Le Code civil ne comporte aucune définition de la faute, bien que, en 1804, cette notion ait été envisagée comme l’élément central du droit de la responsabilité civile.
==> Une notion de droit
La faute n’en demeure pas moins une notion de droit, en ce sens que la Cour de cassation exerce son contrôle sur sa qualification.
Ainsi, dans un arrêt de principe du 15 avril 1873, la haute juridiction a-t-elle estimé que « s’il appartient aux juges du fond de constater souverainement les faits d’où ils déduisent l’existence ou l’absence d’une faute délictuelle ou quasi délictuelle, la qualification juridique de la faute relève du contrôle de la cour de cassation » (Cass. 2e civ. 7 mars 1973, n°71-14.769)
Le contrôle opéré par la Cour de cassation sur la notion de faute se traduit :
- D’une part, par la vérification que les juges du fond ont caractérisé la faute qu’ils entendent ou non retenir contre le défendeur indépendamment, de la constatation d’un dommage et de l’établissement du rapport de causalité
- Autrement dit, les juges du fond ne sauraient déduire de la constatation d’un préjudice l’existence d’une faute
- D’autre part, par la vérification que les juges du fond ont caractérisé la faute dans tous ses éléments à partir des circonstances de fait qu’ils ont souverainement appréciées.
I) Définition
Certes, la Cour de cassation exerce son contrôle sur la notion de faute. Pour autant, elle n’a jamais jugé utile d’en donner une définition.
C’est donc à la doctrine qu’est revenue la tâche de définir la notion de faute.
La définition la plus célèbre nous est donnée par Planiol pour qui la faute consiste en « un manquement à une obligation préexistante »[2].
Ainsi, la faute s’apparente-t-elle, à une erreur de conduite, une défaillance.
Selon cette approche, le comportement de l’agent est fautif :
- soit parce qu’il a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
- soit parce qu’il n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire.
Manifestement, la définition proposée par le projet de réforme du droit de la responsabilité n’est pas très éloignée de cette conception.
La faute y est définie à l’article 1242 comme « la violation d’une règle de conduite imposée par la loi ou le manquement au devoir général de prudence ou de diligence ».
Immédiatement une question alors se pose : comment déterminer quels sont les règles et les devoirs dont la violation constitue une faute ?
Autrement dit, quel modèle de conduite doit-il servir de référence au juge pour que celui-ci détermine s’il y a eu ou non écart de comportement ?
Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre, la notion de devoir général étant, par essence, relative.
À la vérité, comme le relève Philippe Brun, « définir la faute revient à répondre à la question par une question ».
Aussi, la faute se laisse-t-elle moins facilement définir qu’on ne peut la décrire, d’où la nécessité pour les juges de l’appréhender par l’entreprise de ses éléments constitutifs.
II) Éléments constitutifs de la faute
Traditionnellement, on présente la faute comme étant constituée de trois éléments :
- Un élément matériel
- Un élément légal
- Un élément moral
A) L’élément matériel
Pour obtenir réparation du préjudice subi, cela suppose, pour la victime, de démontrer en quoi le comportement de l’auteur du dommage est répréhensible.
Aussi, ce comportement peut-il consister :
- Soit en un acte positif : le défendeur a fait ce qu’il n’aurait pas dû faire
- Soit en un acte négatif : le défendeur n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire
Lorsque le comportement reproché à l’auteur du dommage consiste en un acte négatif, soit à une abstention, la question s’est alors posée de savoir s’il ne convenait pas de distinguer l’abstention dans l’action de l’abstention pure et simple.
- L’abstention dans l’action est celle qui consiste pour son auteur à n’être pas suffisamment précautionneux dans l’exercice de son activité
- Exemple : un journaliste qui ne vérifierait pas suffisamment une information avant de la diffuser ou encore le notaire qui n’informerait pas ses clients sur les points importants de l’opération qu’ils souhaitent réaliser
- L’abstention de l’auteur du dommage se confondrait avec la faute par commission. Elle devrait, en conséquence, être appréhendée de la même manière.
- L’abstention pure et simple est celle qui ne se rattache à aucune activité déterminée. Le défendeur adopte une attitude totalement passive face à la survenance du dommage
- Tandis que certains auteurs plaident pour que l’abstention pure et simple ne soit qualifiée de faute que dans l’hypothèse où le défendeur avait l’obligation formelle d’agir (obligation de porter secours, non dénonciation de crimes ou délits, l’omission de témoigner en faveur d’un innocent etc.)
- Pour d’autres, il importe peu qu’une obligation formelle d’agir pèse sur le défendeur, dans la mesure où il serait, en soi, fautif pour un agent d’adopter un comportement passif, alors qu’il aurait pu éviter la survenance d’un dommage.
==> La jurisprudence
Dans un arrêt Branly du 27 février 1951, la Cour de cassation a eu l’occasion d’affirmer que « la faute prévue par les articles 1382 et 1383 peut consister aussi bien dans une abstention que dans un acte positif » (Cass. civ., 27 févr. 1951).
Dans cette décision, la Cour de cassation ne semble pas distinguer l’abstention dans l’action de l’abstention pure et simple.
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Arrêt Branly
(Cass. civ., 27 févr. 1951)
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Toutefois, dans un arrêt du 18 avril 2000, tout porte à croire, selon la doctrine, qu’elle aurait finalement adopté cette distinction (Cass. 1ère civ., 18 avr. 2000, n°98-15.770).
La première chambre civile a, en effet, reproché à une Cour d’appel de n’avoir pas recherché « comme il lui était demandé, quelle disposition légale ou réglementaire imposait » au propriétaire d’un immeuble de jeter des cendres ou du sable sur la chaussée en cas de verglas afin d’éviter que les passants ne glissent sur le trottoir.
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Cass. 1re civ., 18 avr. 2000
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l’article 1382 du Code civil, ensemble l’article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que M. X…, blessé après avoir glissé sur le verglas recouvrant un trottoir à Suresnes, au droit de l’immeuble occupé par la société Télétota (la société), a fait assigner cette dernière en réparation de son dommage, ainsi que son assureur, la Mutuelle générale d’assurances (MGA), au motif qu’elle n’avait pas procédé au sablage ou au salage de la portion de trottoir dont l’entretien lui incombait ;
Attendu que pour déclarer la société responsable de l’accident, l’arrêt attaqué relève que la Ville de Suresnes apposait régulièrement une affiche rappelant aux riverains l’obligation, en cas de verglas, de jeter des cendres ou du sable sur la chaussée ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, quelle disposition légale ou réglementaire imposait de telles mesures, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 mars 1998, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Reims.
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B) L’élément légal
Pour être fautif, encore faut-il que le comportement que l’on reproche à l’auteur du dommage consiste en un fait illicite.
Aussi, le comportement illicite peut-il consister :
- Soit en la violation d’une norme
- Soit en l’exercice abusif d’un droit
1. La violation d’une norme
Quels sont les obligations et devoirs dont la violation constitue un comportement illicite ?
Pour le déterminer, il convient, au préalable, de distinguer la faute pénale de la faute civile :
- En droit pénal, conformément au principe de légalité posé aux articles 8 de la DDHC et 111-3 du Code pénal, la faute ne peut s’entendre que comme la violation d’un texte légale ou règlementaire (nullum crimen sine lege)
- Autrement dit, la faute pénale ne saurait consister en une conduite qui ne serait incriminée par aucun texte.
- En droit civil, le principe de légalité ne préside pas à l’appréciation de la faute, de sorte qu’il n’est pas nécessaire que l’obligation qui a fait l’objet d’une violation soit prévue par un texte.
L’étude de la jurisprudence révèle que les obligations dont la violation constitue une faute civile peuvent avoir plusieurs sources.
Il peut s’agir de :
- La loi
- Le règlement
- La coutume
- Les usages
- Les bonnes mœurs
- L’équité
Indépendamment de ces sources auxquelles la jurisprudence se réfère en permanence, il existerait, selon certains auteurs, un devoir général de ne pas nuire à autrui.
Ce devoir prendrait directement sa source dans l’article 1240 du Code civil.
2. L’exercice abusif d’un droit
La faute civile ne s’apparente pas seulement en la violation d’une obligation, elle peut également consister en l’exercice d’un droit. On dit alors qu’il y a abus de droit.
À partir de quand l’exercice d’un droit devient-il abusif ?
Pour la jurisprudence il convient de distinguer les droits discrétionnaires des droits relatifs.
==> Les droits discrétionnaires
Il s’agit des droits subjectifs dont l’exercice ne connaît aucune limite.
Ils peuvent, autrement dit, être exercés sans que l’on puisse, en aucune façon, reprocher à leur titulaire un abus.
L’exercice d’un droit discrétionnaire ne peut, en conséquence, jamais donner lieu à réparation, pas même lorsque cela cause à autrui un dommage.
On justifie l’immunité accordée aux titulaires de droits discrétionnaire par le fait que, si on en limitait l’exercice, cela reviendrait à priver ces droits de leur effectivité.
Exemple :
- Le droit moral dont jouit un auteur sur son œuvre
- Le droit d’exhéréder ses successibles
- Le droit d’acquérir la mitoyenneté d’un mur
- Le droit des ascendants de faire opposition au mariage
==> Les droits relatifs
Parmi les droits relatifs, il convient de distinguer les droits dont l’exercice connaît pour seule limite l’intention de nuire de leur titulaire de ceux dont le seul exercice excessif suffit à caractériser l’abus :
- Les droits dont l’exercice est limité par l’intention de nuire
- Lorsque certains droits subjectifs sont exercés dans le seul dessein de nuire, la jurisprudence estime que l’abus est susceptible d’être caractérisé.
- La victime est alors fondée à obtenir réparation de son préjudice.
- Exemple :
- L’abus de droit de propriété (Cass. req., 3 août 1915, n°00-02.378)
- Exemple :
- Les droits dont la limite réside dans le seul exercice excessif
- La jurisprudence estime que l’exercice de certains droits subjectifs n’est pas seulement limité par l’intention de nuire.
- Ces droits sont susceptibles de dégénérer en abus dès lors que leur exercice est jugé déraisonnable
- Exemples :
- L’abus d’ester en justice (Cass. crim. 13 nov. 1969)
- L’abus de majorité dans le cadre d’une délibération sociale (Cass. 3e civ., 18 avr. 1961, n°59-11.394)
- L’abus de rompre les pourparlers dans le cadre de la négociation d’un contrat (Cass. 3e civ., 3 oct. 1972, n°71-12.993)
- Exemples :
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Arrêt Clément-Bayard
(Cass. req. 3 août 1915)
Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil, des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse application des articles 1388 et suivants du code civil, violation de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de base légale.
Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues ; que le dispositif ne présentait pour l’exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et n’avait été érigée que dans l’unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d’ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l’article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette situation des faits, l’arrêt a pu apprécier qu’il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d’une part, le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d’autre part, ordonner l’enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois.
Attendu que, sans contradiction, l’arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu’il n’était pas démontré que ce dispositif eût jusqu’à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans l’avenir.
Attendu que l’arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n’a point, en statuant ainsi qu’il l’a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen.
Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l’amende.
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C) L’élément moral
L’exigence qui tient à l’élément moral de la faute renvoie à deux problématiques qu’il convient de bien distinguer :
- La faute doit-elle être intentionnelle pour engager la responsabilité de son auteur ?
- La faute doit-elle être imputable à l’auteur du dommage ?
1. L’indifférence quant au caractère intentionnel de la faute
Contrairement à la faute pénale qui, dans de nombreux cas, exige une intention de son auteur, la faute civile n’est pas nécessairement intentionnelle.
Cette indifférence quant au caractère intentionnel de la faute civile se déduit des articles 1240 et 1241 du Code civil, lesquels n’exigent pas que le défendeur ait voulu le dommage.
Aussi, la faute intentionnelle se distingue-t-elle d’une faute volontaire quelconque en ce sens que l’auteur n’a pas seulement voulu l’acte fautif, il a également voulu la production du dommage.
À la vérité, en droit de la responsabilité civile, peu importe la gravité de la faute.
Qu’il s’agisse d’une simple faute, d’une faute lourde ou bien encore d’une faute intentionnelle, elles sont sanctionnées de la même manière, en ce sens que la victime devra être indemnisée conformément au principe de réparation intégrale.
Il en résulte que le juge ne saurait évaluer le montant des dommages et intérêts alloués à la victime en considération de la gravité de la faute.
Seul le principe de réparation intégrale doit présider à l’évaluation effectuée par le juge et non la gravité de la faute commise par l’auteur du dommage.
Si l’existence d’une faute intentionnelle ne saurait conduire à l’octroi de dommages et intérêts supplémentaires à la faveur de la victime, elle n’est, toutefois, pas sans conséquence pour l’auteur du dommage.
==> Droit des assurances
- Exclusion de garantie
- Aux termes de l’article L. 113-1 du Code des assurances « l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ».
- La qualification ou non de faute intentionnelle revêt ainsi une importance particulière pour l’auteur du dommage.
- Dans l’hypothèse où une faute intentionnelle serait retenue contre ce dernier, il ne sera pas assuré, si bien que la réparation du dommage sera à sa charge.
- Définition jurisprudentielle
- Dans un arrêt du 27 mai 2003, la Cour de cassation a estimé que « la faute intentionnelle implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu » (Cass. 1re civ., 27 mai 2003, n°01-10.478 et 01-10.747).
- Il ressort de cette jurisprudence une conception pour le moins restrictive de la faute intentionnelle
- La faute intentionnelle n’est caractérisée que :
- Lorsque l’auteur de la faute a eu conscience des risques occasionnés par sa conduite
- Lorsque l’auteur de la faute a eu la volonté de produire le dommage
- Ces deux critères sont cumulatifs
- Contrôle de la Cour de cassation
- Compte tenu des conséquences juridiques que la qualification de faute intentionnelle implique en droit des assurances, on était légitimement en droit d’attendre que la Cour de cassation exerce un contrôle sur cette qualification.
- Toutefois, elle s’y est refusée dans un arrêt du 4 juillet 2000 estimant que « l’appréciation par les juges du fond du caractère intentionnel d’une faute, au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances, est souveraine et échappe au contrôle de la Cour de cassation » (Cass. 1re civ., 4 juill. 2000, n°98-10.744).
- Dans un arrêt du 23 septembre 2004 elle semble néanmoins avoir rétabli son contrôle en rappelant aux juges du fond la définition à laquelle ils devaient se référer quant à qualifier une conduite de faute intentionnelle (Cass. 2e civ., 23 sept. 2004, n°03-14.389)
- Dans cette décision la Cour de cassation reproche à une Cour d’appel de n’avoir pas précisé « en quoi la faute qu’elle retenait à l’encontre de l’assuré supposait la volonté de commettre le dommage tel qu’il s’est réalisé ».
- Ainsi, la Cour de cassation peut-elle empêcher que les juges du fond, guidés par un souci d’équité et surtout de sanction, ne privent les victimes de dommages et intérêt, sans rechercher si l’auteur de la faute avait bien recherché la production du dommage.
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Cass. 2e civ., 23 sept. 2004
Sur le premier moyen :
Vu l’article L. 113-1 du Code des assurances, ensemble l’article 1134 du Code civil ;
Attendu que pour refuser aux ayants-droits de Manuel X… Y… Z…, artisan-maçon, le bénéfice de la garantie décès prévue par le contrat d’assurance de groupe souscrit auprès de la compagnie Norwitch Union life insurance, aux droits de laquelle succède la SA Aviva courtage, l’arrêt attaqué relève que le jour de son décès accidentel sur un chantier, Manuel Y… Z… était en arrêt de travail ;
qu’il rappelle que selon l’article 1134 du Code civil, les conventions doivent être exécutées de bonne foi et énonce que Manuel Y… Z…, en continuant à assumer son activité professionnelle au cours de laquelle, il a été victime d’un accident dont il est décédé, alors qu’il était en incapacité totale de travail, a commis une faute dolosive, ce qui exclut toute bonne foi de sa part dans l’exécution du contrat puisque, percevant des indemnités pour arrêt de travail, il s’exposait, dans la poursuite de son activité rémunérée, à un accident pouvant entraîner son décès ; que dès lors les consorts Y… Z… se trouvent déchus de tout droit à perception du capital décès souscrit par Manuel Y… Z… ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la faute qu’elle retenait à l’encontre de l’assuré supposait la volonté de commettre le dommage tel qu’il s’est réalisé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 20 février 2003, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée.
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2. L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute
==> Notion d’imputabilité
Traditionnellement, on estime qu’il ne suffit pas qu’une faute ait été commise pour que la responsabilité de son auteur soit engagée, encore faut-il qu’elle lui soit imputable.
Aussi, l’imputabilité implique que l’auteur du dommage soit doué de discernement. Autrement dit, il doit avoir conscience de ses actes, soit être capable de savoir s’il commet ou non un écart de conduite.
L’auteur du dommage doit, en somme, être en mesure de distinguer le bien du mal.
==> Situation en 1804
En 1804, la faute devait nécessairement être imputable à l’auteur du dommage pour que sa responsabilité puisse être engagée.
La faute ne se concevait pas en dehors de son élément psychologique. Pour les rédacteurs du Code civil, la responsabilité civile avait essentiellement une fonction punitive. Or une punition ne peut avoir de sens que si son destinataire a conscience de la faute commise.
Aussi, tant la jurisprudence, que la doctrine n’envisageaient pas qu’une faute puisse être reprochée à l’auteur d’un dommage sans qu’il soit doué de discernement.
Pour établir la faute, la victime devait dès lors rapporter la preuve de deux éléments :
- Un fait illicite
- La faculté de discernement de l’auteur du dommage
L’exigence d’imputabilité excluait, dès lors, du champ d’application de l’ancien article 1382 du Code civil les personnes qui, par définition, ne sont pas douées de discernement :
- Les aliénés mentaux (Cass. crim., 10 mai 1843)
- Les enfants en bas âges (Cass. 2e civ., 30 mai 1956)
Il en résultait que chaque fois qu’un dommage était causé par un aliéné mental ou un enfant en bas âge, la victime était privée d’indemnisation.
Guidé par un souci d’indemnisation des victimes, il a fallu attendre la fin des années soixante pour que l’exigence d’imputabilité de la faute soit progressivement abandonnée.
Ce mouvement a concerné :
- D’abord, les déments
- Ensuite, les enfants en bas âge
==> L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute pour les déments
- Intervention du législateur
- Une première étape tendant à l’abandon de l’exigence d’imputabilité a été franchie par la loi du 2 janvier 1968 qui a introduit un article 489-2 dans le Code civil, devenu aujourd’hui l’article 414-3.
- Aux termes de cette disposition, « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ».
- Ainsi, la loi admet-elle qu’il n’est plus nécessaire que la faute soit imputable à l’auteur du dommage lorsqu’il s’agit d’une personne atteinte d’un trouble mental.
- Réception par la jurisprudence
- Bien que le législateur ait signifié, par l’adoption de la loi du 2 janvier 1968, son intention de rompre avec la conception classique de la faute, la jurisprudence s’est, dans un premier temps, livrée à une interprétation pour le moins restrictive de l’ancien article 489-2 du Code civil.
- Deux questions se sont en effet immédiatement posées à la jurisprudence :
- La notion de trouble mental à laquelle fait référence le texte comprend-elle également les troubles physiques ?
- Le trouble mental peut-il être assimilé à l’absence de discernement dont est frappé l’enfant en bas âge ?
- S’agissant de l’assimilation du trouble physique à un trouble mental
- Dans un arrêt du 4 février 1981, la Cour de cassation a reproché à une Cour d’appel d’avoir estimé que le « bref passage de la connaissance à l’inconscience constituait un trouble mental » (Cass. 2e civ., 4 févr. 1981, n°79-11.243).
- Ainsi, ressort-il de cet arrêt que lorsque le trouble dont a été victime l’auteur du dommage est de nature seulement physique, sans incidence mentale, il faille exclure l’application de l’article 414-3 du Code civil, bien que la portée de cette jurisprudence demeure, pour certains auteurs, incertaine.
*****
Cass. 2e civ., 4 févr. 1981
Vu l’article 489-2 du code civil,
Attendu qu’il est nécessaire que, pour être oblige à réparation en vertu de ce texte, celui qui a causé un dommage à autrui ait été sous l’emprise d’un trouble mental; attendu, selon l’arrêt attaqué, que Vaujany, victime d’un malaise cardiaque, perdit connaissance et tomba sur dame x… qu’il entraina dans sa chute; que dame x…, blessée, l’a assigne en paiement de dommages-intérêts;
Attendu que, pour déclarer Vaujany responsable du dommage en application de l’article 489-2 du code civil, l’arrêt énonce que son bref passage de la connaissance à l’inconscience constituait un trouble mental; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé;
Par ces motifs :
Casse et annule l’arrêt rendu entre les parties le 4 décembre 1978 par la cour d’appel de Grenoble; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état ou elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Chambéry.
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- S’agissant de l’assimilation du trouble mental à l’absence de discernement de l’enfant en bas âge
- Dans un premier temps, la Cour de cassation a refusé d’assimiler l’absence de discernement de l’enfant en bas âge à un trouble mental
- Ainsi dans un arrêt du 7 décembre 1977, la deuxième chambre civile a-t-elle réaffirmé le principe d’irresponsabilité des enfants en bas âges (Cass. 2e civ., 7 déc. 1977, n°76-12.046).
- En d’autres termes, dans l’hypothèse où le mineur est privé de discernement uniquement en raison de son âge, pour la Cour de cassation l’exigence d’imputabilité est toujours requise, à défaut de quoi sa responsabilité ne saurait être engagée.
- Dans une décision du 20 juillet 1976, la Cour de cassation a néanmoins précisé que l’ancien article 489-2 du Code civil avait vocation à s’appliquer aux mineurs, à condition que l’existence d’un trouble mental soit établie (Cass. 1re civ., 20 juill. 1976, n°74-10.238).
- S’agissant de l’assimilation du trouble mental à l’absence de discernement de l’enfant en bas âge
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Cass. 1re civ., 20 juill. 1976
Sur le moyen unique : attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt confirmatif attaque que, le 11 juin 1970, j – c – ,alors âge de 17 ans, a donné la mort à la mineure Annick x… ;
Que l’information pénale ouverte contre lui, du chef d’homicide volontaire, à été clôturée par une ordonnance de non-lieu, en raison de son état de démence au moment des faits ;
Que la cour d’appel a retenu sa responsabilité civile, sur le fondement de l’article 489-2 du code civil, et a condamné in solidum son père, es qualités d’administrateur légal, et la compagnie la Winterthur, assureur de celui-ci, à payer des dommages-intérêts a dame y…, mère de la victime ;
Attendu qu’il est fait grief aux juges du fond d’avoir ainsi statue, alors que le texte précité résulte de la loi du 3 janvier 1968, portant réforme du droit des incapables majeurs, et figure dans une rubrique intitulée de la majorité et des majeurs qui sont protèges par la loi ;
Que, puisque a la différence des articles 1382 et 1383, qui n’ont pas été abrogés ou modifiés, il n’exige plus la constatation d’une faute imputable a l’auteur du dommage, pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée, il est nécessairement d’interprétation restrictive ;
Que, des lors, il ne saurait recevoir application dans le cas d’un mineur en état de démence ;
Mais attendu que la cour d’appel retient, a bon droit, que l’obligation a réparation prévue a l’article 489-2 du code civil concerne tous ceux – majeurs ou mineurs – qui, sous l’empire d’un trouble mental, ont causé un dommage à autrui ;
Que le moyen n’est donc pas fonde ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu le 16 novembre 1973 par la cour d’appel de Caen.
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Faits :
- Un adolescent donne la mort à une mineure à la suite de quoi sa culpabilité pénale ne sera pas retenue en raison de son état de démence
Demande :
Assignation des ayants droit de la victime en responsabilité
Procédure :
- Dispositif de la décision rendue au fond :
- Par un arrêt du 16 novembre 1976 la Cour d’appel de Caen fait droit à la demande des ayants droit de la victime et condamne in solidum le père et l’assureur de l’auteur du dommage
- Motivation des juges du fond :
- Les juges du fond estiment que l’obligation de réparation prévue à l’article 489-2 du Code civil s’appliquerait tant aux majeurs qu’aux mineurs
- Or, en l’espèce, la Cour d’appel relève que l’auteur du dommage était sous l’emprise d’un trouble mental celui-ci ayant bénéficié d’un non-lieu en raison de son état de démence
- Elle fait dès lors application de l’article 489-2 du Code civil
Moyens des parties :
Le représentant de l’auteur du dommage soutient que l’article 489-2 du Code civil ne s’appliquerait qu’aux majeurs souffrant d’un trouble mental puisqu’il a été inséré dans la partie du Code relative aux majeurs protégés.
Il en résulte que l’article 489-2 du Code civil n’aurait pas vocation à s’appliquer aux mineurs souffrant d’un trouble mental.
Problème de droit :
La question qui se posait en l’espèce était de savoir si l’article 489-2 du Code civil avait vocation à s’appliquer à un mineur atteint d’un trouble mental.
Solution de la Cour de cassation :
- Dispositif de l’arrêt :
- Par un arrêt du 20 juillet 1976, la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par le représentant légal de l’auteur du dommage
- Sens de l’arrêt :
- La Cour de cassation estime que l’article 489-2 du Code civil a vocation à s’appliquer, sans distinction, tant aux majeurs qu’aux mineurs, dès lors qu’il est établi qu’ils souffrent d’un trouble mental
- Analyse de l’arrêt
- Comme le relève très finement le pourvoi, l’article 489-2 du Code civil apporte une exception à l’article 1382, dans la mesure où il vient supprimer l’exigence d’imputabilité de la faute, soit son élément subjectif pour les personnes souffrant d’un trouble mental
- Or il est traditionnellement admis en droit que les exceptions sont d’interprétation stricte.
- Dès lors, dans la mesure où l’article 489-2 a été intégré dans le corpus juridique relatif à la protection des majeurs protégés, une interprétation stricte de cette disposition aurait supposé de limiter son application aux seuls majeurs.
- C’est la raison pour laquelle la décision de la Cour d’appel est pour le moins audacieuse, car elle a fait une interprétation large de l’article 489-2 en l’appliquant au-delà du champ des majeurs protégés, soit aux mineurs souffrant d’un trouble mental.
- La Cour de cassation recourt à la formule « à bon droit » afin de valider cette position audacieuse qui n’allait pas de soi.
==> L’abandon de l’exigence d’imputabilité de la faute pour les enfants en bas âge
Guidée par un souci de généraliser la conception objective de la faute, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a décidé, dans une série d’arrêts rendus le 9 mai 1984, d’abandonner définitivement l’exigence d’imputabilité.
Pour y parvenir, bien que la haute juridiction, aurait pu se fonder sur une interprétation extensive de l’ancien article 489-2 du Code civil, telle n’est pas la voie qu’elle a choisi d’emprunter.
Dans l’arrêt Derguini du 9 mai 1984, elle a, en effet, affirmé, sans référence au texte applicable aux déments qu’il n’y avait pas lieu de vérifier si le mineur, auteur du dommage, était capable de discerner les conséquences de ses actes (Cass. ass. plén., 9 mai 1984, n°80-93.481)
Ainsi, l’exigence d’imputabilité disparaît-elle, laissant place à une conception purement objective de la faute.
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Cass. ass. plén., 9 mai 1984
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nancy, 9 juillet 1980), statuant sur renvoi après cassation, que la jeune Fatiha X…, alors âgée de 5 ans, a été heurtée le 10 avril 1976 sur un passage protégé et a été mortellement blessée par une voiture conduite par M. Z… ; que, tout en déclarant celui-ci coupable d’homicide involontaire, la Cour d’appel a partagé par moitié la responsabilité des conséquences dommageables de l’accident ;
Attendu que les époux X… Y… font grief à l’arrêt d’avoir procédé à un tel partage alors, selon le moyen, que, d’une part, le défaut de discernement exclut toute responsabilité de la victime, que les époux X… soulignaient dans leurs conclusions produites devant la Cour d’appel de Metz et reprises devant la Cour de renvoi que la victime, âgée de 5 ans et 9 mois à l’époque de l’accident, était beaucoup trop jeune pour apprécier les conséquences de ses actes ; qu’en ne répondant pas à ce chef péremptoire des conclusions, la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ; alors, d’autre part, et en tout état de cause, que la Cour d’appel n’a pu, sans contradiction, relever, d’un côté, l’existence d’une faute de la victime et, d’un autre côté, faire état de l’irruption inconsciente de la victime ; alors, enfin, que la Cour d’appel relève que l’automobiliste a commis une faute d’attention à l’approche d’un passage pour piétons sur une section de route où la possibilité de la présence d’enfants est signalée par des panneaux routiers, qu’ayant remarqué de loin les deux fillettes sur le trottoir, il n’a pas mobilisé son attention sur leur comportement ; qu’en ne déduisant pas de ces énonciations l’entière responsabilité de M. Z…, la Cour d’appel n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient nécessairement ;
Mais attendu qu’après avoir retenu le défaut d’attention de M. Z… et constaté que la jeune Fatiha, s’élançant sur la chaussée, l’avait soudainement traversée malgré le danger immédiat de l’arrivée de la voiture de M. Z… et avait fait aussitôt demi-tour pour revenir sur le trottoir, l’arrêt énonce que cette irruption intempestive avait rendu impossible toute manoeuvre de sauvetage de l’automobiliste ;
Qu’en l’état de ces constatations et énonciations, la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de vérifier si la mineure était capable de discerner les conséquences de tels actes, a pu, sans se contredire, retenir, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Z…, à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé
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Faits :
Une petite fille décède après avoir été violemment heurtée par une voiture dont le chauffeur n’a pas pu éviter l’accident, en raison de la soudaineté de l’engagement de la victime sur la chaussée.
Demande :
Les parents de la petite fille décédée demandent réparation du préjudice occasionné.
Procédure :
- Dispositif de la Cour d’appel :
- Par un arrêt de la Cour d’appel de Nancy rendu en date du 9 juillet 1980, les juges du fond décident d’un partage de responsabilité entre l’auteur du dommage et la victime.
- Motivation de la Cour d’appel :
- Les juges du fond estiment que, quand bien même la victime était privée de discernement en raison de son jeune âge, elle n’en a pas moins commis une faute en s’engageant précipitamment sur la chaussée.
Moyens des parties :
- Contenu du moyen :
- L’existence d’une faute civile suppose la caractérisation d’un élément moral.
- Or en l’espèce la victime était privée de discernement en raison de son jeune âge. Elle n’a donc pas pu commettre aucune faute.
- La faute commise par le conducteur du véhicule est seule génératrice du dommage occasionné à la victime
Solution de la Cour de cassation :
- Dispositif de l’arrêt :
- Par un arrêt du 9 mai 1984, l’assemblée plénière de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les parents de la victime.
- Sens de l’arrêt :
- Les juges de la Cour de cassation estiment que, quand bien même la victime était privée de discernement compte tenu de son jeune âge, sa conduite n’en était pas moins fautive
- La décision de la Cour d’appel de partager la responsabilité entre l’auteur du dommage et la victime était donc justifiée.
Analyse de l’arrêt :
Pour mémoire, traditionnellement, il était admis que la responsabilité pour faute poursuivait une double fonction :
- Réparatrice
- Punitive
Eu égard à cette double finalité de la responsabilité pour faute, on ne pouvait donc engager la responsabilité d’un mineur dépourvu de discernement, c’est-à-dire d’un infans ou d’un dément pour faute dans la mesure où il n’y aurait alors poursuite que d’une seule des finalités de la responsabilité pour faute : la réparation.
Engager la responsabilité pour faute d’un infans ou d’un dément n’aurait donc eu aucun sens car aucun effet normatif : on ne peut reprocher moralement ses actes à un homme que s’il a été capable de vouloir son comportement, s’il a eu la possibilité d’en adopter un autre.
Dans cette conception morale de la faute civile, la faute réside précisément dans le fait de ne pas avoir usé de cette possibilité.
Ainsi cette conception traditionnelle de la faute exigeait-elle la réunion de deux éléments cumulatifs pour que la faute civile soit caractérisée :
- Un élément objectif : un fait illicite
- Un élément subjectif : la capacité de discernement de l’auteur de la faute.
C’est cette exigence d’imputabilité de la faute qui est précisément remise en cause par la Cour de cassation dans l’arrêt Derguini.
Dorénavant, il n’est plus besoin que la faute soit IMPUTABLE à son auteur pour être caractérisée.
Autrement dit, depuis cette jurisprudence posée par l’assemblée plénière en 1984, la faute civile ne suppose plus que l’établissement d’un fait illicite, soit d’un écart de conduite.
Que penser de cette décision ?
- Positivement
- Dans une logique favorable à ce que de plus en plus de dommages donnent lieu à réparation, cette solution doit être défendue.
- Si l’on se place du côté de la victime : peu importe que l’acte ayant causé le dommage soit le fait
- d’un adulte
- d’un dément
- d’un enfant
- Dès lors, qu’est établi un fait illicite, le dommage doit être réparé.
- Aussi, en n’exigeant plus l’imputabilité de la faute, on assouplit considérablement les conditions de la responsabilité.
- Les juges de la Cour de cassation s’inscrivent clairement dans le mouvement qui tend à vouloir toujours plus indemniser les victimes.
- Objectivation de la responsabilité.
- Si l’on se place du côté de la victime : peu importe que l’acte ayant causé le dommage soit le fait
- Dans une logique favorable à ce que de plus en plus de dommages donnent lieu à réparation, cette solution doit être défendue.
- Négativement
- Dans les arrêts rendus par l’assemblée plénière (notamment Derguini et Lemaire), il ne s’agit nullement d’indemniser une victime du fait d’un enfant, mais au contraire de limiter l’indemnisation due à l’enfant en lui opposant sa faute laquelle a concouru à la production de son propre dommage
- Il y a donc là un paradoxe : la reconnaissance de la faute objective qui doit permettre de poursuivre un objectif de réparation a pour effet, non pas d’indemniser plus mais d’indemniser moins.
- Car la participation du mineur au dommage par sa faute réduira son droit à réparation.
- En retenant une approche objective de la faute, la Cour de cassation va permettre à l’auteur du dommage de s’exonérer plus facilement de sa responsabilité
- Cela s’explique par le fait que la caractérisation de la faute permet certes de retenir la responsabilité de l’auteur d’un dommage, mais elle permet également de l’en exonérer si cette faute est commise par la victime de ce dommage
- Autre point négatif de cette jurisprudence : le sens commun des termes semble s’opposer à ce que l’on parle de faute d’un dément ou d’un enfant de trois ans ou 5 ans comme c’était le cas dans l’arrêt Derguini.
- Peut-on raisonnablement penser que l’enfant en bas âge qui traverse la route précipitamment commet une faute ?
- Dans les arrêts rendus par l’assemblée plénière (notamment Derguini et Lemaire), il ne s’agit nullement d’indemniser une victime du fait d’un enfant, mais au contraire de limiter l’indemnisation due à l’enfant en lui opposant sa faute laquelle a concouru à la production de son propre dommage
En tout état de cause, la jurisprudence a adopté une définition objective de la faute : on peut être fautif sans pour autant avoir conscience de la portée de ses actes.
Désormais, tant pour les majeurs que pour les mineurs, le doute n’était plus permis : leur absence de discernement, soit l’impossibilité de pouvoir établir à leur encontre une faute imputable, n’est plus un obstacle à l’indemnisation de la victime, sitôt rapportée par cette dernière la preuve d’un écart de conduite.
Débarrassée de l’exigence d’imputabilité, la faute ne repose plus que sur le comportement déviant de l’agent. C’est la raison pour laquelle on la qualifie de faute objective
==> Avant-projet de réforme
Il peut être observé que l’article 1255 de l’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité extracontractuelle prévoit que « La faute de la victime privée de discernement n’a pas d’effet exonératoire. »