==>Notion
Si, par principe, l’obligation est réputée exister dès l’échange des consentements, les parties peuvent subordonner sa création ou sa disparition à la réalisation d’un événement dont elles déterminent la teneur lors de la conclusion du contrat.
Cette modalité de l’obligation qui est susceptible d’affecter son existence est qualifiée de condition.
Introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, le nouvel article 1304 du Code civil prévoit que « l’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »
La condition fait ainsi dépendre l’existence de l’obligation d’un événement dont la réalisation est indépendante de la volonté des parties (à tout le moins du débiteur), ce qui conduit à la distinguer d’une autre modalité de l’obligation : le terme.
==>Distinction entre la condition et le terme
La condition se distingue du terme sur deux points :
- Premier élément distinctif : existence / exigibilité-durée
- La condition
- Elle est une modalité de l’obligation qui affecte son existence, en ce sens que de sa réalisation dépend
- soit sa création : la condition est suspensive
- soit sa disparition : la condition est résolutoire
- Le terme
- Il est une modalité de l’obligation qui affecte, non pas son existence, mais son exigibilité ou sa durée
- Le terme est suspensif lorsqu’il affecte l’exigibilité de l’obligation
- Le terme est extinctif lorsqu’il affecte la durée de l’obligation.
- Second élément distinctif : l’incertitude
- La condition
- Elle se rapporte à un événement incertain, en ce sens que sa réalisation est indépendante de la volonté des parties
- Ce n’est qu’en cas de survenance de cet événement que l’obligation produira ses effets
- Le terme
- Il se rapporte à un événement certain, en ce sens que sa survenance n’est pas soumise à un aléa
- Les parties ont la certitude que cet événement se produira, soit parce que son échéance est déterminée, soit parce que sa réalisation est inévitable
==>La typologie des conditions
Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, la typologie des conditions s’articulait autour de deux grandes distinctions qui tenaient respectivement à la nature de la condition et à ses effets.
- La distinction (abandonnée) tenant à la nature de la condition
- Cette distinction oppose les conditions casuelles, potestatives et mixtes
- La condition casuelle
- L’ancien article 1169 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend du hasard, et qui n’est nullement au pouvoir du créancier ni du débiteur. »
- Ainsi, selon cette disposition, la condition casuelle est celle dont la réalisation est totalement indépendante de la volonté des parties
- Elle peut dépendre de la survenance :
- Soit du fait de la nature
- Soit du fait d’un tiers
- La condition potestative
- L’ancien article 1170 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
- La condition potestative constitue de la sorte l’exact opposé de la condition casuelle
- Sa réalisation n’est nullement indépendante de la volonté des parties
- Bien au contraire, elle dépend du pouvoir de l’une d’elles qui, discrétionnairement, peut décider de réaliser ou non la condition.
- Au fond cette prérogative, que confère la condition potestative à l’une des parties, l’autorise à imposer à sa volonté à son cocontractant
- Aussi, cela a-t-il conduit le législateur à distinguer deux hypothèses :
- La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du débiteur
- Dans cette hypothèse la condition potestative est nulle
- La condition subordonne l’existence de l’obligation à la seule volonté du créancier
- Dans cette hypothèse la condition potestative est valable
- Parfois, il apparaîtra pour le moins délicat de déterminer si l’on est ou non présence d’une condition potestative, spécialement lorsqu’elle sera en concours avec la qualification de condition alternative.
- La condition mixte
- L’ancien article 1171 du Code civil définissait cette condition comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
- Contrairement à la condition potestative, la condition mixte comporte un aléa puisque que sa réalisation dépend, pour partie, à la volonté d’un tiers.
- Il en résulte qu’elle est pleinement valable.
- Exemple : les parties subordonnent la réalisation d’une vente immobilière à l’obtention, par l’acquéreur, d’un prêt
- Au total, si la distinction entre les conditions casuelles, potestatives et mixtes présente incontestablement un intérêt sur le plan théorique en ce qu’elle permet de mieux cerner les contours de la notion de condition, comme relevé par le rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, elle demeure « dénuée de portée pratique ».
- C’est la raison pour laquelle le législateur n’a pas souhaité conserver cette distinction
- Aussi, en a-t-il profité pour mettre en avant celle tenant aux effets de la condition
- La distinction (conservée) tenant aux effets de la condition
- Cette distinction oppose deux sortes de conditions : la condition suspensive et la condition résolutoire.
- La condition suspensive
- Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit, en son alinéa 2 que « la condition est suspensive lorsque son accomplissement rend l’obligation pure et simple. »
- La condition suspensive est de la sorte celle qui suspend la naissance de l’obligation à la réalisation d’un événement futur et incertain.
- Le rapport au Président de la République précise que « en présence d’une condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à l’accomplissement de cette condition : tant que la condition n’est pas réalisée, l’obligation conditionnelle n’existe qu’en germe, seul l’accomplissement de la condition rend l’obligation pure et simple ».
- Deux hypothèses sont alors envisageables :
- La condition suspensive se réalise
- L’obligation est confirmée dans sa création
- Dès lors, le contrat devient efficace : il peut recevoir exécution
- La condition suspensive ne se réalise pas
- L’obligation est réputée n’avoir jamais existé
- La conséquence en est que si elle constituait un élément essentiel du contrat, l’acte est frappé de caducité
- La condition résolutoire
- Le nouvel article 1304 du Code civil prévoit en son alinéa 3 que la condition « est résolutoire lorsque son accomplissement entraîne l’anéantissement de l’obligation. »
- Ainsi, la condition résolutoire est celle qui, si elle se réalise, menace de disparition une obligation qui existe déjà.
- Plus précisément, selon le rapport au Président de la République « en présence d’une condition résolutoire, l’obligation naît immédiatement et produit tous ses effets, mais son anéantissement est subordonné à l’accomplissement de la condition. »
- Exemple :
- Les parties prévoient que, en cas de nom paiement du loyer à une échéance déterminée, le bail est résilié de plein droit
- Pour conclure, la distinction entre la condition suspensive et la condition résolutoire tient au fond à ce que « dans le premier cas, l’obligation est provisoirement inefficace, mais son efficacité peut résulter rétroactivement de la réalisation de la condition, tandis que dans le second, elle est provisoirement efficace, mais peut être rétroactivement anéantie si la condition se réalise »
I) La validité de la condition
Pour être valide, l’événement dont dépend la réalisation de la condition doit présenter quatre caractères cumulatifs. Il doit être :
- Futur et incertain
- Indépendant de la volonté des parties
- Possible et licite
A) L’exigence d’un événement futur et incertain
Pour que la condition soit valable, encore faut-il que l’événement dont sa réalisation dépend soit futur et incertain.
Dans le cas contraire, selon le caractère qui fait défaut à l’événement il est un risque de requalification :
- Soit de l’obligation conditionnelle en obligation pure et simple si l’événement s’est déjà réalisé
- Soit de la condition en terme si la réalisation de l’événement est certaine
Ce risque de requalification qui pèse, tantôt sur l’obligation, tantôt sur la condition conduit à distinguer selon que c’est le caractère futur ou incertain qui fait défaut à l’événement
1. L’événement s’est déjà réalisé au moment de la conclusion du contrat
Deux situations doivent être envisagées ici. Antérieurement à la réforme des obligations, elles étaient évoquées à l’ancien article 1171 du Code civil :
==>La réalisation de l’événement était connue des parties au moment de la conclusion du contrat
Dans cette hypothèse, une double requalification pèse sur les stipulations contractuelles.
- Première requalification
- Subordonner l’existence d’une obligation à la réalisation d’un événement passé tout en sachant que cet événement s’est déjà réalisé, revient à stipuler une obligation pure et simple
- Aussi, l’obligation qui, dans cette hypothèse, serait présentée par les parties comme conditionnelle produira ses effets dès la conclusion du contrat au même titre que n’importe quelle obligation non-conditionnelle.
- Seconde requalification
- Si les parties savent, au moment de la stipulation de l’obligation, que l’événement auquel elles subordonnent son existence s’est déjà réalisé, cela revient à retirer à cet événement son caractère incertain.
- Or un événement dont la réalisation est certaine ne saurait endosser la qualification de condition : il constitue un terme.
- En cas de requalification de la condition en terme, deux situations doivent être envisagées :
- Si la condition était suspensive, sa requalification en terme conduit à la réputer l’obligation exigible dès la conclusion de l’acte.
- Si la condition était résolutoire, sa requalification en terme conduit à réputer l’obligation comme n’ayant jamais existé, puisque éteinte avant même qu’elle n’ait été créée.
==>La réalisation de l’événement était inconnue des parties au moment de la conclusion du contrat
Dans cette hypothèse, par un arrêt du 12 avril 1995, la Cour de cassation a pu estimer que « l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée » (Cass. 3e civ. 12 avr. 1995, n°92-20.494).
Dans cette décision se posait donc la question du sort d’une obligation dont l’événement conditionnel était survenu sans que les parties aient eu connaissance de la réalisation de cet événement.
Il ressort de la solution dégagée par la Cour de cassation que deux situations doivent être distinguées.
- La condition est suspensive
- Si l’événement s’est déjà réalisé mais est inconnu des parties au moment de la conclusion de l’acte, la condition à laquelle il était associé dégénère en condition pure et simple
- L’obligation suspensive prend alors effet au jour de la formation du contrat, ce qui a pour conséquence de la rendre immédiatement exécutoire.
- La condition est résolutoire
- Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé dans la mesure où le fait générateur de sa disparition (la réalisation de la condition) est concomitant à sa naissance (la formation de l’acte).
Cass. 3e civ. 12 avr. 1995 Sur les deux moyens, réunis : Vu l’article 1181 du Code civil ; Attendu que l’obligation contractée sous une condition suspensive est celle qui dépend ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ; que dans le premier cas, l’obligation ne peut être exécutée qu’après l’événement ; que dans le second cas, l’obligation a son effet au jour où elle a été contractée ; Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 9 septembre 1992), que M. X… a, selon un ” compromis de vente ” du 26 mai 1988, vendu une propriété aux époux Y… moyennant le versement d’un capital payable le jour de la signature de l’acte authentique et le service d’une rente viagère et sous la condition suspensive de la purge de tous droits de préemption, étant stipulé que la vente ne produirait ses effets que lors de sa réitération par acte authentique ; que M. X… étant décédé, le 30 juin 1988, les époux Y… ont assigné ses héritiers en régularisation de la vente ; Attendu que, pour déclarer nulle la vente consentie par M. X…, l’arrêt retient qu’au moment du décès de M. X…, le 30 juin 1988, la condition relative à la purge du droit de préemption n’était pas réalisée et que la vente n’était donc pas parfaite à cette date ; Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que selon une lettre du maire, il n’avait pas été pris de délibération instituant un droit de préemption dans la commune, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 septembre 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry. |
2. L’événement est certain au moment de la conclusion du contrat
Deux situations doivent être envisagées ici :
==>La réalisation de l’événement est objectivement certaine
Cette hypothèse ne soulève pas de difficulté particulière
L’événement futur dont la réalisation est objectivement certaine ne pourra jamais être qualifié de condition : il constitue un terme.
Il s’ensuit que :
- Si la condition est suspensive
- Sa requalification en terme conduira à réputer l’obligation avoir existé dès la formation de l’acte.
- Seule son exigibilité sera reportée à la survenance de l’événement.
- Si la condition est résolutoire
- Sa requalification en terme conduira à considérer que la survenance de l’événement a pour conséquence d’éteindre les effets de l’obligation seulement pour l’avenir
- Son anéantissement sera dès lors dépourvu de tout caractère rétroactif contrairement aux effets attachés à la réalisation d’une condition résolutoire.
==>La réalisation de l’événement est subjectivement certaine
Il s’agit de l’hypothèse où les parties tiennent pour certain un événement qui objectivement ne revêt pas ce caractère.
Deux situations doivent alors être envisagées :
- L’événement se réalise conformément aux prévisions des parties
- Dans cette hypothèse, la jurisprudence est plutôt favorable à une requalification de la condition en terme (V. en ce sens Cass. 3e civ. 9 juill. 1984).
- Les conséquences de cette requalification varieront selon que la condition stipulée était suspensive ou résolutoire, comme montré précédemment.
- L’événement ne se réalise pas en dépit des prévisions des parties
- Premier temps
- La jurisprudence a estimé que la condition encourait une requalification en terme, de sorte que l’obligation est réputée exister dès la formation de l’acte, nonobstant l’absence de survenance de l’événement (Cass. 1ère civ. 28 janv. 1976, n°74-14.069).
- Le terme est alors analysé comme étant indéterminée
- Deuxième temps
- La Cour de cassation est revenue sur sa position considérant que l’événement dont la survenance était certaine pour les parties mais qui, finalement, ne se réalisait pas, devait être qualifié, non pas de terme, mais de condition (Cass. 1ère civ. 13 avr. 1999, n°97-11.156).
- Tant que l’événement ne s’est pas réalisé l’obligation est, selon la nature que l’on confère à la condition (suspensive ou résolutoire, réputée soit n’avoir pas encore été créée, soit être toujours exécutoire.
- Troisième temps
- Dans un arrêt du 7 janvier 2016, la Cour de cassation aurait, selon certains auteurs, opéré un nouveau revirement de jurisprudence (Cass. 3e civ. 7 janv. 2016, n°14-26.945).
- La troisième chambre civile a, en effet, estimé que la date incertaine à laquelle était subordonnée l’ouverture d’un golf devait s’analyser comme le fait générateur de l’exigibilité d’une obligation, celle-ci devant être réputée avoir été créée dès la conclusion de l’acte.
Cass. 3e civ. 7 janv. 2016 Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2014), que, le 5 décembre 2007, la société Cegim a vendu à la société Promotion financière immobilière (Profimob) un bien immobilier par un acte notarié dont une clause prévoyait que le solde du prix de vente était payable à terme, après production par le vendeur d’une convention garantissant l’exploitation d’un golf et au fur et à mesure de la présentation des factures de travaux de réalisation du golf dont l’achèvement était fixé au plus tard au 31 décembre 2009 ; que, la société Cegim ayant fait procéder à diverses saisies faute de paiement de cette somme, la société Profimob a saisi le juge de l’exécution pour en obtenir la mainlevée et la nullité ; Attendu que la société Profimob fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen : 1°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que « les modalités de paiement du prix retranscrites dans la clause sont afférentes à la production d’une convention de prise à bail et à la présentation des factures relativement à la réalisation du golf que la société vendeuse s’engageait à réaliser. Il en ressort que cette clause constituait bien un terme en ce que l’exploitation et la réalisation du golf, attestées par la production du bail et des factures de travaux, étaient des événements à venir certains en leur réalisation dans l’esprit des parties, compte tenu de l’engagement du vendeur en ce sens. Seule la date restait incertaine » ; qu’en statuant ainsi, quand un événement objectivement incertain quant à sa réalisation constitue une condition quand bien même les parties se seraient engagées à l’accomplir, la cour d’appel a violé l’article 1185 du code civil ; 2°/ que le terme est un événement futur et certain auquel est subordonnée l’exigibilité ou l’extinction d’une obligation ; qu’un événement objectivement incertain non seulement dans sa date, mais aussi quant à sa réalisation, aurait-il même été tenu pour certain par les parties qui s’étaient engagées à l’accomplir, constitue une condition et non un terme ; que la qualification de terme ou de condition dépend de la nature certaine ou incertaine de l’événement érigé en modalité, et non de la dénomination ou des termes employés par le contrat ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu, par motifs propres et adoptés, que selon les termes de l’acte il est prévu que le solde du prix est « payable à terme » et que cette clause « est située dans le paragraphe « paiement du prix » de sorte que seules les modalités de paiement du solde de 400 000 euros (donc son exigibilité) sont affectées par les dispositions contractuelles contestées » ; qu’en statuant ainsi par des motifs impropres à caractériser la certitude objective de la réalisation de l’événement érigé en modalité, certitude qui constituait le seul critère permettant la qualification en un terme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1185 du code civil ; 3°/ que ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme, mais ce qui a été payé par avance ne peut être répété ; qu’en l’espèce, pour qualifier de terme les modalités stipulées par l’acte de vente du 5 décembre 2007, la cour d’appel a retenu que les stipulations de l’acte prévoyant que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » « confirment que seule l’exigibilité de la créance est reportée en cas de non-respect du terme avant la fin de l’année 2009, puisque dans le cas contraire, les sommes pourront être restituées en l’attente de leur production » ; qu’en retenant ainsi que le droit conféré à la société Profimob de répéter les sommes versées en cas de non-réalisation dans les délais prévus de l’événement érigé en modalité confirme la qualification de terme, quand le paiement fait avant terme ne peut être répété, en sorte que cette circonstance établissait précisément qu’il s’agissait d’une condition, la cour d’appel a violé l’article 1186 du code civil ; 4°/ que les stipulations claires et précises de l’acte du 5 décembre 2007 prévoyaient que « si les conditions d’exploitation n’étaient pas remplies au plus tard le 31 décembre 2009, les sommes éventuellement versées par Profimob lui seraient automatiquement restituées sans délai, au titre de la non réalisation du Golf » ; que la non-survenance de la condition suspensive avant le 31 décembre 2009 était ainsi clairement sanctionnée par l’obligation pour la société Cegim de restituer toutes les sommes éventuellement perçues à ce titre ; qu’en retenant pourtant que ces stipulations contractuelles « ne sont formulées qu’à titre de « précision » selon les termes mêmes du contrat ne permettant pas de connaître la sanction de leur éventuel non-respect », la cour d’appel a dénaturé celles-ci, en violation de l’article 1134 du code civil ; Mais attendu qu’ayant constaté qu’une clause de l’acte de vente, figurant dans le paragraphe « paiement du prix », prévoyait qu’une partie de celui-ci était payable à terme, relevé, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l’ambiguïté des termes de cette clause rendait nécessaire, que l’obligation de paiement était née lors de la conclusion de la vente et que les modalités de paiement du solde étaient liées à la réalisation d’événements futurs certains dont seule la date demeurait incertaine et retenu que la société Cegim, qui produisait deux factures de travaux et un bail commercial pour l’exploitation du golf, justifiait d’un titre exécutoire portant obligation à paiement d’une créance certaine, liquide et exigible, la cour d’appel a pu en déduire, abstraction faite d’un motif surabondant, que cette société était fondée à pratiquer des mesures d’exécution ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; |
B) L’exigence d’un événement indépendant de la volonté des parties
1. Principe
Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.
Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».
Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.
La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.
Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?
Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.
La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations
2. Limites
a. Les limites qui tiennent à la position du contractant
Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.
A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.
Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.
Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.
La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991 (Cass. com. 17 déc. 1991, n°89-20.348).
Cass. com. 17 déc. 1991 Sur le moyen unique pris en ses trois branches : Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ; Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué que M. X…, propriétaire d’un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de ” commission ” avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X… percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l’hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d’affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l’écart constaté ; que M. X… a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X… et à ce qu’il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ; Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d’appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ; Attendu qu’en statuant ainsi alors qu’il résulte des éléments rapportés par l’arrêt que la diminution de la commission due à M. X… était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l’initiative, par rapport aux prix limite d’affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Besançon |
b. Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative
Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.
Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.
i. L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives
==>Exposé de la distinction
Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.
Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative.
- La condition purement potestative
- Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
- L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
- Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero », ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
- Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
- La condition simplement potestative
- Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
- Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
- La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
- Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
- La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
- L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
- En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
- C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.
==>Portée de la distinction
La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.
La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.
Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées (Cass. civ. 2 mai 1900).
Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.
- Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation.
- Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.
Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.
Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.
ii. Le renouvellement de la notion de condition mixte
Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.
==>La restriction du périmètre de la condition mixte
Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.
La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.
Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.
En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.
==>L’extension du périmètre de la condition mixte
L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.
Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères » (Cass. 1ère civ. 28 mai 1974, n°72-14.259).
Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.
Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.
L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.
iii. La redéfinition de la notion de condition potestative
L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.
==>L’abandon des distinctions classiques
La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.
Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :
- La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
- Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
- Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
- La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
- Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
- La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
- Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
- L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
- La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
- Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
- S’agissant des actes à titre gratuit
- La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
- Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut »
- S’agissant des actes à titre onéreux
- La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
- La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
- La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
- Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
- Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
- Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
- La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
- Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
- Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
- Bien qu’audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
- Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ».
- Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
- Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 (Cass. 3e civ., 13 oct. 1993, n°82-10.281).
Cass. 3e civ. 7 juin 1983 Sur le moyen unique : vu l’article 1174 du code civil ; Attendu qu’il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ; Attendu selon l’arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x… ont “vendu” aux époux y… une maison d’habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d’un certificat d’urbanisme et de l’obtention d’un prêt ; Que l’acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l’acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l’acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l’acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ; Attendu qu’après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix, l’arrêt décide que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ; Qu’en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l’obligation des époux y… de signer l’acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs : CASSE et ANNULE l’arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d’appel de Toulouse ; |
==>La clarification des critères de la potestativité
L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.
- Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
- Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. »
- Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
- Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur »
- Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero » qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
- En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
- Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
- Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
- Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
- Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
- Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
- A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
- Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
- Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens Cass. 1ère civ. 22 nov. 1989, n°87-19.149)
- La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009 (Cass. 3e civ. 29 sept. 2009, n°14.900).
- Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
- La Deuxième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire »
- Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
- La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.
Cass. 2e 29 sept. 2009 Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu’à l’occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X… a adhéré à un contrat d’assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d’invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d’assurance (l’assureur) ; qu’ayant été reconnu en état d’invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X… a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu’à la suite du refus de l’assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ; Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches : Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu’en l’espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l’impossibilité définitive pour l’adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l’arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu’au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu’en déboutant cependant M. X… de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l’interprétation faite par l’assureur est plus favorable à M. X… puisqu’elle considère que lorsque l’adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ; 2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l’assureur se réserve la possibilité d’une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu’en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l’alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l’assureur, celui-ci peut opposer à l’adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu’il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu’il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu’il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d’exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu’il y ait impossibilité d’exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s’expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l’ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ; Mais attendu que la cour d’appel, après avoir relevé l’ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l’interprétation faite par l’assureur était la plus favorable à l’assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l’invalidité le place dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu’il soit également inapte à toute autre occupation ; Et attendu qu’en l’état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l’application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire, la cour d’appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; |
3. Sanction
L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.
Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?
Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.
Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.
L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »
Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.
a. L’exigence d’un événement possible et licite
Initialement, l’ancien article 1172 du Code civil prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend. »
Pour être valide, la condition devait donc être possible et licite. Si, lors de la réforme des obligations le législateur a reconduit la seconde exigence, telle n’a pas été le cas de la première qui a, manifestement, été abandonnée.
==>L’exigence abandonnée de possibilité de la condition
L’exigence de possibilité de la condition énoncée à l’ancien article 1172 ne se retrouve dans aucun des articles consacrés à l’obligation conditionnelle.
Loin de constituer une omission de la part du législateur, celui-ci a simplement voulu mettre un terme au caractère pour le moins absurde de cette exigence.
La condition impossible doit, en effet, être entendue comme celle qui dépend d’un événement qui ne se réalisera jamais.
Aussi, dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, la stipulation d’une condition impossible devait conduire à l’annulation du contrat :
- Soit parce que la naissance de l’obligation sur laquelle elle porte serait suspendue indéfiniment, si elle est suspensive
- Soit parce que la disparition de l’obligation sur laquelle elle porte ne pourra jamais intervenir, si elle est résolutoire
Dans les deux cas, l’exigence de possibilité de la condition n’a, en toute hypothèse, pas grand sens :
- Lorsque la condition est suspensive, pourquoi vouloir annuler une obligation qui n’existe pas, la réalisation de la condition étant, par définition impossible.
- Lorsque la condition est résolutoire, il est tout aussi superflu de vouloir l’annuler si elle impossible puisque cela reviendra, in fine, à laisser perdurer une obligation qui ne pourra jamais disparaître.
Pour toutes ces raisons, l’abandon de l’exigence de possibilité de la condition nous apparaît pleinement justifié.
==>L’exigence reconduite de licéité de la condition
Aux termes de l’article 1304-1 du Code civil « la condition doit être licite. À défaut, l’obligation est nulle. »
L’exigence de licéité de la condition ne soulève guère de difficulté.
Le législateur a simplement entendu viser les conditions dont la réalisation dépend d’un événement qui s’inscrirait dans une opération prohibée.
Comme pour l’exigence de possibilité, on peut s’interroger sur l’utilité de cette précision.
Ne peut-on pas, en effet, estimé que l’exigence de licéité est déjà comprise dans la règle énoncée à l’article 1162 du Code civil qui, pour mémoire, prévoit que « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. » ?
De l’avis des auteurs on est légitimement en droit de le penser.
Aussi, le législateur rappelle-t-il une exigence déjà formulée.
Reste la sanction de la condition illicite : l’article 1304-1 prévoit la nullité de l’obligation.
Par analogie avec l’article 1162 on devine que cette nullité est absolue de sorte que l’action ne sera pas limitée à la sphère des parties.
II) La réalisation de la condition
A) Le processus de réalisation de la condition
Participent au processus de réalisation de la condition, trois événements distincts qui, respectivement, puisent leur source dans :
- La commune intention des parties
- L’écoulement du temps
- La déloyauté d’un contractant
1. La commune intention des parties
Pour déterminer si la condition stipulée dans le contrat est ou non accomplie, c’est à la commune intention des parties qu’il convient d’abord de se référer.
L’ancien article 1175 du Code civil disposait en ce sens que « toute condition doit être accomplie de la manière que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu qu’elle le fût. »
Bien que cette disposition n’ait pas son équivalent dans la nouvelle section du Code civil consacrée à l’obligation conditionnelle, la règle qu’elle énonce n’en demeure pas moins toujours valable.
Aussi, est-ce cette commune intention des parties qui devra guider le juge dans son appréciation de l’accomplissement de la condition.
Sa marge de manœuvre dépendra de la précision des termes du contrat.
Dans cette perspective, rien n’empêchera le juge de s’écarter de la lettre de la clause à la faveur de son esprit.
Il pourra ainsi être conduit à se demander si l’accomplissement de la condition doit procéder d’une démarche effectuée en personne par le débiteur ou si elle peut être déléguée à un mandataire ou un héritier.
La question pourra encore se poser au juge de savoir si la condition peut ou non être accomplie par équivalent.
2. L’écoulement du temps
La commune intention des parties n’est pas le seul élément qui détermine l’accomplissement de la condition, l’écoulement du temps peut également influer sur le processus.
Deux situations doivent alors être envisagées :
==>La condition est positive
Cela signifie que son accomplissement dépend de la survenance d’un événement
Il convient alors d’envisager deux situations :
- Les parties ont assorti la condition d’un délai
- Dans cette hypothèse, l’accomplissement de la condition ne pourra intervenir qu’au cours du délai déterminé par les contractants
- Si tel n’est pas le cas, l’ancien article 1176 du Code civil prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
- Bien que cette règle n’ait pas été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016, elle n’en reste pas moins vigueur.
- Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
- L’ancien article 1176 prévoit, que « s’il n’y a point de temps fixe, la condition peut toujours être accomplie ; et elle n’est censée défaillie que lorsqu’il est devenu certain que l’événement n’arrivera pas. »
- Ainsi, en l’absence de délai fixé par les parties, la condition est susceptible de connaître trois sorts différents
- L’événement se produit : la condition se réalise
- L’événement ne se produit pas : la condition est efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
- Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée défaillie
==>La condition est négative
Cela signifie que son accomplissement dépend de l’absence de survenance d’un événement.
Deux situations doivent également être envisagées ici :
- Les parties ont assorti la condition d’un délai
- L’ancien article 1177 prévoyait que « lorsqu’une obligation est contractée sous la condition qu’un événement n’arrivera pas dans un temps fixe, cette condition est accomplie lorsque ce temps est expiré sans que l’événement soit arrivé »
- Ainsi, à l’inverse de la condition positive, la condition négative se réalise, dès lors que l’événement dont elle dépend ne survient pas dans le délai fixé par les parties.
- Les parties n’ont assorti la condition d’aucun délai
- L’ancien article 1177 du Code civil prévoyait que la condition négative est accomplie « si avant le terme il est certain que l’événement n’arrivera pas ; et s’il n’y a pas de temps déterminé, elle n’est accomplie que lorsqu’il est certain que l’événement n’arrivera pas. »
- En l’absence de délai fixé par les parties, la condition négative est susceptible de connaître trois sorts différents
- L’événement se réalise : la condition défaille
- L’événement ne se réalise jamais : la condition demeure efficace tant qu’il n’a pas été mis un terme au contrat
- Lorsqu’il est devenu certain que l’événement ne se produira pas : la condition est réputée accomplie
3. La déloyauté d’un contractant
==>Exposé de la problématique
En principe, la condition est réputée irrévocablement accomplie ou défaillie dès lors que l’événement dont elle dépend se produit ou ne survient pas.
Quid néanmoins de l’hypothèse où un contractant a influé sur la réalisation de l’événement dont dépend de la condition plus que ne lui permettait le contrat afin d’échapper à son engagement ?
Si, par exemple, les parties conditionnent l’acquisition d’une maison à l’octroi d’un prêt et que l’acquéreur n’accomplit aucune démarche en ce sens, ne pourrait-on pas voir dans cette attitude une manœuvre déloyale qui justifierait une réponse juridique appropriée ?
==>La parade du réputé accompli
Conscients que certains contractants pourraient être tentés de se livrer à des pratiques déloyales aux fins de soustraire à leur engagement, les rédacteurs du Code civil avaient prévu une parade à l’article 1178.
Cette disposition disposait que « la condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement. »
Ainsi, pèse sur la tête des parties la menace que la condition s’accomplisse, et que par voie de conséquence, leur engagement prenne immédiatement effet dans l’hypothèse où elles feraient délibérément obstacle, ce, de manière déloyale, à la réalisation de l’événement.
La parade du réputé accomplie a manifestement été reconduite par le législateur lors de la réforme des obligations
Le nouvel article 1304-3, al. 1er du Code civil dispose en ce sens que « la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l’accomplissement. »
==>Conditions du réputé accompli
Pour que le créancier de l’obligation puisse se prévaloir de l’accomplissement de la condition en raison de l’influence déloyale exercée par le débiteur sur le cours des événements, deux conditions doivent être réunies.
- La défaillance irrévocable de la condition
- Tant que la condition n’a pas défaillie, le créancier de l’obligation n’est pas fondé à demander qu’elle soit réputée accomplie
- La Cour de cassation a notamment statué en ce sens dans un arrêt du 29 avril 1929 (Cass. civ. 29 avr. 1929).
- L’intervention fautive du débiteur
- Pour que la condition soit réputée accomplie il est également nécessaire que l’intervention du débiteur qui a conduit la condition à défaillir soit fautive au sens délictuel du terme.
- Quant à la question de savoir si la faute doit être intentionnelle ou s’il peut s’agir d’une simple faute d’imprudence, la position de la jurisprudence est pour le moins fluctuante.
==>L’introduction du réputé défaillie
Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, les textes ne prévoyaient, en cas d’intervention déloyale du débiteur, que la parade du réputé accompli.
Aussi, n’était nullement envisagée l’hypothèse où le débiteur faisait non pas obstacle à la réalisation de la condition, mais au contraire intervenait de manière intempestive pour qu’elle s’accomplisse.
Devait-on considérer la condition défaillie ?
Le législateur a, lors de la réforme des obligations, répondu par l’affirmative à cette question en créditant l’article 1304-3 du Code civil d’un second alinéa qui prévoit : « la condition résolutoire est réputée défaillie si son accomplissement a été provoqué par la partie qui y avait intérêt. »
Les conditions d’application de cette disposition sont, par analogie avec le premier aliéna, les mêmes que dans la situation précédente, à savoir que pour que la condition soit réputée défaillie
- D’une part, la condition doit s’être irrévocablement réalisée
- D’autre part, le débiteur doit avoir commis une faute en intervenant
B) Les modalités de réalisation de la condition
==>L’automaticité de la réalisation de la condition
Sauf à ce que les parties aient influé de manière déloyale sur le cours des choses, lorsque l’événement dont dépend la réalisation de la condition survient, cette dernière produit, de plein droit, tous ses effets.
Aussi, n’est-il pas nécessaire que le créancier adresse une mise en demeure au débiteur ou saisisse le juge aux fins de faire constater la réalisation de la condition.
Dès que l’événement se produit, l’obligation à laquelle est attachée la condition naît ou disparaît, selon que cette dernière est suspensive ou résolutoire.
==>L’irrévocabilité de la réalisation de la condition
- La force majeure
- Excepté les cas de déloyauté visés à l’article 1304-3 du Code civil, rien ne peut remettre en cause la réalisation ou la défaillance de la condition, pas même la force majeure (Cass. 3e civ. 9 oct. 1974, n°73-12.113).
- L’accord des parties
- Quand bien même les parties décideraient de tenir pour accomplie ou défaillie la condition contrairement au cours des événements, leur accord serait analysé comme un contrat (Cass. com. 10 janv. 1989).
==>La renonciation à la réalisation de la condition
La question qui ici se pose est savoir si une partie est libre de renoncer à une condition qui a été stipulée dans son intérêt, alors que l’événement dont dépend la condition ne s’est pas encore produit.
Cette situation n’avait pas été envisagée par les rédacteurs du Code civil en 1804 de sorte que c’est à la jurisprudence qu’est revenue la charge d’y apporter une réponse juridique.
Dans de nombreuses décisions cette faculté a été reconnue au bénéficiaire de la condition (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 17 mars 1998).
La Cour de cassation subordonne toutefois l’efficacité de la renonciation à la condition que la condition ait été stipulée dans l’intérêt exclusif du renonçant (Cass. 3e civ. 13 juill. 1999, n°97-20.110).
Cette jurisprudence a manifestement été consacrée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2017.
Le nouvel article 1304-4 du Code civil « une partie est libre de renoncer à la condition stipulée dans son intérêt exclusif, tant que celle-ci n’est pas accomplie ou n’a pas défailli. »
Il en résulte, a contrario, précise le rapport au Président de la République « qu’une renonciation ne peut intervenir après la défaillance de la condition suspensive », choisissant ainsi l’anéantissement automatique du contrat afin d’éviter sa remise en cause bien après cette défaillance.
Le législateur a entendu ici mettre fin à une controverse jurisprudentielle et doctrinale née de la question de savoir si les parties pouvaient sauver le contrat de la caducité en cas de défaillance de la condition.
La position de la Cour de cassation sur cette question était pour le moins ambivalente dans la mesure où d’un côté elle considérait que, une fois la condition défaillie, les parties ne pouvaient plus revenir en arrière, sauf à conclure un nouveau contrat (Cass. com. 6 févr. 1996, n°93-12.868)
D’un autre côté, la haute juridiction a posé la règle selon laquelle pour que la caducité du contrat puisse être, encore fallait-il que les parties s’en prévalent, ce qui revenait alors à leur conférer la faculté de sauver le contrat en ne se prévalant pas (Cass. 3e civ. 31 mars 2005, n°04-11.752).
Le législateur a-t-il mis un terme à cette position schizophrénique de la Cour de cassation ?
C’est cette solution qui semble ressortir des termes du rapport au Président de la République, selon lesquels, « bien sûr, la partie qui avait intérêt à la condition pourra toujours y renoncer après cette défaillance si elle obtient l’accord de son cocontractant ».
Par ailleurs, l’article 1304-4 du code civil n’étant pas d’ordre public, les parties pourraient décider d’en disposer autrement.
Pour autant, la rédaction l’article 1304-4 issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ne permettait pas d’atteindre l’objectif poursuivi, puisqu’il n’y est pas question d’interdire la renonciation du bénéficiaire à la condition suspensive défaillie mais bien la renonciation à la condition suspensive accomplie, ce qui est sans effet.
Pour permettre à cette disposition d’atteindre l’objectif qui lui avait été assigné par les rédacteurs de l’ordonnance, une nouvelle rédaction de l’article 1304-4 a été proposée, affirmant clairement l’impossibilité pour le bénéficiaire d’une condition suspensive d’y renoncer une fois que celle-ci est défaillie.
Cass. 3e civ. 31 mars 2005 Sur le moyen unique : Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 4 novembre 2003), que le 2 octobre 1999, M. X… a promis de vendre un immeuble aux époux Y…, sous la précision que le vendeur n’avait laissé créer aucune servitude sur le fonds et sous la condition suspensive de l’obtention de renseignements d’urbanisme négatifs ; que les acquéreurs ont postérieurement été informés de ce qu’une servitude de vue avait été constituée au profit du fonds voisin par acte sous seing privé en date du 10 mars 1999 et que le certificat d’urbanisme avait été refusé ; Attendu que les époux Y… font grief à l’arrêt de constater la caducité de la promesse et de rejeter leur demande tendant à voir dire la vente parfaite sous réserve d’une réduction de prix, en réparation du préjudice résultant du dol du vendeur, alors, selon le moyen : 1 ) qu’en l’état du dol caractérisé par la cour d’appel, les époux Y… avaient la possibilité de renoncer aux conditions aux fins de réaliser la vente et de solliciter une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ; qu’en décidant du contraire, la cour d’appel a violé l’article 1116 du Code civil ; 2 ) que dans leurs conclusions d’appel signifiées et déposées le 3 septembre 2003, les époux Y… demandaient expressément à la cour d’appel “d’homologuer le compromis en date du 2 octobre 1999 aux termes duquel M. X… a vendu à M. et Mme Y… un immeuble sis … à Pornic, cadastré section 042 AK, n° 571, pour une contenance de 03 ares 78 centiares, moyennant le prix porté à l’acte de 1 255 000 francs”, de dire qu’ils étaient “fondés à demander l’exécution de la convention c’est-à-dire la réalisation de la vente, après avoir décidé de ne pas solliciter l’application de la condition suspensive”, de faire droit à leurs demandes tendant ” à l’homologation du compromis en leur faveur bien que l’immeuble soit loué – les époux Y… faisant la preuve de la disponibilité de l’argent leur permettant de payer le solde du prix moyennant un prix de vente qui doit être fixé à 1 255 000 francs (186 750 euros) ainsi qu’il a été accepté par les deux parties aux termes du compromis de vente du 2 octobre 1999″, et de les déclarer “fondés à demander l’allocation de dommages-intérêts sous forme d’une réduction de prix en réparation de leur préjudice pour dol” ; qu’en affirmant néanmoins que les époux Y… refusaient de régulariser la vente au prix convenu la cour d’appel a dénaturé les conclusions susvisées et violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu’ayant retenu que la promesse de vente en date du 2 octobre 1999 avait été souscrite sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme ou d’une note de renseignements d’urbanisme ne révélant aucune restriction significative susceptible de déprécier l’immeuble ou de le rendre impropre à sa destination et l’absence de servitude légale ou conventionnelle, que postérieurement les époux Y… avaient appris que par acte du 10 mars 1999 le vendeur avait créé sur le fonds une servitude de vue au profit du fonds voisin, que le certificat d’urbanisme obtenu le 5 octobre 1999 indiquait que le terrain d’assiette de la construction n’était pas constructible, la cour d’appel qui ne s’est pas déterminée par référence à une réticence dolosive, en a exactement déduit, sans dénaturation des conclusions, que les conditions convenues ayant défailli, les époux Y… n’avaient pour seule alternative que de se prévaloir de la caducité de la promesse ou d’y renoncer et de poursuivre la vente aux conditions initiales, ce qu’ils avaient refusé, et qu’ils n’étaient pas fondés à demander la réalisation forcée de la vente moyennant une réduction du prix, à titre de dommages-intérêts ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; |
III) Les effets de la condition
Les effets de la condition, qu’elle soit réalisée ou non, diffèrent selon qu’elle est suspensive ou résolutoire.
A) Les effets de la condition suspensive
Trois situations doivent être envisagées
1. La condition pendante
Il s’agit de la période au cours de laquelle on ne sait pas encore si la condition se réalisera. On dit alors de l’obligation sur laquelle elle porte qu’elle est « pendente conditione ».
Quels sont les effets de la condition lorsque l’on se trouve dans cette période d’incertitude ?
De toute évidence, dès lors que la condition ne s’est pas réalisée, l’obligation n’existe pas encore. Elle n’a qu’un potentiel d’existence.
Est-ce à dire que cette situation ne produit aucun effet à l’endroit des parties ?
L’article 1304-5 du Code civil nous invite à distinguer la situation du créancier de celle du débiteur.
==>La situation du débiteur
Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, elle n’en a moins un potentiel d’existence ce qui n’est pas sans produire un certain nombre effets sur la situation du débiteur :
- La rétractation du consentement
- Dès lors que le débiteur a donné son consentement quant à la stipulation d’une obligation sous condition suspensive il est lié par cet engagement.
- Il en résulte qu’il ne peut plus se rétracter, quand bien même l’obligation n’est pas encore née.
- Il ne sera libéré de son engagement qu’en cas de défaillance de la condition.
- L’obstruction à l’exécution de l’obligation
- Bien que le débiteur ne soit pas contractuellement lié par l’obligation sous condition suspensive, il n’en est pas moins tenu de se comporter en considération de son existence potentielle.
- L’article 1304-5 prévoit en ce sens que « avant que la condition suspensive ne soit accomplie, le débiteur doit s’abstenir de tout acte qui empêcherait la bonne exécution de l’obligation »
- À défaut, il engagerait sa responsabilité.
- L’action en répétition de l’indu
- Tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, aucun paiement n’est dû par le débiteur puisque, par définition, l’obligation n’est pas encore née.
- C’est la raison pour laquelle l’article 1304-5, al.2 dispose que « ce qui a été payé peut être répété tant que la condition suspensive ne s’est pas accomplie »
- Si donc le débiteur a, par erreur, payé le créancier alors que la condition ne s’est pas encore réalisée il dispose d’une action en répétition de l’indu, ce qui n’est pas le cas en matière de terme.
- L’article 1305-2 prévoit, en effet, que « ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance ; mais ce qui a été payé d’avance ne peut être répété. »
- Aussi, est-ce là une différence majeure entre la condition et le terme, cette dernière modalité n’affectant que l’exigibilité de l’obligation, d’où l’absence d’action en répétition de l’indu.
==>La situation du créancier
Comme pour le débiteur, tant que la condition suspensive ne s’est pas réalisée, le créancier n’est, techniquement, titulaire d’aucun droit de créance à l’encontre du débiteur.
Cette situation n’en produit pas moins un certain nombre d’effets sur sa situation.
- L’exécution de l’obligation
- Dans la mesure où l’obligation pendante sous condition suspensive n’est pas encore née, le créancier ne peut pas en réclamer l’exécution, ni même engager des poursuites.
- La Cour de cassation lui refuse, par ailleurs, le droit d’agir par voie d’action oblique (Cass. civ. 26 juill. 1854).
- L’action paulienne
- Le nouvel article 1304-5 du Code civil permet dorénavant au créancier d’« attaquer les actes du débiteur accomplis en fraude de ses droits »
- Cette faculté conférée au créancier par le législateur est nouvelle puisque, antérieurement à la réforme des obligations, la jurisprudence subordonnait l’exercice de l’action paulienne à l’établissement d’une créance certaine.
- Dans un arrêt du 15 janvier 2015, la Cour de cassation a considéré, par exemple, « qu’il suffit, pour l’exercice de l’action paulienne, que le créancier justifie d’une créance certaine en son principe au moment de l’acte argué de fraude » (Cass. 1ère civ. 15 janv. 2015, n°13-21.174).
- Tel ne pouvait cependant pas être le cas du créancier d’une obligation pendante sous condition suspensive puisque, par définition, elle n’est pas encore née.
- Aussi, le législateur est-il intervenu pour briser cette jurisprudence.
- Désormais, l’action paulienne est ouverte au créancier, quand bien même la condition suspensive dont elle est assortie ne s’est pas encore réalisée.
- L’accomplissement d’actes conservatoires
- Bien que l’obligation pendante sous condition suspensive n’existe pas encore, le créancier n’en est pas moins titulaire d’un droit de créance éventuel.
- À ce titre, l’article 1304-5 lui confère la possibilité d’« accomplir tout acte conservatoire » nécessaire à la défense de sa position contractuelle.
- Cession, transmission, saisie
- En ce que l’obligation pendante sous condition suspensive confère au créancier un droit de créance éventuel elle peut, à ce titre, faire l’objet :
- D’une transmission entre vifs ou à cause de mort
- D’une saisie conservatoire
- D’un nantissement
2. La réalisation de la condition
==>Principe : l’absence de rétroactivité
L’ancien article 1179 du Code civil prévoyait que « la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté »
La réalisation de la condition produisait de la sorte un effet rétroactif.
Il en résultait deux conséquences :
- D’une part, tous les actes accomplis par le débiteur en contradiction avec l’obligation sous condition suspensive étaient anéantis
- D’autre part, tous les actes accomplis par le créancier conformément à l’obligation sous condition suspensive étaient confirmés
Cette règle a été abandonnée par le législateur lors de la réforme des obligations
Le nouvel article 1304-5, al. 1er prévoit désormais que « l’obligation devient pure et simple à compter de l’accomplissement de la condition suspensive. »
Ainsi, l’obligation sous condition suspensive produit ses effets, non plus au jour de la conclusion du contrat, mais au jour de la réalisation de la condition
L’un des arguments avancés au soutien de ce renversement du principe a été de dire que la rétroactivité n’est pas conforme à la volonté des parties qui, parce qu’elles ont stipulé une condition suspensive, elles ont voulu faire naître l’obligation au moment de la réalisation de la condition et non au jour de la conclusion du contrat
Il a par ailleurs été avancé que la rétroactivité serait purement et simplement inutile, dans la mesure où quand bien même la condition ne s’est pas encore réalisée, le contrat n’en est pas moins opposable aux tiers.
Le débat est désormais clos : la réalisation de la condition suspensive ne produit plus aucun effet rétroactif
==>Exception : le rétablissement de la rétroactivité
Le législateur n’a pas totalement fermé la porte à la rétroactivité
L’article 1304-6, al. 2e dispose que « les parties peuvent prévoir que l’accomplissement de la condition rétroagira au jour du contrat. »
Dans cette hypothèse, l’obligation est réputée être née au jour de la conclusion du contrat.
Tous les actes accomplis par le créancier préalablement à la réalisation de l’obligation seront donc consolidés (constitution de sûreté, accomplissement d’actes conservatoires)
==>Exception à l’exception : le transfert des risques
Aux termes de l’article 1304-6, al. 2, quand bien même les parties ont prévu que la réalisation de la condition produirait un effet rétroactif « la chose, objet de l’obligation, n’en demeure pas moins aux risques du débiteur, qui en conserve l’administration et a droit aux fruits jusqu’à l’accomplissement de la condition. »
Cela signifie que, s’agissant du transfert des risques, il ne peut pas être dérogé au principe de non rétroactivité.
Aussi, ce transfert des risques s’opérera nécessairement au jour de la réalisation de la condition.
Tant que la condition ne s’est pas réalisé la charge des risques pèse, autrement dit, sur le débiteur.
En contrepartie, toutefois, tant que la condition est pendante, ce dernier continue de percevoir les fruits de la chose.
3. La défaillance de la condition
==>Rétroactivité
L’article 1304-6, al. 3 prévoit que « en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé. »
Ainsi, à la différence de la condition réalisée, la condition défaillante a pour effet de faire disparaître rétroactivement l’obligation sur laquelle elle porte.
==>Caducité du contrat
Dans l’hypothèse, où l’obligation pendante sous condition suspensive est essentielle, la défaillance de la condition devrait entraîner l’anéantissement du contrat dans son entier.
Pour la Cour de cassation estime que cela doit se traduire par la caducité de l’acte. Dans un arrêt du 14 octobre 2009 elle a par exemple estimé au sujet d’une promesse de vente que « la défaillance de la condition suspensive entraîne [sa] caducité » (Cass. 3e civ. 14 oct. 2009, n°08-20.152).
==>Sort des actes d’administration et de disposition
- S’agissant des actes accomplis par le débiteur avant la défaillance de la condition, ils sont consolidés
- S’agissant des actes accomplis par le créancier avant la défaillance de la condition, ils sont anéantis
==>Restitution des prestations déjà accomplies
Dans l’hypothèse, où les parties ont engagé l’exécution de l’obligation avant la défaillance de la condition, des restitutions devront être effectuées en application du principe de répétition de l’indu.
L’article 1302-1 du Code civil prévoit en ce sens que « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu. »
B) Les effets de la condition résolutoire
1. La condition pendante
Tant que l’incertitude règne quant à la réalisation ou la défaillance de la condition résolutoire, non seulement l’obligation sur laquelle elle porte existe, mais encore elle est exigible. Il en résulte qu’elle doit être exécutée.
L’ancien article 1183, al. 2 prévoyait en ce sens que la condition résolutoire « ne suspend point l’exécution de l’obligation ; elle oblige seulement le créancier à restituer ce qu’il a reçu, dans le cas où l’événement prévu par la condition arrive. »
Bien que l’ordonnance du 10 février 2016 n’ait inséré dans le Code civil aucune disposition similaire, la règle demeure inchangée.
Elle se déduit, en effet, de la définition de la condition résolutoire qui est celle qui « entraîne l’anéantissement de l’obligation ». Pour être anéantie, encore faut-il exister au préalable.
2. La réalisation de la condition résolutoire
==>Principe : l’anéantissement rétroactif
Aux termes de l’article 1304-7 du Code civil « l’accomplissement de la condition résolutoire éteint rétroactivement l’obligation, sans remettre en cause, le cas échéant, les actes conservatoires et d’administration. »
La réalisation de la condition résolutoire produit un effet rétroactif, ce qui signifie que l’obligation est réputée n’avoir jamais existé
Il en résulte que tous les actes attachés à l’exécution de l’obligation sont affectés par cet anéantissement
==>Tempérament : actes d’administration et perception des fruits
La jurisprudence estime que doivent être maintenus les actes d’administration qui ont été accomplis avant la réalisation de la condition (Cass. civ. 18 juill. 1854).
Il en va de même s’agissant de la perception des fruits qui n’est pas affectée par la réalisation de la condition résolutoire (Cass. req., 26 févr. 1908)
==>Exceptions : l’anéantissement pour l’avenir
L’article 1304-7, al. 2 pose deux exceptions au principe de rétroactivité.
- La volonté des parties
- L’article 1304-7, al. 2 dispose que « la rétroactivité n’a pas lieu si telle est la convention des parties »
- Ainsi, les contractants sont libres d’écarter la rétroactivité attachée à la résolution du contrat s’ils le désirent.
- Cela leur évitera, d’une part, de remettre en cause les actes accomplis avant la réalisation de la condition, d’autre part, de se livrer au jeu des restitutions.
- Les contrats à exécution successive
- L’article 1304-7, al. 2 prévoit que « si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat. »
- Ainsi, cette disposition institue-t-elle une dérogation au principe de rétroactivité
- Lorsque le contrat est à exécution successive tel que le bail, la résolution ne joue que pour l’avenir.
- Autrement dit, les effets passés ne sont pas affectés par la réalisation de la condition.
- Seuls les effets futurs de la convention sont anéantis.
- Plutôt que de parler de résolution, il serait plus juste de raisonner en termes de résiliation.
- Cette règle est étrangement proche de celle édictée en matière de résolution pour inexécution.
- L’article 1229, al. 3 prévoit, en effet, que « lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procuré l’une à l’autre. »
- La principale conséquence attachée à l’absence d’effet rétroactif est que résiliation ne donnera pas lieu au jeu des restitutions.
- Les parties conservent le bénéfice des prestations exécutées avant la réalisation de la condition résolutoire, ce qui constitue une différence majeure avec la condition suspensive.
- Incertitude quant à la charge des risques
- Contrairement aux dispositions relatives à la condition suspensives, celles consacrées à la condition résolutoire sont silencieuses sur la charge des risques
- La question pourtant se pose de savoir ce qu’il en est de la charge des risques dans l’hypothèse où la condition résolutoire se réalise ?
- Si l’on raisonne par analogie avec la condition suspensive, elle devrait peser sur le débiteur de l’obligation dans la mesure où celui-ci est censé être demeuré propriétaire de la chose qui doit lui être restituée en cas de réalisation de la condition résolutoire.
3. La défaillance de la condition résolutoire
En cas de défaillance de la condition résolutoire, l’obligation sur laquelle elle porte devient pure et simple.
Le droit du créancier s’en trouve alors consolidé. Quant au débiteur, il est tenu d’exécuter l’obligation jusqu’à ce qu’il soit mis un terme au contrat.