RGPD: le principe de finalité

==> Reconnaissance du principe

L’article 6, 2° de la loi informatique et libertés prévoit que les données à caractère personnel « sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes et ne sont pas traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

Dans la première version de la loi, le principe de finalité n’avait pas explicitement été érigé au rang de principe, à tout le moins pas directement. Ce principe n’était qu’évoqué en ce que le détournement de la finalité du traitement était sanctionné.

En 2004, lors de la transposition – tardive – de la directive du 24 octobre 1995, le législateur s’est saisi de l’occasion pour préciser que les données doivent être collectées « pour des finalités déterminées » et ne peuvent être « traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités ».

Ce complément majeur résulte du point b) du paragraphe 1) de l’article 6 de la directive. Il figurait déjà presque dans les mêmes termes dans la convention n° 108 du Conseil de l’Europe.

Le principe de finalité a été réaffirmé par le RGPD qui prévoit en son article 5, 1, b) que « les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités »

==> Signification du principe

Le principe de finalité est, sans aucun doute, la pierre angulaire de la loi informatique et libertés. Il signifie que, pour être licite, un traitement de données à caractère personnel doit être assorti d’une finalité.

Autrement dit, la collecte de données à caractère personnel ne peut jamais être une fin en soi. Pour être mise en œuvre, elle doit être justifiée par la poursuite d’un but déterminé. On ne peut pas se livrer à une collecte de données « au cas où ».

Lorsqu’il est procédé à un traitement de données, celui-ci doit poursuivre une finalité, laquelle finalité doit être portée à la connaissance de la personne concernée. Ainsi, le principe de finalité est étroitement lié à l’exigence de consentement qui préside au traitement de données à caractère personnel. Pour consentir à un traitement de données, encore faut-il avoir été informé de sa finalité.

Le considérant 42 du RGPD énonce en ce sens que « pour que le consentement soit éclairé, la personne concernée devrait connaître au moins l’identité du responsable du traitement et les finalités du traitement auquel sont destinées les données à caractère personnel. Le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d’une véritable liberté de choix ou n’est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice ».

Dans son avis n°03/2013 du 2 avril 2013, le groupe de l’article 29 justifie le principe de finalité en indiquant qu’il répond à trois impératifs :

  • Un impératif de transparence
    • La personne dont les données sont collectées doit être informée de la finalité du traitement afin d’être en capacité d’y consentir.
    • Autrement dit, la transparence garantit la prévisibilité et permet ainsi à la personne concernée de contrôler l’usage de ses données
  • Un impératif de prévisibilité
    • Pour le groupe de l’article 29, dès lors que la finalité du traitement est déterminée, les personnes concernées peuvent savoir à quoi s’attendre, en ce sens qu’elles connaissent le traitement dont est susceptible de faire l’objet leurs données ainsi que l’étendue de ce traitement.
  • Un impératif de sécurité juridique
    • L’exigence de détermination de la finalité du traitement apporte aux personnes concernées une sécurité juridique dans la mesure où elles sont en mesure de contrôler l’usage de leurs données, notamment en exerçant leurs droits, d’accès, d’opposition, de suppression, de rectification etc.

Pratiquement, il ressort de l’article 6 de la LIL que le principe de finalité met à la charge du responsable du traitement, deux séries d’obligations qui interviennent à deux stades bien distincts du traitement :

  • Au stade de la collecte des données
  • Au stade du traitement ultérieur des données

§1 : L’exigence d’une finalité déterminée, explicite et légitime au stade de la collecte des données

Si, pour être licite, une collecte de données à caractère personnel doit être assortie d’une finalité, la satisfaction de cette condition n’est pas suffisante.

L’article 6 de la LIL exige que la finalité de la collecte soit :

  • Déterminée
  • Explicite
  • Légitime

==> Une finalité déterminée

Les données à caractère personnel doivent être collectées à des fins déterminées. Aussi, appartient-il au responsable du traitement de soigneusement analyser, le ou les buts pour lesquelles les données seront collectées.

Cette analyse doit se faire en amont de la collecte. À cet égard, le responsable du traitement, doit documenter sa démarche et être en mesure de justifier la finalité communiquée à la personne visée.

Il devra notamment veiller à ce que la finalité retenue ne soit pas trop large. Elle doit donc être clairement et précisément identifiée. Plus encore, la finalité doit être suffisamment précise pour que la personne concernée soit en mesure de savoir quelles sont les utilisations incluses et exclues de ses données par le responsable du traitement.

Le G29 considère, par exemple, qu’une finalité est très vague ou générale lorsqu’elle est présentée comme consistant à « améliorer l’expérience utilisateur » ou qu’elle est exposée sous le terme « finalité marketing » ou encore « finalité sécurité IT ».

Au vrai, le degré de précision de la finalité annoncée dépend du contexte particulier dans lequel les données sont collectées et de la complexité du traitement.

==> Une finalité explicite

En plus d’être déterminée, la finalité du traitement doit être explicite. Elle doit, autrement dit, être clairement révélée et exprimée de façon intelligible.

L’explicitation de la finalité doit intervenir, selon le Groupe de l’article 69, au plus tard, au moment de la collecte des données.

L’objectif de cette exigence est de garantir la bonne compréhension du but poursuivi par le responsable du traitement, lequel ne saurait être imprécis ou ambiguë.

La finalité annoncée doit, en somme, être suffisamment explicite pour que la personne concernée comprenne l’intention du responsable du traitement.

==> Une finalité légitime

Selon le Groupe de l’article 29 pour que la finalité d’un traitement de données soit légitime, il est nécessaire que, à tous les stades et à tout moment, celui-ci repose :

  • Soit sur le consentement de la personne concernée
  • Soit sur l’un des cas prévus par dérogation à l’exigence de consentement (art. 7 de la LIL)

L’exigence de légitimité signifie encore que les finalités du traitement soient conformes à la loi. Il peut donc s’agir de respecter une réglementation différente de celle posée par la LIL.

Pour apprécier la légitimité de la finalité, pourront ainsi être pris en compte, le droit du travail, le droit de la consommation, la jurisprudence, la coutume, la déontologie.

§2 : L’exigence de compatibilité du traitement ultérieur avec la finalité initiale de la collecte des données

Le principe de finalité n’a pas seulement vocation à s’appliquer au stade de la collecte des données à caractère personnel, il doit également être respecté en cas de traitement ultérieur.

Plus précisément, l’article 6 de la LIL pose une exigence de compatibilité entre la finalité de la collecte et celle des traitements futurs.

Pour écarter le risque d’un usage injustifié, même décalé dans le temps, ce texte pose ainsi un principe d’interdiction de tout traitement ultérieur des données « incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées ».

Une exception est néanmoins prévue au profit des traitements réalisés à des fins statistiques ou scientifiques ou historiques, sous réserve qu’ils respectent les conditions de licéité.

I) Le principe

C’est donc l’interdiction de tout traitement ultérieur des données « incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées ».

On peut en déduire que le traitement de données à caractère personnel pour d’autres finalités que celles pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées initialement n’est autorisé que s’il est compatible avec les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées initialement.

Dans ce cas, aucune base juridique distincte de celle qui a permis la collecte des données à caractère personnel n’est requise.

Lorsque, en revanche, le traitement ultérieur incompatible, il conviendra de fonder le traitement sur un nouveau fondement juridique, ce qui pourrait consister, par exemple, à solliciter le consentement de la personne visée.

La question qui immédiatement se pose est alors de savoir ce que l’on doit entendre par la notion de compatibilité du traitement ultérieur avec les finalités initiales de la collecte.

Pour le déterminer, il convient de se reporter au test de compatibilité établi par le Groupe de l’article 29 et aux critères posés par le RGPD

A) Le test de compatibilité établir par le Groupe de l’article 29

  1. La méthode

Afin de déterminer si un traitement ultérieur de données est compatible avec la finalité initiale de leur collecte, le Groupe de l’article 29 suggère de procéder à deux sortes d’évaluations :

  • Une évaluation formelle
    • Elle consistera à comparer les finalités initialement déclarées par le responsable du traitement dans le cadre de l’information fournie à la personne concernée, à celles poursuivies ultérieurement et vérifier que ces dernières sont couvertes implicitement ou explicitement.
    • Cette première méthode peut sembler, à première vue, des plus objectives et neutres.
    • Toutefois, elle risque d’être trop rigide, en ce qu’elle se limite à une analyse seulement textuelle des finalités poursuivies.
  • Une évaluation matérielle
    • Il conviendra ici d’aller au-delà des déclarations officielles pour identifier à la fois nouvelles finalités et celles initialement poursuivies, en tenant compte de la manière dont elles ont été effectivement comprises par la personne concernée.
    • Cette seconde méthode est, de toute évidence, plus souple et pragmatique que la première, mais aussi plus efficace.
    • Elle permet de s’adapter aux évolutions futures de la finalité du traitement, tout en continuant à protéger efficacement la protection des données à caractère personnel.

Plusieurs exemples sont fournis par le Groupe de l’article 29 :

==> Exemple 1 : la compatibilité est évidente à première vue

Un client effectue une commande en ligne auprès d’un commerçant en vue de se faire livrer chaque semaine des paniers de légumes bio.

Après avoir collecté, lors de la conclusion du contrat, l’adresse et les coordonnées bancaires du client, ces données sont traitées ultérieurement par le commerçant les semaines suivantes pour les besoins de la livraison et du paiement.

Ici, il ne fait aucun doute que le traitement ultérieur des données est conforme à la finalité de la collecte initiale.

==> Exemple 2 : La compatibilité n’est pas évidente et nécessite une analyse plus approfondie

Le commerçant souhaite, dans ce scénario utiliser l’adresse e-mail du client afin de lui adresser des offres personnalisées et des bons de réductions pour des produits similaires, y compris sa gamme de produits laitiers biologiques.

Il souhaite également communiquer les données du client, dont son nom, adresse électronique, numéro de téléphone et historique des achats à un autre commerçant qui a ouvert une boucherie biologique dans le même quartier.

Dans les deux cas, ici le commerçant ne peut pas considérer que ce traitement ultérieur est compatible avec la finalité initiale de la collecte de données, de sorte que des analyses approfondies devront être menées par le responsable du traitement.

Pour le groupe de l’article 29, plus la différence entre la finalité initiale de la collecte et celle du traitement ultérieur est grande, plus le test de compatibilité doit être détaillé, ce qui pourra conduire à adopter des mesures supplémentaires pour compenser le changement de finalité, comme, par exemple, fournir des informations supplémentaires à la personne concernée.

==> Exemple 3 : L’incompatibilité est évidente

En plus d’acheter un panier de légumes bio le client commande une gamme d’autres produits biologiques sur le site web du commerçant, dont certains à prix réduit.

Le commerçant, sans informer le client, a mis en place une solution logicielle de personnalisation des prix prête à l’emploi, qui – entre autres choses – détecte si le client utilise un ordinateur Apple ou un PC Windows.

Le commerçant offre alors automatiquement des rabais plus importants aux utilisateurs de Windows.

Dans ce cas, le traitement ultérieur des données est clairement incompatible avec la finalité de la collecte initiale.

Si les données sont traitées de telle manière qu’une personne raisonnable trouverait le traitement, non seulement inattendu, mais égalent inapproprié, il est fort probable que celui-ci puisse être considéré comme incompatible.

2. Les critères

Afin d’évaluer la compatibilité d’un traitement ultérieur de données, le Groupe de l’article 29 a posé un certain nombre de critères

==> La relation entre les finalités pour lesquelles les données ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur

Ce facteur est peut-être le plus évident car l’évaluation de la compatibilité repose, d’abord, sur la relation entre la finalité initiale de la collecte et la finalité du traitement ultérieur.

Ce critère peut couvrir des situations où le traitement ultérieur était déjà plus ou moins compris implicitement dans les finalités initiales, ou supposées comme l’étape logique suivante du traitement selon ces fins.

En tout état de cause, plus la différence entre les finalités de la collecte et celles du traitement ultérieur est grande plus l’évaluation de la compatibilité est problématique.

Afin de procéder à cette évaluation, il sera nécessaire de toujours se reporter au contexte factuel et à la finalité telle qu’elle a été comprise par la personne visée.

==> Le contexte dans lequel les données ont été collectées et les attentes raisonnables de la personne concernée quant à leur utilisation ultérieure

Ce deuxième critère est axé sur le contexte spécifique dans lequel les données ont été collectées et sur les attentes raisonnables des personnes concernées quant à l’utilisation de leurs données dans ce contexte.

En d’autres termes, la question ici est de savoir à quoi une personne raisonnable, qui se trouverait dans la situation de la personne concernée, s’attendrait s’agissant du traitement ultérieur de ses données.

A priori, plus le traitement ultérieur des données est inattendu ou surprenant, plus il est probable qu’il soit considéré comme incompatible.

==> La nature des données et l’impact du traitement ultérieur sur les personnes concernées

Le groupe de l’article 29 recommande ici de prendre en compte la nature des données collectées.

Au fond, l’idée sous-jacente est que plus les informations en cause sont sensibles, plus la marge de compatibilité est étroite.

À cela s’ajoute la prise en compte de l’incidence du traitement ultérieur sur les libertés de la personne concernée.

==> Les critères du RGPD

Selon l’article 6, 4 du RGPD, afin de déterminer si le traitement à une autre fin est compatible avec la finalité pour laquelle les données à caractère personnel ont été initialement collectées, le responsable du traitement tient compte, entre autres:

  • de l’existence éventuelle d’un lien entre les finalités pour lesquelles les données à caractère personnel ont été collectées et les finalités du traitement ultérieur envisagé;
  • du contexte dans lequel les données à caractère personnel ont été collectées, en particulier en ce qui concerne la relation entre les personnes concernées et le responsable du traitement;
  • de la nature des données à caractère personnel, en particulier si le traitement porte sur des catégories particulières de données à caractère personnel, en vertu de l’article 9, ou si des données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions sont traitées, en vertu de l’article 10;
  • des conséquences possibles du traitement ultérieur envisagé pour les personnes concernées;
  • de l’existence de garanties appropriées, qui peuvent comprendre le chiffrement ou la pseudonymisation.

De toute évidence, les critères ici énoncés par le RGPD sont directement issus de l’avis formulé par le Groupe de l’article 29.

B) Les exceptions

Le principe d’interdiction du traitement ultérieur des données incompatible avec les finalités pour lesquelles elles ont été collectées est assorti de deux exceptions : la première est générale, la seconde spécifique

  1. L’exception générale

Il ressort de l’article 6, 4° du RGPD que, en cas d’incompatibilité du traitement ultérieur avec les finalités poursuivies initialement au stade de la collecte, celui-ci est, malgré tout, autorisé :

  • Si la personne concernée a exprimé son consentement
  • Si le traitement est fondé sur le droit de l’Union ou le droit d’un État membre qui constitue une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour garantir les objectifs visés à l’article 23, paragraphe 1
    • Au nombre de ces objectifs figurent :
      • la sécurité nationale;
      • la défense nationale;
      • la sécurité publique;
      • la prévention et la détection d’infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière ou l’exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces;
      • d’autres objectifs importants d’intérêt public général de l’Union ou d’un État membre, notamment un intérêt économique ou financier important de l’Union ou d’un État membre, y compris dans les domaines monétaire, budgétaire et fiscal, de la santé publique et de la sécurité sociale;
      • la protection de l’indépendance de la justice et des procédures judiciaires;
      • la prévention et la détection de manquements à la déontologie des professions réglementées, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière;
      • une mission de contrôle, d’inspection ou de réglementation liée, même occasionnellement, à l’exercice de l’autorité publique, dans les cas visés aux points a) à e) et g);
      • la protection de la personne concernée ou des droits et libertés d’autrui;
      • l’exécution des demandes de droit civil.

2. L’exception spécifique

Par exception au principe d’interdiction du traitement incompatible, l’article 6 de la LIL pose une exception pour les traitements ultérieurs de données :

  • à des fins statistiques
  • à des fins de recherche scientifique
  • à des fins de recherche historique

Selon le Groupe de l’article 29, ce texte ne doit pas être interprété comme instituant une exception générale à l’exigence de compatibilité.

Il ne saurait s’agir d’une règle qui vise à autoriser, en toutes circonstances, le traitement des données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques.

Comme dans tout autre cas de traitement ultérieur, toutes les circonstances et tous les facteurs pertinents doivent être pris en compte pour décider quelles garanties peuvent être considérées comme appropriées et suffisantes.

La prohibiton de la collecte indirecte de données à caractère personnel

I) L’exigence de collecte directe

L’obligation de loyauté, suppose que les données soient collectées directement auprès de la personne concernée

Par nature un traitement de données à caractère personnel est regardé comme déloyal, dès lors qu’il est effectué à l’insu de la personne concernée.

Aussi, appartient-il au responsable du traitement d’informer la personne dont les données sont collectées de l’existence d’un traitement.

Dans un arrêt du 14 mars 2006, la Cour de cassation a qualifié de déloyal la collecte d’adresses électroniques, « en ce qu’elles ont été utilisées sans rapport avec l’objet de leur mise en ligne »[1].

Dans une décision du n°2016-007 du 26 janvier 2016, la CNIL a encore considéré que la collecte de données relatives à la navigation d’internautes au moyen de cookies sans les en avertir constituait un manquement à la règle aux termes de laquelle les données à caractère personnel sont collectées et traitées de manière loyale et licite.

 Ainsi, pour qu’un traitement de données à caractère personnel soit loyal, la personne concernée doit être informée de l’existence du traitement.

II) La prohibition de la collecte indirecte

==> Notion

La collecte est indirecte lorsqu’elle n’est pas directement réalisée auprès de la personne concernée, soit lorsqu’elle intervient par l’entremise d’une tierce personne.

Il en va ainsi en cas d’achat d’un fichier de données ou de collecte sur une plateforme numérique.

En effet, de nombreuses entreprises achètent, cèdent ou revendent des fichiers de données à caractère personnel, qui sont ainsi collectées de façon indirecte.

Dans cette hypothèse, pour ne pas être considérée comme déloyale, la collecte indirecte doit nécessairement s’accompagner d’une information à la personne concernée de l’existence d’un traitement de ses données ainsi que de ses droits qui en découlent (droit d’accès, d’opposition etc.).

Le fait que la personne dont les données sont collectées indirectement ait déjà consenti au traitement de ses données ne dispense pas l’auteur d’une collecte indirecte de satisfaire à son obligation d’information.

==> Droit antérieur

Il peut être observé que, avant l’entrée en vigueur de la loi du 6 août 2004 transposant la directive du 24 octobre 1995, cette obligation n’existait pas.

À cet égard, dans un arrêt du 25 octobre 1995, la Cour de cassation avait explicitement considéré que « la loi du 6 janvier 1978 ne fait nulle obligation au responsable du fichier, qui recueille auprès de tiers des informations nominatives aux fins de traitement, d’en avertir la personne concernée »[2].

==> Droit positif

  • Principe
    • La loi du 6 août 2004 a pris le contre-pied de la Cour de cassation en posant à l’article 32 de la loi informatique et libertés que « lorsque les données à caractère personnel n’ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable du traitement ou son représentant doit fournir à cette dernière les informations énumérées au I dès l’enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données»
    • Ainsi, le principe est désormais la prohibition de la collecte de données à caractère personnel, sauf à en informer la personne concernée.
  • Exceptions
    • La prohibition de la collecte indirecte de données a été assortie par le législateur de 5 exceptions énoncées aux articles 26, 27 et 32, III de la loi informatique et libertés :
      • Première exception (art. 32 LIL)
        • Lorsque les données à caractère personnel ont été initialement recueillies pour un autre objet, les dispositions de l’alinéa précédent ne s’appliquent pas aux traitements nécessaires à la conservation de ces données à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, dans les conditions prévues au livre II du code du patrimoine ou à la réutilisation de ces données à des fins statistiques dans les conditions de l’article 7 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques.
        • Ainsi, dès lors qu’il s’agit d’exploiter les données collectées à des fins historiques, statistiques ou scientifiques, il n’est pas nécessaire d’en informer la personne concernée.
      • Seconde exception (art. 32 LIL)
        • Il est encore fait exception à la prohibition de la collecte indirecte de données lorsque la personne concernée est déjà informée ou quand son information se révèle impossible ou exige des efforts disproportionnés par rapport à l’intérêt de la démarche.
        • Dans l’hypothèse où l’information de la personne dont les données sont collectées est matériellement difficile à mettre en œuvre, voire impossible, alors l’auteur de la collecte indirecte s’en trouve dispensé.
      • Troisième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte est autorisée lorsque les données recueillies indirectement sont utilisées au profit d’un traitement dit « de souveraineté » mis en œuvre pour l’Etat (intéressant la sûreté de l’Etat, la défense ou la sécurité publique ou ayant pour objet l’exécution de condamnations pénales ou de mesures de sûreté)
        • Reste que cette collecte est subordonnée à autorisation par arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Quatrième exception (art. 26 LIL)
        • La collecte indirecte de données est encore autorisée lorsqu’elle a pour objet la prévention, la recherche, la constatation ou la poursuite des infractions pénales ou l’exécution des condamnations pénales ou des mesures de sûreté.
        • Là encore, l’autorisation est soumise à l’édiction d’un arrêté du ou des ministres compétents, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
      • Cinquième exception (art. 27 LIL)
        • Il est prévu que la collecte indirecte de données est autorisée pour les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’Etat, agissant dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique, qui portent sur des données génétiques ou sur des données biométriques nécessaires à l’authentification ou au contrôle de l’identité des personnes.
        • L’autorisation ne peut résulter que d’un décret en Conseil d’Etat, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Au bilan, sauf à s’inscrire dans l’une des exceptions prévues par le législateur, la collecte indirecte de données à caractère personnel est prohibée.

Dans un arrêt du 12 mars 2014, le Conseil d’État a considéré en ce sens que le responsable d’un traitement de données n’est pas exonéré de ses obligations « du fait du caractère indirect de la collecte des données »[3].

En l’espèce, la juridiction administrative relève que :

  • D’une part, les personnes dont les données à caractère personnel étaient extraites de réseaux sociaux pour être agrégées au service d’annuaire ” Pages Blanches ” n’étaient informées de leur droit d’opposition que si elles consultaient ce service
  • D’autre part, le droit d’opposition ne pouvait être exercé de manière effective et durable, eu égard à la complexité de la procédure et à la circonstance que les demandes imprécises ou incomplètes n’étaient pas traitées
  • Enfin, que l’exercice du droit de rectification n’était pas garanti, le responsable du traitement estimant qu’il en était exonéré du fait du caractère indirect de la collecte des données ; qu’ainsi, la formation restreinte de la CNIL, qui est légalement tenue de garantir

Le Conseil d’État en déduit que la collecte ainsi réalisée présentait un caractère déloyal.

[1] Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83423

[2] Cass., ch. crim., 25 oct. 1995, n° 94-85781

[3] CE, 12 mars 2014, n° 353193, Sté Pages Jaunes

La notion de donnée à caractère personnel

L’article 2, al. 2 de la loi informatique et libertés prévoit que « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

 Il ressort de cette disposition que la notion de données à caractère personnel est définie de manière relativement large.

À titre de remarquer liminaire, il convient d’observer que la notion de « données à caractère personnel » a été substituée à celle « d’informations nominatives » par la loi du 6 août 2004.

Initialement, la loi du 6 janvier 1978 prévoyait, en son article 4 (ancien), que « sont réputées nominatives au sens de la présente loi les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l’identification des personnes physiques auxquelles elles s’appliquent, que le traitement soit effectué par une personne physique ou par une personne morale. »

Désormais, on ne parle plus d’informations nominatives, mais de données à caractère personnel.

Ce glissement sémantique résulte de la prise en compte des progrès des techniques d’identification (moteurs de recherche, logiciels de reconnaissance vocale ou morphologique).

La notion « d’information nominative » suggérait qu’elle ne recouvrait que les éléments d’identification entretenant une proximité avec le nom de la personne visée.

Or son périmètre était, en réalité, bien plus large, notamment en raison du développement des mesures d’identification indirect.

La notion de « donnée à caractère personnel » est donc apparue plus pertinente, en ce qu’elle permet de couvrir des informations permettant tant l’identification, tant directe, qu’indirecte de la personne.

En pratique d’ailleurs, la CNIL avait adopté une conception large des informations nominatives, en incluant, par exemple, les numéros de téléphone, les plaques d’immatriculation ou les numéros de certains badges, ainsi que les clichés permettant d’identifier une personne.

Ce terme de données à caractère personnel, suffisamment neutre et général, permet ainsi d’éviter l’obsolescence rapide de la loi.

Il permet en outre de mettre fin en droit français à une confusion dénoncée par le Conseil d’État entre les « informations nominatives » au sens de la loi du 6 janvier 1978 et les « informations nominatives » au sens de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public, qui a pour effet de restreindre la liberté d’accès aux documents administratifs.

En toute hypothèse, il apparaît que la définition retenue par le législateur comporte plusieurs éléments :

I) Toute information

L’expression « toute information » que l’on retrouve dans la définition, tant de la loi informatique et libertés, que dans le RGPD manifeste clairement la volonté du législateur d’élaborer un concept large des données à caractère personnel.

==> Sur la nature des informations

Le concept de données à caractère personnel englobe toutes sortes de renseignements à propos d’une personne. Il peut s’agir d’informations «objectives» telles qu’une particularité sanguine de la personne concernée, comme il peut aussi s’agir d’informations «subjectives» sous forme d’avis ou d’appréciations.

Ce dernier type de renseignements représente une grande partie du traitement des données à caractère personnel dans des secteurs tels que celui des banques, pour l’évaluation de la fiabilité des emprunteurs («X est un emprunteur fiable»), des assurances («X ne devrait pas mourir dans un proche avenir») ou de l’emploi («X est un bon travailleur et mérite d’être promu»).

Pour être considérées comme des « données à caractère personnel », il n’est pas nécessaire que ces informations soient vraies ou prouvées.

En réalité, les règles de protection des données envisagent déjà que des informations puissent être incorrectes et prévoient pour la personne concernée le droit d’accéder à ces informations et de les contester par des voies de recours adéquates.

==> Sur le contenu des informations

On entend par «données à caractère personnel» toutes sortes d’informations.

Cela couvre évidemment les informations à caractère personnel considérées comme «données sensibles», au sens de la loi informatique et libertés, en raison du fort potentiel de risque qu’elles présentent, mais également des informations plus générales.

L’expression «données à caractère personnel» englobe les informations touchant à la vie privée et familiale d’une personne physique, stricto sensu, mais également les informations relatives à ses activités, quelles qu’elles soient, tout comme celles concernant ses relations de travail ainsi que son comportement économique ou social.

Il s’agit donc d’informations concernant des personnes physiques, indépendamment de leur situation ou de leur qualité (en tant que consommateurs, patients, employés, clients, etc.).

==> Sur le format des informations ou du support utilisé

Le concept de données à caractère personnel englobe les informations disponibles sous n’importe quelle forme, qu’elles soient alphabétiques, numériques, graphiques, photographiques ou acoustiques.

Sont par exemple concernées les informations conservées sur papier, tout comme les informations stockées dans une mémoire d’ordinateur (code binaire) ou sur une cassette vidéo.

C’est une conséquence logique de l’intégration du traitement automatisé des données à caractère personnel dans son champ d’application. Il apparaît en particulier que les données constituées par des sons et des images méritent, à ce titre, d’être reconnues comme des données à caractère personnel, dans la mesure où elles peuvent représenter des informations sur une personne physique.

Par ailleurs, il n’est pas nécessaire, pour que ces informations soient considérées comme données à caractère personnel, qu’elles soient contenues dans une base de données ou un fichier structuré. Les informations contenues sous forme de texte libre dans un document électronique peuvent également être reconnues comme des données à caractère personnel, pour autant que les autres critères énoncés dans la définition des données à caractère personnel soient remplis.

Les courriers électroniques contiennent par exemple des « données à caractère personnel ».

II) Des données portant sur une personne physique

Une donnée ne peut être regardée comme revêtant un caractère personnel, qu’à la condition qu’elle porte sur une personne physique.

Le concept de «personne physique» est évoqué à l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui se lit comme suit: « chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. »

La personnalité juridique n’est autre que la capacité à être sujet de droit, de la naissance de l’individu jusqu’à son décès.

Les données personnelles sont dès lors, par principe, des données qui concernent des personnes vivantes identifiées ou identifiables.

Il s’ensuit plusieurs conséquences :

==> Exclusion des données portant sur une personne décédée

Les informations relatives à des personnes décédées ne sauraient, en principe, être considérées comme des données à caractère personnel soumises aux règles du RGPD, dans la mesure où, conformément au droit des personnes, elles ne sont plus des personnes physiques.

Telle est la solution retenue par le RGPD. Dans son considérant 27, il prévoit en ce sens qu’il n’a pas vocation à s’appliquer aux données à caractère personnel des personnes décédées.

Toutefois, les États membres peuvent prévoir des règles relatives au traitement des données à caractère personnel des personnes décédées.

À cet égard, l’article 57 de loi informatique et libertés dispose que « les informations concernant les personnes décédées, y compris celles qui figurent sur les certificats des causes de décès, peuvent faire l’objet d’un traitement de données, sauf si l’intéressé a, de son vivant, exprimé son refus par écrit ».

==> Exclusion des données portant une personne morale

Des informations qui seraient collectées sur une personne morale ne relèveraient pas du champ d’application de la loi informatique et libertés.

 Dans son considérant n°14, le RGPD prévoit, à cet égard, que la protection conférée par le présent règlement devrait s’appliquer aux personnes physiques, indépendamment de leur nationalité ou de leur lieu de résidence, en ce qui concerne le traitement de leurs données à caractère personnel.

Aussi, ce texte n’a pas vocation à couvrir le traitement des données à caractère personnel qui concernent les personnes morales, et en particulier des entreprises dotées de la personnalité juridique, y compris le nom, la forme juridique et les coordonnées de la personne morale.

Toutefois, comme l’a précisé la Cour de justice des Communautés européennes, rien ne s’oppose à ce qu’un État membre étende la portée de la législation nationale transposant les dispositions de la directive 95/46 à des domaines non inclus dans le champ d’application de cette dernière, pour autant qu’aucune autre disposition du droit communautaire n’y fasse obstacle[1].

Ainsi, certains États membres, tels que l’Italie, l’Autriche et le Luxembourg, ont étendu l’application de certaines dispositions de leur législation nationale transposant la directive (comme celles sur les mesures de sécurité) au traitement de données concernant des personnes morales.

Comme dans le cas des informations relatives aux personnes décédées, il peut arriver, en outre, qu’en vertu des modalités pratiques mises en place par le responsable du traitement des données, des données relatives à des personnes morales soient soumises de facto aux règles sur la protection des données.

Tel sera le cas lorsque des données concernant les dirigeants d’une personne morale seront collectées.

Aussi, dans une délibération n° 85-45, du 15 octobre  1985 la CNIL est venue préciser que « sont indirectement nominatives, quelle que soit la forme de l’entreprise, les informations relatives à la situation et à l’activité de l’entreprise, notamment les informations économiques et financières, dès lors qu’elles permettent l’identification des dirigeants ».

Il en résulte que les informations qui concernent les dirigeants de personnes morales doivent, quant à elles, être considérées comme des données à caractère personnel.

III) Des données permettant d’identifier directement ou indirectement une personne physique

L’article 2 de la loi informatique et libertés prévoit, en substance, qu’une personne est identifiable lorsqu’elle peut être identifiée directement ou indirectement par référence à un identifiant qui consiste :

  • soit à un numéro d’identification
  • soit à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.

Le RGPD précise que l’identifiant peut prendre la forme d’« un nom, un numéro d’identification, des données de localisation, un identifiant en ligne, ou à un ou plusieurs éléments spécifiques propres à son identité physique, physiologique, génétique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

Autrement dit, l’identifiant pourra être qualifié de donnée à caractère personnel, dès lors qu’il permet d’établir un lien direct ou indirect avec la personne à laquelle il est attaché.

Autant dire que toute information qui porte sur les caractéristiques d’une personne est susceptible d’être qualifiée de donnée à caractère personnel.

À cet égard, l’examen des textes révèle que pour déterminer si une personne est identifiable, deux éléments doivent être pris en compte :

  • L’identifiant attaché à la personne
  • Les moyens d’identification de la personne

Il s’en déduit que les informations anonymes ne peuvent, par nature, pas être qualifiées de données à caractère personnel.

A) Sur l’identifiant attaché à la personne

Pour être qualifiée de donnée à caractère personnel, l’information collectée doit permettre l’identification, directe ou indirecte de la personne visée.

D’une manière générale, on peut considérer une personne physique comme « identifiée » lorsque, au sein d’un groupe de personnes, elle se « distingue » de tous les autres membres de ce groupe.

La personne physique est donc « identifiable » lorsque, même sans avoir encore été identifiée, il est possible de le faire (comme l’exprime le suffixe «-able»). Cette seconde option constitue donc en pratique la condition de base qui détermine si les informations entrent dans le champ d’application du troisième élément.

L’identification se fait normalement au moyen d’informations spécifiques que l’on peut appeler «identifiants» et qui présentent une relation particulièrement privilégiée et étroite avec la personne physique concernée.

Il peut s’agir, par exemple, de signes extérieurs concernant l’apparence de cette personne comme sa taille, la couleur de ses cheveux, ses vêtements, etc. ou d’une caractéristique de cette personne qui n’est pas immédiatement perceptible, comme une profession, une fonction, un nom, etc.

Ainsi peut-on considérer que des informations rendent identifiable une personne physique, lorsqu’elles ont trait à cette personne physique. Dans nombre de situations, ce lien est facile à établir.

Par exemple, dans le cas de données enregistrées dans le dossier personnel d’un employé dans un service du personnel, il s’agit clairement de données « concernant » la situation de la personne en sa qualité d’employé.

Il en va de même des données relatives aux résultats de l’examen médical d’un patient dans son dossier médical, ou de l’image d’une personne filmée sur une vidéo lors d’une interview.

On peut citer un certain nombre d’autres situations où il n’est pas toujours aussi évident que dans les cas précédents de déterminer que les informations « concernent » une personne physique.

Dans certaines situations, les informations découlant des données concernent en premier lieu des objets, et non des personnes.

Ces objets appartiennent en général à quelqu’un, ou peuvent subir l’influence particulière de personnes ou exercer une influence particulière sur des personnes ou se trouver d’une manière ou d’une autre à proximité physique ou géographique de personnes ou d’autres objets.

Ce n’est donc que de manière indirecte que l’on pourra considérer que ces informations concernent ces personnes ou ces objets

Ainsi, l’identification d’une personne directe peut être directe ou indirecte

1) L’identification directe

S’agissant des personnes «directement» identifiées ou identifiables, le nom de la personne est évidemment l’identifiant le plus courant et, dans la pratique, la notion de «personne identifiée» implique le plus souvent une référence au nom de cette personne.

Afin de s’assurer de son identité, le nom de la personne doit parfois être associé à d’autres éléments d’information (date de naissance, nom des parents, adresse ou photo d’identité) afin d’éviter toute confusion entre cette personne et d’éventuels homonymes.

À titre d’exemple, l’information selon laquelle X est redevable d’une certaine somme d’argent peut être considérée comme concernant une personne identifiée, car elle est liée au nom de cette personne.

Le nom est un élément d’information qui révèle que la personne utilise cette combinaison de lettres et de sons pour se distinguer d’autres personnes et être distinguée par d’autres personnes avec lesquelles elle établit des relations.

Le nom peut également être le point de départ conduisant à des informations sur le domicile de la personne ou l’endroit où elle se trouve et à des informations sur les membres de sa famille (par le biais du nom de famille) et sur différentes relations juridiques et sociales associées à ce nom (scolarité/études, dossier médical, comptes bancaires).

Il est même possible de connaître l’apparence d’une personne si sa photographie est associée à ce nom. Tous ces nouveaux éléments d’information liés au nom peuvent permettre à quelqu’un de «zoomer» sur la personne en chair et en os, et grâce aux identifiants, l’élément d’information initial est alors associé à une personne physique que l’on peut distinguer d’autres personnes.

2) L’identification indirecte

S’agissant des personnes « indirectement » identifiées ou identifiables, cette catégorie relève en général du phénomène des « combinaisons uniques », à quelque degré que ce soit.

Pour les cas où, de prime abord, les identifiants sont insuffisants pour permettre à quiconque de distinguer une personne particulière, cette personne peut néanmoins être « identifiable », car ces informations combinées à d’autres éléments d’information (que ces derniers soient conservés par le responsable du traitement ou non) permettent de la distinguer parmi d’autres personnes.

C’est pourquoi la directive précise « un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ».

Certaines caractéristiques, de par leur spécificité, permettent d’identifier quelqu’un sans difficulté («actuel premier ministre espagnol»), mais une combinaison de détails à un niveau catégoriel (tranche d’âge, origine régionale, etc.) peut également s’avérer assez concluante dans certaines circonstances, notamment si l’on a accès à des informations supplémentaires.

Ce phénomène a été étudié de manière approfondie par les statisticiens toujours soucieux de ne pas commettre de violation de la confidentialité.

À cet égard, il convient de relever que si l’identification par le nom constitue, dans la pratique, le moyen le plus répandu, un nom n’est pas toujours nécessaire pour identifier une personne, notamment lorsque d’autres «identifiants» sont utilisés pour distinguer quelqu’un.

En effet, les fichiers informatiques enregistrant les données à caractère personnel attribuent habituellement un identifiant spécifique aux personnes enregistrées pour éviter toute confusion entre deux personnes se trouvant dans un même fichier. Sur l’internet aussi, les outils de surveillance du trafic permettent de cerner facilement le comportement d’une machine et, derrière celle-ci, de son utilisateur.

On reconstitue ainsi la personnalité de l’individu pour lui attribuer certaines décisions. Sans même s’enquérir du nom et de l’adresse de la personne, on peut la caractériser en fonction de critères socio-économiques, psychologiques, philosophiques ou autres et lui attribuer certaines décisions dans la mesure où le point de contact de la personne (l’ordinateur) ne nécessite plus nécessairement la révélation de son identité au sens étroit du terme.

En d’autres termes, la possibilité d’identifier une personne n’implique plus nécessairement la faculté de connaître son identité. La définition des données à caractère personnel reflète ce constat.

La Cour de justice des Communautés européennes a statué dans ce sens, considérant que la « l’opération consistant à faire référence, sur une page Internet, à diverses personnes et à les identifier soit par leur nom, soit par d’autres moyens, par exemple leur numéro de téléphone ou des informations relatives à leurs conditions de travail et à leurs passe-temps, constitue un «traitement de données à caractère personnel »[2].

==> Cas de l’adresse IP

La question s’est posée de savoir si l’adresse IP d’un utilisateur pouvait être qualifiée de donnée à caractère personnel.

Techniquement, une adresse IP est attachée, non pas à une personne mais à une machine. Reste, que cette machine est la propriété d’une personne, de sorte que, à partir d’une adresse IP, il est possible d’identifier son titulaire.

La jurisprudence

Sur cette question la jurisprudence a été fluctuante.

Dans un arrêt du 14 décembre 2006, le Tribunal correctionnel de Bobigny a jugé que l’adresse IP constituait bien une donnée à caractère personnel (T. corr. Bobigny, 14 déc. 2006).

À l’inverse, d’un arrêt du 24 août 2006, la Cour d’appel de Pau a retenu une solution radicalement opposée (CA Pau, 24 août 2006, n° 06/593).

La Cour d’appel de Paris a statué dans le même sens dans un arrêt du 15 mai 2007 (CA Paris, 13e ch., sect. A, 15 mai 2007, n° 06/01954, Henri S. c/ SCPP).

  • Les faits
    • Un prévenu était poursuivi du chef de contrefaçon pour des faits de téléchargement illégal et de mise à disposition des internautes de fichiers musicaux.
    • L’infraction avait été constatée par un agent assermenté d’une société de gestion collective de droits qui a procédé au recueil de l’adresse IP de l’ordinateur du prévenu.
    • Ce dernier prétendait alors que cette opération nécessitait l’obtention d’une autorisation de la CNIL et que le mode de preuve est donc illicite.
    • Cet argument a été écarté par les juges du fond
  • Solution
    • La Cour d’appel de Paris considère arguments le simple constat probatoire de l’élément matériel d’une infraction commise sur Internet par un individu utilisant un pseudonyme, dressé par l’agent, conformément à la législation sur la propriété intellectuelle, ne constitue pas un traitement de données personnelles.
    • Pour elle, seule la plainte auprès des autorités judiciaires a conduit à l’identification de la personne, dans le cadre des règles de procédure pénale.
    • Le relevé de l’adresse IP de l’ordinateur servant à commettre les faits entre dans le constat de la matérialité du délit et non dans l’identification de son auteur.
    • En effet, cette série de chiffres ne constitue pas une donnée indirectement nominative relative à la personne, l’adresse se rapportant à une machine et non à la personne l’utilisant. Les opérations de traitement de données visant à “la mise en place d’une surveillance automatisée des réseaux peer to peer”, auxquelles la CNIL a refusé l’autorisation à la société de gestion des droits par une décision de 2005, sont très différentes du simple procès-verbal d’un agent assermenté transmis aux autorités judiciaires aux fins d’identification et de poursuite.
    • Par conséquent, le procédé utilisé ne nécessitait nullement l’agrément de la CNIL.

Finalement, la Cour de cassation est intervenue dans un arrêt du 13 janvier 2009. Elle ne s’est toutefois pas prononcée en faveur de la qualification de l’adresse IP en donnée à caractère personnel (Cass. crim., 13 janv. 2009, n° 08-84.088).

À cet égard, elle a considéré que « les constatations visuelles effectuées sur internet et les renseignements recueillis en exécution de l’article L. 331-2 du code de la propriété intellectuelle par un agent assermenté qui, sans recourir à un traitement préalable de surveillance automatisé, utilise un appareillage informatique et un logiciel de pair à pair, pour accéder manuellement, aux fins de téléchargement, à la liste des œuvres protégées irrégulièrement proposées sur la toile par un internaute, dont il se contente de relever l’adresse IP pour pouvoir localiser son fournisseur d’accès en vue de la découverte ultérieure de l’auteur des contrefaçons, rentrent dans les pouvoirs conférés à cet agent par la disposition précitée, et ne constituent pas un traitement de données à caractère personnel relatives à ces infractions, au sens des articles 2, 9 et 25 de la loi susvisée »

La chambre criminelle a réitéré cette solution dans un arrêt du 23 mars 2010 (Cass. crim., 23 mars 2010, n° 09-80.787).

Alors que la position de la Cour de cassation était pour le moins critiquée, elle a, dans un arrêt du 3 novembre 2016, opéré un revirement de jurisprudence en considérant, sans ambiguïté que « les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL » (Cass, 1ère civ., 3 novembre 2016, n°15-22595).

La haute juridiction s’est ainsi ralliée à la position de la CNIL et de la CJUE.

Cass. 1ère civ. 3 nov. 2016
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que les sociétés Groupe logisneuf, C.Invest et European Soft, appartenant toutes trois au groupe Logisneuf, ont constaté la connexion, sur leur réseau informatique interne, d’ordinateurs extérieurs au groupe, mais faisant usage de codes d’accès réservés aux administrateurs du site internet logisneuf.com ; qu’elles ont obtenu du juge des requêtes une ordonnance faisant injonction à divers fournisseurs d’accès à Internet de leur communiquer les identités des titulaires des adresses IP utilisées pour les connexions litigieuses ; que, soutenant que la conservation, sous forme de fichier, de ces adresses IP aurait dû faire l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et invoquant, par suite, l’illicéité de la mesure d’instruction sollicitée, la société Cabinet Peterson, qui exerce une activité de conseil en investissement et en gestion de patrimoine concurrente de celle du groupe Logisneuf, a saisi le président du tribunal de commerce en rétractation de son ordonnance ;

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche :

Vu les articles 2 et 22 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ; que constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction ;

Que, selon le second, les traitements automatisés de données à caractère personnel font l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL ;

Attendu que, pour rejeter la demande de rétractation formée par la société Cabinet Peterson, l’arrêt retient que l’adresse IP, constituée d’une série de chiffres, se rapporte à un ordinateur et non à l’utilisateur, et ne constitue pas, dès lors, une donnée même indirectement nominative ; qu’il en déduit que le fait de conserver les adresses IP des ordinateurs ayant été utilisés pour se connecter, sans autorisation, sur le réseau informatique de l’entreprise, ne constitue pas un traitement de données à caractère personnel ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les adresses IP, qui permettent d’identifier indirectement une personne physique, sont des données à caractère personnel, de sorte que leur collecte constitue un traitement de données à caractère personnel et doit faire l’objet d’une déclaration préalable auprès de la CNIL, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 28 avril 2015, entre les parties, par la cour d’appel de Rennes ;

La position de la CNIL

Dans un avis du 2 août 2007, la CNIL avait fait part de son inquiétude s’agissant de l’absence de reconnaissance, par la jurisprudence, de la qualification de données à caractère personnel de l’adresse IP.

Pour la gardienne de la loi informatique et libertés, cette position remet profondément en cause la notion de donnée à caractère personnel qui est très large.

En effet, l’article 2 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en 2004 qui la définit, vise toute information relative à une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à des éléments qui lui sont propres. Ce qui est le cas d’un numéro de plaque d’immatriculation de véhicule, d’un numéro de téléphone ou d’une adresse IP.

L’ensemble des autorités de protection des données des États membres de l’Union européenne a d’ailleurs récemment rappelé, dans un avis du 20 juin 2007 relatif au concept de données à caractère personnel, que l’adresse IP attribuée à un internaute lors de ses communications constituait une donnée à caractère personnel.

Surtout, la CNIL s’inquiète des répercussions qu’une telle jurisprudence pourrait avoir sur la protection de la vie privée et des libertés individuelles sur internet, de plus en plus largement utilisé par tous, dans notre société

La position du G29

Le groupe de travail de l’article 29 a considéré les adresses IP comme des données concernant une personne identifiable.

Le G29 justifie sa position en relevant que les fournisseurs d’accès Internet et les gestionnaires des réseaux locaux peuvent, en utilisant des moyens raisonnables, identifier les utilisateurs Internet auxquels ils ont attribué des adresses IP, du fait qu’ils enregistrent systématiquement dans un fichier les date, heure, durée et adresse dynamique IP donnée à l’utilisateur Internet.

Il en va de même pour les fournisseurs de services internet qui conservent un fichier-registre sur le serveur HTTP. Dans ces cas, on peut parler, sans l’ombre d’un doute, de données à caractère personnel au sens de l’article 2, point a), de la directive».

Il apparaît notamment que lorsque le traitement d’adresses IP a été effectué pour identifier les utilisateurs de l’ordinateur (par exemple, par des titulaires de droits d’auteur afin de poursuivre ces utilisateurs d’ordinateurs pour violation de droits de la propriété intellectuelle), le responsable du traitement part du principe que les « moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre » pour identifier les personnes seront disponibles, par exemple par l’intermédiaire des tribunaux saisis (sinon la collecte d’informations serait inutile), de sorte qu’il convient de considérer ces informations comme des données à caractère personnel.

La position de la CJUE

Dans un arrêt du 24 novembre 2011, la CJUE s’est prononcée pour la première fois sur la question de savoir si l’adresse IP pouvait être qualifiée de donnée à caractère personnel (CJUE, 24 nov. 2011, aff. C-70/10, Scarlet Extended).

Elle a considéré que les adresses IP étaient bien des données protégées à caractère personnel, car elles permettent l’identification précise desdits utilisateurs.

Dans un autre arrêt du 19 octobre 2016 elle a confirmé sa jurisprudence en considérant que « une adresse IP (protocole Internet) dynamique par laquelle un utilisateur a accédé au site Internet d’un fournisseur de médias électroniques constitue pour celui-ci une donnée à caractère personnel, dans la mesure où un fournisseur d’accès au réseau possède des informations supplémentaires qui, combinées à l’adresse IP dynamique, permettraient d’identifier l’utilisateur » (CJUE, 19 oct. 2016, aff. C-582/14).

Ce qui importe, c’est donc que l’information collectée rende la personne identifiable. Or pour qu’une personne soit considérée comme identifiable, il n’est pas nécessaire que tous les moyens d’identification de cette personne se trouvent entre les mains d’une seule entité.

Ainsi, une adresse IP peut constituer une donnée à caractère personnel si un tiers (par exemple, le fournisseur d’accès à Internet) dispose des moyens nécessaires à l’identification du titulaire de cette adresse sans déployer d’efforts démesurés.

Le RGPD

Le considérant 30 du RGPD prévoit que « les personnes physiques peuvent se voir associer, par les appareils, applications, outils et protocoles qu’elles utilisent, des identifiants en ligne tels que des adresses IP et des témoins de connexion («cookies») ou d’autres identifiants, par exemple des étiquettes d’identification par radiofréquence. Ces identifiants peuvent laisser des traces qui, notamment lorsqu’elles sont combinées aux identifiants uniques et à d’autres informations reçues par les serveurs, peuvent servir à créer des profils de personnes physiques et à identifier ces personnes. »

Il se déduit ainsi de ce texte que l’adresse IP constitue bien une donnée à caractère personnel. Le débat semble désormais clos.

Au total, il importe peu qu’une personne puisse être directement ou indirectement identifiée, toute la difficulté étant, au fond, de déterminer, si l’information collectée se rapporte à une personne physique identifiable.

Pour ce faire, il convient de se tourner, soit vers les textes, soit vers la jurisprudence lesquels fournissent plusieurs critères d’appréciations.

B) Sur les moyens d’identification de la personne

L’article 2 de la loi informatique et libertés dispose que « pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »

Cela signifie que la simple possibilité hypothétique de distinguer une personne n’est pas suffisante pour considérer cette personne comme «identifiable».

Si, compte tenu de l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre, soit par le responsable du traitement, soit par une autre personne, cette possibilité n’existe pas ou qu’elle est négligeable, la personne ne saurait être considérée comme «identifiable» et les informations ne seraient pas des «données à caractère personnel».

Le critère de l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre doit notamment prendre en compte tous les facteurs en jeu.

Le considérant 26 du RGPD précise en ce sens que « pour établir si des moyens sont raisonnablement susceptibles d’être utilisés pour identifier une personne physique, il convient de prendre en considération l’ensemble des facteurs objectifs, tels que le coût de l’identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement et de l’évolution de celles-ci ».

Ainsi, la finalité visée, la manière dont le traitement est structuré, l’intérêt escompté par le responsable du traitement, les intérêts en jeu pour les personnes, les risques de dysfonctionnements organisationnels (par exemple violations du devoir de confidentialité) et les défaillances techniques sont autant d’aspects qu’il convient de prendre en considération.

Par ailleurs, ce critère présente un caractère dynamique d’où la nécessité de tenir compte de l’état d’avancement technologique au moment du traitement et de changements éventuels pendant la période pour laquelle les données seront traitées. Il se peut que l’identification ne soit pas possible aujourd’hui avec l’ensemble des moyens existants auxquels l’on peut raisonnablement recourir.

Si les données doivent être conservées pendant une durée d’un mois, il est probable que l’identification ne pourra intervenir pendant la «durée de vie» des informations, et elles ne sauraient dès lors être considérées comme des données à caractère personnel.

Cependant, si elles doivent être conservées pendant dix ans, le responsable du traitement doit envisager la possibilité d’une identification pouvant intervenir même au cours de la neuvième année, ce qui en ferait à ce moment-là des données à caractère personnel. Il est souhaitable que le système puisse s’adapter à ces développements lorsqu’ils interviennent, et intégrer alors les mesures techniques et organisationnelles appropriées en temps utile.

En toute hypothèse, un facteur essentiel pour évaluer l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre pour identifier les personnes sera, en réalité, la finalité visée par le responsable du traitement dans le cadre du traitement des données.

Lorsque la finalité du traitement implique l’identification de personnes physiques, il est permis de penser que le responsable du traitement ou toute autre personne concernée dispose ou disposera de moyen «susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre» pour identifier la personne concernée.

En réalité, prétendre que les personnes physiques ne sont pas identifiables alors que la finalité du traitement est précisément de les identifier serait une contradiction absolue in terminis. Il est dès lors essentiel de considérer ces informations comme concernant des personnes physiques identifiables et d’appliquer les règles de protection des données à leur traitement.

[1] CJUE Arrêt du 6 novembre 2003 dans l’affaire C-101/2001 (Lindqvist), point 98

[2] CJUE Arrêt du 6 novembre 2003 dans l’affaire C-101/2001 (Lindqvist), point 27.

Le champ d’application matériel de la loi informatique et libertés

L’article 2, al. 1er de la loi informatique et libertés dispose que « la présente loi s’applique aux traitements automatisés de données à caractère personnel, ainsi qu’aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers, à l’exception des traitements mis en œuvre pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles, lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l’article 5 »

Il ressort de cette disposition que le champ d’application de la loi informatique et libertés est gouverné par un principe que l’on a assorti d’une exception.

§1 : Le principe

En application de l’article 2 de la loi informatique et libertés, ce texte, tel que modifié par les lois du 6 août 2004 et du 20 juin 2018, a vocation à s’appliquer « aux traitements automatisés en tout ou partie de données à caractère personnel, ainsi qu’aux traitements non automatisés de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans des fichiers ».

Cette disposition reprend, dans les mêmes termes, l’article 2 du RGPD.

Il ressort de ce texte que plusieurs conditions doivent être réunies pour que la loi informatique et liberté soit applicable :

  • L’objet du traitement
    • Pour que la loi informatique et libertés s’applique, le traitement doit porter sur des données à caractère personnel, définies à l’alinéa 2 de l’article 2 de ladite loi.
    • Aux termes de cette disposition, « constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. »
    • Cette disposition précise que « pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »
    • Dans l’hypothèse où la donnée traitée ne répond pas aux critères ci-dessus énoncés, le traitement dont elle fait l’objet n’entre pas dans le champ d’application de la loi informatique et libertés.
    • Il en résulte qu’aucune obligation de déclaration ne pèse sur l’auteur du traitement.
  • L’auteur du traitement
    • Il est indifférent que l’auteur du traitement soit une personne morale ou physique, publique ou privée.
    • La loi ne distingue pas ; elle vise tous les traitements de données.
    • C’est donc un critère matériel qui a été retenu et non organique.
    • Dès lors que le traitement porte sur des données à caractère personnel, la loi informatique et libertés à vocation à s’appliquer.
  • Les modalités du traitement
    • Le texte prévoit que, tant les traitements automatisés, que les traitements manuels relèvent du champ d’application de la loi informatique et libertés.
    • Ainsi, il importe peu que le traitement soit automatisé.
    • Reste que les données doivent avoir vocation à être contenue dans un fichier
      • Indifférence de l’automatisation du traitement
        • Cette précision vise à éviter de créer un risque grave de contournement.
        • Selon le RGPD, la mesure où la protection des personnes physiques devrait, en effet, être neutre sur le plan technologique et ne devrait pas dépendre des techniques utilisées.
        • C’est la raison pour laquelle, la loi informatique et libertés doit s’appliquer, tout autant aux traitements de données à caractère personnel à l’aide de procédés automatisés, qu’aux traitements manuels.
        • La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par traitement automatisé
        • Aux termes de l’article 2 de la loi informatique et libertés « constitue un traitement de données à caractère personnel toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction»
      • Exigence de constitution d’un fichier
        • Pour que le traitement de données à caractère personnel soit soumis aux dispositions de la loi informatique et libertés il doit donner lieu à la constitution d’un fichier.
        • Au sens de l’article 2 de la loi informatique et libertés « constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique.»
        • Dès lors, que les données collectées ont vocation à être triées, classées et structurées, on considère que la condition tenant à la constitution d’un fichier est remplie.

§2 : Les exceptions

Plusieurs exceptions ont été prévues par le législateur à l’application de la loi informatique et libertés :

  • Les traitements de données à des fins exclusivement personnelles
  • Les traitements de données consistant en des copies temporaires
  • Les traitements de données portant sur des activités ne relevant pas de la compétence de l’Union européenne

A) L’exclusion des traitements de données à des fins exclusivement personnelles

L’article 2 de la loi informatique et liberté exclut de son champ d’application les « traitements mis en œuvre pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles, lorsque leur responsable remplit les conditions prévues à l’article ».

Le RGPD est venu conforter cette règle en prévoyant expressément qu’il n’avait pas vocation à s’appliquer aux traitements de données à caractère personnel effectués par une personne physique au cours d’activités strictement personnelles ou domestiques, et donc sans lien avec une activité professionnelle ou commerciale.

Au nombre de ces activités pourraient figurer des activités personnelles ou domestiques consistant en l’échange de correspondance, la tenue d’un carnet d’adresses, ou encore l’utilisation de réseaux sociaux et les activités en ligne qui ont lieu dans le cadre de ces activités.

Dans une délibération n° 2005-284 du 22 novembre 2005, la CNIL avait décidé en ce sens que n’étaient pas tenus à l’obligation de déclaration « les sites web diffusant ou collectant des données à caractère personnel mis en œuvre par des particuliers dans le cadre d’une activité exclusivement personnelle ».

À l’inverse, elle considère que « la diffusion et la collecte de données à caractère personnel opérée à partir d’un site web dans le cadre d’activités professionnelles, politiques, ou associatives restent soumises à l’accomplissement des formalités préalables prévues par la loi ».

À cet égard, le RGPD prévoit le règlement s’applique aux responsables du traitement ou aux sous-traitants qui fournissent les moyens de traiter des données à caractère personnel pour de telles activités personnelles ou domestiques.

En outre, les données collectées ne doivent concerner que la sphère privée de l’auteur du traitement.

C’est ainsi que dans un arrêt du 11 décembre 2014 la CJUE a jugé que « l’exploitation d’un système de caméra, donnant lieu à un enregistrement vidéo des personnes stocké dans un dispositif d’enregistrement continu tel qu’un disque dur, installé par une personne physique sur sa maison familiale afin de protéger les biens, la santé et la vie des propriétaires de la maison, ce système surveillant également l’espace public, ne constitue pas un traitement des données effectué pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques, au sens de cette disposition. » (CJUE, 11 déc. 2014, aff. C-212/13).

B) L’exclusion des traitements de données consistant en des copies temporaires

Pour prendre en compte les spécificités d’Internet et des réseaux numériques, le législateur a souhaité exclure du champ d’application de la loi, en application de l’article 4 de la loi du 6 janvier 1978, les « copies temporaires qui sont faites dans le cadre des activités techniques de transmission et de fourniture d’accès à un réseau numérique, en vue du stockage automatique, intermédiaire et transitoire des données et à seule fin de permettre à d’autres destinataires du service le meilleur accès possible aux informations transmises ».

Cette dérogation, non prévue par le RGPD, vise en fait notamment le recours, par les fournisseurs d’accès, aux serveurs « proxys » -ou « mandataires »-, qui visent à économiser des capacités de communication sur le réseau, en mémorisant temporairement les adresses des internautes et les sites web consultés afin qu’il ne soit pas nécessaire d’accéder au serveur initial, parfois éloigné et distant, en cas de nouvelle requête.

Ces opérations d’optimisation et de régulation du trafic comportent nécessairement le stockage temporaire de données à caractère personnel, dont l’exclusion du champ d’application de la loi se justifie pleinement, puisqu’il ne comporte aucun danger pour les libertés personnelles des internautes, compte tenu de leur effacement rapide par les serveurs « proxys ».

C) Les traitements de données portant sur des activités ne relevant pas de la compétence de l’Union européenne

Le RGPD prévoit, dans son considérant 16, qu’il n’a pas vocation à s’appliquer à des questions de protection des libertés et droits fondamentaux ou de libre flux des données à caractère personnel concernant des activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit de l’Union, telles que les activités relatives à la sécurité nationale.

Il en va de même pour les activités ayant trait à la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union.