La fin de non-recevoir comme sanction de la violation d’une clause de conciliation (Cass. 3e civ. 16 nov. 2017)

Par un arrêt du 16 novembre 2017, la troisième chambre civile confirme la nature de la sanction applicable en cas de violation d’une clause de conciliation.

  • Faits
    • Un maître d’ouvrage a fait construire, sous la direction d’un maître d’œuvre, deux maisons et une piscine par un entrepreneur
    • Lors la réception de la livraison, des réserves sont émises par le Maître d’ouvrage qui refuse de procéder au règlement de l’entrepreneur.
  • Demande
    • En réaction, ce dernier assigne en paiement le maître d’ouvrage qui appelle en garantie le maître d’œuvre, lequel soulève l’irrecevabilité de l’action, faute de saisine préalable du conseil régional de l’ordre des architectes ;
  • Procédure
    • Par un arrêt du 30 juin 2016, la Cour d’appel de Nîmes déclare la demande du maître d’ouvrage formulée contre le maître d’œuvre recevable.
    • Les juges du fond considèrent que le contrat qui stipulait qu’« en cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l’ordre des architectes dont relève l’architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire », il n’instituait pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, mais prévoyait simplement qu’une demande d’avis devait être adressée au conseil régional des architectes et que la fin de non-recevoir pouvait être régularisée en cours d’instance
  • Solution
    • Par un arrêt du 16 novembre 2017, la Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel.
    • Elle considère que « le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir et que la situation donnant lieu à celle-ci n’était pas susceptible d’être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d’instance».
    • Ainsi, pour la Cour de cassation, la violation d’une clause qui institue une procédure de conciliation obligatoire préalablement à la saisine du juge est sanctionnée par une fin de non-recevoir
    • Cette sanction avait été consacrée dans deux arrêts de la chambre mixte rendus le 14 février 2003.
    • Cette dernière avait estimé dans ces décisions « qu’il résulte des articles 122 et 124 du nouveau Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées ; que, licite, la clause d’un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu’à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s’impose au juge si les parties l’invoquent».
    • Dans des décisions postérieures, la Cour de cassation avait toutefois précisé que cette clause de conciliation devait faire l’objet d’une interprétation restrictive.
    • La chambre commerciale avait estimé en ce sens dans un arrêt du 29 avril 2014 que « la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en œuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s’imposant à celui-ci »
    • Ainsi, pour constituer une fin de non-recevoir, la violation doit porter sur une clause fixant des modalités précises de règlement du litige.
    • En l’espèce, non seulement la Cour de cassation confirme la fin de non-recevoir comme sanction de la violation d’une clause de conciliation, mais encore elle considère que la clause litigieuse était suffisamment précise pour justifier le prononcé de cette sanction.
    • La troisième chambre civile ajoute que la mise en œuvre de la clause en cours de l’instance est insusceptible de couvrir l’irrégularité.
    • L’article 126 du Code de procédure civile est donc inapplicable en matière de violation d’une clause de non-conciliation.
    • Pour mémoire, cette disposition prévoit que « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.»
    • Il en résulte que, à supposer que l’action ne soit pas prescrite, le maître d’ouvrage n’aura d’autre choix que d’invoquer la clause, après quoi seulement il pourra introduire une nouvelle action.

Cass. 3e civ. 16 nov. 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles 122 et 126 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 juin 2016), que M. X..., maître d'ouvrage, a fait construire, sous la maîtrise d'oeuvre de M. Y..., deux maisons et une piscine par M. Z..., entrepreneur ; que, après réception avec des réserves, celui-ci a assigné en paiement de la retenue de garantie et des travaux supplémentaires M. X..., qui a appelé en garantie M. Y..., lequel a soulevé l'irrecevabilité de l'action, faute de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes ;

Attendu que, pour déclarer recevable la demande du maître de l'ouvrage contre l'architecte, l'arrêt retient que l'article G10 du cahier des charges générales du contrat d'architecte, qui stipulait qu' « en cas de litige portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire », n'instituait pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, mais prévoyait simplement qu'une demande d'avis devait être adressée au conseil régional des architectes et que la fin de non-recevoir pouvait être régularisée en cours d'instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation, obligatoire et préalable à la saisine du juge, constituait une fin de non-recevoir et que la situation donnant lieu à celle-ci n'était pas susceptible d'être régularisée par la mise en œuvre de la clause en cours d'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable la mise en cause de M. Y..., l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

TEXTES

Code de procédure civile

Article 122

Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Article 126

Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.
Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance.

La nullité du contrat : régime juridique

I) Vue générale

A) Notion

Aux termes du nouvel article 1178 du Code civil introduit par l’ordonnance du 10 février 2016, « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. ».

Par « nul », il faut comprendre, poursuit cette disposition, qu’il « est censé n’avoir jamais existé. »

Il ressort de cette définition générale de la nullité qu’elle présente deux caractères principaux :

  • Elle sanctionne les conditions de formation de l’acte irrégulier
  • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe rétroactivement

B) Nullité et notions voisines

1. Nullité et caducité

?Défaillance

La caducité et la nullité ne viseraient donc pas à sanctionner les mêmes défaillances.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La caducité
    • Elle s’identifie à l’état d’un acte régulièrement formé initialement, mais qui, en raison de la survenance d’une circonstance postérieure, perdrait un élément essentiel à son existence.

?Volonté des parties

Pour être acquise, la caducité doit résulter de la survenant d’un événement indépendant de la volonté des parties.

Admettre le contraire reviendrait à conférer indirectement aux parties un droit de rupture unilatérale du contrat.

?Effets

  • La nullité
    • Elle est, en principe, assortie d’un effet rétroactif.
    • L’acte est donc anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • La caducité
    • Selon les termes de l’article 1187 du Code civil, elle met simplement fin au contrat, de sort qu’elle n’opère que pour l’avenir.
    • Les parties pourront toujours solliciter des restitutions.

2. Nullité et résolution

?Défaillance

Comme la caducité, la résolution ne vise à pas sanctionner la même défaillance que la nullité.

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La résolution
    • Elle sanctionne une irrégularité qui procède de la survenance d’une circonstance postérieure à la formation.
    • Cette irrégularité consiste
      • Soit en une inexécution
      • Soit en la non-réalisation d’une condition

Tandis que la nullité intervient au moment de la formation du contrat, la résolution ne peut survenir qu’au cours de son exécution.

?Effets

  • Principe
    • La nullité et la résolution produisent les mêmes effets : elles sont toutes les deux assorties d’un effet rétroactif.
  • Exception
    • En matière de contrat à exécution successive, il ressort de l’article 1229, al. 3 du Code civil que « lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat, il n’y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. »
    • Autrement dit, contrairement à la résolution, la résiliation anéantit le contrat seulement pour l’avenir.
    • Elle ne produit aucun effet rétroactif.

3. Nullité et rescision

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • La rescision
    • Elle sanctionne la lésion qui affecte certains contrats au moment de leur formation.
    • Par lésion, il faut entendre le préjudice subi par l’une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait d’un déséquilibre existant entre les prestations.

?Effets

Tant la nullité que la rescision sont assorties d’un effet rétroactif. Le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés

4. Nullité et inopposabilité

?Défaillance

Tant la nullité que l’inopposabilité résultent du non-respect d’une condition de formation du contrat.

L’inopposabilité résultera, le plus souvent, du non-accomplissement d’une formalité de publicité.

?Effets

  • La nullité
    • Elle anéantit l’acte qu’elle frappe, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.
  • L’inopposabilité
    • Contrairement à la nullité, elle n’a pas pour effet d’anéantir l’acte : il demeure valable entre les parties
    • L’inopposabilité a seulement pour effet de rendre l’acte inefficace pour les tiers.

5. Nullité et inexistence

?Défaillance

  • La nullité
    • Elle sanctionne le non-respect d’une condition de validité d’un acte juridique lors de sa formation.
  • L’inexistence
    • Si l’inexistence se rapproche de la nullité en ce qu’elle consiste en la sanction prononcée à l’encontre d’un acte dont l’un des éléments constitutifs essentiels à sa formation fait défaut.
    • Elle s’en distingue, en ce qu’elle intervient lorsque la défaillance qui atteint l’une des conditions de validité de l’acte porte sur son processus de formation.
    • Autrement dit, tandis qu’en matière de nullité l’échange des consentements a eu lieu, tel n’est pas le cas en matière d’inexistence.
    • Aussi, l’inexistence vient-elle précisément sanctionner l’absence de rencontre des volontés.
    • Dans un arrêt du 5 mars 1991, la Cour de cassation a approuvé en ce sens une Cour d’appel qui, après avoir relevé qu’aucun échange de consentement n’était intervenu entre les parties, a estimé qu’il n’y avait pas pu y avoir de contrat elles (Cass. 1ère civ., 5 mars 1991, n°89-17.167).
    • Conformément à cette jurisprudence, l’erreur obstacle devrait donc, en toute logique, être sanctionnée par l’inexistence, comme le soutiennent certains auteurs et non par la nullité.

?Effets

  • La nullité
    • Dans l’hypothèse, où le non-respect d’une condition de validité du contrat est sanctionné par la nullité, celui qui entend contester l’acte dispose d’un délai de 5 ans pour agir.
    • Conformément à l’article 2224 du Code civil, le point de départ de ce délai de prescription court à compter « du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Il s’agira, le plus souvent, du jour de la conclusion du contrat.
  • L’inexistence
    • Dans l’hypothèse toutefois où la sanction prononcée est l’inexistence de l’acte, le contrat n’a jamais été formé puisque les volontés ne se sont pas rencontrées.
    • Il en résulte que les parties à l’acte inexistant ne sauraient se prévaloir d’aucun droit, sinon de celui de faire constater l’inexistence.
    • Aussi, l’exercice de l’action en inexistence n’est-il subordonné à l’observation d’un quelconque délai de prescription.
    • L’intérêt de la sanction de l’inexistence ne tient pas seulement à l’absence de prescription de l’action.
    • Elle réside également dans l’impossibilité pour les parties de confirmer l’acte.
    • On ne saurait, en effet, confirmer la validité d’un acte qui n’a jamais existé.

C) La summa divisio des nullités

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

?La théorie classique

Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.

Autrement dit, le contrat pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.

Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.

Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour le contrat qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.

En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue

Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative

Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.

?La théorie moderne

La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.

Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.

Ainsi, selon cette théorie :

  • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
  • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée

S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Qui plus est, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux n’ont absolument pas renoncé au premier critère.

Il est, en effet, constant en jurisprudence que les vices de forme ou l’absence d’objet sont sanctionnés par une nullité absolue, alors même que ces conditions de validité de l’acte visent à protéger moins l’intérêt général, que l’intérêt des cocontractants.

Aussi, cela témoigne-t-il, sans aucun doute, de l’existence d’une certaine corrélation entre la gravité du mal qui affecte l’acte et la sanction appliquée.

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur n’est pas resté étranger à ce débat.

On peut lire dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’il a entendu consacrer « ce qu’il est convenu d’appeler la théorie moderne des nullités »

Cette volonté du législateur de trancher le débat relatif au critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative, s’est traduite par l’introduction d’un nouvel article 1179 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit désormais que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • Relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

Aussi, est-ce toujours autour de cette distinction que s’articule le régime juridique de l’action en nullité (I)

Que la nullité soit absolue ou relative, cela n’aura toutefois aucune répercussion sur les effets de la nullité (II)

II) L’action en nullité

A) Les titulaires de l’action en nullité

Afin de déterminer qui a qualité à agir en annulation d’un acte, il convient de déterminer si la sanction de la règle transgressée est une nullité absolue ou relative.

1. L’invocation de la nullité absolue

?Principe : indifférence de la qualité à agir

Aux termes du nouvel article 1180 du Code civil « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Cela signifie que le périmètre de l’action s’étend au-delà de la sphère des parties.

L’étendue de ce périmètre se justifie par la nature de la transgression qui est sanctionnée.

L’atteinte est portée, en pareil cas, à une règle protectrice de l’intérêt général. Potentiellement ce sont donc tous les sujets droits qui sont visés par cette atteinte.

Dans ces conditions, il n’est pas illégitime d’admettre qu’ils puissent agir en nullité de l’acte qu’il leur fait grief aux fins d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

?Condition : exigence d’un intérêt à agir

Si, en matière de nullité absolue, l’article 1180 du Code civil ne restreint pas le nombre de personnes qui ont qualité à agir, il n’en subordonne pas moins l’exercice de l’action à l’existence d’un intérêt.

Pour invoquer la nullité absolue d’un acte cela suppose, autrement dit, d’être en mesure de justifier :

  • En premier lieu
    • d’un intérêt légitime au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, soit d’un intérêt qui entretient un lien suffisamment étroit avec la cause de nullité.
  • En second lieu
    • d’un intérêt direct ce qui pose la question de la faculté pour les associations et autres groupements de défense des intérêts collectifs d’agir en nullité.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2014, cela n’a toutefois pas empêché la Cour de cassation de reconnaître à un syndicat son intérêt à agir en nullité d’un acte (Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°13-12.675).

?Les personnes qui ont un intérêt à agir

  • Les parties
    • De par leur engagement à l’acte, les parties ont, en toutes circonstances, intérêt à soulever une cause de nullité absolue.
    • Elles y sont intéressées au premier chef.
    • Cette faculté leur est offerte, quand bien même le contractant qui solliciterait la nullité serait à l’origine du vice qui affecte l’acte.
    • La raison en est que l’adage nemo auditur n’est applicable aux effets de l’action engagée et non à ses causes.
  • Les créanciers
    • Les créanciers peuvent justifier d’un intérêt à agir s’ils démontrent que l’acte conclu par leur débiteur leur cause un préjudice.
    • Dans le cas, contraire l’action en nullité leur sera fermée
  • Les tiers
    • La possibilité pour un tiers d’agir en nullité semble extrêmement restreinte.
    • Par définition, le tiers est insusceptible d’être atteint par les effets de l’acte.
    • Dans ces conditions, il ne semble pas pouvoir être en mesure de justifier d’un intérêt à agir, sauf à envisager que l’exécution de l’acte lui cause préjudice
  • Le ministère public
    • La possibilité pour le ministère public d’agir en nullité absolue de l’acte est expressément prévue par l’article 1180 du Code civil.
    • Son action n’est subordonnée, a priori, au respect d’aucune condition en particulier.
    • En pratique toutefois
      • d’une part, son intervention sera subsidiaire
      • d’autre part, il ne soulèvera que les causes de nullité relatives à l’illicéité du contenu de l’acte

2. L’invocation de la nullité relative

?Restriction des personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article 1181 du Code civil « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. »

Ainsi, la loi restreint-elle le cercle des personnes ayant qualité à agir en nullité relative d’un acte. Cette disposition est d’ordre public. Il ne saurait, en conséquence, y être dérogé par convention contraire.

?Les personnes ayant qualité à agir

  • Les contractants
    • La règle dont la violation est sanctionnée par une nullité relative vise, le plus souvent, à protéger les contractants
    • Mécaniquement, c’est donc l’une des parties au contrat qui sera seule titulaire de l’action en nullité
    • Il en ira ainsi en matière :
      • de vices du consentement
      • de lésion (lorsqu’elle est reconnue)
      • d’incapacité
    • Il peut être observé que l’action en nullité ne pourra être exercée que par la partie victime de la violation de la règle sanctionnée par une nullité relative
    • Son cocontractant sera, en conséquence, privé du droit d’agir, quand bien même il justifierait d’un intérêt.
  • Les représentants légaux
    • En ce qu’ils agissent au nom et pour le compte de la personne protégée, les représentants légaux peuvent exercer l’action en nullité (tuteur, curateur etc.).
  • Les ayants cause
    • Lorsque les droits de la personne protégée sont transmis à un ayant cause, celui-ci devient titulaire des actions attachées à ces droits, dont l’action en nullité qui dès lors, pourra être exercée par lui.
  • Les créanciers
    • Si, par principe, les créanciers n’auront pas qualité à agir pour exercer directement l’action en nullité lorsque ladite nullité est relative, ils pourront néanmoins agir par voie d’action oblique.
    • L’article 1341-1 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »

B) Les pouvoirs du juge

?Principe : la nullité judiciaire

  • Le monopole du juge
    • En principe, seul le juge est investi du pouvoir de prononcer la nullité du contrat.
    • L’article 1178 du Code civil dispose que « la nullité doit être prononcée par le juge ».
    • Cette règle se justifie par la présomption de validité qui pèse sur les conventions.
    • Cette présomption a été instituée aux fins d’assurer la sécurité des actes juridiques.
    • Il sera par conséquent nécessaire pour celui qui agit en nullité d’un acte de saisir la juridiction compétente, avant d’entreprendre toute rupture de la relation contractuelle.
    • Aussi, appartiendra-t-il au juge une fois saisi
      • D’abord de vérifier les conditions de validité de l’acte
      • Ensuite de constater sa nullité si établie
      • Enfin de prononcer sur les effets de la nullité
    • Quid néanmoins dans l’hypothèse où, au cours d’une instance, le juge relève une nullité, mais qu’elle n’a pas été soulevée par les parties ?
    • C’est toute la question de l’office du juge.
  • L’office du juge
    • Le juge peut-il relever d’office la nullité d’un acte ?
    • Les textes sont silencieux sur cette question.
    • Tout au plus, l’article 12 du Code de procédure civil prévoit que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. »
    • Toutefois, il ressort de la jurisprudence (Cass. 1ère civ. 22 mai 1985, n°84-10.572) que le juge dispose de cette faculté à la condition qu’il fonde sa décision
      • D’une part sur des faits inclus dans les débats (art. 7 CPC)
      • D’autre part que ces faits aient été débattus contradictoirement par les parties (art. 16 CPC)
    • La jurisprudence n’opère aucune distinction, selon que la nullité est absolue ou relative.

?Exception : la nullité conventionnelle

Si, en principe, la nullité d’un acte ne produit d’effets qu’à la condition d’être prononcée par le juge, l’article 1178 du Code civil prévoit que cette règle est écartée lorsque les parties constatent la nullité « d’un commun accord ».

Cette faculté qu’ont les parties à tirer, elles-mêmes, les conséquences de la nullité d’un acte résulte du principe du mutus dissens.

Autrement dit, ce que les contractants ont consenti à faire, ils doivent pouvoir le défaire au moyen de cette même volonté.

Cette conception du pouvoir dont sont titulaires les parties, consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations, participe de sa volonté, d’une part, de leur conférer une plus grande autonomie, mais encore de désengorger les tribunaux.

En matière fiscale néanmoins, il peut être observé que les parties n’auront pas la possibilité d’opposer au Trésor public la nullité amiable.

L’article 1961, al. 2 du CGI dispose en ce sens que « en cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion, ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée. »

C) La prescription de l’action en nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

1. L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

2. L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

III) L’étendue de la nullité

Longtemps, la question s’est posée de savoir si la nullité ne devait avoir que pour effet d’anéantir l’acte qu’elle affecte dans son ensemble ou si elle pouvait ne porter que sur certaines clauses.

Lorsque le contrat est privé d’objet ou que le consentement d’une partie à l’acte fait défaut ou est vicié, cette question ne soulève pas de difficultés.

Mais quid dans l’hypothèse où seule une stipulation est illicite ?

Dans certains cas, le législateur surmonte cette difficulté en prévoyant une sanction spéciale, qui tend à se développer de plus en plus : le réputé non écrit.

En pareil cas, seule la clause entachée d’irrégularité est anéantie, tandis que le contrat est quant à lui maintenu.

Exemple :

  • L’article 1170 dispose que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
  • L’article 1171 prévoit encore que « dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. »

En dehors de textes spécifiques, quelle solution adopter en cas d’irrégularité d’une stipulation contractuelle ?

A) Droit antérieur

Avant la réforme des obligations, le Code civil ne comportait aucune disposition de portée générale régissant l’étendue de la nullité.

Tout au plus, on a pu voir dans la combinaison des articles 900 et 1172 une distinction à opérer s’agissant de l’étendue de la nullité entre les actes à titre gratuit et les actes à titre onéreux.

  • Les actes à titre gratuit
    • L’article 900 du Code civil prévoit que « dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux mœurs, seront réputées non écrites »
    • Pour les actes à titre gratuit, la nullité pourrait donc n’être que partielle en cas d’illicéité d’une clause.
  • Les actes à titre onéreux
    • L’ancien article 1172 prévoyait que « toute condition d’une chose impossible, ou contraire aux bonnes mœurs, ou prohibée par la loi est nulle, et rend nulle la convention qui en dépend »
    • Sur le fondement de cette disposition les auteurs estimaient que, pour les actes à titre onéreux, l’illicéité d’une stipulation contractuelle entachait l’acte dans son ensemble de sorte que la nullité ne pouvait être totale.

Manifestement, la jurisprudence a très largement dépassé ce clivage.

Les tribunaux ont préféré s’appuyer sur le critère du caractère déterminant de la clause dans l’esprit des parties (Voir en sens notamment Cass. 3e civ., 24 juin 1971, n°70-11.730)

Aussi, la détermination de l’étendue de la nullité supposait-elle de distinguer deux situations :

  • Lorsque la clause présente un caractère « impulsif et déterminant », soit est essentielle, son illicéité affecte l’acte dans son entier
    • La nullité est donc totale
  • Lorsque la clause illicite ne présente aucun caractère « impulsif et déterminant », soit est accessoire, elle est seulement réputée non-écrite
    • La nullité est donc partielle

Jugeant le Code civil « lacunaire » sur la question de l’étendue de la nullité, à l’occasion de la réforme des obligations, le législateur a consacré la théorie de la nullité partielle, reprenant le critère subjectif institué par la jurisprudence.

B) Réforme des obligations

Le législateur n’a pas seulement consacré la théorie de la nullité partielle, il en également profité pour clarifier le système instauré par la jurisprudence.

Pour ce faire, il a envisagé deux sortes de maintien du contrat :

?Le maintien de principe

Aux termes de l’article 1184, al. 1er du Code civil, « lorsque la cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses du contrat, elle n’emporte nullité de l’acte tout entier que si cette ou ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement des parties ou de l’une d’elles. »

Il ressort de cette disposition que quand bien même un acte est affecté par une cause de nullité, il peut être sauvé.

Le juge dispose, en effet, de la faculté de ne prononcer qu’une nullité partielle de l’acte.

Cela suppose toutefois que deux conditions soient remplies :

  • L’illicéité affecte une ou plusieurs clauses de l’acte
  • La stipulation desdites clauses ne doit pas avoir été déterminante de l’engagement des parties

Si ces deux conditions sont remplies, les clauses affectées par la cause de nullité seront réputées non-écrites

?Le maintien d’exception

Le législateur a prévu à l’alinéa 2 de l’article 1184 du Code civil deux hypothèses de maintien du contrat, quand bien même les conditions exigées à l’alinéa 1er ne seraient pas remplies.

Peu importe donc que la stipulation de la clause illicite ait été ou non déterminante de l’engagement des parties.

Le contrat sera, en tout état de cause maintenu.

  • Première hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite
    • Ainsi, la règle spéciale déroge à la règle générale.
  • Seconde hypothèse
    • Le contrat est maintenu lorsque la finalité de la règle méconnue exige son maintien
    • Cette hypothèse se rencontrera lorsque le maintien du contrat est regardé comme une sanction pour celui contre qui la nullité partielle est prononcée.

IV) Les effets de la nullité

Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des parties des effets à l’égard des tiers

A) Les effets de la nullité à l’égard des parties

À l’égard des parties, il ressort de l’article 178 du Code civil que les effets de la nullité sont au nombre de trois.

?L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.

?Les restitutions

Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.

Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?

Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.

?L’octroi de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178, al. 4 du Code civil « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

Ainsi, la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts. Elle ne pourra engager la responsabilité de son cocontractant que sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Dans un arrêt du 9 juillet 2004, la Chambre mixte a, toutefois, eu l’occasion de préciser que « la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » (Cass. ch. Mixte, 9 juill. 2004, n°02-16.302).

B) Les effets de la nullité à l’égard des tiers

?Principe

Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.

Toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans le contrat annulé devrait normalement être anéantie.

Exemple :

  • Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
  • L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
  • Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
  • Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.

?Correctifs

De toute évidence, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.

Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.

C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.

  • La possession mobilière de bonne foi : aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
    • Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
    • Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
  • La prescription acquisitive immobilière
    • Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
    • Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
    • Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi (art. 2272 C. civ.)
    • Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »

V) Le remède à la nullité

Le vice qui affecte la validité d’un acte n’est pas sans remède. Il est possible de sauver l’acte de la nullité, en se prévalant de sa confirmation.

A) Notion de confirmation

Par confirmation, il faut entendre, selon l’article 1182 du Code civil « l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce »

Il s’agit, autrement dit, de la manifestation de volonté par laquelle le titulaire de l’action en nullité renonce à agir et, par un nouveau consentement, valide rétroactivement l’acte.

B) Distinctions

La confirmation doit principalement être distinguée de la régularisation et de la réfection de l’acte

  • Confirmation et régularisation
    • La régularisation consiste à valider un acte initialement nul en le purgeant du vice qui l’affecte.
    • À la différence de la confirmation, la régularisation de l’acte est opposable erga omnes
    • Tel n’est pas le cas de la confirmation qui ne produit d’effet qu’à l’égard du titulaire de l’action en nullité, lequel renonce simplement à son droit de critiquer l’acte.
    • C’est la raison pour laquelle la régularisation de l’acte est envisageable, tant en matière de nullité relative qu’en matière de nullité absolue.
    • Pour être efficace, elle doit néanmoins être permise par la loi.
    • Tel est, par exemple le cas en matière de rescision de la vente pour cause de lésion.
    • L’article 1681 du Code civil prévoit en ce sens que « dans le cas où l’action en rescision est admise, l’acquéreur a le choix ou de rendre la chose en retirant le prix qu’il en a payé, ou de garder le fonds en payant le supplément du juste prix, sous la déduction du dixième du prix total. »
  • Confirmation et réfection
    • La réfection consiste pour les parties d’un acte affecté par une cause de nullité à conclure un nouvel accord, semblable à celui qui avait donné naissance au contrat initial, mais expurgé de toute irrégularité.
    • Contrairement à la confirmation ou à la régularisation, la réfection ne produit aucun effet rétroactif.
    • Cette dernière s’apparente à la conclusion d’un nouveau contrat qui produit ses effets au jour de sa formation.
    • La réfection du contrat sera par exemple nécessaire lorsqu’une donation n’aura pas été effectuée en la forme authentique.
    • L’article 931-1 du Code civil prévoit, en effet, que « en cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale. »

C) Domaine de la confirmation

Conformément aux articles 1180 et 1181 la confirmation ne peut être sollicitée qu’en matière de nullité relative.

Lorsque l’acte est affecté par une cause de nullité absolue, il ne peut pas être confirmé (art. 1180, al. 2e C. civ.).

Cette règle est logique : la confirmation de l’acte par une partie au contrat n’a pour effet que d’éteindre son propre droit de critique. Or l’action en nullité absolue appartient à tout intéressé.

D’où la limitation du domaine de la confirmation aux seules causes de nullité relative, dont l’invocation relève du monopole que d’une seule personne.

D) Conditions de la confirmation

Plusieurs conditions doivent être réunies pour que la confirmation sauve l’acte affecté par un vice de la nullité :

?Indifférence de l’expression de la confirmation

  • La confirmation expresse
    • Lorsque la confirmation est expresse, l’acte qui l’exprime doit mentionner l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat (art. 1182, al. 1er C. civ.)
    • Cette exigence vise à s’assurer que celui qui renonce à son droit à la critique de l’acte, a conscience, de l’existence d’une cause de nullité de l’acte.
  • La confirmation tacite
    • Bien que le Code n’envisage pas nommément la confirmation tacite de l’acte nul, il ne l’exclut pas.
    • L’article 1182, al. 3e du Code civil prévoit en ce sens que « l’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation »
    • Ainsi, la seule exécution du contrat par la partie titulaire de l’action en nullité relative s’apparente à une confirmation, à la condition toutefois qu’elle ait conscience du vice qui affecte l’acte.

?L’exigence de postériorité de la confirmation

Conformément à l’article 1182, al. 2e du Code civil « la confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat. »

L’alinéa 3 précise que « en cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé. »

La solution retenue par le législateur est logique.

Elle se justifie par la nécessité d’empêcher que la victime du vice ne renonce prématurément à l’action en nullité.

Surtout, il est nécessaire que cette dernière ne soit plus sous l’emprise de son cocontractant ce qui est susceptible d’être le cas tant que le contrat n’a pas été conclu.

D’où l’exigence de postériorité de la confirmation à la conclusion de l’acte.

E) Effets de la confirmation

Aux termes de l’article 1182, al. 4e du Code civil « la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. »

Cela signifie que la confirmation d’un acte fait obstacle à ce que son auteur, après avoir renoncé à son droit de critiquer l’acte, soit exerce une action en nullité, soit oppose une exception tirée de l’existence d’une irrégularité.

Une fois confirmé, l’acte ne pourra donc plus être remis en cause. La confirmation de l’acte est alors opposable à l’égard de tous, sauf à ce que d’autres personnes soient titulaires de l’action en nullité relative.

Dans cette dernière hypothèse, pour que l’acte soit définitivement confirmé, tous ceux susceptibles d’agir en nullité devront avoir renoncé à leur droit de critiquer l’acte.

F) Action interrogatoire

?Principe

Parce que le contrat qui est affecté par une cause de nullité peut être anéanti à tout moment, la partie contre laquelle une action en nullité est susceptible d’être diligentée se retrouve dans une situation pour le moins précaire.

Tant que la nullité n’est pas prononcée l’acte est efficace. Il demeure toutefois sous la menace d’un anéantissement rétroactif.

Cette situation est susceptible de perdurer aussi longtemps que l’action en nullité n’est pas prescrite.

Aussi afin de ne pas laisser la partie qui subit cette situation dans l’incertitude, le législateur lui a conféré la faculté de contraindre le titulaire de l’action à nullité à se prononcer sur le maintien de l’acte.

Le nouvel article 1183 du Code civil prévoit en ce sens que « une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. »

Cette disposition a, de la sorte, instauré une action interrogatoire au bénéfice de celui qui souhaite savoir si le titulaire de l’action en nullité entend réclamer l’anéantissement du contrat.

L’exercice de cette action est subordonné à la satisfaction d’un certain nombre de conditions.

?Conditions

  • Premièrement, l’action interrogatoire n’appartient qu’aux seules parties au contrat.
  • Deuxièmement, pour que l’action interrogatoire puisse être exercée, la cause de nullité doit avoir cessé
  • Troisièmement, l’exercice de l’action interrogatoire doit être formalisé par un écrit
  • Quatrièmement, l’écrit doit mentionner les conséquences de l’absence de réaction du titulaire de l’action en nullité en cas d’interpellation

?Effets

L’exercice de l’action interrogatoire a pour effet de contraindre le titulaire de l’action en nullité de se prononcer sur le maintien du contrat.

Si dans un délai de 6 mois ce dernier n’a pas opté, le contrat est réputé confirmé.

Les effets de la nullité: rétroactivité, restitutions et dommages et intérêts

Plusieurs effets sont attachés à la nullité d’un acte. Il convient de distinguer les effets de la nullité à l’égard des parties des effets à l’égard des tiers

I) Les effets de la nullité à l’égard des parties

À l’égard des parties, il ressort de l’article 178 du Code civil que les effets de la nullité sont au nombre de trois.

?L’effet rétroactif de la nullité

Le principal effet de la nullité c’est la rétroactivité. Par rétroactivité il faut entendre que l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Cela signifie, autrement dit, que le contrat est anéanti, tant pour ses effets futurs que pour ses effets passés.

Dans l’hypothèse où l’acte a reçu un commencement d’exécution, voire a été exécuté totalement, l’annulation du contrat suppose de revenir à la situation antérieure, soit au statu quo ante.

Pour ce faire, il conviendra alors de procéder à des restitutions.

?Les restitutions

Conséquence de l’effet rétroactif de la nullité, l’obligation de restitution qui échoit aux parties consiste pour ces dernières à rendre à l’autre ce qu’elle a reçu.

Les restitutions qui résultent de la nullité d’un acte sont régies aux articles 1352 à 1352-9 du Code civil.

L’objectif poursuivi par les restitutions est de remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat.

Cet objectif se révélera toutefois, dans bien des cas, difficile à atteindre, notamment lorsque la restitution portera sur une chose consomptible, périssable ou encore qui a fait l’objet de dégradation. Quid encore de la restitution des fruits procurés par la chose restituée ?

Toutes ces questions sont traitées dans un chapitre propre aux restitutions, destiné à unifier la matière et à s’appliquer à toutes formes de restitutions, qu’elles soient consécutives à l’annulation, la résolution, la caducité ou encore la répétition de l’indu.

?L’octroi de dommages et intérêts

Aux termes de l’article 1178, al. 4 du Code civil « indépendamment de l’annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. »

Ainsi, la partie qui obtient la nullité d’un acte peut se voir octroyer, si elle justifie d’un préjudice, des dommages et intérêts. Elle ne pourra engager la responsabilité de son cocontractant que sur le terrain de la responsabilité délictuelle puisque l’acte est censé n’avoir jamais existé.

Dans un arrêt du 9 juillet 2004, la Chambre mixte a, toutefois, eu l’occasion de préciser que « la partie de bonne foi au contrat de vente annulé peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » (Cass. ch. Mixte, 9 juill. 2004, n°02-16.302).

II) Les effets de la nullité à l’égard des tiers

?Principe

Dans la mesure où l’acte annulé est censé n’avoir jamais existé, il ne devrait en toute logique produire aucun effet à l’égard des tiers.

Toute prérogative octroyée à un tiers et qui a sa source dans le contrat annulé devrait normalement être anéantie.

Exemple :

  • Envisageons l’hypothèse où A vend un bien à B et que B le revend à C.
  • L’annulation du contrat entre A et B devrait avoir pour effet de priver C de la propriété du bien dont il est le sous-acquéreur.
  • Dans la mesure où B n’a, en raison de l’annulation du contrat, jamais été propriétaire du bien, il n’a pu valablement en transmettre la propriété à C.
  • Cette règle est exprimée par l’adage nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet : nul ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en a.

?Correctifs

De toute évidence, la règle nemo plus juris porte atteinte à la sécurité juridique puisque l’annulation d’un acte est susceptible de remettre en cause nombre de situations juridiques constituées dans le lignage de cet acte.

Cette situation est d’autant plus injuste lorsque le tiers est de bonne foi, soit lorsqu’il ignorait la cause de nullité qui affectait l’acte initial.

C’est la raison pour laquelle, de nombreux correctifs ont été institués pour atténuer l’effet de la nullité d’un acte à l’égard des tiers.

  • La possession mobilière de bonne foi : aux termes de l’article 2276 du Code civil « en fait de meubles, la possession vaut titre »
    • Lorsqu’il est de bonne foi, le possesseur d’un bien meuble est considéré comme le propriétaire de la chose par le simple effet de la possession.
    • Dans notre exemple, C est présumé être le propriétaire du bien qui lui a été vendu par B, quand bien même le contrat conclu entre ce dernier et A est nul.
  • La prescription acquisitive immobilière
    • Après l’écoulement d’un certain temps, le possesseur d’un immeuble est considéré comme son propriétaire
    • Son droit de propriété est alors insusceptible d’être atteinte par la nullité du contrat
    • Le délai est de 10 pour le possesseur de bonne foi et de trente ans lorsqu’il est de mauvaise foi (art. 2272 C. civ.)
    • Il peut être observé que l’article 2274 prévoit que, en matière de prescription acquisitive, « la bonne foi est toujours présumée, et c’est à celui qui allègue la mauvaise foi à la prouver. »

Prescription de l’action en nullité et exception de nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

1. L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

2. L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

L’action en nullité (titularité de l’action et pouvoir du juge)

I) Les titulaires de l’action en nullité

Afin de déterminer qui a qualité à agir en annulation d’un acte, il convient de déterminer si la sanction de la règle transgressée est une nullité absolue ou relative.

A) L’invocation de la nullité absolue

?Principe : indifférence de la qualité à agir

Aux termes du nouvel article 1180 du Code civil « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Cela signifie que le périmètre de l’action s’étend au-delà de la sphère des parties.

L’étendue de ce périmètre se justifie par la nature de la transgression qui est sanctionnée.

L’atteinte est portée, en pareil cas, à une règle protectrice de l’intérêt général. Potentiellement ce sont donc tous les sujets droits qui sont visés par cette atteinte.

Dans ces conditions, il n’est pas illégitime d’admettre qu’ils puissent agir en nullité de l’acte qu’il leur fait grief aux fins d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

?Condition : exigence d’un intérêt à agir

Si, en matière de nullité absolue, l’article 1180 du Code civil ne restreint pas le nombre de personnes qui ont qualité à agir, il n’en subordonne pas moins l’exercice de l’action à l’existence d’un intérêt.

Pour invoquer la nullité absolue d’un acte cela suppose, autrement dit, d’être en mesure de justifier :

  • En premier lieu
    • d’un intérêt légitime au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, soit d’un intérêt qui entretient un lien suffisamment étroit avec la cause de nullité.
  • En second lieu
    • d’un intérêt direct ce qui pose la question de la faculté pour les associations et autres groupements de défense des intérêts collectifs d’agir en nullité.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2014, cela n’a toutefois pas empêché la Cour de cassation de reconnaître à un syndicat son intérêt à agir en nullité d’un acte (Cass. 1ère civ. 22 janv. 2014, n°13-12.675).

?Les personnes qui ont un intérêt à agir

  • Les parties
    • De par leur engagement à l’acte, les parties ont, en toutes circonstances, intérêt à soulever une cause de nullité absolue.
    • Elles y sont intéressées au premier chef.
    • Cette faculté leur est offerte, quand bien même le contractant qui solliciterait la nullité serait à l’origine du vice qui affecte l’acte.
    • La raison en est que l’adage nemo auditur n’est applicable aux effets de l’action engagée et non à ses causes.
  • Les créanciers
    • Les créanciers peuvent justifier d’un intérêt à agir s’ils démontrent que l’acte conclu par leur débiteur leur cause un préjudice.
    • Dans le cas, contraire l’action en nullité leur sera fermée
  • Les tiers
    • La possibilité pour un tiers d’agir en nullité semble extrêmement restreinte.
    • Par définition, le tiers est insusceptible d’être atteint par les effets de l’acte.
    • Dans ces conditions, il ne semble pas pouvoir être en mesure de justifier d’un intérêt à agir, sauf à envisager que l’exécution de l’acte lui cause préjudice
  • Le ministère public
    • La possibilité pour le ministère public d’agir en nullité absolue de l’acte est expressément prévue par l’article 1180 du Code civil.
    • Son action n’est subordonnée, a priori, au respect d’aucune condition en particulier.
    • En pratique toutefois
      • d’une part, son intervention sera subsidiaire
      • d’autre part, il ne soulèvera que les causes de nullité relatives à l’illicéité du contenu de l’acte

B) L’invocation de la nullité relative

?Restriction des personnes ayant qualité à agir

Aux termes de l’article 1181 du Code civil « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. »

Ainsi, la loi restreint-elle le cercle des personnes ayant qualité à agir en nullité relative d’un acte. Cette disposition est d’ordre public. Il ne saurait, en conséquence, y être dérogé par convention contraire.

?Les personnes ayant qualité à agir

  • Les contractants
    • La règle dont la violation est sanctionnée par une nullité relative vise, le plus souvent, à protéger les contractants
    • Mécaniquement, c’est donc l’une des parties au contrat qui sera seule titulaire de l’action en nullité
    • Il en ira ainsi en matière :
      • de vices du consentement
      • de lésion (lorsqu’elle est reconnue)
      • d’incapacité
    • Il peut être observé que l’action en nullité ne pourra être exercée que par la partie victime de la violation de la règle sanctionnée par une nullité relative
    • Son cocontractant sera, en conséquence, privé du droit d’agir, quand bien même il justifierait d’un intérêt.
  • Les représentants légaux
    • En ce qu’ils agissent au nom et pour le compte de la personne protégée, les représentants légaux peuvent exercer l’action en nullité (tuteur, curateur etc.).
  • Les ayants cause
    • Lorsque les droits de la personne protégée sont transmis à un ayant cause, celui-ci devient titulaire des actions attachées à ces droits, dont l’action en nullité qui dès lors, pourra être exercée par lui.
  • Les créanciers
    • Si, par principe, les créanciers n’auront pas qualité à agir pour exercer directement l’action en nullité lorsque ladite nullité est relative, ils pourront néanmoins agir par voie d’action oblique.
    • L’article 1341-1 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne. »

II) Les pouvoirs du juge

?Principe : la nullité judiciaire

  • Le monopole du juge
    • En principe, seul le juge est investi du pouvoir de prononcer la nullité du contrat.
    • L’article 1178 du Code civil dispose que « la nullité doit être prononcée par le juge ».
    • Cette règle se justifie par la présomption de validité qui pèse sur les conventions.
    • Cette présomption a été instituée aux fins d’assurer la sécurité des actes juridiques.
    • Il sera par conséquent nécessaire pour celui qui agit en nullité d’un acte de saisir la juridiction compétente, avant d’entreprendre toute rupture de la relation contractuelle.
    • Aussi, appartiendra-t-il au juge une fois saisi
      • D’abord de vérifier les conditions de validité de l’acte
      • Ensuite de constater sa nullité si établie
      • Enfin de prononcer sur les effets de la nullité
    • Quid néanmoins dans l’hypothèse où, au cours d’une instance, le juge relève une nullité, mais qu’elle n’a pas été soulevée par les parties ?
    • C’est toute la question de l’office du juge.
  • L’office du juge
    • Le juge peut-il relever d’office la nullité d’un acte ?
    • Les textes sont silencieux sur cette question.
    • Tout au plus, l’article 12 du Code de procédure civil prévoit que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. »
    • Toutefois, il ressort de la jurisprudence (Cass. 1ère civ. 22 mai 1985, n°84-10.572) que le juge dispose de cette faculté à la condition qu’il fonde sa décision
      • D’une part sur des faits inclus dans les débats (art. 7 CPC)
      • D’autre part que ces faits aient été débattus contradictoirement par les parties (art. 16 CPC)
    • La jurisprudence n’opère aucune distinction, selon que la nullité est absolue ou relative.

?Exception : la nullité conventionnelle

Si, en principe, la nullité d’un acte ne produit d’effets qu’à la condition d’être prononcée par le juge, l’article 1178 du Code civil prévoit que cette règle est écartée lorsque les parties constatent la nullité « d’un commun accord ».

Cette faculté qu’ont les parties à tirer, elles-mêmes, les conséquences de la nullité d’un acte résulte du principe du mutus dissens.

Autrement dit, ce que les contractants ont consenti à faire, ils doivent pouvoir le défaire au moyen de cette même volonté.

Cette conception du pouvoir dont sont titulaires les parties, consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations, participe de sa volonté, d’une part, de leur conférer une plus grande autonomie, mais encore de désengorger les tribunaux.

En matière fiscale néanmoins, il peut être observé que les parties n’auront pas la possibilité d’opposer au Trésor public la nullité amiable.

L’article 1961, al. 2 du CGI dispose en ce sens que « en cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion, ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée. »

III) La prescription de l’action en nullité

Afin d’envisager la question de la prescription, il convient de distinguer selon que la nullité est invoquée par voie d’action ou par voie d’exception.

Tandis que dans le premier cas, le délai de prescription est de 5 ans, dans le second il est perpétuel.

A) L’invocation de la nullité par voie d’action

On dit de la nullité qu’elle est invoquée par voie d’action, lorsque celui qui soulève ce moyen est le demandeur à l’instance.

?Le délai de prescription

Lorsque la nullité est invoquée par voie d’action l’article 2224 du Code civil dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans ».

Antérieurement à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, le délai de prescription de l’action en nullité était différent que la nullité était absolue ou relative :

  • Lorsque la nullité était absolue, le délai de prescription était de 30 ans
  • Lorsque la nullité était relative, le délai de prescription était de 5 ans

Désormais, il n’y a plus lieu de distinguer selon que la nullité est absolue ou relative.

Dans les deux cas, le délai de prescription de l’action en nullité est de 5 ans.

?Le point de départ du délai

  • La fixation du point de départ du délai
    • Aux termes de l’article 2224 du Code civil le délai de prescription de l’action en nullité court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
    • Cela signifie donc que tant que le titulaire de l’action en nullité n’a pas connaissance de la cause de nullité qui affecte l’acte, le délai de prescription ne court pas ; son point de départ est reporté
    • En matière de vices du consentement, l’article 1144 précise que le délai de l’action en nullité ne court
      • D’une part, en cas d’erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts
      • D’autre part, en cas de violence, que du jour où elle a cessé.
  • Le report du point de départ du délai
    • L’article 2232, al. 2 du Code civil pose une limite au report du point de départ du délai de prescription de l’action en nullité.
    • Cette disposition prévoit, en effet, que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
    • Ainsi, le point de départ de la prescription ne peut être reporté que dans la limite de 20 ans à compter du jour de la conclusion de l’acte.

?L’invocation de la prescription

  • Les parties
    • Aux termes de l’article 2248 du Code civil, les parties ont la faculté de soulever la nullité d’un acte en première instance et en appel.
    • La voie leur est fermée en cas de pourvoi en cassation.
  • Le juge
    • L’article 2247 interdit au juge de « suppléer d’office le moyen résultant de la prescription ».
    • Autrement dit, il revient aux parties d’invoquer la prescription de l’action en nullité.
    • À défaut, elle sera sans effet.

B) L’invocation de la nullité par voie d’exception

On dit que la nullité est invoquée par voie d’exception lorsque celui qui la soulève est le défendeur à l’instance.

Ce dernier est conduit à soulever la nullité de l’acte dans le cadre du débat contradictoire qui va s’instaurer avec le demandeur dont ce dernier est à l’initiative, puisque auteur de l’acte introductif d’instance.

?Le principe de perpétuité de l’exception de nullité

Lorsque la nullité est soulevée par voie d’action, le délai de prescription est très différent de celui imparti à celui qui agit par voie d’action.

Aux termes de l’article 1185 du Code civil « l’exception de nullité ne se prescrit pas si elle se rapporte à un contrat qui n’a reçu aucune exécution. »

Il ressort de cette disposition que l’exception de nullité est perpétuelle.

Cette règle n’est autre que la traduction de l’adage quae temporalia ad agendum perpetua sunt ad excipiendum, soit les actions sont temporaires, les exceptions perpétuelles

Concrètement, cela signifie que, tandis que le demandeur peut se voir opposer la prescription de son action en nullité pendant un délai de 5 ans, le défendeur pourra toujours invoquer la nullité de l’acte pour échapper à son exécution.

Cette règle a été instituée afin d’empêcher que le créancier d’une obligation n’attende la prescription de l’action pour solliciter l’exécution de l’acte sans que le débiteur ne puisse lui opposer la nullité dont il serait frappé.

?Les conditions à la perpétuité de l’exception de nullité

Pour que l’exception de nullité soit perpétuelle, trois conditions doivent être réunies

  • Première condition
    • Conformément à un arrêt rendu par la Cour de cassation le 1er décembre 1998 « l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté » (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998, n°96-17.761)
    • Autrement dit, l’exception de nullité doit être soulevée par le défendeur pour faire obstacle à une demande d’exécution de l’acte
    • Dans le cas contraire, l’exception en nullité ne pourra pas être opposée au demandeur dans l’hypothèse où l’action serait prescrite.
  • Deuxième condition
    • Il ressort de l’article 1185 du Code civil, que l’exception de nullité est applicable à la condition que l’acte n’ai reçu aucune exécution.
    • Cette solution avait été adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 mai 2012 (Cass. 1ère civ. 4 mai 2012, n°10-25.558)
    • Dans cette décision, elle a affirmé que « la règle selon laquelle l’exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte qui n’a pas encore été exécuté »
    • Cette règle a été complétée par la jurisprudence dont il ressort que peu importe :
      • Que le contrat n’ait été exécuté que partiellement (Cass. 1ère civ. 1er déc. 1998)
      • Que la nullité invoquée soit absolue ou relative (Cass. 1ère civ. 24 avr. 2013).
      • Que le commencement d’exécution ait porté sur d’autres obligations que celle arguée de nullité (Cass. 1ère civ. 13 mai 2004).
  • Troisième condition
    • Bien que l’article 1185 ne le précise pas, l’exception de nullité n’est perpétuelle qu’à la condition qu’elle soit invoquée aux fins d’obtenir le rejet des prétentions de la partie adverse
    • Dans l’hypothèse où elle serait soulevée au soutien d’une autre demande, elle devrait alors être requalifiée en demande reconventionnelle au sens de l’article 64 du Code de procédure civil.
    • Aussi, se retrouverait-elle à la portée de la prescription qui, si elle n’affecte jamais l’exception, frappe toujours l’action.
    • Or une demande reconventionnelle s’apparente à une action, en ce sens qu’elle consiste pour son auteur à « être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée » (art. 30 CPC).

Le critère de la distinction entre nullité relative et nullité absolue

Traditionnellement, on distingue deux catégories de nullités :

  • Les nullités relatives
  • Les nullités absolues

La question qui immédiatement se pose est alors se savoir quel critère retenir pour les distinguer. Sur cette question, deux théories se sont opposées : l’une dite classique et l’autre moderne

?La théorie classique

Selon cette théorie, née au XIXe siècle, le critère de distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues serait purement anthropomorphique.

Autrement dit, le contrat pourrait être comparé à un être vivant, lequel est composé d’organes.

Or ces organes peuvent, soit faire défaut, ce qui serait synonyme de mort, soit être défectueux, ce qui s’apparenterait à une maladie.

Selon la doctrine de cette époque, il en irait de même pour le contrat qui est susceptible d’être frappé par différents maux d’une plus ou moins grande gravité.

En l’absence d’une condition d’existence (consentement, objet, cause) l’acte serait mort-né : il encourrait la nullité absolue

Lorsque les conditions d’existence seraient réunies mais que l’une d’elles serait viciée, l’acte serait seulement malade : il encourrait la nullité relative

Cette théorie n’a pas convaincu les auteurs modernes qui lui ont reproché l’artifice de la comparaison.

?La théorie moderne

La théorie classique des nullités a été vivement critiquée, notamment par Japiot et Gaudemet.

Selon ces auteurs, le critère de distinction entre la nullité relative et la nullité absolue réside, non pas dans la gravité du mal qui affecte l’acte, mais dans la finalité poursuivie par la règle sanctionnée par la nullité.

Ainsi, selon cette théorie :

  • La nullité absolue viserait à assurer la sauvegarde de l’intérêt général, ce qui justifierait qu’elle puisse être invoquée par quiconque à un intérêt à agir
  • La nullité relative viserait à assurer la sauvegarde d’un intérêt privé, ce qui justifierait qu’elle ne puisse être invoquée que par la personne protégée par la règle transgressée

S’il est indéniable que le critère de distinction proposé par la doctrine moderne est d’application plus aisé que le critère anthropomorphique, il n’en demeure pas moins, dans certains cas, difficile à mettre en œuvre.

Qui plus est, il ressort de la jurisprudence que les tribunaux n’ont absolument pas renoncé au premier critère.

Il est, en effet, constant en jurisprudence que les vices de forme ou l’absence d’objet sont sanctionnés par une nullité absolue, alors même que ces conditions de validité de l’acte visent à protéger moins l’intérêt général, que l’intérêt des cocontractants.

Aussi, cela témoigne-t-il, sans aucun doute, de l’existence d’une certaine corrélation entre la gravité du mal qui affecte l’acte et la sanction appliquée.

À l’occasion de la réforme des obligations, le législateur n’est pas resté étranger à ce débat.

On peut lire dans le Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 10 février 2016 qu’il a entendu consacrer « ce qu’il est convenu d’appeler la théorie moderne des nullités »

Cette volonté du législateur de trancher le débat relatif au critère de distinction entre la nullité absolue et la nullité relative, s’est traduite par l’introduction d’un nouvel article 1179 dans le Code civil.

Cette disposition prévoit désormais que la nullité est :

  • Absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général.
  • Relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.

 

La solidarité active

==> Notion

Il y a solidarité active lorsque plusieurs créanciers sont titulaires d’une créance unique à l’encontre d’un débiteur unique. Il s’ensuit que chacun d’entre eux est en droit d’exiger du débiteur le paiement de la totalité de ce qui est dû.

La solidarité active concerne le domaine bancaire et plus particulièrement le fonctionnement du compte joint.

La convention de compte permet, en effet, à chacun des titulaires de disposer de la totalité du solde.

Schéma 6.JPG

==> Source

Le principe étant la division de l’obligation en autant de fractions qu’il y a de créanciers, la solidarité active ne peut être l’exception.

D’où la règle posée à l’article 1310 du Code civil aux termes duquel « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle, qui n’est pas nouvelle, notamment dans un arrêt du 16 juin 1992 (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992).

L’absence de présomption de la solidarité vaut tant pour la solidarité active que pour la solidarité active. Le texte ne distingue pas

==> Effets

Les effets de la solidarité sont réglés par les articles 1311 et 1312 du Code civil. La lecture de ces dispositions invites à distinguer deux sortes d’effets : l’effet principal de la solidarité et les effets secondaires

  • L’effet principal de la solidarité
    • Dans les rapports entre les créanciers et le débiteur
      • Les effets à l’égard des créanciers
        • Le principal effet de la solidarité active est que cette modalité de l’obligation confère à chaque créancier la faculté d’exiger et de recevoir du débiteur le paiement de toute la créance ( 1311 C. civ.)
        • Le débiteur ne pourra donc pas opposer au créancier le principe de division de la créance, quand bien même son droit ne porte que sur une fraction de ladite créance
      • Les effets à l’égard du débiteur
        • En contrepartie de la possibilité pour chaque créancier de réclamer au débiteur le paiement du tout, le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous.
        • Cela signifie donc que les autres créanciers ne pourront pas lui réclamer le paiement de leur part.
        • L’article 1311 du Code civil précise que « le débiteur peut payer l’un ou l’autre des créanciers solidaires tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux.»
        • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
          • Premier enseignement
            • Tant que le débiteur n’est pas poursuivi peut valablement se libérer entre les mains de l’un des créanciers solidaires de son choix
            • Le créancier ainsi choisi ne dispose pas de la faculté de refuser le paiement
          • Second enseignement
            • Lorsque le débiteur fait l’objet de poursuites, la faculté pour le débiteur de choisir le créancier entre les mains duquel il va payer cesse.
            • Il ne pourra valablement se libérer qu’entre les mains du créancier poursuivant.
            • À défaut, son paiement ne sera pas libératoire.
    • Dans les rapports entre créanciers
      • Si, envers le débiteur, le principe de division n’opère pas sur la créance, envers les créanciers l’obligation se divise.
      • Il en résulte que les créanciers qui n’ont reçu aucun paiement de la part du débiteur, disposent d’un recours contre celui ou ceux qui ont perçu la totalité de la créance pour obtenir restitution de leur part, déterminée, en l’absence de clause contraire, de manière égale à celle des autres.
      • L’article 1309, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune»
      • L’article 1312 précise que lorsqu’un créancier reçoit paiement du débiteur il « en doit compte aux autres».
      • De toute évidence, cette solution met en exergue la dangerosité de la solidarité active, dans la mesure où en cas d’insolvabilité ou de mauvaise foi du créancier accipiens, les autres sont susceptibles de se retrouver démunis et privés du bénéfice de leur part dans la créance.
  • Les effets secondaires
    • Les effets secondaires de la solidarité active sont au nombre de deux :
      • Bénéfice de l’acte suspensif ou interruptif de prescription
        • Aux termes de l’article 1313 du Code civil, « tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers. »
        • Cette règle se justifie par la nature de la solidarité qui a pour effet de faire obstacle à la division de l’obligation
        • Aussi, dès lors que la créance est indivisible, il apparaît logique que les événements qui l’affectent se répercutent sur tous ses titulaires qui, à l’égard du débiteur, sont indivisiblement liés.
      • L’effet individuel de la remise de dette
        • L’article 1350-1, al. 2 du Code civil prévoit que « la remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.»
        • Cette règle se justifie par la nécessité de ne pas aggraver la situation des autres créanciers, lesquels peuvent ne pas vouloir consentir une remise de dette au débiteur.
        • Il appartient à chacun, pris individuellement, de déterminer du sort de sa part dans la créance.

Gestion d’affaires et prescription biennale (Cass. 1ère civ. 9 juin 2017)

Dans un arrêt du 9 juin 2017, la Cour de cassation a estimé que la gestion d’affaires ne relève pas de la prescription édictée par le nouvel article L. 218-2 du code la consommation, laquelle prescription est applicable uniquement à l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent contractuellement aux consommateurs.

  • Faits
    • Un notaire chargé du règlement d’une succession sollicite un généalogiste aux fins de procéder à des recherches en vue d’identifier les héritiers
    • Il y parvient, après quoi il informe la cousine germaine du de cujus de l’existence de la succession
    • C’est dernière refuse de signer le contrat de révélation de la succession.
  • Demande
    • Le généalogiste assigne l’héritière en paiement sur le fondement de la gestion d’affaires.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 16 juin 2016, la Cour d’appel de Versailles a fait droit à la demande du généalogiste
    • Les juges du fond ont estimé que contrairement à ce que soutenait la défenderesse, la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce, de sorte que l’action du généalogiste n’était pas prescrite.
  • Solution
    • Par un arrêt du 9 juin 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la cousine germaine du de cujus.
    • La première chambre civile a abondé dans le sens de la Cour d’appel, estimant que « la gestion d’affaires ne relève pas de la prescription édictée par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code la consommation en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable uniquement à l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent contractuellement aux consommateurs»
    • La Cour de cassation nous fournit ici une précision importante sur le champ d’application de la prescription biennale.
    • En effet, celle-ci n’a vocation à s’appliquer que dans l’hypothèse où la relation entre le professionnel et le consommateur est de nature purement contractuelle.
    • En l’espèce, la relation entre le généalogiste et l’héritière reposait sur un quasi-contrat.
    • La Cour de cassation en déduit fort logiquement que la prescription biennale, propre au droit de la consommation, était inapplicable.

Cass. 1ère civ., 9 juin 2017

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 16 juin 2016) que le notaire chargé du règlement de la succession de Jacques X…, décédé le 26 octobre 2005, a demandé à la société Coutot Roehrig (le généalogiste) de procéder à des recherches en vue d’identifier les héritiers?; que Mme Y…, cousine germaine du défunt dans la branche maternelle, ayant refusé de signer le contrat de révélation de succession proposé par le généalogiste, celui-ci l’a assignée en paiement de sa rémunération sur le fondement de la gestion d’affaires?;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt d’écarter l’application de la prescription biennale de l’article L. 137-2 du code de la consommation et de dire, en conséquence, le généalogiste recevable en ses demandes, alors, selon le moyen, que l’article L. 137-2 du code de la consommation prévoit que «?l’action?» des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit en deux ans?; que la cour d’appel, qui a considéré que la prescription n’était pas acquise au motif que l’action du généalogiste n’était pas fondée sur des dispositions contractuelles mais sur la gestion d’affaires, a ajouté une condition non prévue par le texte qui vise «?l’action?» des professionnels contre un particulier et donc toutes les actions d’un professionnel contre un particulier pour les biens et services rendus, qu’elle a violé l’article précité?;

Mais attendu que la gestion d’affaires ne relève pas de la prescription édictée par l’article L. 137-2, devenu L. 218-2 du code la consommation en vertu de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable uniquement à l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent contractuellement aux consommateurs?; que le moyen n’est pas fondé?;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi?;

Mise en demeure: tableau récapitulatif des mentions obligatoires

Mise en demeure
( Règles générales)
Mentions
(Art. 648 CPC)
Contenu de l'acte
(Art. 1344 C. civ.)
Notification
Date de l'acteUne sommation ou une interpellation suffisante du débiteurAu choix:

> Signification (Art. 651 CPC)

OU

> Lettre missive (Art. 1344 C. civ.)
> Si le requérant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance

> Si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement
Le délai imparti au débiteur pour se conformer à la mise en demeure
Les nom et domicile du destinataire, ou, s'il s'agit d'une personne morale, sa dénomination et son siège socialLa menace d'une sanction

Le silence en droit de la famille

Je le confesse : quelle curieuse idée que de vouloir traiter, conjointement, dans un même sujet, le silence et le droit. Dans son acception première, le silence désigne le « fait de ne pas parler, de se taire»[1]. Il s’apparente, autrement dit, à une abstention. Aussi, comment le droit pourrait-il entretenir quelques accointances avec le silence alors qu’il est le pur produit d’une action : l’« acte de volonté »[2] qui le pose. Sans qu’il soit besoin d’entrer dans des considérations de théorie générale, nombreux sont les éléments qui, intuitivement, laissent à penser que le droit se tiendrait loin du silence. Il apparaît en ce sens peu aisé, même pour le juriste, de dissocier la règle juridique du vacarme parlementaire que suscite, parfois, son adoption, des passions qu’elle a vocation à contenir ou de l’expression nationale dont elle est l’émanation. Nombreux sont les auteurs qui associent le droit à ces différentes manifestations bruyantes de l’expression humaine. Montaigne a, par exemple, écrit qu’« il n’est rien sujet à plus continuelle agitation que les lois »[3]. Pour Rousseau encore, la loi « est une déclaration publique et solennelle de la volonté générale »[4]. Parce que le droit appartiendrait au monde de l’action, tout l’opposerait donc au silence, à supposer qu’on le considère comme indissociable de l’abstention.

Un détour rapide par la littérature tend, cependant, à montrer qu’il n’en est rien. Le vide et le néant n’ont pas le monopole du silence. Pour Jean-Paul Sartre, la liberté, qu’il définit dans l’un de ses premiers essais philosophiques[5], comme la capacité à s’engager, à agir, à faire des choix, soit tout le contraire de s’abstenir, n’est jamais autant exaltée que lorsque l’homme est réduit, par la contrainte, au silence. Cette thèse le conduira, plus tard, à affirmer, dans La République du silence, le paradoxe suivant : « jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande»[6]. Sartre n’est pas le seul à soutenir que le silence est bavard. Déjà au XVIIe siècle Pascal écrivait qu’« il y a une grande éloquence du silence qui pénètre plus que la langue ne saurait faire »[7]. Encore avant lui, les pères du bouddhisme ont fait du silence la plus haute expression de la communication avec soi-même et le divin. Si, dès lors, le silence est roi au royaume du vide et du néant, il peut également être regardé comme une forme d’expression de l’action humaine. Or n’est-ce pas là, la fonction première du droit, que de se trouver là où se développe cette action. C’est ce qu’exprime l’adage ubi societas, ibi jus. D’où l’inévitable rencontre entre le silence et le droit.

Cette rencontre est à double sens. Tantôt c’est la règle juridique que l’on va conduire vers le silence afin de lui faire produire des effets de droit. Cette situation se présente notamment lorsque la jurisprudence décide, qu’en matière contractuelle, le silence peut valoir, lorsque certaines conditions sont réunies, offre[8] ou acceptation[9]. De la même manière, l’article 22 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations[10] dispose que le silence opposé par une autorité publique pendant plus de deux mois à un administré peut signifier, dans certains cas, qu’il a été accédé à sa requête. Parfois le silence ne sera pas seulement traité comme générateur d’effets de droit, il sera érigé en véritable droit subjectif comme c’est le cas en matière pénale. La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion de rappeler, dans un arrêt du 14 octobre 2010 où elle condamne la France, que « le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable»[11]. Ce droit au silence bénéficie également aux journalistes qui, dans l’exercice de leur fonction, ne sont pas tenus de révéler leurs sources à l’autorité judiciaire[12]. Force est de constater que, dans toutes ces hypothèses, c’est le droit qui, par l’entremise du juge ou du législateur, va exercer une action sur le silence.

Tantôt, il est, toutefois, des situations où c’est le silence qui exercera une action sur le droit. Il en va ainsi, lorsque le silence préside à la création de la règle juridique. Si l’on adhère à l’idée que la norme n’est pas une chose, mais « la signification d’une proposition prescriptive indiquant un modèle de conduite»[13], il doit corrélativement être admis que la création de la norme procède d’un acte d’interprétation[14]. Dans la mesure où, tout ce qui est susceptible de faire sens peut faire l’objet d’une interprétation, il peut être conféré au silence, au même titre qu’un texte législatif ou règlementaire, une signification normative. C’est ce que fait le juge lorsqu’il découvre des principes généraux du droit dont la production est moins issue de l’interprétation d’un texte précis, que d’une « généralisation des solutions convergentes portées par des règles particulières »[15]. Cette rencontre entre le silence et le droit est bien plus fréquente qu’on ne le pense. Toutes les branches de l’arbre juridique sont concernées et, tout particulièrement, celle du droit de la famille.

Pourquoi la relation de cette ramification du droit avec le silence serait-elle marquée du sceau de la singularité ? Deux raisons peuvent être avancées. En premier lieu, c’est dans le cadre de la structuration des rapports entretenus entre les membres du groupe que constitue la famille que le droit serait sorti du silence pour connaître ses premiers balbutiements. Pour Norbert Rouland la « précoce organisation de la famille autour des rapports de parenté»[16] qui, selon lui, sont « d’essence juridique »[17], sont le « berceau du droit »[18]. L’apparition des premières règles juridiques remonterait donc au paléolithique. Ces dernières auraient été créées dans le dessein de déterminer « l’orientation des alliances matrimoniales, le choix des critères de filiation et la fixation du lieu de résidence des époux ». Partant, la formation du droit de la famille peut être regardée comme mettant fin au silence normatif dans lequel était plongée la société humaine[19]. Là n’est pas la seule raison pour laquelle cette branche du droit, plus qu’une autre, entretient un rapport privilégié avec le silence.

En second lieu, si la famille est le groupe au sein duquel l’être humain a vocation à naître, grandir, s’épanouir, soit se construire en tant qu’individu doué de la faculté de s’exprimer socialement, elle est aussi l’endroit où les agents vivent de profonds silences. Le décès d’un parent, d’un enfant, d’un frère ; la séparation d’un couple, le divorce ; l’absence ou la disparition d’un conjoint sont autant d’évènements propres à générer les plus grands silences que l’homme est amené à connaître au cours de son existence. Or, comme le font observer des auteurs, c’est, surtout, dans ces « heures sombres de la vie» que le droit de la famille s’impose[20]. Le reste du temps, celui-ci est éclipsé par d’autres normes – non-juridiques – que sont les règles morales, religieuses et coutumières ; mais nous y reviendrons.

Ce qu’il importe, pour l’heure, de noter, c’est que le silence, lorsqu’il s’insinue dans la famille, constitue un élément déclencheur du droit. Inversement, le droit peut, se révéler être source de nombreux silences. C’est, notamment le cas, lorsque le législateur estime qu’une situation, bien que présentant un caractère familial, tel le concubinage, n’a pas vocation à être régie spécifiquement par le droit, ou qu’il condamne au silence certaines pratiques se déroulant au sein de la famille, en raison de leur contrariété à l’ordre publique. Tous ces silences dont est susceptible d’être porteuse la règle juridique, sont autant d’éléments à partir desquels il est possible de dresser une esquisse de ce que, juridiquement, n’est pas la famille et donc, a contrario, d’identifier précisément quels sont les traits du modèle de famille prescrit par le droit. Au total, il apparaît que les rapports qu’entretiennent le silence et le droit de la famille dépassent le simple cadre de la relation syllogistique qui peut exister entre la règle juridique et un fait quelconque.

Car le silence n’est pas un fait ordinaire : en plus d’être potentiellement générateur d’effets juridiques, il peut également s’immiscer, tant dans la création de la règle de droit, que dans son contenu. D’où l’existence d’une relation bilatérale entre le droit de la famille et le silence. La question qui dès lors se pose est de savoir comment interagissent-ils, l’enjeu étant, à partir de l’étude de cette interaction, d’appréhender la conception que le droit se fait de la famille, tant dans ses composantes, que dans son fonctionnement, sous un angle radicalement différent de celui adopté habituellement. Pour ce faire, cela suppose de se demander d’une part, dans quelle mesure le droit est-il susceptible d’être saisi par le silence (I) après quoi il conviendra de s’interroger, d’autre part, sur la manière dont le droit se saisit du silence (II).

I) Le droit de la famille saisi par le silence

Aussi surprenant que cela puisse paraître, la famille fait partie de ces entités pour lesquelles le droit accorde une place de choix dans son giron, sans pour autant lui conférer de définition. La notion de famille n’est, en effet, définie nulle part, ni dans les textes de droit interne, ni dans les conventions internationales[21]. Tout au plus, on trouve, dans les travaux préparatoires du Code civil, une définition du mariage que nous livre Portalis[22]. Bien qu’apportant un éclairage fort intéressant sur la conception que le législateur se faisait, en 1804, de la famille, cette définition n’en revêt pas moins qu’une valeur purement symbolique.

En outre, depuis l’adoption de la loi sur le pacs, la famille ne se limite plus à l’union conjugale. À cela s’ajoute le fait qu’il s’agit d’un concept dont le contenu est étroitement lié à la traduction culturelle d’une société et à l’évolution des mœurs ; d’où le grand nombre de significations qu’il comporte. Cela a conduit un auteur à affirmer que « la définition de la famille apparaît comme la première difficulté que celle-ci propose au droit»[23]. Est-ce à dire qu’il est impossible d’en délimiter les pourtours ? Manifestement non. Il est un moyen de mener à bien cette entreprise. À bien y réfléchir, si le droit ne donne aucune définition de la famille, il nous dit, en revanche, ce qu’elle n’est pas. Il le fait toutes les fois, soit qu’il garde le silence (A), soit qu’il l’impose (B), dans le cadre de l’appréhension de rapports familiaux.

A) Le silence gardé par le droit

 Si, comme le fait observer Pierre Delvolvé la règle juridique, lorsqu’elle est adoptée, rompt le silence[24], elle ne saurait, cependant tout dire, sur la conduite qu’elle a vocation régir, si bien qu’il est de nombreux cas où le juge est confronté au silence du droit (1). Ce silence ne tient, toutefois pas toujours au contenu de la norme ; il est des cas où il vient de ce que le droit peine à s’appliquer (2).

  1. Le silence dans le contenu du droit

 Dans Le curé de village, Balzac a écrit que « la famille sera toujours la base des sociétés»[25]. Force est de constater que, pour l’heure, rien n’est venu contrarier cette prévision. Nombreux, voire unanimes, sont les auteurs qui, aujourd’hui, abondent en ce sens. Pour Carbonnier, la famille constitue le principal pilier de l’ordre social[26]. Gérard Cornu considère, quant à lui, que la famille est « porteuse de civilisation »[27]. De ce constat, certains auteurs en déduisent qu’« une société sans famille ou sans familles fécondes est impitoyablement condamnée à disparaître »[28]. S’il est, par conséquent, une structure humaine vis-à-vis de laquelle le droit ne saurait rester silencieux, c’est bien la famille. Le législateur ne s’y est d’ailleurs jamais trompé. Que ce soit à l’époque de la Rome antique, au Moyen Âge ou encore à l’ère industrielle, le droit s’est toujours montré très bavard concernant l’organisation de la famille. L’existence d’un droit de la famille relève de l’évidence[29], encore qu’il est certains auteurs qui ont pu se demander s’il s’agissait bien d’un droit[30]. La question qui, conséquemment, se pose est moins de savoir si le droit connaît de la famille, que de se demander si toutes les formes de familles intéressent le droit.

La famille n’est pas une, mais multiple. Parce qu’elle est un phénomène sociologique[31], elle a vocation à évoluer à mesure que la société se transforme. De la famille totémique, on est passé à la famille patriarcale, puis à la famille conjugale. De nos jours, la famille n’est plus seulement conjugale, elle repose, de plus en plus, sur le concubinage[32]. Mais elle peut, également, être recomposée, monoparentale ou unilinéaire. Le droit opère-t-il une distinction entre ces différentes formes qu’est susceptible de revêtir la famille ? Indubitablement oui. Si, jadis, cela se traduisait par une réprobation, voire une sanction pénale, des couples qui ne répondaient pas au schéma préétabli par le droit canon[33], aujourd’hui, cette différence de traitement se traduit par le silence que le droit oppose aux familles qui n’adopteraient pas l’un des modèles prescrit par lui.

Quoi de plus explicite pour appuyer cette idée que la célèbre formule de Napoléon, qui déclara, lors de l’élaboration du Code civil, que « puisque les concubins se désintéressent du droit, le droit se désintéressera d’eux». Cette phrase, qui sonne comme un avertissement à l’endroit des couples qui ont choisi de vivre en union libre, est encore valable. La famille a toujours été appréhendée par le législateur comme ne pouvant se réaliser que dans un seul cadre : le mariage. Celui-ci est envisagé par le droit comme ce qui « confère à la famille sa légitimité »[34] et plus encore, comme son « acte fondateur »[35]. Aussi, en se détournant du mariage, les concubins sont-ils traités par le droit comme formant un couple ne remplissant pas les conditions lui permettant de quitter la situation de fait dans laquelle il se trouve pour s’élever au rang de situation juridique. D’où le silence de la loi sur le statut des concubins.

Il y a bien un texte les concernant s’ils viennent à rompre ; mais, celui-ci est tourné vers le mariage, puisque réglant la question de la restitution de la bague de fiançailles[36]. En outre, la loi du 15 novembre 1999 relative au pacte civile de solidarité (pacs) a, certes, inséré à l’article 515-8 du Code civil une définition du concubinage[37]. Toutefois, cette définition n’est que symbolique : elle n’est assortie d’aucun droit, ni d’aucune obligation qui échoirait aux concubins[38]. Bien que l’on puisse relever quelques décisions audacieuses, dans lesquelles les juges ont cherché à faire application, dans le cadre d’une relation de concubinage qu’ils avaient à connaître, de certaines dispositions du régime matrimonial primaire, la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours été constante sur ce point : les concubins ne sauraient bénéficier des effets du mariage[39]. Excepté quelques cas marginaux[40], leur situation n’est réglée que par le seul droit commun. Pour les couples qui choisissent de se tenir à l’écart de l’union conjugale, c’est donc un silence juridique qui les attend.

Depuis l’adoption de la loi sur le pacs, ce silence n’est, cependant, plus aussi assourdissant qu’il a pu l’être. En proposant aux concubins un statut légal, un « quasi-mariage» diront certains[41], qui règle les rapports tant personnels, que patrimoniaux entre les partenaires, la démarche du législateur témoigne de sa volonté de ne plus faire fi d’une situation de fait qui, au fil des années, s’est imposée comme un modèle à partir duquel se sont construites de nombreuses familles. En contrepartie d’en engagement contractuel[42] qu’ils doivent prendre dans l’enceinte, non pas de la mairie, mais du greffe du Tribunal de grande instance[43], les concubins, quelle que soit leur orientation sexuelle, peuvent de la sorte voir leur union hors mariage, se transformer en une situation juridique. C’est là une profonde mutation que connaît le droit de la famille. Cette mutation ne se traduit pas seulement par un recul du silence de la loi sur des situations qui, jusque récemment, étaient ignorées du législateur, elle peut également être observée à travers l’application même de la règle de droit qui, de plus en plus, tend à devenir silencieuse.

2. Le silence dans l’application du droit

Certains auteurs l’avancent : la famille, malgré toutes les règles dont elle fait l’objet, est un endroit privilégié du non-droit. Pour Carbonnier la famille connaîtrait « de longs jours de non-droit, pour quelques instants de droit »[44]. Bien qu’applicable, la règle juridique serait, dans ces conditions, réduite au silence, soit parce que les agents l’ignorent et, de ce fait, ne sauraient l’observer, soit parce qu’ils préfèrent suivre leurs propres règles de conduite, issues du milieu socio-culturel auquel ils appartiennent ou de leur tradition familiale[45]. Ce silence auquel est contraint la règle de droit lorsque son champ d’application rencontre le cercle calfeutré de la famille, ne signifie donc pas absence de normes. Bien au contraire, la famille est un terrain fertile pour l’internormativité, car se trouvant au « carrefour de la religion, de la morale et des mœurs »[46]. Parmi ces normes, on trouve évidemment la coutume, auquel le droit se réfère, parfois, directement[47] ou indirectement[48]. Surtout, les normes au profit desquelles la règle juridique se retire dans le silence, sont de plus en plus de nature contractuelle. La doctrine a qualifié ce mouvement de contractualisation de la famille. En quoi consiste-t-il exactement ?

Il procède d’un recul de l’ordre public familial combiné à un changement de nature de celui-ci. Alors que cet ordre public familial, qui prend racine dans les nombreuses règles impératives qui composent le droit de la famille[49], était tourné, traditionnellement, vers « la défense de la famille légitime hiérarchisée »[50], aujourd’hui il est plutôt orienté vers la préservation de l’autonomie des membres de cette dernière. Autrement dit, désormais ce n’est plus l’intérêt du groupe que constitue la famille qui prévaut sur celui de ses composantes, mais les intérêts particuliers qui priment l’intérêt collectif de sorte que d’un ordre public familial de direction, on est passé, bien que celui-ci n’ait pas totalement disparu[51], à un ordre public de protection. Il s’ensuit, que l’« on peut y renoncer à l’occasion d’un rapport de type contractuel »[52], ce dont se privent de en moins les époux, en raison d’un accroissement de l’autonomie de leur volonté. Et si, comme le remarquent certains, le fait « que les époux soient libres d’organiser les effets de leur union peut sembler plus anachronique au regard de l’idée selon laquelle le mariage est avant tout un statut légal »[53], ce mouvement n’en est pas moins à l’origine d’une « véritable refondation du droit de la famille au début du XXIe siècle »[54].

Nombreux sont les exemples qui peuvent être pris pour illustrer cette contractualisation de la famille. Ainsi, les couples mariés, sont-ils libres, à condition de ne pas violer les règles impératives qui composent le régime primaire, de conclure « des conventions spéciales […] comme ils le jugent à propos»[55]. De la même manière, il leur est possible d’aménager contractuellement la transmission successorale par le jeu des libéralités faites entre vifs[56]. On peut également évoquer la possibilité offerte aux époux de changer de régime matrimonial, le principe d’immutabilité ayant considérablement été assoupli par les réformes successives dont a fait l’objet le droit patrimonial de la famille[57]. Une contractualisation peut encore être observée dans les rapports personnels qu’entretiennent les membres de la famille entre eux. La loi du 4 juin 1970 a, de la sorte, permis l’aménagement, par convention homologuée judiciairement, de l’exercice de l’autorité parentale[58]. Les effets, tant personnels que patrimoniaux, du divorce peuvent tout autant être contractualisés depuis la loi du 11 juillet 1975 instituant le divorce par consentement mutuel. De toute évidence, cette contractualisation de la famille, participe à « l’éviction progressive de la loi »[59]. Il est, néanmoins, encore des cas où, parce que l’ordre public le commande, non-seulement celle-ci sort de son silence, mais encore il peut arriver qu’elle l’impose, à son tour, aux agents.

B) Le silence imposé par le droit

Parce qu’il est, pour une large part, d’ordre public, nombreux sont les silences que le droit familial impose aux membres de la famille. Depuis que les mœurs se sont libérées, l’étendue de ce silence (1), tend cependant à reculer (2).

  1. L’étendue du silence imposé par le droit

La famille est, nous venons de le voir, une zone privilégiée du non-droit. Est-ce à dire que la règle juridique n’a pas vocation à s’y appliquer ? Certainement pas, ce, en raison de l’existence de règles impératives auxquelles il ne saurait être dérogé par contrat. À l’inverse de ce qui a été fait précédemment, il convient, dès lors, de déterminer jusqu’où l’ordre public qu’elles forment s’insinue dans les rapports familiaux. Quelle démarche doit-on adopter ? Manifestement, il n’existe aucune règle précise qui fixe le périmètre de cet ordre public familial. Il se signale, toutefois, de lui-même par le silence qu’il impose, chaque fois qu’il est présent, aux agents.

Dans cette configuration-là, le silence doit être entendu dans le sens d’abstention. La prescription de pareille abstention se rencontre, concrètement, lorsque le législateur dénie la possibilité à des agents d’entrer ou de sortir du périmètre de la famille, reconnue comme telle par lui, ou lorsqu’il interdit l’accomplissement d’un acte qu’il considère comme portant atteinte au fonctionnement de cette dernière. Aussi, à partir de la détermination de l’étendue du silence que le droit commande aux justiciables d’observer, devient-il possible de délimiter les contours de l’ordre public familial.

Comme composante de celui-ci, on peut commencer par évoquer les empêchements à mariage qui s’apparentent à des silences imposés aux couples qui ont entrepris de s’unir devant le maire. Doivent s’abstenir de former une union conjugale, ceux ne remplissant pas les conditions liées à l’âge[60], à la parenté[61] ou encore au consentement[62]. La réunion de conditions relatives à la publicité[63], à la production de pièces administratives[64] et à la célébration du mariage[65], est aussi nécessaire. Le non-respect de certaines de ces conditions[66] constitue, dans une moindre mesure, un obstacle à la conclusion d’un pacs. Sont également concernés par cette abstention, que le droit impose aux couples désireux de fonder une famille, les personnes à qui il refuse l’adoption ou le recours à la procréation médicalement assistée.

Dans un autre ordre d’idée, il est des cas où ce sont ceux qui veulent entrer dans le périmètre de la famille – au sens juridique du terme – qui sont réduits au silence. Cela se produit quand, par exemple, un parent ou un enfant qui manifeste l’envie de faire établir sa filiation, se voit opposer l’écoulement du délai de prescription de l’action en justice dont il dispose, lequel délai est, selon les cas prévus par la loi, compris entre cinq[67] et dix ans[68]. Pareillement, sont enfermés dans un tel silence les agents à qui le droit interdit de sortir du cercle de la famille juridique, soit parce que l’action en contestation de filiation est prescrite, soit en raison de leur impossibilité d’invoquer l’un des quatre cas de divorce prévus par la loi[69].

Enfin, il est une dernière hypothèse où les membres d’une famille peuvent être réduits au silence : l’accomplissement d’actes contraires à la manière dont le droit commande à la famille de fonctionner. Il en va ainsi d’un testament qui exhéréderait les enfants du de cujus au-delà de la quotité disponible ou qui instituerait un légataire frappé d’une incapacité de recevoir[70]. On peut, en outre, prendre l’exemple de l’acte consistant à effectuer à un changement de régime matrimonial qui ne serait pas conforme à l’intérêt de la famille[71]. L’interdiction faite à l’époux propriétaire du domicile conjugal de procéder, seul, à un acte de disposition de son bien peut, tout autant, être regardée comme une abstention que le droit lui impose.

Au total, il apparaît que l’étendue du silence que les agents doivent observer dans le cadre de rapports familiaux, témoigne de l’insinuation de l’ordre public familial dans de nombreux compartiments de la famille, de sa formation, à sa dissolution, en passant par son fonctionnement. Cela confirme le grand intérêt que le droit lui porte. Il peut d’ailleurs être relevé que, à mesure que les mœurs se libèrent, les silences imposés à ses membres, reculent, ce qui a pour effet de libérer la famille de la conception restrictive que le droit s’en faisait.

2. Le recul du silence imposé par le droit

Pourquoi le droit de la famille est-il, comme a pu le remarquer Carbonnier, un domaine où, globalement, « la part de l’autonomie de la volonté [y est] réduite, l’ordre public plus développé»[72] ? C’est, à l’époque de l’Ancien Régime, qu’il faut remonter pour trouver une explication à cette situation. À cette période, comme le fait observer un auteur, la famille est utilisée comme métaphore pour légitimer la monarchie. Celle-ci est érigée en modèle de société afin qu’il soit possible de déduire la nature des liens qui unissent le Roi et ses sujets. Cela se traduit, par exemple, par le statut que la législation royale confère au père de famille, statut qui fait de lui une personne à l’image du Roi : un être tout puissant. Cette utilisation de la famille, comme d’un instrument pour assurer l’assise du pouvoir en place, s’est poursuivie après la Révolution.

C’est de cette manière que Napoléon voyait la famille. Lorsque les rédacteurs du Code civil se sont employés à la tâche, ils percevaient cette dernière comme « la cellule de base de la société»[73]. Leur ambition était « de s’appuyer sur la famille pour en faire le relais et garantir l’ordre politique, économique et social »[74] qu’ils entendraient instaurer. Les règles qui structurent la famille ont donc été pensées comme ayant vocation à structurer la société toute entière. La famille à laquelle fait référence le Code civil en 1804 apparaît de la sorte, comme le montre Pierre Bréchon, comme une structure donnée d’avance qui ne saurait faire l’objet d’aucune contestation : l’attaquer serait de nature à mettre en péril la Nation[75]. D’où la forte proportion de règles d’ordre public en droit de la famille. À partir du début des années soixante, l’ordre public familial – de direction – tend, cependant, à s’estomper et, corrélativement, le silence imposé aux agents, dans le cadre de rapports familiaux, à reculer.

Ce mouvement est certes, comme nous l’avons vu[76], très étroitement lié à la contractualisation de la famille ; surtout, il procède du pouvoir d’attraction grandissant qu’ont sur elle les Droits de l’homme. On assisterait, en ce sens, selon Gérard Cornu, à une « subjectivisation du droit familial». Ce phénomène « consiste à réduire le droit de la famille à une collection de droits subjectifs établis sur la tête de chacun de ses membres, homme, femme, enfant »[77]. De l’avis général de la doctrine, la famille serait appréhendée par le droit, moins par rapport à l’institution juridique qu’elle constitue, que par rapport aux droits individuels qui, notamment sous l’impulsion de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, sont de plus en plus nombreux à échoir à ses membres[78]. Dès lors, à partir du moment où le législateur admet que l’intérêt du groupe familial puisse s’effacer, lorsqu’il est porté atteinte à un droit subjectif, il s’en suit, mécaniquement, une libération de l’individu du silence dans lequel il était enfermé naguère, au nom de l’intérêt collectif[79].

L’exemple topique de ce mouvement est le droit, récent, reconnu à tout un chacun de voir sa filiation légalement établie. Jusqu’à l’adoption de la loi du 3 janvier 1972, ce droit était, en effet, dénié à l’enfant adultérin auquel le droit sommait de taire sa filiation, l’intérêt supérieur étant l’exclusivité de la filiation légitime, et la préservation de la paix des familles. Désormais, peuvent s’en prévaloir, tant les enfants issus d’une union conjugale, que ceux nés d’une relation adultérine[80], conformément à l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui proscrit toute discrimination fondée sur la naissance. S’il existe, encore aujourd’hui, des restrictions au droit d’établir sa filiation[81], il apparaît néanmoins que, sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme, leurs jours sont, pour certaines, dorénavant comptés[82].

Bien que, comme le souligne Carbonnier, il est un risque pour le droit de la famille que « l’exaltation des droits individuels ne désagrège les institutions»[83], celle-ci n’en demeure pas moins à l’origine d’un bannissement des discriminations dont faisaient l’objet de nombreux membres de la famille biologique, tant en matière d’état des personnes, que sur le plan successoral pour les enfants naturels, adultérins et adoptés, ou encore en matière matrimoniale, pour la femme mariée qui, jusqu’en 1938 était enfermée dans le même silence que celui imposé à l’incapable et qui a dû attendre l’adoption de la loi du 13 juillet 1965 pour jouir du droit d’ouvrir un compte bancaire personnel. La libération de la famille s’est donc traduite par un recul significatif du silence auquel étaient réduits tous ceux qui, soit entretenaient une relation en dehors du cadre du mariage, soit qui, au sein de l’union conjugale, ne revêtaient pas la qualité de mari. Cela ne signifie pas pour autant que le silence se soit totalement retiré de la famille. La preuve en est l’intérêt que lui porte, en tant que fait, le droit.

II) Le silence saisi par le droit de la famille

S’il est incontestable que la famille constitue le groupe au sein duquel s’expriment les passions les plus vives, naissent les sentiments les plus profonds et où se tissent les liens les plus forts, elle est aussi l’endroit où ses membres sont amenés à rencontrer de nombreux silences dans les rapports qu’ils entretiennent entre eux, à commencer par la mort, le mensonge ou encore le secret. Comment le droit appréhende-t-il le silence qui s’insinue dans les rapports familiaux ? Autrement dit, quels effets juridiques lui fait-il produire ? Deux situations doivent être distinguées : tantôt le droit organise le silence (A), tantôt il le sanctionne (B).

A) L’organisation du silence par le droit

L’organisation du silence par le droit est réalisée à une fin bien précise : assurer l’autonomie des époux sans laquelle le couple ne saurait fonctionner correctement. Cette autonomie dont ils disposent, tient à la répartition des pouvoirs dont ils sont investis d’une part (1) et à l’existence de présomption de pouvoirs, d’autre part (2).

  1. La répartition des pouvoirs

 S’il n’est, désormais, plus besoin de revenir sur l’existence, depuis le début du siècle dernier, d’un mouvement de « libération continuelle»[84] de la famille du modèle étriquée dans lequel elle était enfermée, jadis, par le droit, il nous faut, en revanche, nous arrêter sur l’une des facettes de ce mouvement en particulier : l’instauration d’une égalité parfaite entre époux ou, dit autrement, d’un l’alignement progressif du statut de la femme sur celui du mari[85]. Pour mener à bien cette réforme, qui est venue bouleverser une conception de la famille datant du fond des âges, il a, en effet, fallu que le législateur repense intégralement le fonctionnement du couple quant à la répartition des pouvoirs. Car dès lors qu’est inoculé dans les rapports conjugaux le germe de l’égalité, survient le risque de l’adoption, par les époux, de décisions contraires. Or pareille situation est susceptible de nuire grandement à l’intérêt de la famille toute entière. Comment, dans ces conditions, faire en sorte d’assurer son bon fonctionnement ?

Si l’on soumet l’accomplissement des actes qui intéressent la communauté à l’aval des deux conjoints, non seulement il est un risque de blocage dans la prise de décision du couple, mais encore que le traitement des impératifs et autres contingences de la vie quotidienne ne soit rendu impossible. Pour l’éviter, le législateur n’a, par conséquent, eu d’autre choix que de concéder aux époux une dose d’autonomie quant aux décisions se rapportant au couple. Comment s’y est-il pris ? Tout simplement en organisant le silence dans les rapports de pouvoir entre conjoints. Le silence doit, ici, être entendu comme celui d’un époux qui, bien que son consentement n’ait pas été sollicité par l’autre pour l’accomplissement d’un acte, ne fait pas obstacle à l’engagement des biens de la communauté. Le droit fait, en d’autres termes, produire à ce silence les effets d’une acceptation. Dans quelles circonstances pareille situation est-elle susceptible de se produire ?

On pense aussitôt à l’article 220 du Code civil qui dispose, en substance, que le silence d’un époux vaut, quel que soit le régime matrimonial applicable, acceptation lorsque le conjoint effectue une dépense ménagère, celle-ci faisant jouer, de plein droit, le mécanisme de la solidarité. Sont concernées toutes les dépenses de fonctionnement du ménage que sont les loyers du domicile conjugal, les frais médicaux, les dépenses courantes en tous genres (eau, électricité, accès à l’internet) ou encore les frais de scolarité des enfants. Il peut, par ailleurs, être souligné que, en vertu de l’article 515-4 alinéa 2, le principe de la solidarité ménagère s’applique, dans les mêmes termes, aux pacsés.

Là n’est pas la seule hypothèse où le membre d’un couple peut être considéré comme ayant consenti à l’accomplissement d’un acte, nonobstant son silence. Cette situation se rencontre, également, lorsque le Code pose pour certains biens qui composent, dans le cadre d’un mariage, la masse commune – si tant est que l’on ne soit pas dans un régime de séparation de biens – le principe de gestion concurrente. Au titre de l’article 1421 alinéa 1er « chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer […]». En outre, on peut évoquer l’article 219 qui prévoit que, « si l’un des époux se trouve hors d’état de manifester sa volonté, l’autre peut se faire habiliter par justice à le représenter », soit à faire produire à son silence – contraint – les effets d’une acceptation, quant à l’accomplissement de certains actes graves qui supposent la réunion des deux consentements, tels que la vente du logement familial. En définitive, il apparaît que le droit organise le silence dans les rapports entre époux dans de nombreuses situations. Si, la plupart du temps, le pouvoir qu’ils détiennent quant à agir, seuls, au nom du couple, repose sur un droit qui leur échoit, il arrive néanmoins, parfois, que ce pouvoir soit précaire, celui-ci ne tenant qu’à l’existence d’une simple présomption.

2. Les présomptions de pouvoir

Afin de libérer encore un peu plus l’action des époux à qui les tiers pourraient, dans le dessein de se protéger d’un dépassement de leurs prérogatives respectives, être tentés de refuser à l’un, l’accomplissement d’un acte, en raison du silence de l’autre, le droit patrimonial de la famille instaure un certain nombre de présomptions de pouvoir. La plus première dont on peut faire état, est celle relative aux meubles – non meublants – dont est en possession un époux. Au titre de l’article 222 du Code civil, celui-ci est, pour « un acte d’administration, de jouissance ou de disposition […], réputé, à l’égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul cet acte». Peu importe que le meuble en question appartienne, en propre à l’autre époux et que donc le conjoint qui a agi, ne se soit vu conférer par son régime matrimonial, aucun pouvoir dessus. La présomption qui pèse sur lui a pour effet d’assimiler le silence de l’époux propriétaire à une acceptation, de sorte que pour le tiers de bonne foi, l’acte accompli est inattaquable.

Pareille présomption existe également pour les actes concernant l’ouverture et le fonctionnement d’un compte bancaire. En vertu de l’article 221 « à l’égard du dépositaire, le déposant est toujours réputé, même après la dissolution du mariage, avoir la libre disposition des fonds et des titres de dépôt». Ainsi, même si l’époux à qui les fonds ou titres appartiennent, n’a pas donné son consentement quant à leur dépôt sur le compte de son conjoint, son silence vaut acceptation, si bien qu’il ne saurait engager la responsabilité du banquier. Cette volonté que manifeste le législateur de protéger les tiers de l’acte accompli par un époux, en violation des règles du régime matrimonial qui lui est applicable, transparait, tout autant, de la présomption de mandat d’administration qui bénéficie à l’époux collaborant à l’activité professionnelle de son conjoint[86]. La présomption de pouvoir se révèle, de la sorte, comme un instrument très efficace pour faire produire des effets juridiques au silence, lequel silence peut, d’ailleurs, ne pas seulement faire l’objet d’une organisation dans les rapports entre époux, mais aussi d’une sanction.

B) La sanction du silence par le droit

Quand il se produit, le silence est un évènement, selon la forme qu’il empreinte, susceptible d’avoir des répercussions considérables sur la famille. C’est la raison pour laquelle, afin de préserver la pérennité du groupe familial et l’intérêt de ses membres, il est de nombreux cas où le droit le sanctionne, qu’il consiste (1) ou non (2), en une faute.

  1. La sanction du silence fautif

Cela n’est désormais plus à démontrer : la famille est le groupe social où la pression normative qui s’exerce sur ses membres est la plus forte. Cela fait-il de ces derniers des êtres vertueux ne se livrant à aucune forfaiture en son sein ? Naturellement non. Comme n’importe quel autre ensemble humain, la famille est susceptible de voir les agents qui la composent adopter des conduites déviantes, qui, pour certaines, peuvent consister en un silence. Quelles sont les silences malveillants, et donc fautifs, que le droit sanctionne-t-il ? Il en existe deux sortes. Il y a les silences dont la réalisation est de nature à nuire à un ou plusieurs membres de la famille, voire à des tiers et ceux qui, lorsqu’ils sont constatés, peuvent conduire, ni plus, ni moins, à la dissolution de la famille.

S’agissant de la première catégorie de silence, en fait partie, notamment, l’acte consistant, de la part d’un héritier, à s’approprier, frauduleusement, un bien de la masse successorale, en violation des règles de partage, de sorte que les cohéritiers s’en trouvent lésés. C’est ce que l’on appelle le recel successoral[87]. Celui-ci s’opère, le plus souvent, par dissimulation et, parfois, par omission, soit dans le silence ; un silence fautif sanctionné par une déchéance du receleur de ses droits sur les biens recélés. Ce silence qui entoure le recel successoral, caractérise une autre sorte d’acte frauduleux accompli dans le cadre de la transmission de biens familiaux : les donations déguisées[88].

La manœuvre consiste ici à simuler la conclusion d’un acte à titre gratuit, alors qu’il s’agit, en réalité, d’un acte à titre onéreux. La donation déguisée peut revêtir la forme, par exemple, d’une vente dont le prix est fictif ou encore d’une reconnaissance de dette qui n’a jamais existé. La sanction d’une telle simulation sera, non pas l’annulation de l’acte, mais sa disqualification afin de lui faire produire ses véritables effets, notamment sur le plan fiscal. Cette sanction témoigne du souci qu’a le droit de préserver l’intérêt de la famille – en reconnaissant la validité de l’acte – tout en protégeant l’ordre public, ce qui se traduit par l’application, aux parties à l’acte, des règles contournées. Il est cependant des fois, où l’atteinte portée à l’ordre public est telle que le droit n’a d’autre choix que de prescrire une dissolution pure et simple de la famille.

Les silences appartenant à la seconde catégorie conduisent, lorsqu’ils sont constatés, à cette extrémité. Tel est le cas, lorsque les futurs époux cachent à l’officier d’état civil leur défaut d’intention conjugale, condition indispensable à la formation du mariage. Cette hypothèse se rencontre, comme il l’a été précisé dans le célèbre arrêt Apietto, lorsque « les époux ne se sont prêtés à la cérémonie qu’en vue d’atteindre un résultat étranger à l’union matrimoniale »[89], soit de bénéficier des seuls effets secondaires du mariage, comme peut l’être l’obtention d’un titre de séjour, ou d’un avantage fiscal[90]. Le silence frauduleux auquel se sont livrés les conjoints sera sanctionné par la nullité du mariage, laquelle est encourue, plus généralement, toutes les fois qu’un époux, ou les deux, taisent l’existence d’un empêchement dirimant entachant la formation de leur mariage. Nul n’est cependant besoin d’un silence malveillant pour que soit prononcée, en guise de sanction, la dissolution de la famille. Il est des cas où le silence ne constitue aucune faute, mais à qui le droit fait produire les effets de pareille sanction.

2. La sanction du silence non-fautif

L’hypothèse à laquelle on songe en premier est évidemment la mort, qui n’est autre que le plus grand des silences susceptible de venir frapper la famille. En vertu des articles 227 et 515-7 du Code civil, elle met définitivement un terme au mariage et au pacs. Il en va de même de l’absence et de la disparition qui, dès lors que sont prononcés les jugements déclaratifs de décès ou d’absence, entraînent la dissolution de l’union conjugale. Là ne sont pas les seules situations où un silence non-fautif, peut conduire à la fin du couple. On peut encore évoquer l’hypothèse du silence gardé par un époux qui, en ce qu’il refuse opiniâtrement de répondre à la demande de son conjoint de se défaire des liens du mariage alors qu’existe entre eux, pendant plus de deux ans, une cessation de la vie commune, constitue un cas de divorce[91]. Même non-fautif, le silence peut donc être sanctionné par le droit d’une dissolution de la famille.

Fort naturellement, ce n’est pas, toutefois, la sanction la plus courante. À la vérité, le droit sanctionne le silence qui s’insinue dans les rapports familiaux de bien d’autres manières, l’objectif étant toujours la préservation de l’intérêt de la famille. Ainsi, par le jeu de la présomption pater is es quem nuptiæ demonstrant, érigée à l’article 312 du Code civil, le silence du mari de la mère est-il sanctionné par l’établissement de sa filiation avec l’enfant. Le seul moyen pour lui de ne pas voir sa paternité reconnue, c’est d’agir en justice pour que, en quelque sorte, son silence ne vaille pas acceptation. Ce silence qui produit les effets d’une acceptation, se retrouve également en matière successorale lorsqu’un héritier, soit se comporte comme acceptant la succession, en se livrant, par exemple, à des actes de disposition sur un bien de la masse successorale, soit ne procède pas à l’exercice de son option deux mois après avoir été sommé de le faire par un créancier[92]. Dans les deux cas, le droit sanctionne le silence du successible par une acceptation.

La sanction du silence – non fautif – connaît une autre sanction : la révocation. C’est ce dont est susceptible de faire l’objet le testament sur lequel est revenu tacitement son auteur en en rédigeant un nouveau ou en aliénant tout bonnement la chose léguée. Lorsqu’il correspond à l’une de ces situations envisagées aux articles 1036 et 1038 du Code, le silence de l’auteur d’un testament vaut révocation de celui-ci. Au total, il apparaît que, fautif ou non, le silence est sanctionné, selon la forme qu’il revêt, de très différentes manières, dans le cadre de l’appréhension des rapports familiaux par le droit. Cela témoigne, une fois encore, de l’étroitesse des rapports qui existent entre le droit de la famille et le silence, lesquels sont décidemment amenés à se rencontrer en de nombreuses occasions.

[1] A. Rey (dir.), Dictionnaire Le Grand Robert, Robert, 2001, t. 6, p. 448.

[2] H. Kelsen, Théorie pure du droit, LGDJ, coll. « La pensée juridique », 1999, p. 14.

[3] Montaigne, Les Essais, Gallimard, coll. « La pléiade », 2007, II, 12.

[4] J.-J. Rousseau, Lettres écrites à la montagne, P. I, Lettre VI.

[5] V. en ce sens J.-P. Sartre, L’Être et le Néant, Gallimard, coll. « Folio », 1976.

[6] J.-P. Sartre, Situations, III. Lendemain de guerre, Gallimard, coll. « Blanche », 2003, p. 11.

[7] B. Pascal, Discours sur les passions de l’amour, Mille et une nuits, 1998.

[8] Par exemple, conformément à l’article 1738 du Code civil, le locataire qui, en restant dans les locaux qu’il loue à l’échéance du bail, offre tacitement à son bailleur de reconduire le contrat qui les lie.

[9] L’acceptation tacite est valide, notamment dans les contrats à exécution successive, ou lorsque le comportement de l’acceptant laisse transparaître, sans équivoque, sa volonté de contracter.

[10] Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, JORF n°88 du 13 avril 2000, p. 5646.

[11] CEDH, 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c/ France : JCP G 2010, act. 1064, F. Sudre. V. également sur cette question des décisions plus anciennes CEDH, 25 févr. 1993, Funke c/ France, série A, n° 256 : Juris-Data n° 1993-605005 ; JCP G 1993, II, 22073, note Renucci ; Rev. sc. crim. 1993, p. 581, chron. Pettiti ; CEDH, 17 déc. 1996, Saunders c/ Royaume-Uni : Rec. CEDH 1996, VI.

[12] L’article 109 alinéa 2 du Code pénal dispose en ce sens que « tout journaliste, entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l’exercice de son activité, est libre de ne pas en révéler l’origine ».

[13] D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 171.

[14] V. en ce sens M. Troper, « Une théorie réaliste de l’interprétation », in La théorie du droit, le droit, l’État, PUF, coll. « Leviathan », 2001, pp. 68 et s.

[15] P. Deumier, Introduction générale au droit, LGDJ, coll. « Manuel », 2011, n°15, p. 24.

[16] N. Rouland, Aux confins du droit, Odile Jacob, coll. « sciences humaines », 1991, p. 40.

[17] Ibid., p. 39.

[18]  Ibid., p. 40.

[19] Norbert Rouland n’hésite pas à affirmer en ce sens que le droit de la famille « paraît avoir contribué à la naissance de l’Homme, peut-être même avant la religion » (ibid., p. 39).

[20] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, Defrénois, coll. « Droit civil », 2006, n°47, p. 25.

[21] On pense notamment à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. En son article 8, celle-ci ne fait, d’ailleurs, pas référence à la famille en tant que groupe humain, mais à la « vie familiale ».

[22] Pour cet auteur, le mariage n’est autre que « la société de l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter le poids de la vie et à partager leur commune destinée ».

[23] P. Vouin, préface de l’ouvrage de M. Delmas Marty, Le droit de la famille, PUF, 1972, coll. « Que sais-je ? », p. 6.

[24] P. Delvolvé, « Le silence en droit public », RDP, juil. 2012, n°4, p. 1171.

[25] H. de Balzac, Le curé du village. Œuvres complètes, Gallimard, coll. « La Pléiade », vol. IX, 1975.

[26] J. Carbonnier, « Les trois piliers du droit », Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 2001, pp. 257 et s.

[27] G. Cornu, Droit civil. La famille, Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 2007, n°1, p. 7.

[28] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°1, p. 5.

[29] Pour Claude Colombet, « la famille ne se passe pas de droit ; mieux elle en abonde » (C. Colombet, La famille, PUF, coll. « Droit fondamental », 1999, p. 13).

[30] Pour Cabonnier, « le doute vient de ce que [le droit de la famille] est fortement pénétré de morale et de mœurs » (J. Carbonnier, Droit civil. Introduction. Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. « Quadrige », n°390, p. 771).

[31] V. en ce sens, notamment F. De Singly, Sociologie de la famille contemporaine, Armand Colin, 2010 ; J.-H. Déchaux, Sociologie de la famille, La Découverte, 2009 ; B. Bawin-Legros, Sociologie de la famille. Le lien familial sous questions, De Boeck, 1996.

[32] Il suffit d’observer la diminution, depuis la fin des années soixante, du nombre de mariages pour s’en convaincre. Selon les chiffres de l’INSEE, alors qu’en 1965 346300 mariages ont été célébrés, ils ne sont plus que 24100 à l’avoir été en 2012, étant entendu qu’en l’espace de trente ans la population a substantiellement augmentée.

[33] Le concile de Trente prévoit, par exemple, l’excommunication des concubins qui ne régulariseraient pas leur situation, mais encore, après trois avertissements, l’exil.

[34] F. Terré, op. préc., n°325, p. 299.

[35] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. préc., n°106, p. 53.

[36] En vertu de l’article 1088 du Code civil « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas ».

[37] L’article 515-8 du Code civil dispose que « le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

[38] Si, le législateur a inséré une définition du concubinage dans le Code civil c’est surtout pour mettre fin à la position de la Cour de cassation qui, de façon constante, refusait de qualifier l’union de deux personnes de même sexe de concubinage (Cass. soc., 11 juill. 1989, deux arrêts : Gaz. Pal. 1990, 1, p. 217, concl. Dorwling-Carter ; JCP G 1990, II, 21553, note Meunier ; Cass. Civ. 3e, 17 décembre 1997 : D. 1998, jurispr. p. 111, concl. J.-F. Weber et note J.-L. Aubert ; JCP G 1998, II, 10093, note A. Djigo).

[39] Cass. 1re civ., 19 mars 1991 : Defrénois 1991, p. 942, obs. J. Massip ; Cass. 1re civ., 17 oct. 2000 : Dr. famille 2000, comm. 139, note B. Beignier.

[40] En matière fiscale, pour ce qui concerne l’assiette de l’ISF, les concubins sont assimilés à des époux. Il en va de même en matière de protection sociale où le concubin est considéré comme un ayant du droit de celui qui bénéficie de l’affiliation à la sécurité sociale.

[41] P. Simler et P. Hilt, « Le nouveau visage du Pacs : un quasi -mariage », JCP G, 2006, 1, p. 161.

[42] Article 515-1.

[43] Article 515-3.

[44] J. Carbonnier, « L’hypothèse du non-droit », in Flexible droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, op. préc., p. 34.

[45] Pour Carbonnier « dans le déroulement quotidien d’une institution familiale, les individus […] ne pratiquent le droit que de loin en loin quand ils ne peuvent pas faire autrement […] : dans l’intervalle, ils vivent comme si le droit n’existait pas » (Ibid.).

[46] C. Colombet, op. préc., p. 16.

[47] Article 372-2.

[48] Les notions de « charges du mariage » ou de « dépenses ménagères » que l’on trouve respectivement aux articles 214 et 220 du Code civil sont des notions dont l’appréciation commande au juge de faire appel à la coutume.

[49] V. en ce sens A. Benabent, « L’ordre public en droit de la famille », in T. Revet (dir.), L’ordre public à la fin du XXème siècle, Dalloz, 1996, pp. 27-31.

[50] Ch. Ropers, « Reste-t-il un ordre public familial », in Ch. Pigache (dir.), Les évolutions du droit : contractualisation et procéduralisation, Publications de l’Université de Rouen et du Havre, 2004, p. 90.

[51] V. en ce sens la thèse défendue par Frédérique Niboyet (F. Niboyet, l’ordre public matrimonial, LGDJ, 2008).

[52] D. Boulanger, « Droit patrimonial du couple et contractualisation », LPA, 20 déc. 2007, n°254, pp. 34 et s.

[53] J.-J. Lemouland, « Le couple en droit civil », Droit de la famille, juil. 2003, n°7, chron. 22.

[54] A. Bénabent, Droit civil. Droit de la famille. Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 2010, p. 10.

[55] Article 1387.

[56] V. en ce sens P.-M. Reverdy, « La contractualisation de la transmission successorale », LPA, 14 fév. 2007, n°33, pp. 4 et s.

[57] Sur cette question v. notamment N. Pétroni-Maudière, Le déclin du principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux, Presses Universitaires de Limoges, 2004.

[58] En vertu de l’article 373-2-7 « les parents peuvent saisir le juge aux affaires familiales afin de faire homologuer la convention par laquelle ils organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale […] ».

[59] J.-J. Lemouland, « Le pluralisme et le droit de la famille, post-modernité ou pré-déclin ? », D. 1997, chron., pp. 133 et s.

[60] Article 144.

[61] Articles 161,162 et 163.

[62] Article 146.

[63] Article 63.

[64] Articles 63 et 70.

[65] Articles 75 et 165.

[66] Article 515-2.

[67] Article 333 al. 1er.

[68] Article 321.

[69] Article 229.

[70] Sont frappés d’une telle incapacité du tuteur qui ne peut rien recevoir, dans le cadre d’une succession, de son pupille (article 907 al. 1er) ou du médecin qui ne saurait être le légataire de son patient (article 909 al. 1er).

[71] Article 1397.

[72] J. Carbonnier, La famille, l’enfant, le couple, PUF, coll. « Quadrige », 2004, p. 771.

[73] S. Minvielle, La famille en France à l’époque moderne, Armand Colin, 2010, p. 21.

[74] Ph. Malaurie et H. Fulchiron, op. cit. p. 18.

[75] P. Bréchon, La famille. Idées traditionnelles et idées nouvelles, Le centurion, 1976.

[76] V. supra, n°15-16.

[77] G. Cornu, op. cit., p. 20.

[78] V. notamment sur cette question F. Vasseur-Lambry, La famille et la convention européenne des droits de l’homme,, L’Harmattan, 2000 ; F. Krenc et M. Puéchavy, Le droit de la famille à l’épreuve de la Convention européenne des droits de l’homme, Anthemis, 2008 ; S. Lagoutte, Le droit au respect de la vie familiale dans la jurisprudence conventionnelle européenne, thèse: Paris 2, 2002.

[79] Ainsi pour Carbonnier « maintenant, le droit civil ayant décidément épousé les Droits de l’homme, c’est la valeur de la personne qui prend le dessus » (J. Carbonnier, op. cit., p. 750).

[80] L’ancien article 334 du Code civil introduit par la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation disposait que « l’enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère ».

[81] On pense, notamment, à la possibilité pour la femme d’accoucher anonymement au titre de l’article 326 du Code civil, ou encore à la prohibition édictée à l’article 310-2 d’établir la filiation de l’enfant à l’égard de l’un de ses parents biologiques, s’il est issu d’une relation incestueuse. Peut également être évoquée la situation des enfants qui font l’objet d’une adoption plénière dont le placement définitif fait, au titre de l’article 352, « échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance ».

[82] C’est ainsi que, de peur d’être condamné par les juges strasbourgeois, sur le fondement de la discrimination, dans la mesure où il n’existe aucune fin de non-recevoir à l’action en recherche de paternité alors qu’il en existe une pour l’action en recherche de maternité, le législateur a adopté la loi du 16 janvier 2009 qui est venue supprimer la fin de non-recevoir qui bénéficiait à la mère ayant accouché anonymement, laquelle ne pouvait, jusqu’alors, voir sa filiation établie dans le cadre d’une action en recherche de maternité. Cela ne l’empêche pas, pour autant, de revendiquer le droit d’accoucher dans l’anonymat, la difficulté étant pour l’enfant s’il souhaite, plus tard, établir sa filiation, de retrouver l’identité de sa mère.

[83] J. Carbonnier, La famille, l’enfant, le couple, op. cit., p. 768.

[84] J. Carbonnier, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Mélanges Ripert, Dalloz, 1950, p. 328.

[85] Sur cette question v. notamment P. Catala, « Rapport de synthèse », Travaux de l’Association Capitant, 1988, t. XXXIX, Aspects de l’évolution récente du droit de la famille, pp. 1 et s.

[86] L’article 321-1 alinéa 1er du Code rural dispose que « lorsque des époux exploitent ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole, ils sont présumés s’être donné réciproquement mandat d’accomplir les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation ».

[87] Le recel successoral est régi à l’article 778 du Code civil.

[88] Sur cette question v. notamment H. Meau-Latour, La donation déguisée en droit civil français. Contribution à la théorie générale de la donation, LGDJ, 1985.

[89] Cass. 1ère Civ., 20 nov. 1963 : D. 1963, note Raymond ; JCP G 1964, II, 13498, note J. Mazeaud..

[90] Cass. 1ère Civ., 28 oct. 2003, D. 2004.21, note Gridel ; RTD civ. 2004.66, obs. J. Hauser.

[91] Article 238.

[92] Article 772.