==> Contexte
Il est des situations qui imposent au créancier d’agir immédiatement, faute de temps pour obtenir un titre exécutoire, aux fins de se prémunir de l’insolvabilité de son débiteur en assurant la sauvegarde de ses droits.
L’enjeu pour le créancier, est, en d’autres termes, de se ménager la possibilité d’engager une procédure d’exécution forcée à l’encontre de son débiteur, lorsqu’il aura obtenu, parfois après plusieurs années, un titre exécutoire à l’issue d’une procédure au fond ou en référé.
Pour rappel, par titre exécutoire, il faut entendre, au sens de l’article L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution :
- Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
- Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
- Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
- Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
- Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
- Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
- Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.
Afin de répondre à la situation d’urgence dans laquelle est susceptible de se trouver un créancier, la loi lui confère la possibilité de solliciter, du Juge de l’exécution, ce que l’on appelle des mesures conservatoires.
L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose en ce sens que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »
==> Définition
Afin d’assurer la sauvegarde de ses droits, le créancier peut solliciter du Juge deux sortes de mesures conservatoires au nombre desquelles figurent :
- La saisie conservatoire
- Elle vise à rendre indisponible un bien ou une créance dans le patrimoine du débiteur
- La sûreté judiciaire
- Elle vise à conférer au créancier un droit sur la valeur du bien ou de la créance grevé
Parce que les mesures conservatoires peuvent être prises sans que le créancier justifie d’un titre exécutoire, à tout le moins d’une décision passée en force de chose jugée, les conditions d’application de ces mesures ont été envisagées plus restrictivement que celles qui encadrent les mesures d’exécution forcée.
De surcroît, dans la mesure où il n’est pas certain que, à l’issue de la procédure judicaire qu’il aura engagée en parallèle, le créancier poursuivant obtienne gain de cause, ces mesures ne peuvent être que provisoires.
Aussi, de deux choses l’une :
- Soit il est fait droit à la demande du créancier auquel cas la mesure conservatoire est convertie en mesure définitive
- Soit le créancier est débouté de ses prétentions auquel cas la mesure conservatoire prise prend immédiatement fin
==> Domaine
- S’agissant des saisies conservatoires, elles peuvent porter sur tous les biens du débiteur à l’exclusion :
- Des revenus du travail
- Des indemnités de non-concurrence
- Des immeubles
- Des biens détenus en indivision
- S’agissant des sûretés judiciaires elles ne peuvent être constituées que sur certains biens que sont :
- Les immeubles
- Le fonds de commerce
- Les parts sociales
- Les valeurs mobilières
I) Conditions des mesures conservatoires
L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »
Il ressort de cette disposition que l’adoption de mesures conservatoires est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- Une créance paraissant fondée dans son principe
- Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
A) Une créance paraissant fondée dans son principe
Aucun texte ne définissant ce que l’on doit entendre par la formule « créance qui paraît fondée dans son principe », il convient de lui conférer un sens des plus larges.
==> Sur la nature de la créance
Il est indifférent que la créance soit de nature civile, commerciale, contractuelle ou délictuelle
Ce qui importe c’est qu’il s’agisse d’une créance, soit d’un droit personnel dont est titulaire un créancier à l’encontre de son débiteur
==> Sur l’objet de la créance
- Principe
- L’article L. 511-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « à peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte».
- Il s’infère manifestement de cette disposition que la créance dont se prévaut le créancier ne peut porter que sur paiement d’une somme d’argent.
- Exception
- Si, par principe, seule une créance de somme d’argent peut justifier l’adoption d’une mesure conservatoire, il est admis que, par exception, la créance de restitution ou de délivrance d’un bien peut également être invoquée à l’appui de la demande du créancier.
- Dans cette hypothèse, la mesure prendra la forme d’une saisie-revendication diligentée à titre conservatoire
==> Sur la certitude de la créance
Contrairement à ce que l’on pourrait être intuitivement tenté de penser, il n’est pas nécessaire que la créance soit certaine pour que la demande de mesure conservatoire soit justifiée.
Il ressort de la jurisprudence que, par créance paraissant fondée dans son principe, il faut entendre une créance dont l’existence est raisonnablement plausible.
Dans un arrêt du 15 décembre 2009, la Cour de cassation parle en termes « d’apparence de créance » (Cass. com. 15 déc. 2009).
Cass. com. 15 déc. 2009 |
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 67 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 et 210 du décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse de crédit mutuel Sud Seine-et-Marne (la banque) a été autorisée, par ordonnance du juge de l'exécution du 6 septembre 2007, à pratiquer une saisie-conservatoire sur le compte bancaire de Mme X... ;
Attendu que pour ordonner la mainlevée de la mesure, l'arrêt retient que la banque ne justifie pas d'une créance fondée en son principe à l'encontre de Mme X... ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que toute personne justifiant d'une apparence de créance et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
|
Aussi, le juge pourra se déterminer au regard des seules apparences, lesquelles doivent être suffisamment convaincantes, étant précisé que le juge est investi, en la matière, d’un pouvoir souverain d’appréciation.
Il ne s’agira donc pas pour le créancier de rapporter la preuve de l’existence de la créance, mais seulement d’établir sa vraisemblance.
Aussi, une créance sous condition suspensive, voire éventuelle pourra fonder l’adoption d’une mesure conservatoire.
==> Sur la liquidité de la créance
Une créance liquide est une créance déterminée dans son montant et qui ne souffre d’aucune contestation.
S’agissant de l’adoption d’une mesure conservatoire, il n’est pas nécessaire de justifier de la liquidité de la créance. Elle peut parfaitement faire l’objet d’une contestation, ce qui sera le plus souvent le cas.
La détermination de son montant peut, par ailleurs, s’avérer incertaine en raison, par exemple, de la difficulté à évaluer le préjudice subi par le créancier. Cette situation n’est, toutefois, pas un obstacle à la sollicitation d’une mesure conservatoire.
L’adoption d’une telle mesure est moins guidée par le souci d’indemniser le créancier que de geler le patrimoine du débiteur.
==> Sur l’exigibilité de la créance
Tout autant qu’il n’est pas nécessaire que la créance invoquée soit certaine et liquide, il n’est pas non plus requis qu’elle soit exigible. Et pour cause, une telle condition serait incohérente eu égard les termes de la formule « créance qui paraît fondée de son principe » porteuse, en elle-même, d’une exigence moindre.
La créance fondant l’adoption d’une mesure conservatoire peut, en conséquence, parfaitement être assortie d’un terme non encore échu.
B) Des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance invoquée
Outre la justification d’une créance paraissant fondée dans son principe, pour que des mesures conservatoires puissent être adoptées, le créancier doit être en mesure d’établir l’existence de circonstances susceptible de menacer le recouvrement de sa créance.
Il s’agira autrement dit, pour le créancier, de démontrer que la créance qu’il détient contre son débiteur est menacée des agissements de ce dernier ou de l’évolution de sa situation patrimoniale.
L’ancien article 48 de la loi du 12 novembre 1955 visait l’urgence et le péril. En raison du flou qui entourait ces deux notions, elles ont été abandonnées par le législateur lors de la réforme des procédures civiles d’exécution par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991.
Aussi appartient-il désormais au juge de déterminer les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance du créancier, étant précisé qu’il dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation.
Il a ainsi été décidé par la Cour de cassation, dans un arrêt du 1er septembre 2016, qu’une telle menace existait dès lors que la société poursuivie ne justifiait pas ses comptes annuels depuis plusieurs exercices (Cass. com. 1er sept. 2016).
Cass. com. 1er sept. 2016 |
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 2 février 2015), que la société Bâtiment art et technique (la société B.A.T.) a été autorisée à faire pratiquer une saisie conservatoire à l'encontre de la société Arare (la société) qui en a sollicité la mainlevée ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire bien fondée la saisie conservatoire diligentée le 30 novembre 2012 à la requête de la société B.A.T. entre les mains de la Banque populaire de Paris (la banque B.N.P. Paribas Guadeloupe) en garantie de la somme de 433 405,53 euros, et dénoncée à la société le 4 décembre 2012 alors, selon le moyen :
1°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la créance alléguée par M. X..., ès qualités, et l'EURL Bâtiment art et technique était menacée dans son recouvrement, que cette société avait été placée en redressement judiciaire par jugement du 11 juin 2009 et avait par la suite bénéficié d'un plan de redressement homologué par un jugement du 16 juin 2011, bien que de tels motifs, tenant à la personne du créancier, aient été impropres à établir que le débiteur, la société Arare, n'était pas en mesure d'honorer cette créance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que la créance alléguée par M. X..., ès qualités, et l'EURL Bâtiment art et technique était menacée dans son recouvrement, que la société Arare n'avait pas donné suite aux mises en demeure qui lui avaient été adressées et n'avait formulé aucune proposition en vue d'un règlement de sa dette, bien que de telles constatations aient été impropres à établir que la société Arare n'était pas en mesure d'honorer cette créance, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
3°/ que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que la preuve de cette menace incombe au créancier ; qu'en décidant que la créance alléguée par M. X..., ès qualités, et l'EURL Bâtiment art et technique était menacée dans son recouvrement, motif pris que la société Arare ne justifiait pas de ses comptes annuels depuis l'exercice 2011, bien que la preuve d'une menace de recouvrement ait incombé à M. X..., ès qualités, et à l'EURL Bâtiment art et technique, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil, ensemble l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la société n'avait pas déposé ses comptes annuels depuis l'exercice 2011 et que le résultat de l'exercice 2010 faisait état d'un déficit de 143 365 euros, qu'elle n'avait pas déféré à la sommation des appelants, signifiée le 4 septembre 2014, de produire les comptes sociaux des exercices clos au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2013, qu'en cause d'appel la société B.A.T. avait produit aux débats les lettres de mise en demeure adressées à plusieurs reprises à la société, non suivies d'effets, et que cette dernière n'avait fait aucune proposition en vue du règlement de sa dette pourtant reconnue et exigible depuis le 15 mai 2010, la cour d'appel a, par ces seuls motifs procédant de l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation et sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; |
Les juridictions statuent régulièrement dans le même sens lorsque le débiteur mis en demeure de payer à plusieurs reprises n’a pas réagi (CA Paris, 16 oct. 1996) ou lorsqu’un constructeur à l’origine d’un désordre ne justifie pas d’une police d’assurance responsabilité civile (CA Paris, 28 févr. 1995).
Le Juge considérera néanmoins qu’aucune menace n’est caractérisée lorsque le débiteur a toujours satisfait à ses obligations ou que son patrimoine est suffisant pour désintéresser le créancier poursuivant.
En tout état de cause, il appartiendra au créancier d’établir l’existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance.
II) Procédure d’adoption des mesures conservatoires
Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge.
Ce principe connaît néanmoins des exceptions, en particulier lorsque le créancier dispose bien d’un titre exécutoire, mais que celui-ci n’est pas revêtu de la force de chose jugée.
A) Principe : l’exigence de demande d’autorisation
Lorsque le créancier qui souhaite la mise en œuvre de mesures conservatoires n’est en possession d’aucun titre exécutoire, il doit solliciter l’autorisation du Juge.
L’obtention de cette autorisation suppose alors l’observation d’un certain nombre de règles procédurales.
- La compétence du juge
==> La compétence d’attribution
- La compétence de principe du Juge de l’exécution
- L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
- La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
- La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
- Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
- La compétence facultative du Président du Tribunal de commerce
- L’article L. 511-3 in fine prévoit que, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire « elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d’une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale»
- Cette compétence se justifie par le rôle joué par les juridictions commerciales en matière de prévention des entreprises en difficulté.
- L’examen de la demande d’adoption de mesure conservatoire permettra notamment à la juridiction consulaire de prendre connaissance de la situation financière du débiteur poursuivi, lequel est susceptible de se trouver en état de cessation des paiements, ce qui déclenchera l’ouverture d’une procédure collective.
- Il ressort du texte précité que la saisine du Président du Tribunal de commerce est néanmoins subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- La demande doit être formulée avant tout procès, soit lorsque qu’une instance au fond ou en référé n’a été introduite devant une juridiction civile ou commerciale
- La demande doit tendre à la conservation d’une créance commerciale
- Ainsi, dès lors qu’une instance est en cours, seul le Juge de l’exécution est compétent pour connaître de l’autorisation d’une mesure conservatoire.
- Rien n’empêche, par ailleurs, que ce dernier soit saisi alors même que les conditions de saisine du Président du Tribunal de commerce seraient remplies.
==> La compétence territoriale
- Principe
- L’article R. 511-2 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « le juge compétent pour autoriser une mesure conservatoire est celui du lieu où demeure le débiteur. »
- Si la créance est de nature commerciale, le juge compétent est le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
- La règle ainsi posée est d’ordre public de sorte que toute clause contraire est réputée non écrite.
- Le juge irrégulièrement saisi doit alors relever d’office son incompétence.
- Exception
- Lorsque le débiteur réside à l’étranger ou si le lieu ou il demeure est inconnu, l’article R. 121-2 du CPCE permet de s’adresser au Juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure ( 2e civ. 9 nov. 2006).
Cass. 2e civ. 9 nov. 2006 |
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 28 mai 2004), qu'autorisée par ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, la société Crédit d'équipement des petites et moyennes entreprises (CEPME) a inscrit des hypothèques judiciaires provisoires sur des biens immobiliers situés dans le ressort de ce tribunal et dans celui de Cahors et appartenant à M. X..., qui demeurait à Monaco ; que M. X... a sollicité la rétractation de l'ordonnance et la mainlevée des inscriptions ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir dit le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice compétent pour autoriser les inscriptions d'hypothèques provisoires litigieuses et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes, alors, selon le moyen :
1 / que selon l'article 9 du décret du 31 juillet 1992, le juge de l'exécution compétent, lorsque le débiteur demeure à l'étranger est, à moins qu'il n'en soit disposé autrement, celui du lieu d'exécution de la mesure ; que dès lors, en déclarant compétent le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, lieu de situation de l'un des immeubles saisis, nonobstant la compétence exclusive attribuée au juge de l'exécution du domicile du débiteur, en vertu de la dérogation instituée par l'article 211 du même décret, pour autoriser une mesure conservatoire, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;
2 / que le juge de l'exécution du lieu de l'exécution de la mesure ne peut autoriser une inscription d'hypothèque provisoire sur des biens situés hors de son ressort ; qu'en conséquence, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice pour autoriser les inscriptions sur les biens situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;
3 / que le juge compétent pour statuer sur une requête en inscription d'hypothèque provisoire sur des immeubles situés dans le ressort de différents tribunaux de grande instance ne pourrait être que le juge dans le ressort duquel est situé le plus grand nombre de ces immeubles ; que ses propres constatations faisant ressortir que trois des cinq biens immobiliers visés par la requête en inscription d'hypothèques provisoires sont situés dans le ressort du tribunal de grande instance de Cahors, la cour d'appel, en retenant la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice, a violé les articles 9 et 211 du décret du 31 juillet 1992 ;
Mais attendu que l'arrêt retient exactement que la compétence attribuée au juge du domicile du débiteur par l'article 211 du décret du 31 juillet 1992 n'est pas exclusive de l'application de l'article 9, alinéa 2, du même décret, dont les dispositions d'ordre public donnent compétence au juge de l'exécution du lieu d'exécution de la mesure lorsque le débiteur demeure à l'étranger ;
Et attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit, par motifs adoptés, que le juge de l'exécution dans le ressort duquel est situé l'un des immeubles du débiteur demeurant à l'étranger est compétent pour autoriser des inscriptions d'hypothèque sur les biens immobiliers du débiteur situés en dehors de son ressort ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ; |
2. L’auteur de la demande
Si l’auteur de la demande est le créancier ou son représentant légal, il dispose de la faculté :
- Soit de se défendre lui-même ( R. 121-6 CPCE et art. 853 C. com.)
- Soit de se faire assister ou représenter
==> En cas de saisine du Juge de l’exécution
En application de l’article R. 121-7 du CPCE, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par :
- Un avocat qui doit justifier d’un pouvoir spécial
- Son conjoint ;
- Son concubin ou la personne avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité ;
- Ses parents ou alliés en ligne directe ;
- Ses parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus ;
- Les personnes exclusivement attachées à son service personnel ou à son entreprise
- Quant à L’Etat, aux régions, aux départements, aux communes et leurs établissements publics, ils peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration.
==> En cas de saisine du Président du Tribunal de commerce
En application de l’article 853 du Code de procédure civile, le créancier dispose de la faculté de se faire assister ou représenter par toute personne de son choix, étant précisé que, le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.
3. La forme de la demande
==> La présentation d’une requête
L’article R. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « la demande d’autorisation prévue à l’article L. 511-1 est formée par requête. »
Ainsi, c’est par voie de requête que le Juge compétent pour connaître de l’adoption de mesures conservatoires doit être saisi.
Cette requête est régie par les articles 493 et suivants du Code de procédure civile.
À cet égard, en application de l’article 494 du Code de procédure civile, elle doit être présentée selon les formes suivantes :
- La requête est présentée en double exemplaire
- Elle doit être motivée, ce qui implique pour le créancier de démontrer
- L’existence d’une créance fondée dans son principe
- Une menace pour le recouvrement de sa créance
- Elle doit comporter l’indication précise des pièces invoquées.
- Si elle est présentée à l’occasion d’une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie.
==> Les mentions obligatoires
Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la requête sont énoncées à l’article 58 du Code de procédure civile.
Cette disposition prévoit que la requête contient à peine de nullité :
- Pour les personnes physiques : l’indication des nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur ;
- Pour les personnes morales : l’indication de leur forme, leur dénomination, leur siège social et de l’organe qui les représente légalement ;
- L’indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée, ou, s’il s’agit d’une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
- L’objet de la demande.
4. La décision du Juge
==> La forme de la décision
La décision du Juge saisi est rendue par voir d’ordonnance qui, en pratique, aura été prérédigée par le créancier et sera positionnée au bas de la requête.
Si, le Juge dispose de la possibilité débouter ou d’accéder à la demande du créancier, il doit, en tout état de cause, motiver sa décision.
L’article R. 511-4 du CPCE prévoit en ce sens que, à peine de nullité de son ordonnance, le juge :
- Détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée
- Précise les biens sur lesquels la mesure porte.
==> Le contenu de la décision
Le juge saisi dispose de trois options :
- Il peut accéder à la demande du créancier
- Dans cette hypothèse, en application de l’article 495 du Code de procédure civile, l’ordonnance devient exécutoire au seul vu de la minute, de sorte que le créancier agira à ses risques et périls
- Copie de la requête et de l’ordonnance est alors laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
- Il peut débouter le créancier de ses prétentions
- Dans cette hypothèse, le créancier disposera de la faculté d’interjeter appel dans un délai de quinze jours à compter de la date de prononcé de l’ordonnance
- Par exception, le créancier ne pourra pas faire appel dans l’hypothèse où l’ordonnance aurait été rendue par le premier Président de la Cour d’appel
- Il peut réexaminer sa décision aux fins de provoquer un débat contradictoire
- Entorse au principe de dessaisissement d’une juge une fois sa décision rendue, l’article R. 511-5 du Code de procédure civile confère au juge le pouvoir de revenir sur sa décision ce qui n’est pas sans interpeller sur l’articulation de cette règle avec le principe dispositif énoncé à l’article 1er du Code de procédure civile qui prévoit que « Seules les parties introduisent l’instance, hors les cas où la loi en dispose autrement. Elles ont la liberté d’y mettre fin avant qu’elle ne s’éteigne par l’effet du jugement ou en vertu de la loi. »
- L’article R. 511-5 du Code de procédure civile prévoit, en effet, que « en autorisant la mesure conservatoire, le juge peut décider de réexaminer sa décision ou les modalités de son exécution au vu d’un débat contradictoire.»
- En pareille hypothèse, il fixe la date de l’audience, sans préjudice du droit pour le débiteur de le saisir à une date plus rapprochée.
- C’est alors au créancier qu’il convient d’assigner le débiteur, en utilisant le cas échéant l’acte qui lui dénonce la saisie.
==> La durée de validité de l’ordonnance
L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »
À l’expiration de ce délai, tout n’est pas perdu pour le créancier qui disposera de la possibilité de formuler une nouvelle demande.
B) Exception : la dispense de demande d’autorisation
L’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
==> Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
Par titre exécutoire, il faut entendre, selon l’article L. 111-3 du CPCE :
- Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
- Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
- Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
- Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
- Les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
- Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ou en cas d’accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l’article L. 125-1 ;
- Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.
==> Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
Les décisions qui ne possèdent pas de force exécutoire se classent en deux catégories :
- Première catégorie
- Il s’agit des décisions qui ne sont pas passées en force de chose jugée en ce sens que :
- D’une part, la décision est encore soumise à un recours suspensif ou au délai d’exercice d’un tel recours
- D’autre part, la décision n’est pas assortie de l’exécution provisoire
- Seconde catégorie
- Il s’agit des décisions qui sont assorties d’un délai de grâce
==> Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
- S’agissant de la lettre de change acceptée et du billet à ordre c’est le droit cambiaire qui s’applique, de sorte que, outre la garantie conférée par le titre au créancier, les exceptions attachées à la créance fondamentale lui sont inopposables.
- S’agissant du chèque impayé, l’article L. 131 du Code monétaire et financier prévoit que le tireur est garant du paiement, de sorte que la créance est réputée fondée en son principe.
==> Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé
Le créancier titulaire d’une créance de loyer impayé est fondé à pratiquer une mesure conservatoire sans solliciter, au préalable, l’autorisation du Juge.
Il doit néanmoins justifier d’une créance qui résulte d’un contrat écrit de louage d’immeubles.
Aussi, le contrat de louage doit-il :
- D’une part, être constaté par écrit
- D’autre part, porter sur un immeuble
Il appartiendra à l’huissier de vérifier la réunion de ces deux conditions, faute de quoi il engagerait sa responsabilité dans l’hypothèse où la mesure conservatoire prise serait mal-fondée.
À cet égard, la jurisprudence a eu l’occasion de préciser plusieurs points :
- La jurisprudence interprète la notion de contrat de louage d’immeuble pour le moins restrictivement puisqu’elle exclut de son champ le contrat de location-gérance d’un fonds de commerce.
- La créance invoquée ne pourra porter que sur le loyer et les charges ou provisions pour charge lorsqu’elles sont prévues dans le contrat de bail
- La créance ne pourra pas comprendre l’indemnité due au titre d’une clause pénale ou de tout autre frais étranger au loyer
- La créance de loyer ne saurait fonder, en aucune manière, l’adoption – sans autorisation du Juge – de mesures conservatoires à l’encontre de la caution du locataire
III) Mise en œuvre des mesures conservatoires
Lorsque le créancier aura obtenu l’autorisation du Juge ou qu’il sera muni de l’un des titres visés à l’article L. 511-2 du CPCE, il pourra mandater un huissier de justice aux fins de faire pratiquer une mesure conservatoire sur le patrimoine de son débiteur.
Reste que pour que la mesure conservatoire soit efficace, un certain nombre de diligences doivent être accomplies par l’huissier instrumentaire, faute de quoi la mesure sera frappée de caducité.
A) Les phases de mise en œuvre des mesures conservatoires
En substance, la mise en œuvre d’une mesure conservatoire comporte quatre phases bien distinctes :
- Première étape
- L’huissier mandaté par le créancier doit procéder
- Soit à la réalisation de l’acte de saisie
- Soit à l’accomplissement des formalités d’inscription de la sûreté
- Deuxième étape
- La mesure conservatoire pratiquée par l’huissier de justice doit être dénoncée au débiteur si elle n’a pas été effectuée entre ses mains
- Troisième étape
- En l’absence de titre exécutoire, le créancier poursuivant devra engager une procédure aux fins d’en obtenir un
- Quatrième étape
- Lorsqu’un titre exécutoire aura été obtenu ou que la décision dont était en possession le créancier sera passée en force de chose jugée, la mesure conservatoire pratiquée pourra être convertie en mesure d’exécution forcée
B) Les délais de mise en œuvre des mesures conservatoires
Les quatre phases décrites ci-dessus sont enfermées dans des brefs délais, dont le non-respect est sanctionné par la caducité de la mesure conservatoire prise.
==> L’exécution de la mesure conservatoire dans un délai de trois mois
L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »
Ainsi, en cas d’inertie du créancier au-delà du délai de trois mois, l’ordonnance rendue par le Juge saisi est frappée de caducité.
Ce délai court à compter du prononcé de la décision du Juge et non de sa signification, laquelle n’a pas besoin d’intervenir dès lors que l’ordonnance est exécutoire sur minute.
À cet égard, l’article 640 du Code de procédure civile prévoit que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »
Il peut, par ailleurs, être observé que si la mesure conservatoire initiée en exécution de l’ordonnance est devenue caduque, ladite ordonnance ne peut, en aucun cas, servir de fondement pour pratiquer une nouvelle mesure conservatoire, quand bien même le délai de trois mois n’aurait pas expiré. (V. en ce sens CA Paris, 22 oct. 1999).
S’agissant, enfin, du coût de la mesure, l’article L. 512-2 du CPCE prévoit que « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. »
==> La dénonciation de la mesure conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers dans un délai de huit jours
Lorsque la mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d’un tiers, il échoit au créancier de dénoncer cette mesure dans un délai de huit jours au débiteur à qui l’acte constatant la mesure conservatoire et, le cas échéant, l’ordonnance, doivent être communiquées.
Lorsque, en revanche, la mesure est accomplie directement entre les mains du débiteur, cette dénonciation est inutile puisqu’elle vise à informer le débiteur, d’une part, sur le contenu de l’ordonnance et, d’autre part, sur la réalisation de la mesure.
En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au débiteur, elle est frappée de caducité.
==> L’engagement d’une procédure ou l’accomplissement de formalités en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois
- Principe général
- L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
- Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
- La formule « accomplir les formalités nécessaires» vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
- Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
- La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
- En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
- La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
- L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
- Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE ( 2e civ. 3 avr. 2003).
- Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
- L’ordonnance portant injonction de payer
- L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que « en cas de rejet d’une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti au précédent alinéa, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l’ordonnance de rejet. »
- Ainsi, le délai d’un mois est, en quelque sorte, prorogé par l’ordonnance de rejet, à la condition néanmoins qu’une instance au fond soit introduite consécutivement au rejet.
- Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a estimé qu’une assignation en référé ne permettait pas de proroger le délai d’un mois ( 2e civ. 5 juill. 2005).
==> La dénonciation des diligences accomplies en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de huit jours
L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.
En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.
Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).
Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.
Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.
Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).
IV) La conversion des mesures conservatoires
Lorsqu’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible aura été obtenu par le créancier poursuivant, la mesure conservatoire pratique pourra faire l’objet d’une conversion.
Autrement dit, elle pourra être transformée :
- Soit en mesure d’exécution forcée
- Soit en sûreté définitive
Reste que le régime juridique de cette conversion est sensiblement différent selon que la mesure conservatoire initialement pratiquée consiste en une saisie conservatoire ou en l’inscription d’une sûreté judiciaire.
==> S’agissant des saisies conservatoires
Pour opérer la conversion d’une saisie conservatoire en saisie définitive, il n’est besoin, pour le créancier, que d’obtenir un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE.
Aussi, cette conversion peut-elle être pratiquée alors que la décision obtenue n’est pas passée en force de chose jugée. Elle devra, néanmoins, être assortie de l’exécution provisoire.
La conversation s’opérera alors au moyen de la signification d’un acte de conversion signifié au tiers saisi et dénoncé au débiteur.
Aucun délai n’est prescrit pour procéder à cette conversion une fois le titre exécutoire obtenu.
==> S’agissant des sûretés judiciaires
Pour convertir une sûreté judiciaire en sûreté définitive, l’article R. 533-4 du CPCE exige que le créancier obtienne une décision passée en force de chose jugée.
Ainsi, l’obtention d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE n’est pas suffisante. La décision obtenue doit ne plus être soumise à une voie de recours suspensif ni être assorti d’un délai de grâce.
Quant à la réalisation de la conversation, elle se fait au moyen d’une publicité définitive propre à chacune des sûretés susceptibles d’être constituée à titre conservatoire.
Les formalités doivent être accomplies auprès de l’organe qui a reçu la publicité provisoire.
Surtout, l’article R. 533-4 du CPCE prévoit que la publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :
- Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
- Si la procédure a été mise en œuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R. 532-6
- Si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation
- Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
- Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.
V) Contestation des mesures conservatoires
Deux sortes de contestations sont susceptibles d’être formulées à l’encontre de la mesure conservatoire pratiquée :
- Celles qui portent sur le bien-fondé de la mesure
- Celles qui portent sur l’exécution de la mesure
A) Les contestations relatives au bien-fondé de la mesure
Trois voies de droit sont susceptibles de conduire à l’anéantissement de la mesure, à tout le moins à la modification de son objet.
- La mainlevée de la mesure
- La rétractation de l’ordonnance
- La substitution de la mesure
- La mainlevée de la mesure
==> Les causes de mainlevée
Les causes de mainlevée de la mesure conservatoire prise se classent en deux catégories :
- Les causes de mainlevée qui tiennent à l’inobservation des conditions de la procédure d’adoption d’une mesure conservatoire
- L’article L. 512-1 du CPCE prévoit que « même lorsqu’une autorisation préalable n’est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s’il apparaît que les conditions prescrites par l’article L. 511-1 ne sont pas réunies».
- Il ressort de cette disposition que lorsque les conditions d’adoption de la mesure conservatoire pratiquée ne sont pas réunies, le débiteur est fondé à solliciter la mainlevée de la mesure.
- L’article R. 512-1 du CPCE ajoute que la demande de mainlevée est encore possible si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R. 511-8 ne sont pas réunies, même dans les cas où l’article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.
- Trois enseignements peuvent être retirés de ces deux dispositions :
- D’une part, la demande de mainlevée peut être demandée à tout moment, soit postérieurement à la réalisation de la mesure
- D’autre part, la demande de mainlevée peut être formulée nonobstant l’autorisation du juge
- Enfin, une demande de mainlevée peut être formulée, alors même que la mesure a été pratiquée sans autorisation du Juge
- L’article R. 512-1, al. 2 prévoit que c’est au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies, soit les conditions de fond de la procédure d’adoption de la mesure.
- La règle est logique, car il n’est pas illégitime de considérer que c’est au demandeur initial de la mesure qu’il appartient de prouver son bien-fondé.
- La cause de mainlevée qui tient à la constitution d’une caution bancaire
- L’article L. 512-1, al. 3 du CPCE prévoit que la constitution d’une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie entraîne mainlevée de la mesure de sûreté, sous réserve des dispositions de l’article L. 511-4.
- Ainsi, en pareille hypothèse, la mainlevée opère de plein droit
==> Le juge compétent
- Principe
- L’article R. 512-2 du CPCE prévoit que la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
- Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le débiteur.
- Tempérament
- Lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
- Il s’agit là, néanmoins, d’une simple faculté, le Juge de l’exécution pouvant, en tout état de cause, être saisi.
- Lorsque, en revanche, une instance sera en cours, la demande de mainlevée devra nécessairement lui être adressée.
==> La saisine du Juge
La saisine du Juge compétent pour connaitre la demande de mainlevée s’opère par voie d’assignation dans les conditions prévues à l’article R. 121-11 du CPCE.
Cette disposition prévoit en ce sens que la demande est formée par assignation à la première audience utile du juge de l’exécution.
L’assignation doit contenir, à peine de nullité, la reproduction des dispositions des articles R. 121-6 à R. 121-10.
À cet égard, il peut être observé que, devant le Juge de l’exécution, en application de l’article R. 121-6 du CPCE les parties se défendent elles-mêmes, étant précisé qu’elles ont la faculté de se faire assister ou représenter par l’une des personnes visées à l’article R. 121-7.
2. La rétractation de l’ordonnance
==> Principe
L’article 17 du Code de procédure civile énonce un principe général aux termes duquel « lorsque la loi permet ou la nécessité commande qu’une mesure soit ordonnée à l’insu d’une partie, celle-ci dispose d’un recours approprié contre la décision qui lui fait grief. »
L’article 496 du Code de procédure civile, applicable aux ordonnances rendues sur requête, que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance ».
Il pourra alors être demandé au juge par le débiteur, dans le cadre d’un débat contradictoire, de rétracter son ordonnance.
Il appartiendra alors au créancier, en application de l’article R. 512-1, al. 2 du CPCE, de prouver que les conditions d’adoption de la mesure conservatoire requises ne sont pas réunies.
==> Juge compétent
Conformément à l’article R. 512-2 du CPCE la demande de rétractation de l’ordonnance est portée devant le juge qui a autorisé la mesure.
Lorsque, toutefois, la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d’une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.
Il s’agit là, néanmoins, d’une simple faculté, le Juge de l’exécution pouvant, en tout état de cause, être saisi.
Lorsque, en revanche, une instance sera en cours, la demande de mainlevée devra nécessairement lui être adressée.
==> La saisine du Juge
La saisine du Juge s’opère de la même manière que lorsqu’une demande de mainlevée de la mesure conservatoire est sollicitée.
3. La substitution de la mesure
L’article L. 512-1, al. 2 du CPCE prévoit que « à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties. »
Cette demande de substitution peut être formulée quelle que soit la mesure conservatoire pratiquée et quelle que soit la procédure appliquée.
Il est donc indifférent que la mesure ait été adoptée sur le fondement d’une autorisation du juge ou d’un titre exécutoire.
Le juge compétent pour connaître de la demande de substitution est celui qui est compétent pour statuer sur la mainlevée de la mesure.
4. La demande de réparation
==> Les conditions de l’action
L’article L. 512-2 du CPCE prévoit que lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.
Dans un arrêt du 21 octobre 2009, la Cour de cassation a estimé, après plusieurs tergiversations, que cette action n’était pas subordonnée à l’établissement d’une faute (Cass. 3e civ., 21 oct. 2009).
Alors qu’elle avait adopté, quelques années plus tôt, la solution inverse (Cass. com. 14 janv. 2004), la Chambre commerciale s’est finalement ralliée à la position, partagée, de la 2e et 3e chambre civile dans un arrêt du 25 septembre 2012 (Cass. com. 25 sept. 2012).
Aussi, appartient-il seulement au débiteur de démontrer qu’il a subi un préjudice du fait de la mesure conservatoire dont il a irrégulièrement fait l’objet.
Cass. 3e civ. 21 oct. 2009 |
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2008) qu'en novembre 2005, la Compagnie foncière du Grand Commerce (CFGC) a engagé des négociations en vue de l'achat de la totalité des parts sociales de la société Pierre Invest, puis des actifs immobiliers de cette société eux mêmes, constitués de lots dans trois immeubles en copropriété ; que la société Pierre Invest a mis fin à ces pourparlers le 19 mai 2006 et a conclu, le 17 mai 2006, avec la société DR Flandrin, une promesse de vente sur ces mêmes biens ; que M. X..., exerçant sous l'enseigne Etude Valri, a fait inscrire et publier deux hypothèques judiciaires provisoires en garantie de sa rémunération et au titre de la perte de chance de percevoir une commission sur la revente des lots de copropriété ; que la CFGC a assigné la société Pierre Invest en réalisation forcée de la vente à son profit et subsidiairement en réparation du préjudice causé par la rupture abusive des pourparlers ; que la société Pierre Invest, et la société DR Flandrin ont formé des demandes reconventionnelles en indemnisation contre la CFGC et contre M. X... ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi incident de M. X... :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des dommages intérêts à la société Pierre Invest, alors, selon le moyen, que lorsque la mainlevée d'une mesure conservatoire a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice subi à la condition que celui-ci soit directement lié à la mesure conservatoire ordonnée et qu'un abus dans l'exercice de la mesure conservatoire qui a été autorisée par le juge de l'exécution soit caractérisé ; que M. X... ayant été autorisé par le juge de l'exécution à prendre les inscriptions litigieuses, il appartenait à la cour d'appel de caractériser un abus dans le droit dont il disposait de procéder à ces inscriptions ; que faute d'avoir caractérisé cet abus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 et 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 n'exige pas pour son application la constatation d'une faute ; qu'ayant retenu, par motifs adoptés, que M. X... était seul à l'origine des inscriptions hypothécaires provisoires pour une somme de 2 072 626, 14 euros, la cour d'appel, qui n'avait pas à démontrer un abus de droit, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision condamnant M. X... à indemniser la société Pierre Invest du préjudice résultant de l'immobilisation de cette somme ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
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==> Le Juge compétent
En application de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, c’est le Juge de l’exécution qui est compétent pour connaître des demandes en réparation fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageables des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires.
Si, dès lors, la mainlevée d’une mesure conservatoire a été prononcée par le Président du Tribunal de commerce, le débiteur devra nécessairement saisir le JEX s’il souhaite obtenir réparation du préjudice subi.
B) Les contestations relatives à l’exécution de la mesure
S’agissant des contestations relatives à l’exécution de la mesure conservatoire pratiquée, l’article R. 512-3 du CPCE prévoit qu’elles doivent être portées devant le Juge de l’exécution du lieu d’exécution de la mesure.
Pour cette catégorie de contestations, le Président du Tribunal de commerce ne sera donc jamais compétent. Le Juge de l’exécution dispose d’une compétence exclusive.