Incidents d’instance: l’interruption de l’instance

Les incidents d’instance sont envisagés par le Titre XI du Livre 1er du Code de procédure civile consacré aux dispositions communes à toutes les juridictions.

À défaut de définition légale, ils peuvent être définis comme les événements qui modifient le cours de l’instance, soit en ce qu’ils affectent sa continuité (suspension ou interruption), soit en ce qu’ils provoquent son extinction (péremption, désistement, acquiescement, etc.).

Le Code de procédure civile énumère aux articles 367 à 410 quatre sortes d’incidents, au nombre desquels figurent :

  • La jonction et la disjonction d’instance
  • L’interruption de l’instance
  • La suspension de l’instance
  • L’extinction de l’instance

Nous nous focaliserons ici sur l’interruption d’instance.

A) Les causes d’interruption de l’instance

Le code de procédure civile opère une distinction entre les événements qui emportent de plein droit interruption de l’instance et ceux qui l’interrompent seulement à compter d’une notification de ces événements faite à l’autre partie.

?Les événements emportant de plein droit interruption de l’instance

L’article 369 du CPC envisage quatre causes d’interruption de plein de droit de l’instance :

  • La majorité d’une partie
  • La cessation de fonctions de l’avocat lorsque la représentation est obligatoire
  • Les effets du jugement qui prononce la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire dans les causes où il emporte assistance ou dessaisissement du débiteur
  • La conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle
  • La décision de convocation des parties à une audience de règlement amiable.

?Les événements interrompant l’instance à compter d’une notification de ces événements à la partie adverse

L’article 370 du CPC énonce trois causes d’interruption de l’instance subordonnées à leur notification :

  • Le décès d’une partie dans les cas où l’action est transmissible, étant précisé que la jurisprudence décide que la dissolution d’une société en cours d’instance n’interrompt pas celle-ci, la société étant réputée se survivre pour les besoins de la liquidation (Cass. com. 21 oct. 2008, n°07-19.102).
  • La cessation de fonctions du représentant légal d’un mineur et de la personne chargée de la protection juridique d’un majeur
  • Le recouvrement ou la perte par une partie de la capacité d’ester en justice

B) Le moment de l’interruption

L’article 371 du CPC prévoit que « en aucun cas l’instance n’est interrompue si l’événement survient ou est notifié après l’ouverture des débats. »

Il en résulte que la cause d’interruption de l’instance doit intervenir avant l’ouverture des débats, soit le moment où à l’audience de plaidoirie, la parole est donnée, soit au demandeur, soit au juge rapporteur.

C) Les effets de l’interruption de l’instance

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

D) La reprise de l’instance

1. Les modalités de reprise de l’instance

?La reprise de l’instance initiée par les parties

L’article 373 du CPC prévoit que « l’instance peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense »

Il ressort de cette disposition que la reprise d’instance est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de procédure.

Cette reprise peut être impulsée, soit par la partie à la faveur de laquelle l’interruption de l’instance est intervenue, soit par l’adversaire.

Deux hypothèses doivent ainsi être distinguées :

  • La reprise de l’instance est initiée par la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue, elle peut être formalisée selon deux modalités différentes :
    • En matière de procédure écrite, la reprise peur être engagée au moyen de la prise de conclusions
    • En matière de procédure orale, la reprise pourra être déclenchée au moyen d’une déclaration du greffe de la juridiction saisie.
  • La reprise de l’instance est initiée par l’adversaire de la partie en faveur de laquelle l’interruption est intervenue
    • Dans cette hypothèse, la reprise de l’instance ne pourra être effectuée que par voie de citation, selon les mêmes modalités que l’acte introductif d’instance
    • À cet égard, l’article 375 du CPC précise que si la partie citée en reprise d’instance ne comparaît pas, il est procédé comme il est dit aux articles 471 et suivants, soit selon les dispositions qui régissent le jugement rendu par défaut et le jugement réputé contradictoire

?La reprise de l’instance provoquée par le Juge

L’article 376 du CPC prévoit que le juge « peut inviter les parties à lui faire part de leurs initiatives en vue de reprendre l’instance et radier l’affaire à défaut de diligences dans le délai par lui imparti. »

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • Premier enseignement
    • La reprise de l’instance peut être provoquée par le juge, qui sans se substituer aux parties, peut les « inviter » à accomplir tous les actes utiles en vue de la reprise des débats, ce qui peut se traduire par la fixation de délais
    • En application de l’article 376 du CPC, il peut encore demander au ministère public de recueillir les renseignements nécessaires à la reprise d’instance.
    • Cette faculté réservée au juge s’explique par l’absence de dessaisissement, de sorte que l’affaire demeure toujours sous son contrôle.
  • Second enseignement
    • En cas de non-respect des délais et injonctions prescrits par le Juge, celui-ci peut prononcer la radiation de l’affaire
    • La radiation emporte, non pas le retrait de l’affaire du rôle, mais seulement sa suppression « du rang des affaires en cours ».
    • Cette sanction n’a donc pas pour effet d’éteindre l’instance : elle la suspend
    • L’article 383 autorise toutefois le juge de la mise en état à revenir sur cette radiation.
    • En effet, sauf à ce que la péremption de l’instance ne soit acquise, cette disposition prévoit que « l’affaire est rétablie, en cas de radiation, sur justification de l’accomplissement des diligences dont le défaut avait entraîné celle-ci ou, en cas de retrait du rôle, à la demande de l’une des parties. »

2. Les effets de la reprise de l’instance

L’article 374 du CPC dispose que « l’instance reprend son cours en l’état où elle se trouvait au moment où elle a été interrompue. »

Dans la mesure où l’interruption de l’instance emporte l’interruption du délai de péremption, ce délai court à nouveau à compter de la reprise de l’instance.

La mise en oeuvre des mesures conservatoires

Lorsque le créancier aura obtenu l’autorisation du Juge ou qu’il sera muni de l’un des titres visés à l’article L. 511-2 du CPCE, il pourra mandater un huissier de justice aux fins de faire pratiquer une mesure conservatoire sur le patrimoine de son débiteur.

Reste que pour que la mesure conservatoire soit efficace, un certain nombre de diligences doivent être accomplies par l’huissier instrumentaire, faute de quoi la mesure sera frappée de caducité.

I) Les phases de mise en œuvre des mesures conservatoires

En substance, la mise en œuvre d’une mesure conservatoire comporte quatre phases bien distinctes :

  • Première étape
    • L’huissier mandaté par le créancier doit procéder
      • Soit à la réalisation de l’acte de saisie
      • Soit à l’accomplissement des formalités d’inscription de la sûreté
  • Deuxième étape
    • La mesure conservatoire pratiquée par l’huissier de justice doit être dénoncée au débiteur si elle n’a pas été effectuée entre ses mains
  • Troisième étape
    • En l’absence de titre exécutoire, le créancier poursuivant devra engager une procédure aux fins d’en obtenir un
  • Quatrième étape
    • Lorsqu’un titre exécutoire aura été obtenu ou que la décision dont était en possession le créancier sera passée en force de chose jugée, la mesure conservatoire pratiquée pourra être convertie en mesure d’exécution forcée

II) Les délais de mise en œuvre des mesures conservatoires

Les quatre phases décrites ci-dessus sont enfermées dans des brefs délais, dont le non-respect est sanctionné par la caducité de la mesure conservatoire prise.

==> L’exécution de la mesure conservatoire dans un délai de trois mois

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

Ainsi, en cas d’inertie du créancier au-delà du délai de trois mois, l’ordonnance rendue par le Juge saisi est frappée de caducité.

Ce délai court à compter du prononcé de la décision du Juge et non de sa signification, laquelle n’a pas besoin d’intervenir dès lors que l’ordonnance est exécutoire sur minute.

À cet égard, l’article 640 du Code de procédure civile prévoit que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »

Il peut, par ailleurs, être observé que si la mesure conservatoire initiée en exécution de l’ordonnance est devenue caduque, ladite ordonnance ne peut, en aucun cas, servir de fondement pour pratiquer une nouvelle mesure conservatoire, quand bien même le délai de trois mois n’aurait pas expiré. (V. en ce sens CA Paris, 22 oct. 1999).

S’agissant, enfin, du coût de la mesure, l’article L. 512-2 du CPCE prévoit que « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. »

==> La dénonciation de la mesure conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers dans un délai de huit jours

Lorsque la mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d’un tiers, il échoit au créancier de dénoncer cette mesure dans un délai de huit jours au débiteur à qui l’acte constatant la mesure conservatoire et, le cas échéant, l’ordonnance, doivent être communiquées.

Lorsque, en revanche, la mesure est accomplie directement entre les mains du débiteur, cette dénonciation est inutile puisqu’elle vise à informer le débiteur, d’une part, sur le contenu de l’ordonnance et, d’autre part, sur la réalisation de la mesure.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au débiteur, elle est frappée de caducité.

==> L’engagement d’une procédure ou l’accomplissement de formalités en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois

  • Principe général
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
    • Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
    • La formule « accomplir les formalités nécessaires» vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
    • Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
    • La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
    • En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
    • La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
    • Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE ( 2e civ. 3 avr. 2003).
    • Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
  • L’ordonnance portant injonction de payer
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que « en cas de rejet d’une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti au précédent alinéa, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l’ordonnance de rejet. »
    • Ainsi, le délai d’un mois est, en quelque sorte, prorogé par l’ordonnance de rejet, à la condition néanmoins qu’une instance au fond soit introduite consécutivement au rejet.
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a estimé qu’une assignation en référé ne permettait pas de proroger le délai d’un mois ( 2e civ. 5 juill. 2005).

==> La dénonciation des diligences accomplies en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de huit jours

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

III) La conversion des mesures conservatoires

Lorsqu’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible aura été obtenu par le créancier poursuivant, la mesure conservatoire pratique pourra faire l’objet d’une conversion.

Autrement dit, elle pourra être transformée :

  • Soit en mesure d’exécution forcée
  • Soit en sûreté définitive

Reste que le régime juridique de cette conversion est sensiblement différent selon que la mesure conservatoire initialement pratiquée consiste en une saisie conservatoire ou en l’inscription d’une sûreté judiciaire.

==> S’agissant des saisies conservatoires

Pour opérer la conversion d’une saisie conservatoire en saisie définitive, il n’est besoin, pour le créancier, que d’obtenir un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE.

Aussi, cette conversion peut-elle être pratiquée alors que la décision obtenue n’est pas passée en force de chose jugée. Elle devra, néanmoins, être assortie de l’exécution provisoire.

La conversation s’opérera alors au moyen de la signification d’un acte de conversion signifié au tiers saisi et dénoncé au débiteur.

Aucun délai n’est prescrit pour procéder à cette conversion une fois le titre exécutoire obtenu.

==> S’agissant des sûretés judiciaires

Pour convertir une sûreté judiciaire en sûreté définitive, l’article R. 533-4 du CPCE exige que le créancier obtienne une décision passée en force de chose jugée.

Ainsi, l’obtention d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE n’est pas suffisante. La décision obtenue doit ne plus être soumise à une voie de recours suspensif ni être assorti d’un délai de grâce.

Quant à la réalisation de la conversation, elle se fait au moyen d’une publicité définitive propre à chacune des sûretés susceptibles d’être constituée à titre conservatoire.

Les formalités doivent être accomplies auprès de l’organe qui a reçu la publicité provisoire.

Surtout, l’article R. 533-4 du CPCE prévoit que la publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

  • Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
  • Si la procédure a été mise en œuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R. 532-6
    • Si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation
    • Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
  • Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.

RGPD: les fondements juridiques du traitement de données à caractère personnel

==> Genèse

Dans sa version initiale, la loi informatique et libertés n’exigeait pas que le consentement des personnes soit recueilli préalablement au traitement de leurs données à caractère personnel.

Tout au plus, le texte leur conférait la faculté de s’opposer « pour des raisons légitimes » à ce que les informations les concernant fassent l’objet d’un traitement.

Afin de renforcer la protection des personnes, le législateur européen a, lors de l’adoption de la directive du 24 octobre 1995, décidé de mettre en terme à cette situation en posant l’exigence d’obtention du consentement préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel.

==> Les textes

L’article 7 de la LIL prévoit que « un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ».

Cette exigence a été reprise par le RGPD dont l’article 6 prévoit que « le traitement n’est licite que si […] la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ».

Il ressort donc de ces deux textes que le recueil du consentement de la personne concernée est requis préalablement au traitement de ses données à caractère personnel. C’est ce que l’on appelle le principe de l’opt in, par opposition au principe de l’opt out.

En somme :

  • Le principe de l’opt in implique que la personne concernée consente, au préalable, au traitement de ses données à caractère personnel, faute de quoi ledit traitement ne pourra pas être mis en œuvre.
  • Le principe de l’opt out pose, quant à lui, une présomption de consentement de la personne concernée, laquelle dispose seulement de la faculté de s’opposer, a posteriori, au traitement de ses données à caractère personnel

Les deux systèmes sont ainsi radicalement opposés. Tandis que le législateur français avait opté pour le système de l’opt out en 1978, il a finalement retenu le système de l’opt in en 2004 lors de la transposition de la directive du 24 octobre 1995.

Reste que, un certain nombre de dérogations au principe du consentement sont prévues par la LIL.

  • Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;
  • La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
  • L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;
  • L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
  • La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

Dans le RGPD ces exceptions sont placées au même niveau que l’exigence de consentement, en ce sens que, selon le texte, un traitement de données à caractère personnel peut avoir 5 fondements juridiques alternatifs autre que le consentement.

==> Articulation du consentement avec les autres fondements juridiques

Le RGPD envisage clairement le consentement comme une condition de licéité.

De son côté, la LIL le présente comme une condition privilégiée, parfois proche d’un principe constitutionnel, liée au statut de droit fondamental de la protection des données.

Afin d’éclairer le rôle du consentement dans des cas spécifiques, il est utile de préciser le rapport entre le consentement et d’autres conditions de licéité, notamment par rapport aux contrats, aux missions d’intérêt public ou à l’intérêt légitime du responsable du traitement et au droit de s’opposer au traitement.

L’ordre dans lequel les fondements juridiques sont cités à l’article 6 est important, mais il ne signifie pas que le consentement soit toujours le fondement le plus approprié pour légitimer le traitement de données à caractère personnel.

L’article 6 mentionne d’abord le consentement et poursuit en énumérant les autres fondements juridiques, comme les contrats et les obligations légales, avant de passer progressivement à l’équilibre des intérêts.

Il y a lieu d’observer que les cinq fondements qui suivent le consentement imposent un critère de « nécessité », qui donc limite strictement le contexte dans lequel ils peuvent s’appliquer.

Cela ne signifie nullement que l’obligation de consentement laisse davantage de marge de manœuvre que les autres fondements cités à l’article 6.

En outre, l’obtention d’un consentement n’annule pas les obligations imposées au responsable du traitement en termes d’équité, de nécessité, de proportionnalité ainsi que de qualité des données.

Ainsi, même si le traitement de données à caractère personnel a reçu le consentement de l’utilisateur, cela ne justifie pas la collecte de données excessives au regard d’une fin particulière.

Ce n’est que dans des circonstances très restreintes que le consentement peut légitimer des traitements de données qui auraient été interdits autrement, notamment dans le cas du traitement de certaines données sensibles ou pour permettre le traitement ultérieur de données à caractère personnel, que celui-ci soit ou non compatible avec la finalité spécifiée à l’origine.

Tout bien pesé, il est indifférent que les fondements juridiques alternatifs au principe du consentement soient présentés comme des exceptions ou soient placés au même niveau.

Ce qui importe, c’est de considérer qu’il constitue une condition de licéité du traitement et non d’une renonciation à l’application d’autres principes.

Au total, il convient de retenir qu’un traitement de données à caractère personnel peut être mis en œuvre sur la base de plusieurs fondements juridiques distincts, au nombre desquels figurent le consentement qui, tant dans le RGPD que dans la LIL, occupe une place centrale.

§1 : Le principe du consentement

Par principe, un traitement de données à caractère personnel ne peut être mis en œuvre qu’à la condition d’avoir recueilli préalablement le consentement de la personne concernée.

A défaut, sauf à rentrer dans le champ d’application d’une exception, le traitement est illicite, ce qui est de nature à exposer le responsable à des sanctions.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par consentement ?

Simple en apparence, l’appréhension de la notion de consentement n’est pas sans soulever de nombreuses difficultés.

L’altération de la volonté d’une personne est, en effet, susceptible de renvoyer à des situations très diverses :

  • La personne concernée peut être atteinte d’un trouble mental
  • Le consentement de la personne peut avoir été obtenu sous la contrainte physique ou morale
  • La personne concernée peut encore avoir été conduite à accepter le traitement sans que son consentement ait été donné en connaissance de cause, car une information déterminante lui a été dissimulée
  • Elle peut également s’être engagé par erreur

Il ressort de toutes ces situations que le défaut de consentement d’une personne peut être d’intensité variable et prendre différentes formes.

Aussi, convient-il de déterminer quels sont les caractères que doit présenter le consentement d’une personne faisant l’objet d’un traitement de données à caractère personnel pour être valable.

I) La qualité du consentement

Tandis que la LIL ne définit pas la notion de consentement, le RGPD remédie à ce silence textuel en le définissant comme « toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».

Il ressort de cette définition que pour être valable, le consentement doit consister en :

  • Une manifestation de volonté par laquelle la personne concernée accepte le traitement
  • Une manifestation de volonté libre
  • Une manifestation de volonté spécifique
  • Une manifestement de volonté informée
  1. Une manifestation de volonté par laquelle la personne concernée accepte le traitement

La question qui ici se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par manifestation de volonté.

Pour le déterminer, il convient de se reporter au considérant n°32 du RGPD dont on peut tirer plusieurs enseignements.

  • Un acte positif
    • Si le texte ne limite pas les formes que peut revêtir le consentement, il doit en tout état de cause s’agi d’une manifestation de volonté, soit d’un acte positif.
    • L’exigence selon laquelle la personne concernée doit « donner » son consentement semble indiquer qu’une simple absence d’action est insuffisante et qu’une action quelconque est nécessaire pour constituer un consentement, bien que différents types d’action, à apprécier «selon le contexte», soient possibles.
    • Ainsi, il ne saurait y avoir de consentement en cas de silence, ce qui pourrait se traduire par l’inaction de la personne concernée ou par des cases cochées par défaut.
    • La manifestation de volonté peut se faire au moyen d’une déclaration écrite, y compris par voie électronique, ou d’une déclaration orale.
    • Cette manifestation de volonté peut encore se faire en cochant une case lors de la consultation d’un site internet, en optant pour certains paramètres techniques pour des services de la société de l’information ou au moyen d’une autre déclaration ou d’un autre comportement indiquant clairement dans ce contexte que la personne concernée accepte le traitement proposé de ses données à caractère personnel.
  • Un acte positif clair
    • Une manifestation de volonté en elle-même n’est pas suffisante à établir le consentement au traitement de la personne concernée.
    • Cette manifestation de volonté ne doit pas être équivoque : elle doit être indubitable
    • Pour qu’un consentement soit indubitable, la procédure relative à l’obtention et à l’octroi du consentement ne doit laisser aucun doute quant à l’intention de la personne concernée de donner son consentement.
    • En d’autres termes, la manifestation de volonté par laquelle la personne concernée marque son accord ne doit laisser aucune ambiguïté quant à son intention.
    • S’il existe un doute raisonnable sur l’intention de la personne concernée, il y a ambiguïté.
  • La portée de la manifestation de volonté
    • Le consentement donné par la personne concernée vaut pour toutes les activités de traitement ayant la ou les mêmes finalités.
    • Lorsque le traitement a plusieurs finalités, le consentement doit être donné pour l’ensemble d’entre elles.
    • Si le consentement de la personne concernée est donné à la suite d’une demande introduite par voie électronique, cette demande doit être claire et concise et ne doit pas inutilement perturber l’utilisation du service pour lequel il est accordé.

2. Une manifestation de volonté libre

Pour être valable, le consentement de la personne concernée doit avoir été donné sans contrainte.

Le consentement ne peut être valable que si la personne concernée est véritablement en mesure d’exercer un choix et s’il n’y a pas de risque de tromperie, d’intimidation, de coercition ou de conséquences négatives importantes si elle ne donne pas son consentement.

Si les conséquences du consentement sapent la liberté de choix des personnes, le consentement n’est pas libre.

C’est le cas, par exemple, lorsque la personne concernée est sous l’influence du responsable du traitement, dans le cadre d’une relation de travail, notamment.

Dans ce cas, même s’il n’en est pas nécessairement toujours ainsi, la personne concernée peut se trouver dans une situation de dépendance vis-à-vis du responsable du traitement – en raison de la nature de la relation ou de circonstances particulières – et peut craindre d’être traitée différemment si elle n’accepte pas le traitement de ses données.

Le Groupe de l’article 29 a eu l’occasion d’affirmer que «le consentement libre désigne une décision volontaire, prise par une personne en pleine possession de ses facultés, en l’absence de toute coercition, qu’elle soit sociale, financière, psychologique ou autre ».

3. Une manifestation de volonté spécifique

Pour être valable, le consentement ne doit pas seulement être libre, il doit également être spécifique.

En d’autres termes, un consentement général, sans préciser la finalité exacte du traitement, n’est pas valable.

Pour être spécifique, le consentement doit mentionner, de façon claire et précise, l’étendue et les conséquences du traitement des données. Il ne peut pas s’appliquer à un ensemble illimité d’activités de traitement.

En d’autres termes, le contexte dans lequel le consentement s’applique est limité.

Le consentement doit être donné sur les différents aspects, clairement définis, du traitement. Il couvre notamment les données qui sont traitées et les finalités pour lesquelles elles le sont.

Un « consentement spécifique » est dès lors intrinsèquement lié au fait que le consentement doit être informé.

En principe, il devrait suffire que les responsables du traitement obtiennent un consentement unique pour les différentes opérations, si celles-ci relèvent des attentes raisonnables de la personne concernée.

La Cour de justice de l’Union européenne s’est prononcée sur cette question dans un arrêt du 5 mai 2001, dans le cadre d’une question préjudicielle posée sur l’article 12, paragraphe 2, de la directive « vie privée et communications électroniques ».

Cette question portait sur la nécessité du renouvellement du consentement des abonnés qui ont déjà consenti à la publication de leurs données personnelles dans un annuaire, afin que celles-ci soient transférées en vue de leur publication par d’autres services d’annuaire.

La Cour a jugé que, dès lors que l’abonné a été correctement informé de la possible transmission des données à caractère personnel le concernant à une entreprise tierce et que celui-ci a consenti à la publication desdites données dans un tel annuaire, la transmission de ces données n’exige pas de nouveau consentement de la part de l’abonné, s’il est garanti que les données concernées ne seront pas utilisées à des fins autres que celles pour lesquelles elles ont été collectées en vue de leur première publication (CJUE,  5 mai 2001 Aff.  C-543/09, Deutsche Telekom AG)

4. Une manifestement de volonté informée

Il ressort du RGPD que le consentement de la personne concernée par le traitement doit être informée.

Selon le Groupe de l’article 29 cela signifie que qu’« un consentement … doit être fondé sur l’appréciation et la compréhension des faits et des conséquences d’une action. La personne concernée doit recevoir, de façon claire et compréhensible, des informations exactes et complètes sur tous les éléments pertinents, en particulier ceux spécifiés aux articles 10 et 11 de la directive, tels que la nature des données traitées, les finalités du traitement, les destinataires d’éventuels transferts et ses droits. Cela suppose également la connaissance des conséquences du refus de consentir au traitement des données en question ».

Autrement dit, la personne concernée doit être à même de consentir au traitement en toute connaissance de cause.

Afin de satisfaire cet objectif, il convient donc que les informations qui lui sont fournies appropriées.

Deux exigences doivent alors être remplies qui tiennent à :

  • La qualité des informations: la manière dont les informations sont communiquées (texte en clair, sans jargon, compréhensible, visible) est capitale pour apprécier si le consentement est « informé ». La manière dont les informations doivent être fournies dépend du contexte. Un utilisateur régulier/moyen devrait être en mesure de les comprendre ;
  • L’accessibilité et la visibilité des informations: les informations doivent être communiquées directement à la personne concernée. Il ne suffit pas que les informations soient « disponibles » quelque part.

II) La preuve du consentement

Le considérant n°42 du RGPD énonce que lorsque le traitement est fondé sur le consentement de la personne concernée, le responsable du traitement devrait être en mesure de prouver que ladite personne a consenti à l’opération de traitement.

Il échoit, en conséquence, aux responsables de traitements de données à caractère personnel de conserver les preuves attestant que le consentement a effectivement été donné par la personne concernée.

A cet égard, des déclarations expresses pour marquer un accord, comme un accord signé ou une déclaration écrite attestant la volonté de consentir sont des procédures ou des mécanismes qui se prêtent particulièrement bien à la fourniture d’un consentement indubitable.

Plus délicate en revanche est le système des cases à cocher :

  • Les cases à cocher
    • Sur le principe, un système de cases à cocher assorties, par exemple, de la mention « j’accepte les conditions générales d’utilisation», est admis pour recueillir le consentement de la personne concernée.
    • Dans une délibération 2013-420 du 3 janvier 2014 la CNIL a néanmoins posé des limites.
    • Elle a, en effet, considéré que ce système n’était autorisé que lorsque les informations relatives au traitement de données à caractère personnel étaient facilement accessibles.
    • La Commission a ainsi été conduite à sanctionner Google en suite de la modification de sa politique de confidentialité.
    • En l’espèce, le consentement se manifesterait par le fait que l’utilisateur coche la case matérialisant son accord aux conditions d’utilisation et aux règles de confidentialité.
    • Pour Google, ce consentement était éclairé dans la mesure où les informations données étaient suffisamment précises sur les opérations de traitement des données.
    • La CNIL relève toutefois que la mention de cette faculté de combinaison n’apparaît qu’au milieu des règles de confidentialité, dans le dernier tiers de la rubrique intitulée « Comment nous utilisons les données que nous collectons ».
    • Cette information, alors qu’elle a trait à une modification essentielle de la politique de confidentialité de la société, n’était donc pas accessible aux utilisateurs en première intention.
    • Par ailleurs, elle ne se distinguait pas des développements qui l’entourent, eux-mêmes formulés en termes généraux, notamment quant à la description des traitements de données.
    • Il était donc impossible de considérer en l’espèce que le fait de cliquer sur la case J’accepte des conditions d’utilisation puisse être considéré comme un accord explicite et spécifique à cette combinaison.
    • Pour être valable, le formulaire de consentement assorti de cases à cocher doit être suffisamment précis pour permettre à la personne de consentir en toute connaissance de cause.
  • Le recueil du consentement par défaut
    • Les cases pré-cochées
      • Les cases pré-cochés ne sont pas admises par la CNIL dans la mesure où la personne concernée reste passive.
      • Or l’exigence d’un consentement indubitable ne cadre pas bien avec les procédures d’obtention d’un consentement reposant sur l’inaction ou le silence des personnes concernées.
      • En effet, le silence ou l’inaction d’une partie comporte une ambiguïté intrinsèque (la personne concernée pourrait avoir voulu donner son accord ou pourrait simplement avoir voulu ne pas exécuter l’action).
    • Les courriers
      • Il y a pareillement ambiguïté lorsque des personnes sont réputées avoir donné leur consentement lorsqu’elles n’ont pas répondu à une lettre les informant que l’absence de réponse vaut consentement.
      • Dans ce type de situation, le comportement de la personne (ou plutôt son absence d’action) soulève de sérieux doutes sur le fait que la personne ait voulu marquer son accord.
      • Le fait que la personne n’ait pas effectué d’action positive ne permet pas de conclure qu’elle a donné son consentement.
      • Par conséquence, l’exigence de consentement indubitable ne sera pas satisfaite.
      • A cet égard, le groupe de travail a déclaré qu’un consentement fondé sur le silence de la personne est inadéquat dans le contexte de l’envoi de courriers électroniques à des fins de prospection directe.

III) Le consentement des enfants

Alors que la directive du 24 octobre 1995 n’abordait pas la question du consentement des mineurs, exposés tout autant au les majeurs, à des traitements de données à caractère personnel, le RGPD posent des conditions spécifiques applicables au consentement des enfants.

Le législateur européen justifie cette démarche en arguant que les enfants méritent une protection spécifique en ce qui concerne leurs données à caractère personnel parce qu’ils peuvent être moins conscients des risques, des conséquences et des garanties concernées et de leurs droits liés au traitement des données à caractère personnel.

Cette protection spécifique doit, notamment, s’appliquer à l’utilisation de données à caractère personnel relatives aux enfants à des fins de marketing ou de création de profils de personnalité ou d’utilisateur et à la collecte de données à caractère personnel relatives aux enfants lors de l’utilisation de services proposés directement à un enfant.

A cet égard, l’article 8 du RGPD prévoit que « en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information aux enfants, le traitement des données à caractère personnel relatives à un enfant est licite lorsque l’enfant est âgé d’au moins 16 ans. Lorsque l’enfant est âgé de moins de 16 ans, ce traitement n’est licite que si, et dans la mesure où, le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant. »

Ainsi, cette disposition opère une distinction entre

  • D’une part, les enfants âgés de plus de 16 ans qui sont présumés être en mesure de consentir seuls, soit sans l’intervention de leurs représentants légaux, à un traitement de données à caractère personnel
  • D’autre part, les enfants âgés de moins de 16 ans qui, pour consentir à un traitement de données à caractère personnel, doivent obtenir l’autorisation de leurs représentants légaux

Le texte confère aux États membres une marge de manœuvre, en ce qu’ils peuvent prévoir par la loi un âge inférieur pour autant que cet âge inférieur ne soit pas en-dessous de 13 ans. Le législateur français a retenu comme limite, l’âge de 15 ans.

Lorsque le mineur n’a pas atteint l’âge limite, le RGPD précise qu’il appartient au responsable du traitement de vérifier que le consentement est donné ou autorisé par le titulaire de la responsabilité parentale à l’égard de l’enfant, compte tenu des moyens technologiques disponibles.

§2 : Les dérogations au principe du consentement

Si le consentement joue un rôle important dans la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, cela n’exclut pas la possibilité que, compte tenu du contexte, d’autres fondements juridiques puissent être jugés plus appropriés par le responsable du traitement ou la personne concernée.

Le RGPD et la LIL prévoient 5 autres fondements juridiques sur la base desquels un traitement de données à caractère personnel peut être mise en œuvre.

Au nombre de ces fondements juridiques figurent :

  • Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement ;
  • La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
  • L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement ;
  • L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
  • La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

Une distinction peut ainsi être établie entre le cas où le traitement des données à caractère personnel se fonde sur le consentement indubitable de la personne concernée et les cinq autres cas.

En résumé, ces derniers décrivent des scénarios où le traitement peut se révéler nécessaire dans un contexte spécifique, comme l’exécution d’un contrat conclu avec la personne concernée, le respect d’une obligation légale imposée au responsable du traitement, etc.

Dans l’hypothèse où le consentement de la personne est requis, ce sont les personnes concernées elles-mêmes qui autorisent le traitement de leurs données à caractère personnel.

Il leur appartient de décider si elles permettent que leurs données soient traitées. Le consentement n’élimine pas pour autant la nécessité de respecter les principes énoncés par la LIL.

De plus, le consentement doit encore remplir certaines conditions essentielles pour être légitime. Dès lors que le traitement des données de l’utilisateur est, en définitive, laissé à sa discrétion, tout dépend de la validité et de la portée du consentement de la personne concernée.

Autrement dit, le premier motif, mentionné à l’article 6 a) du RGPD (le consentement) a trait à l’autodétermination de la personne concernée comme fondement de la légitimité.

Tous les autres motifs, en revanche, autorisent le traitement – moyennant des garanties et des mesures définies – dans des situations où, indépendamment du consentement, il est approprié et nécessaire de traiter les données dans un certain contexte pour servir un intérêt légitime spécifique.

En toute hypothèse, c’est au responsable du traitement des données qu’il revient initialement d’apprécier si les critères énoncés à l’article 7, points a) à f), sont remplis, sous réserve du respect du droit applicable et des orientations relatives à la façon dont ce droit doit être appliqué.

Ensuite, la légitimité du traitement peut faire l’objet d’une autre évaluation, et éventuellement être contestée, par les personnes concernées, par d’autres parties prenantes, par les autorités chargées de la protection des données, et en définitive la question peut être tranchée par les tribunaux.

I) Le respect d’une obligation légale

Ce fondement juridique renvoie à l’hypothèse où le traitement de données à caractère personnel est imposé au responsable du traitement par une obligation légale.

Il pourrait, par exemple, s’agir d’un texte qui impose aux employeurs de communiquer des données relatives aux rémunérations de leurs salariés à la sécurité sociale ou à l’administration fiscale, ou lorsque les institutions financières sont tenues de signaler certaines opérations suspectes aux autorités compétentes en vertu de règles visant à lutter contre le blanchiment d’argent. I

Pour que ce fondement juridique, puisse s’appliquer, l’obligation à laquelle est soumis le responsable du traitement doit satisfaire à un certain nombre de conditions :

  • Une obligation légale ou réglementaire
    • L’obligation sur le fondement de laquelle le traitement est mis en œuvre, doit être imposée par la loi ou par un texte réglementaire et non, par exemple, par une cause contractuelle.
    • A cet égard, le texte légal doit remplir toutes les conditions requises pour rendre l’obligation valable et contraignante, et doit aussi être conforme au droit applicable en matière de protection des données, notamment aux principes de nécessité, de proportionnalité et de limitation de la finalité.
  • Une obligation édictée par l’Union européenne ou un État membre
    • Il importe de souligner que l’obligation légale dont se prévaut le responsable du traitement doit se rapporter aux lois de l’Union européenne ou d’un État membre.
    • Les obligations imposées par les lois de pays tiers (comme, par exemple, l’obligation de mettre en place des mécanismes de dénonciation des dysfonctionnements, instaurée en 2002 par la loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis) ne relèvent pas de ce motif.
  • Une obligation à laquelle le responsable du traitement ne peut pas déroger
    • Le responsable du traitement ne doit pas avoir le choix de se conformer ou non à l’obligation.
    • Les engagements volontaires unilatéraux et les partenariats public-privé qui supposent le traitement de données au-delà de ce qui est requis par la loi n’entrent donc pas dans le champ d’application de l’article 7, point 1° de la LIL.
    • Par exemple, si un fournisseur de services internet décide – sans y être contraint par une obligation légale claire et précise – de surveiller ses utilisateurs afin de lutter contre le téléchargement illégal, l’article 7, 1°, ne pourra pas être invoqué comme fondement juridique approprié à cet effet.
  • Une obligation suffisamment claire et précise
    • L’obligation légale elle-même doit être suffisamment claire à propos du traitement de données à caractère personnel qu’elle requiert.
    • En conséquence, l’article 7, point 1°, s’applique sur la base de dispositions juridiques mentionnant explicitement la nature et l’objet du traitement.
    • Le responsable du traitement ne doit pas avoir de marge d’appréciation injustifiée quant à la façon de se conformer à l’obligation légale.

II) La sauvegarde de la vie de la personne concernée

Pour que ce fondement juridique puisse servir de base à un traitement de données à caractère personnel, il est nécessaire que le responsable du traitement justifie de la nécessité de protéger un intérêt essentiel à la vie de la personne concernée ou à celle d’une autre personne physique.

Le traitement de données à caractère personnel fondé sur l’intérêt vital d’une autre personne physique ne devrait en principe avoir lieu que lorsque le traitement ne peut manifestement pas être fondé sur une autre base juridique.

Selon le Groupe de l’article 29, l’expression « intérêt vital » semble limiter l’application de ce motif à des questions de vie ou de mort, ou, à tout le moins, à des menaces qui comportent un risque de blessure ou une autre atteinte à la santé de la personne concernée.

A cet égard, le considérant 31 de la Directive du 24 octobre 1995 confirme que l’objectif de ce fondement juridique est de « protéger un intérêt essentiel à la vie de la personne concernée ».

Ni la directive, ni le RGPD ne précise, néanmoins, si la menace doit être immédiate. Ce silence, n’est pas sans soulever des questions quant à la portée de la collecte de données, par exemple, à titre de mesure préventive ou à grande échelle, comme la collecte des données relatives aux passagers transportés par une compagnie aérienne en cas de risque d’épidémie ou d’incident de sûreté.

Le groupe de l’article 29 considère qu’il convient de donner une interprétation restrictive à cette disposition. Bien que l’article 7, 2° de la LIL, ne limite pas expressément l’utilisation de ce motif à des situations où le consentement ne peut servir de fondement juridique, il est raisonnable de supposer que, lorsqu’il est possible et nécessaire de demander un consentement valable, il y a effectivement lieu d’obtenir ce consentement chaque fois que les conditions le permettent.

Cette disposition voit ainsi son application limitée à une analyse au cas par cas et elle ne peut normalement servir à légitimer, ni la collecte massive de données à caractère personnel, ni leur traitement.

III) L’exécution d’une mission de service public

Lorsqu’une personne exécute une mission de service public, l’article 7, 3° de l’autorise à mettre en œuvre un traitement de données à caractère personnel, sans qu’il soit besoin qu’elle recueille, au préalable, le consentement de la personne concernée.

Encore faut-il que la mission confiée au responsable du traitement porte bien sur une mission de service public, ce qui implique qu’elle relève de l’exercice d’une autorité publique conférée en vertu d’un texte légal ou réglementaire.

Ce fondement juridique couvre deux situations :

  • Première situation
    • Il concerne des situations où le responsable du traitement est lui-même investi d’une autorité publique ou d’une mission d’intérêt public (sans nécessairement être lui aussi soumis à une obligation légale de traiter des données) et où le traitement est nécessaire à l’exercice de cette autorité ou de cette mission.
    • Par exemple, une administration fiscale peut collecter et traiter la déclaration de revenus d’une personne afin d’établir et de vérifier le montant de l’impôt à payer.
  • Seconde situation
    • Ce fondement juridique couvre aussi des situations où le responsable du traitement n’est pas investi d’une autorité publique, mais est invité à communiquer des données à un tiers investi d’une telle autorité.
    • Par exemple, un agent d’un service public compétent pour enquêter sur un crime peut demander au responsable du traitement sa coopération dans le cadre d’une enquête en cours, plutôt que de lui ordonner de se soumettre à une demande de coopération spécifique.

En toute hypothèse, pour être licite, il faut que le traitement soit « nécessaire à l’exécution d’une mission de service public », ou encore que le responsable du traitement ou le tiers auquel il communique les données soit investi d’une autorité publique et que le traitement des données soit nécessaire à l’exercice de cette autorité.

Si, toutefois, le traitement suppose une ingérence dans la vie privée ou si le droit national l’exige par ailleurs afin de garantir la protection des personnes concernées, la base juridique encadrant le genre de traitement de données qui peut être autorisé devra être suffisamment précise et spécifique.

L’article 7, 3°, a potentiellement un champ d’application très large, ce qui plaide en faveur d’une interprétation stricte et d’une définition précise, au cas par cas, de l’intérêt public en jeu et de l’autorité publique justifiant le traitement.

IV) L’exécution, d’un contrat ou de mesures précontractuelles

L’article 7, 4° prévoit que le consentement de la personne concernée n’est pas requis lorsque le traitement de données à caractère personnel procède de l’exécution :

  • Soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie
  • Soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci

==> Sur l’exécution d’un contrat

Le fondement juridique de l’article 7, 4° vise d’abord les situations dans lesquelles le traitement est nécessaire à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie.

Pour exemple :

  • Il couvre, par exemple, la collecte de données à caractère personnel dans le cadre des formulaires bancaires que doit remplir la personne demandant l’ouverture d’un compte.
  • Il peut encore s’agir du traitement de son adresse pour que des produits achetés en ligne puissent être livrés, ou du traitement des informations figurant sur une carte de crédit afin d’effectuer une transaction.
  • Dans le contexte des relations de travail, ce motif peut autoriser, par exemple, le traitement des informations relatives aux salaires et des coordonnées de comptes bancaires pour que les salariés puissent être payés.

Comme le relève le Groupe de l’article 29, ce fondement juridique doit être interprétée de façon restrictive et ne couvre pas les situations dans lesquelles le traitement n’est pas véritablement nécessaire à l’exécution d’un contrat, mais plutôt imposé unilatéralement à la personne concernée par le responsable du traitement.

Le fait qu’un certain traitement de données soit couvert par un contrat ne signifie pas non plus automatiquement que le traitement soit nécessaire à son exécution.

Par exemple, l’article 7, 4° de la LIL ne peut pas servir de fondement juridique pour établir un profil des goûts et du mode de vie de l’utilisateur à partir de son historique de navigation sur un site internet et des articles achetés.

En effet, le responsable du traitement des données n’a pas été chargé, dans le contrat, d’établir un profil mais de fournir des produits et des services, par exemple.

Même si ces activités de traitement sont expressément mentionnées en petits caractères dans le contrat, elles n’en deviennent pas pour autant « nécessaires » à l’exécution de ce dernier.

Il existe donc ici un lien évident entre l’appréciation de la nécessité et le respect du principe de limitation de la finalité.

Il importe de déterminer la raison d’être exacte du contrat, c’est-à-dire sa substance et son objectif fondamental, car c’est ce qui permettra de vérifier si le traitement des données est nécessaire à l’exécution du contrat.

==> Sur l’exécution de mesures précontractuelles

Le recueil du consentement préalable de la personne concernée n’est pas non plus requis en cas d’exécution de mesures précontractuelles, soit celles prises avant la conclusion du contrat.

Il peut donc s’appliquer aux relations précontractuelles, pour autant que les démarches soient accomplies à la demande de la personne concernée, plutôt qu’à l’initiative du responsable du traitement ou d’un tiers.

Par exemple, si une personne demande à un détaillant de lui faire une offre de prix pour un produit, le traitement de données effectué à cette fin, tel que la conservation, pour une durée limitée, de l’adresse et des informations à propos de ce qui est demandé, pourra s’appuyer sur ce fondement juridique.

De même, si quelqu’un demande un devis à un assureur pour sa voiture, l’assureur est en droit de traiter les données nécessaires, par exemple, la marque et l’âge de la voiture, ainsi que d’autres données pertinentes et proportionnées, afin d’établir le devis.

En revanche, des vérifications détaillées comme, par exemple, le traitement de données d’examens médicaux par une compagnie d’assurances avant de proposer une assurance maladie ou une assurance vie ne seraient pas considérées comme une étape nécessaire accomplie à la demande de la personne concernée.

Le traitement à des fins de prospection commerciale sur l’initiative du responsable du traitement ne pourra pas non plus s’appuyer sur ce motif.

V) La réalisation d’un intérêt légitime

Dernier fondement juridique susceptible de servir de base à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel : la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

Ce fondement juridique, d’une portée exceptionnellement générale, est issue de la directive du 24 octobre 1995.

Cette directive ne donnait toutefois aucun critère. Son considérant 30 se bornait à donner des exemples pouvant fonder la licéité de traitements :

  • Les activités de gestion courante des entreprises et autres organismes
  • La prospection commerciale
  • La prospection par une association à but caritatif ou par d’autres associations ou fondations, par exemple à caractère politique

La directive précisait que les traitements devaient, en tout état de cause, être mis en œuvre dans le respect des dispositions visant à permettre aux personnes concernées de s’opposer sans devoir indiquer leurs motifs et sans frais au traitement de données les concernant.

Sans préciser ce que l’on doit entendre par la notion d’« intérêt légitime », le RGPD énonce, dans son considérant 47 que « les intérêts légitimes d’un responsable du traitement, y compris ceux d’un responsable du traitement à qui les données à caractère personnel peuvent être communiquées, ou d’un tiers peuvent constituer une base juridique pour le traitement, à moins que les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée ne prévalent, compte tenu des attentes raisonnables des personnes concernées fondées sur leur relation avec le responsable du traitement ».

Le texte ajoute que l’existence d’un intérêt légitime devrait faire l’objet d’une évaluation attentive, notamment afin de déterminer si une personne concernée peut raisonnablement s’attendre, au moment et dans le cadre de la collecte des données à caractère personnel, à ce que celles-ci fassent l’objet d’un traitement à une fin donnée.

Les intérêts et droits fondamentaux de la personne concernée pourraient, en particulier, prévaloir sur l’intérêt du responsable du traitement lorsque des données à caractère personnel sont traitées dans des circonstances où les personnes concernées ne s’attendent raisonnablement pas à un traitement ultérieur.

Bien que le RGPD apporte des précisions sur le fondement de l’intérêt légitime, il ne définit pas la notion, de sorte qu’il y a lieu de se reporter à l’avis émis par le Groupe de l’article 29 en date du 9 avril 2014.

Selon ce Groupe, pour déterminer si un traitement de données à caractère personnel peut être mise en œuvre sur le fondement de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement, il convient de procéder par étape

A) Première étape

Elle consiste à déterminer si l’intérêt poursuivi par le responsable du traitement est légitime.

Il convient, tout d’abord, de noter que la notion d’intérêt légitime doit être distinguée de la notion de finalité.

  • La finalité est la raison spécifique pour laquelle les données sont traitées : le but de leur traitement
  • L’intérêt, quant à lui, est l’enjeu plus large poursuivi par le responsable du traitement, ou le bénéfice qu’il tire – ou que la société pourrait tirer – du traitement.

La question qui alors se pose est de savoir ce qui rend un intérêt légitime ou illégitime. Il s’agit, autrement dit, de déterminer le seuil de ce qui constitue un intérêt légitime.

Pour le Groupe de l’article 29, un intérêt peut être considéré comme légitime dès lors que le responsable du traitement est en mesure de poursuivre cet intérêt dans le respect de la législation sur la protection des données et d’autres législations.

Autrement dit, un intérêt légitime doit être « acceptable au regard du droit ».

Aussi, un « intérêt légitime » doit donc :

  • Être licite (c’est-à-dire conforme au droit en vigueur dans l’Union et dans le pays concerné)
  • Être formulé en termes suffisamment clairs pour permettre l’application du critère de mise en balance avec l’intérêt et les droits fondamentaux de la personne concernée (c’est-à-dire suffisamment précis)
  • Constituer un intérêt réel et présent (c’est-à-dire non hypothétique)

Le fait que le responsable du traitement poursuive un tel intérêt légitime en traitant certaines données ne signifie pas qu’il puisse nécessairement invoquer l’article 7, 5°, comme fondement juridique justifiant le traitement.

La légitimité de l’intérêt poursuivi n’est qu’un point de départ. La possibilité d’invoquer ce fondement juridique dépend du résultat de la mise en balance entre l’intérêt du responsable du traitement avec l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée.

À titre d’illustration : des responsables du traitement peuvent avoir un intérêt légitime à connaître les préférences de leurs clients pour être en mesure de mieux personnaliser leurs offres et, en fin de compte, de proposer des produits et des services qui correspondent mieux aux besoins et aux désirs des clients.

Dans cette perspective, l’article 7, 5°, peut constituer un fondement juridique approprié pour certains types d’activités de prospection, en ligne ou hors ligne, pour autant qu’il existe des garanties appropriées, incluant, entre autres, un mécanisme fonctionnel permettant de s’opposer à ce traitement

Cela ne signifie pas pour autant que les responsables du traitement pourraient invoquer l’article 7, 5°, pour surveiller indûment les activités en ligne ou hors ligne de leurs clients, pour compiler d’importants volumes de données à leur propos en provenance de différentes sources, collectées à l’origine dans d’autres contextes et à des fins différentes, et pour créer des profils complexes concernant la personnalité et les préférences des clients, sans les en informer, ni mettre à leur disposition un mécanisme fonctionnel permettant d’exprimer leur opposition, pour ne rien dire de leur consentement éclairé.

Une telle activité de profilage risque de constituer une violation grave de la vie privée du client et, dans ce cas, l’intérêt et les droits de la personne concernée prévaudraient sur l’intérêt poursuivi par le responsable du traitement.

B) Deuxième étape

Il s’agit ici de déterminer si le traitement de données à caractère personnel que le responsable envisage de mettre en œuvre est nécessaire à la réalisation de l’intérêt poursuivi.

Cette exigence a notamment été rappelée par la CJUE dans un arrêt du 13 mai 2014 aux termes duquel elle a considéré que l’article 7 de la directive du 24 octobre 1995 (devenu l’article 6 du RGPD), « permet le traitement de données à caractère personnel lorsqu’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les libertés et les droits fondamentaux de la personne concernée, notamment son droit au respect de sa vie privée à l’égard du traitement des données à caractère personnel » (CJUE, 13 mai 2014, aff. C-131/12).

Lorsque, dès lors, le traitement n’est pas absolument nécessaire à la poursuite de l’intérêt légitime du responsable, le fondement de l’article 6 du RGPD n’est pas applicable.

C) Troisième étape

A supposer que le traitement de données à caractère personnel soit nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime du responsable, encore faut-il, pour être licite, que cet intérêt ne porte pas atteinte à l’intérêt et aux droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. Aussi, cela implique-t-il d’opérer une mise en balance.

A cet égard, comme le souligne le Groupe de l’article 29, il importe de relever qu’à la différence de l’«intérêt» du responsable du traitement, l’«intérêt» des personnes concernées n’est pas suivi ici de l’adjectif «légitime».

Cela suppose que la protection de l’intérêt et des droits des individus a une portée plus vaste. Même les personnes qui se livrent à des activités illégales ne devraient pas faire l’objet d’une ingérence disproportionnée dans l’exercice de leurs droits et de leurs intérêts.

Par exemple, un individu qui peut avoir commis un vol dans un supermarché pourrait encore voir son intérêt prévaloir contre la publication par le propriétaire du magasin de sa photo et de son adresse privée sur les murs du supermarché ou et/ou sur l’internet.

En toute hypothèse, il apparaît que l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement et les incidences sur l’intérêt et les droits de la personne concernée se présentent sous la forme d’un spectre.

L’intérêt légitime peut être, selon les cas, minime, relativement important ou impérieux.

De même, les incidences sur l’intérêt et les droits des personnes concernées peuvent présenter plus ou moins de gravité et peuvent être anodines ou très préoccupantes.

  • L’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement, quand il est peu important, ne prévaudra généralement sur l’intérêt et les droits des personnes concernées que dans les cas où les incidences sont encore plus insignifiantes.
  • D’un autre côté, un intérêt légitime impérieux peut justifier, dans certains cas et sous réserve de garanties et de mesures adéquates, une ingérence même grave dans la vie privée ou d’autres conséquences importantes pour l’intérêt ou les droits des personnes concernées.

Il importe ici de souligner le rôle essentiel que les garanties peuvent jouer pour réduire les incidences injustifiées sur les personnes concernées et, partant, modifier l’équilibre des droits et des intérêts, au point que ceux de ces personnes ne prévalent plus sur l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement des données.

Le recours à des garanties ne suffit bien sûr pas à justifier, à lui seul, n’importe quel traitement dans toutes les situations envisageables.

Il faut en outre que les garanties en question soient adéquates et suffisantes, et qu’elles réduisent indubitablement et sensiblement les incidences sur les personnes concernées.

La mise en balance des intérêts en présence suppose de confronter les deux plateaux de la balance :

==> Sur le premier plateau de la balance

S’agissant du premier plateau de la balance, il convient d’apprécier l’intérêt légitime du responsable du traitement.

S’il est impossible de porter des jugements de valeur à l’égard de toutes les formes d’intérêt légitime envisageables, il est possible de formuler certaines orientations.

Comme indiqué précédemment, cet intérêt peut être insignifiant ou impérieux, manifeste ou plus controversé.

Pour apprécier la teneur de cet intérêt, plusieurs facteurs doivent être pris en compte :

  • L’exercice d’un droit fondamental par le responsable du traitement
    • Pour que l’intérêt légitime du responsable du traitement prévale, le traitement des données doit être « nécessaire » et « proportionné » à l’exercice du droit fondamental concerné.
    • À titre d’illustration, selon les circonstances, il peut s’avérer nécessaire et proportionné qu’un journal publie certains éléments incriminants à propos du train de vie d’un haut fonctionnaire impliqué dans un scandale de corruption présumé.
    • Il n’est pas question, néanmoins, de donner aux médias toute latitude de publier sans motif valable n’importe quel détail sur la vie privée des personnalités publiques.
  • Intérêt public/intérêt de la collectivité
    • Dans certains cas, le responsable du traitement peut choisir d’invoquer l’intérêt public ou l’intérêt de la collectivité (que ce soit prévu ou non par les lois ou les réglementations nationales).
    • Par exemple, des données à caractère personnel peuvent être traitées par une association caritative aux fins de la recherche médicale, ou par une organisation sans but lucratif dans le cadre d’une action de mobilisation contre la corruption.
    • Il peut aussi arriver que l’intérêt commercial d’une société privée coïncide dans une certaine mesure avec un intérêt public.
    • Cela peut être le cas, par exemple, pour lutter contre la fraude financière ou l’utilisation abusive de services
    • En général, le fait qu’un responsable du traitement agisse non seulement dans son propre intérêt légitime (commercial, par exemple), mais aussi dans l’intérêt de la collectivité, peut donner plus de « poids » à cet intérêt.
  • Autres intérêts légitimes
    • Dans certains cas, le contexte dans lequel un intérêt légitime apparaît peut se rapprocher de ceux où certains autres fondements juridiques peuvent être retenus
    • Par exemple, il se peut qu’une activité de traitement des données ne soit pas strictement nécessaire, mais qu’elle reste néanmoins pertinente pour l’exécution d’un contrat, comme il est possible qu’une loi autorise, le traitement de certaines données, sans pour autant l’exiger.

==> Le second plateau de la balance

L’autre plateau de la balance, à savoir l’incidence du traitement sur l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée, constitue un critère crucial.

Pour apprécier l’incidence du traitement, il convient de prendre en considération les conséquences aussi bien positives que négatives.

Il peut s’agir notamment de décisions ou de mesures éventuelles qui seront prises ultérieurement par des tiers et de situations où le traitement peut aboutir à l’exclusion de certaines personnes, à une discrimination à leur encontre, à de la diffamation ou, plus généralement, de situations qui comportent un risque de nuire à la réputation, au pouvoir de négociation ou à l’autonomie de la personne concernée.

En plus des conséquences négatives qui peuvent être spécifiquement prévues, il faut aussi tenir compte des répercussions morales, comme l’irritation, la crainte et le désarroi qui peuvent résulter de la perte du contrôle exercé par la personne concernée sur ses informations à caractère personnel, ou de la découverte d’une utilisation abusive ou d’une compromission effective ou potentielle de ces informations – du fait, par exemple, de leur divulgation sur l’internet.

L’effet dissuasif sur un comportement protégé, comme la liberté de recherche ou la liberté d’expression, qui peut résulter d’une surveillance constante ou d’un traçage, doit aussi être dûment pris en considération.

Afin d’évaluer l’incidence du traitement de données à caractère personnel sur la personnel concernée, le Groupe de l’article 29 préconise de prendre en compte un certain nombre de facteurs :

  • La nature des données
    • En général, plus les informations sont sensibles, plus les conséquences qu’elles peuvent avoir pour la personne concernée sont importantes.
    • Cela ne veut pas dire, cependant, qu’il est permis de traiter librement des données qui, en elles-mêmes, peuvent paraître anodines.
    • En effet, selon la façon dont elles sont traitées, même ces données peuvent avoir une incidence importante sur les individus
  • La façon dont les données sont traitées
    • L’analyse d’impact au sens large peut consister notamment à examiner si les données ont été publiées ou rendues accessibles par quelque autre moyen à un grand nombre de personnes, ou si des volumes considérables de données à caractère personnel sont traités ou combinés avec d’autres données (par exemple, en cas d’établissement de profils, à des fins commerciales, judiciaires, ou autres).
    • Le traitement à grande échelle de données apparemment anodines et leur combinaison avec d’autres données peuvent parfois permettre des inférences à propos de données plus sensibles.
  • Les attentes raisonnables de la personne concernée
    • Les attentes raisonnables de la personne concernée quant à l’utilisation et à la divulgation des données doivent être prises en compte dans la mise en balance.
    • A cet égard, il est important d’examiner si le statut du responsable du traitement des données, la nature de la relation ou du service fourni ou les obligations légales ou contractuelles applicables (ou d’autres engagements pris lors de la collecte) pourraient susciter des attentes raisonnables de confidentialité plus stricte et de limitations plus strictes en cas d’utilisation ultérieure.
  • Le statut du responsable du traitement des données et de la personne concernée
    • Le statut de la personne concernée et du responsable du traitement des données est aussi pertinent pour apprécier l’incidence du traitement.
    • Selon que le responsable du traitement des données est un individu ou une petite organisation, une grande multinationale, ou un organisme du secteur public et en fonction des circonstances, le rapport de force avec la personne concernée peut être plus ou moins grand.
    • Une grande multinationale dispose, par exemple, de ressources et d’un pouvoir de négociation considérables vis-à-vis d’une personne concernée, à titre individuel, et elle peut par conséquent être à même d’imposer ce qu’elle considère comme son « intérêt légitime » à la personne concernée, surtout si l’entreprise occupe une position dominante sur le marché.
    • D’un autre côté, le statut de la personne concernée a aussi son importance. Si, en principe, il y a lieu d’appliquer le critère de mise en balance par rapport à un individu moyen, certaines situations spécifiques appellent plutôt une approche au cas par cas : par exemple, il serait pertinent de prendre en considération le fait que la personne concernée est un enfant ou appartient à une catégorie de population plus vulnérable qui requiert une protection spéciale, comme, par exemple, les malades mentaux, les demandeurs d’asile ou les personnes âgées.

D) Quatrième étape

Afin de déterminer si le traitement de données à caractère personne peut être mis en œuvre sur le fondement juridique de l’intérêt légitime du responsable du traitement, c’est l’appréciation générale de la mise en balance qui déterminera si le résultat est acceptable ou non.

Plus l’incidence sur la personne concernée est significative, plus faudra prêter attention aux garanties qu’il convient de mettre en place.

Après une analyse et un examen attentif de tous les aspects du problème, un bilan provisoire peut être établi : une conclusion préliminaire peut être tirée afin de déterminer si l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement prévaut sur les droits et les intérêts des personnes concernées.

Il peut cependant y avoir des cas où le résultat de la mise en balance n’est pas clair et où il subsiste un doute quant à la question de savoir si l’intérêt légitime du responsable du traitement (ou du tiers) prévaut et si le traitement peut se fonder sur l’article 7, 5°.

C’est pourquoi il importe de procéder à une évaluation complémentaire dans le cadre de l’exercice de mise en balance.

À ce stade, le responsable du traitement peut envisager d’introduire d’autres mesures, qui vont au-delà du respect des dispositions horizontales de la directive, afin de contribuer à protéger les personnes concernées.

Les garanties supplémentaires destinées à prévenir toute incidence indue sur les personnes concernées peuvent notamment inclure :

  • La minimisation des données (par exemple, une limitation stricte du volume de données collectées, ou la suppression immédiate des données après utilisation)
  • Des mesures techniques et organisationnelles garantissant les données ne peuvent servir à la prise de décisions ou d’autres mesures à l’endroit des individus («séparation fonctionnelle»)
  • Un large recours aux techniques d’anonymisation, l’agrégation des données, les technologies renforçant la protection de la vie privée, la prise en compte du respect de la vie privée dès la conception, les analyses d’impact relatives à la vie privée et à la protection des données
  • Une transparence accrue, un droit général et inconditionnel de refuser le traitement, la portabilité des données et autres mesures connexes visant à renforcer le pouvoir des personnes concernées.

Lorsque les garanties prises par le responsable du traitement sont insuffisantes, la CNIL n’hésite pas à prononcer des sanctions à son encontre.

Tel avait été le cas dans le cadre d’une délibération rendue 19 juillet 2012 (CNIL, délib. n°2012-214 du 19 juillet 2012)

  • Les faits
    • Il s’agissait d’une société (la FNAC) qui avait pour activité la vente à distance sur catalogue.
    • Elle exploitait, plus précisément, un site de e-commerce
    • Lors du contrôle diligenté par la CNIL dans les locaux de cette société, il a été établi que dans les bases de la société figuraient notamment les données sur les produits commandés ainsi que sur les transactions commerciales effectuées, une table de cette base étant par ailleurs réservée aux coordonnées bancaires des clients.
    • Dans cette table apparaissaient les noms des porteurs des cartes bancaires, leurs numéros et leurs dates d’expiration, qui correspondent à environ 10 millions de cartes bancaires en cours de validité ainsi qu’à un grand nombre de cartes bancaires dont la date de validité est expirée.
    • La finalité de la conservation de ces données, qui permet aux clients de la société de ne pas avoir à les ressaisir lors d’une prochaine commande, consistait donc à leur offrir une prestation de portefeuille électronique.
  • Moyens de défense de la FNAC
    • Pour justifier cette pratique, la FNAC soutenait que la conservation de ces coordonnées bancaires dans ses bases était conforme aux conditions posées par les articles 7-4° et 7-5° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, qui prévoient qu’il n’est pas nécessaire de recueillir le consentement des personnes quand le traitement est lié
      • Soit à l’exécution d’un contrat auquel la personne concernée est partie
      • Soit à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée
    • A cet égard, elle soutenait
      • D’une part, que la conservation des données bancaires était conforme à la finalité annoncée au client
      • D’une part, que cette prestation faisait pleinement partie du service qui est proposé par l’e-commerçant
      • Enfin, qu’elle a en outre adopté une approche transparente à l’égard des visiteurs sur son site, où la conservation du numéro de carte bancaire et la possibilité de le supprimer sont mentionnés à plusieurs reprises.
  • Décision
    • Bien que pertinents, les arguments avancés n’ont pas suffi à emporter la conviction de la CNIL.
    • La Commission rejette notamment l’argument tenant à l’invocation du fondement de l’intérêt légitime poursuivi par la FNAC.
    • Celui-ci consistait, en l’espèce, à faciliter la réalisation d’un ou de plusieurs paiements successifs dans la durée, et par conséquent en l’optimisation des transactions commerciales effectuées sur son site.
    • Si la CNIL ne nie pas l’existence de cet intérêt légitime, elle rappelle, néanmoins, que doit être effectuée une balance entre les intérêts poursuivis par la société et ceux des personnes concernées.
    • A cet égard, la FNAC soutenait que les personnes étaient amplement informées de la conservation de leurs données bancaires ainsi que de la possibilité de les supprimer en se connectant à son compte client après chaque transaction effectuée sur son site.
    • Pour la Commission, sur ce point, si l’intérêt légitime de la société justifie parfaitement la conservation de données commerciales habituelles (nom, adresse, numéro de téléphone, etc.) en contrepartie d’une information adéquate des personnes, la fourniture d’un service de portefeuille électronique, en revanche, doit être entourée de garanties renforcées.
    • En l’occurrence, compte tenu de la sensibilité toute particulière que revêtent leurs données bancaires pour les personnes concernées, de seules mesures d’information sur la conservation de ces données associées à une faculté d’effacement ex post ne sauraient constituer de telles garanties.
    • Pour la CNIL c’est bien au titre des garanties minimales qu’il incombait à la FNAC de de recueillir le consentement des personnes au stockage de leurs coordonnées bancaires au-delà de la réalisation de la transaction, ce qu’elle n’a pas fait.
    • Elle estime par ailleurs que l’argument tiré d’une meilleure ergonomie du site ne pouvait pas prospérer.

Au bilan, il ressort de cette délibération de la CNIL que lorsqu’à l’issue de la mise en balance il apparaît que l’impact du traitement sur la personne concernée s’avère négatif, il appartient au responsable de mettre en place des garanties appropriée, sinon renforcées, afin de rééquilibrer la balance.

L’exigence d’une communication par écrit du taux effectif global (TEG/TAEG)

L’obligation de communication du taux effectif global qui s’impose au prêteur est le second axe autour duquel s’est construit le corpus normatif qui encadre la stipulation du taux d’intérêt. Cette exigence se justifie par la nécessité de transparence que l’emprunteur est légitimement en droit d’attendre des établissements bancaires.

Spécialement, selon pour le législateur européen, non seulement le consommateur doit recevoir des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit, mais encore ces informations doivent faciliter la comparaison des différentes offres de crédit émises à leur endroit.

I) Les règles applicables à tous les crédits

La première composante de l’exigence de communication du coût du crédit à l’emprunteur tient à l’obligation pour le banquier d’énoncer le taux d’intérêt appliqué par écrit.

Cette exigence se déduit des articles 1907 du Code civil et L. 314-5 du Code de la consommation.

Tandis que le premier prévoit que « le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit », le second énonce que « le taux effectif global déterminé selon les modalités prévues aux articles L. 314-1 à L. 314-4 est mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par la présente section. »

Il ressort de la combinaison de ces deux dispositions que doit être communiqué à l’emprunteur, non seulement le taux nominal, soit le taux correspondant à la rémunération du prêteur, mais encore le TEG, lequel intègre, en sus du taux nominal, l’ensemble des frais liés à l’octroi du crédit.

S’il ne fait aucun doute que l’exigence de communication par écrit du taux nominal édictée à l’article 1907 du Code civil s’applique, tant aux crédits consentis aux consommateurs, qu’aux crédits octroyés aux professionnels, plus délicate est la question de savoir s’il en va de même pour le TEG.

Dans la mesure où le champ d’application du Code de la consommation est, en principe, circonscrit aux seules opérations qui concernent les consommateurs, est-ce à dire que l’article L. 314-5 du Code de la consommation ne serait pas applicable aux crédits consentis aux professionnels ? Cela revient, autrement dit, à s’interroger sur la portée de l’exigence d’une mention écrite du TEG.

Pour le déterminer, il convient de se reporter à l’article L. 313-4 du Code monétaire et financier qui prévoit que « Les règles relatives au taux effectif global des crédits sont fixées par les articles L. 314-1 à L. 314-5 et L. 341-49 du code de la consommation ci-après reproduits ».

Au nombre de ces règles figure notamment celle relative à l’exigence de mention écrite du TEG. On peut dès lors raisonnablement en conclure que la règle posée à l’article L. 314-5 du Code de la consommation possède une portée générale.

Il est donc indifférent que le crédit soit consenti à un consommateur ou à un professionnel : en toute hypothèse le TEG doit être communiqué par écrit à l’emprunteur.

Cette interprétation des textes a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 2002 aux termes duquel elle a estimé, au visa des articles 1907 du Code civil et L. 313-2 du Code de la consommation, devenu l’article L. 314-5, que « le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt »[1].

Cass. 1ère civ. 22 janv. 2002
Sur le moyen unique :

Vu l'article 1907, alinéa 2, du Code civil, ensemble l'article L. 313-2 du Code de la consommation ;

Attendu que, selon ce dernier texte, le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt ;

Attendu que la société Mathy a souscrit par acte notarié un prêt auprès de la Banque française de crédit coopératif (BFCC) ; que, la société ayant cessé de payer ses échéances, la banque l'a fait assigner en paiement du principal et des intérêts contractuels ; que la société ayant fait valoir que cette stipulation d'intérêts était nulle faute d'avoir fait figurer dans l'acte notarié le taux effectif global, l'arrêt infirmatif attaqué l'a condamnée à payer à la banque la somme de 485 664,02 francs en principal ainsi que les intérêts conventionnels de 12 % l'an à compter du 15 avril 1996, au motif que " l'acte notarié à finalité professionnelle n'est pas soumis à l'obligation légale de mentionner le taux effectif global " ;

Attendu qu'en ajoutant au texte susvisé une restriction qu'il ne comporte pas, la cour d'appel l'a violé, par refus d'application ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Mathy à payer à la BFCC les intérêts au taux conventionnel, l'arrêt rendu le 21 janvier 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.

Il s’évince d’un arrêt rendu par la chambre commerciale le 13 juin 1995, que l’obligation de communication du TEG par écrit est d’ordre public.

La Cour de cassation avait considéré dans cette décision que, en application de la règle « imposant l’indication écrite du taux effectif global lorsqu’il s’agit d’un découvert en compte, il importe peu, en l’absence d’un tel écrit, que le titulaire du compte ait eu la possibilité de connaître, par d’autres modes, le taux appliqué par la banque dans des situations semblables à la sienne »[2].

Dans un arrêt du 30 octobre 2008, la haute juridiction a, dans le même sens, jugé qu’il importait peu que le crédit ait été constaté par acte authentique[3].

On peut encore relever l’arrêt du 10 mai 1994 à l’occasion duquel la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour avoir estimé que l’acceptation, sans protestation ni réserve, des relevés de la banque par le client, suffisait à caractériser l’écrit exigé par la loi en matière de crédit[4].

S’agissant des modalités d’exécution de l’obligation de communication du TEG par écrit à l’emprunteur, la jurisprudence considère qu’elle est remplie dès lors que l’information figure dans l’acte constatant le contrat de prêt.

La seule exigence posée par les juridictions est que la mention du TEG soit claire et lisible[5]. À cet égard, en application de l’article 1174 du Code civil, qui confère à l’écrit électronique la même valeur que l’écrit papier, il est admis que le TEG puisse être communiqué sous forme électronique. Cette faculté est subordonnée à l’observance des conditions prévues aux articles 1366 et 1367 du Code civil.

Quant à la localisation de l’information, la Cour de cassation a récemment affirmé qu’elle est indifférente, dès lors que le taux est communiqué à l’emprunteur. Le TEG peut ainsi tout autant figurer sur l’acte de prêt en lui-même, que sur un document distinct, tel que l’offre de crédit préalablement établie par le prêteur[6].

Reste que, dans certaines hypothèses, l’exigence de communication par écrit du TEG/TAEG à l’emprunteur sera difficile à satisfaire en raison de l’indétermination d’un certain nombre d’éléments de calcul au moment de la convention de crédit.

Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'afin d'édifier un hôtel, la SCI Saint-Pierre a souscrit auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corse (la banque), le 12 mai 2004, un prêt d'un montant de 165 000 euros et, le 7 juillet 2005, une autorisation de découvert de 100 000 euros ; que ces crédits n'ayant pas été remboursés, la banque a assigné la SCI Saint-Pierre et Mme X..., prise en sa qualité de caution, en paiement des sommes dues ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de consommation, dans leur rédaction applicable en la cause, et l'article 1907 du code civil ;

Attendu que, selon le deuxième de ces textes, le taux effectif global d'un prêt est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires ; que le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l'emprunteur, fût-ce par une modalité autre que le contrat de prêt ;

Attendu que, pour écarter le moyen tiré de l'inobservation des dispositions précitées et débouter la SCI Saint-Pierre et Mme X... de leur demande tendant à la substitution du taux légal au taux conventionnel pour les intérêts du prêt de 165 000 euros, l'arrêt énonce que, si le contrat de prêt indique une périodicité trimestrielle, il ne mentionne pas le taux de période, que l'absence de celui-ci n'a pu affecter le consentement de l'emprunteur, que la banque fait observer à bon droit que le taux de période était égal à un quart du taux effectif global indiqué et que son défaut de mention n'a eu aucune conséquence sur l'exactitude de ce taux ;

Qu'en se déterminant ainsi sans vérifier si le taux de période avait été expressément communiqué à l'emprunteur, fût-ce dans un document distinct du contrat de prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

Sur le second moyen :

Vu l'article 1907, alinéa 2, du code civil ;

Attendu que, pour débouter la SCI Saint-Pierre et Mme X... de leur prétention à la substitution du taux légal au taux conventionnel pour les intérêts de l'autorisation de découvert de 100 000 euros, l'arrêt retient que l'autorisation de découvert avait été consentie sur un compte déjà en fonctionnement et conformément au taux contractuel fixé lors de l'ouverture du compte, taux que la SCI Saint-Pierre connaissait parfaitement de même que l'ensemble des conditions régissant le fonctionnement du compte ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait de ses constatations que le taux d'intérêt n'avait pas été indiqué par écrit lors de l'octroi de l'autorisation de découvert litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les sommes allouées à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corse en remboursement du prêt souscrit le 12 mai 2004 et de l'autorisation de découvert accordée le 7 juillet 2005 produiront intérêts aux taux conventionnels respectifs à compter du 27 octobre 2006, l'arrêt rendu le 30 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

II) Les règles applicables à certains crédits

Le TEG appliqué peut notamment dépendre des conditions de mise à disposition des fonds ou de l’évolution du taux d’intérêt nominal. Tel est le cas, notamment, en matière de découvert en compte courant ou de crédit à taux variable.

S’agissant du découvert en compte courant, cette catégorie de crédits a longtemps échappé à l’exigence de mention écrite du TEG sur la convention.

Dans un arrêt du 9 février 1988, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que les intérêts appliqués dans le cadre de l’exécution d’une convention de compte-courant devaient être stipulés par écrit[7].

La chambre commerciale a précisé, par suite, dans un arrêt du 9 juillet 1996, que le TEG ne peut être appliqué qu’« après qu’il a été mentionné par écrit, au moins à titre indicatif par un ou plusieurs exemples chiffrés, soit dans la convention de crédit, soit dans un relevé d’opérations ou d’agios dont les calculs d’intérêts inclus peuvent valoir exemples indicatifs pour l’avenir »[8].

En cas de non-respect de cette exigence, il ressort d’une décision rendue le 6 avril 1999 par la haute juridiction que les intérêts ne sont dus qu’à compter de l’information régulièrement reçue, valant seulement pour l’avenir[9].

Dans le droit fil de cette jurisprudence, qui est venue encadrer les autorisations ou facilités de découverts en compte, la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a consacré la position adoptée par la Cour de cassation en posant formellement l’exigence de mention écrite du TEG pour cette catégorie de crédit.

L’article R. 312-33, créée par cette loi, prévoit en ce sens que la convention de compte-courant mentionne de manière claire et lisible « le taux annuel effectif global et le montant total du crédit dû par l’emprunteur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit »

Cette disposition ajoute que « toutes les hypothèses utilisées pour calculer le taux annuel effectif global sont mentionnées »

Là ne s’arrête pas l’obligation de communication du TEG qui échoit au banquier. Non seulement celui-ci doit être mentionné par écrit sur la convention de compte-courant, mais encore il doit figurer sur les relevés de comptes adressés périodiquement à l’emprunteur.

L’article L. 312-88 du Code de la consommation prévoit, à cet effet, que « pour les opérations consenties sous la forme d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois, le prêteur est tenu d’adresser régulièrement à l’emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, un relevé de compte comprenant les informations dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État. »

Au nombre des informations visées par l’article R. 312-34 du Code de la consommation figure, entre autres, « le taux débiteur appliqué depuis le relevé précédent ».

Dans un arrêt du 22 mai 2007, la Cour de cassation a affirmé qu’en cas de non-respect de cette exigence « la seule mention indicative du [TEG] dans le document préalable ne vaut pas reconnaissance d’une stipulation d’agios conventionnels, de sorte que la prescription quinquennale de l’action en nullité de la stipulation de ce taux ne peut commencer à courir à partir de la date de la convention écrite préalable, mais seulement à compter de la réception des relevés périodiques mentionnant le taux effectif global appliqué »[10].

Cass. com. 22 mai 2007
Attendu, selon l'arrêt déféré, que par acte du 8 juillet 1992, la société Rousseau, a vendu aux sociétés Occidentale Bail et Optibail, aux droits desquelles sont venues les sociétés Mars Occidentale et Bail Investissement (les crédits-bailleurs) des immeubles afin d'y exploiter un hôtel ; que par le même acte, les sociétés Occidentale Bail et Optibail ont consenti sur ces locaux un contrat de crédit-bail à la société "Les hôtels de la Cahotte" (la société), laquelle a donné à bail les immeubles à la société d'exploitation "Les relais de la Cahotte" ; qu'à la suite de la défaillance du crédit-preneur, un protocole d'accord a été conclu selon lequel "les parties renoncent de fait à intenter quelque action en justice que ce soit contre l'autre partie, sans pour autant renoncer aux actions à l'encontre des cautions solidaires délivrées dans le cadre du contrat de crédit-bail" ; que M. X..., s'est rendu caution solidaire des engagements de la société au titre du crédit-bail ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, les crédits-bailleurs ont assigné la caution en paiement ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de paiement des crédits-bailleurs formée contre la caution, l'arrêt retient que les termes du protocole d'accord sont clairs en ce qu'ils déchargent les débiteurs et les cautions du paiement de l'indemnité de résiliation mais qu'en outre, ils actent de la renonciation des sociétés bailleresses à recouvrer les autres sommes dues auprès du débiteur principal, se réservant en revanche le droit de poursuivre les cautions ; que vis-à-vis de la caution, la renonciation aux poursuites principales n'est pas distinguable de la renonciation à la créance qui en est l'objet, dans la mesure où un tel procédé aboutit au même résultat, qui est de libérer le débiteur et de priver la caution de tout recours à son encontre ; que la caution ne peut cependant être tenue de manière plus sévère que le débiteur principal ; qu'il en découle que la remise faite aux sociétés preneurs a également déchargé la caution de ses engagements ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la renonciation par le créancier au droit à agir en paiement contre le débiteur principal n'emporte pas extinction de l'obligation principale ni du recours de la caution contre ce débiteur, de sorte que la clause précitée ne fait pas obstacle aux poursuites du créancier contre la caution solidaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au rejet des écritures et pièces signifiées et communiquées par M. X... le 18 octobre 2005, l'arrêt rendu le 15 décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

À l’inverse, la chambre commerciale avait estimé, dans un arrêt du 9 mars 1999 que, si l’indication du TEG ne peut suppléer l’absence d’écrit pour le passé, dès lors que les relevés périodiques comportent des indications suffisamment exemplaires pour informer exactement et préalablement les titulaires du compte sur le taux effectif global des opérations postérieures, l’information communiquée vaut pour l’avenir[11].

Manifestement, les découverts en compte-courant ne sont pas les seules formes de crédit à avoir soulevé des difficultés s’agissant de la stipulation du taux d’intérêt.

La question de l’opportunité de mentionner le TEG sur les contrats de crédit à taux variable s’est également posée. La raison en est que, au moment de la conclusion de la convention, le taux qui a vocation à s’appliquer est, par définition, inconnu.

Dès lors, comment satisfaire à l’exigence de mention écrite du TEG posée aux articles 1907 du Code civil et 314-5 du Code de la consommation ?

Dans un premier temps, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 19 octobre 2004, que « le caractère automatique de la variation du TEG en fonction de la modification du taux de base décidée par la banque ne dispensait pas celle-ci de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par l’emprunteur »[12].

Cass. com. 19 oct. 2004
Sur le moyen unique :

Vu l’article 1907 du Code civil, ensemble l’article 4 de la loi du 28 décembre 1966 et l’article 2 du décret du 4 septembre 1985 ;

Attendu que, par acte notarié du 16 juillet 1987, la banque Vernes a consenti à la SNC Lemmet un prêt de 7 600 000 francs à taux d’intérêt variable ; que cette société a assigné la banque en 1998 en nullité de la clause de variation des intérêts, faute d’avoir été informée au cours du prêt du montant du TEG appliqué ;

Attendu que pour rejeter cette demande, l’arrêt attaqué relève que l’acte authentique de prêt prévoyait expressément le taux d’intérêt qui était variable, en indiquait le montant et les modalités de calcul et précisait les éléments du TEG fixé à 13 % ; que la cour d’appel en a déduit qu’aucune modification du contrat de base n’intervenant au cours des remboursements, la banque n’avait pas à donner connaissance à l’emprunteur de chaque modification du TEG dont la variation était automatique et était entraînée par celle du taux d’intérêt ;

Qu’en statuant ainsi, alors que le caractère automatique de la variation du TEG en fonction de la modification du taux de base décidée par la banque ne dispensait pas celle-ci de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par l’emprunteur, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 octobre 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Ainsi, la haute juridiction a-t-elle retenu la même solution qu’en matière de découvert en compte-courant : le TEG doit, en toute hypothèse, figurer dans la convention de crédit préalablement à la mise à disposition des fonds.

En raison de la difficile mise en œuvre de cette solution, la position adoptée par la Cour de cassation a fait l’objet de nombreuses critiques[13]. La Cour de cassation n’est pas restée insensible à ces critiques, raison pour laquelle elle a opéré un revirement de jurisprudence dans un arrêt du 20 décembre 2007.

Aux termes de cette décision, elle a affirmé, au visa de l’ancien article L. 313-2 du Code de la consommation devenu l’article L. 314-5, que « s’il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d’intérêt originel selon l’évolution d’un indice objectif, d’informer l’emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d’une telle révision »[14].

Cass. 1ère civ. 20 déc. 2007
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que le texte susvisé, s'il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d'intérêt originel selon l'évolution d'un indice objectif, d'informer l'emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d'une telle révision ;

Attendu que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque) a consenti un prêt à la société civile immobilière Le Brasseur (la SCI) en vertu d'un acte sous seing privé fixant le taux d'intérêt à 10,950 % l'an et le taux effectif global à 11,053 % l'an ; que ce même acte contient aussi la mention suivante : "nature du taux : révisable index TRBO 9,020" ; qu'en raison de la défaillance de la SCI, la banque a assigné celle-ci et M. X..., qui s'était porté caution solidaire du remboursement du prêt, en paiement du solde de celui-ci ;

Attendu que pour accueillir la demande reconventionnelle de la SCI et de M. X..., qui sollicitaient l'annulation de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux légal au taux conventionnel, et surseoir à statuer sur la demande de la banque, la cour d'appel, après avoir énoncé que tout contrat de prêt doit non seulement fixer le taux de l'intérêt conventionnel mais encore faire mention du taux effectif global, a retenu que la stipulation d'un taux d'intérêt variable ne dispensait pas le prêteur du respect de cette dernière exigence, de sorte qu'il incombait à la banque de prouver qu'elle avait informé la SCI du taux effectif global résultant de chaque variation du taux d'intérêt et que la banque n'apportait pas cette preuve ;

En quoi, elle a violé le texte susvisé, par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions autres que celles relatives à la déchéance du droit aux intérêts de la caisse régionale de crédit agricole de l'Anjou et du Maine à l'égard de M. X... et à la réimputation, à cet égard, des sommes payées par le débiteur principal, l'arrêt rendu le 27 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Autrement dit, pour la Cour de cassation, si les établissements de crédit demeurent tenus de mentionner le TEG par écrit dans l’acte constatant le contrat de crédit, ils sont en revanche dispensés de satisfaire à cette exigence, par la suite, soit en cas d’évolution du taux.

Le bénéfice de cette dispense est néanmoins subordonné à la communication à l’emprunteur d’un indice objectif auquel il puisse se référer.

La question qui alors s’est rapidement posée a été de savoir ce que l’on devait entendre par « indice objectif ». La loi est silencieuse sur cette notion. C’est donc à la jurisprudence qu’il est revenu de préciser le sens de cette notion.

Un premier élément de définition a d’ores et déjà été apporté par la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 1er juillet 2015, a jugé que la clause prévoyant une variation automatique du TEG en fonction de l’évolution du taux de base décidée par l’établissement de crédit « ne constitue pas un indice objectif »[15].

Elle en déduit que le prêteur avait l’obligation de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par les emprunteurs.

Cass. 1ère civ. 1er juill. 2015
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 1907 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 3 avril 1996, la société Athéna a consenti à M. et Mme X... un prêt prévoyant un taux d'intérêt variable déterminé à partir du « taux de base Athéna banque + 0,25000 %, soit au 28 mars 1996 un taux effectif global (TEG) de 7,250 % » et un remboursement du capital à l'issue d'une période de dix ans ; que, par acte du 15 avril 2009, la société Allianz banque, venant aux droits de la société AGF, elle-même aux droits de la société Athéna, les a assignés en remboursement du crédit ; que M. et Mme X... ont notamment sollicité la restitution d'intérêts indûment perçus par le prêteur ;

Attendu que, pour accueillir la demande de la société Allianz et rejeter celle de M. et Mme X..., l'arrêt retient que les dispositions contractuelles permettent à l'emprunteur, par la référence à l'indice objectif que constitue le taux de base bancaire, et la vérification possible opérée à partir des relevés de son compte, de connaître le taux des intérêts et que le prêteur n'a pas l'obligation d'informer l'emprunteur de la modification régulière du taux ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la clause prévoyait une variation automatique du TEG en fonction de l'évolution du taux de base décidée par l'établissement de crédit qui ne constitue pas un indice objectif, de sorte que le prêteur avait l'obligation de faire figurer le taux effectif appliqué sur les relevés reçus par les emprunteurs, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu statuer sur la deuxième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives aux intérêts dus par M. et Mme X..., l'arrêt rendu le 23 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Ainsi, en cas d’absence de communication de l’indice objectif exigé par la jurisprudence, le prêteur demeure tenu de mentionner le TEG par écrit, et sur l’acte initial de prêt, et sur les relevés postérieurs adressés à l’emprunteur.

À défaut, la sanction encourue est la même que celle appliquée en matière de découvert en compte-courant : les intérêts ne sont dus qu’à compter de l’information régulièrement reçue, valant seulement pour l’avenir.

[1] Cass. 1re civ., 22 janv. 2002, n°99-13.456 : JCP N 2002, 1529, note A. Morin – Cass. com., 5 oct. 2004 : JCP E 2004, 1609 ; Banque et droit 2005, n° 99, p. 68, Th. Bonneau

[2] Cass. com. 13 juin 1995, n°93-20.577 : RJDA 1995, n°1397

[3] Cass. 1ère civ., 30 oct. 2008, n°05-10.193

[4] Cass. com., 10 mai 1994 : D. 1994, jurispr. p. 550, note D. Martin.

[5] V. en ce sens Cass. 1re civ., 9 janv. 1985 : Bull. civ. I, n° 15

[6] Cass. 1ère civ. 19 févr. 2013, n°12-14.381.

[7] Cass. 1re civ., 9 févr. 1988 : JCP G 1988, II, 21026, note C. Gavalda et J. Stoufflet ; V. également en ce sens Cass.Com.,12/01/2010, n° 08-17.738 ; Cass.Com. 3 juillet 2012, n° 11-19.565.

[8] Cass. com., 9 juill. 1996 : RTD com. 1997, p. 126

[9] Cass. Com. 6 avr. 1999 : Bull. civ. IV, n° 82 ; JCP E 1999, II, 1437, note Auckenthaler

[10] Cass. com., 22 mai 2007, n° 06-12.180 : JCP E 2007, 2006, note P. Berlioz ; RD bancaire et fin. 2007, act. 142, obs. F. C. et T. S.

[11] Cass. com., 9 mars et 6 avr. 1999, n°96-16559.

[12] Cass. com., 19 oct. 2004, préc. ; JCP E 2004, 1862 ; D. 2004, p. 2932, note A. V. R. ; JCP G 2004, II, 10194, note S. Raby.

[13] V. en ce sens J.-L. Guillot et M. Boccara, Banque 2005, n°670, p. 83.

[14] Cass. 1re civ., 20 déc. 2007, n°06-14690 : JCP E 2008, 1226, note A. Gourio ; RD bancaire et fin. 2008, comm. 1, obs. F. Crédot et T. Samin ; JCP E 2008, 1768, obs. C. Lassalas-Langlais.

[15] Cass. 1ère civ. 1er juill. 2015, n°14-23483.

La notification des ordonnances du Juge-commissaire à l’initiative d’une partie à la procédure doit intervenir par voie de signification (Cass. com. 24 janv. 2018)

Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue préciser les modalités de notification des ordonnances du Juge-commissaire lorsque ce sont les parties à la procédure qui sont à l’initiative de cette formalité (Cass. com. 24 janv. 2018, n°16-20.197).

  • Faits
    • Le liquidateur d’une société exerce un recours à l’encontre d’une ordonnance du Juge-commissaire rendue le 18 novembre 2014.
    • Cette décision faisait droit à une action en revendication engagée par un créancier de la société placée en liquidation judiciaire.
  • Procédure
    • Saisie du litige, par un arrêt du 12 mai 2016, la Cour d’appel de Lyon déclare irrecevable le recours formé contre la décision du Juge-commissaire.
    • Les juges du fonds relèvent que tandis que le créancier avait notifié l’ordonnance au liquidateur par voie de lettre recommandée le 1er décembre 2014, celui-ci a seulement exercé son recours le 6 janvier 2015, soit au-delà du délai dix 10 jours prévu à l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce.
    • La Cour d’appel en déduit que le liquidateur était forclos pour contester la décision du Juge-commissaire.
  • Solution
    • Par un arrêt du 24 janvier 2018, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon.
    • Au visa des articles R. 621-21 du code de commerce et 651 du code de procédure civile elle considère que tandis que « selon le premier de ces textes, […] les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe […] en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification».
    • La chambre commerciale en conclut que, dans ces conditions, la notification de l’ordonnance du Juge-commissaire au liquidateur effectuée à l’initiative du créancier revendiquant était irrégulière, car accomplit par voie de lettre recommandée.
    • Or il aurait fallu procéder par voie de signification, conformément à l’article 651, al. 3 du Code de procédure civile.
  • Analyse
    • Pour bien comprendre la décision de la Cour de cassation il convient de se reporter aux deux textes qui fondent sa décision.
    • S’agissant de l’article R. 621-21, al. 3 du Code de commerce, il dispose que « les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. »
    • Il ressort de cette disposition que, en principe, c’est au greffe qu’il appartient de notifier les ordonnances rendues par le Juge-commissaire aux parties.
    • En l’espèce, il apparaît que le greffe du Tribunal de commerce saisi n’a pas accompli cette diligence, à tout le moins il a été devancé par le créancier revendiquant.
    • Celui-ci était sans doute animé par la volonté de purger, sans attendre, les voies de recours ouvertes contre l’ordonnance du Juge-commissaire qui faisait droit à sa demande.
    • En effet, l’article R. 621-21, al. 4 du Code de commerce prévoit que les ordonnances du Juge-commissaire « peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.»
    • Le liquidateur disposait donc de dix jours pour interjeter appel à compter de la notification de l’ordonnance.
    • La question qui toutefois se posait en l’espèce était de savoir si la notification de la décision du Juge-commissaire était régulière.
    • Le premier enseignement que le peut tirer de la décision de la Cour de cassation est que le greffe ne dispose pas du monopole de la notification.
    • Les parties peuvent également être à l’initiative de cette formalité.
    • Dans un arrêt du 10 mars 2015 la Cour de cassation a estimé en ce sens « qu’il résulte de l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile qu’est autorisée la notification d’un jugement par voie de signification à l’initiative d’une partie, alors même que la loi la prévoit en la forme ordinaire à la diligence du greffe»
    • La chambre commerciale ajoute que, pour être valable, la notification doit reproduire « de manière très apparente l’article R. 621-21 du code de commerce qui précise le délai du recours et ses modalités» ( com. 10 mars 2015).
    • Une question demeurait néanmoins en suspens : la notification doit-elle nécessairement prendre la forme d’une signification ou peut-elle être intervenir par voie de recommandé comme exigé pour le greffe ?
    • Bien que dans l’arrêt du 10 mars 2015 il était question de signification, la Cour de cassation ne répondait pas vraiment à cette question.
    • Aussi, l’arrêt rendu par la chambre commerciale le 24 janvier 2018 met fin à l’incertitude.
    • Lorsque la notification procède de l’initiale d’une partie à la procédure, elle doit être nécessairement être accomplie par voie de signification.
    • La Cour de cassation justifie sa solution en visant l’article 651, al.3 du Code de procédure civile qui prévoit que « la notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme. »
    • Cette disposition doit être combinée avec l’article 680 du même Code qui dispose que « l’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie. »
    • En conclusion, deux enseignements peuvent être retirés de la présente décision
      • Premier enseignement
        • la notification des ordonnances du Juge commissaire peut être accomplie à l’initiative d’une partie à la procédure.
        • L’intérêt sera pour elle de purger les voies de recours le plus rapidement possible, voire de pallier la carence du greffe.
      • Second enseignement
        • Lorsque c’est une partie à la procédure qui notifie l’ordonnance du Juge-commissaire elle doit procéder par voie de signification
        • À défaut, le délai d’appel est réputé n’avoir pas commencé à courir

Cass. com. 24 janv. 2018
Sur le moyen relevé d’office, après avertissement délivré aux parties :

Vu l’article R. 621-21, alinéas 3 et 4, du code de commerce, ensemble l’article 651, alinéa 3, du code de procédure civile ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que les ordonnances rendues par le juge-commissaire peuvent faire l’objet d’un recours par les mandataires de justice dans les dix jours de la communication qui leur en est faite par le greffe ; que si, en application du second, la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué et les productions, que le liquidateur judiciaire de la société Indepol environnement a formé un recours contre l’ordonnance rendue par le juge-commissaire le 18 novembre 2014 ayant fait droit à la demande en revendication formée par la société Epicap ;

Attendu que pour déclarer ce recours irrecevable comme tardif, l’arrêt retient que la société Epicap a adressé au liquidateur une lettre recommandée avec demande d’avis de réception le 1er décembre 2014 qui vise l’ordonnance et que le recours du liquidateur a été formé au-delà du délai de dix jours prévu à l’article R. 621-21, alinéa 3, du code de commerce pour avoir été formé le 6 janvier 2015 ;

Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 mai 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Riom ;

TEXTES

Code de procédure civile

Article 651

Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite.

La notification faite par acte d’huissier de justice est une signification.

La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l’aurait prévue sous une autre forme.

Article 680

L’acte de notification d’un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d’opposition, d’appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l’une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé ; il indique, en outre, que l’auteur d’un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d’une indemnité à l’autre partie.

Code de commerce

Article R. 621-21

Le juge-commissaire statue par ordonnance sur les demandes, contestations et revendications relevant de sa compétence ainsi que sur les réclamations formulées contre les actes de l’administrateur, du mandataire judiciaire et du commissaire à l’exécution du plan. Le juge-commissaire est saisi par requête ou par déclaration au greffe de la juridiction, sauf s’il en est disposé autrement.

Si le juge-commissaire n’a pas statué dans un délai raisonnable, le tribunal peut être saisi à la demande d’une partie ou du ministère public.

Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public.

Ces ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au greffe.

Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l’ordonnance.

L’examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés.

Computation des délais: règles générales

Parce qu’ils impulsent le rythme de la procédure, les délais occupent une place centrale dans le déroulement de l’instance.

Aussi, ont-ils vocation :

  • D’une part, à assurer la garantie des droits de la défense
  • D’autre part, à permettre à la justice d’être rendue avec célérité

En raison de cette double finalité qu’ils poursuivent, les délais sont strictement encadrés par le Code de procédure civile.

Ces règles ne sauraient toutefois être comprises sans un rappel préalable de certaines notions.

I) Notions

  • Le dies a quo
    • Il s’agit du jour à compter duquel le délai commence à courir
  • Le dies ad quem
    • Il s’agit de la date d’expiration du délai
  • Le délai non franc
    • Un délai est non franc lorsque la formalité ne peut être accomplie que jusqu’au jour d’expiration du délai
  • Le délai franc
    • Un délai est franc lorsque la formalité peut encore être accomplie le lendemain du dies ad quem
      • Il peut être observé que le décret du 28 août 1972 prévoit que « dans les textes en vigueur en matière civile, commerciale, sociale ou prud’homale, toutes les expressions ou indications tendant à conférer aux délais de procédure la qualité de délai franc sont supprimées »
      • Ainsi, lorsqu’un délai est prévu par un texte, il doit être considéré comme non franc.
      • L’article 642, al.1er dispose désormais en ce sens que « tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.»
      • L’alinéa 2 de cette disposition apporte toutefois une nuance à cette règle en prévoyant que « le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. »

II) Règles de calcul

Les délais prévus par les textes peuvent être exprimés en jour, en mois ou en années

A) La computation des délais en jours

  • Point de départ : le dies a quo
    • Première règle
      • Conformément à l’article 640 du Code de procédure civil, le délai « a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir»
    • Seconde règle
      • L’article 641 précise que « lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.»
  • Date d’expiration : le dies ad quem
    • Première règle : l’expiration du délai
      • Le principe est désormais que les délais sont francs, ce qui signifie qu’ils expirent le dernier jour à vingt-quatre heures
      • Combiné avec la règle qui s’applique au dies a quo la détermination du jour d’expiration du délai consiste à ajouter au quantième du jour de l’événement qui fait courir le délai le nombre de jours que comprend le délai
        • Exemples
          • L’événement se produit le 12 du mois et le délai est de 10 jours
            • Le jour d’expiration du délai est le 12+10, soit le 22 du mois
          • L’événement se produit le 27 du mois et le délai est de 10 jours
            • Le jour d’expiration du délai est le 27+10, soit le 7 du mois suivants si mois de 30 jours et 6 si mois de 31 jours
    • Seconde règle : la prorogation du délai
      • Lorsque le délai arrive à expiration un jour où le plaideur ne peut accomplir aucun acte, le délai est prorogé jusqu’au premier jour utile.
      • Cette règle a été posée afin d’éviter que certains délais ne soient diminués pour des raisons d’ordre calendaire.
      • D’où la règle posée à l’article 642 du Code de procédure civile aux termes de laquelle « le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.»
      • Lorsque donc le délai expire un samedi ou un dimanche, le délai est prorogé jusqu’au lundi à 24h.
      • La prorogation peut atteindre trois jours lorsqu’un jour férié tombe un vendredi ou un lundi.
      • Dans un arrêt du 4 octobre 2001, il peut être observé que la Cour de cassation a estimé qu’un justiciable qui justifie par un constat d’huissier de justice de l’impossibilité matérielle d’accomplir l’acte après la fermeture du greffe avait la possibilité de le régulariser le lendemain ( 2e civ. 4 oct. 2001).
      • La solution retenue par la Cour de cassation revient, de toute évidence, à raisonner en délai franc, alors que la règle posée à l’article 641 du Code de procédure civil invite à compter en jour non franc.
      • Aussi, cette solution doit-elle être appréhendée avec d’infinies précautions.
  • Les délais à rebours
    • Les délais à rebours sont ceux qui courent à compter de la réalisation d’un événement futur.
    • Aussi, ce type de délai se calcule en remontrant le passé.
    • C’est le cas du délai de comparution ou de la signification d’une assignation.
    • deux règles ont été posées par la Cour de cassation
      • En premier lieu, il s’agit toujours de délais francs (expiration le lendemain du dernier jour du délai)
      • En second lieu, ils sont insusceptibles de faire l’objet d’une prorogation de sorte qu’en cas d’expiration du délai un samedi, la forclusion sera acquise dès le vendredi à 24h.

B) La computation des délais en mois

La computation des délais en mois est gouvernée par trois règles :

  • Première règle
    • Lorsqu’un délai est exprimé en mois ce délai expire le jour du dernier mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai
      • Exemples :
        • Le délai d’un mois pour interjeter appel d’un jugement signifié le 12 janvier expire le 12 février
  • Deuxième règle
    • À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.
    • Un délai d’un mois peut, en conséquence, durer, 28, 29, 30 ou 31 jours.
      • Exemples :
        • Le délai d’un mois pour interjeter appel d’un jugement signifié le 31 janvier expire le 28 février
  • Troisième règle
    • Lorsque le délai expire un jour inutile, celui-ci peut faire l’objet d’une prorogation jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

C) La computation des délais en années

La computation des délais en années est gouvernée par les mêmes règles que celles applicables à la computation des délais en mois.

Ainsi, lorsqu’un délai est exprimé en années, ce délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai.

D) La computation des délais en mois et en jours

Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Exemple :

Le délai d’appel d’une ordonnance de référé signifiée le 12 février 2017 à un défendeur domicilié dans un département ou une collectivité d’outre-mer est prorogé d’un mois.

Dans cette hypothèse, il convient d’abord de décompter le mois, ce qui conduit au 12 mars, puis de décompter les jours ce qui nous amène au 27 mars.

Il s’agit ici de délais non francs, de sorte que le délai expire le 27 mars à 24h.

Il peut éventuellement être prorogé s’il tombe un samedi, dimanche ou jour férié.

TEXTES

Code de procédure civile

Article 640

 Lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

Article 641

 Lorsqu’un délai est exprimé en jours, celui de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir ne compte pas.

Lorsqu’un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. À défaut d’un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois.

Lorsqu’un délai est exprimé en mois et en jours, les mois sont d’abord décomptés, puis les jours.

Article 642

 Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.

Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Article 642-1

Les dispositions des articles 640 à 642 sont également applicables aux délais dans lesquels les inscriptions et autres formalités de publicité doivent être opérées.

Précision sur l’exigence de mention manuscrite en matière de cautionnement (Cass. com. 13 déc. 2013)

Par un arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation rappelle que l’adjonction de mots à la mention manuscrite exigée en matière de cautionnement par le Code de la consommation constitue une cause de nullité lorsqu’elle l’altère la compréhension par la caution de la portée de son engagement.

  • Faits
    • Par actes du 7 novembre 2013, une personne physique se porte caution des dettes d’une société contractées auprès de plusieurs autres entités
    • Consécutivement à un défaut de paiement de cette dernière, la caution est assignée en paiement
  • Demande
    • La caution oppose aux créanciers du débiteur principal la non-conformité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales relatives aux mentions manuscrites
  • Procédure
    • Par un arrêt du 3 juillet 2015, la Cour d’appel de Paris prononce la nullité des actes de cautionnement
    • Les juges du fond considèrent que lesdits actes ont été établis en violation des règles de formalisme prescrites à l’ancien article L. 341-2 du code de la consommation.
    • Cette disposition exigeait notamment que la caution appose sur l’acte la mention manuscrite « En me portant caution de X…, […] pour la durée de …,. »
    • Or dans les actes de caution litigieux il était précisé, en sus de cette mention, « ou toute autre date reportée d’accord»
    • La Cour d’appel considère que cet ajout revenait à prévoir une durée de cautionnement alternative, de sorte que la caution se trouvait dans l’incapacité de son engagement.
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 décembre 2017, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les créanciers.
    • Elle rappelle, au soutien de sa décision que « la mention « pour la durée de… » qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise»
    • Or elle relève en l’espèce que « les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci»
    • La chambre commerciale en conclut que la Cour d’appel était parfaitement fondée à annuler les actes de cautionnement en totalité.
  • Analyse
    • Pour rappel, les mentions manuscrites prescrites en matière de cautionnement sont exigées à peine de nullité.
    • Cette sanction était prévue par l’article L. 341-2 du Code de la consommation lui-même qui prévoyait que « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante […]».
    • Dans un arrêt du 5 février 2013, la Cour de cassation a précisé que « la violation du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui a pour finalité la protection des intérêts de la caution, est sanctionnée par une nullité relative» ( com. 5 févr. 2013)
    • Lors de la conclusion de l’acte, la caution doit reproduire, à la main, la formule sacramentelle suivante :
      • « en me portant caution de X…, dans la limite de la somme de … couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de …, je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X… n’y satisfait pas lui-même.»
    • La mention manuscrite exigée par le nouvel article L. 331-1 du Code de la consommation est demeurée inchangée.
    • En l’espèce, au soutien de sa demande de nullité de l’acte, la caution invoquait non pas l’omission d’une mention, mais l’adjonction de la précision « « ou toute autre date reportée d’accord» à la mention « pour la durée de… »
    • Aussi, la question qui se posait était de savoir si cette adjonction justifiait la nullité de l’acte.
    • Une lecture de l’article L. 331-1 du Code de la consommation suggère qu’il faille apporter une réponse négative à cette interrogation.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci […] »
    • La formule « et uniquement de celle-ci» retient immédiatement l’attention.
    • Doit-on considérer que l’absence reproduction fidèle de la mention manuscrite exigée par le texte est, en elle-même, une cause de nullité ou peut-on admettre certains écarts de texte ?
    • Dans un arrêt du 16 mai 2012 la Cour de cassation avait estimé que la moindre altération de la mention manuscrite justifiait que le juge prononce la nullité de l’acte ( 1ère civ. 16 mai 2012)
    • Au soutien de sa décision elle affirme « qu’est nul l’engagement de caution, souscrit sous seing privé par une personne physique envers un créancier professionnel, qui ne comporte pas les mentions manuscrites exigées par les textes susvisés».
    • En l’espèce, la Cour d’appel avait pourtant relevé que si la rédaction de la mention n’était pas strictement conforme aux prescriptions légales, la caution n’en avait pas moins, au travers des mentions portées, une parfaite connaissance de l’étendue et de la durée de son engagement
    • Les juges du fond ajoutent que la caution, tenue de recopier la formule prévue par la loi, ne saurait invoquer, pour tenter d’échapper à ses engagements, ses propres errements dans le copiage de cette formule.
    • Bien que convaincante, cette argumentation n’a pas convaincu la Cour de cassation qui casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel.
    • La solution ainsi adoptée est pour le moins stricte, en ce sens qu’elle ne permet aucune erreur dans la reproduction de la mention manuscrite exigée par le Code de la consommation.
    • Dans un arrêt du 5 avril 2011, la chambre commerciale a néanmoins tempéré cette exigence en considérant que si « la nullité d’un engagement de caution souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite portée sur l’engagement de caution n’est pas identique aux mentions prescrites par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation» il en va différemment  lorsque « ce défaut d’identité résulterait d’erreur matérielle » ( com. 5 avr. 2011).
    • Autre cas de figure, quid dans l’hypothèse où la mention ne comporte aucune omission, ni aucune altération mais fait l’objet d’une adjonction ?
    • C’est toute la question qui se posait dans l’arrêt en l’espèce.
    • Dans un arrêt du 10 avril 2013, la Cour de cassation avait déjà estimé par exemple que dans la mesure où « l’évocation du caractère « personnel et solidaire » du cautionnement, d’une part, la substitution du terme « banque » à ceux de « prêteur » et de « créancier », d’autre part, n’affectaient ni le sens ni la portée des mentions manuscrites prescrites par les articles L. 341 2 et suivant du code de la consommation», l’acte de cautionnement n’encourait pas la nullité ( 1ère Civ. 10 avr. 2013).
    • La chambre commerciale a adopté une solution identique dans un arrêt du 27 janvier 2015.
    • Elle avait considéré, dans cette décision, que bien « qu’à la formule de l’article L. 341-2 du code de la consommation, la banque avait fait ajouter, après la mention « au prêteur », les mots suivants : « ou à toute personne qui lui sera substituée en cas de fusion, absorption, scission ou apports d’actifs », […] cet ajout, portant exclusivement sur la personne du prêteur, ne dénaturait pas l’acte de caution et n’en rendait pas plus difficile la compréhension»
    • Aussi, décide-t-elle que l’acte de caution était pleinement valide dans la mesure où l’ajout n’avait « pas altéré la compréhension par les cautions du sens et de la portée de leurs engagements» ( com. 27 janv. 2015).
    • Au total, il ressort de la jurisprudence que, en cas d’adjonction de mots à la formule manuscrite, la validité de l’acte de caution tient moins à la fidélité de la reproduction de la formule sacramentelle, qu’à connaissance par la caution de la portée de son engagement.
    • Dans un arrêt du 4 novembre 2014, la Cour de cassation a censuré une Cour d’appel pour n’avoir pas recherché si une adjonction litigieuse « modifiait la formule légale ou en rendait la compréhension plus difficile pour la caution » ( com. 4 nov. 2014).
    • Ainsi, l’adjonction de mots est-elle permise, dès lors qu’elle ne nuit pas à la compréhension par la caution de la portée de son engagement.
    • En l’espèce, l’ajout « ou toute autre date reportée d’accord » rendait la durée de l’engagement alternative, de sorte que la caution n’était pas en mesure de déterminer la limite dans le temps de son engagement.
    • C’est la raison pour laquelle la chambre commerciale valide l’annulation de l’acte de cautionnement.

Cass. com. 13 déc. 2017
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2015), que par des actes du 7 novembre 2013, M. Y... s’est rendu caution des dettes de la société du Levant envers les coassociées de celle-ci dans le capital de la société Sea Tankers, les sociétés de droit belge Sea Invest NV et Ghent Coal Terminal, et la société Sea Invest France (les sociétés du groupe Sea Invest) ; que ces dernières ayant assigné la caution en exécution de ses engagements, M. Y... a invoqué la nullité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales relatives aux mentions manuscrites ;

Attendu que les sociétés du groupe Sea Invest font grief à l’arrêt de déclarer nuls les actes de cautionnement signés par M. Y... et de rejeter, en conséquence, leur demande de paiement formée contre celui-ci alors, selon le moyen :

1°/ que si les dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation imposent, à peine de nullité de l’engagement, que la caution personne physique, qui s’engage par acte sous seing privé envers un créancier professionnel, fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n’y satisfait pas lui-même », ce texte n’impose aucune obligation quant à la manière dont la durée de l’engagement doit être déterminée et ne prohibe nullement le choix d’une durée alternative fixée au regard d’un événement futur précisément défini ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en affirmant cependant, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits et, partant, débouter les sociétés créancières de leur demande en paiement, qu’« il est prévu dans les trois actes de caution une alternative entre le 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord entre le créancier et le débiteur principal ce qui ne permet pas à la caution de connaître au moment de son engagement la limite de celui-ci », la cour d’appel a ajouté aux dispositions de l’article L. 341-2 du code de la consommation, en violation de ce texte ;

2°/ que constitue une durée d’engagement déterminée celle fixée par un terme alternatif de l’engagement ; que la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en énonçant cependant, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits, que la mention visée dans les trois actes de caution ne prévoyait pas une durée d’engagement déterminée, la cour d’appel a dénaturé les termes des engagements de cautionnement souscrits par M. Y... le 7 novembre 2013, en violation de l’article 1134 du code civil ;

3°/ qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer nuls les actes de cautionnement souscrits et, partant, débouter les sociétés créancières de leur demande en paiement, qu’il ne pouvait être tenu compte du fait qu’en définitive, l’option relative au report n’avait pas été mise en oeuvre et qu’elle avait été prévue en faveur de la société du Levant dont M. Y... était principal associé et dirigeant, sans rechercher si ces circonstances ne faisaient pas précisément obstacle à ce que M. Y... invoque le caractère prétendument indéterminable de la durée de ses engagements de caution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 341-2 du code de la consommation ;

4°/ que la nullité de l’engagement en son intégralité n’est encourue que lorsque l’omission porte atteinte à la compréhension par la caution des éléments essentiels de son engagement ; que, hors cette hypothèse, l’ajout d’une mention non prévue par la loi a pour seule conséquence la nullité de la mention ; que la cour d’appel a constaté que M. Y... avait, dans les engagements de caution qu’il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l’article L. 341-2 du code de la consommation, indiquant, quant à la durée, « jusqu’au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant et », selon les actes, la société créancière concernée ; qu’en prononçant la nullité de l’engagement de caution en son intégralité quand seule la nullité de la mention « ou toute autre date reportée d’accord partie entre la SARL du Levant » et, selon les actes, la société créancière concernée était encourue, la cour d’appel a encore violé l’article L. 341-2 du code de la consommation ;

Mais attendu que l’arrêt énonce exactement que la mention « pour la durée de... » qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 14 mars 2016, implique l’indication d’une durée précise ; qu’ayant retenu que les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu’au 31 janvier 2014 « ou toute autre date reportée d’accord » entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci, la cour d’appel, sans ajouter à la loi ni avoir à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision d’annuler les cautionnements en totalité ; que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui critique un motif surabondant, n’est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

TEXTES

Code de la consommation

Article L. 331-1

Toute personne physique qui s’engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :

” En me portant caution de X……………….., dans la limite de la somme de……………….. couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de……………….., je m’engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X……………….. n’y satisfait pas lui-même. “

Article L. 331-2

Lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante :

” En renonçant au bénéfice de discussion défini à l’article 2298 du code civil et en m’obligeant solidairement avec X je m’engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu’il poursuive préalablement X “.

Article L. 331-3

Les stipulations de solidarité et de renonciation au bénéfice de discussion figurant dans un contrat de cautionnement consenti par une personne physique au bénéfice d’un créancier professionnel sont réputées non écrites si l’engagement de la caution n’est pas limité à un montant global, expressément et contractuellement déterminé, incluant le principal, les intérêts, les frais et accessoires.

La confirmation de l’acte nul: notion, domaine, régime

Le vice qui affecte la validité d’un acte n’est pas sans remède. Il est possible de sauver l’acte de la nullité en se prévalant de sa confirmation.

I) Notion de confirmation

Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce »

Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.

II) Distinctions

La confirmation doit principalement être distinguée de la régularisation et de la réfection de l’acte

  • Confirmation et régularisation
    • La régularisation consiste à valider un acte initialement nul en le purgeant du vice qui l’affecte.
    • À la différence de la confirmation, la régularisation de l’acte est opposable erga omnes
    • Tel n’est pas le cas de la confirmation qui ne produit d’effet qu’à l’égard du titulaire de l’action en nullité, lequel renonce simplement à son droit de critiquer l’acte.
    • C’est la raison pour laquelle la régularisation de l’acte est envisageable, tant en matière de nullité relative qu’en matière de nullité absolue.
    • Pour être efficace, elle doit néanmoins être permise par la loi.
    • Tel est, par exemple le cas en matière de rescision de la vente pour cause de lésion.
    • L’article 1681 du Code civil prévoit en ce sens que « dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. »
  • Confirmation et réfection
    • La réfection consiste pour les parties d’un acte affecté par une cause de nullité à conclure un nouvel accord, semblable à celui qui avait donné naissance au contrat initial, mais expurgé de toute irrégularité.
    • Contrairement à la confirmation ou à la régularisation, la réfection ne produit aucun effet rétroactif.
    • Cette dernière s’apparente à la conclusion d’un nouveau contrat qui produit ses effets au jour de sa formation.
    • La réfection du contrat sera par exemple nécessaire lorsqu’une donation n’aura pas été effectuée en la forme authentique.
    • L’article 931-1 du Code civil prévoit, en effet, que « en cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale. »

III) Domaine de la confirmation

Conformément aux articles 1180 et 1181 la confirmation ne peut être sollicitée qu’en matière de nullité relative.

Lorsque l’acte est affecté par une cause de nullité absolue, il ne peut pas être confirmé (art. 1180, al. 2e C. civ.).

Cette règle est logique : la confirmation de l’acte par une partie au contrat n’a pour effet que d’éteindre son propre droit de critique. Or l’action en nullité absolue appartient à tout intéressé.

D’où la limitation du domaine de la confirmation aux seules causes de nullité relative, dont l’invocation relève du monopole que d’une seule personne.

IV) Conditions de la confirmation

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la confirmation sauve l’acte affecté par un vice de la nullité :

?Indifférence de l’expression de la confirmation

  • La confirmation expresse
    • Lorsque la confirmation est expresse, l’acte qui l’exprime doit mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat (art. 1182, al. 1er C. civ.)
    • Cette exigence vise à s’assurer que celui qui renonce à son droit à la critique de l’acte, a conscience, de l’existence d’une cause de nullité de l’acte.
  • La confirmation tacite
    • Bien que le Code n’envisage pas nommément la confirmation tacite de l’acte nul, il ne l’exclut pas.
    • L’article 1182, al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation »
    • Ainsi, la seule exécution du contrat par la partie titulaire de l’action en nullité relative s’apparente à une confirmation, à la condition toutefois qu’elle ait conscience du vice qui affecte l’acte.

?L’exigence de postériorité de la confirmation

Conformément à l’article 1182, al. 2e du Code civil « la confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. »

L’alinéa 3 précise que « en cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. »

La solution retenue par le législateur est logique.

Elle se justifie par la nécessité d’empêcher que la victime du vice ne renonce prématurément à l’action en nullité.

Surtout, il est nécessaire que cette dernière ne soit plus sous l’emprise de son cocontractant ce qui est susceptible d’être le cas tant que le contrat n’a pas été conclu.

D’où l’exigence de postériorité de la confirmation à la conclusion de l’acte.

V) Effets de la confirmation

Aux termes de l’article 1182, al. 4e du Code civil « la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

Cela signifie que la confirmation d’un acte fait obstacle à ce que son auteur, après avoir renoncé à son droit de critiquer l’acte, soit exerce une action en nullité, soit oppose une exception tirée de l’existence d’une irrégularité.

Une fois confirmé, l’acte ne pourra donc plus être remis en cause. La confirmation de l’acte est alors opposable à l’égard de tous, sauf à ce que d’autres personnes soient titulaires de l’action en nullité relative.

Dans cette dernière hypothèse, pour que l’acte soit définitivement confirmé, tous ceux susceptibles d’agir en nullité devront avoir renoncé à leur droit de critiquer l’acte.

VI) Action interrogatoire

?Principe

Parce que le contrat qui est affecté par une cause de nullité peut être anéanti à tout moment, la partie contre laquelle une action en nullité est susceptible d’être diligentée se retrouve dans une situation pour le moins précaire.

Tant que la nullité n’est pas prononcée l’acte est efficace. Il demeure toutefois sous la menace d’un anéantissement rétroactif.

Cette situation est susceptible de perdurer aussi longtemps que l’action en nullité n’est pas prescrite.

Aussi afin de ne pas laisser la partie qui subit cette situation dans l’incertitude, le législateur lui a conféré la faculté de contraindre le titulaire de l’action à nullité à se prononcer sur le maintien de l’acte.

Le nouvel article 1183 du Code civil prévoit en ce sens que « une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. »

Cette disposition a, de la sorte, instauré une action interrogatoire au bénéfice de celui qui souhaite savoir si le titulaire de l’action en nullité entend réclamer l’anéantissement du contrat.

L’exercice de cette action est subordonné à la satisfaction d’un certain nombre de conditions.

?Conditions

  • Premièrement, l’action interrogatoire n’appartient qu’aux seules parties au contrat.
  • Deuxièmement, pour que l’action interrogatoire puisse être exercée, la cause de nullité doit avoir cessé
  • Troisièmement, l’exercice de l’action interrogatoire doit être formalisé par un écrit
  • Quatrièmement, l’écrit doit mentionner les conséquences de l’absence de réaction du titulaire de l’action en nullité en cas d’interpellation

?Effets

L’exercice de l’action interrogatoire a pour effet de contraindre le titulaire de l’action en nullité de se prononcer sur le maintien du contrat.

Si dans un délai de 6 mois ce dernier n’a pas opté, le contrat est réputé confirmé.

Le terme: modalité de l’obligation (notion, caractères, effets)

?Notion

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme. Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Terme casuel / terme potestatif / terme mixte

  • Le terme casuel
    • Le terme est dit casuel lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties.
      • Exemple : les parties prévoient qu’il sera mis fin contrat en cas de décès de l’une d’elles (terme extinctif)
    • Ce type de terme ne soulève pas de difficulté. Il peut librement être stipulé par les contractants.
  • Le terme potestatif
    • Le terme est dit potestatif lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation dépend de la seule volonté d’une partie au contrat.
    • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar de la condition potestative, la stipulation d’un terme potestatif est prohibée.
    • Qu’en est-il, dans cette perspective, de la clause qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le voudra
    • Ne pourrait-on pas envisager qu’elle présente un caractère potestatif ?
    • Bien que l’on puisse être légitimement en droit de la penser, la jurisprudence a plutôt tendance à analyser cette clause comme instituant un terme incertain, l’exigibilité de l’obligation pouvant ainsi être reportée jusqu’au décès du débiteur (Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965 ; Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°93-10.206).
    • S’il est certaines décisions qui ont admis une requalification du terme en condition potestative illicite, sans doute est-ce parce que la réalisation du terme, bien que tenu certaine par les parties, ne l’était objectivement pas.
    • Au vrai, dans bien des cas, les tribunaux confondent le terme et la condition, ce qui explique la confusion qui règne sur ce point.
  • Le terme mixte
    • Par terme mixte il faut entendre l’événement dont la réalisation dépend, à la fois de la volonté d’une partie au contrat, et d’un fait ou d’un acte extérieur à cette volonté.
    • Il s’agit, en particulier, de la stipulation qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le pourra. C’est la clause de retour à meilleure fortune.
    • Dans un arrêt remarqué du 4 décembre 1985, la Cour de cassation a estimé que cette clause institue non pas « une condition purement potestative, mais un terme à échéance incertaine pouvant être fixe judiciairement » (Cass. 3e civ. 4 déc. 1985, n°84-14.353).
    • Aussi, appartient-il au juge, en pareil cas, de déterminer l’échéance à laquelle l’obligation devient exigible.

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs.
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

I) La fixation du terme

Le terme peut avoir trois sources différentes : il peut être conventionnel, légal ou judiciaire

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation

Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier

Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

A) Le terme conventionnel

Le plus souvent le terme de l’obligation est fixé conventionnellement par les parties.

Bien que l’article 1305 du Code civil ne vise que le terme suspensif, la règle est également applicable au terme extinctif.

L’article 1305-2 du Code civil précise qu’il « peut être exprès ou tacite. »

Lorsque le terme est tacite, le juge devra rechercher la commune intention des parties.

Le terme peut être fixé, soit à la conclusion du contrat, soit au cours de son exécution.

Cette dernière hypothèse se rencontre notamment lorsque le créancier consentira des délais de paiement au débiteur.

  • En matière commerciale, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de conciliation (anciennement règlement amiable.
  • En matière civile, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de surendettement.

L’octroi de délais de paiement a pour effet, non pas d’éteindre la dette, mais de suspendre son exigibilité.

Aussi, cela s’analyse-t-il en la stipulation d’un terme suspensif.

B) Le terme légal

Deux sortes de termes légaux doivent être distinguées :

  • Le vrai terme légal
    • Le vrai terme légal est celui qui affecte, tantôt l’exigibilité de l’obligation, tantôt son existence.
      • Lorsque le terme légal est suspensif, soit affecte l’exigibilité de l’obligation, il consiste à ouvrir un droit à ouvrir l’exercice d’un droit à l’expiration d’un certain délai
      • Lorsque le terme légal est extinctif, soit affecte l’existence de l’obligation, il consiste à éteindre un droit à l’expiration d’un certain délai.
  • Le faux terme légal
    • Le faux terme légal est celui qui suspend, non pas l’exigibilité de l’obligation, mais les poursuites judiciaires susceptibles d’être engagées par un créancier contre le débiteur
    • L’examen des textes révèle que les faux termes légaux sont une espèce rare.
    • Cette rareté s’explique par le fait que la frilosité du législateur à s’ingérer dans l’exécution des conventions.
    • Aussi, la fixation de pareil terme légal ne se rencontrera que dans des circonstances très particulières : on parlera alors de moratoire légal
    • Des moratoires légaux ont ainsi été instaurés par le législateur par :
      • La loi du 5 août 1914 instituant un moratoire pour les dettes contractées pendant la première guerre mondiale
      • Le décret-loi du 1er septembre 1939 qui a suspendu toutes les mesures d’exécution à la faveur des soldats mobilisés et des prisonniers de guerre
      • La loi du 15 juillet 1970 autorisant les rapatriés à différer le remboursement de leurs dettes

C) Le terme judiciaire

À l’instar du terme légal, il convient de distinguer le « vrai » terme judiciaire du « faux » terme judiciaire.

1. Le vrai terme judiciaire

Il s’agit du terme qui affecte l’exigibilité de l’obligation.

La fixation du terme par le juge est spécifiquement prévue par le nouvel article 1305-1 du Code civil qui dispose que « à défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la nature de l’obligation et de la situation des parties ».

Ainsi, jouit-il de la faculté de déterminer la date d’exigibilité de l’obligation, ce qui ne constitue nullement une nouveauté.

Comme rappelé par le Rapport au Président de la République une telle intervention judiciaire, qui permet de maintenir le contrat, est déjà consacrée par la jurisprudence – en dehors même du contrat de prêt pour lequel elle est prévue aux articles 1900 et 1901 du code civil.

Pour rappel :

  • L’article 1900 prévoit en ce sens que « s’il n’a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. »
  • Quant à l’article 1901, il dispose que « s’il a été seulement convenu que l’emprunteur payerait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens, le juge lui fixera un terme de paiement suivant les circonstances. »

2. Le faux terme judiciaire

Outre la faculté pour le juge de différer l’exigibilité d’une obligation, il est investi du pouvoir d’empêcher que des poursuites judiciaires soient diligentées contre un débiteur défaillant.

Cette mesure susceptible d’être prise par le juge est plus couramment qualifiée de délai de grâce ou de terme de grâce, bien qu’il ne s’agisse pas d’un véritable terme

?Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à un contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

?Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

?Domaine d’application des délais de grâces

  • Principe
    • Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé
    • Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle
    • La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente
    • L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »
    • Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.
  • Exceptions
    • Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.
    • Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.
    • Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :
      • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
      • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
      • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
      • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
      • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

?Textes

  • Droit commun
    • Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer
      • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
      • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce
  • Textes spéciaux
    • Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières
    • Tel est le cas par exemple en matière :
      • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
      • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
      • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

?Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard.

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

?Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires.

  • Les modalités principales
    • Le report de l’échéance
      • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
      • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
      • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
    • L’échelonnement de la dette
      • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.
  • Les modalités accessoires
    • Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce
      • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
        • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
        • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

II) Le bénéficiaire du terme

?Intérêt de la détermination du bénéficiaire du terme

En principe le terme peut être stipulé dans l’intérêt du débiteur, du créancier ou encore des deux parties au contrat.

L’intérêt de connaître le bénéficiaire du terme réside dans la possibilité pour ce dernier d’y renoncer discrétionnairement.

L’article 1305-3, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Exemple : un terme stipulé à la faveur du seul créancier interdit au débiteur d’exécuter sa prestation tant que l’échéance n’est pas survenue.

De son côté le créancier pourra, soit accepter une exécution anticipée du contrat, soit attendre l’expiration du terme.

?Principe : présomption de stipulation du terme dans l’intérêt du débiteur

L’article 1305-3 du Code civil dispose que « le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties. »

Ainsi, le terme est-il toujours présumé être stipulé à la faveur du seul débiteur. L’instauration de cette présomption se justifie par les effets du terme.

La stipulation d’un terme constitue effectivement un avantage consenti au débiteur, en ce qu’il suspend l’exigibilité de la dette.

Le terme autorise donc le débiteur à ne pas exécuter la prestation prévue au contrat.

Il s’agit là d’une présomption simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.

Les parties ou la loi peuvent encore prévoir que le terme est stipulé, soit à la faveur du seul créancier, soit à la faveur des deux parties au contrat.

?Exceptions : la stipulation du terme dans l’intérêt du créancier ou des deux parties au contrat

  • La stipulation du terme dans l’intérêt du seul créancier
    • Dans cette hypothèse, il sera fait interdiction au débiteur d’exécuter la prestation avant l’expiration du terme
    • Le créancier pourra toutefois renoncer au bénéfice du terme ce qui autorisera le débiteur à ne pas attendre l’échéance pour éteindre la dette qui lui échoit.
  • La stipulation du terme dans l’intérêt des deux parties au contrat
    • Cette hypothèse se rencontre, notamment en matière de contrat de prêt
    • Dans cette catégorie de contrat le terme est stipulé
      • D’une part, dans l’intérêt du débiteur, en ce que celui-ci dispose de la faculté de procéder à un remboursement anticipé des fonds mis à sa disposition
      • D’autre part, dans l’intérêt du créancier, en ce que, en cas de remboursement anticipé des sommes prêtés, il est fondé à réclamer une indemnité de résiliation.
    • En matière de crédit à la consommation, il peut toutefois être observé que le terme est irréfragablement présumé être stipulé dans l’intérêt de l’emprunteur.
    • L’article L. 312-34 du Code de la consommation dispose que « l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus. »
    • Cette disposition exclut, en outre, la possibilité pour le prêteur de réclamer, en contrepartie une indemnité dans un certain nombre de cas, soit :
      • En cas d’autorisation de découvert ;
      • Si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit
      • Si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe »
    • En dehors de ces cas, le texte prévoit que lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à un certain seuil fixé, le prêteur peut exiger
      • Si le délai entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit est supérieur à un an, une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l’objet du remboursement anticipé
      • Si le délai ne dépasse pas un an, l’indemnité ne peut pas dépasser 0,5 % du montant du crédit faisant l’objet d’un remboursement anticipé.
      • En aucun cas l’indemnité éventuelle ne peut dépasser le montant des intérêts que l’emprunteur aurait payés durant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit convenue initialement.
    • Aucune indemnité autre que celle mentionnée au présent article ni aucuns frais ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation.

III) Les effets du terme

Les effets du terme diffèrent selon qu’il est suspensif ou extinctif.

A) Le terme suspensif

1. Avant l’échéance

Avant l’échéance, l’obligation existe, mais n’est pas exigible.

?L’existence de l’obligation

La stipulation d’un terme suspensif n’affecte pas l’existence de l’obligation

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Première conséquence
    • En application de l’article 1305-2 du Code civil « ce qui a été payé d’avance ne peut être répété »
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le débiteur aurait exécuté la prestation promise avant l’échéance, il ne pourra ni demander le remboursement des sommes versées, ni la restitution de la chose délivrée.
    • La raison en est que l’exécution anticipée de la prestation correspond à une obligation qui existe puisque seulement affectée dans son exigibilité
    • Il n’y a donc aucun indu propre à justifier une action en répétition.
  • Deuxième conséquence
    • Le point de départ de la prescription des actions dirigées contre l’acte n’est pas différé à l’expiration du terme.
  • Troisième conséquence
    • Le créancier de l’obligation à terme dispose de la faculté toute mesure conservatoire utile à la préservation de ses intérêts.
  • Quatrième conséquence
    • La créance à terme peut faire l’objet d’une saisie-attribution
    • La Cour de cassation a statué en ce sens dans plusieurs décisions (V. notamment Cass. 2e civ. 8 mars 2001)

?L’inexigibilité de l’obligation

L’article 1305-2 du Code civil prévoit que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ».

Cela signifie que l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement : son exécution est différée à l’échéance convenue par les parties.

Plusieurs conséquences découlent de l’inexigibilité d’une obligation.

  • Première conséquence
    • Le créancier n’a pas le droit de réclamer l’exécution de l’obligation au débiteur, tout autant qu’il ne saurait être fondé à engager des poursuites à son encontre.
    • Tant que le terme n’est pas échu, le créancier ne peut engager aucune action aux fins d’obtenir le paiement de sa créance.
  • Deuxième conséquence
    • Le débiteur n’est pas tenu d’exécuter la prestation contractuellement promise tant que l’échéance n’est pas survenue.
    • L’inexigibilité de la dette lui confère un moyen de défense au fond qui rendra irrecevable l’exercice de toute voie d’exécution par le créancier.
  • Troisième conséquence
    • Tant que l’obligation n’est pas devenue exigible, le créancier ne saurait se prévaloir d’une éventuelle compensation.
    • Cela reviendrait, en effet, à contraindre le débiteur à accepter un paiement anticipé.
    • La compensation ne pourra opérer qu’à la condition que
      • D’une part, le terme ait été stipulé dans l’intérêt du débiteur, ce qui, par principe, est présumé
      • D’autre part, le débiteur se prévale de la compensation.
  • Quatrième conséquence
    • Le délai de prescription de l’obligation et des actions y afférant ne court pas tant que le terme n’est pas échu.
    • L’article 2233 prévoit en ce sens que « la prescription ne court pas […] à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé. »
    • Le report du point de départ de la prescription se justifie par l’impossibilité pour le créancier d’agir contre le débiteur
    • Or comme l’énoncé de manière générale l’article 2234 « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »
    • Dans un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a estimé que « le point de départ d’un délai à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance » (Cass. 1ère civ. 30 mars 2005, n°02-13.765).
  • Cinquième conséquence
    • Le créancier ne peut exercer, ni l’action oblique, ni l’action paulienne.
    • L’une des conditions d’exercice de ces deux actions est l’exigibilité de la créance

2. Après l’échéance

?Exigibilité de la créance

À l’échéance du terme la créance devient exigible, ce qui signifie que le créancier peut réclamer au débiteur l’exécution de l’obligation.

S’il ne défère pas à sa demande, le créancier peut l’y contraindre en engageant des poursuites judiciaires.

L’exercice d’une action en justice ne saurait toutefois être intenté sans une mise en demeure préalable.

?Exigence d’une mise en demeure préalable

  • Principe
    • Aux termes de l’article 1221 du Code civil « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature »
    • La mise en demeure préalable du débiteur est, par conséquent, une obligation pour le créancier.
    • L’échéance du terme ne vaut pas mise en demeure.
    • Cette exigence résulte d’une lecture a contrario de l’article 1344 du Code civil
    • En effet, cette disposition prévoit que « le débiteur est mis en demeure de payer […] si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation »
    • A contrario cela signifie que si le contrat ne le prévoit pas, une mise en demeure doit être adressée au débiteur préalablement à toute action du créancier.
  • Forme de la mise en demeure
    • La mise en demeure peut s’effectuer
      • soit par une sommation
      • soit par un acte portant interpellation suffisante
    • Il importe peu que l’acte soit notifié au débiteur par voie de recommandé ou sous la forme d’une missive simple.
  • Contenu de la mise en demeure
    • Trois éléments doivent figurer dans la mise en demeure
      • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
      • Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
      • La menace d’une sanction
  • Effets de la mise en demeure
    • Trois effets principaux sont attachés à la mise en demeure
      • Elle confère le droit au créancier d’engager des poursuites à l’encontre du débiteur
      • Lorsque l’obligation consiste en une somme d’argent, la mise en demeure fait courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.
      • Lorsque l’obligation consiste en la délivrance d’une chose, la mise en demeure met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà.
  • Sanction de l’absence de mise en demeure
    • En cas d’absence de mise en demeure du débiteur, le créancier est réputé lui avoir accordé un délai de paiement (V. en ce sens Cass. civ. 11 janv. 1892).

Mise en demeure
(Règles générales)

Mentions
(Art. 648 CPC)
Contenu de l’acte
(Art. 1344 C. civ.)
Notification
Date de l’acte Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur Au choix:

> Signification (Art. 651 CPC)

OU

> Lettre missive (Art. 1344 C. civ.)

> Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance

> Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement

Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
Les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social La menace d’une sanction

B) Le terme extinctif

?Avant l’échéance

L’obligation assortie d’un terme extinctif s’apparente à une obligation pure et simple tant que le terme n’est pas échu.

Il en résulte qu’elle est exigible dès sa stipulation de sorte que le débiteur doit l’exécuter immédiatement.

À la différence des contrats à durée indéterminée, les contrats à durée déterminée sont tous pourvus d’un terme extinctif.

La loi autorise toutefois les parties à poursuivre l’exécution au-delà du terme.

?Après l’échéance

Passé l’échéance, non seulement l’obligation n’est plus exigible, mais encore et surtout elle n’existe plus.

Quid dans l’hypothèse où les parties poursuivraient l’exécution du contrat au-delà du terme ? Cette situation s’analyserait en une novation du contrat, en ce sens qu’un nouveau rapport contractuel serait créé (v. en ce sens Cass. 3e civ. 10 juin 1998).

Ce nouveau contrat prendrait alors la forme d’un contrat à durée indéterminée, sauf à ce que les parties décident de l’assortir d’un terme semblablement au contrat initial.

Dans un arrêt du 15 novembre 2005, la Cour de cassation a considéré que « sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005, n°02-21.366).

Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005

Attendu que pour développer la notoriété de son commerce de planches à voile et accessoires, la société North sports, ci-après la société, avait conclu avec Mlle X…, véliplanchiste, un contrat triennal “de parrainage” prenant effet le 31 décembre 1993 et renouvelable par tacite reconduction ; que des relations contractuelles ont été entretenues après le 31 décembre 1996, jusqu’à ce que, par lettre du 3 mars 1997, la société procède unilatéralement à leur résiliation ; qu’après avoir vainement agi en référé, Mlle X… a assigné au fond, en constatation de rupture fautive et paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mlle X… fait grief à la cour d’appel de l’avoir déboutée, alors, selon le moyen, que deux des magistrats ayant statué figuraient déjà dans la formation de référé ayant réformé l’ordonnance par laquelle, sur la base du caractère non sérieusement contestable de sa réclamation, une provision lui avait été initialement accordée ; qu’il en résulterait que, en violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt attaqué n’aurait pas été rendu par un tribunal indépendant et impartial au sens de ce texte ;

Mais attendu que l’arrêt de référé précédemment intervenu n’avait écarté les demandes de Mlle X… que par refus de se prononcer sur elles, ayant retenu que les appréciations de fait et de droit qu’elles impliquaient relevaient exclusivement des pouvoirs du juge du fond ; que cette précédente décision n’ayant pas décidé de la contestation sur les droits et obligations en litige, le moyen s’avère dépourvu de tout fondement ;

Sur le second moyen pris en ses quatre premières branches, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que, sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques ; que la cour d’appel, après avoir constaté la commune intention des parties de poursuivre le principe de leurs relations contractuelles à compter du 1er janvier 1997, a relevé l’échec ultérieur de leurs négociations quant à la durée de celles-ci et au budget à allouer à Mlle X… ; qu’elle a pu en déduire que la rupture unilatérale alors opérée par la société avait été exempte de toute méconnaissance de l’article 1134 du Code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;

Cette position adoptée en 2005 par la Cour de cassation a été confirmée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

Il ressort du nouvel article 1215 du Code civil que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

IV) La disparition du terme

Trois circonstances sont susceptibles de conduire à la disparition du terme :

  • L’échéance du terme
  • La renonciation du terme
  • La déchéance du terme

A) L’échéance du terme

?Exigibilité de l’obligation

C’est le mode de disparition normal du terme.

À l’échéance, l’obligation devient exigible de sorte que le débiteur doit immédiatement exécuter l’obligation.

?Computation des délais

La computation des délais pour déterminer la date de l’échéance s’opère selon les règles de la prescription.

Cela signifie donc que :

  • D’une part, le délai se compte par jours, et non par heures (art. 2228 C.civ.)
  • D’autre part, le délai est acquis lorsque le dernier jour du terme est accompli (art. 2229 C. civ.)

B) La renonciation du terme

?Principe

L’article 1305-3 du Code civil prévoit que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, la partie dans l’intérêt de laquelle le terme a été stipulé peut y renoncer
  • D’autre part, l’exercice de la faculté de renonciation du terme ne suppose pas l’accord de l’autre partie

Au regard de cette règle, la détermination de la partie au profit de laquelle le terme est stipulé prend tout son intérêt :

  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du débiteur, il pourra alors procéder à une exécution anticipée de son obligation
  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du créancier, il pourra refuser une exécution anticipée de l’obligation par son débiteur
  • Si le terme est stipulé dans l’intérêt des deux parties, l’exécution de l’obligation sera subordonnée à l’obtention d’un accord

?Forme de la renonciation

En ce que la renonciation s’analyse en une manifestation unilatérale de volonté, elle prendra la forme d’un acte unilatéral

Aussi, en application de l’article 1100-1 du Code civil, elle obéit, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

Concrètement, cela signifie que la renonciation pourra être expresse ou tacite

?Effets de la renonciation

L’acte de renonciation a pour effet de rendre immédiatement exigible l’obligation à terme

Dans la mesure où la renonciation prend la forme d’un acte unilatéral une fois exprimée, le débiteur ne pourra plus se rétracter.

La renonciation produit ses effets, dès lors qu’elle est portée à la connaissance du créancier.

C) La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

1. La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

2. La déchéance du terme légale

a. Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

?Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle » (Cass. 1ère civ. 3 juin 2015, n°14-15.655).
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X…, un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s’est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l’a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt énonce qu’il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l’emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu’en statuant ainsi, en l’absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

?Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […]. »
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

b. Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

?Premier effet

L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate.

En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur

Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires

?Second effet

La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions (art. 1305-5 C. civ.).

Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel.

Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement.

Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction.

Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.

La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?

La condition potestative: régime juridique

Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».

Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.

La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.

Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?

Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.

La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

I) Les limites qui tiennent à la position du contractant

Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.

 A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.

Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.

Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.

La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991.

(Cass. com. 17 déc. 1991)
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., propriétaire d'un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de " commission " avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X... percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l'hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d'affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l'écart constaté ; que M. X... a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X... et à ce qu'il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d'appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il résulte des éléments rapportés par l'arrêt que la diminution de la commission due à M. X... était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l'initiative, par rapport aux prix limite d'affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon

II) Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative

Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.

Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.

Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.

==> L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives

  • Exposé de la distinction
    • Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.
    • Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative
      • La condition purement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
        • L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
        • Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero», ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
        • Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
      • La condition simplement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
        • Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
        • La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
        • Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
        • La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
        • L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
        • En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
        • C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.
  • Portée de la distinction
    • La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.
    • La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.
    • Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées ( civ. 2 mai 1900).
    • Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.
      • Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation
      • Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.
    • Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.
    • Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.

==> Le renouvellement de la notion de condition mixte

Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.

  • La restriction du périmètre de la condition mixte
    • Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.
    • La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
    • Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.
    • Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.
    • En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.
  • L’extension du périmètre de la condition mixte
    • L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.
    • Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères» ( 1ère civ. 28 mai 1974).
    • Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.
    • Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.
    • L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.

==> La redéfinition de la notion de condition potestative

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.

  • L’abandon des distinctions classiques
    • La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.
    • Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :
      • La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
        • Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
        • Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
      • La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
        • Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
      • La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
        • Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
        • L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
      • La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
        • Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
          • S’agissant des actes à titre gratuit
            • La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
            • Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut»
          • S’agissant des actes à titre onéreux
            • La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
            • La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
      • La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
        • Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
        • Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
        • Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
        • La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
        • Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
        • Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
        • Bien que audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
        • Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations».
        • Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
        • Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 ( 3e civ., 13 oct. 1993).

Cass. 3e civ. 7 juin 1983
Sur le moyen unique : vu l'article 1174 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ;

Attendu selon l'arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x... ont "vendu" aux époux y... une maison d'habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et de l'obtention d'un prêt ;

Que l'acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l'acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l'acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ;

Attendu qu'après avoir retenu l'existence d'une condition potestative de la part de l'acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l'acte authentique et de payer le prix, l'arrêt décide que la nullité de cette condition n'affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l'obligation des époux y... de signer l'acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d'appel de Toulouse ;

  • La clarification des critères de la potestativité
    • L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.
      • Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
        • Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.»
        • Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
        • Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur»
        • Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero» qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
        • En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
        • Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
        • Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
      • Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
        • Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
        • Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
        • A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
      • Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
        • Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens 1ère civ. 22 nov. 1989)
        • La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009
        • Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
        • La troisième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire»
        • Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
        • La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.

Cass. com. 29 sept. 2009
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu'à l'occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X... a adhéré à un contrat d'assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d'invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d'assurance (l'assureur) ; qu'ayant été reconnu en état d'invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X... a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu'à la suite du refus de l'assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu'en l'espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l'impossibilité définitive pour l'adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l'arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu'au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu'en déboutant cependant M. X... de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l'interprétation faite par l'assureur est plus favorable à M. X... puisqu'elle considère que lorsque l'adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l'assureur se réserve la possibilité d'une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu'en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l'alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l'assureur, celui-ci peut opposer à l'adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu'il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu'il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu'il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d'exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu'il y ait impossibilité d'exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s'expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l'ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé l'ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l'interprétation faite par l'assureur était la plus favorable à l'assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l'application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l'assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d'un contrôle judiciaire, la cour d'appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

III) Sanction

L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.

Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?

Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.

Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.

L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.