Le bail d’habitation : contenu du contrat – les impératifs

Le contenu du contrat de bail est strictement réglementé. La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 prescrit toute une série d’impératifs relativement à la durée du contrat (1), au prix du contrat (2) et aux mentions et annexes qui participent du contrat de bail (3).

1.- La durée du contrat

Détermination.- Si le bailleur est une personne physique, le contrat est conclu pour une durée minimale de 3 ans tandis que si le bailleur est une personne morale (une entreprise pour le dire très simplement), le contrat est nécessairement conclu a minima pour 6 années (art. 10). En la matière, la notion de bailleur personne physique est comprise très largement : si le contrat de bail est conclu avec une société civile immobilière (familiale) – c’est-à-dire une personne morale – la durée impérative est de 3 années. La solution est identique si la chose donnée à bail est un bien indivis.

Reconduction.- Désireux de garantir le preneur à bail, le législateur a strictement encadré les modalités de résiliation du contrat à l’initiative du bailleur. L’article 10, al. 2 dispose en ce sens « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l’article 15 (le congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux comme, par exemple, le défaut de paiement du loyer), le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé ». Et si, aucune initiative n’est prise au terme du contrat, le preneur reste en place pour une durée égale à la durée initiale (3 ou 6 ans).

Renouvellement.- Le bailleur peut préférer continuer la relation contractuelle avec le locataire. Dans ce cas de figure, il adresse au locataire une offre de renouvellement, qui s’analyse en une offre de nouveau bail à des conditions différentes de l’ancien (relativement au prix en pratique). L’offre de renouvellement concernant le plus souvent le loyer, on l’envisagera dans un article intitulé « Le bail d’habitation des logements non meublés : les obligations du preneur ». En tout état de cause, si le bail est renouvelé, il est soumis aux prescriptions de durée de l’art. 10 : 3 ou 6 ans.

Dérogations.- Protection (de la sécurité) du preneur à bail oblige – c’est le sens de la loi –, les durées minimales de 3 et 6 ans sont d’ordre public. Les parties ne sauraient donc y déroger valablement. Cela étant, il faut bien avoir à l’esprit que rien ne les empêchent de prévoir une durée plus longue. La loi dit en ce sens, pour faciliter sa compréhension, que la durée du contrat est au moins de 3 ou 6 ans. Il existe cependant une possibilité de réduire la durée légale (art. 11). Cette possibilité, extrêmement limitative, n’est ouverte qu’au bailleur personne physique, qui peut conclure un bail de 1 à 3 ans si un événement précis justifie qu’il ait à reprendre le local pour des raisons personnelles ou familiales (ex. départ à la retraite, retour en France après une mission à l’étranger, logement de l’un de ses enfants). Le contrôle des tribunaux est strict. Pour obtenir la libération du logement, le bailleur doit confirmer deux mois avant la fin de la durée réduite la réalisation de l’événement, qui a motivé la conclusion du bail dérogatoire. Il faut qu’il puisse en rapporter la preuve. Si l’événement ne s’est pas produit, ou s’il n’a pas été notifié dans les formes, le bail se poursuit dans les conditions de la loi : 3 ans. Si l’événement est différé, le bailleur peut, dans les mêmes formes, mais une seule fois, proposer le report de la fin du bail.

2.- Le prix du contrat

Encadrement.- Imposés, libérés, encadrés, voilà une devise qui ne dit pas son nom mais qui atteste combien l’arbitrage des intérêts légitimes mais contradictoires des bailleur et preneur à bail est compliqué à faire (voy. l’article : « Le bail d’habitation des logements non meublés – contrat vs statut »). Aux terme de la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), le législateur renoue avec l’encadrement des loyers (v. aussi D. n° 2012-894, 20 juill. 2012). Pour échapper sans doute à la censure du Conseil constitutionnel, plus précisément au grief tiré de la violation du principe de liberté contractuelle, les loyers ne sauraient être encadrés en général, mais bien plutôt dans les seules « zones d’urbanisation continue de plus de 50.000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, entraînant des difficultés sérieuses d’accès au logement sur l’ensemble du parc résidentiel existant (art. 17) ». Auparavant, et il n’est pas inutile d’en dire un mot tant les intentions du législateur sont belles et les réalisations déceptives, la loi distinguait les logements pour lesquels le loyer était fixé librement (art. 17a) et ceux pour lesquels le loyer était fixé par référence aux loyers pratiqués dans le voisinage (art. 17b). Seulement voilà, l’art. 17b ne prévoyait son application que jusqu’au 31 juillet 1997, date à laquelle devait être présenté un rapport d’exécution par le gouvernement en vue de décider de la suite des événements en comparant l’évolution des loyers des deux secteurs… ledit rapport n’ayant jamais été présenté, aucune décision n’a été prise… si bien qu’à compter du 31 juillet 1997, la fixation de tous les loyers était redevenue libre ! On comprendra mieux l’objet de la réforme !

Le décret n° 2019-315 du 12 avril 2019 (pris en application de l’article 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) et un arrêté préfectoral du 28 mai 2019 prévoient l’application d’un loyer de référence pour chaque bail signé sur le territoire de la ville de Paris à partir du 1er juillet 2019. Ce loyer de référence est fixé en fonction du type du logement, de la localisation et de l’année de construction de l’immeuble.

Blocage.- L’article 18 met en place un régime de crise en autorisant le pouvoir réglementaire à fixer annuellement le montant maximal d’évolution des loyers sur une partie du territoire. Le blocage ne concerne que le loyer des locaux vacants et les loyers de renouvellement. Ces décrets interdisent le plus souvent toute augmentation. Le dernier texte réglementaire en date est le décret n° 2018-549 du 28 juin 2018 relatif à l’évolution de certains loyers dans le cadre d’une nouvelle location ou d’un renouvellement de bail.

Révision.- Il est possible d’indexer le loyer (art. 17-1), la révision intervenant annuellement, à la date convenue entre les parties ou à la date anniversaire du contrat. L’indice choisi est libre, mais la variation qui en résulte ne peut excéder celle de l’indice de référence des loyers publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (IRL – moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors loyers et hors tabac). L’idée est, pour le législateur, de trouver des indices minorant le plus possible l’évolution des loyers, ce qui est délicat en période de crise, d’où la succession des réglementations sur le sujet.

Renouvellement.- Un bail renouvelé est un nouveau bail. Une nouvelle fixation du loyer peut donc intervenir à cette occasion. Elle est réglementée par l’art. 17-2. Le principe est d’abord qu’une réévaluation du loyer n’est envisageable que si le loyer du bail en cours est manifestement sous-évalué. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, le bailleur peut adresser au locataire une offre de renouvellement, qui doit intervenir au plus tard six mois avant la date d’expiration du bail. La sanction est la nullité de l’offre. Pour éviter que le locataire soit contraint d’accepter l’offre ou de partir, la loi interdit au bailleur qui souhaite la réévaluation de donner congé pour la même date. L’offre doit contenir, à peine de nullité, le montant du loyer proposé ainsi que la mention de trois loyers de références représentatifs des loyers habituellement constatés dans le voisinage pour des logements comparables (art. 17-2, I, al. 5). Ce sont 6 loyers de références qu’il faut présenter lorsque le logement se situe dans une agglomération de plus d’un million d’habitants listée par décret (al. 6).

À la réception de l’offre, de deux choses l’une : soit le locataire est d’accord pour conserver le logement : le bail est renouvelé au terme, aux nouvelles conditions ; soit le locataire manifeste son désaccord ou ne répond pas dans les deux mois – ce qui est équivalent à un désaccord (qui ne dit mot ne consent pas). – Dans ce second cas de figure, le bailleur doit saisir la commission départementale de conciliation (instance paritaire composée de représentants des bailleurs et de représentants des locataires). Si la conciliation est un succès, le bail est renouvelé aux conditions de la conciliation. Si la conciliation échoue, le bailleur doit saisir le tribunal d’instance avant le terme du bail, qui fixera le loyer de renouvellement par voie judiciaire. Si le juge n’est pas saisi avant le terme du bail, celui-ci est tacitement reconduit au loyer initial.

3.- Les mentions et annexes

3.a.- Les mentions obligatoires (art. 3)

« Le contrat de location est établi par écrit. Il respecte un contrat type défini par décret en Conseil d’Etat, en l’occurrence le décret n° 2015-587 du 29 mai 2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale. A noter que chaque partie peut exiger de l’autre partie, à tout moment, l’établissement d’un contrat conforme à l’article 3 de la loi de 1989.

A noter encore, mais la remarque est de nature méthodologique, que l’article 3 a été notablement corrigé par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Ceci pour rappeler qu’il importe en toute circonstance de consulter le site Internet proposé par le service public de diffusion du droit en ligne www.legifrance.gouv.fr et de ne jamais se limiter à la consultation des éditions papiers des codes publiés par les éditeurs juridiques.

Il doit préciser :

1° Le nom ou la dénomination du bailleur et son domicile ou son siège social ainsi que, le cas échéant, ceux de son mandataire ;

2° Le nom ou la dénomination du locataire ;

3° La date de prise d’effet et la durée ;

4° La consistance, la destination ainsi que la surface habitable de la chose louée, définie par le code de la construction et de l’habitation ;

5° La désignation des locaux et équipements d’usage privatif dont le locataire a la jouissance exclusive et, le cas échéant, l’énumération des parties, équipements et accessoires de l’immeuble qui font l’objet d’un usage commun, ainsi que des équipements d’accès aux technologies de l’information et de la communication ;

6° Le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle ;

7° (Abrogé) ;

8° Le montant et la date de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail ;

9° La nature et le montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement du bail ;

10° Le montant du dépôt de garantie, si celui-ci est prévu.

3.b.- Les annexes impératives (art. 3-2)

Un état des lieux doit être établi et nécessairement annexé au contrat de bail (art. 3-2, al. 1 in fine). Si aucun état des lieux n’est fait, le preneur est présumé avoir pris le logement en bonne état de réparations locatives  (application du droit commun du bail, droit de substitution, en l’occurrence l’article 1731 c.civ. Voy. l’article « Le bail de droit commun… »). La présomption ne saurait toutefois profiter à la partie qui a fait obstacle à l’établissement de l’état des lieux ou bien à la remise de l’acte. Disons concrètement que le bailleur, qui sait qu’il y a matière à redire sur le logement donné à bail, ne saurait profiter de la présomption précitée pour la seule raison qu’il se serait bien gardé de faire un état des lieux !

Cette question de l’état des lieux est source d’un abondant contentieux. Le législateur s’en est donc préoccupé. L’article 3-2 fixe les règles applicables en la matière. Il importe aux parties d’établir contradictoirement et amiablement un état des lieux. Elles peuvent procéder en personnes ou bien par un tiers mandaté à cet effet. Si l’état des lieux ne peut être établi de cette manière, qui est relativement simple, il est établi par un huissier de justice sur l’initiative de la partie la plus diligente. Dans ce cas de figure, les frais (qui sont fixés par décret) sont partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. Toute clause contraire serait réputée non écrite (art. 4 k). Et la loi de réserver au preneur à bail la possibilité de demander au bailleur que l’état des lieux d’entrée soit complété dans les 10 jours qui suivent son établissement. Quelle est l’idée ? Eh bien qu’une fois installé dans le logement, les préoccupations du déménagement derrière lui et la jouissance de la chose entamée, le locataire puisse notifier tel ou tel défaut, qui n’avait pas été relevé, défaut pourrait lui être imputé à faute à l’occasion de la restitution de la chose. Une possibilité identique est prévue dans le premier mois de la période de chauffe de l’immeuble. Si le bailleur s’oppose à cette correction de l’état des lieux, le locataire est alors fondé à saisir la commission départementale de conciliation territorialement compétente (ressort : le département).

Les diagnostics techniques doivent également être annexés au contrat de bail. L’article art. 3-3 est explicite : « Un dossier de diagnostic technique, fourni par le bailleur, est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son renouvellement et comprend :

1° Le diagnostic de performance énergétique prévu à l’article L. 134-1 c. constr. hab.

2° Le constat de risque d’exposition au plomb prévu aux articles L. 1334-5 et L. 1334-7 c. santé publ.

3° Une copie d’un état mentionnant l’absence ou, le cas échéant, la présence de matériaux ou produits de la construction contenant de l’amiante (…)

4° Un état de l’installation intérieure d’électricité et de gaz, dont l’objet est d’évaluer les risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent 4° ainsi que les dates d’entrée en vigueur de l’obligation en fonction des enjeux liés aux différents types de logements, dans la limite de six ans à compter de la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Dans les zones mentionnées au I de l’article L. 125-5 c. envir., le dossier de diagnostic technique est complété à chaque changement de locataire par l’état des risques naturels et technologiques.

Le dossier de diagnostic technique est communiqué au locataire par voie dématérialisée, sauf opposition explicite de l’une des parties au contrat.

Le locataire ne peut se prévaloir à l’encontre du bailleur des informations contenues dans le diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur informative.

Le propriétaire bailleur tient le diagnostic de performance énergétique à la disposition de tout candidat locataire.

Une notice d’information relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu’aux voies de conciliation et de recours qui leur sont ouvertes pour régler leurs litiges est annexée au contrat de location.Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice.

Le bail de droit commun : extinction

Le bail s’éteint du fait de trois séries de circonstances :

Arrivée du terme du contrat (1)

Perte de la chose louée (2)

Résolution pour inexécution (3)

1.- L’arrivée du terme

Principe.- Le bail s’éteint par l’arrivée du terme, sans qu’il soit nécessaire de donner congé (art. 1737 c.civ.).

La règle ne vaut bien sûr que pour les baux à durée déterminée, les baux à durée indéterminée ne comportant pas de terme extinctif. Il faut ici donner congé pour mettre fin au bail, le congé produisant effet dans le respect du préavis fixé par l’usage des lieux (art. 1736 c.civ.).

Reconduction tacite.- Mais le bail est tacitement reconduit si le preneur reste en possession à l’expiration du bail (art. 1738 c.civ.), sous la seule réserve que le bail soit écrit (mais on sait que le code civil assimile les baux écrits aux baux à durée déterminée, ce n’est donc pas forcément une condition. Voy. not. l’article « Le bail de droit commun : preuve du contrat »).

Il faut ici préciser, et la remarque est essentielle, que l’ancien bail prend fin par l’arrivée du terme : le bail reconduit est un nouveau contrat, qui se forme par une manifestation tacite de volonté. Mais de la volonté tacite (il arrive que certaines circonstances donnent au comportement des parties la valeur d’une volonté contractuelle) à la volonté présumée, il n’y a qu’un pas.

Plus exactement, le fait pour le preneur de se maintenir dans les lieux est une offre de reconduction du bail, que le bailleur est présumé accepter s’il ne dit rien. Autrement dit, si la volonté du preneur est tacite, celle du bailleur est présumée. Il semble alors qu’il y ait ici, sinon une exception, au moins une atténuation au principe selon lequel le silence ne vaut pas acceptation. Et on trouve de ce fait des arrêts qui décident que la présomption de reconduction cesse dès qu’il apparaît que le propriétaire a manifesté la volonté de mettre fin au contrat (ex. Cass. 1ère civ., 20 févr. 1996, Loyers et copropriété 1997, n° 34). Autrement dit, le bailleur doit dire un mot pour ne pas consentir… C’est plutôt singulier !

Effets.- Le bail reconduit est un bail à durée indéterminée ; c’est ce qui résulte de l’art. 1738 c.civ. qui dispose que les conditions du nouveau bail sont réglées « par l’article relatif aux locations faites sans écrit » ; or le code civil assimile les baux verbaux à des CDI.

Reconduction, prorogation et renouvellement.- Il faut bien distinguer la reconduction de la prorogation et du renouvellement. Pour mémoire :

Reconduction = conclusion d’un nouveau bail aux mêmes conditions de l’ancien ;

Prorogation = accord de volonté des parties pour repousser le terme extinctif du bail en cours ;

Renouvellement = conclusion d’un nouveau bail à des conditions différentes de l’ancien, qui résulte d’une nouvelle convention des parties (le bailleur propose, le locataire accepte) qui cette fois ne peut pas être tacite.

2.- La perte de la chose louée

Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement (art. 1722 c.civ. / voy. encore art. 1741 c.civ.).

À noter que les textes parlent de résolution et de résiliation. Il vaudrait mieux parler de caducité. Il faut distinguer deux cas : 1. soit la chose est perdue[1] consécutivement à un événement de force majeure, alors le bail est éteint ou le prix réduit sans qu’aucune faute ne soit reprochée à quiconque. 2. Soit la chose est détruite consécutivement à la faute de l’une des parties, alors une responsabilité est encourue.

3.- La résolution pour inexécution

Résolution judiciaire.- Il ressort de l’article 1741 c.civ. que l’inexécution des obligations nées du bail est une cause d’anéantissement du contrat. Le texte parle de résolution (« résout »), terme qui désigne l’anéantissement rétroactif du contrat. Cette rétroactivité pose problème s’agissant d’un contrat à exécution successive, dans la mesure où elle impose aux parties de restituer tout ce qu’elles ont reçu en vertu du contrat pour être remises dans l’état où elles seraient si elles n’avaient pas contracté. Or si les loyers sont aisément restituables, la jouissance du bien ne l’est pas.

Cette constatation a fait préférer en jurisprudence la résiliation à la résolution : la résiliation n’anéantit le bail que pour l’avenir. Raison pour laquelle la jurisprudence utilise bien plus volontiers la résiliation. C’est du reste une solution d’opportunité qui a été retenue à l’occasion de la réforme du droit commun des contrats (art. 1229, al. 3, nouv. c.civ.).

Pour autant, la résolution n’a pas totalement disparu, ce qui fait douter du bien fondé de la substitution pure et simple de la résiliation à la résolution évoquée par le texte :

Il y a lieu à résolution rétroactive si c’est dès l’origine que le bail n’a pas été exécuté. Voy. par ex. Cass. 3ème civ., 30 avril 2003 (Bull. civ. III, n° 87 ; D. 2003. IR. 1408 : « si dans un contrat synallagmatique, la résiliation judiciaire n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, la résolution judiciaire pour absence d’exécution ou exécution imparfaite dès l’origine entraîne l’anéantissement rétroactif du contrat »).

La rétroactivité doit remonter à la date à laquelle l’exécution est devenue insatisfaisante (période d’exécution correcte pas remise en cause. C’est très précisément ce que prescrit le nouvel article 1229 du code civil.

À noter que cette résiliation ne pouvait être que judiciaire (art. 1184 c. civ.), et par suite soumise à une condition de gravité qui demeurait soumise à l’interprétation du juge. Raison pour laquelle, les parties étaient invitées à rédiger une clause résolutoire de plein droit aux termes de laquelle le simple manquement mettait fin au contrat sans intervention du juge. Les articles 1224 et suivants nouveaux du code civil ont très notablement modifié l’état du droit positif dans le dessein de faciliter la libération du créancier dont l’obligation a été mal exécutée par son cocontractant.

[1] La perte est une destruction physique de la chose objet du contrat ou bien une dégradation la rendant impropre à l’usage pour laquelle elle a été louée (ex. location d’un cheval de trait ; le cheval se coupe une jambe : il existe encore mais il ne peut plus rien tracter).

L’opposition à mariage: conditions, effets et mainlevée

==> Opposition / empêchement

L’opposition est l’acte par lequel celui qui connaît un empêchement au mariage, le signale à l’officier d’état civil en lui faisant défense de célébrer le mariage.

L’opposition a ainsi pour effet de faire obstacle à la célébration du mariage en raison de l’existence d’un empêchement à mariage.

Par empêchement, il faut entendre le non-respect d’une condition de formation du mariage.

C’est pourquoi il « empêche » la tenue de la célébration. La théorie des empêchements à mariage est assise sur l’idée qu’il convient d’agir en amont et de ne pas risquer que le mariage soit annulé après coup.

Une fois le mariage célébré, il n’est plus possible de revenir en arrière. Or la découverte, a posteriori, de la violation d’une condition de formation du mariage peut avoir des conséquences graves pour les époux.

S’il est dirimant, l’empêchement constitue, en effet, une cause de nullité de leur union.

==> Empêchements dirimants et empêchements prohibitifs

Classiquement, on distingue deux sortes d’empêchements :

  • L’empêchement dirimant
    • Il s’agit d’un l’empêchement relatif à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
  • L’empêchement prohibitif
    • Il s’agit d’un empêchement relatif à une condition dont le non-respect fait seulement obstacle à la célébration du mariage sans, pour autant, être de nature à entraîner la nullité du mariage

En toute hypothèse, que l’empêchement soit prohibitif ou dirimant il est une cause d’opposition à mariage, laquelle opposition doit être formée auprès de l’officier d’état civil.

Immédiatement une question alors se pose : quels sont les empêchements dirimants et quels sont les empêchements prohibitifs ?

Le Code civil ne nous fournit aucune liste de ces empêchements, ni aucun critère formel de distinction.

Pour les identifier, il convient alors de se reporter aux articles 180, 182 et 184 du Code civil, lesquels envisages les conditions de formation du mariage dont le non-respect est sanctionné par la nullité.

En application du principe général « pas de nullité sans texte », on peut en déduire quelles sont les conditions qui ne sont pas sanctionnées par l’anéantissement du mariage.

Il est alors possible d’opérer, à partir de cette déduction, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs.

À l’examen, seules deux conditions de formation du mariage ne sont pas sanctionnées par la nullité :

  • Défaut de publication des bans
  • L’existence d’une opposition en elle-même

Toutes les autres conditions sont susceptibles d’entraîner la nullité du mariage si elles ne sont pas respectées.

En pratique, la distinction entre les empêchements dirimants et les empêchements prohibitifs ne présente aucun intérêt.

En outre, aujourd’hui, l’opposition, qui était un moyen jadis pour les familles de mettre à mal les mariages qu’elles n’approuvaient pas, n’est que très exceptionnellement soulevée.

Son terrain de prédilection est désormais celui des mariages simulés, soit des mariages blancs.

De surcroît, pour former opposition, il faut remplir un certain nombre de conditions. Ses effets dans le temps sont, par ailleurs limités.

I) Les conditions de l’opposition

A) Les conditions de fond

Les conditions de fond tiennent :

  • D’une part, aux personnes qui ont qualité pour former opposition
  • D’autre part, aux motifs invoqués au soutien de l’opposition

==> Opposition du conjoint

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 172 du Code civil prévoit que « le droit de former opposition à la célébration du mariage appartient à la personne engagée par mariage avec l’une des deux parties contractantes.»
    • Cette disposition confère ainsi le droit de former opposition au conjoint non-divorce de l’un des futurs époux
  • Motif allégué
    • Le conjoint non divorcé du futur époux n’est fondé à former opposition que si le motif allégué a trait à la bigamie

==> Opposition des ascendants

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 173 du Code civil prévoit que « le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs.»
    • Cette disposition énonce un ordre hiérarchique des personnes qui ont qualité à former opposition parmi les ascendants des futurs époux :
      • Père et mère
      • À défaut, les grands-parents
      • À défaut, les aïeuls
  • Motif allégué
    • Les ascendants des futurs époux peuvent alléguer, au soutien de leur opposition, n’importe quel motif, dès lors qu’il s’agit de la violation d’une condition de formation du mariage.
    • Il peut donc s’agir de la bigamie, d’un vice du consentement, de la non-publication des bans ou encore du défaut d’autorisation parentale
  • Épuisement du droit d’opposition
    • L’alinéa 2 de l’article 173 prévoit que « après mainlevée judiciaire d’une opposition au mariage formée par un ascendant, aucune nouvelle opposition, formée par un ascendant, n’est recevable ni ne peut retarder la célébration »
    • Ainsi, les ascendants du futur époux ne peuvent former opposition à mariage qu’une seule fois
    • Il s’agit d’éviter que les ascendants forment tour à tour opposition afin d’empêcher la célébration du mariage

==> Opposition des collatéraux

  • Titularité du droit d’opposition
    • L’article 174 du Code civil prévoit que « à défaut d’aucun ascendant, le frère ou la sœur, l’oncle ou la tante, le cousin ou la cousine germains, majeurs, ne peuvent former aucune opposition que dans les deux cas suivants»
    • Il ressort de cette disposition que les collatéraux ne peuvent former opposition qu’à titre subsidiaire, soit à défaut d’ascendants.
    • Au sein du cercle des collatéraux, le législateur n’a pas institué d’ordre hiérarchique
  • Motif allégué
    • L’article 174 du Code civil prévoit que les collatéraux ne peuvent former opposition que dans deux cas précis :
      • Lorsque le consentement du conseil de famille, requis par l’article 159, n’a pas été obtenu
        • Il s’agit de l’hypothèse s’il n’y a ni père, ni mère, ni aïeuls, ni aïeules, ou s’ils se trouvent tous dans l’impossibilité de manifester leur volonté, les mineurs de dix-huit ans ne peuvent contracter mariage sans le consentement du conseil de famille
        • Cela suppose donc que le futur époux soit mineur et n’est plus d’ascendants
      • Lorsque l’opposition est fondée sur l’état de démence du futur époux
        • Il appartient toutefois à l’opposant de provoquer la tutelle des majeurs, et d’y faire statuer dans le délai qui sera fixé par le jugement.
        • À défaut, la mainlevée pure et simple de l’opposition pourra être prononcée

==> Opposition du tuteur et du curateur

  • Titularité de l’action
    • L’article 175 du Code civil prévoit que « le tuteur ou curateur ne pourra, pendant la durée de la tutelle ou curatelle, former opposition qu’autant qu’il y aura été autorisé par un conseil de famille, qu’il pourra convoquer. »
    • Il résulte de cette disposition que le tuteur et le curateur sont titulaires du droit de former opposition dans les mêmes conditions que les collatéraux, soit à défaut d’ascendants du futur époux, soit à titre subsidiaire
    • La référence au curateur est toutefois inopérante, dans la mesure où depuis la loi du 14 décembre 1964, le mineur émancipé n’est plus soumis au régime de la curatelle.
    • Quant à la curatelle des majeurs, elle ne comporte pas de conseil de famille
    • L’hypothèse visée n’a donc plus de sens
  • Motif allégué
    • Les motifs susceptibles d’être allégués par le tuteur sont :
      • Le défaut de consentement du conseil de famille, dans l’hypothèse où le futur époux est mineur et n’a plus d’ascendants
      • L’état de démence du futur époux

==> Opposition du ministère public

  • Titularité de l’action
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que « le ministère public peut former opposition pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage. »
    • Cette prérogative a été conférée au ministère public en particulier pour lutter contre les mariages simulés
  • Motif allégué
    • L’article 175-1 du Code civil prévoit que le ministère public ne peut former une opposition à mariage que pour les cas où il peut demander la nullité du mariage.
    • Ces cas ne sont autres que les empêchements dirimants, soit tous les empêchements relatifs à une condition dont le non-respect est sanctionné par la nullité du mariage
    • Aussi, le seul empêchement dont ne pourra pas se prévaloir le ministère public, c’est la non-publication des bans
  • Cas particulier des mariages de complaisance
    • L’article 175-2 du Code civil prévoit que « lorsqu’il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l’audition prévue par l’article 63, que le mariage envisagé est susceptible d’être annulé au titre de l’article 146 ou de l’article 180, l’officier de l’état civil peut saisir sans délai le procureur de la République.»
    • En cas de signalement au ministère public d’un mariage de complaisance, plusieurs étapes doivent être observées :
      • Première étape
        • Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine :
          • soit de laisser procéder au mariage
          • soit de faire opposition à celui-ci
          • soit de décider qu’il sera sursis à sa célébration, dans l’attente des résultats de l’enquête à laquelle il fait procéder.
      • Deuxième étape
        • Il fait connaître sa décision motivée à l’officier de l’état civil, aux intéressés.
        • La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.
      • Troisième étape
        • À l’expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l’officier de l’état civil s’il laisse procéder au mariage ou s’il s’oppose à sa célébration.
      • Quatrième étape
        • L’un ou l’autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance, qui statue dans les dix jours.
        • La décision du président du tribunal de grande instance peut être déférée à la cour d’appel qui statue dans le même délai.

B) Les conditions de forme

==> Notification de l’opposition

L’article 66 du Code civil prévoit que

  • D’une part, les actes d’opposition au mariage sont signés sur l’original et sur la copie par les opposants ou par leurs fondés de procuration, spéciale et authentique
  • D’autre part, ils sont signifiés, avec la copie de la procuration, à la personne ou au domicile des parties, et à l’officier de l’état civil, qui mettra son visa sur l’original.

Ainsi, l’opposition à mariage doit être formée par voie d’huissier.

==> Enregistrement de l’opposition

Aux termes de l’article 67 du Code civil, à réception de l’opposition, l’officier de l’état civil fait, sans délai, une mention sommaire des oppositions sur le registre des mariages

==> Contenu de l’acte d’opposition

L’article 176 du Code civil prévoit que tout acte d’opposition :

  • Énonce la qualité qui donne à l’opposant le droit de la former
  • Contient les motifs de l’opposition
  • Reproduit le texte de loi sur lequel est fondée l’opposition
  • Contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.

Toutefois, lorsque l’opposition est faite en application de l’article 171-4, soit en cas de mariage de complaisance, le ministère public fait élection de domicile au siège de son tribunal.

==> Sanctions

L’article 176, al. 2 prévoit que les exigences de forme sont prévues :

  • à peine de nullité de l’acte d’opposition
    • l’opposition sera alors sans effet
  • à peine de l’interdiction de l’officier ministériel qui a signé l’acte contenant l’opposition
    • L’huissier pourra ainsi refuser de prêter son concours à l’opposant

II) Les effets de l’opposition

==> La suspension de la célébration

L’article 68 du Code civil dispose que « en cas d’opposition, l’officier d’état civil ne pourra célébrer le mariage avant qu’on lui en ait remis la mainlevée, sous peine de 3 000 euros d’amende et de tous dommages-intérêts. »

Ainsi est-il fait défense à l’officier d’état civil, en cas d’opposition de procéder à la célébration du mariage.

C’est là tout l’intérêt même de l’opposition : faire obstacle à l’union des époux dont l’une des conditions de formation n’est pas remplie.

Il peut être observé que, l’officier d’état civil n’est pas le juge du bien-fondé du motif de l’opposition, quand bien même s’il a la conviction que l’empêchement allégué n’est pas justifié.

L’existence d’une opposition constitue, en elle-même, un motif de suspension de la célébration du mariage

En conséquence, l’officier d’état civil a, quel que soit le motif invoqué, l’obligation de ne pas célébrer le mariage. C’est au seul Juge qu’il appartiendra de se prononcer sur la mainlevée de l’opposition.

==> La durée de l’opposition

L’article 176, al. 3 du Code civil prévoit que « après une année révolue, l’acte d’opposition cesse de produire effet. »

Ainsi, l’opposition n’est valable qu’un an.

À l’expiration de ce délai elle devient caduque.

==> Le renouvellement de l’opposition

L’opposition peut, par principe, être renouvelée, à l’exception de deux cas :

  • Dans l’hypothèse où elle a été formée par un ascendant.
  • Dans l’hypothèse où la mainlevée judiciaire a été prononcée

III) La mainlevée de l’opposition

La mainlevée consiste en un retrait de l’opposition, soit à priver l’acte de son efficacité. Si la mainlevée est prononcée, le mariage peut, de nouveau être célébré.

Il existe deux sortes de mainlevée :

  • La mainlevée volontaire
    • La mainlevée est volontaire lorsque l’opposant consent à se désister, ce qu’il peut faire devant l’officier d’état civil au moment de la célébration
    • Ce dernier pourra néanmoins toujours refuser de célébrer le mariage, s’il estime que l’empêchement à mariage subsiste
  • La mainlevée judiciaire
    • La mainlevée est judiciaire lorsqu’elle est prononcée par un juge après que l’un des futurs époux a rapporté la preuve du mal-fondé de l’opposition
      • Procédure
        • Le tribunal de grande instance doit se prononcer dans les dix jours sur la demande en mainlevée formée par les futurs époux, même mineurs ( 177 C. civ.)
        • Si l’opposition est rejetée, les opposants, autres néanmoins que les ascendants, pourront être condamnés à des dommages-intérêts ( 179, al. 1 C. civ.)
      • Voies de recours
        • La décision du Juge est susceptible d’appel ( 178 C. civ.)
        • La Cour devra alors statuer également dans les dix jours
        • Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d’opposition.

La durée du contrat: régime juridique

Lors de l’adoption de la réforme des obligations, le législateur a décidé, dans le chapitre relatif aux effets du contrat de prévoir une partie consacrée à sa durée.

Cette partie (section 3 du chapitre IV) composée de six articles est donc une innovation de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Sous l’empire du droit antérieur, le Code civil ne comportait aucune disposition générale sur la durée des contrats.

Il n’envisageait que la question du terme dans la théorie générale (articles 1185 et suivants), alors même qu’il existe un contentieux important relatif à la durée des contrats à durée déterminée.

Le régime juridique de la durée du contrat s’est donc esquissé progressivement au gré de la jurisprudence, de la pratique contractuelle, et des dispositions spéciales.

Aussi, le législateur a-t-il eu pour ambition de codifier ces règles générales sur la durée du contrat afin, notamment, de clarifier les différences entre des notions proches en ce qu’elles concernent toutes la prolongation des contrats dans le temps, mais qui n’en sont pas moins différentes : renouvellement, prorogation et tacite reconduction.

Cette codification s’articule autour de trois corps de règles qui appréhendent la durée du contrat à ses trois stades, soit au moment de sa formation, de son exécution et à l’expiration de son terme.

I) La durée du contrat au stade de la formation

Parce que, conformément à l’article 1102 du Code civil les parties sont libres de déterminer le contenu du contrat, elles peuvent l’assortir de la durée qui leur sied.

Elles peuvent ainsi envisager de conclure un contrat, tant à durée déterminée, qu’à durée indéterminée.

Au vrai, la stipulation de la durée du contrat ne souffre que d’une seule limite : celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

A) Signification du principe de prohibition des engagements perpétuels

Le principe de prohibition des engagements perpétuels signifie que nul ne saurait être engagé indéfiniment dans des liens contractuels.

Le Doyen Carbonnier observait en ce sens que le Code civil de 1804 « ne paraît avoir envisagé pour les obligations, une fois nées, d’autre destin que de s’éteindre »[1].

Quelques dispositions éparses fondent cette analyse telle que l’article 1710 du Code civil qui prévoit, par exemple, que « on ne peut engager ses services qu’à temps, ou pour une entreprise déterminée »

Aussi, tout contrat doit être borné dans le temps, quand bien même il aurait été conclu pour une durée indéterminée.

Dans son rapport annuel de l’année 2014 la Cour de cassation exprime parfaitement bien cette idée en affirmant que « la liberté contractuelle de choisir le temps pour lequel on s’engage s’enchâsse alors dans une limite maximale impérative, qui peut être légale (six ans pour les contrats de louage d’emplacement publicitaire, article L. 581-25 du code de l’environnement ; quatre-vingt-dix-neuf ans pour les sociétés civiles et commerciales, articles 1838 du code civil et L. 210-2 du code de commerce), ou prétorienne (quatre-vingt-dix-neuf ans pour les baux, Cass. 3e civ., 27 mai 1998, n°96-15.774), mais dont la mesure est toujours sensible à l’objet du contrat. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par engagement perpétuel.

Concrètement, les engagements perpétuels recoupent deux situations bien distinctes :

  • Soit le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, mais, par le jeu d’une clause, il ne permet pas l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale
  • Soit le contrat a été conclu pour une durée déterminée, mais cette durée est anormalement longue

B) Reconnaissance du principe

Le principe de prohibition des engagements perpétuels a été reconnu en trois temps :

  • Premier temps : la Cour de cassation
  • Deuxième temps : le Conseil constitutionnel
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuel a été consacré par le Conseil constitutionnel dans une décision du 9 novembre 1999 (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Les juges de la rue de Montpensier ont estimé, que « si le contrat est la loi commune des parties, la liberté qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 justifie qu’un contrat de droit privé à durée indéterminée puisse être rompu unilatéralement par l’un ou l’autre des contractants, l’information du cocontractant, ainsi que la réparation du préjudice éventuel résultant des conditions de la rupture, devant toutefois être garanties ».
  • Troisième temps : le législateur
    • Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, le législateur a introduit un article 1210 dans le Code civil qui prévoit que
      • « les engagements perpétuels sont prohibés. »
      • « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

C) Effets du principe

Deux effets sont attachés au principe de prohibition des engagements perpétuels

  • Lorsque le contrat est à durée déterminée
    • Dans l’hypothèse où le contrat comporte un terme, qui peut être tacite sous réserve que sa survenue soit certaine, le contrat s’éteint par l’arrivée de ce terme à la condition sine qua non que le terme prévu par les parties n’excède pas un éventuel plafond légal
    • À défaut, le contrat est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée
    • Son extinction relève alors du pouvoir des parties, chacune disposant d’un droit de résiliation unilatérale pour se prémunir des dangers d’un engagement perpétuel.
  • Lorsque le contrat est à durée indéterminée
    • Dans cette hypothèse, chaque partie dispose de la faculté de mettre fin au contrat en sollicitant unilatéralement sa résiliation
    • Dans un arrêt du 31 mai 1994, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties » (Cass. com. 31 mai 1994, n°88-10.757)
    • Il s’agit là d’une règle d’ordre public à laquelle les parties ne sauraient déroger par clause contraire (Cass. 3e civ. 19 févr. 1992, n°90-16.148).

Cass. com. 31 mai 1994

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que, dans les contrats à exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionné par l’alinéa 3 du même texte, offerte aux parties ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Gabriel et compagnie (la société), qui avait une activité industrielle à Lyon, a créé, en 1972, un restaurant d’entreprise dont elle a confié la gestion à M. X… à compter du 24 avril 1975, pour une durée indéterminée ; que par lettre du 23 novembre 1989 la société a informé M. X… du prochain transfert de l’entreprise à Reyrieux et lui a notifié que de ce fait le contrat de concession serait ” caduc ” ; que M. X…, soutenant que la résiliation de ce contrat était abusive, a demandé la condamnation de la société au paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour accueillir la demande, l’arrêt retient que l’article 12 du contrat litigieux prévoyait plusieurs cas de rupture ; que la société prétend se trouver dans la troisième hypothèse, c’est-à-dire la fermeture de ses établissements, mais qu’il s’agit d’un transfert et non d’une fermeture de l’entreprise ; qu’ainsi, en prenant unilatéralement la décision de supprimer, à l’occasion d’un simple transfert de locaux, et hors des cas de rupture prévus au contrat, le restaurant d’entreprise concédé à M. X… , la société a rompu abusivement la convention conclue avec ce dernier ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’abus de droit imputé à la société ne pouvait résulter du seul fait que la résiliation était intervenue en dehors des cas prévus au contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 19 décembre 1991, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Grenoble.

D) Sanction du principe

Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des obligations, la sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels a fait l’objet d’une vive controverse

Trois sortes de sanctions ont été discutées par la jurisprudence et la doctrine :

  • Première sanction : la nullité totale
    • Cette sanction a été envisagée de nombreuses fois par la jurisprudence (v. notamment en ce sens Cass. 3e civ., 20 févr. 1991)
    • L’avantage de la nullité est qu’il s’agit d’une sanction suffisamment vigoureuse pour dissuader les agents de contrevenir au principe de prohibition des engagements perpétuels
    • Toutefois, cette sanction n’est pas sans inconvénient
    • Il peut, en effet, être observé que l’action en nullité est enfermée dans un certain délai
    • Cela signifie donc que si la prescription est acquise, l’action en nullité ne peut plus être exercée, ce qui dès lors produit l’effet inverse de celui recherché : l’engagement perpétuel que l’on cherchait à annuler ne peut plus être délié.
    • Il devient irrévocablement perpétuel.
  • Deuxième sanction : la nullité partielle
    • Afin de se prémunir de l’anomalie ci-dessus évoquée, la jurisprudence a circonscrit, dans certains arrêts la nullité à la seule clause qui contrevenait au principe de prohibition des engagements perpétuels.
    • Telle a été la solution rendue par la Cour de cassation notamment dans un arrêt du 7 mars 2006 (Cass. 1ère civ. 7 mars 2006, n°04-12.914).
    • La sanction de la nullité partielle ne pourra toutefois être prononcée qu’à la condition que la clause n’ait pas été déterminante du consentement des parties.
    • Si elle a été la cause « impulsive et déterminante » de leur engagement, le juge n’aura d’autre choix que d’annuler le contrat dans son ensemble (Cass. 1ère civ., 24 juin 1971, n°70-11.730).
    • Dans l’hypothèse où la nullité partielle pourra jouer, les contractants retrouveront la faculté de résiliation unilatérale propre aux contrats à durée indéterminée.
  • Troisième sanction : la réduction de la durée du contrat au maximum légal
    • Dans l’hypothèse où la durée du contrat excéderait le plafond prévu par la loi, le juge réduira cette durée d’autant qu’elle dépasse le maximum légal.
    • La Cour de cassation a eu l’occasion de prononcer cette sanction à plusieurs reprises (V. en ce sens Cass. com., 10 févr. 1998, 95-21.906).
    • Dans un arrêt du 13 novembre 2002 elle a notamment estimé que « le contrat de louage d’emplacement publicitaire ne peut être conclu pour une durée supérieure à six ans à compter de sa signature ; que la stipulation d’une durée plus longue est soumise à réduction » (Cass. 1re civ., 13 nov. 2002, n°99-21.816).
    • Si, de toute évidence, cette solution permet de surmonter les difficultés soulevées par la nullité totale ou partielle, elle n’est pas non plus à sans faille.
    • La possibilité de réduire la durée du contrat à hauteur du plafond légal n’est envisageable qu’à la condition que ce plafond existe.
    • Or pour la plupart des contrats aucun maximum de durée n’a été institué par le législateur.
    • Ainsi, apparaît-il que le champ d’application de la sanction qui consiste à réduire la durée du contrat est pour le moins restreint.

Au total, il ressort de l’examen général de chacune des mesures envisagées en guise de sanction du principe de prohibition des engagements perpétuels qu’aucune d’elles n’était véritablement satisfaisante.

C’est la raison pour laquelle le législateur n’en a retenu aucune. Il a préféré emprunter une autre voie

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a introduit un article 1210, al. 2 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit en contrepoint de l’alinéa 1er, lequel pose le principe de prohibition des engagements perpétuels, que « Chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée. »

Ainsi, la sanction d’un contrat conclu à titre perpétuel n’est autre que la requalification en contrat à durée indéterminée.

Les parties retrouvent alors leur faculté de résiliation unilatérale.

En cas d’exercice de cette faculté, elles ne seront toutefois pas dispensées d’observer l’exigence de préavis prévue à l’article 1211.

E) Limites au principe

  • L’abus
    • Le principe de prohibition des engagements perpétuels est tempéré par l’obligation pour la partie qui entend exercer sa faculté de résiliation unilatérale de ne pas commettre d’abus.
    • Dans un arrêt du 15 novembre 1969 la Cour de cassation a par exemple estimé que le contractant « pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement » (Cass. com. 15 déc. 1969)
    • Elle a encore jugé dans un arrêt du 5 février 1985 que « dans les contrats a exécution successive dans lesquels aucun terme n’a été prévu, la résiliation unilatérale est, sauf abus sanctionne par l’alinea 3 de [l’ancien article 1134], offert aux deux parties » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1985, n°83-15.895).
  • Les relations commerciales établies
    • Dans le domaine des affaires, la faculté de rupture unilatérale est strictement encadrée, en particulier lorsque les relations commerciales sont dites établies.
    • L’article 442-6, I, 5° du Code de commerce prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ».

Cass. com. 15 déc. 1969

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134 du code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaque que la société des établissements Castaing fils a concédé en septembre 1961 a valentin y… de la vente des appareils agricoles qu’elle fabriquait dans quatre départements du sud-est de la France ;

Que, par lettre du 13 avril 1965, la société Castaing, invoquant la faiblesse des résultats obtenus par a…, a dénoncé le contrat de 1961 en proposant a ce dernier de continuer à lui livrer le matériel qui pourrait lui être utile, mais sans exclusivité ;

Que a… et les deux sociétés qu’il avait constituées pour l’exercice de son activité commerciale, le comptoir industriel et agricole méditerranéen (ciam) et les établissements Paul a… ont alors fait assigner la société Castaing devant le tribunal de commerce en paiement de dommages-intérêts pour rupture unilatérale des conventions liant les parties, en demandant en outre que les établissements Castaing soient condamnes a reprendre les pièces détachées qu’ils avaient livrées a a… ou à ces deux sociétés ;

Attendu que le tribunal de commerce a fait droit a la demande concernant les pièces détachées mais a x… valentin et les deux sociétés susvisées de leur demande en dommages-intérêts en relevant notamment que le retrait d’exclusivité était justifié par l’absence complète de toute vente d’appareils au cours des années 1964 et 1965 succédant au nombre très réduit et en diminution constante et progressive des ventes réalisées au cours des trois années précédentes ;

Attendu que l’arrêt déféré infirme le jugement entrepris et ordonne une expertise pour rechercher notamment quelles diligences ont été faites par a… et ses sociétés concessionnaires pour implanter les produits Castaing dans le secteur concédé, si ces diligences étaient normales et suffisantes eu égard aux conditions du marché, aux motifs que si “le contrat étant a durée indéterminée, les établissements Castaing pouvaient le dénoncer de leur seule volonté, à condition de ne pas agir abusivement, et ce, sans avoir à s’adresser à justice” , et que “la seule question qui se pose est donc de savoir si cette dénonciation est justifiée par un motif légitime, tel qu’un manquement du concessionnaire a ses obligations, qu’a cet égard, la société Castaing est mal fondée a prétendre que celui-ci avait une obligation de résultat, qu’en effet, la convention ne prévoyait aucun chiffre d’affaires a réaliser par lui, que a…, n’était donc tenu que d’une obligation de diligence normale, eu égard aux usages de la profession et aux possibilités du marché des produits à vendre” ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que, ayant déclaré à juste titre, que le concédant pouvait librement mettre fin au contrat a durée indéterminée a la condition de ne pas agir abusivement, la cour d’appel ne pouvait imposer à ce dernier la charge de rapporter la preuve de l’existence d’un juste motif de résiliation du contrat, la cour d’appel n’a pas donné de base légale a sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin de statuer sur le second moyen :

CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 28 juin 1968 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

II) La durée du contrat au stage de l’exécution

Envisagée au stade de l’exécution du contrat, la durée du contrat soulève l’épineuse question de savoir si le contrat peut ou non être rompu par les parties avant l’expiration de son terme.

Pour le déterminer, cela suppose de distinguer selon que le contrat est conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée.

A) Le contrat à durée indéterminée

Le contrat à durée indéterminée est celui qui n’est assorti d’aucun terme extinctif, de sorte qu’il a vocation à être exécutée sans limitation de durée.

Est-ce à dire que les parties sont privées de la faculté de sortir du lien contractuel ? Il n’en est rien.

Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, les parties disposent d’une faculté de résiliation unilatérale

Cette faculté qui déroge au principe de force obligatoire des contrats a pour fondement le principe de prohibition des engagements perpétuels.

Elle a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

La jurisprudence qui s’était fondée sur le principe de la prohibition des engagements perpétuels pour reconnaître aux parties une faculté de résiliation unilatérale en matière de contrat à durée indéterminée a été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016.

Le nouvel article 1211 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition. Une interrogation néanmoins subsiste.

  • Premier enseignement : la reconnaissance d’un droit
    • La faculté de rupture unilatérale appartient aux deux parties qui dès lors sont mises sur un pied d’égalité
    • Qui plus est, il s’agit là d’une disposition d’ordre public à laquelle les contractants ne sauraient déroger par clause contraire.
  • Second enseignement : le respect d’un délai de préavis
    • L’exercice de la faculté de rupture unilatérale est subordonné à l’observation d’un délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, raisonnable.
    • Cette faculté unilatérale de résiliation des contrats à durée indéterminée moyennant le respect d’un délai de préavis a, pour rappel, été reconnue comme une règle à valeur constitutionnelle par la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 1999 relative à la loi sur le pacte civil de solidarité (Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC)
    • Dans sa décision, le Conseil constitutionnel avait incité le législateur à préciser les règles ou les « causes permettant une telle résiliation, ainsi que les modalités de celle-ci, notamment le respect d’un préavis ».
    • C’est ce que fait l’ordonnance du 10 février 2016, en réservant aux contractants une faculté de résiliation du contrat à durée indéterminée, sous réserve du respect d’un délai de préavis contractuellement prévu, ou à défaut raisonnable.
    • Concrètement, l’objectif poursuivi par le législateur est de permettre au cocontractant de disposer du temps nécessaire pour s’organiser.
    • La question qui inévitablement se posera à l’avenir est de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de « délai raisonnable ».
    • Le délai raisonnable de l’article 1211 est-il le même que celui visé par l’article 442-6, I, 5° du Code de commerce en matière de rupture des relations commerciales établies ?
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait […] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
    • Doit-on se référer aux critères posés par ce texte pour déterminer ce que l’on doit entendre par « préavis raisonnable » ?
    • Ajouté à cela, en cas de litige, comment le juge va-t-il apprécier le caractère raisonnable du délai ?
  • L’interrogation : la sanction
    • Silence volontaire ou non du législateur, l’article 1211 du Code civil ne dit mot sur la sanction dont est assortie une résiliation unilatérale fautive du contrat.
    • Le rapport au Président de la République précise seulement que « dans le silence du texte, les règles de la responsabilité civile de droit commun trouveront à s’appliquer en cas de faute commise par le cocontractant, conformément à la jurisprudence constitutionnelle précitée. »
    • Deux solutions sont alors envisageables
      • Première solution
        • La sanction d’une rupture contractuelle pourrait en l’allocation de dommages et intérêts au cocontractant
        • Toutefois, la résiliation du contrat serait réputée acquise, quelles que soient les circonstances, conformément au principe de prohibition des engagements perpétuels
      • Seconde solution
        • Dans la mesure où la résiliation n’a pas été effectuée conformément aux formes requises, on pourrait estimer qu’elle est inefficace
        • Ainsi, le contrat serait maintenu, nonobstant l’exercice par la partie fautive de sa faculté de résiliation unilatérale
        • Il lui appartiendra alors de dénoncer une nouvelle fois le contrat en satisfaisant aux exigences de l’article 1211 du Code civil.

B) Le contrat à durée déterminée

1. Définition

Contrairement au contrat à durée indéterminée, le contrat à durée déterminée est assorti d’un terme extinctif.

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme.

Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
    • Lorsque le contrat est à durée déterminée, le terme dont il est assorti est extinctif.
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

En conclusion, pour être qualifiée de contrat à durée déterminée :

  • D’une part, son exigibilité doit être différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain
  • D’autre part, l’acte doit être assorti d’un terme extinctif

2. Principe

L’article 1212 du Code civil dispose que « lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l’exécuter jusqu’à son terme. »

Autrement dit, les parties ne disposent d’aucune faculté de résiliation unilatérale.

Cette règle se justifie par le principe de force obligatoire du contrat. Il en est le descendant direct.

Les parties sont donc liées par le terme du contrat qu’elles ont conclu. Aussi, la rupture anticipée du contrat serait constitutive d’une faute contractuelle.

3. Exceptions

Lorsque les parties sont liées par un contrat à durée déterminée, elles ne peuvent le rompre par anticipation que dans deux cas :

  • La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi
  • Le contrat est rompu d’un commun accord des parties

a. La faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi

De nombreux textes confèrent aux parties la faculté de résilier unilatéralement un contrat à durée déterminée.

Il en va ainsi :

  • Du contrat du bail d’habitation qui peut être rompu par anticipation par le locataire sous réserve de l’observation d’un préavis de trois mois (Loi du 6 juillet 1989, art. 12).
  • Du contrat de mandat qui offre la faculté au mandant de révoquer le mandataire ad nutum (art. 2004 et 2007 C. civ.).
  • Du contrat de travail qui peut être rompu unilatéralement par l’employeur en cas de faute grave du salarié ou de force majeure (art. L. 1243-1 C. trav.).
  • Du contrat d’assurance auquel il peut être mis un terme par anticipation, tant par l’assureur, que par l’assuré moyennant le respect d’un préavis de deux mois (art. L. 113-12 c. ass.).
  • Du contrat de dépôt qui peut être résilié unilatéralement par le déposant (art. 1944 C. civ.).

b. Le commun accord des parties ou le mutus dissensus

Le principe d’intangibilité du contrat exprimé à l’article 1103 du Code civil, anciennement 1134, ne signifie pas que, une fois conclu, le contrat échappe définitivement à l’emprise des parties.

Ce que les parties ont fait conjointement, elles peuvent le défaire de la même manière.

C’est ce que l’on appelle le principe du mutus dissensus

Ce principe n’est autre que le corollaire de la force obligatoire.

Tout autant que la formation du contrat suppose la rencontre des volontés, sa révocation suppose cette même rencontre des volontés.

La question qui alors se pose est de savoir si les parties doivent observer un certain parallélisme des formes, lorsqu’elles envisagent conjointement une révocation du contrat ?

?Formalisme de la révocation

Dans un arrêt du 22 novembre 1960, la Cour de cassation a estimé « que si aux termes de l’article 1134, les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que par l’accord des contractants, semblable accord, qui n’est soumis à aucune condition de forme, peut être tacite et résulter des circonstances dont l’appréciation appartient aux juges du fond » (Cass. 1ère civ. 22 nov. 1960).

Ainsi, la Cour de cassation n’exige pas un parallélisme des formes.

Dans un arrêt du 18 juin 1994, la Cour de cassation a confirmé cette solution en affirmant que « la révocation d’un contrat par consentement mutuel peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit » (Cass. 1ère civ. 18 juin 1994, n°92-15.184).

Cass. 1ère civ. 18 juin 1994

Sur le premier moyen :

Vu l’article 1134, alinéa 2, du Code civil ;

Attendu que le 16 novembre 1981, la société civile d’exploitation agricole des Masquières, aux droits de laquelle est la SCEA Saint-Benoît, a conclu avec la société Agri Gestion une convention par laquelle elle lui confiait la direction d’un domaine agricole ; que le contrat, conclu pour une durée de 5 années à compter du 1er janvier 1982, prévoyait pour la société Agri Gestion la faculté de rompre le contrat à tout moment moyennant l’obligation de respecter un préavis de 12 mois ou de payer une indemnité compensatrice correspondant à une année de rémunération ; que le 16 mai 1984, la société Agri Gestion a notifié à la SCEA des Masquières son intention de mettre fin au contrat ; qu’assignée par sa cocontractante le 23 mai 1989 en paiement de l’indemnité compensatrice de la rupture, la société Agri Gestion a soutenu que la convention avait été résiliée du commun accord des parties ;

Attendu que pour condamner la société Agri Gestion au paiement de l’indemnité réclamée, l’arrêt attaqué retient que cette société, qui se prétend libérée de son obligation, doit rapporter dans les termes de l’article 1341 du Code civil la preuve que la rupture est intervenue d’accord entre les parties ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la révocation d’un contrat par consentement mutuel des parties peut être tacite et résulter des circonstances de fait souverainement appréciées par les juges du fond, sans qu’il soit nécessaire d’en rapporter la preuve par écrit, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen ;

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 10 mars 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse autrement composée.

?Effets de la révocation

Quel est l’effet de la révocation d’un contrat ?

Dans l’hypothèse où les parties ont réglé dans leur accord initial les conséquences de la révocation, leur volonté prime sur toute autre considération.

La difficulté survient, lorsqu’elles n’ont rien prévu.

Doit-on attacher à la révocation les mêmes effets qu’une résolution, soit un effet rétroactif ?

  • Principe : les contrats à exécution instantanée
    • La Cour de cassation a apporté une réponse positive à cette question en estimant que « les conventions peuvent être révoquées du consentement mutuel des parties, et que cette révocation produit le même effet que l’accomplissement d’une condition résolutoire, c’est-à-dire que les choses sont remises au même état que si l’obligation n’avait pas existé » (Cass. civ., 27 juill. 1892).
    • Ainsi, non seulement la révocation met fin pour l’avenir au contrat, mais encore elle produit un effet rétroactif.
    • Il y aura donc lieu de procéder à des restitutions afin de revenir au statu quo ante.
  • Exception : les contrats à exécution successive
    • Dans l’hypothèse où le contrat était à exécution successive, la jurisprudence considère que la révocation aura seulement pour effet de mettre fin au contrat que pour l’avenir (V. notamment en ce sens Cass. com., 1er févr. 1994, n°92-18.276)

III) La durée du contrat à l’expiration de son terme

À l’expiration du terme, les obligations nées du contrat ont vocation à s’éteindre de sorte que les effets de ce dernier sont anéantis.

Les parties sont libérées, de plein droit, du lien contractuel sans qu’il soit besoin qu’elles accomplissent une démarche ou un acte en particulier.

Trois événements sont néanmoins susceptibles de prolonger la durée du contrat qui donc continuera à produire ses effets pour l’avenir.

Les modalités de prolongation du contrat sont au nombre de trois :

  • La prorogation
  • Le renouvellement
  • La tacite reconduction

A) La prorogation

?Définition

Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.

En raison de son objet, la prorogation ne se conçoit que dans un contrat à durée déterminée qui, par définition, comporte un terme extinctif à la différence du contrat à durée indéterminée dont l’exécution dans le temps ne connaître aucune limite, excepté celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

?Conditions

La prorogation du contrat est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 1213 du Code civil qui prévoit que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. »

  • Première condition
    • La prorogation ne peut intervenir que sous l’effet d’un commun accord des parties.
    • Une partie ne saurait, en effet, être engagée au-delà du terme sans y avoir consenti
    • Admettre le contraire, reviendrait à porter atteinte au principe d’autonomie de la volonté : on ne peut s’obliger que si on l’a voulu.
  • Seconde condition
    • La prorogation du contrat doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat.
    • À défaut, on ne saurait proroger des obligations éteintes
    • La seule solution qui, en pareille circonstance, s’offrirait aux parties serait de procéder à un renouvellement du contrat.
    • Le contrat renouvelé s’apparente toutefois à un nouveau contrat, de sorte que toutes les sûretés qui étaient adossées à l’ancienne convention sont anéanties.
    • Aussi, la prorogation suppose-t-elle que les parties la prévoient
      • Soit en cours d’exécution du contrat par échange des consentements
      • Soit lors de la formation du contrat au moyen d’une clause

?Effets

  • Les effets à l’égard des parties
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat. Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Ses dispositions sont maintenues tout autant que les sûretés constituées par les parties en garantie de leurs engagements respectifs.
    • La loi applicable demeure, par ailleurs, la même que celle sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu.
    • En définitive, tous les effets du contrat sont préservés jusqu’à l’expiration du nouveau terme convenu par les contractants.
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Le nouvel article 1213 du Code civil précise que « la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».
    • Cette disposition vise notamment à protéger les tiers dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation.
    • Il en va notamment ainsi des garants, dont la caution.
    • En écho à l’article 1213, l’article 2316 du Code civil prévoit, par exemple, que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de prorogation du contrat, la caution demeure tenue envers le créancier principal.
    • En contrepartie, elle dispose néanmoins d’une action en paiement contre le débiteur qu’elle peut exercer par anticipation.
    • Elle peut, par ailleurs, procéder à un paiement forcé du créancier, sans que celui-ci ne puisse lui opposer la prorogation du terme (V. en ce sens Cass. com., 5 nov. 1971)

B) Le renouvellement

?Définition

Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.

À l’instar de la prorogation, le renouvellement ne se conçoit que pour les contrats à durée déterminée.

Pour qu’un contrat puisse être renouvelé, encore faut-il qu’il comporte un terme ce qui, par définition, n’est pas le cas d’un contrat à durée indéterminée.

?Conditions

L’article 1214 du Code civil prévoit que « le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties. »

Il ressort de cette disposition que, pour qu’un contrat puisse faire l’objet d’un renouvellement, celui-ci doit avoir été prévu, soit par les parties, soit par la loi.

  • Le renouvellement prévu par les parties
    • Les parties peuvent librement convenir que le contrat sera renouvelé à l’expiration de son terme.
    • Cela se traduira, le plus souvent, par l’insertion d’une clause de renouvellement
    • L’article 1212 du Code civil précise néanmoins que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat. »
    • Aussi, pour que le renouvellement du contrat s’opère, est-il nécessaire que les deux parties y consentent.
    • En ce que le renouvellement s’analyse en la conclusion d’un nouveau contrat, un contractant ne saurait être engagé contre sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle le renouvellement ne peut procéder que d’un commun accord des parties.
  • Le renouvellement prévu par la loi
    • Le législateur a prévu plusieurs cas où le renouvellement s’opère par l’effet de la loi.
    • Il en va ainsi pour notamment pour le bail d’habitation et le bail commercial
    • Lorsqu’il est prévu par la loi, le renouvellement est automatique sauf à ce qu’une partie dénonce le contrat avant l’arrivée de son terme

?Effets

Aux termes de l’article 1214, al. 2 « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Plus précisément, ce nouveau contrat est identique en tout point à l’ancien, à la nuance près néanmoins que :

  • D’une part, il est conclu pour une durée indéterminée
  • D’autre part, il n’est plus assorti des sûretés qui avaient été constituées par les parties en garantie de leur engagement initial
  • Enfin, chaque partie peut y mettre fin moyennant l’observation d’un préavis raisonnable

C) La tacite reconduction

?Définition

La tacite reconduction s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

Elle ne peut donc être envisagée, à l’instar du renouvellement dont elle constitue une variété, que pour un contrat à durée déterminée.

?Conditions

L’article 1215 prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. »

La tacite reconduction suppose ainsi que les parties aient :

  • Soit poursuivi l’exécution de leurs obligations respective à l’expiration du terme du contrat initial
  • Soit prévu une clause spécifique qui stipule que le contrat est renouvelé, faute de dénonciation par les parties avant l’arrivée du terme

L’article L. 215-1 du Code de la consommation ajoute que l’efficacité de la tacite reconduction d’un contrat de prestation de services conclus pour une durée déterminée entre un professionnel et un consommateur est subordonnée à l’information de ce dernier « par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. »

Cette disposition ajoute que l’information doit être « délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction. »

?Effets

L’article 1215 du Code civil dispose que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Elle a donc pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La règle ainsi posée est néanmoins supplétive, de sorte que les parties sont libres d’y déroger.

  1. J. Carbonnier, Droit civil – Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?

De la distinction entre la prorogation, le renouvellement et la tacite reconduction du contrat

À l’expiration du terme, les obligations nées du contrat ont vocation à s’éteindre de sorte que les effets de ce dernier sont anéantis.

Les parties sont libérées, de plein droit, du lien contractuel sans qu’il soit besoin qu’elles accomplissent une démarche ou un acte en particulier.

Trois événements sont néanmoins susceptibles de prolonger la durée du contrat qui donc continuera à produire ses effets pour l’avenir.

Les modalités de prolongation du contrat sont au nombre de trois :

  • La prorogation
  • Le renouvellement
  • La tacite reconduction

A) La prorogation

?Définition

Classiquement, la prorogation est définie comme le report du terme extinctif du contrat sous l’effet du commun accord des parties.

En raison de son objet, la prorogation ne se conçoit que dans un contrat à durée déterminée qui, par définition, comporte un terme extinctif à la différence du contrat à durée indéterminée dont l’exécution dans le temps ne connaître aucune limite, excepté celle posée par le principe de prohibition des engagements perpétuels.

?Conditions

La prorogation du contrat est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives énoncées à l’article 1213 du Code civil qui prévoit que « le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. »

  • Première condition
    • La prorogation ne peut intervenir que sous l’effet d’un commun accord des parties.
    • Une partie ne saurait, en effet, être engagée au-delà du terme sans y avoir consenti
    • Admettre le contraire, reviendrait à porter atteinte au principe d’autonomie de la volonté : on ne peut s’obliger que si on l’a voulu.
  • Seconde condition
    • La prorogation du contrat doit avoir été convenue entre les cocontractants avant l’expiration du terme du contrat.
    • À défaut, on ne saurait proroger des obligations éteintes
    • La seule solution qui, en pareille circonstance, s’offrirait aux parties serait de procéder à un renouvellement du contrat.
    • Le contrat renouvelé s’apparente toutefois à un nouveau contrat, de sorte que toutes les sûretés qui étaient adossées à l’ancienne convention sont anéanties.
    • Aussi, la prorogation suppose-t-elle que les parties la prévoient
      • Soit en cours d’exécution du contrat par échange des consentements
      • Soit lors de la formation du contrat au moyen d’une clause

?Effets

  • Les effets à l’égard des parties
    • La prorogation du contrat a pour effet de reporter le terme extinctif du contrat. Autrement dit, la convention initiale conclue par les parties continue à produire ses effets pour l’avenir.
    • Ses dispositions sont maintenues tout autant que les sûretés constituées par les parties en garantie de leurs engagements respectifs.
    • La loi applicable demeure, par ailleurs, la même que celle sous l’empire de laquelle le contrat a été conclu.
    • En définitive, tous les effets du contrat sont préservés jusqu’à l’expiration du nouveau terme convenu par les contractants.
  • Les effets à l’égard des tiers
    • Le nouvel article 1213 du Code civil précise que « la prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ».
    • Cette disposition vise notamment à protéger les tiers dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation.
    • Il en va notamment ainsi des garants, dont la caution.
    • En écho à l’article 1213, l’article 2316 du Code civil prévoit, par exemple, que « la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement. »
    • Il ressort de cette disposition que, en cas de prorogation du contrat, la caution demeure tenue envers le créancier principal.
    • En contrepartie, elle dispose néanmoins d’une action en paiement contre le débiteur qu’elle peut exercer par anticipation.
    • Elle peut, par ailleurs, procéder à un paiement forcé du créancier, sans que celui-ci ne puisse lui opposer la prorogation du terme (V. en ce sens Cass. com., 5 nov. 1971)

B) Le renouvellement

?Définition

Le renouvellement consiste en la substitution d’un contrat dont le terme est échu par un nouveau contrat identique en toutes ses dispositions.

À l’instar de la prorogation, le renouvellement ne se conçoit que pour les contrats à durée déterminée.

Pour qu’un contrat puisse être renouvelé, encore faut-il qu’il comporte un terme ce qui, par définition, n’est pas le cas d’un contrat à durée indéterminée.

?Conditions

L’article 1214 du Code civil prévoit que « le contrat à durée déterminée peut être renouvelé par l’effet de la loi ou par l’accord des parties. »

Il ressort de cette disposition que, pour qu’un contrat puisse faire l’objet d’un renouvellement, celui-ci doit avoir été prévu, soit par les parties, soit par la loi.

  • Le renouvellement prévu par les parties
    • Les parties peuvent librement convenir que le contrat sera renouvelé à l’expiration de son terme.
    • Cela se traduira, le plus souvent, par l’insertion d’une clause de renouvellement
    • L’article 1212 du Code civil précise néanmoins que « nul ne peut exiger le renouvellement du contrat. »
    • Aussi, pour que le renouvellement du contrat s’opère, est-il nécessaire que les deux parties y consentent.
    • En ce que le renouvellement s’analyse en la conclusion d’un nouveau contrat, un contractant ne saurait être engagé contre sa volonté.
    • C’est la raison pour laquelle le renouvellement ne peut procéder que d’un commun accord des parties.
  • Le renouvellement prévu par la loi
    • Le législateur a prévu plusieurs cas où le renouvellement s’opère par l’effet de la loi.
    • Il en va ainsi pour notamment pour le bail d’habitation et le bail commercial
    • Lorsqu’il est prévu par la loi, le renouvellement est automatique sauf à ce qu’une partie dénonce le contrat avant l’arrivée de son terme

?Effets

Aux termes de l’article 1214, al. 2 « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée. »

Autrement dit, le renouvellement d’un contrat opère novation en ce sens que cette opération donne naissance à une nouvelle convention.

Plus précisément, ce nouveau contrat est identique en tout point à l’ancien, à la nuance près néanmoins que :

  • D’une part, il est conclu pour une durée indéterminée
  • D’autre part, il n’est plus assorti des sûretés qui avaient été constituées par les parties en garantie de leur engagement initial
  • Enfin, chaque partie peut y mettre fin moyennant l’observation d’un préavis raisonnable

C) La tacite reconduction

?Définition

La tacite reconduction s’analyse en un renouvellement de contrat qui n’a pas expressément été exprimé par les parties.

Elle ne peut donc être envisagée, à l’instar du renouvellement dont elle constitue une variété, que pour un contrat à durée déterminée.

?Conditions

L’article 1215 prévoit que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. »

La tacite reconduction suppose ainsi que les parties aient :

  • Soit poursuivi l’exécution de leurs obligations respective à l’expiration du terme du contrat initial
  • Soit prévu une clause spécifique qui stipule que le contrat est renouvelé, faute de dénonciation par les parties avant l’arrivée du terme

L’article L. 215-1 du Code de la consommation ajoute que l’efficacité de la tacite reconduction d’un contrat de prestation de services conclus pour une durée déterminée entre un professionnel et un consommateur est subordonnée à l’information de ce dernier « par écrit, par lettre nominative ou courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu’il a conclu avec une clause de reconduction tacite. »

Cette disposition ajoute que l’information doit être « délivrée dans des termes clairs et compréhensibles, mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de non-reconduction. »

?Effets

L’article 1215 du Code civil dispose que la reconduction tacite « produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

Elle a donc pour conséquence d’emporter création d’un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée.

La règle ainsi posée est néanmoins supplétive, de sorte que les parties sont libres d’y déroger.

  1. J. Carbonnier, Droit civil – Les Obligations, PUF, 22e éd., 2000, § 314 ?