RGPD: L’exigence de conservation des données pendant une durée pertinente

L’article 6, 5° de la LIL dispose que pour faire l’objet d’un traitement, les données à caractères personnel doivent être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

Dans le même sens, l’article 5, e) du RGPD prévoit que « les données à caractère personnel doivent être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées; les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation) »

Il ressort de ces deux textes que la durée de conservation des données à caractère personnel ne saurait être illimitée. Elle doit être proportionnée à la finalité du traitement.

Toute la question est alors de savoir comment déterminer une durée adaptée à la conservation des données à caractère personnel traitées.

A l’examen, il apparaît que le législateur a posé un principe assorti de plusieurs dérogations.

§1 : Le principe

Dans sa délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005 la CNIL avait considéré que, au fond, « face à la mémoire de l’informatique, seul le principe du “droit” à l’oubli consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 peut garantir que les données collectées sur les individus ne soient pas conservées, dans les entreprises, pour des durées qui pourraient apparaître comme manifestement excessives ».

Aussi, la Commission a-t-elle pour mission de veiller au respect de ce principe s’agissant, en particulier, des durées de conservation relatives aux informations collectées par les entreprises, organismes ou établissements privés mais aussi des modalités de conservation de ces informations.

A l’examen, la détermination de la durée de conservation des données à caractère personnel suppose de s’interroger sur quatre points :

  • Le point de départ de la durée de conservation
  • Le cycle de conservation des données
  • Le quantum de la durée de conservation
  • Les modalités de la conservation

A) Sur le point de départ de la durée de conservation

Dans une délibération n°2013-420 du 3 janvier 2014 la CNIL a décidé que :

  • D’une part, la fixation de durées de conservation définies ne saurait avoir pour objet ni pour effet de supprimer des données des utilisateurs alors qu’eux-mêmes en auraient encore l’usage.
  • D’autre part, le point de départ d’une durée de conservation n’est pas fonction de la date de la collecte, mais de la suppression du compte utilisateur

Il en résulte, pour la Commission, que la fixation de ce point de départ autorise le responsable du traitement à conserver les données collectées des années durant, si nécessaire.

Pour le Conseil d’état, le point de départ de la durée de conservation des données est « le dernier fait enregistré », lequel « doit nécessairement être entendu comme le fait constitutif de la contravention ou tout acte postérieur interruptif de la prescription » (CE 30 juill. 2014, n°359402).

En toute hypothèse, au terme au terme de la réalisation du traitement (l’exécution d’un contrat par exemple), les données doivent être :

  • Soit effacées
  • Soit archivées
  • Soit faire l’objet d’un processus d’anonymisation, afin de rendre impossible la « ré-identification » des personnes. Ces données, n’étant plus des données à caractère personnel, peuvent ainsi être conservées librement et valorisées notamment par la production de statistiques.

B) Sur le cycle de conservation des données

Il ressort de l’analyse menée par la CNIL que le cycle de conservation des données à caractère personnel comporte trois phases successives distinctes :

  • L’archivage courant
  • L’archivage intermédiaire
  • L’archivage définitif
  1. Sur l’archivage courant

Il s’agit de la durée d’utilisation courante des données ou autrement dit, la durée nécessaire à la réalisation de la finalité du traitement.

Toutes les données qui intéressent l’exécution d’un contrat peuvent être conservées par le responsable du traitement.

Sans ces données, la réalisation de la prestation serait rendue impossible. Il apparaît donc pleinement justifié qu’elles puissent être conservées pendant toute la durée de la convention.

Des mesures techniques et organisationnelles doivent être prévues pour protéger les données archivées (destruction, perte, altération, diffusion ou accès non autorisés…). Ces mesures doivent assurer un niveau de sécurité approprié aux risques et à la nature des données.

Si des mesures de sécurité informatiques sont indispensables, il convient, en outre, de prévoir des mesures de sécurité physique, notamment lorsque des dossiers sont archivés sous format papier.

Lorsque l’archivage est confié à un sous-traitant, le responsable du fichier doit s’assurer que son prestataire présente des garanties suffisantes en matière de sécurité et la confidentialité des données qui lui sont confiées.

2. Sur l’archivage intermédiaire

==> Les cas d’archivage intermédiaire

La CNIL a énoncé plusieurs cas au titre desquels il apparaît justifié que les données à caractère personnel soient conservées pour des durées plus longues que l’exécution du contrat : on parle alors d’archivage intermédiaire.

Au nombre des cas visés par la CNIL figurent :

  • L’hypothèse où il existence une obligation légale de conservation de données pendant une durée fixée ;
  • L’hypothèse où en l’absence d’obligation de conservation, ces données présentent néanmoins un intérêt administratif, notamment en cas de contentieux, justifiant de les conserver le temps des règles de prescription/forclusion applicables, notamment en matière commerciale, civile et fiscale ;
  • L’hypothèse où, sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées, certaines données peuvent être traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques.

==> La limitation de l’archivage

La Commission a eu l’occasion de préciser que, en cas d’archivage intermédiaire, le responsable du fichier doit veiller à ne conserver que les données nécessaires au respect de l’obligation prévue ou lui permettant de faire valoir un droit en justice : un tri doit donc être effectué parmi la totalité des données collectées pour ne garder que les seules données indispensables.

Les données ainsi archivées ne sont conservées que le temps nécessaire à l’accomplissement de l’objectif poursuivi : elles doivent donc être supprimées lorsque le motif justifiant leur archivage n’a plus raison d’être.

Par exemple, des données archivées pour se prémunir d’une action en justice durant le temps d’une prescription ou d’une forclusion doivent être supprimées lorsque cette action est prescrite forclose.

==> Les modalités de l’archivage

Pour les archives intermédiaires, le choix du mode d’archivage est laissé à l’appréciation du responsable du fichier. Des données peuvent ainsi être archivées :

  • Dans une base d’archive spécifique, distincte de la base active, avec des accès restreints aux seules personnes ayant un intérêt à en connaitre en raison de leurs fonctions (par exemple, le service du contentieux)
  • Dans la base active, à condition de procéder à un isolement des données archivées au moyen d’une séparation logique (gestion des droits d’accès et des habilitations) pour les rendre inaccessibles aux personnes n’ayant plus d’intérêt à les traiter

En tout état de cause, l’accès aux données faisant l’objet d’un archivage intermédiaire doit être limité.

==> Sur l’archivage définitif

L’intérêt public (historique, scientifique ou statistique) peut parfois justifier que certaines données ne fassent l’objet d’aucune destruction : c’est l’archivage définitif.

Les archives sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité.

La conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche.

S’agissant des modalités de conservation des archives définitives, la CNIL préconise de les conserver sur un support physique indépendant, non accessible par les systèmes de production, n’autorisant qu’un accès distinct, ponctuel et précisément motivé auprès d’un service spécifique seul habilité à les consulter (par exemple, la direction des archives lorsqu’elle existe).

C) Sur le quantum de la durée de conservation des données

Afin de déterminer le quantum de la durée de conservation des données à caractère personnel, il convient de se reporter

  • Soit aux textes légaux et réglementaires
  • Soit aux délibérations de la CNIL
  1. Sur les textes légaux et réglementaires

Il convient de se reporter aux textes qui :

  • Soit posent des durées de conservation des données à caractère personnel
  • Soit posent des délais de prescription/forclusion applicable en matière civile, commerciale ou fiscale

==> Sur les textes posant des durées de conservation des données à caractère personnel

  • Les données relatives à la gestion du personnel d’une entreprise (5 ans)
    • L’article R. 1221-26 du Code du travail dispose que « les mentions portées sur le registre unique du personnel sont conservées pendant cinq ans à compter de la date à laquelle le salarié ou le stagiaire a quitté l’établissement»
  • Les données relatives aux bulletins de paie et aux reçus pour solde de tout compte (5 ans)
    • L’article L. 3243-4 du Code du travail prévoit que « l’employeur conserve un double des bulletins de paie des salariés ou les bulletins de paie remis aux salariés sous forme électronique pendant cinq ans»
  • Les documents comptables des commerçants (10 ans)
    • L’article L. 123-22 du Code de commerce dispose que « les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans. »
  • Les documents fiscaux (6 ans)
    • L’article L. 102 B du Livre des procédures fiscales prévoit que les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis.
  • Les contrats conclus par voie électronique (10 ans)
    • L’article L. 213-1 du Code de la consommation prévoit que lorsque le contrat est conclu par voie électronique et qu’il porte sur une somme égale ou supérieure à 120 euros, le contractant professionnel assure la conservation de l’écrit qui le constate pendant un délai déterminé et en garantit à tout moment l’accès à son cocontractant si celui-ci en fait la demande.
    • L’article D. 213-2 précise que ce délai est fixé à dix ans à compter de la conclusion du contrat lorsque la livraison du bien ou l’exécution de la prestation est immédiate.
    • Dans le cas contraire, le délai court à compter de la conclusion du contrat jusqu’à la date de livraison du bien ou de l’exécution de la prestation et pendant une durée de dix ans à compter de celle-ci.
  • Les données de trafic collectées pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales (1 an)
    • L’article R. 10-13 du Code des postes et communications électroniques prévoit que leur durée de conservation est d’un an à compter du jour de l’enregistrement.
    • A cet égard, sont conservées :
      • Les informations permettant d’identifier l’utilisateur ;
      • Les données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés ;
      • Les caractéristiques techniques ainsi que la date, l’horaire et la durée de chaque communication ;
      • Les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ;
      • Les données permettant d’identifier le ou les destinataires de la communication.
  • Le dossier médical dans les établissements de santé publics et privés (20 ans)
    • L’article R. 1112-7 du Code de la santé publique prévoit que le dossier médical mentionné à l’article R. 1112-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou de la dernière consultation externe en son sein.
    • Lorsqu’en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation d’un dossier s’achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu’à cette date.
    • Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de dix ans après son dernier passage dans l’établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès.
    • Ces délais sont suspendus par l’introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l’établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l’établissement.
    • A l’issue du délai de conservation mentionné à l’alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l’établissement de santé des données ayant fait l’objet d’un hébergement en application de l’article L. 1111-8, le dossier médical peut être éliminé.
    • La décision d’élimination est prise par le directeur de l’établissement après avis du médecin responsable de l’information médicale.
    • Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l’exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l’administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d’intérêt scientifique, statistique ou historique.
  • Les données issues d’un dispositif de vidéosurveillance (1 mois)
    • L’article L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure prévoit que « les modalités de transmission des images et d’accès aux enregistrements ainsi que la durée de conservation des images, dans la limite d’un mois à compter de cette transmission ou de cet accès, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d’une procédure pénale. »

==> Sur les textes posant des délais de prescription/forclusion applicable en matière civile, commerciale ou fiscale

  • Délai de prescription de droit commun en matière en matière civile (5 ans)
    • L’article 2224 prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
  • Délai de prescription en matière commerciale (5 ans)
    • L’article L. 110-4 du Code de commerce prévoit que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
  • Délai de prescription en matière de droit de la consommation (2 ans)
    • L’article L. 218-2 du Code de la consommation dispose que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

2. Sur les délibérations de la CNIL

  • Prospection commerciale
    • La CNIL s’est prononcée sur la durée de conservation des données à caractère personnel en matière de prospection commerciale dans une délibération n° 2016-264 du 21 juillet 2016 portant modification d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel relatifs à la gestion de clients et de prospects
    • A cet égard, il a estimé que les données des clients utilisées à des fins de prospection commerciale peuvent être conservées pendant un délai de trois ans à compter de la fin de la relation commerciale (par exemple, à compter d’un achat, de la date d’expiration d’une garantie, du terme d’un contrat de prestations de services ou du dernier contact émanant du client).
    • Les données à caractère personnel relatives à un prospect non client peuvent, quant à elles, être également conservées pendant un délai de trois ans à compter de leur collecte par le responsable de traitement ou du dernier contact émanant du prospect (par exemple, une demande de documentation ou un clic sur un lien hypertexte contenu dans un courriel ; en revanche, l’ouverture d’un courriel ne peut être considérée comme un contact émanant du prospect).
    • Au terme de ce délai de trois ans, le responsable de traitement peut reprendre contact avec la personne concernée afin de savoir si elle souhaite continuer à recevoir des sollicitations commerciales.
    • En l’absence de réponse positive et explicite de la personne, les données devront être supprimées ou archivées conformément aux dispositions en vigueur, et notamment celles prévues par le code de commerce, le code civil et le code de la consommation.
  • Données contenues dans les badges détenus par les salariés sur leur lieu de travail
    • Dans une délibération n°02-001 du 08 janvier 2002 la CNIL a considéré que les éléments d’identification des salariés ou des agents publics ne doivent pas être conservés au-delà de 5 ans après le départ du salarié ou de l’agent de l’entreprise ou de l’administration.
    • S’agissant des éléments relatifs aux déplacements des personnes, ils ne doivent pas être conservés plus de trois mois.
    • Toutefois, les informations relatives aux salariés ou aux agent publics peuvent être conservés pendant 5 ans lorsque le traitement a pour finalité le contrôle du temps de travail.
    • Quant à la conservation des données relatives aux motifs d’absence, elle est limitée à une durée de cinq ans sauf dispositions législatives contraires.
    • En cas de paiement direct ou de pré-paiement des repas, les données monétiques ne peuvent être conservées plus de trois mois. En cas de paiement par retenue sur le salaire, la durée de conservation est de 5 ans.
  • Données résultant de l’évaluation et de la sélection des risques en matière d’octroi de crédit (scoring)
    • La CNIL a affirmé, dans une délibération 2006-019 du 02 février 2006 que, en cas de rejet de la demande de crédit, les informations spécialement collectées pour son instruction sont conservées au maximum pendant une période de six mois à compter du dépôt de la demande, lorsque le demandeur n’est pas par ailleurs client de l’établissement de crédit.
    • Elles ne peuvent être utilisées qu’aux fins de l’instruction de nouvelles demandes de crédit.
  • Les cookies
    • La CNIL s’est prononcée sur la durée de vie des cookies dans une délibération n° 2013-378 du 5 décembre 2013 portant adoption d’une recommandation relative aux cookies et aux autres traceurs.
    • Relevant que le consentement à être suivi peut être oublié par les personnes qui l’ont manifesté à un instant donné, la commission a estimé nécessaire de limiter dans le temps la portée de ce dernier.
    • Aussi, recommande-elle que le délai de validité du consentement au dépôt des cookies soit porté à treize mois au maximum.
    • A l’expiration de ce délai, le consentement devra être à nouveau recueilli.
    • En conséquence, les cookies doivent donc avoir une durée de vie limitée à treize mois après leur premier dépôt dans l’équipement terminal de l’utilisateur (faisant suite à l’expression du consentement) et leur durée de vie ne doit pas être prolongée lors de nouvelles visites sur le site.

D) Les modalités de conservation

Quel que soit le type d’archivage effectué par le responsable du traitement, celui-ci doit mettre en œuvre les mesures techniques et d’organisation appropriées pour protéger les données archivées contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte accidentelle, l’altération, la diffusion ou l’accès non autorisés, notamment lorsque le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre toute autre forme de traitement illicite.

Ces mesures doivent assurer un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature des données à protéger.

Le non-respect de l’obligation de sécurité est sanctionné par l’article 226-17 du code pénal ( cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende).

L’article 35 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit, par ailleurs que le responsable du traitement, lorsque l’archivage est effectué pour son compte, doit choisir un sous-traitant qui apporte des garanties suffisantes au regard des mesures de sécurité technique et d’organisation relatives aux traitements à effectuer et qu’il doit veiller au respect de ces mesures.

La réalisation de traitements en sous-traitance doit être régie par un contrat ou un acte juridique qui lie le sous-traitant au responsable de traitement et qui prévoit notamment que le sous-traitant n’agit que sur la seule instruction du responsable de traitement et que les obligations en matière de sécurité incombent également à celui-ci.

Pratiquement, dans sa délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005, la CNIL a préconisé plusieurs modalités de conservation selon le type d’archive concernée :

  • S’agissant des archives intermédiaires, il est recommandé que l’accès à celles-ci soit limité à un service spécifique (par exemple un service du contentieux) et qu’il soit procédé, a minima, à un isolement des données archivées au moyen d’une séparation logique (gestion des droits d’accès et des habilitations).
  • S’agissant des archives définitives, il est recommandé qu’elles soient conservées sur un support indépendant, non accessible par les systèmes de production, n’autorisant qu’un accès distinct, ponctuel et précisément motivé auprès d’un service spécifique seul habilité à consulter ce type d’archives (par exemple la direction des archives de l’entreprise).

La CNIL recommande, en outre, afin de garantir l’intégrité des données archivées, de mettre en œuvre des dispositifs sécurisés lors de tout changement de support de stockage des données archivées ainsi que des dispositifs de traçabilité des consultations des données archivées.

§2 : Les dérogations

L’article 36 de la LIL dispose que « les données à caractère personnel ne peuvent être conservées au-delà de la durée prévue au 5° de l’article 6 qu’en vue d’être traitées à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques »

Ainsi, est autorisée la conservation de données à caractères personnel pour une durée qui excède la finalité initiale du traitement lorsqu’elles sont traitées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques.

Dans le même sens, l’article 5, e) du RGPD prévoit que « les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation) ».

Si, le RGPD ne semble pas distinguer selon la nature des archives conservées, tel n’est pas le cas de la LIL qui renvoie à l’article L. 212-3 du Code du patrimoine.

Cette disposition ne concerne, en effet, que les seules archives publiques.

Par archives publiques, il faut entendre, au sens de l’article L. 211-4 du Code du patrimoine :

  • Les documents qui procèdent de l’activité de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
  • Les documents qui procèdent de la gestion d’un service public ou de l’exercice d’une mission de service public par des personnes de droit privé ;
  • Les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité.

L’article 89 du RGPD précise que le traitement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique, ou à des fins statistiques est soumis, conformément au présent règlement, à des garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée.

Ces garanties doivent garantir la mise en place de mesures techniques et organisationnelles, en particulier pour assurer le respect du principe de minimisation des données. Ces mesures peuvent comprendre la pseudonymisation, dans la mesure où ces finalités peuvent être atteintes de cette manière.

Chaque fois que ces finalités peuvent être atteintes par un traitement ultérieur ne permettant pas ou plus l’identification des personnes concernées, il convient de procéder de cette manière.

Le considérant n°158 du RGPD précise que lorsque les données à caractère personnel sont traitées à des fins archivistiques, les autorités publiques ou les organismes publics ou privés qui conservent des archives dans l’intérêt public doivent être des services qui, en vertu du droit de l’Union ou du droit d’un État membre, ont l’obligation légale de collecter, de conserver, d’évaluer, d’organiser, de décrire, de communiquer, de mettre en valeur, de diffuser des archives qui sont à conserver à titre définitif dans l’intérêt public général et d’y donner accès.

RGPD: les principes de loyauté et de licéité du traitement des données

==> Les textes

Aux termes de l’article 6, 1° de la loi informatique et libertés, « un traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui […] sont collectées et traitées de manière loyale et licite ».

Les principes de loyauté et de licéité sont également énoncés par la Charte européenne des droits fondamentaux en son article 8(2).

Le texte prévoit que les données à caractère personnel « doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. »

Les principes directeurs de l’ONU prévoient encore que « les données concernant les personnes ne doivent pas être obtenues ou traitées à l’aide de procédés illicites ou déloyaux, ni utilisées à des fins contraires aux buts et aux principes de la Charte des Nations Unies. »

Selon le RGPD, les principes de loyauté et de licéité répondent à un impératif de transparence.

À cet égard, le considérant 39 énonce que, « le fait que des données à caractère personnel concernant des personnes physiques sont collectées, utilisées, consultées ou traitées d’une autre manière et la mesure dans laquelle ces données sont ou seront traitées devraient être transparents à l’égard des personnes physiques concernées ».

==> Distinction entre les principes de loyauté et de licéité

Il convient d’observer que le principe de loyauté se distingue du principe de licéité.

  • Un traitement de données peut parfaitement être licite, car autorisé par la loi, mais déloyale car ne répondant pas aux exigences de transparence dictées par le principe de loyauté
  • À l’inverse, un traitement peut être illicite, car prohibé par les textes, mais loyal car effectué en toute transparence pour la personne concernée

Tandis que le respect du principe de licéité s’apprécie au regard d’un seul critère, le respect de la règle de droit, l’observation du principe de loyauté est plus délicate à établir.

Il s’infère, en effet, du principe de loyauté plusieurs obligations pour le responsable du traitement :

  • Une obligation d’information
  • Une obligation de garantir l’exercice des droits d’accès et d’opposition
  • Une obligation de garantir la conservation limitée des données traitées
  • Une obligation de garantir la confidentialité et la sécurité des données traitées

I) Sur l’obligation d’information

A) Sur les modalités d’exécution de l’obligation d’information

Selon le RGPD, le principe de transparence exige que toute information et communication relatives au traitement de ces données à caractère personnel soient aisément accessibles, faciles à comprendre, et formulées en des termes clairs et simples.

Autrement dit, il appartient au responsable du traitement de rendre facilement accessible les informations qu’il lui appartient de communiquer aux personnes dont les données à caractère personnel sont collectées.

Ce principe vaut, notamment, pour les informations communiquées aux personnes concernées sur :

  • l’identité du responsable du traitement
  • les finalités du traitement
  • leur droit d’obtenir la confirmation et la communication des données à caractère personnel les concernant qui font l’objet d’un traitement.

B) Sur le contenu de l’obligation d’information

Le responsable du traitement est tenu de communiquer à la personne concernée un certain nombre d’informations.

  1. Informations relatives à la collecte de données à caractère personnel

a) L’exigence de collecte directe

L’obligation de loyauté, suppose que les données soient collectées directement auprès de la personne concernée

Par nature un traitement de données à caractère personnel est regardé comme déloyal, dès lors qu’il est effectué à l’insu de la personne concernée.

Aussi, appartient-il au responsable du traitement d’informer la personne dont les données sont collectées de l’existence d’un traitement.

Dans un arrêt du 14 mars 2006, la Cour de cassation a qualifié de déloyal la collecte d’adresses électroniques, « en ce qu’elles ont été utilisées sans rapport avec l’objet de leur mise en ligne »[1].

Dans une décision du n°2016-007 du 26 janvier 2016, la CNIL a encore considéré que la collecte de données relatives à la navigation d’internautes au moyen de cookies sans les en avertir constituait un manquement à la règle aux termes de laquelle les données à caractère personnel sont collectées et traitées de manière loyale et licite.

 Ainsi, pour qu’un traitement de données à caractère personnel soit loyal, la personne concernée doit être informée de l’existence du traitement.

b) La prohibition de la collecte indirecte

==> Notion

La collecte est indirecte lorsqu’elle n’est pas directement réalisée auprès de la personne concernée, soit lorsqu’elle intervient par l’entremise d’une tierce personne.

Il en va ainsi en cas d’achat d’un fichier de données ou de collecte sur une plateforme numérique.

En effet, de nombreuses entreprises achètent, cèdent ou revendent des fichiers de données à caractère personnel, qui sont ainsi collectées de façon indirecte.

Dans cette hypothèse, pour ne pas être considérée comme déloyale, la collecte indirecte doit nécessairement s’accompagner d’une information à la personne concernée de l’existence d’un traitement de ses données ainsi que de ses droits qui en découlent (droit d’accès, d’opposition etc.).

Le fait que la personne dont les données sont collectées indirectement ait déjà consenti au traitement de ses données ne dispense pas l’auteur d’une collecte indirecte de satisfaire à son obligation d’information.

==> Droit antérieur

Il peut être observé que, avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2004 transposant la directive du 24 octobre 1995, cette obligation n’existait pas.

À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 1995, la Cour de cassation avait explicitement considéré que « la loi du 6 janvier 1978 ne fait nulle obligation au responsable du fichier, qui recueille auprès de tiers des informations nominatives aux fins de traitement, d’en avertir la personne concernée »[2].

==> Droit positif

  • Principe
    • La loi du 6 août 2004 a pris le contre-pied de la Cour de cassation en posant à l’article 32 de la loi informatique et libertés que « lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données»
    • Ainsi, le principe est désormais la prohibition de la collecte de données à caractère personnel, sauf à en informer la personne concernée.
  • Exceptions
    • La prohibition de la collecte indirecte de données a été assortie par le législateur de 5 exceptions énoncées aux articles 26, 27 et 32, III de la loi informatique et libertés :
      • Première exception (art. 32 LIL)
        • Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux traitements nécessaires à la conservation de ces données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, dans les conditions prévues au livre II du code du patrimoine ou à la réutilisation de ces données à des fins statistiques dans les conditions de l’article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.
        • Ainsi, dès lors qu’il s’agit d’exploiter les données collectées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, il n’est pas nécessaire d’en informer la personne concernée.
      • Seconde exception (art. 32 LIL)
        • Il est encore fait exception à la prohibition de la collecte indirecte de données lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l’intérêt de la démarche.
        • Dans l’hypothèse où l’information de la personne dont les données sont collectées est matériellement difficile à mettre en œuvre, voire impossible, alors l’auteur de la collecte indirecte s’en trouve dispensé.
      • Troisième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte est autorisée lorsque les données recueillies indirectement sont utilisées au profit d’un traitement dit « de souveraineté » mis en œuvre pour l’Etat (intéressant la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique ou ayant pour objet l’exécution de condamnations pénales ou de mesures de sûreté)
        • Reste que cette collecte est subordonnée à autorisation par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Quatrième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte de données est encore autorisée lorsqu’elle a pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté.
        • Là encore, l’autorisation est soumise à l’édiction d’un arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Cinquième exception (art. 27 LIL)
        • Il est prévu que la collecte indirecte de données est autorisée pour les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes.
        • L’autorisation ne peut résulter que d’un décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Au bilan, sauf à s’inscrire dans l’une des exceptions prévues par le législateur, la collecte indirecte de données à caractère personnel est prohibée.

Dans un arrêt du 12 mars 2014, le Conseil d’État a considéré en ce sens que le responsable d’un traitement de données n’est pas exonéré de ses obligations « du fait du caractère indirect de la collecte des données »[3].

En l’espèce, la juridiction administrative relève que :

  • D’une part, les personnes dont les données à caractère personnel étaient extraites de réseaux sociaux pour être agrégées au service d’annuaire ” Pages Blanches ” n’étaient informées de leur droit d’opposition que si elles consultaient ce service
  • D’autre part, le droit d’opposition ne pouvait être exercé de manière effective et durable, eu égard à la complexité de la procédure et à la circonstance que les demandes imprécises ou incomplètes n’étaient pas traitées
  • Enfin, que l’exercice du droit de rectification n’était pas garanti, le responsable du traitement estimant qu’il en était exonéré du fait du caractère indirect de la collecte des données ; qu’ainsi, la formation restreinte de la CNIL, qui est légalement tenue de garantir

Le Conseil d’État en déduit que la collecte ainsi réalisée présentait un caractère déloyal.

2. Informations relatives aux droits de la personne concernée

L’information de la personne dont les données sont collectées de l’existence d’un traitement ne suffit pas, elle doit être complétée par la fourniture d’informations relatives aux droits qui lui sont conférés par la loi informatique et libertés.

Plus précisément, l’information doit porter sur 3 éléments :

  • Les risques, règles, garanties et droits liés au traitement des données à caractère personnel
  • Les modalités d’exercice de leurs droits en ce qui concerne le traitement dont les personnes concernées font l’objet
  • Les finalités spécifiques du traitement qui doit être explicite et légitime et déterminée lors de la collecte des données à caractère personnel

II) Une obligation de garantir la conservation limitée des données traitées

==> La conservation des données

Selon le considérant 39 du RGPD, le respect du principe de loyauté exige que le responsable du traitement garantisse la durée de conservation des données soit limitée au strict minimum.

Aussi, afin de garantir que les données ne sont pas conservées plus longtemps que nécessaire, des délais devraient être fixés par le responsable du traitement pour leur effacement ou pour un examen périodique.

Par ailleurs, la garantie tenant à la conservation des données suppose qu’elles soient conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées;

Dans sa décision du 11 octobre 2005, la CNIL a eu l’occasion d’affirmer que « face à la mémoire de l’informatique, seul le principe du “droit” à l’oubli consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 peut garantir que les données collectées sur les individus ne soient pas conservées, dans les entreprises, pour des durées qui pourraient apparaître comme manifestement excessive »[4].

À cet égard, le droit à l’oubli a été consacré par le RGPD qui prévoit que « la personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais ».

==> La durée de conservation

La durée de conservation doit être établie en fonction de la finalité de chaque traitement.

Le responsable de traitement la fixe de façon “raisonnable” en fonction de l’objectif du traitement.

La détermination de la durée de conservation doit s’appuyer sur le critère « une donnée vivante est une donnée dont on a régulièrement besoin ». Cette durée correspond à la durée de vie des archives courantes.

Au-delà, les données peuvent être faire l’objet d’archives intermédiaires, voire d’archives définitives.

III) Sur l’obligation de garantir la confidentialité et la sécurité des données traitées

Autre obligation qui participe du respect du principe de loyauté, celle qui commande au responsable du traitement d’assurer la confidentialité et la sécurité des données traitées.

Autrement dit, les données à caractère personnel doivent être traitées de manière à garantir une sécurité et une confidentialité appropriées, y compris pour prévenir l’accès non autorisé à ces données et à l’équipement utilisé pour leur traitement ainsi que l’utilisation non autorisée de ces données et de cet équipement.

Le niveau de sécurité attendu est fixé par l’article 32 du RGPD.

Cette disposition prévoit que compte tenu de l’état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque, y compris entre autres, selon les besoins :

  • La pseudonymisation et le chiffrement des données à caractère personnel;
  • Des moyens permettant de garantir la confidentialité, l’intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement;
  • Des moyens permettant de rétablir la disponibilité des données à caractère personnel et l’accès à celles-ci dans des délais appropriés en cas d’incident physique ou technique;
  • Une procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l’efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement.

De son côté, l’article 34 de la loi informatique et libertés dispose que « le responsable du traitement est tenu de prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès. »

Afin de garantir un niveau de sécurité satisfaisant, le chiffrement des données est fortement encouragé par la CNIL.

Dans son rapport annuel de 2017, elle a ainsi souligné que « dans un contexte de numérisation croissante de nos sociétés et d’accroissement exponentiel des cybermenaces, le chiffrement est un élément vital de notre sécurité. Il contribue aussi à la robustesse de notre économie numérique et de ses particules élémentaires que sont les données à caractère personnel, dont la protection est garantie par l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ».

Le Conseil national du numérique, dans son avis de septembre 2017, a, pris une position similaire, rappelant que « le chiffrement est un outil vital pour la sécurité en ligne ; en conséquence, il doit être diffusé massivement auprès des citoyens, des acteurs économiques et des administrations ».

[1] Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83423

[2] Cass., ch. crim., 25 oct. 1995, n° 94-85781

[3] CE, 12 mars 2014, n° 353193, Sté Pages Jaunes

[4] Délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005

L’assiette du TEG: les éléments inclus et exclus

Afin de déterminer l’assiette du TEG, il convient d’envisager, tout autant les éléments qui y sont inclus (I) que les éléments qui en sont exclus (II).

I) Les éléments inclus dans le taux effectif global

Parce que le taux effectif global doit refléter le coût réel du crédit, il appartient au prêteur de comptabiliser, outre les intérêts, tous les frais mis à la charge de l’emprunteur. La question qui alors se pose est savoir quels sont les frais compris dans l’assiette de calcul du taux effectif global.

Avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation, il convenait de distinguer entre les crédits à la consommation et les crédits immobiliers.

S’agissant des premiers, l’ancien article L. 313-1 du Code de la consommation prévoyait, en son alinéa 3, que « le taux effectif global, qui est dénommé “Taux annuel effectif global”, ne comprend pas les frais d’acte notarié. » La règle n’est pas surprenante, dans la mesure où il est rare, en pratique, qu’un crédit à la consommation soit conclu au moyen d’un acte authentique.

Quant aux crédits immobiliers, l’alinéa 2 de l’article L. 313-1 précisait que « les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d’officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. »

Les juridictions en déduisaient que, dès lors que le montant de ces frais et charges était déterminable, le prêteur avait l’obligation de les intégrer dans l’assiette de calcul du taux effectif global. La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 30 mars 2005[1]

Cass. 1ère civ. 30 mars 2005
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1907 du Code civil et L. 313-1 du Code de la consommation ;

Attendu que la Banque nationale de Paris, depuis dénommée BNP Paribas a consenti à M. X... un prêt destiné à financer les besoins de son activité professionnelle ; que celui-ci, ainsi que son épouse, qui avait consenti à ce que le remboursement de ce prêt fût garanti par l'hypothèque d'un immeuble commun, ont demandé l'annulation de la stipulation du taux d'intérêt conventionnel et l'application du taux légal ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt attaqué retient que le taux stipulé au contrat s'élève à 9,94 % et que le taux effectif global, calculé selon la méthode proportionnelle à partir d'un taux actuariel mensuel, s'élève à :

(montant des frais x 100) x 0,24 + 9,94

montant du prêt

qu'il retient encore que le montant exact de l'un des facteurs du taux effectif global, celui des frais, ne figurait pas à l'acte, mais que la banque, qui avait communiqué le montant des frais de dossier, n'avait pas été en mesure de faire connaître à l'emprunteur les frais de notaire et d'inscription hypothécaire qui ne relevaient pas de son activité, voire ne pouvaient être connus avant l'établissement de l'acte notarié ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'à la date de l'acte, les frais de notaire et d'inscription hypothécaire étaient déterminables, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Depuis l’adoption de l’ordonnance du 25 mars 2016, puis, dans le même temps, du décret du 29 juin 2016, l’assiette de calcul du taux effectif global est uniformisée.

Le nouvel article L. 311-1, 7° du Code de la consommation définit le coût total du crédit comme celui qui comprend « tous les coûts, y compris les intérêts, les frais, les taxes, les commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, supportés par l’emprunteur et connus du prêteur à la date d’émission de l’offre de crédit ou de l’avenant au contrat de crédit, ou dont le montant peut être déterminé à ces mêmes dates, et qui constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées. ».

Cette disposition précise néanmoins que ce coût total du crédit ne comprend pas les frais liés à l’acquisition des immeubles, tels que les taxes y afférentes ou les frais d’acte notarié, ni les frais à la charge de l’emprunteur en cas de non-respect de l’une de ses obligations prévues dans le contrat de crédit.

Il ressort donc du nouveau texte que, si les frais de toutes natures sont compris dans le TEG, seuls ceux qui conditionnent l’octroi du crédit sont pris en compte.

Très tôt, la jurisprudence s’est prononcée en ce sens en opérant une distinction entre, d’une part, les frais obligatoires qui sont liés à des prestations dont la souscription conditionne l’octroi du crédit et, d’autre part, les dépenses facultatives que le client n’est pas obligé d’exposer s’il souhaite bénéficier d’un financement.

Afin de guider les juridictions à déterminer si un élément en particulier doit ou non être intégré dans TEG, l’article R. 314-4 du Code de la consommation vise un certain nombre de dépenses qui, sans être présumées relever de l’assiette du TEG, doivent être prises en considération par les juges, dès lors qu’elles sont « nécessaires pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées ».

Cette disposition réglementaire vise :

  • Les frais de dossier
  • Les frais payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;
  • Les coûts d’assurance et de garanties obligatoires ;
  • Les frais d’ouverture et de tenue d’un compte donné, d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations et des prélèvements à partir de ce compte ainsi que les autres frais liés aux opérations de paiement ;
  • Le coût de l’évaluation du bien immobilier, hors frais d’enregistrement liés au transfert de propriété du bien immobilier.

La liste énoncée par l’article R. 314-4 du Code de la consommation n’est bien évidemment pas exhaustive.

Aussi, doit-elle être complétée par les frais que la jurisprudence a, au cas par cas, jugé utile d’intégrer à l’assiette du TEG, étant précisé que les juridictions se livrent à une appréciation in concreto pour déterminer si les différentes dépenses exposées par l’emprunteur ont ou non conditionné l’octroi du crédit.

Plusieurs sortes de dépenses ont, dans cette perspective, été envisagées par la jurisprudence.

==> Les frais liés aux garanties dont est assorti le crédit

Il s’agit ici d’intégrer dans l’assiette du TEG tous les coûts liés aux sûretés réelles ou personnelles dont la souscription par l’emprunteur est bien souvent exigée par le banquier en vue de l’octroi du crédit.

Doivent ainsi être pris en compte, tous les frais de constitution de garanties, tels que le coût de l’inscription d’une hypothèque[2] ou d’un engagement de caution[3].

Dans un arrêt du 23 novembre 2004, la Cour de cassation a néanmoins posé une limite, estimant que « le coût des sûretés réelles ou personnelles exigées, et qui conditionnent la conclusion du prêt, doit être mentionné dans l’offre sauf lorsque le montant de ces charges ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la signature du contrat »[4].

Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004
Sur le moyen unique, pris en ses sept branches :

Vu les articles L. 312-8 et L. 313-1 du Code de la consommation ;

Attendu que le Crédit mutuel de l'Arbresle (la banque) a consenti à M. et Mme X... deux prêts immobiliers en 1993 et 1994 d'un montant respectif de 550 000 francs et de 240 000 francs, le premier étant un prêt conventionné ; qu'après avoir vendu leur maison et procédé au remboursement anticipé des prêts, les époux X... ont assigné la banque en annulation des prêts et remboursement des intérêts versés ;

Attendu que pour débouter les époux X... de leurs demandes, l'arrêt attaqué retient d'abord que les frais d'hypothèque avaient été supportés directement par les emprunteurs, ensuite que les parts sociales n'étaient pas assimilables à des frais supplémentaires et avaient été remboursées intégralement, enfin que l'assurance-incendie ne se rapportait pas directement aux risques liés à la conclusion du prêt et ne pouvait être chiffrée avant l'achèvement de la construction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le coût des sûretés réelles ou personnelles exigées, et qui conditionnent la conclusion du prêt, doit être mentionné dans l'offre sauf lorsque le montant de ces charges ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la signature du contrat, d'autre part, que la souscription de parts sociales auprès de l'organisme qui subventionne le contrat étant imposée comme condition d'octroi du prêt et les frais ainsi rendus obligatoires afférents à cette adhésion ayant un lien direct avec le prêt souscrit, doivent être pris en compte pour la détermination du TEG, enfin que les frais d'assurance-incendie, laquelle était exigée par le prêteur et qui avaient fait l'objet d'un débat contradictoire devant les juges du fond, devaient être également inclus dans le TEG du prêt, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Autrement dit, dans l’hypothèse où le coût de la garantie n’est pas déterminable au jour de la conclusion du contrat de prêt, il peut ne pas être inclus dans l’assiette du TEG.

La solution est logique. Admettre le contraire reviendrait à exiger du banquier qu’il tienne compte, dans son calcul, d’un élément, certes déterminé dans son principe, mais indéterminé dans son montant.

L’examen de la jurisprudence révèle que, s’il a rapidement été acquis que les frais afférents à la constitution des sûretés, dont la souscription conditionne l’octroi du crédit, devaient impérativement être intégrés dans l’assiette du TEG, un débat plus vif s’est cristallisé autour de la question de savoir si les frais liés à l’information annuelle de la caution devaient également pris en compte.

Pour mémoire, l’article L. 333-2 du Code de la consommation dispose que « le créancier professionnel fait connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l’année précédente au titre de l’obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement. »

Ainsi, appartient-il au banquier d’informer annuellement la caution sur l’existence, le montant et la durée de son engagement, étant précisé que le défaut d’information est sanctionné par la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu’à la date de communication de la nouvelle information. L’exécution de cette obligation d’information, qui pèse sur l’établissement de crédit, n’est toutefois pas sans coût.

S’il n’est illégitime d’envisager que ce coût puisse être supporté par la caution elle-même, dans la mesure où il représente une charge qui procède d’un engagement qui lui est personnel, en pratique, les frais de communication de l’information annuelle sont mis à la charge du seul emprunteur.

Est-ce dire qu’il convient d’intégrer ce coût dans l’assiette du TEG ? Dans le silence des textes, il est revenu à la jurisprudence de trancher la question.

Dans un premier temps, certaines juridictions du fond ont estimé que, parce que le coût de l’information était déterminable avec suffisamment de précision avant la conclusion du contrat de prêt, celui-ci devait être pris en compte dans le calcul du TEG[5].

La Cour d’appel de Poitiers a statué en ce sens dans un arrêt du 19 juillet 2011 considérant que dès lors que la durée d’amortissement du prêt est déterminée contractuellement, le coût de l’information annuelle de la caution devient prévisible ce qui justifie qu’il soit intégré dans l’assiette du TEG[6].

Reste que, en réalité, ce coût d’information ne sera pas toujours déterminable, ne serait-ce que parce que les frais postaux sont susceptibles d’augmenter d’une année à l’autre.

Qui plus est, les frais exposés pour satisfaire à l’obligation d’information annuelle de la caution ne sont, techniquement, pas directement liés au financement du crédit, comme cela a pu être relevé dans un jugement rendu par le Tribunal de commerce Marseille en date du 11 avril 2003[7].

Pour ces raisons, dans un certain nombre de décisions, les juges du fond ont estimé que le coût de l’information n’avait pas à être intégré dans le calcul du TEG[8].

Dans un arrêt remarqué du 15 octobre 2014, la Cour de cassation est venue mettre un terme au débat en affirmant que « les frais d’information annuelle de la caution ne constituent pas une condition d’octroi du prêt, en sorte qu’ils n’ont pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global »[9]. Cette solution a été confirmée, un an plus tard, par la première chambre civile dans des termes identiques[10].

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que, par acte notarié du 4 février 2005, la société Crédit mutuel de Montbrison (la banque) a consenti à la SCI Batflo (la SCI) un prêt de 100 000 euros destiné à financer l’acquisition d’un local professionnel, dont le remboursement était garanti par un cautionnement ; que, le 4 février 2010, la SCI a assigné la banque en annulation de la clause de stipulation d’intérêts conventionnels ;

Cass. 1ère civ. 15 oct. 2014
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que pour accueillir la demande de la SCI, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il n'est pas contestable que l'assurance-incendie du bien financé a été imposée par la banque, ainsi qu'il résulte de la page 23 de l'acte notarié de prêt, en sorte que son coût doit être intégré au taux effectif global ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la souscription de l'assurance-incendie constituait une condition d'octroi du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt retient également, par motifs propres et adoptés, que c'est à tort que les frais de l'information imposée par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier n'ont pas été intégrés au calcul du taux effectif global, dès lors que ces frais, déterminables au jour de l'acte, ont été pris en charge, non par la caution, mais par l'emprunteur ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les frais d'information annuelle de la caution ne constituaient pas une condition d'octroi du prêt, en sorte qu'ils n'avaient pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la quatrième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Cette solution est dorénavant appliquée, à la lettre, par les juridictions qui répugnent à prendre en compte les frais d’information annuelle de la caution dans l’assiette du TEG[11] dès lors qu’ils ne constituent pas une condition d’octroi du prêt.

==> Les frais liés aux primes d’assurance

Lors de la conclusion d’un contrat de prêt, bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation légale, il n’est pas rare que la souscription d’une assurance soit érigée par le prêteur comme une condition d’octroi du crédit.

Très tôt, la question s’est alors posée de savoir si le coût de la prime d’assurance supporté par l’emprunteur devait être intégré dans l’assiette du TEG.

Au fond, l’assurance ainsi contractée est indépendante du crédit octroyé, dans la mesure où, sur le plan purement obligationnel, l’avantage qu’elle procure au souscripteur est distinct de celui qu’il retire du contrat de prêt. On est, en conséquence, légitimement en droit de se demander si le coût de la prime d’assurance peut être exclu du calcul du TEG.

La position adoptée par la jurisprudence sur ce sujet a, pendant longtemps, été pour le moins manichéenne.

Lorsque, en effet, l’octroi du contrat de prêt est subordonné à la souscription d’une assurance, la Cour de cassation estime qu’il convient d’intégrer les frais y afférents dans l’assiette du TEG[12].

Dans un arrêt du 13 novembre 2008, la Cour de cassation a, de la sorte, estimé « qu’il incombait à la banque, qui avait subordonné l’octroi du crédit à la souscription d’une assurance, de s’informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement »[13].

Cass. 1ère civ. 13 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de l'arrêt attaqué :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que, prétendant qu'était erroné le taux effectif global figurant dans le contrat constatant le prêt destiné à financer l'achat d'un immeuble, que lui avait consenti la caisse de crédit mutuel de Rive-de-Gier (la banque), la société civile immobilière La Pléiade l'a assignée en substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel et en établissement d'un nouveau tableau d'amortissement ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir exactement rappelé que les frais relatifs à l'assurance-incendie de l'immeuble devaient, en principe, être pris en compte pour déterminer le taux effectif global dès lors qu'ils étaient imposés par la banque et en lien direct avec le crédit, énonce que l'assurance-incendie contractée auprès d'un autre organisme et dont le coût n'était pas connu de la banque lors de l'offre de prêt et ne lui a pas été communiqué par l'emprunteur avant l'octroi du prêt, ne pouvait donc pas, en l'espèce, être intégrée dans le taux effectif global ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il incombait à la banque, qui avait subordonné l'octroi du crédit à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société civile immobilière La Pléiade en substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel et en établissement d'un nouveau tableau d'amortissement, l'arrêt rendu le 24 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Lorsque, au contraire, la souscription d’une assurance est facultative, la Cour de cassation n’exige pas que le coût de la prime d’assurance soit intégré dans l’assiette du TEG.

Telle est la solution qu’elle a, par exemple, retenue dans un arrêt du 8 novembre 2007. Elle y a jugé que « le coût d’une assurance facultative dont la souscription ne conditionne pas l’octroi du prêt, n’entre pas dans la détermination du taux effectif global »[14]

La position adoptée par la Cour de cassation est, manifestement, conforme au principe général selon lequel l’assiette du TEG doit comprendre les frais de toute nature dès lors qu’ils constituent une condition d’octroi du crédit.

Dans un arrêt du 6 février 2013, la première chambre civile a toutefois apporté un tempérament à ce principe, en précisant que « quand les frais relatifs à l’assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du TEG que lorsque la souscription d’une telle assurance est imposée à l’emprunteur comme une condition de l’octroi du prêt, et non à titre d’obligation dont l’inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme »[15].

Cass. 1ère civ. 6 févr. 2013
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, prétendant que le taux effectif global (TEG) figurant dans les actes notariés constatant les prêts que la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la banque) lui a consentis selon des offres acceptées les 9 février 2000 et 21 janvier 2002 pour financer l'acquisition de biens immobiliers était erroné, M. X... a assigné la banque en annulation des stipulations de l'intérêt conventionnel contenues dans chacun des contrats de prêt ;

Attendu que, pour accueillir cette demande et condamner la banque à restituer la différence entre les intérêts perçus et ceux calculés au taux légal, l'arrêt, après avoir constaté qu'en application des conditions générales de ces prêts, les emprunteurs devaient contracter « dans les plus brefs délais possibles » une assurance garantissant pendant la durée du prêt les risques incendie des immeubles donnés en garantie et qu'à défaut, le prêteur pourrait soit assurer lui-même les biens aux frais des emprunteurs, soit exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues, retient que cette clause ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des frais d'assurance contre l'incendie, de caractère obligatoire, à peine de déchéance du terme, de sorte que ces frais entraient dans le champ du TEG et qu'il incombait à la banque de s'informer de leur coût avant de procéder à la détermination de ce taux ;

Qu'en statuant ainsi quand les frais relatifs à l'assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du TEG que lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt, et non à titre d'obligation dont l'inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir, l'arrêt rendu le 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cette décision est ainsi venue assortir d’une exception la règle, jusqu’alors de portée absolue, aux termes de laquelle les frais qui ne conditionnent pas l’octroi du crédit sont exclus de l’assiette du TEG. La doctrine en a tiré comme enseignement qu’il convenait désormais de distinguer trois hypothèses en matière d’assurance[16].

En premier lieu, lorsque la souscription d’une assurance est facultative, le coût y afférent ne doit pas être compris dans l’assiette du TEG.

En deuxième lieu, lorsque l’octroi du prêt est subordonné à la souscription d’une assurance, le coût de cette souscription doit être pris en compte dans le calcul du TEG

En dernier lieu, lorsque l’octroi du crédit n’est pas subordonné à la souscription d’une assurance, mais que cette souscription est constitutive d’une obligation conventionnelle dont l’inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme, les frais y afférents ne doivent pas être intégrés dans l’assiette du TEG.

Cette jurisprudence a, par la suite, été confirmée par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt rendu en date du 28 avril 2016 aux termes duquel il a été jugé que « l’obligation d’assurance garantissant l’immeuble acquis contre le risque d’incendie avait seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, nécessairement après l’octroi du prêt, de sorte qu’elle ne peut être analysée comme une condition posée pour l’obtention de ce dernier, peu important que cette obligation soit ensuite exigée jusqu’au remboursement intégral du crédit »[17]

Cass. 1ère civ. 28 sept. 2016
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 19 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 10-25.537), que, prétendant qu'était erroné le taux effectif global figurant dans l'acte constatant le prêt que la caisse de Crédit mutuel des Sables-d'Olonne (la banque) leur avait consenti, le 23 juin 2004, pour financer l'acquisition d'un bien immobilier, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels ;

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la banque au titre de la déchéance du droit aux intérêts à la somme de 1 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/que le coût relatif à la souscription d'une assurance-incendie doit être intégré dans la détermination du taux effectif global du prêt lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt ; qu'il importe peu que l'obligation d'assurance incendie du bien financé par la banque ait pour objet de protéger le bien postérieurement à l'octroi du prêt et à la réalisation de la vente ; qu'en considérant en sens contraire que le coût de l'assurance incendie n'avait pas à entrer dans la détermination du taux effectif global du prêt au motif que « cette obligation d'assurance, qui a seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, donc nécessairement après l'octroi du prêt, ne peut être analysée comme une condition posée pour l'obtention de celui-ci », tout en relevant que l'obligation d'assurance incendie aux termes du prêt était exigée « jusqu'à remboursement intégral du crédit », soit que cette obligation d'assurance était imposée à l'emprunteur en tant que condition à l'octroi du prêt, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant, a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

2°/ qu'aux termes de l'offre de prêt immobilier de la banque du 23 juin 2004, il était expressément stipulé, s'agissant de la souscription d'une assurance-décès : « X... Claude, couverture décès 100 %, Condition (O) ; X... Gisèle, couverture décès 100 %, Condition (O).Si le code O apparaît dans cette colonne, l'assurance est obligatoire » ; qu'il résultait de manière claire et précise de l'offre de prêt que la souscription d'une assurance-décès de la part des emprunteurs était obligatoire et constituait une condition de l'octroi du prêt ; qu'en statuant en sens contraire en disant « que l'offre de prêt fait clairement mention du caractère facultatif de l'assurance-décès puisque celle-ci n'est pas assortie du code "O" », la cour d'appel a dénaturé le contenu de l'offre de prêt immobilier de la banque du 23 juin 2004, partant, a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'irrégularité entachant la mention du taux effectif global au contrat de prêt est sanctionnée par la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel du prêt ; qu'en décidant, à la suite de la constatation de ce que le coût d'achat des parts sociales avait été omis à tort dans l'assiette de calcul du taux effectif global, que cette situation ne pouvait justifier la nullité de la stipulation d'intérêts et qu'il convenait seulement de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts à concurrence de la somme de 1 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant, a violé ensemble les articles 1907 du code civil et L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève que l'obligation d'assurance garantissant l'immeuble acquis contre le risque d'incendie avait seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, nécessairement après l'octroi du prêt, de sorte qu'elle ne peut être analysée comme une condition posée pour l'obtention de ce dernier, peu important que cette obligation soit ensuite exigée jusqu'au remboursement intégral du crédit ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que l'offre de crédit faisait mention du caractère facultatif de l'assurance-décès, dès lors que celle-ci n'était pas assortie du code "O", signifiant assurance obligatoire, et que l'article 4 des conditions générales figurant au verso de l'offre indiquait que l'assurance-décès était "éventuellement" souscrite par les emprunteurs, la cour d'appel n'a pas dénaturé cette offre ;

Attendu, enfin, qu'après avoir prétendu que la banque n'avait pas énoncé une évaluation du coût des assurances exigée par l'article L. 312-8, 4°, du code de la consommation, devenu L. 313-25, 6°, du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les emprunteurs ont, dans le dispositif de leurs conclusions, demandé de juger que la banque n'avait pas respecté les obligations imposées par le texte précité, de prononcer en conséquence la nullité de la clause de stipulation des intérêts et de dire que l'intérêt au taux légal serait substitué au taux conventionnel ; que la cour d'appel, interprétant ces conclusions en raison de leur ambiguïté, a statué dans les limites de la demande fondée sur le texte invoqué, dont la sanction de l'inobservation est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dans la limite appréciée discrétionnairement par le juge ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

L’exclusion – de principe – du coût de l’assurance-incendie de l’assiette du TEG se justifie par l’absence de lien direct avec l’octroi du crédit dans la mesure où elle vise à garantir, non pas le remboursement du prêt, mais le propriétaire du bien financé du risque d’incendie.

À l’examen, la lecture des derniers arrêts rendus par la Cour de cassation interroge sur l’évolution du critère retenu. N’assisterait-on pas à un glissement vers l’admission d’un critère finaliste ? En somme, pour déterminer si les frais d’assurance doivent être inclus dans l’assiette du TEG, il conviendrait, dorénavant, de se demander, non plus s’ils sont une condition d’octroi du crédit, mais s’ils ont pour fonction de garantir le remboursement du prêt. Le débat est ouvert.

==> Les frais liés à la souscription de parts sociales

Certains établissements bancaires sont des sociétés coopératives, ce qui signifie que, lors de l’entrée en relation avec leurs clients, elles leur proposent de devenir sociétaire, soit de prendre une participation dans le capital social d’une caisse dite locale. La fourniture de certains services est d’ailleurs conditionnée par la souscription de parts sociales, laquelle confère au sociétaire la qualité d’associé.

Très tôt, la question s’est alors posée de savoir si le coût de cette souscription devait être pris en compte dans le calcul du TEG. Dans un arrêt du 23 novembre 2004, la Cour de cassation a répondu par la négative à cette question. Elle a considéré que « la souscription de parts sociales auprès de l’organisme qui subventionne le contrat étant imposée comme condition d’octroi du prêt et les frais ainsi rendus obligatoires afférents à cette adhésion ayant un lien direct avec le prêt souscrit, doivent être pris en compte pour la détermination du TEG »[18].

Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004
Sur le moyen unique, pris en ses sept branches :

Vu les articles L. 312-8 et L. 313-1 du Code de la consommation ;

Attendu que le Crédit mutuel de l'Arbresle (la banque) a consenti à M. et Mme X... deux prêts immobiliers en 1993 et 1994 d'un montant respectif de 550 000 francs et de 240 000 francs, le premier étant un prêt conventionné ; qu'après avoir vendu leur maison et procédé au remboursement anticipé des prêts, les époux X... ont assigné la banque en annulation des prêts et remboursement des intérêts versés ;

Attendu que pour débouter les époux X... de leurs demandes, l'arrêt attaqué retient d'abord que les frais d'hypothèque avaient été supportés directement par les emprunteurs, ensuite que les parts sociales n'étaient pas assimilables à des frais supplémentaires et avaient été remboursées intégralement, enfin que l'assurance-incendie ne se rapportait pas directement aux risques liés à la conclusion du prêt et ne pouvait être chiffrée avant l'achèvement de la construction ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, que le coût des sûretés réelles ou personnelles exigées, et qui conditionnent la conclusion du prêt, doit être mentionné dans l'offre sauf lorsque le montant de ces charges ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la signature du contrat, d'autre part, que la souscription de parts sociales auprès de l'organisme qui subventionne le contrat étant imposée comme condition d'octroi du prêt et les frais ainsi rendus obligatoires afférents à cette adhésion ayant un lien direct avec le prêt souscrit, doivent être pris en compte pour la détermination du TEG, enfin que les frais d'assurance-incendie, laquelle était exigée par le prêteur et qui avaient fait l'objet d'un débat contradictoire devant les juges du fond, devaient être également inclus dans le TEG du prêt, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 janvier 2002, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

La solution est extrêmement critiquable pour plusieurs raisons. D’une part, fondamentalement les frais exposés par l’emprunteur sont liés, non pas à l’octroi du crédit, mais à la qualité de sociétaire. D’autre part, la souscription de parts sociales s’apparente en un véritable investissement financier : le sociétaire perçoit des intérêts en contrepartie du prix d’acquisition des titres. Enfin, le coût des parts sociales est susceptible d’être restitué à l’emprunteur au moment de l’extinction du prêt, de sorte que ce dernier ne s’est nullement appauvri en devenant sociétaire. Bien au contraire, il s’est enrichi de l’actif financier qui lui a été versé.

Pour toutes ces raisons, certains juges du fond ont considéré qu’il convenait de ne pas inclure le coût d’acquisition des parts sociales dans l’assiette du TEG[19]. Dans un arrêt du 30 novembre 2011 une Cour d’appel a avancé, pour justifier sa décision, que « le prix de souscription des parts constitue davantage un actif remboursable qu’une charge »[20].

Malgré les critiques et la résistance de certains juges du fond, la Cour de cassation n’a pas entendu abandonner sa position. Dans un arrêt du 9 décembre 2010 elle a ainsi réaffirmé que « quand le coût des parts sociales dont la souscription est imposée par l’établissement prêteur comme une condition d’octroi du prêt, constitue des frais entrant nécessairement dans le calcul du taux effectif global »[21].

Dans un arrêt du 12 juillet 2012, elle a encore censuré la Cour d’appel d’Amiens, pour défaut de base légale, en lui reprochant de n’avoir pas recherché « si la souscription de parts sociales de l’établissement prêteur n’avait pas été imposée aux emprunteurs comme une condition de l’octroi du crédit, de sorte que le coût afférent à cette souscription ainsi rendue obligatoire devait être pris en compte dans le calcul du taux effectif global »[22].

Cass. 1ère civ. 12 juill. 2012
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu les articles L. 312-8 et L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Brie Picardie a consenti à M. et Mme X... plusieurs prêts destinés à financer l'acquisition d'un bien immobilier et comprenant la souscription de parts sociales ;

Attendu que pour débouter les emprunteurs de leur demande tendant à voir substituer le taux d'intérêt légal au taux conventionnel en raison de l'erreur affectant le calcul du taux effectif global, l'arrêt retient par motifs adoptés que la souscription de parts sociales ne représente pas une charge ayant un lien direct avec le prêt, mais un actif remboursable, sur lequel les emprunteurs perçoivent des dividendes et dont le sort n'est pas lié à celui du prêt ;

Qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme elle y était invitée, si la souscription de parts sociales de l'établissement prêteur n'avait pas été imposée aux emprunteurs comme une condition de l'octroi du crédit, de sorte que le coût afférent à cette souscription ainsi rendue obligatoire devait être pris en compte dans le calcul du taux effectif global, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Cette jurisprudence est incompréhensible. Comme le soulignent certains auteurs « comment peut-on avoir comme ces hauts magistrats une conception aussi extensive des « frais, commissions et rémunérations de toute nature, directs ou indirects » entrant aux termes de l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier dans le calcul du taux effectif global au point de qualifier de frais, synonyme pourtant d’une dépense, la souscription d’une part sociale du prêteur, c’est-à-dire l’acquisition d’un actif financier, d’un élément de patrimoine, au surplus frugifère ? »[23].

Bien que l’on puisse le déplorer, tout porte à croire que la Cour de cassation a, pour l’heure, la ferme intention de maintenir sa position[24]. La conséquence en est pour les établissements bancaires qu’ils doivent être en mesure d’établir que la souscription de parts sociales ne présente aucun caractère obligatoire et plus précisément qu’elle ne conditionne, en aucune façon, l’octroi du prêt. À défaut, ils ont l’obligation d’intégrer le coût d’acquisition des parts dans l’assiette du TEG.

==> Les frais liés aux taxes et aux commissions d’intermédiation

Toutes les taxes et droits d’enregistrement susceptibles d’être dus par l’emprunteur, dans le cadre de l’opération financée, doivent être compris dans l’assiette du TEG.

Dans un arrêt du 21 janvier 1992, la Cour de cassation ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’absence de prise en compte dans le coût du crédit des impôts, taxes et droits mis à la charge de l’emprunteur, alors même qu’ils constituaient « un accroissement des charges de l’emprunt faisant en conséquence partie du taux effectif global »[25].

Cass. 1ère civ. 21 janv. 1992
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que, par acte sous seing privé du 15 avril 1967, la compagnie d'assurances La Protectrice-accidents, aux droits de laquelle se trouve la compagnie Allianz France IARDT, a consenti à la société anonyme d'économie mixte de construction du département de l'Ain (SEMCODA) un prêt de 500 000 francs, remboursable en 20 ans, au taux d'intérêt nominal de 6 % ; qu'il a été prévu à la clause 6 de ce contrat que " la moitié de l'intérêt nominal et la partie du capital nominal compris dans chaque annuité d'amortissement seront majorés en fonction de l'indice du coût de la construction publié trimestriellement par l'INSEE... le montant de chaque annuité sera calculé 1°) en multipliant la moitié de son montant par le rapport entre le dernier indice publié à la date d'échéance et l'indice de référence 2°) en y ajoutant la moitié fixe de son montant de base " ; que la clause 11 a mis à la charge de l'emprunteur les impôts, droits et taxes se rapportant au prêt ; qu'en 1986, la SEMCODA a assigné le prêteur, à titre principal en annulation du contrat, au motif que le taux effectif global du prêt n'avait pas été mentionné dans l'acte, et, subsidiairement, en annulation des clauses relatives aux intérêts et l'indexation, ainsi que de la clause concernant les incidences fiscales ; que, refusant de prononcer la nullité du contrat, la cour d'appel a substitué au taux d'intérêt conventionnel le taux d'intérêt légal, en précisant que celui-ci serait soumis aux dispositions légales de révision, et a dit que le capital serait remboursé en tenant compte de l'indexation conventionnelle ;


Mais sur le quatrième moyen :

Vu les articles 3 et 4 de la loi du 28 décembre 1966 ;

Attendu que le contrat conclu par la compagnie Allianz France IARDT et la SEMCODA comporte une clause n° 11 aux termes de laquelle " l'emprunteur s'engage à prendre à sa charge les impôts, charges, droits et taxes présents et futurs en rapportant au présent emprunt, en principal et intérêts, et à les verser entre les mains du prêteur " ;

Attendu que pour écarter les conclusions de la SEMCODA qui faisait valoir qu'il s'agissait d'un complément d'intérêts et que la clause ne pouvait recevoir application dès lors que le taux effectif global n'avait pas été mentionné dans le contrat, l'arrêt énonce que cette obligation a été librement consentie, qu'elle ne recèle aucune condition potestative et qu'elle est parfaitement déterminable en fin d'exercice ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les impôts, taxes et droits mis à la charge de l'emprunteur ne constituaient pas un accroissement des charges de l'emprunt faisant en conséquence partie du taux effectif global, réductible au taux de l'intérêt légal, en raison de la méconnaissance par le rédacteur du contrat de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux incidences fiscales au prêt, l'arrêt n° 20 rendu le 14 juin 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles

La Cour d’appel de Douai a néanmoins précisé que, pour être inclus dans l’assiette du TEG, la taxe ne devait pas être récupérable par l’emprunteur, ce qui est susceptible d’être le cas s’agissant de la TVA[26].

Lorsque, encore, l’impôt n’est pas déterminable au moment de la conclusion du contrat de prêt, les juridictions n’exigent pas qu’au moyen d’une estimation, il soit pris en compte dans le calcul du TEG[27].

Quant aux frais d’intermédiation, soit la rémunération versée aux courtiers ou aux intermédiaires en opérations de banques et services de paiement, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 12 novembre 1998, que « toutes sommes versées à un intermédiaire, fussent-elles stipulées dans des actes séparés, doivent être prises en compte pour la détermination du taux effectif global comme pour celle du taux effectif pris comme référence »[28].

Il importe peu que les frais aient été directement réglés par l’emprunteur ou par la banque, la jurisprudence exige qu’ils soient compris, en toute hypothèse, dans l’assiette du TEG. La Cour de cassation a affirmé en ce sens, dans un arrêt du 14 décembre 2004, que « pour la détermination du taux effectif global, sont ajoutés aux intérêts, les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels »[29].

Cass. com. 14 déc. 2004
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les comptes dont il avait été titulaire à la BNP Paribas ayant été clôturés, M. X... a fait assigner cette dernière pour, notamment, obtenir la restitution d'agios et de frais divers qu'il estimait lui avoir été indûment facturés ; qu'accueillant ces prétentions, la cour d'appel a ordonné à la BNP Paribas de produire de nouveaux décomptes des comptes litigieux en calculant, dans des conditions qu'elle précisait, les intérêts dus par M. X... sur la base du taux légal substitué au taux conventionnel ainsi qu'en excluant les commissions de compte ou de mouvement de compte ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu les articles 1134 et 1907 du Code civil, ensemble l'article L. 313-1 du Code de la consommation ;

Attendu que pour la détermination du taux effectif global, sont ajoutés aux intérêts, les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ;

Attendu que pour statuer comme elle a fait, la cour d'appel retient encore que les commissions de compte et de mouvement de compte devaient s'analyser comme des intérêts supplémentaires qui, en l'absence d'écrit préalable, devaient également être restituées ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que ces commissions constituent le prix de services, distincts du crédit, qui consistent, soit à tenir les comptes du client, soit à rémunérer le service de caisse assuré par le banquier et ne constituent pas la contrepartie du crédit, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts et de celles relatives au compte n° 8088857, l'arrêt rendu le 27 mai 2002, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Au bilan, aucun frais d’intermédiation ne semble pouvoir échapper à une inclusion dans l’assiette du TEG. La seule difficulté pour l’emprunteur sera, lorsqu’ils sont versés de manière occulte, d’établir leur existence[30].

II) Les éléments exclus du taux effectif global

Les éléments exclus de l’assiette du TEG sont les frais qui, conformément à l’article L. 314-1 du Code de la consommation, soit ne conditionnent pas l’octroi du prêt, soit ne sont pas déterminables au moment de l’émission de l’offre de crédit.

Deux catégories de frais sont concernées par cette exclusion : les frais distincts de l’opération de crédit et les primes d’assurance facultative.

==> Les primes d’assurance facultative

Lorsque la souscription d’une assurance ne conditionne pas l’octroi du crédit, son coût n’est pas pris en compte dans l’assiette du TEG.

Il en va ainsi de la prime d’assurance décès invalidité[31], de la prime de l’assurance-dommages[32], de la prime d’assurance-vie[33] ou encore la prime d’assurance-incendie[34].

Pour justifier l’exclusion de ces primes d’assurance de l’assiette du TEG, la Cour de cassation aime à rappeler qu’ils constituent une condition d’exécution du contrat et non de sa formation[35], ce quand bien même le défaut de souscription de l’assurance est sanctionné par la déchéance du terme[36].

Cass. 1ère civ. 6 févr. 2013
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, prétendant que le taux effectif global (TEG) figurant dans les actes notariés constatant les prêts que la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la banque) lui a consentis selon des offres acceptées les 9 février 2000 et 21 janvier 2002 pour financer l'acquisition de biens immobiliers était erroné, M. X... a assigné la banque en annulation des stipulations de l'intérêt conventionnel contenues dans chacun des contrats de prêt ;

Attendu que, pour accueillir cette demande et condamner la banque à restituer la différence entre les intérêts perçus et ceux calculés au taux légal, l'arrêt, après avoir constaté qu'en application des conditions générales de ces prêts, les emprunteurs devaient contracter « dans les plus brefs délais possibles » une assurance garantissant pendant la durée du prêt les risques incendie des immeubles donnés en garantie et qu'à défaut, le prêteur pourrait soit assurer lui-même les biens aux frais des emprunteurs, soit exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues, retient que cette clause ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des frais d'assurance contre l'incendie, de caractère obligatoire, à peine de déchéance du terme, de sorte que ces frais entraient dans le champ du TEG et qu'il incombait à la banque de s'informer de leur coût avant de procéder à la détermination de ce taux ;

Qu'en statuant ainsi quand les frais relatifs à l'assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du TEG que lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt, et non à titre d'obligation dont l'inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir, l'arrêt rendu le 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

==> Les frais liés à l’exécution du contrat de crédit

Autre catégorie de frais qui ne sont pas compris dans l’assiette du TEG, ceux liés à l’exécution du contrat de crédit.

Au nombre de ces frais figurent notamment les frais de relances et les frais de procédure facturés au débiteur défaillant.[37]

Les clauses pénales pour défaut de remboursement[38] ainsi que les indemnités de remboursement anticipé du prêt[39] sont également exclues de l’assiette du TEG.

Cette solution se justifie par le caractère hypothétique de leur mise en œuvre, en ce qu’ils ne seront dus qu’en cas d’inexécution par l’emprunteur de ses obligations. Ils sont donc, par nature, étrangers, à la décision d’octroi du prêt.

Dans un arrêt du 27 septembre 2005, la Cour de cassation a affirmé, en ce sens, que « l’indemnité de remboursement anticipé dont la mise en œuvre était éventuelle et donc étrangère aux frais intervenus dans l’octroi du prêt, ne devait pas être prise en compte dans la détermination du taux effectif global de celui-ci »[40].

Cass. 1ère civ. 27 sept. 2005
Sur le moyen unique, pris en ses huit branches :

Attendu que par acte du 20 mars 1995, la Fédération française d'athlétisme (FFA) a contracté auprès du Comptoir des entrepreneurs, devenu la société Entenial aux droits de laquelle vient le Crédit foncier de France, un emprunt de 14 millions de francs remboursable en 15 ans au taux effectif global de 10,17 % ; que les taux d'intérêt ayant baissé, la FFA a demandé la renégociation de ce crédit;

que le prêteur lui ayant proposé un nouveau crédit remboursable au taux fixe de 4,80 %, et demandé le paiement d'une indemnité de remboursement anticipé de 3 902 875,13 francs, la FFA a refusé cette proposition et attrait le prêteur en justice pour que la clause stipulant cette indemnité soit notamment déclarée abusive et contraire aux dispositions de l'article 1250, 2 , du Code civil ;

Attendu que la FFA fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 31 janvier 2002) de l'avoir déboutée de ses prétentions, alors, selon le moyen :

1 / qu'en se bornant à caractériser le fait que la Fédération n'était pas un consommateur, sans rechercher si le contrat de prêt litigieux avait un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par celle-ci et donc en omettant de vérifier la qualité de non-professionnel de celle-ci, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

2 / qu'en se fondant sur le fait inopérant que l'instauration d'une clause prévoyant le versement de sommes en contrepartie de l'exercice de la faculté de remboursement anticipé afin de compenser la perte financière subie par le prêteur n'est pas en soi abusive, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.. 132-1 du Code de la consommation ;

3 / qu'en se bornant à énoncer que la définition actuarielle du montant de l'indemnité due dans le cadre de la rupture du contrat opposant la Fédération à la banque prêteuse variait en fonction de l'état du marché et que le montant de cette indemnité ne dépendait pas de la seule volonté du prêteur, mais résultait du calcul d'éléments dépendant de l'état du marché financier au moment où l'emprunteur avait sollicité le remboursement, sans rechercher si le montant de l'indemnité n'était pas disproportionnellement élevé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 132-1 du Code de la consommation ;

4 / qu'en énonçant que l'indemnité de remboursement anticipé ne devait pas être incluse dans le taux effectif global, aux motifs inopérants pris, d'une part, de ce que son montant dépendait du moment où elle était calculée et, d'autre part, de ce que l'emprunteuse avait la faculté de faire procéder elle-même à des calculs, la clause prévoyant cette indemnité renfermant tous les éléments de calcul, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du Code de la consommation ;

5 / qu'en retenant que la Fédération ne contestait pas le droit au paiement d'une indemnité compensatrice d'un éventuel préjudice, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de celle-ci et ainsi violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

6 / qu'en se fondant sur le fait que l'indemnité de remboursement anticipé avait pour objet de compenser le manque à gagner du prêteur du fait de la résiliation anticipée, sans le caractériser autrement que par l'application de la clause, alors que du fait du remboursement anticipé, le prêteur ne pouvait plus subir les préjudices résultant de l'immobilisation de la somme et les risques de difficultés de remboursement, et donc n'avait pas à être rémunéré, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil ;

7 / qu'en énonçant qu'il ne résultait pas de l'article 1250, 2 , du Code civil que le remboursement anticipé était de droit pour le débiteur du prêt, la cour d'appel a violé cette disposition ;

8 / qu'en se bornant à énoncer que l'existence d'une indemnité de remboursement n'était pas un obstacle à l'effet de la subrogation, si les conditions étaient remplies, sans rechercher si l'indemnité de remboursement anticipé prévue par le contrat n'était pas d'un montant tel qu'elle empêchait la subrogation dans les droits du prêteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1250, 2 , du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt retient, par des motifs propres et adoptés qui relèvent de son appréciation souveraine, que l'emprunt litigieux avait été contracté par la FFA en vue de financer l'acquisition et l'aménagement d'un nouveau siège social, lieu de son activité, et que la FFA, dont l'objet est de promouvoir l'athlétisme en France par la signature d'importants contrats de partenariat et de vente de licences, avait souscrit cet emprunt dans le cadre de son activité, afin d'améliorer les conditions d'exercice de celle-ci, faisant ainsi ressortir l'existence d'un rapport direct entre l'activité professionnelle de cette association et le contrat de prêt litigieux, pour en déduire à bon droit que les dispositions des articles L. 132-1 et suivants du Code de la consommation n'étaient pas applicables dans le présent litige ;

qu'ensuite, il résulte de l'article L. 313-1 du même Code que pour la détermination du taux effectif global, il y a lieu d'ajouter aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects intervenus dans l'octroi du prêt ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a considéré que l'indemnité de remboursement anticipé dont la mise en oeuvre était éventuelle et donc étrangère aux frais intervenus dans l'octroi du prêt, ne devait pas être prise en compte dans la détermination du taux effectif global de celui-ci ; qu'ensuite, encore, la cour d'appel a souverainement retenu, hors la dénaturation de conclusions alléguée, que la cause de l'obligation au paiement de cette indemnité consistait dans la réparation du manque à gagner subi par le prêteur du fait de la résiliation anticipée du contrat ; qu'enfin, c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à opérer d'office une recherche qui ne lui était pas demandée, a retenu que la stipulation d'une indemnité de remboursement anticipé ne constituait pas en principe un obstacle au jeu de la subrogation prévue par l'article 1250, 2 , du Code civil, dès lors que les conditions d'application de ce texte seraient réunies ; que, manquant en fait en sa première branche, et, de ce fait inopérant en ses deuxième et troisième griefs, le moyen est mal fondé en sa quatrième branche ; qu'il manque en fait en sa cinquième branche, est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait, en sa sixième branche et sans fondement en ses deux derniers griefs ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Dans le droit fil de cette jurisprudence, la haute juridiction a adopté la même position, s’agissant des commissions d’intervention, lesquelles ont pour objet de rémunérer l’établissement bancaire pour le service d’analyse d’un compte effectué en cas d’insuffisance de provision, avant que soit prise la décision de payer ou de rejeter une opération[41]. À ce titre, elles s’apparentent à des commissions de service, raison pour laquelle elles n’entrent pas dans le calcul du taux effectif global[42].

Nonobstant cette jurisprudence plutôt favorable aux banques, il leur appartiendra, néanmoins, de démontrer que les commissions d’intervention sans étrangères à la décision d’octroi du crédit[43].

Dans un arrêt du 8 janvier 2013, la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui, pour inclure dans l’assiette du TEG des frais d’intervention, s’est vu reprocher de n’avoir pas vérifié « si cette commission constituait le prix d’un service lié à la tenue du compte des clients ou un service de caisse, distinct d’un crédit, de sorte qu’elle ne constituerait pas la contrepartie de ce crédit »[44].

Cass. com. 8 janv. 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société générale (la banque) a consenti en 2007 un crédit de restructuration de 25 000 euros à Mme X... ; que M. X..., Mme X... et la société X...et A...(l'entreprise), ont refusé de payer le solde du découvert de 14 631, 79 euros qui leur était réclamé par la banque ; que cette dernière les ayant assignés en paiement de ce solde, ils ont recherché sa responsabilité pour manquement à son obligation d'information et de conseil et pour avoir pratiqué un taux usuraire en omettant d'inclure dans le taux effectif global du prêt certaines commissions ;

Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, quatrième et sixième branches, réunis :

Attendu que ces moyens ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le second moyen, pris en sa cinquième branche :

Vu les articles 1147 et 1907 du code civil, ensemble l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X..., la cour d'appel a retenu que le TEG n'est pas justifié comme usuraire, la commission d'intervention n'ayant pas à être intégrée dans celui-ci ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si cette commission constituait le prix d'un service lié à la tenue du compte des clients ou un service de caisse, distinct d'un crédit, de sorte qu'elle ne constituerait pas la contrepartie de ce crédit, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom, autrement composée ;

Cette décision présente manifestement l’intérêt de rappeler que la détermination de l’inclusion d’un frais dans l’assiette du TEG ramène toujours, quelle que soit la nature du frais envisagé, à la question de savoir s’il conditionne ou non l’octroi du prêt.

[1] Cass. 1ère civ. 30 mars 2005 : Bull. civ. I, n° 161

[2] Cass. 1ère civ. 30 mars 2005, n°02-11.171.

[3] Cass. 1ère civ. 9 déc. 2010, n°09-14.977 : D bancaire et fin. 2011, comm. 41, obs. F.-J. Crédot et Th. Samin ; V. également CA Paris, 15e ch., sect. B, 6 oct. 2005 : JCP E 2005, 1619 ; V. également P. BOUTEILLER, « Quand la valeur de la garantie constitue un élément de calcul du TEG, ou comment s’y prendre pour faire d’un élément de comparaison du coût du crédit, un élément de valeur variable selon la garantie considérée », Rev. Lamy dr. aff. 2011, n° 57, p. 25.

[4] Cass. 1ère civ., 23 nov. 2004, n° 02-13.206 : Bull. civ. I, n° 289.

[5] CA Lyon, 12 juin 2008, n°07/03698 ; CA Montpellier, 3 janv. 2012, n°1100396.

[6] CA Poitiers, 2e ch. civ., 19 juill. 2011, n° 10/03218 : RD bancaire et fin. 2012, comm. 3.

[7] T. com. Marseille, 11 avr. 2013, n° 2011-F-04087 : RD bancaire et fin. 2013, comm. 148.

[8] V. en ce sens CA Grenoble, ch. com., 16 juin 2011, n° 10/00836 : RD bancaire et fin. 2012, comm. 3.

[9] Cass. 1ère civ., 15 oct. 2014, n° 13-19.241.

[10] Cass. 1ère civ. 28 oct. 2015, n°14-19.747

[11] CA Riom 12 oct. 2015, n°14/02776 ; CA Versailles 3 mars 2016, n°14/04400 ; TGI Nîmes, 17 juin 2016, n°15/01295.

[12] V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°02-13.06.

[13] Cass. 1ère civ. 13 nov. 2008, n°07-17.737 : D. 2008, p. 3006.

[14] Cass. 1ère civ. 8 nov. 2007, n° 04-18.668 : Bull. civ. I, n° 349.

[15] Cass. 1ère civ. 6 févr. 2013, n°12-15.722 : Bull. civ. IV, n° 11 ; JCP E 2013, 1159, obs. P. Bouteiller et F.-J. Crédot.

[16] V. en ce sens X. LAGARDE, « L’assurance incendie entre-t-elle dans le calcul du TEG ? », RD bancaire et fin., 2011, comm. 157.

[17] Cass. 1re civ., 28 sept. 2016, n° 15-17.687.

[18] Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°02-13206 : Bull. civ. I, no 289 ; D. 2006. 155, obs. Martin  ; RD banc. fin. 2005, no 6, obs. Crédot et Gérard.

[19] CA Orléans, 6 avr. 2006, RD banc. fin. 2006, no 127, note Crédot et Samin.

[20] CA Bastia, ch. civ. B, 30 nov. 2011, n° 10/00375.

[21] Cass. 1re civ., 9 déc. 2010, n° 09-67.089.

[22] Cass. 1ère civ., 12 juill. 2012, n° 11-21.032

[23] TI Poitiers, 13 mars 2009, Idelot c/ SA Casden BP : RD bancaire et fin. 2009, comm. 118, note F.-J. Crédot et T. Samin.

[24] Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013, n° 12-14.377 : Bull. civ. I, n° 88.

[25] Cass. 1ère civ. 21 janv. 1992, n°90-18120 : Bull. civ. I, n°22.

[26] CA Douai, 22 nov. 2012, n°11/07350.

[27] CA Grenoble, 16 juin 2011, n°10/00836.

[28] Cass. crim. 12 nov. 1998, n°97-82954.

[29] Cass. com. 14 déc. 2004, n°02-19532.

[30] V. en ce sens Cass. crim. 24 mars 1999, n°98-81274.

[31] Cass. 1ère civ. 12 juill. 2012, n°10-25737 ; Cass. 1ère civ. 28 sept. 2016, n°15-17687.

[32] Cass. 1re civ., 26 mai 2011, n° 10-13.861 : RD bancaire et fin. 2011, comm. 157, obs. X. Lagarde.

[33] Cass. crim. 12 oct. 1976, n°76-90406.

[34] Cass. 1ère civ. 26 mai 2011, n°10-13861.

[35] V. en ce sens Cass. 1re civ., 6 févr. 2013, n° 12-15.722 : Bull. civ. IV, n° 11 ; JCP E 2013, 1159, obs. P. Bouteiller et F.-J. Crédot ; Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-13.779.

[36] Cass., 1ère civ., 1er oct. 2014, n° 13-22.768 ; CA Toulouse, ch. 2, 5 oct. 2011, n° 09/06281

[37] Cass. com., 3 déc. 2013, n° 12-22.755.

[38] Cass. 1ère civ. 1er déc. 1987, n°86-10541.

[39] Cass. 1ère civ. 27 sept. 2005, n°02-13935.

[40] Cass. 1re civ., 27 sept. 2005, n° 02-13.935 : Bull. civ. I, n° 347 ; Dr. & patr. 2006, n° 151, p. 74, obs. J.-P. Mattout et A. Prüm.

[41] V. en ce sens P. BOUTEILLER, « Les commissions d’intervention ne sont pas des frais de forçage », JCP E 2014, 1034.

[42] Cass. 1re civ., 22 mars 2012, n° 11-10.199 ; Cass. com., 8 juill. 2014, n° 13-20.147.

[43] F.-J. CREDOT ET TH. SAMIN, « Non intégration de la commission d’intervention dans le TEG », RD bancaire et fin. 2011, comm. 155

[44] Cass. com., 8 janv. 2013, n° 11-15.476.

TEG: l’inclusion dans l’assiette de calcul des frais liés aux primes d’assurance

Lors de la conclusion d’un contrat de prêt, bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation légale, il n’est pas rare que la souscription d’une assurance soit érigée par le prêteur comme une condition d’octroi du crédit.

Très tôt, la question s’est alors posée de savoir si le coût de la prime d’assurance supporté par l’emprunteur devait être intégré dans l’assiette du TEG.

Au fond, l’assurance ainsi contractée est indépendante du crédit octroyé, dans la mesure où, sur le plan purement obligationnel, l’avantage qu’elle procure au souscripteur est distinct de celui qu’il retire du contrat de prêt. On est, en conséquence, légitimement en droit de se demander si le coût de la prime d’assurance peut être exclu du calcul du TEG.

La position adoptée par la jurisprudence sur ce sujet a, pendant longtemps, été pour le moins manichéenne.

Lorsque, en effet, l’octroi du contrat de prêt est subordonné à la souscription d’une assurance, la Cour de cassation estime qu’il convient d’intégrer les frais y afférents dans l’assiette du TEG[1].

Dans un arrêt du 13 novembre 2008, la Cour de cassation a, de la sorte, estimé « qu’il incombait à la banque, qui avait subordonné l’octroi du crédit à la souscription d’une assurance, de s’informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement »[2].

Cass. 1ère civ. 13 nov. 2008
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, qui est recevable comme né de l'arrêt attaqué :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu que, prétendant qu'était erroné le taux effectif global figurant dans le contrat constatant le prêt destiné à financer l'achat d'un immeuble, que lui avait consenti la caisse de crédit mutuel de Rive-de-Gier (la banque), la société civile immobilière La Pléiade l'a assignée en substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel et en établissement d'un nouveau tableau d'amortissement ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt, après avoir exactement rappelé que les frais relatifs à l'assurance-incendie de l'immeuble devaient, en principe, être pris en compte pour déterminer le taux effectif global dès lors qu'ils étaient imposés par la banque et en lien direct avec le crédit, énonce que l'assurance-incendie contractée auprès d'un autre organisme et dont le coût n'était pas connu de la banque lors de l'offre de prêt et ne lui a pas été communiqué par l'emprunteur avant l'octroi du prêt, ne pouvait donc pas, en l'espèce, être intégrée dans le taux effectif global ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il incombait à la banque, qui avait subordonné l'octroi du crédit à la souscription d'une assurance, de s'informer auprès du souscripteur du coût de celle-ci avant de procéder à la détermination du taux effectif global dans le champ duquel un tel coût entrait impérativement, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société civile immobilière La Pléiade en substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel et en établissement d'un nouveau tableau d'amortissement, l'arrêt rendu le 24 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Lorsque, au contraire, la souscription d’une assurance est facultative, la Cour de cassation n’exige pas que le coût de la prime d’assurance soit intégré dans l’assiette du TEG.

Telle est la solution qu’elle a, par exemple, retenue dans un arrêt du 8 novembre 2007. Elle y a jugé que « le coût d’une assurance facultative dont la souscription ne conditionne pas l’octroi du prêt, n’entre pas dans la détermination du taux effectif global »[3]

La position adoptée par la Cour de cassation est, manifestement, conforme au principe général selon lequel l’assiette du TEG doit comprendre les frais de toute nature dès lors qu’ils constituent une condition d’octroi du crédit.

Dans un arrêt du 6 février 2013, la première chambre civile a toutefois apporté un tempérament à ce principe, en précisant que « quand les frais relatifs à l’assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du TEG que lorsque la souscription d’une telle assurance est imposée à l’emprunteur comme une condition de l’octroi du prêt, et non à titre d’obligation dont l’inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme »[4].

Cass. 1ère civ. 6 févr. 2013
Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, prétendant que le taux effectif global (TEG) figurant dans les actes notariés constatant les prêts que la Caisse d'épargne et de prévoyance Provence Alpes Corse (la banque) lui a consentis selon des offres acceptées les 9 février 2000 et 21 janvier 2002 pour financer l'acquisition de biens immobiliers était erroné, M. X... a assigné la banque en annulation des stipulations de l'intérêt conventionnel contenues dans chacun des contrats de prêt ;

Attendu que, pour accueillir cette demande et condamner la banque à restituer la différence entre les intérêts perçus et ceux calculés au taux légal, l'arrêt, après avoir constaté qu'en application des conditions générales de ces prêts, les emprunteurs devaient contracter « dans les plus brefs délais possibles » une assurance garantissant pendant la durée du prêt les risques incendie des immeubles donnés en garantie et qu'à défaut, le prêteur pourrait soit assurer lui-même les biens aux frais des emprunteurs, soit exiger le remboursement anticipé des sommes restant dues, retient que cette clause ayant pour effet de mettre à la charge de l'emprunteur des frais d'assurance contre l'incendie, de caractère obligatoire, à peine de déchéance du terme, de sorte que ces frais entraient dans le champ du TEG et qu'il incombait à la banque de s'informer de leur coût avant de procéder à la détermination de ce taux ;

Qu'en statuant ainsi quand les frais relatifs à l'assurance-incendie ne sont intégrés dans la détermination du TEG que lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt, et non à titre d'obligation dont l'inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir, l'arrêt rendu le 15 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Cette décision est ainsi venue assortir d’une exception la règle, jusqu’alors de portée absolue, aux termes de laquelle les frais qui ne conditionnent pas l’octroi du crédit sont exclus de l’assiette du TEG. La doctrine en a tiré comme enseignement qu’il convenait désormais de distinguer trois hypothèses en matière d’assurance[5].

En premier lieu, lorsque la souscription d’une assurance est facultative, le coût y afférent ne doit pas être compris dans l’assiette du TEG.

En deuxième lieu, lorsque l’octroi du prêt est subordonné à la souscription d’une assurance, le coût de cette souscription doit être pris en compte dans le calcul du TEG

En dernier lieu, lorsque l’octroi du crédit n’est pas subordonné à la souscription d’une assurance, mais que cette souscription est constitutive d’une obligation conventionnelle dont l’inexécution est sanctionnée par la déchéance du terme, les frais y afférents ne doivent pas être intégrés dans l’assiette du TEG.

Cette jurisprudence a, par la suite, été confirmée par la Cour de cassation, notamment dans un arrêt rendu en date du 28 avril 2016 aux termes duquel il a été jugé que « l’obligation d’assurance garantissant l’immeuble acquis contre le risque d’incendie avait seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, nécessairement après l’octroi du prêt, de sorte qu’elle ne peut être analysée comme une condition posée pour l’obtention de ce dernier, peu important que cette obligation soit ensuite exigée jusqu’au remboursement intégral du crédit »[6]

Cass. 1ère civ. 28 sept. 2016
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 19 février 2014), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 juillet 2012, pourvoi n° 10-25.537), que, prétendant qu'était erroné le taux effectif global figurant dans l'acte constatant le prêt que la caisse de Crédit mutuel des Sables-d'Olonne (la banque) leur avait consenti, le 23 juin 2004, pour financer l'acquisition d'un bien immobilier, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels ;

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la banque au titre de la déchéance du droit aux intérêts à la somme de 1 000 euros, alors, selon le moyen :

1°/que le coût relatif à la souscription d'une assurance-incendie doit être intégré dans la détermination du taux effectif global du prêt lorsque la souscription d'une telle assurance est imposée à l'emprunteur comme une condition de l'octroi du prêt ; qu'il importe peu que l'obligation d'assurance incendie du bien financé par la banque ait pour objet de protéger le bien postérieurement à l'octroi du prêt et à la réalisation de la vente ; qu'en considérant en sens contraire que le coût de l'assurance incendie n'avait pas à entrer dans la détermination du taux effectif global du prêt au motif que « cette obligation d'assurance, qui a seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, donc nécessairement après l'octroi du prêt, ne peut être analysée comme une condition posée pour l'obtention de celui-ci », tout en relevant que l'obligation d'assurance incendie aux termes du prêt était exigée « jusqu'à remboursement intégral du crédit », soit que cette obligation d'assurance était imposée à l'emprunteur en tant que condition à l'octroi du prêt, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant, a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation ;

2°/ qu'aux termes de l'offre de prêt immobilier de la banque du 23 juin 2004, il était expressément stipulé, s'agissant de la souscription d'une assurance-décès : « X... Claude, couverture décès 100 %, Condition (O) ; X... Gisèle, couverture décès 100 %, Condition (O).Si le code O apparaît dans cette colonne, l'assurance est obligatoire » ; qu'il résultait de manière claire et précise de l'offre de prêt que la souscription d'une assurance-décès de la part des emprunteurs était obligatoire et constituait une condition de l'octroi du prêt ; qu'en statuant en sens contraire en disant « que l'offre de prêt fait clairement mention du caractère facultatif de l'assurance-décès puisque celle-ci n'est pas assortie du code "O" », la cour d'appel a dénaturé le contenu de l'offre de prêt immobilier de la banque du 23 juin 2004, partant, a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que l'irrégularité entachant la mention du taux effectif global au contrat de prêt est sanctionnée par la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel du prêt ; qu'en décidant, à la suite de la constatation de ce que le coût d'achat des parts sociales avait été omis à tort dans l'assiette de calcul du taux effectif global, que cette situation ne pouvait justifier la nullité de la stipulation d'intérêts et qu'il convenait seulement de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts à concurrence de la somme de 1 000 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, partant, a violé ensemble les articles 1907 du code civil et L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation ;

Mais attendu, d'abord, que l'arrêt relève que l'obligation d'assurance garantissant l'immeuble acquis contre le risque d'incendie avait seulement pour but de protéger le bien financé après la réalisation de la vente, nécessairement après l'octroi du prêt, de sorte qu'elle ne peut être analysée comme une condition posée pour l'obtention de ce dernier, peu important que cette obligation soit ensuite exigée jusqu'au remboursement intégral du crédit ;

Attendu, ensuite, qu'ayant retenu que l'offre de crédit faisait mention du caractère facultatif de l'assurance-décès, dès lors que celle-ci n'était pas assortie du code "O", signifiant assurance obligatoire, et que l'article 4 des conditions générales figurant au verso de l'offre indiquait que l'assurance-décès était "éventuellement" souscrite par les emprunteurs, la cour d'appel n'a pas dénaturé cette offre ;

Attendu, enfin, qu'après avoir prétendu que la banque n'avait pas énoncé une évaluation du coût des assurances exigée par l'article L. 312-8, 4°, du code de la consommation, devenu L. 313-25, 6°, du même code en vertu de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, les emprunteurs ont, dans le dispositif de leurs conclusions, demandé de juger que la banque n'avait pas respecté les obligations imposées par le texte précité, de prononcer en conséquence la nullité de la clause de stipulation des intérêts et de dire que l'intérêt au taux légal serait substitué au taux conventionnel ; que la cour d'appel, interprétant ces conclusions en raison de leur ambiguïté, a statué dans les limites de la demande fondée sur le texte invoqué, dont la sanction de l'inobservation est la déchéance du droit aux intérêts conventionnels dans la limite appréciée discrétionnairement par le juge ;

D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

L’exclusion – de principe – du coût de l’assurance-incendie de l’assiette du TEG se justifie par l’absence de lien direct avec l’octroi du crédit dans la mesure où elle vise à garantir, non pas le remboursement du prêt, mais le propriétaire du bien financé du risque d’incendie.

À l’examen, la lecture des derniers arrêts rendus par la Cour de cassation interroge sur l’évolution du critère retenu. N’assisterait-on pas à un glissement vers l’admission d’un critère finaliste ? En somme, pour déterminer si les frais d’assurance doivent être inclus dans l’assiette du TEG, il conviendrait, dorénavant, de se demander, non plus s’ils sont une condition d’octroi du crédit, mais s’ils ont pour fonction de garantir le remboursement du prêt. Le débat est ouvert.

[1] V. en ce sens Cass. 1ère civ. 23 nov. 2004, n°02-13.06.

[2] Cass. 1ère civ. 13 nov. 2008, n°07-17.737 : D. 2008, p. 3006.

[3] Cass. 1ère civ. 8 nov. 2007, n° 04-18.668 : Bull. civ. I, n° 349.

[4] Cass. 1ère civ. 6 févr. 2013, n°12-15.722 : Bull. civ. IV, n° 11 ; JCP E 2013, 1159, obs. P. Bouteiller et F.-J. Crédot.

[5] V. en ce sens X. LAGARDE, « L’assurance incendie entre-t-elle dans le calcul du TEG ? », RD bancaire et fin., 2011, comm. 157.

[6] Cass. 1re civ., 28 sept. 2016, n° 15-17.687.

Le régime juridique de la délégation: notion, conditions, effets

I) Définition

A) Notion de délégation

Définie à l’article 1336 du Code civil, la délégation est présentée comme l’« opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. ».

Il ressort de cette définition que la délégation est constituée de deux composantes :

  • L’ordre du délégant envers le délégué
  • L’engagement du délégué envers le délégataire

Ainsi, la délégation permet-elle de réaliser un double paiement simplifié de deux obligations préexistantes.

?Conceptions de la délégation

Deux visions de la délégation s’affrontent en doctrine :

  • La vision extensive de la délégation
    • Selon cette vision, la qualification de délégation repose, le plus souvent, sur le constat que l’obligation du délégué est destinée à se superposer à deux obligations préexistantes :
      • L’obligation du délégué envers le délégant
      • L’obligation du délégant le délégataire
    • Dans cette configuration, la délégation permet ainsi de réaliser un double paiement simplifié en éteignant, à hauteur du montant le plus faible :
      • La dette du délégué envers le délégant
      • La dette du délégant envers le délégataire
    • Cependant, rien n’empêche que la délégation vienne se greffer :
      • Soit sur une seule obligation préexistante
        • Dans cette hypothèse, de deux choses l’une :
          • Ou bien l’obligation préexistante existe entre le délégué et le délégant, auquel cas la délégation permet de réaliser une donation ou un prêt indirect à la faveur du délégataire et ne peut être alors qu’une délégation simple.
          • Ou bien l’obligation préexistante lie le délégant au seul délégataire, auquel cas la délégation, qui peut être simple ou novatoire, permet de payer la dette du délégant ou de constituer une garantie au profit du délégataire, ce que l’on appelle la délégation-sûreté.
      • Soit sur aucune obligation préexistante
        • Dans cette hypothèse, la délégation permet de réaliser une double donation indirecte ou d’un double prêt indirect entre
          • D’une part, le délégant et le délégataire
          • D’autre part, le délégué et le délégant
  • La vision restrictive de la délégation
    • Selon cette vision, la qualification de délégation ne se justifie que s’il existe une obligation préexistante entre le délégué et le délégant.
    • Plusieurs hypothèses doivent alors être envisagées :
      • Une obligation existe entre le délégant et le délégataire, mais pas entre le délégué et le délégant
        • Il s’agit alors, selon la cause de l’engagement du délégué,
          • Soit d’un contrat visant la libération du débiteur-délégant
          • Soit d’un cautionnement ou d’une garantie autonome
      • Aucune obligation n’existe, ni entre le délégant et le délégataire, ni entre le délégué et le délégant
        • La cause de l’obligation du délégué est alors à rechercher dans ses rapports avec le délégant :
          • Soit il a la volonté de consentir une donation
          • Soit il a la volonté de consentir un prêt indirect
        • En toute hypothèse, l’engagement du délégué représente l’exécution d’une promesse de donation ou de prêt implicite et concomitante à la formation de la délégation.
        • En somme, il y a quand même une obligation préexistante entre le délégué et le délégant, laquelle constitue le support juridique nécessaire de la délégation.

?Position de la jurisprudence

Par un arrêt du 21 juin 1994, la Cour de cassation a partiellement consacré la vision extensive de la délégation en considérant que l’existence d’une obligation préexistante entre le délégué et le délégant n’était pas inhérente à la qualification de délégation.

Autrement dit, une délégation peut être stipulée en dehors de toute obligation contractée antérieurement entre le délégué et le délégant (Cass. com. 21 juin 1994, n°91-19.281).

Cass. com. 21 juin. 1994

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l’arrêt critiqué (Montpellier, 25 juin 1991), qu’à la demande de M. Y…, qui devait une somme de 56 379,18 francs à M. A…, M. X… a émis un chèque de même montant à l’ordre de Ano, nom de l’entreprise personnelle de celui-ci, lequel l’a encaissé ; que M. X… a assigné M. A… en restitution de cette somme en prétendant qu’il l’avait indûment payée ;

Attendu que M. X… reproche à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, d’une part, que la délégation de créance proprement dite ne peut servir de cadre à une simple libéralité et suppose l’existence, non seulement d’une créance du délégataire sur le délégant, mais également d’une créance de ce dernier sur le délégué ; que, dès lors, en affirmant qu’il importait peu que M. X… ait ou non été débiteur de M. Y… dont il a réglé la dette à M. Z… et que les conditions d’une délégation étaient réunies du seul fait de la remise, par M. X… à M. Y…, du chèque à l’ordre de Ano et de l’acceptation de ce chèque par cet établissement créancier de M. Y…, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article 1275 du Code civil ; et alors, d’autre part, que, pour résister à la demande en répétition de l’indu, M. Z… s’est borné à prétendre qu’il aurait été réglé dans le cadre d’une délégation de créance par M. X…, lequel serait débiteur de M. Y… ; que, dans ces conditions, si l’arrêt devait être interprété comme fondé sur une intention libérale de M. X… envers M. Y…, il serait alors entaché d’une méconnaissance des termes du litige en violation de l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir retenu que l’opération litigieuse était une délégation et que M. X…, délégué, s’était engagé en toute connaissance de cause à l’égard de M. A…, délégataire, c’est à bon droit que l’arrêt déclare qu’il importait peu que M. X… ait été, ou non, débiteur à l’égard de M. Y…, délégant ;

Attendu, d’autre part, que la cour d’appel n’a pas déclaré qu’en s’engageant à l’égard de M. A…, M. X… avait eu l’intention de faire une libéralité à M. Y… ;

Que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

?Réforme des obligations

La lecture des articles 1336 et 1337 du Code civil confirme l’absence d’exigence d’obligation préexistante préalablement à la réalisation d’une opération de délégation.

Il importe peu, en conséquence, que le délégué soit créancier du délégant pour que la délégation soit valable.

La conception extensive de la délégation l’a emporté sur la vision restrictive.

?Délégation certaine et délégation incertaine

La distinction entre la délégation certaine et incertaine est d’origine purement doctrinale. Elle permet d’envisager l’influence du ou des rapports d’obligation préexistant sur l’engagement du délégué.

Le délégué est, en effet, susceptible de s’engager à la faveur du délégataire dans le cadre de deux schémas distincts :

  • La délégation certaine
    • Dans cette configuration, le délégué s’engage envers le délégataire sans référence à une obligation préexistante
    • Son engagement est donc des plus abstraits, en ce sens que les rapports délégant / délégué et délégant délégataire sont insusceptibles d’influer sur son existence
    • La conséquence en est que le principe d’inopposabilité des exceptions est absolu, il ne connaît aucune dérogation à l’exception de la fraude.
  • La délégation incertaine
    • Dans cette configuration, le délégué s’engage envers le délégataire en considération
      • Soit de l’obligation préexistante qui le lie au délégant
      • Soit de l’obligation préexistante qui le lie le délégant au délégataire
    • La délégation repose alors sur l’une des obligations préexistantes, en ce sens que le délégué s’engage à concurrence du montant qu’il doit au délégant ou de ce qui est par celui-ci dû au délégataire.
    • Il en résulte que le principe d’inopposabilité des exceptions est susceptible d’être écarté, en particulier dans l’hypothèse où, en cas de novation, l’obligation ancienne serait nulle.

Au total, il apparaît que l’intérêt de la distinction entre la délégation certaine et la délégation incertaine réside dans l’application du principe d’inopposabilité des exceptions qui, lorsque la délégation est incertaine, peut céder sous l’effet d’une exception tirée d’une obligation préexistante.

B) Formes de la délégation

Deux formes de délégation doivent être distinguées :

  • La délégation simple
  • La délégation novatoire

?La délégation simple ou imparfaite

La délégation simple, dite imparfaite, correspond à l’hypothèse où, lors de la réalisation de l’opération, le délégant n’est pas déchargé de son obligation envers le délégataire, ce qui confère à ce dernier deux débiteurs :

  • Le délégant
  • Le délégué

La délégation simple est envisagée à l’article 1338 du Code civil qui prévoit que :

  • D’une part, lorsque le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation donne au délégataire un second débiteur.
  • D’autre part, le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence.

Manifestement, la figure de la délégation simple est de loin la plus fréquente car présente l’avantage pour le délégataire de disposer d’un débiteur supplémentaire (le délégant).

?La délégation novatoire ou parfaite

La délégation novatoire, dite parfaite, correspond à l’hypothèse où, lors de la réalisation de l’opération, le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire qui accepte de n’avoir comme seul débiteur le délégué.

La délégation opère ainsi un changement de débiteur, sans pour autant que la créance détenue par le délégant à l’encontre du délégué soit transférée au délégataire.

Ce changement de débiteur se réalise au moyen d’une novation, soit de la création d’un nouveau rapport d’obligation (entre le délégué et le délégataire) lequel se substitue au rapport préexistant entre le délégant et le délégué.

La délégation simple est envisagée à l’article 1337 du Code civil qui prévoit que

  • D’une part, lorsque le délégant est débiteur du délégataire et que la volonté du délégataire de décharger le délégant résulte expressément de l’acte, la délégation opère novation
  • D’autre part, le délégant demeure tenu s’il s’est expressément engagé à garantir la solvabilité future du délégué ou si ce dernier se trouve soumis à une procédure d’apurement de ses dettes lors de la délégation.

C) Distinctions

?Délégation de paiement et cession de créance

  • Objet de l’opération
    • Définie à l’article 1336 du Code civil la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.
    • À la différence de la cession de créance, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de créance, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La cession de créance
      • Le débiteur cédé est autorisé à opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au créancier cédant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la cession, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la cession de créance, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
  • Consentement
    • Contrairement à la cession de créance qui ne suppose pas le consentement du débiteur cédé, tiers à l’opération, la délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.

?Délégation et cession de dette

Plusieurs différences opposent radicalement la délégation de la cession de dette.

  • Définition
    • Délégation et cession de dette se rejoignent en ce que ces deux opérations consistent en une substitution de débiteur
    • Lorsque toutefois la délégation est simple, il s’agit moins d’une substitution que d’un ajout de débiteur, le délégant n’étant pas déchargé de son obligation envers le délégataire.
  • Objet de l’opération
    • À la différence de la cession de dette, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de dette, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Consentement du tiers
    • La délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.
    • En cela, la délégation se rapproche de la cession de dette.
    • Toutefois, elle s’en distingue dans la mesure où la dette du délégant envers le délégataire n’est nullement transférée au délégué
    • La délégation opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

?Délégation et indication de paiement

L’article 1340 du Code civil prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

L’indication de paiement consiste ainsi pour un débiteur ou un créancier à désigner une tierce personne quant à effectuer le paiement de la dette.

Contrairement à la délégation, l’indication de paiement ne crée aucun rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

Cette opération assure simplement le règlement de la dette du débiteur.

L’indication de paiement se rapproche ainsi du mandat de payer qui peut prendre la forme, par exemple, d’une autorisation de prélèvement.

L’indication adressée au créancier ou au débiteur vaut seulement information de ce que la dette sera payée par un tiers désigné.

Elle n’emporte en rien opposabilité, ni novation de l’obligation.

?Délégation et subrogation personnelle

  • Définition
    • La délégation et la subrogation personnelle se rejoignent sur un point majeur
    • En effet, ces deux opérations consistent en un paiement par une personne autre (le délégué) que le débiteur (le délégant) de sa dette.
    • L’intention des parties est donc ici d’éteindre, par le paiement, un rapport d’obligation.
  • Objet de l’opération
    • Contrairement à la subrogation personnelle, la délégation n’opère pas de transfert de la créance détenue par le délégant contre le délégué à la faveur du délégataire.
    • Lorsqu’elle est personnelle, la subrogation produit les mêmes effets que la cession de créance : le créancier subrogé devient titulaire de la même créance que le créancier subrogeant ce qui revient à réaliser un transfert de ladite créance de l’un à l’autre.
    • En matière de délégation, aucun transfert de créance ne se réalise.
    • L’opération opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La subrogation personnelle
      • Le débiteur est autorisé à opposer au subrogé toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au subrogeant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la subrogation, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la subrogation, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
  • Consentement
    • À la différence de délégation qui requiert toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur, la subrogation peut, tantôt exiger le consentement du débiteur, tantôt l’accord du créancier.
    • Tout dépend du type de subrogation (légale ou conventionnelle).

II) Conditions

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que la délégation ne suppose pas le respect de conditions de forme.

Aucun formalisme n’est requis, ni pour la validité de l’opération, ni pour son opposabilité aux tiers à l’inverse de la cession de créance par exemple (V. en ce sens les articles 1322 à 1324 du Code civil).

La validité de la délégation n’est, à la vérité, subordonnée à la satisfaction d’une celle condition : le consentement des personnes intéressées à la délégation

?Sur l’exigence de consentement

Pour mémoire, l’article 1336 du Code civil définit la délégation comme l’« opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur. »

Il ressort de cette disposition que la délégation soit valide, cela suppose :

  • D’abord, que le délégant accepte que le paiement effectué par le délégué à la faveur du délégataire éteigne sa créance à concurrence de ce qui a été réglé
  • Ensuite, que le délégué consente à s’engager envers le délégataire de telle sorte qu’il est tenu personnellement envers ce dernier
  • Enfin, que le délégataire accepte un nouveau débiteur et, en cas de délégation novatoire, que le délégant soit déchargé de son obligation envers lui.

?Sur l’expression du consentement

  • Principe
    • Le consentement des personnes intéressées à la délégation peut être tout autant exprès que tacite
    • L’article 1336 du Code civil ne pose aucune exigence en particulier s’agissant de son expression.
  • Tempérament
    • S’agissant du délégué
      • La Cour de cassation a précisé dans un arrêt du 3 avril 2012 « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation » (Cass. com. 3 avr. 2012, n°10-24.641).
      • Ainsi, l’acceptation du délégué ne saurait se déduire de sa seule abstention.
      • Il est nécessaire qu’un certain nombre de circonstances établissent son consentement à l’opération.
      • Cette solution se justifie par la portée de l’engagement du délégué lequel s’oblige personnellement envers le délégataire.
    • S’agissant du délégataire
      • Dans l’hypothèse où la délégation est seulement imparfaite, soit n’a pas pour effet de décharger le délégant de son obligation envers le délégataire, il est indifférent que l’acceptation de ce dernier soit expresse ou tacite (V. en ce sens Cass. req. 27 févr. 1856).
      • Toutefois, lorsque la délégation est parfaite, soit lorsqu’elle opère novation, l’article 1337 du Code civil exige que le consentement du délégataire soit exprès.
      • Cette disposition prévoit que « lorsque le délégant est débiteur du délégataire et que la volonté du délégataire de décharger le délégant résulte expressément de l’acte, la délégation opère novation. »

III) Effets

La délégation est une opération qui implique trois personnes de sorte qu’elle produit des effets dans les rapports entre :

  • le délégant et le délégué
  • le délégant et le délégataire
  • le délégué et le délégataire

Ces effets portent, en premier lieu, sur le sort du rapport d’obligation, en second lieu, sur les exceptions tirées des rapports entre les personnes intéressées à la délégation.

A) Le sort des rapports d’obligations

1. Le rapport délégant / délégué

Deux hypothèses doivent être distinguées :

?Existence d’un rapport d’obligation entre le délégant et le délégué

Il ressort de l’article 1339 du Code civil qu’il convient de distinguer, dans ce cas-là, selon que la délégation est simple ou novatoire.

  • La délégation simple
    • Absence d’extinction de la créance du délégant
      • En matière de délégation simple, la délégation n’opère pas novation de sorte que le délégant demeure tenu envers le délégataire.
      • Aussi, l’article 1339, al. 1er prévoit-il que la créance du délégant envers le délégué ne s’éteint que par l’exécution de l’obligation du délégué envers le délégataire et à due concurrence.
    • L’action en paiement du délégant à l’encontre du délégué
        • Dans un arrêt du 16 avril 1996, la Cour de cassation a affirmé que « si la créance du délégant sur le délégué s’éteint, non pas du fait de l’acceptation par le délégataire de l’engagement du délégué à son égard, mais seulement par le fait de l’exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers, ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger paiement » (Cass. com. 16 avr. 1996, n°94-14.618).
        • Autrement dit, tant que la dette du délégué envers le délégataire n’est pas exigible et que celui-ci ne manque pas à son engagement, le délégant ne peut pas actionner en paiement le délégué.
        • Il en va de même pour les créanciers ou le cessionnaire du délégant.
        • Cette règle a été consacrée à l’alinéa 2 de l’article 1339 du Code civil qui prévoit :
          • D’une part, que « le délégant ne peut en exiger ou en recevoir le paiement que pour la part qui excéderait l’engagement du délégué »
          • D’autre part, que « la cession ou la saisie de la créance du délégant ne produisent effet que sous les mêmes limitations. »
        • Tous les recours ne sont donc pas neutralisés pour le délégant qui peut toujours actionner en paiement le délégué à concurrence du montant qu’il ne s’est pas engagé à régler au délégataire.
        • Toutefois, l’article 1339, al. 2 précise que le délégant « ne recouvre ses droits qu’en exécutant sa propre obligation envers le délégataire. »
        • Ainsi, tant que celui-ci ne s’est pas exécuté envers le délégataire, il ne peut pas réclamer le paiement de sa créance au délégué.
  • La délégation novatoire
    • Extinction totale ou partielle de la créance du délégant
      • L’article 1339, al. 4 prévoit que « si le délégataire a libéré le délégant, le délégué est lui-même libéré à l’égard du délégant, à concurrence du montant de son engagement envers le délégataire. »
      • Il en résulte que le délégué n’est obligé qu’envers le seul délégataire, sauf pour la part d’obligation qui excéderait son engagement envers le délégant
        • Pour exemple :
          • Si le délégant est titulaire d’une créance de 100 à l’encontre du délégué et que celui-ci s’est engagé envers le délégataire pour un montant identique, la délégation opère une extinction totale du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué.
          • Si, en revanche, le délégant est titulaire d’une créance de 100 à l’encontre du délégué et que celui-ci s’est seulement engagé à hauteur de 50 envers le délégataire, alors le rapport d’obligation entre le délégant et le délégué subsistera à concurrence de 50.
      • Ainsi, selon l’étendue de l’engagement du délégué envers le délégataire, l’extinction de la créance du délégant sera totale ou partielle.
    • Action en paiement du délégant à l’encontre du délégué
      • L’action en paiement du délégant envers le délégué n’a de sens qu’à la condition que premier soit titulaire d’une créance à l’encontre du second.
      • Or par hypothèse, la délégation novatoire a pour effet d’éteindre le rapport d’obligation entre le délégant et le délégué.
      • Le délégant n’a, en conséquence, pas vocation à actionner en paiement le délégué, sauf à ce que l’engagement de ce dernier envers le délégataire porte sur un montant inférieur à celui dû au délégant.
      • Dans ce cas, le délégant sera fondé à réclamer au délégué la part de la créance qui excède son engagement envers le délégataire.
      • Il ne pourra toutefois exercer son action qu’à la condition que le délégué soit défaillant.

?Absence de rapport d’obligation entre le délégant et le délégué

Dans cette hypothèse, la délégation aura, la plupart du temps, été envisagée comme une garantie constituée par délégant à la faveur du délégataire, le délégué exerçant la fonction de garant.

Aussi, le paiement du délégué a-t-il pour effet d’éteindre la dette du délégant envers le délégataire.

Le délégué disposera alors d’un recours contre le délégant par le jeu d’une subrogation légale ou conventionnelle si expressément envisagée par les parties à l’opération de délégation.

2. Le rapport délégant / délégataire

Le rapport délégant / délégataire ne se conçoit que si le délégant est débiteur du délégataire. Dans le cas contraire le paiement par le délégué n’aura aucun effet sur leur rapport qui, par hypothèse, est inexistant.

Aussi, ne doit-on envisager que l’hypothèse où un rapport d’obligation entre le délégant et le délégataire préexiste à l’opération de délégation.

Deux situations doivent alors être distinguées

  • Soit la délégation est simple
  • Soit la délégation est novatoire

?La délégation simple

La délégation simple correspond à l’hypothèse où le délégant n’est pas déchargé de son obligation envers le délégataire.

Il ressort de l’article 1338 du Code civil que, dans les rapports délégant / délégataire, la délégation simple produit deux effets :

  • Adjonction d’un second débiteur
    • L’article 1338, al. 1er prévoit que lorsque le délégant est débiteur du délégataire mais que celui-ci ne l’a pas déchargé de sa dette, la délégation donne au délégataire un second débiteur
    • Autrement dit, la délégation simple procure deux débiteurs au délégataire
    • La question qui alors se pose est de savoir s’il existe une sorte de bénéfice de discussion à la faveur du délégant.
    • Bien que la doctrine soit divisée sur ce point, rien ne permet de reléguer le délégant au rang de débiteur accessoire, à l’instar d’une caution, qui donc ne pourrait être actionné en paiement qu’en cas de défaillance du délégué.
    • La délégation a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation sans modifier la situation du délégant, de sorte que celui est tout autant tenu envers le délégataire que l’est le délégué.
  • Extinction de dette du délégant par le paiement du délégué
    • Le second effet de la délégation simple dans les rapports délégué / délégataire est que le paiement fait par l’un des deux débiteurs libère l’autre, à due concurrence.
    • Autrement dit, dès lors que le délégataire est réglé de sa créance par le délégué, la dette du délégant envers le délégataire est éteinte à concurrence de ce qui a été payé.
    • Le délégant n’est toutefois pas libéré de toute obligation, puisque le délégué dispose, par principe, d’un recours contre lui, lequel pourra être exercé sur le fondement d’une subrogation conventionnelle ou légale.

?La délégation novatoire

La délégation novatoire correspond à l’hypothèse où le délégant est déchargé de son obligation envers le délégataire.

Il ressort de l’article 1337 du Code civil que la délégation novatoire produit deux effets :

  • La novation
    • Lorsque le délégant est débiteur du délégataire et que la volonté du délégataire de décharger le délégant résulte expressément de l’acte, la délégation opère novation.
    • Cela signifie, autrement dit, que le nouveau rapport d’obligation créé entre le délégué et le délégataire vient se substituer au rapport unissant le délégant au délégataire
    • La délégation novatoire a donc pour effet d’éteindre la créance dont est titulaire le délégataire envers le délégant.
    • Le délégataire ne disposera plus que d’un débiteur : le délégué
  • La garantie de la solvabilité du délégué
    • Principe
      • En cas de délégation novatoire le délégant n’est, par principe, ni garant du paiement du délégué, ni garant de sa solvabilité.
      • Le délégant est totalement déchargé de son obligation envers le délégataire, de sorte que ce dernier ne dispose d’aucun recours contre son ancien débiteur
    • Tempérament
      • L’article 1337, al. 2 du Code civil apporte un tempérament à l’absence de garantie par le délégant de la solvabilité du délégué.
      • Cette disposition prévoit, en effet, que « le délégant demeure tenu s’il s’est expressément engagé à garantir la solvabilité future du délégué ou si ce dernier se trouve soumis à une procédure d’apurement de ses dettes lors de la délégation. »
      • Si dès lors les parties à l’opération de délégation le prévoient, au moyen d’une stipulation contractuelle, le délégant peut demeurer garant de la solvabilité du délégué, comme tel est le cas en matière de cession de créance pour le cédant.
      • Quid des sûretés dont était titulaire le délégataire en garantie de sa créance envers le délégant ?
      • En conserve-t-il le bénéfice dans l’hypothèse où la délégation novatoire serait assortie d’une clause de garantie de la solvabilité du délégué ?
      • L’article 1337 du Code civil étant silencieux sur cette question, il conviendra que la jurisprudence se prononce.

3. Le rapport délégué / délégataire

Tant la délégation simple, que la délégation novatoire a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

La création de ce nouveau rapport signifie que le délégué s’engage à titre personnel envers le délégataire, de sorte que ce dernier pourra recourir contre lui sans avoir à actionner le délégant en paiement.

Toutefois, le délégué ne sera obligé envers le délégataire qu’à concurrence de ce qui est dû par le délégant.

En outre, les parties peuvent assortir l’obligation du délégué d’une condition, telle que le respect par le délégant de ses propres obligations envers ce dernier ou dans une certaine proportion.

B) Le principe d’inopposabilité des exceptions

L’un des principes cardinaux de la délégation est que le rapport d’obligation qui unit le délégué au délégataire est totalement indépendant :

  • du rapport délégant / délégué
  • du rapport délégant / délégataire

Le rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire est donc parfaitement autonome. Le délégué est engagé à titre personnel envers le délégant.

La délégation n’emporte, en conséquence, aucun transfert :

  • ni de la créance du délégant envers le délégué
  • ni de la créance du délégataire envers le délégant

La circulation de la dette du délégant est indirecte puisqu’elle passe par la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire lequel rapport se superpose aux rapports préexistants.

L’obligation ainsi créée est donc strictement personnelle au délégué, ce qui se traduit par son indépendance par rapport aux liens d’obligation préexistants.

Il en résulte que, comme prévu à l’article 1336, al. 2e du Code civil, le délégué actionné en paiement par le délégataire ne peut lui opposer aucune exception tirée :

  • soit du rapport délégant / délégué
  • soit du rapport délégant / délégataire

Il s’agit là du principe de double inopposabilité des exceptions qui caractérise la délégation.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

1. Les exceptions tirées du rapport délégué / délégant

?Principe

Aux termes de l’article 1336, al. 2 du Code civil « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant »

Cette solution est issue d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 24 janvier 1872 aux termes duquel elle affirme « qu’un créancier ayant, de bonne foi et du consentement de son débiteur, accepté au lieu et place de celui-ci, qu’il a libéré, une autre personne capable de s’obliger et qui s’est engagée envers lui sans aucune condition, a désormais action contre le nouveau débiteur ainsi substitué au premier, quelle que fût la nature des rapports juridiques qui eussent existé entre l’ancien et le nouveau débiteur ; Que celui-ci ne pourrait donc s’affranchir de son engagement envers le créancier, sous le seul prétexte que, par erreur, il se serait cru obligé lui-même envers le délégant, ou que son obligation envers celui-ci aurait été reconnue et déclarée nulle part une décision passée en force de chose jugée ».

Cass. civ., 24 janv. 1872

Sur le moyen unique de chacun desdits pourvois :

Vu les articles 1271, no 2, 1275 et 1377 du Code civil;

En fait et suivant les constatations de l’arrêt dénoncé :

Attendu que Chenard, un des associés, comme bailleur de fonds intéressé dans la charge d’agent de change dont Porché était titulaire, ayant, par conventions des 12 mars et 29 mai 1866, stipulé de celui-ci sa retraite de la société et le retrait de sa mise sociale, il est intervenu entre eux et Méry, qui avait fourni à Chenard une partie de ladite mise sociale, sous la condition de participer proportionnellement aux chances de bénéfices et de pertes, une convention postérieure, en vertu de laquelle Méry, étranger à la société organisée pour l’exploitation de la charge et ayant jusqu’alors Chenard pour unique obligé, a consenti de bonne foi, et dans l’ignorance des vices dont pouvait être infecté le contrat passé entre Chenard et Porché, à laisser dans la caisse sociale, à titre de simple créance, la somme par lui confiée à Chenard, et de compter pour débitrice la société Porché et consorts au lieu et place de Chenard, en libérant celui-ci de son ancienne obligation, et se dessaisissant, en conséquence, de son titre originaire; En droit :

Attendu, d’une part, qu’un créancier ayant, de bonne foi et du consentement de son débiteur, accepté au lieu et place de celui-ci, qu’il a libéré, une autre personne capable de s’obliger et qui s’est engagée envers lui sans aucune condition, a désormais action contre le nouveau débiteur ainsi substitué au premier, quelle que fût la nature des rapports juridiques qui eussent existé entre l’ancien et le nouveau débiteur;

Que celui-ci ne pourrait donc s’affranchir de son engagement envers le créancier, sous le seul prétexte que, par erreur, il se serait cru obligé lui-même envers le délégant, ou que son obligation envers celui-ci aurait été reconnue et déclarée nulle par une décision passée en force de chose jugée;

Attendu, d’autre part, que les parties ne se trouvaient pas dans la situation prévue par l’article 1377 du Code civil, dont la disposition, placée sous la rubrique des quasi-contrats, est par conséquent étrangère à l’hypothèse d’une convention expresse par laquelle un créancier, avec le concours de son débiteur, accepte un débiteur nouveau, qui s’oblige envers lui; que cette disposition se réfère exclusivement au cas où, en dehors de tout contrat impliquant soit délégation parfaite, soit novation, un créancier a reçu des mains et des deniers d’un tiers le payement de la dette de son débiteur, et supprimé, à raison de ce payement, son titre de créance; qu’elle ne saurait donc recevoir son application au cas où, comme dans l’espèce, le créancier a, par une convention avec son obligé originaire et son nouveau débiteur, consenti, avant tout payement, à libérer le premier et à n’avoir désormais que le second pour obligé;

D’où il suit, d’une part, qu’en déclarant mal fondée la demande reconventionnelle de Méry, par l’unique motif de droit que les conventions intervenues entre Chenard et Porché auraient été déclarées nulles et de nul effet par son arrêt antérieur, à l’égard de la société Porché, laquelle serait créancière et non débitrice de Chenard, sans avoir ni constaté que l’obligation souscrite par Porché au nom de la charge dont il était titulaire, eût été subordonnée, dans la commune intention des parties, à la régularité ou à la validité des précédentes conventions étrangères à Méry, ni recherché si, vis-à-vis de ce dernier, Porché avait ou non pouvoir d’obliger la société dont il était le représentant, l’arrêt dénoncé a méconnu et violé les dispositions des articles 1271, no 2, et 1275 du Code civil;

Et, d’autre part, qu’en décidant, dans l’hypothèse où l’obligation de la société envers Méry aurait dû être réputée nulle et non avenue, que le liquidateur de la société serait, aux termes de l’article 1377 du Code civil, mal fondé à demander le payement ou la restitution de sommes dues ou reçues par Méry, le même arrêt a faussement appliqué et par suite violé les dispositions dudit article 1377;

Casse et annule

?Ratio legis

Les exceptions tirées du rapport délégué / délégant sont inopposables au délégataire. Cette solution se justifie par la nouveauté du rapport d’obligation créé entre le délégué et le délégant.

Surtout, les auteurs justifient le principe d’inopposabilité des exceptions en avançant que l’engagement du délégué envers le délégataire est, telle l’obligation cambiaire en matière d’effet de commerce, abstrait.

Si l’on admet que la délégation peut exister sans obligation préexistante entre le délégant et le délégué, la cause de l’engagement de ce dernier peut résider

  • Soit dans la volonté d’éteindre la créance préexistante que détient le délégataire à l’encontre du délégant
  • Soit dans la volonté de faire une donation au délégant
  • Soit dans la volonté de consentir un prêt indirect au délégant

Ainsi l’engagement du délégué envers le délégataire est détaché du rapport fondamental qui en constitue la cause.

La conséquence logique ne peut dès lors être que l’inopposabilité des exceptions tirées du rapport délégant / délégué au délégataire

?Droit du délégataire

La délégation investit le délégataire d’un droit de créance à l’encontre du délégué dont les attributs font obstacle à ce que les exceptions tirées du rapport entre le délégant et le délégué lui soient opposables.

  • Un droit irrévocable
    • Parce que le délégué s’engage à titre personnel envers le délégataire, celui-ci dispose d’un droit de créance irrévocable.
    • Il en résulte que, à compter de l’acceptation de la délégation par le délégué, le délégataire peut ignorer toute révocation ou modification de son droit résultant du rapport entre le délégant et le délégué.
  • Un droit propre
    • Dans la mesure où le droit du délégataire lui est propre, les causes de libération du délégué envers le délégant (paiement ou compensation) lui sont inopposables.
    • Ainsi, il emporte peu que le délégué soit libéré de son obligation envers le délégant, il demeure tenu envers le délégataire à concurrence de ce qui lui est dû par le délégant.
  • Un droit indépendant
    • Le droit du délégataire est indépendant, en ce sens que son sort n’est pas lié au rapport d’obligation qui lie le délégant au délégué
    • Il en résulte que le délégué ne peut invoquer la nullité, la résolution ou encore l’exception d’inexécution tirée de son rapport avec le délégant
      • Soit pour échapper à son obligation de paiement
      • Soit pour obtenir la restitution après paiement

?Exceptions

Le principe d’inopposabilité cède sous l’effet de deux exceptions :

  • La mauvaise foi du délégataire
    • Cette situation correspond à l’hypothèse où le délégataire connaît l’exception dont est frappé le rapport délégant / délégué au moment où ce dernier s’engage envers lui.
    • Dans un arrêt du 22 avril 1997, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « dans la délégation de créance, le délégué ne peut opposer au délégataire les exceptions nées de ses rapports avec le délégant ; que c’est donc à bon droit que l’arrêt retient que l’engagement de la société Calberson international n’était pas affecté par la fraude imputée à la société Trans Europe Sud dès lors qu’il n’était pas soutenu que la société Trans Ouest avait pris part à celle-ci » (Cass. com. 22 avr. 1997, n°95-17.664).
    • En cas de fraude, les exceptions tirées du rapport délégant / délégué redeviennent opposables au délégataire.
  • La nullité de l’obligation novée
    • L’article 1329 du Code civil définit la novation comme le « contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée. »
    • L’article 1331 précise que « la novation n’a lieu que si l’obligation ancienne et l’obligation nouvelle sont l’une et l’autre valables, à moins qu’elle n’ait pour objet déclaré de substituer un engagement valable à un engagement entaché d’un vice »
    • Autrement dit, la nullité de l’obligation ancienne affecte la validité de la novation.
    • On peut en déduire que, en matière de délégation, lorsque celle-ci est novatoire, dans l’hypothèse où l’obligation novée serait nulle, le délégué serait fondé à opposer au délégataire toutes les exceptions tirées de son rapport avec le délégant puisque la novation ne s’est pas réalisée.

2. Les exceptions tirées du rapport délégant / délégataire

La question s’est longtemps posée de savoir si le délégué pouvait opposer au délégataire les exceptions tirées du rapport entre le délégant et le délégataire.

?Principe

Le principe est l’inopposabilité des exceptions tirées du rapport délégant / délégataire. Cette solution se justifie là encore par la nouveauté du rapport d’obligation créé entre le délégué et le délégataire.

À cela s’ajoute l’idée qu’il convient de ne pas confondre la cause du droit du délégataire qui réside dans son rapport préexistant avec le délégant et la cause de l’engagement du délégué qui est d’éteindre la dette du délégant.

Dans la mesure où l’engagement du délégué et le droit du délégataire ne se situent pas sur le même plan, il est logique d’admettre que ce dernier ne puisse pas se voir opposer les exceptions tirées de son rapport avec le délégant.

?Tempérament

La doctrine considère que lorsque la délégation est incertaine il serait possible de déroger au principe d’inopposabilité des exceptions.

Dans la mesure où lorsque délégation est certaine le délégué s’engage uniquement en considération de la dette du délégant envers le délégataire, il devrait pouvoir se prévaloir de l’extinction de la dette du délégant pour se libérer de son engagement lequel devient alors privé d’objet.

Une partie des auteurs considère toutefois que cette thèse ne résiste pas au constat selon lequel l’engagement du délégué envers le délégataire demeure abstrait, en ce sens que la délégation n’est pas subordonnée à l’existence d’obligations préexistantes, soit entre le délégant et le délégué, soit entre le délégant et le délégataire.

?La jurisprudence

La position de la Cour de cassation sur cette question est pour le moins très incertaine en raison de la divergence de position entre la chambre commerciale et la première chambre civile.

  • Première étape : admission du principe d’inopposabilité des exceptions
    • Dans un arrêt du 25 février 1992, la chambre commerciale a affirmé « qu’en cas de délégation de paiement imparfaite, le délégué ne peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les exceptions dont le délégant pouvait se prévaloir à l’égard de celui-ci » (Cass. com. 25 févr. 1992, n°90-12.863).
    • Ainsi, la chambre commerciale refuse que le délégué puisse opposer au délégataire les exceptions tirées de son rapport avec le délégant.

Cass. com. 25 févr. 1992

Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Apple Shoes, dont le siège social est … à La Gaubretière (Vendée),

en cassation d’un arrêt rendu le 6 décembre 1989 par la cour d’appel de Poitiers (Chambre civile, 2e Section), au profit du Crédit mutuel de Bretagne, dont le siège est …, Le Relecq Kerhuon (Finistère),

défendeur à la cassation ; La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 14 janvier 1992, où étaient présents :

Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Hatoux, conseiller, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Apple Shoes, de la SCP Peignot et Garreau, avocat du Crédit mutuel de Bretagne, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; !

Sur le moyen unique ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt déféré (Poitiers, 6 décembre 1989) que la société Rautureau a commandé des pantoufles à la société Pantouflerie de Bretagne ; qu’il était convenu que la société Rautureau fournirait le tissu nécessaire à la confection des marchandises et le facturerait à la société Pantouflerie de Bretagne, laquelle livrerait celles-ci à la société Apple Shoes en les lui facturant ; que la société Pantouflerie de Bretagne a cédé au Crédit mutuel de Bretagne (la Banque), selon les modalités prévues par la loi du 2 janvier 1981, ses créances sur la société Apple Shoes ; que celle-ci a refusé de payer à la banque le montant des créances ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir condamné la société Apple Shoes à payer à la banque la somme de 611 964,13 francs, outre les intérêts de droit à compter du 28 février 1986, alors, selon le pourvoi, qu’il résulte de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1981, que le débiteur cédé ne peut opposer au banquier cessionnaire les exceptions qui tiennent à ses rapports avec le cédant que s’il a accepté de s’engager directement à l’égard du banquier et non en cas de simple notification de la cession par le banquier au débiteur cédé ; qu’ainsi, en l’état d’une convention de délégation imparfaite de créance, si le délégataire, par ailleurs débiteur du délégant, cède à une banque sa créance contre le délégué, au moyen d’un “bordereau Dailly”, le délégué, débiteur cédé, auquel la cession a juste été notifiée, peut opposer à la banque cessionnaire l’absence de cause de la créance cédée par suite de l’extinction par compensation de la dette du délégant à l’égard du délégataire ; que, dès lors, en l’espèce, en refusant de rechercher si la société Rautureau avait délégué de manière imparfaite à la société Apples Shoes le paiement de sa dette envers la société Pantouflerie de Bretagne, et en refusant de rechercher si la créance de cette dernière n’avait pas été éteinte par compensation, ce qui aurait exclu sa cession à la banque aux simples motifs que la société Rautureau était étrangère aux relations tripartites de l’espèce, et que les relations Rautureau-Apple Shoes étaient inopposables au banquier de bonne foi, la cour d’appel a violé les articles 5 et 6 de la loi du 2 janvier 1981 et les articles 1275 et 1290 du Code civil ;

Mais attendu qu’en cas de délégation de paiement imparfaite, le délégué ne peut, sauf clause contraire, opposer au délégataire les exceptions dont le délégant pouvait se prévaloir à l’égard de celui-ci ; que, dès lors que la société Apple Shoes ne soutenait pas qu’elle s’était engagée à payer la société Pantouflerie de Bretagne sous réserve de pouvoir opposer la compensation susceptible d’exister dans les rapports entre celle-ci et la société Rautureau, la cour d’appel n’avait pas à procéder à la recherche alléguée ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Deuxième étape : rejet du principe d’inopposabilité des exceptions
    • Dans un arrêt du 17 mars 1992 la première chambre civile a pris le contre-pied de la chambre commerciale en considérant que « sauf convention contraire, le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant envers le délégataire, et qu’il se trouve déchargé de son obligation lorsque la créance de ce dernier est atteinte par la prescription » (Cass. 1ère civ. 17 mars 1992, n°90-15.707).
    • Pour la Cour de cassation, en cas d’extinction de la dette du délégant, le délégué est fondé à opposer cette exception au délégataire.
    • Elle justifie sa solution en affirmant que, en matière de délégation simple, « le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant envers le délégataire »

Cass. 1ère civ. 17 mars 1992

Sur le moyen unique :

Vu l’article 1275 du Code civil ;

Attendu que, sauf convention contraire, le délégué est seulement obligé au paiement de la dette du délégant envers le délégataire, et qu’il se trouve déchargé de son obligation lorsque la créance de ce dernier est atteinte par la prescription ;

Attendu que, le 4 janvier 1979, la société Aux Bons Crus a vendu à M. Y… un fonds de commerce de restaurant, moyennant le prix de 320 000 francs payable en partie par reprise de dettes contractées par le vendeur auprès de tiers ; qu’en particulier, l’acquéreur s’est engagé à régler une somme de 53 000 francs, correspondant au principal et aux intérêts d’un prêt contracté le 5 décembre 1977 par ladite société Aux Bons Crus envers M. X… ; que, le 5 janvier 1989, ce dernier a assigné en remboursement du prêt M. Y…, lequel, s’agissant d’une opération commerciale, a opposé la prescription décennale ;

Attendu que, pour écarter cette fin de non-recevoir, la cour d’appel a estimé que l’engagement de M. Y… envers M. X… courait du 4 janvier 1979, jour de la délégation, et que peu importait la date à laquelle avait pris naissance la créance qui avait fait l’objet de cette délégation ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la prescription décennale, applicable à la créance de M. X…, était acquise à la date de l’assignation délivrée à M. Y…, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 23 mars 1990, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans

  • Troisième étape : maintien de la position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 7 décembre 2004, la chambre commerciale réitère sa position en affirmant que l’obligation de l’acheteur envers le locataire résultant de la délégation contenue à cet acte, était une obligation personnelle et indépendante de l’obligation du vendeur, ce dont elle déduit que l’extinction de la créance du locataire contre le vendeur pour défaut de déclaration au passif de sa liquidation judiciaire avait laissé subsister l’obligation distincte de l’acheteur (Cass. com. 7 déc. 2004, n°03-13.595).
    • Ainsi, pour la chambre commerciale, le délégué ne peut opposer au délégataire l’extinction de la créance pour absence de déclaration à la procédure ouverte contre le délégant.

Cass. com. 7 déc. 2004

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 janvier 2003), que les époux X… étaient titulaires d’un droit au bail portant sur des locaux commerciaux appartenant à la société Groupe Trianon ; que par arrêt du 1er décembre 1992, la cour d’appel a prononcé la résiliation du bail aux torts de la société Groupe Trianon et a condamné cette société à payer aux époux X… une provision à valoir sur leur préjudice ; que la société Groupe Trianon a vendu l’immeuble dont dépendent les locaux à la société Francim et que celle-ci s’est engagée à payer l’indemnité due aux époux X… ; que M. Y… agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de M. X… et Mme X… ont assigné la société Francim en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation du bail ; que celle-ci a invoqué l’extinction de la créance par suite du défaut de déclaration au passif du redressement judiciaire de la société Groupe Trianon ;

Attendu que la société Francim reproche à l’arrêt d’avoir accueilli les demandes de Mme X… et du liquidateur de M. X…, alors, selon le moyen :

1 / que la délégation de créance suppose un accord de volonté entre le délégué et le délégataire ; que dans l’acte de vente du 12 septembre 1995 la société Francim ne s’est engagée qu’à l’égard du vendeur, la société Groupe Trianon ; qu’en retenant que cette clause réalisait une délégation, la cour d’appel, qui a constaté expressément que cette délégation était intervenue hors la présence des époux X…, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1134 et 1215 du Code civil ;

2 / que les conventions ne profitent point aux tiers ; qu’en se fondant sur la clause d’un contrat conclu entre la société Groupe Trianon et la société Francim pour considérer qu’elle constituait une délégation valant engagement de la part de cette derniière à l’égard des époux X…, tiers à ce contrat, de leur payer une indemnité d’éviction, la cour d’appel a violé les articles 1165 et 1275 du Code civil ;

3 / que dans leurs conclusions d’appel, les consorts X… faisaient expressément valoir que le contrat de vente du 12 septembre 1995 réalisait la transmission de la dette de la société Groupe Trianon à la société Francim, en invoquant la clause du contrat prévoyant la subrogation de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur ; qu’en retenant que l’obligation de la société Francim portait sur une obligation distincte de celle de la société Groupe Trianon, et que la clause du contrat prévoyant la subrogation de l’acquéreur dans les droits et obligations du vendeur ne concernait pas le paiement de l’indemnité d’éviction, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / qu’en énonçant que l’obligation de la société Francim ne portait pas sur la dette de la société Groupe Trianon à l’égard des époux X… mais constituait une obligation distincte, tout en constatant que la clause litigieuse prévoyait que la société Francim prendrait en charge l’indemnité éventuelle revenant aux époux X… par suite de l’arrêt de la cour d’appel du 1er décembre 1992 rendu dans la procédure opposant ces derniers à la société Groupe Trianon, et que le contrat stipulait ensuite que la société Francim serait subrogée tant activement que passivement dans le bénéfice des procédures opposant le vendeur à ses locataires, dont celle concernant les époux X…, la cour d’appel a dénaturé les clauses claires et précises de ce contrat et violé l’article 1134 du Code civil ;

5 / que l’acte de vente conclu entre la société Groupe Trianon et la société Francim prévoyait la reprise par cette dernière de la dette la société Groupe Trianon envers les époux X…, de sorte que la société Francim se trouvait libérée de son engagement du fait de l’extinction de cette dette faute de déclaration par les époux X… de leur créance au redressement judiciaire de la société Groupe Trianon ;

qu’en retenant que la société Francim ne pouvait opposer cette exception aux époux X…, la cour d’appel a violé les articles 1134 du Code civil, L. 621-43 et L. 621-46 du Code de commerce ;

6 / qu’en toute hypothèse, le délégué conserve la possibilité d’opposer au délégataire les exceptions affectant sa créance sur le délégant dès lors que son engagement avait pour objet le paiement de cette dette ; qu’en l’espèce la société Francim s’était engagée à payer la dette de la société Groupe Trianon envers les époux X…, de sorte qu’elle se trouvait déchargée de son obligation par l’extinction de cette dette du fait du défaut de déclaration de leur créance par les époux X… au redressement judiciaire de la société Groupe Trianon ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1275 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir constaté que par arrêt du 1er décembre 1992, la cour d’appel a condamné la société du Groupe Trianon à payer aux époux X… une provision à valoir sur leur préjudice et que dans l’acte de vente d’un immeuble conclu le 12 septembre 1995 entre la société du Groupe Trianon et la société Francim, celle-ci s’est engagée à supporter l’indemnité devant revenir aux époux X…, l’arrêt relève que Mme X… et le liquidateur de M. X… ont assigné la société Francim en exécution de cet engagement, faisant ainsi ressortir qu’ils l’ont accepté ; qu’en l’état de ces constatations qui rendent inopérants les griefs de la deuxième branche, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que cette opération s’analysait en une délégation au sens de l’article 1275 du Code civil ;

Attendu, en second lieu, que la cour d’appel qui n’a pas méconnu l’objet du litige et dénaturé l’acte de vente conclu entre la société du Groupe Trianon et la société Francim, a retenu que l’obligation de cette société envers les époux X… résultant de la délégation contenue à cet acte, était une obligation personnelle à la société Francim, indépendante de l’obligation de la société Groupe Trianon de sorte que l’extinction de la créance des époux X… contre cette société pour défaut de déclaration au passif de sa liquidation judiciaire avait laissé subsister l’obligation distincte de la société Francim ;

D’où il suit que la cour d’appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

  • Quatrième étape : précision de la position de la chambre commerciale
    • Dans un arrêt du 13 juin 2006, la chambre commerciale affirme « qu’en cas de délégation de créance, le délégué souscrit envers le délégataire une obligation personnelle de paiement de sorte qu’il n’est pas recevable à opposer au délégataire l’extinction de la créance pour défaut de déclaration au passif du délégant en procédure collective » (Cass. com. 13 juin 2006, n°05-17.006).
    • La Cour de cassation justifie sa solution en retenant que le délégué s’oblige à titre personnel envers du délégataire indépendamment du rapport que ce dernier entretient avec le délégant.

Cass. com. 13 juin 2006

Sur le moyen unique :

Vu les articles 1134 et 1275 du code civil ;

Attendu qu’en cas de délégation de créance, le délégué souscrit envers le délégataire une obligation personnelle de paiement de sorte qu’il n’est pas recevable à opposer au délégataire l’extinction de la créance pour défaut de déclaration au passif du délégant en procédure collective ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X… ont confié à la société Sotrabat des travaux de construction ; que la société Rubis Avignon (la société Rubis) a fourni des matériaux à la société Sotrabat d’une valeur de 200 000 francs ; que, suivant délégation de créance du 16 décembre 1999, M. X… s’est engagé à payer directement à la société Rubis toutes les sommes qui lui seraient dues par la société Sotrabat au fur et à mesure des situations présentées par le délégant ; que la société Sotrabat a été mise en redressement judiciaire le 26 avril 2000 ; que la société Rubis a assigné M. X… en paiement ;

Attendu que pour rejeter la demande, l’arrêt retient que, faute de démontrer la déclaration de sa créance entre les mains du représentant des créanciers de la société Sotrabat, la société Rubis ne justifie pas de sa créance vis-à-vis de M. X… ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a reçu l’appel régulier en la forme, l’arrêt rendu le 8 mars 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier ;

Au regard de ces différentes décisions, il apparaît que, en dehors d’une convention contraire aux termes de laquelle le délégataire renoncerait de façon univoque au bénéfice de l’inopposabilité des exceptions, le délégué ne peut lui opposer les exceptions tirées de son rapport avec le délégant.

?La réforme des obligations

Le débat relatif au principe d’inopposabilité des exceptions tirées du rapport délégant / délégataire a manifestement été tranché par le législateur lors de la réforme des obligations.

Le nouvel article 1336 du Code civil dispose, en effet, que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »

Sont ainsi visées par cette disposition les exceptions tirées du rapport délégant / délégataire.

Aussi, est-ce finalement la position de la chambre commerciale qui a été consacrée.

Le régime juridique de la cession de créance: fonctions, conditions, effets, opposabilité

I) Définitions

A) Notion

La cession de créance est définie à l’article 1321 du Code civil comme le « contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. »

Cette opération consiste, autrement dit, à transférer la titularité d’une créance d’un créancier à un cessionnaire, avec cette particularité que le débiteur de l’obligation cédée ne participe pas à la formation de la convention de cession, son consentement n’étant pas requis.

La cession de créance constitue ainsi un mode conventionnel de transmission des créances. Le cessionnaire prend la place du cédant, en tant que créancier du débiteur cédé.

La singularité de la cession de créance résulte du double aspect de cette opération :

  • D’un côté, la convention de cession de créance est bipartite, en ce sens que le débiteur cédé endosse la qualité de tiers à l’opération : la validité du contrat n’est nullement subordonnée à l’obtention de son consentement.
  • D’un autre côté, l’opération est tripartite dans la mesure où la cession a pour effet d’obliger le débiteur envers le cessionnaire sur le fondement du même rapport juridique qui le liait au cédant : le débiteur cédé n’est donc, en réalité, pas un tiers à l’opération, son dénouement reposant sur son paiement.

B) Distinctions

?Cession de créance et cession de dette

Plusieurs différences opposent radicalement la cession de créance de la cession de dette

  • Définition
    • La cession de créance consiste en une substitution de créancier
      • Dans cette hypothèse, le débiteur demeure inchangé
    • La cession de dette consiste en une substitution de débiteur
      • Dans cette hypothèse, c’est le créancier qui ne change pas.
  • Objet de l’opération
    • Contrairement à la cession de créance qui porte sur la dimension active de l’obligation, la cession de dette intéresse sa dimension passive.
    • Pour le comprendre, revenons un instant sur la notion d’obligation
    • Fondamentalement, l’obligation s’apparente à lien de droit entre deux personnes en vertu duquel, l’une d’elle, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, de donner, faire ou ne pas faire quelque chose.
    • Aussi, ce lien de droit que constitue l’obligation se distingue-t-il des autres rapports humains, en ce que lors de sa création il produit des effets juridiques.
    • Ces effets juridiques sont :
      • Tantôt actifs, lorsqu’ils confèrent un droit subjectif : on parle de créance
      • Tantôt passifs, lorsqu’ils exigent l’exécution d’une prestation : on parle de dette
    • Schématiquement, tandis que la cession de créance opère la transmission d’un droit, la cession de créance opère la transmission d’un devoir
    • L’objet de la cession est de la sorte radicalement inversé selon que l’on envisage l’une ou l’autre opération.
  • Consentement du tiers
    • À l’inverse de la cession de créance, en matière de cession de dette le débiteur est partie à part entière à l’opération
    • Aussi, techniquement c’est le créancier qui est ici tiers à la convention, encore qu’il ne s’agit pas vraiment d’un tiers dans la mesure où l’obtention de son consentement est une condition de validité de l’opération.
    • L’article 1327 du Code civil qui autorise la cession de dette prévoit, en effet, qu’un débiteur ne peut céder sa dette qu’« avec l’accord du créancier ».
    • Il s’agit là d’une différence majeure avec la cession de créance qui ne suppose pas l’obtention du consentement du débiteur.

?Cession de créance et délégation de paiement

  • Objet de l’opération
    • Définie à l’article 1336 du Code civil la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.
    • À la différence de la cession de créance, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de créance, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La cession de créance
      • Le débiteur cédé est autorisé à opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au créancier cédant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la cession, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la cession de créance, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
  • Consentement
    • Contrairement à la cession de créance qui ne suppose pas le consentement du débiteur cédé, tiers à l’opération, la délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.
    • En cela, la délégation se rapproche de la cession de dette.
    • Toutefois, elle s’en distingue dans la mesure où la dette du délégant envers le délégataire n’est nullement transférée au délégué
    • La délégation opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

?Cession de créance et indication de paiement

L’article 1340 du Code civil prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

L’indication de paiement consiste ainsi pour un débiteur ou un créancier à désigner une tierce personne quant à effectuer le paiement de la dette.

Contrairement à la cession de créance, l’indication de paiement n’opère aucun transfère de créance à la faveur de la personne désignée.

Cette dernière assure simplement le règlement de la dette du débiteur.

L’indication de paiement se rapproche ainsi du mandat de payer qui peut prendre la forme, par exemple, d’une autorisation de prélèvement.

L’indication adressée au créancier ou au débiteur vaut seulement information de ce que la dette sera payée par un tiers désigné.

Elle n’emporte en rien opposabilité, ni novation de l’obligation.

?Cession de créance et subrogation personnelle

  • Définition
    • Contrairement à la cession de créance qui a pour objet un transfert de droits, la subrogation réalise une substitution de personne ou de chose.
    • Lorsqu’elle est personnelle, la subrogation produit certes les mêmes effets que la cession de créance : le créancier subrogé devient titulaire de la même créance que le créancier subrogeant ce qui revient à réaliser un transfert de ladite créance de l’un à l’autre.
    • Toutefois, elle s’en distingue sur un point majeur
      • En matière de subrogation personnelle, le transfert de créance intervient à titre accessoire à un paiement.
      • En matière de cession de créance, le transfert de créance constitue l’objet principal de l’opération.
    • Ainsi, la subrogation consiste-t-elle en un paiement par une personne autre que le débiteur de sa dette qui, du fait de ce paiement, devient titulaire dans la limite de ce qu’il a payé, de la créance et ses accessoires.
    • L’intention des parties est donc ici d’éteindre, par le paiement, un rapport d’obligation.
    • Tel n’est pas le cas en matière de cession de créance : les parties ont seulement pour intention de transférer un rapport d’obligation moyennant le paiement d’un prix.

  • Effet de l’opération
    • Particularité de la subrogation personnelle, elle n’opère qu’à concurrence de ce qui a été payé par le subrogé. Et pour cause : elle est une modalité de paiement.
    • Ainsi, la subrogation se distingue-t-elle de la cession de créances qui autorise le cessionnaire à actionner le débiteur en paiement pour le montant nominal de la créance, alors même que le prix de cession aurait été stipulé pour un prix inférieur.
    • Tel est le cas, lorsque le cessionnaire s’engage à garantir le cédant du risque d’insolvabilité du débiteur cédé.
    • L’intérêt de la cession de créance réside, dans cette hypothèse, dans la possibilité pour le cessionnaire d’exiger le montant de la totalité de la créance, indépendamment du prix de cession convenu par les parties.
    • Le subrogé ne peut, quant à lui, recouvrer sa créance que dans la limite de ce qu’il a payé et non au regard du montant nominal de la créance.
  • Consentement
    • À la différence de la cession de créance qui requiert le consentement du créancier cédant, la subrogation peut, tantôt exiger le consentement du débiteur, tantôt l’accord du créancier.
    • Tout dépend du type de subrogation (légale ou conventionnelle).

?Cession de créance et novation

  • Définition
    • Définie à l’article 1329 du Code civil, la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée.
    • Elle peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.
    • Contrairement à la cession de créance, la novation n’opère pas de transfert de créance, elle a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le débiteur et le cocontractant du créancier.
    • Ainsi, le nouveau créancier est-il titulaire d’une nouvelle créance qui se distingue de l’ancienne, éteinte, par l’effet de la novation.
    • L’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires.
  • Consentement
    • Tandis que la cession de créance n’exige pas l’accord du débiteur, la novation par changement de créancier requiert son consentement.
    • Celui-ci peut, par avance, accepter que le nouveau créancier soit désigné par le premier.

II) Fonctions de la cession de créance

La cession de créance est susceptible de remplir plusieurs fonctions selon qu’elle est consentie à titre gratuit ou à titre onéreux.

A) La cession de créance consentie à titre gratuit

Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

  • Le cédant est animé d’une intention libérale
    • Dans ce cas de figure, la cession de créance s’apparente à une donation indirecte.
    • Elle est donc subordonnée à la volonté de gratifier le cessionnaire.
  • Le cédant n’est pas animé d’une intention libérale
    • Dans ce cas de figure, la cession de créance s’apparente à un prêt gratuit
    • Le cessionnaire disposera, en effet, d’un actif économique qu’il pourra mobiliser en contrepartie d’un financement.

B) La cession de créance consentie à titre onéreux

Dans cette hypothèse, la cession de créance est susceptible trois fonctions, selon qu’elle est consentie ou non en contrepartie d’une somme d’argent

?La cession consentie en contrepartie d’une somme d’argent

Dans ce cas de figure la cession de créance peut être réalisée :

  • Soit aux fins d’octroi d’un crédit
    • La cession apparaît ici comme la contrepartie de l’octroi d’un crédit.
    • Le cessionnaire acquiert la créance du cédant moyennant le paiement de son montant nominal diminué du prélèvement d’une commission.
    • Lorsque la créance cédée est de nature professionnelle, la figure juridique qui se prête le mieux à l’opération est la cession Dailly.
  • Soit aux fins de règlement d’un prix
    • La cession ne s’analysant plus comme une vente de bien incorporel
    • Il s’ensuit que sa validité n’est plus subordonnée à la détermination d’un prix.
    • À tout le moins, conformément à l’article 1163, al. 2e du Code civil, son prix doit être déterminé ou déterminable.
    • Qui plus est, rien n’interdit que le prix fixé soit inférieur au montant nominal de la créance.
    • C’est là tout l’intérêt de la cession de créance, comparativement, par exemple, à la subrogation personnelle.

?La cession consentie sans contrepartie d’une somme d’argent

Dans ce cas de figure, la cession de créance peut être réalisée :

  • Soit aux fins de règlement d’une dette
    • Sa validité doit être appréciée à l’aune des règles qui gouvernent les procédures collectives (période suspecte et interdiction des paiements).
  • Soit aux fins de constitution d’une garantie
    • Bien que le Code monétaire et financier prévoie qu’il puisse être recouru à la cession de créance aux fins de garantie, ses dispositions ne visent que les cessions réalisées par bordereau Dailly, soit les cessions qui portent sur des créances professionnelles.
    • S’agissant de la cession de créance de droit commun, le Code civil ne comporte aucune disposition en ce sens qui n’est pas sans avoir fait couler beaucoup d’encre.
    • Le principal argument avancé contre l’admission de la cession de créance à titre de garantie consistait à dire que la reconnaissance de cette fonction reviendrait à contourner la prohibition des pactes commissoires.
    • Pour rappel, le pacte commissoire est, selon Gérard Cornu, le contrat par lequel le créancier se fait consentir le droit de s’approprier de lui-même (sans avoir à le demander au juge) la chose remise en gage faute de paiement à l’échéance.
    • Dans un arrêt du 19 décembre 2006 la Cour de cassation semble s’être ralliée à la position des opposants à l’admission de la cession de créance à titre de garantie.
    • La chambre commerciale a, en effet, estimé que, « en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un° nantissement de créance » (Cass. com. 19 déc. 2006, n°05-16.395).
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que la cession de créance est réalisée sans contrepartie financière elle n’opère pas de transfert des droits.
    • Elle s’apparente à un simple nantissement, de sorte que le « cédant » demeure titulaire de la créance « cédée ».
    • Cette décision a été lourdement critiquée par la doctrine, notamment en raison de la réforme des sûretés dont la Cour de cassation n’a, semble-t-il, pas voulu tenir compte.
    • Le nouvel article 2348 du Code civil reconnaît désormais la licéité du pacte commissoire en prévoyant que, « il peut être convenu, lors de la constitution du gage ou postérieurement, qu’à défaut d’exécution de l’obligation garantie le créancier deviendra propriétaire du bien gagé. »
    • La chambre commerciale n’a manifestement pas jugé utile de tenir compte de cette réforme.
    • Aussi, lorsqu’elle est consentie sans contrepartie financière, la cession de créance de droit commun opère seulement nantissement et non transfert de propriété.

Cass. com. 19 déc. 2006

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 2075 et 2078 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte du 7 janvier 1992, la Foncière forum 20 a acquis la propriété d’un centre commercial, au moyen d’un prêt de la banque CGER, à la sûreté duquel, en garantie de toutes les sommes pouvant lui être dues, avait été consentie, par l’emprunteur, une cession des loyers dus par les locataires, parmi lesquels figurait la société Pills Music, et aux droits de laquelle est venue la société DIVA ; que la Caisse fédérale du crédit mutuel du Nord de Paris (la caisse), se prévalant d’une cession à son profit, le 30 mai 1997, de la créance résultant du prêt accordé par la banque CGER, a signifié la cession au débiteur cédé, la Foncière forum 20 ; que la caisse ayant assigné en paiement la société DIVA, en sa qualité de débiteur cédé de la cession des loyers, celle-ci a soutenu que la cession n’étant stipulée qu’à titre de garantie, n’avait pas eu pour effet de faire sortir les créances locatives litigieuses du patrimoine de la société Foncière forum avant la mise en redressement judiciaire de celle-ci, intervenue le 27 juin 1995 et qu’ainsi, la caisse était dépourvue de droit envers elle ;

Attendu que pour condamner la société DIVA à payer à la caisse la somme de 125 049,47 euros majorée des intérêts, l’arrêt retient qu’il résultait de l’acte du 7 janvier 1992 que la cession de créance de loyers au profit de la banque CGER, étant stipulée à titre de sûreté complémentaire en garantie de toutes les sommes qui pourraient lui être dues, il en résultait que la banque CGER avait acquis la propriété de cette créance dès cette date et que cette créance pouvait être transmise à la caisse par acte du 30 mai 1997 ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un° nantissement de créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 mars 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

III) Conditions de la cession de créance

A) Les conditions de fond

1. Les conditions de fond ordinaires

À l’instar de n’importe quel acte juridique, la cession de créance, qui est un contrat, est soumise aux conditions ordinaires de validité des conventions.

Aussi, doit-elle satisfaire les conditions énoncées à l’article 1128 du Code civil qui prévoit que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité de contracter
  • Un contenu licite et certain

2. Les conditions de fond spécifiques

?Objet de la créance

Il ressort de l’article 1321 du Code civil que la cession peut porter sur toutes sortes de créances :

  • Une créance présente ou future
    • Tandis que la créance présente est celle dont le fait générateur est déjà intervenu, la créance future est celle qui existe seulement dans son principe sans que l’obligation à laquelle elle est attachée soit née.
    • Aussi, lorsque la créance est future rien n’interdit qu’elle puisse faire l’objet d’une cession, à la condition néanmoins, précise l’article 1321, que ladite créance soit identifiable (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mars 2001, n°99-14.982).
  • Une créance déterminée ou déterminable
    • En visant les créances déterminées ou déterminables, l’article 1321 autorise que la cession porte sur une créance à terme, échue, à exécution successive ou encore conditionnelle.
    • Ce qui importe c’est que la créance soit identifiable, c’est-à-dire qu’elle soit au moins déterminée dans son objet et dans son montant (Cass. com. 22 janv. 2002, n°99-15.047).
  • Une créance totale ou partielle
    • En prévoyant que la cession de créance « est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé », l’article 1321 envisage que cette opération puisse porter sur une créance partielle.
    • Cela ne sera toutefois possible qu’à la condition que la créance soit divisible, ce qui sera toujours le cas d’une somme d’argent.

?Cessibilité de la créance

  • Principe
    • Classiquement on enseigne que les créances sont par principe librement cessibles, quel que soit leur objet.
    • Aussi, peu importe que la cession porte sur une somme d’argent ou sur une prestation de faire ou de ne pas faire.
    • On peut ajouter que dans la mesure où il n’est pas nécessaire que le débiteur consente à l’opération, la liberté des parties à l’acte s’en trouve augmentée.
    • Le caractère intuitu personae d’une créance ne constitue aucunement un obstacle à la cession, sauf à ce que la créance soit stipulée par les parties incessible.
  • Limites
    • Par dérogation au principe, un certain nombre de créances sont frappées d’incessibilité le plus souvent pour des raisons d’ordre public.
    • Il en va ainsi de la créance de prestation compensatoire, de pension alimentaire, de salaire ou encore de prestation sociale.
    • L’article 1321, al. 4 in fine prévoit en outre que les parties ont la faculté de stipuler une créance incessible, ce qui ouvre le champ à l’autonomie de la volonté.

B) Les conditions de forme

Aux termes de l’article 1322 du Code civil « la cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité. ».

La cession de créance s’analyse, de la sorte, en un acte solennel. Aucune mention n’est toutefois exigée, ce qui sur ce point la distingue de la cession Dailly.

Il peut être observé que l’établissement d’un écrit est également exigé en matière de nantissement de créance (art. 2356, al. 1er C. civ.).

IV) Effets de la cession de créance

A) Les effets à l’égard des parties

La cession de créance produit deux effets à l’égard des parties :

  • Transmission de la créance
  • Garantie de l’existence de la créance

?La transmission de la créance

  • Principe de la transmission
    • La cession de créance a pour principal effet la transmission de la créance détenue par le cédant au cessionnaire qui en devient le titulaire.
    • Ainsi, la créance est transportée d’un patrimoine à un autre.
    • La conséquence en est que, une fois l’acte conclu, le cédant n’exerce plus aucun droit sur la créance cédée.
    • Il ne dispose donc plus d’aucun droit sur le débiteur qu’il ne peut pas actionner en paiement.
  • Étendue de la transmission
    • À la différence de la subrogation personnelle, la cession portera toujours sur le montant nominal de la créance quand bien même elle serait stipulée pour un prix inférieur.
    • Par ailleurs, la cession peut porter sur une fraction de la créance lorsqu’elle est divisible.
    • L’article 1321, al. 2e précise que la cession s’étend aux accessoires de la créance.
    • Par accessoires il faut notamment entendre les sûretés constituées à la faveur du cédant.
    • On peut ajouter à cela, les actions en justice attachées à la créance ainsi que les titres exécutoires obtenus par le cédant.
    • Le cessionnaire est investi de plein droit dans tous les droits du cédant.
  • Moment de la transmission
    • L’article 1323, al. 1er prévoit que « entre les parties, le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte. ».
    • Cela signifie donc que la créance quitte le patrimoine du cédant au moment de la formalisation de la cession par écrit.
    • Corrélativement, ladite créance intègre le patrimoine du cessionnaire au moment.
    • Est-ce à dire que, dès la réalisation de la cession, le cessionnaire peut réclamer le paiement de la créance au débiteur cédé ?
    • On ne saurait être aussi catégorique.
    • L’article 1324 du, al. 1er dispose, en effet, que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »
    • Aussi, cela signifie-t-il que tant que la cession n’a pas été notifiée au débiteur cédé, celui-ci demeure libre de refuser de se libérer entre les mains du cessionnaire.
    • Du point de vue du débiteur, le seul titulaire de la créance c’est la cédant, à tout le moins tant que la cession ne lui a pas été notifiée.
    • Pour cette raison, il est douteux que l’effet translatif de la cession se produise au moment de la conclusion de l’acte.
    • Techniquement, c’est plutôt la notification de la cession au débiteur cédé qui opère le transfert de la créance.

?La garantie de l’existence de la créance

  • La garantie légale
    • Principe
      • L’article 1326 prévoit que « celui qui cède une créance à titre onéreux garantit l’existence de la créance et de ses accessoires ».
      • Cela signifie que si, au jour de la cession, la créance est susceptible d’être frappée par une cause d’annulation ou d’extinction, le cessionnaire doit être garanti contre cette éviction.
      • Cette garantie porte, tant sur la créance en elle-même, que sur ses accessoires (inexistence ou inefficacité d’une sûreté en raison, par exemple, d’un défaut d’inscription).
    • Exception
      • Le cédant n’est pas tenu de garantir l’existence de la créance lorsque le cessionnaire
        • Soit l’a acquise à ses risques et périls
        • Soit connaissait son caractère incertain
      • Ainsi, dès lors que l’un de ces deux éléments est entré dans le champ contractuel, le cédant n’est pas tenu de garantir l’existence de la créance.
      • Cela suppose que le cessionnaire en ait été préalablement informé par le cédant.
  • La garantie de la solvabilité du débiteur
    • Principe
      • Si, le cédant garantit l’existence de la créance, il ne garantit en aucun cas la solvabilité du débiteur cédé.
      • Autrement dit, dans l’hypothèse où le débiteur est dans l’incapacité financière de régler le cessionnaire, ce dernier ne disposera d’aucun recours contre le cédant.
      • C’est là une différence majeure entre la cession de créance de droit commun et la cession Dailly.
    • Exception
      • L’article 1326, al. 2 prévoit que les parties sont libres de déroger au principe d’absence de garantie de la solvabilité du débiteur cédé.
      • Lorsque, toutefois, le cédant s’y engage, sa garantie n’est due que dans la limite du prix qu’il a pu retirer de la cession de sa créance.
      • Autrement dit, le cessionnaire ne saurait réclamer au cédant le paiement du montant nominal de la créance.
      • L’article 1326, al. 3 précise en outre que « lorsque le cédant a garanti la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de la solvabilité actuelle ; elle peut toutefois s’étendre à la solvabilité à l’échéance, mais à la condition que le cédant l’ait expressément spécifié. »
      • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
        • D’une part, lorsque le cédant garantit la solvabilité du débiteur, il s’agit de celle dont il fait montre au jour de la conclusion de l’acte, soit de solvabilité actuelle.
        • D’autre part, les parties peuvent prévoir que la garantie portera sur la solvabilité future du débiteur, soit à l’échéance de la créance, mais à la condition de le stipuler dans l’acte de cession.

B) Les effets à l’égard du débiteur

?Opposabilité de la cession

Aux termes de l’article 1324 du Code civil « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Cela signifie, autrement dit, que tant que la cession ne lui a pas été notifiée il peut valablement se libérer entre les mains du cédant.

Une lecture approfondie de cette disposition révèle toutefois que deux situations doivent être distinguées :

  • Le débiteur cédé a consenti à la cession
    • Dans cette hypothèse, la cession est opposable au débiteur dès la conclusion de l’acte, sans qu’il soit besoin que la cession lui soit notifiée.
    • Dans la mesure où il est intervenu à l’acte de concert avec le cédant et le cessionnaire, la cession produira ses effets à leur égard au même moment, soit lors de la formalisation de l’opération par écrit.
  • Le débiteur cédé n’a pas consenti à la cession
    • Dans cette hypothèse, la cession doit impérativement être notifiée au débiteur faute de quoi elle lui sera inopposable.
    • Aussi, deux situations doivent être distinguées
      • La cession est notifiée au débiteur
        • La cession est pleinement opposable au débiteur
        • Si, en conséquence, il est actionné en paiement par le cessionnaire, il n’a d’autre choix que de régler le montant nominal de la créance.
        • Qui plus est, s’il se libère entre les mains du cédant, son paiement ne sera pas libératoire, de sorte qu’il s’expose à payer deux fois
      • La cession n’est pas notifiée au débiteur
        • Tant que la cession n’est pas notifiée au débiteur, elle lui est inopposable.
        • Concrètement, cela signifie que le débiteur peut valablement se libérer entre les mains du cédant.
        • Son paiement sera libératoire, à charge pour le cessionnaire de se retourner contre le cédant, avec ce risque de se retrouver en concurrence avec d’autres créanciers, notamment en cas d’ouverture d’une procédure collective.

?Opposabilité des exceptions

Selon l’adage nemo plus juris, nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a reçus.

Il en résulte que si le cédant transmet sa créance au cessionnaire avec tous ses accessoires, il la lui transmet également avec toutes les exceptions qu’elle comporte.

Autrement dit, la créance est transmise au cessionnaire tant avec ses avantages qu’avec ses faiblesses.

D’où la possibilité ouverte au débiteur d’opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au cédant.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

L’article 1324, al. 2e du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes. »

Il ressort de cette disposition que deux catégories d’exceptions doivent être distinguées :

  • Les exceptions inhérentes à la dette
    • Il s’agit des exceptions attachées à la créance en elle-même, de sorte qu’elles suivent la créance quel que soit son titulaire.
    • Aussi, ces exceptions sont celles qui, en toute hypothèse, peuvent être opposées au cessionnaire, peu importe que la cession ait ou non été notifiée au débiteur.
    • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1324 vise, la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution et la compensation des dettes connexes
    • Cette liste n’est pas limitative.
  • Les exceptions extérieures à la dette
    • Il s’agit plus précisément des exceptions tirées du rapport personnel entre le cédant et le débiteur
    • Il ressort de l’article 1324 du Code civil que ces exceptions ne peuvent être opposées au cessionnaire, qu’à la condition qu’elles soient nées avant la notification de la cession au débiteur.
    • On peut en déduire, que tant que la cession ne lui a pas été notifiée, celui-ci entretient toujours un lien avec le cédant, quand bien même la créance est sortie de son patrimoine.
    • Aussi, pourrait-on parfaitement envisager que le débiteur puisse valablement se prévaloir d’une remise de dette que lui aurait consentie le cédant postérieurement à la formalisation de la cession.

C) Les effets à l’égard des tiers

?Opposabilité de la cession

L’article 1323 du Code civil prévoit que la cession est opposable aux tiers à compter de la date de l’acte.

C’est là une grande nouveauté introduite par l’ordonnance du 10 février 2016.

Sous l’empire du droit antérieur, la cession n’était opposable aux tiers qu’à compter de l’accomplissement des formalités exigées par l’ancien article 1690.

L’article 1323 précise que « en cas de contestation, la preuve de la date de la cession incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout moyen. »

?Concours de cessionnaires

  • La primauté du cessionnaire premier en date
    • Quid dans l’hypothèse où un créancier cède une même créance successivement à plusieurs cessionnaires ?
    • Afin de résoudre ce concours de cessionnaires, l’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date »
    • Ainsi, conviendra-t-il de comparer les dates qui figurent sur les actes de cession pour déterminer à quel cessionnaire revient la titularité de la créance disputée.
  • Les recours du cessionnaire premier en date
    • Une fois la question de la titularité de la créance résolue, une autre difficulté est susceptible de se faire jour.
    • Le débiteur peut, en effet, s’être libéré entre les mains du « mauvais cessionnaire ».
    • Aussi, de quels recours dispose le cessionnaire premier en date pour se faire payer ?
    • Plusieurs situations doivent être distinguées
      • La cession n’a pas été notifiée au débiteur
        • Dans cette hypothèse, le débiteur pouvait valablement se libérer entre les mains d’un autre cessionnaire, à plus forte raison si ce dernier avait procédé à la notification.
        • Le paiement du débiteur est conséquence libératoire.
        • En application de l’article 1325 du Code civil le cessionnaire premier en date ne disposera que d’un recours contre « celui auquel le débiteur aurait fait un paiement. »
      • La cession a été notifiée au débiteur
        • Dans cette hypothèse, le paiement du débiteur entre les mains du mauvais cessionnaire n’était pas libératoire.
        • Il en résulte que le cessionnaire premier en date dispose de deux recours :
          • contre le débiteur
          • contre le cessionnaire qui a été réglé

Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP): régime juridique

I) Définition

A) L’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement

==> Notion

Elle est définie à l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier comme « l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation. »

Aussi, cette activité ne consiste pas en l’accomplissement d’opérations de banque ou en la fourniture de services de paiement, elle vise seulement à mettre en relation des clients avec un établissement agréé pour fournir ce type de prestation, le plus souvent en établissement de crédit.

L’article R. 519-1 du Code monétaire et financier précise que « est considéré comme présentation, proposition ou aide à la conclusion d’une opération de banque ou à la fourniture d’un service de paiement le fait pour toute personne de solliciter ou de recueillir l’accord du client sur l’opération de banque ou le service de paiement ou d’exposer oralement ou par écrit à un client potentiel les modalités d’une opération de banque ou d’un service de paiement, en vue de sa réalisation ou de sa fourniture. »

L’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement fait ainsi l’objet d’une définition extrêmement large.

==> Les opérations visées

Elle peut porter sur toute opération de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code de monétaire et financier.

Selon cette disposition « les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement. »

Trois sortes d’opérations peuvent donc faire l’objet d’une intermédiation :

  • La réception de fonds du public
    • L’article L. 312-2 dispose que sont considérés comme fonds reçus du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte, mais à charge pour elle de les restituer.
    • Toutefois, ne sont pas considérés comme fonds reçus du public :
      • Les fonds reçus ou laissés en compte par les associés en nom ou les commanditaires d’une société de personnes, les associés ou actionnaires détenant au moins 5 % du capital social, les administrateurs, les membres du directoire et du conseil de surveillance ou les gérants ainsi que les fonds provenant de prêts participatifs ;
      • Les fonds qu’une entreprise reçoit de ses salariés sous réserve que leur montant n’excède pas 10 % de ses capitaux propres. Pour l’appréciation de ce seuil, il n’est pas tenu compte des fonds reçus des salariés en vertu de dispositions législatives particulières.
  • La fourniture de crédit
    • L’article L. 313-1 du Code monétaire et financier prévoit que :
      • D’une part, constitue une opération de crédit tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie
      • D’autre part, sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d’une option d’achat.
  • La fourniture de services de paiement
    • L’article L. 314-1 du Code monétaire et financier prévoit que
      • Sont des services de paiement :
        • Les services permettant le versement d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement
        • Les services permettant le retrait d’espèces sur un compte de paiement et les opérations de gestion d’un compte de paiement ;
        • L’exécution des opérations de paiement suivantes associées à un compte de paiement :
          • Les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement ;
          • Les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire ;
          • Les virements, y compris les ordres permanents ;
        • L’exécution des opérations de paiement suivantes associées à une ouverture de crédit :
          • Les prélèvements, y compris les prélèvements autorisés unitairement ;
          • Les opérations de paiement effectuées avec une carte de paiement ou un dispositif similaire ;
          • Les virements, y compris les ordres permanents ;
        • L’émission d’instruments de paiement et / ou l’acquisition d’ordres de paiement ;
        • Les services de transmission de fonds ;
        • L’exécution d’opérations de paiement, lorsque le consentement du payeur est donné au moyen de tout dispositif de télécommunication, numérique ou informatique et que le paiement est adressé à l’opérateur du système ou du réseau de télécommunication ou informatique, agissant uniquement en qualité d’intermédiaire entre l’utilisateur de services de paiement et le fournisseur de biens ou services.
      • N’est pas considérée comme un service de paiement :
        • La réalisation d’opérations fondées sur l’un des documents suivants, tiré sur le prestataire de services de paiement en vue de mettre des fonds à la disposition du bénéficiaire :
          • Un titre de service sur support papier ;
          • Un chèque de voyage sur support papier ;
          • Un mandat postal sur support papier tel que défini par l’Union postale universelle ;
        • La réalisation des opérations de paiement liées au service d’actifs et de titres, notamment celles réalisées sur un compte sur livret, sur un compte mentionné au titre II du livre II, sur un compte à terme ou sur un compte-titre mentionné au chapitre Ier du titre 1er du livre II ainsi que sur un compte espèces qui lui est spécifiquement associé.

==> Fourniture additionnelle de conseil en matière de crédit

 Le rôle des IOBSP ne se cantonne pas à la facilitation de la réalisation d’opérations de banque et de services de paiements, ils sont également autorisés à dispenser des conseils à leurs clients en matière de crédit.

  • Objet de la fourniture de conseil
    • L’article L. 519-1-1 du Code de la consommation prévoit que « les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent fournir à leurs clients un service de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit mentionnés à l’article L. 313-1 du code de la consommation, à l’exclusion des opérations de regroupement de crédits définies aux articles L. 314-10 à L. 314-14 du même code.»
    • Le service de conseil consiste, selon cette disposition, en la fourniture au client, y compris au client potentiel, de recommandations personnalisées en ce qui concerne une ou plusieurs opérations relatives à des contrats de crédit.
  • Conditions de la fourniture de conseil
    • Le conseil personnalisé peut porter sur un ou plusieurs contrats de crédits à la condition que lesdits contrats soient adaptés aux besoins et à la situation financière du client sur le fondement de la prise en considération :
      • d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit de leur gamme de produits pour les intermédiaires agissant en vertu d’un mandat délivré par un établissement de crédit ou une société de financement ; ou
      • d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché pour les intermédiaires agissant en vertu d’un mandat délivré par un client.
    • L’article R. 519-22-1 du Code monétaire et financier précise que lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il recueille, sur la situation personnelle et financière de son client et sur ses préférences et ses objectifs, les informations nécessaires pour pouvoir lui recommander des contrats appropriés.
    • En outre, la recommandation doit être fondée sur des informations actualisées et sur des hypothèses raisonnables quant aux risques encourus par le client pendant la durée du contrat proposé.
    • Enfin, l’intermédiaire doit communiquer au client le nombre de contrats de crédits examinés et la dénomination des établissements de crédit ou des sociétés de financement dont les contrats ont été examinés, sa recommandation et la motivation de celle-ci au regard des informations recueillies, sur papier ou tout autre support durable.
  • Caractères de la fourniture de conseil
    • La fourniture de conseil constitue une activité distincte de l’octroi de crédit et de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.
    • Le conseil est qualifié d’indépendant dès lors qu’il est rendu en considération d’un nombre suffisamment important de contrats de crédit disponibles sur le marché et que sa fourniture ne donne lieu à aucune autre rémunération que celle versée, le cas échéant, par le client, ni à aucune forme d’avantage économique.
    • L’intermédiaire de crédit qui fournit une prestation de service de conseil indépendant peut se prévaloir de l’appellation de conseiller indépendant.

B) Les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement

==> Notion

L’article L. 519-1 du Code monétaire et financier prévoit que « est intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement toute personne qui exerce, à titre habituel, contre une rémunération ou toute autre forme d’avantage économique, l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, sans se porter ducroire ou qui fournit un service de conseil au sens de l’article L. 519-1-1. »

Il ressort de cette définition que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) peut être, tant une personne physique qu’une personne morale.

Toutefois, l’article L. 519-2 du Code monétaire et financier précise que :

  • D’une part, l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut s’exercer qu’entre deux personnes dont l’une au moins est un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement.
  • D’autre part, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne peut agir qu’en vertu d’un mandat délivré par l’établissement dont il distribue les produits.

==> Conditions

Pour être intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement trois conditions cumulatives doivent être remplies :

  • Objet de l’intermédiation
    • L’intermédiation ne peut avoir pour objet qu’une opération de banque ce qui comprend
      • La réception de fonds du public
      • La fourniture de services de paiement
      • La fourniture de crédits
  • Exercice à titre habituel
    • Pour être soumis au régime juridique de l’intermédiation en opération de banque et en services de paiement, l’intermédiaire doit exercer cette activité à titre habituel
    • On peut en déduire que lorsque l’opération d’intermédiation est ponctuelle, elle ne tombe pas sous le coup des dispositions du Code monétaire et financier.
  • Existence d’une contrepartie
    • Il ressort de l’article L. 519-1 du code monétaire et financier que le statut d’IOBSP est subordonné à l’octroi d’une rémunération.
    • L’article R. 519-5 du Code monétaire et financier précise que la rémunération doit s’entendre comme tout versement pécuniaire ou toute autre forme d’avantage économique convenu et lié à la prestation d’intermédiation.
    • Aussi, lorsque l’intermédiation est assurée par un opérateur à titre gratuit, il est insusceptible d’endosser le statut d’IOBSP et n’est donc pas soumis aux obligations y afférent.

II) Classification

Tandis que le Code monétaire et financier a réparti en plusieurs catégories les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, en parallèle certaines personnes sont exclues du champ d’application du dispositif.

A) Catégories

  1.  Exposé des catégories

L’article R. 519-4, I du Code monétaire et financier répartit les IOBSP en quatre catégories :

==> Les courtiers

  • Conditions
    • Immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage en opérations de banque et en services de paiement
    • Conclusion d’un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement
  • Exclusions
    • Le courtier doit agir en qualité de mandataire du client
    • Le mandant ne peut pas être
      • Soit un établissement de crédit
      • Soit une société de financement
      • Soit un établissement de paiement
      • Soit un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, et qui ne sont pas soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.

==> Les mandataires exclusifs

Plusieurs conditions doivent être remplies pour endosser cette qualité:

  • Conclusion d’un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur
    • Soit d’un établissement de crédit
    • Soit d’une société de financement
    • Soit d’un établissement de paiement
    • Soit d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement
  • Exclusivité de la relation contractuelle pour une catégorie déterminée d’opérations de banque ou de services de paiement

==> Les mandataires non exclusifs

Pour endosser cette qualité il suffit de conclure un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur

  • Soit d’un établissement de crédit
  • Soit d’une société de financement
  • Soit d’un établissement de paiement
  • Soit d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement

==> Les mandataires d’intermédiaires

  • Pour endosser cette qualité il suffit de conclure un mandat d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement, à la faveur
    • Soit d’un courtier
    • Soit d’un mandataire exclusif
    • Soit d’un mandataire non-exclusif

2. Règles propres aux catégories

==> Règle de non-cumul

L’article R. 519-4, II du Code monétaire et financier dispose que « une même personne ne peut cumuler l’exercice de l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement au titre de plusieurs catégories que pour:

  • Soit la fourniture d’opérations de banque de nature différente
    • Sont ici spécifiquement visés
      • le crédit à la consommation,
      • le regroupement de crédits
      • le crédit immobilier
      • le prêt viager hypothécaire.
    • Soit la fourniture de services de paiement

==> Règle propre aux mandataires d’intermédiaires

Les mandataires d’intermédiaires ne peuvent pas bénéficier de certaines dispositions relatives à la liberté d’établissement (règles édictées à l’article L. 519-8 du CMF) pour l’exercice de l’activité d’intermédiation en matière de contrat de crédit immobilier

B) Exclusions

Un certain nombre d’opérateurs sont exclus du champ d’application du régime juridique de l’intermédiation en opérations de banque et en services de paiements.

Les exclusions sont d’ordre légal et réglementaire.

  1. Les exclusions légales

L’article 519-1, II du Code monétaire et financier prévoit que le statut d’IOBSP ne s’applique pas :

  • aux établissements de crédit
  • aux sociétés de financement
  • aux sociétés de gestion de portefeuille lorsqu’elles agissent pour un placement collectif qu’elles gèrent
  • aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement,
  • aux établissements de paiement
  • aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement
  • aux établissements de crédit, aux établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, aux établissements de paiement et aux personnes physiques salariées d’un établissement de crédit, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou d’un établissement de paiement, intervenant en libre prestation de services
  • aux personnes physiques salariées des personnes pratiquant une activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement.
  • aux notaires ( L. 519-3 CMF)

2. Les exclusions réglementaires

L’article R. 519-2 introduit par le décret n°2014-1315 du 3 novembre 2014 dans le Code monétaire et financier prévoit que ne sont pas intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement au sens de l’article L. 519-1 et ne sont pas soumis aux obligations y afférent :

==> Les « petits » intermédiaires

Les personnes offrant des services d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement qui constituent un complément aux produits ou services fournis dans le cadre de leur activité professionnelle mais qui ne remplissent pas les exigences de seuil n’endossent pas le statut d’IOPSB

  • Conditions
    • Il faut que le nombre total des opérations de banque ou de services de paiement ou le montant total des crédits octroyés ou des services de paiement fournis ou réalisés par leur intermédiaire chaque année civile
      • d’une part n’excèdent pas
        • pour les opérations de banque : soit vingt opérations par an, soit un montant annuel de deux cent mille euros (200 000 €)
        • pour les services de paiement mentionnés au II de l’article L. 314-1 : vingt opérations par an.
      • d’autre part, soit compris dans la limite de trente opérations ou de 300 000 euros.
  • Exception
    • Cette exclusion ne s’applique pas
      • aux personnes qui agissent dans le cadre d’une opération de démarchage
      • aux personnes dont l’activité d’intermédiation porte en partie ou en totalité sur les opérations:
        • de crédit immobilier
        • de regroupement de crédits
        • de prêt viager hypothécaire
    • Au bilan, l’exclusion ne s’applique que pour l’intermédiation portant sur des crédits à la consommation ou des crédits consentis à des professionnels hors situation de démarchage.

==> Les indicateurs

  • Notion
    • L’indicateur est celui dont la fonction se limite à la seule mise en relation entre un établissement bancaire et un client.
    • L’article R. 519-2 du Code monétaire et financier définit l’indicateur au moyen d’un critère fonctionnel.
    • L’indicateur est :
      • Soit la personne dont le rôle se limite à indiquer un établissement bancaire à une personne intéressée à la conclusion d’une opération de banque ou d’un service de paiement en lui remettant des documents à caractère publicitaire
      • Soit la personne dont le rôle se limite à transmettre à un établissement bancaire les coordonnées d’une personne intéressée à la conclusion d’une opération de banque ou de services de paiement
  • Régime
    • Rôle
      • Le rôle de l’indicateur se limite à la seule mise en relation.
      • Aussi, ne saurait-il, en aucune manière, apporter son concours dans le processus de conclusion du contrat.
      • Tout au plus, il peut diffuser auprès de sa clientèle les brochures publicitaires de l’établissement bancaire, voire transmettre à celui-ci des coordonnées.
      • S’il sort de ce rôle – par exemple en réceptionnant des documents contractuels ou supervisant l’échange des signatures – il s’expose à une condamnation pour exercice illégal de la profession d’IOBSP
    • Rémunération
      • L’article R. 519-2 du Code monétaire et financier n’exclut pas la faculté pour l’indicateur de percevoir une rémunération en contrepartie du service d’intermédiation qu’il fournit à l’établissement bancaire.
      • Pourtant, l’article R. 519-5, II du Code monétaire et financier pose l’interdiction pour toute personne qui n’endosserait pas la qualité d’IOBSP de se voir allouer une rémunération au titre de l’activité d’intermédiation.
      • Cette disposition précise néanmoins en son III que cette interdiction « ne fait pas obstacle au versement d’une commission d’apport aux indicateurs».
      • Aussi, peut-on en déduire que les indicateurs sont autorisés à percevoir une commission, à la condition exclusive de conclure avec l’établissement bancaire une convention d’indication ou d’apport d’affaires.
    • Publicité
      • Contrairement aux IOBSP, les indicateurs ne peuvent pas communiquer, en leur qualité d’intermédiaire, sur les produits bancaires vers lesquels ils orientent leurs clients en vertu d’une convention d’indication.
      • Cette interdiction se déduit de l’article L. 546-3, al. 1er du Code monétaire et financier qui prévoit que « il est interdit à toute personne autre que l’une des personnes mentionnées au premier alinéa du I de l’article L. 546-1 d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire ou laissant entendre qu’elle est immatriculée sur le registre mentionné à l’article L. 546-1 au titre de l’une de ces catégories ou de créer une confusion en cette matière. »
      • Il y a fort à parier que l’indicateur qui communiquerait sur les produits pour lesquels il intervient en tant qu’intermédiaire tomberait sous le coup de cette interdiction.
  • Sanction
    • L’exercice illégal de la profession d’IOBSP est réprimé par l’article L. 571-15 du Code monétaire et financier
    • Cette disposition prévoit que « le fait, pour toute personne physique, d’exercer l’activité d’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement sans satisfaire à l’obligation prévue au premier alinéa de l’article L. 519-2 est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.»

==> Les agents de prestataires de services de paiement

 Il s’agit des personnes visées à l’article L. 523-1 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit que les prestataires de services de paiement peuvent recourir aux services d’un ou plusieurs agents pour exercer pour leur compte, dans les limites de leur agrément, les activités de services de paiement.

Les agents peuvent faire la promotion des services fournis par les prestataires de services de paiement et être habilités à démarcher des clients pour le compte de ceux-ci.

Tout agent agit en vertu d’un mandat donné par un prestataire de services de paiement. Les agents sont tenus d’informer les utilisateurs de leur qualité de mandataire lorsqu’ils entrent en contact avec eux.

Un agent peut recevoir mandat de plusieurs prestataires de services de paiement.

Les prestataires de services de paiement font enregistrer auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution les agents auxquels ils entendent recourir.

À cet effet, ils communiquent à l’Autorité les informations lui permettant de vérifier que ces agents satisfont aux conditions exigées par le présent chapitre. Un prestataire de services de paiement peut recourir à un autre prestataire des services de paiement, aux fins de communiquer les informations nécessaires à l’enregistrement des agents.

Lorsqu’un agent ne remplit plus les conditions d’enregistrement, il appartient au prestataire de services de paiement d’en informer l’autorité auprès de laquelle l’agent a été enregistré.

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut refuser d’enregistrer un agent si, après vérification, les informations fournies ne lui paraissent pas satisfaisantes.

==> Les personnes mandatées par les établissements de crédit

 Il s’agit des personnes visées à l’article L. 523-6 du Code monétaire et financier.

Cette disposition prévoit que les établissements de crédit peuvent mandater toute personne exerçant par ailleurs une autre profession, en vue de la délivrance de monnaie exclusivement à leurs clients disposant d’un compte présentant les caractéristiques mentionnées à l’article L. 314-1 ouvert dans leurs livres, contre un ordre de paiement donné avec un moyen de paiement associé au compte précité.

L’établissement de crédit demeure pleinement responsable, vis-à-vis de ses clients, des actes de la personne mentionnée au premier alinéa nés à l’occasion de l’activité mentionnée au même alinéa, y compris du respect par cette dernière de la confidentialité des informations dont elle a connaissance dans le cadre de cette activité.

L’activité du mandataire doit demeurer accessoire et non significative par rapport à la profession principale du mandataire.

==> Les personnes dont l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement est liée des services ou opérations connexes

L’activité doit être liée :

  • Soit au conseil et à l’assistance en matière de gestion financière, l’ingénierie financière et d’une manière générale tous les services destinés à faciliter la création et le développement des entreprises, sous réserve des dispositions législatives relatives à l’exercice illégal de certaines professions ( 311-2 CMF)
  • Soit à la fourniture de conseil aux entreprises en matière de structure de capital, de stratégie industrielle et de questions connexes ainsi que la fourniture de conseil et de services en matière de fusions et de rachat d’entreprises ( L. 321-2 CMF)

III) Conditions d’exercice

Parce qu’ils prêtent leur concours à la réalisation d’opérations de banque et de services de paiement, plusieurs obligations pèsent sur les IOBSP.

A) Obligation d’immatriculation

L’article L. 519-3-1 du Code monétaire et financier dispose que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement sont immatriculés sur le registre unique des intermédiaires (ORIAS) qui est librement accessible au public.

  • Modalités de l’immatriculation
    • L’immatriculation, renouvelable chaque année, est subordonnée au paiement préalable, auprès de l’ORIAS, de frais d’inscription annuels fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de 250 euros.
    • Ces frais d’inscription sont recouvrés par l’ORIAS, qui est soumis au contrôle général économique et financier de l’Etat.
    • Leur paiement intervient au moment du dépôt de la demande d’inscription ou de la demande de renouvellement.
    • Lorsque la demande d’inscription ou de renouvellement est déposée sans le paiement correspondant, l’organisme mentionné au deuxième alinéa adresse au redevable par courrier recommandé avec accusé de réception une lettre l’informant qu’à défaut de paiement dans les trente jours suivant la date de réception de cette lettre la demande d’inscription ne pourra être prise en compte.
    • Dans le cas d’une demande de renouvellement, le courrier indique que l’absence de paiement entraîne la radiation du registre.
    • L’article L. 546-2 du Code monétaire et financier précise que lors de leur immatriculation ou du renouvellement de celle-ci, les IOBSP sont tenues de transmettre à l’ORIAS toute information nécessaire à la vérification des conditions relatives à l’accès à leur activité et à son exercice.
    • Elles sont également tenues d’informer dans les meilleurs délais cet organisme lorsqu’elles ne respectent plus ces conditions.
  • Responsabilité du mandant
    • L’article L. 519-3-2 du Code monétaire et financier prévoit que « les établissements de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement, les établissements de paiement et les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement qui recourent aux services d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement doivent s’assurer que ceux-ci sont immatriculés auprès de l’ORIAS.
    • À défaut, l’établissement bancaire engage sa responsabilité.
  • Mission de l’ORIAS
    • L’ORIAS est chargé de l’établissement, de la tenue et de la mise à jour du registre des personnes immatriculées.
    • À ce titre il reçoit les dossiers de demandes d’immatriculation ou de renouvellement de l’immatriculation et statue sur ces demandes.
    • Le cas échéant, il procède à la radiation du registre ou à la suppression de l’inscription dans les conditions prévues au VIII de l’article R. 546-3.
    • La commission chargée des immatriculations est chargée des immatriculations au registre mentionné au I ci-dessus.
    • À cette fin, la commission vérifie que sont remplies les conditions d’éligibilité à l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement
    • Toute personne qui y a intérêt et en fait la demande peut obtenir la communication, par l’ORIAS, du nom de l’entreprise ou de l’établissement auprès desquels les IOBSP ont souscrit un contrat d’assurance ou qui ont apporté la garantie financière prévue à l’article L. 519-4 ainsi que les références des contrats ou engagements en cause.
    • Les dossiers et fichiers correspondants sont conservés sur tout support durable pendant une durée de cinq ans à compter de la date de la radiation du fichier.
  • Sanction
    • L’article L. 546-3 du Code monétaire et financier prévoit deux interdictions
      • D’une part, il est interdit à toute personne autre qu’un IOBSP d’utiliser une dénomination, une raison sociale, une publicité ou, d’une façon générale, des expressions faisant croire ou laissant entendre qu’elle est immatriculée sur le registre tenu par l’ORIAS au titre de l’une de ces catégories ou de créer une confusion en cette matière.
      • D’autre part, il est interdit à une personne immatriculée sur le registre tenu par l’ORIAS de laisser entendre qu’elle a été immatriculée au titre d’une catégorie autre que celle à laquelle elle appartient ou de créer une confusion sur ce point.
    • L’article L. 546-4 du Code monétaire et financier précise que
      • Le fait, pour toute personne, de méconnaître l’une des interdictions prescrites par l’article L. 546-3 est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.
      • Le tribunal peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article L. 131-35 du code pénal.

B) Conclusion d’un contrat de mandat

L’article L. 519-2 du Code monétaire et financier prévoit que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement agit en vertu d’un mandat délivré par un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, ou un établissement de paiement.

Le mandat en vertu duquel l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement agit mentionne la nature et les conditions des opérations qu’il est habilité à accomplir.

Ainsi, non seulement le mandat conclu entre l’établissement bancaire et l’IOBSP doit être écrit, mais encore il doit être précis et détaillé.

C) Capacité d’exercice

Pour exercer l’activité d’IOBSP il faut remplir des conditions qui tiennent, d’une part, aux compétences professionnelles et, d’autre part, à l’honorabilité.

L’article L. 519-3-3 du Code monétaire et financier dispose en ce sens que « les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, personnes physiques, qui exercent en leur nom propre, les personnes qui dirigent, gèrent ou administrent des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, personnes morales, et les personnes qui sont membres d’un organe de contrôle, disposent du pouvoir de signer pour le compte ou sont directement responsables de l’activité d’intermédiation au sein de ces intermédiaires doivent remplir des conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle. »

==> Compétences professionnelles

L’article R. 519-8 du Code monétaire et financier prévoit que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement et leurs mandataires doivent justifier des compétences professionnelles résultant :

  • Soit d’un diplôme sanctionnant des études supérieures d’un niveau de formation II ;
  • Soit d’une expérience professionnelle :
    • D’une durée de deux ans dans des fonctions liées à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, acquise en tant que cadre au cours des trois années précédant l’immatriculation sur le registre unique mentionné à l’article L. 546-1 ;
    • D’une durée de quatre ans dans des fonctions liées à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, acquise au cours des cinq années précédant l’immatriculation sur le registre unique mentionné à l’article L. 546-1
  • Soit d’une formation professionnelle de 150 heures adaptée à la réalisation d’opérations de banque ou de services de paiement, suivie :
    • Auprès d’un établissement de crédit, d’un établissement de paiement ou d’une entreprise d’assurance ;
    • Auprès d’un organisme de formation choisi par l’intéressé, son employeur ou, le cas échéant, son mandant, dans les conditions prévues à l’article R. 519-12.

==> Honorabilité

L’article R. 519-6 du Code monétaire et financier ferme l’accès à l’activité d’IOBSP aux personnes qui

  • Soit font l’objet:
    • D’une condamnation définitive depuis moins de 10 ans
      • Pour crime
      • À une peine d’emprisonnement ferme ou d’au moins six mois avec sursis pour :
        • L’une des infractions prévues au titre Ier du livre III du code pénal et pour les délits prévus par des lois spéciales et punis des peines prévues pour l’escroquerie et l’abus de confiance ;
        • Recel ou l’une des infractions assimilées au recel ou voisines de celui-ci prévues à la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III du code pénal ;
        • Blanchiment ;
        • Corruption active ou passive, trafic d’influence, soustraction et détournement de biens ;
        • Faux, falsification de titres ou autres valeurs fiduciaires émises par l’autorité publique, falsification des marques de l’autorité ;
        • Participation à une association de malfaiteurs ;
        • Trafic de stupéfiants ;
        • Proxénétisme ou l’une des infractions prévues par les sections 2 et 2 bis du chapitre V du titre II du livre II du code pénal ;
        • L’une des infractions prévues à la section 3 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal ;
        • L’une des infractions à la législation sur les sociétés commerciales prévues au titre IV du livre II du code de commerce ;
        • Banqueroute ;
        • Pratique de prêt usuraire ;
        • L’une des infractions prévues par la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, par la loi du 15 juin 1907 relative aux casinos et par la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard ;
        • L’une des infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l’étranger ;
        • Fraude fiscale ;
        • L’une des infractions prévues aux articles L. 121-8 à L. 121-10, L. 222-6, L. 132-2 et L. 132-3, L. 132-13 à L. 132-15, L. 413-1 à L. 413-8, L. 422-2, L. 441-1 et L. 441-2, L. 451-1 à L. 451-16, L. 454-1 à L. 454-7, L. 455-2, L. 512-4 et L. 531-1 du code de la consommation ;
        • L’une des infractions prévues par le CMF ;
        • L’une des infractions prévues aux articles L. 8222-1, L. 8222-2, L. 8222-3, L. 8222-5 et L. 8224-1 et L. 8224-2 du code du travail ;
        • Les atteintes aux systèmes de traitement automatisé prévues par le chapitre III du titre II du livre III du code pénal ;
        • L’une des infractions à la législation ou la réglementation des assurances ;
      • À la destitution des fonctions d’officier public ou ministériel.
    • D’une interdiction de diriger, gérer, administrer ni être membre d’un organe collégial de contrôle d’un organisme mentionné aux articles L. 213-8, L. 511-1, L. 517-1, L. 517-4, L. 522-1, L. 526-1, L. 531-1, L. 542-1 et L. 543-1, ni disposer du pouvoir de signer pour le compte de cet organisme ;
    • D’une interdiction d’exercer l’une des professions ou activités mentionnées aux articles L. 341-1, L. 519-1, L. 523-1, L. 524-1, L. 525-8, L. 541-1, L. 545-1, L. 547-1 et L. 548-1 et L. 550-1.
  • Soit font l’objet :
    • D’une interdiction d’effectuer certaines opérations d’intermédiation et toutes autres limitations dans l’exercice de cette activité ;
    • D’une interdiction de pratiquer l’activité d’intermédiation.

D) Assurance

==> L’obligation d’assurance

Deux situations doivent être distinguées :

  • La couverture par le mandant des conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle de l’IOBSP
    • L’article L. 519-3-4 du Code monétaire et financier prévoit que lorsqu’un IOBSP intervient pour le compte d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, d’un établissement de paiement ou d’un autre intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, notamment en application d’un mandat qui lui a été délivré, les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle de l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement sont couvertes par la personne pour le compte de laquelle il agit ou par laquelle il est mandaté.
  • La couverture par un contrat d’assurance des conséquences pécuniaires de la responsabilité professionnelle de l’IOBSP
    • Dans l’hypothèse où l’IOBSP n’intervient pas pour le compte d’un établissement de crédit, d’une société de financement, d’un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement, d’un établissement de paiement ou d’un autre intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, ce dernier doit souscrire un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile.

Les intermédiaires doivent être en mesure de justifier à tout moment leur situation au regard de cette obligation.

==> Les modalités de l’obligation d’assurance

L’article R. 519-16 du Code monétaire et financier apporte quatre précisions à l’obligation d’assurance de l’IOBSP :

  • Première précision
    • Le contrat d’assurance de responsabilité civile souscrit par un intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement comprend des garanties dont le montant ne peut être inférieur à celles définies ci-dessous :
      • Le niveau minimal de la garantie du contrat d’assurance est fixé à 500 000 euros par sinistre et 800 000 euros par année d’assurance pour un même intermédiaire
      • Il peut fixer une franchise par sinistre qui ne doit pas excéder 20 % du montant des indemnités dues. Cette franchise n’est pas opposable aux victimes.
    • Ces garanties prennent effet au 1er mars pour une durée de douze mois. Le contrat est reconduit tacitement au 1er janvier de chaque année.
  • Deuxième précision
    • Les personnes qui débutent l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement doivent souscrire un contrat d’assurance pour la période courant de la date de leur immatriculation sur le registre unique des IOBSP jusqu’au 1er mars de l’année suivante.
  • Troisième précision
    • L’assureur délivre à la personne garantie une attestation d’assurance de responsabilité civile professionnelle.
  • Quatrième précision
    • Toute suspension de garantie, dénonciation de la tacite reconduction ou résiliation du contrat d’assurance, est portée sans délai par l’assureur à la connaissance de l’ORIAS

E) Garantie financière

==> L’obligation de garantie

  • Principe
    • L’article L. 519-4 du Code monétaire et financière dispose que tout intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, qui, même à titre occasionnel, se voit confier des fonds en tant que mandataire des parties, est tenu à tout moment de justifier d’une garantie financière spécialement affectée au remboursement de ces fonds aux clients.
  • Condition
    • Cette garantie ne peut résulter que d’un engagement de caution pris par un établissement de crédit ou une société de financement habilité à cet effet ou une entreprise d’assurance ou de capitalisation régie par le code des assurances.
  • Sanction
    • Aux termes de l’article L. 571-16 du Code monétaire et financier, le fait, pour tout intermédiaire en opérations de banque, de ne pas satisfaire à l’obligation instituée à l’article L. 519-4 est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende.

==> Les modalités de l’obligation de garantie

  • Mise en œuvre de la caution
    • L’engagement de caution prévu à l’article L. 519-4 est mis en œuvre du fait de la défaillance de l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement, sans que la caution puisse opposer au créancier le bénéfice de discussion ou de division.
    • Cette défaillance de la personne garantie est réputée acquise un mois après la date de réception par celle-ci d’une lettre recommandée exigeant le paiement de sommes dues ou d’une sommation de payer demeurées sans effet. Elle est également acquise par un jugement prononçant la liquidation judiciaire.
  • Paiement de la caution
    • Le paiement est effectué par la caution dans le mois qui suit l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la réception de la première demande écrite, envoyée par lettre recommandée avec avis de réception.
    • Si d’autres demandes sont reçues pendant le délai de trois mois, une répartition a lieu au marc-le-franc dans le cas où le montant total des demandes excéderait le montant de la garantie.
  • Montant du cautionnement
    • Le montant minimal du cautionnement est fixé par un arrêté du ministre chargé de l’économie.
  • Durée du cautionnement
    • L’engagement de caution, dont les garanties prennent effet au 1er mars pour une durée de douze mois, est reconduit tacitement au 1er janvier de chaque année.
    • Le montant du cautionnement est révisé le cas échéant lors de la reconduction du contrat.
  • Couverture du cautionnement
    • Les personnes qui débutent l’activité d’intermédiation en opérations de banque et en services de paiement doivent fournir une garantie financière sous la forme d’un engagement de caution couvrant la période courant de la date de leur immatriculation sur le registre unique des IOBSP jusqu’au 1er mars de l’année suivante.

IV) Obligations

A) Obligation générale

L’article L. 519-4-1 du Code monétaire et financier prévoit que les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement doivent se comporter d’une manière honnête, équitable, transparente et professionnelle en tenant compte des droits et des intérêts des clients, y compris des clients potentiels.

Cette disposition précise que les règles de bonne conduites applicables aux IOBSP prévoient notamment les obligations à l’égard de leurs clients pour leur bonne information et le respect de leurs intérêts.

Ces obligations sont applicables aux différents stades de la relation entre l’IOBSP et son client.

B) Publicité

Plus mentions légales doivent figurer sur la publicité diffusée par un IOBSP :

  • Mentions du Code monétaire et financier (art. L. 519-4-2)
    • Avant la conclusion d’une opération de banque ou d’un service de paiement, l’IOBSP doit fournir au client des informations relatives notamment à
      • son identité
      • son immatriculation
      • l’existence de liens financiers et économiques avec son mandant
    • L’IOBSP doit aussi indiquer au client s’il est soumis à une obligation contractuelle de travailler exclusivement avec un ou plusieurs établissements de crédit, sociétés de financement, établissements de paiement ou de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement
    • Il informe, en outre, le client que peut lui être communiqué, à sa demande, le nom de ces établissements ou sociétés.
  • Mentions du Code de la consommation (art. L. 322-2 et L. 322-3 C. conso)
    • Plusieurs mentions sont exigées par le Code de la consommation :
      • En matière de crédit immobilier (art. L. 322-2 C. conso)
        • Toute publicité diffusée par ou pour le compte d’une personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’argent par un particulier comporte, de manière apparente, la mention suivante :
          • « Aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut être exigé d’un particulier, avant l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’argent. »
        • Cette publicité indique le nom et l’adresse du mandant pour le compte duquel l’intermédiaire exerce son activité.
      • En toute hypothèse (art. L. 322-3 C. conso)
        • Toute publicité et tout document destinés aux emprunteurs et diffusés par ou pour le compte d’un IOBSP indiquent, de manière apparente
          • l’étendue des pouvoirs de l’intermédiaire
          • s’il travaille à titre exclusif avec un ou plusieurs prêteurs ou en qualité de courtier indépendant.

C) Démarchage

L’article L. 519-5 du Code monétaire et financier autorise les IOBSP à se livrer à une activité de démarchage à la condition de remplir plusieurs conditions :

==> Produits bancaires exclus du démarchage

Sans préjudice des règles particulières applicables au démarchage de certains produits, ne peuvent pas faire l’objet de démarchage :

  • Les produits dont le risque maximum n’est pas connu au moment de la souscription ou pour lesquels le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial, à l’exception :
    • des parts de sociétés civiles de placement immobilier. À l’issue d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, seules pourront faire l’objet de démarchage les parts de sociétés civiles de placement immobilier dont les statuts prévoient la limitation de la responsabilité de chaque associé au montant de sa part au capital
    • des produits entrant dans le cadre d’une opération normale de couverture, sous réserve que ces produits soient proposés exclusivement à des personnes morales
  • Les produits non autorisés à la commercialisation sur le territoire français en application de l’article L. 151-2 ;
  • Les produits relevant de l’article L. 214-42 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2011-915 du 1er août 2011 relative aux OPCVM et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d’actifs et de l’article L. 214-169
  • Les instruments financiers qui ne sont pas admis aux négociations sur les marchés réglementés définis aux articles L. 421-4 et L. 422-1 ou sur les marchés étrangers reconnus définis à l’article L. 423-1, à l’exception des parts ou actions d’OPCVM ou de FIA relevant des paragraphes 1,2 et 6 de la sous-section 2, du paragraphe 2 ou du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 de la sous-section 3, ou de la sous-section 4 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II, des titres financiers offerts au public après établissement d’un document d’information dans les conditions du titre Ier du livre IV du présent code, des titres émis par les sociétés de capital-risque mentionnées à l’article 1er-1 de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 précitée et des produits proposés dans le cadre d’un dispositif relevant du livre III de la troisième partie du code du travail
  • Les bons de caisse.

==> Obligation d’information

En temps utile, avant qu’elle ne soit liée par un contrat, la personne démarchée reçoit des informations fixées par décret en Conseil d’Etat, portant notamment sur :

  • Les conditions de l’offre contractuelle, notamment le prix total effectivement dû par la personne démarchée ou, lorsqu’un prix exact ne peut être indiqué, la base de calcul du prix, permettant à la personne démarchée de vérifier ce dernier, les modalités selon lesquelles sera conclu le contrat, en particulier le lieu et la date de signature de celui-ci
  • L’existence ou l’absence du droit de rétractation, prévu selon les cas, aux articles L. 222-7 à L. 222-12 du code de la consommation ou à l’article L. 341-16 du présent code, ainsi que ses modalités d’exercice
  • La loi applicable aux relations précontractuelles ainsi qu’au contrat, et l’existence de toute clause concernant le choix d’une juridiction.

==> Domaine d’intervention

Il est interdit au démarcheur de proposer des produits, instruments financiers et services autres que ceux pour lesquels il a reçu des instructions expresses de la ou des personnes pour le compte desquelles il agit.

==> Droit de rétractation

  • Délai de rétractation
    • La personne démarchée dispose d’un délai de quatorze jours calendaires révolus pour exercer son droit de rétractation, sans avoir à justifier de motifs ni à supporter de pénalités.
    • Le délai pendant lequel peut s’exercer le droit de rétractation commence à courir :
      • Soit à compter du jour où le contrat est conclu ;
    • Soit à compter du jour où la personne démarchée reçoit les conditions contractuelles et les informations, si cette dernière date est postérieure à celle mentionnée au 1°.
  • Exercice du droit de rétractation
    • Lorsque la personne démarchée exerce son droit de rétractation, elle ne peut être tenue qu’au paiement du prix correspondant à l’utilisation du produit ou du service financier effectivement fourni entre la date de conclusion du contrat et celle de l’exercice du droit de rétractation, à l’exclusion de toute pénalité.
    • Le démarcheur ne peut exiger de la personne démarchée le paiement du produit ou du service mentionné au premier alinéa que s’il peut prouver que la personne démarchée a été informée du montant dû, conformément au 5° de l’article L. 341-12.
    • Toutefois, il ne peut exiger ce paiement s’il a commencé à exécuter le contrat avant l’expiration du délai de rétractation sans demande préalable de la personne démarchée.
    • Le démarcheur est tenu de rembourser à la personne démarchée, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours, toutes les sommes qu’il a perçues de celle-ci en application du contrat, à l’exception du montant mentionné au premier alinéa. Ce délai commence à courir le jour où le démarcheur reçoit notification par la personne démarchée de sa volonté de se rétracter.
    • La personne démarchée restitue au démarcheur, dans les meilleurs délais et au plus tard dans les trente jours, toute somme et tout bien qu’elle a reçus de ce dernier. Ce délai commence à courir à compter du jour où la personne démarchée notifie au démarcheur sa volonté de se rétracter.
    • L’exécution des contrats portant sur les services de conservation ou d’administration d’instruments financiers et de gestion de portefeuille pour le compte de tiers est différée pendant la durée du droit de rétractation.
  • Exclusion du droit de rétractation
    • Le délai de rétractation prévu au premier alinéa du I ne s’applique pas :
      • Aux services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers mentionnés à l’article L. 321-1, ainsi qu’à la fourniture d’instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1
      • Lorsque des dispositions spécifiques à certains produits et services prévoient un délai de réflexion ou un délai de rétractation d’une durée différente, auquel cas ce sont ces délais qui s’appliquent en matière de démarchage ;
      • Aux contrats exécutés intégralement par les deux parties à la demande expresse de la personne démarchée avant que cette dernière n’exerce son droit de rétractation.
  • Délai de réflexion
    • En cas de démarchage qui consisterait à se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, les démarcheurs ne peuvent recueillir ni ordres ni fonds de la part des personnes démarchées en vue de la fourniture de services de réception-transmission et exécution d’ordres pour le compte de tiers mentionnés à l’article L. 321-1 ou d’instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1, avant l’expiration d’un délai de réflexion de quarante-huit heures.
    • Ce délai de réflexion court à compter du lendemain de la remise d’un récépissé établissant la communication à la personne démarchée, par écrit sur support papier, des informations et documents prévus à l’article L. 341-12.
    • Le silence de la personne démarchée à l’issue de l’expiration du délai de réflexion ne peut être considéré comme signifiant le consentement de celle-ci.

D) Obligation d’information

  1. Contenu de l’obligation d’information

Conformément à l’article R. 519-20 du Code monétaire et financier, lors de l’entrée en relation, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement fournit au client, y compris au client potentiel, les informations suivantes :

==> Pour tous les IOBSP

Ils doivent indiquer :

  • Leur nom ou sa dénomination sociale
  • Leur adresse professionnelle ou celle de leur siège social
  • La catégorie d’intermédiaire à laquelle ils appartiennent
  • Leur numéro d’immatriculation d’intermédiaire
  • Les moyens leur permettant de vérifier cette immatriculation.
  • Les procédures de recours et de réclamation, y compris, pour les réclamations, les coordonnées et l’adresse des personnes auxquelles elles doivent être transmises
  • Les coordonnées et l’adresse de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
  • S’ils proposent le service de conseil mentionné à l’article L. 519-1-1 et, le cas échéant:
    • S’il s’agit d’un conseil indépendant mentionné à l’article L. 519-1-1
    • Si sa recommandation porte sur sa propre gamme de produits ou sur une large gamme de contrats de crédit disponibles sur le marché ;
    • Si le client doit acquitter des frais pour la rémunération du service de conseil indépendant.

==> Pour les mandataires d’intermédiaires

Ils doivent indiquer :

  • le nom ou la dénomination sociale
  • l’adresse professionnelle ou celle de son siège social
  • le numéro d’immatriculation de leur mandant

==> Pour les mandataires exclusifs

Ils doivent indiquer le nom des établissements de crédit, des sociétés de financement, des établissements de paiement ou des établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement avec lesquels il travaille de manière exclusive

==> Pour les courtiers et mandataires non exclusifs

Ils doivent indiquer le nom du ou des établissements avec lesquels ils ont enregistré au cours de l’année précédente une part supérieure au tiers de leur chiffre d’affaires au titre de l’activité d’intermédiation ainsi que toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % de leurs droits de vote ou de leur capital, détenue par un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement ou par toute entité contrôlant, au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, une de ces entreprises ;

==> Pour les courtiers et leurs mandataires

  • Dans leurs rapports avec le client
    • Information d’ordre général
      • En premier lieu, l’intermédiaire précise au client, y compris au client potentiel, les raisons qui motivent ses propositions et lui indique comment il a pris en compte les informations qu’il a recueillies auprès de lui.
      • En second lieu, Avant la conclusion de toute opération de banque ou la fourniture de tout service de paiement ou de tous travaux et conseils préparatoires, l’intermédiaire précise au client, y compris au client potentiel
        • Le nombre et le nom des établissements de crédit, de la société de financement, des établissements de paiement et des établissements de monnaie électronique qui fournissent des services de paiement avec lesquels il travaille
        • S’il perçoit, au titre de cette opération ou de ce service, une rémunération de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement concerné et quels en sont le montant et les modalités de calcul
        • S’il détient une participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement concerné et qu’il peut, à sa demande, lui communiquer le niveau de cette participation.
    • Information sur l’analyse des contrats
      • Principe
        • L’article R. 518-28 du Code monétaire et financier prévoit que ces intermédiaires sont tenus d’analyser un nombre suffisant de contrats offerts pour pouvoir fonder une analyse objective du marché et recommander ou proposer un contrat adapté aux besoins du client, y compris du client potentiel.
        • À ce titre, pèse sur eux une obligation d’information renforcée :
          • Ils fournissent au client, y compris le client potentiel, des informations portant sur la description et la comparaison des différents types de contrats disponibles sur le marché pour les opérations et services proposés, de manière personnalisée et adaptée à leur degré de complexité.
          • Ils doivent informer le client des règles applicables aux opérations de banque et aux services de paiement et l’éclairer sur l’étendue de ses devoirs et obligations.
          • Ils veillent à proposer de manière claire et précise au client, y compris au client potentiel, les services, opérations ou contrats les plus appropriés parmi ceux qu’ils sont en mesure de présenter. Ils doivent s’abstenir de proposer un service, une opération ou un contrat qui ne serait pas adapté aux besoins du client ou du client potentiel.
      • Exception
        • Lorsque le courtier ou son mandataire ne fournit au client qu’une aide pour des travaux préparatoires à la réalisation d’une opération de banque ou d’un service de paiement, il peut, par dérogation limiter son analyse aux contrats pour lesquels il a été sollicité par le client.
        • Dans ce cas, il est soumis aux seules obligations
          • de fournir de manière personnalisée des informations sur les opérations et services pour lesquels il a été sollicité, adaptées à leur degré de complexité
          • d’informer le client des règles applicables aux opérations de banque et aux services de paiement et de l’éclairer sur l’étendue de ses devoirs et obligations.
  • Dans leurs rapports avec les établissements bancaires
    • Deux obligations pèsent sur les courtiers et leurs mandataires envers les établissements bancaires
      • D’une part, ils doivent, au moment de la souscription, répondre sincèrement à toutes demandes de renseignements de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement lorsqu’elles peuvent lui être utiles pour apprécier les antécédents du client et, le cas échéant, le risque encouru.
      • D’autre part, ils doivent s’abstenir de transmettre des fausses déclarations ou des éléments susceptibles de donner une opinion erronée du client à l’établissement de crédit, la société de financement, l’établissement de paiement ou l’établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.

2. Modalités de l’obligation d’information

 ==> Pour toute activité d’intermédiation

Conformément à l’article R. 519-23 du Code monétaire et financier l’information doit être communiquée au client selon deux modalités cumulatives :

  • D’abord, toute information fournie par l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement en application de la présente section doit être communiquée avec clarté et exactitude.
  • Ensuite, la communication doit être faite sur support durable à la disposition du client, y compris du client potentiel, et auquel celui-ci a facilement accès.

 ==> Pour l’activité de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier

Lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il doit communiquer au client :

  • le nombre de contrats de crédits examinés
  • la dénomination des établissements de crédit ou des sociétés de financement dont les contrats ont été examinés
  • Sa recommandation et la motivation de celle-ci au regard des informations recueillies, sur papier ou tout autre support durable.

 ==> En cas de commercialisation d’un contrat à distance

Les informations précontractuelles fournies au client, y compris au client potentiel, doivent être conformes aux dispositions des articles L. 222-1 à L. 222-18 du code de la consommation, soit des règles particulières relatives :

  • À l’obligation d’information précontractuelle
  • À la formation et à l’exécution du contrat
  • Au délai de rétractation

E) Vérification de la situation du client

==> Pour toute activité d’intermédiation

  • Pour toute opération
    • L’article R. 519-22 du Code monétaire et financier prévoit que l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement présente au client, y compris au client potentiel, les caractéristiques essentielles du service, de l’opération ou du contrat proposé.
    • L’intermédiaire adapte le contenu et la forme de ces explications au niveau de connaissance et d’expérience du client, y compris du client potentiel.
  • Pour l’opération de crédit
    • L’article R. 519-21 du Code monétaire et financier exige que, lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement s’enquiert auprès du client, y compris du client potentiel :
      • D’une part, de ses connaissances et de son expérience en matière d’opérations de banque
      • D’autre part, de sa situation financière et de ses besoins, de manière à pouvoir lui offrir des services, contrats ou opérations adaptés à sa situation.
      • Enfin, des informations relatives à ses ressources et à ses charges ainsi qu’aux prêts en cours qu’il a contractés, permettant à l’établissement de crédit ou à la société de financement de vérifier sa solvabilité.
    • Lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, l’intermédiaire doit appeler l’attention du client, y compris du client potentiel, sur les conséquences que la souscription du contrat pourrait avoir sur sa situation financière et, le cas échéant, sur les biens remis en garantie.

==> Pour l’activité de conseil en matière d’opérations relatives à des contrats de crédit immobilier

Lorsque l’intermédiaire intervient dans le cadre d’un service de conseil, il recueille, sur la situation personnelle et financière de son client et sur ses préférences et ses objectifs, les informations nécessaires pour pouvoir lui recommander des contrats appropriés.

La recommandation est fondée sur des informations actualisées et sur des hypothèses raisonnables quant aux risques encourus par le client pendant la durée du contrat proposé.

F) Domaine d’intervention

==> Étendue du domaine d’intervention

Conformément l’article L. 519-1 du Code monétaire et financier l’activité des IOBSP se limite à présenter, proposer ou aider à la conclusion des opérations de banque ou des services de paiement ou à effectuer tous travaux et conseils préparatoires à leur réalisation.

Quatre sortes d’activités peuvent donc faire l’objet d’une intermédiation :

  • La réception de fonds du public
  • La fourniture de crédit
  • La fourniture de services de paiement
  • La fourniture d’un service de conseil en matière d’opérations de banque et de services de paiement

==> Prohibitions

L’article L. 322-1 du Code de la consommation prévoit qu’il est interdit pour un intermédiaire de se charger ou de se proposer moyennant rémunération :

  • D’examiner la situation d’un débiteur en vue de l’établissement d’un plan de remboursement
  • De rechercher pour le compte d’un débiteur l’obtention de délais de paiement ou d’une remise de dette.
  • D’intervenir, pour le compte du débiteur, sous quelque forme que ce soit, pour les besoins de la procédure de surendettement.

G) Correspondances

Aux termes de l’article R. 519-24 du Code monétaire et financier toute correspondance ou publicité, quel qu’en soit le support, émanant d’un intermédiaire agissant en cette qualité indique :

  • son nom ou sa dénomination sociale
  • son adresse professionnelle ou celle de son siège social
  • son numéro d’immatriculation d’intermédiaire
  • la catégorie d’intermédiaire à laquelle il appartient.

V) Rémunération

A) Paiement de la rémunération

  • Principe
    • L’article L. 519-6 du Code monétaire pose qu’il est interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt d’argent, de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
    • Il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.
  • Exception
    • L’article L. 519-6-1 prévoit que par dérogation à l’article 519-6 et dans le cadre de la fourniture d’un service de conseil indépendant, les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement peuvent percevoir une rémunération de leur client.
  • Sanction
    • La violation des règles applicables en matière de rémunération est punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.

B) Fixation de la rémunération

Aux termes de l’article L. 322-4 du Code monétaire et financier avant la conclusion d’un contrat de crédit, l’intermédiaire de crédit et l’emprunteur conviennent par écrit ou sur un autre support durable des frais éventuels dus par l’emprunteur à l’intermédiaire de crédit pour ses services.

L’article R. 519-26 du Code monétaire et financier opère en outre une distinction selon le statut de l’intermédiaire et la nature de l’activité exercée :

  • Pour toute opération
    • Lorsque l’intermédiaire fournit un service de conseil
      • Avant la conclusion du contrat de fourniture de ce service, il doit indiquer au client, y compris au client potentiel, par écrit ou sur un autre support durable, le montant des frais que celui-ci devra acquitter, le cas échéant, ou, si ce montant ne peut être déterminé avec certitude au moment de la communication des informations, les modalités de son calcul.
    • Lorsque l’intermédiaire est mandataire exclusif ou non exclusif
      • Il lui échoit de communiquer à la demande du client ou du client potentiel toute participation, directe ou indirecte, supérieure à 10 % des droits de vote ou du capital, qu’ils détiennent dans un établissement de crédit, une société de financement, un établissement de paiement ou un établissement de monnaie électronique qui fournit des services de paiement.
  • Pour les opérations de crédit
    • Lorsque l’opération de banque est relative à un contrat de crédit, l’intermédiaire précise s’il perçoit, au titre de cette opération, une rémunération de l’établissement de crédit, de la société de financement, de l’établissement de paiement ou de l’établissement de monnaie électronique concerné et quels en sont le montant ou, si ce montant n’est pas connu, les modalités de son calcul.
    • L’intermédiaire doit, en outre, rappeler à son client
      • D’une part, qu’il lui est interdit de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés.
      • D’autre part, qu’il lui est également interdit, avant la remise des fonds et de la copie de l’acte, de présenter à l’acceptation de l’emprunteur des lettres de change, ou de lui faire souscrire des billets à ordre, en recouvrement des frais d’entremise ou des commissions mentionnés à l’alinéa précédent.

L’extension de la procédure de sauvegarde: confusion de patrimoines ou fictivité de la personne morale

Lorsqu’une procédure de sauvegarde est ouverte elle n’a, en principe, pour seul sujet que le débiteur qui justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Et pour cause, la finalité d’une telle procédure est d’assurer « la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif. »

Attraire dans le champ d’une telle procédure à une personne morale ou physique tierce qui se porte bien serait, par conséquent, un non-sens, quand bien même cette personne se trouverait dans une position de dépendance économique par rapport au débiteur.

Fort de ce postulat, doit-on tirer la conséquence que dès lors qu’une entreprise est in bonis, cette situation constitue un obstacle à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ?

Très tôt la jurisprudence a rejeté cette thèse.

Dès le XIXe siècle elle a considéré qu’une entreprise qui ne rencontrait aucune difficulté pouvait parfaitement faire l’objet d’une procédure collective, soit parce qu’elle n’était autre qu’une personne morale fictive derrière laquelle se réfugiait le débiteur aux fins d’organiser son insolvabilité, soit parce qu’existait entre elle et ce dernier une confusion des patrimoines.

Pour ce faire, la jurisprudence a forgé la règle de l’extension de procédure.

Cette règle consiste à étendre une procédure collective préalablement ouverte à l’encontre d’un débiteur à une ou plusieurs autres personnes qui ne remplissent pas nécessairement les conditions d’éligibilité.

La juridiction saisie mène à bien la procédure ainsi ouverte à l’encontre des personnes morales ou physiques visées comme s’il n’y avait qu’un seul débiteur. Les éléments d’actif et de passif font alors l’objet d’une appréhension globale.

Schéma 1.JPG

Lors de l’adoption de la loi du 26 juillet 2005, le législateur est venu consacrer cette construction jurisprudentielle en ajoutant un alinéa 2 à l’article L. 621-2 du Code de commerce aux termes duquel « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

Lorsque l’une des causes d’extension de la procédure de sauvegarde énoncée par ce texte est caractérisée (A), il s’ensuit la mise en œuvre d’une procédure commune aux personnes visées (B), laquelle emporte des conséquences singulières (C)

I) Les causes d’extension de la procédure de sauvegarde

Il ressort de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce que la procédure de sauvegarde est susceptible de faire l’objet d’une extension dans deux cas :

  • La confusion de patrimoines
  • La fictivité de la personne morale

A) La confusion de patrimoines

En substance, la confusion des patrimoines consiste pour des personnes morales ou physiques qui, en apparence, arborent des patrimoines distincts, se comportent comme s’il n’existait qu’un seul patrimoine.

La notion de confusion des patrimoines n’est toutefois définie par aucun texte. Aussi, c’est à la jurisprudence qu’est revenue la tâche d’en délimiter les contours.

Il ressort des décisions rendues en la matière que la confusion de patrimoines est établie par la caractérisation de deux critères alternatifs que sont :

  • L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines
  • L’existence de relations financières anormales
  1. L’existence d’une imbrication inextricable des patrimoines

Ce critère correspond à l’hypothèse où les patrimoines sont tellement enchevêtrés l’un dans l’autre qu’il est impossible de les dissocier.

L’analyse de la jurisprudence révèle que cette situation se rencontre dans deux cas distincts :

==> Existence d’une confusion des comptes

Il ressort d’un arrêt rendu en date du 24 octobre 1995, que l’imbrication des patrimoines peut se déduire de l’existence d’une confusion des comptes entre ceux tenus par le débiteur et la personne morale ou physique avec laquelle il est en relation d’affaires (Cass. com. 24 oct. 1995).

  • Faits
    • Accord de commercialisation conclu entre la société Forest I et la société Leading
    • Par cet accord, la société Forest I qui avait acquis 50% du capital de la société Leading, a pris en location gérance le fonds de cette dernière société
    • Il en est résulté la mise en commun de moyens de gestion financière, industrielle et comptable
    • Survenance d’un désaccord entre les deux sociétés
      • Demande de rétrocession des actions acquises par la société Forest I
      • Demande de résiliation du contrat de gérance
    • Dans ce contexte, ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Leading
    • Cette procédure est étendue à la société Forest I
  • Demande
    • La société Forest I conteste cette extension de la procédure collective
  • Procédure
    • Par un arrêt du 8 décembre 1992, la Cour d’appel de Bourges confirme l’extension de la procédure de redressement judiciaire à la société Forest I
    • La Cour d’appel estime que, en raison du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication ce ces derniers, la confusion des patrimoines des 2 sociétés est caractérisée.
    • Dès lors, l’existence de cette caractérisation de patrimoines justifie l’extension de la procédure de redressement à la société Forest I
  • Moyens
    • L’auteur du pourvoi soutient que la seule imbrication d’intérêts entre deux sociétés ne suffit pas à caractériser la confusion de patrimoines.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 octobre 1995, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Forest I
    • La Cour de cassation juge, en l’espèce qu’il résulte du désordre généralisé des comptes et de l’état d’imbrication inextricable entre les deux sociétés une confusion de leurs patrimoines respectifs, de sorte que l’extension par la CA de la procédure de redressement à la société Forest I est justifiée.
    • Manifestement, la chambre commerciale exerce ici un contrôle strict sur la motivation des juges du fond
    • L’étroitesse de ce contrôle vise à éviter que les Tribunaux n’admettent trop facilement l’extension d’une procédure collective.
    • Cette situation doit demeurer une exceptionnelle :
      • D’une part, en raison du bouleversement qu’elle provoque sur les droits des créanciers
      • D’autre part, parce qu’un tel montage n’est pas automatiquement illicite si les deux sociétés
        • agissent ouvertement,
        • sont gérées de façon autonome
        • leurs relations sont juridiquement causées par la conclusion de contrats en bonne et due forme
      • Lorsque les juges du fond entendent retenir la confusion des patrimoines, il leur faudra, en conséquence, motiver substantiellement leur décision.
      • Dans l’arrêt en l’espèce, la Cour de cassation a manifestement été contrainte de piocher dans la motivation des juges de première instance pour sauver la décision des juges d’appel.
      • Autre enseignement important de cette décision, la chambre commerciale relève que «  l’exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d’imbrication inextricable entre elles»
      • On peut en déduire que pour être établie, l’imbrication des patrimoines doit se traduire par une impossibilité de distinguer les passifs nés de l’un des débiteurs ou du chef de l’autre.
      • La reconstitution des patrimoines respectifs doit, autrement dit, être impossible, ce qui suppose une confusion des comptes, d’où l’importance de cet élément.

La confusion des comptes n’est pas le seul indice auquel s’attachent les juges pour retenir l’imbrication des patrimoines.

Cass. com. 24 oct. 1995
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Leading reproche à l'arrêt confirmatif attaqué (Bourges, 8 décembre 1992) de lui avoir étendu le redressement judiciaire de la société Forest I aux motifs, selon le pourvoi, que le jugement d'extension ne se trouvait pas entaché de nullité et de vice de forme, alors, d'une part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'en vertu de l'article 6 de la loi du 25 janvier 1985, le tribunal ne pouvait statuer sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à son encontre qu'après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil les représentants du comité d'entreprise ou à défaut des délégués du personnel ;

que cette formalité substantielle n'ayant pas été remplie, la procédure d'extension devait être annulée et le jugement infirmé et que la cour d'appel aurait dû répondre au moyen ainsi soulevé ;

et alors, d'autre part, que la société Leading avait soutenu dans ses conclusions qu'elle n'avait pas pu présenter sa défense devant les premiers juges et qu'il en était résulté une violation du contradictoire et des droits de la défense devant entraîner l'annulation du jugement dont appel et que la cour d'appel était tenue de se prononcer sur le moyen ainsi soulevé ;

Mais attendu, d'une part, que le débiteur n'a pas qualité pour invoquer le défaut de convocation des représentants du comité d'entreprise ou des délégués du personnel préalablement à la décision du tribunal sur l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ;

Attendu, d'autre part que l'appel de la société Leading tendant à l'annulation du jugement, la cour d'appel se trouvait saisie de l'entier litige et devait, en vertu de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, statuer sur le fond, même si elle déclarait le jugement nul ;

que, dès lors, le moyen est irrecevable, faute d'intérêt ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société Leading reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que le redressement judiciaire d'une personne morale ne peut être étendu à une autre qu'en cas de confusion de leurs patrimoines ou de fictivité de l'une d'elles ;

que ne répond à aucune de ces hypothèses une imbrication d'intérêts suite à l'exécution de contrats les ayant liées entre elles et la nécessité d'une expertise amiable destinée à apurer les comptes entre les parties ; que la cour d'appel n'ayant relevé aucun élément de fait établissant une quelconque confusion de patrimoines entre deux sociétés indépendantes ou leur fictivité ou celle de leurs activités communes, elle n'a pu étendre de la société Forest I à la société Leading le redressement judiciaire de la première qu'en violation des articles 1842, alinéa 1er, du Code civil, et 7, alinéa 1er, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu qu'après avoir constaté, tant par motifs propres qu'adoptés, qu'en application d'un accord de commercialisation, la société Forest I, qui avait acquis une participation de 50 % dans le capital de la société Leading, a pris en location-gérance le fonds de commerce de cette société, mettant en commun avec elle certains moyens de gestion financière, industrielle et comptable et qu'à la suite d'un désaccord entre les parties et de la désignation judiciaire d'un adminis- trateur provisoire de la société Leading, il a été décidé de procéder à la rétrocession des actions de la société Leading détenues par la société Forest I et à la résiliation du contrat de location-gérance mais que faute de paiement du prix des actions de la société Leading, ces accords n'ont pas été appliqués, l'arrêt relève que l'exécution partielle des divers contrats conclus entre les deux sociétés a créé un désordre généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre elles ; que par ces constatations et appréciations retenant la confusion de patrimoines des deux sociétés, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi

==> Existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine

L’imbrication des patrimoines ne se caractérise pas seulement par la confusion des comptes, elle peut également avoir pour origine l’existence d’une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine.

Cette situation a été mise en exergue par un arrêt du 2 juillet 2013 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com. 2 juill. 2013).

  • Faits
    • Une épouse qui exerçait à titre personnel une activité dans le secteur du bâtiment fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire
    • Il s’ensuivra une extension de la procédure de liquidation au conjoint de cette dernière ainsi qu’à l’EURL dont il était l’associé unique et gérant
  • Demande
    • L’époux conteste l’extension à son endroit ainsi qu’à son EURL de la procédure de liquidation dont faisait l’objet sa conjointe
  • Procédure
    • Par un arrêt du 10 novembre 2011, la Cour d’appel de Nîme déboute l’époux de sa demande
    • Les juges du fond relèvent, entre autres, pour retenir la confusion des patrimoines plusieurs éléments
      • Participation active du mari dans l’activité de son épouse
      • Réciproquement, immixtion de l’épouse dans l’activité de l’Eurl
      • L’organisation du travail entre les deux époux s’apparentait à une identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine
  • Solution
    • La cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’époux gérant de l’EURL
    • Ainsi, confirme-t-elle la solution dégagée par la Cour d’appel aux termes de laquelle l’extension de procédure collective fondée sur une confusion de patrimoines peut intervenir entre personnes physiques.
    • Autre apport de cet arrêt, la Cour de cassation considère que la confusion de patrimoines peut résulter, outre d’une confusion des comptes, de l’existence « d’une véritable identité d’entreprise, d’activité et de patrimoine».
    • C’est là le second indice qui conduira les juges à retenir la confusion de patrimoines, étant précisé que la Cour de cassation exige une motivation substantielle de la décision.
    • Les juges du fond devront donc établir factuellement l’existence de cette identité d’entreprise comme s’est employée à la vérifier la Cour de cassation dans l’arrêt en l’espèce.

Cass. com. 2 juill. 2013
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 10 novembre 2011), que Mme X..., qui exerçait, à titre personnel, une activité dans le secteur du bâtiment sous l'enseigne RS Construction, a été mise en liquidation judiciaire le 19 décembre 2007 ; que le liquidateur a assigné en extension de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L. 621-2 du code de commerce le conjoint de Mme X... et l'Eurl Construction et rénovation du sud (l'Eurl), immatriculée le 21 novembre 2007 par M. X... qui en était l'unique associé et le gérant ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé à son encontre et à l'encontre de l'Eurl l'extension de la procédure de liquidation judiciaire alors, selon le moyen :

1°/ que la procédure de liquidation judiciaire d'une personne ne peut être étendue à une autre qu'en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion de leur patrimoine ; qu'en affirmant que l'organisation du travail de l'entreprise « s'est en permanence poursuivie, au point qu'il s'agit plus d'une imbrication ou même d'une confusion, mais d'une véritable et exacte et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine, avec les mêmes personnes », c'est-à-dire en écartant expressément la confusion des patrimoines sans retenir de fictivité de la personnalité morale, tout en étendant la liquidation judiciaire à M. X... et à l'Eurl, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses constatations, en violation de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en étendant la procédure collective à M. X... et à l'Eurl sans rechercher s'il y avait eu confusion entre leur patrimoine et celui de Mme X... ou si la personnalité morale était fictive, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

3°/ que pour étendre la procédure de liquidation judiciaire d'une personne à une autre personne sur le fondement de la confusion des patrimoines, des relations financières anormales ou une confusion des comptes doivent être caractérisées entre les deux personnes ; qu'à défaut de caractériser une telle situation entre Mme et M. X..., la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 621-2 du code de commerce ;

4°/ que dans ses conclusions d'appel M. X... indiquait qu'« en l'absence de toutes autres ressources du couple, M. X... décidait de constituer une Eurl, immatriculée le 21 novembre 2007, il reprenait les engagements qu'il avait signés pour le compte de sa société en formation (11 juillet 2007) notamment auprès de Mme Y..., maître d'ouvrage » ; qu'en affirmant « qu'il reconnaît ainsi que bien avant de créer sa propre société et même la procédure collective de son époux (novembre 2007), il a mis en oeuvre en sous main, dans son intérêt et celui de son épouse, une structure pour continuer la même activité avec un même client », voyant ainsi dans la constitution de l'Eurl un comportement frauduleux, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. X..., en violation de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé, par motifs propres et adoptés, la participation active de M. X... dans l'exploitation de l'activité de son épouse et l'immixtion de celle-ci dans l'activité de l'Eurl, l'arrêt retient que l'Eurl, immatriculée dans le même temps où Mme X... déclarait sa cessation des paiements et portant une raison sociale proche de l'enseigne de Mme X..., a poursuivi les activités et les chantiers en cours et réglé les factures de cette dernière ; qu'il retient encore, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que l'organisation du travail entre les deux conjoints s'est en permanence poursuivie au point de créer une véritable et totale identité d'entreprise, d'activité et de patrimoine et que la création de l'Eurl ne constituait qu'un leurre ; que, par ces constatations et appréciations, caractérisant, d'un côté, l'existence de relations financières anormales justifiant l'extension de la liquidation judiciaire de Mme X... à son conjoint et, de l'autre, la fictivité de l'Eurl justifiant l'extension de la même procédure à la société, la cour d'appel a, hors toute dénaturation, légalement justifié sa décision ; que le moyen, qui manque en fait dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

2. L’existence de relations financières anormales

Lorsque les personnes qui font l’objet de la procédure d’extension sont des personnes morales, la confusion des patrimoines se déduira de l’existence de relations financières anormales.

La jurisprudence a sensiblement évolué sur la définition de ce critère.

==> Premier temps : exigence de flux financiers anormaux

Dans un arrêt rendu le 11 mai 1993, la jurisprudence avait défini la confusion de patrimoines par un critère déterminant : l’existence de flux financiers anormaux tels qu’il n’est plus possible de distinguer les actifs et les passifs des deux sociétés.

Elle avait estimé en ce sens dans cette décision « qu’ayant relevé que la présence de dirigeants ou d’associés communs, l’identité d’objets sociaux, la centralisation de la gestion en un même lieu, l’existence de relations commerciales constantes et la communauté de clientèle ne suffisaient pas à démontrer la confusion des patrimoines des sociétés Agratex, Soproco et Sofradimex, dès lors qu’elles conservaient une activité indépendante, un actif et un passif propre et qu’aucun flux financier anormal n’existait entre elles, la cour d’appel, qui a effectué les recherches visées aux deux premières branches du moyen et n’avait pas à effectuer celle, inopérante, visée à la troisième branche, a légalement justifié sa décision »

La Cour de cassation s’appuiera sur cette notion pour caractériser la confusion des patrimoines dans de nombreux autres arrêts.

Dans un arrêt du 10 juillet 2012, elle estime, par exemple, que « ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l’imbrication inextricable des patrimoines » (Cass. com. 10 juill. 2012).

==> Second temps : exigence de relations financières anormales

Dans un arrêt du 7 janvier 2003, la Cour de cassation se réfère non plus à la notion de « flux financiers anormaux », mais de « relations financières anormales » pour retenir la confusion des patrimoines (Cass. com. 7 janv. 2003).

  • Faits
    • Une SCI loue à une autre société, la société LMT, des locaux en contrepartie du paiement de loyers dont le prix dépassait celui du marché
    • La société preneuse réalisera, par suite, lors de son occupation des locaux des travaux d’embellissement, dont la propriété est revenue à la SCI.
    • C’est alors qu’à partir de 1995, il apparaît que la société locataire ne règle plus aucun loyer à la SCI
      • À la suite de quoi la SCI ne diligentera aucune mesure d’exécution
      • Alors que cela la mettait dans une situation rendant impossible le remboursement de ses emprunts
    • Peu de temps après, la société LMT est placée en redressement judiciaire.
    • Cette procédure collective est étendue à la SCI
  • Demande
    • La SCI conteste l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à son endroit
  • Procédure
    • Par un arrêt confirmatif du 6 janvier 2000, la Cour d’appel de Rouen déboute la SCI de sa demande
    • Les juges du fonds relèvent :
      • Le caractère excessif des loyers perçus par la SCI
      • Le bénéfice de travaux d’embellissement réalisés par la société preneuse
      • L’absence de mesure d’exécution diligentée contre la société preneuse en réaction aux impayés de loyers alors que la SCI se trouvait dans l’impossibilité de rembourser ses emprunts
    • Les juges du fond déduisent de ces relations financières anormales une confusion de patrimoine entre la SCI et la société LMT qui justifie l’extension de la procédure de redressement judiciaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 7 janvier 2003, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la SCI
    • La chambre commerciale considère que, eu égard les rapports entretenus entre la SCI et la société LMT, il existait entre ces deux sociétés « des relations financières anormales constitutives de la confusion des patrimoines»
    • De toute évidence, pour retenir la confusion des patrimoines, la Cour de cassation ne fait ici nullement référence à une quelconque imbrication inextricable des patrimoines, confusion des comptes ou bien encore identité d’entreprise.
    • La cour de cassation s’appuie ici sur un autre critère : l’existence de relations financières anormales.
    • Qu’est-ce que l’anormalité ?
    • Il résulte de cet arrêt que l’anormalité se déduit d’abord de l’absence de toute contrepartie.
    • L’existence ou non de cette contrepartie s’apprécie au regard de l’ensemble des relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d’une opération envisagée isolément, sous peine d’interdire toute concertation entre des sociétés membres d’un même groupe.
    • L’absence de contrepartie était manifeste dans l’arrêt en l’espèce !
  • Portée
    • On assiste, dans l’arrêt en l’espèce, à un ajustement jurisprudentiel.
    • La confusion des patrimoines est fondée, non plus sur l’existence de « flux financiers anormaux» qui résultaient le plus souvent de versements de fonds sans contrepartie, mais sur l’existence de « relations financières anormales ».
    • Ce dernier critère s’avère mieux adapté, car il recouvre les flux financiers anormaux et permet de viser les hypothèses dans lesquelles l’anormalité tient justement à l’absence de mouvement de comptes entre les deux sociétés.
    • Qui plus est, ce nouveau critère est plus favorable aux créanciers, car, étant définie plus largement, la confusion des patrimoines est un peu plus facilement admise.
    • Ce changement de terminologie a été confirmé par la jurisprudence postérieure.
    • Dans un arrêt Métaleurop du 19 avril 2005, la Cour de cassation a par exemple affirmé que « dans un groupe de sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et les avances de fonds par la société-mère, qu’elle a constatés, révélaient des relations financières anormales constitutives d’une confusion du patrimoine de la société-mère avec celui de sa filiale » ( com. 19 avr. 2005).
    • Dans un autre arrêt du 13 septembre 2011, la chambre commerciale a adopté une solution qui s’inscrit dans le droit fil de ce mouvement.
    • Elle valide la décision d’une Cour d’appel en relevant que « l’arrêt retient que, dépassant la seule obligation, qui lui était imposée par le bail, d’effectuer les grosses réparations au sens de l’article 606 du code civil, la société System’D a supporté, en plus du loyer, la charge d’importants travaux d’aménagement, intérieur et extérieur, de l’immeuble loué pour un coût équivalent à six années de loyers, qu’elle a dû partiellement financer par le recours à l’emprunt, tandis que la SCI, au terme du bail, devenait, sans aucune indemnité, propriétaire de tous les aménagements ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations caractérisant des relations financières anormales entre les deux sociétés, peu important l’absence de mouvements de fonds entre elles relatifs aux travaux d’aménagement, la cour d’appel a légalement justifié sa décision»
    • Une fois de plus, le contrôle minutieux par la Cour de cassation de la motivation des juges du fond témoigne de son niveau d’exigence quant à la caractérisation de la confusion des patrimoines fondée sur l’existence de relations financières anormales.
    • Plus récemment, dans un arrêt du 16 juin 2015, la Cour de cassation a considéré que « pour caractériser des relations financières anormales constitutives d’une confusion de patrimoines, les juges du fond n’ont pas à rechercher si celles-ci ont augmenté, au préjudice de ses créanciers, le passif du débiteur soumis à la procédure collective dont l’extension est demandée» ( com. 16 juin 2015).

Cass. com. 7 janv. 2003
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 16 novembre 2010), que, le 3 mars 1999, M. X... et Mme Y... ont constitué une société civile immobilière BLM (la société BLM) qui a donné à bail, le 24 mars 1999, un immeuble à l'entreprise individuelle de Mme Y... ; que, le 1er juillet 2008, Mme Y... a été mise en liquidation judiciaire, M. Z... étant désigné liquidateur ; que, le 30 juin 2009, le tribunal a prononcé l'extension de la liquidation judiciaire de Mme Y... à la société BLM et à M. X... ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé l'extension à son encontre de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que des flux financiers anormaux ne sont susceptibles de caractériser une confusion de patrimoines que s'ils procèdent d'une volonté systématique et qu'ils se sont déroulés sur une période étendue ; que la cour d'appel qui, pour retenir une confusion de patrimoines, s'est bornée à relever l'existence de flux anormaux entre l'entreprise La Flèche deux roues et M. X..., sans constater que ces prétendus flux procédaient d'une volonté systématique et s'étaient déroulés pendant une période étendue, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-2 et L. 631-2 du code de commerce ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'il résulte de l'examen des pièces versées aux débats que M. X..., qui s'était en réalité conduit comme le gérant de fait de l'entreprise liquidée depuis sa création, avait, s'immisçant sans titre dans la comptabilité de Mme Y..., établi pour le compte de celle-ci des chèques sans procuration sur le compte de l'entreprise et des factures, ainsi qu'à titre personnel passé des commandes pour des pièces détachées et diverses fournitures pour un véhicule automobile sans rapport démontré avec l'exercice de ce commerce ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a constaté que ces flux financiers anormaux suffisaient à caractériser l'imbrication inextricable des patrimoines personnels de M. X... et Mme Y..., a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) La fictivité de la personne morale

Conformément à l’article L. 621-2 du Code de commerce, l’extension de la procédure de sauvegarde peut également résulter de la fictivité de la personne morale.

Toute la question est alors de savoir ce que l’on doit entendre par fictivité. Qu’est-ce qu’une personne morale fictive ?

  • Notion de fictivité
    • Une société est fictive lorsque les associés n’ont nullement l’intention de s’associer, ni même de collaborer
    • Ils poursuivent une fin étrangère à la constitution d’une société
  • Caractères de la fictivité
    • Les juges déduiront la fictivité de la société en constatant le défaut d’un ou plusieurs éléments constitutifs de la société
      • Défaut d’affectio societatis
      • Absence d’apport
      • Absence de pluralité d’associé

Dans un arrêt Franck du 19 février 2002, soit avant l’intervention du législateur en 2005, la Cour de cassation avait déjà estimé (Cass. com. 19 févr. 2002) que la fictivité d’une société soumise à une procédure collective devait être sanctionnée par l’extension de ladite procédure au véritable maître de l’affaire.

Cass. com. 19 févr. 2002
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Z..., Mme Y... et M. Y... ont constitué, le 14 décembre 1988, la société Garaude production investissements (société GPI) qui est devenue actionnaire de la société Z... ; que la société GPI a été mise en redressement judiciaire le 4 novembre 1994, converti en liquidation judiciaire le 10 mars 1995, M. X... étant désigné en qualité de liquidateur ; que le liquidateur a demandé au tribunal de constater la fictivité de la société GPI et d'étendre notamment à M. Y... la procédure collective ouverte à l'égard de cette société ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Vu l'article 7 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-5 du Code de commerce ;

Attendu que, pour étendre à M. Y... la liquidation judiciaire de la société GPI, l'arrêt retient que la société GPI et la société Z... avaient les mêmes associés, que l'emprunt contracté par la société GPI auprès de la société Sicofrance avait pour seul but de procurer à la société Z..., qui lui avait donné mandat de le souscrire, les liquidités dont celle-ci avait besoin, que la société GPI, sans autre activité pendant quatre ans que d'avoir contracté un emprunt destiné à la société Z..., n'avait réalisé aucune des opérations industrielles et commerciales comprises dans son objet social ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si M. Y..., associé, était le maître de l'affaire sous couvert de la personne morale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE,

EN RÉSUMÉ :

Schéma 2.JPG

II) La procédure d’extension de la procédure de sauvegarde

A) Les personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article L. 621-2, al. 2 du Code de commerce, « à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale. »

La liste des personnes ayant qualité à agir en extension de la procédure de sauvegarde est donc limitative.

Elle comprend:

  • L’administrateur
  • Le mandataire judiciaire
  • Le débiteur
  • Le ministère public

Les créanciers ne peuvent, de la sorte, agir que par l’entremise du mandataire.

Ils n’ont pas qualité pour formuler une demande d’extension de la procédure.

Cette règle, consacrée par le législateur en 2008, avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 16 mars 1999.

La chambre commerciale rejette le pourvoi formé par un créancier qui sollicitait individuellement, l’extension d’une procédure collective.

Elle considère dans cette décision « qu’après avoir relevé que la société Botta et fils ne possédait pas la qualité de créancière de la société Pitance nécessaire pour l’assigner directement en redressement judiciaire, l’arrêt retient exactement qu’à le supposer établi, le préjudice de la société Botta et fils serait commun à l’ensemble des créanciers de la société Botta Savoie et que l’action exercée au nom et dans l’intérêt de l’ensemble des créanciers n’est pas ouverte aux créanciers individuels» ( com. 16 mars 1999).

Cette solution a été réitérée sans ambiguïté notamment dans un arrêt remarqué du 15 mai 2001.

Elle avait estimé dans cette décision que « l’action tendant à l’extension de la procédure collective d’une personne à une autre sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité d’une personne morale n’est pas ouverte aux créanciers» ( com. 15 mai 2001).

B) Forme de la demande

  • Lorsque le Tribunal est saisi par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le débiteur
    • Conformément à l’article R. 621-8-1 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie d’assignation
  • Lorsque le Tribunal est saisi par le ministère public
    • Conformément à l’article R. 631-4 du Code de commerce la demande d’extension de la procédure est formée par voie de requête

C) Notification du jugement d’extension

Aux termes de l’article R. 621-8-1 du Code de commerce le jugement d’extension est signifié au débiteur soumis à la procédure et au débiteur visé par l’extension, à la diligence du greffier, dans les huit jours de son prononcé.

Il est communiqué, dans le même délai :

  • Aux mandataires de justice désignés ;
  • Au procureur de la République ;
  • Au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement.

D) Publicité du jugement d’extension

  • En l’absence d’appel interjeté par le ministère public
    • En application de la combinaison des articles R. 621-8-1 et 621-8 du Code de commerce, le jugement qui prononce l’extension ou ordonne la réunion fait l’objet des publicités suivantes:
      • Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est mentionné avec l’indication des pouvoirs conférés à l’administrateur, lorsqu’il en a été désigné, au registre du commerce et des sociétés s’il s’agit d’un commerçant ou d’une personne morale immatriculée à ce registre.
      • À la demande du greffier du tribunal qui a ouvert la procédure, les mêmes mentions sont portées sur le répertoire des métiers ou sur le répertoire des entreprises dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, s’il s’agit d’une entreprise artisanale.
      • S’il s’agit d’une personne non immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou aux répertoires mentionnés au deuxième alinéa, les mentions sont portées sur un registre ouvert à cet effet au greffe du tribunal de grande instance. Dans ce cas, le greffier indique, selon le cas, le siège ou l’adresse du débiteur, les noms, prénoms et adresse du représentant légal de la personne morale débitrice ou du débiteur personne physique.
      • Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, conformément aux 1°, 3° et 4° de cet article, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15 ou celui mentionné à l’article R. 134-6 du présent code, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime.
      • Un avis du jugement est adressé pour insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur ou, lorsque la procédure est ouverte à raison de l’activité d’un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, la dénomination prévue par le dernier alinéa de l’article L. 526-6, selon le cas de son siège ou de son adresse professionnelle, de son numéro unique d’identification ainsi que, s’il y a lieu, du nom de la ville du greffe ou de la chambre de métiers et de l’artisanat de région où il est immatriculé ou, si un patrimoine a été affecté à l’activité en difficulté et selon le cas, de la ville où le greffe tient le registre prévu par l’article L. 526-7 ou, celle où est située la chambre d’agriculture mentionnée par ce texte, de l’activité exercée, de la date du jugement qui a ouvert la procédure et, le cas échéant, de celle de la cessation des paiements fixée par le tribunal si elle est différente. Elle précise également le nom et l’adresse du mandataire judiciaire et de l’administrateur s’il en a été désigné avec, dans ce cas, l’indication des pouvoirs qui lui sont conférés. Elle comporte l’avis aux créanciers d’avoir à déclarer leurs créances entre les mains du mandataire judiciaire et le délai imparti pour cette déclaration. Elle indique enfin les références électroniques du portail prévu par les articles L. 814-2 et L. 814-13.
      • Le même avis est publié dans un journal d’annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires.
      • Le greffier procède d’office à ces publicités dans les quinze jours de la date du jugement.
  • En cas d’appel interjeté par le ministère public
    • Les formalités de publicité ne sont effectuées par le greffier du tribunal qu’au vu de l’arrêt de la cour d’appel qui lui est transmis par le greffier de cette cour dans les huit jours de son prononcé.

E) Effets du jugement

Le jugement d’extension ne rétroagit pas à la date du jugement d’ouverture de la première procédure.

Cela signifie qu’il ne produira ses effets, tant à l’égard de la personne à qui la procédure est étendue, qu’à l’égard des tiers qu’au jour où il est notifié (dans le premier cas) ou publié (dans le second cas).

Il en résulte deux conséquences qu’il convient de souligner

  • D’une part, la qualification des créances détenues par les créanciers sera appréciée au regard, non pas de la date du jugement d’ouverture, mais de la date de la décision d’extension de la procédure.
  • D’autre part, le point de départ du délai de déclaration est la date du jugement d’extension, de sorte qu’un créancier forclos dans le cadre de la première procédure, bénéficiera d’une seconde chance pour valablement déclarer sa créance.

F) Voies de recours

  • Appel / Cassation
    • Le nouvel article L. 661-1-I, 3° du Code de commerce dispose que sont susceptibles d’appel ou de pourvoi en cassation les décisions statuant sur l’extension d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ou sur la réunion de patrimoines de la part du débiteur soumis à la procédure, du débiteur visé par l’extension, du mandataire judiciaire ou du liquidateur, de l’administrateur et du ministère public
    • L’appel doit être exercé dans un délai de 10 jours
  • Tierce opposition
    • La tierce opposition elle peut être formée dans un délai de 10 jours à compter de la publication du jugement d’extension au BODACC ( com. 16 mai 2006).

III) Les conséquences de l’extension de la procédure de sauvegarde

Plusieurs conséquences sont attachées à l’extension d’une procédure collective :

  • Unicité de la procédure
    • L’extension d’une procédure collective à toutes les personnes concernées par la confusion de patrimoines ou la fictivité d’une personne morale a notamment pour conséquence d’assujettir ces dernières à une procédure unique.
    • Il en résulte une extension de la date de cessation des paiements fixée initialement et de la loi applicable
  • Identité du traitement
    • Le traitement appliqué aux personnes à qui la procédure collective est étendue doit être identique à celui réservé au débiteur
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où une procédure de liquidation judiciaire est ouverte à l’encontre du débiteur initial, la même procédure doit être appliquée à toutes les personnes concernées par l’extension de procédure sans distinction, quand bien même leur situation financière ne justifierait pas qu’elles fassent l’objet d’une liquidation.
    • Bien que contestée par certains auteurs, cette règle a été affirmée à plusieurs reprises par la Cour de cassation.
    • Dans un arrêt du 23 juin 1998, la chambre criminelle a notamment censuré une Cour d’appel qui avait admis l’application d’un traitement différencié entre débiteurs dans le cadre d’une extension de procédure alors que « divers faits établissant l’existence d’une confusion des patrimoines et que, compte tenu des liens juridiques des trois entités entre elles et de l’étroite imbrication des patrimoines en présence, il y avait lieu de joindre les procédures de redressement judiciaire ouvertes contre elles» ( crim. 23 juin 1998).
  • Réunion des patrimoines
    • L’une des principales conséquences de la procédure d’extension est que les patrimoines qui ont été artificiellement dissociés par les personnes auxquelles cette procédure s’applique sont réunis en une seule de masse active et passive.
    • La reconstitution d’un patrimoine commun permettra ainsi d’apurer le passif commun avec les éléments d’actifs qui ont été réunis sans qu’il soit besoin de tenir compte de leur affectation originelle entre les personnes visées par l’extension de procédure.
    • Il s’ensuit, pour ces dernières, qu’elles deviennent débitrices du passif commun, peu importe qu’elles en soient ou non à l’origine.
    • Autrement dit, toutes les personnes concernées par la procédure sont tenues solidairement à l’obligation à la dette.
    • Elles conservent, néanmoins, leur autonomie propre en ce sens que lorsque des sociétés sont visées, elles conservent leur personnalité morale.
    • Dans un arrêt du 17 juillet 2001, au visa de l’article L. 624-3 du Code de commerce en a notamment tiré la conséquence que « les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu’il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d’autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d’une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n’ont pas été les dirigeants» ( com. 17 juill. 2001).

Cass. com. 17 juill. 2001
Sur le moyen unique :

Vu l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 624-3 du Code de commerce ;

Attendu que les dettes de la personne morale que ce texte permet, aux conditions qu'il prévoit, de mettre à la charge des dirigeants, ne peuvent comprendre celles d'autres personnes morales auxquelles la procédure collective a été étendue sur le fondement d'une confusion de patrimoines mais dont ceux-ci n'ont pas été les dirigeants ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que plusieurs associations, dont Flash, Conventillo Z..., Jules A... et Mercure, ont été mises en redressement, le 1er octobre 1991, puis liquidation judiciaires ;

que le tribunal a constaté la confusion des patrimoines de l'ensemble de ces associations et a reporté leur date de cessation des paiements au 1er avril 1990 ; que le liquidateur a assigné, notamment, M. Chatelain, président des associations Flash et Conventillo Z..., et Mme Llop, présidente des associations Jules A... et Mercure en paiement de l'insuffisance d'actif "de la liquidation judiciaire des associations" ;

Attendu que pour condamner M. Chatelain et Mme Llop à supporter l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire des associations Flash, Conventillo Z..., Jules A..., Mercure, Z... 94 et Interface communication, à concurrence d'1 000 000 francs, l'arrêt retient qu'en raison de la confusion des patrimoines ordonnée par le tribunal, les fautes de gestion commises par les dirigeants ont contribué à la création de l'insuffisance d'actif de l'ensemble des associations, tout en relevant que M. Chatelain et Mme Llop n'exerçaient, chacun, des fonctions de dirigeants, qu'au sein de deux des associations ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 septembre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

  • Sort des créances
    • Déclaration de créances
      • Conséquence directe de la réunion des patrimoines en une seule masse, la déclaration de créance effectuée par un créancier auprès du mandataire vaut à l’encontre de toutes les personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com. 1er oct. 1997).
      • Dans un arrêt du 19 février 2002, la Cour de cassation est venue néanmoins nuancer cette règle en exigeant que la déclaration de créance ait été accomplie postérieurement à l’extension de la procédure ( com. 19 févr. 2002).
    • Confusion
      • Dans l’hypothèse où les personnes visées par l’extension de la procédure seraient titulaires l’une contre l’autre de créances, la réunion des patrimoines en une seule masse aurait pour conséquence de réaliser une confusion.
      • Le mécanisme de confusion est défini à l’article 1300 du Code civil qui prévoit que « lorsque les qualités de créancier et de débiteur se réunissent dans la même personne, il se fait une confusion de droit qui éteint les deux créances.»
      • La confusion opère de la sorte extinction des créances réciproques.
    • Compensation
      • Lorsqu’un créancier du débiteur est lui-même débiteur de la personne à qui la procédure collective est étendue, la réunion des patrimoines a pour conséquence de créer les conditions de réalisation de la compensation légale.
      • Le nouvel article 1289 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l’une envers l’autre, il s’opère entre elles une compensation qui éteint les deux dettes»
      • L’article 1291 pose comme condition que les deux dettes aient « pour objet une somme d’argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles.»
      • Si tel est le cas, « la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs ; les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives» ( 1290 C. civ.).
  • Sort des garanties
    • Les sûretés réelles
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté spéciale
        • l’extension de la procédure ne modifie en aucune manière l’étendue de leur gage qui conserve son assiette initiale : le bien sur lequel porte la sûreté spéciale (V. en ce sens com., 16 déc. 1964)
      • Les créanciers sont titulaires d’une sûreté générale
        • Dans cette hypothèse, le gage des créanciers est étendu aux biens des personnes visées par l’extension de procédure (V. en ce sens com., 2 mars 1999)
    • Les sûretés personnelles
      • L’extension d’une procédure collective ne saurait en aucun cas aggraver la situation de la caution en augmentant la portée de son engagement.
      • Dans un arrêt du 25 novembre 1997, la Cour de cassation a considéré en ce sens que dans la mesure où « le cautionnement doit être exprès», dès lors qu’il porte sur une dette déterminée, il ne saurait être étendu à d’autres dettes, notamment celles contractées par les personnes visées par l’extension de la procédure ( com., 25 nov. 1997).

L’actif disponible: élément constitutif de la cessation des paiements

Pour être en cessation des paiements, le débiteur doit se trouver dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Quel sens donner à la formule « actif disponible » ?

Il s’agit de l’actif immédiatement réalisable, soit celui qui le débiteur est en mesure de rassembler afin de satisfaire à la demande de règlement du créancier.

I) Problématique

La difficulté soulevée par la notion d’actif disponible réside dans la question de savoir ce que l’on doit entendre par « disponible ».

Plus précisément, à partir de quand peut-on considérer que l’actif du débiteur est disponible ?

Est-ce seulement l’actif mobilisable immédiatement ? À très court terme ? À court terme ? À moyen terme ?

Où placer le curseur ?

Si le débiteur possède des biens immobiliers, doivent-il être pris en compte dans le calcul de l’actif disponible où doit-on estimer que l’existence d’un délai entre la demande du créancier et la vente des biens ne permet pas de les intégrer dans l’actif disponible ?

II) La jurisprudence

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible est entendue très étroitement par la Cour de cassation.

Bien que cette dernière n’ait pas donné de définition précise de la notion, ces différentes décisions permettent de cerner son niveau d’exigence à l’endroit des juges du fond.

==> Les éléments exclus de l’actif disponible

  • Les biens immobiliers
    • Dans un arrêt du 27 février 2007, la Cour de cassation a estimé que « l’actif de la société, constitué de deux immeubles non encore vendus, n’était pas disponible» ( com. 27 févr. 2007)
    • En l’espèce, le débiteur était pourtant sur le point de recevoir paiement du prix de vente dans le cadre d’une opération d’expropriation.
    • Cet argument n’a toutefois pas convaincu la chambre commerciale qui a confirmé l’état de cessation des paiements constaté par la Cour d’appel.
  • Le fonds de commerce
    • Dans un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’exclusion du fonds de commerce de l’actif disponible du débiteur.
      • Faits
        • Une société est placée en redressement judiciaire après constat de l’état de cessation des paiements
      • Demande
        • Le liquidateur assigne le dirigeant de la société débitrice en paiement des dettes sociales pour n’avoir pas déclaré l’état de cessation des paiements dans les délais
      • Procédure
        • Par un arrêt du 26 janvier 2015, la Cour d’appel de Pau déboute le liquidateur de sa demande
        • Les juges du fond estiment que l’état de cessation des paiements est intervenu à une date postérieure de celle évoquée par le liquidateur
        • Pour eux, devait être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, la valeur du fonds de commerce mis en vente de la société débitrice
      • Solution
        • Par un arrêt du 15 février 2011, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel
        • La Cour de cassation estime, indépendamment de la question du passif exigible, que le fonds de commerce, bien que mis en vente, ne constitue pas un élément de l’actif disponible.
        • La chambre commerciale adopte ici une vision très restrictive de l’actif disponible.
        • Il ne peut s’agir que de l’actif réalisable et mobilisable immédiatement.
        • Or ce n’est pas le cas d’un fonds de commerce mis en vente.
      • Analyse
        • Que retenir de cette décision ?
        • L’actif disponible ne comprend pas les biens réalisables à court terme, ce qui est le cas des immobilisations.
        • Elles doivent donc être systématiquement exclues de l’assiette de l’actif disponible.
  • Une créance à recouvrer
    • La Cour de cassation considère régulièrement qu’une créance à recouvrer ne peut pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible
    • Dans un arrêt du 7 février 2012 elle a estimé en ce sens que « si le montant d’une créance à recouvrer peut, dans certaines circonstances exceptionnelles, être ajouté à l’actif disponible, il résulte des conclusions de Mme Y… que, non seulement, celle-ci n’indiquait pas dans quel délai elle escomptait percevoir le montant de la créance qu’elle invoquait sur le Trésor, mais que celle-ci était égale au montant total des sommes déclarées par le comptable public en 2007 diminué du montant global des décharges d’impositions qu’elle avait obtenues, à la fois par décision d’une juridiction administrative du 1er juin 2010 et par décision de l’administration du 3 août 2006, antérieure aux déclarations des créances fiscales, lesquelles n’ont, dès lors, porté que sur les sommes estimées encore dues, de sorte qu’il n’existait, au vu des conclusions, de certitude ni sur l’existence d’un solde en faveur de Mme Y…, ni sur la possibilité de son encaissement dans des conditions éventuellement compatibles avec la notion d’actif disponible ; que la cour d’appel n’était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes »
    • Autrement dit, pour la chambre commerciale parce que le recouvrement de créance est une opération qui comporte, en soi, une part d’aléa, la créance à recouvrer ne peut être incluse dans le calcul de l’actif disponible, sauf cas exceptionnel.
  • La garantie à première demande
    • Dans un arrêt du 26 juin 1990, la Cour de cassation a estimé qu’une garantie à première demande ne pouvait pas être intégrée dans le calcul de l’actif disponible ( com. 26 juin 1990)
    • Qu’est-ce qu’une garantie à première demande ?
    • Il s’agit d’un acte par lequel un garant (le plus souvent une banque ou une compagnie d’assurances) s’engage à payer dès la 1ère demande et dans un délai de 15 jours, à la demande du bénéficiaire (le pouvoir adjudicateur), une somme d’argent déterminée sans pouvoir soulever d’exception, d’objection ou de contestation tenant à l’exécution de l’obligation garantie selon le contrat de base.
      • Faits
        • En l’espèce, un tiers (le district de Lacq) garantissait une dette du débiteur (la Secadil) à l’égard de l’un de ses créanciers (la Sofrea) en vertu d’une garantie à première demande.
        • Le garant avait également accepté que les sommes qu’il pourrait verser à la suite de l’appel de garantie ne seraient pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la Secadil (le débiteur).
      • Demande
        • La Sofrea (le créancier) assigne son débiteur en redressement judiciaire
      • Procédure
        • La cour d’appel de Pau prononce un sursis à statuer, retenant que la garantie donnée par le district avait pour effet d’apurer le passif de la Secadil vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible
        • Pour les juges du fond le créancier, en l’état, n’apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des « cautions » ne permettait pas le règlement du prêt.
      • Solution
        • L’arrêt de la Cour de cassation est cassé pour violation de l’article 3 de la loi du 25 janvier 1985, définissant la cessation des paiements.
        • Au soutien de sa décision, elle considère que « après avoir relevé que la SECADIL était dans l’impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu’envers les autres organismes prêteurs, ” le terme d’état de cessation des paiements pouvant donc s’appliquer à elle “, et alors que ni l’existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l’accord de celui-ci pour différer l’exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d’une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l’appréciation de l’état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d’appel a violé les textes susvisés»
        • Autrement dit, pour la chambre commerciale ce qui doit être pris en compte pour apprécier l’état de cessation des paiements, c’est uniquement la situation du débiteur au jour où le tribunal statue, sans tenir compte du crédit dont il peut disposer auprès de tiers (banquiers, cautions…).
        • Il s’agissait pourtant d’une garantie à première demande, soit réalisable sous 15 jours.
        • Selon la Cour de cassation ce délai fait obstacle à l’intégration de la garantie à première demande dans l’assiette de l’actif disponible.

Cass. com. 26 juin 1990
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985, ensemble l'article 380-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, créancière de la Société d'exploitation du circuit automobile du district de Lacq (la SECADIL) en vertu d'un prêt de somme d'argent consenti à cette dernière avec la garantie à première demande du district de Lacq (le district) qui avait, par ailleurs, accepté que les sommes versées par lui à ce titre ne deviennent pas immédiatement exigibles dans ses rapports avec la débitrice, la Société de financement régional Elf-Aquitaine (la SOFREA), après commandement fait à l'emprunteuse pour avoir paiement des échéances non réglées, l'a assignée en redressement judiciaire ;

Attendu que, pour surseoir à statuer sur cette demande, l'arrêt retient que la garantie donnée par le district avait pour effet d'apurer le passif de la SECADIL vis-à-vis des tiers, sans y substituer une créance exigible, de sorte que la SOFREA, en l'état, n'apportait pas la preuve de la cessation des paiements de la débitrice, cette preuve ne pouvant être établie que si le jeu des " cautions " ne permettait pas le règlement du prêt ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi, après avoir relevé que la SECADIL était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements tant envers la SOFREA qu'envers les autres organismes prêteurs, " le terme d'état de cessation des paiements pouvant donc s'appliquer à elle ", et alors que ni l'existence de la garantie à première demande consentie par le district, ni l'accord de celui-ci pour différer l'exigibilité à son égard de la dette de la SECADIL résultant d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie ne pouvaient influer sur l'appréciation de l'état de cessation des paiements de la société au moment où elle statuait sur la demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mise en redressement judiciaire de la SECADIL, l'arrêt rendu le 18 octobre 1988, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse

==> Les éléments inclus dans l’actif disponible

  • Les liquidités
    • Les liquidités correspondent à la trésorerie dont dispose le débiteur sur ses comptes bancaires.
    • De par leur nature, ces fonds sont disponibles à vue.
    • Il en va de même des effets de commerce dont il est susceptible d’être porteur, tels qu’une lettre de change ou un billet à ordre.
    • L’origine des liquidités est indifférente pour la Cour de cassation.
    • Il importe peu, en conséquence, que pour échapper à la cessation des paiements, le débiteur effectue un apport en compte courant (V. en ce sens com. 24 mars 2004).
    • Cette démarche ne doit toutefois pas avoir pour finalité de maintenir artificiellement en vie « une société qui était manifestement en état de cessation de paiements avec ses seuls actifs».
  • Les réserves de crédit
    • Aux termes de l’article L. 631-1 du Code de commerce, « le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements»
    • Pour mémoire, cette précision a été ajoutée par l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté
    • Alors que sous l’empire du droit antérieur la jurisprudence a pu être fluctuante sur cette question, l’intervention du législateur a permis de clarifier les choses.
    • Les réserves de crédits consenties au débiteur par les créanciers, doivent être incluses dans le calcul de l’actif disponible.

==> Conclusion

Il ressort de la jurisprudence que la notion d’actif disponible doit être entendue très étroitement.

Il ne peut s’agir que des éléments immédiatement réalisables.

Un parlementaire avait suggéré de n’y intégrer que les éléments d’actifs réalisables à un mois (Amendement Lauriol : JOAN CR, 16 oct. 1984, p. 4690).

Cette proposition n’a pas été retenue, le gouvernement de l’époque ne souhaitant pas enfermer la notion de cessation des paiements dans des délais, ce qui présenterait l’inconvénient de considérablement réduire la marge d’appréciation laissée au juge.

Or en matière de traitement des entreprises en difficulté, c’est le principe du cas par cas qui préside à la décision des tribunaux.

Aussi, l’actif disponible correspond-il à celui qui peut être mobilisé à très court terme, ce qui exclut tous les biens dont la réalisation suppose l’accomplissement de formalités.

La conséquence en est que ne peut être comprise dans l’actif disponible la valeur du patrimoine immobilier du débiteur qui, bien que supérieure au passif exigible, n’est pas réalisable immédiatement.

Les délais de grâce: régime juridique

?Intérêt de la distinction entre les termes conventionnels, judiciaires et légaux

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

  • Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation
  • Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier
  • Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

I) Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

II) Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

III) Domaine d’application des délais de grâces

?Principe

Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé.

Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle.

La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente

L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »

Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.

?Exceptions

Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.

Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.

Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :

  • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
  • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
  • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
  • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
  • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

IV) Textes

?Droit commun

Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer :

  • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
  • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce

?Textes spéciaux

Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières

Tel est le cas par exemple en matière :

  • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
  • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
  • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

V) Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

VI) Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires

?Les modalités principales

  • Le report de l’échéance
    • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
    • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
    • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
  • L’échelonnement de la dette
    • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.

?Les modalités accessoires

Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce :

  • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
    • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
  • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
    • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

VII) La procédure d’octroi du délai de grâce

?L’exigence d’une décision de justice

Aux termes de l’article 510 du Code de procédure civile, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l’exécution.

Par décision, il faut entendre :

  • Les jugements de première instance
  • Les arrêts d’appel
  • Les accords de conciliation ou de médiations homologués par le juge
  • Les sentences arbitrales
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire
  • Les titres exécutoires délivrés par les huissiers de justice en cas de non-paiement d’un chèque
  • Les titres exécutoires délivrés par les personnes morales de droit public

?Le pouvoir souverain d’appréciation du juge

La faculté conférée au juge d’octroyer des délais de grâce relève de son pouvoir souverain d’appréciation.

Dans un arrêt du 24 octobre 2006, la Cour de cassation a considéré en ce sens qu’« en refusant d’accorder un délai de paiement au débiteur, la cour d’appel n’a fait qu’exercer le pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 1244-1 du code civil, sans avoir à motiver sa décision » (Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006, n°04-16.706).

Cass. 1ère civ. 24 oct. 2006

Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :

Vu les articles 9 du code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que dans son numéro daté du 7 juin 2001, l’hebdomadaire l’Express a publié, au sein d’un dossier intitulé “Lille. Les réseaux qui comptent”, un article titré “Francs-maçons, le ménage s’impose” ; que, relatant la mise en examen pour faux en écriture publique, favoritisme et prise illégale d’intérêts de M. Michel X…, maire de Ronchin (Nord), le journal fait état de l’appartenance de l’intéressé et de huit membres nominativement désignés du conseil municipal à la franc-maçonnerie ;

Attendu que pour condamner la société Groupe Express-Expansion, éditrice, et M. Denis Y…, directeur de la publication, à dommages-intérêts envers les personnes ainsi mentionnées, l’arrêt retient que l’appartenance à la franc-maçonnerie relève de la vie privée, que l’article n’apporte aucune révélation sur le lien entre l’activité des plaignants et leur affiliation divulguée, ni sur la solidarité ayant pu en résulter dans la commission invoquée des faits délictueux, et que la mention litigieuse avait donc été purement gratuite, sans nécessité au regard ni de la teneur générale des développements, ni de la mise en examen intervenue, ni du devoir d’informer le public ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait observé que le contexte général de la publication était la mise au jour, légitime dans une société démocratique, de réseaux d’influence, et que l’appartenance à la franc-maçonnerie suppose un engagement, de sorte que la révélation litigieuse, qui s’inscrivait dans le contexte d’une actualité judiciaire, était justifiée par l’information du public sur un débat d’intérêt général, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et par suite a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 juin 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

?La motivation de la décision

Il ressort des articles 1343-5 du Code civil et 510 du Code de procédure civile que lorsque le juge octroie au débiteur un délai de grâce il doit spécialement motiver sa décision

?Juridiction compétence

La juridiction compétente pour statuer en matière de délai de grâce sera différente selon

  • Le montant du litige
    • Pour les litiges qui relèvent de matières civiles, c’est le Tribunal judiciaire qui sera compétent.
    • Le juge des contentieux de la protection sera notamment amené à connaître des actions relatives au crédit à la consommation et des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers.
  • La nature du litige
    • Le Tribunal de commerce sera compétent pour connaître des délais de grâce en matière commerciale.
    • Le Tribunal d’instance sera compétent pour connaître les litiges en matière de crédit à la consommation ou de saisie des rémunérations
    • Le juge de l’exécution sera compétent pour connaître les demandes de délai de grâce formulées dans le cadre de l’exécution d’une décision de justice.

?Point de départ du délai de grâce

Aux termes de l’article 511 du Code de procédure civile

  • Lorsque la décision est contradictoire, le délai court à compter du jour de son prononcé
  • Lorsque la décision n’est pas contradictoire, le délai court à compter du jour de sa notification

VIII) Effets

?Les effets à l’égard du débiteur

L’octroi d’un délai de grâce a pour effet principal d’empêcher l’engagement de poursuites judiciaires et non d’affecter le terme de l’obligation, en ce que son exigibilité serait suspendue, soit pour partie en cas d’échelonnement de la dette, soit totalement en cas de report de l’échéance à une date ultérieure

L’article 1347-3 du Code civil prévoit encore que le délai de grâce ne fait pas obstacle à la compensation, de sorte que la dette qui pèse sur la tête du débiteur peut être éteinte en cas de compensation avec une créance dont il serait titulaire contre son créancier.

?Les effets à l’égard du créancier

En application de l’article 1343-5, al. 4 du Code civil

  • D’une part, la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier.
  • D’autre part, Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

L’article 513 du Code de procédure tempère néanmoins cette règle en disposant que le délai de grâce ne fait pas obstacle aux mesures conservatoires.

Cette faculté offerte au créancier lui permet de se garantir contre une éventuelle défaillance de paiement à l’issue du délai de grâce.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?