RGPD: L’exigence de conservation des données pendant une durée pertinente

L’article 6, 5° de la LIL dispose que pour faire l’objet d’un traitement, les données à caractères personnel doivent être « conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».

Dans le même sens, l’article 5, e) du RGPD prévoit que « les données à caractère personnel doivent être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées; les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation) »

Il ressort de ces deux textes que la durée de conservation des données à caractère personnel ne saurait être illimitée. Elle doit être proportionnée à la finalité du traitement.

Toute la question est alors de savoir comment déterminer une durée adaptée à la conservation des données à caractère personnel traitées.

A l’examen, il apparaît que le législateur a posé un principe assorti de plusieurs dérogations.

§1 : Le principe

Dans sa délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005 la CNIL avait considéré que, au fond, « face à la mémoire de l’informatique, seul le principe du “droit” à l’oubli consacré par l’article 6-5° de la loi du 6 janvier 1978 peut garantir que les données collectées sur les individus ne soient pas conservées, dans les entreprises, pour des durées qui pourraient apparaître comme manifestement excessives ».

Aussi, la Commission a-t-elle pour mission de veiller au respect de ce principe s’agissant, en particulier, des durées de conservation relatives aux informations collectées par les entreprises, organismes ou établissements privés mais aussi des modalités de conservation de ces informations.

A l’examen, la détermination de la durée de conservation des données à caractère personnel suppose de s’interroger sur quatre points :

  • Le point de départ de la durée de conservation
  • Le cycle de conservation des données
  • Le quantum de la durée de conservation
  • Les modalités de la conservation

A) Sur le point de départ de la durée de conservation

Dans une délibération n°2013-420 du 3 janvier 2014 la CNIL a décidé que :

  • D’une part, la fixation de durées de conservation définies ne saurait avoir pour objet ni pour effet de supprimer des données des utilisateurs alors qu’eux-mêmes en auraient encore l’usage.
  • D’autre part, le point de départ d’une durée de conservation n’est pas fonction de la date de la collecte, mais de la suppression du compte utilisateur

Il en résulte, pour la Commission, que la fixation de ce point de départ autorise le responsable du traitement à conserver les données collectées des années durant, si nécessaire.

Pour le Conseil d’état, le point de départ de la durée de conservation des données est « le dernier fait enregistré », lequel « doit nécessairement être entendu comme le fait constitutif de la contravention ou tout acte postérieur interruptif de la prescription » (CE 30 juill. 2014, n°359402).

En toute hypothèse, au terme au terme de la réalisation du traitement (l’exécution d’un contrat par exemple), les données doivent être :

  • Soit effacées
  • Soit archivées
  • Soit faire l’objet d’un processus d’anonymisation, afin de rendre impossible la « ré-identification » des personnes. Ces données, n’étant plus des données à caractère personnel, peuvent ainsi être conservées librement et valorisées notamment par la production de statistiques.

B) Sur le cycle de conservation des données

Il ressort de l’analyse menée par la CNIL que le cycle de conservation des données à caractère personnel comporte trois phases successives distinctes :

  • L’archivage courant
  • L’archivage intermédiaire
  • L’archivage définitif
  1. Sur l’archivage courant

Il s’agit de la durée d’utilisation courante des données ou autrement dit, la durée nécessaire à la réalisation de la finalité du traitement.

Toutes les données qui intéressent l’exécution d’un contrat peuvent être conservées par le responsable du traitement.

Sans ces données, la réalisation de la prestation serait rendue impossible. Il apparaît donc pleinement justifié qu’elles puissent être conservées pendant toute la durée de la convention.

Des mesures techniques et organisationnelles doivent être prévues pour protéger les données archivées (destruction, perte, altération, diffusion ou accès non autorisés…). Ces mesures doivent assurer un niveau de sécurité approprié aux risques et à la nature des données.

Si des mesures de sécurité informatiques sont indispensables, il convient, en outre, de prévoir des mesures de sécurité physique, notamment lorsque des dossiers sont archivés sous format papier.

Lorsque l’archivage est confié à un sous-traitant, le responsable du fichier doit s’assurer que son prestataire présente des garanties suffisantes en matière de sécurité et la confidentialité des données qui lui sont confiées.

2. Sur l’archivage intermédiaire

==> Les cas d’archivage intermédiaire

La CNIL a énoncé plusieurs cas au titre desquels il apparaît justifié que les données à caractère personnel soient conservées pour des durées plus longues que l’exécution du contrat : on parle alors d’archivage intermédiaire.

Au nombre des cas visés par la CNIL figurent :

  • L’hypothèse où il existence une obligation légale de conservation de données pendant une durée fixée ;
  • L’hypothèse où en l’absence d’obligation de conservation, ces données présentent néanmoins un intérêt administratif, notamment en cas de contentieux, justifiant de les conserver le temps des règles de prescription/forclusion applicables, notamment en matière commerciale, civile et fiscale ;
  • L’hypothèse où, sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées, certaines données peuvent être traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques.

==> La limitation de l’archivage

La Commission a eu l’occasion de préciser que, en cas d’archivage intermédiaire, le responsable du fichier doit veiller à ne conserver que les données nécessaires au respect de l’obligation prévue ou lui permettant de faire valoir un droit en justice : un tri doit donc être effectué parmi la totalité des données collectées pour ne garder que les seules données indispensables.

Les données ainsi archivées ne sont conservées que le temps nécessaire à l’accomplissement de l’objectif poursuivi : elles doivent donc être supprimées lorsque le motif justifiant leur archivage n’a plus raison d’être.

Par exemple, des données archivées pour se prémunir d’une action en justice durant le temps d’une prescription ou d’une forclusion doivent être supprimées lorsque cette action est prescrite forclose.

==> Les modalités de l’archivage

Pour les archives intermédiaires, le choix du mode d’archivage est laissé à l’appréciation du responsable du fichier. Des données peuvent ainsi être archivées :

  • Dans une base d’archive spécifique, distincte de la base active, avec des accès restreints aux seules personnes ayant un intérêt à en connaitre en raison de leurs fonctions (par exemple, le service du contentieux)
  • Dans la base active, à condition de procéder à un isolement des données archivées au moyen d’une séparation logique (gestion des droits d’accès et des habilitations) pour les rendre inaccessibles aux personnes n’ayant plus d’intérêt à les traiter

En tout état de cause, l’accès aux données faisant l’objet d’un archivage intermédiaire doit être limité.

==> Sur l’archivage définitif

L’intérêt public (historique, scientifique ou statistique) peut parfois justifier que certaines données ne fassent l’objet d’aucune destruction : c’est l’archivage définitif.

Les archives sont l’ensemble des documents, y compris les données, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité.

La conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche.

S’agissant des modalités de conservation des archives définitives, la CNIL préconise de les conserver sur un support physique indépendant, non accessible par les systèmes de production, n’autorisant qu’un accès distinct, ponctuel et précisément motivé auprès d’un service spécifique seul habilité à les consulter (par exemple, la direction des archives lorsqu’elle existe).

C) Sur le quantum de la durée de conservation des données

Afin de déterminer le quantum de la durée de conservation des données à caractère personnel, il convient de se reporter

  • Soit aux textes légaux et réglementaires
  • Soit aux délibérations de la CNIL
  1. Sur les textes légaux et réglementaires

Il convient de se reporter aux textes qui :

  • Soit posent des durées de conservation des données à caractère personnel
  • Soit posent des délais de prescription/forclusion applicable en matière civile, commerciale ou fiscale

==> Sur les textes posant des durées de conservation des données à caractère personnel

  • Les données relatives à la gestion du personnel d’une entreprise (5 ans)
    • L’article R. 1221-26 du Code du travail dispose que « les mentions portées sur le registre unique du personnel sont conservées pendant cinq ans à compter de la date à laquelle le salarié ou le stagiaire a quitté l’établissement»
  • Les données relatives aux bulletins de paie et aux reçus pour solde de tout compte (5 ans)
    • L’article L. 3243-4 du Code du travail prévoit que « l’employeur conserve un double des bulletins de paie des salariés ou les bulletins de paie remis aux salariés sous forme électronique pendant cinq ans»
  • Les documents comptables des commerçants (10 ans)
    • L’article L. 123-22 du Code de commerce dispose que « les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans. »
  • Les documents fiscaux (6 ans)
    • L’article L. 102 B du Livre des procédures fiscales prévoit que les livres, registres, documents ou pièces sur lesquels peuvent s’exercer les droits de communication, d’enquête et de contrôle de l’administration doivent être conservés pendant un délai de six ans à compter de la date de la dernière opération mentionnée sur les livres ou registres ou de la date à laquelle les documents ou pièces ont été établis.
  • Les contrats conclus par voie électronique (10 ans)
    • L’article L. 213-1 du Code de la consommation prévoit que lorsque le contrat est conclu par voie électronique et qu’il porte sur une somme égale ou supérieure à 120 euros, le contractant professionnel assure la conservation de l’écrit qui le constate pendant un délai déterminé et en garantit à tout moment l’accès à son cocontractant si celui-ci en fait la demande.
    • L’article D. 213-2 précise que ce délai est fixé à dix ans à compter de la conclusion du contrat lorsque la livraison du bien ou l’exécution de la prestation est immédiate.
    • Dans le cas contraire, le délai court à compter de la conclusion du contrat jusqu’à la date de livraison du bien ou de l’exécution de la prestation et pendant une durée de dix ans à compter de celle-ci.
  • Les données de trafic collectées pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales (1 an)
    • L’article R. 10-13 du Code des postes et communications électroniques prévoit que leur durée de conservation est d’un an à compter du jour de l’enregistrement.
    • A cet égard, sont conservées :
      • Les informations permettant d’identifier l’utilisateur ;
      • Les données relatives aux équipements terminaux de communication utilisés ;
      • Les caractéristiques techniques ainsi que la date, l’horaire et la durée de chaque communication ;
      • Les données relatives aux services complémentaires demandés ou utilisés et leurs fournisseurs ;
      • Les données permettant d’identifier le ou les destinataires de la communication.
  • Le dossier médical dans les établissements de santé publics et privés (20 ans)
    • L’article R. 1112-7 du Code de la santé publique prévoit que le dossier médical mentionné à l’article R. 1112-2 est conservé pendant une durée de vingt ans à compter de la date du dernier séjour de son titulaire dans l’établissement ou de la dernière consultation externe en son sein.
    • Lorsqu’en application des dispositions qui précèdent, la durée de conservation d’un dossier s’achève avant le vingt-huitième anniversaire de son titulaire, la conservation du dossier est prorogée jusqu’à cette date.
    • Dans tous les cas, si la personne titulaire du dossier décède moins de dix ans après son dernier passage dans l’établissement, le dossier est conservé pendant une durée de dix ans à compter de la date du décès.
    • Ces délais sont suspendus par l’introduction de tout recours gracieux ou contentieux tendant à mettre en cause la responsabilité médicale de l’établissement de santé ou de professionnels de santé à raison de leurs interventions au sein de l’établissement.
    • A l’issue du délai de conservation mentionné à l’alinéa précédent et après, le cas échéant, restitution à l’établissement de santé des données ayant fait l’objet d’un hébergement en application de l’article L. 1111-8, le dossier médical peut être éliminé.
    • La décision d’élimination est prise par le directeur de l’établissement après avis du médecin responsable de l’information médicale.
    • Dans les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant à l’exécution du service public hospitalier, cette élimination est en outre subordonnée au visa de l’administration des archives, qui détermine ceux de ces dossiers dont elle entend assurer la conservation indéfinie pour des raisons d’intérêt scientifique, statistique ou historique.
  • Les données issues d’un dispositif de vidéosurveillance (1 mois)
    • L’article L. 252-3 du Code de la sécurité intérieure prévoit que « les modalités de transmission des images et d’accès aux enregistrements ainsi que la durée de conservation des images, dans la limite d’un mois à compter de cette transmission ou de cet accès, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d’une procédure pénale. »

==> Sur les textes posant des délais de prescription/forclusion applicable en matière civile, commerciale ou fiscale

  • Délai de prescription de droit commun en matière en matière civile (5 ans)
    • L’article 2224 prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
  • Délai de prescription en matière commerciale (5 ans)
    • L’article L. 110-4 du Code de commerce prévoit que les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
  • Délai de prescription en matière de droit de la consommation (2 ans)
    • L’article L. 218-2 du Code de la consommation dispose que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.

2. Sur les délibérations de la CNIL

  • Prospection commerciale
    • La CNIL s’est prononcée sur la durée de conservation des données à caractère personnel en matière de prospection commerciale dans une délibération n° 2016-264 du 21 juillet 2016 portant modification d’une norme simplifiée concernant les traitements automatisés de données à caractère personnel relatifs à la gestion de clients et de prospects
    • A cet égard, il a estimé que les données des clients utilisées à des fins de prospection commerciale peuvent être conservées pendant un délai de trois ans à compter de la fin de la relation commerciale (par exemple, à compter d’un achat, de la date d’expiration d’une garantie, du terme d’un contrat de prestations de services ou du dernier contact émanant du client).
    • Les données à caractère personnel relatives à un prospect non client peuvent, quant à elles, être également conservées pendant un délai de trois ans à compter de leur collecte par le responsable de traitement ou du dernier contact émanant du prospect (par exemple, une demande de documentation ou un clic sur un lien hypertexte contenu dans un courriel ; en revanche, l’ouverture d’un courriel ne peut être considérée comme un contact émanant du prospect).
    • Au terme de ce délai de trois ans, le responsable de traitement peut reprendre contact avec la personne concernée afin de savoir si elle souhaite continuer à recevoir des sollicitations commerciales.
    • En l’absence de réponse positive et explicite de la personne, les données devront être supprimées ou archivées conformément aux dispositions en vigueur, et notamment celles prévues par le code de commerce, le code civil et le code de la consommation.
  • Données contenues dans les badges détenus par les salariés sur leur lieu de travail
    • Dans une délibération n°02-001 du 08 janvier 2002 la CNIL a considéré que les éléments d’identification des salariés ou des agents publics ne doivent pas être conservés au-delà de 5 ans après le départ du salarié ou de l’agent de l’entreprise ou de l’administration.
    • S’agissant des éléments relatifs aux déplacements des personnes, ils ne doivent pas être conservés plus de trois mois.
    • Toutefois, les informations relatives aux salariés ou aux agent publics peuvent être conservés pendant 5 ans lorsque le traitement a pour finalité le contrôle du temps de travail.
    • Quant à la conservation des données relatives aux motifs d’absence, elle est limitée à une durée de cinq ans sauf dispositions législatives contraires.
    • En cas de paiement direct ou de pré-paiement des repas, les données monétiques ne peuvent être conservées plus de trois mois. En cas de paiement par retenue sur le salaire, la durée de conservation est de 5 ans.
  • Données résultant de l’évaluation et de la sélection des risques en matière d’octroi de crédit (scoring)
    • La CNIL a affirmé, dans une délibération 2006-019 du 02 février 2006 que, en cas de rejet de la demande de crédit, les informations spécialement collectées pour son instruction sont conservées au maximum pendant une période de six mois à compter du dépôt de la demande, lorsque le demandeur n’est pas par ailleurs client de l’établissement de crédit.
    • Elles ne peuvent être utilisées qu’aux fins de l’instruction de nouvelles demandes de crédit.
  • Les cookies
    • La CNIL s’est prononcée sur la durée de vie des cookies dans une délibération n° 2013-378 du 5 décembre 2013 portant adoption d’une recommandation relative aux cookies et aux autres traceurs.
    • Relevant que le consentement à être suivi peut être oublié par les personnes qui l’ont manifesté à un instant donné, la commission a estimé nécessaire de limiter dans le temps la portée de ce dernier.
    • Aussi, recommande-elle que le délai de validité du consentement au dépôt des cookies soit porté à treize mois au maximum.
    • A l’expiration de ce délai, le consentement devra être à nouveau recueilli.
    • En conséquence, les cookies doivent donc avoir une durée de vie limitée à treize mois après leur premier dépôt dans l’équipement terminal de l’utilisateur (faisant suite à l’expression du consentement) et leur durée de vie ne doit pas être prolongée lors de nouvelles visites sur le site.

D) Les modalités de conservation

Quel que soit le type d’archivage effectué par le responsable du traitement, celui-ci doit mettre en œuvre les mesures techniques et d’organisation appropriées pour protéger les données archivées contre la destruction accidentelle ou illicite, la perte accidentelle, l’altération, la diffusion ou l’accès non autorisés, notamment lorsque le traitement comporte des transmissions de données dans un réseau, ainsi que contre toute autre forme de traitement illicite.

Ces mesures doivent assurer un niveau de sécurité approprié au regard des risques présentés par le traitement et de la nature des données à protéger.

Le non-respect de l’obligation de sécurité est sanctionné par l’article 226-17 du code pénal ( cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende).

L’article 35 de la loi du 6 janvier 1978 prévoit, par ailleurs que le responsable du traitement, lorsque l’archivage est effectué pour son compte, doit choisir un sous-traitant qui apporte des garanties suffisantes au regard des mesures de sécurité technique et d’organisation relatives aux traitements à effectuer et qu’il doit veiller au respect de ces mesures.

La réalisation de traitements en sous-traitance doit être régie par un contrat ou un acte juridique qui lie le sous-traitant au responsable de traitement et qui prévoit notamment que le sous-traitant n’agit que sur la seule instruction du responsable de traitement et que les obligations en matière de sécurité incombent également à celui-ci.

Pratiquement, dans sa délibération n°2005-213 du 11 octobre 2005, la CNIL a préconisé plusieurs modalités de conservation selon le type d’archive concernée :

  • S’agissant des archives intermédiaires, il est recommandé que l’accès à celles-ci soit limité à un service spécifique (par exemple un service du contentieux) et qu’il soit procédé, a minima, à un isolement des données archivées au moyen d’une séparation logique (gestion des droits d’accès et des habilitations).
  • S’agissant des archives définitives, il est recommandé qu’elles soient conservées sur un support indépendant, non accessible par les systèmes de production, n’autorisant qu’un accès distinct, ponctuel et précisément motivé auprès d’un service spécifique seul habilité à consulter ce type d’archives (par exemple la direction des archives de l’entreprise).

La CNIL recommande, en outre, afin de garantir l’intégrité des données archivées, de mettre en œuvre des dispositifs sécurisés lors de tout changement de support de stockage des données archivées ainsi que des dispositifs de traçabilité des consultations des données archivées.

§2 : Les dérogations

L’article 36 de la LIL dispose que « les données à caractère personnel ne peuvent être conservées au-delà de la durée prévue au 5° de l’article 6 qu’en vue d’être traitées à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques »

Ainsi, est autorisée la conservation de données à caractères personnel pour une durée qui excède la finalité initiale du traitement lorsqu’elles sont traitées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques.

Dans le même sens, l’article 5, e) du RGPD prévoit que « les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation) ».

Si, le RGPD ne semble pas distinguer selon la nature des archives conservées, tel n’est pas le cas de la LIL qui renvoie à l’article L. 212-3 du Code du patrimoine.

Cette disposition ne concerne, en effet, que les seules archives publiques.

Par archives publiques, il faut entendre, au sens de l’article L. 211-4 du Code du patrimoine :

  • Les documents qui procèdent de l’activité de l’Etat, des collectivités territoriales, des établissements publics et des autres personnes morales de droit public. Les actes et documents des assemblées parlementaires sont régis par l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;
  • Les documents qui procèdent de la gestion d’un service public ou de l’exercice d’une mission de service public par des personnes de droit privé ;
  • Les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels et les registres de conventions notariées de pacte civil de solidarité.

L’article 89 du RGPD précise que le traitement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique, ou à des fins statistiques est soumis, conformément au présent règlement, à des garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée.

Ces garanties doivent garantir la mise en place de mesures techniques et organisationnelles, en particulier pour assurer le respect du principe de minimisation des données. Ces mesures peuvent comprendre la pseudonymisation, dans la mesure où ces finalités peuvent être atteintes de cette manière.

Chaque fois que ces finalités peuvent être atteintes par un traitement ultérieur ne permettant pas ou plus l’identification des personnes concernées, il convient de procéder de cette manière.

Le considérant n°158 du RGPD précise que lorsque les données à caractère personnel sont traitées à des fins archivistiques, les autorités publiques ou les organismes publics ou privés qui conservent des archives dans l’intérêt public doivent être des services qui, en vertu du droit de l’Union ou du droit d’un État membre, ont l’obligation légale de collecter, de conserver, d’évaluer, d’organiser, de décrire, de communiquer, de mettre en valeur, de diffuser des archives qui sont à conserver à titre définitif dans l’intérêt public général et d’y donner accès.

Procédure de divorce: les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

I) Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

II) Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

A) Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

==> Initier une médiation familiale

Cette invitation peut consister pour le Juge :

  • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
  • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation

Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.

Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel

==> Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux

  • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
  • Il organise leur vie séparée.
  • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.

==> Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance

  • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
  • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
  • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
  • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
  • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
  • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.

==> Ordonner la remise des vêtements et objets personnels

==> Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes

Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.

Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.

==> Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire

==> Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial

La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.

Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.

Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.

==> Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux

==> Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager

Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.

En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

B) Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

==> Sur la résidence de l’enfant

L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents:

  • En présence d’un accord
    • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
  • En l’absence d’accord
    • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
    • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.

Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.

Deux modalités de garde sont envisageables :

  • La garde alternée
    • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
    • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
  • La garde exclusive
    • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
    • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
    • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
    • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.

Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :

  • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
  • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
  • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
  • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
  • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
  • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre

==> Sur la pension alimentaire

L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.

Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.

Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.

Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.

Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

III) Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.

Procédure de divorce: la phase de conciliation

Aux termes de l’article 252 du Code civil « une tentative de conciliation est obligatoire avant l’instance judiciaire. »

Ainsi, quel que soit le niveau de tension au sein du couple, les époux ont l’obligation de passer par la phase de conciliation.

L’alinéa 2 de l’article 252 précise l’objet de la conciliation, en confiant au juge le soin de chercher à concilier les époux « tant sur le principe du divorce que sur ses conséquences ».

La mission de conciliation « sur le principe du divorce » doit donc être entendue au sens large.

En effet, elle doit non seulement permettre aux époux de déterminer :

  • D’une part, le cas de divorce sur lequel se fondera l’assignation mais également porter sur le fait même de divorcer
  • D’autre part, les conséquences du divorce afin de permettre de dégager des solutions négociées et mieux adaptées à la situation de chacun et ce, le plus en amont possible.

I) La convocation des époux

La convocation des époux à l’audience de conciliation répond à un formalisme très précis décrit à l’article 1108 du Code de procédure civile :

==> Notification de la convocation

  • Au défendeur
    • L’époux qui n’a pas présenté la requête est convoqué par le greffe à la tentative de conciliation, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, confirmée le même jour par lettre simple.
    • À peine de nullité, la lettre recommandée doit être expédiée quinze jours au moins à l’avance et accompagnée d’une copie de l’ordonnance.
    • L’ordonnance annexée à la convocation est celle rendue par le JAF au stade de la requête initiale ( 1107 CPC)
  • Au demandeur
    • La convocation à l’audience de conciliation n’a pas directement à être adressée au demandeur
    • C’est le greffe qui avise l’avocat de l’époux qui a présenté la requête.

==> Contenu de la convocation

La convocation adressée à l’époux qui n’a pas présenté la requête l’informe qu’il doit se présenter en personne, seul ou assisté d’un avocat.

Elle précise en outre que l’assistance d’un avocat est obligatoire pour accepter, lors de l’audience de conciliation, le principe de la rupture du mariage.

À la notification par lettre recommandée est également jointe, à titre d’information, une notice exposant, notamment, les dispositions des articles 252 à 254, soit les règles relatives :

  • aux mesures provisoires susceptibles d’être prises par le JAF à l’issue de l’audience de conciliation
  • à la médiation familiale

II) L’audience de conciliation

L’importance de l’audience de conciliation a été renforcée par la réforme du 26 mai 2004, en raison de l’instauration du tronc commun procédural.

Au-delà des mesures provisoires susceptibles d’être prises pour organiser la vie séparée de la famille, cette audience doit être l’occasion d’un débat sur le principe même de la rupture et peut s’avérer déterminante sur l’orientation de la procédure de divorce.

Elle doit enfin favoriser la mise en place d’un accompagnement adapté des époux, les incitant à la préparation responsable des conséquences de leur séparation, notamment au travers de la médiation familiale ou des mesures relatives à la liquidation anticipée de leur régime matrimonial.

==> Formalités préalables

Au jour indiqué, le juge statue d’abord, s’il y a lieu, sur la compétence.

Par ailleurs, il doit rappeler aux époux les dispositions de l’article 252-4 du code civil.

Cette disposition prévoit que « ce qui a été dit ou écrit à l’occasion d’une tentative de conciliation, sous quelque forme qu’elle ait eu lieu, ne pourra pas être invoqué pour ou contre un époux ou un tiers dans la suite de la procédure. »

Cette disposition prend un relief particulier dans le nouveau dispositif procédural puisque, désormais, le choix du cas de divorce retenu ne se fera qu’à l’occasion de l’assignation et il importe d’éviter que des faits relatés à l’occasion de la tentative de conciliation ne soient ensuite utilisés pour fonder sa demande de divorce, par exemple sur la faute.

==> L’entretien individuel avec les époux

Après avoir procédé aux formalités d’usage, le Juge doit engager la tentative de conciliation selon les prescriptions des articles 252-1 à 253 du même code.

L’article 252-1 du Code civil prévoit que lorsque le juge cherche à concilier les époux, il doit s’entretenir personnellement avec chacun d’eux séparément avant de les réunir en sa présence.

Dans le cas où l’époux qui n’a pas formé la demande ne se présente pas à l’audience ou se trouve hors d’état de manifester sa volonté, le juge s’entretient avec l’autre conjoint et l’invite à la réflexion.

En toute hypothèse, le juge doit entendre chacun des époux sur le principe de la rupture

==> L’intervention des avocats

Après que les époux ont été entendus séparément par le JAF les avocats sont appelés à assister et à participer à l’entretien.

Ils n’interviennent ainsi que dans un second temps.

Leur participation à l’entretien n’est toutefois pas subordonnée à la demande des époux mais est obligatoire.

==> Suspension de la tentative de conciliation

L’article 252-2 du Code civil prévoit que la tentative de conciliation peut être suspendue et reprise sans formalité, en ménageant aux époux des temps de réflexion dans une limite de huit jours.

Si un plus long délai paraît utile, le juge peut décider de suspendre la procédure et de recourir à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus.

Il ordonne, s’il y a lieu, les mesures provisoires nécessaires.

III) L’ordonnance de non-conciliation

Sauf à ce que la conciliation ait abouti, ce qui relève du cas d’école, à l’issue de l’audience de conciliation le JAF rend une ordonnance de « non-conciliation » qui comporte un certain nombre de points :

==> Sur les suites de la procédure

Si le Juge constate que le demandeur maintient sa demande, il dispose de deux options :

  • Soit il renvoie les parties à une nouvelle tentative de conciliation dans les six mois au plus
  • Soit il autorise immédiatement les époux à introduire l’instance en divorce

Dans les deux cas, il peut ordonner tout ou partie des mesures provisoires prévues aux articles 254 à 257 du code civil.

==> Sur les obligations des époux

L’ordonnance de non-conciliation doit alerter les époux sur plusieurs points :

  • Le délai d’introduction de l’instance
    • Lorsque le juge autorise les époux à introduire l’instance en divorce, il doit rappeler que dans les trois mois du prononcé de l’ordonnance, seul l’époux qui a présenté la requête initiale peut assigner en divorce.
    • Passé ce délai, l’autre époux sera autorisé à introduire l’instance
    • L’article 1113 du Code de procédure civile précise que, en cas de réconciliation des époux ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.
  • Invitation à régler les conséquences du divorce
    • L’article 252-3 du Code civil prévoir que lorsque le juge constate que le demandeur maintient sa demande, il incite les époux à régler les conséquences du divorce à l’amiable.
    • Par ailleurs, il leur demande de présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce.
    • L’intérêt de ces accords, recherchés tout au long de la procédure, est important dans la mesure où ils ont vocation à être homologués par le juge

IV) Les mesures provisoires

Si le mariage subsiste jusqu’au prononcé du divorce, il est évident que la procédure engagée rend impossible une vie familiale normale.

Prescrites par le juge aux affaires familiales dans l’ordonnance de non-conciliation dans le cadre d’un divorce contentieux, les mesures provisoires ont vocation à régler la vie du couple et des enfants jusqu’à la date à laquelle le jugement prend force de chose jugée.

Elles sont, malgré leur caractère provisoire, essentielles à plus d’un titre :

Tout d’abord, parce qu’elles peuvent parfois se prolonger durant de nombreuses années.

En effet, ces mesures s’appliquent tant que la procédure est en cours mais également jusqu’à ce que le jugement prononçant le divorce ne soit plus susceptible de recours suspensif ; or le pourvoi en cassation suspend l’exécution de l’arrêt prononçant le divorce.

En outre, ces mesures provisoires présentent une particulière importance pour les parties en ce qu’elles préfigurent souvent les solutions définitives qui seront retenues lors du prononcé du divorce, par exemple en matière d’attribution du logement.

Enfin, elles ont un contenu très varié, la liste de mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le juge qui figure à l’article 255 du code civil n’étant pas limitative.

A) Objet des mesures provisoires

Conformément à l’article 254 du Code civil, les mesures provisoires sont celles « nécessaires » pour assurer l’existence des époux et des enfants « jusqu’à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée ».

Si l’autorité compétente pour prescrire ces mesures provisoires demeure le juge aux affaires familiales, il est précisé que ce sera « en considération des accords éventuels des époux ».

Cette précision fait écho à l’article 1117 du Code de procédure civile qui prévoit que « lorsqu’il ordonne des mesures provisoires, le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclus entre eux ».

Prudente, la formulation retenue à l’article 254 laisse au juge toute faculté d’appréciation sur les accords que lui soumettent les parties mais marque une nouvelle fois la sollicitude de la loi à l’égard des solutions négociées entre époux.

B) Contenu des mesures provisoires

Deux séries de mesures doivent être distinguées :

  • Les mesures quant aux époux
  • Les mesures quant aux enfants

==> Les mesures provisoires quant aux époux

Les mesures provisoires susceptibles d’être prescrites par le Juge quant aux époux sont énoncées à l’article 255 du Code civil.

En application de cette disposition le Juge peut notamment :

  • Initier une médiation familiale
    • Cette invitation peut consister pour le Juge :
      • Soit à proposer aux époux une mesure de médiation et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur familial pour y procéder
      • Soit à enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de la médiation
    • Ces mesures sont susceptibles d’être prises par le Juge sont conformes à la logique de la médiation qui, reposant sur le volontariat des parties, ne peut être imposée aux parties, à l’exception d’une séance d’information à ce sujet.
    • Constituant l’occasion de rétablir un dialogue entre les époux, la médiation présente un intérêt renouvelé compte tenu d’une part, de la possibilité de soumettre à l’homologation du juge, dans un divorce contentieux, des conventions sur les conséquences du divorce et, d’autre part, de la possibilité de passer en cours de procédure vers un divorce moins contentieux voire vers un divorce par consentement mutuel
  • Statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux
    • Le juge n’autorise plus les époux à résider séparément.
    • Il organise leur vie séparée.
    • Il s’agit ainsi de tenir compte du fait que cette séparation est souvent, en pratique, déjà réalisée lorsqu’ils se présentent à l’audience de conciliation.
  • Attribuer à l’un d’eux la jouissance du logement et du mobilier du ménage ou partager entre eux cette jouissance
    • Il appartient au Juge, au titre de cette mesure, de préciser son caractère gratuit ou non, et le cas échéant, en constatant l’accord des époux sur le montant d’une indemnité d’occupation
    • Ces précisions sont indispensables pour prévenir tout litige ultérieur dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial.
    • En effet, si le logement appartient aux deux époux, celui qui l’occupe est en principe débiteur d’une indemnité d’occupation, à moins que la jouissance ait été concédée à titre gratuit, en tant que modalité d’exercice du devoir de secours qui subsiste entre les époux jusqu’au prononcé du divorce.
    • Si le juge n’a rien précisé sur ce point, le bénéficiaire s’expose à se voir réclamer, lors de la liquidation du régime matrimonial, une indemnité d’occupation pour la période postérieure à l’assignation en divorce, celle-ci étant la date à laquelle le divorce prend ses effets entre les époux en ce qui concerne leurs biens.
    • Il est alors nécessaire de se pencher rétrospectivement sur l’ordonnance de non-conciliation en examinant les autres dispositions ordonnées (notamment l’existence d’une pension alimentaire pour voir si celle-ci n’a pas été minorée pour tenir compte de l’attribution du logement commun ; dans ce cas, on peut en effet présumer que l’attribution est faite à titre gratuit) et l’état des ressources des ex-époux.
    • Les effets du divorce entre les époux en ce qui concerne leurs biens remontant désormais à l’ordonnance de non-conciliation, l’indemnité d’occupation pourra théoriquement être due à compter de cette date ; si la jouissance est gratuite, c’est donc que la jouissance du logement correspondra à l’exécution d’une obligation légale.
  • Ordonner la remise des vêtements et objets personnels
  • Fixer la pension alimentaire et la provision pour frais d’instance que l’un des époux devra verser à son conjoint, désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement de tout ou partie des dettes
    • Le juge peut désigner celui ou ceux des époux qui devront assurer le règlement provisoire de tout ou partie des dettes.
    • Dans cette hypothèse, le Juge devra préciser si ce règlement est effectué au titre du devoir de secours ou si celui-ci donnera lieu à récompense dans le cadre des opérations de liquidation de la communauté ou à créance dans le cas d’un régime séparatiste.
  • Accorder à l’un des époux des provisions à valoir sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial si la situation le rend nécessaire
  • Statuer sur l’attribution de la jouissance ou de la gestion de biens communs ou indivis autres que ceux visés au 4°, sous réserve des droits de chacun des époux dans la liquidation du régime matrimonial
    • La jouissance ou la gestion des biens autres que le domicile conjugal et le mobilier du ménage peut être attribuée à l’un des époux.
    • Cette disposition concerne notamment le cas de la résidence secondaire ou la gestion de biens mobiliers.
    • Cependant, seuls peuvent faire l’objet de cette mesure les biens communs ou indivis et non les biens propres.
  • Désigner tout professionnel qualifié en vue de dresser un inventaire estimatif ou de faire des propositions quant au règlement des intérêts pécuniaires des époux
  • Désigner un notaire en vue d’élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager
    • Il convient de relever qu’une telle mesure présente un intérêt particulier lorsque la liquidation porte sur un bien soumis à la publicité foncière, l’intervention du notaire étant alors obligatoire.
    • En l’absence d’un tel bien, la loi a simplifié le formalisme de la liquidation du régime matrimonial qui peut faire désormais l’objet, pendant l’instance en divorce, d’une convention non notariée, préparée par les parties et leurs conseils, et soumise à l’homologation du juge.

==> Les mesures provisoires quant aux enfants

L’article 256 du Code civil prévoit que les mesures provisoires relatives aux enfants sont réglées selon les dispositions du chapitre Ier du titre IX du présent livre.

Aussi convient-il de se reporter, en particulier, aux articles 373-2-6 et suivants du Code civil.

  • Sur la résidence de l’enfant
    • L’article 373-2-9 du Code civil prévoit que la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
    • La détermination de la résidence de l’enfant dépendra en grande partie de la conclusion d’un accord entre les parents
      • En présence d’un accord
        • Le juge homologue la convention sauf s’il constate qu’elle ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant ou que le consentement des parents n’a pas été donné librement.
      • En l’absence d’accord
        • À la demande de l’un des parents ou en cas de désaccord entre eux sur le mode de résidence de l’enfant, le juge peut ordonner à titre provisoire une résidence en alternance dont il détermine la durée.
        • Au terme de celle-ci, le juge statue définitivement sur la résidence de l’enfant en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux.
      • Il ressort de l’article 373-2-9 du Code civil que le législateur n’a pas entendu ériger en principe un mode de garde en particulier.
      • Deux modalités de garde sont envisageables :
        • La garde alternée
          • Si la possibilité d’envisager la résidence alternée est prévue dans la loi, en cas de désaccord des parents, le Juge n’est en aucune façon obligé de la prononcer.
          • Il demeure libre de fixer la résidence habituelle de l’enfant chez l’un des parents
        • La garde exclusive
          • Lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent.
          • Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut, par décision spécialement motivée, être exercé dans un espace de rencontre désigné par le juge.
          • Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présent un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires.
          • Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée.
        • Lorsque le Juge se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, l’article 373-2-11 du Code civil enjoint au juge de prendre en considération plusieurs éléments :
          • La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure
          • Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1
          • L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre
          • Le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant
          • Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12
          • Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre
  • Sur la pension alimentaire
    • L’article 372-2-2 du Code civil prévoit que, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
    • Les modalités et les garanties de cette pension alimentaire sont fixées par la convention homologuée visée à l’article 373-2-7 ou, à défaut, par le juge.
    • Cette convention ou, à défaut, le juge peut prévoir le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.
    • Cette pension peut en tout ou partie prendre la forme d’une prise en charge directe de frais exposés au profit de l’enfant.
    • Elle peut être en tout ou partie servie sous forme d’un droit d’usage et d’habitation.

C) Le régime des mesures provisoires

==> Durée des mesures provisoires

L’article 1113, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Ainsi, le délai de validité de des mesures provisoires est de trente mois afin de permettre, le cas échéant, à l’époux demandeur, une fois l’ordonnance de non-conciliation rendue, d’attendre l’expiration du délai prévu pour satisfaire aux conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal (deux années de séparation).

Passé le délai de trente mois, toutes les dispositions de l’ordonnance sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance.

Les mesures provisoires sont également caduques en cas de réconciliation des époux.

La jurisprudence avait pu considérer, sous l’empire de la législation antérieure, que l’autorisation d’assigner était soumise à la règle de péremption biennale.

La nouvelle rédaction écarte dorénavant une telle interprétation. En effet la péremption n’affecte que les actes diligentés en cours d’instance.

Or il ne fait désormais aucun doute que, du strict point de vue procédural, l’instance ne commence qu’à l’assignation et non à la requête en divorce.

==> Appel des mesures provisoires

L’article 1119 du Code de procédure civile prévoit que la décision relative aux mesures provisoires est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification.

==> Modification des mesures provisoires

L’article 1118 du Code de procédure civile dispose que, postérieurement au prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, le juge aux affaires familiales peut, jusqu’au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu’il a prescrites, en cas de survenance d’un fait nouveau.

L’alinéa 2 précise que lorsque la demande est formée avant l’introduction de l’instance, elle est instruite et jugée selon les modalités de droit commun applicables aux procédures autres que le divorce et relevant du juge aux affaires familiales.

Le juge devra par conséquent être saisi en la forme des référés ou par requête.

En cas d’appel, cette compétence est dévolue, selon le cas, au Premier Président de la Cour d’appel ou au conseiller de la mise en état.

V) Les voies de recours

L’article 1112 du Code de procédure civile prévoit que l’ordonnance de non-conciliation est susceptible d’appel dans les quinze jours de sa notification, mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires.

Pour le reste, les époux ne pourront pas faire appel de la décision du JAF.

La forme de la prestation compensatoire: capital ou rente viagère?

I) Principe : le versement d’un capital

La loi du 26 mai 2004 a réaffirmé le principe de l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme de capital.

L’article 270, al. 2 prévoit en ce sens que la prestation compensatoire « a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d’un capital dont le montant est fixé par le juge »

Cependant,  afin de mieux répondre à la diversité de situations des parties, le législateur a diversifié les formes de paiement de la prestation en permettant notamment les prestations « mixtes » et élargi la possibilité pour les époux de soumettre à l’homologation du juge une convention portant sur la prestation compensatoire à tous les cas de divorce.

A) Le paiement de la prestation compensatoire en une seule fois

Pour que le principe de versement d’une prestation compensatoire sous forme de capital puisse être appliqué efficacement, le législateur a prévu d’encourager le versement en numéraire tout en diversifiant les formes de paiement de ce capital, notamment en autorisant l’abandon d’un bien en pleine propriété.

L’article 274 du Code civil prévoit en ce sens que : le juge décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital parmi les formes suivantes :

  • Versement d’une somme d’argent, le prononcé du divorce pouvant être subordonné à la constitution des garanties prévues à l’article 277 ;
  • Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier.

==> Le paiement en numéraire

Des dispositions fiscales avantageuses ont été instaurées afin d’inciter à un paiement accéléré de la prestation.

En effet, l’article 199 octodecies du code général des impôts ouvre droit à une réduction d’impôt de 25 % du montant des versements effectués, dans la limite de 30 500 euros, à condition que la totalité de la prestation soit versée sur une période maximale de douze mois à compter de la date à laquelle le jugement est devenu définitif.

Par ailleurs, une nouvelle garantie de paiement, particulièrement intéressante pour une prestation en capital, a été introduite à l’article 277 du code civil, permettant dorénavant au juge d’imposer la souscription d’un contrat à cette fin.

Cette disposition prévoit en ce sens que « indépendamment de l’hypothèque légale ou judiciaire, le juge peut imposer à l’époux débiteur de constituer un gage, de donner caution ou de souscrire un contrat garantissant le paiement de la rente ou du capital. »

==> L’abandon de biens mobiliers ou immobiliers en pleine propriété

L’article 274 du Code civil prévoit que le paiement de la prestation compensatoire sous forme de capital peut consister en l’« attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier »

Cette disposition a été adoptée afin de diversifier les formes d’attribution d’un capital et de permettre au débiteur qui ne dispose pas de liquidités suffisantes d’abandonner ses droits en propriété sur un bien mobilier ou immobilier propre, commun ou indivis.

Toutefois, l’accord de l’époux débiteur est exigé pour l’attribution en propriété d’un bien propre reçu par succession ou donation.

Il doit résulter des conclusions versées au débat ou de la convention des parties. Cette restriction n’est pas étendue à l’attribution d’un droit d’usage d’habitation ou d’usufruit sur un tel bien.

Des difficultés techniques peuvent constituer un frein à la mise en œuvre de cette innovation législative.

En effet, l’attribution d’une prestation compensatoire par abandon d’un meuble ou d’un immeuble en pleine propriété peut s’avérer délicate eu égard à l’évaluation de ce bien et des droits de chacun des époux sur celui-ci s’il est commun ou indivis, dans la mesure où, le plus souvent, la prestation est fixée indépendamment de la liquidation du régime matrimonial.

Ces difficultés potentielles obligeront alors le juge à charger, même d’office, un notaire ou un professionnel qualifié d’établir, en cours de procédure, un projet de règlement des prestations et pensions après divorce, étant observé que le notaire peut également être mandaté pour dresser un projet de liquidation du régime matrimonial.

Le juge peut ainsi fonder sa décision sur des informations objectives et déterminer précisément la valeur des droits attribués au créancier de la prestation.

À défaut, il y a lieu de souligner que le juge peut ordonner la production d’un état hypothécaire afin de connaître la situation réelle de l’immeuble dont l’attribution est demandée, la présence de sûretés immobilières inscrites sur le bien pouvant en diminuer substantiellement la valeur.

Il doit être, par ailleurs, rappelé que, en application des articles 28 et 33 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière, le jugement de divorce doit être publié à la conservation des hypothèques dans le délai de trois mois à compter du jour où il est devenu définitif.

Face à la diversité des modalités de paiement en capital instaurée par le législateur, la question se pose de savoir si ces différentes formes peuvent se combiner.

Sur ce point, la loi est restée silencieuse.

La jurisprudence a d’ores et déjà majoritairement privilégié une analyse souple, en prévoyant par exemple que la prestation compensatoire sera payée sous forme d’abandon par le mari de sa part sur le bien immobilier commun et d’un complément en numéraire, échelonné sur huit ans.

Cette solution répond à l’objectif poursuivi par la loi de s’adapter à la diversité de la consistance des patrimoines.

B) L’échelonnement du paiement de la prestation compensatoire

L’article 275 du Code civil prévoit que « lorsque le débiteur n’est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues par l’article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires. »

Afin de tenir compte des aléas de paiement qui peuvent survenir sur la durée, ce texte ouvre une faculté de révision mais l’encadre strictement :

  • Elle porte seulement sur ses modalités de paiement
  • Elle est ouverte au débiteur ou à ses héritiers
  • Elle doit être motivée par un « changement notable » de leur situation
  • C’est seulement à titre exceptionnel et par une décision spéciale et motivée que le juge peut autoriser un versement échelonné sur une durée supérieure à huit ans.

Si la mise en œuvre de cette modalité de paiement dépend de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces derniers ne sauraient ordonner un tel fractionnement au-delà du délai précité.

Ce terme, qui se substitue à celui de versements mensuels ou annuels, offre une plus grande souplesse quant à la détermination des échéances, qui pourront être trimestrielles, semestrielles… en fonction de la situation financière du débiteur.

L’article 275-1 du Code civil prévoit expressément que les différentes modalités de paiement ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

Le législateur a ainsi entendu autoriser le cumul entre une somme d’argent ou l’attribution d’un bien et un capital échelonné, afin de mieux adapter le montant de la prestation compensatoire à la réalité de la situation patrimoniale des époux.

II) Exception : le versement d’une rente viagère

L’article 276 du Code civil prévoit que « le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l’âge ou l’état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d’appréciation prévus à l’article 271 ».

Le législateur n’a pas modifié les conditions d’attribution de la rente viagère issues de la loi du 30 juin 2000.

Une rente, nécessairement viagère, peut être décidée, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, au vu de la seule situation du créancier, lorsque celui-ci ne peut, en raison de son âge ou de son état de santé, subvenir à ses besoins.

L’application qui est faite de ce dispositif procède d’une interprétation restrictive.

L’article 276 prend  le soin de préciser que si le juge octroie une prestation compensatoire sous forme de rente viagère :

  • Il doit justifier de circonstances exceptionnelles
  • Il doit motiver spécialement sa décision

L’apport de la loi du 26 mai 2004 résulte du second alinéa introduit à l’article 276, qui autorise, tout en l’encadrant, la possibilité d’attribuer une fraction de la prestation compensatoire en capital, lorsque les circonstances l’imposent, le montant de la rente étant en conséquence minoré.

Cette solution permet de mieux adapter la prestation compensatoire à la situation des parties.

Elle s’inscrit dans la continuité de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2004, aux termes duquel les articles 274 et 276 du code civil n’interdisent pas l’octroi d’une prestation compensatoire sous forme d’un capital et d’une rente, à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et spécialement motivée (Cass. 1ère civ. 16 mars 2004)

Sur le plan fiscal, en cas de cumul, seules sont prises en considération les sommes versées au titre de la rente (art 199 octodecies II du code général des impôts), qui peuvent être déduites du revenu imposable du débiteur.

Le montant de la rente, qui demeure indexée comme en matière de pension alimentaire, peut être fixé de manière uniforme ou varier selon l’évolution probable des ressources et des besoins, conformément aux dispositions inchangées de l’article 276-1 du Code civil.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Constituant l’une des innovations majeures du projet de loi, le divorce pour altération définitive du lien conjugal se substitue à l’ancien divorce pour rupture de la vie commune.

Aux termes de l’article 238 du code civil tel qu’il résulte de l’article 4 du projet de loi, ce divorce est prononcé dans deux hypothèses :

  • Soit en cas de cessation de la communauté de vie tant affective que matérielle entre les époux durant les deux années précédant l’assignation en divorce
  • Soit lorsque la demande en divorce introduite sur le fondement de la faute a été rejetée et que le défendeur a présenté une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal, l’impossibilité de maintenir le lien conjugal étant, dans cette hypothèse, pleinement caractérisée.

Comme l’a indiqué le Garde des Sceaux lors de l’adoption de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce « cette voie devrait constituer une véritable alternative au divorce pour faute, en visant toutes les situations dans lesquelles la cause de la rupture se trouve plus dans la mésentente durable ou le désamour que dans l’existence d’une violation grave et avérée des obligations du mariage ».

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal constitue ainsi la seule solution dont dispose un époux pour divorcer d’un conjoint non fautif qui ne le souhaite pas.

Il permet de demander le divorce de manière unilatérale après un délai de séparation de fait de deux ans.

==> Le droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le divorce pour rupture de la vie commune était assorti de très lourdes conséquences pour le demandeur.

Tout d’abord, le juge pouvait refuser le divorce si l’autre époux établit que le divorce aurait pour lui ou pour les enfants des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté.

Comme l’a indiqué le Conseil Constitutionnel dans un rapport publié en novembre 1998 (La jurisprudence constitutionnelle en matière de liberté confessionnelle et le régime juridique des cultes et de la liberté confessionnelle en France) : « théoriquement, le droit français de la famille ne prend pas en compte les données religieuses. Toutefois, l’étude de diverses questions du droit de la famille conduit à nuancer cette affirmation ».

Illustrant l’existence de telles « nuances », ce rapport cite notamment l’article 240 du code civil, qui donc prévoyait, en cas de demande de divorce pour rupture de la vie commune que « si l’autre époux établit que le divorce aurait, soit pour lui, compte tenu notamment de son âge et de la durée du mariage, soit pour les enfants, des conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté, le juge rejette la demande ».

Peu appliquée en pratique, en dépit d’un contentieux assez abondant, cette clause dite « d’exceptionnelle dureté » est supprimée par le présent projet de loi au titre de « l’adaptation de notre droit aux évolutions sociologiques de la société française ».

La jurisprudence avait eu l’occasion de préciser que « les convictions religieuses de l’épouse sont à elles seules insuffisantes pour refuser le prononcé du divorce » (Cass. 1ère civ., 12 octobre 2000).

De toute évidence, la suppression de la clause d’exceptionnelle dureté fondée sur sa caducité de fait, marqua la disparition d’une prise en compte implicite de la notion d’indissolubilité du mariage dont la symbolique continue néanmoins d’imprégner fortement un certain nombre d’unions.

Ensuite, outre le fait qu’il a les conséquences d’un divorce aux torts exclusifs, ce type de divorce était très pénalisant pour le demandeur :

  • Le devoir de secours était maintenu, ce qui se traduisait par l’octroi du défendeur d’une pension alimentaire révisable à la baisse, mais aussi à la hausse.
  • il devait assumer toutes les charges du divorce
  • le juge pouvait concéder à l’autre époux le bail forcé du logement appartenant au demandeur même en l’absence d’enfants mineurs
  • s’agissant d’un demandeur homme, il ne pouvait pas s’opposer à ce que sa femme conserve l’usage de son nom

==> Le droit positif

Alors que la durée de séparation de fait de six ans a contribué à marginaliser le divorce pour rupture de la vie commune, la durée de séparation est désormais ramenée à deux ans, ce qui paraît un délai raisonnable, notamment si le conjoint qui souhaite divorcer veut ensuite refaire sa vie.

L’idée était de permettre aux personnes qui souhaitent obtenir le divorce malgré le désaccord de leur conjoint d’avoir à engager une procédure de divorce pour faute artificielle.

L’article 238, al.1 du Code civil dispose désormais que « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. »

Il résulte de cette disposition que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé s’il est démontré

  • D’une part, l’existence d’une cessation de la communauté de vie entre les époux
  • D’autre part, que les époux vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce.

I) L’existence d’une cessation de la communauté de vie

Bien que l’article 238 indique que l’altération du lien conjugal résulte de la séparation des époux, il ne dit pas ce que l’on doit entendre par « cessation de la vie commune ».

Ce qui est certain c’est que désormais l’office du juge est encadré : il n’a pas à apprécier si la séparation des époux a entraîné ou non une altération définitive du lien conjugal

Plus précisément, à la différence de l’ancien divorce pour rupture de la vie commune, il n’a plus à s’intéresser aux « conséquences matérielles ou morales d’une exceptionnelle dureté » pour déterminer s’il convient ou non de rejeter la demande en divorce.

Il a l’obligation de prononcer le divorce dès lors qu’il a vérifié la réalité de la cessation de communauté de vie.

La notion de cessation de la vie commune, bien que non définie par la loi, n’est pas sans faire écho à la définition de la séparation de fait telle que dégagée par la jurisprudence.

Dans un arrêt du 30 janvier 1980, la Cour de cassation avait ainsi considéré que la séparation de fait était caractérisée lorsque « la communauté de vie, tant matérielle qu’affective, a cessé entre les conjoints » (Cass. 2e civ. 30 janv. 1980).

Ainsi, pour être établie, la cessation de la vie commune supposerait la réunion de deux éléments :

  • Un élément matériel : l’absence de cohabitation
  • Un élément intentionnel : la volonté de rupture

Lors de l’adoption de la loi du 26 mai 2004, le gouvernement avait insisté sur l’importance de faire porter le constat sur le double aspect de la séparation.

Au soutien de cette appréhension de la notion de cessation de la vie commune, il a été fait valoir qu’il fallait écarter le risque que soient introduites des demandes en divorce fondées uniquement sur une situation de fait, par exemple l’existence de deux domiciles différents pour des raisons professionnelles, alors qu’il a pu y avoir par ailleurs continuation d’une certaine vie affective, attestée par des échanges de lettres ou quelque autre élément.

==> L’élément matériel

L’exigence de cessation de la vie commune suppose pour les époux d’établir qu’ils ne cohabitent plus ensemble.

Pour apprécier la réalité de la séparation, le juge vérifiera en particulier l’absence de cohabitation matérielle

  • L’absence de cohabitation matérielle
    • En l’état de la jurisprudence l’absence de cohabitation doit être matérielle, en ce sens que les époux ne doivent plus vivre sous le même toit.
    • Si dès lors les époux continuent à cohabiter dans le domicile familial, la cessation de la vie commune ne pourra pas être établie
  • L’indifférence de la séparation de fait ou de droit
    • À la différence de l’ancien article 237 du Code civil, l’article 238 ne fait plus référence à la « séparation de fait » des époux.
    • Ainsi, la loi n’impose aucune formalité particulière pour matérialiser le point de départ de cette séparation, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen.
    • Cela signifie qu’il est indifférent que la séparation des époux résulte ou non d’une décision de justice.

==> L’élément intentionnel

Bien que l’absence de cohabitation matérielle soit une condition nécessaire pour établir la cessation de la communauté de vie, elle n’est pas suffisante.

La séparation doit également être affective, en ce sens que les époux doivent être animés de l’intention de ne plus partager une vie commune.

Cet élément intentionnel se déduira le plus souvent, en pratique, du défaut de cohabitation des époux pendant deux ans.

Toutefois, certaines situations d’éloignement, liées à des motifs purement objectifs, tels que professionnels, peuvent être équivoques.

Dans ces hypothèses, s’agissant d’un élément relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, les circonstances de l’espèce, l’attitude des époux ou de celui qui a pris l’initiative de la rupture, seront déterminantes.

Dans un arrêt du 11 juillet 1979, la Cour de cassation a par exemple considéré que si un époux postérieurement à son départ « conservé avec son épouse de bonnes relations, celles-ci n’ont comporte ni cohabitation, ni intimité d’existence et n’ont pas impliqué chez le mari l’intention de vivre autrement que séparé de sa femme ».

Elle en déduit que la séparation de fait était bien caractérisée en l’espèce (Cass. 2e civ. 11 juill. 1979)

II) La durée de la cessation de la communauté de vie

==> Principe

Aux termes de l’article 238 du Code civil « l’altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu’ils vivent séparés depuis deux ans lors de l’assignation en divorce. »

Pour être éligible à la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal, il est donc nécessaire que la séparation entre les époux ait duré au moins deux ans.

  • Un délai de deux ans
    • Initialement, c’est un délai de trois ans qui avait été envisagé par les parlementaires.
    • Finalement ils ont préféré ramener ce délai à deux ans.
    • Deux raisons ont été avancées :
      • D’une part, parce qu’un délai trop long limiterait sans doute d’autant l’intérêt de ce nouveau cas de divorce et continuerait de donner au divorce pour faute un avantage alors que l’objet du projet de loi est précisément d’en réduire l’audience
      • D’autre part, parce qu’ainsi fixé, ce délai demeure néanmoins important, de nature à éviter des décisions hâtives mais aussi à permettre à l’époux qui ne souhaite pas divorcer de prendre conscience de la demande et d’envisager les moyens d’y répondre.
  • Le point de départ du délai
    • L’article 237 du Code civil prévoit que le délai doit être acquis lors de l’assignation en divorce et non plus, comme auparavant, à la date de la requête.
    • Ainsi, peuvent indifféremment être prise en compte la séparation intervenue avant ou après la requête initiale en divorce, et celle intervenue après l’ordonnance de non-conciliation, dès lors que cette séparation présente un caractère continu pendant les deux années précédant l’assignation.
    • L’objectif de cette disposition était ainsi de prendre en compte non seulement l’hypothèse dans laquelle les époux sont séparés de fait lorsqu’ils présentent la requête mais également la séparation matérielle et affective qui intervient après le dépôt de cette requête.
    • Outre le fait qu’elle accroît la lisibilité du dispositif, cette modification permet d’éviter qu’un couple ayant été séparé de fait pendant, par exemple, vingt mois avant la requête, ne puisse ensuite introduire l’instance qu’après avoir de nouveau été séparés durant deux ans.
    • La rédaction adoptée par le Sénat permet ainsi de « faire masse » des périodes de séparation sans considération pour la date de l’ordonnance de non-conciliation.
  • La suspension ou l’interruption du délai
    • La séparation des époux doit avoir été continue pendant au moins deux ans pour que puisse être envisagé le divorce pour altération du lien conjugal.
    • Quid dans l’hypothèse d’une reprise de la vie commune ?
    • A-t-elle pour effet de suspendre le délai de deux ou de l’interrompre
      • En cas de suspension du délai, les époux conserveraient le bénéfice du délai déjà écoulé
      • En cas d’interruption du délai, le délai de deux serait remis à zéro de sorte qu’une nouvelle séparation de deux ans devra être comptabilisée
    • La lecture des travaux parlementaires laisse à penser que, en cas de reprise de la vie commune, il y a interruption du délai.
    • Que doit-on entendre par reprise de la vie commune ?
    • Pour le déterminer, il convient de se référer à l’article 244 du Code civil qui définit la notion de réconciliation en matière de divorce pour faute.
    • Par analogie, cette notion peut sans doute être appliquée au divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • L’article 244 prévoit que « le maintien ou la reprise temporaire de la vie commune ne sont pas considérés comme une réconciliation s’ils ne résultent que de la nécessité ou d’un effort de conciliation ou des besoins de l’éducation des enfants»

==> Exception

Par dérogation au principe posé à l’alinéa 1er de l’article 238 du Code civil, l’alinéa 2 prévoit que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal lorsqu’une demande reconventionnelle de divorce pour altération définitive du lien conjugal a été formée contre une demande principale de divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée par le juge.

Le mécanisme ainsi mis en place envisage l’hypothèse où une demande en divorce pour faute et une demande pour altération du lien conjugale sont formulées.

  • Le dispositif de l’article 246
    • Cette disposition prévoit que
      • Alinéa 1: dans l’hypothèse où un époux forme une demande en divorce pour faute et l’autre une demande reconventionnelle en demande pour altération définitive du lien conjugal, alors le juge se prononce d’abord sur la demande principale soit sur le divorce pour faute
      • Alinéa 2: si toutefois la demande en divorce pour faute est rejetée alors le juge se prononce sur le divorce pour altération définitive du lien conjugal
    • Il convient alors de se reporter à l’article 238 du Code civil qui régit le divorce pour altération du lien conjugal
  • Le renvoi au 2e alinéa de l’article 238
    • Lorsque le juge se prononce sur une demande de divorce pour altération du lien conjugal après avoir rejeté une demande de divorce pour faute, il doit se reporter, non pas à l’alinéa 1er de l’article 238, mais à l’alinéa 2
    • Or cet alinéa, dispose que le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal NONOBSTANT l’alinéa 1, soit nonobstant :
      • La cessation de la vie commune
      • La durée de séparation de deux ans
    • L’idée qui a présidé à cette exception est que face à deux demandes tendant au même résultat mais que la faute de l’autre n’est pas prouvée, il apparaît clairement que le lien conjugal ne peut plus être maintenu.
    • Aussi, cette règle a-t-elle vocation à éviter que ne soient prononcés des divorces aux torts partagés qui ne reflètent pas la réalité conjugale et éviter que l’époux contre lequel est demandé le divorce pour faute ne réplique nécessairement sur ce même terrain, envenimant ainsi les procédures.

La Cour de cassation a eu l’occasion de se prononcer sur l’articulation des articles 246 et 238, al.2 du Code civil dans un arrêt du 5 janvier 2012.

  • Faits
    • Une épouse a assigné son conjoint en divorce pour faute.
    • Ce dernier réplique en formant une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
  • Procédure
    • Le Tribunal de grande instance de Beauvais déboute l’épouse de sa demande en divorce pour faute par un jugement du 21 décembre 2007.
    • Par un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 1er avril 2009, les juges du fond accèdent à la demande reconventionnelle du mari en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
    • Au soutien de leur décision, les juges du fond se réfèrent à l’article 238 pris dans son alinéa 2 du Code civil, lequel prévoit que le divorce pour altération définitive du lien conjugal peut être prononcé, sans qu’il soit besoin que la cessation de la vie commune ait duré deux ans.
  • Solution
    • Par un arrêt du 5 janvier 2012, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l’épouse.
    • La première chambre civile considère « en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde»
    • Ainsi, quand bien même il n’y avait pas eu, en l’espèce, de cessation de vie commune pendant deux ans, dès lors que la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal fait suite à une demande principale en divorce pour faute et que celle-ci a été rejetée, il appartient au juge d’accéder à la demande formée reconventionnellement et de prononcer le divorce

Cass. 1ère civ. 5 janv. 2012
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Amiens, 1er avril 2009 ), que M. Y... et Mme X... se sont mariés le 19 mai 2001 ; qu’autorisée par ordonnance de non-conciliation du 30 juin 2006, l’épouse a assigné, le 30 octobre 2006, son conjoint en divorce pour faute sur le fondement de l’article 242 du code civil ; que M. Y... a, reconventionnellement, formé une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil ; que par jugement du 21 décembre 2007, le tribunal de grande instance de Beauvais a notamment rejeté la demande en divorce pour faute de l’épouse et prononcé le divorce pour altération définitive du lien conjugal ;

Sur le premier moyen, pris en ses diverses branches :

Attendu que le moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

Sur le second moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l’arrêt de prononcer son divorce pour altération définitive du lien conjugal sur le fondement de l’article 238, alinéa 2, du code civil, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal sans constater que les époux vivent séparés depuis au moins deux ans lors de l’assignation en divorce ; qu’en l’espèce, par motifs expressément adoptés du premier juge, la cour d’appel s’est bornée à recueillir une déclaration de M. Y... selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans même procéder par elle-même à aucune constatation de nature à établir que les époux étaient séparés depuis plus de deux ans à compter de l’assignation ; qu’elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéas 1er et 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

2°/ qu’en présence d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le juge ne saurait faire droit à la demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, en se fondant sur une simple déclaration du demandeur reconventionnel sans constater par lui-même une séparation significative, en précisant à quel moment a cessé la cohabitation ; qu’en l’espèce, il ressort des mentions du jugement de première instance que les deux époux étaient encore domiciliés, à la date du jugement, soit le 21 décembre 1997, à la même adresse, rue [...] à Meru ; qu’à la date à laquelle la cour d’appel a statué, soit le 1er avril 2009, il n’existait même pas de séparation des époux égale à deux ans ; qu’en se bornant à faire état d’une simple déclaration du demandeur reconventionnel selon laquelle « aucune réconciliation ne peut intervenir du fait de la séparation depuis plusieurs mois », sans constater par elle-même une séparation significative, en précisant à quel moment avait cessé la cohabitation, la cour d’appel a, à nouveau, privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 238, alinéa 2 et 246 alinéa 2 du code civil ;

Mais attendu qu’en cas de présentation d’une demande principale en divorce pour faute et d’une demande reconventionnelle en divorce pour altération définitive du lien conjugal, le rejet de la première emporte le prononcé du divorce du chef de la seconde ; que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

L’opposition à mariage: conditions, effets et mainlevée

==> Opposition / empêchement

L’opposition est l’acte par lequel celui qui connaît un empêchement au mariage, le signale à l’officier d’état civil en lui faisant défense de célébrer le mariage.

L’opposition a ainsi pour effet de faire obstacle à la célébration du mariage en raison de l’existence d’un empêchement à mariage.

Par empêchement, il faut entendre le non-respect d’une condition de formation du mariage.

C’est pourquoi il « empêche » la tenue de la célébration. La théorie des empêchements à mariage est assise sur l’idée qu’il convient d’agir en amont et de ne pas risquer que le mariage soit annulé après coup.

Une fois le mariage célébré, il n’est plus possible de revenir en arrière. Or la découverte, a posteriori, de la violation d’une condition de formation du mariage peut avoir des conséquences graves pour les époux.

S’il est dirimant, l’empêchement constitue, en effet, une cause de nullité de leur union.

==> Empêchements dirimants et empêchements prohibitifs

Classiquement, on distingue deux sortes d’empêchements :

  • L’empêchement dirimant
    • Il s’agit d’un l’empêchement relatif à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
  • L’empêchement prohibitif
    • Il s’agit d’un empêchement relatif à une condition dont le non-respect fait seulement obstacle à la célébration du mariage sans, pour autant, être de nature à entraîner la nullité du mariage

En toute hypothèse, que l’empêchement soit prohibitif ou dirimant il est une cause d’opposition à mariage, laquelle opposition doit être formée auprès de l’officier d’état civil.

Immédiatement une question alors se pose : quels sont les empêchements dirimants et quels sont les empêchements prohibitifs ?

Le Code civil ne nous fournit aucune liste de ces empêchements, ni aucun critère formel de distinction.

Pour les identifier, il convient alors de se reporter aux articles 180, 182 et 184 du Code civil, lesquels envisages les conditions de formation du mariage dont le non-respect est sanctionné par la nullité.

En application du principe général « pas de nullité sans texte », on peut en déduire quelles sont les conditions qui ne sont pas sanctionnées par l’anéantissement du mariage.

Il est alors possible d’opérer, à partir de cette déduction, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs.

À l’examen, seules deux conditions de formation du mariage ne sont pas sanctionnées par la nullité :

  • Défaut de publication des bans
  • L’existence d’une opposition en elle-même

Toutes les autres conditions sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage si elles ne sont pas respectées.

En pratique, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs ne présente aucun intérêt.

En outre, aujourd’hui, l’opposition, qui était un moyen jadis pour les familles de mettre à mal les mariages qu’elles n’approuvaient pas, n’est que très exceptionnellement soulevée.

Son terrain de prédilection est désormais celui des mariages simulés, soit des mariages blancs.

De surcroît, pour former opposition, il faut remplir un certain nombre de conditions. Ses effets dans le temps sont, par ailleurs limités.

I) Les conditions de l’opposition

A) Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent :

  • D’une part, aux personnes qui ont qualité pour former opposition
  • D’autre part, aux motifs invoqués au soutien de l’opposition

==> Opposition du conjoint

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 172 du Code civil prévoit que « le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.»
    • Cette disposition confère ainsi le droit de former opposition au conjoint non-divorce de l’un des futurs époux
  • Motif allégué
    • Le conjoint non divorcé du futur époux n’est fondé à former opposition que si le motif allégué a trait à la bigamie

==> Opposition des ascendants

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 173 du Code civil prévoit que « le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.»
    • Cette disposition énonce un ordre hiérarchique des personnes qui ont qualité à former opposition parmi les ascendants des futurs époux :
      • Père et mère
      • À défaut, les grands-parents
      • À défaut, les aïeuls
  • Motif allégué
    • Les ascendants des futurs époux peuvent alléguer, au soutien de leur opposition, n’importe quel motif, dès lors qu’il s’agit de la violation d’une condition de formation du mariage.
    • Il peut donc s’agir de la bigamie, d’un vice du consentement, de la non-publication des bans ou encore du défaut d’autorisation parentale
  • Épuisement du droit d’opposition
    • L’alinéa 2 de l’article 173 prévoit que « après mainlevée judiciaire d’une opposition au mariage formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration »
    • Ainsi, les ascendants du futur époux ne peuvent former opposition à mariage qu’une seule fois
    • Il s’agit d’éviter que les ascendants forment tour à tour opposition afin d’empêcher la célébration du mariage

==> Opposition des collatéraux

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 174 du Code civil prévoit que « à défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants»
    • Il ressort de cette disposition que les collatéraux ne peuvent former opposition qu’à titre subsidiaire, soit à défaut d’ascendants.
    • Au sein du cercle des collatéraux, le législateur n’a pas institué d’ordre hiérarchique
  • Motif allégué
    • L’article 174 du Code civil prévoit que les collatéraux ne peuvent former opposition que dans deux cas précis :
      • Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 159, n’a pas été obtenu
        • Il s’agit de l’hypothèse s’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille
        • Cela suppose donc que le futur époux soit mineur et n’est plus d’ascendants
      • Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur époux
        • Il appartient toutefois à l’opposant de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
        • À défaut, la mainlevée pure et simple de l’opposition pourra être prononcée

==> Opposition du tuteur et du curateur

  • Titularité de l’action
    • L’article 175 du Code civil prévoit que « le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer. »
    • Il résulte de cette disposition que le tuteur et le curateur sont titulaires du droit de former opposition dans les mêmes conditions que les collatéraux, soit à défaut d’ascendants du futur époux, soit à titre subsidiaire
    • La référence au curateur est toutefois inopérante, dans la mesure où depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé n’est plus soumis au régime de la curatelle.
    • Quant à la curatelle des majeurs, elle ne comporte pas de conseil de famille
    • L’hypothèse visée n’a donc plus de sens
  • Motif allégué
    • Les motifs susceptibles d’être allégués par le tuteur sont :
      • Le défaut de consentement du conseil de famille, dans l’hypothèse où le futur époux est mineur et n’a plus d’ascendants
      • L’état de démence du futur époux

==> Opposition du ministère public

  • Titularité de l’action
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
    • Cette prérogative a été conférée au ministère public en particulier pour lutter contre les mariages simulés
  • Motif allégué
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que le ministère public ne peut former une opposition à mariage que pour les cas où il peut demander la nullité du mariage.
    • Ces cas ne sont autres que les empêchements dirimants, soit tous les empêchements relatifs à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
    • Aussi, le seul empêchement dont ne pourra pas se prévaloir le ministère public, c’est la non-publication des bans
  • Cas particulier des mariages de complaisance
    • L’article 175-2 du Code civil prévoit que « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République.»
    • En cas de signalement au ministère public d’un mariage de complaisance, plusieurs étapes doivent être observées :
      • Première étape
        • Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine :
          • soit de laisser procéder au mariage
          • soit de faire opposition à celui-ci
          • soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
      • Deuxième étape
        • Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
        • La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
      • Troisième étape
        • À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
      • Quatrième étape
        • L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours.
        • La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.

B) Les conditions de forme

==> Notification de l’opposition

L’article 66 du Code civil prévoit que

  • D’une part, les actes d’opposition au mariage sont signés sur l’original et sur la copie par les opposants ou par leurs fondés de procuration, spéciale et authentique
  • D’autre part, ils sont signifiés, avec la copie de la procuration, à la personne ou au domicile des parties, et à l’officier de l’état civil, qui mettra son visa sur l’original.

Ainsi, l’opposition à mariage doit être formée par voie d’huissier.

==> Enregistrement de l’opposition

Aux termes de l’article 67 du Code civil, à réception de l’opposition, l’officier de l’état civil fait, sans délai, une mention sommaire des oppositions sur le registre des mariages

==> Contenu de l’acte d’opposition

L’article 176 du Code civil prévoit que tout acte d’opposition :

  • Énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former
  • Contient les motifs de l’opposition
  • Reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition
  • Contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.

Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 171-4, soit en cas de mariage de complaisance, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.

==> Sanctions

L’article 176, al. 2 prévoit que les exigences de forme sont prévues :

  • à peine de nullité de l’acte d’opposition
    • l’opposition sera alors sans effet
  • à peine de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition
    • L’huissier pourra ainsi refuser de prêter son concours à l’opposant

II) Les effets de l’opposition

==> La suspension de la célébration

L’article 68 du Code civil dispose que « en cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »

Ainsi est-il fait défense à l’officier d’état civil, en cas d’opposition de procéder à la célébration du mariage.

C’est là tout l’intérêt même de l’opposition : faire obstacle à l’union des époux dont l’une des conditions de formation n’est pas remplie.

Il peut être observé que, l’officier d’état civil n’est pas le juge du bien-fondé du motif de l’opposition, quand bien même s’il a la conviction que l’empêchement allégué n’est pas justifié.

L’existence d’une opposition constitue, en elle-même, un motif de suspension de la célébration du mariage

En conséquence, l’officier d’état civil a, quel que soit le motif invoqué, l’obligation de ne pas célébrer le mariage. C’est au seul Juge qu’il appartiendra de se prononcer sur la mainlevée de l’opposition.

==> La durée de l’opposition

L’article 176, al. 3 du Code civil prévoit que « après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. »

Ainsi, l’opposition n’est valable qu’un an.

À l’expiration de ce délai elle devient caduque.

==> Le renouvellement de l’opposition

L’opposition peut, par principe, être renouvelée, à l’exception de deux cas :

  • Dans l’hypothèse où elle a été formée par un ascendant.
  • Dans l’hypothèse où la mainlevée judiciaire a été prononcée

III) La mainlevée de l’opposition

La mainlevée consiste en un retrait de l’opposition, soit à priver l’acte de son efficacité. Si la mainlevée est prononcée, le mariage peut, de nouveau être célébré.

Il existe deux sortes de mainlevée :

  • La mainlevée volontaire
    • La mainlevée est volontaire lorsque l’opposant consent à se désister, ce qu’il peut faire devant l’officier d’état civil au moment de la célébration
    • Ce dernier pourra néanmoins toujours refuser de célébrer le mariage, s’il estime que l’empêchement à mariage subsiste
  • La mainlevée judiciaire
    • La mainlevée est judiciaire lorsqu’elle est prononcée par un juge après que l’un des futurs époux a rapporté la preuve du mal-fondé de l’opposition
      • Procédure
        • Le tribunal de grande instance doit se prononcer dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs époux, même mineurs ( 177 C. civ.)
        • Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ( 179, al. 1 C. civ.)
      • Voies de recours
        • La décision du Juge est susceptible d’appel ( 178 C. civ.)
        • La Cour devra alors statuer également dans les dix jours
        • Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.

La durée du contrat: régime juridique

Lors de l’adoption de la réforme des obligations, le législateur a décidé, dans le chapitre relatif aux effets du contrat de prévoir une partie consacrée à sa durée.

Cette partie (section 3 du chapitre IV) composée de six articles est donc une innovation de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Sous l’empire du droit antérieur, le Code civil ne comportait aucune disposition générale sur la durée des contrats.

Il n’envisageait que la question du terme dans la théorie générale (articles 1185 et suivants), alors même qu’il existe un contentieux important relatif à la durée des contrats à durée déterminée.

Le régime juridique de la durée du contrat s’est donc esquissé progressivement au gré de la jurisprudence, de la pratique contractuelle, et des dispositions spéciales.

Aussi, le législateur a-t-il eu pour ambition de codifier ces règles générales sur la durée du contrat afin, notamment, de clarifier les différences entre des notions proches en ce qu’elles concernent toutes la prolongation des contrats dans le temps, mais qui n’en sont pas moins différentes : renouvellement, prorogation et tacite reconduction.

Cette codification s’articule autour de trois corps de règles qui appréhendent la durée du contrat à ses trois stades, soit au moment de sa formation, de son exécution et à l’expiration de son terme.

I) La durée du contrat au stade de la formation

Parce que, conformément à l’article 1102 du Code civil les parties sont libres de déterminer le contenu du contrat, elles peuvent l’assortir de la durée qui leur sied.

Elles peuvent ainsi envisager de conclure un contrat, tant à durée déterminée, qu’à durée indéterminée.

Au vrai, la stipulation de la durée du contrat ne souffre que d’une seule limite : celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

A) Signification du principe de prohibition des engagements perpétuels

Le principe de prohibition des engagements perpétuels signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels.

Le Doyen Carbonnier observait en ce sens que le Code civil de 1804 « ne paraît avoir envisagé pour les obligations, une fois nées, d’autre destin que de s’éteindre »[1].

Quelques dispositions éparses fondent cette analyse telle que l’article 1710 du Code civil qui prévoit, par exemple, que « on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée »

Aussi, tout contrat doit être borné dans le temps, quand bien même il aurait été conclu pour une durée indéterminée.

Dans son rapport annuel de l’année 2014 la Cour de cassation exprime parfaitement bien cette idée en affirmant que « la liberté contractuelle de choisir le temps pour lequel on s’engage s’enchâsse alors dans une limite maximale impérative, qui peut être légale (six ans pour les contrats de louage d’emplacement publicitaire, article L. 581-25 du code de l’environnement ; quatre-vingt-dix-neuf ans pour les sociétés civiles et commerciales, articles 1838 du code civil et L. 210-2 du code de commerce), ou prétorienne (quatre-vingt-dix-neuf ans pour les baux, Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n°96-15.774), mais dont la mesure est toujours sensible à l’objet du contrat. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par engagement perpétuel.

Concrètement, les engagements perpétuels recoupent deux situations bien distinctes :

  • Soit le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, mais, par le jeu d’une clause, il ne permet pas l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale
  • Soit le contrat a été conclu pour une durée déterminée, mais cette durée est anormalement longue

B) Reconnaissance du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels a été reconnu en trois temps :

  • Premier temps : la Cour de cassation
  • Deuxième temps : le Conseil constitutionnel
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuel a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 novembre 1999 (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Les juges de la rue de Montpensier ont estimé, que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ».
  • Troisième temps : le législateur
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a introduit un article 1210 dans le Code civil qui prévoit que
      • « les engagements perpétuels sont prohibés. »
      • « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

C) Effets du principe

Deux effets sont attachés au principe de prohibition des engagements perpétuels

  • Lorsque le contrat est à durée déterminée
    • Dans l’hypothèse où le contrat comporte un terme, qui peut être tacite sous réserve que sa survenue soit certaine, le contrat s’éteint par l’arrivée de ce terme à la condition sine qua non que le terme prévu par les parties n’excède pas un éventuel plafond légal
    • À défaut, le contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée
    • Son extinction relève alors du pouvoir des parties, chacune disposant d’un droit de résiliation unilatérale pour se prémunir des dangers d’un engagement perpétuel.
  • Lorsque le contrat est à durée indéterminée
    • Dans cette hypothèse, chaque partie dispose de la faculté de mettre fin au contrat en sollicitant unilatéralement sa résiliation
    • Dans un arrêt du 31 mai 1994, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties » (Cass. com. 31 mai 1994, n°88-10.757)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger par clause contraire (Cass. 3e civ. 19 févr. 1992, n°90-16.148).

Cass. com. 31 mai 1994

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel et compagnie (la société), qui avait une activité industrielle à Lyon, a créé, en 1972, un restaurant d’entreprise dont elle a confié la gestion à M. X… à compter du 24 avril 1975, pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 novembre 1989 la société a informé M. X… du prochain transfert de l’entreprise à Reyrieux et lui a notifié que de ce fait le contrat de concession serait ” caduc ” ; que M. X…, soutenant que la résiliation de ce contrat était abusive, a demandé la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’article 12 du contrat litigieux prévoyait plusieurs cas de rupture ; que la société prétend se trouver dans la troisième hypothèse, c’est-à-dire la fermeture de ses établissements, mais qu’il s’agit d’un transfert et non d’une fermeture de l’entreprise ; qu’ainsi, en prenant unilatéralement la décision de supprimer, à l’occasion d’un simple transfert de locaux, et hors des cas de rupture prévus au contrat, le restaurant d’entreprise concédé à M. X… , la société a rompu abusivement la convention conclue avec ce dernier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’abus de droit imputé à la société ne pouvait résulter du seul fait que la résiliation était intervenue en dehors des cas prévus au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

D) Sanction du principe

Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des obligations, la sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels a fait l’objet d’une vive controverse

Trois sortes de sanctions ont été discutées par la jurisprudence et la doctrine :

  • Première sanction : la nullité totale
    • Cette sanction a été envisagée de nombreuses fois par la jurisprudence (v. notamment en ce sens Cass. 3e civ., 20 févr. 1991)
    • L’avantage de la nullité est qu’il s’agit d’une sanction suffisamment vigoureuse pour dissuader les agents de contrevenir au principe de prohibition des engagements perpétuels
    • Toutefois, cette sanction n’est pas sans inconvénient
    • Il peut, en effet, être observé que l’action en nullité est enfermée dans un certain délai
    • Cela signifie donc que si la prescription est acquise, l’action en nullité ne peut plus être exercée, ce qui dès lors produit l’effet inverse de celui recherché : l’engagement perpétuel que l’on cherchait à annuler ne peut plus être délié.
    • Il devient irrévocablement perpétuel.
  • Deuxième sanction : la nullité partielle
    • Afin de se prémunir de l’anomalie ci-dessus évoquée, la jurisprudence a circonscrit, dans certains arrêts la nullité à la seule clause qui contrevenait au principe de prohibition des engagements perpétuels.
    • Telle a été la solution rendue par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 7 mars 2006 (Cass. 1ère civ. 7 mars 2006, n°04-12.914).
    • La sanction de la nullité partielle ne pourra toutefois être prononcée qu’à la condition que la clause n’ait pas été déterminante du consentement des parties.
    • Si elle a été la cause « impulsive et déterminante » de leur engagement, le juge n’aura d’autre choix que d’annuler le contrat dans son ensemble (Cass. 1ère civ., 24 juin 1971, n°70-11.730).
    • Dans l’hypothèse où la nullité partielle pourra jouer, les contractants retrouveront la faculté de résiliation unilatérale propre aux contrats à durée indéterminée.
  • Troisième sanction : la réduction de la durée du contrat au maximum légal
    • Dans l’hypothèse où la durée du contrat excéderait le plafond prévu par la loi, le juge réduira cette durée d’autant qu’elle dépasse le maximum légal.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de prononcer cette sanction à plusieurs reprises (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1998, 95-21.906).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2002 elle a notamment estimé que « le contrat de louage d’emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature ; que la stipulation d’une durée plus longue est soumise à réduction » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n°99-21.816).
    • Si, de toute évidence, cette solution permet de surmonter les difficultés soulevées par la nullité totale ou partielle, elle n’est pas non plus à sans faille.
    • La possibilité de réduire la durée du contrat à hauteur du plafond légal n’est envisageable qu’à la condition que ce plafond existe.
    • Or pour la plupart des contrats aucun maximum de durée n’a été institué par le législateur.
    • Ainsi, apparaît-il que le champ d’application de la sanction qui consiste à réduire la durée du contrat est pour le moins restreint.

Au total, il ressort de l’examen général de chacune des mesures envisagées en guise de sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels qu’aucune d’elles n’était véritablement satisfaisante.

C’est la raison pour laquelle le législateur n’en a retenu aucune. Il a préféré emprunter une autre voie

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a introduit un article 1210, al. 2 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit en contrepoint de l’alinéa 1er, lequel pose le principe de prohibition des engagements perpétuels, que « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

Ainsi, la sanction d’un contrat conclu à titre perpétuel n’est autre que la requalification en contrat à durée indéterminée.

Les parties retrouvent alors leur faculté de résiliation unilatérale.

En cas d’exercice de cette faculté, elles ne seront toutefois pas dispensées d’observer l’exigence de préavis prévue à l’article 1211.

E) Limites au principe

  • L’abus
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuels est tempéré par l’obligation pour la partie qui entend exercer sa faculté de résiliation unilatérale de ne pas commettre d’abus.
    • Dans un arrêt du 15 novembre 1969 la Cour de cassation a par exemple estimé que le contractant « pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement » (Cass. com. 15 déc. 1969)
    • Elle a encore jugé dans un arrêt du 5 février 1985 que « dans les contrats a exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionne par l’alinea 3 de [l’ancien article 1134], offert aux deux parties » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1985, n°83-15.895).
  • Les relations commerciales établies
    • Dans le domaine des affaires, la faculté de rupture unilatérale est strictement encadrée, en particulier lorsque les relations commerciales sont dites établies.
    • L’article 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ».

Cass. com. 15 déc. 1969

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque que la société des établissements Castaing fils a concédé en septembre 1961 a valentin y… de la vente des appareils agricoles qu’elle fabriquait dans quatre départements du sud-est de la France ;

Que, par lettre du 13 avril 1965, la société Castaing, invoquant la faiblesse des résultats obtenus par a…, a dénoncé le contrat de 1961 en proposant a ce dernier de continuer à lui livrer le matériel qui pourrait lui être utile, mais sans exclusivité ;

Que a… et les deux sociétés qu’il avait constituées pour l’exercice de son activité commerciale, le comptoir industriel et agricole méditerranéen (ciam) et les établissements Paul a… ont alors fait assigner la société Castaing devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale des conventions liant les parties, en demandant en outre que les établissements Castaing soient condamnes a reprendre les pièces détachées qu’ils avaient livrées a a… ou à ces deux sociétés ;

Attendu que le tribunal de commerce a fait droit a la demande concernant les pièces détachées mais a x… valentin et les deux sociétés susvisées de leur demande en dommages-intérêts en relevant notamment que le retrait d’exclusivité était justifié par l’absence complète de toute vente d’appareils au cours des années 1964 et 1965 succédant au nombre très réduit et en diminution constante et progressive des ventes réalisées au cours des trois années précédentes ;

Attendu que l’arrêt déféré infirme le jugement entrepris et ordonne une expertise pour rechercher notamment quelles diligences ont été faites par a… et ses sociétés concessionnaires pour implanter les produits Castaing dans le secteur concédé, si ces diligences étaient normales et suffisantes eu égard aux conditions du marché, aux motifs que si “le contrat étant a durée indéterminée, les établissements Castaing pouvaient le dénoncer de leur seule volonté, à condition de ne pas agir abusivement, et ce, sans avoir à s’adresser à justice” , et que “la seule question qui se pose est donc de savoir si cette dénonciation est justifiée par un motif légitime, tel qu’un manquement du concessionnaire a ses obligations, qu’a cet égard, la société Castaing est mal fondée a prétendre que celui-ci avait une obligation de résultat, qu’en effet, la convention ne prévoyait aucun chiffre d’affaires a réaliser par lui, que a…, n’était donc tenu que d’une obligation de diligence normale, eu égard aux usages de la profession et aux possibilités du marché des produits à vendre” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant déclaré à juste titre, que le concédant pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement, la cour d’appel ne pouvait imposer à ce dernier la charge de rapporter la preuve de l’existence d’un juste motif de résiliation du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 28 juin 1968 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

II) La durée du contrat au stage de l’exécution

Envisagée au stade de l’exécution du contrat, la durée du contrat soulève l’épineuse question de savoir si le contrat peut ou non être rompu par les parties avant l’expiration de son terme.

Pour le déterminer, cela suppose de distinguer selon que le contrat est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée.

A) Le contrat à durée indéterminée

Le contrat à durée indéterminée est celui qui n’est assorti d’aucun terme extinctif, de sorte qu’il a vocation à être exécutée sans limitation de durée.

Est-ce à dire que les parties sont privées de la faculté de sortir du lien contractuel ? Il n’en est rien.

Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, les parties disposent d’une faculté de résiliation unilatérale

Cette faculté qui déroge au principe de force obligatoire des contrats a pour fondement le principe de prohibition des engagements perpétuels.

Elle a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

La jurisprudence qui s’était fondée sur le principe de la prohibition des engagements perpétuels pour reconnaître aux parties une faculté de résiliation unilatérale en matière de contrat à durée indéterminée a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le nouvel article 1211 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition. Une interrogation néanmoins subsiste.

  • Premier enseignement : la reconnaissance d’un droit
    • La faculté de rupture unilatérale appartient aux deux parties qui dès lors sont mises sur un pied d’égalité
    • Qui plus est, il s’agit là d’une disposition d’ordre public à laquelle les contractants ne sauraient déroger par clause contraire.
  • Second enseignement : le respect d’un délai de préavis
    • L’exercice de la faculté de rupture unilatérale est subordonné à l’observation d’un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, raisonnable.
    • Cette faculté unilatérale de résiliation des contrats à durée indéterminée moyennant le respect d’un délai de préavis a, pour rappel, été reconnue comme une règle à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 relative à la loi sur le pacte civil de solidarité (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Dans sa décision, le Conseil constitutionnel avait incité le législateur à préciser les règles ou les « causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d’un préavis ».
    • C’est ce que fait l’ordonnance du 10 février 2016, en réservant aux contractants une faculté de résiliation du contrat à durée indéterminée, sous réserve du respect d’un délai de préavis contractuellement prévu, ou à défaut raisonnable.
    • Concrètement, l’objectif poursuivi par le législateur est de permettre au cocontractant de disposer du temps nécessaire pour s’organiser.
    • La question qui inévitablement se posera à l’avenir est de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de « délai raisonnable ».
    • Le délai raisonnable de l’article 1211 est-il le même que celui visé par l’article 442-6, I, 5° du Code de commerce en matière de rupture des relations commerciales établies ?
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
    • Doit-on se référer aux critères posés par ce texte pour déterminer ce que l’on doit entendre par « préavis raisonnable » ?
    • Ajouté à cela, en cas de litige, comment le juge va-t-il apprécier le caractère raisonnable du délai ?
  • L’interrogation : la sanction
    • Silence volontaire ou non du législateur, l’article 1211 du Code civil ne dit mot sur la sanction dont est assortie une résiliation unilatérale fautive du contrat.
    • Le rapport au Président de la République précise seulement que « dans le silence du texte, les règles de la responsabilité civile de droit commun trouveront à s’appliquer en cas de faute commise par le cocontractant, conformément à la jurisprudence constitutionnelle précitée. »
    • Deux solutions sont alors envisageables
      • Première solution
        • La sanction d’une rupture contractuelle pourrait en l’allocation de dommages et intérêts au cocontractant
        • Toutefois, la résiliation du contrat serait réputée acquise, quelles que soient les circonstances, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels
      • Seconde solution
        • Dans la mesure où la résiliation n’a pas été effectuée conformément aux formes requises, on pourrait estimer qu’elle est inefficace
        • Ainsi, le contrat serait maintenu, nonobstant l’exercice par la partie fautive de sa faculté de résiliation unilatérale
        • Il lui appartiendra alors de dénoncer une nouvelle fois le contrat en satisfaisant aux exigences de l’article 1211 du Code civil.

B) Le contrat à durée déterminée

1. Définition

Contrairement au contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée est assorti d’un terme extinctif.

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme.

Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
    • Lorsque le contrat est à durée déterminée, le terme dont il est assorti est extinctif.
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

En conclusion, pour être qualifiée de contrat à durée déterminée :

  • D’une part, son exigibilité doit être différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain
  • D’autre part, l’acte doit être assorti d’un terme extinctif

2. Principe

L’article 1212 du Code civil dispose que « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. »

Autrement dit, les parties ne disposent d’aucune faculté de résiliation unilatérale.

Cette règle se justifie par le principe de force obligatoire du contrat. Il en est le descendant direct.

Les parties sont donc liées par le terme du contrat qu’elles ont conclu. Aussi, la rupture anticipée du contrat serait constitutive d’une faute contractuelle.

3. Exceptions

Lorsque les parties sont liées par un contrat à durée déterminée, elles ne peuvent le rompre par anticipation que dans deux cas :

  • La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi
  • Le contrat est rompu d’un commun accord des parties

a. La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi

De nombreux textes confèrent aux parties la faculté de résilier unilatéralement un contrat à durée déterminée.

Il en va ainsi :

  • Du contrat du bail d’habitation qui peut être rompu par anticipation par le locataire sous réserve de l’observation d’un préavis de trois mois (Loi du 6 juillet 1989, art. 12).
  • Du contrat de mandat qui offre la faculté au mandant de révoquer le mandataire ad nutum (art. 2004 et 2007 C. civ.).
  • Du contrat de travail qui peut être rompu unilatéralement par l’employeur en cas de faute grave du salarié ou de force majeure (art. L. 1243-1 C. trav.).
  • Du contrat d’assurance auquel il peut être mis un terme par anticipation, tant par l’assureur, que par l’assuré moyennant le respect d’un préavis de deux mois (art. L. 113-12 c. ass.).
  • Du contrat de dépôt qui peut être résilié unilatéralement par le déposant (art. 1944 C. civ.).

b. Le commun accord des parties ou le mutus dissensus

Le principe d’intangibilité du contrat exprimé à l’article 1103 du Code civil, anciennement 1134, ne signifie pas que, une fois conclu, le contrat échappe définitivement à l’emprise des parties.

Ce que les parties ont fait conjointement, elles peuvent le défaire de la même manière.

C’est ce que l’on appelle le principe du mutus dissensus

Ce principe n’est autre que le corollaire de la force obligatoire.

Tout autant que la formation du contrat suppose la rencontre des volontés, sa révocation suppose cette même rencontre des volontés.

La question qui alors se pose est de savoir si les parties doivent observer un certain parallélisme des formes, lorsqu’elles envisagent conjointement une révocation du contrat ?

?Formalisme de la révocation

Dans un arrêt du 22 novembre 1960, la Cour de cassation a estimé « que si aux termes de l’article 1134, les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que par l’accord des contractants, semblable accord, qui n’est soumis à aucune condition de forme, peut être tacite et résulter des circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond » (Cass. 1ère civ. 22 nov. 1960).

Ainsi, la Cour de cassation n’exige pas un parallélisme des formes.

Dans un arrêt du 18 juin 1994, la Cour de cassation a confirmé cette solution en affirmant que « la révocation d’un contrat par consentement mutuel peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » (Cass. 1ère civ. 18 juin 1994, n°92-15.184).

Cass. 1ère civ. 18 juin 1994

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que le 16 novembre 1981, la société civile d’exploitation agricole des Masquières, aux droits de laquelle est la SCEA Saint-Benoît, a conclu avec la société Agri Gestion une convention par laquelle elle lui confiait la direction d’un domaine agricole ; que le contrat, conclu pour une durée de 5 années à compter du 1er janvier 1982, prévoyait pour la société Agri Gestion la faculté de rompre le contrat à tout moment moyennant l’obligation de respecter un préavis de 12 mois ou de payer une indemnité compensatrice correspondant à une année de rémunération ; que le 16 mai 1984, la société Agri Gestion a notifié à la SCEA des Masquières son intention de mettre fin au contrat ; qu’assignée par sa cocontractante le 23 mai 1989 en paiement de l’indemnité compensatrice de la rupture, la société Agri Gestion a soutenu que la convention avait été résiliée du commun accord des parties ;

Attendu que pour condamner la société Agri Gestion au paiement de l’indemnité réclamée, l’arrêt attaqué retient que cette société, qui se prétend libérée de son obligation, doit rapporter dans les termes de l’article 1341 du Code civil la preuve que la rupture est intervenue d’accord entre les parties ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la révocation d’un contrat par consentement mutuel des parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée.

?Effets de la révocation

Quel est l’effet de la révocation d’un contrat ?

Dans l’hypothèse où les parties ont réglé dans leur accord initial les conséquences de la révocation, leur volonté prime sur toute autre considération.

La difficulté survient, lorsqu’elles n’ont rien prévu.

Doit-on attacher à la révocation les mêmes effets qu’une résolution, soit un effet rétroactif ?

  • Principe : les contrats à exécution instantanée
    • La Cour de cassation a apporté une réponse positive à cette question en estimant que « les conventions peuvent être révoquées du consentement mutuel des parties, et que cette révocation produit le même effet que l’accomplissement d’une condition résolutoire, c’est-à-dire que les choses sont remises au même état que si l’obligation n’avait pas existé » (Cass. civ., 27 juill. 1892).
    • Ainsi, non seulement la révocation met fin pour l’avenir au contrat, mais encore elle produit un effet rétroactif.
    • Il y aura donc lieu de procéder à des restitutions afin de revenir au statu quo ante.
  • Exception : les contrats à exécution successive
    • Dans l’hypothèse où le contrat était à exécution successive, la jurisprudence considère que la révocation aura seulement pour effet de mettre fin au contrat que pour l’avenir (V. notamment en ce sens Cass. com., 1er févr. 1994, n°92-18.276)

III) La durée du contrat à l’expiration de son terme

À l’expiration du terme, les obligations nées du contrat ont vocation à s’éteindre de sorte que les effets de ce dernier sont anéantis.

Les parties sont libérées, de plein droit, du lien contractuel sans qu’il soit besoin qu’elles accomplissent une démarche ou un acte en particulier.

Trois événements sont néanmoins susceptibles de prolonger la durée du contrat qui donc continuera à produire ses effets pour l’avenir.

Les modalités de prolongation du contrat sont au nombre de trois :

  • La prorogation
  • Le renouvellement
  • La tacite reconduction

A) La prorogation

?Définition

Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.

En raison de son objet, la prorogation ne se conçoit que dans un contrat à durée déterminée qui, par définition, comporte un terme extinctif à la différence du contrat à durée indéterminée dont l’exécution dans le temps ne connaître aucune limite, excepté celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

?Conditions

La prorogation du contrat est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 1213 du Code civil qui prévoit que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. »

  • Première condition
    • La prorogation ne peut intervenir que sous l’effet d’un commun accord des parties.
    • Une partie ne saurait, en effet, être engagée au-delà du terme sans y avoir consenti
    • Admettre le contraire, reviendrait à porter atteinte au principe d’autonomie de la volonté : on ne peut s’obliger que si on l’a voulu.
  • Seconde condition
    • La prorogation du contrat doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat.
    • À défaut, on ne saurait proroger des obligations éteintes
    • La seule solution qui, en pareille circonstance, s’offrirait aux parties serait de procéder à un renouvellement du contrat.
    • Le contrat renouvelé s’apparente toutefois à un nouveau contrat, de sorte que toutes les sûretés qui étaient adossées à l’ancienne convention sont anéanties.
    • Aussi, la prorogation suppose-t-elle que les parties la prévoient
      • Soit en cours d’exécution du contrat par échange des consentements
      • Soit lors de la formation du contrat au moyen d’une clause

?Effets

  • Les effets à l’égard des parties
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat. Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Ses dispositions sont maintenues tout autant que les sûretés constituées par les parties en garantie de leurs engagements respectifs.
    • La loi applicable demeure, par ailleurs, la même que celle sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu.
    • En définitive, tous les effets du contrat sont préservés jusqu’à l’expiration du nouveau terme convenu par les contractants.
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Le nouvel article 1213 du Code civil précise que « la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».
    • Cette disposition vise notamment à protéger les tiers dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation.
    • Il en va notamment ainsi des garants, dont la caution.
    • En écho à l’article 1213, l’article 2316 du Code civil prévoit, par exemple, que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de prorogation du contrat, la caution demeure tenue envers le créancier principal.
    • En contrepartie, elle dispose néanmoins d’une action en paiement contre le débiteur qu’elle peut exercer par anticipation.
    • Elle peut, par ailleurs, procéder à un paiement forcé du créancier, sans que celui-ci ne puisse lui opposer la prorogation du terme (V. en ce sens Cass. com., 5 nov. 1971)

B) Le renouvellement

?Définition

Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.

À l’instar de la prorogation, le renouvellement ne se conçoit que pour les contrats à durée déterminée.

Pour qu’un contrat puisse être renouvelé, encore faut-il qu’il comporte un terme ce qui, par définition, n’est pas le cas d’un contrat à durée indéterminée.

?Conditions

L’article 1214 du Code civil prévoit que « le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties. »

Il ressort de cette disposition que, pour qu’un contrat puisse faire l’objet d’un renouvellement, celui-ci doit avoir été prévu, soit par les parties, soit par la loi.

  • Le renouvellement prévu par les parties
    • Les parties peuvent librement convenir que le contrat sera renouvelé à l’expiration de son terme.
    • Cela se traduira, le plus souvent, par l’insertion d’une clause de renouvellement
    • L’article 1212 du Code civil précise néanmoins que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat. »
    • Aussi, pour que le renouvellement du contrat s’opère, est-il nécessaire que les deux parties y consentent.
    • En ce que le renouvellement s’analyse en la conclusion d’un nouveau contrat, un contractant ne saurait être engagé contre sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle le renouvellement ne peut procéder que d’un commun accord des parties.
  • Le renouvellement prévu par la loi
    • Le législateur a prévu plusieurs cas où le renouvellement s’opère par l’effet de la loi.
    • Il en va ainsi pour notamment pour le bail d’habitation et le bail commercial
    • Lorsqu’il est prévu par la loi, le renouvellement est automatique sauf à ce qu’une partie dénonce le contrat avant l’arrivée de son terme

?Effets

Aux termes de l’article 1214, al. 2 « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Plus précisément, ce nouveau contrat est identique en tout point à l’ancien, à la nuance près néanmoins que :

  • D’une part, il est conclu pour une durée indéterminée
  • D’autre part, il n’est plus assorti des sûretés qui avaient été constituées par les parties en garantie de leur engagement initial
  • Enfin, chaque partie peut y mettre fin moyennant l’observation d’un préavis raisonnable

C) La tacite reconduction

?Définition

La tacite reconduction s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

Elle ne peut donc être envisagée, à l’instar du renouvellement dont elle constitue une variété, que pour un contrat à durée déterminée.

?Conditions

L’article 1215 prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. »

La tacite reconduction suppose ainsi que les parties aient :

  • Soit poursuivi l’exécution de leurs obligations respective à l’expiration du terme du contrat initial
  • Soit prévu une clause spécifique qui stipule que le contrat est renouvelé, faute de dénonciation par les parties avant l’arrivée du terme

L’article L. 215-1 du Code de la consommation ajoute que l’efficacité de la tacite reconduction d’un contrat de prestation de services conclus pour une durée déterminée entre un professionnel et un consommateur est subordonnée à l’information de ce dernier « par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. »

Cette disposition ajoute que l’information doit être « délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction. »

?Effets

L’article 1215 du Code civil dispose que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Elle a donc pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La règle ainsi posée est néanmoins supplétive, de sorte que les parties sont libres d’y déroger.

  1. J. Carbonnier, Droit civil – Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?

De la distinction entre la prorogation, le renouvellement et la tacite reconduction du contrat

À l’expiration du terme, les obligations nées du contrat ont vocation à s’éteindre de sorte que les effets de ce dernier sont anéantis.

Les parties sont libérées, de plein droit, du lien contractuel sans qu’il soit besoin qu’elles accomplissent une démarche ou un acte en particulier.

Trois événements sont néanmoins susceptibles de prolonger la durée du contrat qui donc continuera à produire ses effets pour l’avenir.

Les modalités de prolongation du contrat sont au nombre de trois :

  • La prorogation
  • Le renouvellement
  • La tacite reconduction

A) La prorogation

?Définition

Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.

En raison de son objet, la prorogation ne se conçoit que dans un contrat à durée déterminée qui, par définition, comporte un terme extinctif à la différence du contrat à durée indéterminée dont l’exécution dans le temps ne connaître aucune limite, excepté celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

?Conditions

La prorogation du contrat est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 1213 du Code civil qui prévoit que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. »

  • Première condition
    • La prorogation ne peut intervenir que sous l’effet d’un commun accord des parties.
    • Une partie ne saurait, en effet, être engagée au-delà du terme sans y avoir consenti
    • Admettre le contraire, reviendrait à porter atteinte au principe d’autonomie de la volonté : on ne peut s’obliger que si on l’a voulu.
  • Seconde condition
    • La prorogation du contrat doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat.
    • À défaut, on ne saurait proroger des obligations éteintes
    • La seule solution qui, en pareille circonstance, s’offrirait aux parties serait de procéder à un renouvellement du contrat.
    • Le contrat renouvelé s’apparente toutefois à un nouveau contrat, de sorte que toutes les sûretés qui étaient adossées à l’ancienne convention sont anéanties.
    • Aussi, la prorogation suppose-t-elle que les parties la prévoient
      • Soit en cours d’exécution du contrat par échange des consentements
      • Soit lors de la formation du contrat au moyen d’une clause

?Effets

  • Les effets à l’égard des parties
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat. Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Ses dispositions sont maintenues tout autant que les sûretés constituées par les parties en garantie de leurs engagements respectifs.
    • La loi applicable demeure, par ailleurs, la même que celle sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu.
    • En définitive, tous les effets du contrat sont préservés jusqu’à l’expiration du nouveau terme convenu par les contractants.
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Le nouvel article 1213 du Code civil précise que « la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».
    • Cette disposition vise notamment à protéger les tiers dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation.
    • Il en va notamment ainsi des garants, dont la caution.
    • En écho à l’article 1213, l’article 2316 du Code civil prévoit, par exemple, que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de prorogation du contrat, la caution demeure tenue envers le créancier principal.
    • En contrepartie, elle dispose néanmoins d’une action en paiement contre le débiteur qu’elle peut exercer par anticipation.
    • Elle peut, par ailleurs, procéder à un paiement forcé du créancier, sans que celui-ci ne puisse lui opposer la prorogation du terme (V. en ce sens Cass. com., 5 nov. 1971)

B) Le renouvellement

?Définition

Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.

À l’instar de la prorogation, le renouvellement ne se conçoit que pour les contrats à durée déterminée.

Pour qu’un contrat puisse être renouvelé, encore faut-il qu’il comporte un terme ce qui, par définition, n’est pas le cas d’un contrat à durée indéterminée.

?Conditions

L’article 1214 du Code civil prévoit que « le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties. »

Il ressort de cette disposition que, pour qu’un contrat puisse faire l’objet d’un renouvellement, celui-ci doit avoir été prévu, soit par les parties, soit par la loi.

  • Le renouvellement prévu par les parties
    • Les parties peuvent librement convenir que le contrat sera renouvelé à l’expiration de son terme.
    • Cela se traduira, le plus souvent, par l’insertion d’une clause de renouvellement
    • L’article 1212 du Code civil précise néanmoins que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat. »
    • Aussi, pour que le renouvellement du contrat s’opère, est-il nécessaire que les deux parties y consentent.
    • En ce que le renouvellement s’analyse en la conclusion d’un nouveau contrat, un contractant ne saurait être engagé contre sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle le renouvellement ne peut procéder que d’un commun accord des parties.
  • Le renouvellement prévu par la loi
    • Le législateur a prévu plusieurs cas où le renouvellement s’opère par l’effet de la loi.
    • Il en va ainsi pour notamment pour le bail d’habitation et le bail commercial
    • Lorsqu’il est prévu par la loi, le renouvellement est automatique sauf à ce qu’une partie dénonce le contrat avant l’arrivée de son terme

?Effets

Aux termes de l’article 1214, al. 2 « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Plus précisément, ce nouveau contrat est identique en tout point à l’ancien, à la nuance près néanmoins que :

  • D’une part, il est conclu pour une durée indéterminée
  • D’autre part, il n’est plus assorti des sûretés qui avaient été constituées par les parties en garantie de leur engagement initial
  • Enfin, chaque partie peut y mettre fin moyennant l’observation d’un préavis raisonnable

C) La tacite reconduction

?Définition

La tacite reconduction s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

Elle ne peut donc être envisagée, à l’instar du renouvellement dont elle constitue une variété, que pour un contrat à durée déterminée.

?Conditions

L’article 1215 prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. »

La tacite reconduction suppose ainsi que les parties aient :

  • Soit poursuivi l’exécution de leurs obligations respective à l’expiration du terme du contrat initial
  • Soit prévu une clause spécifique qui stipule que le contrat est renouvelé, faute de dénonciation par les parties avant l’arrivée du terme

L’article L. 215-1 du Code de la consommation ajoute que l’efficacité de la tacite reconduction d’un contrat de prestation de services conclus pour une durée déterminée entre un professionnel et un consommateur est subordonnée à l’information de ce dernier « par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. »

Cette disposition ajoute que l’information doit être « délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction. »

?Effets

L’article 1215 du Code civil dispose que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Elle a donc pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La règle ainsi posée est néanmoins supplétive, de sorte que les parties sont libres d’y déroger.

  1. J. Carbonnier, Droit civil – Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?

Le pacte de préférence: notion, effets, sanctions et réforme des obligations

Les contrats préparatoires se définissent comme les conventions conclues entre les parties, à titre provisoire, en vue de la signature d’un contrat définitif.

Dans cette perspective, le contrat préparatoire doit être distingué de l’offre de contrat :

  • Le contrat préparatoire est le produit d’une rencontre des volontés
    • Cela signifie donc qu’un contrat s’est formé, lequel est générateur d’obligations à l’égard des deux parties
    • Ces dernières sont donc réciproquement engagées à l’acte
    • En cas de violation de leurs obligations, elles engagent leur responsabilité contractuelle
  • L’offre de contrat est le produit d’une manifestation unilatérale de volonté
    • Il en résulte que l’offre de contrat n’est autre qu’un acte unilatéral
    • Il n’est donc générateur d’obligation qu’à l’égard de son auteur
    • L’offre de contrat ne crée donc aucune obligation à l’égard du bénéficiaire de l’offre
    • Le promettant, en revanche, engage sa responsabilité délictuelle en cas de retrait fautif de l’offre.

Parmi les contrats préparatoires, il convient de distinguer deux sortes de contrats :

  • Le pacte de préférence
  • La promesse de contrat

Nous nous focaliserons ici sur le pacte de préférence.

I) Notion

Aux termes de l’article 1123 du Code civil, le pacte de préférence est défini comme « le contrat par lequel une partie s’engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle déciderait de contracter. »

Plusieurs éléments ressortent de cette définition :

?Le produit d’un accord de volontés

Il peut tout d’abord être observé que le législateur qualifie le pacte de préférence de contrat.

Aussi, cela signifie-t-il qu’il est le produit d’un accord de volontés. Toutefois, cet accord de volontés ne porte en aucune manière sur la conclusion du contrat de vente définitif.

Le pacte a seulement pour l’objet le droit de priorité que le promettant consent au bénéficiaire dans l’hypothèse où il envisagerait de vendre le bien convoité

?Création d’une obligation à la charge du seul promettant

La conclusion d’un pacte de préférence ne crée d’obligations qu’à la charge du promettant

Ce dernier s’engage à vendre le bien en priorité au bénéficiaire du pacte

Il s’agit, en quelque sorte, d’un droit de préemption qui est concédé contractuellement par le promettant au bénéficiaire

Cet engagement est cependant assorti d’une condition

L’exercice du droit de préférence consenti au bénéficiaire du pacte est conditionné par la décision du promettant de vendre le bien

En d’autres termes, ce dernier demeure libre de ne pas vendre le bien, objet du pacte

Réciproquement, le bénéficiaire est libre de ne pas exercer son droit de préférence

?Pacte de préférence et promesse unilatérale de vente

À la différence du pacte de préférence, en matière de promesse unilatérale de vente le promettant a exprimé son consentement définitif au contrat de vente.

Le promettant n’a, en d’autres termes, pas seulement promis de vendre le bien, il l’a vendu.

Le consentement du promettant est donc d’ores et déjà scellé.

Cela signifie que si le bénéficiaire lève l’option d’achat qui lui a été consenti, le promettant n’est pas libre de se rétracter, contrairement au débiteur d’un pacte de préférence qui n’a pas donné son consentement définitif à l’acte de vente.

La distinction entre ces deux avant-contrats peut se résumer de la manière suivante :

  • En matière de promesse unilatérale de vente, la validité du contrat de vente définitif dépend de la volonté exclusive du bénéficiaire
  • En matière de pacte de préférence, la validité du contrat de vente définitif dépend de la volonté, tant du bénéficiaire, que du promettant

II) Conditions de validité du pacte de préférence

?Conditions de droit commun

Dans la mesure où le pacte de préférence est un contrat, il est soumis aux conditions de droit commun énoncées à l’article 1128 du Code civil.

  • Les parties doivent donc être capables et avoir consenti au pacte
  • Le pacte doit être licite
  • Le pacte a pour objet de créer à la charge du promettant l’obligation de négocier, en priorité, avec le bénéficiaire les termes du contrat définitif.
    • Le bien ou l’opération sur lesquels porte le droit de priorité devra, par conséquent, être défini avec une grande précision

?Conditions spécifiques

  • Le prix
    • Ni la loi, ni la jurisprudence n’exigent que le prix de vente soit déterminé ou déterminable dans le pacte de préférence.
    • Dans un arrêt du 15 janvier 2003, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « la prédétermination du prix du contrat envisagé et la stipulation d’un délai ne sont pas des conditions de validité du pacte de préférence » (Cass. 3e civ. 15 janv. 2003, n°01-03.700).
    • Cela s’explique par le fait qu’aucune des parties n’a donné son consentement définitif
    • Le prix ne saurait par conséquent, à la différence de la promesse unilatérale de vente, être une condition de validité du contrat
    • L’idée est que le consentement d’une partie à un acte juridique ne peut avoir été donné à titre définitif qu’à la condition que les éléments essentiels de cet acte soient déterminés, à tout le moins déterminables
    • Or en matière de contrat de vente le prix est un élément essentiel du contrat, d’où l’exigence de sa détermination en matière de promesse unilatérale de vente
    • Tel n’est cependant pas le cas en matière de pacte de préférence, dans la mesure où aucune des parties n’a exprimé son consentement définitif à l’acte de vente.
  • La durée
    • Comme le prix, la durée n’est pas une condition de validité du pacte de préférence (V. en ce sens Cass. 3e civ. 15 janv. 2003, n°01-03.700), sous réserve de la prohibition des engagements perpétuels.
    • Aussi, la Cour de cassation a-t-elle eu l’occasion de se référer au critère de la durée excessive pour apprécier la validité d’un pacte de préférence qui avait été stipulée pour une durée de 20 ans (Cass. com. 27 sept. 2005, n°04-12.168).
    • En tout état de cause, le pacte de préférence conclu pour une durée déterminée est valable.
    • La conséquence en est que, dans cette hypothèse, le promettant ne disposera pas d’une faculté de résiliation unilatérale, sauf à établir la durée manifestement excessive de son engagement.

Cass. 3e civ. 15 janv. 2003

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 30 janvier 2001), que les époux X… ont, par acte du 1er mars 1996, promis de vendre à M. Y…, une parcelle de bois cadastrée section F numéro 576 au prix de 12 000 francs ; que, par acte sous seing privé du 15 janvier 1997, les parties ont signé une promesse synallagmatique de vente portant sur la même parcelle et contenant un droit de préférence au profit de M. Y… concernant une parcelle voisine cadastrée section F numéro 564 ; que les époux X… ont refusé de réitérer la vente par acte authentique ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident :

Vu l’article 1174 du Code civil ;

Attendu que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ;

Attendu que, pour déclarer sans valeur la clause insérée à l’acte du 15 janvier 1997 aux termes de laquelle M. et Mme X… accordaient, à M. Y… un “droit de préférence” non limité dans le temps, en cas de vente de la parcelle numéro 564, l’arrêt retient que l’obligation de proposer de vendre un immeuble à des bénéficiaires déterminés sans qu’aucun prix ne soit prévu est purement potestative et ne constitue pas un pacte de préférence ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la condition potestative doit émaner de celui qui s’oblige, et que la prédétermination du prix du contrat envisagé et la stipulation d’un délai ne sont pas des conditions de validité du pacte de préférence, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a déclaré le pacte de préférence sans valeur, l’arrêt rendu le 30 janvier 2001, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Rennes

?Absence d’exigence de publicité

Dans l’hypothèse où le droit de priorité porterait sur un immeuble, la validité du pacte de préférence n’est pas conditionnée par l’accomplissement de formalités de publicité

L’exigence posée à l’article 1589-2 du Code civil ne vaut que pour la promesse unilatérale de vente

Là encore, cette exclusion du pacte de préférence du champ d’application de cette disposition s’explique par le fait que le promettant n’a pas donné son consentement définitif à l’acte de vente, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’informer les tiers de la sortie d’un bien immobilier de son patrimoine.

Dans un arrêt du 16 mars 1994, la Cour de cassation a estimé en ce sens que « le pacte de préférence, qui s’analyse en une promesse unilatérale conditionnelle, ne constitue pas une restriction au droit de disposer » (Cass. 3e civ. 16 mars 1994, n°91-19.797).

Cass. 3e civ. 16 mars 1994

Sur le moyen unique du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Vu les articles 28-2 et 37-1 du décret du 4 janvier 1955 ;

Attendu que peuvent être publiées au bureau des hypothèques de la situation des immeubles qu’elles concernent, pour l’information des usagers, les promesses unilatérales de vente et les promesses unilatérales de bail de plus de 12 ans ;

Attendu selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 25 juin 1991), que, par acte du 23 novembre 1988, publié le 12 mai 1989, Mme X… a accordé à la société Morillon-Corvol une concession d’extraction de matériaux sur deux parcelles, puis, a, par acte authentique du 6 février 1989, publié le 10 mars 1989, consenti un pacte de préférence de vente sur ces mêmes parcelles, à Mme Y…, agissant comme gérant de la société civile immobilière Les Sauts de l’Aigle (la SCI) ;

Attendu que, pour déclarer le contrat de foretage bénéficiant à la société Morillon-Corvol inopposable à la SCI, l’arrêt retient que tout pacte de préférence constituant une restriction au droit de disposer, soumise à publicité obligatoire en application de l’article 28-2 du décret du 4 janvier 1955, le pacte consenti à la SCI était opposable aux tiers à compter du 10 mars 1989, date de la publication ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le pacte de préférence, qui s’analyse en une promesse unilatérale conditionnelle, ne constitue pas une restriction au droit de disposer, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 25 juin 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse

III) L’inexécution du pacte de préférence

Le pacte de préférence est un contrat. Il en résulte qu’il est pourvu de la force obligatoire, conformément aux articles 1193 et suivants du Code civil. Dès lors, en cas d’inexécution, le débiteur engage sa responsabilité contractuelle.

Reste à déterminer en quoi la violation du pacte de préférence peut-elle consister.

A) Les cas d’inexécution du pacte de préférence

Afin d’identifier les différents cas de violation du pacte de préférence, il convient de se placer successivement du point de vue des trois protagonistes du pacte :

  • Du point de vue du promettant
    • Lorsque le promettant décide de vendre le bien, objet du droit de priorité, il doit se tourner vers le bénéficiaire du pacte et engager avec lui des négociations
      • Si les négociations aboutissent et que le bénéficiaire accepte l’offre du promettant, le contrat de vente projeté devient définitif
      • Si les négociations n’aboutissent pas, le promettant redevient libre de formuler une offre à un tiers, sans pour autant porter atteinte au pacte de préférence
    • Aussi, du point de vue du promettant, la violation du pacte de préférence se produira dans deux cas :
      • Soit le promettant a conclu le contrat de vente avec un tiers sans engager de négociations avec le bénéficiaire du pacte, soit en violation de son droit de priorité
      • Soit le promettant, après avoir engagé des négociations avec le bénéficiaire du pacte, lesquelles n’ont pas abouti, a formulé une offre plus favorable au tiers (Cass. 3e civ. 29 janv. 2003, n°01-03.707).
  • Du point de vue du bénéficiaire
    • Trois hypothèses peuvent être envisagées :
      • Le bénéficiaire peut purement et simplement accepter l’offre qui lui a été faite par le promettant.
        • Le contrat de vente est alors valablement conclu.
        • Le bénéficiaire ne peut alors plus se rétracter, ce en vertu, non pas du pacte de préférence, mais du contrat de vente qui a été valablement formé
      • Le bénéficiaire peut également, après avoir négocié avec le promettant, refuser in fine l’offre qui lui est faite.
        • Dans cette hypothèse, la rencontre de l’offre et de l’acceptation ne s’est pas réalisée, de sorte que le contrat de vente n’a pas pu valablement se former
        • Le promettant redevient livre de contracter avec un tiers
      • Le bénéficiaire peut enfin, avant que le promettant ne lui adresse une offre, renoncer au droit de priorité qui lui a été consenti, alors même que ce dernier envisage de vendre le bien sur lequel porte le pacte de préférence.
        • Dans cette hypothèse, aucun manquement ne peut être reproché au bénéficiaire, dans la mesure où, à aucun moment, il n’a donné son consentement définitif à l’acte de vente.
        • Le promettant redevient, là encore, livre de contracter avec un tiers
    • Au total, dans la mesure où le bénéficiaire dispose d’un droit potestatif, il ne saurait engager sa responsabilité en cas de renoncement quant à l’exercice du son droit de priorité.
  • Du point de vue du tiers
    • Principe
      • En vertu du principe de l’effet relatif des conventions, le pacte de préférence ne crée aucune obligation à l’égard des tiers.
      • Dès lors, dans l’hypothèse où le tiers conclurait le contrat de vente avec le promettant en violation du droit de priorité du bénéficiaire, le tiers ne saurait engager sa responsabilité
    • Exception
      • Quid dans l’hypothèse où le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence ? Engage-t-il sa responsabilité en sa qualité de complice de l’inexécution du pacte ?
      • Si, conformément à l’article 1199 les contrats ne produisent d’effets qu’à l’égard des seules parties, l’article 1200 ajoute que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat »
      • Le tiers qui, par conséquent, a connaissance de l’existence d’un pacte de préférence, ne saurait contracter avec le promettant sans s’assurer, au préalable, que ce dernier a satisfait à son obligation de négocier, en priorité, avec le bénéficiaire du pacte
      • À défaut, il engage sa responsabilité délictuelle
      • Aussi, afin de se prémunir d’une action en responsabilité, il lui appartient d’interroger le bénéficiaire sur ses intentions quant à l’exercice de son droit de priorité
    • L’action interrogatoire
      • L’article 1123, al. 3 du Code civil, introduit par l’ordonnance du 10 février 2016 prévoit que « le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et s’il entend s’en prévaloir. »
      • Le tiers peut donc, en quelque sorte, inviter le bénéficiaire du pacte à opter.
      • Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une simple invitation puisque l’alinéa 4 de l’article 1123 précise que « l’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité du contrat »
      • En d’autres termes, le tiers peut imposer au bénéficiaire du pacte d’opter dans un délai – raisonnable – à défaut de quoi l’offre qui lui a été faite par le promettant deviendra caduque
      • Une fois le délai d’option écoulé, le tiers sera, par conséquent, en droit de se substituer au bénéficiaire, sans risquer d’engager sa responsabilité et par là même celle du promettant.
      • On peut toutefois se demander si le tiers aura véritablement intérêt à exercer cette action interrogatoire, dans la mesure où, dans cette hypothèse, il sera présumé irréfragablement connaître l’existence du pacte de préférence.
      • Aussi, dans la mesure où la mise en œuvre de sa responsabilité est subordonnée à l’établissement de sa mauvaise foi, il aura tout intérêt à feindre son ignorance du pacte de préférence, à charge pour le bénéficiaire de prouver qu’il en avait effectivement connaissance.
      • Immédiatement, une question alors se pose : doit-on présumer que le tiers qui n’a pas exercé son action interrogatoire est présumé de mauvaise foi ou s’agit-il là d’une simple faculté de sorte que la charge de la preuve pèsera toujours sur le bénéficiaire ?

B) La sanction de l’inexécution du pacte de préférence

Aux termes de l’article 1123, al. 2 du Code civil « lorsqu’un contrat est conclu avec un tiers en violation d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. Lorsque le tiers connaissait l’existence du pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce dernier peut également agir en nullité ou demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu. »

Il ressort de cette disposition que plusieurs sortes de sanctions sont susceptibles d’être prononcées en cas de violation du pacte de préférence :

?L’octroi de dommages et intérêts

En cas de violation du pacte de préférence, l’article 1123, al. 2 prévoit, avant toute chose, que « le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi ».

Le bénéficiaire pourra alors se retourner :

  • D’une part, contre le promettant sur le fondement de la responsabilité contractuelle
  • D’autre part, contre le tiers de mauvaise foi sur le fondement de la responsabilité délictuelle

La réparation du préjudice subi se traduira, dans les deux cas, par l’octroi de dommages et intérêts au bénéficiaire du pacte.

?La nullité du contrat conclu en violation du pacte

Deux hypothèses doivent être distinguées :

  • Le tiers est de bonne foi
    • Le tiers de bonne foi est celui qui ignore l’existence du pacte de préférence
    • Dans cette hypothèse, le pacte de préférence lui est inopposable, quand bien même il aurait fait l’objet d’une mesure de publicité, car il s’agit là d’une formalité facultative
    • Dès lors, non seulement le tiers n’engage pas sa responsabilité, mais encore le contrat conclu avec le promettant n’encourt pas la nullité.
    • Quand bien même le droit de priorité du bénéficiaire a été violé, cela ne l’autorise pas à remettre en cause un contrat valablement formé.
  • Le tiers est de mauvaise foi
    • Le tiers de mauvaise foi est celui qui avait connaissance du pacte de préférence
      • Charge de la preuve
        • La question se pose alors de savoir sur qui pèse la charge de la preuve ?
        • Aux termes de l’article 2274 du Code civil « la bonne foi est toujours présumée » et que « c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver »
        • Eu égard à cette disposition, la charge de la preuve devrait donc peser sur le bénéficiaire du pacte de préférence
        • Toutefois, l’action interrogatoire introduite par le législateur à la faveur du tiers conduit à se demander comme évoqué précédemment si le tiers qui n’a pas exercé son action interrogatoire est présumé de mauvaise foi ou s’agit-il là d’une simple faculté de sorte que la charge de la preuve pèsera toujours sur le bénéficiaire ?
        • L’article 1123 est silencieux sur ce point, tout autant que le rapport du président de la république.
        • Il faudra donc attendre que la Cour de cassation se prononce.
      • Nullité
        • dès lors que la mauvaise foi du tiers est établie, le bénéficiaire du pacte de préférence peut solliciter la nullité du contrat conclu en violation de son droit de priorité (V. en ce sens Cass. req., 15 avr. 1902)
      • Conditions
        • Le prononcé de la nullité est subordonné à la satisfaction de deux conditions cumulatives, lesquelles ont toutes les deux été reprises par l’ordonnance du 10 février 2016 :

?La substitution du bénéficiaire au tiers

En cas de mauvaise foi du tiers, l’article 1123, al. 2 prévoit que le bénéficiaire du pacte de préférence a la faculté, en plus de solliciter la nullité du contrat, « de demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu ».

Ainsi, le législateur a-t-il consacré la jurisprudence de la Cour de cassation qui jusqu’en 2006 avait toujours refusé d’admettre que le bénéficiaire puisse se substituer au tiers acquéreur de mauvaise foi en cas de violation du pacte de préférence :

  • La position antérieure de la Cour de cassation
    • Dans un arrêt abondamment commenté du 30 avril 1997, la Cour de cassation avait d’abord estimé que, dans la mesure où « toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur » la violation d’un pacte de préférence ne pouvait donner lieu qu’à l’octroi de dommages et intérêts (Cass. 1ère civ. 30 avr. 1997, n°95-17.598).
    • Pour la première chambre civile, la substitution du bénéficiaire du pacte de préférence au tiers acquéreur était donc totalement exclue.
    • La position adoptée par la Cour de cassation reposait sur deux idées principales
      • En premier lieu, la conclusion du pacte de préférence créerait à la charge du promettant une obligation de ne pas faire – et non de donner – si bien que l’exécution en nature serait impossible, l’ancien article 1142 du Code prévoyant qu’une telle obligation se résout exclusivement en dommages et intérêts
        • À cet argument il a été opposé par une partie de la doctrine que l’ancien article 1143 offrait la possibilité d’une exécution en nature en cas de violation d’une obligation de ne pas faire.
      • En second lieu, il a été avancé que la violation du pacte de préférence témoignerait de l’absence de volonté du promettant de contracter avec le bénéficiaire du pacte de préférence. Or on ne saurait contraindre une personne à contracter sans qu’elle y ait consenti
        • Il s’agirait donc là d’un obstacle rédhibitoire à la substitution
        • La doctrine a néanmoins objecté que le promettant avait bel et bien exprimé son consentement, puisqu’il a précisément conclu un contrat de vente avec le tiers acquéreur.
        • Or dès lors qu’il fait le choix de vendre, il ne peut contracter qu’avec le bénéficiaire du pacte de préférence
        • La Cour de cassation semble manifestement avoir été sensible à ce dernier argument, puisqu’elle est revenue en 2006 sur sa position.

Cass. 1ère civ. 30 avr. 1997

Attendu qu’après avoir formé un recours en cassation le 28 juillet 1995, contre un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 7 avril 1995, la société Office européen d’investissement a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 18 décembre 1995 qui a désigné M. X… en qualité de liquidateur ; que le mémoire du demandeur a été remis au secrétariat-greffe et signifié le 26 décembre 1995, au nom de la société OFEI et que le liquidateur n’a repris l’instance que le 7 novembre 1996 après l’expiration du délai de 5 mois à compter de sa désignation prévue à l’article 978 du nouveau Code de procédure civile ; d’où il suit que la déchéance du pourvoi est encourue ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi provoqué :

Vu l’article 1142 du Code civil ;

Attendu que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution de la part du débiteur ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 7 avril 1995), que, suivant un acte du 13 novembre 1990, la société Imprimerie H. Plantin a donné à bail des locaux à l’association Médecins du Monde (l’association) ; que l’acte comportait une clause aux termes de laquelle ” en cas de vente de l’immeuble le droit de préemption sera en priorité accordé par le bailleur au preneur ” ; que, par acte authentique du 13 février 1991, la société Imprimerie H. Plantin a vendu les locaux à la société Office européen d’investissement (OFEI) moyennant un prix de 7 000 000 francs ; que la société Sofal est intervenue à l’acte pour consentir un prêt à l’acquéreur ; que, le 20 février 1991, la société OFEI a fait une offre de vente des locaux à l’association moyennant le prix de 14 500 000 francs ; que, après avoir refusé d’acquérir les locaux en l’état, l’association a donné son accord, le 28 octobre 1991, pour les acquérir au prix de 9 500 000 francs, la vente devant intervenir le 14 décembre 1991 au plus tard ; que l’association a assigné les sociétés imprimerie H. Plantin et OFEI en annulation de la vente du 13 février 1991 et en substitution avec remboursement des sommes versées au titre des loyers ; que la société Sofal est intervenue à l’instance ;

Attendu que, pour dire que l’association est substituée à la société OFEI dans la vente aux prix et conditions de celle-ci, l’arrêt retient que les droits du bénéficiaire d’un pacte de préférence sont opposables au tiers acquéreur du bien dans la mesure où celui-ci a commis une fraude ; qu’en l’espèce la collusion entre la société Imprimerie H. Plantin et la société OFEI est évidente et leur mauvaise foi caractérisée et qu’il sera fait droit à la demande de l’association tendant à voir confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné sa substitution dans la vente litigieuse ;

Qu’en statuant ainsi la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CONSTATE la déchéance du pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 avril 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles

  • Le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation
    • Dans un arrêt du 26 mai 2006 la Cour de cassation, réunie en chambre mixte est revenue sur sa position initiale en estimant que « le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur » (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n°03-19.376).
    • Très attendue, la solution adoptée par la Cour de cassation a été saluée par une grande majorité de la doctrine à une réserve près :
    • La Cour de cassation affirme que le bénéficiaire d’un pacte de préférence peut exiger l’annulation du contrat « ET » cumulativement obtenir sa substitution à l’acquéreur.
    • Or cela est impossible dans la mesure où par définition, une fois annulé, le contrat est anéanti rétroactivement de sorte que le bénéficiaire ne peut pas devenir partie à un contrat qui n’existe plus.
    • La substitution exige que le contrat soit maintenu pour opérer.
    • En conséquence, le bénéficiaire du pacte de préférence ne disposera que d’un choix alternatif :
      • Soit il sollicitera la nullité du contrat
      • Soit il sollicitera sa substitution au tiers acquéreur

Cass. ch. mixte, 26 mai 2006

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Papeete, 13 février 2003), qu’un acte de donation-partage dressé le 18 décembre 1957 et contenant un pacte de préférence a attribué à Mme Adèle A… un bien immobilier situé à Haapiti ; qu’une parcelle dépendant de ce bien a été transmise, par donation-partage du 7 août 1985, rappelant le pacte de préférence, à M. Ruini A…, qui l’a ensuite vendue le 3 décembre 1985 à la SCI Emeraude, par acte de M. B…, notaire ; qu’invoquant une violation du pacte de préférence stipulé dans l’acte du 18 décembre 1957, dont elle tenait ses droits en tant qu’attributaire, Mme X… a demandé, en 1992, sa substitution dans les droits de l’acquéreur et, subsidiairement, le paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que les consorts X… font grief à l’arrêt d’avoir rejeté la demande tendant à obtenir une substitution dans les droits de la société Emeraude alors, selon le moyen :

1 / que l’obligation de faire ne se résout en dommages-intérêts que lorsque l’exécution en nature est impossible, pour des raisons tenant à l’impossibilité de contraindre le débiteur de l’obligation à l’exécuter matériellement ; qu’en dehors d’une telle impossibilité, la réparation doit s’entendre au premier chef comme une réparation en nature et que, le juge ayant le pouvoir de prendre une décision valant vente entre les parties au litige, la cour d’appel a fait de l’article 1142 du code civil, qu’elle a ainsi violé, une fausse application ;

2 / qu’un pacte de préférence, dont les termes obligent le vendeur d’un immeuble à en proposer d’abord la vente au bénéficiaire du pacte, s’analyse en l’octroi d’un droit de préemption, et donc en obligation de donner, dont la violation doit entraîner l’inefficacité de la vente conclue malgré ces termes avec le tiers, et en la substitution du bénéficiaire du pacte à l’acquéreur, dans les termes de la vente ; que cette substitution constitue la seule exécution entière et adéquate du contrat, laquelle ne se heurte à aucune impossibilité ; qu’en la refusant, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1138 et 1147 du code civil ;

3 / qu’en matière immobilière, les droits accordés sur un immeuble sont applicables aux tiers dès leur publication à la conservation des hypothèques ; qu’en subordonnant le prononcé de la vente à l’existence d’une faute commise par l’acquéreur, condition inutile dès lors que la cour d’appel a constaté que le pacte de préférence avait fait l’objet d’une publication régulière avant la vente contestée, la cour d’appel a violé les articles 28, 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955 ;

Mais attendu que, si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ; qu’ayant retenu qu’il n’était pas démontré que la société Emeraude savait que Mme X… avait l’intention de se prévaloir de son droit de préférence, la cour d’appel a exactement déduit de ce seul motif, que la réalisation de la vente ne pouvait être ordonnée au profit de la bénéficiaire du pacte ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi

  • L’ordonnance du 10 février 2016
    • En consacrant la solution retenue par la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mai 2006, le législateur a rectifié la maladresse de rédaction des juges en remplaçant la conjonction de coordination « ET » par « OU ».
    • Ainsi, les sanctions que constituent la nullité et la substitution sont-elles bien alternatives et non cumulatives.
    • Quant aux conditions de mise en œuvre de la substitution du bénéficiaire au tiers acquéreur, elles sont identiques à celle exigées en matière de nullité.
    • Autrement dit, ces conditions – cumulatives – sont au nombre de deux :
      • Le tiers acquéreur doit avoir eu connaissance de l’existence du pacte de préférence
      • Le tiers acquéreur doit avoir eu connaissance de l’intention du bénéficiaire d’exercer son droit de priorité