Les caractères du cautionnement: accessoire, consensuel et unilatéral

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs du cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur les caractères de l’opération.

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenue que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

La notion de cautionnement: éléments constitutifs et caractères

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

§1: Les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement

Le cautionnement consiste donc en une opération triangulaire à laquelle interviennent trois personnes : un créancier, un débiteur et une caution.

  • Un premier rapport – principal – se noue entre le créancier et le débiteur qui entretiennent entre eux un lien d’obligation
  • Un deuxième rapport – accessoire – se crée entre la caution et le créancier, la première s’engageant contractuellement à payer le second en cas de défaillance du débiteur
  • Un troisième rapport est établi entre la caution et le débiteur. Il se distingue des deux autres en ce qu’il ne consiste pas en un lien d’obligation. Il ne sera mis en jeu qu’en cas de défaillance du débiteur.

 

Pratiquement, en cas de défaillance du débiteur principal, soit s’il n’exécute pas l’obligation à laquelle il est tenu envers le créancier, ce dernier pourra actionner en paiement la caution au titre de l’engagement accessoire auquel elle a souscrit.

Après avoir désintéressé le créancier, la caution pourra alors se retourner contre le débiteur aux fins d’être remboursée à concurrence de ce qu’elle a payé.

 

Analysons désormais, un à un, les trois rapports autour desquels s’articule l’opération de cautionnement.

I) Le rapport entre le créancier et le débiteur

Le cautionnement ne se conçoit, pour mémoire, que s’il existe une obligation principale à garantir.

C’est là la raison d’être de n’importe quelle sûreté : conférer au créancier un droit – personnel ou réel – qui lui procure une position le prémunissant du risque de défaillance de son débiteur.

Chez les romains, l’engagement pris au titre d’un cautionnement se confondait avec l’obligation garantie, si bien que la caution et le débiteur étaient solidairement tenus envers le créancier.

Tel n’est plus le cas aujourd’hui. L’engagement souscrit par la caution est distinct de l’obligation principale, bien qu’accessoire à cette dernière.

La question qui alors se pose est de savoir si toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement.

Pour le déterminer, il y a lieu de se reporter aux articles 2292 et 2293 du Code civil qui fixent les exigences auxquelles l’obligation cautionnée doit répondre.

  • Une obligation valable
    • La spécificité – sans doute la plus importante – du cautionnement réside dans son caractère accessoire.
    • Par accessoire, il faut comprendre que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.
    • Pour cette raison, l’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable», soit une obligation qui n’est entachée d’aucune irrégularité quant à ses éléments constitutifs.
    • Un contrat qui serait frappé de nullité ne peut donc pas faire l’objet d’un cautionnement. Il s’agit là d’un empêchement dirimant à l’engagement de caution.
    • Par exception à la règle, l’alinéa 2 de l’article 2293 du Code civil prévoit que « celui qui se porte caution d’une personne physique dont il savait qu’elle n’avait pas la capacité de contracter est tenu de son engagement. »
  • Une obligation présente ou future
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures […]. »
    • L’obligation présente est celle qui naît au jour de la souscription du cautionnement, peu importe qu’elle soit ou non exigible à cette même date.
    • S’agissant de l’obligation future, il s’agit de celle dont le fait générateur survient postérieurement à la souscription du cautionnement.
    • Si le cautionnement de dettes futures est admis, encore faut-il que l’obligation cautionnée soit déterminable.
  • Une obligation déterminée déterminable
    • L’article 2292 du Code civil prévoit que « le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations […] déterminées ou déterminables. »
    • Il ressort de cette disposition que le cautionnement peut avoir pour objet n’importe quelle obligation, pourvu qu’elle soit déterminable.
    • À cet égard, l’article 1163, al. 3e du Code civil prévoit que « la prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire. »
    • Appliquée au cautionnement, cette règle implique, en substance, que l’acte régularisé par la caution soit suffisamment précis pour que l’on soit en mesure de déterminer l’étendue de son engagement.

Au bilan, il se dégage des articles 2292 et 2293 du Code civil que toutes les obligations sont susceptibles de faire l’objet d’un cautionnement, dès lors qu’elles sont valables et déterminables.

Qu’il s’agisse de leur source ou de leur nature, elles tous deux sont sans incidence sur la potentialité d’une dette être cautionnée.

  • S’agissant de la source de l’obligation cautionnée
    • Si, dans la très grande majorité des cas, les obligations cautionnées résultent de la conclusion d’un contrat, on s’est demandé si les obligations qui trouvent leur source dans un délit ou quasi-délit ne pouvaient pas également faire l’objet d’un cautionnement.
    • Pendant longtemps, la jurisprudence s’est refusé à l’admettre (V. en ce sens 2e civ. 13 déc. 1993).
    • Au soutien de cette position, il a été avancé est que le cautionnement ne pouvait avoir pour objet qu’une obligation valable.
    • Or un délit ou quasi-délit futur présente, par hypothèse, un caractère illicite.
    • D’où le refus de la Cour de cassation de reconnaître la validité d’un cautionnement qui porterait sur une obligation délictuelle.
    • Un revirement a néanmoins été opéré par la Cour de cassation dans un arrêt du 8 octobre 1996.
    • Dans cette décision, la Première chambre civile a jugé que « le cautionnement garantissant le paiement à la victime de créances nées d’un délit ou d’un quasi-délit est licite» (Cass. 1ère 8 oct. 1996, n°94-19.239).
    • Elle a réaffirmé cette solution, en des termes similaires, dans un arrêt du 13 mai 1998 ( 1ère civ. 13 mai 1998, n°96-14.852).
    • Depuis lors, cette position adoptée par la Cour de cassation n’a pas été remise en cause.
  • S’agissant de la nature de l’obligation cautionnée
    • L’obligation cautionnée consiste, en principe, pour le débiteur à payer au créancier une somme d’argent.
    • Dans le silence des textes, rien n’interdit toutefois que le cautionnement ait pour objet une obligation de faire, soit une obligation consistant pour le débiteur à fournir une prestation autre que le transfert d’une somme d’argent.
      • Exemple: le menuisier s’engage, dans le cadre du contrat conclu avec son client, à fabriquer un meuble
    • En cas de défaillance du débiteur, quid de l’exécution de l’obligation de la caution ?
    • En application de l’article 1231-1 du Code civil, les auteurs s’accordent à dire que la caution ne sera nullement tenue de fournir la prestation promise par le débiteur initialement.
    • Elle devra seulement verser au créancier une somme d’argent qui correspond à la valeur de cette prestation.

II) Le rapport entre la caution et le créancier

==> La source du cautionnement : le contrat

Bien que le cautionnement tire sa raison d’être de l’existence d’une obligation principale à garantir, il ne se confond pas avec cette obligation.

Le cautionnement désigne le rapport qui se noue entre, d’un côté, le créancier de l’obligation cautionnée et, d’un autre côté, la personne qui s’oblige à payer en cas de défaillance du débiteur, la caution.

La spécificité du lien qui unit le créancier à la caution réside dans sa nature conventionnelle. Car un cautionnement procède toujours de la conclusion d’un contrat.

C’est là une particularité qui le distingue des sûretés réelles, lesquelles peuvent puiser leur source indifféremment dans la loi, le contrat ou la décision du juge.

Tel n’est pas le cas du cautionnement qui peut certes être imposé par la loi ou par le juge, auquel cas on le qualifiera de légal ou de judiciaire.

Néanmoins, dans ces deux hypothèses, la constitution du cautionnement ne procédera nullement d’une obligation qui pèserait sur un tiers de garantir la dette d’autrui.

Il s’agit seulement pour la loi ou pour le juge de subordonner l’octroi ou le maintien d’un droit à la fourniture par le débiteur d’une caution.

Celui qui donc accepte de se porter caution au profit du débiteur le fera toujours volontairement, sans que la loi ou le juge ne l’y obligent.

Aussi, le cautionnement que l’on qualifie couramment – et par abus de langage – de légal ou judiciaire s’analyse, en réalité, en une sûreté purement conventionnelle puisqu’il sera souscrit dans le cadre de la conclusion d’un contrat entre un tiers (la caution) et le débiteur.

Il en résulte qu’il est soumis, pour une large part, au droit des obligations et plus précisément aux règles qui intéressent la formation, le contenu et l’extinction du contrat.

==> Les parties au contrat de cautionnement

Parce que le cautionnement est un contrat, il est nécessairement le produit de la rencontre des volontés de deux personnes : la caution et le créancier.

  • La caution
    • La caution, désignée parfois sous le qualificatif de fidéjusseur en référence au fidejussor qui endossait le rôle de caution en droit romain, n’est autre que la personne qui s’engage envers le créancier à payer en lieu et place du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
    • En application du principe de l’autonomie de la volonté, une personne ne saurait valablement se porter caution sans y avoir consenti.
    • Aussi, ne peut-on être obligé à un cautionnement contre son gré ou à son insu : la souscription d’un engagement de caution procède toujours d’une démarche volontaire.
    • Par ailleurs, pour être partie à un contrat de cautionnement il faut justifier de la capacité juridique requise, soit disposer de la capacité à contracter, ce qui n’est pas le cas des mineurs ou des majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de tutelle ou de curatelle.
    • Dès lors, en revanche, que la condition tenant à la capacité est remplie, toute personne physique ou morale peut se porter caution.
    • En outre, il est indifférent que la personne qui s’oblige à cautionner la dette d’autrui endosse la qualité de consommateur ou de professionnel.
    • La qualité de la caution a pour seul effet de lui conférer une protection plus ou moins renforcée.
    • C’est ainsi que le cautionnement souscrit par une personne physique au profit d’un créancier professionnel est soumis à un régime juridique particulièrement contraignant.
    • Les exigences applicables sont, à l’inverse, bien moins rigoureuses lorsque le cautionnement est conclu en dehors d’une relation d’affaires.
  • Le créancier
    • Le créancier, qui peut indifféremment être une personne physique ou morale, est le bénéficiaire de l’engagement souscrit par la caution.
    • Dans cette opération triangulaire que constitue le cautionnement, il occupe une position pour le moins privilégiée puisque, tant dans ses rapports avec la caution, que dans ses rapports avec le débiteur principal, il se trouve toujours dans la situation de celui envers qui une prestation est due :
      • Le débiteur doit exécuter la prestation initialement promise
      • La caution doit garantir l’exécution de l’obligation du débiteur
    • S’agissant du cautionnement, la position du créancier est d’autant plus favorable qu’il s’agit d’un contrat unilatéral, en ce sens qu’il ne crée d’obligations qu’à la charge de la seule caution.
    • Dans ces conditions, la qualité du créancier devrait être sans incidence sur le régime applicable : qu’il endosse ou non la qualité de professionnel, le cautionnement souscrit par la caution devrait être soumis aux mêmes exigences.
    • Tel n’est toutefois pas le cas, le législateur ayant, au fil des réformes, mis à la charge des créanciers professionnels et notamment des établissements crédits un certain nombre d’obligations – toujours plus nombreuses – l’objectif recherché étant de conférer une protection à la caution.
    • Cette distinction entre créanciers professionnels et créanciers non-professionnels introduite initialement dans le Code de la consommation a été reprise par l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés.
    • Elle figure désormais dans le Code civil, corpus au sein duquel toutes les règles régissant le cautionnement ont été rassemblées.

==> La situation du débiteur

Parce que le cautionnement est un contrat, seuls la caution et le créancier endossent la qualité de partie.

Bien que le débiteur soit directement intéressé à l’opération, il y reste néanmoins étranger et doit donc, à ce titre, être regardé comme un tiers.

Aussi, le débiteur est-il insusceptible de fixer les termes du contrat de cautionnement, ni de s’ingérer dans son exécution.

La plupart du temps, l’engagement de caution sera, certes, pris sur la demande du débiteur.

L’article 2288 du Code civil prévoit toutefois expressément qu’un contrat de cautionnement peut être conclu à son insu, soit sans que son accord ait été sollicité, ni qu’il ait été informé.

III) Le rapport entre la caution et le débiteur

À la différence du lien qui unit le créancier au débiteur principal ou le créancier à la caution dont la qualification ne soulève pas de difficulté – il s’agit dans les deux cas d’un contrat – le rapport que la caution entretient avec le débiteur se laisse, quant à lui, plus difficilement saisir.

La raison en est que la nature de ce rapport est susceptible de varier selon les circonstances qui ont conduit à la conclusion du cautionnement.

Deux situations doivent être distinguées :

  • Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur
  • Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

A) Le cautionnement n’a pas été conclu à la demande du débiteur

Dans cette hypothèse, le cautionnement a été conclu sans que le débiteur ait donné son accord. Tout au plus, il peut avoir été informé de l’opération. Il n’en est toutefois pas à l’origine.

Faute de rencontre des volontés entre le débiteur et la caution, la qualification de contrat du lien qui les unit doit d’emblée être écartée.

Leur relation présente un caractère purement légal. Aussi, est-elle réduite à sa plus simple expression, soit se limite, en simplifiant à l’extrême, aux seuls recours que la loi confère à la caution contre le débiteur défaillant.

Au nombre de ces recours figurent :

  • Le recours personnel
    • L’article 2308 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu’elle a payées que pour les intérêts et les frais. »
  • Le recours subrogatoire
    • L’article 2309 du Code civil prévoit que « la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.»

Réciproquement, on pourrait imaginer que le débiteur dispose d’un recours contre la caution pour le cas où cette dernière ne déférerait pas à l’appel en garantie du créancier, cette situation étant susceptible de lui causer un préjudice.

Reste que, dans la configuration envisagée ici, l’engagement de caution a été pris indépendamment de la volonté du débiteur.

Dans ces conditions, on voit mal comment celui-ci pourrait se prévaloir d’une obligation qui n’est, ni prévue par la loi, ni ne peut trouver sa source dans un contrat.

D’aucuns soutiennent que lorsque le cautionnement est souscrit à l’insu du débiteur, il s’analyse en une gestion d’affaires, car il répondrait aux critères de l’acte de gestion utile.

Cette qualification, si elle était retenue par le juge, pourrait alors fonder une action du débiteur contre la caution, au titre des obligations qui pèsent sur le gérant d’affaires.

L’article 1301 du Code civil prévoit notamment qu’il « est soumis, dans l’accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d’un mandataire. »

L’article 1301-1 précise que le gérant « est tenu d’apporter à la gestion de l’affaire tous les soins d’une personne raisonnable ; il doit poursuivre la gestion jusqu’à ce que le maître de l’affaire ou son successeur soit en mesure d’y pourvoir ».

Si l’on transpose ces règles au cautionnement, cela signifie que l’inexécution de l’engagement pris par la caution envers le créancier serait constitutive d’un manquement aux obligations qui lui échoient en sa qualité de gérant d’affaires.

Aussi, le débiteur serait-il fondé, en tant que maître de l’affaire, à engager la responsabilité de la caution.

Pour l’heure, aucune décision n’a, à notre connaissance, été rendue en ce sens. Par ailleurs, la doctrine est plutôt défavorable à l’application des règles de la gestion d’affaires au rapport caution-débiteur.

Des auteurs affirment en ce sens que la qualification de gestion d’affaires « nécessite une volonté de gérer les affaires d’autrui qui est ici trop ténue ; surtout, elle impliquerait la libération du garant dès l’acceptation de l’opération par le maître de l’affaire (le débiteur), ce qui est inconcevable »[2].

B) Le cautionnement a été conclu à la demande du débiteur

Dans l’hypothèse où le cautionnement a été souscrit par la caution à la demande du débiteur, ce qui correspond à la situation la plus fréquente, il est admis que le rapport qu’ils entretiennent entre eux présente un caractère contractuel.

La raison en est que, dans cette configuration, l’engagement pris par la caution procède d’un accord, tacite ou exprès, conclu avec le débiteur à titre gratuit ou onéreux.

Tel est le cas, par exemple, lorsque le débiteur sollicite un établissement bancaire aux fins qu’il lui fournisse, moyennant rémunération, un service de caution.

Le recours à une caution professionnelle peut être exigé, soit par la loi ou le juge, soit par le prêteur lui-même en contrepartie de l’octroi d’un crédit.

Quels que soit les caractères de l’accord conclu entre le débiteur et la caution, il est le produit d’une rencontre des volontés, en conséquence de quoi il s’analyse en un contrat.

Reste à déterminer la qualification de ce contrat, ce qui n’est pas sans avoir fait l’objet d’une importante controverse.

Plusieurs qualifications ont, en effet, été attribuées par les auteurs à l’accord conclu entre le débiteur et la caution.

Ces qualifications diffèrent néanmoins selon que l’accord initial a donné lieu ou non à la régularisation d’un cautionnement.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

  • Le mandat
    • Les auteurs classiques ont d’abord vu dans le lien noué entre le débiteur et la caution un mandat.
    • En sollicitant la caution afin qu’elle garantisse l’exécution de l’obligation principale, le débiteur lui aurait, en effet, donné mandat de s’engager au profit du créancier.
    • A priori, cette approche est parfaitement compatible avec la qualification de mandat, lequel est défini à l’article 1984 du Code civil comme « l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom».
    • L’exécution du mandat consistant ainsi à accomplir un acte juridique au nom et pour le compte du mandant, il semble possible d’imaginer que cet acte puisse être un cautionnement.
    • Bien que séduisante, cette analyse est aujourd’hui unanimement réfutée par la doctrine.
    • Le principal argument avancé tient aux effets du mandat qui divergent fondamentalement de ceux attachés au contrat conclu entre le débiteur et la caution.
    • Lorsque dans le cadre de l’exercice de sa mission, le mandataire accompli un acte, il agit au nom et pour le compte du mandant, de sorte qu’il n’est pas engagé personnellement à l’opération.
    • Tel n’est pas le cas de la caution qui, lorsqu’elle conclut un cautionnement au profit du créancier, s’oblige personnellement à l’opération, quand bien même elle agit sur la demande du débiteur.
    • En cas de défaillance de celui-ci, c’est donc bien elle qui sera appelée en garantie et personne d’autre.
    • Pour cette raison, la relation que le débiteur entretient avec la caution ne peut pas s’analyser en un mandat.
  • Le contrat de commission
    • Afin de surmonter l’obstacle tenant aux effets du mandat qui, par nature, est une technique de représentation, des auteurs ont suggéré de qualifier le lien unissant le débiteur à la caution de mandat sans représentation, dont la forme la plus connue est le contrat de commission.
    • Au soutien de cette analyse, il est soutenu que le mandat pourrait avoir pour objet une représentation imparfaite, ce qui correspond à l’hypothèse où le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom ( 1154, al. 2e C. civ.)
    • La conséquence en est qu’il devient seul engagé à l’égard du cocontractant.
    • Celui qui est réputé être partie à l’acte ce n’est donc pas le représenté, comme en matière de représentation parfaite, mais le représentant qui endosse les qualités de créanciers et débiteurs.
    • Appliqué au rapport entretenu entre le débiteur et la caution, la qualification de mandat sans représentation permet d’expliquer pourquoi la caution est seule engagée au contrat de cautionnement.
    • Reste que cette qualification n’est pas totalement satisfaisante, elle présente une faille.
    • En effet, la conclusion d’un mandat de représentation suppose que l’engagement pris par le mandataire, qui donc agit en son nom personnel, soit exactement le même que l’obligation mise à la charge du mandant après le dénouement de l’opération.
    • Tel n’est cependant pas le cas en matière de cautionnement : l’obligation souscrite par la caution est différente de l’obligation qui pèse sur le débiteur.
    • L’engagement de la caution se limite à payer le créancier en cas de défaillance du débiteur, tandis que l’obligation mise à la charge de celui-ci a pour objet la fourniture de la prestation initialement promise.
    • Les deux obligations ne sont pas les mêmes, raison pour laquelle la qualification de mandat sans représentation ne s’applique pas au rapport caution-débiteur.
  • La promesse de cautionnement
    • Autre qualification attribuée à la relation entretenue par la caution avec le débiteur : la promesse de cautionnement.
    • Selon cette thèse, défendue par Franck Steinmetz, la caution endosserait la qualité de promettant, en ce sens qu’elle promettrait au débiteur de s’engager auprès du créancier à garantir l’exécution de l’obligation principale.
    • Là encore, cette proposition de qualification du rapport caution-débiteur n’emporte pas la conviction.
    • En premier lieu, une promesse de contrat a pour objet la conclusion d’un contrat définitif.
    • Par hypothèse, elle est donc conclue entre les mêmes parties que celles qui concluront l’accord final.
    • L’opération de cautionnement ne correspond pas à cette situation : la caution promet au débiteur de s’obliger à titre définitif non pas envers lui ce qui n’aurait pas de sens, mais envers une tierce personne, le créancier.
    • Il n’y a donc pas identité de parties entre la promesse de cautionnement et le contrat de cautionnement stricto sensu.
    • En second lieu, à supposer que l’engagement pris par la caution envers le débiteur s’analyse en une promesse, leurs rapports devraient prendre fin au moment même où le contrat de cautionnement est conclu.
    • Or tel n’est pas le cas. La relation entre le débiteur et la caution se poursuit bel et bien tant que le cautionnement n’est pas éteint.
    • Pour les deux raisons ainsi exposées, la qualification de promesse de contrat doit être écartée.
  • Le contrat de crédit
    • S’il est une qualification du rapport débiteur-caution qui fait l’unanimité : c’est celle de contrat de crédit.
    • En promettant au débiteur de payer le créancier qui le solliciterait, l’opération s’analyse incontestablement en un crédit.
    • Classiquement, on définit le crédit comme l’« opération par laquelle une personne met ou fait mettre une somme d’argent à disposition d’une autre personne en raison de la confiance qu’elle lui fait»[3].
    • Bien que correspondant au sens commun que l’on attache, en première intention, au crédit, cette définition est pour le moins étroite, sinon réductrice des opérations que recouvre en réalité la notion de crédit.
    • En effet, le crédit ne doit pas être confondu avec le prêt d’argent qui ne connaît qu’une seule forme : la mise à disposition de fonds.
    • Tel n’est pas le cas du crédit qui, comme relevé par François Grua, « peut se réaliser de trois manières différentes : soit par la mise à disposition de fonds, soit par l’octroi d’un délai de paiement, soit par un engagement de garantie d’une dette»[4].
    • Cette approche est confirmée par l’article L. 313-1 du Code monétaire et financier qui définit le crédit comme « tout acte par lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie».
    • Il ressort de cette disposition que la loi envisage donc deux formes de crédit, la première consistant en la mise à disposition temporaire ou future de fonds, la seconde en l’octroi d’une garantie.
    • Le cautionnement, qui est nommément visé par le texte, appartient à la seconde catégorie.
    • Il constitue donc une opération de banque au sens de l’article L. 311-1 du Code monétaire et financier et relève donc, lorsqu’il est pratiqué de façon habituelle, du monopole des établissements bancaires et financiers ( L. 511-5, al. 1er CMF).
    • L’article 511-7 du Code monétaire et financier autorise toutefois une entreprise, « quelle que soit sa nature», dans l’exercice de son activité professionnelle, à consentir à ses contractants des délais ou avances de paiement.
    • En application de cette disposition, il a été admis qu’il pouvait également s’agir pour une entreprise de se porter caution ou sous-caution, y compris à titre habituel, au profit d’un partenaire commercial.

==> L’accord intervenu entre le débiteur et la caution a donné lieu à la conclusion d’un cautionnement

Il est des cas où, alors même que la caution s’est engagée envers le débiteur à le garantir de son obligation souscrite auprès du créancier, aucun cautionnement ne sera finalement régularisé.

Dans cette hypothèse, quelle qualification donner à l’accord conclu entre la caution et le débiteur ?

L’enjeu est ici de faire produire des effets à cet accord et plus encore de déterminer dans quelle mesure la caution est engagée envers le créancier alors même qu’elle n’a conclu aucun cautionnement avec lui, à tout le moins pas directement.

Certains auteurs estiment que, parce que l’accord intervenu entre la caution et le débiteur est pourvu de la force obligatoire attachée à n’importe quel contrat, la conclusion d’un contrat de cautionnement ne serait, au fond, pas indispensable.

Pratiquement, cela permettrait d’admettre qu’une caution puisse s’engager au profit d’un créancier indéterminé.

Au soutien de cette thèse, il a été soutenu que l’accord conclu entre le débiteur et la caution s’analyserait en une stipulation pour autrui.

Pour mémoire, la stipulation pour autrui est un contrat par lequel une partie appelée le stipulant, obtient d’une autre, appelée le promettant, l’engagement qu’elle donnera ou fera, ou ne fera pas quelque chose au profit d’un tiers appelé le bénéficiaire.

Il s’agit, autrement dit, de faire promettre, par voie contractuelle, à une personne qu’elle s’engage à accomplir une prestation au profit d’autrui.

L’une des applications la plus répandue de la stipulation pour autrui est l’assurance-vie. Le souscripteur du contrat d’assurance-vie fait promettre à l’assureur de verser un capital ou une rente, moyennant le paiement de primes, à un bénéficiaire désigné dans le contrat.

 

À l’instar du cautionnement, la stipulation pour autrui fait naître trois rapports :

  • Rapport stipulant-promettant
    • Parce que l’accord conclu entre le stipulant et le promettant s’analyse en un contrat, le promettant est tenu d’exécuter l’obligation promise à la faveur du bénéficiaire.
    • Ainsi, l’article 1209 du Code civil prévoit que « le stipulant peut lui-même exiger du promettant l’exécution de son engagement envers le bénéficiaire».
  • Rapport promettant-bénéficiaire
    • L’article 1206 du Code civil prévoit que « le bénéficiaire est investi d’un droit direct à la prestation contre le promettant dès la stipulation».
    • Cela signifie que le bénéficiaire peut contraindre le promettant à exécuter l’engagement pris à son profit aux termes de la stipulation, quand bien même il n’est pas partie au contrat.
    • C’est là l’originalité de la stipulation pour autrui, le droit dont est investi le bénéficiaire contre le promettant naît directement dans son patrimoine sans qu’il lui soit transmis par le stipulant.
  • Rapport stipulant-bénéficiaire
    • La stipulation pour autrui fait certes naître un droit direct au profit du bénéficiaire contre le promettant.
    • Ce droit demeure néanmoins précaire tant qu’il n’a pas été accepté par le bénéficiaire.
    • L’article 1206 du Code civil prévoit, en effet que « le stipulant peut librement révoquer la stipulation tant que le bénéficiaire ne l’a pas acceptée.»
    • Ce n’est donc que lorsque le bénéficiaire a accepté la stipulation que le droit stipulé à son profit devient irrévocable.

Il ressort de l’articulation des rapports entretenus par les personnes intéressées à la stipulation pour autrui, que cette opération présente de nombreuses ressemblances avec le cautionnement.

Afin de déterminer s’il y a identité entre les deux, superposons les rapports de l’une et l’autre opération :

  • Tout d’abord, le rapport entre le stipulant et le promettant correspondrait au rapport débiteur-caution
  • Ensuite, le rapport entre le promettant et le bénéficiaire correspondrait quant à lui au rapport caution-créancier
  • Enfin, le rapport entre le stipulant et le bénéficiaire correspondrait au rapport débiteur-créancier

 

Si donc l’on raisonne par analogie, à supposer que l’opération de cautionnement s’analyse en une stipulation pour autrui, cela signifierait que la caution serait engagée envers le bénéficiaire du seul fait de l’accord conclu avec le débiteur.

Il en résulterait alors deux conséquences :

  • Le créancier pourrait poursuivre la caution, alors même qu’aucun contrat de cautionnement n’a été conclu entre eux
  • Le débiteur pourrait contraindre la caution à exécuter l’engagement pris envers le créancier

Bien que séduisante, l’analogie opérée par une partie de doctrine entre le cautionnement et la stipulation pour autrui ne résiste pas à la critique pour deux raisons principales.

En premier lieu, le cautionnement est un contrat. L’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés n’est pas revenue sur cette spécificité.

Le nouvel article 2288 du Code civil prévoit en ce sens que « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il en résulte qu’il ne peut valablement produire ses effets qu’à la condition qu’il y ait un échange des consentements entre la caution et le débiteur.

L’article 2294 précise, à cet égard, que le cautionnement doit être exprès, ce qui signifie qu’il ne peut pas être présumé.

C’est là une différence majeure avec la stipulation pour autrui dont l’originalité réside précisément dans la création d’un lien d’obligation entre le promettant et le bénéficiaire sans qu’aucun accord ne soit directement intervenu entre eux.

Le promettant est personnellement engagé envers le bénéficiaire du seul fait du contrat conclu avec le stipulant.

Pour cette seule raison, l’analogie entre le cautionnement et la stipulation pour autrui est inopérante.

En second lieu, si, une fois régularisé, le contrat de cautionnement oblige la caution à payer le créancier en cas d’appel en garantie, c’est à la condition que ce dernier préserve les droits et actions dont il est investi à l’égard du débiteur.

L’article 2314 du Code civil prévoit, en effet, que « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s’opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu’elle subit. »

Ainsi, le créancier doit-il prendre toutes les mesures utiles aux fins de ménager ce que l’on appelle le bénéfice de subrogation qui joue, de plein droit, au profit de la caution qui a payé en lieu et place du débiteur.

Pour que le créancier soit en mesure de satisfaire à cette obligation qui lui échoit, encore faut-il ait connaissance de l’engagement pris par la caution envers lui.

Or tel ne sera pas nécessairement le cas si l’on se place dans la configuration de la stipulation pour autrui : aucune obligation n’impose que le bénéficiaire soit informé de l’accord conclu entre le stipulant et le promettant.

Surtout, et c’est là un argument déterminant nous semble-t-il, le principe même de faire peser sur le créancier une obligation en matière de cautionnement – au cas particulier celle de préserver les droits et actions dans lesquels la caution est susceptible de se subroger – est incompatible avec la stipulation pour autrui qui ne peut jamais faire naître d’obligation à la charge du bénéficiaire.

Pour toutes ces raisons, le cautionnement ne saurait s’analyser en une stipulation pour autrui bien qu’il s’agisse là d’opérations dont les économies générales sont proches.

À cet égard, dans un arrêt du 18 décembre 2002, la Cour de cassation a prononcé la nullité d’un cautionnement qui reposait sur une stipulation pour autrui (Cass. 3e civ. 18 déc. 2002, n°99-18.141).

Il s’agissait en l’espèce, du cautionnement conclu entre un établissement bancaire et un entrepreneur principal au profit de ses sous-traitants.

La particularité de cette technique de garantie, qualifiée usuellement de « cautionnement-flotte » réside dans la couverture d’un risque global.

Il s’agit, en effet, pour l’entrepreneur principal de se faire garantir, comme l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 l’y oblige, le paiement de l’ensemble des sous-traitants qui ont vocation à intervenir sur le chantier pendant une période donnée.

Dans le silence des textes sur la forme que doit arborer cette garantie, une pratique s’était instituée consistant pour les établissements bancaires à cautionner de façon générale toutes opérations de sous-traitante présentes et futures, sans que le nom des sous-traitements ne soit expressément visé dans l’acte de cautionnement.

La Cour de cassation a condamné cette pratique au motif que « la caution personnelle et solidaire, garantissant le paiement de toutes les sommes dues par l’entrepreneur principal au sous-traitant en application du sous-traité, doit comporter le nom de ce sous-traitant et le montant du marché garanti, ce qui exclut l’existence d’une stipulation pour autrui ».

Au soutien de sa décision, la troisième chambre civile rappelle que, en application de la loi du 31 décembre 1975, les opérations de sous-traitance doivent être garanties par une caution solidaire, mais également personnelle obtenue par l’entrepreneur auprès d’un établissement bancaire.

Il en résulte que la validité du cautionnement souscrit est subordonnée à la mention du nom du sous-traitant et des sommes garanties dans l’acte.

Par cette décision, la Cour de cassation a ainsi posé un principe de prohibition du cautionnement-flotte.

Dans un arrêt du 20 juin 2012, elle est toutefois revenue sur sa position en admettant qu’il puisse y être recouru pour garantir le paiement des sous-traitants (Cass. 3e civ. 20 juin 2012, n°11-18.463).

La haute juridiction a, en effet, reconnu la validité de cette technique de garantie dès lors que :

  • D’une part, un accord-cadre a été régularisé entre l’entrepreneur principal et l’établissement de crédit
  • D’autre part, cet accord prévoit la notification par l’entrepreneur principal à l’établissement de crédit des contrats de sous-traitance qu’il entend faire garantir et qu’il lui soit délivré en retour par ce dernier, dans les trois jours ouvrés suivant la notification de l’avis, une attestation de cautionnement.

Bien que, par cette décision, la validité du cautionnement-flotte soit désormais admise, les conditions posées par la Cour de cassation excluent toujours la qualification de stipulation pour autrui.

En effet, il n’est certes plus besoin de mentionner le nom du sous-traitant dans l’accord-cadre initial instituant le cautionnement.

Cette exigence resurgit néanmoins à chaque fois que l’entrepreneur principal contracte avec un nouveau sous-traitant. Il s’oblige à notifier le contrat de sous-traitance à la caution.

Cette exigence ne se retrouve pas dans la stipulation pour autrui, le bénéficiaire au profit duquel le promettant s’engage pouvant être une personne indéterminée au moment de la conclusion du contrat à l’origine de la créance (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 7 oct. 1959, n°58-10.056).

Le nouvel article 1205, al. 2e in fine du Code civil prévoit en ce sens que le bénéficiaire « peut être une personne future mais doit être précisément désigné ou pouvoir être déterminé lors de l’exécution de la promesse. »

S’agissant du cautionnement-flotte, la Cour de cassation exige que le sous-traitant, soit désigné dès la formalisation du contrat de sous-traitance, soit avant même que la caution soit appelée à exécuter son engagement ; d’où l’incompatibilité avec la stipulation pour autrui.

§2: Les caractères de l’opération de cautionnement

I) Le caractère accessoire du cautionnement

A) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[5].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[6].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

B) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

1. L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

2. L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

3. L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenu que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

4. La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

II) Le caractère consensuel  du cautionnement

I) Principe

Il est admis que, conformément en application du principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[7].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

III) Le caractère unilatéral  du cautionnement

A) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[8].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

B) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

C) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°56, p. 44

[3] G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, 7e éd., 2005, p. 249, v. « crédit ».

[4] F. Grua, Les contrats de base de la pratique bancaire, Litec, 2001, n°324.

[5] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[6] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

[7] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

[8] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

Le caractère consensuel du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère consensuel du cautionnement.

I) Principe

Il est admis que, conformément au principe du consensualisme, le cautionnement appartient à la catégorie des contrats consensuels.

Pour mémoire le contrat consensuel est celui qui se « forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression ».

Il s’oppose au contrat solennel dont la validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi.

À cet égard, des auteurs soulignent que « quand la loi impose une exigence qui pourrait apparaître comme une condition de forme, elle doit être interprétée comme une règle de preuve afin de ne pas altérer le caractère consensuel du contrat »[1].

S’agissant du contrat de cautionnement il est réputé, par principe, formé dès lors que la volonté de la caution de s’engager a rencontré l’acceptation du créancier.

Si donc aucune forme particulière n’est, a priori, requise pour que le cautionnement soit valablement conclu, l’article 2294 du Code civil exige néanmoins qu’il soit « exprès ».

Par exprès, il faut comprendre que l’engagement de la caution doit être établi avec suffisamment de certitude.

Autrement dit, la caution doit avoir manifesté clairement la volonté de s’obliger au profit du créancier.

Cette volonté ne saurait se déduire des circonstances ou être tacite ; elle doit être positivement exprimée.

L’engagement oral de la caution est donc, par principe, pleinement valable, pourvu qu’il ne soit pas équivoque.

Dans un arrêt du 24 avril 1968 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui avait admis l’existence d’un cautionnement « par de simples présomptions » (Cass. civ. 24 avr. 1968).

S’agissant de l’acceptation du créancier, contrairement à l’engagement de la caution, il n’est pas exigé qu’il soit exprès.

Il est, en effet, admis que la volonté du créancier d’accepter le cautionnement soit tacitement exprimée, soit qu’elle puisse se déduire d’indices ou de son comportement (V. en ce sens Cass. com., 13 nov. 1972).

II) Exceptions

==> L’exception tenant au formalisme exigé à titre de preuve

Parce que le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est soumis aux exigences probatoires énoncées par l’article 1376 du Code civil.

Cette disposition prévoit que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres ».

Appliquée au cautionnement, cette règle signifie que l’acte qui constate l’engagement de caution n’a valeur de preuve qu’à la condition qu’il soit assorti d’une mention manuscrite apposée par la caution.

Si, conformément au principe du consensualisme, il a toujours été admis que cette mention manuscrite était exigée ad probationem, la Cour de cassation a, au cours des années 1980, adopté la position radicalement inverse en jugeant qu’il s’agissait là d’une condition de validité du cautionnement.

Dans un arrêt du 22 février 1984, elle a affirmé en ce sens « qu’il résulte de la combinaison des articles 1326 et 2015 du Code civil que les exigences relatives à la mention manuscrite ne constituent pas de simples règles de preuve mais ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 22 févr. 1984, n°82-17.077).

La première chambre civile a réaffirmé, dans les mêmes termes cette position dans un arrêt du 30 juin 1987 (Cass. 1ère civ. 30 juin 1987, n°85-15.760).

La solution retenue par la Cour de cassation a été très critiquée par la doctrine, les auteurs lui reprochant de se détourner de l’esprit des textes.

Au surplus, cette solution revenait à conférer un caractère solennel au cautionnement, ce qu’il n’est pas.

De son côté, la Chambre commerciale a refusé l’évolution jurisprudentielle – que d’aucuns ont qualifiée d’excès de formalisme – opéré par la Première chambre civile en jugeant que le défaut de mention manuscrite ne remettait nullement en cause la validité de l’acte constatant le cautionnement qui donc conservait sa valeur de commencement de preuve par écrit (Cass. com. 6 juin 1985, n°83-15.356).

Finalement, la première chambre civile s’est progressivement ralliée à la chambre commerciale.

Dans une première décision, elle a d’abord jugé que les exigences de signature et de mention manuscrite posées par l’ancien article 1326 du Code civil (devenu 1376 C. civ.) constituaient des « règles de preuve [qui] ont pour finalité la protection de la caution » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 1989, n°87-18.003).

Puis, dans une seconde décision rendue deux ans plus tard, elle en a tiré la conséquence que, « si l’absence de la mention manuscrite exigée par l’article 1326 du Code civil, dans l’acte portant l’engagement de caution […] rendait le cautionnement irrégulier, ledit acte constituait néanmoins un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par d’autres éléments » et que donc l’engagement de caution n’était pas nul (Cass. 1ère civ. 15 oct. 1991, n°89-21.936).

Si cette solution a eu pour effet de ramener le cautionnement dans le giron des contrats consensuels, cela est sans compter sur les incursions du législateur qui, guidé par la volonté de protéger la caution, a, en parallèle, progressivement institué un formalisme ad validitatem.

==> L’exception tenant aux règles de protection de la caution

Alors que le cautionnement a toujours été envisagé un contrat consensuel, la loi n°89-1010 du 31 décembre 1989, dite Neiertz, est venue semer le doute en soumettant le cautionnement conclu sous seing privé par une personne physique à l’exigence d’apposition d’une mention manuscrite sur l’acte.

L’ancien article L. 313-7 du Code de la consommation prévoyait en ce sens que la personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution pour l’une des opérations de crédit à la consommation ou de crédit immobilier doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci :

« En me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même ».

Cette mention était ainsi exigée ad validitatem, ce qui dès lors faisait conférait au cautionnement une dimension solennelle.

Puis la loi n° 2003-721 du 1er août 2003, dite Dutreil, a étendu l’exigence de reproduction de la mention manuscrite à tous les cautionnements souscrits par une personne physique sous seing privé au profit d’un créancier professionnel, peu importe la nature de l’opération cautionnée.

Depuis l’adoption de cette loi, les auteurs s’accordent à dire que le cautionnement doit désormais être regardé comme un contrat solennel, le législateur ayant érigé le formalisme en principe et reléguer le consensualisme au rang des exceptions.

La réforme opérée par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 n’y a rien changé.

L’exigence de mention manuscrite a été réaffirmée à l’article 2297 du Code civil. La règle s’applique désormais à tous les cautionnements souscrits par des personnes physiques quelle que soit la qualité du créancier (professionnel ou non professionnel)

Seule modification opérée par la réforme : la formule sacramentelle dictée par la loi a été abolie. Désormais, la mention doit simplement exprimer, avec suffisamment de précision, la nature et la portée de l’engagement de la caution.

Au bilan, cette évolution du régime de la mention manuscrite est sans incidence sur le caractère solennel du cautionnement qui a pris le pas sur son caractère consensuel.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] M. Cabrillac, Ch. Mouly, S. Cabrillac et Ph. Pétel, Droit des sûretés, éd. Litec, 2007, n°74, p.55.

Le caractère unilatéral du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserons ici sur le caractère unilatéral du cautionnement.

I) Signification

À l’origine le cautionnement a été envisagé comme ne créant d’obligation qu’à la charge de la seule caution.

S’il s’agit bien d’un contrat, car supposant l’accord des deux parties (caution et créancier), l’obligation qui pèse sur la caution (payer le créancier en cas de défaillance du débiteur) n’est assortie d’aucune contrepartie.

Cette particularité du cautionnement conduit à le classer dans la catégorie des contrats unilatéraux.

Pour mémoire, l’article 1106 du Code civil prévoit qu’un contrat est unilatéral « lorsqu’une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres sans qu’il y ait d’engagement réciproque de celles-ci. »

Le cautionnement répond pleinement à cette définition : seule la caution s’oblige envers le créancier qui doit accepter cet engagement faute de quoi le contrat n’est pas conclu.

À cet égard, si le caractère unilatéral du cautionnement n’est, aujourd’hui, pas contesté, une nuance doit néanmoins être apportée.

En effet, une analyse des textes révèle que l’engagement pris par la caution envers le créancier n’est pas la seule obligation créée par le cautionnement.

Surtout, il apparaît qu’un certain nombre d’obligations ont été mises à la charge du créancier, ce qui dès lors interroge sur le bien-fondé du caractère unilatéral que l’on prête au cautionnement, à tout le moins a pu semer le doute dans les esprits.

Par exemple, il pèse sur le créancier une obligation d’information de la caution sur l’état des remboursements de la dette principale. Il a encore été mis la charge de ce dernier une obligation de proportionnalité et de mise en garde.

Ces obligations – toujours plus nombreuses et rigoureuses – sont le fruit d’une succession de réformes qui ont visé à renforcer la protection de la caution.

La question s’est alors posée est de savoir si la multiplication des obligations qui ont été mises à la charge du créancier n’était pas de nature à priver le cautionnement de son caractère unilatéral.

Pour la doctrine majoritaire il n’en est rien dans la mesure où ces obligations ne constituent, en aucune manière, la contrepartie à l’engagement de la caution.

Un contrat synallagmatique, qui est la figure juridique opposé du contrat unilatéral, présente la particularité de créer des obligations réciproques entre les parties.

Par obligations réciproques, il faut entendre des obligations interdépendantes qui se servent mutuellement de contrepartie (ou de cause).

Tel n’est pas le cas des obligations qui pèsent sur le créancier qui « ne constituent pas l’engagement réciproque de celui qui a souscrit la caution »[1].

Il s’agit là d’obligations purement légales dont la fonction est seulement d’assurer la protection de la caution et non de lui fournir une quelconque contrepartie.

II) Conséquences

La qualification du cautionnement de contrat unilatéral emporte deux conséquences majeures :

  • Première conséquence
    • Parce qu’il présente un caractère unilatéral, le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du « double original ».
    • Cette formalité est réservée aux seuls contrats synallagmatiques.
    • L’article 1375 du Code civil prévoit en ce sens que « l’acte sous signature privée qui constate un contrat synallagmatique ne fait preuve que s’il a été fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct, à moins que les parties ne soient convenues de remettre à un tiers l’unique exemplaire dressé.»
    • Aussi, en pratique, le cautionnement ne sera établi qu’en un seul exemplaire, lequel sera conservé presque systématiquement par le créancier.
    • Aucune obligation ne pèse donc sur les établissements de crédit de remettre un exemplaire au client au profit duquel le cautionnement a été souscrit.
  • Seconde conséquence
    • Si le cautionnement n’est pas soumis à l’exigence du double original, il n’échappe pas pour autant à toute formalité probatoire.
    • L’article 1376 du Code civil prévoit, en effet, que « l’acte sous signature privée par lequel une seule partie s’engage envers une autre à lui payer une somme d’argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s’il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres»
    • Ainsi, pour valoir de preuve, l’acte de cautionnement doit comporter la signature de la caution et la mention manuscrite de la somme garantie en chiffres et en lettres.

III) Tempérament

Si, par nature, le cautionnement relève de la catégorie des contrats unilatéraux, il est des cas où il pourra présenter un caractère synallagmatique.

Il en ira ainsi, la caution s’engagera en contrepartie de la souscription d’obligations par le créancier.

Il pourra ainsi s’agir pour lui de consentir une remise de dette au débiteur, de proroger le terme ou encore de réduire le taux d’intérêt du prêt cautionné.

Dès lors que la caution s’engage en considération de l’engagement pris par le créancier, le cautionnement devient un contrat synallagmatique.

Il en résulte qu’il devra alors être établi en double original, conformément à l’existence posée à l’article 1375 du Code civil.

[1] M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°108, p. 75

Le caractère accessoire du cautionnement

Le cautionnement est une sûreté personnelle. Par sûreté personnelle il faut entendre, pour mémoire « l’engagement pris envers le créancier par un tiers non tenu à la dette qui dispose d’un recours contre le débiteur principal »[1].

Avant la réforme des sûretés entreprise par l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, le cautionnement était défini par l’article 2288 qui prévoyait que « celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ».

Cette définition avait le mérite de mettre en exergue le caractère triangulaire de l’opération de cautionnement. Reste que là n’est pas sa seule spécificité.

Le cautionnement se distingue surtout des autres sûretés en ce que :

  • D’une part, le lien qui unit la caution au créancier est nécessairement conventionnel
  • D’autre part, le cautionnement présente un caractère accessoire marqué
  • En outre, il consiste toujours en un acte unilatéral
  • Enfin, le débiteur principal, soit celui dont la dette est garantie par la caution, est un tiers à l’opération

Attentif aux critiques formulées à l’encontre de l’ancienne définition du cautionnement, le législateur a estimé, à l’occasion de la réforme des sûretés intervenue en 2021, qu’il y avait lieu de la moderniser en rendant compte des caractères essentiels du cautionnement.

Aussi, est-il désormais défini par le nouvel article 2288 du Code civil comme « le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. »

Il s’agit là d’une reprise, mot pour mot, de la proposition de définition formulée par l’avant-projet de réforme du droit des sûretés établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

Cette définition présente l’avantage de faire ressortir, tant les éléments constitutifs de l’opération de cautionnement, que ses caractères les plus saillants.

Nous nous focaliserions ici sur le caractère accessoire du cautionnement.

I) Signification du caractère accessoire

Il est de l’essence du cautionnement de présenter un caractère accessoire, en ce sens qu’il est affecté au service de l’obligation principale qu’il garantit.

Par accessoire, il faut comprendre, autrement dit, que le cautionnement suppose l’existence d’une obligation principale à garantir et que son sort est étroitement lié à celui de l’obligation à laquelle il se rattache.

Ainsi que le relève Philippe Simler « le cautionnement est à tous égards directement et étroitement dépendant de cette obligation : son existence et sa validité, son étendue, les conditions de son exécution et de son extinction sont déterminées par ce lien »[2].

La raison en est que l’engagement de la caution se rapporte à la même dette qui pèse sur la tête du débiteur. On dit qu’il y a « unicité de la dette », ce qui est confirmé par l’article 2288 qui prévoit que « la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur »[3].

Il en résulte que tout ce qui est susceptible d’affecter la dette cautionnée a vocation à se répercuter sur l’obligation de la caution.

À l’analyse, le caractère accessoire du cautionnement n’est affirmé expressément par aucun texte. La réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 n’a pas procédé au comblement de ce vide que la doctrine appelait pourtant de ses vœux.

L’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant proposait ainsi d’introduire un article 2286-2 du Code civil qui aurait posé un principe général, applicable à toutes les sûretés, selon lequel « sauf disposition ou clause contraire, la sûreté suit la créance garantie ».

Cette proposition n’a finalement pas été retenue, le législateur estimant que le caractère accessoire du cautionnement se dégageait suffisamment clairement d’un certain nombre de dispositions du Code civil.

Il est, en effet, plusieurs textes qui expriment la dépendance de l’engagement de la caution par rapport à l’obligation principale. Les manifestations du caractère accessoire du cautionnement sont multiples.

II) Les manifestations du caractère accessoire

Le caractère accessoire reconnu au cautionnement se dégage donc de plusieurs règles :

A) L’existence du cautionnement

L’article 2293 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ».

Il ressort de cette disposition que l’existence même du cautionnement dépend de la validité de l’obligation principale.

Autrement dit, la nullité ou l’inexistence de cette obligation a pour effet de rendre caduc le cautionnement.

À cet égard, il peut être observé que cette exigence ne fait pas obstacle au cautionnement d’une dette future, pourvu que cette dette soit déterminable et qu’elle ne soit pas frappée d’inexistence le jour où la caution est appelée en garantie (art. 2292, al. 1er C. civ.).

B) L’étendue du cautionnement

L’article 2296 du Code civil prévoit que « le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses, sous peine d’être réduit à la mesure de l’obligation garantie. »

Il s’infère de cette règle que la caution ne saurait être engagée, ni au-delà du montant de l’obligation principale, ni en des termes plus rigoureux.

La dette cautionnée constitue ainsi le plafond du cautionnement ; la caution ne doit jamais payer plus que ce qui est dû par le débiteur principal.

Rien n’interdit néanmoins, comme énoncé par le second alinéa de l’article 2296 qu’il soit « contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses ».

C) L’opposabilité des exceptions

==> Principe

L’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2293. »

Par exception, il faut entendre tout moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…).

Le principe d’opposabilité des exceptions puise directement son fondement dans le caractère accessoire du cautionnement.

Parce que la caution ne peut être tenue à plus que ce qui est du par le débiteur principal, elle doit être en mesure d’opposer au créancier tous les moyens que pourrait lui opposer le débiteur principal afin de se décharger de son obligation, à tout le moins de la limiter.

Il ne faudrait pas, en effet, que le débiteur principal puisse se libérer de son obligation, tandis que la caution serait contrainte, faute de pouvoir opposer les mêmes moyens de défense que le débiteur au créancier, de le payer.

Ne pas reconnaître à la caution cette faculté, l’exposerait donc à être plus rigoureusement tenue que le débiteur principal.

Or cette situation serait contraire au principe de limitation de l’étendue de l’engagement de caution à celle de l’obligation principale.

D’où le principe d’opposabilité des exceptions institué en matière de cautionnement ; il en est d’ailleurs l’un des principaux marqueurs.

À cet égard, il peut être observé que la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021 ne s’est pas limitée à réaffirmer ce principe, elle en a renforcé la portée.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

Sous l’empire du droit antérieur, une distinction était faite entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

En substance :

  • Les exceptions inhérentes à la dette sont celles qui affectent son existence, sa validité, son étendue ou encore ses modalités (prescription, nullité, novation, paiement, confusion, compensation, résolution, caducité etc.)
  • Les exceptions personnelles au débiteur sont celles qui affectent l’exercice du droit de poursuite des créanciers en cas de défaillance de celui-ci (incapacité du débiteur, délais de grâce, suspension des poursuites en cas de procédure collective etc.)

Seules les exceptions inhérentes à la dette étaient susceptibles d’être opposées par la caution au débiteur avant la réforme opérée par l’ordonnance du 15 septembre 2021.

Dans un premier temps, la jurisprudence a adopté une approche restrictive de la notion d’exception personnelle en ne retenant de façon constante comme exception inopposable au créancier que celles tirées de l’incapacité du débiteur.

Puis, dans un second temps, elle a opéré un revirement de jurisprudence en élargissant, de façon significative, le domaine des cas d’inopposabilité des exceptions.

Dans un arrêt du 8 juin 2007, la Cour de cassation a ainsi jugé que la caution « n’était pas recevable à invoquer la nullité relative tirée du dol affectant le consentement du débiteur principal et qui, destinée à protéger ce dernier, constituait une exception purement personnelle » (Cass. ch. Mixte, 8 juin 2007, n°03-15.602).

Elle a, par suite, étendu cette solution à toutes les causes de nullité relative (V. en ce sens Cass. com., 13 oct. 2015, n° 14-19.734).

La première chambre civile est allée jusqu’à juger que la prescription biennale prévue à l’article L. 218-2 du code de la consommation ne pouvait être opposée au créancier par la caution en ce qu’elle constituait « une exception purement personnelle au débiteur principal, procédant de sa qualité de consommateur auquel un professionnel a fourni un service » (Cass. 1ère civ. 11 déc. 2019, n°18-16.147).

En restreignant considérablement le domaine des exceptions inhérentes à la dette, il a été reproché à la haute juridiction de déconnecter l’engagement de la caution de l’obligation principale en ce qu’il est de nombreux cas où elle était devenue plus rigoureusement tenue que le débiteur lui-même.

Attentif aux critiques – nombreuses – émises par la doctrine et reprenant la proposition formulée par l’avant-projet de réforme des sûretés, le législateur en a tiré la conséquence qu’il y avait lieu de mettre un terme à l’inflation des cas d’inopposabilité des exceptions.

Par souci de simplicité et de sécurité juridique, il a donc été décidé d’abolir la distinction entre les exceptions inhérentes à la dette et celles personnelles au débiteur.

D’où la formulation du nouvel article 2298 du Code civil qui pose le principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu’elles soient personnelles à ce dernier ou inhérentes à la dette.

En reconnaissant à la caution le bénéfice des mêmes moyens de défense que ceux dont jouit le débiteur principal, le législateur a ainsi redonné une place centrale au caractère accessoire du cautionnement.

==> Dérogations

Il est seulement deux cas où le principe d’opposabilité des exceptions est écarté :

  • Premier cas
    • L’article 2298 du Code civil prévoit que l’incapacité du débiteur ne peut jamais être opposée par la caution au créancier.
    • Cette règle, qui déroge au caractère accessoire du cautionnement, se justifie par le caractère purement personnel de l’exception au débiteur.
    • Surtout, elle vise à favoriser le crédit des incapables dont les engagements doivent pouvoir être aisément cautionnés.
    • Pour ce faire, il est nécessaire de garantir au créancier qu’il ne risque pas de se voir opposer par la caution l’incapacité de son débiteur
    • D’où la dérogation portée au principe d’opposabilité des exceptions pour les personnes incapables (mineurs ou majeurs).
  • Second cas
    • L’alinéa 2 de l’article 2298 du Code civil prévoit que « la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire. »
    • Aussi par dérogation au principe d’opposabilité des exceptions, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (les délais de grâce d’origine légale ou judiciaire, suspension des poursuites dans le cadre d’une procédure collective etc.).
    • La raison en est que le cautionnement a précisément pour finalité de couvrir une telle défaillance.
    • L’ordonnance du 15 septembre 2015 est ici venue clarifier le principe qui était pour le moins obscur sous l’empire du droit antérieur.
    • Il est toutefois admis que le droit des procédures collectives ou le droit du surendettement puissent prévoir, dans certains cas, des solutions différentes en fonction des objectifs qui sont les leurs.
    • Tel sera notamment le cas en présence de cautions personnes physiques dirigeantes qui, par exemple, bénéficient de l’arrêt du cours des intérêts et peuvent se prévaloir de l’inopposabilité de la créance non déclarée.

IV) La transmission du cautionnement

Parce que le cautionnement présente un caractère accessoire, il suit l’obligation principale.

Il en résulte que, en cas de cession de créance, le cessionnaire se verra également transférer le bénéfice du cautionnement contracté au profit du cédant.

L’article 1321 du Code civil prévoit en ce sens que la cession « s’étend aux accessoires de la créance ».

Par accessoires, il faut comprendre toutes les sûretés attachées à la créance cédée, ce qui inclut les sûretés personnelles et donc le cautionnement.

À cet égard, non seulement la cession de créance emporte transmission du cautionnement au cédant, mais encore, conformément à l’article 1326 du Code civil, elle met à la charge du cessionnaire une obligation de garantir l’existence des accessoires de la créance.

[1] Art. 2286-1 de l’avant-projet de réforme établi par le Groupe de travail Présidé par Michel Grimaldi sous l’égide de l’association Henri Capitant.

[2] Ph. Simler, Le cautionnement – Définition, critère distinctif et caractères, Jurisclasseur, art. 2288 à 2320, Fasc. 10

[3] Pour une approche nuancée de cette thèse, V. notamment M. Bourassin et V. Brénmond, Droit des sûretés, éd. Dalloz, 2020, coll. « Sirey », n°145, p. 91

La transmission de la prestation compensatoire

La loi du 26 mai 2004 met fin au principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, qui ne sont plus en principe tenus personnellement à son paiement.

En conséquence, les anciennes dispositions ont été abrogées à la faveur d’un mécanisme automatique de prélèvement sur la succession et dans la limite de l’actif de celle-ci, déterminé à l’article 280 du Code civil.

Lorsque la prestation compensatoire a fait l’objet d’une convention, les dispositions des articles 280 à 280-2 sont applicables à défaut de clause particulière prévoyant le sort de la prestation en cas de décès du débiteur (art 279 dernier alinéa).

==> Principe : prélèvement de la prestation sur l’actif successoral

L’article 280 du Code civil prévoit que, au décès du débiteur, la prestation compensatoire fait l’objet d’un prélèvement sur l’actif successoral.

Si celui-ci est insuffisant, le paiement est supporté par tous les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument.

La prestation cesse d’être due au-delà du montant de l’actif, à l’instar d’autres créances soumises au même régime.

La prestation compensatoire constitue ainsi une dette de la succession.

Il convient de rappeler que, lorsque le conjoint survivant obtient une créance d’aliments sur le fondement de l’article 767, il devient un créancier de la succession et entre, en conséquence, en concours avec le créancier de la prestation compensatoire, tous deux étant des créanciers chirographaires.

==> Cas du capital échelonné

Lorsque la prestation a été fixée par le juge sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé est immédiatement exigible

==> Cas de la rente

Lorsque la prestation compensatoire prenait la forme d’une rente viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible, après déduction des pensions de réversion versées du chef du conjoint survivant, par application de l’article 280-2 (en l’absence de clause particulière de la convention).

Le caractère immédiatement exigible s’oppose à ce qu’une action en révision soit préalablement intentée par les héritiers du débiteur.

Les modalités de calcul résultent du décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d’un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire.

==> Exception : option des héritiers pour maintenir les modalités de paiement antérieures

Afin de ménager au dispositif toute la souplesse nécessaire, il est prévu un mécanisme d’option permettant aux héritiers de choisir de maintenir les modalités de paiement qui incombaient au débiteur lors de son décès.

  • Régime de l’option
    • L’option, qui n’est pas ouverte au créancier, nécessite l’accord unanime de tous les héritiers, constaté par acte notarié sous peine de nullité.
    • L’accord n’est opposable aux tiers qu’après notification au créancier, lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
  • Effets de l’option
    • Les héritiers, lorsqu’ils choisissent l’option, sont tenus personnellement au paiement de la prestation.
    • Ils bénéficient alors des mêmes droits que ceux dont bénéficiait le débiteur lui-même en matière de révision ou d’apurement.
    • Ainsi, en présence d’un capital échelonné, les modalités de paiement peuvent faire l’objet d’une révision et chacun peut verser le solde de la fraction de capital indexé qui lui incombe.
    • Lorsque la rente est maintenue, les héritiers s’obligent personnellement au paiement de celle-ci, après déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé.
    • En cas de modification ultérieure des droits à réversion ou de perte de ceux-ci, la déduction est maintenue de plein droit, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier.
    • Les héritiers peuvent saisir le juge d’une demande en révision de la rente, viagère ou temporaire, sur le fondement de l’article 276-3 ou en substitution d’un capital à la rente, par application de l’article 276-4.

La vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété

==> Principe

L’article 621 du Code civil dispose que « en cas de vente simultanée de l’usufruit et de la nue-propriété d’un bien, le prix se répartit entre l’usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits, sauf accord des parties pour reporter l’usufruit sur le prix. »

Cette disposition est directement issue de la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités qui a tenté de régler une difficulté à laquelle étaient confrontés les praticiens du droit.

En effet, dans le cas de la cession d’un bien démembré, la question se pose fréquemment de savoir comment répartir le prix de cession entre l’usufruitier et le nu-propriétaire.

Cette question ne concerne pas spécifiquement les partages successoraux, mais vise à préciser de manière générale le règlement de la vente globale d’un bien démembré, quel qu’en soit le contexte ou la raison.

La jurisprudence s’est abondamment prononcée en faveur de la répartition du prix de vente au prorata entre l’usufruit et la nue-propriété, considérant que tant l’usufruitier que le nu-propriétaire avaient droit à une portion du prix total correspondant à la valeur comparative de l’usufruit avec la nue-propriété (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 20 oct. 1987 ; Cass. 2e civ. 18 oct. 1989).

Il a, par suite, été jugé que les intérêts dus sur le prix de vente devaient également être partagés dans les mêmes proportions, sans que l’usufruitier puisse prétendre à leur totalité (Cass. 3e civ., 3 juillet 1991).

Mais, inversement, certains auteurs de la doctrine ont pu estimer qu’il convenait de reporter le démembrement de propriété sur le prix[4]. Cette thèse était toutefois minoritaire.

À l’examen, l’article 621, al. 1er du Code civil est venu consacrer la jurisprudence l’objectif recherché étant d’atteindre l’équité

Ainsi, cette disposition prévoit-elle que le prix de cession est réparti entre l’usufruitier et le nu-propriétaire – ou, ainsi que le dit le texte, entre l’usufruit et la nue-propriété – selon la valeur « respective » de chacun de ces droits.

Les parties conservent néanmoins la faculté de décider que l’usufruit se reportera sur le prix, ce qui revient à constituer un quasi-usufruit à la faveur de l’usufruitier, lequel pourra alors librement disposer de l’intégralité du prix de cession.

La contrepartie pour le nu-propriétaire résidera dans la restitution, à l’extinction de l’usufruit, du prix de cession lequel viendra s’imputer sur la masse successorale, puisque constituant une dette inscrite au passif. Cette dette viendra d’autant réduire l’assiette des droits de succession ; d’où l’intérêt de l’opération.

==> Valorisation

Quid de la valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété ?

Comme dans le cas de la conversion de l’usufruit total du conjoint survivant en rente viagère, les modalités de calcul de la valorisation respective des droits démembrés ne sont pas précisées par l’article 621.

Cette imprécision renvoie alors à la totale liberté des parties, dont le contentieux éventuel devra être tranché par le juge.

À cet égard, la jurisprudence a déjà eu à se prononcer sur le mode de calcul de la valeur de l’usufruit, en acceptant de ne pas l’asseoir nécessairement sur le barème de l’article 762 du Code général des impôts, dont l’application ne s’impose qu’en matière fiscale,

BARÈME DE L’USUFRUIT EN PROPORTION DE LA VALEUR EN PLEINE PROPRIÉTÉ

Âge de l'usufruitierValeur de l'usufruitValeur de la nue-propriété
Jusqu'à 20 ans90%10%
De 21 à 30 ans80%20%
De 31 à 40 ans70%30%
De 41 à 50 ans60%40%
De 51 à 60 ans50%50%
De 61 à 70 ans40%60%
De 71 à 80 ans30%70%
De 81 à 90 ans20%80%
À partir de 91 ans10%90%

Dans un arrêt du 25 février 1997, la Cour de cassation a ainsi jugé que « la répartition du prix entre les venderesses, usufruitière et nue-propriétaire des actions, devait être proportionnelle à la valeur comparative de l’usufruit et de la nue-propriété et en retenant souverainement que l’évaluation de l’usufruit devait se faire en tenant compte de l’âge de l’usufruitière et du revenu net qu’elle pouvait espérer obtenir des actions vendues » (Cass. 3e civ. 25 févr. 1997).

Une autre solution consiste à s’appuyer sur le dispositif fiscal, au moins par défaut.

Toutefois, cette méthode présente le double inconvénient d’être moins respectueuse de la liberté des parties, et de s’éloigner de la valeur économique réelle.

En pratique, il existe globalement assez peu de contentieux, et donc de jurisprudence, en matière de répartition du prix entre usufruitier et nu-propriétaire. Cette situation traduit le caractère souvent consensuel des ventes de biens dont la propriété est démembrée.

Les parties se mettent en effet d’accord sur la valeur respective des droits, soit en se basant sur la valeur fiscale prévue par le code général des impôts, soit au regard des tables actuarielles dites « de Xénard » – du nom du notaire qui les a élaborées – permettant de déterminer la valeur économique de l’usufruit et auxquelles les praticiens se réfèrent souvent.

Une nouvelle évaluation de l’usufruit contraindrait à une élaboration mathématique nécessairement complexe, susceptible d’entraîner débats et contestations au plan réglementaire.

Il a donc logiquement semblé préférable de laisser aux parties, en cas de contestation devant le juge, le soin de faire fixer la valeur des droits d’usufruit et de nue-propriété par voie d’expert[5].

En tout état de cause, l’appréciation de cette valeur respective variera naturellement selon qu’il s’agit d’un usufruit à durée limitée, ou viager.

S’agissant d’un usufruit à durée limitée, la valeur fiscale de l’usufruit est fixée par le même article 669 du CGI à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de 10 ans, dans la limite de la valeur de l’usufruit viager.

Divorce: la prestation compensatoire

Lorsque la loi du 27 juillet 1884, dite loi Naquet, fut adoptée consécutivement à la Restauration, cette réforme était loin d’être partagée par tous les français encore très attachés aux valeurs religieuses.

Or en droit canon, le divorce est purement et simplement prohibé en application du principe d’indissolubilité du mariage.

Ce principe religieux participait de l’idée que le mariage qui a été formé devant Dieu, ne peut être défait que par Dieu.

De surcroît, en ce qu’il constitue l’un des cinq sacrements de l’Église, seul la mort peut dissoudre le mariage.

Aussi, le divorce va-t-il à l’encontre du principe d’indissolubilité du mariage.

Sans doute animé par un souci de ne pas heurter trop brutalement ce principe, le législateur a décidé, en 1884, de maintenir, en cas de divorce, le devoir de secours.

Cela s’est traduit par l’octroi d’une pension alimentaire à l’époux qui subissait le divorce. De cette façon, le mariage serait réduit, dans sa plus simple expression, au devoir de secours.

Les mœurs ont par suite évolué et la conception du mariage dans la société s’est libéralisée.

Le législateur a souhaité mettre un terme à cette conception du divorce introduite par la loi Naquet qui ne mettait pas définitivement un terme au mariage puisque subsistait le devoir de secours à travers le mécanisme de la pension alimentaire.

La réforme de 1975 a, de la sorte, remplacé la pension alimentaire entre époux par une prestation compensatoire forfaitaire et difficilement révisable.

Cette substitution répondait à deux objectifs principaux du législateur de 1975 :

  • détacher le plus possible le règlement pécuniaire de l’attribution des torts
  • limiter les sources de conflits ultérieurs en donnant un caractère forfaitaire et quasi-définitif à la fixation de cette compensation.

La prestation compensatoire est destinée à compenser autant qu’il est possible la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.

Attestant du souci du législateur de 1975 de mettre fin aux contentieux postérieurs au divorce que suscitait la pension alimentaire, révisable à la hausse ou à la baisse en fonction des besoins et des ressources de chacun des époux, la prestation compensatoire prend la forme d’un capital « si la consistance du patrimoine du débiteur le permet » et n’est révisable que si l’absence de révision doit avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour le débiteur.

Il était prévu, à titre subsidiaire, que la prestation compensatoire puisse prendre la forme d’une rente, la charge de la rente passant, en cas de décès de l’époux débiteur, à ses héritiers.

De nombreuses critiques ont été formulées à l’encontre du système mis en place par le législateur en 1975.

==> Les critiques de la loi du 11 juillet 1975

  • Une prestation compensatoire trop souvent attribuée sous forme de rente
    • Alors que la loi du 11 juillet 1975 prévoyait le versement de la prestation compensatoire en capital, la rente n’intervenant qu’à défaut de capital ou si celui-ci n’était pas suffisant (art. 276 du code civil), les juges ont massivement continué à prononcer des rentes. En effet, peu d’époux disposent d’une épargne suffisante pour compenser équitablement les disparités nées du divorce au détriment de l’autre et le recours à l’emprunt est très difficile.
    • En outre, la fiscalité a pénalisé le versement en capital et favorisé la rente en la rendant déductible du revenu du débiteur.
  • Une prestation compensatoire longtemps difficilement révisable
    • La loi de 1975 prévoyait que la prestation compensatoire « ne [pouvait] être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l’absence de révision devait avoir pour l’un des conjoints des conséquences d’une exceptionnelle gravité» (art. 273 du code civil).
    • La Cour de cassation a donné une interprétation si restrictive des conséquences d’une exceptionnelle gravité que la révision de la prestation compensatoire est devenue quasiment impossible, générant des situations injustes : telle ex-épouse, avantageusement remariée, continuait à percevoir une rente de son ex-mari désormais au chômage et dont les charges s’étaient accrues par la création d’un nouveau foyer et la naissance d’autres enfants.
  • Une transmissibilité passive décriée
    • La transmissibilité passive des prestations compensatoires apparaît comme une exception française en Europe.
    • Elle implique qu’au décès du débiteur, ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire, y compris versée sous forme de rente viagère, et même s’il apparaît que cette charge est supérieure à l’actif recueilli de la succession.
    • Les héritiers peuvent néanmoins accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.
    • Mais dès lors qu’ils acceptent la succession, ils doivent également en supporter les charges et les dettes, conformément au droit général des successions.
    • Cette disposition a fait l’objet de critiques particulièrement virulentes des associations de débiteurs de prestations compensatoires, car conjuguée avec l’appréciation stricte de la condition de conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’ouverture de la révision de la rente, elle a pu conduire des secondes épouses et leurs enfants à être tenus de continuer à verser une rente viagère à la première épouse, alors même que leurs ressources étaient inférieures aux siennes.

==> La réforme de la loi du 30 juin 2000

  • En matière de révision des rentes viagères
    • La loi du 30 juin 2000 a considérablement assoupli les possibilités de révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère.
    • Elle peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties.
    • La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.
    • L’action en révision est ouverte au débiteur et aux héritiers (art. 276-3 du code civil).
  • En matière de transmissibilité passive de la prestation compensatoire
    • La loi du 30 juin 2000 a atténué les effets de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire en prévoyant la déduction automatique des pensions de réversion versées au conjoint divorcé non remarié au décès de son ex-époux, afin d’éviter que le décès du débiteur de la pension ne soit une source d’enrichissement pour le créancier.
    • Si le débiteur de la prestation compensatoire titulaire du droit à pension était remarié, le partage de la pension de réversion s’effectue entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage.
    • De plus, sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion, en cas de remariage ou de concubinage notoire du créancier. Cette disposition, insérée à l’initiative du Sénat, tend à éviter que les héritiers du débiteur voient leurs charges augmenter du fait du remariage ou du concubinage notoire de l’ex-époux créancier.
    • Cette disposition a contribué à la diminution des rentes viagères.

Malgré l’adoption de loi du 30 juin 2000 visant à assouplir le régime de la prestation compensatoire, la réforme engagée par le législateur n’a pas suffi à éteindre les critiques.

C’est la raison pour laquelle le législateur a entendu retoucher en 2004, le dispositif qu’il avait mis en place quatre ans auparavant.

==> Les retouches de la loi du 26 mai 2004

La loi du 26 mai 2004 a procédé à la suppression du devoir de secours après-divorce : la prestation compensatoire devient alors le mode unique de compensation de la disparité économique éventuelle entre deux époux du fait du divorce, en tenant compte de nombreux critères mieux définis.

Par souci d’équité, le droit à prestation de l’époux supportant les torts exclusifs du divorce peut encore être remis en cause en considération des circonstances particulières de la rupture, et notamment en cas de violences.

En outre, les formes que peut prendre la prestation compensatoire sont assouplies pour mieux correspondre à la diversité des patrimoines en permettant la combinaison des différentes formes de versement en capital ou d’un capital avec une rente.

Enfin, si le principe d’un paiement en capital, introduit par la loi du 30 juin 2000 et qui présente l’avantage d’apurer plus rapidement les relations financières, est maintenu, la loi du 26 mai 2004 affirme la totale liberté des parties, d’un commun accord, de déterminer les formes et modalités de la prestation.

Par ailleurs, des dispositions nouvelles sont prévues par le texte en cas de décès du débiteur pour mieux répondre aux situations souvent difficiles, voire inéquitables, dans lesquelles se trouvent aujourd’hui les héritiers, tenus personnellement au paiement de la prestation compensatoire.

La nouvelle loi prévoit que ce paiement s’effectuera après capitalisation automatique de la prestation, dans la limite de l’actif successoral à moins que les héritiers ne décident ensemble de maintenir les modalités de paiement dont bénéficiait le défunt.

Désormais, le régime juridique de la prestation compensatoire s’articule autour de six axes :

  • L’attribution de la prestation compensatoire
  • La fixation du montant de la prestation compensatoire
  • La forme de la prestation compensatoire
  • La révision de la prestation compensatoire
  • L’apurement de la prestation compensatoire
  • La transmission de la prestation compensatoire

I) L’attribution de la prestation compensatoire

A) Principe

Aux termes de l’article 270, al. 2 du Code civil « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. »

La loi du 26 mai 2004 n’a pas modifié la définition de la prestation compensatoire, dont l’objet reste de compenser la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives des époux.

Que doit-on entendre par disparité ?

Le choix du vocabulaire n’est pas anodin. Comme dans l’analyse moderne de la contribution aux charges du ménage, il n’est pas question d’attribuer des aliments abstraitement analysés et destinés à assurer la simple subsistance du conjoint.

C’est concrètement, par rapport à la situation réelle du ménage, que la disparité devra être appréciée et le choix du terme « conditions de vie respectives » marque bien un souci de concret.

Autrement dit, la prestation compensatoire sera accordée par le juge à l’un des époux, si un déséquilibre économique entre les conjoints est créé par la rupture du mariage.

L’effet principal du mariage, c’est l’instauration d’une communauté de vie.

Or l’instauration de cette communauté de vie aura pour effet de lisser, d’harmoniser les conditions matérielles dans lesquelles se trouvaient les époux lorsqu’ils vivaient séparément, avant de cohabiter.

En effet, en contribuant à hauteur de leurs facultés respectives aux charges occasionnées par la vie commune, les époux vivent dans les mêmes conditions matérielles, soit celles qui résultent de leur communauté de vie.

Inversement, la rupture de la communauté de vie entre époux a pour effet de créer une disparité s’ils ont des ressources financières inégales, à plus forte raison si l’un d’eux a consacré sa vie à l’entretien du ménage.

Aussi, la prestation compensatoire a-t-elle vocation à compenser cette disparité née de la rupture du mariage, en particulier de la cessation de la communauté de vie

Le juge octroiera une prestation compensatoire à un époux dès lors qu’il constatera une disparité économique née de la rupture du mariage.

En somme, la prestation compensatoire a vocation à « absorber » le préjudice matériel que peut causer le divorce à l’un des conjoints.

B) Domaine

En 2004, le législateur a entendu élargir le champ d’application de la prestation compensatoire.

Cet élargissement procède de sa volonté de ne plus lier les conséquences patrimoniales du divorce à sa cause

Aussi, le droit à bénéficier d’une prestation compensatoire est désormais généralisé et ne dépend plus du cas de divorce ou de la répartition des torts.

==> L’octroi d’une prestation compensatoire est possible quel que soit le cas de divorce

Le demandeur comme le défendeur en divorce pour altération définitive du lien conjugal peuvent solliciter l’attribution d’une telle prestation.

==> Le principe issu de la loi du 11 juillet 1975 selon lequel l’époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé n’a droit à aucune prestation compensatoire est supprimé.

Le droit à prestation ne dépendant plus de la répartition des torts, l’époux fautif ne perd plus automatiquement le droit à prestation compensatoire.

C) Exception : l’équité

Le législateur a apporté un tempérament au principe posé à l’article 270, al. 2 du Code civil, afin d’éviter que l’octroi d’une prestation compensatoire puisse être une source d’injustice.

Le dernier alinéa de l’article 270 du code civil laisse en effet au juge la possibilité de refuser l’octroi d’une prestation « si l’équité le commande » et dans deux hypothèses :

  • Soit en considération des critères prévus à l’article 271
    • Il s’agit d’une disposition nouvelle, dont l’effet est de prendre en considération les critères de l’article 271, non seulement pour déterminer le montant de la compensation, mais également pour statuer sur le droit lui-même à une prestation compensatoire.
    • Ces éléments d’appréciation viennent donc s’ajouter à la condition posée par l’article 270 relatif à la disparité dans les conditions de vie respectives des époux.
    • Ainsi, par exemple, la durée du mariage, la situation professionnelle de l’époux demandeur ou ses droits acquis dans la liquidation du régime matrimonial doivent désormais être pris en compte pour apprécier l’opportunité de la demande.
  • Soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture
    • Cette formulation marque un double assouplissement par rapport au droit antérieur
      • D’une part, il n’y a plus d’interdiction de principe au versement d’une prestation compensatoire au profit de l’époux aux torts exclusifs duquel serait prononcé le divorce, le juge disposant désormais d’une faculté d’appréciation en la matière
      • D’autre part, seules les circonstances particulières de la rupture peuvent justifier le refus de la prestation compensatoire à l’époux fautif.
    • Le juge peut donc refuser d’octroyer une prestation compensatoire à l’époux contre qui le divorce a été prononcé aux torts exclusifs
    • Toutefois, pour refuser l’octroi d’une prestation compensatoire, le seul prononcé du divorce aux torts exclusifs ne suffira pas
    • Il faut encore que la rupture du mariage procède de « circonstances particulières»
    • Il ressort des débats parlementaires que le législateur a souhaité que cette notion ne recouvre que les situations les plus graves, afin de ne pas réintroduire le lien entre faute et prestation compensatoire, dont l’effet serait d’amoindrir la portée de la réforme.

II) La fixation du montant de la prestation compensatoire

Les éléments permettant de fixer le montant de la prestation compensatoire figurent à l’article 271 du Code civil.

Aux termes de cette disposition :

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

À cet effet, le juge prend en considération notamment :

  • la durée du mariage ;
  • l’âge et l’état de santé des époux ;
  • leur qualification et leur situation professionnelles ;
  • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
  • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
  • leurs droits existants et prévisibles ;
  • leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

L’article 271 établit une liste, non limitative, des critères que le juge est invité à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources des époux

Les critères retenus témoignent de l’obligation pour le juge de prendre en considération les situations antérieures, présente et future des époux.

Il ressort du texte que les critères de fixation du montant de la prestation compensatoire sont, tout à la fois qualitatif et quantitatif.

==> Les critères qualitatifs

La prestation compensatoire étant destinée à compenser la disparité matérielle que crée le divorce entre les époux, le premier alinéa de l’article 271 prévoit que la prestation compensatoire est fixée « selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ».

La disparité s’apprécie au jour de la dissolution du mariage, et non par exemple, au moment de la séparation.

Autrement dit, il revient au juge d’avoir une vue d’ensemble sur cette disparité afin de se rapprocher le plus possible de la compensation optimale.

==> Les critères quantitatifs

L’article 271 du Code fixe deux critères principaux et plusieurs autres critères accessoires :

  • Les critères principaux
    • Prise en compte des besoins de l’époux créancier de la prestation compensatoire
      • Il s’agit de ses besoins présents mais également à venir.
    • Prise en compte des ressources de l’époux débiteur de la prestation compensatoire.
      • Est également prise en compte la situation de l’époux au moment du divorce mais également de son évolution potentielle
  • Les critères accessoires
    • Ces critères ne sont pas d’ordre patrimonial, mais viennent s’ajouter en compléments des deux critères principaux.
    • Les critères accessoires sont les suivants :
      • la durée du mariage
      • l’âge et l’état de santé des époux
      • qualification et situation professionnelles
      • les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
      • le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
      • leurs droits existants et prévisibles
      • situation respective en matière de pensions de retraite
    • Les critères ainsi énoncés par l’article 271 ne sont nullement cumulatifs
    • Il s’agit là de simples indications adressées aux Juge afin de lui permettre d’évaluer au mieux le montant de la prestation compensatoire qu’il entend allouer à l’époux bénéficiaire

==> Déclaration sur l’honneur

L’article 272 du Code civil prévoit que « dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie. »

La production de cette déclaration est destinée à faciliter le travail du juge, à renforcer l’obligation de loyauté entre les parties et, en cas de dissimulation par l’une d’entre elles de sa situation, à permettre l’exercice par l’autre d’une action en révision ou en indemnisation.

  • Forme et contenu de la déclaration
    • Plusieurs tribunaux ont établi un formulaire type.
    • Leur examen fait apparaître des divergences d’appréciation quant au contenu même de ces déclarations, certaines étant très détaillées, d’autres se limitant parfois à une simple certification sur l’honneur de l’exactitude des pièces produites.
    • À la vérité, aucune forme particulière n’est exigée
  • Moment de la production de la déclaration
    • La production de la déclaration sur l’honneur doit s’effectuer lors de la première demande de prestation compensatoire, que celle-ci soit formulée dans l’assignation ou dans les conclusions ultérieures.
    • Par ailleurs, elle doit faire l’objet, si nécessaire, d’une actualisation en cours de procédure, en particulier lors des conclusions récapitulatives, pour prendre en compte les changements susceptibles d’intervenir dans la situation des parties.
  • Sanction du défaut de production de la déclaration
    • En règle générale, le défaut de production de la déclaration n’est pas considéré comme une fin de non-recevoir.
    • Certaines juridictions ont pu passer outre l’absence de déclaration et statuer au fond sur la base des seuls éléments du dossier, alors que d’autres ont choisi de surseoir à statuer, voire de débouter le demandeur agissant en fixation ou en révision de la prestation compensatoire
    • Les premiers éléments de réponse qui se dégagent résultent d’une décision de la Cour de cassation en date du 28 mars 2002.
    • Aux termes de celle-ci, doit être annulé l’arrêt qui a rejeté la demande en suppression de la prestation compensatoire sans que les parties aient été invitées par le juge à fournir la déclaration susvisée.
    • Ainsi, se voit instituée pour le juge, en l’absence de déclaration spontanée, une véritable obligation de solliciter cette production.
    • En revanche, les conséquences de la carence d’un époux, voire de son refus de répondre à l’invitation du juge, ne sont toujours pas clarifiées.
    • En l’état, à défaut de règles spécifiques, les dispositions générales du Code de procédure civile, aux termes desquelles le juge peut tirer toute conséquence de l’abstention ou du refus d’une partie, sont appliquées.
    • Une telle analyse jurisprudentielle, tout en favorisant la prise en compte par le juge de l’attitude d’une partie, permet d’éviter une sanction trop rigide, qui pourrait nuire au plaideur de bonne foi, et de conférer sa pleine portée au débat judiciaire.
  • Sanction des déclarations incomplètes ou mensongères
    • Elles peuvent ouvrir droit à une demande en révision fondée sur les articles 593 et suivants du nouveau code de procédure civile, voire éventuellement à une action civile en dommages et intérêts.
    • En outre, une déclaration mensongère pourrait donner lieu à des poursuites sur le fondement de l’article 441-1 du code pénal relatif au délit de faux et usage de faux.

III) La forme de la prestation compensatoire

A) Principe : le versement d’un capital

La loi du 26 mai 2004 a réaffirmé le principe de l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme de capital.

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Cependant,  afin de mieux répondre à la diversité de situations des parties, le législateur a diversifié les formes de paiement de la prestation en permettant notamment les prestations « mixtes » et élargi la possibilité pour les époux de soumettre à l’homologation du juge une convention portant sur la prestation compensatoire à tous les cas de divorce.

  1. Le paiement de la prestation compensatoire en une seule fois

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

L’article 274 du Code civil prévoit en ce sens que : le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

  • Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

==> Le paiement en numéraire

Des dispositions fiscales avantageuses ont été instaurées afin d’inciter à un paiement accéléré de la prestation.

En effet, l’article 199 octodecies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d’impôt de 25 % du montant des versements effectués, dans la limite de 30 500 euros, à condition que la totalité de la prestation soit versée sur une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Par ailleurs, une nouvelle garantie de paiement, particulièrement intéressante pour une prestation en capital, a été introduite à l’article 277 du code civil, permettant dorénavant au juge d’imposer la souscription d’un contrat à cette fin.

Cette disposition prévoit en ce sens que « indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. »

==> L’abandon de biens mobiliers ou immobiliers en pleine propriété

L’article 274 du Code civil prévoit que le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut consister en l’« attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier »

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété d’un bien propre reçu par succession ou donation.

Il doit résulter des conclusions versées au débat ou de la convention des parties. Cette restriction n’est pas étendue à l’attribution d’un droit d’usage d’habitation ou d’usufruit sur un tel bien.

Des difficultés techniques peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette innovation législative.

En effet, l’attribution d’une prestation compensatoire par abandon d’un meuble ou d’un immeuble en pleine propriété peut s’avérer délicate eu égard à l’évaluation de ce bien et des droits de chacun des époux sur celui-ci s’il est commun ou indivis, dans la mesure où, le plus souvent, la prestation est fixée indépendamment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces difficultés potentielles obligeront alors le juge à charger, même d’office, un notaire ou un professionnel qualifié d’établir, en cours de procédure, un projet de règlement des prestations et pensions après divorce, étant observé que le notaire peut également être mandaté pour dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge peut ainsi fonder sa décision sur des informations objectives et déterminer précisément la valeur des droits attribués au créancier de la prestation.

À défaut, il y a lieu de souligner que le juge peut ordonner la production d’un état hypothécaire afin de connaître la situation réelle de l’immeuble dont l’attribution est demandée, la présence de sûretés immobilières inscrites sur le bien pouvant en diminuer substantiellement la valeur.

Il doit être, par ailleurs, rappelé que, en application des articles 28 et 33 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, le jugement de divorce doit être publié à la conservation des hypothèques dans le délai de trois mois à compter du jour où il est devenu définitif.

Face à la diversité des modalités de paiement en capital instaurée par le législateur, la question se pose de savoir si ces différentes formes peuvent se combiner.

Sur ce point, la loi est restée silencieuse.

La jurisprudence a d’ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d’abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d’un complément en numéraire, échelonné sur huit ans.

Cette solution répond à l’objectif poursuivi par la loi de s’adapter à la diversité de la consistance des patrimoines.

2. L’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire

L’article 275 du Code civil prévoit que « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. »

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, ce texte ouvre une faculté de révision mais l’encadre strictement :

  • Elle porte seulement sur ses modalités de paiement
  • Elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers
  • Elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation
  • C’est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans.

Si la mise en œuvre de cette modalité de paiement dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers ne sauraient ordonner un tel fractionnement au-delà du délai précité.

Ce terme, qui se substitue à celui de versements mensuels ou annuels, offre une plus grande souplesse quant à la détermination des échéances, qui pourront être trimestrielles, semestrielles… en fonction de la situation financière du débiteur.

L’article 275-1 du Code civil prévoit expressément que les différentes modalités de paiement ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Le législateur a ainsi entendu autoriser le cumul entre une somme d’argent ou l’attribution d’un bien et un capital échelonné, afin de mieux adapter le montant de la prestation compensatoire à la réalité de la situation patrimoniale des époux.

B) Exception : le versement d’une rente viagère

L’article 276 du Code civil prévoit que « le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271 ».

Le législateur n’a pas modifié les conditions d’attribution de la rente viagère issues de la loi du 30 juin 2000.

Une rente, nécessairement viagère, peut être décidée, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

L’application qui est faite de ce dispositif procède d’une interprétation restrictive.

L’article 276 prend  le soin de préciser que si le juge octroie une prestation compensatoire sous forme de rente viagère :

  • Il doit justifier de circonstances exceptionnelles
  • Il doit motiver spécialement sa décision

L’apport de la loi du 26 mai 2004 résulte du second alinéa introduit à l’article 276, qui autorise, tout en l’encadrant, la possibilité d’attribuer une fraction de la prestation compensatoire en capital, lorsque les circonstances l’imposent, le montant de la rente étant en conséquence minoré.

Cette solution permet de mieux adapter la prestation compensatoire à la situation des parties.

Elle s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2004, aux termes duquel les articles 274 et 276 du code civil n’interdisent pas l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme d’un capital et d’une rente, à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et spécialement motivée (Cass. 1ère civ. 16 mars 2004)

Sur le plan fiscal, en cas de cumul, seules sont prises en considération les sommes versées au titre de la rente (art 199 octodecies II du code général des impôts), qui peuvent être déduites du revenu imposable du débiteur.

Le montant de la rente, qui demeure indexée comme en matière de pension alimentaire, peut être fixé de manière uniforme ou varier selon l’évolution probable des ressources et des besoins, conformément aux dispositions inchangées de l’article 276-1 du Code civil.

IV) La révision de la prestation compensatoire

Pour déterminer les modalités et l’étendue de la révision de la prestation compensatoire, il convient de distinguer selon qu’elle prend la forme d’une rente ou d’un capital

A) La prestation compensatoire prend la forme d’un capital

L’article 275, al. 2 du Code civil prévoit que « le débiteur peut demander la révision de ces modalités de paiement en cas de changement important de sa situation. À titre exceptionnel, le juge peut alors, par décision spéciale et motivée, autoriser le versement du capital sur une durée totale supérieure à huit ans ».

Il ressort de cette disposition que le principe issu de la loi du 30 juin 2000, selon lequel la révision ne permet que de revoir les modalités de paiement du capital, est maintenu.

La prestation allouée sous forme d’un capital échelonné sur une durée maximale de huit annuités ne peut donc être révisée dans son quantum, en raison de sa nature indemnitaire et forfaitaire.

Seules les modalités de paiement peuvent être révisées en cas de changement notable de la situation du débiteur.

Ainsi, peut être décidé un rééchelonnement des versements dans la limite des huit années prévues par la loi, ou, à titre exceptionnel au-delà de ce délai, par décision spéciale et motivée.

Le législateur a substitué à la notion de changement « notable » ouvrant droit à révision celle de changement « important », dans un souci d’harmoniser le critère ouvrant droit révision, qu’il s’agisse des modalités de paiement du capital ou du montant de la rente viagère.

S’agissant des pouvoirs du juge saisi d’une demande de révision des modalités de paiement du capital, la question se pose de savoir s’il peut autoriser une suspension temporaire des versements, éventuellement jusqu’au retour du débiteur à meilleure fortune.

Une telle lecture ne semble pas pouvoir être retenue, au regard de la volonté du législateur de permettre un règlement rapide des relations financières des ex-époux.

B) La prestation compensatoire prend la forme d’une rente

==> Principe de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que « la prestation compensatoire fixée sous forme de rente peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l’une ou l’autre des parties. »

Les modalités de révision prévues par cette disposition pour les rentes viagères s’appliquent également, en l’absence de clause de révision, aux rentes conventionnelles, que celles-ci soient viagères ou temporaires.

L’un des objectifs principaux du législateur, lors de l’adoption de la loi du 30 juin 2000, était assurément de faciliter l’obtention de la révision des rentes allouées, que celles-ci soient temporaires ou viagères.

En effet, la rigidité de l’ancien dispositif avait conduit à des situations humainement délicates, puisque la révision n’était possible que si l’absence de celle-ci avait pour l’une des parties des conséquences d’une exceptionnelle gravité.

Aussi, le législateur a-t-il introduit un nouveau critère tenant à l’existence d’un changement important dans les ressources ou les besoins des parties.

Aucun événement ne constituant une cause de révision automatique, il appartient aux juges du fond d’apprécier, in concreto, l’existence de cette condition, aux aspects essentiellement économiques.

==> Conditions de la révision

La révision de la prestation compensatoire ne peut être décidée par le juge que s’il constate :

  • Soit un changement important de la situation du débiteur
  • Soit un changement important de la situation du créancier

Le Code se rapporte, de la sorte, tant aux besoins du créancier de la prestation compensatoire qu’aux ressources du débiteur.

La question s’est un temps posée de savoir si le changement important devait nécessairement concerner les deux parties.

Les décisions intervenues dans ce domaine ne l’exigent pas. Dès lors, un tel changement concernant un seul des ex-époux suffit à justifier la révision de la prestation compensatoire.

Cependant, lorsque des changements importants affectent les deux parties, la révision, tant dans son principe que dans son montant, est toujours appréciée par les juridictions en comparant l’évolution respective de leur situation.

==> Modalités de la révision

L’article 276-3 du Code civil prévoit que la révision de la prestation compensatoire peut prendre trois formes :

  • Elle peut être suspendue
  • Elle peut être supprimée
  • Elle peut être révisée

Dans cette dernière hypothèse, l’alinéa 2 de l’article 276-3 précise que « la révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. »

Cette disposition interdit ainsi que le montant initial de la rente soit, à l’occasion d’une action en révision, dépassé.

Cette disposition limite en conséquence les droits du créancier, qui ne peut, après une première révision à la baisse du montant de la rente, solliciter l’augmentation de celle-ci que dans la limite du montant initial.

V) L’apurement de la prestation compensatoire

A) L’exécution provisoire de la prestation compensatoire

==> Principe

L’article 1079, al. 1er du Code de procédure civile prévoit que « la prestation compensatoire ne peut être assortie de l’exécution provisoire. »

Il en résulte tant que, en cas d’appel du jugement prononçant le divorce, le créancier de la prestation compensatoire ne pourra pas solliciter son versement à titre conservatoire, l’appel ayant un caractère suspensif.

==> Exception

La règle posée à l’article 1079 du Code de procédure civile peut s’avérer très préjudiciable aux intérêts du créancier, lorsqu’un recours est formé sur cette prestation et non sur le divorce.

En effet, le divorce étant devenu définitif, le devoir de secours prend fin, privant ainsi le créancier du droit à la pension alimentaire alors que la prestation compensatoire n’est pas encore exigible.

C’est pourquoi l’article 1079 prévoit une exception, dans cette hypothèse, lorsque l’absence d’exécution de la prestation compensatoire aurait des conséquences manifestement excessives pour le créancier.

L’exécution provisoire peut alors être ordonnée pour tout ou partie de la prestation.

En pratique, la disposition permet au juge qui prononce le divorce d’assortir la prestation compensatoire de l’exécution provisoire s’il estime que le créancier n’a pas les moyens de subvenir seul à ses besoins sans le concours soit de la pension alimentaire, tant que le divorce n’est pas définitif, soit de la prestation compensatoire une fois que le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

En cause d’appel, les articles 524 à 526 du Code de procédure civile sont applicables pour l’examen des demandes tendant à arrêter l’exécution provisoire ordonnée par le juge ainsi que des demandes tendant à l’ordonner, soit lorsqu’elle a été refusée, soit lorsque le juge n’a pas statué sur cette question.

Ces demandes sont portées, selon le cas, devant le premier président, son délégué ou le conseiller de la mise en état.

L’alinéa 3 de l’article 1079 précise que l’exécution provisoire conférée à la prestation compensatoire ne prend cependant effet qu’au jour où le prononcé du divorce a acquis force de chose jugée.

Ainsi l’exécution provisoire ordonnée par le juge est privée d’effet pendant le délai de recours et pendant le temps de l’examen d’un recours portant sur le principe du divorce.

B) Le paiement du solde de la prestation compensatoire

  1. Le paiement du solde du capital

L’article 275 du Code civil prévoit un régime différent selon que l’initiative de la demande émane du débiteur ou du créancier.

  • Le débiteur ou ses héritiers peuvent se libérer à tout moment du solde du capital, dès lors qu’ils disposent des liquidités suffisantes, sans que la saisine du juge soit nécessaire.
  • Le créancier ne peut agir, quant à lui, que par la voie judiciaire et après la liquidation du régime matrimonial

2. La transformation des rentes en capital

Afin de privilégier les prestations compensatoires versées sous forme de capital, la loi du 30 juin 2000 a permis au débiteur, ou à ses héritiers, de saisir à tout moment le juge aux fins de statuer sur la substitution d’un capital à la rente (art. 276-4 C. civ.)

  • S’agissant de l’objet de la demande
    • La substitution peut seulement porter sur une partie de la rente viagère, confortant ainsi les possibilités de cumul d’une rente et d’un capital déjà prévues par le dernier alinéa de l’article 276 du code civil.
  • S’agissant des personnes susceptibles de demander la substitution
    • La loi du 26 mai 2004 a maintenu inchangées les conditions dans lesquelles le créancier peut demander cette substitution
    • A également été maintenue la possibilité pour le débiteur de demander cette substitution « à tout moment ».
    • En revanche, la disposition ouvrant cette action aux héritiers du débiteur a été supprimée
    • Aux termes de l’article 280 du code civil, la substitution d’un capital à une rente se fait d’office
    • Par exception, les héritiers peuvent décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire qui incombaient à l’époux débiteur, en s’obligeant personnellement au paiement de cette prestation.
      • À peine de nullité, l’accord est constaté par un acte notarié.
      • Il est opposable aux tiers à compter de sa notification à l’époux créancier lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
    • En outre, lorsque les modalités de règlement de la prestation compensatoire ont été maintenues, les actions prévues au deuxième alinéa de l’article 275 et aux articles 276-3 et 276-4, selon que la prestation compensatoire prend la forme d’un capital ou d’une rente temporaire ou viagère, sont ouvertes aux héritiers du débiteur.
    • Ceux-ci peuvent également se libérer à tout moment du solde du capital indexé lorsque la prestation compensatoire prend la forme prévue au premier alinéa de l’article 275.
  • S’agissant des modalités de substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • Conformément à l’article 276-4 du code civil, il peut s’agir du versement d’une somme d’argent, le cas échéant, échelonné sur une durée maximale de huit ans, de l’attribution d’un bien en propriété ou d’un droit d’usage, d’habitation ou d’usufruit.
  • Sur les modalités de calcul de la substitution du capital à tout ou partie de la rente
    • L’article 276-4, al. 1 in fine prévoit que « la substitution s’effectue selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.»
    • L’article 1 du décret n°2004-1157 du 29 octobre 2004 précise que « lors de la substitution totale ou partielle, en application des articles 276-4 et 280 du code civil, d’un capital à une rente fixée par le juge ou par convention à titre de prestation compensatoire, le capital alloué au crédirentier est égal à un montant équivalant à la valeur actuelle probable de l’ensemble des arrérages de la rente, à la date, selon le cas, de la décision du juge opérant cette substitution ou du décès du débiteur. »
    • En toute hypothèse, les parties peuvent toujours s’accorder sur le montant du capital à retenir et présenter une requête au juge aux affaires familiales en vue de l’homologation de leur accord.

VI) La transmission de la prestation compensatoire

La loi du 26 mai 2004 met fin au principe de la transmissibilité de la prestation compensatoire aux héritiers du débiteur, qui ne sont plus en principe tenus personnellement à son paiement.

En conséquence, les anciennes dispositions ont été abrogées à la faveur d’un mécanisme automatique de prélèvement sur la succession et dans la limite de l’actif de celle-ci, déterminé à l’article 280 du Code civil.

Lorsque la prestation compensatoire a fait l’objet d’une convention, les dispositions des articles 280 à 280-2 sont applicables à défaut de clause particulière prévoyant le sort de la prestation en cas de décès du débiteur (art 279 dernier alinéa).

==> Principe : prélèvement de la prestation sur l’actif successoral

L’article 280 du Code civil prévoit que, au décès du débiteur, la prestation compensatoire fait l’objet d’un prélèvement sur l’actif successoral

Si celui-ci est insuffisant, le paiement est supporté par tous les légataires particuliers proportionnellement à leur émolument.

La prestation cesse d’être due au-delà du montant de l’actif, à l’instar d’autres créances soumises au même régime.

La prestation compensatoire constitue ainsi une dette de la succession.

Il convient de rappeler que, lorsque le conjoint survivant obtient une créance d’aliments sur le fondement de l’article 767, il devient un créancier de la succession et entre, en conséquence, en concours avec le créancier de la prestation compensatoire, tous deux étant des créanciers chirographaires.

==> Cas du capital échelonné

Lorsque la prestation a été fixée par le juge sous forme d’un capital échelonné, le solde de ce capital indexé est immédiatement exigible

==> Cas de la rente

Lorsque la prestation compensatoire prenait la forme d’une rente viagère ou temporaire, il lui est substitué un capital immédiatement exigible, après déduction des pensions de réversion versées du chef du conjoint survivant, par application de l’article 280-2 (en l’absence de clause particulière de la convention).

Le caractère immédiatement exigible s’oppose à ce qu’une action en révision soit préalablement intentée par les héritiers du débiteur.

Les modalités de calcul résultent du décret n° 2004-1157 du 29 octobre 2004 pris en application des articles 276-4 et 280 du code civil et fixant les modalités de substitution d’un capital à une rente allouée au titre de la prestation compensatoire.

==> Exception : option des héritiers pour maintenir les modalités de paiement antérieures

Afin de ménager au dispositif toute la souplesse nécessaire, il est prévu un mécanisme d’option permettant aux héritiers de choisir de maintenir les modalités de paiement qui incombaient au débiteur lors de son décès.

  • Régime de l’option
    • L’option, qui n’est pas ouverte au créancier, nécessite l’accord unanime de tous les héritiers, constaté par acte notarié sous peine de nullité.
    • L’accord n’est opposable aux tiers qu’après notification au créancier, lorsque celui-ci n’est pas intervenu à l’acte.
  • Effets de l’option
    • Les héritiers, lorsqu’ils choisissent l’option, sont tenus personnellement au paiement de la prestation.
    • Ils bénéficient alors des mêmes droits que ceux dont bénéficiait le débiteur lui-même en matière de révision ou d’apurement.
    • Ainsi, en présence d’un capital échelonné, les modalités de paiement peuvent faire l’objet d’une révision et chacun peut verser le solde de la fraction de capital indexé qui lui incombe.
    • Lorsque la rente est maintenue, les héritiers s’obligent personnellement au paiement de celle-ci, après déduction des pensions de réversion éventuellement versées du chef du conjoint décédé.
    • En cas de modification ultérieure des droits à réversion ou de perte de ceux-ci, la déduction est maintenue de plein droit, sauf décision contraire du juge saisi par le créancier.
    • Les héritiers peuvent saisir le juge d’une demande en révision de la rente, viagère ou temporaire, sur le fondement de l’article 276-3 ou en substitution d’un capital à la rente, par application de l’article 276-4.

Le régime juridique de la cession de créance: fonctions, conditions, effets, opposabilité

I) Définitions

A) Notion

La cession de créance est définie à l’article 1321 du Code civil comme le « contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire. »

Cette opération consiste, autrement dit, à transférer la titularité d’une créance d’un créancier à un cessionnaire, avec cette particularité que le débiteur de l’obligation cédée ne participe pas à la formation de la convention de cession, son consentement n’étant pas requis.

La cession de créance constitue ainsi un mode conventionnel de transmission des créances. Le cessionnaire prend la place du cédant, en tant que créancier du débiteur cédé.

La singularité de la cession de créance résulte du double aspect de cette opération :

  • D’un côté, la convention de cession de créance est bipartite, en ce sens que le débiteur cédé endosse la qualité de tiers à l’opération : la validité du contrat n’est nullement subordonnée à l’obtention de son consentement.
  • D’un autre côté, l’opération est tripartite dans la mesure où la cession a pour effet d’obliger le débiteur envers le cessionnaire sur le fondement du même rapport juridique qui le liait au cédant : le débiteur cédé n’est donc, en réalité, pas un tiers à l’opération, son dénouement reposant sur son paiement.

B) Distinctions

?Cession de créance et cession de dette

Plusieurs différences opposent radicalement la cession de créance de la cession de dette

  • Définition
    • La cession de créance consiste en une substitution de créancier
      • Dans cette hypothèse, le débiteur demeure inchangé
    • La cession de dette consiste en une substitution de débiteur
      • Dans cette hypothèse, c’est le créancier qui ne change pas.
  • Objet de l’opération
    • Contrairement à la cession de créance qui porte sur la dimension active de l’obligation, la cession de dette intéresse sa dimension passive.
    • Pour le comprendre, revenons un instant sur la notion d’obligation
    • Fondamentalement, l’obligation s’apparente à lien de droit entre deux personnes en vertu duquel, l’une d’elle, le créancier, peut exiger de l’autre, le débiteur, de donner, faire ou ne pas faire quelque chose.
    • Aussi, ce lien de droit que constitue l’obligation se distingue-t-il des autres rapports humains, en ce que lors de sa création il produit des effets juridiques.
    • Ces effets juridiques sont :
      • Tantôt actifs, lorsqu’ils confèrent un droit subjectif : on parle de créance
      • Tantôt passifs, lorsqu’ils exigent l’exécution d’une prestation : on parle de dette
    • Schématiquement, tandis que la cession de créance opère la transmission d’un droit, la cession de créance opère la transmission d’un devoir
    • L’objet de la cession est de la sorte radicalement inversé selon que l’on envisage l’une ou l’autre opération.
  • Consentement du tiers
    • À l’inverse de la cession de créance, en matière de cession de dette le débiteur est partie à part entière à l’opération
    • Aussi, techniquement c’est le créancier qui est ici tiers à la convention, encore qu’il ne s’agit pas vraiment d’un tiers dans la mesure où l’obtention de son consentement est une condition de validité de l’opération.
    • L’article 1327 du Code civil qui autorise la cession de dette prévoit, en effet, qu’un débiteur ne peut céder sa dette qu’« avec l’accord du créancier ».
    • Il s’agit là d’une différence majeure avec la cession de créance qui ne suppose pas l’obtention du consentement du débiteur.

?Cession de créance et délégation de paiement

  • Objet de l’opération
    • Définie à l’article 1336 du Code civil la délégation est une opération par laquelle une personne, le délégant, obtient d’une autre, le délégué, qu’elle s’oblige envers une troisième, le délégataire, qui l’accepte comme débiteur.
    • À la différence de la cession de créance, la délégation n’opère pas de transfert de créance : elle a seulement pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.
    • Il en résulte que :
      • En matière de délégation, le délégataire dispose de deux débiteurs, cette opération n’opérant pas extinction du rapport d’obligation entre le délégant et le délégué
      • En matière de cession de créance, le cessionnaire ne dispose que d’un seul débiteur, la cession ayant pour effet de désintéresser le cédant dans son rapport avec le débiteur cédé.
  • Inopposabilité des exceptions
    • La cession de créance
      • Le débiteur cédé est autorisé à opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au créancier cédant.
      • Il s’agit tant des exceptions inhérentes à la dette (exception d’inexécutions) que des exceptions qui lui sont extérieures (compensation légale).
      • La raison en est que la créance qui entre dans le patrimoine du cessionnaire par l’effet de la cession, est exactement la même que celle dont était titulaire le créancier cédant.
    • La délégation
      • Contrairement à la cession de créance, il n’y pas ici de transfert de la créance dont est titulaire le délégant contre le délégué.
      • La délégation a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire qui dispose alors de deux débiteurs.
      • Il en résulte que le délégué, en consentant à la délégation, renonce à se prévaloir des exceptions tirées du rapport qui le lie au délégant.
      • Il y a un principe d’inopposabilité des exceptions.
      • L’article 1336, al. 2 du Code civil dispose en ce sens que « le délégué ne peut, sauf stipulation contraire, opposer au délégataire aucune exception tirée de ses rapports avec le délégant ou des rapports entre ce dernier et le délégataire. »
  • Consentement
    • Contrairement à la cession de créance qui ne suppose pas le consentement du débiteur cédé, tiers à l’opération, la délégation exige toujours le consentement des trois parties à l’opération, notamment du délégataire qui doit accepter un nouveau débiteur.
    • En cela, la délégation se rapproche de la cession de dette.
    • Toutefois, elle s’en distingue dans la mesure où la dette du délégant envers le délégataire n’est nullement transférée au délégué
    • La délégation opère seulement la création d’un nouveau rapport d’obligation entre le délégué et le délégataire.

?Cession de créance et indication de paiement

L’article 1340 du Code civil prévoit que « la simple indication faite par le débiteur d’une personne désignée pour payer à sa place n’emporte ni novation, ni délégation. Il en est de même de la simple indication faite, par le créancier, d’une personne désignée pour recevoir le paiement pour lui. »

L’indication de paiement consiste ainsi pour un débiteur ou un créancier à désigner une tierce personne quant à effectuer le paiement de la dette.

Contrairement à la cession de créance, l’indication de paiement n’opère aucun transfère de créance à la faveur de la personne désignée.

Cette dernière assure simplement le règlement de la dette du débiteur.

L’indication de paiement se rapproche ainsi du mandat de payer qui peut prendre la forme, par exemple, d’une autorisation de prélèvement.

L’indication adressée au créancier ou au débiteur vaut seulement information de ce que la dette sera payée par un tiers désigné.

Elle n’emporte en rien opposabilité, ni novation de l’obligation.

?Cession de créance et subrogation personnelle

  • Définition
    • Contrairement à la cession de créance qui a pour objet un transfert de droits, la subrogation réalise une substitution de personne ou de chose.
    • Lorsqu’elle est personnelle, la subrogation produit certes les mêmes effets que la cession de créance : le créancier subrogé devient titulaire de la même créance que le créancier subrogeant ce qui revient à réaliser un transfert de ladite créance de l’un à l’autre.
    • Toutefois, elle s’en distingue sur un point majeur
      • En matière de subrogation personnelle, le transfert de créance intervient à titre accessoire à un paiement.
      • En matière de cession de créance, le transfert de créance constitue l’objet principal de l’opération.
    • Ainsi, la subrogation consiste-t-elle en un paiement par une personne autre que le débiteur de sa dette qui, du fait de ce paiement, devient titulaire dans la limite de ce qu’il a payé, de la créance et ses accessoires.
    • L’intention des parties est donc ici d’éteindre, par le paiement, un rapport d’obligation.
    • Tel n’est pas le cas en matière de cession de créance : les parties ont seulement pour intention de transférer un rapport d’obligation moyennant le paiement d’un prix.

  • Effet de l’opération
    • Particularité de la subrogation personnelle, elle n’opère qu’à concurrence de ce qui a été payé par le subrogé. Et pour cause : elle est une modalité de paiement.
    • Ainsi, la subrogation se distingue-t-elle de la cession de créances qui autorise le cessionnaire à actionner le débiteur en paiement pour le montant nominal de la créance, alors même que le prix de cession aurait été stipulé pour un prix inférieur.
    • Tel est le cas, lorsque le cessionnaire s’engage à garantir le cédant du risque d’insolvabilité du débiteur cédé.
    • L’intérêt de la cession de créance réside, dans cette hypothèse, dans la possibilité pour le cessionnaire d’exiger le montant de la totalité de la créance, indépendamment du prix de cession convenu par les parties.
    • Le subrogé ne peut, quant à lui, recouvrer sa créance que dans la limite de ce qu’il a payé et non au regard du montant nominal de la créance.
  • Consentement
    • À la différence de la cession de créance qui requiert le consentement du créancier cédant, la subrogation peut, tantôt exiger le consentement du débiteur, tantôt l’accord du créancier.
    • Tout dépend du type de subrogation (légale ou conventionnelle).

?Cession de créance et novation

  • Définition
    • Définie à l’article 1329 du Code civil, la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée.
    • Elle peut avoir lieu par substitution d’obligation entre les mêmes parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier.
    • Contrairement à la cession de créance, la novation n’opère pas de transfert de créance, elle a pour effet de créer un nouveau rapport d’obligation entre le débiteur et le cocontractant du créancier.
    • Ainsi, le nouveau créancier est-il titulaire d’une nouvelle créance qui se distingue de l’ancienne, éteinte, par l’effet de la novation.
    • L’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires.
  • Consentement
    • Tandis que la cession de créance n’exige pas l’accord du débiteur, la novation par changement de créancier requiert son consentement.
    • Celui-ci peut, par avance, accepter que le nouveau créancier soit désigné par le premier.

II) Fonctions de la cession de créance

La cession de créance est susceptible de remplir plusieurs fonctions selon qu’elle est consentie à titre gratuit ou à titre onéreux.

A) La cession de créance consentie à titre gratuit

Deux hypothèses doivent alors être distinguées :

  • Le cédant est animé d’une intention libérale
    • Dans ce cas de figure, la cession de créance s’apparente à une donation indirecte.
    • Elle est donc subordonnée à la volonté de gratifier le cessionnaire.
  • Le cédant n’est pas animé d’une intention libérale
    • Dans ce cas de figure, la cession de créance s’apparente à un prêt gratuit
    • Le cessionnaire disposera, en effet, d’un actif économique qu’il pourra mobiliser en contrepartie d’un financement.

B) La cession de créance consentie à titre onéreux

Dans cette hypothèse, la cession de créance est susceptible trois fonctions, selon qu’elle est consentie ou non en contrepartie d’une somme d’argent

?La cession consentie en contrepartie d’une somme d’argent

Dans ce cas de figure la cession de créance peut être réalisée :

  • Soit aux fins d’octroi d’un crédit
    • La cession apparaît ici comme la contrepartie de l’octroi d’un crédit.
    • Le cessionnaire acquiert la créance du cédant moyennant le paiement de son montant nominal diminué du prélèvement d’une commission.
    • Lorsque la créance cédée est de nature professionnelle, la figure juridique qui se prête le mieux à l’opération est la cession Dailly.
  • Soit aux fins de règlement d’un prix
    • La cession ne s’analysant plus comme une vente de bien incorporel
    • Il s’ensuit que sa validité n’est plus subordonnée à la détermination d’un prix.
    • À tout le moins, conformément à l’article 1163, al. 2e du Code civil, son prix doit être déterminé ou déterminable.
    • Qui plus est, rien n’interdit que le prix fixé soit inférieur au montant nominal de la créance.
    • C’est là tout l’intérêt de la cession de créance, comparativement, par exemple, à la subrogation personnelle.

?La cession consentie sans contrepartie d’une somme d’argent

Dans ce cas de figure, la cession de créance peut être réalisée :

  • Soit aux fins de règlement d’une dette
    • Sa validité doit être appréciée à l’aune des règles qui gouvernent les procédures collectives (période suspecte et interdiction des paiements).
  • Soit aux fins de constitution d’une garantie
    • Bien que le Code monétaire et financier prévoie qu’il puisse être recouru à la cession de créance aux fins de garantie, ses dispositions ne visent que les cessions réalisées par bordereau Dailly, soit les cessions qui portent sur des créances professionnelles.
    • S’agissant de la cession de créance de droit commun, le Code civil ne comporte aucune disposition en ce sens qui n’est pas sans avoir fait couler beaucoup d’encre.
    • Le principal argument avancé contre l’admission de la cession de créance à titre de garantie consistait à dire que la reconnaissance de cette fonction reviendrait à contourner la prohibition des pactes commissoires.
    • Pour rappel, le pacte commissoire est, selon Gérard Cornu, le contrat par lequel le créancier se fait consentir le droit de s’approprier de lui-même (sans avoir à le demander au juge) la chose remise en gage faute de paiement à l’échéance.
    • Dans un arrêt du 19 décembre 2006 la Cour de cassation semble s’être ralliée à la position des opposants à l’admission de la cession de créance à titre de garantie.
    • La chambre commerciale a, en effet, estimé que, « en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un° nantissement de créance » (Cass. com. 19 déc. 2006, n°05-16.395).
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que la cession de créance est réalisée sans contrepartie financière elle n’opère pas de transfert des droits.
    • Elle s’apparente à un simple nantissement, de sorte que le « cédant » demeure titulaire de la créance « cédée ».
    • Cette décision a été lourdement critiquée par la doctrine, notamment en raison de la réforme des sûretés dont la Cour de cassation n’a, semble-t-il, pas voulu tenir compte.
    • Le nouvel article 2348 du Code civil reconnaît désormais la licéité du pacte commissoire en prévoyant que, « il peut être convenu, lors de la constitution du gage ou postérieurement, qu’à défaut d’exécution de l’obligation garantie le créancier deviendra propriétaire du bien gagé. »
    • La chambre commerciale n’a manifestement pas jugé utile de tenir compte de cette réforme.
    • Aussi, lorsqu’elle est consentie sans contrepartie financière, la cession de créance de droit commun opère seulement nantissement et non transfert de propriété.

Cass. com. 19 déc. 2006

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 2075 et 2078 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que par acte du 7 janvier 1992, la Foncière forum 20 a acquis la propriété d’un centre commercial, au moyen d’un prêt de la banque CGER, à la sûreté duquel, en garantie de toutes les sommes pouvant lui être dues, avait été consentie, par l’emprunteur, une cession des loyers dus par les locataires, parmi lesquels figurait la société Pills Music, et aux droits de laquelle est venue la société DIVA ; que la Caisse fédérale du crédit mutuel du Nord de Paris (la caisse), se prévalant d’une cession à son profit, le 30 mai 1997, de la créance résultant du prêt accordé par la banque CGER, a signifié la cession au débiteur cédé, la Foncière forum 20 ; que la caisse ayant assigné en paiement la société DIVA, en sa qualité de débiteur cédé de la cession des loyers, celle-ci a soutenu que la cession n’étant stipulée qu’à titre de garantie, n’avait pas eu pour effet de faire sortir les créances locatives litigieuses du patrimoine de la société Foncière forum avant la mise en redressement judiciaire de celle-ci, intervenue le 27 juin 1995 et qu’ainsi, la caisse était dépourvue de droit envers elle ;

Attendu que pour condamner la société DIVA à payer à la caisse la somme de 125 049,47 euros majorée des intérêts, l’arrêt retient qu’il résultait de l’acte du 7 janvier 1992 que la cession de créance de loyers au profit de la banque CGER, étant stipulée à titre de sûreté complémentaire en garantie de toutes les sommes qui pourraient lui être dues, il en résultait que la banque CGER avait acquis la propriété de cette créance dès cette date et que cette créance pouvait être transmise à la caisse par acte du 30 mai 1997 ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’en dehors des cas prévus par la loi, l’acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un° nantissement de créance, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 mars 2005, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

III) Conditions de la cession de créance

A) Les conditions de fond

1. Les conditions de fond ordinaires

À l’instar de n’importe quel acte juridique, la cession de créance, qui est un contrat, est soumise aux conditions ordinaires de validité des conventions.

Aussi, doit-elle satisfaire les conditions énoncées à l’article 1128 du Code civil qui prévoit que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité de contracter
  • Un contenu licite et certain

2. Les conditions de fond spécifiques

?Objet de la créance

Il ressort de l’article 1321 du Code civil que la cession peut porter sur toutes sortes de créances :

  • Une créance présente ou future
    • Tandis que la créance présente est celle dont le fait générateur est déjà intervenu, la créance future est celle qui existe seulement dans son principe sans que l’obligation à laquelle elle est attachée soit née.
    • Aussi, lorsque la créance est future rien n’interdit qu’elle puisse faire l’objet d’une cession, à la condition néanmoins, précise l’article 1321, que ladite créance soit identifiable (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 20 mars 2001, n°99-14.982).
  • Une créance déterminée ou déterminable
    • En visant les créances déterminées ou déterminables, l’article 1321 autorise que la cession porte sur une créance à terme, échue, à exécution successive ou encore conditionnelle.
    • Ce qui importe c’est que la créance soit identifiable, c’est-à-dire qu’elle soit au moins déterminée dans son objet et dans son montant (Cass. com. 22 janv. 2002, n°99-15.047).
  • Une créance totale ou partielle
    • En prévoyant que la cession de créance « est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé », l’article 1321 envisage que cette opération puisse porter sur une créance partielle.
    • Cela ne sera toutefois possible qu’à la condition que la créance soit divisible, ce qui sera toujours le cas d’une somme d’argent.

?Cessibilité de la créance

  • Principe
    • Classiquement on enseigne que les créances sont par principe librement cessibles, quel que soit leur objet.
    • Aussi, peu importe que la cession porte sur une somme d’argent ou sur une prestation de faire ou de ne pas faire.
    • On peut ajouter que dans la mesure où il n’est pas nécessaire que le débiteur consente à l’opération, la liberté des parties à l’acte s’en trouve augmentée.
    • Le caractère intuitu personae d’une créance ne constitue aucunement un obstacle à la cession, sauf à ce que la créance soit stipulée par les parties incessible.
  • Limites
    • Par dérogation au principe, un certain nombre de créances sont frappées d’incessibilité le plus souvent pour des raisons d’ordre public.
    • Il en va ainsi de la créance de prestation compensatoire, de pension alimentaire, de salaire ou encore de prestation sociale.
    • L’article 1321, al. 4 in fine prévoit en outre que les parties ont la faculté de stipuler une créance incessible, ce qui ouvre le champ à l’autonomie de la volonté.

B) Les conditions de forme

Aux termes de l’article 1322 du Code civil « la cession de créance doit être constatée par écrit, à peine de nullité. ».

La cession de créance s’analyse, de la sorte, en un acte solennel. Aucune mention n’est toutefois exigée, ce qui sur ce point la distingue de la cession Dailly.

Il peut être observé que l’établissement d’un écrit est également exigé en matière de nantissement de créance (art. 2356, al. 1er C. civ.).

IV) Effets de la cession de créance

A) Les effets à l’égard des parties

La cession de créance produit deux effets à l’égard des parties :

  • Transmission de la créance
  • Garantie de l’existence de la créance

?La transmission de la créance

  • Principe de la transmission
    • La cession de créance a pour principal effet la transmission de la créance détenue par le cédant au cessionnaire qui en devient le titulaire.
    • Ainsi, la créance est transportée d’un patrimoine à un autre.
    • La conséquence en est que, une fois l’acte conclu, le cédant n’exerce plus aucun droit sur la créance cédée.
    • Il ne dispose donc plus d’aucun droit sur le débiteur qu’il ne peut pas actionner en paiement.
  • Étendue de la transmission
    • À la différence de la subrogation personnelle, la cession portera toujours sur le montant nominal de la créance quand bien même elle serait stipulée pour un prix inférieur.
    • Par ailleurs, la cession peut porter sur une fraction de la créance lorsqu’elle est divisible.
    • L’article 1321, al. 2e précise que la cession s’étend aux accessoires de la créance.
    • Par accessoires il faut notamment entendre les sûretés constituées à la faveur du cédant.
    • On peut ajouter à cela, les actions en justice attachées à la créance ainsi que les titres exécutoires obtenus par le cédant.
    • Le cessionnaire est investi de plein droit dans tous les droits du cédant.
  • Moment de la transmission
    • L’article 1323, al. 1er prévoit que « entre les parties, le transfert de la créance s’opère à la date de l’acte. ».
    • Cela signifie donc que la créance quitte le patrimoine du cédant au moment de la formalisation de la cession par écrit.
    • Corrélativement, ladite créance intègre le patrimoine du cessionnaire au moment.
    • Est-ce à dire que, dès la réalisation de la cession, le cessionnaire peut réclamer le paiement de la créance au débiteur cédé ?
    • On ne saurait être aussi catégorique.
    • L’article 1324 du, al. 1er dispose, en effet, que « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »
    • Aussi, cela signifie-t-il que tant que la cession n’a pas été notifiée au débiteur cédé, celui-ci demeure libre de refuser de se libérer entre les mains du cessionnaire.
    • Du point de vue du débiteur, le seul titulaire de la créance c’est la cédant, à tout le moins tant que la cession ne lui a pas été notifiée.
    • Pour cette raison, il est douteux que l’effet translatif de la cession se produise au moment de la conclusion de l’acte.
    • Techniquement, c’est plutôt la notification de la cession au débiteur cédé qui opère le transfert de la créance.

?La garantie de l’existence de la créance

  • La garantie légale
    • Principe
      • L’article 1326 prévoit que « celui qui cède une créance à titre onéreux garantit l’existence de la créance et de ses accessoires ».
      • Cela signifie que si, au jour de la cession, la créance est susceptible d’être frappée par une cause d’annulation ou d’extinction, le cessionnaire doit être garanti contre cette éviction.
      • Cette garantie porte, tant sur la créance en elle-même, que sur ses accessoires (inexistence ou inefficacité d’une sûreté en raison, par exemple, d’un défaut d’inscription).
    • Exception
      • Le cédant n’est pas tenu de garantir l’existence de la créance lorsque le cessionnaire
        • Soit l’a acquise à ses risques et périls
        • Soit connaissait son caractère incertain
      • Ainsi, dès lors que l’un de ces deux éléments est entré dans le champ contractuel, le cédant n’est pas tenu de garantir l’existence de la créance.
      • Cela suppose que le cessionnaire en ait été préalablement informé par le cédant.
  • La garantie de la solvabilité du débiteur
    • Principe
      • Si, le cédant garantit l’existence de la créance, il ne garantit en aucun cas la solvabilité du débiteur cédé.
      • Autrement dit, dans l’hypothèse où le débiteur est dans l’incapacité financière de régler le cessionnaire, ce dernier ne disposera d’aucun recours contre le cédant.
      • C’est là une différence majeure entre la cession de créance de droit commun et la cession Dailly.
    • Exception
      • L’article 1326, al. 2 prévoit que les parties sont libres de déroger au principe d’absence de garantie de la solvabilité du débiteur cédé.
      • Lorsque, toutefois, le cédant s’y engage, sa garantie n’est due que dans la limite du prix qu’il a pu retirer de la cession de sa créance.
      • Autrement dit, le cessionnaire ne saurait réclamer au cédant le paiement du montant nominal de la créance.
      • L’article 1326, al. 3 précise en outre que « lorsque le cédant a garanti la solvabilité du débiteur, cette garantie ne s’entend que de la solvabilité actuelle ; elle peut toutefois s’étendre à la solvabilité à l’échéance, mais à la condition que le cédant l’ait expressément spécifié. »
      • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
        • D’une part, lorsque le cédant garantit la solvabilité du débiteur, il s’agit de celle dont il fait montre au jour de la conclusion de l’acte, soit de solvabilité actuelle.
        • D’autre part, les parties peuvent prévoir que la garantie portera sur la solvabilité future du débiteur, soit à l’échéance de la créance, mais à la condition de le stipuler dans l’acte de cession.

B) Les effets à l’égard du débiteur

?Opposabilité de la cession

Aux termes de l’article 1324 du Code civil « la cession n’est opposable au débiteur, s’il n’y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s’il en a pris acte. »

Cela signifie, autrement dit, que tant que la cession ne lui a pas été notifiée il peut valablement se libérer entre les mains du cédant.

Une lecture approfondie de cette disposition révèle toutefois que deux situations doivent être distinguées :

  • Le débiteur cédé a consenti à la cession
    • Dans cette hypothèse, la cession est opposable au débiteur dès la conclusion de l’acte, sans qu’il soit besoin que la cession lui soit notifiée.
    • Dans la mesure où il est intervenu à l’acte de concert avec le cédant et le cessionnaire, la cession produira ses effets à leur égard au même moment, soit lors de la formalisation de l’opération par écrit.
  • Le débiteur cédé n’a pas consenti à la cession
    • Dans cette hypothèse, la cession doit impérativement être notifiée au débiteur faute de quoi elle lui sera inopposable.
    • Aussi, deux situations doivent être distinguées
      • La cession est notifiée au débiteur
        • La cession est pleinement opposable au débiteur
        • Si, en conséquence, il est actionné en paiement par le cessionnaire, il n’a d’autre choix que de régler le montant nominal de la créance.
        • Qui plus est, s’il se libère entre les mains du cédant, son paiement ne sera pas libératoire, de sorte qu’il s’expose à payer deux fois
      • La cession n’est pas notifiée au débiteur
        • Tant que la cession n’est pas notifiée au débiteur, elle lui est inopposable.
        • Concrètement, cela signifie que le débiteur peut valablement se libérer entre les mains du cédant.
        • Son paiement sera libératoire, à charge pour le cessionnaire de se retourner contre le cédant, avec ce risque de se retrouver en concurrence avec d’autres créanciers, notamment en cas d’ouverture d’une procédure collective.

?Opposabilité des exceptions

Selon l’adage nemo plus juris, nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a reçus.

Il en résulte que si le cédant transmet sa créance au cessionnaire avec tous ses accessoires, il la lui transmet également avec toutes les exceptions qu’elle comporte.

Autrement dit, la créance est transmise au cessionnaire tant avec ses avantages qu’avec ses faiblesses.

D’où la possibilité ouverte au débiteur d’opposer au cessionnaire toutes les exceptions qu’il pouvait opposer au cédant.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

L’article 1324, al. 2e du Code civil prévoit ainsi que « le débiteur peut opposer au cessionnaire les exceptions inhérentes à la dette, telles que la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution ou la compensation des dettes connexes. Il peut également opposer les exceptions nées de ses rapports avec le cédant avant que la cession lui soit devenue opposable, telles que l’octroi d’un terme, la remise de dette ou la compensation de dettes non connexes. »

Il ressort de cette disposition que deux catégories d’exceptions doivent être distinguées :

  • Les exceptions inhérentes à la dette
    • Il s’agit des exceptions attachées à la créance en elle-même, de sorte qu’elles suivent la créance quel que soit son titulaire.
    • Aussi, ces exceptions sont celles qui, en toute hypothèse, peuvent être opposées au cessionnaire, peu importe que la cession ait ou non été notifiée au débiteur.
    • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1324 vise, la nullité, l’exception d’inexécution, la résolution et la compensation des dettes connexes
    • Cette liste n’est pas limitative.
  • Les exceptions extérieures à la dette
    • Il s’agit plus précisément des exceptions tirées du rapport personnel entre le cédant et le débiteur
    • Il ressort de l’article 1324 du Code civil que ces exceptions ne peuvent être opposées au cessionnaire, qu’à la condition qu’elles soient nées avant la notification de la cession au débiteur.
    • On peut en déduire, que tant que la cession ne lui a pas été notifiée, celui-ci entretient toujours un lien avec le cédant, quand bien même la créance est sortie de son patrimoine.
    • Aussi, pourrait-on parfaitement envisager que le débiteur puisse valablement se prévaloir d’une remise de dette que lui aurait consentie le cédant postérieurement à la formalisation de la cession.

C) Les effets à l’égard des tiers

?Opposabilité de la cession

L’article 1323 du Code civil prévoit que la cession est opposable aux tiers à compter de la date de l’acte.

C’est là une grande nouveauté introduite par l’ordonnance du 10 février 2016.

Sous l’empire du droit antérieur, la cession n’était opposable aux tiers qu’à compter de l’accomplissement des formalités exigées par l’ancien article 1690.

L’article 1323 précise que « en cas de contestation, la preuve de la date de la cession incombe au cessionnaire, qui peut la rapporter par tout moyen. »

?Concours de cessionnaires

  • La primauté du cessionnaire premier en date
    • Quid dans l’hypothèse où un créancier cède une même créance successivement à plusieurs cessionnaires ?
    • Afin de résoudre ce concours de cessionnaires, l’article 1325 du Code civil prévoit que « le concours entre cessionnaires successifs d’une créance se résout en faveur du premier en date »
    • Ainsi, conviendra-t-il de comparer les dates qui figurent sur les actes de cession pour déterminer à quel cessionnaire revient la titularité de la créance disputée.
  • Les recours du cessionnaire premier en date
    • Une fois la question de la titularité de la créance résolue, une autre difficulté est susceptible de se faire jour.
    • Le débiteur peut, en effet, s’être libéré entre les mains du « mauvais cessionnaire ».
    • Aussi, de quels recours dispose le cessionnaire premier en date pour se faire payer ?
    • Plusieurs situations doivent être distinguées
      • La cession n’a pas été notifiée au débiteur
        • Dans cette hypothèse, le débiteur pouvait valablement se libérer entre les mains d’un autre cessionnaire, à plus forte raison si ce dernier avait procédé à la notification.
        • Le paiement du débiteur est conséquence libératoire.
        • En application de l’article 1325 du Code civil le cessionnaire premier en date ne disposera que d’un recours contre « celui auquel le débiteur aurait fait un paiement. »
      • La cession a été notifiée au débiteur
        • Dans cette hypothèse, le paiement du débiteur entre les mains du mauvais cessionnaire n’était pas libératoire.
        • Il en résulte que le cessionnaire premier en date dispose de deux recours :
          • contre le débiteur
          • contre le cessionnaire qui a été réglé

Pour une approche renouvelée du statut des droits sociaux en régime de communauté

Les qualités d’époux et d’associé peuvent-elles cohabiter ? Telle est la question que l’on est inévitablement conduit à se poser lorsque l’on s’interroge sur le statut des droits sociaux en régime de communauté. Tandis que le droit des régimes matrimoniaux commande à l’époux marié sous le régime légal de collaborer avec son conjoint sur un pied d’égalité pour toutes les décisions qui intéressent la communauté, le droit des affaires répugne à admettre que les « acteurs périphériques » d’une société, puissent, quelle que soit leur qualité (commissaire aux comptes, administration fiscale, juge), s’immiscer dans la gestion de l’entreprise[1].

Lorsque des droits sociaux sont acquis avant le mariage, ou en cours d’union à titre gratuit, ou encore par le biais d’un acte d’emploi ou de remploi, cette situation ne soulève guère de difficultés. Ils endossent la qualification de biens propres, de sorte que, conformément à l’article 1428 du Code civil, l’époux associé est seul investi du pouvoir d’en disposer et, à plus forte raison, d’en jouir et de les administrer. Une immixtion du conjoint dans la gestion de la société s’avère donc impossible, à tout le moins par l’entremise d’une voie de droit. Il en va de même lorsque les époux sont mariés sous un régime séparatiste, les patrimoines de chacun étant strictement cloisonnés[2].

Lorsque, en revanche, les titres sociaux, dont s’est porté acquéreur un époux, répondent à la qualification de biens communs, le droit des régimes matrimoniaux et le droit des sociétés ne peuvent plus s’ignorer. La raison en est l’existence d’interactions fortes entre la qualité d’époux et celle d’associé. Dans cette configuration, d’une part, l’article 1424 du Code civil impose à l’époux associé de se conformer au principe de cogestion s’agissant des actes de dispositions portant sur des droits sociaux non négociables. D’autre part, en vertu de l’article 1832-2, alinéa 1er, obligation lui est faite, lors de l’acquisition de parts sociales au moyen de biens communs, d’en informer son conjoint et de justifier, dans l’acte de souscription, l’accomplissement de cette démarche[3].

Ainsi, lorsque les droits sociaux constituent des acquêts, le droit des régimes matrimoniaux permet-il au conjoint de l’époux associé de s’ingérer dans la gestion de la société. Plus encore, au titre de l’article 1832-2, alinéa 3, ce dernier est fondé à revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales souscrites en contrepartie de l’apport d’actifs communs[4].

Bien que les prérogatives dont est investi le conjoint de l’époux associé soient une projection fidèle de l’idée selon laquelle « la vocation communautaire du régime [légal] justifie le droit de regard du conjoint de l’associé sur les conséquences patrimoniales des prérogatives personnelles de celui-ci »[5], l’exercice desdites prérogatives n’en porte pas moins atteinte au principe général de non-immixtion qui gouverne le droit des sociétés. De surcroît, la possibilité pour le conjoint de l’époux titulaire des droits sociaux de revendiquer la qualité d’associé, vient heurter l’intuitu personae dont sont particulièrement empreintes les sociétés de personnes[6] et les sociétés à responsabilité limitée, alors mêmes que ces groupements sont censés constituer un « univers […] clos, rebelle à toute ingérence étrangère »[7].

Immédiatement, se pose alors la question de l’articulation entre le droit des régimes matrimoniaux et le droit des sociétés. Pendant longtemps, les auteurs ont considéré ces deux corpus normatifs comme étant, par essence, peu compatibles en raison de l’opposition frontale qui existerait entre les modes de fonctionnement de la structure sociétaire et du couple marié sous le régime de communauté[8]. Françoise Dekeuwer-Défossez résume parfaitement cette idée en observant qu’il s’agit là « de deux structures antagonistes [qui] coexistent », mais dont « les règles qui gouvernement chacune d’entre elles tendent à intervenir dans le fonctionnement de l’autre »[9]. Est-ce à dire que ces règles qui, tantôt modifient les rapports entre associés, tantôt modifient les rapports entre époux, sont inconciliables ?

On ne saurait être aussi catégorique ne serait-ce que parce que le droit des régimes matrimoniaux a, depuis l’adoption du Code civil, considérablement évolué. La hiérarchie conjugale qui était difficilement compatible avec le principe d’égalité entre associés a, de la sorte, été abolie par la loi du 23 décembre 1985 instituant l’égalité entre époux. Le principe d’immutabilité des conventions matrimoniales qui contrevenait à la possibilité pour les époux de constituer une société entre eux[10] a subi le même sort, celui-ci ayant été considérablement assoupli[11]. Qu’en est-il de la problématique née de la possibilité pour le conjoint de l’époux associé de s’immiscer dans la gestion de la société ?

À titre de remarque liminaire, il peut être observé que le statut des parts d’intérêts émises par les sociétés de capitaux n’a jamais réellement été discuté dans la mesure où ces groupements sont dépourvus d’intuitu personae. Il s’ensuit que la titularité de la qualité d’associé est indifférente[12]. Aussi, le débat s’est-il exclusivement focalisé sur les droits sociaux que l’on qualifie de non-négociables[13]. Par droits sociaux non négociables, il faut entendre les parts d’intérêt qui représentent un droit dont la titularité est étroitement attachée à la personne de son détenteur. Selon Estelle Naudin, leur singularité réside dans l’impossibilité pour ces titres sociaux de faire l’objet d’une quelconque « transmission sur un marché financier »[14].

Pour appréhender cette catégorie de droits sociaux lorsqu’ils sont détenus par des époux mariés sous un régime communautaire, pendant longtemps, la jurisprudence leur a appliqué la distinction du titre et de la finance[15], mise au point au XIXe siècle, afin de surmonter le problème de patrimonialité qui se posait pour les offices ministériels[16].

À plusieurs reprises, le législateur a, de son côté, tenté de résoudre cette problématique notamment en cherchant à préciser le statut des droits sociaux[17] ainsi qu’en clarifiant l’attribution de la qualité d’associé[18]. Toutefois, de l’avis général des auteurs, par ses interventions successives, il a moins contribué à éclairer le débat qu’à l’obscurcir[19], « à tel point que les divergences doctrinales s’accrurent »[20]. Deux textes sont à l’origine de l’embrasement du débat : l’article 1404 et l’article 1424 du Code civil.

Relevant que le premier de ces textes confère la qualification de bien propre à « tous les droits exclusivement attachés à la personne », certains auteurs en ont déduit que les droits sociaux non négociables répondaient à cette qualification en raison du fort intuitu personae dont ils sont marqués[21].

À l’inverse, d’autres auteurs ont avancé qu’il convenait plutôt de retenir la qualification d’acquêts de communauté, l’article 1424 rangeant très explicitement les droits sociaux non négociables dans la catégorie des biens communs dont un époux ne peut disposer seul[22].

Rejetant les thèses monistes, une partie de la doctrine a plaidé pour un maintien de la distinction du titre et de la finance[23]. Les tenants de cette opinion ont argué que seule la conception dualiste permettrait d’opérer une conciliation entre les articles 1404 et 1424 du Code civil.

D’autres auteurs ont enfin proposé de renouveler la distinction du titre et de la finance qui, selon eux, serait « inutile et dépassée »[24]. Reprochant à cette distinction d’opposer les droits sociaux à leur valeur patrimoniale, ces auteurs préconisent de faire entrer les parts sociales dans la communauté, non seulement pour leur valeur, mais également en nature[25]. L’objectif poursuivi est de préserver aux mieux les intérêts de la communauté, tout en garantissant au titulaire des parts le monopole de la qualité d’associé.

Alors que la jurisprudence n’a jamais adopté de position suffisamment convaincante pour mettre en terme définitif au débat[26], le législateur est intervenu le 10 juillet 1982 dans le dessein de clarifier le statut du conjoint de l’époux associé. Aux termes de l’article 1832-2, celui-ci est désormais fondé à revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts souscrites, à condition qu’elles aient été acquises au moyen d’actifs communs.

Bien que cette disposition ne tranche pas directement la question de la qualification des droits sociaux non négociables, certains auteurs y ont vu néanmoins une consécration de la thèse dualiste. André Colomer n’hésite pas à affirmer que « l’article 1832-2 du Code civil […] consacre implicitement la doctrine de la distinction de la qualité d’associé (qui reste personnelle) et des parts sociales (qui sont des biens commun en nature) »[27]. Cet auteur est rejoint par Gérard Champenois pour qui il ne fait aucun doute que la loi du 10 juillet 1982 retient cette analyse. Pour lui, on saurait tout à la fois offrir la possibilité de revendiquer la qualité d’associé et admettre que les parts d’intérêt puissent endosser la qualification de biens propres, sauf à reconnaître au conjoint un droit à « expropriation »[28].

Qu’en est-il aujourd’hui ? La jurisprudence semble s’être prononcée en faveur du maintien de la distinction du titre et de la finance. Dans un arrêt remarqué du 9 juillet 1991, la Cour de cassation a décidé que seule la valeur patrimoniale des parts sociales d’un groupement agricole d’exploitation (GAEC) était commune, les parts en elles-mêmes ne rentrant pas dans l’indivision post-communautaire[29]. Pour la haute juridiction, la qualité d’associé demeure propre au mari. Cette dernière a réitéré cette solution quelques années plus tard en considérant que la valeur des parts sociales d’une SCP constituait un bien dépendant de la communauté. Elle en a déduit que les fruits et revenus tirés de l’exercice des droits sociaux tombaient alors dans l’indivision post-communautaire[30]. Plus récemment, elle a affirmé de façon très explicite « qu’à la dissolution de la communauté matrimoniale, la qualité d’associé attaché à des parts sociales non négociables dépendant de celle-ci ne tombe pas dans l’indivision post-communautaire qui n’en recueille que leur valeur »[31]. Ainsi, la Cour de cassation apparaît-elle toujours très attachée à la distinction du titre et de la finance, malgré les difficultés pratiques que cette position soulève[32]. Selon Isabelle Dauriac néanmoins, « l’hésitation est toujours permise »[33].

Plus précisément, les auteurs ne s’entendent toujours pas sur la qualification à donner aux parts sociales acquises au moyen de deniers communs, l’intérêt pratique du débat résidant – il n’est pas inutile de le rappeler – dans la résolution des difficultés soulevées par le fonctionnement parallèle d’une société et d’un régime communautaire. Au vrai, le sentiment nous est laissé, au regard de l’abondante littérature consacrée au sujet, que le problème est peut-être insoluble. Face à ce constat, deux attitudes peuvent être adoptées.

On peut tout d’abord considérer que les deux branches du droit que l’on cherche à articuler sont fondamentalement si différentes l’une de l’autre qu’aucune conciliation n’est possible, si bien que la solution retenue in fine, ne pourra être qu’un pis-aller. On peut également refuser cette fatalité et se demander si l’insolubilité du problème ne viendrait pas de ce que la doctrine raisonne à partir d’un postulat erroné. Toutes les thèses avancées par les auteurs reposent sur l’idée que les droits sociaux sont des biens. Partant, la seule conséquence que l’on peut tirer de ce postulat, c’est que les parts d’intérêt viennent nécessairement alimenter, tantôt la masse commune, tantôt la masse propre de l’époux associé, tantôt simultanément les deux masses si l’on adhère à la thèse dualiste du titre et de la finance. C’est alors que l’on se retrouve dans une impasse dont la seule issue conduit, selon Jean Derruppé, « à ce qu’il y a de plus regrettable pour la pratique : l’incertitude du droit »[34].

Pour sortir de cette impasse, ne pourrait-on pas envisager que les droits sociaux puissent ne pas être rangés dans la catégorie des biens ? Une frange ancienne de la doctrine soutient, en effet, que les prérogatives dont est investi l’associé s’apparentent, non pas à des droits réels, mais à des droits de créance contre la société[35]. Plus récemment, reprochant à cette thèse de réduire l’associé à un simple créancier, alors que le droit de créance est insusceptible de rendre compte de toutes les prérogatives dont l’associé est titulaire[36], des auteurs ont avancé que les droits sociaux seraient, en réalité, « de nature hybride », en ce sens qu’ils traduiraient « la position contractuelle de l’associé, composée d’obligations actives et passives »[37]. Une appréhension des droits sociaux de l’époux associé comme résultante de la position sociétaire, serait donc possible (II). Cette approche permettrait ainsi d’abandonner le postulat consistant à assimiler systématiquement les parts d’intérêt à des biens, postulat qui est à l’origine de nombreuses difficultés quant à l’articulation entre le droit des régimes matrimoniaux et le droit des sociétés (I).

I) La difficile appréhension des droits sociaux comme objet de droit de propriété

Le classement des droits sociaux dans la catégorie des biens soulève, tant des difficultés théoriques en droit des sociétés (A), que des difficultés pratiques en droit des régimes matrimoniaux (B).

A) Les difficultés théoriques soulevées par la qualification de bien en droit des sociétés

S’il est acquis en droit des régimes matrimoniaux que les droits sociaux doivent être classés dans la catégorie des biens, cette vision est loin de faire l’unanimité en droit des sociétés. L’admission de ce postulat suppose de considérer que les associés exerceraient un droit de propriété sur les titres auxquels ils ont souscrits et, corrélativement, de rejeter l’idée qu’ils puissent être regardés comme les titulaires d’une créance contre la société. L’adoption de l’une ou l’autre thèse demeure pourtant très discutée en doctrine. Cette question touche, en effet, au débat relatif à la nature de la société. Or indépendamment du caractère fondamental de la problématique à laquelle ce débat se rapporte, il connaît un fort regain d’intérêt depuis quelques années, notamment sous l’impulsion du « renouveau de la thèse contractuelle »[38] que l’on oppose, classiquement, à la conception institutionnelle[39].

Selon la première conception, directement héritée du droit romain[40], la société s’apparenterait à un contrat. Défendue par Pothier[41] et Domat[42], cette thèse a été consacrée par le Code Napoléon, qui naguère disposait, en son article 1832, que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre en commun dans la vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Des stigmates de cette définition se retrouvent, encore aujourd’hui, dans le Code civil. Le nouvel article 1832 convoque toujours la figure du contrat pour définir la notion de société. De nombreux autres arguments ont, par ailleurs, été avancés au soutien de la thèse contractuelle.

Tout d’abord, semblablement à un contrat, la société n’est autre que le produit d’une manifestation de volontés. Sa constitution ne s’impose donc pas aux associés. Aucune obligation ne leur commande de conclure un pacte social ou d’y adhérer. Ensuite, la validité de l’acte juridique que constitue la société est subordonnée au respect des conditions générales de formation exigées en matière de contrat. Enfin, l’autonomie de la volonté préside, pour une large part, à l’élaboration du pacte social, en ce sens que les associés sont libres d’adopter la forme sociale qui leur sied et de déterminer le contenu des statuts.

Bien qu’il soit incontestable que la société trouve sa source dans un acte juridique, de nombreuses critiques ont été adressées à la thèse contractuelle. Les auteurs relèvent notamment que la constitution d’une société peut résulter de l’accomplissement d’un acte unilatéral. Depuis 1985, le législateur reconnaît la possibilité d’instituer une société « par l’acte de volonté d’une seule personne »[43]. Par ailleurs, Philippe Merle observe que « la société n’accède à la vie juridique que par une formalité administrative, l’immatriculation et non par la volonté des associés »[44]. Il a encore été objecté que c’est la loi de la majorité qui régit l’adoption des délibérations sociales alors que la modification d’un contrat requiert l’unanimité des parties[45]. En outre, de nombreuses règles d’origine légale et réglementaire gouvernent le fonctionnement des sociétés, sans qu’il puisse y être dérogé dans les statuts, ce qui, pour certains, est de nature à disqualifier la thèse contractuelle. Finalement, le reproche général formulé par les contradicteurs de cette thèse est que le recours au concept de contrat ne permet pas d’appréhender dans sa globalité la notion de société[46].

C’est la raison pour laquelle, pour certains auteurs, la société s’apparenterait moins à un contrat qu’à une institution[47]. Par institution, il faut entendre, selon le doyen Hauriou, « une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et dure juridiquement dans un milieu social; pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise qui lui procure des organes; d’autre part, entre les membres du groupe social intéressés à la réalisation de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et réglées par des procédures »[48]. La thèse institutionnelle revient alors à appréhender la société comme un ensemble de règles impératives qui organisent de façon durable le fonctionnement du groupement qu’elle constitue en vue de la réalisation d’un but social déterminé, distinct des intérêts privés poursuivis par chacun de ses membres. Aussi, cela expliquerait-il pourquoi la société est pourvue de la personnalité juridique et d’un patrimoine propre. Cette thèse permet également de justifier la loi de la majorité qui préside à l’adoption des décisions sociales ainsi que l’important corpus normatif d’ordre public qui s’impose aux associés.

Bien qu’elle présente un certain nombre d’avantages, la conception institutionnelle n’échappe pas non plus à la critique, au premier rang desquelles figure le reproche consistant à dire qu’elle « s’apparente davantage à une idée ou à une image qu’à une véritable théorie car elle ne détermine aucun régime juridique précis »[49]. Qui plus est, elle néglige l’acte constitutif du groupement. Or cet élément est consubstantiel de la notion de société, spécialement lorsqu’il s’agit d’appréhender les sociétés dépourvues de personnalité morale où l’aspect contractuel est prépondérant. Au total, pour la doctrine majoritaire[50], ni la thèse institutionnelle, ni la thèse contractuelle ne semblent être en mesure de rendre compte du concept de société. Pour certains auteurs, une troisième voie serait néanmoins possible en revisitant la classification traditionnelle des contrats, soit en introduisant la distinction entre le contrat-échange et le contrat-organisation[51].

Selon Paul Didier« le premier type de contrat établit entre les parties un jeu à somme nulle en ceci que l’un des contractants gagne nécessairement ce que l’autre perd, et les intérêts des parties y sont donc largement divergents, même s’ils peuvent ponctuellement converger. Le deuxième type de contrat, au contraire crée entre les parties les conditions d’un jeu de coopération où les deux parties peuvent gagner et perdre conjointement et leurs intérêts sont donc structurellement convergents même s’ils peuvent ponctuellement diverger »[52]. Autrement dit, tandis que le contrat-échange « réalise une permutation de biens ou de services », le contrat-organisation aménage « une agrégation de bien ou de services »[53]. Patrice Hoang définit en ce sens le contrat-organisation comme l’« acte juridique qui a pour objet d’établir dans la durée des règles susceptibles d’organiser une collectivité de personnes et d’ordonner leur activité autour du but qu’elle s’est proposée d’atteindre »[54].

Aussi, le recours au concept de contrat-organisation permet-il de réussir là où l’approche restrictive du contrat de société échoue : expliquer l’existence d’une communauté d’intérêts qui prime sur les intérêts particuliers de chacun des associés. Cela justifie, dès lors, la soumission de ces derniers à la loi de la majorité. Plus généralement, cela permet d’appréhender la dimension institutionnelle de la société, soit les règles de fonctionnement et de représentation du groupement. Au fond, comme le souligne Nicolas Mathey, le concept de contrat-organisation « est certainement la formulation la plus exacte de ce qu’est réellement cet acte qui se trouve si souvent au fondement des personnes morales »[55]. Cette nouvelle approche de la notion de société a d’ailleurs récemment inspiré certains civilistes qui y ont vu un moyen d’envisager le droit des obligations sous un nouvel angle[56]. Appliquée en droit des régimes matrimoniaux, cela permettrait d’appréhender l’époux associé comme une véritable partie à un contrat et non plus comme un propriétaire, ce qui n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés pratiques.

B) Les difficultés pratiques soulevées par la qualification de bien en droit des régimes matrimoniaux

S’il est indéniable que chacune des qualifications préconisées par la doctrine à la faveur des droits sociaux non négociables présentent de réels avantages, à l’examen, aucune d’elles ne permet de concilier pleinement le droit des régimes matrimoniaux avec le droit des sociétés, ce, en raison des nombreuses difficultés pratiques que soulèvent ces qualifications. Sans qu’il soit besoin de nous livrer à une analyse exhaustive de ces difficultés – l’exercice mériterait qu’on lui consacre une étude entière – arrêtons-nous sur certaines d’entre elles – les plus saillantes – afin de mieux cerner l’impasse à laquelle conduit inexorablement l’assimilation des droits sociaux à des biens.

S’agissant, tout d’abord, de la qualification de biens communs, cette thèse s’imbrique certes parfaitement dans le système communautaire mis en place par le régime légal. Toutefois, elle fait fi du caractère personnel des droits sociaux non-négociables. Comme le relèvent les auteurs, la qualité d’associé n’est pas un bien[57]. Il s’agit d’une « prérogative attachée à une personne »[58]. Il en résulte qu’elle ne saurait tomber en communauté, sauf à reconnaître à cette dernière la personnalité morale. Or la doctrine n’y est majoritairement pas favorable[59]. Dans ces conditions, l’application du statut communautaire aux droits sociaux apparaît difficilement envisageable. L’argument tendant à invoquer au soutien de cette thèse l’article 1424 du Code civil, lequel impose la cogestion pour certains biens communs parmi lesquels figurent les droits sociaux non négociables, n’y change rien. Cette disposition instaure une règle pouvoir et non de propriété, de sorte qu’on ne saurait en tirer une quelconque conséquence quant à la qualification des parts d’intérêt.

Concernant, ensuite, la qualification de biens propres, cette thèse a manifestement reçu un bien meilleur accueil que la précédente par la doctrine, notamment en ce qu’elle « rend inutile la distinction artificielle et dépassée du titre et de la finance »[60]. Cependant, elle n’échappe pas non plus à la critique. Le premier grief que l’on peut formuler à l’encontre de cette théorie est que la qualification de bien propre conduit à priver la communauté d’actifs économiques importants alors qu’ils ont été acquis au moyen de biens communs. En somme, comme le souligne Jean Derruppé « la communauté réduite aux acquêts devient une communauté réduite aux récompenses »[61], ce qui est contraire à l’esprit communautaire dont est animé le régime légal. La seconde critique – la principale – que l’on peut adresser à la qualification de bien propre est que, conformément à l’article 1404 du Code civil, elle repose exclusivement sur l’intuitu personae dont est susceptible d’être marquée la qualité d’associé. Or l’existence de cette intuitu personae est déterminée, soit par la forme sociale de la société, soit par l’insertion d’une clause d’agrément dans les statuts. Aussi, cela revient-il à faire dépendre le statut des droits sociaux non pas de la loi, mais, pour une large part, de la volonté de l’époux associé. Celui-ci peut, de la sorte, trouver dans l’écran de la personne morale un excellent moyen de soustraire certains biens de la communauté.

S’agissant, enfin, de la thèse qui préconise le maintien de la distinction du titre et de la finance, bien que, appliquée de façon constante par la jurisprudence, et défendue par la doctrine majoritaire[62], elle n’est pas sans faille. La théorie dualiste repose, tout d’abord, sur une distinction purement « arbitraire »[63], en ce sens qu’elle opère une dissociation du titre et de la finance, alors que la part sociale est une : la qualité d’associé est indissociable de la valeur du titre. La conséquence en est l’application de règles juridiques différentes – parfois contraires – à un même bien. D’où les difficultés que la doctrine rencontre à les concilier. Il en va ainsi du conflit qui naît, par exemple, à l’occasion d’une cession de parts sociales, entre l’article 1424 qui requiert le consentement du conjoint pour tout acte de disposition portant sur des droits sociaux non négociables, et les articles 225 qui confèrent aux époux une pleine indépendance quant à la gestion des biens qui revêtent un caractère personnel. Là ne s’arrêtent pas les difficultés pratiques que soulève la théorie dualiste. Cette théorie conduit à l’application de l’article 1424, soit à instaurer une cogestion pour les titres sociaux non négociables, alors que la qualité d’associé est exclusivement attachée à la personne du titulaire des titres. Cela a pour effet pervers de permettre au conjoint de s’ingérer dans le fonctionnement d’une société pourtant empreinte d’intuitu personae.

Surtout, dans le droit fil de cette critique, la mise en œuvre de la distinction du titre et de la finance est susceptible de porter grandement atteinte à l’autonomie professionnelle de l’époux titulaire des droits sociaux. Un époux peut, en effet, jouir de la qualité d’associé pour les besoins de son activité professionnelle. Dans cette hypothèse, les articles 223 et 1421, al. 2 devraient en toute logique lui garantir une pleine et entière indépendance quant à l’exercice de ses droits sociaux[64]. Tel n’est cependant pas le cas si l’on adhère à la thèse dualiste. En cours de régime, l’adoption de cette thèse conduit à soumettre l’époux associé à la cogestion, par application de l’article 1424[65]. De surcroît, lors de la dissolution de la communauté, il est un risque que sa participation même dans la société soit menacée. Si l’on estime que les parts sociales entrent seulement pour leur valeur en communauté, l’époux associé sera contraint, lors du partage de l’indivision post-communautaire, d’indemniser son conjoint à concurrence de la moitié de la valeur des titres qu’il détient, ce qui peut avoir pour conséquence fâcheuse de l’obliger, s’il ne dispose pas de liquidités suffisantes, de céder tout ou partie sa participation dans la société[66]. Si au contraire, l’on considère que les parts sociales intègrent la communauté en nature[67], l’époux associé se retrouvera dans une situation encore plus inconfortable : le partage des parts devra s’effectuer non pas en valeur, mais en nature, ce qui mécaniquement fera perdre à l’époux titulaire des titres la moitié de sa participation dans la société. Ainsi, que les parts d’intérêt entrent en communauté pour leur valeur ou en nature, dans les deux cas, la liberté d’exercice professionnel de l’époux associé s’en trouve entravée. C’est là, de toute évidence, une sérieuse critique que l’on peut formuler à l’encontre de la thèse dualiste.

Tout bien pesé, il apparaît qu’aucune des thèses suggérées quant à la qualification des droits sociaux n’est à l’abri des critiques. Toutes soulèvent des difficultés pratiques qui font obstacle à la conciliation entre le droit des régimes matrimoniaux et le droit des sociétés. Au vrai, des objectifs radicalement différents président au développement de ces deux branches du droit. Tandis que le droit des régimes matrimoniaux encadre l’autonomie des époux en considération de l’obligation à la dette qui leur échoit, le droit des sociétés est hermétique à toute ingérence des tiers dans le fonctionnement de l’entreprise. D’où la difficulté de les concilier. Le problème vient de ce que le statut de bien endossé par les droits sociaux ne permet pas la cohabitation de la qualité d’époux avec celle d’associé. Cela devient néanmoins possible si l’on envisage les droits sociaux, non plus comme des biens, mais comme le produit d’un contrat.

II) La possible appréhension des droits sociaux comme effet du contrat de société

La qualification de bien ne constitue, en aucune manière, l’alpha et l’oméga de la problématique relative au statut des droits sociaux. Non seulement une appréhension de ces derniers sous l’angle du contrat est envisageable (A), mais encore, elle est préférable à maints égards (B).

A) L’endossement par l’époux associé de la qualité de contractant substituable à la qualité de propriétaire

Afin de sortir du postulat selon lequel la titularité de droits sociaux conférerait nécessairement à l’époux associé la qualité de propriétaire, il convient de s’interroger sur la question de savoir si, véritablement, les droits sociaux sont appropriables. Cela revient à se demander s’ils peuvent être qualifiés de biens. Le Code civil ne donne aucune définition des biens. Il se contente d’en dresser une classification. C’est à la doctrine qu’est revenue la tâche de les définir. Si, pour certains auteurs, une définition s’avère impossible[68], tous s’accordent néanmoins à voir dans les biens des choses appropriables qui possèdent une valeur patrimoniale[69]. Un bien s’apparente, en d’autres termes, à une richesse économique susceptible de faire l’objet d’une circulation juridique. Est-ce à dire que tout ce qui est évaluable en argent revêt nécessairement la qualification de bien ?

Pour le déterminer, reportons-nous à la summa divisio établie par Code civil à l’article 516 entre les immeubles et les meubles. Tandis que les premiers sont les biens qui adhèrent au sol, en ce sens qu’ils sont inséparables de celui-ci, les seconds peuvent être physiquement déplacés. Les meubles se distinguent, par ailleurs, des immeubles en ce que, conformément à l’article 527, une entité peut être qualifiée de meuble « par la détermination de la loi », soit en dehors de toute application du critère de mobilité. Cette catégorie particulière de meubles est traitée à l’article 529 qui prévoit notamment que doivent être classés dans la catégorie des meubles « les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie ». Les droits sociaux, qu’ils émanent de sociétés de personnes ou de capitaux, sont de la sorte appréhendés par la loi comme des meubles. Si cette assimilation – légale – des droits sociaux à des biens ne souffre, en apparence, d’aucune contestation possible, elle peine pourtant à convaincre.

Il ressort, en effet, de l’article 1832 du Code civil que les droits sociaux conférés à l’associé ne sont autres que la contrepartie de l’apport qu’il effectue lors de la conclusion du pacte social ou de son entrée dans la société. Les droits sociaux représentent, dans cette perspective, le rapport que l’associé entretient avec la société. Or il s’agit là d’un rapport entre une personne physique et une personne morale. Conséquemment, le droit que l’associé exerce sur la société devrait, en toute logique, être qualifié de personnel et non de réel comme c’est le cas dans le cadre d’une relation entre le propriétaire et son bien[70]. C’est pourquoi, pour Jean Dabin, les droits sociaux sont assimilables à des créances[71]. Cette qualification de créance est certes contestée – à juste titre – par certains auteurs pour qui « l’originalité de la part sociale est qu’elle confère à l’associé ce qu’un créancier n’a jamais : un droit d’intervention, c’est-à-dire une vocation à la vie sociale, dans la personnalité interne de la société »[72]. Techniquement, les droits sociaux ne peuvent donc pas être qualifiés de droits de créances. L’adoption de cette qualification est trop réductrice[73]. En tout état de cause, bien que la qualification de créance ne permette pas de rendre totalement compte des droits et obligations que confère la qualité d’associé, le constat n’en demeure pas moins inchangé : les droits sociaux sont le produit de la relation contractuelle que leur titulaire entretient avec une personne morale. L’associé s’apparente, dans ces conditions, moins à un propriétaire de titres qu’à une partie à un contrat. D’où l’inopportunité de qualifier les droits sociaux de biens. Ils représentent, en réalité, « la position contractuelle »[74] de l’associé.

Immédiatement, une nouvelle question se pose : si les titres sociaux que l’associé détient ne lui confèrent pas la qualité de propriétaire de la société, lesdits titres peuvent-ils, malgré tout, faire l’objet d’un droit de propriété ? Il convient, en effet, de distinguer les droits sociaux que les parts d’intérêt ou les valeurs mobilières constatent, des droits dont les titres sociaux sont, en eux-mêmes, susceptibles de faire l’objet. C’est ainsi qu’un auteur a pu soutenir que « la position contractuelle de l’associé […] peut être qualifiée de bien »[75]. D’autres encore estiment que « la créance se matérialise dans le titre qui la constate, lequel, étant une chose corporelle, est susceptible de propriété »[76]. Indépendamment de la théorie de l’incorporation qui a fait l’objet de nombreuses critiques[77], des auteurs plaident, plus généralement, pour une reconnaissance de la propriété des créances[78]. En somme, pour les défendeurs de cette thèse, dans la mesure où les créances possèdent une valeur patrimoniale et que, au même titre que les biens, elles sont cessibles, transmissibles, saisissables et peuvent être données en garantie, pourquoi ne pas envisager qu’elles puissent faire l’objet d’un droit de propriété ? Qui plus est, la Cour européenne des droits de l’Homme[79] et, dans une moindre mesure, le Conseil constitutionnel[80] ont admis la propriété des créances. Pour séduisante que soit cette théorie, elle n’est cependant pas satisfaisante[81].

Comme le relèvent très justement d’éminents auteurs « un droit personnel ne peut être rationnellement l’objet d’un droit réel. En effet, puisque le droit réel s’analyse comme un pouvoir exercé directement sur une chose, un tel droit ne peut s’exercer sur une personne qui ne peut devenir objet de propriété »[82]. De surcroît, pour Gabriel Marty et Pierre Raynaud « la notion de propriété ainsi appliquée à tous les droits patrimoniaux (pourquoi pas les autres droits ?) perd toute signification précise : en réalité, elle se réduit à l’élément d’appartenance, de titularité, que l’on retrouve dans tout droit subjectif, voire dans toute compétence. À généraliser ainsi le concept de propriété, on le fait disparaître »[83]. Surtout, et c’est là, selon nous, l’argument décisif, la reconnaissance de la propriété des créances est difficilement admissible en théorie du droit.

À supposer que l’on puisse exercer un droit réel sur une créance, cela suppose que son titulaire soit fondé à en abuser. Cela signifie qu’il doit, notamment, pouvoir accomplir librement tous les actes qui en affectent la substance. Le créancier ne dispose cependant pas de pareille prérogative. Comme l’a démontré Kelsen, une créance s’apparente à une norme[84]. Or pour que la modification d’une norme soit valide, elle doit avoir été faite conformément à une norme d’habilitation supérieure. Cela implique, autrement dit, que le créancier ait été investi par la loi du pouvoir de redéfinir le contenu de la créance. En droit commun, les parties à un contrat ne sont, toutefois, jamais habilitées, sauf exception, à accomplir un tel acte[85]. La loi exige, tout au contraire, que les contractants satisfassent à l’exigence du mutuus dissensus. Aussi, dans la mesure où le créancier n’a pas le pouvoir de modifier, à sa guise, les stipulations du contrat auquel il est partie par une déclaration unilatérale de volonté, on ne saurait adhérer à l’idée qu’il exerce un droit de propriété sur la créance qu’il détient.

On peut en déduire, in fine, que l’époux associé ne saurait endosser la qualité de propriétaire. Au vrai, il s’agit d’une illusion qui conduit à faire abstraction de la position contractuelle dans laquelle le titulaire de droits sociaux est placé et qui, par bien des aspects, est préférable à celle de propriétaire.

B) L’endossement par l’époux associé de la qualité de contractant préférable à la qualité de propriétaire

Appréhender le statut des droits sociaux en s’émancipant de la qualification de biens présente de nombreux avantages. Le premier réside dans l’opportunité qu’offre cette démarche de sortir d’un débat qui n’a jamais été clos, nonobstant les nombreuses réformes législatives qui ont jalonné l’évolution du droit des régimes matrimoniaux et du droit des sociétés. Si l’on regarde l’époux associé, non plus comme un propriétaire, mais comme un contractant, il n’est plus besoin de se demander à quelle masse de biens les droits sociaux appartiennent. Leur titularité devient indissociable des prérogatives attachées à la qualité d’associé de sorte que la distinction entre le titre et la finance n’est plus envisageable. La question qui, néanmoins, est susceptible de se poser est de savoir à qui échoit la qualité de partie au contrat de société.

L’hésitation est difficilement permise. Si l’on se réfère au principe de relativité des conventions combiné à l’autonomie dont jouit le contractant marié, le champ des possibles se réduit : l’époux qui contracte a seul, par principe, la qualité de partie au contrat[86]. La qualité d’associé ne peut donc être attribuée qu’à l’époux qui a adhéré au contrat de société. Le conjoint de l’époux associé ne lui emprunte pas, de plein droit, cette qualité. Tout au plus, il lui est possible, conformément à l’article 1832-2, de revendiquer la qualité d’associé à concurrence de la moitié des droits sociaux dont l’acquisition a été réalisée au moyen de biens communs. Le succès de cette revendication est néanmoins susceptible de se heurter à l’existence d’une clause d’agrément, d’où il s’ensuit que la qualité d’associé est loin d’être acquise pour le conjoint revendiquant. À supposer qu’il mène son action à bien, la question de la titularité des droits sociaux ne soulève, là encore, guère de difficultés. Comme le relève André Colomer « faute d’être dotée de personnalité, la communauté n’est pas sujet de droit à proprement parler »[87]. Il en résulte que l’on peut d’emblée l’exclure du rang des prétendants. La qualité d’associé ne peut, en conséquence, être endossée que par l’un des époux, ou éventuellement les deux en cas de succès de l’action en revendication. La question de savoir si les parts sociales tombent en valeur ou en nature dans la communauté devient, en tout état de cause, caduque.

Le deuxième avantage que l’on peut retirer de l’appréhension de l’époux associé, non plus comme un propriétaire, mais comme un contractant, découle du premier. L’adhésion à cette idée revient, en effet, à écarter l’éventualité que les droits sociaux puissent être qualifiés de biens communs. Leur exercice n’est donc plus susceptible d’être régi par le principe de gestion concurrente ou de cogestion. Il n’est dès lors plus aucun risque que le conjoint de l’époux associé s’immisce dans la gestion de la société par le jeu des articles 1421 ou 1424 du Code civil. La question qui, de la sorte, s’était posée en jurisprudence de savoir si l’époux associé devait ou non obtenir l’autorisation de son conjoint pour céder sa participation dans une société n’a, elle aussi, plus lieu d’être[88]. Il est libre d’accomplir tous les actes d’administration et de disposition des parts d’intérêt dont il est titulaire. D’aucuns objecteront qu’il s’agit là d’une atteinte manifeste portée à l’esprit communautaire du régime légal, compte tenu de la grande valeur patrimoniale que les droits sociaux sont susceptibles de représenter, ce qui justifierait l’existence d’« un contrôle minimum » de la part du conjoint de l’époux associé[89]. Toutefois, comme le relève Gilles Plaisant on ne saurait « faire de l’importance économique du bien le seul critère de la cogestion »[90]. Surtout, on ne saurait occulter les effets négatifs de l’article 1424 dont l’application conduit, au même titre que l’article 1832-2, à introduire « un grain de sable dans les rouages de l’indépendance pourtant érigée en principe »[91] à l’article 223, composante essentielle du régime primaire impératif, lequel prime, en cas de conflit de règles, sur le statut matrimonial. L’approche strictement contractuelle des droits sociaux permet alors de préserver l’autonomie professionnelle de l’époux associé. Là ne s’arrête pas l’avantage d’abandonner la qualification de biens.

Cela permet également se sortir de la distinction « arbitraire »[92] entre les titres négociables et les titres non négociables, à tout le moins en partie. En l’état du droit positif, la non-négociabilité d’un titre est érigée par la loi en critère d’application de la cogestion (article 1424) et du régime de l’action en revendication de la qualité d’associé. La jurisprudence et la doctrine y ont également recours pour déterminer à quelle masse de biens appartiennent les droits sociaux acquis au moyen d’actifs communs. Dans l’hypothèse où ils sont négociables, la doctrine est unanime : ils tombent en communauté[93]. Dans le cas contraire, tandis que pour certains auteurs ils endossent la qualification de biens propres, pour d’autres il convient d’opérer une distinction entre le titre et la finance. Si, immédiatement, le critère de la négociabilité des titres renvoie à la distinction entre les sociétés de personnes et les sociétés de capitaux, comment appréhender les parts d’intérêt qui émanent de sociétés placées dans une situation intermédiaire ? La question s’est un temps posée pour la SARL qui est une société « de nature hybride »[94] : fallait-il appliquer aux parts sociales le régime juridique des titres non-négociables, soit une qualification mixte ou leur refuser cette qualification ? Si la jurisprudence s’est incontestablement prononcée en faveur de la première option, malgré quelques hésitations[95], l’interrogation est toujours permise s’agissant des sociétés de capitaux dont les statuts comportent une clause d’agrément[96]. Ainsi, la soustraction des droits sociaux à la catégorie des biens permettrait-elle de se départir de la distinction entre les titres négociables et non négociables comme le réclament certains auteurs pour qui « rien ne justifie une différence de traitement entre l’époux associé d’une société à responsabilité limitée et l’époux actionnaire d’une société par actions simplifiées »[97].

En conclusion, nombreux sont les avantages que présente l’adoption d’une approche purement contractuelle des droits sociaux. Le seul dommage notable que ce changement de paradigme occasionnerait est la neutralisation de l’article 1424 dont l’application repose exclusivement sur le critère de négociabilité des titres sociaux. Cette neutralisation aurait toutefois comme vertu salvatrice de désamorcer, pour une large part, la menace que l’article 1424 fait peser sur l’exercice de la liberté professionnelle de l’époux associé. Qui plus est, la mise à l’écart de cette disposition, dont certains réclament d’ailleurs une redéfinition[98], ne se ferait pas au détriment des intérêts de la communauté. Celle-ci conserverait son droit à récompense en cas d’acquisition de parts d’intérêts au moyen de biens communs[99], tout autant qu’elle serait toujours fondée à percevoir les revenus générés par l’exercice des droits sociaux. L’esprit communautaire du régime légal est sauf.

[1] C. Gerschel, « Le principe de la non-immixtion en droit des affaires », LPA 30 août 1995 ; V. également sur cette question M. Clet-Desdevises, L’immixion dans la gestion d’une société, Éco. et compta. 1980, p. 17.

[2] Les articles 1536 et 1569 du Code civil prévoient en ce sens, dans les mêmes termes, que lorsque les époux se sont mariés sous le régime de la séparation de biens ou de la participation aux acquêts, « chacun d’eux conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. ».

[3] Le non-respect de cette exigence est sanctionné par la nullité prescrite à l’article 1427 du Code civil. V. en ce sens CA Paris, 28 nov. 1995 : JCP G 1996, I, 3962, n° 10, obs. Ph. Simler ; Dr. sociétés 1996, comm. 75, obs. Y. Chaput.

[4] Il lui suffit, pour ce faire, de notifier à son conjoint son intention de devenir associé.

[5] J. revel, « Droit des sociétés et régime matrimonial : préséance et discrétion », D. 1993, chron. p. 35.

[6] On pense notamment aux sociétés en nom collectif, aux sociétés en commandite simple ou encore aux sociétés civiles.

[7] A. Colomer, Droit cvil : Régimes matrimoniaux, éd. Litec, 2004, coll. « Manuel », n°769, p. 348.

[8] V. en ce sens notamment R. Roblot, Traité de droit commercial, t. I, 17e éd., par M. Germain et L. Vogel, LGDJ, 1998, n° 1035 ; Ph. Malaurie et L. Aynès, Droit civil, t. VII, Les régimes matrimoniaux, 3e éd., Cujas, 1994, n° 106.

[9] F. Dekeuwer-Défossez, « Mariage et sociétés », Études dédiées à René Roblot, Aspects actuels du droit commercial français, LGDJ 1984, p. 271.

[10] V. en ce sens Cass. crim., 9 août 1851 : DP 1852, 1, p. 160 ; S. 1852, 1, p. 281 ; Cass. civ., 7 mars 1888 : DP 1888, 1, p. 349 ; S. 1888, 1, p. 305.

[11] La loi du 13 juillet 1965 a mis fin au principe absolu de l’immutabilité des conventions matrimoniaux. Puis, la loi du 23 juin 2006 a modifié les articles 1396, alinéa 3, et 1397 du Code civil, lesquels n’exigent plus, lors d’un changement de régime matrimonial que ce changement soit soumis au juge pour être homologué.

[12] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, Armand Colin, 2e éd. 2001, n°323.

[13] V. notamment M. Nast, « Des parts d’intérêt sous le régime de la communauté d’acquêts », Defrénois 1933, art. 23.584 ; R. Savatier, « Le statut en communauté des parts de sociétés de personnes », Defrénois 1960, art. 27.920 ; G. Chauveau, « La jurisprudence devant le conflit entre le droit matrimonial et le droit des sociétés », Gaz. Pal. 1958, I, Doct. 65.

[14] E. Naudin, « L’époux associé et le régime légal de la communauté réduite aux acquêts », in Mélanges Champenois, Defrénois, 2012, p. 617.

[15] Cass. Com. 19 mars 1957, D. 1958. 170, note Le Galcher-Baron ; JCP 1958.II.10517, note Bastian ; Cass. com., 23 déc. 1957, D. 1958, p. 267, note M. Le Galcher-Baron ; JCP G 1958, II, 10516, note J.R. ; Cass. 1re civ., 22 déc. 1969, D. 1970, p. 668, note G. Morin ; JCP G 1970, II, 16473, note J. Patarin.

[16] Cass. civ., 4 janv. 1853, DP 1853, I, p. 73 ; S. 1853, 1, p. 568.; Cass. req., 6 janv. 1880, DP 1880, I, p. 361 ; S. 1881, 1, p. 49, note Labbé. Cass. 1re civ., 27 avr. 1982, Bull. civ. 1982, I, n° 145 ; JCP G 1982, IV, 236.

[17] La loi du 13 juillet 1965 a de sorte modifié l’article 1404 du Code civil, laissant alors entrevoir l’idée que les droits sociaux non négociables pouvaient être qualifiés de biens propres par nature. Cette même loi précise, en parallèle, à l’article 1424, qu’un époux ne pouvait pas en disposer seul, ce qui fera dire à certains qu’ils doivent être rangés parmi les biens communs.

[18] Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982 relative aux conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise familiale.

[19] V. en ce sens J. Derruppé, « Régimes de communauté et Droit des sociétés », JCP 1971, I, 2403 ; E. Naudin, « L’époux associé et le régime légal de la communauté réduite aux acquêts », in Mélanges Champenois, Defrénois, 2012, p. 617 ; F. Terré et Ph. Simler, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Précis Dalloz, 6e éd. 2011, n° 330, p.261.

[20] A. Colomer, « Les problèmes de gestion soulevés par le fonctionnement parallèle d’une société et d’un régime matrimonial », Defrénois 1983, art. 33102, p. 865.

[21] A. Ponsard, Les régimes matrimoniaux, in Ch. Aubry et Ch. Rau, Droit civil français, t. VIII, 7e éd. 1973, n° 167 ; G. Marty et P. Raynaud, Droit civil. Les régimes matrimoniaux, Sirey, 2e éd. 1985, n° 181 et s.; G. Paisant, Des actions et parts de sociétés dans le droit patrimonial de la famille : thèse, Poitiers, 1978, p. 146 et s.

[22] J. Patarin et G. Morin, La réforme des régimes matrimoniaux, t. 1, 4e éd., 1977, Defrénois, n° 152 ; R. Savatier, « Le statut, en communauté, des parts de sociétés de personnes », Defrénois 1968, art. 29097, p. 421.

[23] H., L., et J. Mazeaud et de Juglart, Les régimes matrimoniaux, 5e éd. 1982, n° 156 ; G. Morin, D. 1970. 668, note sous Civ. 1ère, 22 déc. 1969.

[24] J. Derruppé, « Régime de communauté et droit des sociétés », JCP G 1971, I, 2403 ; du même auteur V. également « Les droits sociaux acquis avec des biens communs selon la loi du 10 juillet 1982 », Defrénois 1983, art. 33053, p. 521 et s.

[25]A. Colomer, « La nature juridique des parts de société au regard du régime matrimonial », Defrénois 1979, art. 32020, p. 817 et s. ; J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, Armand Colin, 2001, n°323, p. 315.

[26] V. en ce sens Cass. 1re civ., 8 janv. 1980, n° 78-15.902 : D. 1980, inf. rap. p. 397, obs. D. Martin ; Defrénois 1980, art. 32503, n° 118, p. 1555, obs. G. Champenois.

[27] A. Colomer, op. cit., n°780, p. 353-354.

[28] G. Champenois, op. cit., n°323, p. 315.

[29] Cass. 1re civ., 9 juill. 1991 : Bull. civ. 1991, I, n° 232 ; JCP N 1992, II, 378, n° 11, obs. Ph. Simler.

[30] Cass. 1re civ., 10 févr. 1998 : Bull. civ. 1998, I, n° 47 ; Defrénois 1998, art. 1119, note Milhac ; Gaz. Pal. 1999, 1, somm. p. 124, obs. S. Piedelièvre.

[31] Cass. 1re civ., 12 juin 2014, n° 13-16.309 : JCP G 2014, 1265, Ph. Simler ; D. 2014, p. 1908, obs. V. Brémond ; dans le même sens V. Cass. 1re civ., 4 juill. 2012, n° 11-13.384 : JurisData n° 2012-014917 ; JCP G 2012, 1104, note Paisant ; JCP N 2012, 1382, note J.-D. Azincourt ; Dr. famille 2012, comm. 158, obs. Paisant.

[32] V. en ce sens Cass. 1re civ., 9 juill. 1991, n° 90-12.503 : Bull. civ. 1991, I, n° 232 ; JCP G 1992, I, 3614, n° 8 ; Defrénois 1992, art. 35202, p. 236, obs. X. Savatier ; Cass. 1re civ., 12 juin 2014, n° 13-16.309 : D. 2014, p. 1908, obs. V. Brémond ; JCP G 2014, 1265, Ph. Simler ; Cass. 1re civ., 22 oct. 2014, n° 12-29.265 : JCP G 2014, act. 1137, P. Hilt ; JCP G 2014, 1265, Ph. Simler.

[33] I. Dauriac, Les régimes matrimoniaux et le PACS, LGDJ-Lextenso éditions, 2e éd., 2010, coll. « Manuel », n°376, p. 229.

[34] J. Derruppé, art. précit.

[35]V. en ce sens J. Dabin, Le droit subjectif, Dalloz, 1952, p.209 ; G. Ripert, Traité élémentaire de droit commercial, 3e éd., 1954, n°665, p. 297 ; F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, Pour une fiducie de valeurs mobilières, préf. de L. Lorvellec, L.G.D.J., 1997, n°411 ; F. Nizard, Les titres négociables, préf. de H. Synvet, Economica, 2003, n°30, p. 17 ; A. Galla-Beauchesne, « Les clauses de garantie de passif dans les cessions d’actions et de parts sociales », Rev. sociétés 1980, p. 30-31.

[36] V. en ce sens R. Mortier, Le rachat par la société de ses droits sociaux, préf. de J.-J. Daigre, Dalloz, 2003, n°302.

[37] S. Lacroix-De Sousa, La cession de droits sociaux à la lumière de la cession de contrat, préf. M.-É. Ancel, LGDJ, 2010, n°101, p. 103.

[38] J.-P. Bertel, « Liberté contractuelle et sociétés, Essai d’une théorie du juste milieu en droit des sociétés », RTD com. 1996, p. 595.

[39] Pour une étude approfondie sur l’évolution de la notion de société V. C. Champaud, « Le contrat de société existe-t-il encore ? », in Le droit contemporain des contrats, Travaux de la faculté des sciences juridiques de Rennes, Economica, 1987, p. 125 et s.

[40] J.Ph. Lévy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, éd. Dalloz, 2002, coll. « précis », n°474, p. 703 et s.

[41] R.-J. Pothier, Traité du contrat de société, éd. 1807.

[42] J. Domat, Lois civiles, Civ. 1ère, Titre VIII, in principio.

[43] Loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée.

[44] Ph. Merle, Sociétés commerciales, Dalloz, 19e éd. 2016, coll. « précis », n°31, p. 44.

[45] V. en ce sens M. Buchberger, Le contrat d’apport – Essai sur la relation entre la société et son associé, éd. Panthéon-Assas, 2011, préf. M. Germain, n° 193, p. 169.

[46] J.-P. Bertel, art. préc.

[47] V. en ce sens A. Gaillard, La société anonyme de demain, la théorie institutionnelle et le fonctionnement de la société anonyme, Sirey, 2e éd., 1933.

[48] M. Hauriou, « La théorie de l’institution et de la fondation (essai de vitalisme social) », in Aux sources du droit, le pouvoir, l’ordre et la liberté, Les Cahiers de la nouvelle journée, n°23, p. 89-128.

[49] M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, 29e éd., 2016, p. 5.

[50] V. en ce sens Ph. Merle, op. cit. n°33, p. 45 ; M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, op. cit., p. 5.

[51] V. notamment en ce sens P. Didier, « Le consentement avec l’échange : le contrat de société », RJ com. nov. 1995, n° spéc., « L’échange des consentements », p. 74 ; K. Peglow, Le contrat de société en droit allemand et en droit français comparés, préf. de J.-B. Blaise, L.G.D.J., 2003, p. 403 et s. ; S. Lacroix-De Sousa, thèse préc., p. 149 et s.

[52] P. Didier, « Brèves notes sur le contrat-organisation », in L’avenir du droit – Mélanges en hommage à F. Terré, Dalloz-PUF-Juris-classeur, 1999, p. 636.

[53] P. Didier, « Le consentement avec l’échange : le contrat de société », art. préc., p. 75.

[54] P. Hoang, La protection des tiers face aux associations. Contribution à la notion de « contrat-organisation », préf. P. Didier, L.G.D.J., 2002, introduction.

[55] N. Mathey, Recherche sur la personnalité morale en droit privé, thèse Paris II, 2001, p. 212.

[56] F. Chénedé, Les commutations en droit privé – Contribution à la théorie générale des obligations, préf. A. Ghozi, Economica, 2008 ; V. également J.-F. Hamelin, Le contrat alliance, thèse dactyl. Paris II, 2010 ; S. Lequette, Le contrat-coopération – Contribution à la théorie générale du contrat, préf. C. Brenner, Economica, 2012.

[57] J. Derruppé, « Régimes de communauté et droit des sociétés », art. préc. ; G. Plaisant, « Peut-on abandonner la distinction du titre et de la finance en régime de communauté ? », JCP N 1984, I, p. 19» ; E. Naudin, « L’époux associé et le régime légal de la communauté réduite aux acquêts », art. préc.

[58] J. Derruppé, art. préc.

[59] V. en ce sens J. Flour et G. Champenois, op. cit., n°249, p. 240 ; A. Colomer, op. cit., n°403, p. 195.

[60] J. Derruppé, « La nécessaire distinction de la qualité d’associé et des droits sociaux », JCP N 1984, I, p. 251.

[61] J. Derruppé, « L’altération du régime de communauté avec l’extension des propres par nature », in Mélanges Colomer, Litec, 1993, p. 161.

[62] V. notamment J. Derruppé, « Régimes de communauté et droit des sociétés », art. préc. ; J. Flour et G. Champenois, op. cit., n°323, p. 314-315.

[63] G. Plaisant, art. préc.

[64] V. en ce sens F. Vialla, « Autonomie professionnelle en régime communautaire et droit des sociétés : des conflits d’intérêts ? », RTD civ. 1996, p. 864, n° 105.

[65] Cass. 1re civ., 9 nov. 2011, n° 10-12.123 : JCP N 2012, note 1107, D. Boulanger ; JCP G 2012, 131, note G. Paisant ;  JCP N 2012, 1376, obs. Ph. Simler.

[66] V. en ce sens L. Nurit-Pontier, « Conjoint d’associé : être ou ne pas être associé », in Mélanges R. Le Guidec, LexisNexis, 2014, p. 229 et s.

[67] V. notamment J. Derruppé, « Régime de communauté et droit des sociétés », art. préc.

[68] C. Grzegorczyk, « Le concept de bien juridique : l’impossible définition ? », in Les biens et les choses, Arch. phil. dr., Sirey 1979, t. 24, p. 259.

[69] V. en ce sens F. Zenati-Castaing et Th. Revet, Les biens, PUF, 3e éd. 2008, p. 15 et s. ; Ch. Atias, Droit civil, Les biens, LexisNexis, 2015, n°36, p. 21 et s.

[70] V. en ce sens F. Zenati-Castaing et Th. Revet, op. cit., n°88, p.113.

[71] J. Dabin, op. cit., p. 209.

[72] R. Mortier, op. cit., n°302.

[73] V. en ce sens R.T. Troplong, Le droit civil expliqué – Du contrat de société civile et commerciale, Paris 1843, n°140, p. 154, cité in M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, préf. de D. Bureau, Economica, 2009, n°398.

[74] S. Lacroix, op. cit., n°142, p. 124.

[75] P. Berlioz, La notion de bien, préf. de L. Aynès, L.G.D.J., 2007, n°1100.

[76] F. Chabas, H.-L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, t. II, vol. II, Biens, droit de propriété et ses démembrements, Montchrétien, 8e éd., 1994, n°1301, p. 13.

[77] V. en ce sens H. Le Nabasque, « Les actions sont des droits de créance négociables », Aspects actuels de droit des affaires, in Mélanges en l’honneur de Y. Guyon, Dalloz, 2003, p. 673.

[78] V. en ce sens S. Ginosar, Droit réel, propriété et créance. Élaboration d’un système rationnel des droits patrimoniaux, thèse : Paris, 1960, n°12 ; F. Zenati, « Pour une rénovation de la théorie de la propriété », RTD civ. 1993, p. 316 ; Y. EMERICH, La propriété des créances, approche comparative, préface F. Zenati-Castaing, L.G.D.J., t. 469, 2007 ; W. Dross, « Une approche structurale de la propriété », RTD civ., 2012, p. 419.

[79] CEDH, 9 déc. 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis andreadis c/ Grèce, n° 13427/87, RTD civ. 1995. 652, obs. F. Zenati; CEDH, 14 févr. 2006, n° 67847/01, Lecarpentier, D. 2006. 717, obs. C. RondeyDocument InterRevues ; RDI 2006. 458, obs. H. Heugas-Darraspen Document InterRevues ; RTD civ. 2006. 261, obs. J.-P. Marguénaud.

[80] Cons. const. 10 juin 2010, n° 2010-607 DC, Loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, cons. 7-10, D. 2010. 2553, note S. MoutonDocument InterRevues ; ibid. 2011. 2298, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin.

[81] Pour une critique de la propriété des créances V. notamment J. Dabin, « Une nouvelle définition du droit réel », RTD civ., 1962, p. 20.

[82] J. Ghestin, M. Billau et G. Loiseau, Traité de droit civil, Le régime des créances et des dettes, L.G.D.J., 2005.

[83] G. Marty et P. Raynaud, Droit civil, t. 2, Les biens, Sirey, 1980, p. 5, n° 6.

[84] H. Kelsen, Théorie pure du droit, éd. Bruylant-LGDJ, 1999, trad. Ch. Eisenmann, p. 257 ; V. également en ce sens G. Forest, Essai sur la notion d’obligation en droit privé, Préf. F. Leduc, Dalloz, coll. « Bibl. Thèses », 2012.

[85] On peut notamment penser à l’admission de la théorie de l’imprévision consacrée en droit civil par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

[86] Sur cette question V. notamment C. Bourdaire-Mignot, Le Contractant marié, préf. J. Revel, Defrénois, coll. « Doctorat & Notariat », 2009.

[87] A. Colomer, « les problèmes de gestion soulevés par le fonctionnement parallèle d’une société et d’un régime matrimonial », art. préc., p. 867.

[88] Sur cette question V. notamment Cass. 1re civ., 9 nov. 2011, n° 10-12.123 : JCP N 2012, note 1107, D. Boulanger ; JCP G 2012, 131, note G. Paisant ; D. 2012, p. 483, note V. Barabé-Bouchard ; contra V. Cass. 1re civ., 9 juill. 1991, n° 90-12.503 : Bull. civ. 1991, I, n° 232 ; JCP G 1992, I, 3614, n° 8 ; Defrénois 1991, art. 35152, p. 1333, note P. Le Cannu ; Cass. 1re civ., 12 juin 2014, n° 13-16.309 : D. 2014, p. 1908, obs. V. Brémond ; JCP G 2014, 1265, Ph. Simler ; Cass. 1re civ., 22 oct. 2014, n° 12-29.265 : JCP G 2014, act. 1137, P. Hilt ; JCP N 2014, n° 45-46, act. 1154 ; JCP G 2014, 1265, Ph. Simler.

[89] J. Revel, art. préc.

[90] G. Plaisant, art. préc.

[91] F. Vialla, art. préc.

[92] J. Derruppé, « L’altération du régime de communauté avec l’extension des propres par nature », art. préc.

[93] G. Champenois, op. cit., n°323, p. 313 ; A. Colomer, op. cit., n°769, p.348.

[94] Ph. Merle, Sociétés commerciales, Dalloz, 19e éd. 2016, coll. « précis », n°209, p. 208.

[95] V. en ce sens Cass. com., 19 mars 1957 : JCP G 1958, 10517, note D. Bastian ; D. 1958, jurispr. p. 170, note M. Le Galcher Baron; Cass. 1re civ, 22 déc. 1969 : JCP 1970, II, 16473, note J. Patarin ; Bull. civ. 1969, I, n° 400; Cass. com., 20 janv. 1971 : JCP G 1971, II, 16795.

[96] Sur ce débat V. notamment E. Naudin, « L’époux associé et le régime légal de la communauté réduite aux acquêts », art. préc.

[97] Ibid.

[98] Ibid.

[99] L’article 1468 dispose en ce sens que : « il est établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections précédentes ».