La condition potestative: régime juridique

Pour être valable, l’obligation conditionnelle doit être subordonnée à la réalisation d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Le nouvel article 1304-2 du Code civil exprime cette règle en prévoyant que « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur. ».

Ainsi, les conditions dites potestatives sont, par principe, prohibées.

La raison en est que pareille condition est de nature contredire la portée de l’engagement de celui à la faveur de qui elle est stipulée.

Peut-on raisonnablement estimer, en effet, qu’un engagement dont l’efficacité est subordonnée à la seule volonté de celui qui s’oblige constitue un véritable engagement ?

Au fond, cela reviendrait à admettre que le bénéficiaire de la condition potestative puisse revenir discrétionnairement revenir sur son consentement : d’où la prohibition d’une telle condition dès 1804 par le législateur.

La prohibition n’est toutefois pas absolue, elle comporte des limites dont l’étendue a été précisée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations.

I) Les limites qui tiennent à la position du contractant

Il ressort de l’article 1304-2 du Code civil que la prohibition des conditions potestatives ne s’applique que dans l’hypothèse où le bénéficiaire de la condition est en position de débiteur.

 A contrario cela signifie que lorsque la réalisation de la condition dépend de la seule volonté du créancier, bien que potestative, elle échappe à la prohibition posée à l’article 1304-2.

Cette solution se justifie par le fait que, dans cette configuration, la condition est insusceptible de contredire la portée de l’engagement dont elle subordonne l’exécution puisque, par définition, ce n’est pas le créancier qui s’engage mais le débiteur.

Il est, par conséquent, indifférent que le créancier dispose de la faculté de réaliser discrétionnairement la condition.

La Cour de cassation a statué en ce sens notamment dans un arrêt du 17 décembre 1991.

(Cass. com. 17 déc. 1991)
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :

Vu les articles 1170 et 1174 du Code civil ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X..., propriétaire d'un commerce de station-service et vente de carburant, en relation commerciale depuis plusieurs années avec la Société des pétroles BP, (la société BP) qui lui fournissait en exclusivité le carburant, a signé un contrat dit de " commission " avec la même société ; que ce contrat prévoyait que M. X... percevrait une commission fixe sur le prix de vente des carburants et en outre, que dans l'hypothèse où les prix affichés à la pompe par lui seraient inférieurs, pour des montants chiffrés par le contrat, au prix limité d'affichage de la société BP dans la zone du prix du point de vente, la commission due serait réduite proportionnellement à l'écart constaté ; que M. X... a résilié unilatéralement ce contrat et que la société BP a saisi le tribunal de commerce tendant à ce que la résiliation du contrat fût prononcée aux torts exclusifs de M. X... et à ce qu'il soit condamné à lui verser des dommages-intérêts ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société BP, la cour d'appel retient que le contrat contenait une clause de variation de la marge du commissionnaire dépendant de la seule volonté de la société BP qui pouvait déterminer cette marge en fixant le prix des carburants et entachait le contrat de nullité ;

Attendu qu'en statuant ainsi alors qu'il résulte des éléments rapportés par l'arrêt que la diminution de la commission due à M. X... était conditionnée par la baisse des prix affichés à la pompe, dont celui-ci prenait l'initiative, par rapport aux prix limite d'affichage BP dans la zone de prix du point de vente et donc par une limitation des bénéfices de cette société, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 1989, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Besançon

II) Les limites qui tiennent à la nature de la condition potestative

Avant la réforme des obligations, la doctrine, suivie par la jurisprudence, a souhaité restreindre le périmètre de la prohibition des conditions potestatives, afin d’éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.

Aussi, animé par un souci de responsabilisation des contractants, les auteurs se sont engagés dans la voie de la distinction entre, d’une part, les conditions purement potestatives et, d’autre part, les conditions simplement potestatives.

Pointant les difficultés pratiques soulevées par cette distinction la doctrine a, par suite, préférer renouveler la notion de condition mixte, ce qui a conduit à une redéfinition de la notion de condition potestative.

==> L’instauration d’une distinction entre les obligations purement potestatives et les conditions simplement potestatives

  • Exposé de la distinction
    • Selon la doctrine classique, la condition potestative ne doit être prohibée qu’à la condition qu’elle contredise l’engagement du débiteur.
    • Aussi, cette théorie l’a-t-elle conduite à distinguer selon que la condition est purement potestative ou simplement potestative
      • La condition purement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation dépend du seul consentement du débiteur.
        • L’exécution de l’obligation est, en d’autres termes, subordonnée à une simple manifestation de volonté.
        • Elle était autrefois qualifiée de condition « si voluero», ce qui signifie je m’engage « si je le veux », « si tel est mon bon désir », « s’il me sied ».
        • Dans la mesure où cette condition revient à conférer au débiteur la faculté de revenir discrétionnairement sur son consentement et donc de contredire la portée de son engagement, elle constitue l’essence même de la potestativité, d’où l’admission unanime et en tout temps de sa prohibition.
      • La condition simplement potestative
        • Il s’agit de la condition dont la réalisation suppose que le débiteur fasse plus qu’exprimer sa volonté.
        • Pour que la condition se réalise, il va devoir accomplir un acte ou un fait déterminé qui lui est extérieur.
        • La condition simplement potestative peut être illustrée par les formules : « si je pars à Paris », « si je vends ma voiture ».
        • Contrairement à la condition purement potestative, la condition simplement potestative implique une action ou une abstention.
        • La réalisation de cette condition dépend donc à la fois de la volonté du débiteur et d’une circonstance dont il n’a pas la maîtrise.
        • L’accomplissement d’un acte peut, en effet, se heurter à la survenance d’un événement qui y fait obstacle.
        • En toute hypothèse, pour rompre ou nouer le lien obligationnel, il sera nécessaire que le débiteur aliène une partie de sa liberté.
        • C’est la raison pour laquelle, la condition potestative a toujours été admise.
  • Portée de la distinction
    • La distinction élaborée par la doctrine entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives a, dans certaines décisions, inspiré les juges, qui y ont trouvé un moyen pour sanctionner certains déséquilibres contractuels.
    • La Cour de cassation s’est, par ailleurs, appuyée sur cette théorie pour opérer une sous-distinction, au sein de la catégorie des conditions purement potestatives, entre les conditions suspensives et les conditions résolutoires.
    • Il ressort, par exemple, d’un arrêt du 2 mai 1900, que lorsque la condition serait purement potestative, mais résolutoire, elle n’encourrait pas la nullité, de sorte que seules les conditions suspensives seraient prohibées ( civ. 2 mai 1900).
    • Cette solution s’expliquerait par le fait que l’atteinte portée à l’engagement du débiteur serait moins grande lorsqu’elle prend sa source dans une condition résolutoire que lorsqu’elle résulte d’une condition suspensive.
      • Lorsqu’elle est suspensive, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire totalement la portée de son engagement, celui-ci pouvant discrétionnairement agir sur la création même de l’obligation
      • Lorsqu’elle est résolutoire, la condition potestative confère au débiteur la faculté de contredire seulement partiellement la portée de son engagement, celui-ci ne pouvant agir que sur la pérennité de son engagement qui peut avoir déjà reçu un commencement d’exécution.
    • Au total, bien que la jurisprudence se soit appuyée dans certaines décisions, sur la distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives, certains auteurs ont critiqué le caractère artificiel de cette distinction qui, d’une part reposerait sur un critère flou et inopérant et, d’autre part, ne rendrait pas véritablement compte du droit positif.
    • Aussi, ce constat a-t-il conduit la jurisprudence et la doctrine moderne à dépasser la distinction classique à la faveur d’un renouvellement de la notion de condition mixte.

==> Le renouvellement de la notion de condition mixte

Si, initialement, la notion de condition mixte a été entendue de manière restrictive, la jurisprudence a, sous l’impulsion de la doctrine, opéré une extension de son périmètre.

  • La restriction du périmètre de la condition mixte
    • Dans un premier temps, la notion de condition mixte a donc fait l’objet d’une conception étroite.
    • La raison en est que l’ancien article 1171 du Code civil la définissait comme « celle qui dépend tout à la fois de la volonté d’une des parties contractantes, et de la volonté d’un tiers. »
    • Aussi, cela excluait-il, d’emblée, que puisse être inclus dans le périmètre de la condition mixte l’événement qui tout à la fois dépend de la volonté du débiteur et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • L’inconvénient de cette conception était que la condition ainsi stipulée devait être qualifiée de potestative, quand bien même sa réalisation de ne dépendait pas de la seule volonté du débiteur.
    • Cette situation était d’autant plus absurde que l’on admettait qu’une condition qualifiée de simplement potestative puisse être valable, alors même que sa réalisation était subordonnée à l’accomplissement d’un acte si insignifiant que l’on pourrait la confondre avec une condition purement potestative, ce qui dès lors pourrait justifier qu’elle tombe sous le coup de la prohibition.
    • En réaction à l’incohérence de ce système, les auteurs ont proposé d’élargir le périmètre de la condition mixte.
  • L’extension du périmètre de la condition mixte
    • L’extension de la notion de condition mixte s’est traduite par l’incorporation dans son périmètre des événements dont la réalisation dépend, et de la volonté du débiteur, et de la survenance d’un fait autre que la volonté d’un tiers.
    • La Cour de cassation ne semble manifestement pas s’être opposée à cette nouvelle appréhension de la notion.
    • Dans un arrêt du 28 mai 1974 elle a, par exemple, qualifié de condition mixte un événement qui dépendait « à la fois de la volonté [du débiteur] et de circonstances qui lui sont étrangères» ( 1ère civ. 28 mai 1974).
    • Dorénavant, peu importe donc que la réalisation de la condition dépende ou non du fait d’un tiers : dès lors qu’elle porte au moins pour partie sur un événement autre que la volonté du débiteur elle échappe au principe de la prohibition.
    • Là ne s’est pas arrêtée l’évolution de ce mouvement.
    • L’extension du périmètre de la condition mixte s’est, en effet, accompagnée d’une redéfinition générale du critère de la potestativité.

==> La redéfinition de la notion de condition potestative

L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative, d’abord engagée par la jurisprudence contemporaine, puis parachevée par le législateur lors de l’adoption de l’ordonnance du 10 février 2016, est assise sur l’abandon des distinctions classiques, combiné à la clarification des critères.

  • L’abandon des distinctions classiques
    • La redéfinition du critère de la potestativité a donc conduit à abandonner les distinctions qui avaient été opérées par la doctrine et la jurisprudence classique.
    • Plusieurs distinctions ont ainsi été répudiées :
      • La distinction entre les conditions purement potestatives et les conditions simplement potestatives
        • Il est désormais indifférent que la condition porte sur un événement dont la réalisation dépend de la volonté ou du pouvoir du débiteur
        • Dès lors que la survenance de l’événement est au pouvoir arbitraire du débiteur, la condition peut être qualifiée de potestative
      • La distinction entre les conditions suspensives et les conditions résolutoire
        • Qu’elle soit suspensive ou résolutoire dès lors qu’elle porte sur un événement qui dépend de la seule volonté du débiteur la condition tombe sous le coup de la prohibition.
      • La distinction entre les conditions mixtes et les conditions simplement potestatives
        • Tandis que la condition mixte supposait, dans sa conception initiale, que la réalisation de l’événement auquel elle était rattachée dépende pour partie de la volonté d’un tiers, tel n’était pas le cas de la condition simplement potestative qui autorisait à envisager la prise en compte d’un fait d’une autre nature en complément de la volonté du débiteur.
        • L’extension du périmètre de la condition mixte a, mécaniquement, rendu caduque cette distinction.
      • La distinction entre les actes à titre gratuit et les actes à titres onéreux
        • Il a un temps été discuté de la question de savoir si l’on ne devait pas opposer les actes à titre gratuit aux actes à titre onéreux.
          • S’agissant des actes à titre gratuit
            • La prohibition devrait toucher tant les conditions purement potestatives que les conditions simplement potestatives.
            • Cette rigueur dans la sanction des conditions potestative aurait pour fondement l’adage « donner et retenir ne vaut»
          • S’agissant des actes à titre onéreux
            • La prohibition ne devrait toucher que les seules conditions purement potestatives.
            • La sanction se justifierait, dans cette hypothèse, par le caractère illusoire de l’engagement du débiteur dont l’engagement est contredit par la faculté de dédouanement que lui confère la condition.
      • La distinction entre les contrats synallagmatiques et les contrats unilatéraux
        • Certains auteurs ont avancé, à une époque relativement récente, que le principe de prohibition des conditions potestatives n’aurait pas vocation à s’appliquer aux contrats synallagmatiques.
        • Au soutien de cette thèse ces auteurs ont soutenu qu’une condition potestative ne peut être annulée que si sa réalisation est au pouvoir du seul débiteur.
        • Or dans un contrat synallagmatique, les parties endossent tout à la fois les qualités de débiteur et de créancier.
        • La conséquence en est que si un contractant revient sur son engagement en activant la condition dont la réalisation dépend de sa seule volonté, il devrait corrélativement s’ensuivre la perte de la contrepartie réciproque qui lui a été consentie.
        • Un élément autre que la seule volonté du débiteur entre donc en ligne de compte dans le processus de réalisation de la condition.
        • Pour cette raison, la stipulation de conditions potestatives dans une convention synallagmatique ne devrait pas être prohibée.
        • Bien que audacieuse, cette thèse n’a manifestement pas convaincu la jurisprudence qui l’a rejeté à plusieurs reprises.
        • Dans un arrêt du 7 juin 1983 la Cour de cassation a ainsi censuré une Cour d’appel qui « après avoir retenu l’existence d’une condition potestative de la part de l’acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l’acte authentique et de payer le prix [a décidé] que la nullité de cette condition n’affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations».
        • Pour la troisième chambre civile, il importe peu que la convention soit synallagmatique « toute obligation est nulle lorsqu’elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
        • Cette solution a notamment été réitérée par la suite, notamment dans un arrêt du 13 octobre 1993 ( 3e civ., 13 oct. 1993).

Cass. 3e civ. 7 juin 1983
Sur le moyen unique : vu l'article 1174 du code civil ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que toute obligation est nulle lorsqu'elle a été contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige ;

Attendu selon l'arrêt attaque (Toulouse, 22 octobre 1981) que par acte sous seing privé du 11 octobre 1977, les époux x... ont "vendu" aux époux y... une maison d'habitation sous les conditions suspensives de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et de l'obtention d'un prêt ;

Que l'acte stipulait que les conditions réalisées, le consentement du vendeur a la vente et la mutation de propriété étaient subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique avec le paiement du prix dans un délai fixe et que si l'acquéreur ne pouvait pas ou ne voulait pas passer l'acte et en payer le prix, le présent accord serait nul et non avenu de plein droit ;

Attendu qu'après avoir retenu l'existence d'une condition potestative de la part de l'acquéreur qui pouvait, de sa seule volonté, accepter ou refuser de passer l'acte authentique et de payer le prix, l'arrêt décide que la nullité de cette condition n'affectait pas la validité de la convention en raison de la réciprocité des obligations ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, contractée sous une condition potestative, l'obligation des époux y... de signer l'acte authentique de vente et de payer le prix était nulle et que cette nullité entraînait, par voie de conséquence, celle de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs : CASSE et ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 22 octobre 1981 par la cour d'appel de Toulouse ;

  • La clarification des critères de la potestativité
    • L’entreprise de redéfinition de la notion de condition potestative a conduit le législateur et la jurisprudence à clarifier les critères qui permettent de déterminer si une condition tombe ou non sous le coup de la prohibition.
      • Premier critère : l’influence du débiteur sur l’événement
        • Aux termes du nouvel article 1304-2 du Code civil, « est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur.»
        • Il ressort de l’énoncé de cette règle que le législateur a entendu retenir une conception restrictive de la potestativité, sans doute animé par le même désir que la jurisprudence classique : éviter que les parties au contrat ne puissent invoquer trop facilement la nullité de conditions qu’elles sont censées avoir négocié et acceptées librement et en toute connaissance de cause.
        • Pour ce faire, il a été inscrit dans le marbre de loi que la condition potestative est celle « dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur»
        • Cette précision n’est pas sans faire écho à la condition « si voluero» qui subordonne l’exécution de l’obligation à une simple manifestation de volonté que la doctrine opposait classiquement à la condition « in facto a voluntate pendente » dont la réalisation suppose, quant à elle l’accomplissement d’un acte ou d’un fait déterminé qui dépend du débiteur mais qui lui est extérieur.
        • En se rapportant expressément à la volonté du débiteur et non à son pouvoir, le législateur a-t-il souhaité exclure du champ de la prohibition les conditions qualifiées de simplement potestatives ?
        • Cette solution serait conforme à l’évolution de la jurisprudence contemporaine.
        • Aussi, peut-on déduire de la lettre du nouvel article 1304-2 du Code civil que seules sont désormais interdites les conditions purement potestatives.
      • Deuxième critère : l’intérêt du débiteur dans l’événement
        • Pour être qualifiée de potestative, il ne suffit pas que la condition soit au pouvoir arbitraire du débiteur, il faut encore que celui-ci ait un intérêt à faire échouer la survenance de l’événement.
        • Dès lors que le débiteur doit, pour se délier de son engagement, consentir un sacrifice, quand bien même la réalisation de l’événement dépendra de sa seule volonté, la condition – potestative en apparence – ne tombera pas sous le coup de la prohibition.
        • A contrario, cela signifie qu’une condition pourra être qualifiée de potestative lorsque la réalisation de l’événement dont dépend la condition suppose que le débiteur accomplisse un acte ou un fait insignifiant.
      • Troisième critère : le contrôle judiciaire de l’événement
        • Régulièrement, la jurisprudence estime que lorsque la condition dépend de la seule volonté du débiteur mais que celui-ci doit, pour fonder sa décision se référer à des éléments extérieurs susceptibles de faire l’objet d’un contrôle judiciaire, la condition ne pourra pas être qualifiée de potestative (V. notamment en ce sens 1ère civ. 22 nov. 1989)
        • La Cour de cassation, par exemple, a statué en ce sens dans un arrêt du 29 septembre 2009
        • Il s’agissait en l’espèce d’une clause qui conférait à l’assuré le droit de prétendre à une prise en charge dans l’hypothèse où une invalidité le placerait dans l’impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit,
        • La troisième chambre civile valide cette clause estimant qu’elle « dépendait non de la seule volonté de l’assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d’un contrôle judiciaire»
        • Autrement dit, pour les juges, si l’appréciation de l’activation de la clause était laissée au pouvoir de l’assureur, il n’en devait pas moins fonder sa décision sur des éléments objectifs (les justificatifs produits par l’assuré) lesquels pouvaient par suite faire l’objet d’un contrôle par le juge.
        • La condition ainsi stipulée dans le contrat ne peut dès lors pas être qualifiée de potestative.

Cass. com. 29 sept. 2009
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 février 2007) qu'à l'occasion de deux prêts consentis par le Crédit agricole, M. X... a adhéré à un contrat d'assurance de groupe, garantissant les risques de décès et d'invalidité, souscrit par la banque auprès de la Caisse nationale de prévoyance et d'assurance (l'assureur) ; qu'ayant été reconnu en état d'invalidité par la Mutualité sociale agricole à compter du 1er novembre 2000, M. X... a demandé à bénéficier de la garantie invalidité totale et définitive prévue au contrat ; qu'à la suite du refus de l'assureur, il a assigné ce dernier en exécution du contrat ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les clauses des contrats proposés par les professionnels aux consommateurs ou aux non-professionnels s'interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable au consommateur ou non-professionnel ; qu'en l'espèce, le caractère ambigu de la clause litigieuse, relative à l'impossibilité définitive pour l'adhérent de se livrer à toute occupation et/ou toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit résulte des propres énonciations de l'arrêt, qui relève expressément « que cette clause est certes ambiguë puisque la conjonction « ou » introduit une alternative et qu'au contraire le terme « et » impose un cumul » ; qu'en déboutant cependant M. X... de sa demande de garantie, au prétexte «que cependant l'interprétation faite par l'assureur est plus favorable à M. X... puisqu'elle considère que lorsque l'adhérent exerce une activité professionnelle il peut prétendre à la prise en charge lorsque l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit, sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation », la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

2°/ que constitue une clause potestative entachée de nullité la clause par laquelle l'assureur se réserve la possibilité d'une interprétation plus ou moins stricte des conditions de la garantie ; qu'en infirmant le jugement de première instance qui avait relevé « que le fait de prévoir l'alternative de « et » et « ou » laisse à penser que, selon le bon vouloir de l'assureur, celui-ci peut opposer à l'adhérent, pour refuser sa garantie, ou simplement le fait qu'il ne puisse plus exercer une activité rémunérée ou à la fois qu'il ne puisse exercer une activité rémunérée et qu'il ne puisse se livrer à aucune occupation ; que par ailleurs, le terme « occupation » sans adjectif adjoint permet au seul assureur d'exiger ou non comme condition de sa prise en charge qu'il y ait impossibilité d'exercer une occupation professionnelle ou privée ou les deux », sans s'expliquer sur le caractère potestatif de cette clause dont elle a pourtant relevé par ailleurs l'ambiguïté quant au caractère cumulatif ou alternatif des conditions de la garantie, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1170 et 1174 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé l'ambiguïté de la clause litigieuse, a exactement décidé que l'interprétation faite par l'assureur était la plus favorable à l'assuré puisque, lorsque ce dernier exerce une activité professionnelle, il peut prétendre à une prise en charge quand l'invalidité le place dans l'impossibilité définitive de se livrer à toute activité rémunérée ou lui donnant gain ou profit sans exiger qu'il soit également inapte à toute autre occupation ;

Et attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte que l'application de la clause, dépendait non de la seule volonté de l'assureur, mais de circonstances objectives, susceptibles d'un contrôle judiciaire, la cour d'appel a nécessairement exclu le caractère potestatif de la condition ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

III) Sanction

L’article 1304-2 du Code civil prévoit que la stipulation d’une condition potestative est sanctionnée par la nullité.

Était-ce bien utile de préciser qu’elle était la sanction encourue dans la mesure où le même résultat pourrait être obtenu sur le terrain du consentement ?

Car finalement, la condition potestative est celle qui contredit la portée de l’engagement du débiteur. Aussi, pourrait-on imaginer que clause soit annulée pour défaut de consentement.

Toujours est-il que la nullité encourue par une condition potestative est sans nul doute relative. Leur prohibition vise à protéger l’intérêt d’une partie en particulier : le créancier.

L’article 1304-2 précise toutefois in fine que « cette nullité ne peut être invoquée lorsque l’obligation a été exécutée en connaissance de cause. »

Cela signifie que la nullité susceptible d’être soulevée par le créancier est couverte par l’exécution de l’obligation qui était subordonnée à la réalisation de la condition potestative.