Le terme: modalité de l’obligation (notion, caractères, effets)

?Notion

Initialement, le Code civil ne donnait aucune définition du terme. Lors de la réforme des obligations, le législateur a remédié à cette carence en introduisant un nouvel article 1305 dans le Code civil

Cette disposition prévoit que « l’obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu’à la survenance d’un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. »

Deux enseignements majeurs peuvent être tirés de cette définition :

  • Premier enseignement : une modalité temporelle de l’obligation
    • Le terme est une modalité de l’obligation qui a pour objet d’affecter son exigibilité ou sa durée
      • Lorsque le terme fait dépendre l’exigibilité de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est suspensif
        • Dans cette hypothèse, l’obligation existe
        • Toutefois, tant que l’événement ne s’est pas réalisé, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution
      • Lorsque le terme fait dépendre la durée de l’obligation d’un événement, on dit que le terme est extinctif
        • Dans cette hypothèse, non seulement l’obligation existe, mais encore elle est exigible
        • Il en résulte que tant que l’événement ne s’est pas réalisé le débiteur doit l’exécuter
        • Lorsque, en revanche, l’échéance fixée interviendra, l’obligation disparaîtra
  • Second enseignement : un événement futur et certain
    • Le terme consiste en un événement qui est futur et certain, mais dont la date de réalisation peut être incertaine.
    • Si donc l’événement doit être certain pour être qualifié de terme, sa date de réalisation peut en revanche ne pas être fixée :
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est déterminée, le terme est certain
      • Lorsque la date de réalisation de l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation est indéterminée, le terme est incertain
    • En toute hypothèse, pour constituer un terme l’événement auquel est subordonnée l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit nécessairement être certain dans son principe
      • Exemple :
        • l’événement auquel est subordonné le versement d’une prime d’assurance au décès d’une personne constitue un terme et non une condition
        • Si la date de décès d’une personne est, par nature, incertaine, il est certain que cet événement se produira
    • À, défaut de certitude quant à la réalisation même de l’événement, celui-ci s’apparentera à une condition

?Distinction entre le terme et la condition

Le terme se distingue de la condition sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création (condition suspensive)
        • soit sa disparition (condition résolutoire)
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?Terme casuel / terme potestatif / terme mixte

  • Le terme casuel
    • Le terme est dit casuel lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties.
      • Exemple : les parties prévoient qu’il sera mis fin contrat en cas de décès de l’une d’elles (terme extinctif)
    • Ce type de terme ne soulève pas de difficulté. Il peut librement être stipulé par les contractants.
  • Le terme potestatif
    • Le terme est dit potestatif lorsqu’il consiste en un événement dont la réalisation dépend de la seule volonté d’une partie au contrat.
    • La question qui immédiatement se pose est de savoir si, à l’instar de la condition potestative, la stipulation d’un terme potestatif est prohibée.
    • Qu’en est-il, dans cette perspective, de la clause qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le voudra
    • Ne pourrait-on pas envisager qu’elle présente un caractère potestatif ?
    • Bien que l’on puisse être légitimement en droit de la penser, la jurisprudence a plutôt tendance à analyser cette clause comme instituant un terme incertain, l’exigibilité de l’obligation pouvant ainsi être reportée jusqu’au décès du débiteur (Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965 ; Cass. 1ère civ. 13 déc. 1994, n°93-10.206).
    • S’il est certaines décisions qui ont admis une requalification du terme en condition potestative illicite, sans doute est-ce parce que la réalisation du terme, bien que tenu certaine par les parties, ne l’était objectivement pas.
    • Au vrai, dans bien des cas, les tribunaux confondent le terme et la condition, ce qui explique la confusion qui règne sur ce point.
  • Le terme mixte
    • Par terme mixte il faut entendre l’événement dont la réalisation dépend, à la fois de la volonté d’une partie au contrat, et d’un fait ou d’un acte extérieur à cette volonté.
    • Il s’agit, en particulier, de la stipulation qui prévoit que le débiteur exécutera la prestation prévue lorsqu’il le pourra. C’est la clause de retour à meilleure fortune.
    • Dans un arrêt remarqué du 4 décembre 1985, la Cour de cassation a estimé que cette clause institue non pas « une condition purement potestative, mais un terme à échéance incertaine pouvant être fixe judiciairement » (Cass. 3e civ. 4 déc. 1985, n°84-14.353).
    • Aussi, appartient-il au juge, en pareil cas, de déterminer l’échéance à laquelle l’obligation devient exigible.

?Un événement futur et certain

Pour être qualifié de terme l’événement dont dépend l’exécution de l’obligation doit être futur et certain.

Si le premier de ces caractères ne soulève pas de difficulté particulière, tel n’est pas le cas de l’exigence de certitude de l’événement qui a fait l’objet d’un débat doctrinal qui s’est accompagné d’une évolution de la jurisprudence.

  • Exposé de la problématique
    • En principe, pour être qualifié de terme, l’événement dont dépend l’exigibilité ou la durée de l’obligation doit être certain dans son principe, peu importe sa date de réalisation.
    • Aussi, que doit-on entendre par certain ?
    • Suffit-il que l’événement pris pour référence par les parties soit tenu pour certain par les parties pour être qualifié de terme ou est-il nécessaire que réalisation soit objectivement certaine ?
    • Pour la doctrine classique, de deux choses l’une :
      • Soit l’événement est objectivement certain auquel cas il s’apparente à un terme
      • Soit l’événement est objectivement incertain auquel cas il constitue une condition
    • C’est donc une approche objective de la certitude qui a été retenue par les auteurs.
  • Évolution de la jurisprudence
    • Première étape
      • Dans un premier temps, la Cour de cassation a adopté une approche plutôt subjective de l’exigence de certitude
      • Elle estimait en ce sens que dès lors que les parties avaient considéré l’événement pris en référence, comme certain, il pouvait être qualifié de terme quand bien même sa réalisation était objectivement incertaine (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 21 juill. 1965).
    • Seconde étape
      • Dans une décision relativement récente, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant que « le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation », ce dont elle déduit que si « l’événement [est] incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il [s’agit] d’une condition et non d’un terme » (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Il ressort de cette solution un rejet de la conception subjective du terme, dont les parties n’ont plus la discrétion de la qualification.
      • Le revirement opéré par la première chambre civile a été confirmé dans les mêmes termes par un arrêt du 13 juillet 2004 (Cass. 1ère civ. 13 juill. 2004, n°01-01.429)

Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999

Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société Union générale cinématographique, pris en sa première branche :

Vu l’article 1185 du Code civil ;

Attendu que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ;

Attendu que, pour débouter la société Union générale cinématographique (UGC), de son appel en garantie tendant à voir dire que la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne (CICF) devrait supporter les charges dues à l’Association foncière urbaine du centre commercial principal des Flanades, à Sarcelles, au titre du lot n° 54, exploité à usage de cinémas, l’arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, retient que l’accord du 13 mars 1981, faisant la loi des parties, selon lequel la société CIRP, aux droits de laquelle se trouve la CICF, s’est engagée à supporter ces charges aux lieu et place de l’UGC, tant que le nombre d’entrées annuelles des cinémas resterait inférieur ou égal à 380 000, comporte un terme et non une condition, dès lors qu’il a été considéré comme de réalisation certaine par les parties ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que l’événement étant incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, il s’agissait d’une condition et non d’un terme, la cour d’appel a violé le texte susvisé par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen du pourvoi incident, ni sur ceux du pourvoi principal de la société Compagnie immobilière et commerciale francilienne CICF :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 12 juin 1996, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Amiens.

I) La fixation du terme

Le terme peut avoir trois sources différentes : il peut être conventionnel, légal ou judiciaire

La distinction entre ces trois sortes de termes présente un triple intérêt :

Tout d’abord, tandis que les termes conventionnels et légaux s’imposent au juge, le délai judiciaire (de grâce) relève de son pouvoir souverain d’appréciation

Ensuite, tandis que seul le débiteur peut bénéficier du terme judiciaire, les termes légaux et conventionnels peuvent également profiter au créancier

Enfin, tandis que les termes légaux et judiciaires doivent être exprès, le terme conventionnel peut être tacite

A) Le terme conventionnel

Le plus souvent le terme de l’obligation est fixé conventionnellement par les parties.

Bien que l’article 1305 du Code civil ne vise que le terme suspensif, la règle est également applicable au terme extinctif.

L’article 1305-2 du Code civil précise qu’il « peut être exprès ou tacite. »

Lorsque le terme est tacite, le juge devra rechercher la commune intention des parties.

Le terme peut être fixé, soit à la conclusion du contrat, soit au cours de son exécution.

Cette dernière hypothèse se rencontre notamment lorsque le créancier consentira des délais de paiement au débiteur.

  • En matière commerciale, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de conciliation (anciennement règlement amiable.
  • En matière civile, l’octroi de délais de paiement pourra se faire dans le cadre d’une procédure de surendettement.

L’octroi de délais de paiement a pour effet, non pas d’éteindre la dette, mais de suspendre son exigibilité.

Aussi, cela s’analyse-t-il en la stipulation d’un terme suspensif.

B) Le terme légal

Deux sortes de termes légaux doivent être distinguées :

  • Le vrai terme légal
    • Le vrai terme légal est celui qui affecte, tantôt l’exigibilité de l’obligation, tantôt son existence.
      • Lorsque le terme légal est suspensif, soit affecte l’exigibilité de l’obligation, il consiste à ouvrir un droit à ouvrir l’exercice d’un droit à l’expiration d’un certain délai
      • Lorsque le terme légal est extinctif, soit affecte l’existence de l’obligation, il consiste à éteindre un droit à l’expiration d’un certain délai.
  • Le faux terme légal
    • Le faux terme légal est celui qui suspend, non pas l’exigibilité de l’obligation, mais les poursuites judiciaires susceptibles d’être engagées par un créancier contre le débiteur
    • L’examen des textes révèle que les faux termes légaux sont une espèce rare.
    • Cette rareté s’explique par le fait que la frilosité du législateur à s’ingérer dans l’exécution des conventions.
    • Aussi, la fixation de pareil terme légal ne se rencontrera que dans des circonstances très particulières : on parlera alors de moratoire légal
    • Des moratoires légaux ont ainsi été instaurés par le législateur par :
      • La loi du 5 août 1914 instituant un moratoire pour les dettes contractées pendant la première guerre mondiale
      • Le décret-loi du 1er septembre 1939 qui a suspendu toutes les mesures d’exécution à la faveur des soldats mobilisés et des prisonniers de guerre
      • La loi du 15 juillet 1970 autorisant les rapatriés à différer le remboursement de leurs dettes

C) Le terme judiciaire

À l’instar du terme légal, il convient de distinguer le « vrai » terme judiciaire du « faux » terme judiciaire.

1. Le vrai terme judiciaire

Il s’agit du terme qui affecte l’exigibilité de l’obligation.

La fixation du terme par le juge est spécifiquement prévue par le nouvel article 1305-1 du Code civil qui dispose que « à défaut d’accord, le juge peut le fixer en considération de la nature de l’obligation et de la situation des parties ».

Ainsi, jouit-il de la faculté de déterminer la date d’exigibilité de l’obligation, ce qui ne constitue nullement une nouveauté.

Comme rappelé par le Rapport au Président de la République une telle intervention judiciaire, qui permet de maintenir le contrat, est déjà consacrée par la jurisprudence – en dehors même du contrat de prêt pour lequel elle est prévue aux articles 1900 et 1901 du code civil.

Pour rappel :

  • L’article 1900 prévoit en ce sens que « s’il n’a pas été fixé de terme pour la restitution, le juge peut accorder à l’emprunteur un délai suivant les circonstances. »
  • Quant à l’article 1901, il dispose que « s’il a été seulement convenu que l’emprunteur payerait quand il le pourrait, ou quand il en aurait les moyens, le juge lui fixera un terme de paiement suivant les circonstances. »

2. Le faux terme judiciaire

Outre la faculté pour le juge de différer l’exigibilité d’une obligation, il est investi du pouvoir d’empêcher que des poursuites judiciaires soient diligentées contre un débiteur défaillant.

Cette mesure susceptible d’être prise par le juge est plus couramment qualifiée de délai de grâce ou de terme de grâce, bien qu’il ne s’agisse pas d’un véritable terme

?Notion

Le délai de grâce se définit classiquement comme « le délai supplémentaire raisonnable que le juge peut, par un adoucissement de la rigueur du terme, accorder au débiteur pour s’exécuter, compte tenu de sa situation économique et de sa position personnelle »[1].

Plus précisément, le délai de grâce consenti par le juge à un contractant fait obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires contre lui.

Contrairement à une idée reçue, le délai de grâce n’affecte nullement l’exigibilité de la dette, dans la mesure où il n’empêche pas la production d’intérêts moratoires, ni la compensation.

?Historique

Initialement, le pouvoir conféré au juge d’octroyer au débiteur un délai de grâce était pour le moins restreint puisqu’il ne pouvait en user qu’avec une extrême parcimonie.

Puis les lois du 25 mars et du 22 août 1936 ont étendu le pouvoir du juge tout en précisant que le délai de grâce ne pouvait pas dépasser un an.

Le législateur est intervenu une nouvelle fois avec la loi du 9 juillet 1991 pour porter ce délai à deux ans. Il en a profité par là même pour diversifier les modalités de mise en œuvre du délai de grâce (échelonnement de la dette ou suspension pure et simple).

Lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, ce dernier n’a pas jugé nécessaire de revenir sur cette dernière réforme.

Le rapport au Président de la République indique en ce sens que conservées « sont conservées, mais rassemblées en un seul article, les dispositions existantes du code civil sur le report ou l’échelonnement du paiement des dettes par décision judiciaire (article 1343-5). »

Aussi, les conditions d’octroi d’un délai de grâce demeurent les mêmes.

?Domaine d’application des délais de grâces

  • Principe
    • Il ressort de l’article 1343-5 du Code civil qu’un délai de grâce peut être consenti par le juge au débiteur pour toute dette de droit privé
    • Il importe peu que la dette soit de nature contractuelle ou délictuelle
    • La cause de la dette est, par ailleurs, indifférente
    • L’alinéa 5 de l’article 1343-5 précise que « toute stipulation contraire est réputée non écrite. »
    • Il s’agit donc là d’une disposition d’ordre public.
  • Exceptions
    • Dans certains cas, le législateur a pu estimer que les intérêts du débiteur ne devaient pas primer sur ceux du créancier.
    • Aussi, a-t-il interdit au juge, en pareilles hypothèses, d’octroyer des délais de grâces au débiteur.
    • Il en va ainsi pour plusieurs sortes de dettes dont notamment :
      • Les dettes d’aliments (art. 1343-5, al. 6 C. com.)
      • En matière d’effets de commerce (art. L. 511-81 et L. 512-3 C. com.)
      • Les créances de salaires (Cass. soc. 18 nov. 1992)
      • Les cotisations sociales (Cass. soc. 16 avr. 1992)
      • La prestation compensatoire (Cass. 2e civ. 10 avr. 2014)

?Textes

  • Droit commun
    • Le droit commun des délais de grâce a pour siège de corpus de règles qu’il convient de distinguer
      • L’article 1343-5 du Code civil pour les conditions et les modalités d’octroi d’un délai de grâce
      • Les articles 510 à 513 du Code de procédure civile pour la procédure d’octroi d’un délai de grâce
  • Textes spéciaux
    • Plusieurs textes spéciaux ont été édictés par le législateur en vue de conférer au juge la faculté d’octroyer au débiteur des délais de grâces dans des circonstances particulières
    • Tel est le cas par exemple en matière :
      • De vente d’immeuble (art. 1655 C. civ.)
      • De prêt immobilier (art. L. 314-20 C. conso)
      • D’occupation de lieux habités ou de locaux à usage professionnel (art. L. 412-3 C. constr.)

?Conditions d’octroi du délai de grâce

L’octroi au débiteur d’un délai de grâce n’est pas automatique.

C’est au juge qu’il revient d’apprécier l’opportunité de consentir ou de refuser au débiteur une telle faveur eu égard.

Pour ce faire, il doit satisfaire un certain nombre de conditions posées par la loi :

  • Une dette monétaire
    • Pour être éligible à l’octroi d’un délai de grâce, la dette dont fait état le débiteur doit être de nature monétaire.
    • L’article 1343-5 du Code vise « le paiement des sommes dues »
    • Ainsi, ne peut-il s’agit d’une obligation de faire ou de ne pas faire.
  • La situation du débiteur
    • Pour solliciter le bénéfice d’un délai de grâce, le débiteur doit justifier
      • D’une part, d’une situation obérée, soit qu’il rencontre des difficultés qui objectivement ne lui permettent pas de satisfaire à son obligation de paiement
      • D’autre part, que les difficultés rencontrées résultent de circonstances indépendantes de sa volonté
      • Enfin, qu’il est de bonne foi, ce qui signifie qu’il a mis en œuvre tous les moyens dont ils disposent pour remplir son obligation.
  • Les besoins du créancier
    • La question qui se posera ici au juge est de savoir si, en octroyant un délai de grâce au débiteur, cette faveur est susceptible de compromettre la situation financière du créancier.
    • Aussi, les besoins du créancier détermineront la mesure dans laquelle le juge suspendra ou échelonnera le paiement de la dette
    • Si les besoins du créancier sont importants, celui-ci étant lui-même obligé vis-à-vis d’autres créanciers, le juge sera moins facilement enclin à octroyer à son débiteur des délais de paiement.
    • Il en ira tout autrement dans le cas contraire.

?Modalités d’octroi du délai de grâce

L’octroi d’un délai de grâce au débiteur par le juge peut s’opérer selon des modalités, les unes principales, les autres accessoires.

  • Les modalités principales
    • Le report de l’échéance
      • En application de l’article 1343-5 du Code civil, le juge peut suspendre le paiement de la dette pendant un délai maximum de deux ans
      • Cette mesure n’a toutefois pas pour effet de suspendre l’exigibilité de la dette.
      • Elle fait seulement obstacle à l’engagement de poursuites judiciaires par le créancier.
    • L’échelonnement de la dette
      • Le juge peut, s’il l’estime nécessaire, plutôt que de suspendre le paiement de la dette, seulement l’échelonner, là encore dans la limite de deux années.
  • Les modalités accessoires
    • Deux modalités accessoires peuvent être prises en complément des modalités principales d’octroi d’un délai de grâce
      • Réduction des intérêts et ordre d’imputation des paiements
        • Le juge peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital.
      • Les mesures visant à faciliter ou garantir le paiement
        • Le juge peut subordonner les mesures prises à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette

II) Le bénéficiaire du terme

?Intérêt de la détermination du bénéficiaire du terme

En principe le terme peut être stipulé dans l’intérêt du débiteur, du créancier ou encore des deux parties au contrat.

L’intérêt de connaître le bénéficiaire du terme réside dans la possibilité pour ce dernier d’y renoncer discrétionnairement.

L’article 1305-3, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Exemple : un terme stipulé à la faveur du seul créancier interdit au débiteur d’exécuter sa prestation tant que l’échéance n’est pas survenue.

De son côté le créancier pourra, soit accepter une exécution anticipée du contrat, soit attendre l’expiration du terme.

?Principe : présomption de stipulation du terme dans l’intérêt du débiteur

L’article 1305-3 du Code civil dispose que « le terme profite au débiteur, s’il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des circonstances qu’il a été établi en faveur du créancier ou des deux parties. »

Ainsi, le terme est-il toujours présumé être stipulé à la faveur du seul débiteur. L’instauration de cette présomption se justifie par les effets du terme.

La stipulation d’un terme constitue effectivement un avantage consenti au débiteur, en ce qu’il suspend l’exigibilité de la dette.

Le terme autorise donc le débiteur à ne pas exécuter la prestation prévue au contrat.

Il s’agit là d’une présomption simple, de sorte qu’elle peut être combattue par la preuve contraire.

Les parties ou la loi peuvent encore prévoir que le terme est stipulé, soit à la faveur du seul créancier, soit à la faveur des deux parties au contrat.

?Exceptions : la stipulation du terme dans l’intérêt du créancier ou des deux parties au contrat

  • La stipulation du terme dans l’intérêt du seul créancier
    • Dans cette hypothèse, il sera fait interdiction au débiteur d’exécuter la prestation avant l’expiration du terme
    • Le créancier pourra toutefois renoncer au bénéfice du terme ce qui autorisera le débiteur à ne pas attendre l’échéance pour éteindre la dette qui lui échoit.
  • La stipulation du terme dans l’intérêt des deux parties au contrat
    • Cette hypothèse se rencontre, notamment en matière de contrat de prêt
    • Dans cette catégorie de contrat le terme est stipulé
      • D’une part, dans l’intérêt du débiteur, en ce que celui-ci dispose de la faculté de procéder à un remboursement anticipé des fonds mis à sa disposition
      • D’autre part, dans l’intérêt du créancier, en ce que, en cas de remboursement anticipé des sommes prêtés, il est fondé à réclamer une indemnité de résiliation.
    • En matière de crédit à la consommation, il peut toutefois être observé que le terme est irréfragablement présumé être stipulé dans l’intérêt de l’emprunteur.
    • L’article L. 312-34 du Code de la consommation dispose que « l’emprunteur peut toujours, à son initiative, rembourser par anticipation, en partie ou en totalité, le crédit qui lui a été consenti. Dans ce cas, les intérêts et frais afférents à la durée résiduelle du contrat de crédit ne sont pas dus. »
    • Cette disposition exclut, en outre, la possibilité pour le prêteur de réclamer, en contrepartie une indemnité dans un certain nombre de cas, soit :
      • En cas d’autorisation de découvert ;
      • Si le remboursement anticipé a été effectué en exécution d’un contrat d’assurance destiné à garantir le remboursement du crédit
      • Si le remboursement anticipé intervient dans une période où le taux débiteur n’est pas fixe »
    • En dehors de ces cas, le texte prévoit que lorsque le montant du remboursement anticipé est supérieur à un certain seuil fixé, le prêteur peut exiger
      • Si le délai entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit est supérieur à un an, une indemnité qui ne peut dépasser 1 % du montant du crédit faisant l’objet du remboursement anticipé
      • Si le délai ne dépasse pas un an, l’indemnité ne peut pas dépasser 0,5 % du montant du crédit faisant l’objet d’un remboursement anticipé.
      • En aucun cas l’indemnité éventuelle ne peut dépasser le montant des intérêts que l’emprunteur aurait payés durant la période comprise entre le remboursement anticipé et la date de fin du contrat de crédit convenue initialement.
    • Aucune indemnité autre que celle mentionnée au présent article ni aucuns frais ne peuvent être mis à la charge de l’emprunteur en cas de remboursement par anticipation.

III) Les effets du terme

Les effets du terme diffèrent selon qu’il est suspensif ou extinctif.

A) Le terme suspensif

1. Avant l’échéance

Avant l’échéance, l’obligation existe, mais n’est pas exigible.

?L’existence de l’obligation

La stipulation d’un terme suspensif n’affecte pas l’existence de l’obligation

Il en résulte plusieurs conséquences :

  • Première conséquence
    • En application de l’article 1305-2 du Code civil « ce qui a été payé d’avance ne peut être répété »
    • Autrement dit, dans l’hypothèse où le débiteur aurait exécuté la prestation promise avant l’échéance, il ne pourra ni demander le remboursement des sommes versées, ni la restitution de la chose délivrée.
    • La raison en est que l’exécution anticipée de la prestation correspond à une obligation qui existe puisque seulement affectée dans son exigibilité
    • Il n’y a donc aucun indu propre à justifier une action en répétition.
  • Deuxième conséquence
    • Le point de départ de la prescription des actions dirigées contre l’acte n’est pas différé à l’expiration du terme.
  • Troisième conséquence
    • Le créancier de l’obligation à terme dispose de la faculté toute mesure conservatoire utile à la préservation de ses intérêts.
  • Quatrième conséquence
    • La créance à terme peut faire l’objet d’une saisie-attribution
    • La Cour de cassation a statué en ce sens dans plusieurs décisions (V. notamment Cass. 2e civ. 8 mars 2001)

?L’inexigibilité de l’obligation

L’article 1305-2 du Code civil prévoit que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ».

Cela signifie que l’obligation ne peut pas être exécutée immédiatement : son exécution est différée à l’échéance convenue par les parties.

Plusieurs conséquences découlent de l’inexigibilité d’une obligation.

  • Première conséquence
    • Le créancier n’a pas le droit de réclamer l’exécution de l’obligation au débiteur, tout autant qu’il ne saurait être fondé à engager des poursuites à son encontre.
    • Tant que le terme n’est pas échu, le créancier ne peut engager aucune action aux fins d’obtenir le paiement de sa créance.
  • Deuxième conséquence
    • Le débiteur n’est pas tenu d’exécuter la prestation contractuellement promise tant que l’échéance n’est pas survenue.
    • L’inexigibilité de la dette lui confère un moyen de défense au fond qui rendra irrecevable l’exercice de toute voie d’exécution par le créancier.
  • Troisième conséquence
    • Tant que l’obligation n’est pas devenue exigible, le créancier ne saurait se prévaloir d’une éventuelle compensation.
    • Cela reviendrait, en effet, à contraindre le débiteur à accepter un paiement anticipé.
    • La compensation ne pourra opérer qu’à la condition que
      • D’une part, le terme ait été stipulé dans l’intérêt du débiteur, ce qui, par principe, est présumé
      • D’autre part, le débiteur se prévale de la compensation.
  • Quatrième conséquence
    • Le délai de prescription de l’obligation et des actions y afférant ne court pas tant que le terme n’est pas échu.
    • L’article 2233 prévoit en ce sens que « la prescription ne court pas […] à l’égard d’une créance à terme, jusqu’à ce que ce terme soit arrivé. »
    • Le report du point de départ de la prescription se justifie par l’impossibilité pour le créancier d’agir contre le débiteur
    • Or comme l’énoncé de manière générale l’article 2234 « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure. »
    • Dans un arrêt du 30 mars 2005, la Cour de cassation a estimé que « le point de départ d’un délai à l’expiration duquel une action ne peut plus être exercée, se situe nécessairement à la date d’exigibilité de l’obligation qui lui a donné naissance » (Cass. 1ère civ. 30 mars 2005, n°02-13.765).
  • Cinquième conséquence
    • Le créancier ne peut exercer, ni l’action oblique, ni l’action paulienne.
    • L’une des conditions d’exercice de ces deux actions est l’exigibilité de la créance

2. Après l’échéance

?Exigibilité de la créance

À l’échéance du terme la créance devient exigible, ce qui signifie que le créancier peut réclamer au débiteur l’exécution de l’obligation.

S’il ne défère pas à sa demande, le créancier peut l’y contraindre en engageant des poursuites judiciaires.

L’exercice d’une action en justice ne saurait toutefois être intenté sans une mise en demeure préalable.

?Exigence d’une mise en demeure préalable

  • Principe
    • Aux termes de l’article 1221 du Code civil « le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature »
    • La mise en demeure préalable du débiteur est, par conséquent, une obligation pour le créancier.
    • L’échéance du terme ne vaut pas mise en demeure.
    • Cette exigence résulte d’une lecture a contrario de l’article 1344 du Code civil
    • En effet, cette disposition prévoit que « le débiteur est mis en demeure de payer […] si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l’obligation »
    • A contrario cela signifie que si le contrat ne le prévoit pas, une mise en demeure doit être adressée au débiteur préalablement à toute action du créancier.
  • Forme de la mise en demeure
    • La mise en demeure peut s’effectuer
      • soit par une sommation
      • soit par un acte portant interpellation suffisante
    • Il importe peu que l’acte soit notifié au débiteur par voie de recommandé ou sous la forme d’une missive simple.
  • Contenu de la mise en demeure
    • Trois éléments doivent figurer dans la mise en demeure
      • Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur
      • Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
      • La menace d’une sanction
  • Effets de la mise en demeure
    • Trois effets principaux sont attachés à la mise en demeure
      • Elle confère le droit au créancier d’engager des poursuites à l’encontre du débiteur
      • Lorsque l’obligation consiste en une somme d’argent, la mise en demeure fait courir l’intérêt moratoire, au taux légal, sans que le créancier soit tenu de justifier d’un préjudice.
      • Lorsque l’obligation consiste en la délivrance d’une chose, la mise en demeure met les risques à la charge du débiteur, s’ils n’y sont déjà.
  • Sanction de l’absence de mise en demeure
    • En cas d’absence de mise en demeure du débiteur, le créancier est réputé lui avoir accordé un délai de paiement (V. en ce sens Cass. civ. 11 janv. 1892).

Mise en demeure
(Règles générales)

Mentions
(Art. 648 CPC)
Contenu de l’acte
(Art. 1344 C. civ.)
Notification
Date de l’acte Une sommation ou une interpellation suffisante du débiteur Au choix:

> Signification (Art. 651 CPC)

OU

> Lettre missive (Art. 1344 C. civ.)

> Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance

> Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement

Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
Les nom et domicile du destinataire, ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social La menace d’une sanction

B) Le terme extinctif

?Avant l’échéance

L’obligation assortie d’un terme extinctif s’apparente à une obligation pure et simple tant que le terme n’est pas échu.

Il en résulte qu’elle est exigible dès sa stipulation de sorte que le débiteur doit l’exécuter immédiatement.

À la différence des contrats à durée indéterminée, les contrats à durée déterminée sont tous pourvus d’un terme extinctif.

La loi autorise toutefois les parties à poursuivre l’exécution au-delà du terme.

?Après l’échéance

Passé l’échéance, non seulement l’obligation n’est plus exigible, mais encore et surtout elle n’existe plus.

Quid dans l’hypothèse où les parties poursuivraient l’exécution du contrat au-delà du terme ? Cette situation s’analyserait en une novation du contrat, en ce sens qu’un nouveau rapport contractuel serait créé (v. en ce sens Cass. 3e civ. 10 juin 1998).

Ce nouveau contrat prendrait alors la forme d’un contrat à durée indéterminée, sauf à ce que les parties décident de l’assortir d’un terme semblablement au contrat initial.

Dans un arrêt du 15 novembre 2005, la Cour de cassation a considéré que « sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques » (Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005, n°02-21.366).

Cass. 1ère civ. 15 nov. 2005

Attendu que pour développer la notoriété de son commerce de planches à voile et accessoires, la société North sports, ci-après la société, avait conclu avec Mlle X…, véliplanchiste, un contrat triennal “de parrainage” prenant effet le 31 décembre 1993 et renouvelable par tacite reconduction ; que des relations contractuelles ont été entretenues après le 31 décembre 1996, jusqu’à ce que, par lettre du 3 mars 1997, la société procède unilatéralement à leur résiliation ; qu’après avoir vainement agi en référé, Mlle X… a assigné au fond, en constatation de rupture fautive et paiement de diverses sommes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mlle X… fait grief à la cour d’appel de l’avoir déboutée, alors, selon le moyen, que deux des magistrats ayant statué figuraient déjà dans la formation de référé ayant réformé l’ordonnance par laquelle, sur la base du caractère non sérieusement contestable de sa réclamation, une provision lui avait été initialement accordée ; qu’il en résulterait que, en violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’arrêt attaqué n’aurait pas été rendu par un tribunal indépendant et impartial au sens de ce texte ;

Mais attendu que l’arrêt de référé précédemment intervenu n’avait écarté les demandes de Mlle X… que par refus de se prononcer sur elles, ayant retenu que les appréciations de fait et de droit qu’elles impliquaient relevaient exclusivement des pouvoirs du juge du fond ; que cette précédente décision n’ayant pas décidé de la contestation sur les droits et obligations en litige, le moyen s’avère dépourvu de tout fondement ;

Sur le second moyen pris en ses quatre premières branches, tel qu’exposé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que, sauf disposition ou volonté contraire, la tacite reconduction d’un contrat de durée déterminée, dont le terme extinctif a produit ses effets, donne naissance à un nouveau contrat, de durée indéterminée, et dont les autres éléments ne sont pas nécessairement identiques ; que la cour d’appel, après avoir constaté la commune intention des parties de poursuivre le principe de leurs relations contractuelles à compter du 1er janvier 1997, a relevé l’échec ultérieur de leurs négociations quant à la durée de celles-ci et au budget à allouer à Mlle X… ; qu’elle a pu en déduire que la rupture unilatérale alors opérée par la société avait été exempte de toute méconnaissance de l’article 1134 du Code civil ; que le moyen n’est pas fondé ;

Cette position adoptée en 2005 par la Cour de cassation a été confirmée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

Il ressort du nouvel article 1215 du Code civil que « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat. »

IV) La disparition du terme

Trois circonstances sont susceptibles de conduire à la disparition du terme :

  • L’échéance du terme
  • La renonciation du terme
  • La déchéance du terme

A) L’échéance du terme

?Exigibilité de l’obligation

C’est le mode de disparition normal du terme.

À l’échéance, l’obligation devient exigible de sorte que le débiteur doit immédiatement exécuter l’obligation.

?Computation des délais

La computation des délais pour déterminer la date de l’échéance s’opère selon les règles de la prescription.

Cela signifie donc que :

  • D’une part, le délai se compte par jours, et non par heures (art. 2228 C.civ.)
  • D’autre part, le délai est acquis lorsque le dernier jour du terme est accompli (art. 2229 C. civ.)

B) La renonciation du terme

?Principe

L’article 1305-3 du Code civil prévoit que « la partie au bénéfice exclusif de qui le terme a été fixé peut y renoncer sans le consentement de l’autre. »

Deux enseignements peuvent immédiatement être tirés de cette disposition :

  • D’une part, la partie dans l’intérêt de laquelle le terme a été stipulé peut y renoncer
  • D’autre part, l’exercice de la faculté de renonciation du terme ne suppose pas l’accord de l’autre partie

Au regard de cette règle, la détermination de la partie au profit de laquelle le terme est stipulé prend tout son intérêt :

  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du débiteur, il pourra alors procéder à une exécution anticipée de son obligation
  • Si le terme a été stipulé dans l’intérêt exclusif du créancier, il pourra refuser une exécution anticipée de l’obligation par son débiteur
  • Si le terme est stipulé dans l’intérêt des deux parties, l’exécution de l’obligation sera subordonnée à l’obtention d’un accord

?Forme de la renonciation

En ce que la renonciation s’analyse en une manifestation unilatérale de volonté, elle prendra la forme d’un acte unilatéral

Aussi, en application de l’article 1100-1 du Code civil, elle obéit, en tant que de raison, pour leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats.

Concrètement, cela signifie que la renonciation pourra être expresse ou tacite

?Effets de la renonciation

L’acte de renonciation a pour effet de rendre immédiatement exigible l’obligation à terme

Dans la mesure où la renonciation prend la forme d’un acte unilatéral une fois exprimée, le débiteur ne pourra plus se rétracter.

La renonciation produit ses effets, dès lors qu’elle est portée à la connaissance du créancier.

C) La déchéance du terme

La déchéance du terme est une sanction qui consiste à priver le débiteur du bénéfice du terme, soit de la suspension de l’exigibilité de l’obligation.

Il s’ensuit que l’obligation devient immédiatement exigible, ce qui offre la possibilité, pour le créancier, d’engager des poursuites.

La déchéance du terme peut être légale ou conventionnelle.

1. La déchéance du terme conventionnelle

Dans cette hypothèse, la déchéance du terme ne soulève aucune difficulté particulière.

L’obligation devient immédiatement exigible dès lors que la cause de déchéance du terme prévue par les parties se réalise.

Lorsque la déchéance du terme est conventionnelle, elle devra expressément être prévue par les parties.

2. La déchéance du terme légale

a. Les causes de déchéance du terme

Lorsque la déchéance du terme est d’origine légale, elle est susceptible d’intervenir dans plusieurs cas, étant précisé que le législateur a récemment abandonné l’une des causes de déchéance antérieurement retenue.

?Les causes maintenues de déchéance du terme

  • La diminution des sûretés
    • L’article 1305-4 du Code civil dispose que « le débiteur ne peut réclamer le bénéfice du terme s’il ne fournit pas les sûretés promises au créancier ou s’il diminue celles qui garantissent l’obligation. »
    • Deux causes de déchéance du terme sont envisagées par cette disposition
      • L’absence de fourniture des sûretés promises au créancier
      • La diminution des sûretés promises au créancier
    • Pour que l’une de ces deux causes de déchéance soit caractérisée, cela suppose la réunion de quatre conditions cumulatives :
      • La constitution d’une sûreté
        • Le texte exige qu’une sûreté ait été constituée au profit du créancier
        • Aucune distinction n’est faite entre les sûretés personnelles et les sûretés réelles, de sorte que les deux peuvent être envisagées.
      • La constitution d’une sûreté spéciale
        • Il ressort de l’article 1305-4 que la sûreté doit avoir été promise au créancier
        • Par promise, il faut entendre que la sûreté a une origine contractuelle
        • On peut en déduire que la déchéance du terme ne saurait être fondée sur le droit de gage général
        • Une sûreté spéciale doit avoir contractuellement été constituée à la faveur du créancier.
      • L’absence de constitution de la sûreté ou sa diminution
        • Peu importe que le débiteur n’ait pas constitué la sûreté promise ou l’ait seulement diminuée, dans les deux cas, cette conduite constitue une cause de déchéance du terme
        • Le législateur ne distingue pas non plus selon que la source de la diminution de la sûreté est légale ou conventionnelle
      • Un fait imputable au débiteur
        • Pour que l’absence de fourniture de la sûreté promise ou la diminution de la sûreté constituent des causes de nullité, encore faut-il que ces situations puissent être imputées au débiteur
        • La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si le fait du débiteur doit être fautif ou non pour entraîner la déchéance du terme
        • Dans le droit antérieur les tribunaux exigeaient une faute.
        • L’article 1305-4 est quant à lui silencieux sur ce point ce que l’on peut regretter.
  • La défaillance de l’emprunteur
    • L’article 312-39 du Code de la consommation prévoit que « en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. »
    • Ainsi, le non-paiement de l’échéance d’un prêt constitue une cause légale de déchéance du terme.
    • La Cour de cassation est toutefois venue préciser dans un arrêt du 15 juin 2015 que « si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle » (Cass. 1ère civ. 3 juin 2015, n°14-15.655).
    • Autrement dit, pour se prévaloir de la déchéance du terme, le prêteur était tenu d’adresser à l’emprunteur une mise en demeure de régulariser l’échéance impayée.
    • Aussi, c’est seulement si l’emprunteur ne défère pas à cette mise en demeure que la déchéance du terme est acquise.
    • Elle devra être notifiée au débiteur par l’envoi d’un nouveau courrier.

Cass. 1ère civ. 3 juin 2015

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles 1134, 1147 et 1184 du code civil ;

Attendu que, si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Laser Cofinoga a consenti, le 23 juillet 2009, à M. X…, un prêt personnel remboursable par mensualités ; que celui-ci ayant cessé ses paiements à partir du mois de juin 2010, la société s’est prévalue de la déchéance du terme par lettre recommandée avec avis de réception du 16 janvier 2011, puis l’a assigné en remboursement ;

Attendu que, pour accueillir la demande, l’arrêt énonce qu’il ne résulte pas des stipulations contractuelles que le prêteur soit tenu de mettre en demeure l’emprunteur préalablement au constat de la déchéance du terme ;

Qu’en statuant ainsi, en l’absence de stipulation expresse dispensant le créancier de mise en demeure, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 février 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;

  • La liquidation judiciaire
    • En cas de liquidation judiciaire, l’article L. 643-1 du Code de commerce prévoit que « le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire rend exigibles les créances non échues. »
    • Ainsi, pour faciliter l’opération de liquidation d’une entreprise, ce texte prévoit qu’elle constitue une cause de déchéance du terme

?Les causes abandonnées de déchéance du terme

  • Les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire
    • Antérieurement à la réforme des procédures collectives, le jugement d’ouverture avait notamment pour effet de rendre exigible les dettes non échues
    • Désormais, l’article L. 622-29 du Code de commerce prévoit que « le jugement d’ouverture ne rend pas exigibles les créances non échues à la date de son prononcé. Toute clause contraire est réputée non écrite. »
    • L’instauration de cette règle se justifie par le triple objectif poursuivi par les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire :
      • la sauvegarde de l’entreprise
      • le maintien de l’activité et de l’emploi
      • l’apurement du passif
  • La faillite
    • Avant l’adoption de la loi du 25 janvier 1985, l’ancien article 1188 du Code civil visait comme cause de déchéance du terme la faillite du débiteur.
    • Cette disposition prévoyait que « le débiteur ne peut plus réclamer le bénéfice du terme lorsqu’il a fait faillite […]. »
    • Ainsi, en 1985 le législateur a-t-il abandonné cette cause de déchéance du terme.

b. Les effets de la déchéance du terme

La déchéance du terme produit deux effets principaux :

?Premier effet

L’obligation à terme devient exigible, de sorte que le créancier peut réclamer au débiteur son exécution immédiate.

En matière de contrat de prêt le capital emprunté restant dû ainsi que les intérêts et pénalités devront donc intégralement être acquittés par le débiteur

Pour l’y contraindre, le créancier pourra engager à son encontre des poursuites judiciaires

?Second effet

La déchéance du terme encourue par un débiteur est inopposable à ses coobligés, même solidaires, et à ses cautions (art. 1305-5 C. civ.).

Cela signifie que la déchéance du terme produit un effet personnel.

Le créancier devra, en conséquence, attendre la survenance de l’échéance pour actionner les coobligés en paiement.

Cette règle se justifie par la nature de la déchéance du terme qui n’est autre qu’une sanction.

Dans la mesure où elle vise à sanctionner le débiteur fautif, elle ne saurait toucher des personnes qui n’ont commis aucune faute.

La loi de ratification a précisé le second effet de la déchéance du terme en modifiant l’article 1305-5 du code civil relatif à l’inopposabilité de la déchéance du terme aux coobligés pour ajouter que cette disposition est également applicable aux cautions.

En effet, la déchéance ayant par nature un caractère de sanction personnelle, elle ne doit pas produire d’effet sur les coobligés du débiteur déchu, sauf texte spécial dérogeant à cette règle.

La jurisprudence sur ce point est constante, qu’il s’agisse d’une caution, même solidaire, ou de codébiteurs solidaires.

Il ressort de la lecture du rapport au Président de la République que le texte entendait viser tant les codébiteurs que les cautions.

Or, stricto sensu, le terme « coobligés » fait référence aux codébiteurs seulement.

C’est la raison pour laquelle, l’article 1305-5 a été complété pour viser expressément les cautions du débiteur déchu.

  1. G. Cornu, Vocabulaire juridiqur ?

La condition: modalité de l’obligation (Notion, caractères, effets)

?Notion

Si, par principe, l’obligation est réputée exister dès l’échange des consentements, les parties peuvent subordonner sa création ou sa disparition à la réalisation d’un événement dont elles déterminent la teneur lors de la conclusion du contrat.

Cette modalité de l’obligation qui est susceptible d’affecter son existence est qualifiée de condition.

Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1304 du Code civil prévoit que « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »

La condition fait ainsi dépendre l’existence de l’obligation d’un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties (à tout le moins du débiteur), ce qui conduit à la distinguer d’une autre modalité de l’obligation : le terme.

?Distinction entre la condition et le terme

La condition se distingue du terme sur deux points :

  • Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
    • La condition
      • Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
        • soit sa création : la condition est suspensive
        • soit sa disparition : la condition est résolutoire
    • Le terme
      • Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
        • Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
        • Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation.
  • Second élément distinctif : l’incertitude
    • La condition
      • Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
      • Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
    • Le terme
      • Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
      • Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable

?La typologie des conditions

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, la typologie des conditions s’articulait autour de deux grandes distinctions qui tenaient respectivement à la nature de la condition et à ses effets.

  • La distinction (abandonnée) tenant à la nature de la condition
    • Cette distinction oppose les conditions casuelles, potestatives et mixtes
      • La condition casuelle
        • L’ancien article 1169 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend du hasard, et qui n’est nullement au pouvoir du créancier ni du débiteur. »
        • Ainsi, selon cette disposition, la condition casuelle est celle dont la réalisation est totalement indépendante de la volonté des parties
        • Elle peut dépendre de la survenance :
          • Soit du fait de la nature
          • Soit du fait d’un tiers
      • La condition potestative
        • L’ancien article 1170 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
        • La condition potestative constitue de la sorte l’exact opposé de la condition casuelle
        • Sa réalisation n’est nullement indépendante de la volonté des parties
        • Bien au contraire, elle dépend du pouvoir de l’une d’elles qui, discrétionnairement, peut décider de réaliser ou non la condition.
        • Au fond cette prérogative, que confère la condition potestative à l’une des parties, l’autorise à imposer à sa volonté à son cocontractant
        • Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à distinguer deux hypothèses :
          • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du débiteur
            • Dans cette hypothèse la condition potestative est nulle
          • La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du créancier
            • Dans cette hypothèse la condition potestative est valable
        • Parfois, il apparaîtra pour le moins délicat de déterminer si l’on est ou non présence d’une condition potestative, spécialement lorsqu’elle sera en concours avec la qualification de condition alternative.
      • La condition mixte
        • L’ancien article 1171 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
        • Contrairement à la condition potestative, la condition mixte comporte un aléa puisque que sa réalisation dépend, pour partie, à la volonté d’un tiers.
        • Il en résulte qu’elle est pleinement valable.
          • Exemple : les parties subordonnent la réalisation d’une vente immobilière à l’obtention, par l’acquéreur, d’un prêt
    • Au total, si la distinction entre les conditions casuelles, potestatives et mixtes présente incontestablement un intérêt sur le plan théorique en ce qu’elle permet de mieux cerner les contours de la notion de condition, comme relevé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle demeure « dénuée de portée pratique ».
    • C’est la raison pour laquelle le législateur n’a pas souhaité conserver cette distinction
    • Aussi, en a-t-il profité pour mettre en avant celle tenant aux effets de la condition
  • La distinction (conservée) tenant aux effets de la condition
    • Cette distinction oppose deux sortes de conditions : la condition suspensive et la condition résolutoire.
      • La condition suspensive
        • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit, en son alinéa 2 que « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. »
        • La condition suspensive est de la sorte celle qui suspend la naissance de l’obligation à la réalisation d’un événement futur et incertain.
        • Le rapport au Président de la République précise que « en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple ».
        • Deux hypothèses sont alors envisageables :
          • La condition suspensive se réalise
            • L’obligation est confirmée dans sa création
            • Dès lors, le contrat devient efficace : il peut recevoir exécution
          • La condition suspensive ne se réalise pas
            • L’obligation est réputée n’avoir jamais existé
            • La conséquence en est que si elle constituait un élément essentiel du contrat, l’acte est frappé de caducité
      • La condition résolutoire
        • Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit en son alinéa 3 que la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation. »
        • Ainsi, la condition résolutoire est celle qui, si elle se réalise, menace de disparition une obligation qui existe déjà.
        • Plus précisément, selon le rapport au Président de la République « en présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. »
          • Exemple :
            • Les parties prévoient que, en cas de nom paiement du loyer à une échéance déterminée, le bail est résilié de plein droit
    • Pour conclure, la distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire tient au fond à ce que « dans le premier cas, l’obligation est provisoirement inefficace, mais son efficacité peut résulter rétroactivement de la réalisation de la condition, tandis que dans le second, elle est provisoirement efficace, mais peut être rétroactivement anéantie si la condition se réalise »[1]

I) La validité de la condition

Pour être valide, l’événement dont dépend la réalisation de la condition doit présenter quatre caractères cumulatifs. Il doit être :

  • Futur et incertain
  • Indépendant de la volonté des parties
  • Possible et licite

A) L’exigence d’un événement futur et incertain

Pour que la condition soit valable, encore faut-il que l’événement dont sa réalisation dépend soit futur et incertain.

Dans le cas contraire, selon le caractère qui fait défaut à l’événement il est un risque de requalification :

  • Soit de l’obligation conditionnelle en obligation pure et simple si l’événement s’est déjà réalisé
  • Soit de la condition en terme si la réalisation de l’événement est certaine

Ce risque de requalification qui pèse, tantôt sur l’obligation, tantôt sur la condition conduit à distinguer selon que c’est le caractère futur ou incertain qui fait défaut à l’événement

1. L’événement s’est déjà réalisé au moment de la conclusion du contrat

Deux situations doivent être envisagées ici. Antérieurement à la réforme des obligations, elles étaient évoquées à l’ancien article 1171 du Code civil :

?La réalisation de l’événement était connue des parties au moment de la conclusion du contrat

Dans cette hypothèse, une double requalification pèse sur les stipulations contractuelles.

  • Première requalification
    • Subordonner l’existence d’une obligation à la réalisation d’un événement passé tout en sachant que cet événement s’est déjà réalisé, revient à stipuler une obligation pure et simple
    • Aussi, l’obligation qui, dans cette hypothèse, serait présentée par les parties comme conditionnelle produira ses effets dès la conclusion du contrat au même titre que n’importe quelle obligation non-conditionnelle.
  • Seconde requalification
    • Si les parties savent, au moment de la stipulation de l’obligation, que l’événement auquel elles subordonnent son existence s’est déjà réalisé, cela revient à retirer à cet événement son caractère incertain.
    • Or un événement dont la réalisation est certaine ne saurait endosser la qualification de condition : il constitue un terme.
    • En cas de requalification de la condition en terme, deux situations doivent être envisagées :
      • Si la condition était suspensive, sa requalification en terme conduit à la réputer l’obligation exigible dès la conclusion de l’acte.
      • Si la condition était résolutoire, sa requalification en terme conduit à réputer l’obligation comme n’ayant jamais existé, puisque éteinte avant même qu’elle n’ait été créée.

?La réalisation de l’événement était inconnue des parties au moment de la conclusion du contrat

Dans cette hypothèse, par un arrêt du 12 avril 1995, la Cour de cassation a pu estimer que « l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée » (Cass. 3e civ. 12 avr. 1995, n°92-20.494).

Dans cette décision se posait donc la question du sort d’une obligation dont l’événement conditionnel était survenu sans que les parties aient eu connaissance de la réalisation de cet événement.

Il ressort de la solution dégagée par la Cour de cassation que deux situations doivent être distinguées.

  • La condition est suspensive
    • Si l’événement s’est déjà réalisé mais est inconnu des parties au moment de la conclusion de l’acte, la condition à laquelle il était associé dégénère en condition pure et simple
    • L’obligation suspensive prend alors effet au jour de la formation du contrat, ce qui a pour conséquence de la rendre immédiatement exécutoire.
  • La condition est résolutoire
    • Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé dans la mesure où le fait générateur de sa disparition (la réalisation de la condition) est concomitant à sa naissance (la formation de l’acte).

Cass. 3e civ. 12 avr. 1995

Sur les deux moyens, réunis :

Vu l’article 1181 du Code civil ;

Attendu que l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 9 septembre 1992), que M. X… a, selon un ” compromis de vente ” du 26 mai 1988, vendu une propriété aux époux Y… moyennant le versement d’un capital payable le jour de la signature de l’acte authentique et le service d’une rente viagère et sous la condition suspensive de la purge de tous droits de préemption, étant stipulé que la vente ne produirait ses effets que lors de sa réitération par acte authentique ; que M. X… étant décédé, le 30 juin 1988, les époux Y… ont assigné ses héritiers en régularisation de la vente ;

Attendu que, pour déclarer nulle la vente consentie par M. X…, l’arrêt retient qu’au moment du décès de M. X…, le 30 juin 1988, la condition relative à la purge du droit de préemption n’était pas réalisée et que la vente n’était donc pas parfaite à cette date ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que selon une lettre du maire, il n’avait pas été pris de délibération instituant un droit de préemption dans la commune, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 septembre 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.

2. L’événement est certain au moment de la conclusion du contrat

Deux situations doivent être envisagées ici :

?La réalisation de l’événement est objectivement certaine

Cette hypothèse ne soulève pas de difficulté particulière

L’événement futur dont la réalisation est objectivement certaine ne pourra jamais être qualifié de condition : il constitue un terme.

Il s’ensuit que :

  • Si la condition est suspensive
    • Sa requalification en terme conduira à réputer l’obligation avoir existé dès la formation de l’acte.
    • Seule son exigibilité sera reportée à la survenance de l’événement.
  • Si la condition est résolutoire
    • Sa requalification en terme conduira à considérer que la survenance de l’événement a pour conséquence d’éteindre les effets de l’obligation seulement pour l’avenir
    • Son anéantissement sera dès lors dépourvu de tout caractère rétroactif contrairement aux effets attachés à la réalisation d’une condition résolutoire.

?La réalisation de l’événement est subjectivement certaine

Il s’agit de l’hypothèse où les parties tiennent pour certain un événement qui objectivement ne revêt pas ce caractère.

Deux situations doivent alors être envisagées :

  • L’événement se réalise conformément aux prévisions des parties
    • Dans cette hypothèse, la jurisprudence est plutôt favorable à une requalification de la condition en terme (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 juill. 1984).
    • Les conséquences de cette requalification varieront selon que la condition stipulée était suspensive ou résolutoire, comme montré précédemment.
  • L’événement ne se réalise pas en dépit des prévisions des parties
    • Premier temps
      • La jurisprudence a estimé que la condition encourait une requalification en terme, de sorte que l’obligation est réputée exister dès la formation de l’acte, nonobstant l’absence de survenance de l’événement (Cass. 1ère civ. 28 janv. 1976, n°74-14.069).
      • Le terme est alors analysé comme étant indéterminée
    • Deuxième temps
      • La Cour de cassation est revenue sur sa position considérant que l’événement dont la survenance était certaine pour les parties mais qui, finalement, ne se réalisait pas, devait être qualifié, non pas de terme, mais de condition (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
      • Tant que l’événement ne s’est pas réalisé l’obligation est, selon la nature que l’on confère à la condition (suspensive ou résolutoire, réputée soit n’avoir pas encore été créée, soit être toujours exécutoire.
    • Troisième temps
      • Dans un arrêt du 7 janvier 2016, la Cour de cassation aurait, selon certains auteurs, opéré un nouveau revirement de jurisprudence (Cass. 3e civ. 7 janv. 2016, n°14-26.945).
      • La troisième chambre civile a, en effet, estimé que la date incertaine à laquelle était subordonnée l’ouverture d’un golf devait s’analyser comme le fait générateur de l’exigibilité d’une obligation, celle-ci devant être réputée avoir été créée dès la conclusion de l’acte.

Cass. 3e civ. 7 janv. 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2014), que, le 5 décembre 2007, la société Cegim a vendu à la société Promotion financière immobilière (Profimob) un bien immobilier par un acte notarié dont une clause prévoyait que le solde du prix de vente était payable à terme, après production par le vendeur d’une convention garantissant l’exploitation d’un golf et au fur et à mesure de la présentation des factures de travaux de réalisation du golf dont l’achèvement était fixé au plus tard au 31 décembre 2009 ; que, la société Cegim ayant fait procéder à diverses saisies faute de paiement de cette somme, la société Profimob a saisi le juge de l’exécution pour en obtenir la mainlevée et la nullité ;

Attendu que la société Profimob fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que « les modalités de paiement du prix retranscrites dans la clause sont afférentes à la production d’une convention de prise à bail et à la présentation des factures relativement à la réalisation du golf que la société vendeuse s’engageait à réaliser. Il en ressort que cette clause constituait bien un terme en ce que l’exploitation et la réalisation du golf, attestées par la production du bail et des factures de travaux, étaient des événements à venir certains en leur réalisation dans l’esprit des parties, compte tenu de l’engagement du vendeur en ce sens. Seule la date restait incertaine » ; qu’en statuant ainsi, quand un événement objectivement incertain quant à sa réalisation constitue une condition quand bien même les parties se seraient engagées à l’accomplir, la cour d’appel a violé l’article 1185 du code civil ;

2°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; que la qualification de terme ou de condition dépend de la nature certaine ou incertaine de l’événement érigé en modalité, et non de la dénomination ou des termes employés par le contrat ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que selon les termes de l’acte il est prévu que le solde du prix est « payable à terme » et que cette clause « est située dans le paragraphe « paiement du prix » de sorte que seules les modalités de paiement du solde de 400 000 euros (donc son exigibilité) sont affectées par les dispositions contractuelles contestées » ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser la certitude objective de la réalisation de l’événement érigé en modalité, certitude qui constituait le seul critère permettant la qualification en un terme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1185 du code civil ;

3°/ que ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme, mais ce qui a été payé par avance ne peut être répété ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que les stipulations de l’acte prévoyant que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » « confirment que seule l’exigibilité de la créance est reportée en cas de non-respect du terme avant la fin de l’année 2009, puisque dans le cas contraire, les sommes pourront être restituées en l’attente de leur production » ; qu’en retenant ainsi que le droit conféré à la société Profimob de répéter les sommes versées en cas de non-réalisation dans les délais prévus de l’événement érigé en modalité confirme la qualification de terme, quand le paiement fait avant terme ne peut être répété, en sorte que cette circonstance établissait précisément qu’il s’agissait d’une condition, la cour d’appel a violé l’article 1186 du code civil ;

4°/ que les stipulations claires et précises de l’acte du 5 décembre 2007 prévoyaient que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » ; que la non-survenance de la condition suspensive avant le 31 décembre 2009 était ainsi clairement sanctionnée par l’obligation pour la société Cegim de restituer toutes les sommes éventuellement perçues à ce titre ; qu’en retenant pourtant que ces stipulations contractuelles « ne sont formulées qu’à titre de « précision » selon les termes mêmes du contrat ne permettant pas de connaître la sanction de leur éventuel non-respect », la cour d’appel a dénaturé celles-ci, en violation de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu’ayant constaté qu’une clause de l’acte de vente, figurant dans le paragraphe « paiement du prix », prévoyait qu’une partie de celui-ci était payable à terme, relevé, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes de cette clause rendait nécessaire, que l’obligation de paiement était née lors de la conclusion de la vente et que les modalités de paiement du solde étaient liées à la réalisation d’événements futurs certains dont seule la date demeurait incertaine et retenu que la société Cegim, qui produisait deux factures de travaux et un bail commercial pour l’exploitation du golf, justifiait d’un titre exécutoire portant obligation à paiement d’une créance certaine, liquide et exigible, la cour d’appel a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant, que cette société était fondée à pratiquer des mesures d’exécution ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

B) L’exigence d’un événement indépendant de la volonté des parties

1. Principe

Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».

Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.

La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.

Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?

Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.

La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations

2. Limites

a. Les limites qui tiennent à la position du contractant

Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.

A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.

Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.

Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.

La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991 (Cass. com. 17 déc. 1991, n°89-20.348).

Cass. com. 17 déc. 1991

Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que M. X…, propriétaire d’un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de ” commission ” avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X… percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l’hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d’affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l’écart constaté ; que M. X… a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X… et à ce qu’il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d’appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ;

Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il résulte des éléments rapportés par l’arrêt que la diminution de la commission due à M. X… était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l’initiative, par rapport aux prix limite d’affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon

b. Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative

Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.

Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.

Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.

i. L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives

?Exposé de la distinction

Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.

Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative.

  • La condition purement potestative
    • Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
    • L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
    • Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero », ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
    • Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
  • La condition simplement potestative
    • Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
    • Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
    • La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
    • Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
    • La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
    • L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
    • En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
    • C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.

?Portée de la distinction

La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.

La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.

Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées (Cass. civ. 2 mai 1900).

Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.

  • Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation.
  • Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.

Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.

Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.

ii. Le renouvellement de la notion de condition mixte

Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.

?La restriction du périmètre de la condition mixte

Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.

La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »

Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.

L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.

Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.

En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.

?L’extension du périmètre de la condition mixte

L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.

La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.

Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères » (Cass. 1ère civ. 28 mai 1974, n°72-14.259).

Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.

Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.

L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.

iii. La redéfinition de la notion de condition potestative

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.

?L’abandon des distinctions classiques

La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.

Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :

  • La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
    • Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
    • Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
  • La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
    • Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
  • La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
    • Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
    • L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
  • La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
    • Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
      • S’agissant des actes à titre gratuit
        • La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
        • Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut »
      • S’agissant des actes à titre onéreux
        • La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
        • La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
  • La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
    • Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
    • Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
    • Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
    • La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
    • Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
    • Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
    • Bien qu’audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
    • Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ».
    • Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
    • Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 (Cass. 3e civ., 13 oct. 1993, n°82-10.281).

Cass. 3e civ. 7 juin 1983

Sur le moyen unique : vu l’article 1174 du code civil ;

Attendu qu’il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ;

Attendu selon l’arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x… ont “vendu” aux époux y… une maison d’habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d’un certificat d’urbanisme et de l’obtention d’un prêt ;

Que l’acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l’acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l’acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l’acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ;

Attendu qu’après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix, l’arrêt décide que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ;

Qu’en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l’obligation des époux y… de signer l’acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d’appel de Toulouse ;

?La clarification des critères de la potestativité

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.

  • Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
    • Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. »
    • Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
    • Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur »
    • Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero » qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
    • En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
    • Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
    • Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
  • Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
    • Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
    • Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
    • A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
  • Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
    • Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 22 nov. 1989, n°87-19.149)
    • La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009 (Cass. 3e civ. 29 sept. 2009, n°14.900).
    • Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
    • La Deuxième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire »
    • Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
    • La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.

Cass. 2e 29 sept. 2009

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu’à l’occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X… a adhéré à un contrat d’assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d’invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d’assurance (l’assureur) ; qu’ayant été reconnu en état d’invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X… a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu’à la suite du refus de l’assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu’en l’espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l’arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu’en déboutant cependant M. X… de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l’interprétation faite par l’assureur est plus favorable à M. X… puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l’assureur se réserve la possibilité d’une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu’en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l’alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l’assureur, celui-ci peut opposer à l’adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu’il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu’il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu’il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d’exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu’il y ait impossibilité d’exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s’expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l’ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé l’ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l’interprétation faite par l’assureur était la plus favorable à l’assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l’application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire, la cour d’appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

3. Sanction

L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.

Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?

Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.

Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.

L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.

a. L’exigence d’un événement possible et licite

Initialement, l’ancien article 1172 du Code civil prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. »

Pour être valide, la condition devait donc être possible et licite. Si, lors de la réforme des obligations le législateur a reconduit la seconde exigence, telle n’a pas été le cas de la première qui a, manifestement, été abandonnée.

?L’exigence abandonnée de possibilité de la condition

L’exigence de possibilité de la condition énoncée à l’ancien article 1172 ne se retrouve dans aucun des articles consacrés à l’obligation conditionnelle.

Loin de constituer une omission de la part du législateur, celui-ci a simplement voulu mettre un terme au caractère pour le moins absurde de cette exigence.

La condition impossible doit, en effet, être entendue comme celle qui dépend d’un événement qui ne se réalisera jamais.

Aussi, dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, la stipulation d’une condition impossible devait conduire à l’annulation du contrat :

  • Soit parce que la naissance de l’obligation sur laquelle elle porte serait suspendue indéfiniment, si elle est suspensive
  • Soit parce que la disparition de l’obligation sur laquelle elle porte ne pourra jamais intervenir, si elle est résolutoire

Dans les deux cas, l’exigence de possibilité de la condition n’a, en toute hypothèse, pas grand sens :

  • Lorsque la condition est suspensive, pourquoi vouloir annuler une obligation qui n’existe pas, la réalisation de la condition étant, par définition impossible.
  • Lorsque la condition est résolutoire, il est tout aussi superflu de vouloir l’annuler si elle impossible puisque cela reviendra, in fine, à laisser perdurer une obligation qui ne pourra jamais disparaître.

Pour toutes ces raisons, l’abandon de l’exigence de possibilité de la condition nous apparaît pleinement justifié.

?L’exigence reconduite de licéité de la condition

Aux termes de l’article 1304-1 du Code civil « la condition doit être licite. À défaut, l’obligation est nulle. »

L’exigence de licéité de la condition ne soulève guère de difficulté.

Le législateur a simplement entendu viser les conditions dont la réalisation dépend d’un événement qui s’inscrirait dans une opération prohibée.

Comme pour l’exigence de possibilité, on peut s’interroger sur l’utilité de cette précision.

Ne peut-on pas, en effet, estimé que l’exigence de licéité est déjà comprise dans la règle énoncée à l’article 1162 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. » ?

De l’avis des auteurs on est légitimement en droit de le penser.

Aussi, le législateur rappelle-t-il une exigence déjà formulée.

Reste la sanction de la condition illicite : l’article 1304-1 prévoit la nullité de l’obligation.

Par analogie avec l’article 1162 on devine que cette nullité est absolue de sorte que l’action ne sera pas limitée à la sphère des parties.

II) La réalisation de la condition

A) Le processus de réalisation de la condition

Participent au processus de réalisation de la condition, trois événements distincts qui, respectivement, puisent leur source dans :

  • La commune intention des parties
  • L’écoulement du temps
  • La déloyauté d’un contractant

1. La commune intention des parties

Pour déterminer si la condition stipulée dans le contrat est ou non accomplie, c’est à la commune intention des parties qu’il convient d’abord de se référer.

L’ancien article 1175 du Code civil disposait en ce sens que « toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût. »

Bien que cette disposition n’ait pas son équivalent dans la nouvelle section du Code civil consacrée à l’obligation conditionnelle, la règle qu’elle énonce n’en demeure pas moins toujours valable.

Aussi, est-ce cette commune intention des parties qui devra guider le juge dans son appréciation de l’accomplissement de la condition.

Sa marge de manœuvre dépendra de la précision des termes du contrat.

Dans cette perspective, rien n’empêchera le juge de s’écarter de la lettre de la clause à la faveur de son esprit.

Il pourra ainsi être conduit à se demander si l’accomplissement de la condition doit procéder d’une démarche effectuée en personne par le débiteur ou si elle peut être déléguée à un mandataire ou un héritier.

La question pourra encore se poser au juge de savoir si la condition peut ou non être accomplie par équivalent.

2. L’écoulement du temps

La commune intention des parties n’est pas le seul élément qui détermine l’accomplissement de la condition, l’écoulement du temps peut également influer sur le processus.

Deux situations doivent alors être envisagées :

?La condition est positive

Cela signifie que son accomplissement dépend de la survenance d’un événement

Il convient alors d’envisager deux situations :

  • Les parties ont assorti la condition d’un délai
    • Dans cette hypothèse, l’accomplissement de la condition ne pourra intervenir qu’au cours du délai déterminé par les contractants
    • Si tel n’est pas le cas, l’ancien article 1176 du Code civil prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
    • Bien que cette règle n’ait pas été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016, elle n’en reste pas moins vigueur.
  • Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
    • L’ancien article 1176 prévoit, que « s’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas. »
    • Ainsi, en l’absence de délai fixé par les parties, la condition est susceptible de connaître trois sorts différents
      • L’événement se produit : la condition se réalise
      • L’événement ne se produit pas : la condition est efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
      • Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée défaillie

?La condition est négative

Cela signifie que son accomplissement dépend de l’absence de survenance d’un événement.

Deux situations doivent également être envisagées ici :

  • Les parties ont assorti la condition d’un délai
    • L’ancien article 1177 prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
    • Ainsi, à l’inverse de la condition positive, la condition négative se réalise, dès lors que l’événement dont elle dépend ne survient pas dans le délai fixé par les parties.
  • Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
    • L’ancien article 1177 du Code civil prévoyait que la condition négative est accomplie « si avant le terme il est certain que l’événement n’arrivera pas ; et s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est accomplie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera pas. »
    • En l’absence de délai fixé par les parties, la condition négative est susceptible de connaître trois sorts différents
      • L’événement se réalise : la condition défaille
      • L’événement ne se réalise jamais : la condition demeure efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
      • Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée accomplie

3. La déloyauté d’un contractant

?Exposé de la problématique

En principe, la condition est réputée irrévocablement accomplie ou défaillie dès lors que l’événement dont elle dépend se produit ou ne survient pas.

Quid néanmoins de l’hypothèse où un contractant a influé sur la réalisation de l’événement dont dépend de la condition plus que ne lui permettait le contrat afin d’échapper à son engagement ?

Si, par exemple, les parties conditionnent l’acquisition d’une maison à l’octroi d’un prêt et que l’acquéreur n’accomplit aucune démarche en ce sens, ne pourrait-on pas voir dans cette attitude une manœuvre déloyale qui justifierait une réponse juridique appropriée ?

?La parade du réputé accompli

Conscients que certains contractants pourraient être tentés de se livrer à des pratiques déloyales aux fins de soustraire à leur engagement, les rédacteurs du Code civil avaient prévu une parade à l’article 1178.

Cette disposition disposait que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement. »

Ainsi, pèse sur la tête des parties la menace que la condition s’accomplisse, et que par voie de conséquence, leur engagement prenne immédiatement effet dans l’hypothèse où elles feraient délibérément obstacle, ce, de manière déloyale, à la réalisation de l’événement.

La parade du réputé accomplie a manifestement été reconduite par le législateur lors de la réforme des obligations

Le nouvel article 1304-3, al. 1er du Code civil dispose en ce sens que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. »

?Conditions du réputé accompli

Pour que le créancier de l’obligation puisse se prévaloir de l’accomplissement de la condition en raison de l’influence déloyale exercée par le débiteur sur le cours des événements, deux conditions doivent être réunies.

  • La défaillance irrévocable de la condition
    • Tant que la condition n’a pas défaillie, le créancier de l’obligation n’est pas fondé à demander qu’elle soit réputée accomplie
    • La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 29 avril 1929 (Cass. civ. 29 avr. 1929).
  • L’intervention fautive du débiteur
    • Pour que la condition soit réputée accomplie il est également nécessaire que l’intervention du débiteur qui a conduit la condition à défaillir soit fautive au sens délictuel du terme.
    • Quant à la question de savoir si la faute doit être intentionnelle ou s’il peut s’agir d’une simple faute d’imprudence, la position de la jurisprudence est pour le moins fluctuante.

?L’introduction du réputé défaillie

Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les textes ne prévoyaient, en cas d’intervention déloyale du débiteur, que la parade du réputé accompli.

Aussi, n’était nullement envisagée l’hypothèse où le débiteur faisait non pas obstacle à la réalisation de la condition, mais au contraire intervenait de manière intempestive pour qu’elle s’accomplisse.

Devait-on considérer la condition défaillie ?

Le législateur a, lors de la réforme des obligations, répondu par l’affirmative à cette question en créditant l’article 1304-3 du Code civil d’un second alinéa qui prévoit : « la condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. »

Les conditions d’application de cette disposition sont, par analogie avec le premier aliéna, les mêmes que dans la situation précédente, à savoir que pour que la condition soit réputée défaillie

  • D’une part, la condition doit s’être irrévocablement réalisée
  • D’autre part, le débiteur doit avoir commis une faute en intervenant

B) Les modalités de réalisation de la condition

?L’automaticité de la réalisation de la condition

Sauf à ce que les parties aient influé de manière déloyale sur le cours des choses, lorsque l’événement dont dépend la réalisation de la condition survient, cette dernière produit, de plein droit, tous ses effets.

Aussi, n’est-il pas nécessaire que le créancier adresse une mise en demeure au débiteur ou saisisse le juge aux fins de faire constater la réalisation de la condition.

Dès que l’événement se produit, l’obligation à laquelle est attachée la condition naît ou disparaît, selon que cette dernière est suspensive ou résolutoire.

?L’irrévocabilité de la réalisation de la condition

  • La force majeure
    • Excepté les cas de déloyauté visés à l’article 1304-3 du Code civil, rien ne peut remettre en cause la réalisation ou la défaillance de la condition, pas même la force majeure (Cass. 3e civ. 9 oct. 1974, n°73-12.113).
  • L’accord des parties
    • Quand bien même les parties décideraient de tenir pour accomplie ou défaillie la condition contrairement au cours des événements, leur accord serait analysé comme un contrat (Cass. com. 10 janv. 1989).

?La renonciation à la réalisation de la condition

La question qui ici se pose est savoir si une partie est libre de renoncer à une condition qui a été stipulée dans son intérêt, alors que l’événement dont dépend la condition ne s’est pas encore produit.

Cette situation n’avait pas été envisagée par les rédacteurs du Code civil en 1804 de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la charge d’y apporter une réponse juridique.

Dans de nombreuses décisions cette faculté a été reconnue au bénéficiaire de la condition (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 mars 1998).

La Cour de cassation subordonne toutefois l’efficacité de la renonciation à la condition que la condition ait été stipulée dans l’intérêt exclusif du renonçant (Cass. 3e civ. 13 juill. 1999, n°97-20.110).

Cette jurisprudence a manifestement été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2017.

Le nouvel article 1304-4 du Code civil « une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »

Il en résulte, a contrario, précise le rapport au Président de la République « qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive », choisissant ainsi l’anéantissement automatique du contrat afin d’éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.

Le législateur a entendu ici mettre fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale née de la question de savoir si les parties pouvaient sauver le contrat de la caducité en cas de défaillance de la condition.

La position de la Cour de cassation sur cette question était pour le moins ambivalente dans la mesure où d’un côté elle considérait que, une fois la condition défaillie, les parties ne pouvaient plus revenir en arrière, sauf à conclure un nouveau contrat (Cass. com. 6 févr. 1996, n°93-12.868)

D’un autre côté, la haute juridiction a posé la règle selon laquelle pour que la caducité du contrat puisse être, encore fallait-il que les parties s’en prévalent, ce qui revenait alors à leur conférer la faculté de sauver le contrat en ne se prévalant pas (Cass. 3e civ. 31 mars 2005, n°04-11.752).

Le législateur a-t-il mis un terme à cette position schizophrénique de la Cour de cassation ?

C’est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant ».

Par ailleurs, l’article 1304-4 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties pourraient décider d’en disposer autrement.

Pour autant, la rédaction l’article 1304-4 issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, puisqu’il n’y est pas question d’interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.

Pour permettre à cette disposition d’atteindre l’objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l’ordonnance, une nouvelle rédaction de l’article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l’impossibilité pour le bénéficiaire d’une condition suspensive d’y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.

Cass. 3e civ. 31 mars 2005

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2003), que le 2 octobre 1999, M. X… a promis de vendre un immeuble aux époux Y…, sous la précision que le vendeur n’avait laissé créer aucune servitude sur le fonds et sous la condition suspensive de l’obtention de renseignements d’urbanisme négatifs ; que les acquéreurs ont postérieurement été informés de ce qu’une servitude de vue avait été constituée au profit du fonds voisin par acte sous seing privé en date du 10 mars 1999 et que le certificat d’urbanisme avait été refusé ;

Attendu que les époux Y… font grief à l’arrêt de constater la caducité de la promesse et de rejeter leur demande tendant à voir dire la vente parfaite sous réserve d’une réduction de prix, en réparation du préjudice résultant du dol du vendeur, alors, selon le moyen :

1 ) qu’en l’état du dol caractérisé par la cour d’appel, les époux Y… avaient la possibilité de renoncer aux conditions aux fins de réaliser la vente et de solliciter une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil ;

2 ) que dans leurs conclusions d’appel signifiées et déposées le 3 septembre 2003, les époux Y… demandaient expressément à la cour d’appel “d’homologuer le compromis en date du 2 octobre 1999 aux termes duquel M. X… a vendu à M. et Mme Y… un immeuble sis … à Pornic, cadastré section 042 AK, n° 571, pour une contenance de 03 ares 78 centiares, moyennant le prix porté à l’acte de 1 255 000 francs”, de dire qu’ils étaient “fondés à demander l’exécution de la convention c’est-à-dire la réalisation de la vente, après avoir décidé de ne pas solliciter l’application de la condition suspensive”, de faire droit à leurs demandes tendant ” à l’homologation du compromis en leur faveur bien que l’immeuble soit loué – les époux Y… faisant la preuve de la disponibilité de l’argent leur permettant de payer le solde du prix moyennant un prix de vente qui doit être fixé à 1 255 000 francs (186 750 euros) ainsi qu’il a été accepté par les deux parties aux termes du compromis de vente du 2 octobre 1999″, et de les déclarer “fondés à demander l’allocation de dommages-intérêts sous forme d’une réduction de prix en réparation de leur préjudice pour dol” ; qu’en affirmant néanmoins que les époux Y… refusaient de régulariser la vente au prix convenu la cour d’appel a dénaturé les conclusions susvisées et violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu’ayant retenu que la promesse de vente en date du 2 octobre 1999 avait été souscrite sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme ou d’une note de renseignements d’urbanisme ne révélant aucune restriction significative susceptible de déprécier l’immeuble ou de le rendre impropre à sa destination et l’absence de servitude légale ou conventionnelle, que postérieurement les époux Y… avaient appris que par acte du 10 mars 1999 le vendeur avait créé sur le fonds une servitude de vue au profit du fonds voisin, que le certificat d’urbanisme obtenu le 5 octobre 1999 indiquait que le terrain d’assiette de la construction n’était pas constructible, la cour d’appel qui ne s’est pas déterminée par référence à une réticence dolosive, en a exactement déduit, sans dénaturation des conclusions, que les conditions convenues ayant défailli, les époux Y… n’avaient pour seule alternative que de se prévaloir de la caducité de la promesse ou d’y renoncer et de poursuivre la vente aux conditions initiales, ce qu’ils avaient refusé, et qu’ils n’étaient pas fondés à demander la réalisation forcée de la vente moyennant une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

III) Les effets de la condition

Les effets de la condition, qu’elle soit réalisée ou non, diffèrent selon qu’elle est suspensive ou résolutoire.

A) Les effets de la condition suspensive

Trois situations doivent être envisagées

1. La condition pendante

Il s’agit de la période au cours de laquelle on ne sait pas encore si la condition se réalisera. On dit alors de l’obligation sur laquelle elle porte qu’elle est « pendente conditione ».

Quels sont les effets de la condition lorsque l’on se trouve dans cette période d’incertitude ?

De toute évidence, dès lors que la condition ne s’est pas réalisée, l’obligation n’existe pas encore. Elle n’a qu’un potentiel d’existence.

Est-ce à dire que cette situation ne produit aucun effet à l’endroit des parties ?

L’article 1304-5 du Code civil nous invite à distinguer la situation du créancier de celle du débiteur.

?La situation du débiteur

Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, elle n’en a moins un potentiel d’existence ce qui n’est pas sans produire un certain nombre effets sur la situation du débiteur :

  • La rétractation du consentement
    • Dès lors que le débiteur a donné son consentement quant à la stipulation d’une obligation sous condition suspensive il est lié par cet engagement.
    • Il en résulte qu’il ne peut plus se rétracter, quand bien même l’obligation n’est pas encore née.
    • Il ne sera libéré de son engagement qu’en cas de défaillance de la condition.
  • L’obstruction à l’exécution de l’obligation
    • Bien que le débiteur ne soit pas contractuellement lié par l’obligation sous condition suspensive, il n’en est pas moins tenu de se comporter en considération de son existence potentielle.
    • L’article 1304-5 prévoit en ce sens que « avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s’abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation »
    • À défaut, il engagerait sa responsabilité.
  • L’action en répétition de l’indu
    • Tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, aucun paiement n’est dû par le débiteur puisque, par définition, l’obligation n’est pas encore née.
    • C’est la raison pour laquelle l’article 1304-5, al.2 dispose que « ce qui a été payé peut être répété tant que la condition suspensive ne s’est pas accomplie »
    • Si donc le débiteur a, par erreur, payé le créancier alors que la condition ne s’est pas encore réalisée il dispose d’une action en répétition de l’indu, ce qui n’est pas le cas en matière de terme.
    • L’article 1305-2 prévoit, en effet, que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ; mais ce qui a été payé d’avance ne peut être répété. »
    • Aussi, est-ce là une différence majeure entre la condition et le terme, cette dernière modalité n’affectant que l’exigibilité de l’obligation, d’où l’absence d’action en répétition de l’indu.

?La situation du créancier

Comme pour le débiteur, tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, le créancier n’est, techniquement, titulaire d’aucun droit de créance à l’encontre du débiteur.

Cette situation n’en produit pas moins un certain nombre d’effets sur sa situation.

  • L’exécution de l’obligation
    • Dans la mesure où l’obligation pendante sous condition suspensive n’est pas encore née, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution, ni même engager des poursuites.
    • La Cour de cassation lui refuse, par ailleurs, le droit d’agir par voie d’action oblique (Cass. civ. 26 juill. 1854).
  • L’action paulienne
    • Le nouvel article 1304-5 du Code civil permet dorénavant au créancier d’« attaquer les actes du débiteur accomplis en fraude de ses droits »
    • Cette faculté conférée au créancier par le législateur est nouvelle puisque, antérieurement à la réforme des obligations, la jurisprudence subordonnait l’exercice de l’action paulienne à l’établissement d’une créance certaine.
    • Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation a considéré, par exemple, « qu’il suffit, pour l’exercice de l’action paulienne, que le créancier justifie d’une créance certaine en son principe au moment de l’acte argué de fraude » (Cass. 1ère civ. 15 janv. 2015, n°13-21.174).
    • Tel ne pouvait cependant pas être le cas du créancier d’une obligation pendante sous condition suspensive puisque, par définition, elle n’est pas encore née.
    • Aussi, le législateur est-il intervenu pour briser cette jurisprudence.
    • Désormais, l’action paulienne est ouverte au créancier, quand bien même la condition suspensive dont elle est assortie ne s’est pas encore réalisée.
  • L’accomplissement d’actes conservatoires
    • Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, le créancier n’en est pas moins titulaire d’un droit de créance éventuel.
    • À ce titre, l’article 1304-5 lui confère la possibilité d’« accomplir tout acte conservatoire » nécessaire à la défense de sa position contractuelle.
  • Cession, transmission, saisie
    • En ce que l’obligation pendante sous condition suspensive confère au créancier un droit de créance éventuel elle peut, à ce titre, faire l’objet :
      • D’une transmission entre vifs ou à cause de mort
      • D’une saisie conservatoire
      • D’un nantissement

2. La réalisation de la condition

?Principe : l’absence de rétroactivité

L’ancien article 1179 du Code civil prévoyait que « la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté »

La réalisation de la condition produisait de la sorte un effet rétroactif.

Il en résultait deux conséquences :

  • D’une part, tous les actes accomplis par le débiteur en contradiction avec l’obligation sous condition suspensive étaient anéantis
  • D’autre part, tous les actes accomplis par le créancier conformément à l’obligation sous condition suspensive étaient confirmés

Cette règle a été abandonnée par le législateur lors de la réforme des obligations

Le nouvel article 1304-5, al. 1er prévoit désormais que « l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive. »

Ainsi, l’obligation sous condition suspensive produit ses effets, non plus au jour de la conclusion du contrat, mais au jour de la réalisation de la condition

L’un des arguments avancés au soutien de ce renversement du principe a été de dire que la rétroactivité n’est pas conforme à la volonté des parties qui, parce qu’elles ont stipulé une condition suspensive, elles ont voulu faire naître l’obligation au moment de la réalisation de la condition et non au jour de la conclusion du contrat

Il a par ailleurs été avancé que la rétroactivité serait purement et simplement inutile, dans la mesure où quand bien même la condition ne s’est pas encore réalisée, le contrat n’en est pas moins opposable aux tiers.

Le débat est désormais clos : la réalisation de la condition suspensive ne produit plus aucun effet rétroactif

?Exception : le rétablissement de la rétroactivité

Le législateur n’a pas totalement fermé la porte à la rétroactivité

L’article 1304-6, al. 2e dispose que « les parties peuvent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. »

Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée être née au jour de la conclusion du contrat.

Tous les actes accomplis par le créancier préalablement à la réalisation de l’obligation seront donc consolidés (constitution de sûreté, accomplissement d’actes conservatoires)

?Exception à l’exception : le transfert des risques

Aux termes de l’article 1304-6, al. 2, quand bien même les parties ont prévu que la réalisation de la condition produirait un effet rétroactif « la chose, objet de l’obligation, n’en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l’administration et a droit aux fruits jusqu’à l’accomplissement de la condition. »

Cela signifie que, s’agissant du transfert des risques, il ne peut pas être dérogé au principe de non rétroactivité.

Aussi, ce transfert des risques s’opérera nécessairement au jour de la réalisation de la condition.

Tant que la condition ne s’est pas réalisé la charge des risques pèse, autrement dit, sur le débiteur.

En contrepartie, toutefois, tant que la condition est pendante, ce dernier continue de percevoir les fruits de la chose.

3. La défaillance de la condition

?Rétroactivité

L’article 1304-6, al. 3 prévoit que « en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. »

Ainsi, à la différence de la condition réalisée, la condition défaillante a pour effet de faire disparaître rétroactivement l’obligation sur laquelle elle porte.

?Caducité du contrat

Dans l’hypothèse, où l’obligation pendante sous condition suspensive est essentielle, la défaillance de la condition devrait entraîner l’anéantissement du contrat dans son entier.

Pour la Cour de cassation estime que cela doit se traduire par la caducité de l’acte. Dans un arrêt du 14 octobre 2009 elle a par exemple estimé au sujet d’une promesse de vente que « la défaillance de la condition suspensive entraîne [sa] caducité » (Cass. 3e civ. 14 oct. 2009, n°08-20.152).

?Sort des actes d’administration et de disposition

  • S’agissant des actes accomplis par le débiteur avant la défaillance de la condition, ils sont consolidés
  • S’agissant des actes accomplis par le créancier avant la défaillance de la condition, ils sont anéantis

?Restitution des prestations déjà accomplies

Dans l’hypothèse, où les parties ont engagé l’exécution de l’obligation avant la défaillance de la condition, des restitutions devront être effectuées en application du principe de répétition de l’indu.

L’article 1302-1 du Code civil prévoit en ce sens que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »

B) Les effets de la condition résolutoire

1. La condition pendante

Tant que l’incertitude règne quant à la réalisation ou la défaillance de la condition résolutoire, non seulement l’obligation sur laquelle elle porte existe, mais encore elle est exigible. Il en résulte qu’elle doit être exécutée.

L’ancien article 1183, al. 2 prévoyait en ce sens que la condition résolutoire « ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive. »

Bien que l’ordonnance du 10 février 2016 n’ait inséré dans le Code civil aucune disposition similaire, la règle demeure inchangée.

Elle se déduit, en effet, de la définition de la condition résolutoire qui est celle qui « entraîne l’anéantissement de l’obligation ». Pour être anéantie, encore faut-il exister au préalable.

2. La réalisation de la condition résolutoire

?Principe : l’anéantissement rétroactif

Aux termes de l’article 1304-7 du Code civil « l’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration. »

La réalisation de la condition résolutoire produit un effet rétroactif, ce qui signifie que l’obligation est réputée n’avoir jamais existé

Il en résulte que tous les actes attachés à l’exécution de l’obligation sont affectés par cet anéantissement

?Tempérament : actes d’administration et perception des fruits

La jurisprudence estime que doivent être maintenus les actes d’administration qui ont été accomplis avant la réalisation de la condition (Cass. civ. 18 juill. 1854).

Il en va de même s’agissant de la perception des fruits qui n’est pas affectée par la réalisation de la condition résolutoire (Cass. req., 26 févr. 1908)

?Exceptions : l’anéantissement pour l’avenir

L’article 1304-7, al. 2 pose deux exceptions au principe de rétroactivité.

  • La volonté des parties
    • L’article 1304-7, al. 2 dispose que « la rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des parties »
    • Ainsi, les contractants sont libres d’écarter la rétroactivité attachée à la résolution du contrat s’ils le désirent.
    • Cela leur évitera, d’une part, de remettre en cause les actes accomplis avant la réalisation de la condition, d’autre part, de se livrer au jeu des restitutions.
  • Les contrats à exécution successive
    • L’article 1304-7, al. 2 prévoit que « si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat. »
    • Ainsi, cette disposition institue-t-elle une dérogation au principe de rétroactivité
    • Lorsque le contrat est à exécution successive tel que le bail, la résolution ne joue que pour l’avenir.
    • Autrement dit, les effets passés ne sont pas affectés par la réalisation de la condition.
    • Seuls les effets futurs de la convention sont anéantis.
    • Plutôt que de parler de résolution, il serait plus juste de raisonner en termes de résiliation.
    • Cette règle est étrangement proche de celle édictée en matière de résolution pour inexécution.
    • L’article 1229, al. 3 prévoit, en effet, que « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. »
    • La principale conséquence attachée à l’absence d’effet rétroactif est que résiliation ne donnera pas lieu au jeu des restitutions.
    • Les parties conservent le bénéfice des prestations exécutées avant la réalisation de la condition résolutoire, ce qui constitue une différence majeure avec la condition suspensive.
  • Incertitude quant à la charge des risques
    • Contrairement aux dispositions relatives à la condition suspensives, celles consacrées à la condition résolutoire sont silencieuses sur la charge des risques
    • La question pourtant se pose de savoir ce qu’il en est de la charge des risques dans l’hypothèse où la condition résolutoire se réalise ?
    • Si l’on raisonne par analogie avec la condition suspensive, elle devrait peser sur le débiteur de l’obligation dans la mesure où celui-ci est censé être demeuré propriétaire de la chose qui doit lui être restituée en cas de réalisation de la condition résolutoire.

3. La défaillance de la condition résolutoire

En cas de défaillance de la condition résolutoire, l’obligation sur laquelle elle porte devient pure et simple.

Le droit du créancier s’en trouve alors consolidé. Quant au débiteur, il est tenu d’exécuter l’obligation jusqu’à ce qu’il soit mis un terme au contrat.

  1. F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : les obligations, éd. Dalloz 2007, coll. « précis », n°1221, p. 1161-1162. ?