Le partage amiable, en tant que modalité privilégiée de sortie de l’indivision, repose sur un principe fondamental : le consensualisme. Il incarne la volonté du législateur de favoriser des solutions apaisées et autonomes, permettant aux indivisaires de s’accorder librement sur la répartition des biens. Cette souplesse procédurale, prévue par l’article 835 du Code civil, confère aux parties la latitude de définir elles-mêmes les modalités du partage, tout en encadrant cette liberté par des exigences de fond et de forme destinées à garantir l’équité et la sécurité juridique.
Toutefois, cette voie suppose la satisfaction d’une condition essentielle : la participation de l’ensemble des indivisaires. L’unanimité est le socle du partage amiable, conditionnant sa validité et son opposabilité à tous. Dès lors, la présence ou la représentation de chaque indivisaire devient indispensable pour assurer l’équilibre de l’opération. Cette exigence, bien que garante d’une répartition juste, peut devenir source de complexité lorsque certains indivisaires sont protégés, absents ou défaillants, ou lorsque des intérêts divergents entravent le processus.
C’est dans ce contexte que la réglementation prévoit des mécanismes adaptés pour permettre la participation effective de tous les indivisaires, tout en préservant leurs droits fondamentaux. De la protection des personnes vulnérables à la représentation des indivisaires absents, en passant par la gestion des situations de blocage, le cadre juridique du partage amiable s’efforce de concilier souplesse et sécurité.
Dès lors, il convient d’examiner les conditions dans lesquelles les indivisaires peuvent participer au partage amiable, en s’attachant à préciser les principes qui régissent leur intervention, les garanties offertes aux parties protégées et les solutions prévues en cas de défaillance ou d’absence d’un indivisaire.
I) Les parties au partage amiable
A) Le principe de participation de tous les indivisaires
Parce que le partage amiable requiert le consentement unanime de tous les indivisaires, tous doivent y participer. La participation de chacun est à la fois un gage de légitimité et de stabilité dans l’opération de partage. Elle confère aux indivisaires la faculté de définir librement les modalités de répartition, qu’il s’agisse de la composition des lots, de leur évaluation ou de leur attribution.
Cette liberté, caractéristique du partage amiable, est renforcée par l’abandon du principe d’égalité en nature au profit d’une égalité en valeur. Les parties peuvent ainsi recourir à des mécanismes tels que les soultes ou les licitations pour rétablir l’équilibre patrimonial. De même, l’unanimité permet d’écarter les aléas liés au tirage au sort, autorisant une répartition mieux adaptée aux intérêts et volontés de chacun.
Cependant, cette exigence de consentement unanime des indivisaires n’est pas sans contrainte. Si un indivisaire refuse d’adhérer à la composition ou à l’attribution des lots, le partage amiable devient inopposable à celui-ci. Dans un arrêt du 3 février 1982, la Cour de cassation a jugé en ce sens que la participation de tous les indivisaires est une condition essentielle pour conférer un caractère obligatoire à un partage amiable (Cass. 1ère civ. 3 févr. 1982).
En l’espèce, la succession d’un défunt, comprenant un important domaine, n’avait pas été immédiatement partagée après son décès en 1938. En 1977, l’un des héritiers avait sollicité l’authentification d’un accord prétendument conclu en mai 1967 entre tous les indivisaires pour réaliser le partage. Cependant, certains cohéritiers avaient contesté la validité de cet accord, soutenant qu’il ne s’agissait que d’un projet de partage non signé par tous les indivisaires. La Cour d’appel, tout en reconnaissant l’absence d’assentiment unanime, avait néanmoins donné mission à un notaire de procéder au partage sur la base du contenu de ce projet.
La Cour de cassation a cassé cet arrêt, affirmant qu’un projet de partage n’ayant pas reçu l’assentiment de tous les coindivisaires ne pouvait être imposé à ceux qui ne l’avaient pas approuvé. Elle a jugé que, faute de consentement unanime, une telle convention n’avait aucun caractère obligatoire à l’égard des indivisaires non-signataires et ne pouvait servir de fondement à un partage judiciaire. Par ailleurs, elle a rappelé que cette absence d’unanimité rendait le projet inopposable aux coindivisaires dissidents, bien qu’il puisse éventuellement engager les signataires à titre individuel en tant que convention préparatoire.
Il convient par ailleurs de préciser que l’omission d’un indivisaire dans le cadre des opérations de partage constitue une irrégularité grave, sanctionnée par la nullité de l’acte. Ce principe découle de la nature indivisible du partage, qui exige la participation de tous les indivisaires pour assurer une répartition équitable des biens. En l’absence d’un indivisaire, l’acte se trouve donc privé de toute validité juridique.
Toutefois, cette nullité n’est pas irréversible. Il est, en effet, admis que l’acte de partage initialement entaché d’irrégularité puisse être consolidé par une ratification, qu’elle soit expresse ou tacite, de l’indivisaire omis (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 11 janv. 1984). Une ratification expresse résulte d’une déclaration claire et non équivoque d’adhésion au partage, tandis qu’une ratification tacite peut être déduite de comportements révélateurs, tels que l’exécution volontaire des obligations issues de l’acte. Ainsi, si un indivisaire omis accepte, par exemple, les biens ou les soultes qui lui sont attribués dans le cadre du partage, il manifeste implicitement son consentement à l’acte et en purifie les vices initiaux.
En pratique, ce cadre impose que tous les indivisaires soient partie à l’acte, qu’ils soient présents en personne ou représentés. Cette égalité procédurale s’étend également au partage judiciaire, où chaque indivisaire conserve le même droit de participation, que ce soit en qualité de demandeur ou de défendeur à l’action.
Dans le cadre des partages successoraux, le recours à une division par souches, tel que prévu par l’article 827 du Code civil, peut engendrer des problématiques particulières. Ce mode de répartition, qui divise la succession en fonction des branches familiales plutôt qu’en fonction du nombre exact d’héritiers, soulève la question délicate de la représentation collective des cohéritiers appartenant à une même souche.
La Cour de cassation a, dans un arrêt du 13 avril 1961 admis que le partage ne puisse être contesté au seul motif que tous les indivisaires d’une même souche n’avaient pas directement participé aux opérations (Cass. 1ère civ., 13 avr. 1961). Ce principe, bien qu’ayant pour finalité de simplifier les procédures et d’éviter des blocages inutiles, institue une représentation implicite des cohéritiers d’une souche par les autres membres de celle-ci.
Cependant, cette approche demeure controversée. Elle repose sur une construction jurisprudentielle dépourvue de fondement légal explicite et suscite des critiques quant à ses conséquences. En effet, permettre qu’un héritier soit représenté de manière collective au sein de sa souche revient à limiter son droit individuel à une participation active et personnelle au partage. Une telle pratique peut priver un héritier de l’opportunité de revendiquer l’attribution directe de certains biens ou de participer à la négociation des modalités du partage, ce qui peut être perçu comme une atteinte à son droit de propriété.
Ainsi, si cette solution jurisprudentielle vise à faciliter les opérations de partage dans des situations complexes, elle pose néanmoins des difficultés en termes de respect des droits fondamentaux des indivisaires. La doctrine continue de s’interroger sur l’équilibre à trouver entre l’efficacité des procédures de partage et la garantie des droits individuels de chaque cohéritier.
Enfin, le partage amiable reste strictement circonscrit aux indivisaires eux-mêmes. Les tiers, bien qu’ils puissent intervenir pour autoriser ou encadrer certaines opérations, ne participent pas à l’acte de partage. Cette exclusion garantit que la répartition des biens demeure une affaire interne, respectant le principe d’égalité et l’autonomie des parties directement concernées.
B) Les conditions de participation des indivisaires
Le partage, bien qu’il s’agisse d’un acte déclaratif, emporte des effets d’une gravité comparable à ceux d’une aliénation, substituant aux droits indivis flottants un droit privatif sur des biens individualisés. Cette transformation, qui touche aux fondements mêmes de la propriété, confère au partage une portée juridique et patrimoniale majeure. Conscient de ces implications, le législateur a érigé le consentement des indivisaires en pierre angulaire du dispositif, lui conférant une place centrale et indépassable.
L’article 835 du Code civil, en disposant que « Si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties », érige l’exigence de capacité et de présence pour participer pleinement au partage en principe cardinal du dispositif. Chaque indivisaire doit être juridiquement apte et matériellement disponible pour prendre part aux opérations, assurant ainsi la légitimité et l’équité des décisions prises.
Toutefois, le législateur, soucieux de ne pas rendre le partage amiable impraticable face aux contraintes de la vie, a également prévu des mécanismes spécifiques pour répondre aux situations où un indivisaire est présumé absent, hors d’état de manifester sa volonté ou défaillant. Ces règles, énoncées aux articles 836 et 837 du Code civil, visent à concilier la préservation des intérêts de l’indivisaire empêché et l’exigence d’une résolution harmonieuse de l’indivision.
1. La situation des indivisaires protégés
Historiquement, les indivisaires protégés étaient exclus des procédures de partage amiable, le cadre juridique limitant cette possibilité au seul partage judiciaire. Cette restriction, motivée par la nécessité de préserver les intérêts des personnes vulnérables, s’accompagnait d’un formalisme particulièrement rigoureux. Ainsi, tout partage nécessitait une autorisation préalable du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles, suivie d’une homologation par le tribunal de grande instance. Ces étapes, bien que protectrices, alourdissaient considérablement les procédures et freinaient la résolution des situations d’indivision.
Face aux lourdeurs inhérentes à ce cadre judiciaire, des pratiques dérogatoires ont vu le jour. Parmi celles-ci figuraient les conventions de partage assorties de promesses de ratification ultérieure par l’incapable ou encore des conventions d’indivision provisionnelle. Ces mécanismes, bien que contestés sur le plan juridique, révélaient une volonté pragmatique de contourner les rigidités du système pour faciliter la gestion des indivisions.
Les réformes successives de 1964, 1968, 2006 et 2007 ont marqué un tournant majeur en assouplissant ces exigences. Désormais, un partage amiable est possible, y compris pour les indivisaires protégés, à condition de respecter certaines exigences. Ces évolutions témoignent de l’effort du législateur pour allier la protection des personnes vulnérables à l’efficacité des opérations de partage.
Cette avancée est désormais consacrée par l’article 836 du Code civil, qui dispose que « si un indivisaire fait l’objet d’un régime de protection, un partage amiable peut intervenir dans les conditions prévues aux titres X, XI et XII du livre Ier. » Cette disposition renvoie ainsi au droit commun des personnes protégées, lequel encadre minutieusement les modalités d’assistance ou de représentation des indivisaires vulnérables, tout en garantissant la sauvegarde de leurs intérêts patrimoniaux. Par ce mécanisme, le législateur réaffirme son ambition de conjuguer souplesse procédurale et sécurité juridique au profit des individus les plus fragiles.
a. La situation des mineurs
i. Le mineur sous administration légale
La réforme opérée par l’ordonnance du 15 octobre 2015, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, a profondément transformé le régime de l’administration légale des biens des mineurs, consacrant une volonté de simplification et d’unification des règles applicables. En mettant fin à la distinction entre administration légale pure et simple et administration sous contrôle judiciaire, le législateur a instauré un cadre unique, destiné à mieux répondre aux exigences de protection tout en assouplissant les formalités.
Désormais régie par les articles 382 et suivants du Code civil, l’administration légale est confiée à ceux qui exercent l’autorité parentale, qu’il s’agisse d’un parent unique ou des deux parents conjointement. Ce cadre juridique modernisé sert une double ambition : offrir aux administrateurs légaux une autonomie renforcée pour gérer le patrimoine du mineur et préserver, par des mécanismes adaptés, les droits patrimoniaux de celui-ci face à des décisions engageant ses intérêts à long terme.
Dans ce contexte, les opérations de partage relatives au patrimoine du mineur s’inscrivent dans un dispositif articulé autour de principes d’autonomie, de contrôle et de prévention des conflits d’intérêts.
==>Administration légale conjointe ou unique
- L’administration légale conjointe
- Lorsque les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale, ils assument ensemble l’administration légale des biens du mineur, en vertu des dispositions de l’article 382-1 du Code civil.
- Ce régime repose sur un principe cardinal : toute décision relative au patrimoine de l’enfant doit être approuvée par chacun des administrateurs légaux, afin d’assurer une gestion à la fois équilibrée et protectrice de ses intérêts.
- Les actes de disposition, parmi lesquels figure le partage amiable, requièrent impérativement le consentement conjoint des deux parents.
- Cette exigence traduit la volonté du législateur de s’assurer que les deux parents ont donné leur consentement à l’acte, favorisant ainsi la protection des intérêts patrimoniaux du mineur.
- Cependant, cette règle ne s’applique pas aux actes relevant de l’administration courante, lesquels, en raison de leur impact limité sur le patrimoine du mineur, peuvent être accomplis sans nécessiter une telle formalité.
- En cas de désaccord entre les deux administrateurs légaux, le Code civil prévoit des mécanismes destinés à prévenir tout blocage.
- Ainsi, l’un des parents peut saisir le juge des tutelles, lequel est habilité soit à autoriser l’acte envisagé, soit à désigner un administrateur ad hoc pour représenter le mineur.
- Cette possibilité de recourir au juge est de nature à garantir que les décisions demeurent conformes à l’intérêt supérieur de l’enfant.
- L’administration légale unique
- Dans les situations où un seul parent détient l’autorité parentale – en raison d’une filiation unilatérale, du décès de l’un des parents, ou d’une décision judiciaire ayant retiré l’autorité parentale à l’autre – l’administration légale des biens du mineur est exercée par ce parent unique.
- Conformément à l’article 382-2 du Code civil, cette configuration confère à l’administrateur légal une autonomie accrue, tout en préservant l’objectif de protection des intérêts patrimoniaux de l’enfant.
- Dans ce cadre, l’administrateur légal peut agir seul pour autoriser un partage amiable ou accomplir les actes relatifs à la gestion du patrimoine du mineur.
==>Les actes soumis à autorisation du juge des tutelles
La gestion des biens des mineurs, confiée aux administrateurs légaux, est soumise à un encadrement rigoureux dès lors que certains actes, en raison de leur gravité ou de leur complexité, sont susceptibles de compromettre durablement le patrimoine de l’enfant. Ainsi, l’article 387-1 du Code civil érige en principe l’exigence d’une autorisation judiciaire préalable pour les opérations susceptibles d’affecter durablement les droits patrimoniaux du mineur.
Lorsque le partage porte sur des biens spécifiques, tels que des immeubles ou des instruments financiers définis à l’article L.211-1 du Code monétaire et financier, cette autorisation s’impose. Conformément aux dispositions de l’article 387-12 du Code civil, elle est requise indépendamment de la nature amiable ou judiciaire du partage, traduisant la volonté du législateur de prévenir tout préjudice éventuel dans la répartition des biens. Cette exigence trouve sa justification dans la valeur souvent substantielle de ces actifs, ainsi que dans leur capacité à influer durablement sur la situation patrimoniale du mineur.
Les actes relatifs aux valeurs mobilières, par leur volatilité et leur caractère spéculatif, ne sauraient échapper à cette surveillance renforcée. L’autorisation préalable du juge des tutelles garantit ici que de telles opérations, parfois complexes et risquées, ne compromettent pas les intérêts supérieurs du mineur.
De surcroît, toute transaction impliquant une renonciation à un droit est strictement encadrée par l’exigence d’une approbation judiciaire. Cette précaution vise à s’assurer que l’acte envisagé repose sur une justification impérieuse et qu’il ne porte atteinte ni à la substance ni à la pérennité du patrimoine du mineur. De même, les partages impliquant des biens grevés de droits spécifiques, tels qu’une hypothèque ou une servitude, requièrent l’intervention du juge pour vérifier leur conformité aux intérêts patrimoniaux protégés.
L’intervention du juge des tutelles, loin de constituer une simple formalité, traduit une double ambition. Elle vise, d’une part, à garantir la parfaite adéquation des décisions aux intérêts supérieurs du mineur et, d’autre part, à prévenir tout risque de conflit d’intérêts ou d’appréciation erronée.
==>Prévention des conflits d’intérêts
L’article 383 du Code civil prévoit la désignation d’un administrateur ad hoc en cas de conflit d’intérêts entre le mineur et son administrateur légal, ou entre les coadministrateurs. Cette disposition vise à protéger les intérêts du mineur pour les cas où l’impartialité des administrateurs légaux pourrait être mise en cause.
Lorsque de tels conflits apparaissent, il appartient aux administrateurs légaux de solliciter auprès du juge des tutelles la nomination d’un administrateur ad hoc. Ce dernier, choisi pour son indépendance, assume alors la représentation du mineur pour les actes affectés par le conflit. Cette désignation garantit que les décisions prises dans ce cadre servent exclusivement les intérêts patrimoniaux de l’enfant.
En l’absence de diligence des administrateurs légaux, le juge des tutelles peut procéder à cette nomination de sa propre initiative, à la demande du ministère public ou encore du mineur lui-même, lorsque ce dernier est en mesure d’exprimer sa volonté.
Dans les cas où le conflit d’intérêts ne concerne qu’un des deux coadministrateurs, une solution alternative est prévue par l’article 383. Le juge des tutelles peut, en effet, habiliter l’autre administrateur légal à représenter le mineur pour un ou plusieurs actes déterminés. Cette mesure évite de recourir systématiquement à un administrateur ad hoc, tout en maintenant les garanties essentielles à la protection du patrimoine du mineur.
==>Contrôle judiciaire a posteriori
Même en l’absence de conflit apparent, le juge des tutelles conserve un pouvoir de surveillance a posteriori (art. 387-3 C. civ.). Ce contrôle permet de garantir que les actes accomplis par les administrateurs légaux, bien qu’autonomes en principe, demeurent conformes à l’intérêt supérieur du mineur. Le juge peut intervenir de manière corrective ou préventive, en posant des conditions ou des restrictions aux décisions affectant le patrimoine du mineur.
Ainsi, à l’occasion du contrôle des actes mentionnés à l’article 387-1 du Code civil, le juge des tutelles peut, s’il l’estime nécessaire pour la sauvegarde des droits patrimoniaux du mineur, subordonner la validité d’un acte ou d’une série d’actes de disposition à une autorisation préalable. Cette faculté prend en considération divers facteurs, tels que la composition ou la valeur du patrimoine, l’âge du mineur ou encore sa situation familiale.
En outre, le juge peut être saisi par plusieurs acteurs en cas de comportements ou d’omissions manifestement préjudiciables à l’enfant. Les parents, individuellement ou conjointement, le ministère public, ou encore tout tiers ayant connaissance d’une situation compromettant substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur, peuvent solliciter l’intervention du juge. Cette saisine est conçue comme un outil de sauvegarde proactive, permettant de corriger ou d’encadrer une gestion susceptible de porter gravement atteinte au patrimoine de l’enfant.
Dans ce contexte, il est expressément prévu que les tiers qui informent le juge de tutelle ne sont pas tenus pour responsables de la gestion des biens réalisée par l’administrateur légal. Cette précision vise à encourager la vigilance de l’entourage du mineur sans pour autant leur transférer les obligations ou les responsabilités incombant aux administrateurs légaux.
==>Sanctions en cas d’irrégularités
Le non-respect des règles encadrant l’administration légale des biens du mineur expose les actes irrégulièrement accomplis à la nullité. Toutefois, cette nullité n’est pas absolue : elle peut être levée par une confirmation ou une régularisation a posteriori, sous réserve que l’acte en question respecte l’intérêt supérieur du mineur, comme le prévoit l’article 1151 du Code civil.
La confirmation peut intervenir lorsque l’acte irrégulier, bien que vicié dans sa réalisation initiale, ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux du mineur et s’avère conforme à ses besoins. Ce mécanisme permet d’éviter une remise en cause systématique des décisions.
La régularisation a posteriori, quant à elle, peut prendre la forme d’une intervention judiciaire ou d’un accord entre les parties concernées, visant à réparer les manquements formels ou procéduraux. Cette démarche, encadrée par le juge des tutelles, garantit que l’acte, une fois corrigé, s’inscrive pleinement dans le cadre de la protection des intérêts du mineur.
ii. Le mineur sous tutelle
La situation du mineur placé sous tutelle s’inscrit dans un cadre juridique rigoureux, visant à garantir la protection de ses intérêts patrimoniaux. Si le tuteur, investi de la représentation légale du mineur dans les actes civils, dispose de prérogatives étendues, celles-ci sont toutefois particulièrement encadrées lorsqu’il s’agit d’opérations de partage.
L’article 507 du Code civil prévoit en ce sens que « le partage à l’égard d’une personne protégée peut être fait à l’amiable sur autorisation du conseil de famille ou, à défaut, du juge, qui désigne, s’il y a lieu, un notaire pour y procéder. Il peut n’être que partiel. L’état liquidatif est soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge. Le partage peut également être fait en justice conformément aux articles 840 et 842. Tout autre partage est considéré comme provisionnel. »
- L’autorisation préalable du conseil de famille ou du juge des tutelles
- Toute démarche tendant à la réalisation d’un partage amiable exige, en amont, une autorisation expresse du conseil de famille, organe collégial chargé de veiller sur les décisions affectant le patrimoine du mineur.
- Cette formalité préliminaire n’est pas un simple contrôle de forme ; elle s’analyse en un véritable examen de fond de l’opportunité et des modalités du partage envisagé.
- Elle permet de s’assurer que l’opération projetée est conforme à l’intérêt du mineur, prévenant ainsi toute précipitation ou risque de préjudice.
- À défaut d’intervention du conseil de famille, le juge des tutelles se substitue à cette instance et peut statuer sur la demande d’autorisation.
- Ce recours juridictionnel assure la continuité de la protection et renforce la validité des décisions prises.
- En cas d’opposition d’intérêts entre le tuteur et le mineur, ou entre plusieurs indivisaires mineurs, le juge peut également désigner un subrogé tuteur ou un administrateur ad hoc (art. 410 et 507, al. 1 C. civ.).
- Cette formalité préalable demeure requise, y compris lorsque le tuteur se trouve en situation de devoir répondre à une demande en partage judiciaire introduite par un autre indivisaire, ainsi qu’en témoigne une jurisprudence antérieure à la réforme de 2007 (Cass. 1ère civ., 15 mai 2001, n°99-13.944).
- La désignation éventuelle d’un notaire
- Dans les situations où la complexité des opérations le requiert, il peut être fait appel à un notaire, désigné par le conseil de famille ou le juge des tutelles.
- Cet officier ministériel, par son expertise, intervient pour évaluer les actifs, liquider les droits indivis et composer les lots à attribuer, tout en veillant scrupuleusement au respect des droits du mineur.
- Toutefois, cette intervention n’a rien d’automatique ; elle demeure conditionnée à la nature et à la difficulté des biens concernés.
- Lorsque le notaire intervient, il agit comme un garant de la rigueur des opérations, veillant à ce que chaque acte serve strictement les intérêts patrimoniaux du mineur.
- L’approbation de l’état liquidatif
- Une fois les opérations de partage finalisées, l’état liquidatif doit être soumis à l’approbation du conseil de famille ou, à défaut, du juge des tutelles.
- Ce document sert à consigner la répartition des droits indivis, la composition des lots et leur attribution ; il constitue ainsi la pierre angulaire de la procédure.
- L’approbation de l’état liquidatif confère à l’opération son caractère définitif et son opposabilité, consolidant ainsi la sécurité juridique de l’ensemble des parties.
À défaut de se conformer à cette triple exigence, le partage ne saurait produire d’effets définitifs. Conformément à l’article 507 du Code civil, il est relégué au rang de partage provisionnel, dépourvu de force contraignante à l’égard du mineur. Ce dernier, ou ses représentants, conserve alors la faculté de contester ou de réviser les décisions prises en son nom, préservant ainsi l’intégrité de son patrimoine.
iii. Le mineur émancipé
Le mineur émancipé occupe une position singulière dans le cadre d’un partage, bénéficiant d’une capacité juridique pleine et entière, équivalente à celle d’un majeur. L’article 413-6 du Code civil dispose en ce sens que « l’émancipation confère au mineur la pleine capacité pour tous les actes de la vie civile », ce qui inclut la possibilité de participer à un partage sans autorisation ni assistance. Cette autonomie, fruit de l’émancipation, traduit une rupture avec la logique de protection renforcée caractérisant le régime des mineurs non émancipés.
Libéré de l’obligation d’être représenté ou assisté, le mineur émancipé peut négocier et consentir à un partage amiable avec une liberté identique à celle d’un majeur. Il peut ainsi, à titre personnel, procéder à l’évaluation de ses droits indivis, discuter les modalités de liquidation et accepter la composition des lots. Cette capacité s’étend également aux décisions relatives aux actes de disposition, tels que l’aliénation ou la mutation de biens issus du partage, sans qu’il soit nécessaire de solliciter une autorisation judiciaire ou familiale.
En matière de partage judiciaire, le mineur émancipé intervient également comme un copartageant ordinaire. Il peut agir en demande pour provoquer le partage en justice, conformément à l’article 840 du Code civil, ou répondre à une action intentée par un autre indivisaire. Il jouit donc de l’intégralité des droits procéduraux conférés aux indivisaires majeurs, que ce soit pour contester un état liquidatif ou pour demander la révision d’un partage non conforme à ses intérêts.
b. La situation des majeurs protégés
i. Le majeur sous tutelle
Le majeur placé sous tutelle bénéficie d’une protection juridique renforcée qui s’inspire des règles applicables aux mineurs en tutelle, conformément à l’article 507 du Code civil. Dans le cadre d’un partage amiable, la représentation exclusive du majeur protégé est confiée au tuteur. Celui-ci agit en son nom, mais cette représentation est strictement encadrée par des obligations légales destinées à garantir les droits patrimoniaux du majeur protégé.
Avant de procéder à un partage amiable, le tuteur doit impérativement obtenir une autorisation préalable du juge des tutelles. Cette autorisation vise à évaluer la pertinence et la conformité de l’acte avec l’intérêt supérieur du majeur. Une fois le partage réalisé, l’état liquidatif doit être soumis à l’approbation du juge, afin de s’assurer que l’opération respecte pleinement les droits et intérêts du majeur protégé.
Toutefois, en présence d’un conflit d’intérêts entre le tuteur et le majeur protégé, la loi prévoit des mécanismes de substitution pour préserver l’impartialité et la légitimité des décisions. L’article 454 du Code civil dispose que, dans une telle situation, un tuteur ad hoc est désigné par le juge des tutelles. Cette désignation garantit que les droits du majeur protégé sont défendus sans parti pris, évitant ainsi tout détournement ou abus potentiel.
ii. Le majeur sous curatelle
Le partage amiable auquel participe un majeur sous curatelle repose sur un équilibre subtil entre l’autonomie résiduelle du curatélaire et la nécessité de protection conférée par l’assistance du curateur. L’article 467 du Code civil établit que le curatélaire peut consentir au partage, mais uniquement avec l’assistance de son curateur. En pratique, cela signifie que l’acte de partage doit être signé par le majeur protégé et contresigné par son curateur, témoignant ainsi d’une double validation.
Contrairement à la tutelle, le partage amiable dans le cadre de la curatelle ne nécessite pas d’autorisation préalable du juge des tutelles, ni l’approbation de l’état liquidatif par celui-ci. Ce choix législatif s’inscrit dans une logique de déjudiciarisation et de simplification des mesures de protection, permettant ainsi une gestion plus fluide et moins intrusive du patrimoine des personnes protégées. Toutefois, cette autonomie relative est encadrée par des mécanismes de contrôle.
Le juge des tutelles conserve un rôle essentiel en cas de dysfonctionnement dans la relation entre le curatélaire et son curateur. Deux hypothèses principales appellent son intervention :
- D’une part, en cas d’opposition d’intérêts entre le curatélaire et son curateur, le juge peut désigner un curateur ad hoc pour représenter le majeur dans l’acte de partage.
- D’autre part, en cas de refus d’assistance de la part du curateur, le juge des tutelles peut suppléer cette carence en autorisant lui-même l’acte litigieux, conformément aux dispositions de l’article 469, alinéa 3, du Code civil.
iii. Le majeur sous sauvegarde de justice
Le majeur placé sous sauvegarde de justice conserve, conformément à l’article 435 du Code civil, sa capacité à consentir seul à un partage amiable. Cette aptitude repose sur le principe général selon lequel le majeur sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits civils. Néanmoins, cette capacité est conditionnée par l’absence de trouble mental affectant son discernement, comme le prévoit l’article 414-1 du Code civil. Ainsi, un partage amiable conclu dans un contexte où le majeur serait atteint d’un trouble mental invalidant pourrait être remis en cause.
Le régime de la sauvegarde de justice prévoit également des mécanismes de protection pour prévenir les atteintes au patrimoine du majeur. En particulier, tout acte de partage peut être rescindé pour simple lésion ou réduit en cas d’excès, conformément à l’alinéa 2 de l’article 435 du Code civil.
Par ailleurs, l’article 437 du Code civil permet de désigner un mandataire spécial lorsque le majeur sous sauvegarde de justice est dans l’incapacité de prendre part au partage ou si les circonstances le justifient. Dans cette hypothèse, le mandataire agit pour le compte du majeur et bénéficie des pouvoirs nécessaires pour représenter ses intérêts. Cette désignation peut cependant priver le majeur de sa capacité d’intervenir directement, introduisant ainsi une limitation temporaire à son autonomie.
Enfin, dans les cas où un désaccord ou un conflit d’intérêts surgirait entre le majeur et une autre partie au partage, ou encore entre le majeur et son mandataire spécial, l’intervention du juge des tutelles pourrait être sollicitée. Ce dernier dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour garantir que les décisions prises soient conformes à l’intérêt supérieur du majeur, renforçant ainsi les garanties offertes par ce régime.
iv. Le majeur sous mandat de protection future
Le mandat de protection future, institué par l’article 490 du Code civil, s’inscrit dans une perspective d’autonomie anticipative, permettant à une personne, appelée le mandant, de désigner un mandataire chargé de gérer ses affaires en cas de perte d’autonomie future. Lorsqu’il est mis à exécution, ce dispositif permet au mandataire d’agir pour le compte du mandant dans un cadre défini par le mandat lui-même.
Dans le contexte d’un partage amiable, le mandataire peut consentir à l’acte sous certaines conditions. Si le mandat est notarié, il confère généralement au mandataire une capacité étendue, incluant la faculté de participer à un partage amiable sans nécessiter d’autorisation judiciaire préalable, sauf clause contraire expressément stipulée dans le mandat. En revanche, si le mandat est sous seing privé, l’étendue des pouvoirs du mandataire est plus restreinte. Dans ce cas, la réalisation d’un acte aussi significatif qu’un partage amiable nécessite un pouvoir spécial mentionné explicitement dans le mandat, et une autorisation préalable du juge des tutelles est indispensable pour valider l’acte, conformément à l’article 493 du Code civil.
Toutefois, la situation se complexifie en cas d’opposition d’intérêts entre le mandant et le mandataire. Conformément au droit commun de la représentation, tel qu’énoncé à l’article 1161 du Code civil, le représentant ne peut pas contracter avec lui-même ou représenter deux parties ayant des intérêts opposés dans le même acte. Le juge des tutelles n’a pas la possibilité de désigner un mandataire ad hoc dans ce cadre. Une telle opposition d’intérêts pourrait alors bloquer la réalisation de l’acte, à moins que le juge n’intervienne pour évaluer si celui-ci respecte l’intérêt supérieur du mandant et ne constitue pas une atteinte à ses droits patrimoniaux.
v. Le majeur sous habilitation familiale
L’habilitation familiale, conçue pour offrir une alternative souple et moins intrusive aux régimes traditionnels de protection, permet à la personne habilitée de consentir au partage amiable pour le compte du majeur protégé, conformément à l’article 494-6 du Code civil. Cette habilitation, lorsqu’elle est étendue à la représentation pour les actes de disposition, peut inclure le partage amiable sans nécessiter d’autorisation préalable ou d’approbation judiciaire, sauf si des dispositions contraires sont spécifiées par le juge des tutelles dans la décision habilitante.
Cependant, ce régime, marqué par une volonté de déjudiciarisation, ne supprime pas toute intervention judiciaire. En effet, en cas d’opposition d’intérêts entre la personne habilitée et la personne protégée, le juge des tutelles peut exceptionnellement autoriser la personne habilitée à agir, dès lors que l’intérêt de la personne protégée le justifie.
En outre, les actes de disposition à titre gratuit, tels que la donation ou la renonciation à des droits, restent soumis à l’autorisation préalable du juge des tutelles, conformément aux principes fondamentaux du droit de la protection des majeurs. Cette exigence vise à prévenir toute atteinte injustifiée au patrimoine de la personne protégée, tout en conservant une certaine flexibilité pour les actes nécessaires à la gestion courante de ses biens.
2. La situation des indivisaires absents ou hors d’état de manifester leur volonté
Dans le cadre des opérations de partage, la présence et la participation active de tous les indivisaires constituent des conditions essentielles pour garantir l’équilibre et l’efficacité des décisions prises. Toutefois, certaines situations, telles que l’absence prolongée ou l’impossibilité manifeste pour un indivisaire de manifester sa volonté en raison d’un éloignement, compliquent ce processus. Pour répondre à ces cas particuliers, le législateur a instauré des mécanismes spécifiques destinés à préserver les intérêts patrimoniaux des indivisaires vulnérables tout en assurant la continuité de la gestion de l’indivision.
a. L’indivisaire absent
==>L’indivisaire présumé absent
L’article 836 du Code civil prévoit que lorsqu’un indivisaire est présumé absent, un partage amiable peut être réalisé dans les conditions définies à l’article 116. Cette situation concerne les cas où un indivisaire a cessé de paraître à son domicile ou résidence sans qu’aucune nouvelle ne parvienne, conformément aux dispositions de l’article 112 du Code civil. Le juge des tutelles, saisi à la demande des parties intéressées ou du ministère public, constate alors la présomption d’absence et désigne un représentant pour exercer les droits du présumé absent, notamment dans le cadre d’un partage amiable.
L’article 116 encadre rigoureusement ce partage amiable. Le juge des tutelles doit, en premier lieu, autoriser le partage et peut, si nécessaire, désigner un notaire pour en superviser les opérations. Ce contrôle garantit que les intérêts du présumé absent sont pleinement préservés. Ensuite, l’état liquidatif résultant du partage doit obligatoirement être soumis à l’approbation du juge, marquant ainsi l’achèvement du processus et conférant à l’opération sa validité juridique. Enfin, en cas d’opposition d’intérêts entre le représentant et le présumé absent, le juge des tutelles peut désigner un remplaçant chargé de représenter impartialement les droits de ce dernier.
Dans le cas où ces formalités ne seraient pas respectées, l’article 116 prévoit que le partage amiable sera considéré comme provisionnel. Il ne pourra produire d’effets définitifs qu’après régularisation, garantissant ainsi une protection accrue du patrimoine du présumé absent.
==>L’indivisaire déclaré absent
Lorsque la présomption d’absence se prolonge sans nouvelles pendant dix ans (ou vingt ans en l’absence de constatation judiciaire), l’article 122 du Code civil permet de prononcer une déclaration d’absence. Ce jugement, qui assimile juridiquement l’absence à un décès, emporte des conséquences radicales : la personnalité juridique de l’indivisaire s’éteint, autorisant l’ouverture de sa succession. L’article 128 précise que cette déclaration prend effet à partir de sa transcription sur les registres d’état civil, marquant ainsi une rupture définitive avec les mécanismes de protection antérieurs.
Contrairement au présumé absent, l’indivisaire déclaré absent ne peut participer au partage amiable ni être représenté dans les opérations de l’indivision. La déclaration d’absence entraîne la liquidation de ses intérêts comme s’il était décédé, mettant fin aux mesures d’administration des biens qui avaient été prises à son bénéfice.
b. L’indivisaire hors d’état de manifester sa volonté en raison d’un éloignement
L’article 836 du Code civil s’applique également aux indivisaires qui, en raison d’un éloignement, se trouvent hors d’état de manifester leur volonté. Cette situation, bien que distincte de la présomption d’absence, obéit aux mêmes dispositions protectrices énoncées à l’article 116 du Code civil.
Ainsi, lorsqu’un indivisaire est temporairement ou durablement empêché de participer aux décisions relatives à l’indivision en raison de son éloignement, le juge des tutelles peut désigner un représentant chargé d’agir en son nom. Le partage amiable, sous réserve de l’autorisation préalable du juge, peut alors être engagé. Si des intérêts divergents apparaissent entre l’indivisaire éloigné et son représentant, le juge des tutelles peut, comme dans le cas du présumé absent, désigner un remplaçant pour garantir l’impartialité des décisions.
L’article 120 du Code civil prévoit expressément que les règles applicables à l’administration des biens et à la représentation des présumés absents s’étendent aux indivisaires éloignés. Cela inclut l’autorisation préalable pour le partage amiable, la possibilité de désigner un notaire pour superviser l’opération, et l’approbation obligatoire de l’état liquidatif par le juge des tutelles.
3. La situation des indivisaires défaillants
L’article 837 du Code civil, issu de la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, a introduit un mécanisme destiné à remédier aux difficultés que peut engendrer l’inertie d’un indivisaire dans le cadre d’un partage amiable. Ce dispositif, conçu pour éviter les lourdeurs et contraintes d’un partage judiciaire, établit un équilibre entre la nécessité de faire avancer les opérations et la préservation des droits de l’indivisaire absent.
Un indivisaire est qualifié de défaillant lorsqu’il ne répond pas aux sollicitations relatives au partage, qu’il s’agisse d’une négligence, d’un désintérêt manifeste ou d’une stratégie d’obstruction. Toutefois, cette situation se distingue de celles régies par l’article 836 du Code civil, qui concernent les indivisaires incapables, présumés absents ou hors d’état de manifester leur volonté en raison d’un éloignement. L’indivisaire défaillant n’oppose ici ni refus exprès au partage ni incapacité légale.
Pour surmonter cette inertie, l’article 837 prévoit qu’un coindivisaire diligent peut adresser à l’indivisaire défaillant une mise en demeure, notifiée par acte extrajudiciaire, de se faire représenter au partage. Cette démarche ouvre un délai de trois mois, durant lequel l’indivisaire doit désigner un mandataire. Si ce dernier n’agit pas dans le délai imparti, le juge peut être saisi par tout coindivisaire afin de désigner une personne qualifiée pour représenter l’indivisaire défaillant.
La personne désignée par le juge agit en représentation de l’indivisaire jusqu’à l’achèvement complet des opérations de partage. Cependant, son pouvoir est limité : elle ne peut consentir au partage amiable qu’avec l’autorisation expresse du juge.
En, effet, l’article 1358 du Code de procédure civile précise que la personne désignée ne peut consentir au partage amiable qu’avec l’autorisation préalable du juge qui l’a nommée. Pour obtenir cette autorisation, le représentant doit transmettre au juge le projet de partage, approuvé par l’ensemble des autres coindivisaires. L’autorisation judiciaire ainsi accordée est rendue en dernier ressort, conférant au partage une force juridique incontestable et évitant tout recours dilatoire.
Le juge joue ici un rôle central, intervenant non seulement pour désigner un représentant qualifié, mais également pour examiner le projet de partage et s’assurer qu’il respecte les droits de l’indivisaire défaillant. Cette double intervention témoigne d’un équilibre subtil entre protection des parties et efficacité procédurale, permettant d’éviter que l’inertie d’un indivisaire n’entrave indûment la réalisation du partage.
Enfin, s’agissant de la juridiction compétente pour connaître des demandes relatives à la défaillance d’un indivisaire dans le cadre d’un partage amiable, l’article 1379 du Code de procédure civile dispose que les demandes formées en application de l’article 837 du Code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire. Ce magistrat statue dans les formes prévues aux articles 493 à 498 et 846, soit selon les règles de la procédure d’ordonnance sur requête.
II) L’assiette du partage amiable
Le partage amiable constitue une modalité souple et consensuelle de sortie de l’indivision, permettant aux indivisaires d’organiser la répartition des biens selon leurs volontés respectives.
L’assiette du partage peut varier, comprenant soit une fraction limitée des biens indivis (partage partiel), soit plusieurs indivisions regroupées dans une seule masse partageable (partage cumulatif). Ces deux formes de partage, désormais consacrées par les articles 838 et 839 du Code civil.
A) Le partage partiel
Le partage partiel, encadré par l’article 838 du Code civil, se distingue par sa souplesse, permettant de répartir certains éléments de l’indivision tout en maintenant celle-ci sur d’autres biens ou entre certaines personnes.
Contrairement au partage total, qui met fin à l’indivision en attribuant l’ensemble des biens indivis aux indivisaires pour remplir intégralement leurs droits, le partage partiel organise une sortie progressive, souvent adaptée aux contraintes ou à la complexité des situations patrimoniales.
==>Les formes du partage partiel
L’article 838 du Code civil prévoit que « le partage amiable peut être total ou partiel. Il est partiel lorsqu’il laisse subsister l’indivision à l’égard de certains biens ou de certaines personnes. » Il s’infère de cette disposition une distinction fondamentale entre deux modalités de répartition : tandis que le partage total met un terme définitif à l’indivision en attribuant l’ensemble des biens indivis à chaque indivisaire, le partage partiel, quant à lui, limite cette répartition, laissant perdurer l’indivision, soit sur certains biens, soit entre certains indivisaires.
Le partage est partiel quant aux biens lorsque certains éléments spécifiques de l’indivision, tels que les liquidités ou les biens meubles aisément divisibles, sont répartis entre les indivisaires, tandis que d’autres biens, notamment les biens immobiliers ou ceux présentant une nature indivisible, demeurent temporairement soumis à l’indivision. Ce mécanisme, souvent adopté pour répondre à des contraintes pratiques ou patrimoniales, instaure une gestion par étapes, où chaque phase de partage contribue à réduire progressivement le périmètre des biens encore indivis. Cette approche graduelle favorise une transition ordonnée, tout en conservant la souplesse requise pour s’adapter à la diversité et à la complexité des situations patrimoniales.
À l’inverse, le partage partiel quant aux personnes intervient lorsqu’une partie des indivisaires est remplie de ses droits et quitte l’indivision, tandis que les autres y demeurent. Ce procédé, qui permet une sortie individualisée de certains indivisaires, maintient néanmoins l’indivision, celle-ci nécessitant, par nature, la coexistence d’au moins deux indivisaires. Cette modalité offre ainsi une solution intermédiaire, adaptée aux situations où tous les indivisaires ne souhaitent ou ne peuvent sortir simultanément de l’indivision.
Dans certaines situations, ces deux formes de partage partiel peuvent se combiner. Il devient alors possible d’attribuer certains biens spécifiques à des indivisaires précis tout en conservant une indivision résiduelle pour les autres, répondant ainsi à des exigences d’équité et de pragmatisme.
Par ailleurs, la jurisprudence reconnaît l’existence de conventions préparatoires au partage, parfois désignées sous les termes d’« avant-partage » ou de « promesse de partage ». Ces accords, bien qu’ils ne constituent pas un partage définitif, visent à organiser les modalités futures de la répartition. Ils peuvent, par exemple, prévoir la licitation de certains biens ou en fixer les principes de répartition, sans pour autant procéder immédiatement à leur attribution. Ces conventions engagent les parties dès lors qu’elles expriment une volonté claire et ferme, comme l’a établi la Cour de cassation dans plusieurs arrêts (Cass. 1re civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909). En revanche, un simple projet de partage, dépourvu d’intention d’engagement, demeure sans effet obligatoire.
==>L’exigence de consentement unanime des indivisaires
En principe, le partage partiel nécessite l’unanimité des indivisaires, car il modifie les équilibres patrimoniaux au sein de l’indivision. Le juge ne peut imposer un partage partiel amiable, sauf à obtenir l’accord de toutes les parties concernées. Cette règle s’inscrit dans la logique du droit de l’indivision, qui repose sur une gestion collective et consensuelle.
Cependant, le législateur et la jurisprudence ont apporté des tempéraments à ce principe. Par exemple, il est admis que certains éléments d’actif puissent être exclus d’un partage, notamment en cas de doute sur leur existence ou leur consistance, dès lors que cette exclusion ne remet pas en cause la répartition décidée (Cass. 1ère civ., 28 mars 1979, n°78-11.889 et 78-12.807). De plus, certaines situations imposent un partage partiel sans qu’un consentement unanime soit requis. Ainsi, l’attribution éliminatoire prévue à l’article 824 du Code civil ou la perception de bénéfices en vertu de l’article 815-11 sont autant de mécanismes permettant un partage partiel, même en présence d’indivisaires opposés.
==>Effets du partage partiel
Le partage partiel peut être définitif ou provisionnel. Lorsqu’il est définitif, il emporte les mêmes effets déclaratifs qu’un partage total, consacrant la propriété privative des biens attribués. En revanche, un partage provisionnel, limité dans ses effets, n’engage pas définitivement les parties et peut être modifié ou complété ultérieurement.
Le caractère égalitaire ou inégalitaire du partage partiel peut également influer sur ses conséquences juridiques. Un partage partiel inégalitaire, bien que permis par la loi, doit respecter les droits de chaque indivisaire en termes de valeur, conformément à l’article 826 du Code civil, qui privilégie désormais une égalité en valeur plutôt qu’en nature. Dans tous les cas, le partage partiel ne peut produire ses effets que dans la mesure où il respecte les règles applicables à la gestion de l’indivision, notamment l’obligation de préserver les droits de chaque indivisaire.
Enfin, certaines dispositions permettent au juge de suspendre le droit au partage de certains biens tout en autorisant un partage partiel pour d’autres. Cette faculté, prévue aux articles 821 et 820 du Code civil, illustre une forme indirecte de partage partiel imposé, où les indivisaires sont contraints de se limiter à une répartition cantonnée. Ces mécanismes visent à concilier les impératifs de préservation du patrimoine indivis avec les besoins des indivisaires.
B) Le partage cumulatif
Le partage cumulatif, prévu par l’article 839 du Code civil, autorise le regroupement de plusieurs indivisions distinctes au sein d’une masse unique à partager, dès lors qu’elles concernent exclusivement les mêmes indivisaires, qu’il s’agisse de biens identiques ou de nature différente. Cette disposition, issue de la réforme opérée par la loi du 23 juin 2006, rompt avec les exigences traditionnelles qui imposaient un traitement séparé de chaque indivision, sauf à recourir à des mécanismes judiciaires comme la licitation globale. Ce changement témoigne d’une volonté de rationalisation et de simplification des opérations de partage.
Cette technique trouve une application particulière dans les cas de successions confondues. Ainsi, lorsqu’après le décès de leurs parents, des enfants doivent partager deux successions post-successorales et une indivision post-communautaire, le regroupement de ces masses indivises permet de simplifier considérablement la composition des lots. Comme ont pu le souligner des auteurs « cette fongibilité des biens indivis au sein d’une masse unique facilite la répartition et diminue les risques de morcellement des biens ». De plus, cette méthode atténue les déséquilibres financiers, grâce à l’intégration éventuelle de créances de soulte, et limite le recours aux licitations, conformément à une logique patrimoniale harmonieuse.
Avant la réforme de 2006, le partage cumulatif requérait l’unanimité des indivisaires pour être réalisé à l’amiable. À défaut, il était nécessaire de procéder à un partage judiciaire, indivision par indivision, sauf justification d’un intérêt suffisant pour ordonner une licitation globale (Cass. 1re civ., 11 févr. 1969). Cette solution s’appuyait sur le principe selon lequel chaque indivisaire avait le droit de recevoir une part en nature dans chaque indivision (Cass. 1re civ., 29 juill. 1952). Toutefois, la loi de 2006, en abandonnant l’exigence d’égalité en nature au profit d’une égalité en valeur, a supprimé cet obstacle. Désormais, le partage cumulatif est autorisé, même en présence de biens issus de plusieurs indivisions, dès lors que les indivisaires y consentent ou que des mécanismes judiciaires permettent de surmonter les oppositions.
L’article 826 du Code civil entérine cette évolution en consacrant une logique d’égalité en valeur, en remplacement de l’égalité en nature. Comme l’a précisé Michel Grimaldi, « cette évolution permet de concilier la souplesse des opérations amiables avec les impératifs d’équité entre les indivisaires ». Désormais, les indivisaires ne sont plus contraints de recevoir une part en nature dans chaque indivision, mais bénéficient d’une répartition globale, équitable et simplifiée.
Malgré ces avancées, le partage cumulatif demeure strictement encadré, en particulier lorsqu’il est réalisé sous l’égide du juge. Ce dernier doit garantir que les droits de chaque indivisaire sont respectés et qu’aucun tiers, notamment un créancier personnel, ne soit lésé par la fusion des masses indivises (Cass. 1re civ., 30 mai 1911). À cet égard, le juge dispose du pouvoir de refuser un partage cumulatif qui compromettrait les droits de tiers ou l’équilibre des indivisaires.
III) Les modalités du partage amiable
A) Liberté dans le choix des modalités de partage
Le principe de liberté est le fondement du partage amiable. L’article 835 du Code civil prévoit en ce sens que « le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ». Cette latitude confère au partage amiable une grande flexibilité, adaptée à la diversité des situations patrimoniales et familiales.
Les indivisaires disposent d’une totale liberté pour organiser le partage. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, s’inspirer des règles applicables au partage judiciaire tout en y apportant les adaptations nécessaires pour répondre à leurs besoins spécifiques. Cette possibilité d’aménagement leur permet de simplifier les opérations ou d’élaborer des solutions sur mesure, comme l’a confirmé la jurisprudence (Cass. 27 mai 1903). Cette approche sur mesure favorise un règlement apaisé de l’indivision, évitant les rigidités du cadre judiciaire.
La liberté des parties s’exprime également dans la possibilité de conclure des actes préparatoires, qui servent à poser les bases du partage sans y procéder immédiatement. Ces accords préliminaires, qualifiés parfois de promesses de partage ou d’accords de principe, permettent de fixer les grandes lignes des modalités futures. Ils peuvent, par exemple, organiser la vente préalable de certains biens indivis ou définir des critères de répartition. Ces actes lient les signataires (Cass. 1ère civ., 20 janv. 1982, n°80-16.909) et constituent une étape essentielle pour préparer un partage définitif dans un cadre clair et consensuel.
Toutefois, ces actes n’ont pas de force obligatoire à l’égard des indivisaires qui ne les ont pas signés. Ils ne produisent donc pas les effets d’un partage au sens juridique, mais préfigurent son contenu, facilitant ainsi la conclusion d’un accord global.
Le partage amiable peut, en outre, être conclu sous condition suspensive ou résolutoire. Cette faculté permet aux parties de subordonner l’effet du partage à la réalisation d’un événement futur et incertain. Par exemple, un partage peut être suspendu à l’obtention d’une autorisation administrative ou à la vente d’un bien indivis. Tant que la condition n’est pas réalisée, l’indivision demeure, et les règles qui encadrent son fonctionnement continuent de s’appliquer (Cass. Req. 12 août 1856).
B) Liberté de composition des lots
Le partage amiable se distingue par la souplesse qu’il offre aux indivisaires dans la composition des lots. Cette liberté constitue l’un des atouts majeurs de cette modalité de partage, permettant aux parties de modeler les lots en fonction de leurs besoins spécifiques, de leurs préférences ou encore des contraintes pratiques attachées aux biens en indivision.
==>Modalités de composition des lots
Dans le cadre du partage amiable, les indivisaires peuvent librement constituer les lots selon leur convenance, qu’il s’agisse de lots prédéterminés attribués à chaque copartageant ou de lots tirés au sort, si tel est leur choix. Cette souplesse leur permet également de recourir à des modalités alternatives pour disposer des biens indivis. Ainsi, certains biens peuvent être vendus, soit de gré à gré, soit par adjudication amiable, afin que le produit de la vente soit ensuite réparti entre les indivisaires selon leurs droits respectifs. Cette faculté est particulièrement utile pour éviter les difficultés liées au partage matériel de biens indivisibles ou difficilement partageables en nature.
La latitude conférée dans la composition des lots reflète une grande harmonie dans l’adaptation aux circonstances. Ainsi, les indivisaires peuvent modeler les lots selon leur convenance, en y intégrant des biens mobiliers ou immobiliers, des créances, ou encore des droits spécifiques, façonnant ainsi une répartition qui s’accorde au mieux aux aspirations et besoins de chacun.
==>Principe d’égalité dans le partage
Cette liberté de composition est néanmoins tempérée par l’exigence d’égalité dans le partage, telle que consacrée par l’article 826 du Code civil. Ce principe impose que chaque indivisaire reçoive une part correspondant à la valeur de ses droits dans l’indivision. L’égalité dans le partage ne requiert pas nécessairement une identité en nature entre les lots attribués, mais garantit une équité en valeur.
Lorsque les biens à partager présentent une diversité telle qu’une égalité stricte en nature s’avère impossible, les indivisaires peuvent recourir aux soultes, c’est-à-dire des compensations financières mises à la charge des copartageants avantagés. Ces soultes permettent de rétablir l’équilibre entre les parts, en indemnisant les indivisaires lésés par une répartition inégale en nature. Par exemple, un indivisaire recevant un bien de valeur supérieure à ses droits pourra être tenu de verser une soulte aux autres indivisaires, afin de rétablir l’équité patrimoniale.
==>L’exigence d’unanimité
Enfin, la faculté de façonner les lots trouve son fondement dans l’accord unanime des indivisaires. Chaque choix relatif à la constitution des lots, à la vente des biens ou à l’attribution des soultes naît de la concertation, élevant ainsi le dialogue et la négociation au cœur du partage amiable.
L’exigence de ce consensus, loin d’apparaître comme une entrave, confère aux opérations une solidité juridique accrue, tout en permettant de forger des solutions sur mesure, en parfaite adéquation avec les spécificités uniques de chaque indivision.
C) Estimation des lots
L’évaluation des biens dans le cadre du partage amiable est un art délicat, laissé à la sagesse et au discernement des indivisaires. Libres de fixer les critères qui guideront cette estimation, ces derniers peuvent convenir, d’un commun accord, de valeurs adaptées aux particularités de leur indivision.
La jurisprudence, empreinte de pragmatisme, a reconnu que bien qu’une date unique d’évaluation soit souhaitable, les copartageants conservent la faculté de fixer des dates distinctes pour certains biens, dès lors que cela répond aux besoins de leur situation (Cass., ass. plén., 22 avr. 2005, n°02-15.180). Cette souplesse, loin de nuire à l’équité, permet de mieux appréhender les réalités patrimoniales lorsque les opérations s’étendent sur une durée significative.
Dans ce paysage d’accords et de conventions, la clause de jouissance divise, telle qu’envisagée par l’article 829 du Code civil, s’impose comme un instrument précieux de régulation. Cette clause, souvent insérée dans les actes notariés, établit le moment à partir duquel les fruits et revenus des biens cessent d’appartenir à l’indivision pour être attribués, avec grâce et justice, aux lots respectifs. Elle incarne, dans sa subtilité, la transition entre l’indivision et l’attribution privative, orchestrant une harmonie entre les parties tout en préservant l’équilibre des droits.
D) Force obligatoire du partage amiable
Une fois scellé par l’accord des parties, le partage amiable s’auréole de la force impérative des conventions, s’imposant aux indivisaires comme une loi contractuelle à laquelle ils ne sauraient se soustraire. À l’instar des contrats les plus solennels, il ne peut être remis en question que dans les cas strictement encadrés où des vices du consentement ou des irrégularités de procédure entacheraient sa validité (Cass. 1ère civ., 26 juin 1985, 84-12.417). Ainsi, celui qui a donné son assentiment à une licitation ou à toute autre modalité de répartition ne saurait, sans déroger à ses engagements, en contester ultérieurement les termes.
Cette force contraignante ne s’arrête pas aux engagements principaux mais s’étend aux conditions accessoires, telles que les délais impartis pour le règlement des soultes. Si ces délais venaient à être ignorés, les créanciers peuvent invoquer l’article 828 du Code civil pour demander une réévaluation des sommes dues, selon les termes du contrat ou à l’aune d’un indice convenu par les parties. Cette rigueur, loin d’être une contrainte, confère au partage amiable la stabilité et la sécurité nécessaires, permettant à chacun de trouver dans ses engagements la juste mesure de ses droits et obligations.
IV) La formalisation du partage amiable
Le partage, processus destiné à mettre fin à l’indivision, se situe au carrefour de la volonté des parties et des exigences légales. La formalisation de cet acte revêt des contours variables, selon qu’elle concerne la validité intrinsèque du partage ou simplement sa preuve.
A) Les exigences de forme ad validitatem
La question des formes à respecter pour la validité du partage appelle à distinguer selon que le bien objet du partage est soumis ou non à une obligation de publicité foncière.
1. Indivision ne comprenant pas de biens soumis à publicité foncière
L’article 835, alinéa 1er, du Code civil, dans une formulation limpide et respectueuse de la liberté contractuelle, énonce que le partage amiable peut être conclu « dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ». En instituant le principe du consensualisme, ce texte met en lumière l’importance primordiale de l’accord des copartageants, lesquels sont libres de façonner les contours de leur convention.
Le consensualisme, dans ce contexte, signifie que les parties ne sont soumises à aucune contrainte légale quant à la forme que doit revêtir leur partage. Ce dernier peut ainsi être verbal ou écrit, et, si la voie écrite est retenue, il peut prendre la forme d’un acte notarié ou sous seing privé. La doctrine, notamment sous la plume de Michel Grimaldi, souligne cette liberté exceptionnelle, rappelant que l’écrit, lorsqu’il existe, n’a pas nécessairement à être solennel pour conférer validité au partage.
Toutefois, si cette souplesse semble a priori un gage de simplicité, elle ne saurait occulter les risques inhérents à l’absence de formalisme.
Le partage verbal, bien que juridiquement valable, a suscité par le passé de vives controverses doctrinales et jurisprudentielles. Certaines juridictions, au XIXe siècle, rejetaient catégoriquement sa validité, arguant que seul un écrit pouvait constituer un acte de partage au sens de l’article 816 du Code civil. Cette interprétation formaliste a été écartée par la Cour de cassation, qui, dans un arrêt de principe rendu le 21 janvier 1867, a affirmé la validité d’un partage verbal, reconnaissant que l’expression « acte de partage » devait s’entendre dans son sens substantiel et non formel (Cass. req., 21 janv. 1867).
Néanmoins, cette reconnaissance de la validité du partage verbal ne dispense pas les parties d’une prudence certaine. Le partage verbal présente un inconvénient majeur : celui de la preuve. En l’absence d’un écrit, les copartageants, confrontés à un désaccord ultérieur, devront se tourner vers les règles du droit commun de la preuve, prévues par les articles 1353 et suivants du Code civil. Ces règles imposent notamment, pour les biens d’une valeur excédant 1 500 euros, la production d’un écrit probant (art. 1359 C. civ.), sauf impossibilité matérielle ou morale de s’en procurer un, ou en cas de commencement de preuve par écrit corroboré par d’autres éléments (art. 1360 et 1361 C. civ.).
Dans un esprit de prévoyance, les copartageants opteront souvent pour un partage écrit. Cette formalisation leur offre une preuve préconstituée et, par conséquent, une sécurité juridique accrue. L’établissement de cet écrit peut résulter de divers supports : un simple compte de répartition établi par un notaire, pourvu qu’il soit signé et mentionne l’accord des parties, peut suffire à établir un partage (Cass. 1re civ., 24 févr. 2016, n° 15-13.758). En outre, plusieurs documents distincts, pris ensemble, peuvent également constituer un écrit valable dès lors qu’ils témoignent de manière concordante de l’accord des parties (Cass. 1re civ., 27 févr. 1952).
Pour prévenir tout litige et renforcer la sécurité juridique, il est fortement conseillé d’établir un écrit détaillant les modalités du partage et exprimant clairement l’accord des copartageants. Même lorsque les parties s’accordent sur un partage verbal, il peut être opportun d’obtenir des éléments matériels, tels qu’un commencement de preuve par écrit, pour corroborer leur entente en cas de contestation ultérieure. Enfin, en présence de biens mobiliers d’importance ou d’une indivision complexe, le recours à un acte notarié demeure une solution prudente, bien que facultative.
2. Indivision comprenant des biens soumis à publicité foncière
L’article 835, alinéa 2, du Code civil assortit le principe du consensualisme en matière de partage amiable d’un tempérament lorsqu’il s’agit de biens soumis à publicité foncière. Il impose, dans ce cas, que l’acte de partage soit établi par acte notarié. Toutefois, cette exigence, loin de déroger au principe, poursuit un objectif spécifique : celui de permettre la publicité de l’acte et, ainsi, d’assurer son opposabilité aux tiers.
==>L’exigence de l’acte notarié ad publicatem
Contrairement à ce que pourrait laisser penser une lecture superficielle du texte, l’obligation de recourir à un notaire n’a pas pour finalité de conférer une validité intrinsèque à l’acte. La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 24 octobre 2012, a, en effet, précisé que cette formalité, imposée par l’article 835, al. 2, du Code civil, vise uniquement à garantir l’effectivité de la publicité obligatoire dans les services de publicité foncière, et non à conditionner la validité du partage (Cass. 1re civ., 24 oct. 2012, n° 11-19.855). Ainsi, un acte sous seing privé, voire un partage verbal, reste pleinement valable entre les parties, mais il ne pourra être opposé aux tiers qu’après avoir été authentifié et publié.
Cette interprétation est également soutenue par les travaux parlementaires ayant accompagné la réforme des successions et des libéralités de 2006, lesquels précisent que la formalité notariée requise pour les biens soumis à publicité foncière découle de l’article 4 du décret n°55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, qui impose la forme authentique pour tout acte sujet à publication.
En pratique, le recours à un acte notarié dès l’origine est souvent privilégié pour des raisons de simplicité et de sécurité. Le notaire, par son expertise, garantit non seulement la conformité de l’acte au regard des règles de publicité foncière mais aussi sa solidité juridique, réduisant ainsi les risques de contestation ultérieure.
Cependant, il convient de rappeler que cette formalité peut engendrer des coûts supplémentaires, notamment en raison des émoluments notariaux et des droits d’enregistrement. Il appartient donc aux copartageants de peser les avantages d’une publicité immédiate contre les contraintes financières qu’elle impose.
Enfin, il peut être observé que, dans certains cas, lorsqu’un partage sous seing privé n’a pas été authentifié pour permettre sa publication, les parties peuvent demander son authentification judiciaire. Cette procédure, reconnue par la doctrine et confirmée par les conservateurs des hypothèques, permet de déposer l’acte privé au rang des minutes d’un notaire, éventuellement accompagné d’une déclaration unilatérale de volonté par l’un des indivisaires souhaitant obtenir la publication (Décret n°55-22 du 4 janvier 1955, art. 37, al. 2). Ce mécanisme offre une alternative pratique aux situations où l’un des copartageants refuserait de réitérer son consentement en la forme authentique.
==>Opposabilité aux tiers
Le partage, en matière d’indivision comprenant des biens immobiliers, a un effet déclaratif : il ne crée pas de droits nouveaux mais consacre la répartition des droits préexistants entre les indivisaires. La publicité foncière, rendue nécessaire par l’article 835, al. 2, vient renforcer cet effet en rendant opposables aux tiers les attributions opérées dans le cadre du partage. Toutefois, comme le souligne la jurisprudence, l’absence de publication ne rend pas l’acte inopposable aux tiers par principe ; elle ouvre seulement droit à des dommages et intérêts si un tiers subit un préjudice du fait de cette omission (Cass. 1ère civ., 7 nov. 1984, n°83-13.643).
Cela signifie qu’un partage non publié demeure valable et opposable aux tiers dans la mesure où ces derniers n’ont pas à s’en plaindre. Cette solution, pragmatique, distingue le partage des actes translatifs de propriété qui, eux, ne peuvent produire aucun effet vis-à-vis des tiers sans publicité (Décret n°55-22 du 4 janvier 1955, art. 30).
B) Les exigences de forme ad probationem
Le partage amiable, fruit de la volonté unanime des indivisaires, se présente comme une convention librement négociée. Cependant, cette liberté, tout en permettant une grande souplesse dans les formes, appelle à une organisation précise lorsque se pose la question de la preuve. Car, en l’absence de formalités établies, la clarté de l’accord peut se trouver compromise, exposant les parties à des litiges prolongés.
Le partage amiable, comme tout acte juridique, obéit au droit commun de la preuve. Si l’accord peut être verbal ou écrit, il n’en reste pas moins que l’absence d’écrit fragilise sa preuve. Les décisions jurisprudentielles rappellent avec constance qu’un partage verbal est valide, mais qu’il expose les indivisaires à des difficultés sérieuses de preuve (Cass. 1re civ., 29 avr. 1968).
Lorsque le partage concerne des biens d’une valeur n’excédant pas 1 500 euros, la preuve est libre : témoignages, présomptions et indices suffisent à établir la réalité de l’accord (art. 1358 C. civ.). Au-delà de ce seuil, la loi impose un écrit, sous seing privé ou authentique, pour garantir la sécurité des conventions et préserver la stabilité des relations entre les indivisaires (art. 1359 C. civ.).
Toutefois, le législateur, attentif aux circonstances exceptionnelles, a prévu des tempéraments à cette exigence. Ainsi, lorsque l’écrit ne peut être produit en raison d’une impossibilité matérielle ou morale, ou lorsqu’il a été détruit par un cas de force majeure, il est permis de prouver le partage par tout moyen (art. 1360 C. civ.). De même, un commencement de preuve par écrit, corroboré par d’autres éléments, peut suppléer à l’absence d’un acte écrit (art. 1361 et 1362 C. civ.).
En l’absence d’écrit, d’autres moyens, tels que l’aveu judiciaire ou le serment décisoire, conservent leur pleine efficacité pour établir la preuve. Ces procédés, bien qu’exceptionnels, demeurent des instruments de droit commun permettant de trancher les différends dans les cas les plus complexes (art. 1361 C. civ.).
Enfin, l’acte notarié, par sa force probante et sa conformité aux exigences de publicité foncière, constitue le mode de preuve par excellence. Même lorsqu’il est affecté d’un vice de forme, il peut valoir comme acte sous seing privé, conservant ainsi sa portée probatoire (Cass. 1re civ., 11 juill. 1955).
Ainsi, bien que la liberté probatoire reste la règle, il est toujours prudent d’établir un écrit, seul capable de protéger les parties contre les incertitudes et les litiges futurs. L’écrit, sous seing privé ou authentique, demeure le gage de sécurité et de stabilité des accords conclus.