Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle (art. 462 CPC)

L’un des principaux attributs d’un jugement est le dessaisissement du juge. Cet attribut est exprimé par l’adage lata sententia judex desinit esse judex : une fois la sentence rendue, le juge cesse d’être juge.

La règle est énoncée à l’article 481 du CPC qui dispose que « le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu’il tranche ». En substance, le dessaisissement du juge signifie que le prononcé du jugement épuise son pouvoir juridictionnel.

Non seulement, au titre de l’autorité de la chose jugée dont est assorti le jugement rendu, il est privé de la possibilité de revenir sur ce qui a été tranché, mais encore il lui est interdit, sous l’effet de son dessaisissement, d’exercer son pouvoir juridictionnel sur le litige.

Le principe du dessaisissement du juge n’est toutefois pas sans limites. Ces limites tiennent, d’une part, à la nature de la décision rendue et, d’autre part, à certains vices susceptibles d’en affecter le sens, la portée ou encore le contenu.

  • S’agissant des limites qui tiennent à la nature de la décision rendue
    • Il peut être observé que toutes les décisions rendues n’opèrent pas dessaisissement du juge.
    • Il est classiquement admis que seules les décisions contentieuses qui possèdent l’autorité absolue de la chose jugée sont assorties de cet attribut.
    • Aussi, le dessaisissement du juge n’opère pas pour :
      • Les décisions rendues en matière gracieuses
      • Les jugements avants dire-droit
      • Les décisions provisoires (ordonnances de référé et ordonnances sur requête).
  • S’agissant des limites qui tiennent aux vices affectant la décision rendue
    • Il est certains vices susceptibles d’affecter la décision rendue qui justifient un retour devant le juge alors même qu’il a été dessaisi.
    • La raison en est qu’il s’agit d’anomalies tellement mineures (une erreur de calcul, une faute de frappe, une phrase incomplète etc.) qu’il serait excessif d’obliger les parties à exercer une voie de recours tel qu’un appel ou un pourvoi en cassation.
    • Non seulement, cela les contraindrait à exposer des frais substantiels, mais encore cela conduirait la juridiction saisie à procéder à un réexamen général de l’affaire : autant dire que ni les justiciables, ni la justice ne s’y retrouveraient.
    • Fort de ce constat, comme l’observe un auteur, « le législateur a estimé que pour les malfaçons mineures qui peuvent affecter les jugements, il était préférable de permettre au juge qui a déjà statué de revoir sa décision »[1].
    • Ainsi, les parties sont-elles autorisées à revenir devant le juge qui a rendu une décision aux fins de lui demander de l’interpréter en cas d’ambiguïté, de la rectifier en cas d’erreurs ou d’omissions purement matérielles, de la compléter en cas d’omission de statuer ou d’en retrancher une partie dans l’hypothèse où il aurait statué ultra petita, soit au-delà de ce qui lui était demandé.
    • À cette fin, des petites voies de recours sont prévues par le Code de procédure civile, voies de recours dont l’objet est rigoureusement limité.

C’est sur ces petites voies de recours que nous nous focaliserons ici. Elles sont envisagées aux articles 461 à 464 du Code de procédure civile.

Au nombre de ces voies de recours, qui donc vise à obtenir du juge qui a statué qu’il revienne sur sa décision, figurent :

  • Le recours en interprétation
  • Le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle
  • Le recours en retranchement
  • Le recours aux fins de remédier à une omission de statuer

Nous nous focaliserons ici sur le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

Il peut arriver que des erreurs ou des omissions purement matérielles affectent la décision rendue ce qui est susceptible d’en perturber l’exécution.

Il peut s’agir d’une erreur de calcul d’une indemnité, d’une faute de frappe dans le nom d’une partie, d’une omission dans la composition de la juridiction ou encore de l’omission dans le dispositif du jugement d’un élément évoqué dans la motivation.

Afin de permettre aux parties de revenir devant le juge sans qu’elles soient contraintes de se soumettre à la lourdeur procédurale d’un appel ou d’un pourvoi en cassation, le législateur a institué le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

Ce recours est envisagé à l’article 462 du CPC qui prévoit que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »

Il s’agira ici pour le juge de rectifier la décision rendue sans pour autant porter atteinte à l’autorité de la chose jugée. Dans certains cas, l’exercice s’avérera pour le moins périlleux, la frontière qui sépare l’erreur matérielle de l’erreur substantielle étant ténue.

C’est la raison pour laquelle la faculté conférée au juge de rectifier un jugement affecté par une erreur ou une omission matérielle est encadrée très strictement.

I) Conditions de recevabilité du recours

?Une erreur ou une omission purement matérielle

Pour être recevable la requête en rectification doit nécessairement porter sur des erreurs ou omissions purement matérielles.

Par matérielle, il faut comprendre une erreur ou une omission commise par inadvertance, par inattention ou par négligence.

À l’examen, les notions d’erreur et d’omission matérielle sont appréhendées de la même manière par la jurisprudence, bien qu’elles affectent la décision rendue différemment.

  • S’agissant de l’erreur matérielle
    • Elle consiste en une anomalie dans l’expression de la pensée.
    • Autrement dit, le vice qui affecte le jugement ne procède nullement d’une erreur intellectuelle, soit d’une anomalie dans le raisonnement du juge.
    • L’anomalie réside plutôt dans la traduction de la pensée de ce dernier : le juge pensait une chose et il en a écrit une autre.
    • Ainsi que le résume un auteur « l’erreur ne doit pas avoir été dans la pensée du juge, mais uniquement dans sa traduction formelle »[2].
    • Il s’agit donc d’une inadvertance qui affecte, non pas le raisonnement, mais son expression.
    • À cet égard, l’erreur ne pourra être qualifiée de matérielle que si elle est involontaire, soit si elle provient d’une inattention ou d’une négligence du juge.
    • L’erreur matérielle pourra consister en :
      • Une faute de frappe qui a pour conséquence de modifier le nom d’une partie ou le sens d’une phrase.
      • Une faute de calcul commise par le juge par pure inattention.
      • Une substitution ou une adjonction erronée d’un mot
      • L’indication d’une fausse date
    • En revanche, l’erreur qui affecte la décision ne sera pas regardée comme matérielle lorsqu’elle consistera en :
      • Une faute d’appréciation des faits
      • Une faute d’interprétation ou d’application de la règle de droit
      • Une anomalie dans le raisonnement
  • S’agissant de l’omission matérielle
    • Elle consiste en un oubli commis par le juge qui, par inadvertance ou par inattention, a passé sous silence une disposition de la décision rendue
    • Comme pour l’erreur, l’omission est une anomalie qui affecte, non pas le raisonnement du juge, mais son expression.
    • La défaillance se traduit ici par un oubli, une lacune dans la rédaction de la décision.
    • L’omission matérielle se distingue de l’omission de statuer en ce que la lacune procède, non pas d’un vice qui affecte le raisonnement du juge, mais seulement d’une mauvaise transcription de sa volonté.
    • Elle se distingue également du défaut de motifs, lequel correspond à une défaillance du juge quant à l’observation des règles qui gouvernent la rédaction d’un jugement.
    • À cet égard, le défaut de motif est sanctionné par la nullité du jugement et ne donne donc pas lieu à rectification.
    • À l’examen, l’omission matérielle pourra consister en :
      • L’oubli de mots ou d’une phrase dans la minute dès lors qu’il s’agit d’une défaillance dans la rédaction
      • L’oubli dans le dispositif d’une disposition pourtant motivée dans le corps de la décision
      • L’oubli dans le calcul de dommages et intérêts d’une provision déjà versée
      • L’oubli du nom d’un magistrat ayant participé au débat
      • L’oubli d’indexer une pension alimentaire ou une prestation compensatoire

?Une erreur ou une omission émanant du juge

La règle énoncée à l’article 462 du CPC doit être comprise comme n’autorisant la rectification que des seules erreurs ou omissions matérielles commises par le juge (V. en ce sens Cass. 2e civ. 2 juill. 1980, n°78-15.451).

La jurisprudence a néanmoins admis que, lorsque l’erreur ou l’omission provenait de l’exposé des prétentions des parties, puis a été reprise par le juge, elle pouvait être rectifiée (Cass. 1ère civ. 18 janv. 1989, n°87-16.880 et 87-17.735 ; Cass. soc. 21 févr. 1980, n°79-60.821).

Cette solution se justifie par l’obligation qui échoit au juge de vérifier les allégations qui lui sont soumises. Si, dès lors, il manque à son obligation de contrôle, l’erreur ou l’omission commise par une partie devient sienne.

II) Pouvoirs du juge

?L’appréciation de l’erreur et de l’omission matérielle

Afin de prévenir toute atteinte à l’autorité de la chose jugée, la faculté conférée au juge de rectifier la décision affectée par une erreur ou une omission matérielle est strictement encadrée.

Aussi, l’article 462 du CPC invite le juge, s’agissant de l’appréciation de l’erreur ou de l’omission matérielle, à se référer à « ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande. »

Il s’agit là de consignes impératives auxquelles le juge ne peut pas se soustraire. Dans un arrêt du 19 juin 1975, la Cour de cassation a affirmé en ce sens que « cette indication des éléments par lesquels l’erreur matérielle peut être rectifiée est limitative » (Cass. 2e civ. 19 juin 1975, n°74-11.215).

Relevant que les juges du fond s’étaient seulement appuyés sur le souvenir de deux membres de la Cour pour rectifier une mention de l’arrêt rendu, elle censure la Cour d’appel au motif qu’elle aurait dû exclusivement se fonder sur « ce que le dossier révèle et sur un point ou la solution n’est pas commandée par la raison », conformément aux prescriptions de l’article 462 du CPC.

Concrètement, pour apprécier l’erreur ou l’omission matérielle commise par le juge, la juridiction saisie ne peut donc se fonder que sur deux éléments alternatifs

  • Premier élément : ce que le dossier révèle
    • Il s’agit là de tous les éléments que contenait le dossier au jour où la décision rectifiée a été rendue.
    • A contrario, le juge ne pourra donc pas tenir compte des éléments qui seraient extérieurs au dossier, tels que des témoignages, des documents produits postérieurement au jugement rendu ou tout autre élément fourni par un tiers.
  • Second élément : ce que la raison commande
    • Il s’agit là d’un élément d’appréciation subsidiaire auquel le juge ne peut se référer qu’à défaut d’éléments probants dans le dossier.
    • Que faut-il entendre par la formule « ce que la raison commande » ?
    • Il s’agit ici de tout ce qui indique que l’erreur ou l’omission soulevée n’aurait pas pu être commise par un juge normalement attentif
    • Autrement dit, l’anomalie est tellement grossière qu’elle ne peut être que matérielle.
    • À cet égard, il doit exister des éléments objectifs et non équivoques qui établissent la faute d’inattention.
    • Ces éléments pourront notamment être recherchés dans les motifs du jugement ou dans son dispositif.
    • Il pourra ainsi être démontré que le dispositif n’exprime pas le sens de la décision (V. en ce sens Cass. 2e civ. 29 janv. 1992, n°90-17.104).
    • Si, par exemple, il est question dans l’intégralité de la décision et en particulier dans sa motivation de statuer sur une séparation de corps et que le dispositif prononce un divorce, l’erreur matérielle sera pleinement caractérisée (Cass. 2e civ. 29 juin 1979).

?La rectification de l’erreur et de l’omission matérielle

Parce que le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle vise seulement à remédier à une faute d’inattention dans la transcription de la pensée du juge, celui-ci ne saurait modifier le sens ou la portée de la décision rendue.

Il en résulte qu’il ne peut, ni revenir sur les droits et obligations reconnues aux parties, ni modifier les mesures ou sanctions prononcées, ce pouvoir étant dévolu aux seules juridictions de réformation.

La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a affirmé en ce sens que « si les erreurs ou omissions matérielles affectant une décision peuvent être réparées par la juridiction qui l’a rendue, celle-ci ne peut modifier les droits et obligations reconnus aux parties par cette décision » (Cass. ass. Plén. 1er avr. 1994, n°91-20.250).

Aussi, est-il fait interdiction au juge sous couvert de rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle de modifier la substance et l’économie générale de la décision rendue.

Il ne saurait, en outre, prendre en compte des éléments de fait ou de droit nouveaux ou tirer des constatations établies, des conséquences juridiques nouvelles. Il ne peut, encore moins, chercher à réparer une erreur de droit qu’il a commise, ni apprécier sous un nouveau jour les droits et obligations des parties.

III) Procédure

A) Compétence

Il s’évince de l’article 462 du CPC que pour déterminer le juge compétent quant à connaître du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle, il y a lieu de distinguer selon que la décision déférée est frappée ou non d’une voie de recours.

  • S’agissant des décisions non frappées d’une voie de recours
    • Dans cette hypothèse, l’article 462 du CPC prévoit que le juge compétent est celui qui a rendu la décision à rectifier.
    • Il est indifférent qu’il s’agisse d’une juridiction de droit commun ou spécialisée.
    • Cette compétence est également octroyée aux Tribunaux arbitraux
    • Par ailleurs, en application de l’article 462 d CPC, peu importe que la décision déférée pour rectification soit passée en force de chose jugée.
    • La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt du 23 septembre 1998 en affirmant que « la juridiction qui a rendu un jugement peut réparer les erreurs matérielles qui l’affectent, même si le jugement est passé en force de chose jugée » (V. en ce sens Cass. 2e civ. 23 sept. 1998, n°95-11.317).
    • En outre, il n’est nullement exigé que la juridiction qui statue soit réunie dans la même composition que lorsque la décision à rectifier a été prise.
    • Ce qui importe c’est qu’il y ait identité de juridiction et non de personnes physiques.
  • S’agissant des décisions frappées d’une voie de recours
    • L’article 462 du CPC prévoit que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement […] peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ou par celle à laquelle il est déféré ».
    • Ainsi, lorsque la décision à rectifier est frappée d’une voie de recours, c’est la juridiction qui connaît de cette voie de recours qui devient compétente pour statuer sur la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle.
    • En pratique, la question ne se posera que pour l’appel et le pourvoi en cassation dans la mesure où s’agissant de la tierce opposition, de l’opposition et du recours en révision c’est la juridiction qui a rendu la décision contestée qui a vocation à connaître de la voie de recours.
      • Sur l’appel
        • Principe
          • C’est donc la Cour d’appel qui est seule compétente pour connaître du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.
          • La raison en est que la juridiction de premier degré est totalement dessaisie en raison de l’effet dévolutif de l’appel.
          • Quant à la date à laquelle la décision est réputée déférée à la Cour d’appel il s’agit de la date d’inscription au rôle de l’affaire.
          • Avant cette date, c’est la juridiction qui a rendu la décision à rectifier qui demeure compétente, nonobstant la déclaration d’appel.
        • Exceptions
          • La compétence de la Cour d’appel, en cas d’exercice d’une voie de recours, est assortie d’un certain nombre d’exceptions
          • Tout d’abord, lorsque l’appel est irrecevable c’est la juridiction de première instance qui demeure compétente (Cass. 2e civ. 12 sept. 1997, n°96-10.233).
          • Ensuite, la Cour d’appel est compétente à la condition que l’objet du recours ne se limite pas à la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle
          • Enfin, lorsque la décision à rectifier est assortie de l’exécution provisoire de droit, la jurisprudence considère que c’est le juge qui a rendu la décision qui reste compétent, l’objectif recherché étant de permettre l’exécution provisoire.
      • Le pourvoi en cassation
        • La particularité du pourvoi en cassation est que, à la différence de l’appel, il n’est assorti d’aucun effet dévolutif.
        • Il en résulte que les solutions dégagées par la jurisprudence en matière d’appel ne sont pas applicables.
        • On peut en déduire, que la juridiction qui a rendu la décision à rectifier n’est pas dessaisie : elle demeure compétence pour statuer sur la rectification de l’erreur ou de l’omission matérielle soulevée (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 3 janv. 1980, n°78-12.086).
        • Dans certains arrêts, la Cour de cassation s’est néanmoins reconnu cette faculté pour un cas très particulier.
        • Elle a, en effet, jugé que « la contradiction dénoncée entre le dispositif et les motifs de l’arrêt résulte d’une erreur matérielle qui peut, selon l’article 462 du nouveau Code de procédure civile être réparée par la Cour de Cassation à laquelle est déféré cet arrêt dont la rectification sera ci-après ordonnée » (Cass. 1ère civ. 5 févr. 1991, n°88-15.741).
        • Dans un arrêt du 11 janvier 2018, la Cour de cassation a précisé que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent une décision frappée de pourvoi ne pouvant être rectifiées par la Cour de cassation qu’à la condition que cette décision lui soit, sur ce point, déférée, une requête en rectification d’erreur matérielle ne peut être présentée en vue de rendre recevable un moyen de cassation ».
        • Elle en déduit que « est par conséquent irrecevable le moyen de cassation dirigé contre un chef du dispositif du jugement critiqué tel que ce chef devrait, selon l’auteur du pourvoi, être, au préalable, rectifié par la Cour de cassation. » (Cass. 2e civ. 11 janv. 2018, n°16-26.168).
  • Compétence du Juge de l’exécution
    • Il a été admis par la jurisprudence que le Juge de l’exécution était investi du pouvoir de rectifier une erreur ou une omission matérielle entachant une décision.
    • La raison en est que, conformément à l’article L. 218-6 du Code de l’organisation judiciaire « connaît de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit ».
    • Ce pouvoir de rectification ne pourra toutefois être exercé que dans le cadre d’une contestation portant sur une mesure d’exécution prise en application d’un titre exécutoire.
    • Le juge de l’exécution ne pourra, en aucun cas, faire droit à une demande de rectification d’erreur ou d’omission matérielle formulée à titre principal

B) Saisine du juge

1. Délai pour agir

Contrairement au recours en omission de statuer qui doit être exercé dans le délai d’un an après que la décision est passée en force de chose jugée, l’exercice du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle n’est subordonné à l’observation d’aucun délai.

À la différence de la requête en interprétation, il n’y a pas lieu de se reporter au délai de droit commun d’exécution des décisions de justice (10 ans) énoncé à l’article L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution dans la mesure où la demande en rectification d’erreur ou d’omission matérielle peut être formulée dans le cadre d’une tierce opposition qui se prescrit, quant à elle, par trente ans.

Dans ces conditions, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 7 juin 2018 que « la requête en rectification d’erreur matérielle, qui ne tend qu’à réparer les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement et qui ne peut aboutir à une modification des droits et obligations reconnus aux parties dans la décision déférée, n’est pas soumise à un délai de prescription » (Cass. 2e civ. 7 juin 2018, n° 16-28.539).

2. Auteur de la saisine

S’agissant de la saisine du juge en matière de rectification d’erreur ou d’omission matérielle, l’article 462, al. 2e du CPC prévoit que :

  • Soit, le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune
  • Soit il peut aussi se saisir d’office.

Ainsi, le juge est-il autorisé à se saisir d’office dans l’hypothèse où il relève une erreur ou une omission matérielle qui entacherait sa décision.

Le pouvoir qui lui est ainsi conféré participe d’une bonne administration de la justice qui a tout à gagner à ce que la réparation des anomalies matérielles intervienne au plus vite et puisse se faire à moindres frais.

Reste que le mécanisme de la saisine d’office, ne dispense pas le juge de convoquer les parties aux fins de les entendre et de faire et de permettre un débat contradictoire (V. en ce sens Cass. 2e civ. 9 avr. 2015, n°14-14.206).

Le principe du contradictoire s’applique quelles que soit la nature du litige et les conditions dans lesquelles la décision a été rendue.

3. Modes de saisine

?Principe

Lorsque le juge est saisi par les parties, l’acte introductif d’instance prend la forme d’une requête.

  • Une requête
    • L’article 462 du CPC prévoit que « le juge est saisi par simple requête de l’une des parties, ou par requête commune. »
    • Le recours en rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle doit ainsi être exercé par voie de requête unilatérale ou conjointe.
    • Pour rappel :
      • La requête unilatérale est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.
      • La requête conjointe est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte commun par lequel les parties soumettent au juge leurs prétentions respectives, les points sur lesquels elles sont en désaccord ainsi que leurs moyens respectifs.
  • Forme de la requête
    • À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.
    • Ces mentions sont énoncées aux articles 54, 57 et 757 du CPC.
  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe de la juridiction saisie en deux exemplaires.
    • La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué au déposant afin qu’il conserve une preuve du dépôt.
    • L’article 461 du CPC prévoyant que « le juge se prononce les parties entendues ou appelées », on en déduit que la procédure est contradictoire.
    • Aussi, en cas de dépôt d’une requête unilatérale, il y a lieu de la notifier à la partie adverse.

?Exceptions

Il est admis en jurisprudence que la saisine du juge puisse s’opérer au moyen d’un autre mode de saisine que la requête.

Cette saisine peut ainsi intervenir par voie de conclusions en cours d’instance (Cass. 3e civ. 8 janv. 1992, n°89-21.861) ou par assignation devant la juridiction compétente.

C) Convocation des parties

?Principe

L’article 462, al. 3 du CPC prévoit que « le juge statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées »

Ainsi, afin d’adopter sa décision de rectification, le juge a l’obligation d’auditionner et d’entendre les parties, étant précisé que, en l’absence de délai de comparution, le juge doit leur laisser un temps suffisant pour préparer leur défense.

?Tempérament

L’article 462, al. 3 autorise le juge à statuer sans audience « à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties. »

Il s’agit d’alléger ici autant que possible la procédure, sans pour autant porter atteinte au principe du contradictoire.

Seule exigence pour le juge : vérifier que la requête a été notifiée à la partie adverse, de sorte qu’elle ait eu l’opportunité de répondre.

D) Représentation

S’agissant de la représentation des parties, la procédure de rectification d’erreur ou d’omission matérielle obéit aux mêmes règles que celles ayant donné lieu à la décision rendue.

Aussi, selon les cas, la représentation par avocat sera obligatoire ou facultative. À cet égard, la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt du 11 avril 2019 que « la procédure en rectification de l’erreur matérielle affectant un jugement, même passé en force de chose jugée, est soumise aux règles de représentation des parties applicables à la procédure ayant abouti à cette décision » (Cass. 2e civ. 11 avr. 2019, n°18-11.073).

E) Régime de la décision rectificative

?Incorporation dans la décision initiale

Ainsi que le rappelle régulièrement la jurisprudence, la décision rectifiant une erreur ou une omission matérielle a vocation à s’incorporer à la décision initiale (Cass. 2e civ. 23 juin 2005, n°03-17.258).

Il en résulte qu’elle est assujettie aux mêmes règles que le jugement sur lequel elle porte. Plus précisément elle en emprunte tous les caractères.

Ainsi, la décision rendue donne lieu aux mêmes voies de recours que la décision rectifiée. Si cette dernière est rendue en dernier ressort, il en ira de même pour le jugement rectificatif (Cass. 2e civ. 30 janv. 1985).

Surtout, en cas d’exercice d’une voie de recours contre la décision initiale, la décision rectificative subira le même sort, y compris s’agissant de l’issue de la procédure d’appel ou de cassation, dans la limite de ce qui a été réformé.

Autrement dit, en cas de réformation totale de la décision initiale, la décision rectificative s’en trouvera également anéantie (Cass. soc. 11 juill. 1985).

En revanche, lorsque la décision initiale n’est que partiellement réformée, la décision rectification ne sera anéantie que si elle porte sur des points remis en cause (Cass. soc. 18 mai 1994).

?Contenu et notification de la décision rectificative

Tout d’abord, la décision rectificative doit être motivée et viser les prétentions formulées par les parties.

La Cour de cassation a jugé en ce sens dans un arrêt du 21 février 2013, s’agissant d’une requête en rectification d’erreur matérielle (erreur de calcul au cas particulier), « tout jugement doit, à peine de nullité, exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; que cet exposé peut revêtir la forme d’un visa des conclusions des parties avec l’indication de leur date » (Cass. 2e civ. 21 févr. 2013, n°11-24.421).

Ensuite, l’article 462, al. 4e du CPC prévoit que la décision rectificative doit être notifiée comme le jugement. À défaut, elle ne sera pas opposable à la partie adverse.

À cet égard, la date de la notification tiendra lieu de point de départ au délai d’exercice des voies de recours. Elle devra, par ailleurs, être réalisée selon les mêmes modalités que la décision initiale.

Enfin, le texte ajoute que « la décision rectificative est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. »

Cette mention ne figurera néanmoins que sur les décisions rectifiées, celle-ci étant sans objet en cas de rejet du recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle.

?Voies de recours

Il y a lieu ici de distinguer selon que le juge fait droit à la demande de rectification ou la rejette.

  • Le juge fait droit à la demande de rectification
    • S’agissant de l’exercice d’une voie de recours contre la décision rectificative prise isolément, l’article 462, al. 5e dispose que « si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne peut être attaquée que par la voie du recours en cassation. »
    • Il se déduit de cette disposition qu’une voie de recours ne peut être exercée qu’à la condition que la décision rectification ne soit pas passée en force de chose jugée, faute de quoi seule la voie du pourvoi en cassation sera ouverte.
    • C’est là une différence avec la décision interprétative qui, à l’inverse, peut faire l’objet d’une voie de recours, quand bien même elle est passée en force de chose jugée (art. 461 CPC).
    • Pour le recours en rectification d’erreur ou d’omission matérielle, la question se pose alors de savoir à partir de quand la décision initiale est réputée être passée en force de chose jugée.
    • La réponse réside à l’article 500 du CPC qui prévoit que « à force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution ».
    • À cet égard, il conviendra de se placer à la date d’exercice du recours en rectification pour déterminer si la décision à rectifier est passée en force de chose jugée (Cass. 2e civ. 20 avr. 2017, n°16-12.121).
    • Enfin, il peut être observé que dans l’hypothèse où la décision initiale serait passée en force de chose jugée, la décision rectificative ne pourra faire l’objet d’un pourvoi en cassation qu’à la condition que la décision rectifiée puisse elle-même faire l’objet d’un tel recours (Cass. 2e civ. 7 juin 2018, n°17-18.722).
  • Le juge rejette la demande de rectification
    • Dans cette hypothèse, il y a lieu d’appliquer le droit commun des voies de recours, l’article 462, al. 5e n’étant applicable qu’aux seules décisions rectificatives (Cass. 2e civ. 26 oct. 1983, n°82-70.123).
    • Les décisions qui rejettent une demande de rectification d’une erreur ou d’une omission matérielle sont dès lors susceptibles d’être frappée d’appel, alors même qu’elles sont passées en force de chose jugée.
  1. J. Heron et Th. Le Bars, Droit judiciaire privé ?
  2. Wiederkehr, Décision rectificative d’une erreur ou d’une omission matérielle, RGDP 1999, 209 ?

La convention de procédure participative: régime juridique

==> Vue générale

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

Cette procédure comporte, à l’examen, deux phases :

  • Première phase : la conclusion de la convention de procédure participative
  • Seconde phase : la mise en œuvre de la convention de procédure participative

I) La conclusion de la convention de procédure participative

A) Les conditions de la convention

Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu’une convention de procédure participative puisse être conclue.

1. Conditions du droit commun des contrats

La convention de procédure participative est un contrat. À ce titre, sa validité est soumise au respect des conditions du droit commun des contrats.

Pour mémoire, l’article 1128 du Code civil dispose que sont nécessaires à la validité d’un contrat :

  • Le consentement des parties ;
  • Leur capacité de contracter ;
  • Un contenu licite et certain.

La convention de procédure participative ne sera  donc valide qu’à la condition que ces trois conditions soient remplies, au premier rang desquelles figure la capacité à contracter.

  1. L’assistance obligatoire d’un avocat

L’article 2064 du Code civil dispose que « toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative »

Il ressort de cette disposition que la conclusion d’une convention de procédure participative est subordonnée à l’assistance de chaque partie par un avocat.

À cet égard, l’article 4, al. 3 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoit que « nul ne peut, s’il n’est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil. »

L’exigence posée par l’article 2064 du Code civil s’explique par la volonté du législateur de voir la conduite de la procédure participative assurée par des auxiliaires de justice, ce que sont les avocats, et qui donc ont vocation à conseiller et assister les parties dans leur démarche de résolution amiable du différend qui les oppose.

Surtout, la présence des avocats permet d’assurer la sécurité juridique des actes susceptibles d’être rédigés dans le cadre de la procédure participative, notamment au moyen de l’acte d’avocat

L’article 1374 dispose en ce sens que « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. »

L’article 66-3-1 de la loi du 31 décembre 1971 ajoute que « en contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte. »

Il peut enfin être observé que l’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’avocat prévoit que, de manière générale, « l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties ».

Il incombe également à l’avocat, de refuser « de participer à la rédaction d’un acte ou d’une convention manifestement illicite ou frauduleuse. »

Ainsi, en confiant aux avocats la mission de conduire la procédure participative, le législateur a-t-il voulu qu’un contrôle soit exercé sur sa régularité et qu’il soit veillé à l’équilibre des intérêts en présence.

  1. Droits dont les parties ont la libre disposition

==> Principe

L’article 2064 du Code civil dispose que « toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition. »

Les droits dont les parties ont la libre disposition sont tous ceux sur lesquels, elles peuvent transiger ou auxquels elles peuvent renoncer.

À l’inverse, les droits indisponibles sont, si l’on se réfère à l’article 6 du Code civil, tous ceux qui « intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ». Tel est notamment le cas des droits qui portent sur des choses hors du commerce ou qui sont relatifs à l’état des personnes.

==> Tempérament

L’article 2064 du Code civil apporte un tempérament au domaine d’application de la procédure participative.

Si, en effet, il peut être recouru à cette procédure par les époux dans le cadre d’une procédure de divorce ou de séparation de corps, les suites de la convention qu’ils auront conclue seront régies par les règles prévues au titre VI du livre Ier relatif au divorce et non par celles énoncées à l’article 2066 du Code civil.

B) Le contenu de la convention

  1. Un écrit

L’article 2063 du Code civil exige que la convention de procédure participative soit régularisée par écrit. Cette exigence est sanctionnée par la nullité de l’acte.

Elle se justifie pour plusieurs raisons :

  • Conserver la preuve de l’existence de la convention et de son contenu
  • Archiver la convention au rang des minutes
  • Permettre au juge, en cas d’échec des négociations, de prendre connaissance :
    • de l’objet du différend qui oppose les parties ainsi que son étendue
    • du contenu des négociations et des pièces échangées
  1. Les mentions obligatoires

L’article 2063 du Code civil exige, outre l’établissement d’un écrit, que la convention contienne, à peine de nullité :

  • Son terme
  • L’objet du différend
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

L’article 1545 du CPC ajoute que « outre les mentions prévues à l’article 2063 du code civil, la convention de procédure participative mentionne les noms, prénoms et adresses des parties et de leurs avocats. »

==> Sur l’identité des parties et des avocats

L’article 1545 exige donc, à peine de nullité, que mention soit faite dans la convention de l’identité civile des parties mais également de leurs avocats.

  • S’agissant de l’identité des parties, il conviendra de mentionner
    • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance
    • Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l’organe qui les représente légalement ;
  • S’agissant des avocats des parties, il conviendra de mentionner
    • Les nom, prénoms, qualité, Barreau de rattachement ainsi que le siège social de leur cabinet

==> Sur la durée de la convention

L’article 2062 du Code civil dispose que la convention de procédure participative ne peut être conclue que pour une durée déterminée.

À cet égard, la mention de son terme est exigée à peine de nullité, comme énoncé par l’article 2063.

L’article 1546 du Code de procédure civile autorise une prorogation du terme de la convention en prévoyant que « la convention de procédure participative est modifiée dans les mêmes formes que celles prévues pour son établissement. »

L’objet visé ici est double :

  • Laisser aux parties la maîtrise du temps
  • Limiter le temps des négociations qui ne doivent pas s’étirer dans la durée au risque de ne jamais sortir du processus

Surtout, le terme de la convention est un marqueur temporel pour les parties en ce qu’il a une incidence sur :

  • La recevabilité de l’action en justice susceptible d’être engagée par les parties
    • L’article 2065 du Code civil prévoit que « tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative conclue avant la saisine d’un juge rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. »
    • Ainsi, pendant toute la durée de la convention les parties sont irrecevables à saisir le juge pour faire trancher leur différend, sauf inexécution de la convention par l’une des parties.
  • La prescription de l’action en justice susceptible d’être engagée par les parties
    • L’article 2238 du Code civil dispose que « la prescription est […] suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative»
    • Le délai de prescription recommencera à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

==> Sur l’objet du différend

Il appartient aux parties de soigneusement délimiter l’objet de leur différend, car tout ce qui ne sera pas compris dans cet objet pourra faire l’objet d’une action en justice.

À l’inverse, en cas d’échec des négociations, le juge ne pourra statuer que sur les points qui relèvent du périmètre du litige déterminé dans la convention

Il y a donc lieu pour les parties d’être particulièrement exhaustives et appliquées dans la rédaction de la clause relative à l’objet de la convention.

==> Sur les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange

L’article 2063 du Code civil exige que les parties énoncent, dans la convention, la liste des pièces échangées entre elles, les informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige ainsi que les modalités des leurs échanges.

  • Sur les pièces échangées par les parties et les informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige
    • L’article 2062 du Code civil exige que les négociations se déroulent dans la bonne foi et la loyauté, comme exigé par l’article.
    • Tel est l’objectif recherché par l’obligation faite aux parties d’énoncer dans la convention les pièces échangées ainsi que toutes les informations nécessaire à la résolution du différend ou à la mise en état du litige
    • Ces échanges de pièces et d’informations entre les parties permettent, au surplus, d’instaurer entre elles un climat de confiance qui favorise la conclusion d’un accord
  • Sur les modalités des échanges qui se tiennent entre les parties
    • L’obligation d’énoncer dans la convention les modalités d’échanges entre les parties consiste à prévoir selon quelles formalités et par qui les pièces et informations seront échangées.
    • À cet égard, l’article 1545 du CPC prévoit que « la communication des prétentions et des moyens en fait et en droit, des pièces et informations entre les parties se fait par l’intermédiaire de leurs avocats selon les modalités prévues par la convention ; ceux-ci les portent à la connaissance des intéressés par tous moyens appropriés. Un bordereau est établi lorsqu’une pièce est communiquée.»
    • Il ressort de cette disposition que :
      • D’une part, les échanges de pièces et informations doivent nécessairement intervenir par l’entremise des avocats
      • D’autre part, les éléments transmis selon cette modalité concernent les prétentions, les moyens et les pièces, ainsi que toutes les informations qui intéressent le dossier
      • Enfin, les pièces communiquées doivent être numérotées et listées dans un bordereau
      • Au surplus, les parties peuvent prévoir dans la convention les délais de communication des pièces échangées, ainsi que la fréquence des échanges, soit, par exemple, au fur et à mesure de la mise en état conventionnelle à des dates déterminées à l’issue de chaque rencontre

==> Sur les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir

L’article 2063, 4° prévoit que la convention de procédure participative doit comporter, « le cas échéant, les actes contresignés par avocats que les parties s’accordent à établir ».

De véritables actes de procédure d’avocats peuvent ainsi être régularisés dans le cadre de la procédure participative.

L’acte de procédure d’avocats a été défini par le groupe de travail présidé par le magistrat Renaud Le Breton de Vannoise comme « un acte signé par les avocats des parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, visant à définir l’objet de la preuve et à administrer celle-ci, conjointement et de bonne foi ».

Il prend ainsi la forme d’un acte contresigné par un avocat, au sens du Chapitre Ier bis de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

À cet égard, dans son rapport sur le juge du XXIème siècle, M. Pierre Delmas-Goyon a identifié plusieurs sortes d’actes de procédure d’avocat :

  • Les actes de constatation (déplacement sur les lieux, constatations matérielles en présence d’un sachant…)
  • Les actes de certification des pièces détenues par les parties, les actes d’enquête (auditions, consultations de techniciens…)
  • Les actes de désignation (d’un sachant, d’un médiateur…)

Ces actes permettent aux parties de s’accorder sur certains éléments de l’administration de la preuve.

Afin de sécuriser cette extension du champ de la convention de procédure participative à la mise en état du litige, une liste des actes de procédure sur lesquels les parties peuvent s’accorder est énoncée à l’article 1546-3 du CPC.

Cette disposition prévoit que, par actes contresignés par avocats précisés dans la convention de procédure participative, les parties peuvent notamment :

  • Énumérer les faits ou les pièces qui ne l’auraient pas été dans la convention, sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent ;
  • Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;
  • Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
  • Recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 ;
  • Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le cas échéant, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement ;
  • Consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter ;
  • Consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation. L’acte contient les mentions prévues au deuxième alinéa de l’article 202. Le témoin fait précéder sa signature de la mention prévue au troisième alinéa du même article ;
  • Consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats.

Manifestement, les actes de procédure d’avocats vont permettre aux parties de procéder elles-mêmes à des constats, des expertises, des auditions… sans attendre que le juge les ordonne, gagnant ainsi un temps précieux et allégeant d’autant la charge des juridictions.

Cette procédure permet donc d’« affiner » le litige avant sa transmission au juge permettant ainsi un traitement judiciaire plus efficace et plus rapide.

En tout état de cause, dès lors que les parties envisagent de procéder, dans le cadre de la mise en état conventionnelle, par voie d’actes d’avocats, ils devront, au préalable, le préciser dans la convention de procédure participative et déterminer de façon précise les actes qu’ils seront autorisés à établir.

==> Répartition des frais

Dernier élément qui doit être prévu par la convention: la répartition des frais générés par la procédure participative.

L’article 1545, al. 3 du CPC dispose en ce sens que « la convention fixe également la répartition des frais entre les parties sous réserve des dispositions de l’article 123-2 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 lorsque l’une des parties bénéficie de l’aide juridictionnelle. »

À défaut de précision dans la convention, les frais de la procédure participative sont partagés entre les parties à parts égales.

  1. La date de la convention

Afin de conférer une date certaine à la convention de procédure participative qui serait conclue par acte sous seing privé, les parties disposent de la faculté de la faire enregistrer

L’enregistrement et l’archivage de la convention pourront notamment être effectués auprès du service e-Barreau.

C) Les effets de la convention

La conclusion d’une convention de procédure participative produit plusieurs effets :

==> Irrecevabilité de toute demande en justice

  • Principe
    • L’article 2065 du Code civil dispose que « tant qu’elle est en cours, la convention de procédure participative conclue avant la saisine d’un juge rend irrecevable tout recours au juge pour qu’il statue sur le litige. »
    • Ainsi, la conclusion d’une telle convention fait obstacle à l’introduction par les parties d’une demande en justice aux fins de faire trancher leur litige, à tout le moins dans les limites de l’objet défini dans la convention.
    • Cette règle s’inspire de la position adoptée par la Cour de cassation en matière de conciliation et de médiation conventionnelles (V. en ce sens ch. Mixte, 14 févr. 2003, n°00-19423 et Cass. 1ère civ. 8 avr. 2009, n°08-10866)
  • Exceptions
    • Plusieurs exceptions au principe d’irrecevabilité de la demande en justice en cas de conclusion d’une procédure participative sont prévues par l’article 2065 du Code civil
      • L’inexécution de la convention
        • Le texte prévoit que « l’inexécution de la convention par l’une des parties autorise une autre partie à saisir le juge pour qu’il statue sur le litige. »
        • Ainsi, en cas de manquement par l’une des parties à la convention, elle pourra saisir le Juge avant son terme
      • L’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
        • L’article 2065 dispose que « en cas d’urgence, la convention ne fait pas obstacle à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties. »
        • Il sera donc toujours possible pour une partie de prévenir un dommage ou l’insolvabilité de son contradicteur, en sollicitant du Juge l’adoption de mesures provisoires ou conservatoires
        • Il lui faudra néanmoins démontrer l’urgence de la situation, faute de quoi sa demande demeurera irrecevable

==> Renonciation aux fins de non-recevoir et exception de procédure

L’article 1546-1 du CPC dispose que « la signature d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état vaut renonciation de chaque partie à se prévaloir d’une fin de non-recevoir, de toute exception de procédure et des dispositions de l’article 47 du présent code, à l’exception de celles qui surviennent ou sont révélées postérieurement à la signature de la convention de procédure participative. »

La conclusion de procédure participative a ainsi pour effet de purger la procédure de son contentieux accessoire relatif :

  • Aux fins de non-recevoir ( 122 à 126 CPC)
  • Aux exceptions de procédures ( 73 à 121 CPC)
  • À la saisine d’une juridiction lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige ( 47 CPC)

Cette renonciation ne vaut néanmoins que pour les fins de non-recevoir ou exceptions de procédures qui se sont révélées antérieurement à la conclusion de la convention.

==> Retrait du rôle et fixation d’une date d’audience

L’article 1546-1 du CPC prévoit que lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande fixer une date d’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Ces dernières auront ainsi jusqu’à la date d’audience de clôture pour mettre conventionnellement leur affaire en état d’être jugée

==> Interruption de l’instance

L’article 369 du CPC dispose que « l’instance est interrompue par […] la conclusion d’une convention de procédure participative aux fins de mise en état y compris en cas de retrait du rôle. »

L’interruption de l’instance a pour effet de faire obstacle à la poursuite des débats. Plus aucun acte ne donc peut être accompli.

Bien que le juge demeure saisi de l’affaire (art. 376 CPC), l’instance pendante devant lui n’est plus considérée comme étant en cours (Cass. com., 17 juill. 2001, n° 98-19.258).

Surtout, l’article 372 du CPC précise que « les actes accomplis et les jugements même passés en force de chose jugée, obtenus après l’interruption de l’instance, sont réputés non avenus à moins qu’ils ne soient expressément ou tacitement confirmés par la partie au profit de laquelle l’interruption est prévue. »

Autrement dit, tous les actes de procédure qui seraient accomplis au mépris de l’interruption d’instance sont privés d’effets, sauf à ce qu’ils soient couverts par la partie à la faveur de laquelle l’instance est interrompue.

À cet égard, l’article 392 du CPC précise que « l’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption. »

==> Suspension de la prescription extinctive

L’article 2238 du Code civil dispose que « la prescription est […] suspendue à compter de la conclusion d’une convention de procédure participative »

Le délai de prescription recommencera à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois.

==> Interruption des délais en appel

L’article 1546-2 du CPC prévoit que devant la cour d’appel, l’information donnée au juge de la conclusion d’une convention de procédure participative entre toutes les parties à l’instance d’appel interrompt les délais impartis pour conclure et former appel incident mentionnés aux articles 905-2 et 908 à 910 du CPC.

L’interruption de ces délais produit ses effets jusqu’à l’information donnée au juge de l’extinction de la procédure participative (art. 1546-2 CPC).

II) La mise en œuvre de la convention de procédure participative

Il ressort de l’article 1543 du CPC que la procédure participative comporte deux phases :

  • Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
  • Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé

A) La procédure conventionnelle

L’article 1544 du CPC prévoit que « les parties, assistées de leurs avocats, œuvrent conjointement, dans les conditions fixées par convention, à un accord mettant un terme au différend qui les oppose ou à la mise en état de leur litige. »

Il ressort de cette disposition que la phase conventionnelle de la procédure participative peut s’inscrire dans deux cadres bien distincts :

  • Soit en dehors de toute instance, l’objectif recherché par les parties étant de trouver un accord amiable
  • Soit en cours d’instance, l’objectif recherché par les parties étant la mise en état de l’affaire

Dans les deux cas, quel que soit l’objectif poursuivi par les parties, l’article 2062 du Code civil leur commande d’œuvrer conjointement et de bonne foi.

  1. La conduite de la procédure

La procédure participative étant, dans sa première phase, de nature conventionnelle sa conduite est, par hypothèse, assurée par les parties, à tout le moins par l’entremise de leurs avocats.

Outre les termes de la convention qui a pour objet de régler les modalités de mise en état du litige ou de conduite des discussions, elles peuvent recourir à plusieurs outils procéduraux encadrés par les textes au nombre desquels figurent notamment, l’accomplissement d’actes d’avocats ou encore le recours à un technicien.

==> L’accomplissement d’actes d’avocats :

Lorsque la convention le prévoit, les parties disposent de la faculté d’accomplir des actes de procédure d’avocats aux fins de :

  • Énumérer les faits ou les pièces qui ne l’auraient pas été dans la convention, sur l’existence, le contenu ou l’interprétation desquels les parties s’accordent ;
  • Déterminer les points de droit auxquels elles entendent limiter le débat, dès lors qu’ils portent sur des droits dont elles ont la libre disposition ;
  • Convenir des modalités de communication de leurs écritures ;
  • Recourir à un technicien selon les modalités des articles 1547 à 1554 ;
  • Désigner un conciliateur de justice ou un médiateur ayant pour mission de concourir à la résolution du litige. L’acte fixe la mission de la personne désignée, le cas échéant, le montant de sa rémunération et ses modalités de paiement ;
  • Consigner les auditions des parties, entendues successivement en présence de leurs conseils, comportant leur présentation du litige, leurs prétentions, les questions de leurs avocats ainsi que leurs réponses et les observations qu’elles souhaitent présenter ;
  • Consigner les déclarations de toute personne acceptant de fournir son témoignage sur les faits auxquels il a assisté ou qu’il a personnellement constatés, recueillies ensemble par les avocats, spontanément ou sur leur interrogation. L’acte contient les mentions prévues au deuxième alinéa de l’article 202. Le témoin fait précéder sa signature de la mention prévue au troisième alinéa du même article ;
  • Consigner les constatations ou avis donnés par un technicien recueillis ensemble par les avocats.

Cette faculté de recourir à l’acte d’avocats est ouverte aux parties à un litige ayant ou non donné lieu à la saisine d’une juridiction, en dehors ou dans le cadre d’une procédure participative.

==> Le recours à un technicien

Dans le cadre de la procédure participative, les parties désignent, de concert des techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.

À cet égard, le recours par les parties à un technicien est régi par les articles 1547 à 1554 du CPC, étant précisé que, en application de l’article 1546-3 du CPC, les constatations formulées par ce technicien pourront faire l’objet d’une consignation par acte d’avocats.

  • La désignation du technicien
    • En application de l’article 1547 du CPC lorsque les parties envisagent de recourir à un technicien, elles le choisissent d’un commun accord et déterminent sa mission.
    • Il s’agit ici d’assurer la légitimité de la désignation afin qu’elle ne puisse pas être remise en cause.
    • À cet égard, lorsque le technicien accepte sa mission il doit de révéler toute circonstance susceptible d’affecter son indépendance afin que les parties en tirent les conséquences qu’elles estiment utiles.
    • Ainsi, doit-il faire état de l’existence de toute situation de conflit d’intérêts dans laquelle il est susceptible de se trouver.
    • Quant à la rémunération du technicien, il est rémunéré par les parties selon les modalités convenues entre eux.
  • La mission du technicien
    • Objet de la mission
      • L’objet de la mission confiée au technicien est défini dans le contrat régularisé avec les parties qui en fixe le périmètre.
      • L’article 1550 du CPC précise que, à la demande du technicien ou après avoir recueilli ses observations, les parties peuvent modifier la mission qui lui a été confiée ou confier une mission complémentaire à un autre technicien.
    • Déroulement de la mission
      • L’article 1549 du CPC prévoit que le technicien commence ses opérations dès que les parties et lui-même se sont accordés sur les termes de leur contrat.
      • Il doit accomplir sa mission avec conscience, diligence et impartialité, dans le respect du principe du contradictoire.
      • Cette exigence se justifie par la possibilité, pour les parties, de produire le rapport en justice (art. 1554, al. 2e CPC)
      • Afin que le technicien puisse mener à bien sa mission, l’article 1551 du CPC exige des parties qu’elles lui communiquent les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission.
      • À cet égard, en application de l’article 1552, tout tiers intéressé peut, avec l’accord des parties et du technicien, intervenir aux opérations menées par celui-ci.
      • Le technicien l’informe qu’elles lui sont alors opposables.
      • En cas d’inertie d’une partie qui empêche le technicien de mener à bien sa mission, il dispose de la faculté convoque l’ensemble des parties en leur indiquant les diligences qu’il estime nécessaires.
      • Dans l’hypothèse où la partie à l’origine de la difficulté d’exécution de la mission du technicien, ne défère pas à sa demande, il est autorisé à poursuivre sa mission à partir des seuls éléments dont il dispose.
  • La fin de la mission
    • La mission du technicien prend fin dans deux cas :
      • Achèvement des opérations
        • La mission du technicien prend fin lorsque les opérations menées par lui sont, conformément aux termes du contrat, achevées.
        • À l’issue des opérations, le technicien remet un rapport écrit aux parties, et, le cas échéant, au tiers intervenant.
        • Ce rapport peut être produit en justice.
      • Révocation du technicien
        • La mission du technicien peut prendre fin en cas de révocation de celui-ci.
        • Cette révocation ne peut intervenir que si les parties y consentent à l’unanimité.

2. L’issue de la procédure conventionnelle

En substance, la procédure participative peut avoir pour issue :

  • Soit l’adoption d’un accord
  • Soit l’absence d’accord

==> L’absence d’accord

À l’issue de la procédure participative, les parties peuvent ne pas avoir trouvé d’accord sur le différend qui les oppose.

Cette absence d’accord entre les parties met fin à la procédure participative :

  • Soit en cas d’arrivée du terme de la convention
  • Soit en cas de résiliation anticipée de la convention par les parties assistées de leurs avocats
  • Soit en cas d’inexécution par l’une des parties de la convention
  • Soit en cas de saisine du Juge dans le cadre d’une procédure participative aux fins de mise en état, aux fins de statuer sur un incident, sauf si la saisine émane de l’ensemble des parties

Cette absence d’accord ouvre aux parties deux options : renoncer à leurs prétentions respectives ou saisir le juge pour trancher leur différend.

Dans cette dernière hypothèse, il leur appartiendra d’établir un acte constatant la persistance de tout ou partie du différend.

==> L’adoption d’un accord

À l’issue de la procédure participative, les parties sont susceptibles de trouver un accord qui peut être soit total, soit partiel.

  • Lorsque l’accord trouvé est total, l’article 1555, 3° du CPC prévoit qu’il s’agit là d’une cause d’extinction de la procédure.
  • Lorsque l’accord trouvé est partiel, les parties disposent de la faculté de faire trancher par le juge le différend résiduel

En tout état de cause, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.

Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

Parce que l’accord est régularisé au moyen d’un acte d’avocat, il fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause.

À cet égard, les avocats des parties sont tenus à une obligation de résultat quant à l’efficacité de l’acte.

L’article 7.2 du Règlement Intérieur National de la Profession d’avocat prévoit en ce sens que, de manière générale, « l’avocat rédacteur d’un acte juridique assure la validité et la pleine efficacité de l’acte selon les prévisions des parties ».

Une fois l’accord régularisé par acte d’avocat, les parties disposent de la faculté de le soumettre, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée.

B) La procédure aux fins de jugement

La procédure aux fins de jugement est régie par des dispositions communes qui s’appliquent quel que soit le cadre dans lequel le juge est saisi.

Des règles spécifiques encadrent ensuite la procédure aux fins de jugement, selon que la demande s’inscrit dans le cadre d’une mise en état conventionnelle de l’affaire ou de la résolution d’un litige.

  1. Tronc procédural commun

==> Juridiction compétente

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Si, dès lors, l’accord porte sur un litige de nature commerciale, c’est le Tribunal de commerce qui sera compétent pour connaître de son homologation.

Si, en revanche, le différend qui opposait les parties présente un caractère civil, c’est le Tribunal judiciaire qui devra être saisi.

Il convient ainsi de se reporter aux règles qui régissent les compétences d’attribution des différentes juridictions.

==> Demande

L’article 1566 du CPC prévoit que la demande est formée par voie de requête, laquelle peut, être, selon les cas, soit conjointe, soit unilatérale.

==> Pouvoirs du juge

L’article 1565, al. 2 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. » Aussi ne peut-il que se borner à constater l’accord, après quoi il lui appartient de l’homologuer.

Tout au plus, l’article 1566 autorise le juge à entendre les parties s’il l’estime nécessaire. Il le fera lorsqu’il aura un doute sur les termes de l’accord conclu entre les parties.

==> Décision du juge

Lorsque l’accord est homologué par le juge, la décision a pour effet de rendre cet accord exécutoire.

Pratiquement, cela signifie que, en cas défaillance de l’une des parties, l’autre disposera d’un titre exécutoire qui lui permettra de solliciter auprès d’un huissier de justice l’exécution forcée de l’accord.

==> Voies de recours

L’article 1566, al. 3 du CPC dispose que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.

Cet appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.

2. Règles spécifiques

L’article 1556 du CPC dispose que « à l’issue de la procédure conventionnelle et exception faite des demandes en divorce ou en séparation de corps sur lesquelles il est statué conformément aux dispositions de la section II du chapitre V du titre Ier du livre III, le juge peut être saisi de l’affaire ou celle-ci être rétablie à la demande d’une des parties, selon le cas, pour homologuer l’accord des parties mettant fin en totalité au différend ou au litige, pour homologuer un accord partiel des parties et statuer sur la partie du litige persistant ou pour statuer sur l’entier litige. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les parties empruntent la voie de la procédure aux fins de jugement il convient de distinguer deux situations :

  • La convention de procédure participative a été conclue, avant la saisine du juge, aux fins de résolution du litige
  • La convention de procédure participative a été conclue, après la saisine du juge, aux fins de mise en état de l’affaire

2.1 La convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige

Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige, le juge peut être saisi, à l’issue de la procédure conventionnelle, pour deux raisons bien distinctes :

  • Homologuer l’accord mettant fin à l’entier différend
  • Trancher le différend persistant qui oppose les parties

a) L’homologation de l’accord mettant fin à l’entier différend

==> Demande

L’article 1557 du CPC dispose que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément à l’article 1555 est présentée au juge par requête de la partie la plus diligente ou de l’ensemble des parties.

La requête peut donc être, soit unilatérale, soit conjointe. Selon le cas, elle devra comporter les mentions propres à la forme de requête retenue.

À cet égard, l’article 1557 du CPC précise que « lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la requête mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat. »

La requête devra ainsi comporter cette mention spécifique, faute de quoi la demande sera irrecevable.

Au surplus, et là encore à peine d’irrecevabilité,la requête doit être accompagnée de la convention de procédure participative qui constate les termes de l’accord, étant précisé que cet accord doit énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

==> Force exécutoire de l’accord

En application de l’article 1565 du CPC l’homologation par le juge de l’accord conclu entre les parties à pour effet de le rendre exécutoire.

La conséquence en est que cet accord, pourvu de la force exécutoire, constitue un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

En cas d’inexécution par l’une des parties des termes de l’accord, l’autre peut donc requérir un huissier de justice aux fins d’exécution forcée.

À défaut d’homologation de l’accord par le juge, celui-ci s’apparente à un acte sous seing privé insusceptible de fonder une mesure d’exécution forcée. Le créancier de l’obligation inexécutée sera donc contraint de saisir le juge pour obtenir un titre exécutoire. D’où l’intérêt de faire homologuer l’accord une fois conclu.

b) Trancher le différend persistant qui oppose les parties

Lorsque le différend entre les parties persisite au terme de la convention de procédure participative, elles disposent de la faculté de saisir le juge auquel il appartient de trancher.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel
  • La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Reste que dans les deux cas, les parties bénéficieront d’une instance accélérée, sauf modification de la demande initiale ou ajout de nouveaux moyens.

i) Règles communes : une instance accélérée

Les articles 1558 et 1559 prévoient que, lorsque le juge est saisi au terme d’une convention de procédure participative, l’instance est accélérée dans deux cas :

==> Premier cas : la dispense de tentative préalable de conciliation ou de médiation

L’article 1558 du Code civil prévoit que lorsque les règles de procédure applicables devant le juge saisi aux fins de statuer sur tout ou partie du litige sur le fondement du paragraphe 2 ou 3 de l’article 2066 du Code civil prévoient une tentative préalable de conciliation ou de médiation, l’affaire est directement appelée à une audience pour y être jugée.

À cet égard, l’article 2066 dispose que lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention conclue avant la saisine d’un juge, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue.

Ainsi, cette dispense a-t-elle pour conséquence d’opérer un renvoi de l’affaire directement en audience de jugement.

Tel sera le cas devant le Tribunal judiciaire en procédure orale.

==> Second cas : la dispense de mise en état de l’affaire

  • Principe
    • L’article 1559 du CPC dispose que devant le tribunal judiciaire et à moins que l’entier différend n’ait été soumis à la procédure de droit commun, l’affaire est directement appelée à une audience de jugement de la formation à laquelle elle a été distribuée.
    • Ainsi, là encore, au terme de la convention de procédure participative, l’affaire n’a pas vocation à emprunter le circuit classique qui consiste à la soumettre à une mise en état.
    • Elle est directement renvoyée à une audience de jugement, ce qui, pour les parties, constitue un gain de temps considérable
    • Tel sera notamment le cas en procédure écrite, soit pour les cas où la représentation par avocat est obligatoire
  • Exceptions
    • Deux exceptions à la dispense de mise en état sont prévues par l’article 1559 du CPC
      • Première exception
        • L’entier différend a, en amont, été soumis à la procédure de droit commun
        • Dans cette hypothèse, l’affaire devra emprunter le circuit classique et devra donc éventuellement faire l’objet d’une instruction si elle n’est pas en état d’être jugée
      • Seconde exception
        • L’article 1559 in fine dispose que l’affaire ne peut être renvoyée devant le juge de la mise en état que dans les cas prévus au deuxième et au troisième alinéa de l’article 1561.
        • Aussi, le renvoi devant le juge de la mise en état sera possible dans les situations suivantes :
          • Les parties modifient leurs prétentions, sauf à ce qu’il s’agisse
            • Soit d’actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive
            • Soit d’opposer un paiement ou une compensation ultérieur
            • Soit faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
          • Les parties modifient le fondement juridique de leur demande ou soulèvent de nouveaux moyens, sauf à ce qu’il s’agisse de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

ii) La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel

Lorsque les parties ont trouvé un accord seulement partiel à leur différend, plusieurs options s’offrent à elles :

  • Se limiter à la formaliser l’accord en établissant un acte sous seing privé
  • Faire seulement homologuer l’accord partiel par le juge selon la procédure prévue à l’article 1557 du CPC
  • Faire homologuer l’accord partiel par le juge et lui demander de trancher, dans le même temps, le différend résiduel

L’article 1556 du CPC envisage cette dernière hypothèse qui donc à mettre définitivement un terme au litige dans toutes ses composantes.

==> Saisine du juge

L’article 1560 du CPC prévoit que lorsque les parties ne sont parvenues qu’à un accord partiel, elles peuvent saisir le juge à l’effet qu’il statue sur le différend résiduel selon deux modalités différentes :

  • Soit selon la procédure applicable devant lui
  • soit par une requête conjointe

Lorsque la saine du juge s’opère par voie de requête conjointe, l’acte doit comporter un certain de mentions, outre celles visées à l’article 57 du CPC, au nombre desquelles figurent :

  • La signature des avocats ayant assisté les parties au cours de la procédure participative
  • Les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, dont elles peuvent demander au juge l’homologation dans la même requête ;
  • Les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

L’exigence ainsi posée est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête conjointe, irrecevabilité qui peut être soulevée d’office par le juge.

Par ailleurs, sous la même sanction, la requête doit être accompagnée de plusieurs éléments attachés en annexe :

  • La convention de procédure participative
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

==> Périmètre du litige

  • Principe
    • L’article 1561 du CPC prévoit que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles que formulées dans l’acte de saisine du juge.
    • Il ressort de cette disposition que ce sont les parties qui déterminent le périmètre du différend résiduel qu’elles soumettent au juge aux fins de jugement
    • Il s’agit là d’un rappel de l’article 4 du CPC qui pose le principe dispositif, soit le principe selon lequel ce sont les parties qui déterminent le contenu du procès
  • Exceptions
    • L’article 1561 du CPC pose deux limites à la liberté des parties de déterminer le périmètre du différend résiduel
      • Première limite
        • Les parties ne peuvent modifier leurs prétentions, si ce n’est pour actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive, opposer un paiement ou une compensation ultérieur ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
      • Seconde limite
        • Les parties ne peuvent modifier le fondement juridique de leur demande ou soulever de nouveaux moyens qu’en vue de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

iii) La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Au terme de la convention de procédure participative, les parties peuvent n’avoir trouvé aucun accord, de sorte que leur différend persiste dans son entier.

En pareil cas, elles disposent de la faculté de saisir le juge aux fins de jugement, selon la procédure prévue aux articles 1562 à 1564 du CPC

==> Saisine du juge

L’article 1562 du CPC dispose que lorsque le différend entre les parties persiste en totalité, le juge peut en connaître :

  • soit conformément aux règles régissant la procédure applicable devant lui ;
  • soit sur requête conjointe
  • soit sur requête unilatérale sur laquelle il statue suivant les règles applicables devant lui

==> Formalisme de la requête

Lorsque le Juge est saisi par voie de requête, plusieurs règles de forme énoncées par l’article 1563 du CPC doivent être observées par les parties.

  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe par l’avocat de la partie la plus diligente.
    • À peine d’irrecevabilité, ce dépôt doit intervenir dans un délai de trois mois suivant le terme de la convention de procédure participative.
  • Mentions obligatoires
    • Outre les mentions prescrites, à peine de nullité, par l’article 58, la requête doit :
      • D’une part, contenir un exposé des moyens de fait et de droit
      • D’autre part, être accompagnée de la liste
        • Des pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
        • Des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Constitution d’avocat
    • Devant le Tribunal judiciaire, dans les cas où la représentation est obligatoire, le dépôt de la requête au greffe doit contenir la constitution de l’avocat.

==> Notification

L’article 1563 du CPC prévoit que l’avocat qui procède au dépôt en informe la partie adverse elle-même ainsi que l’avocat l’ayant assisté au cours de la procédure conventionnelle, selon le cas, par notification ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La requête a été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la notification doit indiquer que la partie adverse doit constituer avocat dans un délai de quinze jours suivant cette notification.
  • La requête n’a pas été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, l’avocat du requérant est informé par le greffe, dès remise de la requête, de la date de la première audience utile à laquelle l’affaire sera appelée.
    • Cette date est alors portée à la connaissance de la partie adverse dans la notification qui doit être effectuée par l’avocat du requérant.

2.2 La convention de procédure participative a été conclue aux fins de mise en état

Lorsque la procédure participative a été mise en œuvre aux fins de mise en état de l’affaire, le dénouement est régi par les articles 1564-1 à 1564-7 du CPC.

Pour mémoire, l’article 1546-1 du CPC prévoit que lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande fixer une date d’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Ces dernières ont ainsi jusqu’à la date d’audience de clôture pour mettre conventionnellement leur affaire en état d’être jugée.

a) Rétablissement de l’affaire au rôle

À l’issue de la mise en état conventionnelle de l’affaire, l’article 1564-1 du CPC prévoit qu’elle est rétablie à la demande de l’une des parties.

Cela signifie donc que l’instance qui avait été suspendue, conformément à l’article 369 du CPC peut reprendre son cours.

La demande de rétablissement de l’affaire au rôle par les parties peut être formulée :

  • Soit pour que le juge homologue l’accord trouvé entre les parties
  • Soit pour que le juge homologue l’accord partiel et statue sur la partie du litige persistant
  • Soit pour que le juge statue sur l’entier litige après avoir, le cas échéant, mis l’affaire en état d’être jugée.

En tout état de cause, la demande de rétablissement de l’affaire au rôle doit être accompagnée de plusieurs éléments :

  • La convention de procédure participative conclue entre les parties
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

L’article 1564-7 du CPC précise en outre que lorsque l’examen de l’affaire a été renvoyé à l’audience de clôture de l’instruction en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 1546-1, les actes et pièces mentionnés aux articles 1564-1,1564-3 et 1564-4 sont communiqués au juge de la mise en état au plus tard à la date de cette audience.

Les parties devront ainsi être particulièrement vigilantes quant à l’observation de ce délai.

b) Dénouement de l’instance

Une fois l’affaire rétablie au rôle, l’instance peut reprendre son cours. Deux situations doivent alors être distinguées :

  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire est en état d’être jugée
  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire n’est pas en état d’être jugée

i) L’affaire est en état d’être jugée

Dans cette hypothèse, l’instance est régie par des règles qui diffèrent selon que les parties sont ou non parvenues à un accord au terme de la mise en état conventionnelle.

==> Les parties sont parvenues à un accord total sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise, pour les parties, à obtenir du juge une homologation de l’accord qu’elles ont trouvé.

À cet égard, l’article 1564-2 du CPC prévoit que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément aux dispositions de l’article 1555-1, est présentée au juge par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties.

Pour mémoire, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.

Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

Au surplus, lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la demande mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.

==> Les parties sont parvenues à un accord partiel sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise à obtenir du juge l’homologation de l’accord partiel et qu’il tranche le différend résiduel.

L’article 1564-3 du CPC exige alors que la demande de rétablissement soit accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats.

Cet acte doit formaliser les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, ainsi que les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

==> Les parties ne sont parvenues à aucun accord sur le fond du litige

Cette situation correspond à l’hypothèse où l’entier litige persiste faute d’accord entre les parties.

L’article 1564-4 prévoit alors que la demande de rétablissement est accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats, formalisant les prétentions respectives des parties, accompagnées des moyens en fait et en droit, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

ii) L’affaire n’est pas en état d’être jugée

Cette situation se rencontre lorsque la procédure participative aux fins de mise en état a, par hypothèse, échoué.

L’article 1564-5 du CPC en tire alors les conséquences en prévoyant que l’affaire est rétablie à la demande de la partie la plus diligente, pour être mise en état, conformément aux règles de procédure applicables devant le juge de la mise en état.

S’ouvre alors une nouvelle phase d’instruction qui, cette fois-ci, sera judiciaire, soit conduite non plus par les avocats des parties, mais par le Juge de la mise en état près la juridiction saisie.

Procédure participative aux fins de mise en état

==> Vue générale

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

Il ressort de l’article 1543 du CPC que la procédure participative comporte deux phases :

  • Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
  • Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé

Dans cette dernière phase, la procédure participative est conduite aux fins de jugement. Elle est alors régie par des dispositions communes qui s’appliquent quel que soit le cadre dans lequel le juge est saisi.

Des règles spécifiques encadrent ensuite la procédure aux fins de jugement, selon que la demande s’inscrit dans le cadre d’une mise en état conventionnelle de l’affaire ou de la résolution d’un litige.

I) Tronc procédural commun

==> Juridiction compétente

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Si, dès lors, l’accord porte sur un litige de nature commerciale, c’est le Tribunal de commerce qui sera compétent pour connaître de son homologation.

Si, en revanche, le différend qui opposait les parties présente un caractère civil, c’est le Tribunal judiciaire qui devra être saisi.

Il convient ainsi de se reporter aux règles qui régissent les compétences d’attribution des différentes juridictions.

==> Demande

L’article 1566 du CPC prévoit que la demande est formée par voie de requête, laquelle peut, être, selon les cas, soit conjointe, soit unilatérale.

==> Pouvoirs du juge

L’article 1565, al. 2 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. » Aussi ne peut-il que se borner à constater l’accord, après quoi il lui appartient de l’homologuer.

Tout au plus, l’article 1566 autorise le juge à entendre les parties s’il l’estime nécessaire. Il le fera lorsqu’il aura un doute sur les termes de l’accord conclu entre les parties.

==> Décision du juge

Lorsque l’accord est homologué par le juge, la décision a pour effet de rendre cet accord exécutoire.

Pratiquement, cela signifie que, en cas défaillance de l’une des parties, l’autre disposera d’un titre exécutoire qui lui permettra de solliciter auprès d’un huissier de justice l’exécution forcée de l’accord.

==> Voies de recours

L’article 1566, al. 3 du CPC dispose que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.

Cet appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.

II) Règles spécifiques

L’article 1556 du CPC dispose que « à l’issue de la procédure conventionnelle et exception faite des demandes en divorce ou en séparation de corps sur lesquelles il est statué conformément aux dispositions de la section II du chapitre V du titre Ier du livre III, le juge peut être saisi de l’affaire ou celle-ci être rétablie à la demande d’une des parties, selon le cas, pour homologuer l’accord des parties mettant fin en totalité au différend ou au litige, pour homologuer un accord partiel des parties et statuer sur la partie du litige persistant ou pour statuer sur l’entier litige. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les parties empruntent la voie de la procédure aux fins de jugement il convient de distinguer deux situations :

  • La convention de procédure participative a été conclue, avant la saisine du juge, aux fins de résolution du litige
  • La convention de procédure participative a été conclue, après la saisine du juge, aux fins de mise en état de l’affaire

Nous nous focaliserons ici sur la seconde situation.

Lorsque la procédure participative a été mise en œuvre aux fins de mise en état de l’affaire, le dénouement est régi par les articles 1564-1 à 1564-7 du CPC.

Pour mémoire, l’article 1546-1 du CPC prévoit que lorsque les parties et leurs avocats justifient avoir conclu une convention de procédure participative aux fins de mise en état, le juge peut, à leur demande fixer une date d’audience de clôture de l’instruction et une date d’audience de plaidoiries.

Ces dernières ont ainsi jusqu’à la date d’audience de clôture pour mettre conventionnellement leur affaire en état d’être jugée.

A) Rétablissement de l’affaire au rôle

À l’issue de la mise en état conventionnelle de l’affaire, l’article 1564-1 du CPC prévoit qu’elle est rétablie à la demande de l’une des parties.

Cela signifie donc que l’instance qui avait été suspendue, conformément à l’article 369 du CPC peut reprendre son cours.

La demande de rétablissement de l’affaire au rôle par les parties peut être formulée :

  • Soit pour que le juge homologue l’accord trouvé entre les parties
  • Soit pour que le juge homologue l’accord partiel et statue sur la partie du litige persistant
  • Soit pour que le juge statue sur l’entier litige après avoir, le cas échéant, mis l’affaire en état d’être jugée.

En tout état de cause, la demande de rétablissement de l’affaire au rôle doit être accompagnée de plusieurs éléments :

  • La convention de procédure participative conclue entre les parties
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

L’article 1564-7 du CPC précise en outre que lorsque l’examen de l’affaire a été renvoyé à l’audience de clôture de l’instruction en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 1546-1, les actes et pièces mentionnés aux articles 1564-1,1564-3 et 1564-4 sont communiqués au juge de la mise en état au plus tard à la date de cette audience.

Les parties devront ainsi être particulièrement vigilantes quant à l’observation de ce délai.

B) Dénouement de l’instance

Une fois l’affaire rétablie au rôle, l’instance peut reprendre son cours. Deux situations doivent alors être distinguées :

  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire est en état d’être jugée
  • À l’issue de la procédure participative, l’affaire n’est pas en état d’être jugée

1. L’affaire est en état d’être jugée

Dans cette hypothèse, l’instance est régie par des règles qui diffèrent selon que les parties sont ou non parvenues à un accord au terme de la mise en état conventionnelle.

==> Les parties sont parvenues à un accord total sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise, pour les parties, à obtenir du juge une homologation de l’accord qu’elles ont trouvé.

À cet égard, l’article 1564-2 du CPC prévoit que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément aux dispositions de l’article 1555-1, est présentée au juge par la partie la plus diligente ou l’ensemble des parties.

Pour mémoire, l’article 1555-1 du CPC prévoit que l’accord conclu entre les parties doit être constaté par écrit dans un acte sous seing privé établi sans les conditions de l’article 1374 du Code civil, soit contresigné par les avocats de chacune des parties.

Surtout cet accord doit alors énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

Au surplus, lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la demande mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat.

==> Les parties sont parvenues à un accord partiel sur le fond du litige

Dans cette hypothèse, le rétablissement de l’affaire au rôle vise à obtenir du juge l’homologation de l’accord partiel et qu’il tranche le différend résiduel.

L’article 1564-3 du CPC exige alors que la demande de rétablissement soit accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats.

Cet acte doit formaliser les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, ainsi que les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

==> Les parties ne sont parvenues à aucun accord sur le fond du litige

Cette situation correspond à l’hypothèse où l’entier litige persiste faute d’accord entre les parties.

L’article 1564-4 prévoit alors que la demande de rétablissement est accompagnée d’un acte sous signature privée contresigné par avocats, formalisant les prétentions respectives des parties, accompagnées des moyens en fait et en droit, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

En application de l’article 1564-6 du CPC l’affaire est fixée à bref délai.

2. L’affaire n’est pas en état d’être jugée

Cette situation se rencontre lorsque la procédure participative aux fins de mise en état a, par hypothèse, échoué.

L’article 1564-5 du CPC en tire alors les conséquences en prévoyant que l’affaire est rétablie à la demande de la partie la plus diligente, pour être mise en état, conformément aux règles de procédure applicables devant le juge de la mise en état.

S’ouvre alors une nouvelle phase d’instruction qui, cette fois-ci, sera judiciaire, soit conduite non plus par les avocats des parties, mais par le Juge de la mise en état près la juridiction saisie.

La procédure participative aux fins de résolution du litige

==> Vue générale

Inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, la procédure participative est une procédure de négociation entre les parties, conduite par leurs avocats, en vue de régler leur différend.

La loi n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires a introduit dans le Code de procédure civile la procédure participative, nouveau mode de résolution des conflits.

Puis, le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends a créé les articles 1542 à 1568 du code de procédure civile.

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a, par suite, permis que la procédure participative puisse être mise œuvre en cours d’instance aux fins de mise en état de l’affaire.

À cet égard, l’article 2062 du code civil, définit la convention de procédure participative comme « une convention par laquelle les parties à un différend s’engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige.».

Les parties qui signent ce type de convention s’engagent donc, pour une durée déterminée, à tout mettre en œuvre pour résoudre leur conflit.

==> Intérêts de la procédure participative

Le recours à la procédure participative présente plusieurs intérêts pour les parties :

  • Écarter les risques liés à l’aléa judiciaire
    • L’un des principaux intérêts pour les parties de recourir à la procédure participative est d’écarter, à tout le moins de limiter, le risque d’aléa judiciaire
    • Confier au juge la tâche de trancher un litige, c’est s’exposer à faire l’objet d’une condamnation
    • En effet, le juge tranche le litige qui lui est soumis en fonction, certes des éléments de preuve produits par les parties
    • Ces éléments doivent néanmoins être appréciés par lui, sans compter qu’il tranchera toujours, en définitive, selon son intime conviction.
    • Or par hypothèse, cette intime conviction est difficilement sondable
    • Il y a donc un aléa inhérent à l’action en justice auxquelles les parties sont bien souvent avisées de se soustraire.
    • À cette fin, elles sont libres d’emprunter, au civil, la voie de la résolution amiable des différends au rang desquels figure la procédure participative fait partie
  • Maîtrise de la procédure
    • Le recours à la procédure participative ne permet pas seulement d’écarter le risque d’aléa judiciaire, il permet également aux parties de s’approprier la procédure, d’en définir les termes.
    • Dans le cadre de cette procédure, il appartient, en effet, aux parties assistées par leurs avocats, de définir l’approche des négociations à intervenir et le calendrier de travail en fonction de leurs besoins et des spécificités du dossier
    • Elles peuvent également désigner, de concert, les techniciens qui ont vocation à diligenter des expertises, ce qui permet une meilleure acceptabilité des constats rendus, tout en renforçant la légitimité de l’intervention sollicitée.
  • Réduire les flux de dossiers traités par les juridictions
    • L’assouplissement des conditions de mise en œuvre des procédures de résolution amiable des litiges n’est pas seulement commandé par le souci de responsabiliser les parties, il vise également à désengorger les juridictions qui peinent à traiter dans un temps raisonnable les litiges qui leur sont soumis.
    • Ainsi que le relève le Rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile piloté par Frédérique Agostini et Nicolas Molfessis « les réformes successives ont doté le juge chargé de la mise en état de l’affaire, tant en procédure écrite qu’en procédure orale, de pouvoirs lui permettant de rythmer la mise en état de l’affaire avec pour objectif d’en permettre le jugement au fond dans un délai raisonnable adapté à chaque affaire. Toutefois, compte tenu de l’insuffisance des moyens alloués aux juridictions civiles, la mise en état a pour objet premier de gérer les flux et les stocks pour les adapter à la capacité de traitement des formations civiles, les juges considérant ne pas être en capacité de faire une mise en état intellectuelle des affaires».
    • C’est la raison pour laquelle il y a lieu d’inviter les parties au plus tôt dans la procédure d’emprunter la voie de la procédure conventionnelle, la procédure aux fins de jugement ne devant être envisagée qu’à titre subsidiaire.

Fort de ce constat, en adoptant la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le législateur s’est donné pour tâche de développer la culture du règlement alternatif des différends.

Cette volonté a été traduite dans le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile qui rend plus attractive la procédure participative notamment lorsqu’elle est conclue aux fins de mise en état.

Pour ce faire, plusieurs mesures sont prises par le décret :

  • Tout d’abord, il favorise le recours à la procédure participative dans le cadre de la procédure écrite ordinaire. Ainsi, le juge doit, lors de l’audience d’orientation ( 776 et svts CPC), demander aux avocats des parties s’ils envisagent de conclure une convention de procédure participative aux fins de mise en état.
  • Ensuite, en procédure écrite, le décret autorise les parties qui sont en mesure d’évaluer la durée prévisionnelle de leur mise en état à obtenir, dès le début de la procédure, la date à laquelle sera prononcée la clôture de l’instruction et la date de l’audience de plaidoirie.
  • Par ailleurs, le texte valorise l’acte contresigné par avocat ( 1546-3 CPC), qui peut désormais avoir lieu en dehors de toute procédure participative.
  • Enfin, le décret s’attache à assouplir le régime de la convention de procédure participative.
    • D’une part, si l’ensemble des parties en sont d’accord, il est désormais possible de saisir le juge d’une difficulté en cours de procédure participative sans que cela ne mette fin à la convention ( 1555 5 CPC).
    • D’autre part, la signature de cette convention interrompt l’instance ( 369 CPC), même en cas de retrait du rôle de l’affaire;

Au bilan, il apparaît que la procédure participative occupe désormais une place de premier choix parmi les dispositifs mis à la disposition des parties par le Code de procédure civile pour régler, à l’amiable, leur différend.

Il ressort de l’article 1543 du CPC que la procédure participative comporte deux phases :

  • Une phase conventionnelle au cours de laquelle les parties sont à la recherche d’un accord
  • Une phase judiciaire au cours de laquelle les parties cherchent à faire homologuer par le juge l’accord qu’elles ont trouvé

Dans cette dernière phase, la procédure participative est conduite aux fins de jugement. Elle est alors régie par des dispositions communes qui s’appliquent quel que soit le cadre dans lequel le juge est saisi.

Des règles spécifiques encadrent ensuite la procédure aux fins de jugement, selon que la demande s’inscrit dans le cadre d’une mise en état conventionnelle de l’affaire ou de la résolution d’un litige.

I) Tronc procédural commun

==> Juridiction compétente

L’article 1565 du CPC prévoit que « l’accord auquel sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation ou une procédure participative peut être soumis, aux fins de le rendre exécutoire, à l’homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée. »

Si, dès lors, l’accord porte sur un litige de nature commerciale, c’est le Tribunal de commerce qui sera compétent pour connaître de son homologation.

Si, en revanche, le différend qui opposait les parties présente un caractère civil, c’est le Tribunal judiciaire qui devra être saisi.

Il convient ainsi de se reporter aux règles qui régissent les compétences d’attribution des différentes juridictions.

==> Demande

L’article 1566 du CPC prévoit que la demande est formée par voie de requête, laquelle peut, être, selon les cas, soit conjointe, soit unilatérale.

==> Pouvoirs du juge

L’article 1565, al. 2 du CPC prévoit que « le juge à qui est soumis l’accord ne peut en modifier les termes. » Aussi ne peut-il que se borner à constater l’accord, après quoi il lui appartient de l’homologuer.

Tout au plus, l’article 1566 autorise le juge à entendre les parties s’il l’estime nécessaire. Il le fera lorsqu’il aura un doute sur les termes de l’accord conclu entre les parties.

==> Décision du juge

Lorsque l’accord est homologué par le juge, la décision a pour effet de rendre cet accord exécutoire.

Pratiquement, cela signifie que, en cas défaillance de l’une des parties, l’autre disposera d’un titre exécutoire qui lui permettra de solliciter auprès d’un huissier de justice l’exécution forcée de l’accord.

==> Voies de recours

L’article 1566, al. 3 du CPC dispose que la décision qui refuse d’homologuer l’accord peut faire l’objet d’un appel.

Cet appel est alors formé par déclaration au greffe de la cour d’appel. Il est jugé selon la procédure gracieuse.

II) Règles spécifiques

L’article 1556 du CPC dispose que « à l’issue de la procédure conventionnelle et exception faite des demandes en divorce ou en séparation de corps sur lesquelles il est statué conformément aux dispositions de la section II du chapitre V du titre Ier du livre III, le juge peut être saisi de l’affaire ou celle-ci être rétablie à la demande d’une des parties, selon le cas, pour homologuer l’accord des parties mettant fin en totalité au différend ou au litige, pour homologuer un accord partiel des parties et statuer sur la partie du litige persistant ou pour statuer sur l’entier litige. »

Il ressort de cette disposition que lorsque les parties empruntent la voie de la procédure aux fins de jugement il convient de distinguer deux situations :

  • La convention de procédure participative a été conclue, avant la saisine du juge, aux fins de résolution du litige
  • La convention de procédure participative a été conclue, après la saisine du juge, aux fins de mise en état de l’affaire

Nous nous focaliserons ici sur la première la situation.

Lorsque la convention de procédure participative a été conclue aux fins de résolution du litige, le juge peut être saisi, à l’issue de la procédure conventionnelle, pour deux raisons bien distinctes :

  • Homologuer l’accord mettant fin à l’entier différend
  • Trancher le différend persistant qui oppose les parties

A) L’homologation de l’accord mettant fin à l’entier différend

==> Demande

L’article 1557 du CPC dispose que la demande tendant à l’homologation de l’accord des parties établi conformément à l’article 1555 est présentée au juge par requête de la partie la plus diligente ou de l’ensemble des parties.

La requête peut donc être, soit unilatérale, soit conjointe. Selon le cas, elle devra comporter les mentions propres à la forme de requête retenue.

À cet égard, l’article 1557 du CPC précise que « lorsque l’accord concerne un mineur capable de discernement, notamment lorsqu’il porte sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la requête mentionne les conditions dans lesquelles le mineur a été informé de son droit à être entendu par le juge ou la personne désignée par lui et à être assisté par un avocat. »

La requête devra ainsi comporter cette mention spécifique, faute de quoi la demande sera irrecevable.

Au surplus, et là encore à peine d’irrecevabilité,la requête doit être accompagnée de la convention de procédure participative qui constate les termes de l’accord, étant précisé que cet accord doit énoncer de manière détaillée les éléments ayant permis sa conclusion.

==> Force exécutoire de l’accord

En application de l’article 1565 du CPC l’homologation par le juge de l’accord conclu entre les parties à pour effet de le rendre exécutoire.

La conséquence en est que cet accord, pourvu de la force exécutoire, constitue un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

En cas d’inexécution par l’une des parties des termes de l’accord, l’autre peut donc requérir un huissier de justice aux fins d’exécution forcée.

À défaut d’homologation de l’accord par le juge, celui-ci s’apparente à un acte sous seing privé insusceptible de fonder une mesure d’exécution forcée. Le créancier de l’obligation inexécutée sera donc contraint de saisir le juge pour obtenir un titre exécutoire. D’où l’intérêt de faire homologuer l’accord une fois conclu.

B)  Trancher le différend persistant qui oppose les parties

Lorsque le différend entre les parties persisite au terme de la convention de procédure participative, elles disposent de la faculté de saisir le juge auquel il appartient de trancher.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel
  • La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Reste que dans les deux cas, les parties bénéficieront d’une instance accélérée, sauf modification de la demande initiale ou ajout de nouveaux moyens.

1. Règles communes : une instance accélérée

Les articles 1558 et 1559 prévoient que, lorsque le juge est saisi au terme d’une convention de procédure participative, l’instance est accélérée dans deux cas :

==> Premier cas : la dispense de tentative préalable de conciliation ou de médiation

L’article 1558 du Code civil prévoit que lorsque les règles de procédure applicables devant le juge saisi aux fins de statuer sur tout ou partie du litige sur le fondement du paragraphe 2 ou 3 de l’article 2066 du Code civil prévoient une tentative préalable de conciliation ou de médiation, l’affaire est directement appelée à une audience pour y être jugée.

À cet égard, l’article 2066 dispose que lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention conclue avant la saisine d’un juge, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées de la conciliation ou de la médiation préalable le cas échéant prévue.

Ainsi, cette dispense a-t-elle pour conséquence d’opérer un renvoi de l’affaire directement en audience de jugement.

Tel sera le cas devant le Tribunal judiciaire en procédure orale.

==> Second cas : la dispense de mise en état de l’affaire

  • Principe
    • L’article 1559 du CPC dispose que devant le tribunal judiciaire et à moins que l’entier différend n’ait été soumis à la procédure de droit commun, l’affaire est directement appelée à une audience de jugement de la formation à laquelle elle a été distribuée.
    • Ainsi, là encore, au terme de la convention de procédure participative, l’affaire n’a pas vocation à emprunter le circuit classique qui consiste à la soumettre à une mise en état.
    • Elle est directement renvoyée à une audience de jugement, ce qui, pour les parties, constitue un gain de temps considérable
    • Tel sera notamment le cas en procédure écrite, soit pour les cas où la représentation par avocat est obligatoire
  • Exceptions
    • Deux exceptions à la dispense de mise en état sont prévues par l’article 1559 du CPC
      • Première exception
        • L’entier différend a, en amont, été soumis à la procédure de droit commun
        • Dans cette hypothèse, l’affaire devra emprunter le circuit classique et devra donc éventuellement faire l’objet d’une instruction si elle n’est pas en état d’être jugée
      • Seconde exception
        • L’article 1559 in fine dispose que l’affaire ne peut être renvoyée devant le juge de la mise en état que dans les cas prévus au deuxième et au troisième alinéa de l’article 1561.
        • Aussi, le renvoi devant le juge de la mise en état sera possible dans les situations suivantes :
          • Les parties modifient leurs prétentions, sauf à ce qu’il s’agisse
            • Soit d’actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive
            • Soit d’opposer un paiement ou une compensation ultérieur
            • Soit faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
          • Les parties modifient le fondement juridique de leur demande ou soulèvent de nouveaux moyens, sauf à ce qu’il s’agisse de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

2. La saisine du juge vise à homologuer un accord partiel et à trancher le différend résiduel

Lorsque les parties ont trouvé un accord seulement partiel à leur différend, plusieurs options s’offrent à elles :

  • Se limiter à la formaliser l’accord en établissant un acte sous seing privé
  • Faire seulement homologuer l’accord partiel par le juge selon la procédure prévue à l’article 1557 du CPC
  • Faire homologuer l’accord partiel par le juge et lui demander de trancher, dans le même temps, le différend résiduel

L’article 1556 du CPC envisage cette dernière hypothèse qui donc à mettre définitivement un terme au litige dans toutes ses composantes.

==> Saisine du juge

L’article 1560 du CPC prévoit que lorsque les parties ne sont parvenues qu’à un accord partiel, elles peuvent saisir le juge à l’effet qu’il statue sur le différend résiduel selon deux modalités différentes :

  • Soit selon la procédure applicable devant lui
  • soit par une requête conjointe

Lorsque la saine du juge s’opère par voie de requête conjointe, l’acte doit comporter un certain de mentions, outre celles visées à l’article 57 du CPC, au nombre desquelles figurent :

  • La signature des avocats ayant assisté les parties au cours de la procédure participative
  • Les points faisant l’objet d’un accord entre les parties, dont elles peuvent demander au juge l’homologation dans la même requête ;
  • Les prétentions respectives des parties relativement aux points sur lesquels elles restent en litige, accompagnées des moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, avec l’indication pour chaque prétention des pièces invoquées.

L’exigence ainsi posée est sanctionnée par l’irrecevabilité de la requête conjointe, irrecevabilité qui peut être soulevée d’office par le juge.

Par ailleurs, sous la même sanction, la requête doit être accompagnée de plusieurs éléments attachés en annexe :

  • La convention de procédure participative
  • Les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
  • Les pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Le cas échéant, le rapport du technicien

==> Périmètre du litige

  • Principe
    • L’article 1561 du CPC prévoit que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties telles que formulées dans l’acte de saisine du juge.
    • Il ressort de cette disposition que ce sont les parties qui déterminent le périmètre du différend résiduel qu’elles soumettent au juge aux fins de jugement
    • Il s’agit là d’un rappel de l’article 4 du CPC qui pose le principe dispositif, soit le principe selon lequel ce sont les parties qui déterminent le contenu du procès
  • Exceptions
    • L’article 1561 du CPC pose deux limites à la liberté des parties de déterminer le périmètre du différend résiduel
      • Première limite
        • Les parties ne peuvent modifier leurs prétentions, si ce n’est pour actualiser le montant d’une demande relative à une créance à exécution successive, opposer un paiement ou une compensation ultérieur ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait postérieur à l’établissement de l’accord.
      • Seconde limite
        • Les parties ne peuvent modifier le fondement juridique de leur demande ou soulever de nouveaux moyens qu’en vue de répondre à l’invitation du juge de fournir les explications de fait ou de droit qu’il estime nécessaires à la solution du litige.

3. La saisine du juge vise à trancher l’entier différent en l’absence total d’accord

Au terme de la convention de procédure participative, les parties peuvent n’avoir trouvé aucun accord, de sorte que leur différend persiste dans son entier.

En pareil cas, elles disposent de la faculté de saisir le juge aux fins de jugement, selon la procédure prévue aux articles 1562 à 1564 du CPC

==> Saisine du juge

L’article 1562 du CPC dispose que lorsque le différend entre les parties persiste en totalité, le juge peut en connaître :

  • soit conformément aux règles régissant la procédure applicable devant lui ;
  • soit sur requête conjointe
  • soit sur requête unilatérale sur laquelle il statue suivant les règles applicables devant lui

==> Formalisme de la requête

Lorsque le Juge est saisi par voie de requête, plusieurs règles de forme énoncées par l’article 1563 du CPC doivent être observées par les parties.

  • Dépôt de la requête
    • La requête doit être déposée au greffe par l’avocat de la partie la plus diligente.
    • À peine d’irrecevabilité, ce dépôt doit intervenir dans un délai de trois mois suivant le terme de la convention de procédure participative.
  • Mentions obligatoires
    • Outre les mentions prescrites, à peine de nullité, par l’article 58, la requête doit :
      • D’une part, contenir un exposé des moyens de fait et de droit
      • D’autre part, être accompagnée de la liste
        • Des pièces et informations nécessaires à la résolution du différend ou à la mise en état du litige et les modalités de leur échange
        • Des pièces communiquées au cours de la procédure conventionnelle.
  • Constitution d’avocat
    • Devant le Tribunal judiciaire, dans les cas où la représentation est obligatoire, le dépôt de la requête au greffe doit contenir la constitution de l’avocat.

==> Notification

L’article 1563 du CPC prévoit que l’avocat qui procède au dépôt en informe la partie adverse elle-même ainsi que l’avocat l’ayant assisté au cours de la procédure conventionnelle, selon le cas, par notification ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Deux situations doivent alors être distinguées :

  • La requête a été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, la notification doit indiquer que la partie adverse doit constituer avocat dans un délai de quinze jours suivant cette notification.
  • La requête n’a pas été déposée au greffe du tribunal judiciaire
    • Dans cette hypothèse, l’avocat du requérant est informé par le greffe, dès remise de la requête, de la date de la première audience utile à laquelle l’affaire sera appelée.
    • Cette date est alors portée à la connaissance de la partie adverse dans la notification qui doit être effectuée par l’avocat du requérant.

Ordonnance sur requête: procédure devant le Tribunal de commerce

?Particularités

Les procédures sur requête présentent cette particularité de déroger au principe du contradictoire, en ce sens que le défendeur ne sera pas appelé par le juge à opposer au requérant ses arguments en défense.

L’article 493 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Pratiquement, les procédures sur requête ont été envisagées par le législateur avec cet objectif de ménager un effet de surprise.

À cet égard, elles offrent la possibilité au requérant, qui remplit les conditions requises, d’obtenir d’une juridiction présidentielle une décision (ordonnance) provisoire aux fins, non pas de trancher le fond d’un litige, mais d’obtenir l’accomplissement d’un acte ou l’adoption d’une mesure.

Les procédures sur requête peuvent être engagées, tant avant le procès, qu’en cours d’instance.

?Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé sont exécutoires immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

?Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 493 à 498 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 874 à 876-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 897 et 898 du CPC
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 958 et 959 du CPC.

I) La compétence

?Sur la compétence matérielle

Le juge compétent pour connaître d’une procédure sur requête est le Président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige.

Naturellement, la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire fait de son Président le juge des requêtes de droit commun.

Quant au Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’homale, dans le silence des textes sur la procédure sur requête, c’est au Président du Tribunal judiciaire qu’il revient de statuer.

Enfin, dans un arrêt du 17 novembre 1981, la Cour de cassation est venue préciser que le Juge de la mise en état n’est jamais compétent pour statuer sur une requête qui lui serait adressée par une partie.

L’article 774 du CPC prévoit, en effet, que, en procédure écrite ordinaire, les avocats sont susceptibles d’être entendus ou appelés avant qu’il ne prononce sa décision, ce qui est incompatible avec la procédure sur requête qui, par nature, est non-contradictoire (Cass. 3e civ. 17 nov. 1981, n°80-10.372).

?Sur la compétence territoriale

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 novembre 1992, que « le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du Tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée » (Cass. 2e civ. 18 nov. 1992, n°91-16.447).

Cette décision a été confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015 aux termes duquel la deuxième chambre civile a rappelé que « le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées » (Cass. 2e civ., 15 oct. 2015, n°14-17.564.

Dans le cas où il y a une pluralité de mesures, la cour de cassation a admis la possibilité pour un Président d’ordonner une mesure de constat devant être effectuée dans un autre ressort territorial que le sien, mais à la double condition toutefois que l’une au moins de ces mesures ait lieu dans le ressort du Président qui l’a ordonnée et que cette juridiction soit compétente pour connaître de l’éventuelle instance au fond (Cass. 2e civ. 5 mai 2011, n°10-20.435).

Au bilan, le juge territorialement compétent pour connaître d’une procédure sur requête est :

  • Soit, le Président de la juridiction saisie au fond
  • Soit, le Président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée

II) Conditions de la requête

Il ressort des articles 874 et 875 du CPC que le juge peut être saisi par voie de requête :

  • Soit pour ordonner des mesures dans les cas spécifiés par la loi.
  • Soit pour ordonner dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

A) Les cas spécifiés par la loi

Un certain nombre de textes prévoient la possibilité pour une personne physique ou morale d’obtenir du Président d’une juridiction une ordonnance de requête, lorsque la dérogation au principe du contradictoire s’avère nécessaire.

Les conditions de recevabilité de la requête sont alors fixées par chaque texte spécifique, étant précisés que ces textes sont épars et disposent en toute matière.

?Exemples de cas prévoyant la saisine d’une juridiction par voie de requête

  • En matière de copropriété, l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que « à défaut de nomination du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires convoquée à cet effet, le syndic est désigné par le président du judiciaire saisi à la requête d’un ou plusieurs copropriétaires, du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble. »
  • En matière de saisie-contrefaçon, l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « en matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire. »
  • En matière d’effet de commerce, l’article L. 511-38 du Code de commerce dispose qu’en cas de recours du porteur contre les endosseurs faute de paiement ou d’acception, « les garants contre lesquels un recours est exercé dans les cas prévus par le b et le c du I peuvent, dans les trois jours de l’exercice de ce recours adresser au président du tribunal de commerce de leur domicile une requête pour solliciter des délais. Si la demande est reconnue fondée, l’ordonnance fixe l’époque à laquelle les garants sont tenus de payer les effets de commerce dont il s’agit, sans que les délais ainsi octroyés puissent dépasser la date fixée pour l’échéance. L’ordonnance n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. »
  • En matière de procédure civile, l’article 840 du Code de procédure civile prévoit que « dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

?Cas particulier des mesures d’instruction in futurum

L’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

De toute évidence, cette disposition présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il n’en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent. Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché (V. en ce sens Cass. 2e civ. 13 mai 1987, n°86-11098).

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n° 00-11.134).

Dans un arrêt du 8 janvier 2015, elle a encore exigé que cette circonstance devait être énoncée expressément dans la requête, faute de quoi la demande serait frappée d’irrecevabilité (Cass. 2e civ. 8 janv. 2015, n°13-27.740).

Pratiquement, la nécessité de déroger au principe du contradictoire sera caractérisée dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire

Lorsque cette condition préalable est satisfaite, le requérant devra alors justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation exigeait encore que le requérant démontre l’urgence du prononcé de la mesure d’instruction.

Cette exigence a toutefois été abandonnée par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 15 janvier 2009. Elle a affirmé en ce sens que « l’urgence n’est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009, n°08-10.771).

Cette solution se justifie par l’autonomie de la procédure sur requête fondée sur l’article 145 du CPC, principe qui conduit à écarter l’application des conditions propres au référé.

C’est la raison pour laquelle, ni la condition d’urgence, ni la condition tenant à l’absence de contestation sérieuse (Cass. 2e civ. 7 nov. 1989, n°88-15.482), ne sont requises pour solliciter par voie de requête une mesure d’instruction in futurum.

Au bilan, les deux seules conditions qui doivent être réunies sont :

  • D’une part, l’existence de circonstances particulières qui justifient de déroger au principe du contradictoire
  • D’autre part, l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, le Président de la juridiction peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831). Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises.

B) L’existence de circonstances qui exigent que des mesures urgentes soient prises non contradictoirement

L’article 875 du Code de procédure civile prévoit que le Président du Tribunal compétent « peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. »

En dehors des cas spécifiques prévus par la loi, le Président de la juridiction compétente peut donc être saisi par voie de requête aux fins d’adoption de toute mesure utile lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

  • Il existe des circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement
  • Les mesures sollicitées doivent être urgentes

?L’existence de circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement

L’article 875 du Code de procédure civile pose que pour saisir le Juge par voie de requête, le requérant doit justifier de circonstances qui exigent l’absence de débat contradictoire.

Quelles sont ces circonstances ? Elles sont notamment caractérisées dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il est besoin de constater un adultère ou des manœuvres de concurrence déloyale.

L’effet de surprise n’est pas le seul motif susceptible d’être invoquée au soutien d’une demande formulée par voie de requête.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire.

Il a encore été admis que le Juge puisse être saisi par voie de requête lorsque l’identification des défendeurs s’avère délicate, sinon impossible.

Dans un arrêt du 17 mai 1977 la Cour de cassation a ainsi admis qu’une décision rendue dans le cadre d’une procédure de référé puisse valoir ordonnance sur requête, dès lors qu’il était établi que des salariés en grève occupant une usine ne pouvaient pas être identifiés, et, par voie de conséquence, mis en cause par voie d’action en référé.

La chambre sociale a notamment avancé, au soutien de sa décision, que « le Président du Tribunal qui a le pouvoir d’ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient prises contradictoirement ne devait pas en l’espèce statuer de la sorte à l’égard des autres occupants, sous réserve de la faculté pour ceux-ci de lui en référer, en raison de l’urgence à prévenir un dommage imminent, de la difficulté pratique d’appeler individuellement en cause tous les occupants et de la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de grevé de présenter les moyens de défense communs à l’ensemble du personnel » (Cass. soc. 17 mai 1977, n°75-11.474).

?L’urgence de la prise de mesures

Pour que le juge soit saisi par voie de requête, outre l’établissement de circonstances qui exigence l’absence de débat contradictoire, le requérant doit démontrer que les mesures sollicitées sont urgentes

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence. Il ressort de la jurisprudence que l’urgence doit être appréciée comme en matière de référé.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, la détermination de l’urgence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

III) Formalisme de la requête

A) Présentation de la requête

?Notion

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

?Sur la forme

L’article 494 du Code de procédure civile prévoit que :

  • D’une part, la requête est présentée en double exemplaire
  • D’autre part, elle doit être motivée (en fait et en droit)
  • Enfin, elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

Cette disposition ajoute que, si la requête est présentée à l’occasion d’une instance en cours, elle doit indiquer la juridiction saisie.

Enfin, il est d’usage que la requête soit assortie du projet d’ordonnance afin de faciliter la tâche du magistrat.

Reste que ce dernier pourra préférer rédiger sa propre ordonnance. Aucune règle formelle n’existe en la matière, de sorte que l’absence de pré-rédaction de l’ordonnance ne saurait être un motif de rejet de la requête pour vice de forme.

Rien n’interdit, par ailleurs, le juge consécutivement au dépôt de la requête de demander à entendre le requérant, en personne, ou par l’entremise de son avocat.

?Sur les mentions

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête
(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer
(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire
(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient :

1° L'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

B) Dépôt

?Sur le lieu du dépôt

  • Principe
    • La requête doit être déposée au greffe du Président de la juridiction saisie
  • Exception
    • L’article 876 du CPC prévoit que, en cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du président ou au lieu où il exerce son activité professionnelle.

?Sur le coût du dépôt

Le dépôt de la requête n’est, par principe, soumis à aucun droit de timbre à l’exception de l’hypothèse où elle serait déposée auprès du Président du tribunal de commerce

Devant la juridiction commerciale, le dépôt de la requête est payant. Le prix est affiché sur le site web des greffes des Tribunaux de commerce.

C) Représentation

Tandis que sous l’empire du droit antérieur la représentation des parties par avocat n’était jamais obligatoire devant le Tribunal de commerce, elle le devient désormais depuis l’adoption du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

Le nouvel article 853 dispose en ce sens que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

L’alinéa 3 de cette disposition précise néanmoins que « les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros, dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ou pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. »

Si, dès lors, devant le Tribunal de commerce le principe est la représentation obligatoire des parties, par exception, elle peut être facultative, notamment lorsque le montant de la demande est inférieur à 10.000 euros.

1. Le principe de représentation obligatoire

L’article 853 du CPC dispose donc que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce. »

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir si cette représentation relève de ce que l’on appelle le monopole de postulation de l’avocat érigé à l’article 5, al. 2 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971.

À l’examen, devant le Tribunal de commerce les avocats ne disposent d’aucun monopole de postulation.

La raison en est que ce monopole est circonscrit pat l’article 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques aux seuls tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle ainsi qu’aux seules Cours d’appel.

Aussi, en application du 1er alinéa de l’article 5 ce texte, devant le Tribunal de commerce, les avocats exercent leur ministère et peuvent plaider sans limitation territoriale

À cet égard, l’article 853, al. 5 du CPC prévoit que « le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial. »

Lorsque le mandataire est avocat, il n’a donc pas l’obligation de justifier d’un pouvoir spécial, l’article 411 du CPC disposant que « la constitution d’avocat emporte mandat de représentation en justice »

Le plus souvent, sa mission consistera à assister et représenter la partie dont il assure la défense des intérêts.

2. La dispense de représentation obligatoire

Par dérogation au principe de représentation obligatoire devant le Tribunal de commerce, l’article 853, al. 2 du CPC pose que les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat dans les cas prévus par la loi ou le règlement, lorsque

  • Soit la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros
  • Soit dans le cadre des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce consacré au traitement des entreprises en difficulté
  • Soit pour les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés.
  • Soit en matière de gage des stocks et de gage sans dépossession

En matière de requête, l’article 874 du CPC ajoute un cas de dispense à la représentation obligatoire pour les demandes relatives au gage des stocks et de gage sans dépossession.

Lorsque l’une de ses situations est caractérisée, il ressort de l’article 853, al. 3 et 874 du CPC que les parties ont la faculté :

  • Soit de se défendre elles-mêmes
  • Soit de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix.

En toute hypothèse, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

IV) Effets de la requête

Le dépôt de la requête produit deux effets :

  • Ouverture d’une instance, raison pour laquelle la requête s’apparente à un acte introductif d’instance au sens de l’article 54 du Code de procédure civil, lequel prévoit que « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction. »
  • Interruption de la prescription en application de l’article 2241 du Code civil qui prévoit que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »

V) L’ordonnance

L’article 493 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • D’une part, l’ordonnance sur requête est provisoire
  • D’autre part, elle procède d’une procédure non-contradictoire.

L’article 495 du CPC ajoute que l’ordonnance sur requête doit être motivée et qu’elle est exécutoire sur minute.

A) Une décision provisoire

L’ordonnance sur requête partage avec l’ordonnance de référé ce point commun d’être une décision rendue à titre provisoire.

Dans un arrêt du 15 mai 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire, dépourvue de l’autorité de la chose jugée » (Cass. 2e civ. 15 mai 2001, 99-17.008).

Autrement dit, elle ne possède pas l’autorité de la chose jugée, de sorte que, en cas de saisine du Juge au fond, il ne sera pas lié à la décision prise.

L’affaire pourra, dans ces conditions, être rejugée dans tous ses aspects,

B) Une décision non-contradictoire

Bien que l’ordonnance sur requête ait en commun avec l’ordonnance de référé d’être rendue à titre provisoire, elle s’en distingue en ce qu’elle procède d’une procédure non-contradictoire.

Autrement dit, il n’est pas besoin que s’instaure un débat entre le requérant et le mis en cause pour que le Juge rende sa décision. Il dispose de la faculté de rendre une ordonnance sur la seule foi de la requête et des pièces qui lui sont soumises.

Reste que le contradictoire n’est pas totalement écarté, l’article 496 du CPC prévoyant que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

Ainsi, appartient-il à quiconque justifie d’un intérêt à agir de solliciter la restauration du principe de contradictoire.

Dans un arrêt du 4 septembre 2014, la Cour de cassation a rappelé cette faculté en jugeant que « l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile [qui exige la remise d’une copie de la requête au défendeur] a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d’apprécier l’opportunité d’un éventuel recours » (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n° 13-22.971).

C) Une décision motivée

?Sur le fond

L’article 494 du CPC prévoit que l’ordonnance sur requête doit être motivée, en ce sens que le Juge doit justifier sa décision.

Cette motivation est attendue, tant en cas d’acceptation de la demande, qu’en cas de rejet.

?Sur la forme

En application de l’article 454 du CPC, l’ordonnance doit contenir :

  • La juridiction dont il émane ;
  • Le nom du juge qui a délibéré ;
  • La signature du magistrat
  • Sa date ;
  • Le nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ;
  • Le nom du greffier ;
  • Les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
  • Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;

D) Une décision exécutoire

L’article 495 du CPC dispose que l’ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute. »

Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit signifiée à la partie mise en cause, contrairement à l’ordonnance de référé qui doit être notifiée à l’intéressée.

À cet égard, dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

VI) Voies de recours

Il convient de distinguer selon que l’ordonnance fait droit à la demande du requérant ou selon qu’elle le déboute de sa demande.

A) L’admission de la requête

?Le référé-rétractation

En cas d’admission de la requête par la juridiction saisie, la personne contre qui elle est rendue dispose d’une voie de recours qui consiste en un référé-rétractation.

L’article 496 du CPC prévoit en ce sens que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

En application de l’article 497 le juge dispose alors de trois options :

  • Soit il maintient son ordonnance
  • Soit il modifie son ordonnance
  • Soit il rétracte son ordonnance

?Délai

Dans le silence des textes, le recours en rétractation de l’ordonnance peut être exercé tant que l’ordonnance n’a pas épuisé tous ses effets

L’article 497 du CPC précise d’ailleurs que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire »

?Procédure

  • Compétence du juge
    • Le Juge compétent pour connaître du recours en rétractation est celui-là même qui a rendu l’ordonnance contestée et non le juge des référés.
  • Recevabilité
    • Contrairement à l’action en référé qui n’est recevable qu’à la condition de démontrer l’existence d’une urgence ou l’absence de contestation sérieuse, le juge ayant vocation à connaître d’un recours en rétractation n’est pas soumis à ses conditions
    • Le recours peut donc être exercé, sans qu’il soit besoin pour son auteur de justifier d’une urgence ou d’établir d’absence de contestation sérieuse.
  • Pouvoirs du juge
    • Bien que le juge saisi d’un recours en rétractation ne soit pas le juge des référés, il est invité à statuer comme en matière de référé.
    • Plus précisément, dans un arrêt du 19 février 2015, la Cour de cassation a considéré que le juge statuant sur une demande de rétractation ne peut statuer « qu’en exerçant les pouvoirs du juge des référés que lui confère exclusivement l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile ».
    • Cela signifie, en somme, que le juge ne peut, en rétablissant le contradictoire, que maintenir, modifier ou rétracter son ordonnance.
    • Pour ce faire, il doit vérifier que toutes les conditions étaient remplies lorsqu’il a rendu son ordonnance et que la demande était fondée.
    • Dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour de cassation a précisé que l’« instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet » (Cass. 2e civ. 9 sept. 2010, n°09-69.936).
  • Acte introductif d’instance
    • Le recours en rétractation s’exerce par voie d’assignation
    • Aussi, conviendra-t-il pour le défendeur d’assigner en référé aux fins de rétractation de l’ordonnance contestée (Cass. 2e civ., 7 janv. 2010, n°08-16.486).
  • Décision
    • La décision rendue par le Juge saisi consistera en une ordonnance de référé, contradictoire, mais dépourvue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que les juges du fond ne seront pas liés par ce qui a été décidé.

B) Le rejet de la requête

L’article 496, al. 1 du CPC prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel ».

C’est donc la voie de l’appel qui est ouverte au requérant en cas de rejet de sa requête.

Il dispose alors d’un délai de quinze jours à compter du jour où l’ordonnance a été rendue. L’appel ne peut être interjeté qu’auprès du magistrat qui a rendu l’ordonnance.

L’article 496, al. 1 in fine précise que « l’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. »

Il convient alors de se reporter aux articles 950 à 953 du CPC qui encadre la procédure d’appel en matière gracieuse.

Il est notamment prévu par l’article 950 que « l’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. »

Procédure écrite devant le Tribunal judiciaire: la procédure sans audience

Bien que l’audience soit le moment qui permet humaniser et de conférer un caractère solennel à la procédure, de nombreux dossiers sont déposés sans être plaidés.

Cette pratique des dépôts de dossier par les avocats a, dans un premier temps, été officialisée par le décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 afin de limiter la durée des audiences.

Puis le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile a étendu le domaine de cette faculté qui peut désormais être exercée à tout moment de l’instance

I) Droit antérieur

Sous l’empire du droit antérieur, le 3e alinéa de l’ancien article 779 CPC prévoyait donc que le dépôt des dossiers peut être autorisé, à la demande des avocats, s’il apparaît que l’affaire ne nécessite pas de plaidoiries. Une date de limite de dépôt des dossiers au greffe était alors fixée.

L’article 786-1 du CPC précisait, en outre, que le président de la chambre, à l’expiration du délai prévu pour la remise des dossiers, devait informer les parties du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu.

Ces informations sont impératives, tout justiciable devant savoir par qui il est jugé et quand il le sera.

II) Réforme de la procédure civile

La réforme opérée par le décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 pris en application de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a généralisé la procédure sans audience devant le Tribunal judiciaire.

Cette innovation est issue de la proposition 17 formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « Permettre au juge de statuer sans

audience, dès lors que les parties en seront d’accord». Cette proposition vise à fluidifier le circuit procédural et à permettre de libérer des dates d’audience.

Désormais le principe est donc que les parties peuvent à tout moment de la procédure demander à ce que la procédure se déroule, devant le Tribunal judiciaire sans audience. Ce principe est toutefois assorti d’une exception.

?Principe

L’article L. 212-5-1 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « devant le tribunal judiciaire, la procédure peut, à l’initiative des parties lorsqu’elles en sont expressément d’accord, se dérouler sans audience. En ce cas, elle est exclusivement écrite. »

Cette demande de dispense d’audience peut être formulée à tout moment de l’instance :

  • Au stade de l’introduction de l’instance
    • L’article 752, pour la procédure avec représentation obligatoire, l’article 753 pour la procédure sans représentation obligatoire, l’article 757 pour les requêtes (unilatérales et conjointes) et l’article 763 pour la constitution d’avocat du défendeur prévoient que l’acte (assignation, requête ou constitution d’avocat) comporte « l’accord du demandeur pour que la procédure se déroule sans audience en application de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire. »
  • Au stade de l’orientation de l’affaire
    • L’article 778 du CPC dispose que lorsque l’affaire est en état d’être jugée sur le fond « d’après les explications des avocats et au vu des conclusions échangées et des pièces communiquées » et que les parties ont donné leur accord, la procédure peut se dérouler sans audience.
    • Le président déclare alors l’instruction close et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre.
    • Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public et les informe du nom des juges de la chambre qui seront amenés à délibérer et de la date à laquelle le jugement sera rendu.
  • Au stade de la clôture de l’instruction
    • L’article 799 du CPC prévoit que lorsque les parties ont donné leur accord pour que la procédure se déroule sans audience conformément aux dispositions de l’article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire, le juge de la mise en état déclare l’instruction close dès que l’état de celle-ci le permet et fixe la date pour le dépôt des dossiers au greffe de la chambre.
    • Le greffier en avise les parties et, le cas échéant, le ministère public.

Pour que la procédure se déroule sans audience encore faut-il que les deux parties soient d’accord, étant précisé que l’exercice de cette faculté est irréversible.

C’est la raison pour laquelle, il pourrait être imprudent pour le demandeur de l’exercer au stade de l’introduction de l’instance.

?Exception

L’article L. 212-5-1 du COJ assortit la faculté pour les parties de demander que la procédure se déroule sans audience d’une limite.

Il prévoit, en effet, que « le tribunal peut décider de tenir une audience s’il estime qu’il n’est pas possible de rendre une décision au regard des preuves écrites ou si l’une des parties en fait la demande. »

Ainsi, quelle que soit la procédure, la formation de jugement, dans le cadre de son délibéré,

peut toujours décider, au regard des pièces ou si une partie lui demande, que la tenue

d’une audience s’impose, en ordonnant une réouverture des débats sur le fondement de l’article 444 du code de procédure civile. Cette faculté n’appartient pas, en revanche, au juge de la mise en état.

Le jugement rendu à l’issue de la procédure sans audience est contradictoire.

De la distinction entre les choses consomptibles et les choses non-consomptibles

==> Exposé de la distinction

  • Les choses consomptibles
    • Il s’agit des choses qui se consomment par le premier usage, en ce sens qu’elles disparaîssent à mesure de l’utilisation que l’on en fait.
      • Exemple; l’argent, des aliments, une cartouche d’encre etc.
    • La notion de chose consomptible est envisagée dans le Code civil pour l’usufruit et le contrat de prêt
      • Lorsque les choses consomptibles sont envisagées dans le cadre de l’usufruit, elles sont définies comme celles « dont on ne peut faire usage sans les consommer» ( 587 C. civ.).
      • Lorsque les choses consomptibles sont envisagées dans le cadre du contrat de prêt, elles sont définies comme celles « qui se consomment par l’usage qu’on en fait» ( 1874 C. civ.).
    • Les choses consomptibles, ne doivent pas être confondues avec les biens de consommation qui sont seulement susceptibles d’usure et donc, au bout d’un certain temps, de ne plus fonctionner.
    • On peut enfin observer que les choses consomptibles sont le plus souvent fongibles : tel est le cas, par exemple, des aliments ou de l’argent
  • Les choses non-consomptibles
    • Il s’agit des choses qui ne peuvent pas disparaître par l’usage que l’on en fait : elles résistent aux utilisations répétées
      • Exemple: une maison, un marteau, un terrain, etc.
    • Il importe peu que l’utilisation de la chose diminue sa valeur : dès lors qu’elle supporte un usage prolongé elle n’est pas consomptible

==> Intérêt de la distinction

La distinction entre les choses consomptibles et les choses non-consomptibles présente plusieurs intérêts qui tiennent à :

  • L’exclusion des choses consomptible du domaine du contrat de bail
    • Parce que l’obligation de restitution de la chose louée est de l’essence du contrat de bail, celui-ci ne peut pour avoir pour objet une chose consomptible.
    • Dans un arrêt du 30 mai 1969, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « malgré la généralité de ce texte, il est des biens qui sont insusceptibles de faire l’objet d’un contrat de louage, notamment lorsqu’il est impossible de jouir de la chose louée sans en consommer la substance» ( 3e civ. 30 mai 1969).
    • La conséquence en est que, un contrat qui donnerait à bail une chose consomptible, pourrait être requalifié en contrat de vente.
  • La restitution par équivalent en matière d’usufruit
    • Il est de principe que l’usufruit ne confère à l’usufruitier qu’un droit d’usage sur la chose, de sorte qu’il ne peut pas en disposer.
    • Appliquée sans opérer de distinction entre les choses, cette règle conduirait à priver l’usufruit d’une chose consomptible du droit de l’utiliser.
    • C’est la raison pour laquelle, par exception, il est autorisé à en disposer, telle le véritable propriétaire (on parle alors de quasi-usufruit).
    • L’article 587 du Code civil prévoit en ce sens que « si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution».
  • Droit d’usage dégénérant en droit de propriété
    • Lorsqu’un droit d’usage est consenti sur une chose consomptible, l’opération emporte nécessairement transfert de propriété dans la mesure où, par hypothèse, la chose ne pourra pas faire l’objet d’une restitution.
    • C’est la raison pour laquelle, en matière de prêt de consommation, lequel a pour singularité de porter sur des choses consomptibles, l’article 1893 du Code civil dispose que « par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c’est pour lui qu’elle périt, de quelque manière que cette perte arrive».

De la distinction entre les choses fongibles (de genre) et les choses non-fongibles (corps certains)

==> Exposé de la distinction

  • Les corps certains
    • Par corps certain, il faut entendre une chose unique qui possède une individualité propre.
      • Exemple: un immeuble, un bijou de famille, une œuvre d’art, etc…
    • Les corps certains se caractérisent par leur singularité, en ce sens qu’ils n’ont pas leur pareil.
    • Il s’agit donc de choses qui possèdent une identité : on ne peut pas les remplacer à l’identique.
    • À cet égard, les immeubles sont toujours des corps certains, car ils occupent toujours une situation géographique qui leur est propre, sauf à être envisagées abstraitement, soit présentés comme composant un lot.
  • Les choses de fongibles (de genre)
    • Par chose fongible, il faut entendre une chose qui ne possède pas une individualité propre.
    • L’article 587 du Code civil désigne les choses fongibles comme celles qui sont « de même quantité et qualité» et l’article 1892 comme celles « de même espèce et qualité ».
    • Selon la formule du Doyen Cornu, les choses fongibles sont « rigoureusement équivalentes comme instruments de paiement ou de restitution».
    • Pour être des choses fongibles, elles doivent, autrement dit, être interchangeables, soit pouvoir indifféremment se remplacer les unes, les autres, faire fonction les unes les autres.
      • Exemple: une tonne de blé, des boîtes de dolipranes, des tables produites en série etc…
    • Les choses fongibles se caractérisent par leur espèce (nature, genre) et par leur quotité.
    • Ainsi, pour individualiser la chose fongible, il est nécessaire d’accomplir une opération de mesure ou de compte.

==> Intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction entre les choses de genre et les corps certains tient à plusieurs choses :

  • La détermination du contenu d’une prestation contractuelle
    • Pour les corps certains
      • Il suffit que la chose soit désignée dans le contrat pour que l’exigence de détermination de la prestation soit satisfaite.
      • La désignation du corps certain devra toutefois être suffisamment précise pour que l’on puisse identifier le bien, objet de la convention
    • Pour les choses fongibles
      • L’article 1129 du Code civil prévoit que si la chose doit être déterminée quant à son espèce (sa nature, son genre) lors de la formation du contrat, sa quotité peut être incertaine, pourvu qu’elle soit déterminable
      • Cela signifie donc qu’il importe peu que la chose de genre ne soit pas individualisée lors de la conclusion du contrat.
      • Sa quantité devra toutefois être déterminable à partir des éléments contractuels prévus par les parties.
  • Le transfert de propriété de la chose et charge des risques
    • L’article 1344-2 du Code civil prévoit que, en cas de transfert de propriété d’une chose qui consiste en un corps certain, la charge des risques pèse sur le débiteur, soit sur l’acquéreur de la chose
    • L’article 1585 retient, en revanche, la solution inverse lorsqu’il s’agit de choses de genres.
    • En effet, la charge de risques repose sur le vendeur, tant que la chose n’a pas été individualisée.
  • La compensation
    • La compensation est définie à l’article 1347 du Code civil comme « l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. »
    • Cette modalité d’extinction des obligations suppose ainsi l’existence de deux créances réciproques.
    • L’article 1347-1 précise, par ailleurs, « la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles. »
    • L’alinéa 2 du texte précise que « sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre. »
    • Il ressort de ces dispositions que la compensation ne saurait avoir lieu en présence de corps certains
    • À cet égard une dette d’argent ne se compense pas avec une dette de restitution d’un corps certain.
  • Dépôt et gage irréguliers
    • Il est de principe que, en matière de contrat de dépôt ou de gage, la remise de la chose au dépositaire ou au créancier gagiste n’opère pas de transfert de propriété
    • La raison en est que, dans les deux cas, ils ont l’obligation de restituer la chose ce qui leur confère la qualité de simple détenteur.
    • Lorsque, toutefois, la chose remise est fongible, la restitution est susceptible d’être délicate, sinon impossible, puisque entreposée avec des choses de même espèce, de même genre ou de même nature.
    • Aussi, a-t-il été posé par le législateur, et pour le gage, et pour le dépôt de choses fongibles que, dans l’hypothèse où les choses gagées ou déposées ne sont pas tenues séparées, le contrat emporte transfert de propriété.
      • Pour le gage, l’article 2341 du Code civil dispose en ce sens que « lorsque le gage avec dépossession a pour objet des choses fongibles, le créancier doit les tenir séparées des choses de même nature qui lui appartiennent». Toutefois, « si la convention dispense le créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses gagées à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes. »
      • Pour le dépôt l’article L. 312-2 du Code monétaire et financier dispose que « sont considérés comme fonds remboursables du public les fonds qu’une personne recueille d’un tiers, notamment sous la forme de dépôts, avec le droit d’en disposer pour son propre compte mais à charge pour elle de les restituer.»
    • Lorsque le contrat de dépôt ou de gage opère un transfert de propriété de la chose remise on parle de dépôt ou de gage irrégulier.
  • Revendication
    • Il est constant que l’action en revendication d’un bien n’est permise qu’à la condition qu’il soit identifiable, ce qui implique qu’il ne doit pas avoir été mélangé avec des biens similaires.
    • Dans un arrêt du 25 mars 1997, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « si le caractère fongible d’un bien ne fait pas par lui-même obstacle à sa revendication, celle-ci ne peut aboutir que dans la mesure où le bien en cause n’a pas été confondu avec d’autres de même espèce» ( com. 25 mars 1997, n°94-18337).
    • Pour pouvoir être revendiquées, les choses fongibles doivent ainsi demeurer identifiables.
    • Par exception, l’article L. 624-16 du Code de commerce applicable en cas d’ouverture d’une procédure collective prévoit que, lorsqu’une clause de réserve de propriété a été stipulée « la revendication en nature peut également s’exercer sur des biens fongibles lorsque des biens de même nature et de même qualité se trouvent entre les mains du débiteur ou de toute personne les détenant pour son compte.»
    • Dans le même sens, l’article 2369 du Code civil dispose que « la propriété réservée d’un bien fongible peut s’exercer, à concurrence de la créance restant due, sur des biens de même nature et de même qualité détenus par le débiteur ou pour son compte.»

Procédure devant le Tribunal judiciaire: l’enrôlement de l’affaire ou le placement de l’acte introductif d’instance (assignation, requête et requête conjointe)

La loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a opéré une simplification des modes de saisine, ces derniers étant unifiés devant le Tribunal judiciaire.

Cette unification des modes de saisine procède de la consécration d’une proposition formulée dans le rapport sur l’amélioration et la simplification de la procédure civile.

Ce rapport, issu d’un groupe de travail dirigé par Frédéric Agostini, Présidente du Tribunal de grande instance de Melun et par Nicolas Molfessis, Professeur de droit, comportait 30 propositions « pour une justice civile de première instance modernisée ».

Au nombre de ces propositions figurait celle appelant à « créer l’acte unique de saisine judiciaire ». Cette proposition repose sur le constat que

  • D’une part, « la majorité des réponses aux consultations est favorable à la réduction des cinq modes de saisine des juridictions civiles et propose de ne conserver que l’assignation et la requête. »
  • D’autre part, « la variété des modes de saisine existant pour une même juridiction est un facteur de complication des méthodes de travail alors que le numérique offre d’importantes perspectives de standardisation et devrait permettre de limiter les tâches répétitives. »

Aussi, le groupe de travail considère-t-il que « la transformation numérique impose de sortir des schémas actuels du code de procédure civile ».

Le vœu formulé par ce dernier a manifestement été exhaussé par le législateur puisque la loi du 23 mars 2019 a non seulement simplifié les modes de saisine, mais encore, tout en supprimant la déclaration au greffe et la présentation volontaire des parties comme mode de saisine, elle a conféré à l’assignation une nouvelle fonction : celle de convocation du défendeur en matière contentieuse. Pour le comprendre, revenons à la fonction générale des actes introductifs d’instance.

La formulation d’une demande en justice suppose, pour le plaideur qui est à l’initiative du procès, d’accomplir ce que l’on appelle un acte introductif d’instance, lequel consiste à soumettre au juge des prétentions (art. 53 CPC).

En matière contentieuse, selon l’article 54 du Code de procédure civile, cet acte peut prendre plusieurs formes au nombre desquelles figurent :

  • L’assignation
  • La requête
  • La requête conjointe

Reste que l’accomplissement d’un acte introductif d’instance n’emporte pas saisine de la juridiction.

En effet, pour saisir le juge, il convient de procéder à l’enrôlement de l’affaire, ce qui, par suite, donnera lieu à la constitution d’un dossier par le greffe. Dans le même temps, et plus précisément dans un délai de 15 jours à compter de la délivrance de l’assignation, il appartient, au défendeur, en procédure écrite, de constituer avocat.

Nous nous focaliserons ici sur l’enrôlement de l’acte introductif.

Bien que l’acte de constitution d’avocat doive être remis au greffe, il n’a pas pour effet de saisir le Tribunal.

Il ressort des articles 754 et 756 du CPC que cette saisine ne s’opère qu’à la condition que l’acte introductif d’instance accompli par les parties (assignation, requête ou requête conjointe) fasse l’objet d’un « placement » ou, dit autrement, d’un « enrôlement ».

Ces expressions sont synonymes : elles désignent ce que l’on appelle la mise au rôle de l’affaire. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer.

Cette exigence de placement d’enrôlement de l’acte introductif d’instance a été généralisée pour toutes les juridictions, de sorte que les principes applicables sont les mêmes, tant devant le Tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

À cet égard, la saisine proprement dite de la juridiction comporte trois étapes qu’il convient de distinguer

  • Le placement de l’acte introductif d’instance
  • L’enregistrement de l’affaire au répertoire général
  • La constitution et le suivi du dossier

I) Le placement de l’acte introductif d’instance

A) Le placement de l’assignation

1. La remise de l’assignation au greffe

L’article 754 du CPC dispose, en effet, que le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre partie, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation.

C’est donc le dépôt de l’assignation au greffe du Tribunal judiciaire qui va opérer la saisine et non sa signification à la partie adverse.

À cet égard, l’article 769 du CPC précise que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

2. Le délai

a. Principe

i. Droit antérieur

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020, disposait dans son ancienne rédaction que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date ».

L’alinéa 2 précisait que « lorsque la date de l’audience est communiquée par voie électronique, la remise doit être faite dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Il ressortait de la combinaison de ces deux dispositions que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y avait lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée par voie électronique.

?La date d’audience n’était pas communiquée par voie électronique

Il s’agit de l’hypothèse où les actes de procédures ne sont pas communiqués par voie électronique (RPVA).

Tel est le cas, par exemple, en matière de procédure orale ou de procédure à jour fixe, la voie électronique ne s’imposant, conformément à l’article 850 du CPC, qu’en matière de procédure écrite.

Cette disposition prévoit, en effet, que « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, en matière de procédure écrite ordinaire et de procédure à jour fixe, les actes de procédure à l’exception de la requête mentionnée à l’article 840 sont remis à la juridiction par voie électronique. »

Dans cette hypothèse, il convenait donc de distinguer deux situations :

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant l’audience
    • Le délai d’enrôlement de l’assignation devait être alors porté à 15 jours
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant l’audience
    • L’assignation devait être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

?La date d’audience était communiquée par voie électronique

Il s’agit donc de l’hypothèse où la date d’audience est communiquée par voie de RPVA ce qui, en application de l’article 850 du CPC, intéresse :

  • La procédure écrite ordinaire
  • La procédure à jour fixe

L’article 754 du CPC prévoyait que pour ces procédures, l’enrôlement de l’assignation doit intervenir « dans le délai de deux mois à compter de cette communication. »

Ainsi, lorsque la communication de la date d’audience était effectuée par voie électronique, le demandeur devait procéder à la remise de son assignation au greffe dans un délai de deux mois à compter de la communication de la date d’audience.

Le délai de placement de l’assignation était censé être adapté à ce nouveau mode de communication de la date de première audience.

Ce système n’a finalement pas été retenu lors de la nouvelle réforme intervenue un an plus tard.

ii. Droit positif

L’article 754 du CPC, modifié par le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021, dispose désormais en son alinéa 2 que « sous réserve que la date de l’audience soit communiquée plus de quinze jours à l’avance, la remise doit être effectuée au moins quinze jours avant cette date. »

Il ressort de cette disposition que pour déterminer le délai d’enrôlement de l’assignation, il y a lieu de distinguer selon que la date d’audience est ou non communiquée 15 jours avant la tenue de l’audience.

  • La date d’audience est communiquée plus de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée au plus tard 15 jours avant l’audience
  • La date d’audience est communiquée moins de 15 jours avant la tenue de l’audience
    • Dans cette hypothèse, l’assignation doit être enrôlée avant l’audience sans condition de délai

Le décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 a ainsi mis fin au système antérieur qui supposait de déterminer si la date d’audience avait ou non été communiquée par voie électronique.

b. Exception

L’article 755 prévoit que dans les cas d’urgence ou de dates d’audience très rapprochées, les délais de comparution des parties ou de remise de l’assignation peuvent être réduits sur autorisation du juge.

Cette urgence sera notamment caractérisée pour les actions en référé dont la recevabilité est, pour certaines, subordonnée à la caractérisation d’un cas d’urgence (V. en ce sens l’art. 834 CPC)

Au total, le dispositif mis en place par le décret du 27 novembre 2020 permet de clarifier l’ancienne règle posée par l’ancien décret du 11 décembre 2019 et d’éviter les placements tardifs, et de récupérer une date d’audience inutilisée pour l’attribuer à une nouvelle affaire.

En procédure écrite, il convient surtout de retenir que le délai d’enrôlement est, par principe de deux mois, et par exception, il peut être réduit à 15 jours, voire à moins de 15 jours en cas d’urgence.

3. La sanction

L’article 754 prévoit que le non-respect du délai d’enrôlement est sanctionné par la caducité de l’assignation, soit son anéantissement rétroactif, lequel provoque la nullité de tous les actes subséquents.

Cette disposition précise que la caducité de l’assignation est « constatée d’office par ordonnance du juge »

À défaut, le non-respect du délai d’enrôlement peut être soulevé par requête présentée au président ou au juge en charge de l’affaire en vue de faire constater la caducité. Celui-ci ne dispose alors d’aucun pouvoir d’appréciation.

En tout état de cause, lorsque la caducité est acquise, elle a pour effet de mettre un terme à l’instance.

Surtout, la caducité de l’assignation n’a pas pu interrompre le délai de prescription qui s’est écoulé comme si aucune assignation n’était intervenue (Cass. 2e civ., 11 oct. 2001, n°9916.269).

B) Le placement de la requête

?Modalités de placement

La procédure sur requête présente cette particularité d’être non-contradictoire. Il en résulte que la requête n’a pas vocation à être notifiée à la partie adverse, à tout le moins dans le cadre de l’introduction de l’instance.

Aussi, la saisie de la juridiction s’opère par l’acte de dépôt de la requête auprès de la juridiction compétence, cette formalité n’étant précédée, ni suivi d’aucune autre.

L’article 845 du CPC prévoit en ce sens que « le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection est saisi par requête dans les cas spécifiés par la loi. »

L’article 756 précise que « cette requête peut être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des sceaux. »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que, lorsque les parties ont soumis leur différend à un conciliateur de justice sans parvenir à un accord, leur requête peut également être transmise au greffe à leur demande par le conciliateur.

À cet égard, il convient d’observer que, désormais, à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice doit être précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à une action en bornage ou aux actions visées à l’article R. 211-3-8 du Code de l’organisation judiciaire (art. 750-1 CPC).

Enfin, comme pour l’assignation, en application de l’article 769 du CPC, la remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties défendeur

L’article 758 du CPC dispose que, lorsque la juridiction est saisie par requête, le président du tribunal fixe les lieu, jour et heure de l’audience.

Reste à en informer les parties :

  • S’agissant du requérant
    • Il est informé par le greffe de la date et de l’heure de l’audience « par tous moyens »
    • On en déduit qu’il n’est pas nécessaire pour le greffe de lui communication l’information par voie de lettre recommandée
  • S’agissant du défendeur
    • L’article 758, al. 3 prévoit que le greffier convoque le défendeur à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
    • À cet égard, la convocation doit comporter un certain nombre de mentions au nombre desquelles figurent :
      • La date ;
      • L’indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;
      • L’indication que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;
      • Le cas échéant, la date de l’audience à laquelle le défendeur est convoqué ainsi que les conditions dans lesquelles il peut se faire assister ou représenter.
      • Un rappel des dispositions de l’article 832 du CPC qui prévoit que
      • « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1343-5 du Code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées. »

      • Les modalités de comparution devant la juridiction
    • La convocation par le greffe du défendeur vaut citation précise l’article 758 du CPC.
    • Enfin, lorsque la représentation est obligatoire, l’avis est donné aux avocats par simple bulletin.
    • Par ailleurs, la copie de la requête est jointe à l’avis adressé à l’avocat du défendeur ou, lorsqu’il n’est pas représenté, au défendeur.

C) Le placement de la requête conjointe

?Modalités de placement

L’article 756 du CPC prévoit que « dans les cas où la demande peut être formée par requête, la partie la plus diligente saisit le tribunal par la remise au greffe de la requête. » La saisine de la juridiction compétente s’opère ainsi de la même manière que pour la requête « ordinaire ».

La requête peut, de sorte, également être remise ou adressée ou effectuée par voie électronique dans les conditions prévues par arrêté du garde des Sceaux à intervenir.

Le dépôt de la requête suffit, à lui-seul, à provoquer la saisine du Tribunal judiciaire. À la différence de l’assignation, aucun délai n’est imposé aux parties pour procéder au dépôt. La raison en est que la requête n’est pas signifiée, de sorte qu’il n’y a pas lieu de presser les demandeurs.

En application de l’article 769 du CPC La remise au greffe de la copie de la requête est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué.

?Convocation des parties

L’article 758 du CPC prévoit que, lorsque la requête est signée conjointement par les parties, cette date est fixée par le président du tribunal ; s’il y a lieu il désigne la chambre à laquelle elle est distribuée.

Consécutivement à la fixation de la date d’audience, les parties en sont avisées par le greffier.

II) L’enregistrement de l’affaire au répertoire général

L’article 726 du CPC prévoit que le greffe tient un répertoire général des affaires dont la juridiction est saisie. C’est ce que l’on appelle le rôle.

Le répertoire général indique la date de la saisine, le numéro d’inscription, le nom des parties, la nature de l’affaire, s’il y a lieu la chambre à laquelle celle-ci est distribuée, la nature et la date de la décision

Consécutivement au placement de l’acte introductif d’instance, il doit inscrire au répertoire général dans la perspective que l’affaire soit, par suite, distribuée.

III) La constitution et le suivi du dossier

Consécutivement à l’enrôlement de l’affaire, il appartient au greffier de constituer un dossier, lequel fera l’objet d’un suivi et d’une actualisation tout au long de l’instance.

?La constitution du dossier

L’article 727 du CPC prévoit que pour chaque affaire inscrite au répertoire général, le greffier constitue un dossier sur lequel sont portés, outre les indications figurant à ce répertoire, le nom du ou des juges ayant à connaître de l’affaire et, s’il y a lieu, le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties.

Sont versés au dossier, après avoir été visés par le juge ou le greffier, les actes, notes et documents relatifs à l’affaire.

Y sont mentionnés ou versés en copie les décisions auxquelles celle-ci donne lieu, les avis et les lettres adressés par la juridiction.

Lorsque la procédure est orale, les prétentions des parties ou la référence qu’elles font aux prétentions qu’elles auraient formulées par écrit sont notées au dossier ou consignées dans un procès-verbal.

Ainsi, le dossier constitué par le greffe a vocation à recueillir tous les actes de procédure. C’est là le sens de l’article 769 du CPC qui prévoit que « la remise au greffe de la copie d’un acte de procédure ou d’une pièce est constatée par la mention de la date de remise et le visa du greffier sur la copie ainsi que sur l’original, qui est immédiatement restitué. »

?Le suivi du dossier

L’article 771 prévoit que le dossier de l’affaire doit être conservé et tenu à jour par le greffier de la chambre à laquelle l’affaire a été distribuée.

Par ailleurs, il est établi une fiche permettant de connaître à tout moment l’état de l’affaire.

En particulier, en application de l’article 728 du CPC, le greffier de la formation de jugement doit tenir un registre où sont portés, pour chaque audience :

  • La date de l’audience ;
  • Le nom des juges et du greffier ;
  • Le nom des parties et la nature de l’affaire ;
  • L’indication des parties qui comparaissent elles-mêmes dans les matières où la représentation n’est pas obligatoire ;
  • Le nom des personnes qui représentent ou assistent les parties à l’audience.

Le greffier y mentionne également le caractère public ou non de l’audience, les incidents d’audience et les décisions prises sur ces incidents.

L’indication des jugements prononcés est portée sur le registre qui est signé, après chaque audience, par le président et le greffier.

Par ailleurs, l’article 729 précise que, en cas de recours ou de renvoi après cassation, le greffier adresse le dossier à la juridiction compétente, soit dans les quinze jours de la demande qui lui en est faite, soit dans les délais prévus par des dispositions particulières.

Le greffier établit, s’il y a lieu, copie des pièces nécessaires à la poursuite de l’instance.

Depuis l’adoption du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005, il est admis que le dossier et le registre soient tenus sur support électronique, à la condition que le système de traitement des informations garantisse l’intégrité et la confidentialité et permettre d’en assurer la conservation.

Ordonnance sur requête: procédure devant le Tribunal judiciaire

?Particularités

Les procédures sur requête présentent cette particularité de déroger au principe du contradictoire, en ce sens que le défendeur ne sera pas appelé par le juge à opposer au requérant ses arguments en défense.

L’article 493 du Code de procédure civile dispose en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Pratiquement, les procédures sur requête ont été envisagées par le législateur avec cet objectif de ménager un effet de surprise.

À cet égard, elles offrent la possibilité au requérant, qui remplit les conditions requises, d’obtenir d’une juridiction présidentielle une décision (ordonnance) provisoire aux fins, non pas de trancher le fond d’un litige, mais d’obtenir l’accomplissement d’un acte ou l’adoption d’une mesure.

Les procédures sur requête peuvent être engagées, tant avant le procès, qu’en cours d’instance.

?Procédure sur requête et procédure de référé

  • Points communs
    • Monopole des juridictions présidentielles
      • Les procédures sur requête et de référé relèvent des pouvoirs propres des Présidents de Juridiction, à l’exception du Conseil de prud’hommes.
    • Absence d’autorité de la chose jugée
      • La procédure sur requête et la procédure de référé ne possèdent pas l’autorité de la chose jugée au principal.
      • Elles conduisent seulement, si elles aboutissent, au prononcé d’une décision provisoire
      • Aussi, appartiendra-t-il aux parties d’engager une autre procédure afin de faire trancher le litige au fond.
    • Efficacité de la décision
      • Tant l’ordonnance sur requête que l’ordonnance de référé sont exécutoires immédiatement, soit sans que la voie de recours susceptible d’être exercée par le défendeur produise un effet suspensif
  • Différences
    • Le principe du contradictoire
      • La principale différence qui existe entre la procédure sur requête et la procédure de référé réside dans le principe du contradictoire
      • Tandis que la procédure sur requête déroge à ce principe directeur du procès, la procédure de référé y est soumise
    • Exécution sur minute
      • À la différence de l’ordonnance de référé qui, pour être exécutée, doit préalablement être signifiée, point de départ du délai d’exercice des voies de recours, l’ordonnance rendue sur requête est de plein droit exécutoire sur minute.
      • Cela signifie qu’elle peut être exécutée sur simple présentation, sans qu’il soit donc besoin qu’elle ait été signifiée au préalable.
      • Sauf à ce que le Juge ordonne, conformément à l’article 489 du CPC, que l’exécution de l’ordonnance de référé se fera sur minute, cette décision est seulement assortie de l’exécution provisoire

?Textes

Deux sortes de textes régissent les procédures sur requête :

  • Les dispositions communes à toutes les juridictions
    • Les articles 493 à 498 du Code de procédure civile déterminent :
      • Les règles de procédures
      • Le formalisme à respecter
      • Les voies de recours susceptibles d’être exercées
  • Les dispositions particulières à chaque juridiction
    • Pour le Président du Tribunal judiciaire, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC.
    • Pour le Juge des contentieux de la protection, il convient de se reporter aux articles 845 et 846 du CPC
    • Pour le Président du Tribunal de commerce, il convient de se reporter aux articles 874 à 876-1 du CPC
    • Pour le président du tribunal paritaire de baux ruraux, il convient de se reporter aux articles 897 et 898 du CPC
    • Pour le Premier président de la cour d’appel, il convient de se reporter aux articles 958 et 959 du CPC.

I) La compétence

?Sur la compétence matérielle

Le juge compétent pour connaître d’une procédure sur requête est le Président de la juridiction qui serait compétente pour statuer sur le fond du litige.

Naturellement, la compétence de droit commun du Tribunal judiciaire fait de son Président le juge des requêtes de droit commun.

Quant au Président du Tribunal de commerce, il sera compétent pour connaître des litiges qui présentent un caractère commercial.

En matière prud’homale, dans le silence des textes sur la procédure sur requête, c’est au Président du Tribunal judiciaire qu’il revient de statuer.

Enfin, dans un arrêt du 17 novembre 1981, la Cour de cassation est venue préciser que le Juge de la mise en état n’est jamais compétent pour statuer sur une requête qui lui serait adressée par une partie.

L’article 774 du CPC prévoit, en effet, que, en procédure écrite ordinaire, les avocats sont susceptibles d’être entendus ou appelés avant qu’il ne prononce sa décision, ce qui est incompatible avec la procédure sur requête qui, par nature, est non-contradictoire (Cass. 3e civ. 17 nov. 1981, n°80-10.372).

?Sur la compétence territoriale

Dans le silence des textes, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 18 novembre 1992, que « le juge territorialement compétent pour rendre une ordonnance sur requête est le président de la juridiction saisie au fond ou celui du Tribunal du lieu où la mesure demandée doit être exécutée » (Cass. 2e civ. 18 nov. 1992, n°91-16.447).

Cette décision a été confirmée par un arrêt du 15 octobre 2015 aux termes duquel la deuxième chambre civile a rappelé que « le juge territorialement compétent pour statuer sur une requête fondée sur le troisième de ces textes est le président du tribunal susceptible de connaître de l’instance au fond ou celui du tribunal dans le ressort duquel les mesures d’instruction in futurum sollicitées doivent, même partiellement, être exécutées » (Cass. 2e civ., 15 oct. 2015, n°14-17.564).

Dans le cas où il y a une pluralité de mesures, la cour de cassation a admis la possibilité pour un Président d’ordonner une mesure de constat devant être effectuée dans un autre ressort territorial que le sien, mais à la double condition toutefois que l’une au moins de ces mesures ait lieu dans le ressort du Président qui l’a ordonnée et que cette juridiction soit compétente pour connaître de l’éventuelle instance au fond (Cass. 2e civ. 5 mai 2011, n°10-20.435).

Au bilan, le juge territorialement compétent pour connaître d’une procédure sur requête est :

  • Soit, le Président de la juridiction saisie au fond
  • Soit, le Président de la juridiction du lieu où la mesure demandée doit être exécutée

II) Recevabilité de la requête

?Principe

L’article 750, al. 2e du CPC prévoit que, outre l’assignation, la demande en justice peut être formée par voie de « requête lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 euros en procédure orale ordinaire ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement. »

Il ressort de cette disposition que la saisine du Tribunal judiciaire par voie de requête est limitée aux seules demandes dont le montant n’excède pas 5.000 euros, soit aux petits litiges.

Lorsque le montant de la demande excède ce seuil, l’instance ne peut être introduite qu’au moyen d’une assignation ou d’une requête conjointe.

Aussi, pour les demandes dont le montant est compris entre 5.000 et 10.000 euros, en cas de désaccord entre les parties, le demandeur sera contraint de saisir le juge par voie d’assignation alors même que la représentation n’est pas obligatoire.

En raison de la difficulté de l’exercice de rédaction d’une assignation, c’est là un facteur qui, en pratique, conduit à renforcer la nécessité pour les parties de se faire représenter par un avocat.

?Exceptions

Par exception, l’instance pourra être introduite par voie de requête sans considération du montant de la demande dans deux cas :

  • Soit lorsqu’elle est introduite aux fins de conciliations, en application de l’article 820 du CPC
  • Soit lorsque la loi prévoit expressément que le juge est saisi par requête, conformément, par exemple, à l’article 845, al. 2 du CPC

III) Conditions de la requête

Il ressort des textes applicables à chaque juridiction que le juge peut être saisi par voie de requête :

  • Soit pour ordonner des mesures dans les cas spécifiés par la loi.
  • Soit pour ordonner dans les limites de sa compétence, toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement.

A) Les cas spécifiés par la loi

Un certain nombre de textes prévoient la possibilité pour une personne physique ou morale d’obtenir du Président d’une juridiction une ordonnance de requête, lorsque la dérogation au principe du contradictoire s’avère nécessaire.

Les conditions de recevabilité de la requête sont alors fixées par chaque texte spécifique, étant précisés que ces textes sont épars et disposent en toute matière.

?Exemples de cas prévoyant la saisine d’une juridiction par voie de requête

  • En matière de copropriété, l’article 17 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dispose que « à défaut de nomination du syndic par l’assemblée générale des copropriétaires convoquée à cet effet, le syndic est désigné par le président du judiciaire saisi à la requête d’un ou plusieurs copropriétaires, du maire de la commune ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d’habitat du lieu de situation de l’immeuble. »
  • En matière de saisie-contrefaçon, l’article L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que « en matière de logiciels et de bases de données, la saisie-contrefaçon est exécutée en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal judiciaire. »
  • En matière d’effet de commerce, l’article L. 511-38 du Code de commerce dispose qu’en cas de recours du porteur contre les endosseurs faute de paiement ou d’acception, « les garants contre lesquels un recours est exercé dans les cas prévus par le b et le c du I peuvent, dans les trois jours de l’exercice de ce recours adresser au président du tribunal de commerce de leur domicile une requête pour solliciter des délais. Si la demande est reconnue fondée, l’ordonnance fixe l’époque à laquelle les garants sont tenus de payer les effets de commerce dont il s’agit, sans que les délais ainsi octroyés puissent dépasser la date fixée pour l’échéance. L’ordonnance n’est susceptible ni d’opposition ni d’appel. »
  • En matière de procédure civile, l’article 840 du Code de procédure civile prévoit que « dans les litiges relevant de la procédure écrite ordinaire, le président du tribunal peut, en cas d’urgence, autoriser le demandeur, sur sa requête, à assigner le défendeur à jour fixe. Il désigne, s’il y a lieu, la chambre à laquelle l’affaire est distribuée. »

?Cas particulier des mesures d’instruction in futurum

L’article 145 du Code de procédure civile prévoit que « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

De toute évidence, cette disposition présente la particularité de permettre la saisine du juge aux fins d’obtenir une mesure d’instruction avant tout procès, soit par voie de référé, soit par voie de requête.

Est-ce à dire que la partie cherchant à se préconstituer une preuve avant tout procès dispose d’une option procédurale ?

L’analyse de la combinaison des articles 145 et 845 du Code de procédure civile révèle qu’il n’en est rien.

Régulièrement, la Cour de cassation rappelle, en effet, qu’il ne peut être recouru à la procédure sur requête qu’à la condition que des circonstances particulières l’exigent. Autrement dit, la voie du référé doit être insuffisante, à tout le moins inappropriée, pour obtenir le résultat recherché (V. en ce sens Cass. 2e civ. 13 mai 1987, n°86-11.098).

Cette hiérarchisation des procédures qui place la procédure sur requête sous le signe de la subsidiarité procède de la volonté du législateur de n’admettre une dérogation au principe du contradictoire que dans des situations très exceptionnelles.

D’où l’obligation pour les parties d’envisager, en première intention, la procédure de référé, la procédure sur requête ne pouvant intervenir que dans l’hypothèse où il n’existe pas d’autre alternative.

Dans un arrêt du 29 janvier 2002, la Cour de cassation avait ainsi reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe de la contradiction » (Cass. com., 29 janv. 2002, n° 00-11.134).

Dans un arrêt du 8 janvier 2015, elle a encore exigé que cette circonstance devait être énoncée expressément dans la requête, faute de quoi la demande serait frappée d’irrecevabilité (Cass. 2e civ. 8 janv. 2015, n°13-27.740).

Pratiquement, la nécessité de déroger au principe du contradictoire sera caractérisée dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire

Lorsque cette condition préalable est satisfaite, le requérant devra alors justifier d’un motif légitime qu’il a de conserver ou d’établir l’existence de faits en prévision d’un éventuel procès : il faut que l’action éventuelle au fond ne soit pas manifestement vouée à l’échec.

Sous l’empire du droit antérieur, la Cour de cassation exigeait encore que le requérant démontre l’urgence du prononcé de la mesure d’instruction.

Cette exigence a toutefois été abandonnée par la deuxième chambre civile dans un arrêt du 15 janvier 2009. Elle a affirmé en ce sens que « l’urgence n’est pas une condition requise pour que soient ordonnées sur requête des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile » (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009, n°08-10.771).

Cette solution se justifie par l’autonomie de la procédure sur requête fondée sur l’article 145 du CPC, principe qui conduit à écarter l’application des conditions propres au référé.

C’est la raison pour laquelle, ni la condition d’urgence, ni la condition tenant à l’absence de contestation sérieuse (Cass. 2e civ. 7 nov. 1989, n°88-15.482), ne sont requises pour solliciter par voie de requête une mesure d’instruction in futurum.

Au bilan, les deux seules conditions qui doivent être réunies sont :

  • D’une part, l’existence de circonstances particulières qui justifient de déroger au principe du contradictoire
  • D’autre part, l’existence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige

Lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article 145 CPC, le Président de la juridiction peut prendre toutes les mesures d’instructions utiles légalement admissibles.

Ce qui importe, c’est que ces mesures répondent à l’un des deux objectifs suivants :

  • Conserver la preuve d’un fait
  • Établir la preuve d’un fait

Il ressort d’un arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 7 janvier 1999 que la mesure sollicitée ne peut pas être d’ordre général (Cass. 2e civ. 7 janv. 1999, n°97-10.831). Les mesures prononcées peuvent être extrêmement variées pourvu qu’elles soient précises.

B) L’existence de circonstances qui exigent que des mesures urgentes soient prises non contradictoirement

L’article 845, al. 2 du Code de procédure civile prévoit que le Président du Tribunal compétent « peut également ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient pas prises contradictoirement. »

En dehors des cas spécifiques prévus par la loi, le Président de la juridiction compétente peut donc être saisi par voie de requête aux fins d’adoption de toute mesure utile lorsque deux conditions cumulatives sont remplies :

  • Il existe des circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement
  • Les mesures sollicitées doivent être urgentes

?L’existence de circonstances qui exigent que des mesures ne soient pas prises contradictoirement

L’article 845 du Code de procédure civile pose que pour saisir le Juge par voie de requête, le requérant doit justifier de circonstances qui exigent l’absence de débat contradictoire.

Quelles sont ces circonstances ? Elles sont notamment caractérisées dans l’hypothèse où il y a lieu de procurer au requérant un effet de surprise, effet sans lequel l’intérêt de la mesure serait vidé de sa substance.

Tel est le cas, par exemple, lorsqu’il est besoin de constater un adultère ou des manœuvres de concurrence déloyale.

L’effet de surprise n’est pas le seul motif susceptible d’être invoquée au soutien d’une demande formulée par voie de requête.

Le risque de disparition de preuves peut également être retenu par le juge comme une circonstance justifiant l’absence de débat contradictoire.

Il a encore été admis que le Juge puisse être saisi par voie de requête lorsque l’identification des défendeurs s’avère délicate, sinon impossible.

Dans un arrêt du 17 mai 1977 la Cour de cassation a ainsi admis qu’une décision rendue dans le cadre d’une procédure de référé puisse valoir ordonnance sur requête, dès lors qu’il était établi que des salariés en grève occupant une usine ne pouvaient pas être identifiés, et, par voie de conséquence, mis en cause par voie d’action en référé.

La chambre sociale a notamment avancé, au soutien de sa décision, que « le Président du Tribunal qui a le pouvoir d’ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu’elles ne soient prises contradictoirement ne devait pas en l’espèce statuer de la sorte à l’égard des autres occupants, sous réserve de la faculté pour ceux-ci de lui en référer, en raison de l’urgence à prévenir un dommage imminent, de la difficulté pratique d’appeler individuellement en cause tous les occupants et de la possibilité pour les dirigeants de fait du mouvement de grevé de présenter les moyens de défense communs à l’ensemble du personnel » (Cass. soc. 17 mai 1977, n°75-11.474).

?L’urgence de la prise de mesures

Pour que le juge soit saisi par voie de requête, outre l’établissement de circonstances qui exigence l’absence de débat contradictoire, le requérant doit démontrer que les mesures sollicitées sont urgentes

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par urgence. Il ressort de la jurisprudence que l’urgence doit être appréciée comme en matière de référé.

Classiquement, on dit qu’il y a urgence lorsque « qu’un retard dans la prescription de la mesure sollicitée serait préjudiciable aux intérêts du demandeur » (R. Perrot, Cours de droit judiciaire privé, 1976-1977, p. 432).

Il appartient de la sorte au juge de mettre en balance les intérêts du requérant qui, en cas de retard, sont susceptibles d’être mis en péril et les intérêts du défendeur qui pourraient être négligés en cas de décision trop hâtive à tout le moins mal-fondée.

En toute hypothèse, la détermination de l’urgence relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Elle est appréciée in concreto, soit en considération des circonstances de la cause.

IV) Formalisme de la requête

A) Présentation de la requête

?Notion

La requête est définie à l’article 57 du CPC comme l’acte par lequel le demandeur saisit la juridiction sans que son adversaire en ait été préalablement informé.

À la différence de l’assignation, la requête est donc adressée, non pas à la partie adverse, mais à la juridiction auprès de laquelle est formulée la demande en justice.

Reste qu’elle produit le même effet, en ce qu’elle est un acte introductif d’instance.

?Sur la forme

L’article 494 du Code de procédure civile prévoit que :

  • D’une part, la requête est présentée en double exemplaire
  • D’autre part, elle doit être motivée (en fait et en droit)
  • Enfin, elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.

Cette disposition ajoute que, si la requête est présentée à l’occasion d’une instance en cours, elle doit indiquer la juridiction saisie.

Enfin, il est d’usage que la requête soit assortie du projet d’ordonnance afin de faciliter la tâche du magistrat.

Reste que ce dernier pourra préférer rédiger sa propre ordonnance. Aucune règle formelle n’existe en la matière, de sorte que l’absence de pré-rédaction de l’ordonnance ne saurait être un motif de rejet de la requête pour vice de forme.

Rien n’interdit, par ailleurs, le juge consécutivement au dépôt de la requête de demander à entendre le requérant, en personne, ou par l’entremise de son avocat.

?Sur les mentions

À l’instar de l’assignation, la requête doit comporter un certain nombre de mentions prescrites à peine de nullité par le Code de procédure civile.

Mentions de droit commun
Art. 54• A peine de nullité, la demande initiale mentionne :

1° L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée ;

2° L'objet de la demande ;

3° a) Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs ;

b) Pour les personnes morales, leur forme, leur dénomination, leur siège social et l'organe qui les représente légalement ;

4° Le cas échéant, les mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier ;

5° Lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative, les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative.
Art. 57• Elle contient, outre les mentions énoncées à l'article 54, également à peine de nullité :

-lorsqu'elle est formée par une seule partie, l'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social

-dans tous les cas, l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée.

•Elle est datée et signée.
Art. 757• Outre les mentions prescrites par les articles 54 et 57, la requête doit contenir, à peine de nullité, un exposé sommaire des motifs de la demande.

• Les pièces que le requérant souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions sont jointes à sa requête en autant de copies que de personnes dont la convocation est demandée.

• Le cas échéant, la requête mentionne l'accord du requérant pour que la procédure se déroule sans audience en application de l'article L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire.

• Lorsque la requête est formée par voie électronique, les pièces sont jointes en un seul exemplaire.

• Lorsque chaque partie est représentée par un avocat, la requête contient, à peine de nullité, la constitution de l'avocat ou des avocats des parties.

• Elle est signée par les avocats constitués.
Mentions spécifiques
Ordonnance sur
requête

(Art. 494)
• La requête est présentée en double exemplaire.

• Elle doit être motivée.

• Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées.

• Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.

• En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.
Requête en
injonction
de payer

(Art. 1407)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient l'indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle-ci.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.
Requête en
injonction
de faire

(Art. 1425-2)
• Outre les mentions prescrites par l'article 57, la requête contient :

1° L'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci ;

2° Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire.

• Elle est accompagnée des documents justificatifs.

B) Dépôt

?Sur le lieu du dépôt

  • Principe
    • La requête doit être déposée au greffe du Président de la juridiction saisie
  • Exception
    • L’article 494 al. 3 prévoit que, en cas d’urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge.

?Sur le coût du dépôt

Le dépôt de la requête n’est, par principe, soumis à aucun droit de timbre à l’exception de l’hypothèse où elle serait déposée auprès du Président du tribunal de commerce

Devant la juridiction commerciale, le dépôt de la requête est payant. Le prix est affiché sur le site web des greffes des Tribunaux de commerce.

C) Représentation

?Principe

L’article 846 du CPC prévoit que la requête est présentée :

  • Soit par un avocat
  • Soit par un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur.

?Exceptions

L’alinéa 2 de l’article 846 du CPC précise que « dans les cas où les parties sont dispensées de représentation par avocat, la requête est remise ou adressée au greffe par le requérant ou par tout mandataire. »

Ainsi, lorsque la représentation n’est pas obligatoire, les parties peuvent présenter la requête elles-mêmes ou se faire représenter par le mandataire de leur choix.

Pour mémoire, devant le Tribunal judiciaire, la représentation n’est pas obligatoire notamment dans les cas énoncés à l’article 761 du CPC qui prévoit les parties sont dispensées de constituer avocat lorsque la demande porte :

  • Soit sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros ou a pour objet une demande indéterminée ayant pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros
  • Soit sur une matière relevant de la compétence du juge des contentieux de la protection ;
  • Soit sur l’une des matières énumérées par les articles R. 211-3-13 à R. 211-3-16, R. 211-3-18 à R. 211-3-21, R. 211-3-23 du code de l’organisation judiciaire
  • Soit sur l’une des matières énumérées au tableau IV-II annexé au code de l’organisation judiciaire

V) Effets de la requête

Le dépôt de la requête produit deux effets :

  • Ouverture d’une instance, raison pour laquelle la requête s’apparente à un acte introductif d’instance au sens de l’article 54 du Code de procédure civil, lequel prévoit que « la demande initiale est formée par assignation ou par requête remise ou adressée au greffe de la juridiction ».
  • Interruption de la prescription en application de l’article 2241 du Code civil qui prévoit que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. »

VI) L’ordonnance

L’article 493 du Code de procédure civile prévoit que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition :

  • D’une part, l’ordonnance sur requête est provisoire
  • D’autre part, elle procède d’une procédure non-contradictoire.

L’article 495 du CPC ajoute que l’ordonnance sur requête doit être motivée et qu’elle est exécutoire sur minute.

A) Une décision provisoire

L’ordonnance sur requête partage avec l’ordonnance de référé ce point commun d’être une décision rendue à titre provisoire.

Dans un arrêt du 15 mai 2001, la Cour de cassation a jugé en ce sens que « l’ordonnance sur requête est une décision provisoire, dépourvue de l’autorité de la chose jugée » (Cass. 2e civ. 15 mai 2001, 99-17.008).

Autrement dit, elle ne possède pas l’autorité de la chose jugée, de sorte que, en cas de saisine du Juge au fond, il ne sera pas lié à la décision prise.

L’affaire pourra, dans ces conditions, être rejugée dans tous ses aspects,

B) Une décision non-contradictoire

Bien que l’ordonnance sur requête ait en commun avec l’ordonnance de référé d’être rendue à titre provisoire, elle s’en distingue en ce qu’elle procède d’une procédure non-contradictoire.

Autrement dit, il n’est pas besoin que s’instaure un débat entre le requérant et le mis en cause pour que le Juge rende sa décision. Il dispose de la faculté de rendre une ordonnance sur la seule foi de la requête et des pièces qui lui sont soumis.

Reste que le contradictoire n’est pas totalement écarté, l’article 496 du CPC prévoyant que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

Ainsi, appartient-il à quiconque justifie d’un intérêt à agir de solliciter la restauration du principe de contradictoire.

Dans un arrêt du 4 septembre 2014, la Cour de cassation a rappelé cette faculté en jugeant que « l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile [qui exige la remise d’une copie de la requête au défendeur] a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d’apprécier l’opportunité d’un éventuel recours » (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n° 13-22.971).

C) Une décision motivée

?Sur le fond

L’article 494 du CPC prévoit que l’ordonnance sur requête doit être motivée, en ce sens que le Juge doit justifier sa décision.

Cette motivation est attendue, tant en cas d’acceptation de la demande, qu’en cas de rejet.

?Sur la forme

En application de l’article 454 du CPC, l’ordonnance doit contenir :

  • La juridiction dont il émane ;
  • Le nom du juge qui a délibéré ;
  • La signature du magistrat
  • Sa date ;
  • Le nom du représentant du ministère public s’il a assisté aux débats ;
  • Le nom du greffier ;
  • Les nom, prénoms ou dénomination des parties ainsi que de leur domicile ou siège social ;
  • Le cas échéant, du nom des avocats ou de toute personne ayant représenté ou assisté les parties ;

D) Une décision exécutoire

L’article 495 du CPC dispose que l’ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute. »

Cela signifie qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit signifiée à la partie mise en cause, contrairement à l’ordonnance de référé qui doit être notifiée à l’intéressée.

À cet égard, dans un arrêt du 1er février 2005, la Cour de cassation a considéré que l’exécution d’une ordonnance exécutoire sur minute ne pouvait, en aucune façon, constituer pas une faute, de sorte que le notaire qui s’est dessaisi de fonds dont il était séquestre au vu de l’ordonnance n’engageait pas sa responsabilité (Cass. 2e civ. 1er févr. 2005, n°03-10.018).

Reste que, comme jugé par la Cour de cassation, « l’exécution d’une décision de justice préparatoire ou provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge par lui d’en réparer les conséquences dommageables » (Cass. 2e civ., 9 janv. 2003, n°00-22.188).

Lorsque l’ordonnance est exécutée, en application de l’article 495, al. 3 du CPC, une copie de la requête et de l’ordonnance doit être laissée à la personne à laquelle elle est opposée (V. en ce sens Cass. 2e civ. 4 juin 2015, n°14-16.647).

Cette exigence se justifie par la nécessité de laisser la possibilité à cette dernière d’exercer une voie de recours (Cass. 2e civ., 4 sept. 2014, n°13-22.971).

Le double de l’ordonnance est, par ailleurs, conservé au greffe de la juridiction saisie (art. 498 CPC).

VII) Voies de recours

Il convient de distinguer selon que l’ordonnance fait droit à la demande du requérant ou selon qu’elle le déboute de sa demande.

A) L’admission de la requête

?Le référé-rétractation

En cas d’admission de la requête par la juridiction saisie, la personne contre qui elle est rendue dispose d’une voie de recours qui consiste en un référé-rétractation.

L’article 496 du CPC prévoit en ce sens que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance. »

En application de l’article 497 le juge dispose alors de trois options :

  • Soit il maintient son ordonnance
  • Soit il modifie son ordonnance
  • Soit il rétracte son ordonnance

?Délai

Dans le silence des textes, le recours en rétractation de l’ordonnance peut être exercé tant que l’ordonnance n’a pas épuisé tous ses effets

L’article 497 du CPC précise d’ailleurs que « le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire »

?Procédure

  • Compétence du juge
    • Le Juge compétent pour connaître du recours en rétractation est celui-là même qui a rendu l’ordonnance contestée et non le juge des référés
  • Recevabilité
    • Contrairement à l’action en référé qui n’est recevable qu’à la condition de démontrer l’existence d’une urgence ou l’absence de contestation sérieuse, le juge ayant vocation à connaître d’un recours en rétractation n’est pas soumis à ses conditions
    • Le recours peut donc être exercé, sans qu’il soit besoin pour son auteur de justifier d’une urgence ou d’établir d’absence de contestation sérieuse.
  • Pouvoirs du juge
    • Bien que le juge saisi d’un recours en rétractation ne soit pas le juge des référés, il est invité à statuer comme en matière de référé.
    • Plus précisément, dans un arrêt du 19 février 2015, la Cour de cassation a considéré que le juge statuant sur une demande de rétractation ne peut statuer « qu’en exerçant les pouvoirs du juge des référés que lui confère exclusivement l’article 496, alinéa 2, du code de procédure civile ».
    • Cela signifie, en somme, que le juge ne peut, en rétablissant le contradictoire, que maintenir, modifier ou rétracter son ordonnance.
    • Pour ce faire, il doit vérifier que toutes les conditions étaient remplies lorsqu’il a rendu son ordonnance et que la demande était fondée.
    • Dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour de cassation a précisé que l’« instance en rétractation ayant pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire, la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet » (Cass. 2e civ. 9 sept. 2010, n°09-69.936).
  • Acte introductif d’instance
    • Le recours en rétractation s’exerce par voie d’assignation
    • Aussi, conviendra-t-il pour le défendeur d’assigner en référé aux fins de rétractation de l’ordonnance contestée (Cass. 2e civ., 7 janv. 2010, n°08-16.486).
  • Décision
    • La décision rendue par le Juge saisi consistera en une ordonnance de référé, contradictoire, mais dépourvue de l’autorité de la chose jugée, de sorte que les juges du fond ne seront pas liés par ce qui a été décidé.

B) Le rejet de la requête

L’article 496, al. 1 du CPC prévoit que « s’il n’est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l’ordonnance n’émane du premier président de la cour d’appel ».

C’est donc la voie de l’appel qui est ouverte au requérant en cas de rejet de sa requête.

Il dispose alors d’un délai de quinze jours à compter du jour où l’ordonnance a été rendue. L’appel ne peut être interjeté qu’auprès du magistrat qui a rendu l’ordonnance.

L’article 496, al. 1 in fine précise que « l’appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse. »

Il convient alors de se reporter aux articles 950 à 953 du CPC qui encadre la procédure d’appel en matière gracieuse.

Il est notamment prévu par l’article 950 que « l’appel contre une décision gracieuse est formé, par une déclaration faite ou adressée par pli recommandé au greffe de la juridiction qui a rendu la décision, par un avocat ou un officier public ou ministériel dans les cas où ce dernier y est habilité par les dispositions en vigueur. »