L’extinction de l’usufruit emporte deux conséquences :
- La restitution de la chose
- Le règlement des comptes
A) La restitution de la chose
- Principe
==> Droit commun
La première obligation qui échoit à l’usufruitier à l’expiration de son droit consiste à restituer la chose soumise à l’usufruit au nu-propriétaire
Cette restitution doit, en principe, intervenir en nature. Elle doit alors être restituée dans l’état où elle se trouvait au moment de la délivrance, et plus précisément tel que décrit dans l’inventaire qui a été dressé en application de l’article 600 du Code civil.
À défaut d’inventaire, notamment dans le cas d’une dispense, il appartiendra au nu-propriétaire de prouver que l’état dans lequel le bien lui est restitué ne correspond pas à celui dans lequel il se trouvait au jour de sa délivrance.
==> Cas particulier de l’universalité de biens
Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de biens, il convient de distinguer selon que cette universalité est de droit ou de fait
- L’usufruit d’une universalité de fait
- Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur un ensemble de biens unis par une même finalité économique.
- Tel est le cas notamment du fonds de commerce qui regroupe l’ensemble des biens nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale déterminée.
- Lorsque l’usufruit porte sur une universalité de fait, le droit dont est investi l’usufruitier a pour assiette, non pas les biens qui la composent, mais l’ensemble constitué par ces biens, soit le tout.
- Il en résulte que l’usufruitier est seulement tenu de conserver l’universalité, prise dans sa globalité : il ne peut pas en disposer, ni la détruire.
- Il ne s’agit donc pas d’un quasi-usufruit, mais bien d’un usufruit ordinaire.
- Appliqué au fonds de commerce, cela signifie que, à l’expiration de l’usufruit, l’usufruitier devra restituer un fonds de commerce de valeur équivalente.
- Pendant toute la durée de l’usufruit, il est, en revanche, libre de disposer de chacun des éléments qui composent le fonds de commerce (machines, outils, marchandises, matières premières etc.)
- L’usufruitier est ainsi autorisé à accomplir tous les actes de nécessaires à l’exploitation de l’activité commerciale (achat et vente de marchandises etc.)
- À cet égard, c’est lui qui percevra les bénéfices tirés de l’exploitation du fonds, tout autant que c’est lui qui endossera la qualité de commerçant et qui, à ce titre, sera soumis à l’obligation d’immatriculation.
- L’usufruit d’une universalité de droit
- Dans cette hypothèse, l’usufruit porte sur une masse de biens qui, de nature et d’origine diverses, et matériellement séparés, ne sont réunis par la pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à une même personne
- Autrement dit, l’usufruit a ici pour objet un patrimoine ou une fraction de patrimoine.
- Selon le cas, il sera qualifié d’usufruit à titre universel ou d’usufruit à titre particulier.
- Cette forme d’usufruit se rencontre le plus souvent consécutivement à une dévolution successorale ou testamentaire.
- Lorsqu’il porte sur un patrimoine, la portée de l’usufruit est radicalement différente de la situation où il a pour objet une universalité de fait.
- En effet, l’assiette du droit de l’usufruitier est constituée par l’ensemble des biens qui composent le patrimoine et non par le patrimoine pris dans sa globalité.
- La conséquence en est que, si l’usufruitier peut jouir des biens qui relèvent de l’assiette de son droit, il lui est fait interdiction d’en disposer, sauf à ce que, au nombre de ces biens, figurent des choses consomptibles auquel cas il sera autorisé à les restituer en valeur.
- Pour les autres biens, non-consomptibles, il devra les restituer au nu-propriétaire dans le même état que celui dans lequel ils se trouvaient au jour de la délivrance
2. Exceptions
==> La restitution de la chose par équivalent
Il est des cas où la restitution de la chose ne pourra pas intervenir en nature. Il en va ainsi lorsque soit la chose est consomptible, soit elle a été perdue.
- La chose est consomptible
- Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier usage, en ce sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.
- Exemple: l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.
- À l’évidence, lorsque l’usufruit porte sur une chose consomptible, cette situation soulève une difficulté qui tient à la fonction même de l’usufruit.
- Il est, en effet, de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
- Si l’in appliquait cette règle strictement aux choses consomptibles, cela reviendrait à priver l’usufruitier d’en jouir et donc de vider le droit réel dont il est titulaire de sa substance.
- C’est la raison pour laquelle, par exception, l’usufruitier est autorisé à disposer de la chose, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).
- L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution».
- En contrepartie du droit de jouir d’une chose consomptible, l’usufruitier a donc l’obligation de restituer, à l’expiration de l’usufruit, soit une chose de même qualité et de même quotité, soit son équivalent en argent.
- Les choses consomptibles sont celles qui se consomment par le premier usage, en ce sens qu’elles disparaissent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.
- La chose a été perdue
- Lorsque cette situation se présente, par hypothèse, la chose ne peut pas être restituée au nu-propriétaire.
- Il est donc fondé à réclamer une restitution par équivalent, laquelle prendra la forme de dommages et intérêts
- Une indemnisation sera également due en cas de détérioration de la chose imputable à l’usufruitier ou à la personne dont il répond
- Afin d’évaluer la valeur de la chose, il conviendra de se reporter à l’inventaire qui devrait comporter une estimation de sa valeur
==> La restitution de la chose en l’état
L’article 589 du Code civil dispose que « si l’usufruit comprend des choses qui, sans se consommer de suite, se détériorent peu à peu par l’usage, comme du linge, des meubles meublants, l’usufruitier a le droit de s’en servir pour l’usage auquel elles sont destinées, et n’est obligé de les rendre à la fin de l’usufruit que dans l’état où elles se trouvent, non détériorées par son dol ou par sa faute. »
Ainsi, lorsque la détérioration procède d’un usage normal de la chose, il n’y a pas lieu pour l’usufruitier à indemniser le nu-propriétaire.
On considère ici qu’elle se serait autant détériorée si elle avait été entre ses mains. Si toutefois cette détérioration résulte d’un manquement imputable à l’usufruitier qui n’aurait pas joui de la chose comme un bon père de famille, il sera redevable de dommages et intérêts à l’égard du nu-propriétaire.
==> L’absence de restitution de la chose
L’article 607 du Code civil prévoit que « ni le propriétaire, ni l’usufruitier, ne sont tenus de rebâtir ce qui est tombé de vétusté, ou ce qui a été détruit par cas fortuit. »
Lorsqu’ainsi la détérioration de la chose est due à un événement indépendant de la volonté de l’usufruitier (phénomène naturel, guerre, grève etc.) il ne doit aucune indemnité au nu-propriétaire et inversement.
B) Le règlement des comptes
À l’expiration de l’usufruit, il conviendra de procéder à un règlement des comptes afin de déterminer ce que doit l’usufruitier au nu-propriétaire et ce qui lui est dû
1. S’agissant des dettes de l’usufruitier
À l’expiration de l’usufruit, le nu-propriétaire est en droit de réclamer à l’usufruitier :
- Les indemnités dues en réparation de la détérioration fautive de la chose ( 618 C. civ.)
- Les intérêts charges extraordinaires au nombre desquelles figurent les frais de bornage, de clôture ( 609 C. civ.)
- Restitution des fruits civils perçus postérieurement à l’expiration de l’usufruit ( 586 C. civ.)
2. S’agissant des créances de l’usufruitier
==> Principe général
À l’expiration de son droit, l’usufruitier est susceptible de solliciter auprès du nu-propriétaire le remboursement :
- Du montant réglé au titre des grosses réparations, dans la limite de la plus-value apportée à l’immeuble
- Des avances effectuées au titre des charges extraordinaires
==> Sort des dépenses d’amélioration
Il peut être précisé que lorsque l’usufruitier a entrepris des travaux d’amélioration, les dépenses engagées demeurent à la charge de l’usufruitier.
Par amélioration, il faut entendre tous les travaux qui ne se justifient pas par la conservation du bien et qui visent, au contraire, à lui apporter une plus-value.
L’article 599, al. 2e du Code civil prévoit en ce sens que « l’usufruitier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée. »
Dans un arrêt du 12 juin 2012 la Cour de cassation elle a fait une application de la règle ainsi énoncée en jugeant que « l’usufruitier n’est tenu qu’aux réparations d’entretien et que les grosses réparations demeurent à la charge du propriétaire, à moins qu’elles n’aient été occasionnées par le défaut de réparations d’entretien, depuis l’ouverture de l’usufruit, auquel cas l’usufruitier en est aussi tenu ; que ce dernier ne peut, à la cessation de l’usufruit, réclamer aucune indemnité pour les améliorations qu’il prétendrait avoir faites, encore que la valeur de la chose en fût augmentée » (Cass. com. 12 juin 2012, n°n° 11-11424).
L’objectif recherché ici est d’éviter tout contentieux sur l’estimation de la plus-value réalisée et de protéger le nu-propriétaire de dépenses dispendieuses qui pourraient être engagées par l’usufruitier, celui-ci pouvant être encouragé par la perspective d’être intégralement indemnisé à l’expiration de son droit. Ce sera là une charge très lourde qui pourrait être imposée au nu-propriétaire, alors même qu’il n’a rien demandé, ni n’a été en mesure d’y consentir.
Pour c’est raison, il est constant en jurisprudence que les dépenses d’amélioration demeurent à la charge du seul usufruitier.
Cette position n’est pas sans faire l’objet de critiques dans la mesure où cela revient :
- D’une part, à admettre un cas d’enrichissement sans cause, ce en contravention avec l’article 1303 du Code civil
- D’autre part, à placer l’usufruitier dans une situation bien moins avantageuse que le possesseur de mauvaise foi qui, en application de l’article 555, al. 3 du Code civil, est fondé à obtenir une indemnité lorsqu’il a édifié une construction sur le fonds qu’il occupe et que le propriétaire décide d’exercer son droit à la conserver
Malgré ces critiques, la jurisprudence est demeurée intransigeante. Elle a notamment refusé de distinguer, ainsi que cela avait été suggéré, de distinguer selon que la défense engagée vise à améliorer le bien soumis à usufruit ou à en acquérir un nouveau.
La Cour de cassation considère que cette règle s’applique en tout état de cause, y compris lorsque l’amélioration du bien consiste en l’édification d’une construction/
Dans un arrêt du 4 novembre 1885, elle a par exemple jugé que « suivant l’esprit de [l’article 599], on ne doit considérer comme améliorations soit les constructions ayant pour effet d’achever un bâtiment commencé, ou bien d’agrandir un édifice préexistant » (Cass. req. 4 nov. 1885).
Dans un arrêt du 19 septembre 2012 la troisième chambre civile a précisé « qu’il n’existait aucun enrichissement pour la nue-propriétaire qui n’entrera en possession des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol » (Cass. 3e civ. 19 sept. 2012, n°11-15460).
Seule limite à la règle ainsi posée : l’alinéa 3 de l’article 599 du Code civil autorise l’usufruitier à « enlever les glaces, tableaux et autres ornements qu’il aurait fait placer, mais à la charge de rétablir les lieux dans leur premier état. »