L’action en nullité (titularité de l’action et pouvoir du juge)

I) Les titulaires de l’action en nullité

Afin de déterminer qui a qualité à agir en annulation d’un acte, il convient de déterminer si la sanction de la règle transgressée est une nullité absolue ou relative.

A) L’invocation de la nullité absolue

==> Principe : indifférence de la qualité à agir

Aux termes du nouvel article 1180 du Code civil « la nullité absolue peut être demandée par toute personne justifiant d’un intérêt, ainsi que par le ministère public. »

Cela signifie que le périmètre de l’action s’étend au-delà de la sphère des parties.

L’étendue de ce périmètre se justifie par la nature de la transgression qui est sanctionnée.

L’atteinte est portée, en pareil cas, à une règle protectrice de l’intérêt général. Potentiellement ce sont donc tous les sujets droits qui sont visés par cette atteinte.

Dans ces conditions, il n’est pas illégitime d’admettre qu’ils puissent agir en nullité de l’acte qu’il leur fait grief aux fins d’assurer la sauvegarde de leurs intérêts.

==> Condition : exigence d’un intérêt à agir

Si, en matière de nullité absolue, l’article 1180 du Code civil ne restreint pas le nombre de personnes qui ont qualité à agir, il n’en subordonne pas moins l’exercice de l’action à l’existence d’un intérêt.

Pour invoquer la nullité absolue d’un acte cela suppose, autrement dit, d’être en mesure de justifier :

  • En premier lieu
    • d’un intérêt légitime au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, soit d’un intérêt qui entretient un lien suffisamment étroit avec la cause de nullité.
  • En second lieu
    • d’un intérêt direct ce qui pose la question de la faculté pour les associations et autres groupements de défense des intérêts collectifs d’agir en nullité.
    • Dans un arrêt du 22 janvier 2014, cela n’a toutefois pas empêché la Cour de cassation de reconnaître à un syndicat son intérêt à agir en nullité d’un acte ( 1ère civ. 22 janv. 2014).

==> Les personnes qui ont un intérêt à agir

  • Les parties
    • De par leur engagement à l’acte, les parties ont, en toutes circonstances, intérêt à soulever une cause de nullité absolue.
    • Elles y sont intéressées au premier chef.
    • Cette faculté leur est offerte, quand bien même le contractant qui solliciterait la nullité serait à l’origine du vice qui affecte l’acte.
    • La raison en est que l’adage nemo auditur n’est applicable aux effets de l’action engagée et non à ses causes.
  • Les créanciers
    • Les créanciers peuvent justifier d’un intérêt à agir s’ils démontrent que l’acte conclu par leur débiteur leur cause un préjudice.
    • Dans le cas, contraire l’action en nullité leur sera fermée
  • Les tiers
    • La possibilité pour un tiers d’agir en nullité semble extrêmement restreinte.
    • Par définition, le tiers est insusceptible d’être atteint par les effets de l’acte.
    • Dans ces conditions, il ne semble pas pouvoir être en mesure de justifier d’un intérêt à agir, sauf à envisager que l’exécution de l’acte lui cause préjudice
  • Le ministère public
    • La possibilité pour le ministère public d’agir en nullité absolue de l’acte est expressément prévue par l’article 1180 du Code civil.
    • Son action n’est subordonnée, a priori, au respect d’aucune condition en particulier.
    • En pratique toutefois
      • d’une part, son intervention sera subsidiaire
      • d’autre part, il ne soulèvera que les causes de nullité relatives à l’illicéité du contenu de l’acte

B) L’invocation de la nullité relative

==> Restriction des personnes ayant qualité à agir

 Aux termes de l’article 1181 du Code civil « la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. »

Ainsi, la loi restreint-elle le cercle des personnes ayant qualité à agir en nullité relative d’un acte. Cette disposition est d’ordre public. Il ne saurait, en conséquence, y être dérogé par convention contraire.

==> Les personnes ayant qualité à agir

  • Les contractants
    • La règle dont la violation est sanctionnée par une nullité relative vise, le plus souvent, à protéger les contractants
    • Mécaniquement, c’est donc l’une des parties au contrat qui sera seule titulaire de l’action en nullité
    • Il en ira ainsi en matière :
      • de vices du consentement
      • de lésion (lorsqu’elle est reconnue)
      • d’incapacité
    • Il peut être observé que l’action en nullité ne pourra être exercée que par la partie victime de la violation de la règle sanctionnée par une nullité relative
    • Son cocontractant sera, en conséquence, privé du droit d’agir, quand bien même il justifierait d’un intérêt.
  • Les représentants légaux
    • En ce qu’ils agissent au nom et pour le compte de la personne protégée, les représentants légaux peuvent exercer l’action en nullité (tuteur, curateur etc.)
  • Les ayants cause
    • Lorsque les droits de la personne protégée sont transmis à un ayant cause, celui-ci devient titulaire des actions attachées à ces droits, dont l’action en nullité qui dès lors, pourra être exercée par lui.
  • Les créanciers
    • Si, par principe, les créanciers n’auront pas qualité à agir pour exercer directement l’action en nullité lorsque ladite nullité est relative, ils pourront néanmoins agir par voie d’action oblique.
    • L’article 1341-1 du Code civil prévoit en ce sens que « lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.»

II) Les pouvoirs du juge

A) Principe : la nullité judiciaire

  • Le monopole du juge
    • En principe, seul le juge est investi du pouvoir de prononcer la nullité du contrat.
    • L’article 1178 du Code civil dispose que « la nullité doit être prononcée par le juge».
    • Cette règle se justifie par la présomption de validité qui pèse sur les conventions.
    • Cette présomption a été instituée aux fins d’assurer la sécurité des actes juridiques.
    • Il sera par conséquent nécessaire pour celui qui agit en nullité d’un acte de saisir la juridiction compétente, avant d’entreprendre toute rupture de la relation contractuelle.
    • Aussi, appartiendra-t-il au juge une fois saisi
      • D’abord de vérifier les conditions de validité de l’acte
      • Ensuite de constater sa nullité si établie
      • Enfin de prononcer sur les effets de la nullité
    • Quid néanmoins dans l’hypothèse où, au cours d’une instance, le juge relève une nullité, mais qu’elle n’a pas été soulevée par les parties ?
    • C’est toute la question de l’office du juge
  • L’office du juge
    • Le juge peut-il relever d’office la nullité d’un acte ?
    • Les textes sont silencieux sur cette question.
    • Tout au plus, l’article 12 du Code de procédure civil prévoit que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.»
    • Toutefois, il ressort de la jurisprudence ( 1ère civ. 22 mai 1985) que le juge dispose de cette faculté à la condition qu’il fonde sa décision
      • D’une part sur des faits inclus dans les débats ( 7 CPC)
      • D’autre part que ces faits aient été débattus contradictoirement par les parties ( 16 CPC)
    • La jurisprudence n’opère aucune distinction, selon que la nullité est absolue ou relative.

B) Exception : la nullité conventionnelle

Si, en principe, la nullité d’un acte ne produit d’effets qu’à la condition d’être prononcée par le juge, l’article 1178 du Code civil prévoit que cette règle est écartée lorsque les parties constatent la nullité « d’un commun accord ».

Cette faculté qu’ont les parties à tirer, elles-mêmes, les conséquences de la nullité d’un acte résulte du principe du mutus dissens.

Autrement dit, ce que les contractants ont consenti à faire, ils doivent pouvoir le défaire au moyen de cette même volonté.

Cette conception du pouvoir dont sont titulaires les parties, consacrée par le législateur à l’occasion de la réforme des obligations, participe de sa volonté, d’une part, de leur conférer une plus grande autonomie, mais encore de désengorger les tribunaux.

En matière fiscale néanmoins, il peut être observé que les parties n’auront pas la possibilité d’opposer au Trésor public la nullité amiable.

L’article 1961, al. 2 du CGI dispose en ce sens que «en cas de rescision d’un contrat pour cause de lésion, ou d’annulation d’une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l’acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l’annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée. »