.674).

Elle a considéré en ce sens que le contrat auquel était partie en l’espèce une personne morale « échappait à la compétence de professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause ».

La première chambre civile en déduit que la personne morale « était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur »

Ainsi, se fonde-t-elle ici sur le critère de l’incompétence pour faire application de la loi du 10 janvier 1978 à une personne morale.

?Deuxième étape : le refus d’assimilation par la CJUE des personnes morales au consommateur

Dans un arrêt du 22 novembre 2001, la Cour de justice de l’Union européenne a retenu la solution inverse à celle adoptée par la Cour de cassation.

Dans cette décision, les juges luxembourgeois considèrent que « la notion de « consommateur », telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement les personnes physiques ».

Ainsi, pour la CJUE, une personne morale ne peut pas être assimilée à un consommateur.

?Troisième étape : la résistance de la Cour de cassation quant à l’assimilation des personnes morales à des consommateurs

Nonobstant la position de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence en ayant recours à un subterfuge.

Celui-ci a consisté pour la première chambre civile à se fonder sur la lettre de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui visait tout à la fois le consommateur et le non-professionnel.

Aussi, a-t-elle décidé d’assimiler au non-professionnel les personnes morales qui agissaient en dehors de leur domaine d’activité habituel, cela permettait à la haute juridiction de leur accorder le bénéfice des dispositions consuméristes de la loi du 10 janvier 1978.

Dans un arrêt du 15 mars 2005, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « si, par arrêt du 22 novembre 2001, la cour de Justice des communautés européennes a dit pour droit : “la notion de consommateur, telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement des personnes physiques”, la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives » (Cass. 1ère civ. 15 mars 2005, n°02-13.285).

Cass. 1ère civ. 15 mars 2005

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties, conformément aux dispositions de l’article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le Syndicat départemental de contrôle laitier de la Mayenne, syndicat professionnel constitué entre éleveurs, dont l’objet social est d’effectuer les opérations de contrôle de performance, d’état civil et d’identification des animaux, a conclu avec la société Europe computer systèmes (société ECS) un contrat de location de matériel informatique avec option d’achat, qui s’est trouvé tacitement reconduit à compter de février 1997 ; qu’il était stipulé : “à l’expiration de la période initiale de location, et à condition que le locataire ait exécuté l’intégralité de ses obligations au titre du présent contrat ou de tout autre conclu entre le loueur et lui, le locataire aura la faculté, avec un préavis de neuf mois, soit : A – d’acquérir l’équipement dans l’état où il se trouvera. Le prix de cette acquisition sera payable comptant, et égal à la valeur résiduelle de l’équipement à la date d’acquisition mentionnée aux conditions particulières, majoré de toutes taxes ou charges applicables au jour de la vente. La propriété de l’équipement ne sera transférée qu’à la date de complet paiement de la valeur résiduelle. En conséquence, jusqu’à cette date, le locataire restera tenu du respect de ses obligations au titre du présent contrat ; B – de restituer l’équipement au loueur ;

C – de demander le renouvellement de la location par la signature d’un nouveau contrat, auquel cas les conditions de la nouvelle location devront être déterminées d’un commun accord. Si le locataire omet d’aviser le loueur de son choix dans les formes et délais requis, la location se poursuivra par tacite reconduction et chacune des parties pourra y mettre fin à tout moment en respectant un préavis de neuf mois sauf si le loueur s’oppose à cette tacite reconduction en avisant le locataire par lettre recommandée avec accusé de réception postée un mois au moins avant la date d’expiration de la location. Les loyers afférents à une période de tacite reconduction seront identiques au dernier loyer échu.” ; que l’arrêt attaqué a condamné le syndicat à payer à la société ECS les loyers dûs au titre de la période de reconduction ;

Attendu que si, par arrêt du 22 novembre 2001, la cour de Justice des communautés européennes a dit pour droit : “la notion de consommateur, telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement des personnes physiques”, la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives ; que cependant, dès lors qu’en l’espèce le contrat litigieux entre la société ECS et le Syndicat départemental de contrôle laitier de la Mayenne n’avait pu être conclu par ce dernier qu’en qualité de professionnel, les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, ne sauraient trouver application ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

?Quatrième étape : l’abandon du critère du rapport direct pour les sociétés commerciales

Dans un arrêt du 11 décembre 2008, la Cour de cassation a refusé de faire application du critère du rapport direct à la faveur d’une société commerciale aux fins de lui faire bénéficier du dispositif relatif aux clauses abusives (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2008, n°07-18.128).

Plus précisément elle considère que « les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, selon lesquelles sont réputées non écrites, parce qu’abusives, certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales ».

La haute juridiction estime donc qu’une société commerciale ne peut jamais bénéficier du dispositif instauré par le législateur, peu importe qu’elle agisse ou non en dehors de son domaine d’activité.

Il est dès lors inutile de se demander si un rapport direct existe entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de la personne morale.

La solution est logique, dans la mesure où conformément au principe de spécialité la capacité juridique des personnes morales est limitée à leur objet social.

Il en résulte qu’elles ne sauraient accomplir aucun acte en dehors dudit objet.

La solution adoptée par la Cour de cassation en 2008 a été réitérée dans une décision du 6 septembre 2011 (Cass. com. 6 sept. 2011).

Cass. 1ère civ. 11 déc. 2008

Sur le moyen relevé d’office, conformément aux modalités de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu que la société Etablissements Jean Patouillet et la société Sonalp ont conclu, à titre gratuit, une convention, d’une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction, par laquelle la seconde autorisait la première à installer, dans ses locaux, et à gérer un distributeur automatique de boissons chaudes, et qui comportait une clause d’exclusivité au profit de la société Etablissements Jean Patouillet ; que la société Sonalp ayant fait installer, dans ses locaux, un matériel concurrent, la société Etablissements Jean Patouillet l’a assignée aux fins de résiliation judiciaire du contrat et de réparation de son préjudice ;

Attendu que pour déclarer abusive et, en conséquence, non écrite la clause d’exclusivité et considérer que la rupture du contrat incombait à la société Etablissements Jean Patouillet, l’arrêt énonce que, dans le cadre de la conclusion du contrat de dépôt, la société Sonalp doit être considérée comme un simple consommateur, l’objet dudit contrat n’ayant strictement aucun rapport avec son activité ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que les dispositions du texte susvisé, selon lesquelles sont réputées non écrites, parce qu’abusives, certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales, la cour d’appel a, par fausse application, violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mai 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

b. L’adoption tardive d’une définition légale restrictive de la notion de consommateur

Il faut attendre la loi Hamon du 17 mars 2014 pour que le législateur se décide à adopter une définition du consommateur.

L’article 3 de cette loi a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Au vrai cette disposition n’est autre qu’une transposition de l’article 2 de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette définition est que le législateur a opté pour une conception stricte du consommateur.

Cette qualité est désormais subordonnée à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la finalité de l’acte et, d’autre part, à la personne du contractant.

  • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
    • Le consommateur est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
    • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
    • Le texte ne règle pas, toutefois, la question de l’acte mixte, soit du contrat conclu à des fins toutes à la fois professionnelles et personnelles.
    • Dans pareille hypothèse, le 17e considérant de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 prévoit néanmoins qu’« en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur. »
  • Sur le critère relatif à la personne du contractant
    • L’article liminaire du Code de la consommation prévoit que seule une personne physique peut être qualifiée de consommateur.
    • Les personnes morales sont donc exclues du bénéfice de cette qualification.
    • Est-ce à dire que le droit de la consommation leur est inapplicable ?
    • Il ressort de la définition du non-professionnel que les personnes morales sont, à l’instar des personnes physiques, potentiellement éligibles à une application des dispositions consuméristes.

2.2 Le non-professionnel

Il ressort de la loi du 10 janvier 1978 que le consommateur n’est pas la seule personne à bénéficier du dispositif relatif aux clauses abusives. Ce texte vise également le « non-professionnel ».

Que doit-on entendre par là ?

Jusqu’à la loi Hamon du 14 mars 2016, le droit de la consommation est demeuré silencieux sur cette notion, de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche de s’en saisir.

L’examen des décisions rendues en la matière révèle toutefois que la Cour de cassation a moins cherché à définir la notion de « non-professionnel » que de l’employer comme d’une catégorie balai lui permettant d’attraire dans le giron de la loi du 10 janvier 1978, des personnes qui ne pouvaient pas être qualifiées de consommateur, mais qui n’en étaient pas moins placées dans la même situation.

La qualification de non-professionnel a, de la sorte, servi de support textuel à la haute juridiction lorsqu’il lui a fallu justifier l’application du dispositif relatif aux clauses abusives aux personnes morales ou physiques ayant agi en dehors de leur domaine de spécialité.

L’adoption de cette approche n’a pas été sans soulever de difficultés. De deux choses l’une :

  • Soit l’on tient pour synonymes les termes « consommateur » et « non-professionnel » pour synonymes auquel cas on exclut d’emblée l’idée que le professionnel puisse bénéficier de la protection instaurée par le législateur, peu importe qu’il agisse en dehors de sa sphère de compétence lorsqu’il agit.
  • Soit l’on considère qu’il n’existe aucune synonymie entre les deux termes, auquel cas rien n’empêche que les personnes qui contractent dans le cadre de l’exercice de leur profession, mais en dehors de leur domaine de spécialité puissent bénéficier de la même protection que les consommateurs.

Les termes de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation ne permettent pas d’affirmer avec certitude que l’une ou l’autre interprétation prime sur l’autre. La preuve en est, la position de la Cour de cassation qui a été très fluctuante sur cette question.

C’est dans ce contexte que la loi Hamon du 14 mars 2016 a été adoptée. Le législateur est intervenu dans le dessein, entre autres, de clarifier la situation.

Pour ce faire, il a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation dans lequel il définit le concept de « non-professionnel » aux côtés des notions de consommateur et de professionnel.

Cette disposition prévoit en ce sens que, « on entend par non-professionnel : toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole »

Comme pour le consommateur, l’octroi de la qualité de « non-professionnel » est subordonné à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la finalité de l’acte et, d’autre part, à la personne du contractant.

  • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
    • Le non-professionnel est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
    • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
    • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir dans quelles circonstances une personne morale peut-elle être amenée à agir en dehors de l’exercice de son activité professionnelle.
    • Pour rappel, la capacité juridique des personnes morales est limitée à leur objet social.
    • Or leur objet social détermine le périmètre de leur activité professionnelle.
    • Au regard du principe de spécialité, comment envisager, dès lors, qu’une personne morale puisse agir en dehors du domaine de l’activité qui lui a été statutairement assignée ?
    • Cette situation est difficilement envisageable
    • On comprend alors mal la situation visée par le législateur.
    • Pour certains auteurs, les personnes morales qui répondraient à la qualification de « non-professionnels » ne seraient autres que celles qui exercent une activité non-lucrative, telles les associations, les syndicats ou encore les syndicats de copropriétaires.
    • Autre obstacle à l’octroi de la qualité de « non-professionnel » aux personnes morales : la position de la CJUE qui, dans une décision du 22 novembre 2002, avait estimé que, « il ressort clairement du libellé de l’article 2 de la directive directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 qu’une personne autre qu’une personne physique, qui conclut un contrat avec un professionnel, ne saurait être regardée comme un consommateur au sens de ladite disposition »
    • Est-ce à dire que la loi Hamon, en envisageant que les personnes morales puissent se prévaloir de certaines dispositions consuméristes en accédant à la qualité de « non-professionnel », a adopté une disposition non-conforme au droit de l’Union européenne ?
    • L’adoption de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ne nous permet pas de le penser.
    • Ce texte prévoit, en effet, que « les États membres peuvent […] décider d’étendre l’application des règles de la présente directive à des personnes morales ou physiques qui ne sont pas des «consommateurs» au sens de la présente directive, comme les organisations non gouvernementales, les jeunes entreprises ou les petites et moyennes entreprises ».
    • Une application du droit de la consommation aux personnes morales est donc parfaitement possible. Le droit communautaire ne constitue plus un obstacle comme c’était le cas sous l’empire de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993.
    • Cela vaut, tant pour les personnes morales qui agissent dans le cadre de leur activité professionnelle, que pour celles qui contractent en dehors de leur domaine de spécialité.
  • Sur le critère relatif à la personne du contractant
    • Il ressort de la définition du non-professionnel que celui-ci ne peut être qu’une personne morale
    • Cela conduit dès lors à se poser la même question que pour la qualité de consommateur : les personnes physiques sont donc exclues du bénéfice de la qualification de « non-professionnel » ?
    • Si, les termes de l’alinéa 2 de l’article liminaire sont sans ambiguïté sur ce point, on ne saurait pour autant en déduire que le droit de la consommation leur est inapplicable.
    • Parce qu’elles disposent de la possibilité de se prévaloir de la qualité de consommateur, elles sont, de toute évidence, les premiers destinataires du dispositif de protection instauré par le législateur.

Au total, l’objectif tendant à mettre un terme au débat portant sur la question de savoir si les vocables « consommateur » et « non-professionnel » devaient être tenus pour synonymes a-t-il été atteint ?

Le bilan est mitigé. Si dans le cadre de la loi Hamon, le législateur édicte pour la première fois une définition des notions de consommateur et de non-professionnel, un certain nombre d’interrogations reste en suspens, à commencer par la question de savoir si la personne physique qui agit pour les besoins de son activité professionnelle, et qui donc ne pas revendiquer la qualité de consommateur, peut se prévaloir du dispositif relatif aux clauses abusives, dans l’hypothèse où il contracterait en dehors de son domaine de spécialité.

Pourrait-il être assimilé à un non-professionnel ? La lettre de l’article liminaire du Code de la consommation ne le permet pas.

La Cour de cassation pourrait toutefois être tentée de recourir au critère du « rapport direct » afin d’attraire dans le giron du droit de la consommation les personnes physiques qui sont exclues de la qualification de consommateur.

La notion de consommateur

Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, le Code de la consommation ne comportait aucune définition de la notion de consommateur, exceptée, depuis la loi du 1er juillet 2010, en matière de crédit à la consommation.

Le nouvel article L. 311-1, 2° du Code de la consommation prévoit en ce sens que « sont considérés comme […] emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle ».

Le dispositif légal relatif aux clauses abusives est demeuré quant à lui dépourvu de définition. Le législateur a fait le choix de ne pas reprendre celle prévue à l’article 2, b de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle »[1].

Cette absence de définition légale n’a, manifestement, pas été sans soulever de nombreuses difficultés.

Aussi, la loi Hamon du 14 mars 2016 est-elle venue mettre un terme à cette carence en introduisant une définition restrictive de la notion de consommateur.

I) Les difficultés soulevées par l’absence de définition légale de la notion de consommateur

Les deux principales difficultés soulevées par l’absence de définition de la notion de consommateur ont été de savoir :

  • Si, d’une part, les professionnels agissant en dehors de leur spécialité pouvaient être regardés comme des consommateurs.
  • Si, d’autre part, les personnes morales agissant à des fins non-professionnelles pouvaient également être assimilées à des consommateurs.

A) Sur l’assimilation des professionnels agissant en dehors de leur activité à des consommateurs

1. Problématique

Jusqu’à l’adoption de la loi Hamon du 14 mars 2016, la notion de consommateur n’était définie par aucun texte, bien qu’elle soit visée par plusieurs articles du Code de la consommation, en particulier par les dispositions relatives aux clauses abusives.

Classiquement, on enseigne que la notion de consommateur peut être prise dans deux sens différents : un sens économique et un sens juridique.

  • Au sens économique, le consommateur est celui qui intervient au dernier stade du processus de circulation des biens, soit après la production et la distribution.
  • Au sens juridique, le consommateur n’est plus regardé comme un maillon de la chaîne économique : il est appréhendé comme une partie faible au contrat qu’il convient de protéger.

Si l’on se focalise sur cette seconde acception de la notion de consommateur, une question immédiatement alors se pose : que doit-on entendre par partie faible au contrat.

Plus précisément, à qui le dispositif relatif aux clauses abusives doit-il bénéficier ? Qui le législateur a-t-il voulu protéger ?

2. Les approches envisageables

Deux approches de la notion de consommateur, au sens juridique du terme, peuvent être retenues.

  • L’approche restrictive
    • Le consommateur n’est autre que le profane qui agit exclusivement pour ses besoins personnels et familiaux, soit en dehors de l’exercice de toute activité professionnelle.
    • Cette approche repose, de la sorte, sur la qualité du consommateur, lequel serait nécessairement un non-professionnel.
    • Bien qu’elle présente l’immense avantage de reposer sur un critère simple, cette vision s’est heurtée à la lettre de l’ancien article 132-1 du Code de la consommation.
    • Cette disposition prévoyait, en effet, que le dispositif relatif aux clauses abusives bénéficiait, tant au consommateur qu’au non-professionnel, ce qui, dès lors, est susceptible de disqualifier l’approche restrictive.
    • En effet, de deux choses l’une :
      • Soit l’on tient les termes « consommateur » et « non-professionnel » pour synonymes auquel cas on exclut d’emblée l’idée que le professionnel puisse bénéficier de la protection instaurée par le législateur, peu importe qu’il agisse en dehors de sa sphère de compétence lorsqu’il agit.
      • Soit l’on considère qu’il n’existe aucune synonymie entre les deux termes, auquel cas rien n’empêche que les personnes qui contractent dans le cadre de l’exercice de leur profession, mais en dehors de leur domaine de spécialité puissent bénéficier de la même protection que les consommateurs.
    • D’où le débat qui s’en est suivi sur l’opportunité d’adopter une approche extensive de la notion de consommateur.
  • L’approche extensive
    • Selon cette approche, la notion de consommateur doit être appréhendée, non pas au regard du critère de la qualité de professionnel de celui qui conclut un contrat de biens ou de services, mais en considération du critère de sa compétence.
    • Le consommateur s’apparenterait ainsi à toute personne qui agit en dehors de sa sphère de compétence habituelle, car dans cette hypothèse, elle est placée dans la même situation que le profane.
    • Cette conception permet ainsi d’attraire dans la catégorie des consommateurs celui qui, dans le cadre de l’exercice de sa profession, agit en dehors de son domaine de compétence.
  • Si donc on récapitule, tandis que l’approche restrictive de la notion de consommateur repose sur le critère de la qualité de celui qui contracte, l’approche extensive repose quant à elle sur le critère de la compétence.
  • Quelle approche a été retenue par la jurisprudence ?
  • Il ressort des nombreuses décisions rendues sur cette question par la Cour de cassation que sa position a connu une véritable évolution.

3. L’évolution jurisprudentielle

?Première étape : adoption de l’approche extensive

Dans un arrêt du 15 avril 1982, la Cour de cassation a estimé que le dispositif relatif aux clauses abusives était parfaitement applicable à un professionnel agissant en dehors de son domaine de compétence (Cass. 1ère civ. 15 avr. 1982, n°80-14.757).

Cass. 1ère civ. 15 avr. 1982

juges du fond, m x…, agriculteur, a reçu, le 30 juin 1978, à la suite d’un incendie dans son exploitation au cours de la nuit du 29 au 30 juin 1978, la visite d’un démarcheur de la société générale d’expertise roux sa, qui lui a proposé les services de cette société pour procéder à l’expertise du sinistre ; Que m x… a accepte de confier la mission d’expertise a la société roux, moyennant une rémunération de 3 % des estimations, selon un contrat signe le même jour ; Que, cependant, le cabinet d’expertise Guillet et sauret ayant, ce même jour, propose a m x… les mêmes services, pour une rémunération de 2 % , m x… a adresse à la société roux une lettre par laquelle il déclarait renoncer au contrat, en faisant référence aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile ; Que, sur une demande de la société roux pour que soit reconnue la validité de la convention conclue avec m x…, la cour d’appel a prononcé la nullité du contrat pour inobservation des prescriptions de l’article 2 du texte précité ;

Attendu que la société roux fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, pour statuer ainsi, décide que les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 étaient applicables, en écartant l’article 8-1-e de ce texte, selon lequel sont exclues du domaine d’application de la loi les prestations de services lorsqu’elles sont proposées pour les besoins d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou d’une activité professionnelle, ce qui serait le cas en l’espèce ; Qu’ainsi, la cour d’appel aurait abusivement restreint l’application de cette disposition, qui doit, selon le pourvoi, s’appliquer aux contrats de toute nature en rapport avec l’exploitation, et pas seulement à ceux relevant de l’exercice de sa profession par le client ;

Mais attendu que le régime institue par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicite à domicile, en tant que consommateur présume inexpérimenté ; Que l’exception a ce régime de protection, prévue par l’article 8-1-e de ce texte, ne s’applique qu’à celui qui contracte non en qualité de consommateur, mais dans l’exercice de son activité professionnelle ; Que, dès lors, c’est à bon droit que la cour d’appel a retenu qu’en l’espèce, le contrat litigieux, qui concernait l’expertise d’un sinistre, échappait a la compétence professionnelle de m x…, agriculteur, et devait en conséquence, être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;

Qu’elle a ainsi légalement justifie sa décision ;

Que le moyen n’est donc pas fonde ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 10 juin 1980 par la cour d’appel de bourges.

  • Faits
    • Un agriculteur, a reçu, le 30 juin 1978, à la suite d’un incendie dans son exploitation, la visite d’une société qui lui a proposé ses services aux fins de procéder à l’expertise du sinistre
    • Alors qu’il avait accepté de confier la mission d’expertise à la société, moyennant une rémunération de 3 % des estimations, l’agriculteur est sollicité le même jour par une autre société qui lui propose, le même jour, les mêmes services pour une rémunération de seulement 2 %.
    • Aussi, décide-t-il de renoncer au premier contrat, en se prévalant des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 relative à la protection des consommateurs en matière de démarchage et de vente à domicile.
  • Demande
    • La société assigne l’agriculteur aux fins de faire constater en justice la validité du contrat.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 juin 1980, la Cour d’appel de Bourges déboute la société requérante de sa demande et prononce la nullité du contrat
    • Les juges du fond justifient leur décision en avançant que l’agriculteur était parfaitement fondé à se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 qui offrent au consommateur un droit de rétractation en cas de démarchage à domicile.
    • Plus précisément, ils estiment que l’article l’article 8-1-e de ce texte, selon lequel sont exclues du domaine d’application de la loi les prestations de services lorsqu’elles sont proposées pour les besoins d’une exploitation agricole, industrielle ou commerciale ou d’une activité professionnelle, ne seraient pas applicables en l’espèce, compte tenu de l’état d’ignorance dans lequel se trouvait l’agriculteur.
  • Solution
    • Dans son arrêt du 15 avril 1982, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société requérante.
    • Pour valider la décision des juges du fond, elle considère que si « le régime institué par la loi du 22 décembre 1972 tend à la protection du contractant sollicité à domicile, en tant que consommateur présume inexpérimenté […], l’exception à ce régime de protection, prévue par l’article 8-1-e de ce texte, ne s’applique qu’à celui qui contracte non en qualité de consommateur, mais dans l’exercice de son activité professionnelle »
    • La haute juridiction en déduit que, en l’espèce, « le contrat litigieux, qui concernait l’expertise d’un sinistre, échappait a la compétence professionnelle l’agriculteur, et devait en conséquence, être soumis aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 »
    • La première chambre civile assimile donc le professionnel qui agit en dehors de son domaine de compétence à un consommateur.
    • Ce qui compte, ce n’est donc pas que la personne qui contracte endosse ou non la qualité de professionnel, ce qui importe c’est de savoir si elle agit dans le cadre de sa sphère de compétence habituelle.
    • Cela revient dès lors à considérer que les termes « consommateur » et « non-professionnel » auxquels la loi fait référence, ne sont pas synonymes.
    • La catégorie des « non-professionnels » peut, en effet, selon cette vision, parfaitement accueillir les personnes qui agissent dans le cadre de leur profession, mais en dehors de leur domaine d’activité.
    • Ainsi, la Cour de cassation s’est-elle manifestement livrée, dans cet arrêt, à une approche extensive de la notion de consommateur.

?Deuxième étape : adoption d’une approche restrictive

Dans un arrêt du 15 avril 1986, la Cour de cassation a opéré de revirement de jurisprudence radical en adoptant une interprétation restrictive de l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 (Cass. 1ère civ. 15 avr. 1986, n°84-15.801).

Elle affirme en ce sens que « la protection qu’il institue ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ».

Aussi, cela conduit-il la Cour de cassation à exclure du champ d’application du dispositif relative aux clauses abusives les professionnels qui agissent en dehors domaine de compétence.

Cass. 1ère civ., 15 avr. 1986

Sur le premier moyen :

Vu l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 sur la protection et l’information des consommateurs de produits et de services ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que la protection qu’il institue ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ;

Attendu que M.Jean-François Bodier, agent d’assurances, a souscrit le 6 janvier 1983 auprès d’un représentant de la société Rayconile un ordre de publicité en vue de l’impression et de l’expédition par voie postale d’une housse d’annuaires téléphoniques comportant un encart publicitaire, à mille abonnés pendant trois ans à raison d’une diffusion par an, en versant à titre d’avance la somme de 360 francs ; que six jours après, le 12 janvier 1983, il adressait une lettre recommandée à la société Rayconile pour lui dire qu’en fonction de probabilité d’un futur déménagement, il demandait à rompre l’engagement qu’il venait de contracter ;

Attendu que, passant outre à cette demande, la société Rayconile a adressé le 21 janvier 1983 à M.Bodier une confirmation de la commande en précisant qu’elle faisait imprimer et diffuser les housses publicitaires ; que M.Bodier ayant refusé de régler les sommes réclamées, cette société l’a assigné devant le tribunal d’instance ; qu’elle a été déboutée de son action au motif que M.Bodier n’était qu’un ” consommateur ” dans ses relations avec elle et que certaines stipulations du contrat auraient été contraires aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978 ” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que M.Bodier avait traité en qualité de professionnel de l’assurance et pour la publicité de son cabinet, circonstances d’où il résultait qu’en l’espèce cette loi n’était pas applicable, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen,

CASSE et ANNULE, en son entier, le jugement rendu le 5 juin 1984, entre les parties, par le Tribunal d’instance de Chateaudun ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d’instance de Chartres,

  • Faits
    • Un agent d’assurances, a souscrit le 6 janvier 1983 auprès d’un représentant de la société Rayconile un ordre de publicité en vue de l’impression et de l’expédition par voie postale d’une housse d’annuaires téléphoniques comportant un encart publicitaire, à mille abonnés pendant trois ans à raison d’une diffusion par an, en versant à titre d’avance la somme de 360 francs
    • Six jours après la conclusion du contrat, l’agent d’assurances souhaite se rétracter en faisant valoir auprès de son cocontractant qu’il était probable qu’il soit amené à déménager.
    • Ce dernier refuse et adresse à son client une confirmation de la commande en précisant qu’elle lui fournirait, malgré tout, la prestation initialement convenue.
    • L’agent d’assurances refuse alors de régler les sommes réclamées.
  • Demande
    • La société prestataire assigne en paiement son client à qui elle avait refusé la rupture unilatérale du contrat.
  • Procédure
    • Par jugement du 5 juin 1984, le Tribunal d’instance de Châteaudun déboute la société requérante au motif que l’agent d’assurances n’était qu’un ” consommateur ” dans ses relations avec elle et que certaines stipulations du contrat auraient été contraires aux dispositions de la loi du 10 janvier 1978.
  • Solution
    • Par un arrêt du 15 avril 1986, la première chambre civile casse et annule le jugement rendu en premier et dernier ressort par le Tribunal d’instance de Châteaudun.
    • La Cour de cassation estime, en effet, que la protection instituée par la loi du 10 janvier 1978 « ne peut être invoquée qu’à l’occasion de contrats passés entre professionnels et non professionnels ou consommateurs ».
    • Or en l’espèce, elle relève que l’agent d’assurances était un professionnel.
    • Ainsi, pour la Cour de cassation adopte-t-elle une conception restrictive de la notion de consommateur.
    • Dans la mesure où l’assureur agit dans le cadre de sa profession, il ne saurait être rangé dans la catégorie des non-professionnels et, par voie de conséquence, bénéficier de la protection instaurée par la loi du 10 janvier 1978.
    • Cette conception revient dès lors à tenir pour synonyme les termes « consommateur » et « non-professionnel » visés par la loi.
    • Bien que cette solution ait été rendue en conformité avec l’avis de la Commission de refonte du droit de la consommation qui « n’a pas voulu assimiler aux consommateurs les personnes qui, agissant dans l’exercice d’une profession, contractent avec des professionnels de spécialité différente », de nombreux auteurs critiquèrent cette position de la Cour de cassation.
    • Certains firent, en effet, remarquer que cela conduisait à priver à une personne, parce qu’elle agit dans le cadre de l’exercice de sa profession, du bénéfice de protection instaurée par le législateur, alors même que lorsqu’elle agit en dehors de sa sphère de compétence habituelle, elle est placée dans la même situation que le consommateur.
    • Comme l’a fait remarquer Georges Berlioz, « comment admettre, par exemple, qu’un passager aérien qui voyage pour ses besoins professionnels soit exclu de la protection contre les clauses abusives, alors que son voisin qui a contracté avec le transporteur dans un but privé soit admis à s’en prévaloir » ?
    • Cette situation est absurde. D’où la raison, sans doute, du nouveau revirement opéré par la Cour de cassation un an plus tard.

?Troisième étape : le retour à une approche extensive

Dans un arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation est revenue à une approche extensive de la notion de consommateur (Cass. 1ère civ. 28 avr. 1987, n°85-13.674).

Cass. 1ère civ., 28 avr. 1987

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Abonnement téléphonique a installé un système d’alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel et que celle-ci a dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l’alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison ; que, sur son assignation, la cour d’appel a déclaré nulle la clause du contrat suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu’une obligation de moyens et non de résultat, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu’en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat, enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu’elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier ;

Attendu qu’Abonnement téléphonique reproche aux juges du second degré d’avoir ainsi statué, aux motifs que la loi du 10 janvier 1978 et le décret du 24 mars 1978 sont applicables en la cause, la société Pigranel se trouvant dans la situation de n’importe quel individu non commerçant, de sorte qu’il ne s’agit pas d’une opération commerciale entre professionnels, à but lucratif pour l’une comme pour l’autre des parties, alors que, d’une part, selon le moyen, la loi du 10 janvier 1978 relative à la protection des consommateurs ne s’applique pas aux contrats souscrits par des commerçants ou professionnels, lesquels sont en mesure de déceler et de négocier les clauses qu’ils jugent abusives, en particulier dans le cas de l’espèce puisque la société Pigranel est spécialisée dans la rédaction de contrats, de sorte que la cour d’appel a violé l’article 35 de ladite loi, les articles 1er à 5 du décret précité et l’article 1134 du Code civil ; qu’il est affirmé, d’autre part, qu’Abonnement téléphonique ne pouvait en aucun cas souscrire une obligation de résultat au regard des dommages prétendument subis et des mauvais fonctionnements de l’installation ; que, de troisième part, selon le moyen, la clause refusant à la société Pigranel tout droit à résiliation ou à dommages-intérêts en cas de dérangement n’était pas interdite par le décret, dont l’article 2 a donc été violé en même temps que l’article 1134 du Code civil ; qu’il est enfin prétendu que l’arrêt attaqué a encore violé les mêmes textes en annulant la clause attribuant diverses indemnités à Abonnement téléphonique en cas de cessation du contrat quel qu’en soit le motif ;

Mais attendu, sur le premier point, que les juges d’appel ont estimé que le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ; qu’ils en ont déduit à bon droit que la loi du 10 janvier 1978 était applicable ;

Et attendu, sur les trois autres points, que le vendeur étant tenu de délivrer une chose apte à rendre le service que l’acquéreur peut légitimement en attendre, la cour d’appel, qui a relevé que l’installation n’a pas fonctionné de manière satisfaisante, dès sa mise en service jusqu’à la décision de résiliation, et qu’elle a provoqué pendant ces deux années de nombreuses alertes intempestives, a ainsi légalement justifié, au regard de l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, le chef de son arrêt décidant de tenir pour abusives et donc non écrites, dans ces limites, les trois clauses ci-avant analysées ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • Faits
    • La société Abonnement téléphonique a installé un système d’alarme contre le vol dans un immeuble appartenant à la société Pigranel.
    • Cette dernière a, par la suite, dénoncé le contrat en se prévalant du caractère abusif de certaines de ses stipulations et en faisant valoir que l’alarme se déclenchait fréquemment sans aucune raison.
    • Contre cette demande, la société d’Abonnement téléphonique invoquait plusieurs clauses selon lesquelles elle n’était tenue que d’une obligation de moyens et qu’aucune indemnité, aucune résiliation n’était possible du fait des dérangements mais que des indemnités lui étaient dues en cas de rupture du contrat.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 19 mars 1985, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a prononcé la nullité de plusieurs clauses du contrat :
      • D’abord la stipulation suivant laquelle Abonnement téléphonique ne contractait dans tous les cas qu’une obligation de moyens et non de résultat
      • Ensuite, celle qui prévoyait que les dérangements, quelle qu’en fût la cause, ne pourraient ouvrir droit à indemnité ni à résiliation du contrat
      • Enfin celle qui attribuait au contraire à Abonnement téléphonique diverses indemnités quel que fût le motif invoqué pour mettre fin audit contrat ; qu’elle a en conséquence décidé que la société Pigranel avait eu le droit de résilier.
  • Solution
    • Par un arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le fournisseur de l’alarme.
    • Elle justifie sa décision en validant l’application par les juges du fond de la loi du 10 janvier 1978 après avoir relevé que « le contrat conclu entre Abonnement téléphonique et la société Pigranel échappait à la compétence professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause, était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur ».
    • Ainsi, la Cour de cassation considère-t-elle que nonobstant sa qualité de professionnel, la société acquéreur pouvait bénéficier du mécanisme de protection des clauses abusives dans la mesure où elle avait agi en dehors de son domaine de spécialité.
    • Le principe posé par la haute juridiction est donc clair : la loi du 10 janvier 1978 s’applique au professionnel, fût-ce une personne morale, dès lors qu’il est placé relativement au contenu du contrat en cause, dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur.
    • Au sens de la loi du 10 janvier 1978, la personne qui agit dans le cadre de sa profession mais en dehors de sa sphère de compétence habituelle est assimilée au non-professionnel, ce qui présente l’avantage de fournir un fondement textuel à cette solution.

?Quatrième étape : l’apparition du critère légal du lien direct

La loi Doubin du 31 décembre 1989 relatif au démarchage à domicile est venue réformer l’article L. 121-22, 4° du Code de la consommation en posant une exception à l’application du dispositif protecteur pour « les ventes, locations ventes de biens ou de prestations de service lorsqu’elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d’une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession ».

On pouvait alors légitimement en déduire, a contrario, que lorsque l’un des contrats visés par cette exception était conclu sans « rapport direct » avec les activités d’un professionnel, celui-ci était fondé à revendiquer le bénéfice de la législation relative au démarchage à domicile.

Surtout, cette réforme alors fournir un nouveau support textuel à la Cour de cassation pour justifier l’application du dispositif relatif aux clauses abusives professionnel agissant en dehors de son domaine de spécialité.

?Cinquième étape : retour à une conception stricte de la notion de consommateur

Bien que l’on ait pu légitimement penser que la Cour de cassation ferait une application extensive de la loi Doubin du 31 décembre 1989 relatif au démarchage à domicile aux clauses abusives, tel ne fut pas le cas.

Au contraire, dans une décision du 24 novembre 1993, la première chambre civile est revenue à une approche restrictive de la notion de consommateur en considérant, à propos du contrat qui lui était soumis que « le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels » (Cass. 1ère civ. 24 nov. 1993, n°91-17.753).

Ainsi, pour la Cour de cassation la qualité de professionnel du requérant fait obstacle à ce qu’il se prévale du dispositif relatif aux clauses abusives quand bien même il aurait agi en dehors de son domaine de spécialité.

Il peut être observé que cette solution était manifestement conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans un arrêt du 19 janvier 1993 avait estimé que « l’article 13 de la convention doit être interprété en ce sens que le demandeur, qui agit dans l’ exercice de son activité professionnelle et qui n’ est, dès lors, pas lui-même le consommateur, partie à l’ un des contrats énumérés par le premier alinéa de cette disposition, ne peut pas bénéficier des règles de compétence spéciales prévues par la convention en matière de contrats conclus par les consommateurs. »

Et d’ajouter qu’il résulte du libellé et de la fonction des dispositions de la directive « que celles-ci ne visent que le consommateur final privé, non engagé dans des activités commerciales ou professionnelles qui est lié par un des contrats énumérés à l’article 13 et qui est partie à l’action en justice, conformément à l’article 14 ».

Cass. 1ère civ. 24 nov. 1993

Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :

Attendu que M. X…, arboriculteur, a acheté à M. Y…, pépinièriste, 6 008 plants de pommiers Starkrimson S 106 premier choix, qu’il a plantés en janvier 1981 ; qu’à la première floraison des arbres, il s’est aperçu que ces pommiers n’appartenaient pas à la même variété ; qu’une expertise judiciaire à établi que 68 % des plants n’étaient pas conformes à la commande ; que M. X… a alors réclamé à M. Y… une somme de 600 000 francs en réparation de son préjudice ; que l’arrêt attaqué (Montpellier, 29 mai 1991) faisant application d’une clause conventionnelle limitant la garantie de l’authenticité des variétés au remboursement du prix facturé, a condamné M. Y… à payer à M. X… la somme de 50 048,12 francs ;

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt attaqué d’avoir ainsi statué, alors que la non-conformité constitue un vice caché lorsqu’elle n’a pu apparaître que plus de deux ans après la livraison, alors que, la cour d’appel ne s’est pas expliquée sur la notion d’authenticité des variétés pour appliquer la clause limitative de responsabilité, et n’a pas non plus précisé en quoi la qualité de professionnel de M. X… devait lui permettre de s’apercevoir d’un vice indécelable lors de la livraison, et alors, enfin, que la clause litigieuse serait abusive ;

Mais attendu que, devant les juges du fond, l’acquéreur des plants n’a pas fondé son action en indemnité sur l’existence du prétendu vice caché d’hétérogénéité dont serait atteint la variété Starkrimson, mais sur un manquement du vendeur à son obligation de livrer exclusivement, conformément à la commande, des plants appartenant à cette variété et que la cour d’appel n’était pas tenue de modifier le fondement juridique de la demande qui lui était présentée ;

Attendu ensuite, qu’ayant constaté que dans la proportion de 68 % les plants livrés par M. Y… n’appartenaient pas à la variété Starkrimson mais à la variété standard Red Delicious, la cour d’appel a, par une interprétation implicite des termes de la convention, retenu que ce manquement à son obligation de délivrance entraînait pour le vendeur celle de garantir “l’authenticité” de la variété des plants livrés, au sens de la clause limitative de responsabilité, qu’elle a, dès lors, appliquée à bon droit ;

Attendu, encore, que cette clause limitant la responsabilité de M. Y… à raison non des vices cachés de la chose vendue, mais des défauts de conformité de la marchandise livrée, la cour d’appel n’avait pas à rechercher, pour déclarer la clause opposable à M. X…, si ce dernier était un professionnel de même spécialité que le vendeur ;

Attendu, enfin, que le caractère prétendument abusif de la clause litigieuse ne peut, aux termes des articles 35, alinéa 3 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu 132-1 de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978, être invoquée à propos d’un contrat de vente conclu entre des professionnels ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

?Sixième étape : le recours au critère du rapport direct

Il fallut attendre un arrêt du 24 janvier 1995 pour que la Cour de cassation subordonne l’application du dispositif relatif aux clauses abusives à l’absence de rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de celui qui se prévaut de la protection (Cass. 1ère civ. 24 janv. 1995, n°92-18.227).

Cass. 1ère civ., 24 janv. 1995

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que le 18 novembre 1982, la société Héliogravure Jean Didier a conclu avec l’établissement public Electricité de France (EDF) un contrat de fourniture d’énergie électrique haute tension ; que, se plaignant de coupures de courant survenues au cours du mois de janvier 1987 et de l’année 1988, elle a assigné EDF aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 784 230 francs en réparation du préjudice causé par ces interruptions ; qu’EDF a opposé que celles-ci étaient la conséquence d’une grève menée par une partie de son personnel, revêtant le caractère de force majeure ; qu’elle a demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 567 084,49 francs représentant le montant de sa facture du mois de janvier 1987 ; que l’arrêt attaqué (Douai, 14 mai 1992) a écarté la demande d’indemnisation formée au titre des interruptions survenues en janvier 1987 en retenant que la situation conflictuelle avait fait naître pour EDF un état de contrainte caractérisant le cas de force majeure ; qu’ayant, pour les coupures survenues en 1988, considéré qu’EDF ne rapportait pas la preuve qu’il s’agissait d’interruptions entrant dans la définition de l’article XII, alinéa 5, du contrat et assimilables à des cas de force majeure, il a procédé au calcul de l’indemnisation conformément à la clause de l’alinéa 3 du même article, limitant, à moins de faute lourde établie, le montant de la somme destinée à réparer le dommage causé à l’usager, écartant en cela les prétentions de la société Héliogravure Jean Didier selon lesquelles cette clause devait être réputée non écrite en application des articles 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ; qu’enfin, procédant à la compensation entre l’indemnité ainsi calculée et la somme de 70 891,72 francs, dette non contestée par la société Héliogravure Jean Didier, il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 496 192,77 francs outre intérêts à compter du 7 juin 1990 ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Héliogravure Jean Didier fait aussi grief à l’arrêt de s’être prononcé ainsi qu’il l’a fait alors, selon le moyen, d’une part, qu’en se fondant sur le fait que ladite société disposait d’un personnel d’encadrement compétent dans le domaine juridique, ce que n’avait nullement soutenu EDF, la cour d’appel a violé l’article 7 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d’autre part, qu’est un consommateur celui qui contracte hors de sa sphère habituelle d’activité et de sa spécialité ; que les contrats souscrits auprès de EDF sont des contrats types qui ne peuvent être négociés en raison du monopole de ce service public, ce qui place les commerçants, quand ils contractent, dans la même situation qu’un simple particulier ; qu’en estimant que la société Héliogravure Jean Didier, entreprise d’imprimerie, était un utilisateur professionnel de l’énergie électrique qui ne pouvait bénéficier des dispositions de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, la cour d’appel a violé l’article 35 de cette loi, ainsi que l’article 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978 ;

Mais attendu que les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que, par ces motifs substitués, la décision se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

  • Faits
    • Le 18 novembre 1982, la société Héliogravure Jean Didier a conclu avec l’établissement public Electricité de France (EDF) un contrat de fourniture d’énergie électrique haute tension.
    • À la suite de coupures de courant survenues au cours du mois de janvier 1987 et de l’année 1988, elle a assigné EDF aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 784 230 francs en réparation du préjudice causé par ces interruptions
    • EDF a alors opposé que celles-ci étaient la conséquence d’une grève menée par une partie de son personnel, revêtant le caractère de force majeure.
    • Aussi, a-t-elle demandé reconventionnellement le paiement de la somme de 567 084,49 francs représentant le montant de sa facture du mois de janvier 1987.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 mai 1992, la Cour d’appel de Douai a débouté le requérant de sa demande d’indemnisation au titre des interruptions survenues en janvier 1987.
    • Les juges du fond considèrent :
      • D’une part, que la situation conflictuelle avait fait naître pour EDF un état de contrainte caractérisant le cas de force majeure
      • D’autre part, s’agissant des coupures survenues au cours de l’année 1988, que la demande d’indemnisation était parfaitement fondée, dans la mesure où EDF ne rapportait pas la preuve qu’il s’agissait d’interruptions entrant dans la définition de l’article XII, alinéa 5, du contrat et assimilables à des cas de force majeure.
      • Toutefois, la Cour d’appel considère que le calcul de l’indemnisation doit s’opérer conformément à l’article 3 de la convention conclue entre les parties qui limitait, à moins de faute lourde établie, le montant de la somme destinée à réparer le dommage causé à l’usager.
      • Or l’application de cette clause limitative de responsabilité est contestée par le requérant qui soutient que cette clause devait être réputée non écrite en application des articles 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 et 2 du décret n° 78-464 du 24 mars 1978.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 novembre 1993, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société requérante à l’encontre de l’arrêt d’appel.
    • La première chambre civile considère, en opérant par substitution de motif, que « les dispositions de l’article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, devenu les articles L. 132-1 et L. 133-1 du Code de la consommation et l’article 2 du décret du 24 mars 1978 ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l’activité professionnelle exercée par le cocontractant »
    • Or en l’espèce, le contrat conclu entre EDF et la société requérante avait un rapport direct avec l’activité de cette dernière.
    • D’où l’impossibilité pour elle d’invoquer le bénéfice du dispositif relatif aux clauses abusives.
    • La Cour de cassation abandonne ainsi le critère de l’incompétence à la faveur du critère du rapport direct.
    • On passe donc d’un critère subjectif à un critère objectif
    • Dès lors qu’existe un rapport direct entre le contrat conclu et l’activité professionnelle du contractant, le dispositif relatif aux clauses abusives est inapplicable.
    • A contrario, on pouvait en déduire que la protection instaurée par le législateur s’applique lorsque le contrat est sans rapport avec la profession de celui qui agit.
    • Restait alors à déterminer comment ce rapport direct devait-il être apprécié ? Que devait-on entendre par la formule utilisée par la Cour de cassation ?

?Septième étape : l’appréciation du rapport direct

Dans un arrêt du 17 juillet 1996, la Cour de cassation estime que l’appréciation du rapport direct relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 1ère civ., 17 juill. 1996, n°94-14.662).

Il ressort toutefois des décisions que pour apprécier l’existence d’un rapport, cela suppose de s’interroger sur la finalité de l’opération.

Plus précisément la question que le juge va se poser est de savoir si l’accomplissement de l’acte a servi l’exercice de l’activité professionnel.

Si le contrat a été conclu à la faveur exclusive de l’activité professionnelle, l’existence du lien direct sera établie.

Dans l’hypothèse où l’acte ne profitera que partiellement à l’exercice de l’activité professionnelle, plus délicate sera alors l’établissement du rapport direct.

La question centrale est : l’activité professionnelle a-t-elle tirée un quelconque bénéficie de l’accomplissement de l’acte.

C’est là, le principal critère utilisé par les juges.

Au total, il apparaît que, si l’adoption du critère du rapport direct s’est révélée favorable aux professionnels sollicités dans le cadre d’un démarchage à domicile, cela est moins vrai pour les ceux victimes de clauses abusives.

À la vérité, le recours au critère du rapport direct a permis au juge de trouver un juste équilibre entre l’exclusion totale des professionnels du bénéfice des dispositions de la loi du 10 janvier 1978 et une application trop souple de ces dispositions dont pouvait se prévaloir tout professionnel dès lors qu’il agissait en dehors de son domaine de spécialité.

B) Sur l’assimilation des personnes morales agissant à des fins non-professionnelles à des consommateurs

?Première étape : l’assimilation des personnes morales au consommateur

Dans son arrêt du 28 avril 1987, la Cour de cassation a d’abord estimé que les personnes morales n’étaient pas exclues du bénéfice de la loi du 10 janvier 1978 (Cass. 1ère civ., 28 avr. 1987, n°85-13.674).

Elle a considéré en ce sens que le contrat auquel était partie en l’espèce une personne morale « échappait à la compétence de professionnelle de celle-ci, dont l’activité d’agent immobilier était étrangère à la technique très spéciale des systèmes d’alarme et qui, relativement au contenu du contrat en cause ».

La première chambre civile en déduit que la personne morale « était donc dans le même état d’ignorance que n’importe quel autre consommateur »

Ainsi, se fonde-t-elle ici sur le critère de l’incompétence pour faire application de la loi du 10 janvier 1978 à une personne morale.

?Deuxième étape : le refus d’assimilation par la CJUE des personnes morales au consommateur

Dans un arrêt du 22 novembre 2001, la Cour de justice de l’Union européenne a retenu la solution inverse à celle adoptée par la Cour de cassation.

Dans cette décision, les juges luxembourgeois considèrent que « la notion de « consommateur », telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement les personnes physiques ».

Ainsi, pour la CJUE, une personne morale ne peut pas être assimilée à un consommateur.

?Troisième étape : la résistance de la Cour de cassation quant à l’assimilation des personnes morales à des consommateurs

Nonobstant la position de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour de cassation a maintenu sa jurisprudence en ayant recours à un subterfuge.

Celui-ci a consisté pour la première chambre civile à se fonder sur la lettre de l’article L. 132-1 du Code de la consommation qui visait tout à la fois le consommateur et le non-professionnel.

Aussi, a-t-elle décidé d’assimiler au non-professionnel les personnes morales qui agissaient en dehors de leur domaine d’activité habituel, cela permettait à la haute juridiction de leur accorder le bénéfice des dispositions consuméristes de la loi du 10 janvier 1978.

Dans un arrêt du 15 mars 2005, la première chambre civile a affirmé en ce sens que « si, par arrêt du 22 novembre 2001, la cour de Justice des communautés européennes a dit pour droit : “la notion de consommateur, telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement des personnes physiques”, la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives » (Cass. 1ère civ. 15 mars 2005, n°02-13.285).

Cass. 1ère civ. 15 mars 2005

Sur le moyen relevé d’office, après avis donné aux parties, conformément aux dispositions de l’article 1015 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que le Syndicat départemental de contrôle laitier de la Mayenne, syndicat professionnel constitué entre éleveurs, dont l’objet social est d’effectuer les opérations de contrôle de performance, d’état civil et d’identification des animaux, a conclu avec la société Europe computer systèmes (société ECS) un contrat de location de matériel informatique avec option d’achat, qui s’est trouvé tacitement reconduit à compter de février 1997 ; qu’il était stipulé : “à l’expiration de la période initiale de location, et à condition que le locataire ait exécuté l’intégralité de ses obligations au titre du présent contrat ou de tout autre conclu entre le loueur et lui, le locataire aura la faculté, avec un préavis de neuf mois, soit : A – d’acquérir l’équipement dans l’état où il se trouvera. Le prix de cette acquisition sera payable comptant, et égal à la valeur résiduelle de l’équipement à la date d’acquisition mentionnée aux conditions particulières, majoré de toutes taxes ou charges applicables au jour de la vente. La propriété de l’équipement ne sera transférée qu’à la date de complet paiement de la valeur résiduelle. En conséquence, jusqu’à cette date, le locataire restera tenu du respect de ses obligations au titre du présent contrat ; B – de restituer l’équipement au loueur ;

C – de demander le renouvellement de la location par la signature d’un nouveau contrat, auquel cas les conditions de la nouvelle location devront être déterminées d’un commun accord. Si le locataire omet d’aviser le loueur de son choix dans les formes et délais requis, la location se poursuivra par tacite reconduction et chacune des parties pourra y mettre fin à tout moment en respectant un préavis de neuf mois sauf si le loueur s’oppose à cette tacite reconduction en avisant le locataire par lettre recommandée avec accusé de réception postée un mois au moins avant la date d’expiration de la location. Les loyers afférents à une période de tacite reconduction seront identiques au dernier loyer échu.” ; que l’arrêt attaqué a condamné le syndicat à payer à la société ECS les loyers dûs au titre de la période de reconduction ;

Attendu que si, par arrêt du 22 novembre 2001, la cour de Justice des communautés européennes a dit pour droit : “la notion de consommateur, telle que définie à l’article 2, sous b), de la directive n° 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement des personnes physiques”, la notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection contre les clauses abusives ; que cependant, dès lors qu’en l’espèce le contrat litigieux entre la société ECS et le Syndicat départemental de contrôle laitier de la Mayenne n’avait pu être conclu par ce dernier qu’en qualité de professionnel, les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 95-96 du 1er février 1995, ne sauraient trouver application ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

?Quatrième étape : l’abandon du critère du rapport direct pour les sociétés commerciales

Dans un arrêt du 11 décembre 2008, la Cour de cassation a refusé de faire application du critère du rapport direct à la faveur d’une société commerciale aux fins de lui faire bénéficier du dispositif relatif aux clauses abusives (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2008, n°07-18.128).

Plus précisément elle considère que « les dispositions de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, selon lesquelles sont réputées non écrites, parce qu’abusives, certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales ».

La haute juridiction estime donc qu’une société commerciale ne peut jamais bénéficier du dispositif instauré par le législateur, peu importe qu’elle agisse ou non en dehors de son domaine d’activité.

Il est dès lors inutile de se demander si un rapport direct existe entre le contrat conclu et l’activité professionnelle de la personne morale.

La solution est logique, dans la mesure où conformément au principe de spécialité la capacité juridique des personnes morales est limitée à leur objet social.

Il en résulte qu’elles ne sauraient accomplir aucun acte en dehors dudit objet.

La solution adoptée par la Cour de cassation en 2008 a été réitérée dans une décision du 6 septembre 2011 (Cass. com. 6 sept. 2011).

Cass. 1ère civ. 11 déc. 2008

Sur le moyen relevé d’office, conformément aux modalités de l’article 1015 du code de procédure civile :

Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation ;

Attendu que la société Etablissements Jean Patouillet et la société Sonalp ont conclu, à titre gratuit, une convention, d’une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction, par laquelle la seconde autorisait la première à installer, dans ses locaux, et à gérer un distributeur automatique de boissons chaudes, et qui comportait une clause d’exclusivité au profit de la société Etablissements Jean Patouillet ; que la société Sonalp ayant fait installer, dans ses locaux, un matériel concurrent, la société Etablissements Jean Patouillet l’a assignée aux fins de résiliation judiciaire du contrat et de réparation de son préjudice ;

Attendu que pour déclarer abusive et, en conséquence, non écrite la clause d’exclusivité et considérer que la rupture du contrat incombait à la société Etablissements Jean Patouillet, l’arrêt énonce que, dans le cadre de la conclusion du contrat de dépôt, la société Sonalp doit être considérée comme un simple consommateur, l’objet dudit contrat n’ayant strictement aucun rapport avec son activité ;

Qu’en se déterminant ainsi, alors que les dispositions du texte susvisé, selon lesquelles sont réputées non écrites, parce qu’abusives, certaines clauses des contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, ne s’appliquent pas aux contrats de fournitures de biens ou de services conclus entre sociétés commerciales, la cour d’appel a, par fausse application, violé ce texte ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le moyen du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mai 2007, entre les parties, par la cour d’appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Dijon ;

II) L’adoption tardive d’une définition légale restrictive de la notion de consommateur

Il faut attendre la loi Hamon du 17 mars 2014 pour que le législateur se décide à adopter une définition du consommateur.

L’article 3 de cette loi a introduit un article liminaire dans le Code de la consommation qui définit le consommateur comme « toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».

Au vrai cette disposition n’est autre qu’une transposition de l’article 2 de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

Le principal enseignement que l’on peut tirer de cette définition est que le législateur a opté pour une conception stricte du consommateur.

Cette qualité est désormais subordonnée à la satisfaction de deux critères qui tiennent, d’une part, à la finalité de l’acte et, d’autre part, à la personne du contractant.

  • Sur le critère relatif à la finalité de l’acte
    • Le consommateur est celui qui agit en dehors de l’exercice d’une activité professionnelle.
    • Autrement dit, il contracte nécessairement à des fins personnelles.
    • Le texte ne règle pas, toutefois, la question de l’acte mixte, soit du contrat conclu à des fins toutes à la fois professionnelles et personnelles.
    • Dans pareille hypothèse, le 17e considérant de la directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 prévoit néanmoins qu’« en cas de contrats à double finalité, lorsque le contrat est conclu à des fins qui n’entrent qu’en partie dans le cadre de l’activité professionnelle de l’intéressé et lorsque la finalité professionnelle est si limitée qu’elle n’est pas prédominante dans le contexte global du contrat, cette personne devrait également être considérée comme un consommateur. »
  • Sur le critère relatif à la personne du contractant
    • L’article liminaire du Code de la consommation prévoit que seule une personne physique peut être qualifiée de consommateur.
    • Les personnes morales sont donc exclues du bénéfice de cette qualification.
    • Est-ce à dire que le droit de la consommation leur est inapplicable ?
    • Il ressort de la définition du non-professionnel que les personnes morales sont, à l’instar des personnes physiques, potentiellement éligibles à une application des dispositions consuméristes.
  1. Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A31993L0013. ?