L’obligation plurale

Le rapport d’obligation ne se limite pas à la création d’un lien entre un sujet actif (le créancier) et un sujet passif (le débiteur.)

  • D’une part, il peut arriver que l’obligation ait une pluralité d’objets
    • Dans cette configuration, l’obligation sera :
      • Soit cumulative
      • Soit alternative
      • Soit facultative
  • D’autre part, il est des obligations qui auront une pluralité de sujets
    • Dans cette configuration, l’obligation sera :
      • Soit conjointe
      • Soit solidaire
      • Soit indivisible

I) L’obligation plurale par ses objets

Il existe trois sortes d’obligations plurales par leurs objets :

  • L’obligation cumulative
  • L’obligation alternative
  • L’obligation facultative

A) L’obligation cumulative

Aux termes du nouvel article 1306 du Code civil « l’obligation est cumulative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que seule l’exécution de la totalité de celles-ci libère le débiteur. »

Ainsi, l’obligation cumulative, qualifiée également d’obligation conjonctive, est celle dont l’objet consiste en l’exécution de plusieurs prestations.

Exemple : le débiteur s’engage envers le créancier à acquérir plusieurs biens ou à accomplir plusieurs tâches

Le rapport d’obligation ne sera éteint qu’à la condition que toutes les prestations promises aient été réalisées.

L’article 1306 prévoit en ce sens que « seule l’exécution de la totalité [des prestations] libère le débiteur. »

L’obligation cumulative se distingue ainsi de l’obligation alternative qui ne suppose pas l’accomplissement de toutes les prestations pour être éteinte.

B) L’obligation alternative

?Définition

Aux termes de l’article 1307 du Code civil « l’obligation est alternative lorsqu’elle a pour objet plusieurs prestations et que l’exécution de l’une d’elles libère le débiteur. »

L’obligation alternative, forme d’obligation disjonctive, est donc celle en vertu de laquelle le débiteur promet plusieurs prestations (au moins deux), mais dont il est libéré par l’exécution de seulement l’une d’entre elles.

Exemple : le débiteur s’engage à céder soit un immeuble, soit un fonds de commerce

Il ressort de la définition de l’obligation alternative que le législateur a entendu étendre son champ d’application

?Champ d’application

  • Droit antérieur
    • Sous l’empire du droit antérieur, la qualification d’obligation alternative était subordonnée à la réunion de deux conditions
      • d’une part, l’obligation devrait avoir pour objet la fourniture de prestations strictement interchangeables
      • d’autre part, les engagements du débiteur devaient être équivalents
    • Cette double exigence se déduisait de l’ancien article 1189 du code civil qui disposait que « le débiteur d’une obligation alternative est libéré par la délivrance de l’une des deux choses qui étaient comprises dans l’obligation. »
    • La nouvelle définition de l’obligation alternative a, manifestement, abandonné ces exigences ce qui a eu pour conséquence d’étendre son champ d’application.
  • Droit positif
    • Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la définition de l’obligation alternative
      • Indifférence de la source de l’obligation
        • Pour être qualifiée d’alternative, le législateur ne distingue pas selon que l’obligation est d’origine légale, contractuelle ou délictuelle
        • Ainsi, toutes les obligations peuvent être alternatives, peu importe leur source
      • Indifférence de la nature des prestations
        • Peu importe que les prestations promises soient de nature différente
        • Elles peuvent consister tant en la délivrance d’une chose qu’en l’exécution d’une prestation en nature ou en un versement d’une somme d’argent
      • Indifférence de la valeur des prestations
        • Il est également indifférent que les prestations convenues ne soient pas de même valeur
        • L’exécution de la prestation dont la valeur est la plus faible de toutes aura, en tout état de cause, pour effet d’éteindre le rapport d’obligation
    • En conclusion, lorsque l’obligation est alternative toutes les prestations promises sont placées sur un même plan
    • Dès lors qu’il n’y a aucun ordre de priorité entre les prestations promises, l’obligation peut être qualifiée d’alternative

?L’option

L’existence d’une option est consubstantielle de l’obligation alternative. Lorsqu’elle est alternative, se posent alors inévitablement deux questions :

– à qui appartient l’exercice de l’option ?

– l’exercice de l’option est-il irrévocable ?

  • Le titulaire de l’option
    • Principe : le débiteur
      • La question qui se pose ici est de savoir qui a le pouvoir de décider laquelle des prestations sera finalement exécutée aux fins d’éteindre le rapport d’obligation ?
      • L’article 1307-1 du Code civil prévoit que « le choix entre les prestations appartient au débiteur »
      • L’instauration de ce principe n’est pas une nouveauté
      • L’ancien article 1190 disposait que « le choix appartient au débiteur, s’il n’a pas été expressément accordé au créancier. »
    • Exception : le créancier
      • Si l’obligation alternative comporte cette particularité de s’éteindre sous l’effet de l’accomplissement de l’une des prestations convenues, on peut en déduire qu’elle devrait prospérer – en théorie – tant que le débiteur n’a pas opté
      • Afin dissuader ce dernier d’échapper à ses obligations en ne formulant aucun choix, le législateur a anticipé cette possibilité
      • Aussi, l’article 1307-2, al. 2e du Code civil prévoit-il que « si le choix n’est pas exercé dans le temps convenu ou dans un délai raisonnable, l’autre partie peut, après mise en demeure, exercer ce choix ou résoudre le contrat »
      • Lorsque dès lors le débiteur n’opte pas pour l’une des prestations prévues au contrat, le créancier peut
        • Soit exercer l’option en lieu et place du débiteur
        • Soit solliciter la résolution du contrat
      • Le débiteur est de la sorte déposséder de son droit d’opter : l’exécution du contrat, voire son anéantissement dépend du choix du seul créancier.
  • Les effets de l’option
    • L’article 1307-1, al.3e du Code civil dispose que « le choix exercé est définitif et fait perdre à l’obligation son caractère alternatif. »
    • Le choix du débiteur est donc irrévocable.
    • Cette règle avait été posée par la Cour de cassation dans un arrêt du 3 juin 1966 (Cass. 3e civ. 3 juin 1966).
    • Cela signifie donc que le débiteur ne pourra se libérer qu’en exécutant la prestation pour laquelle il a opté.
    • Peu importe qu’il exécute les autres prestations initialement prévues au contrat
    • Seule l’exécution de l’obligation choisie aura pour effet d’éteindre le rapport d’obligation

?L’impossibilité d’exécution d’une ou plusieurs prestations

Comme en 1804, lors de la réforme des obligations le législateur a cherché à envisager la question de l’impossibilité d’exécution d’une ou plusieurs prestations sur lesquelles porte l’obligation alternative.

L’impossibilité d’exécution est envisagée sous deux angles différents :

  • L’impossibilité procède de la force majeure
    • Il convient de distinguer selon que la force majeure affecte ou non toutes les prestations qui font l’objet de l’obligation alternative
      • Si la force majeure affecte seulement l’une des prestations convenues
        • Il ressort de la combinaison des articles 1307-3 et 1307-4 du Code civil que le rapport d’obligation subsiste
        • Il échoit au débiteur de fournir la prestation dont l’exécution est toujours possible
      • Si, en revanche, la force majeure affecte toutes les prestations convenues
        • Dans cette hypothèse, l’article 1307-5 prévoit que le rapport d’obligation est éteint
        • Le débiteur est, autrement, dit libéré de son obligation.
  • L’instant de la survenance de l’impossibilité
    • Deux hypothèses doivent ici être envisagées
      • L’impossibilité survient avant que le débiteur ait formulé son choix
        • Aux termes de l’article 1307-3 du Code civil, le débiteur qui n’a pas fait connaître son choix doit, si l’une des prestations devient impossible, exécuter l’une des autres
        • Ainsi, tant que le débiteur n’a pas formulé son choix, l’impossibilité ne saurait avoir pour effet d’éteindre le rapport d’obligation sauf à ce qu’elle fasse obstacle à l’exécution de toutes les prestations.
        • Il en va de même pour le créancier dans l’hypothèse où l’exercice de l’option lui appartiendrait (art. 1307-4 C. civ.)
      • L’impossibilité survient après que le débiteur a formulé son choix
        • L’article 1307-3 du Code civil dispose que « si elle procède d’un cas de force moajeure, l’impossibilité d’exécuter la prestation choisie libère le débiteur. »
        • Ainsi, lorsque l’impossibilité affecte la prestation sur laquelle le débiteur a porté son choix, cela a pour effet d’éteindre le rapport d’obligation.

C) L’obligation facultative

?Notion

En vertu de l’article 1308 du Code civil « l’obligation est facultative lorsqu’elle a pour objet une certaine prestation mais que le débiteur a la faculté, pour se libérer, d’en fournir une autre. »

À l’instar de l’obligation alternative, l’obligation alternative appartient à la catégorie des obligations disjonctives, en ce sens que l’extinction du rapport d’obligation ne dépend pas de l’exécution cumulative de toutes les prestations susceptibles d’être fournies par le débiteur.

L’exécution d’une seule prestation par ce dernier suffit à le libérer pour le tout.

À la différence de l’obligation alternative, l’obligation facultative ne comporte toutefois qu’un seul objet : la prestation que le débiteur s’est engagé à fournir (la prestation principale) mais qu’il peut, s’il le souhaite, substituer par une autre prestation (la prestation subsidiaire ou accessoire).

La stipulation d’une obligation facultative offre, en quelque sorte, au débiteur la possibilité de se libérer au moyen d’une dation en paiement

?Régime

Il ressort de la définition de l’obligation facultative que les prestations ne sont pas placées sur un même pied d’égalité : il convient de distinguer la prestation principale de la prestation subsidiaire.

La subsistance du rapport d’obligation dépend de la seule exécution de la prestation principale.

La question qui s’est alors rapidement posée a été de savoir ce qu’il advenait de la prestation subsidiaire dans l’hypothèse où l’exécution de la prestation principale devenait impossible :

Si l’on applique la solution retenue en matière d’obligation alternative, il faudrait considérer que le débiteur ne pourra se libérer qu’en exécutant l’obligation subsidiaire.

Telle n’est cependant pas la solution qui a été adoptée par le législateur.

L’article 1308 dispose, en effet, que « l’obligation facultative est éteinte si l’exécution de la prestation initialement convenue devient impossible pour cause de force majeure. »

La prestation principale apparaît, de la sorte, déconnectée de la prestation subsidiaire. Cela s’explique par le fait que l’obligation facultative ne comporte qu’un seul objet : la prestation principale.

Aussi, dès lors que l’exécution de cette prestation devient impossible, l’objet de l’obligation disparaît, d’où il s’ensuit une extinction du rapport d’obligation.

II) L’obligation plurale par ses sujets

S’il n’est pas rare que l’obligation comporte plusieurs objets, elle peut aussi avoir plusieurs sujets.

Lorsque l’obligation est plurale par ses sujets, deux situations peuvent se rencontrer :

  • Soit l’obligation est divise ou conjointe, ce qui signifie qu’elle se divise en autant de créances et de dettes qu’il y a de créanciers et de débiteur ;
    • La conséquence en est que :
      • d’une part, chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que sa part dans la créance
      • d’autre part, chaque débiteur n’est tenu envers le créancier que de sa part dans la dette.
  • Soit l’obligation est indivise ou solidaire, ce qui signifie que chaque créancier ou débiteur est titulaire de la totalité de la dette ou de la créance
    • Il en résulte que :
      • d’une part, chaque créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement de la totalité de la créance
      • d’autre part, chaque débiteur est tenu du tout envers n’importe quel créancier

Tandis que la division de l’obligation est le principe, la solidarité a été envisagée par les rédacteurs du Code civil comme l’exception. Lors de la réforme du droit des obligations le législateur contemporain n’est pas revenu sur cette règle.

A) Les obligations conjointes : le principe de division

?Le principe de division

Dans sa configuration la plus simple, l’obligation ne comporte que deux sujets : un créancier et un débiteur.

Néanmoins, il est des situations où l’obligation comportera plusieurs sujets.

Le rapport d’obligation existera alors :

  • Tantôt entre un créancier et plusieurs débiteurs

  • Tantôt entre plusieurs créanciers et un débiteur

Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.

L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». L’obligation est dite conjointe.

La conséquence attachée par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est double :

  • Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune
    • Cela signifie que chaque créancier ne pourra réclamer au débiteur que la part de la dette due personnellement par celui-ci
    • Pour obtenir le paiement complet de sa créance, le créancier devra, en conséquence, diviser ses poursuites envers chaque débiteur pris individuellement.
  • Chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune
    • Cela signifie que chaque débiteur n’est obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette
    • Le débiteur sera donc libéré de son obligation dès qu’il aura exécuté la part de son obligation

?Le domaine de la division

L’article 1309 du Code civil ne distingue pas selon la source de l’obligation. Aussi, la division opère indifféremment selon que l’obligation est de nature contractuelle, délictuelle ou légale.

Le seul critère posé par le législateur consiste, semble-t-il, en l’existence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.

Aussi, le domaine privilégié de la division est, sans aucun doute, le droit des successions : en cas de décès d’un créancier ou d’un débiteur, l’obligation se divise de plein droit en autant de parts qu’il y a d’héritiers.

  

?La division de l’obligation solidaire

Quid dans l’hypothèse de la division d’une obligation solidaire, ce qui se produira notamment lorsque le créancier ou le débiteur décédera ?

  • Doit-on considérer que, dans la mesure où ils acquièrent les mêmes droits et obligations que le de cujus, les héritiers sont solidaires de sorte que le créancier pourra réclamer à chacun d’eux le paiement de la dette pour le tout ?
  • Doit-on considérer, au contraire, que la solidarité ne se propage pas si bien que les héritiers ne seront tenus à la dette qu’à concurrence de leur part ?

L’article 1309 du Code civil apporte une solution à cette question en prévoyant que « la division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire »

Ainsi, les héritiers d’un débiteur solidaire ne sont tenus qu’à proportion de leur part héréditaire. Le créancier ne pourra pas actionner l’un d’eux en paiement pour le tout.

?L’effet de la division

L’article 1309 du Code civil dispose que « si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette règle :

  • L’obligation se divise équitablement entre ses sujets
  • La loi ou le contrat peut prévoir une division de l’obligation en parts inégales

?Les exceptions au principe de division

L’article 1309, al. 3 institue deux exceptions au principe de division de l’obligation :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Dès lors que l’on se trouve dans l’une de ces situations, la division de l’obligation ne peut plus opérer.

La conséquence en est que :

  • Soit chaque débiteur solidaire sera tenu au tout
  • Soit chaque créancier solidaire pourra réclamer le tout

B) Les obligations au total : exceptions au principe de division

Lorsque l’obligation est insusceptible de faire l’objet d’une division, elle est qualifiée d’obligation au total, en ce sens que, soit le créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement du tout, soit le débiteur peut être libéré du tout en réglant sa dette entre les mains de n’importe quel créancier.

Classiquement, on distingue deux sortes d’obligations au total qui constituent autant d’exceptions au principe de division :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

1. L’obligation solidaire

Bien que le Code civil ne connaisse que deux formes de solidarité, la solidarité active et la solidarité passive, la jurisprudence en a ajouté une troisième forme : la solidarité imparfaite plus couramment connue sous le nom d’obligation in solidum.

a. La solidarité active

i. Notion

Il y a solidarité active lorsque plusieurs créanciers sont titulaires d’une créance unique à l’encontre d’un débiteur unique. Il s’ensuit que chacun d’entre eux est en droit d’exiger du débiteur le paiement de la totalité de ce qui est dû.

La solidarité active concerne le domaine bancaire et plus particulièrement le fonctionnement du compte joint.

La convention de compte permet, en effet, à chacun des titulaires de disposer de la totalité du solde.

ii. Source

Le principe étant la division de l’obligation en autant de fractions qu’il y a de créanciers, la solidarité active ne peut être l’exception.

D’où la règle posée à l’article 1310 du Code civil aux termes duquel « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle, qui n’est pas nouvelle, notamment dans un arrêt du 16 juin 1992 (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992, n°90-18.209).

L’absence de présomption de la solidarité vaut tant pour la solidarité active que pour la solidarité active. Le texte ne distingue pas

iii. Effets

Les effets de la solidarité sont réglés par les articles 1311 et 1312 du Code civil. La lecture de ces dispositions invites à distinguer deux sortes d’effets : l’effet principal de la solidarité et les effets secondaires

?L’effet principal de la solidarité

  • Dans les rapports entre les créanciers et le débiteur
    • Les effets à l’égard des créanciers
      • Le principal effet de la solidarité active est que cette modalité de l’obligation confère à chaque créancier la faculté d’exiger et de recevoir du débiteur le paiement de toute la créance (art. 1311 C. civ.)
      • Le débiteur ne pourra donc pas opposer au créancier le principe de division de la créance, quand bien même son droit ne porte que sur une fraction de ladite créance
    • Les effets à l’égard du débiteur
      • En contrepartie de la possibilité pour chaque créancier de réclamer au débiteur le paiement du tout, le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous.
      • Cela signifie donc que les autres créanciers ne pourront pas lui réclamer le paiement de leur part.
      • L’article 1311 du Code civil précise que « le débiteur peut payer l’un ou l’autre des créanciers solidaires tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux. »
      • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
        • Premier enseignement
          • Tant que le débiteur n’est pas poursuivi peut valablement se libérer entre les mains de l’un des créanciers solidaires de son choix
          • Le créancier ainsi choisi ne dispose pas de la faculté de refuser le paiement
        • Second enseignement
          • Lorsque le débiteur fait l’objet de poursuites, la faculté pour le débiteur de choisir le créancier entre les mains duquel il va payer cesse.
          • Il ne pourra valablement se libérer qu’entre les mains du créancier poursuivant.
          • À défaut, son paiement ne sera pas libératoire.
  • Dans les rapports entre créanciers
    • Si, envers le débiteur, le principe de division n’opère pas sur la créance, envers les créanciers l’obligation se divise.
    • Il en résulte que les créanciers qui n’ont reçu aucun paiement de la part du débiteur, disposent d’un recours contre celui ou ceux qui ont perçu la totalité de la créance pour obtenir restitution de leur part, déterminée, en l’absence de clause contraire, de manière égale à celle des autres.
    • L’article 1309, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune »
    • L’article 1312 précise que lorsqu’un créancier reçoit paiement du débiteur il « en doit compte aux autres ».
    • De toute évidence, cette solution met en exergue la dangerosité de la solidarité active, dans la mesure où en cas d’insolvabilité ou de mauvaise foi du créancier accipiens, les autres sont susceptibles de se retrouver démunis et privés du bénéfice de leur part dans la créance.

?Les effets secondaires

Les effets secondaires de la solidarité active sont au nombre de deux :

  • Bénéfice de l’acte suspensif ou interruptif de prescription
    • Aux termes de l’article 1313 du Code civil, « tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers. »
    • Cette règle se justifie par la nature de la solidarité qui a pour effet de faire obstacle à la division de l’obligation
    • Aussi, dès lors que la créance est indivisible, il apparaît logique que les événements qui l’affectent se répercutent sur tous ses titulaires qui, à l’égard du débiteur, sont indivisiblement liés.
  • L’effet individuel de la remise de dette
    • L’article 1350-1, al. 2 du Code civil prévoit que « la remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier. »
    • Cette règle se justifie par la nécessité de ne pas aggraver la situation des autres créanciers, lesquels peuvent ne pas vouloir consentir une remise de dette au débiteur.
    • Il appartient à chacun, pris individuellement, de déterminer du sort de sa part dans la créance.

b. La solidarité passive

b.1 Notion

À l’inverse de la solidarité active, il y a solidarité passive lorsqu’un créancier est titulaire d’une créance à l’encontre de plusieurs débiteurs.

Il s’ensuit que le créancier peut réclamer à chaque débiteur pris individuellement le paiement de la totalité de la dette.

La solidarité passive présente un réel intérêt pour le créancier dans la mesure où elle le prémunit contre une éventuelle insolvabilité de l’un de ses débiteurs.

Aussi, dans cette configuration les codébiteurs sont garants les uns des autres.

b.2 Source

i. Principe

La règle est ici la même qu’en matière de solidarité active

Conformément à l’article 1310 du Code civil « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La solidarité passive peut ainsi avoir deux sources distinctes : la loi ou le contrat.

?La source contractuelle

Lorsqu’elle est d’origine contractuelle, la solidarité passive doit être expressément stipulée.

Dans le doute, le juge préférera la qualification d’obligation conjointe.

La Cour de cassation fait preuve d’une extrême rigueur à l’égard des juges du fond qui ne saurait retenir la solidarité lorsque, notamment, elle est tacite (V. en ce sens Cass. 1ère civ. 19 févr. 1991, n°88-19.136 ; Cass. 1ère civ. 7 nov. 2012, n°11-25.430).

?La source légale

Il est de nombreux textes qui instituent une solidarité passive à la faveur du créancier.

Cette dernière se justifie :

  • Soit par une communauté d’intérêts
    • Co-emprunteurs de la même chose dans le prêt à usage (art. 1887 C.civ.)
    • Époux pour le paiement de l’impôt sur le revenu
    • Époux pour les dettes ménagères (art. 220 C. civ.).
  • Soit par la participation commune à une même responsabilité
    • Parents pour les dommages causés par leurs enfants mineurs habitant avec eux (art. 1242, al. 4 C. civ.)
    • Producteur d’un produit fini et producteur d’une partie composante, pour le dommage causé par le défaut du produit incorporé dans le produit fini
    • Personnes condamnées pour un même crime ou un même délit s’agissant des restitutions et dommages et intérêts (art. 375-2, al. 1 C. pén. et 480-1, al. 1 C. proc. pén).
  • Soit par la nécessité de renforcer le crédit
    • Signataires d’une lettre de change (art. L. 511-44 C. com.)
    • Signataires d’un chèque (art. L. 131-51 C. mon. fin.)
    • Associés d’une société en nom collectif (art. 221-1 C. com.)

ii. Exception

Par exception à la règle de droit commun, en matière commerciale, la solidarité est présumée.

Le principe est donc inversé, ce qui signifie que l’exclusion de la solidarité doit être expressément stipulée.

À défaut, les débiteurs seront présumés solidaires.

Cette solution est ancienne (Cass. Req. 20 oct. 1920) et constante (Cass. com. 5 juin 2012, n° 09-14.501 et 09-66.318).

L’instauration de cette présomption se justifie par le besoin de crédit dont les opérateurs ont besoin dans le cadre de la vie des affaires.

b.3 Effets

Les effets de la solidarité sont régis aux articles 1313 à 1319 du Code civil.

L’appréhension des effets de la solidarité passive suppose de bien distinguer la question de l’obligation à la dette de celle relative à la contribution à la dette.

  • L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite du créancier à l’encontre de ses débiteurs
    • Dans cette hypothèse sont donc envisagés les rapports entre le créancier et ses débiteurs
  • La contribution à la dette détermine quant à elle l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs
    • Dans cette hypothèse sont seulement envisagés les rapports entre débiteurs

i. L’obligation à la dette ou les rapports entre le créancier et les débiteurs

Dans les rapports entre les créanciers et ses débiteurs il convient de distinguer les effets principaux de la solidarité de ses effets secondaires.

?: Les effets principaux de la solidarité

Il convient de distinguer les effets qui participent de l’exécution de l’obligation de ceux qui opèrent sa neutralisation :

?L’exécution de l’obligation : le droit de poursuite

  • L’obligation au total
    • L’une des principales caractéristiques de la solidarité passive est que les débiteurs sont tenus à une même dette, quelle que soit la cause de leur engagement.
    • En raison de cette unicité de la dette qui échappe au principe de division, il en résulte que chacun est obligé à la totalité de la dette.
    • L’article 1313, al. 1er prévoit en ce sens que « la solidarité entre les débiteurs oblige chacun d’eux à toute la dette ».
  • La faculté d’élection du créancier
    • Aux termes de l’article 1313, al. 2e du Code civil, « le créancier peut demander le paiement au débiteur solidaire de son choix. »
    • Le créancier dispose donc de ce que l’on appelle traditionnellement une faculté d’élection.
    • Il peut, en effet, choisir discrétionnairement celui d’entre les codébiteurs auquel il réclamera le paiement, par voie extrajudiciaire ou judiciaire, sans avoir à mettre en cause les autres ou même simplement les avertir.
    • Les codébiteurs, tous placés sur le même plan, ne jouissent d’aucun bénéfice de discussion et bien évidemment d’aucun bénéfice de division.
  • La pluralité de liens d’obligations fonde une pluralité de poursuites
    • Contrairement à la solution ancienne du droit romain fondée sur la litis contestatio, les poursuites engagées contre l’un des débiteurs n’empêchent pas le créancier d’agir contre les autres.
    • L’article 1313, al. 2 dispose que « les poursuites exercées contre l’un des débiteurs solidaires n’empêchent pas le créancier d’en exercer de pareilles contre les autres. »
    • Il appartiendra néanmoins au créancier lorsqu’il diligentera des poursuites ultérieures de déduire du montant de sa demande le paiement partiel précédemment obtenu de l’un des codébiteurs.
  • Unicité de la dette
    • En raison de l’unicité de la dette, qui donc ne fait pas l’objet d’une division, les différents rapports d’obligation sont placés sous la dépendance mutuelle de leur exécution réciproque.
    • La conséquence en est que paiement fait par l’un des débiteurs libère les autres à l’égard du créancier.
    • Cette règle est exprimée à l’article 1313, al. 1er du Code civil.

?La neutralisation de l’obligation : le régime des exceptions

La question qui ici se pose est de savoir si un débiteur peut opposer une exception au créancier.

Par exception, il faut entendre un moyen de défense qui tend à faire échec à un acte en raison d’une irrégularité (causes de nullité, prescription, inexécution, cause d’extinction de la créance etc…)

Le régime des exceptions est traité à l’article 1315 du Code civil.

Lorsque ces exceptions sont fondées, elles emportent disparition de la dette à l’égard de tous les débiteurs.

D’où la possibilité pour chaque débiteur de les invoquer

Quel que soit le débiteur qu’il poursuit, le créancier est, par principe, susceptible de se les voir opposer.

Toutefois, toutes les exceptions ne sont pas opposables au créancier.

Aussi, convient-il de distinguer trois catégories d’exceptions :

  • Les exceptions inhérentes à la dette : le principe d’opposabilité
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions communes à tous les codébiteurs.
      • Pour cette catégorie d’exception, la règle est posée à l’article 1315, al. 1er du Code civil qui prévoit que « le débiteur solidaire poursuivi par le créancier peut opposer les exceptions qui sont communes à tous les codébiteurs ».
      • Ainsi, les inhérentes à la dette peuvent toujours être opposées au créancier.
      • Ce principe se justifie par le caractère commun de la dette
      • Les exceptions qui l’affectent se répercutent donc mécaniquement sur chacun des débiteurs.
    • Applications
      • À titre d’exemple d’exceptions inhérentes à la dette, l’article 1315 vise la résolution et la nullité
      • Cas particulier de la nullité
        • S’agissant de cette dernière exception, il y a là une maladresse du législateur, en ce que toutes les causes de nullités ne constituent pas nécessairement des exceptions inhérentes à la dette.
        • Lorsque la nullité trouve sa source dans l’incapacité du débiteur ou dans un vice du consentement, elle s’apparente plutôt à une exception qui lui est personnelle.
        • Elle ne devrait, en conséquence, pouvoir être invoquée que par celui dont elle affecte la validité de l’engagement.
        • Dans ces conditions, peuvent être qualifiées d’exceptions inhérentes à la dette par exemple :
          • Les nullités tenant à l’objet, à la contrepartie ou encore à la forme de l’acte
          • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition commune à tous les codébiteurs
          • Les causes d’extinction de l’obligation :
            • par disparition de l’objet
              • Paiement
              • Dation en paiement
              • Novation
            • par prescription
            • par remise de dette
            • par perte fortuite de la chose
  • Les exceptions purement personnelles : le principe d’inopposabilité
    • Principe
      • Les exceptions purement personnelles sont celles tirées de l’engagement d’un débiteur indépendamment de l’engagement des autres.
      • Elles ne touchent donc qu’un seul lien obligataire, sans affecter les autres.
      • Pour cette catégorie d’exceptions, il ressort de l’article 1315 du Code civil que seul le débiteur dont l’engagement est frappé de nullité peut opposer l’exception au créancier.
      • Dans la mesure où l’exception n’est pas inhérente à la dette, elle ne produit sur elle aucun effet extinctif, de sorte que les codébiteurs demeurent solidairement tenus.
      • C’est là tout le sens de l’article 1315 lorsqu’il énonce qu’un débiteur « ne peut opposer les exceptions qui sont personnelles à d’autres codébiteurs, telle que l’octroi d’un terme »
    • Applications
      • Au rang des exceptions purement personnelles on compte notamment :
        • Les nullités tenant aux vices du consentement et aux incapacités
        • Les exceptions tirées d’un terme ou d’une condition propre à un débiteur
        • L’extinction de la créance pour défaut de déclaration dans le cadre d’une procédure collective
        • La suspension des poursuites à l’encontre d’un débiteur qui fait l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire
  • Les exceptions simplement personnelles : le principe d’opposabilité partielle
    • Principe
      • Il s’agit des exceptions dont l’invocation produit des effets inégaux selon la personne de celui qui les oppose au créancier
        • S’il s’agit du débiteur personnellement touché par l’exception, son engagement sera affecté pour le tout
        • S’il s’agit du débiteur non personnellement touché par l’exception, son engagement ne sera affecté que partiellement
      • La particularité de ces exceptions est que tandis qu’elles atteignent des liens et libère le débiteur qui en est le sujet passif, elles libèrent également ses codébiteurs mais qu’à concurrence de la part contributive de ce dernier.
      • L’article 1315 prévoit en ce sens que « lorsqu’une exception personnelle à un autre codébiteur éteint la part divise de celui-ci […] il peut s’en prévaloir pour la faire déduire du total de la dette. »
      • En somme, contrairement à l’exception inhérente à la dette qui l’affecte totalement et à l’exception purement personnelle qui ne l’affecte pas du tout, l’exception simplement personnelle n’affecte la dette que partiellement ; d’où ses effets variables, selon le débiteur qui l’invoque.
    • Applications
      • À titre d’exemples d’exceptions simplement personnelles, l’article 1315 vise notamment la compensation et la remise de dette.
      • Sur la compensation
        • Le législateur semble avoir retenu une solution différente de celle appliquée antérieurement à la réforme.
        • L’ancien article 1294, al. 3 du Code civil prévoyait, en effet, que la compensation constituait une exception purement personnelle au débiteur solidaire.
        • La Cour de cassation estimait toutefois que si elle était invoquée par ce dernier, tous les codébiteurs devaient en bénéficier, selon le régime des exceptions inhérentes à la dette.
        • Si, en revanche, il décidait de ne pas formellement l’opposer au créancier, la compensation demeurait sans effet sur le quantum de la dette.
        • En l’état du droit, les termes de l’article 1315 du Code civil invitent à penser que la compensation pourra être invoquée par les codébiteurs de celui titulaire d’une créance réciproque à l’encontre du créancier.
        • La compensation est, en effet, présentée comme une exception simplement personnelle de sorte que l’on est légitimement en droit de penser qu’elle en emprunte le régime.
      • Sur la remise de dette
        • Il s’agit de l’hypothèse où le créancier consent une remise de dette à l’un des codébiteurs, mais réserve ses droits contre les autres.
        • Dans cette situation, l’article 1315 du Code civil contraint le créancier à déduire de ses poursuites contre les codébiteurs la part contributive du bénéficiaire de la remise de dette.
        • Cette règle est spécifiquement exprimée à l’article 1350-1 du Code civil qui dispose que « la remise de dette consentie à l’un des codébiteurs solidaires libère les autres à concurrence de sa part. »

?: Les effets secondaires de la solidarité

Certains effets de la solidarité sont qualifiés de secondaires en raison de leur singularité.

Ils ont en commun de faciliter l’action du créancier car certains actes accomplis à l’encontre de l’un des codébiteurs produisent leurs effets à l’égard de tous les autres.

La cohérence de ces effets secondaires demeure toutefois incertaine dans la mesure où, tout en liant le sort des codébiteurs à l’instar des exceptions inhérentes à la dette, ils ne se rattachent pas aisément à la notion d’unicité de la dette.

Aussi, a-t-on cherché à leur trouver un socle théorique commun.

?Exposé de la théorie de la représentation mutuelle

À partir des effets secondaires les plus caractéristiques, la doctrine du XIXe siècle a cherché à les rassembler autour d’une théorie commune, laquelle a été reprise par la jurisprudence (V. notamment en ce sens Cass. civ. 1er déc. 1885).

Cette tentative de théorisation des effets secondaires de la solidarité a toutefois fait l’objet de vives critiques.

La particularité de ces effets remarquait-on est que les codébiteurs posséderaient une communauté d’intérêts.

En partant de ce postulat, on en a déduit qu’ils avaient respectivement qualité à agir au nom des autres et que, en somme, ils se représentaient mutuellement.

C’est ce que l’on appelle la théorie de la représentation mutuelle.

Le pouvoir de représentation dont seraient dotés les codébiteurs ne serait pas toutefois illimité.

Ces derniers ne sauraient accomplir aucun acte qui aurait pour conséquence d’aggraver la situation des autres.

Ils ne pourraient valablement agir qu’en vue de maintenir ou de réduire l’engagement de tous.

Bien que séduisante, cette thèse n’en est pas moins contestable.

Non seulement elle présente une certaine part d’artifice en ce qu’il est difficile de trouver une communauté d’intérêt dans la situation juridique que constitue la solidarité, surtout la majorité des solutions qu’elle entend recouvrir peuvent également être rattachées à la notion d’unicité de la dette.

?Inventaire des effets secondaires

De tous les effets secondaires énoncés par le Code civil avant la réforme, l’ordonnance du 10 février 2016 n’en reprend qu’un seul : la demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs.

Est-ce à dire que les autres effets secondaires attachés à la solidarité sont abandonnés ?

On ne saurait être aussi catégorique ; rien ne permet de se prononcer dans un sens un dans l’autre.

Aussi, dans l’attente que la Cour de cassation se prononce, au cas par cas, convient-il d’envisager que tous les effets secondaires attachés à la solidarité antérieurement à la réforme soient conservés :

  • La demande d’intérêts formée contre l’un des codébiteurs
    • L’article 1314 du Code civil prévoit que « la demande d’intérêts formée contre l’un des débiteurs solidaires fait courir les intérêts à l’égard de tous. »
    • De toute évidence, cet effet secondaire vient contredire la théorie de la représentation mutuelle, dans la mesure où il conduit à une aggravation de la situation des codébiteurs.
    • À la vérité, cette règle se justifie, une fois encore, par l’idée de dette unique.
    • Les intérêts étant les accessoires de la dette. Or celle-ci est due par tous.
    • Les intérêts qui commencent à courir ne peuvent donc que suivre le même régime.
  • La mise en demeure adressée à l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’une mise en demeure est adressée par le créancier à l’un des codébiteurs, elle les oblige tous à payer le prix
    • Elle fait courir les intérêts moratoires.
    • Toutefois, seul le mis en demeure peut être condamné, s’il ne s’exécute pas, à verser des dommages et intérêts
  • L’interruption de la prescription contre l’un des codébiteurs
    • Lorsqu’un acte interruptif de prescription est accompli par le créancier, il produit ses effets à l’encontre de tous les codébiteurs.
    • L’acte interruptif de prescription peut consister, tant en un acte judiciaire (acte introductif d’instance) qu’en un acte extrajudiciaire (reconnaissance de dette).
  • La transaction entre le créancier et l’un des codébiteurs
    • Dans un arrêt du 3 décembre 1906, la Cour de cassation a estimé que la transaction conclue entre le créancier et l’un des codébiteurs profite aux autres lorsqu’elle leur est favorable (Cass. req. 3 déc. 1906).
  • L’autorité de la chose jugée
    • Dans un arrêt du 28 décembre 1881, la Cour de cassation a estimé que « la chose jugée avec l’un des codébiteurs solidaires est opposable à tous les autres » (Cass. civ. 28 déc. 1881).
    • Cette règle est toutefois écartée dans l’hypothèse où cet effet secondaire de la solidarité conduit à aggraver la situation des codébiteurs.
  • Les voies de recours
    • L’exercice d’une voie de recours par l’un des codébiteurs bénéficie aux autres, de sorte que la décision obtenue en appel pour l’un sera opposable à tous les autres.

ii. La contribution à la dette ou les rapports entre codébiteurs

Une fois le créancier désintéressé, celui à qui il a été demandé régler la totalité de la dette, à tout le moins plus que sa part, dispose d’un recours contre ses codébiteurs.

Ce recours intéresse le stade de la contribution à la dette. Plus globalement, il s’agit de déterminer, après avoir surmonté le stade de l’obligation à la dette, l’étendue de la répartition de la dette entre les codébiteurs

Plusieurs règles ont été adoptées aux fins de régler cette question de la répartition du poids de la dette.

?Le rétablissement du principe de division

Au stade de la contribution à la dette, il ressort de l’article 1317 du Code civil que la solidarité ne joue plus.

L’obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs.

Le débiteur qui donc a payé le créancier ne peut pas actionner en paiement l’un de ses codébiteurs pour le montant de la dette restant dû.

Celui qui a payé au-delà de sa part dispose d’un recours contre les autres à proportion de leur propre part

?La répartition de la dette entre codébiteurs

  • Principe
    • L’article 1317 prévoit que « entre eux, les codébiteurs solidaires ne contribuent à la dette que chacun pour sa part. »
    • La division se fait, en principe, par parts égales
    • Cette clé de répartition n’est toutefois pas absolue.
    • Dans plusieurs cas, il peut, en effet, être dérogé au principe de répartition à parts égales de la dette.
  • Exceptions
    • La solidarité est fondée sur une responsabilité commune
      • Dans cette hypothèse, le juge peut moduler la contribution des codébiteurs, en fonction du degré des fautes respectives s’il s’agit d’une solidarité fondée sur une responsabilité commune.
    • La stipulation d’une clause de répartition
      • Les parties peuvent elles-mêmes prévoir une répartition inégale dans le contrat
    • L’insolvabilité d’un codébiteur
      • L’article 1317 dispose que dans l’hypothèse où l’un des codébiteurs « est insolvable, sa part se répartit, par contribution, entre les codébiteurs solvables, y compris celui qui a fait le paiement et celui qui a bénéficié d’une remise de solidarité. »
      • La part est donc répartie entre tous les codébiteurs encore solvables.
      • Cette solution s’apparente à une sorte de solidarité horizontale et subsidiaire qui s’adjoindrait à la solidarité verticale jouant dans les rapports avec le créancier.
    • La dette a été contractée dans l’intérêt d’un seul débiteur
      • L’article 1318 prévoit que « si la dette procède d’une affaire qui ne concerne que l’un des codébiteurs solidaires, celui-ci est seul tenu de la dette à l’égard des autres
      • Cela signifie donc que dans l’hypothèse où un seul des codébiteurs est intéressé à l’opération, il doit supporter le poids définitif de la dette.
      • Il en résulte deux conséquences :
        • Si le débiteur intéressé à l’opération a seul été actionné en paiement par le créancier, il ne dispose d’aucun recours contre ses codébiteurs.
        • Inversement si les codébiteurs non intéressés à l’opération ont été actionnés en paiement par le créancier, ils disposent d’un recours contre celui concerné par la dette

?Le recours du codébiteur solvens

Il dispose d’un double recours contre ses codébiteurs :

  • Une action personnelle
    • Cette action est fondée sur l’article 1317, al. 2 du Code civil.
    • Sur le plan théorique, les auteurs invoquent les notions de mandat et de gestion d’affaires pour la justifier.
    • L’action personnelle qui ne peut être exercée qu’à titre chirographaire permet de réclamer aux codébiteurs les intérêts des sommes versées au créancier à compter du jour du paiement.
  • Une action subrogatoire
    • Cette action est fondée sur l’article 1346 du Code civil qui prévoit que « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette. »
    • Le mécanisme de la subrogation, qui joue de plein droit dès le paiement effectué, présente l’avantage d’investir le codébiteur solvens de tous les droits et actions du créancier.
    • Aussi, cela lui permet-il de jouir, notamment, des sûretés et garanties attachés à la créance initiale.

b.4 L’extinction de la solidarité passive

La solidarité prend fin dans trois cas distincts :

  • Le paiement
    • C’est la cause d’extinction normale de la solidarité
    • Si le paiement réalise l’exécution intégrale de l’obligation, la dette disparaît.
    • La solidarité n’a donc plus de raison d’être.
  • Le décès d’un codébiteur
    • En l’absence d’une clause d’indivisibilité complétant la solidarité, le décès de l’un des codébiteurs produit une division de la part du codébiteur dans la dette entre ses héritiers.
    • Aussi, le créancier, ne pourra pas les actionner en paiement pour le tout.
    • La solidarité jouera néanmoins toujours entre les autres codébiteurs.
  • La remise de solidarité
    • Le nouvel article 1316 dispose que « le créancier qui reçoit paiement de l’un des codébiteurs solidaires et lui consent une remise de solidarité conserve sa créance contre les autres, déduction faite de la part du débiteur qu’il a déchargé. »
    • Ainsi, lorsque le créancier est réglé par l’un des codébiteurs, il peut lui consentir une remise de solidarité.
    • Cela signifie qu’il n’est plus tenu solidairement à la dette, mais seulement conjointement.
    • La conséquence en est que le créancier ne pourra exiger du bénéficiaire de la remise que le paiement de sa part dans la dette et non du tout.
    • Quant aux autres débiteurs, ils demeurent tenus solidairement de la dette, déduction faite de la part du débiteur qui a été déchargé.

c. L’obligation in solidum

i. Obligation in solidum / obligation solidaire

À l’instar de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum appartient également à la catégorie des obligations au total dans la mesure où elle échoit à une pluralité de débiteurs sur lesquels pèse une dette commune envers un même créancier.

À la différence néanmoins de l’obligation solidaire, l’obligation in solidum n’a pas été envisagée par le législateur.

Absente du Code civil, c’est une création purement prétorienne dont la nature juridique est très discutée en doctrine, notamment sur la question de savoir s’il s’agit d’une simple variété de solidarité introduite en droit positif praeter legem (dans le silence de la loi) ou s’il s’agit d’une institution autonome.

En tout état de cause, conformément à l’article 1310 du Code civil (anciennement art. 1202, al.1er), la solidarité ne se présume pas. Le principe, c’est la division de l’obligation en autant de fractions qu’il existe de débiteurs.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir institué cette obligation in solidum qui existe indépendamment de la loi et en dehors de toute clause contractuelle ?

La raison réside dans la volonté des tribunaux qui, dans le droit fil du mouvement d’objectivation de la responsabilité civile, n’ont pas souhaité aggraver le sort des victimes en leur imposant de diviser leurs poursuites dans l’hypothèse où plusieurs auteurs seraient à l’origine de leur dommage.

ii. Domaine d’application de l’obligation in solidum

Le domaine d’élection de l’obligation in solidum, c’est bien évidemment la responsabilité civile.

Dans un célèbre arrêt du 4 décembre 1939, la Cour de cassation a considéré, en matière de responsabilité du fait personnel, que « chacun des coauteurs d’un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de 1’entier dommage, chacun des fautes ayant concouru à le causer tout entier » (Cass. Req. 4 déc. 1939).

La même solution a été adoptée en matière de responsabilité du fait des choses, soit dans l’hypothèse où plusieurs personnes ont été désignées comme gardiennes de la chose instrument du dommage (Cass. civ. 29 nov. 1948).

La doctrine justifie l’obligation in solidum par l’existence d’un préjudice unique causé à la victime, d’où il résulterait alors une dette unique.

La Cour de cassation résume régulièrement cette idée en affirmant que « chacune des fautes commises avait concouru à la réalisation de l’entier dommage, de sorte que la responsabilité de leurs auteurs devait être retenue in solidum envers la victime de celui-ci » (Cass. com. 19 avr. 2005, n°02-16.676).

La Cour de cassation ne se limite pas à une application de l’obligation solidum aux coauteurs d’un dommage, elle recourt également à cette figure juridique pour faciliter le recours de la victime à l’encontre d’un responsable et de son assureur contre lequel elle dispose d’une action directe.

Bien que cela soit contesté par certains auteurs, les tribunaux recourent enfin à l’obligation in solidum en matière d’obligation alimentaire.

iii. Les effets de l’obligation in solidum

Si l’obligation in solidum produit les mêmes effets principaux que l’obligation solidaire, les effets secondaires attachés à cette dernière sont absents.

?La production d’effets principaux

  • Une obligation au total
    • Pareillement à l’obligation solidaire, l’obligation in solidum est une obligation au total
    • Il en résulte que la victime peut actionner en paiement pour le tout le codébiteur de son choix, sans que lui soit imposée une division de ses poursuites
    • La question connexe du partage de responsabilité entre les coauteurs du dommage n’a aucune incidence au stade de l’obligation à la dette, soit dans les rapports avec le créancier.
    • Cette question n’intervient qu’au stade de la contribution à la dette (V. en ce sens Cass. com. 14 janv. 1997, n°95-10.188 et 95-10.214).
    • S’agissant du paiement effectué par l’un des codébiteurs, il libère les autres.
  • Le régime de l’opposabilité des exceptions
    • Les exceptions opposables au créancier sont, en matière d’obligation in solidum, sensiblement les mêmes qu’en matière de solidarité passive.
    • Il existe, cependant quelques différences comme par exemple :
      • Le désistement d’instance de la victime contre l’un des codébiteurs, ne l’empêche pas d’engager par la suite des poursuites contre les autres.
      • De même si la victime laisse s’écouler le délai de prescription qui courrait au bénéfice d’un codébiteur, elle peut toujours réclamer le tout aux autres.

?L’absence effets secondaires

Les effets secondaires de la solidarité sont ici écartés.

Selon la doctrine, la production d’effets secondaires se justifie par la théorie de la représentation mutuelle.

Or il n’y a pas de communauté d’intérêts en matière d’obligation in solidum.

iv. Les recours entre les codébiteurs

Le codébiteur qui a payé l’intégralité de la dette jouit d’un recours subrogatoire contre les autres.

La question s’est alors posée de savoir si le codébiteur solvens disposait également d’une action personnelle contre le coauteur du dommage.

La jurisprudence a été conduite à trancher cette question dans une espèce où une victime avait renoncé à ses droits contre l’un des codébiteurs.

Impossible donc de se subroger dans des droits dont elle n’était plus titulaire en raison de sa renonciation.

Dans un arrêt du 7 juin 1977, la Cour de cassation a estimé que le codébiteur solvens disposait bien d’une action personnelle contre les coresponsables.

Bien que le fondement de ce recours ait été discuté en doctrine (gestion d’affaires, enrichissement sans cause) le recours personnel est admis, tantôt sur le fondement de la responsabilité délictuelle, tantôt sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Quant à l’étendue du recours, il doit être divisé entre tous les codébiteurs, en ce sens que, entre eux, il n’y point de solidarité.

La détermination de leurs parts contributives se fait en fonction notamment de la gravité des fautes respectives commises par chacun.

2. L’obligation indivisible

a. Notion

L’obligation indivisible est celle qui doit être exécutée dans sa totalité, ce qui, au fond, est la finalité de la plupart des obligations.

Pour n’être exécutée que partiellement, les parties doivent le prévoir. À défaut, l’exécution doit être intégrale.

L’ancien article 1220 du Code civil prévoyait en ce sens que « l’obligation qui est susceptible de division doit être exécutée entre le créancier et le débiteur comme si elle était indivisible. »

À la vérité, la question de l’indivisibilité de l’obligation ne présente un réel un intérêt que lorsqu’elle comporte une pluralité de sujets (débiteurs ou créanciers).

D’où son étude dans la partie consacrée à l’obligation plurale.

b. Source

Aux termes de l’article 1320 du Code civil, l’obligation peut être indivisible « par nature ou par contrat ».

L’obligation indivisible peut résulter de deux sources différentes :

?L’obligation indivisible par nature (objective)

Elle est indivisible parce que son objet est insusceptible de faire l’objet d’une division.

Il en va ainsi, soit parce que l’impossibilité de division est matérielle, soit parce qu’elle est juridique

  • L’indivisibilité matérielle
    • Elle se rencontre toutes les fois que l’obligation ne peut pas être exécutée de manière fractionnée.
    • Il en va ainsi de l’obligation de livrer un corps certain.
  • L’indivisibilité juridique
    • Elle se rencontre lorsque l’obligation porte sur l’accomplissement d’un acte, l’exercice d’un droit, ou encore sur une abstention qui ne peuvent pas être fractionnés.
    • Lorsque, par exemple, un éditeur de logiciels consent une licence d’utilisation à un client, il ne peut pas fractionner l’exécution de son obligation.

?L’obligation indivisible par contrat (subjective)

L’indivisibilité d’une obligation peut avoir pour source la volonté des parties.

Dans cette hypothèse, l’objet de l’obligation est, par nature, divisible.

Toutefois les contractants ont choisi de le rendre indivisible.

La plupart du temps, l’indivisibilité de l’obligation est stipulée en complément de la solidarité afin d’éviter la division de la dette en cas de décès du débiteur.

Aussi, le créancier pourra toujours actionner en paiement l’un des héritiers pour le tout, ce qu’il ne pourrait pas faire si l’obligation n’était que solidaire.

c. Effets

  • Une obligation au total
    • L’obligation indivisible est assortie sensiblement des mêmes effets que l’obligation solidaire.
    • L’article 1320, al. 1er du Code civil de civil dispose notamment que « chacun des créanciers d’une obligation à prestation indivisible […] peut en exiger et en recevoir le paiement intégral »
    • En cas de pluralité de débiteurs, le créancier peut, autrement dit, actionner en paiement n’importe lequel d’entre eux.
    • L’alinéa 2 de l’article 1320 précise que, corrélativement, chacun des débiteurs d’une telle obligation en est tenu pour le tout
    • Surtout, l’alinéa 3 ajoute que « il en va de même pour chacun des successeurs de ces créanciers et débiteurs. »
    • C’est là une différence majeure avec la solidarité, laquelle cesse en cas de décès du débiteur.
    • En matière d’indivisibilité, les héritiers demeurent tenus pour le tout.
    • D’où la stipulation de l’indivisibilité en complément de la solidarité.
  • L’opposabilité des exceptions
    • S’agissant de l’opposabilité des exceptions, dans la mesure où la dette est commune elles peuvent être invoquées par tous les codébiteurs en cas d’indivisibilité.
    • Ainsi, l’interruption ou la suspension du délai de prescription par l’un des créanciers à l’encontre d’un codébiteur produit des effets à l’égard des autres.
  • Les recours
    • L’article 1320 du Code civil prévoit que le débiteur qui a payé l’intégralité de la dette dispose de « recours en contribution contre les autres ».

La solidarité active

==> Notion

Il y a solidarité active lorsque plusieurs créanciers sont titulaires d’une créance unique à l’encontre d’un débiteur unique. Il s’ensuit que chacun d’entre eux est en droit d’exiger du débiteur le paiement de la totalité de ce qui est dû.

La solidarité active concerne le domaine bancaire et plus particulièrement le fonctionnement du compte joint.

La convention de compte permet, en effet, à chacun des titulaires de disposer de la totalité du solde.

Schéma 6.JPG

==> Source

Le principe étant la division de l’obligation en autant de fractions qu’il y a de créanciers, la solidarité active ne peut être l’exception.

D’où la règle posée à l’article 1310 du Code civil aux termes duquel « la solidarité est légale ou conventionnelle ; elle ne se présume pas. »

La Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler cette règle, qui n’est pas nouvelle, notamment dans un arrêt du 16 juin 1992 (Cass. 1ère civ. 16 juin 1992).

L’absence de présomption de la solidarité vaut tant pour la solidarité active que pour la solidarité active. Le texte ne distingue pas

==> Effets

Les effets de la solidarité sont réglés par les articles 1311 et 1312 du Code civil. La lecture de ces dispositions invites à distinguer deux sortes d’effets : l’effet principal de la solidarité et les effets secondaires

  • L’effet principal de la solidarité
    • Dans les rapports entre les créanciers et le débiteur
      • Les effets à l’égard des créanciers
        • Le principal effet de la solidarité active est que cette modalité de l’obligation confère à chaque créancier la faculté d’exiger et de recevoir du débiteur le paiement de toute la créance ( 1311 C. civ.)
        • Le débiteur ne pourra donc pas opposer au créancier le principe de division de la créance, quand bien même son droit ne porte que sur une fraction de ladite créance
      • Les effets à l’égard du débiteur
        • En contrepartie de la possibilité pour chaque créancier de réclamer au débiteur le paiement du tout, le paiement fait à l’un d’eux libère le débiteur à l’égard de tous.
        • Cela signifie donc que les autres créanciers ne pourront pas lui réclamer le paiement de leur part.
        • L’article 1311 du Code civil précise que « le débiteur peut payer l’un ou l’autre des créanciers solidaires tant qu’il n’est pas poursuivi par l’un d’eux.»
        • Deux enseignements peuvent être tirés de cette disposition
          • Premier enseignement
            • Tant que le débiteur n’est pas poursuivi peut valablement se libérer entre les mains de l’un des créanciers solidaires de son choix
            • Le créancier ainsi choisi ne dispose pas de la faculté de refuser le paiement
          • Second enseignement
            • Lorsque le débiteur fait l’objet de poursuites, la faculté pour le débiteur de choisir le créancier entre les mains duquel il va payer cesse.
            • Il ne pourra valablement se libérer qu’entre les mains du créancier poursuivant.
            • À défaut, son paiement ne sera pas libératoire.
    • Dans les rapports entre créanciers
      • Si, envers le débiteur, le principe de division n’opère pas sur la créance, envers les créanciers l’obligation se divise.
      • Il en résulte que les créanciers qui n’ont reçu aucun paiement de la part du débiteur, disposent d’un recours contre celui ou ceux qui ont perçu la totalité de la créance pour obtenir restitution de leur part, déterminée, en l’absence de clause contraire, de manière égale à celle des autres.
      • L’article 1309, al. 2 du Code civil prévoit en ce sens que « chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune»
      • L’article 1312 précise que lorsqu’un créancier reçoit paiement du débiteur il « en doit compte aux autres».
      • De toute évidence, cette solution met en exergue la dangerosité de la solidarité active, dans la mesure où en cas d’insolvabilité ou de mauvaise foi du créancier accipiens, les autres sont susceptibles de se retrouver démunis et privés du bénéfice de leur part dans la créance.
  • Les effets secondaires
    • Les effets secondaires de la solidarité active sont au nombre de deux :
      • Bénéfice de l’acte suspensif ou interruptif de prescription
        • Aux termes de l’article 1313 du Code civil, « tout acte qui interrompt ou suspend la prescription à l’égard de l’un des créanciers solidaires, profite aux autres créanciers. »
        • Cette règle se justifie par la nature de la solidarité qui a pour effet de faire obstacle à la division de l’obligation
        • Aussi, dès lors que la créance est indivisible, il apparaît logique que les événements qui l’affectent se répercutent sur tous ses titulaires qui, à l’égard du débiteur, sont indivisiblement liés.
      • L’effet individuel de la remise de dette
        • L’article 1350-1, al. 2 du Code civil prévoit que « la remise de dette faite par l’un seulement des créanciers solidaires ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier.»
        • Cette règle se justifie par la nécessité de ne pas aggraver la situation des autres créanciers, lesquels peuvent ne pas vouloir consentir une remise de dette au débiteur.
        • Il appartient à chacun, pris individuellement, de déterminer du sort de sa part dans la créance.

L’obligation conjointe ou divise

S’il n’est pas rare que l’obligation comporte plusieurs objets, elle peut aussi avoir plusieurs sujets.

Lorsque l’obligation est plurale par ses sujets, deux situations peuvent se rencontrer :

  • Soit l’obligation est divise ou conjointe, ce qui signifie qu’elle se divise en autant de créances et de dettes qu’il y a de créanciers et de débiteur ;
    • La conséquence en est que :
      • d’une part, chaque créancier ne peut réclamer au débiteur que sa part dans la créance
      • d’autre part, chaque débiteur n’est tenu envers le créancier que de sa part dans la dette.
  • Soit l’obligation est indivise ou solidaire, ce qui signifie que chaque créancier ou débiteur est titulaire de la totalité de la dette ou de la créance
    • Il en résulte que :
      • d’une part, chaque créancier peut réclamer à n’importe quel débiteur le paiement de la totalité de la créance
      • d’autre part, chaque débiteur est tenu du tout envers n’importe quel créancier

Tandis que la division de l’obligation est le principe, la solidarité a été envisagée par les rédacteurs du Code civil comme l’exception. Lors de la réforme du droit des obligations le législateur contemporain n’est pas revenu sur cette règle.

Nous nous focaliserons ici sur la division de l’obligation.

?Le principe de division

Dans sa configuration la plus simple, l’obligation ne comporte que deux sujets : un créancier et un débiteur.

Néanmoins, il est des situations où l’obligation comportera plusieurs sujets.

Le rapport d’obligation existera alors :

  • Tantôt entre un créancier et plusieurs débiteurs

  • Tantôt entre plusieurs créanciers et un débiteur

Dans l’hypothèse où l’obligation comporte plusieurs sujets, le principe instauré par le législateur est la division de l’obligation en autant de rapports indépendants qu’il existe de créanciers ou de débiteurs.

L’article 1309 du Code civil dispose en ce sens que « l’obligation qui lie plusieurs créanciers ou débiteurs se divise de plein droit entre eux ». L’obligation est dite conjointe.

La conséquence attachée par l’article 1309, al. 2 du Code civil à cette configuration de l’obligation est double :

  • Chacun des créanciers n’a droit qu’à sa part de la créance commune
    • Cela signifie que chaque créancier ne pourra réclamer au débiteur que la part de la dette due personnellement par celui-ci
    • Pour obtenir le paiement complet de sa créance, le créancier devra, en conséquence, diviser ses poursuites envers chaque débiteur pris individuellement.
  • Chacun des débiteurs n’est tenu que de sa part de la dette commune
    • Cela signifie que chaque débiteur n’est obligé qu’à concurrence de sa part dans la dette
    • Le débiteur sera donc libéré de son obligation dès qu’il aura exécuté la part de son obligation

?Le domaine de la division

L’article 1309 du Code civil ne distingue pas selon la source de l’obligation. Aussi, la division opère indifféremment selon que l’obligation est de nature contractuelle, délictuelle ou légale.

Le seul critère posé par le législateur consiste, semble-t-il, en l’existence d’une pluralité de créanciers ou de débiteurs.

Aussi, le domaine privilégié de la division est, sans aucun doute, le droit des successions : en cas de décès d’un créancier ou d’un débiteur, l’obligation se divise de plein droit en autant de parts qu’il y a d’héritiers.

  

?La division de l’obligation solidaire

Quid dans l’hypothèse de la division d’une obligation solidaire, ce qui se produira notamment lorsque le créancier ou le débiteur décédera ?

  • Doit-on considérer que, dans la mesure où ils acquièrent les mêmes droits et obligations que le de cujus, les héritiers sont solidaires de sorte que le créancier pourra réclamer à chacun d’eux le paiement de la dette pour le tout ?
  • Doit-on considérer, au contraire, que la solidarité ne se propage pas si bien que les héritiers ne seront tenus à la dette qu’à concurrence de leur part ?

L’article 1309 du Code civil apporte une solution à cette question en prévoyant que « la division a lieu également entre leurs successeurs, l’obligation fût-elle solidaire »

Ainsi, les héritiers d’un débiteur solidaire ne sont tenus qu’à proportion de leur part héréditaire. Le créancier ne pourra pas actionner l’un d’eux en paiement pour le tout.

?L’effet de la division

L’article 1309 du Code civil dispose que « si elle n’est pas réglée autrement par la loi ou par le contrat, la division a lieu par parts égales. »

Deux enseignements peuvent être tirés de cette règle :

  • L’obligation se divise équitablement entre ses sujets
  • La loi ou le contrat peut prévoir une division de l’obligation en parts inégales

?Les exceptions au principe de division

L’article 1309, al. 3 institue deux exceptions au principe de division de l’obligation :

  • L’obligation solidaire
  • L’obligation indivisible

Dès lors que l’on se trouve dans l’une de ces situations, la division de l’obligation ne peut plus opérer.

La conséquence en est que :

  • Soit chaque débiteur solidaire sera tenu au tout
  • Soit chaque créancier solidaire pourra réclamer le tout

De la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes

Bien que subtile en apparence, la distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes constitue la principale ligne de démarcation entre les les sociétés à risque illimité (SNC, Société civile) et les sociétés à risque limité (SARL, SA, SAS).

Tandis que dans les premières, les associés sont tenus à l’obligation à la dette, sans possibilités pour eux de s’y soustraire ? à tout le moins à l’égard des tiers ? dans les secondes cette obligation n’échoit pas aux associés. Ces derniers sont seulement tenus de contribuer aux pertes.

Ainsi, pour résumer :

  • Dans les sociétés à risque illimité les associés sont tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les sociétés à risque limité, les associés ne sont pas tenus à l’obligation à la dette
  • Dans les deux formes de sociétés, les associés sont tenus de contribuer aux pertes

Afin de mieux cerner cette distinction entre l’obligation à la dette et la contribution aux pertes, envisageons chacune de ces obligations prises séparément.

I) L’obligation à la dette

A) Contenu du principe

L’obligation à la dette détermine l’étendue du droit de poursuite des créanciers sociaux, au cours de la vie sociale, quant aux créances qu’ils détiennent à l’encontre de la société.

L’obligation à la dette sociale fait donc naître une créance au profit des tiers contre la société.

Les règles relatives à l’obligation à la dette régissent les rapports entre les créanciers de la société et les associés.

La mise en œuvre du droit de poursuite des créanciers est néanmoins conditionnée par le respect du principe de subsidiarité.

Autrement dit, les créanciers sociaux doivent, d’abord, solliciter le paiement de leur créance auprès de la société, après quoi seulement, en cas d’échec de leurs poursuites, ils sont fondés à diligenter une action en recouvrement contre les associés.

Oblig dette

Ainsi, l’obligation aux dettes sociales ne joue que dans les sociétés à responsabilité illimitée.

Et pour cause, dans les sociétés à risque limité, la société forme un écran parfaitement étanche entre les associés et les créanciers sociaux.

Tel n’est pas le cas pour les sociétés à risque illimité dans lesquelles les associés sont tenus à l’obligation à la dette.

Une distinction doit néanmoins être opérée entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales :

  • Dans les sociétés civiles, conformément à l’article 1856 du Code civil, l’obligation à la dette est indéfinie. Il en résulte que les créanciers sociaux doivent diviser leurs poursuites en autant d’actions qu’il y a d’associés.
    • Cela signifie qu’ils sont tenus de réclamer à chaque associé le paiement de sa part dans la dette sociale à proportion de son apport; étant précisé que la contribution de chaque associé peut aller au-delà de son apport initial.
  • Dans les sociétés commerciales, l’obligation à la dette est indéfinie et solidaire (art. L. 221-1 pour les SNC).
    • En d’autres termes, un créancier peut poursuivre un associé en paiement de la dette sociale pour le tout, à charge pour lui d’exercer un recours subrogatoire contre la société ? qui la plupart du temps sera vain ? ou de se retourner contre ses co-associés.
    • Comme dans les sociétés civiles, l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés est susceptible d’excéder le montant de leur apport initial.

B) Champ d’application

Deux questions se posent :

  • Quels sont les créanciers poursuivants ?
  • Quels sont les associés poursuivis ?

1) Les créanciers poursuivants

Tous les créanciers sociaux sont-ils susceptibles d’exercer des poursuites à l’encontre des associés de la société au titre de l’obligation à la dette ?

La question s’est notamment posée de savoir si l’associé qui a consenti une avance en compte courant à la société était fondé à agir en paiement contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

À cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation a répondu par la négative dans un arrêt du 3 mai 2012 (Cass. Com. 3 mai 2012, n° 11-14.844, D. 2012. 1264, obs. A. Lienhard ; RTD com. 2012. 575, obs. M.-H. Monsèrié-BonDocument InterRevues ; Dr. sociétés juill. 2012, n° 119 ; JCP E 2012. 1437, note A. Couret et B. Dondero.)

Le doute était pourtant permis, dans la mesure où l’associé, apporteur en compte courant, est considéré, d’ordinaire, comme un créancier de la société (Cass. req., 21 juill. 1879; Cass. com., 18 nov. 1986, n° 84-13.750).

Partant, si l’associé qui consent des avances en compte courant à la société s’apparente à un créancier de la société, on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’il soit fondé à agir, au même titre que les autres créanciers sociaux, contre ses co-associés sur le fondement de l’obligation à la dette.

Tel n’est pas ce qui a été décidé par la Cour de cassation.

Sur quel fondement juridique la Cour de cassation s’appuie-t-elle pour retenir cette solution ?

Manifestement, le Code civil ne semble opérer aucune distinction entre les créanciers sociaux :

  • L’article 1858 prévoit que :
    • « Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale»
    • Ce texte vise « les créanciers » sans autre précision
  • Quant à l’article 1857, il fait référence, non pas « aux créanciers» de la société, mais aux tiers :
    • « À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.»

À la vérité, ce n’est donc qu’en combinant les 1857 et 1858 du Code civil qu’il semble falloir interpréter la position de la Cour de cassation.

Pour la Cour de cassation

  • Les tiers visés à l’article 1857 peuvent tous être qualifié de créancier
  • Les créanciers de l’article 1858 ne seraient pas tous des tiers

La Cour pose ainsi, par une interprétation combinée des textes en présence, une double condition quant à la mise en œuvre de l’obligation aux dettes sociales des associés.

Pour être fondé à agir contre les associés d’une société sur le fondement de l’obligation à la dette il faut :

  • Être créancier de la société
  • Être tiers de la société

Il en résulte que, l’associé, qui cumule sur une seule tête cette qualité avec celle de prêteur, l’empêche de recevoir la qualification de tiers au sens de l’article 1857 du Code civil.

Aussi, cette qualité d’associé est-elle de nature à faire obstacle à l’exercice d’un recours contre ses coassociés au titre de l’obligation aux dettes.

2) Les associés poursuivis

En principe, l’obligation à la dette est attachée de plein droit à la qualité d’associé.

Ainsi, lorsque les formalités de publicité auront régulièrement été effectuées, un associé ne sera jamais tenu à l’obligation à la dette pour le passif social contracté postérieurement à son retrait de la société, sauf à ce qu’il ait consenti, dans le contrat de cession, une clause de garantie de passif au cessionnaire.

S’agissant, en revanche, des dettes contractées avant le retrait d’un associé, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un associé en nom collectif ou de l’associé d’une société civile

En matière de société en nom collectif, l’associé qui se retire est tenu du passif contracté antérieurement à son départ.

Quant au nouvel associé, l’obligation à la dette à laquelle il est tenu s’étend à toutes les dettes contractées par la société, qu’elles soient nées antérieurement ou postérieurement à son arrivée.

En matière de société civile, l’article 1857 du Code civil prévoit que :

« À l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements. »

Dans l’hypothèse où l’arrivée d’un associé dans une société civile interviendrait entre la date de cession des paiements et la date d’exigibilité, la Cour de cassation prend en compte la date d’exigibilité de la dette (Cass. com., 13 avr. 2010, n° 07-17.912: JurisData n° 2010-003929 ; Dr. sociétés 2010, comm. 136, note H. Hovasse)

C) Nature de l’obligation à la dette

 La question de la nature de l’obligation à la dette revient à s’interroger sur la qualité des associés dans les sociétés à risque illimité.

Doivent-ils être considérés comme des garants ? Comme des coobligés ? Ou plus simplement comme des débiteurs subsidiaires ?

1) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de garant ?

Dans un arrêt du 17 janvier 2006, la Cour de cassation rejette la qualification de garant pour l’associé d’une SNC (Cass. 1re civ., 17 janv. 2006, n° 02-16595 : Bull. civ. 2006, I, n° 15, p. 15 ; D. 2007, p. 273, obs. J.-C. Hallouin et E. Lamazerolles ; Dr. soc. 2006, comm. 37, obs. F.-X. Lucas ; RLDC 2006/25, n° 1029, 1re esp., obs. G. Marraud des Grottes ; Banque et Droit mars-avr. 2006, p. 63, 1re esp., obs. F. Jacob ; JCP G 2006, I, 131, n° 2, obs. Ph. Simler).

Dans l’arrêt en l’espèce, l’enjeu portait sur la question de savoir si l’associé d’une SNC pouvait opposer aux créanciers sociaux l’application de l’article 1415 du Code civil.

Pour mémoire, cette disposition relève du régime juridique applicable aux époux mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts :

Elle prévoit que :

« Chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres. »

L’article 1415 du Code civil pose ainsi une exception au principe.

L’article 1413 du code civil dispose en effet que :

« Le paiement des dettes dont chaque époux est tenu, pour quelque cause que ce soit, pendant la communauté, peut toujours être poursuivi sur les biens communs, à moins qu’il n’y ait eu fraude de l’époux débiteur et mauvaise foi du créancier, sauf la récompense due à la communauté s’il y a lieu. »

Dans l’arrêt du 17 janvier 2006, il ressort des faits que les biens que le créancier social envisageait de saisir étaient des biens communs.

Si, dès lors, on considérait, comme le soutenait le pourvoi, que l’obligation à la dette à laquelle est tenu l’époux en sa qualité d’associé d’une société à risque illimité s’apparentait à la souscription d’une garantie, alors l’application de l’article 1415 du Code civil devait conduire à exclure les biens, objet de la saisie, du gage des créanciers sociaux.

Pour la Cour de cassation, l’article 1415 du Code civil n’était pas applicable en l’espèce, dans la mesure où l’associé de la SNC ne pouvait pas se prévaloir de la qualité de garant.

Un auteur justifie cette solution en arguant que « s’il est vrai que le contrat de société à risque illimité a en commun avec le cautionnement de donner, éventuellement, naissance à une obligation de payer la dette d’autrui, en revanche, il s’en distingue fondamentalement par son effet spéculatif résultant d’une recherche directe, par la mise en commun de biens ou d’industrie, d’un bénéfice ou d’une économie qui profitera à la communauté et qui justifie que cette dernière en supporte les risques » (F. Bicheron, « L’obligation aux dettes sociales de l’associé d’une société à risque illimité et l’article 1415 du code civil », D., 2006, 2660).

Aussi, cette différence fondamentale qui existe entre le contrat de société et le contrat de cautionnement expliquerait-elle pourquoi dans le premier la communauté doive répondre des dettes nées de ce contrat et que, pour le second, elle échappe au droit de gage général du créancier bénéficiaire de la garantie.

2) L’associé d’une société à risque illimité peut-il être qualifié de coobligé ?

 À cette question, la Cour de cassation répond, là encore, par la négative dans un arrêt du 20 mars 2012 (Cass. com., 20 mars 2012, n° 10-27.340 : JurisData n° 2012-005051 ; Dr. sociétés 2012, comm. 102, note M. Roussille ; Bull. civ. 2012, IV, n° 61 ; D. 2012, p. 874, obs. Lienhard ; Rev. sociétés 2012, p. 577, note Dexant-de Bailliencourt ; Bull. Joly 2012, p. 388, note J.-F. Barbièri).

Il était question dans cet arrêt de savoir si le créancier muni d’un titre exécutoire contre une société à risque illimité était fondé à agir, en cas d’échec de son action, contre les associés au titre de l’obligation à la dette.

La chambre commerciale condamne le raisonnement tenu par les juges du fond qui avait jugé recevable les poursuites diligentées par le créancier social contre les associés sur le fondement du titre exécutoire qu’il détenait contre la société.

Pour la Cour de cassation la solution retenue par les juges du fond revenait à inverser la charge de la preuve.

Pour rappel, l’article 1315 al. 1 du Code civil prévoit que c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver.

Autrement dit, il appartenait au prétendu créancier de la société d’établir l’existence de la dette sociale.

Or, faute de preuve de celle-ci, les associés en nom collectif ne sauraient être tenus en vertu de l’article L. 221-1 du code de commerce.

Pour la Cour de cassation la preuve du caractère social de la créance invoquée ne saurait résulter « du seul titre exécutoire obtenu contre la société », du moment que ce dernier ne vise que la personne morale, non ses associés.

Ainsi, pour la Cour de cassation, dès lors que le titre exécutoire n’est émis que contre la société, il ne vaut pas contre les associés.

Cela s’explique par le fait que les associés ne sont pas les coobligés de la société.

Le principe de subsidiarité qui s’impose aux créanciers sociaux fait obstacle à cette qualification.

Il découle, en effet, de ce principe que les associés et la société ne sont pas tenus à la dette sociale sur le même plan.

S’ils étaient coobligés, alors le titre exécutoire détenu par un créancier social lui permettrait d’agir indistinctement contre la société et les associés.

Tel n’est pas le cas nous dit la Cour de cassation. Pour que le titre exécutoire puisse fonder une exécution forcée contre les associés, cela suppose pour le créancier de prouver le caractère sociale de la créance qu’il invoque.

Or en l’espèce, la Cour d’appel a déduit le caractère social de la créance du seul titre exécutoire.

D’où l’affirmation de la Cour de cassation selon laquelle les juges du fond ont inversé la charge de la preuve.

Au total, il apparaît que l’associé d’une société à risque illimité, n’est ni garant de la société, ni coobligé, il est ce que l’on appelle un débiteur subsidiaire.

3) L’associé d’une société à risque illimité s’apparente à un débiteur subsidiaire

Pour poursuivre les associés d’une société à risque illimité au titre de leur obligation à la dette, les créanciers sociaux doivent respecter le principe de subsidiarité.

Ainsi, l’article L. 221-1 al. 2 du Code de commerce prévoit que :

« les créanciers de la société ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé, qu’après avoir vainement mis en demeure la société par acte extrajudiciaire. »

Pour les sociétés civiles, le principe est énoncé à l’article 1858 du Code civil qui dispose que :

« les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ».

Le respect du principe de subsidiarité subordonne ainsi les poursuites diligentées contre les associés d’une société à risque illimité à l’engagement, au préalable de poursuites contre la société

Ce n’est pas parce qu’un exercice social fait apparaître des pertes que l’obligation à la dette à laquelle sont tenus les associés doive immédiatement être mise en œuvre.

L’admission de pareille solution reviendrait à augmenter les engagements des associés sans leur consentement. Or cela est prohibé à l’article 18.36 al. 2 du Code civil.

En réalité, l’obligation au passif social ne deviendra effective que lorsque la société ne pourra plus, par ses propres ressources, faire face à ses créanciers, soit, pratiquement, au moment de la liquidation.

S’agissant des modalités de mise en œuvre du principe de subsidiarité une distinction doit être opérée entre les sociétés en nom collectif et les sociétés civiles

Dans les sociétés en nom collectif les créanciers sociaux ne peuvent poursuivre les associés qu’après avoir mis en demeure la société elle-même de payer.

Cette mise en demeure doit s’effectuer par acte extrajudiciaire.

Un peu d’histoire :

Historiquement, toutes les mises en demeure devraient être effectuées par acte extrajudiciaire, quelle que soit la matière concernée

En cela, l’article L. 221-1 du Code de commerce ne constituait à l’époque qu’une répétition du droit commun.

Puis, adoption de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution qui a assoupli le formalisme de la mise en demeure

On a décidé que, dorénavant, une mise en demeure pourrait être faite par une sommation de payer ou par tout autre acte équivalent, telle une « lettre missive »

On retrouve cette solution à l’article 1139 du Code civil :

« Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu’il ressort de ses termes une interpellation suffisante soit par l’effet de la convention, lorsqu’elle porte que, sans qu’il soit besoin d’acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure. »

Il s’agit ainsi du droit commun de la mise en demeure dans la mesure où il figure dans le Code civil et que c’est l’un des rares articles de la loi de 1991 à avoir été codifié.

Quid du sort de l’article L. 221-1 du Code de commerce qui exigeait une mise en demeure par acte extrajudiciaire ?

Il n’a pas été modifié et continue d’exiger un acte extrajudiciaire de sorte qu’il constitue une exception au droit commun.

Qu’est-ce, concrètement, qu’un acte extrajudiciaire ?

Dans le sens commun c’est un acte accompli en dehors d’une procédure ou d’une instance judiciaire. Toutefois, ce n’est pas sens juridique

Dans le sens juridique, c’est un acte accompli par un huissier assermenté. L’acte extrajudiciaire est signifié par exploit d’huissier. C’est-à-dire par remise en personne au débiteur par l’huissier à son domicile ou dans son étude

Pourquoi exiger un acte extrajudiciaire ?

Difficile à justifier.

On peut se demander si cela ne serait pas une compensation accordée aux huissiers en contrepartie de la réforme entreprise par la loi de 1991 qui a porté un coup à leur monopole en réduisant significativement le domaine des actes extrajudiciaire !

Dans les sociétés civiles la situation est plus délicate pour les créanciers sociaux

L’article 1858 prévoit que « les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale »

Ainsi, deux conditions doivent être remplies pour que les associés puissent être mis en cause

  • Le créancier doit avoir d’abord poursuivi la société
    • il faut entendre par là que le créancier, s’il n’a pu obtenir satisfaction par les moyens classiques de la mise en demeure, qui constituent un avertissement, doit avoir tenté une action judiciaire contre la société.
    • Cette démarche aura permis à celle-ci, le cas échéant, de contester le montant de la dette et son caractère social
    • Cela signifie également que l’inefficacité des poursuites contre la société doit, à peine d’irrecevabilité de l’action en paiement, être constatée préalablement à l’engagement des poursuites contre les associés
  • Le résultat de ces poursuites doit avoir été vain
    • Cela signifie qu’il faut que le caractère infructueux des diligences du créancier résulte “non de leur inefficacité ou de leur inutilité intrinsèque, mais de l’insuffisance, révélée par elles, du patrimoine social
    • Ainsi il ne suffit pas que les mesures d’exécutions soient infructueuses, il est nécessaire qu’elles révèlent l’insuffisance de l’actif social pour désintéresser le créancier poursuivant (V. en ce sens Civ. 3ème, 23 avr. 1992, JurisData n° 1992-001195 ; Rev. sociétés 1992, p. 763, note B. Saintourens ; RTD com. 1993, p. 332, obs. E. Alfandari et M. Jeantin ; Dr. sociétés 1992, n° 175, note Th. Bonneau.)

II) La contribution aux pertes

L’obligation de contribution aux pertes qui échoit à chaque associé est posée à l’article 1832 du Code civil qui prévoit que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ».

Le respect de cette exigence est une condition de validité de la société.

L’obligation de contribution aux pertes, pèse sur tous les associés quelle que soit la forme de la société.

À quel moment les associés sont-ils tenus de contribuer aux pertes de la société ?

Contrairement à l’obligation à la dette dont la mise en œuvre s’effectue au cours de la vie sociale, la contribution aux pertes n’apparaît, sauf stipulation contraire, qu’au moment de la liquidation de la société.

En effet, pendant l’exercice social, les associés ne sont jamais tenus de contribuer aux pertes de la société.

Ces pertes sont compensées par les revenus de la société.

Ce n’est que lorsque l’actif disponible de la société ne sera plus en mesure de couvrir son actif disponible (cession des paiements) que l’obligation de contribution aux pertes sera mise en œuvre.

Tant que la société n’est pas en liquidation, seule la société est tenue de supporter la charge de ces pertes.

Quelle est l’étendue de l’obligation de contribution aux pertes ?

  • Dans les sociétés à risque limité l’obligation de contribution aux pertes ne peut excéder le montant des apports
  • Dans les sociétés à risque illimité l’obligation de contribution aux pertes ne connaît aucune limite. La responsabilité des associés peut-être recherchée au-delà de ses apports

En toute hypothèse, chaque associé est tenu de contribuer aux pertes proportionnellement à la part du capital qu’il détient dans la société.

Toutefois, conformément à l’article 1844-1 du Code civil, une répartition inégalitaire est permise, à condition qu’elle ne présente pas de caractère léonin.

Pour mémoire, sont prohibées les clauses :

  • soit qui excluraient totalement du profit ou des pertes un associé
  • soit qui mettraient à la charge de l’un d’eux la totalité des pertes

Il résulte du principe posé à l’article 1832 du Code civil qu’un associé qui aurait payé plus que sa part, dispose d’un recours contre ses coassociés.

C’est la raison pour laquelle on enseigne traditionnellement que la contribution aux pertes intéresse les rapports entre associés.

Bien que cette affirmation ne souffre d’aucune contestation possible, elle est néanmoins incomplète.

Un arrêt rendu en date du 20 septembre 2011 par la chambre commerciale est, en effet, venu rappeler que la question de la contribution aux pertes intéressait également les rapports entre la société et les associés (Cass. com., 20 sept. 2011, n° 10-24.888 : JurisData n° 2011-019356 ; JCP E 2011, 1804, note. R. Mortier ; Dr. sociétés 2011, comm. 12, obs. H. Hovasse ; Bull. Joly Sociétés 2011, p. 902, obs. F.-X. Lucas ; D. 2011, p. 2970, obs. A. Lienhard ; LEDEN 2011-9 p. 5, obs. N. Borga).

La Cour de cassation reconnaît, dans cette décision, compétence au liquidateur d’une société pour exiger des associés leur contribution personnelle au comblement du passif social.

De prime abord, on pourrait être tenté d’approuver le raisonnement de la Cour d’appel qui avait estimé que « ‘article 1832 du Code civil ne vise que la contribution aux pertes, laquelle joue exclusivement dans les rapports internes à la société et est étrangère à l’obligation de payer les dettes et ne peut servir de fondement à l’action en recouvrement du passif social par le liquidateur judiciaire à l’encontre des associés ».

Toutefois, comme le relève très justement la Cour de cassation, afin de fixer la part de chaque associé dans la contribution aux pertes, cela suppose pour le liquidateur de prendre en compte « outre du montant de leurs apports, celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs ».

Certes, en agissant contre les associés en comblement du passif social, l’action diligentée par le liquidateur sur le fondement de la contribution aux pertes se chevauche avec les poursuites exercées au titre de l’obligation à la dette.

Toutefois, le liquidateur agit en qualité, non pas de représentant des créanciers, mais d’organe de la société en liquidation.

Lorsque le passif social est supérieur à l’actif de la société, cette dernière est titulaire d’une créance qu’elle détient à l’encontre de chaque associé.

Aussi, la mise en œuvre de l’obligation de contribution aux pertes suppose que le liquidateur ait compétence pour agir contre les associés en comblement du passif social

Dans cette configuration-là, la contribution aux pertes ne concerne donc pas seulement les rapports entre associés, elle intéresse également les rapports entre les associés et la société.

Obliga dette 2