==> Généralités
Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.
A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.
Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).
S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.
Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.
==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire
- Les conditions de fond
- L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
- Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
- Une créance paraissant fondée dans son principe
- Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
- Les conditions procédurales
- Le principe
- Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
- S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
- L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
- La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
- La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
- Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
- Les exceptions
- Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
- Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
- Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
- Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
- Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
- Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé
- Le principe
Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.
Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :
- La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
- La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
- La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
- La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).
Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières.
Cette saisie a pour objectif de rendre indisponible l’intégralité des droits d’associé et valeurs mobilières détenus par le débiteur sans pour autant conférer au créancier saisissant un droit préférentiel sur les titres saisis.
I) Les opérations de saisie
Les opérations de saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières comportent la signification d’un acte de saisie au tiers et sa dénonciation au débiteur.
A) Signification d’un acte de saisie au tiers
- Détermination du tiers saisi
La détermination de la personne à laquelle l’acte de saisie doit être signifié, dépend de l’objet de la saisie.
a) Principe
L’article R. 232-1 du CPCE prévoit que les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire doivent être saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice.
Ce principe, intangible en ce qui concerne les droits d’associé, souffre plusieurs exceptions lorsque la saisie porte sur des valeurs mobilières.
Il peut être observé que les droits incorporels autres que les droits d’associés et valeurs mobilières sont en principe saisissables en vertu de cette disposition en l’absence d’interdiction.
Mais le décret n°92-755 du 31 juillet 1992 codifié au code des procédures civiles d’exécution n’a pas prévu de procédure de saisie appropriée.
b) Exceptions
==> Cas des valeurs mobilières nominatives
Les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société (banque, établissement financier, avocat, notaire…) sont saisies auprès de celui-ci.
La société est tenue de faire connaître à l’huissier l’identité de son mandataire (art. R. 232-2 CPCE).
Toutefois, si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité (banque, société de bourse) de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de cet intermédiaire (art. R. 232-3, al. 2 CPCE).
==> Cas des valeurs mobilières au porteur
Les valeurs mobilières au porteur sont obligatoirement gérées par un intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise.
C’est donc à ce dernier que l’acte de saisie doit être signifié (art. R. 232-3, al. 1 CPCE).
==> Cas de l’existence d’un seul intermédiaire habilité
Le débiteur titulaire de valeurs mobilières nominatives et de valeurs mobilières au porteur peut confier l’ensemble de ces valeurs à un seul intermédiaire habilité auprès duquel la saisie devra donc être opérée (art. R. 232-4 CPCE).
Aux fins de faire connaître ces personnes, lorsque la saisie ne peut être pratiquée auprès d’elle, la société émettrice est tenue d’informer l’huissier du nom du mandataire ou de l’intermédiaire habilité qui tient ses comptes.
L’huissier qui connaît ainsi l’intermédiaire pratique la saisie entre ses mains et lui signifie directement l’acte de saisie.
2. Forme
L’article R. 524-1 du CPCE prévoit que la saisie est pratiquée au moyen d’un acte d’huissier qui contient, à peine de nullité :
- Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
- L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
- Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
- L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
- La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies.
3. Effet
Le 1er alinéa de l’article R. 232-8 du CPCE, auquel renvoie l’article R. 524-3 du même Code en ce qui concerne la saisie conservatoire, prévoit que l’acte de saisie rend indisponible les droits pécuniaires du débiteur.
II en résulte que celui-ci ne peut plus, à compter de la signification de l’acte de saisie au tiers détenteur des titres, ni percevoir les dividendes ou intérêts, ni céder ou nantir les valeurs et droits saisis.
B) Dénonciation de l’acte de saisie au débiteur
Les modalités de cette dénonciation prévues à l’article R. 524-2 du CPCE sont les mêmes que pour les saisies-conservatoires des créances.
Le débiteur peut obtenir la mainlevée de l’acte de saisie en consignant une somme suffisante pour désintéresser le créancier, laquelle est spécialement affectée au profit de ce dernier (art. R. 232-8, al. 2 CPCE auquel renvoie l’article R. 524-3 CPCE).
II) La conversion en saisie-vente
A) Procédure
La conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente suppose que le créancier ait obtenu un titre exécutoire qui constate l’existence de sa créance.
Un acte de conversion est signifié au débiteur puis dénoncé au tiers.
- Signification au débiteur
L’article R.524-4 du CPCE prévoit que l’acte de conversion signifié au débiteur doit contenir, à peine de nullité :
- La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
- L’énonciation du titre exécutoire ;
- Le décompte distinct des sommes à payer en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
- Un commandement d’avoir à payer cette somme, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis ;
Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure, soit :
- L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les conditions prescrites soit à l’article R. 233-3 du CPCE, soit, s’il s’agit de droits d’associés ou de valeurs mobilières non admises à la cote officielle ou à celle du second marché, à l’article R. 221-30 du CPCE, à l’article R. 221-31 du CPCE et à l’article R. 221-32 du CPCE ;
- Si la saisie porte sur des valeurs mobilières cotées, l’indication qu’il peut, en cas de vente forcée et jusqu’à la réalisation de celle-ci, faire connaître au tiers saisi l’ordre dans lequel elles devront être vendues ;
- La reproduction des articles R. 221-30 à 233-3 du CPCE.
2. Dénonciation au tiers saisi
L’article R. 524-5 du CPCE prévoit qu’une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au tiers saisi.
B) Modalités de la vente
La vente des droits d’associés et des valeurs mobilières intervient selon des modalités semblables à celles qui existent en matière de saisie-vente des mêmes biens (art. R. 233-3 à R. 233-9 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 524-6 du CPCE).
- La vente volontaire
Dans le mois de la signification qui lui a été faite, le débiteur peut donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies.
Le produit de la vente est alors indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier saisissant.
Si les sommes provenant de la vente suffisent à désintéresser le ou les créanciers, cette indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs saisies (art. 233-3 CPCE).
Jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur peut indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières seront vendues.
A défaut, aucune contestation n’est recevable sur le choix effectué (art. R233-4 CPCE).
2. La vente forcée
La vente forcée est effectuée à la demande du créancier saisissant sur présentation d’un certificat, délivré par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance ou établi par l’huissier qui a procédé à la saisie, attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou, le cas échéant, d’un jugement ayant rejeté la contestation soulevée par le redevable (art. R233-1 CPCE).
Une fois en possession du certificat délivré par le greffe ou l’huissier, le créancier transmet ce document au tiers saisi en lui demandant de faire procéder à la vente des valeurs saisies.
Celle-ci s’effectuera par l’intermédiaire de la société de bourse opérant habituellement pour le compte du tiers saisi, dès lors qu’il s’agit de titres cotés.
Le CPCE ne prévoit pas que cette demande doive présenter la forme d’une signification par voie d’huissier.
Toutefois, afin de limiter les possibilités de contestation par le débiteur, ce mode de notification est privilégié.
En revanche, l’intervention de l’avocat du créancier ne se justifie pas en l’absence de contentieux devant le juge judiciaire.
Le créancier se tient informé de la vente auprès du tiers saisi qui doit bloquer les fonds provenant de la vente des titres et les lui verser à réception.
Qu’elle soit volontaire ou forcée, la vente des valeurs mobilières admises à la cote officielle ou à celle du second marché est réalisée par l’intermédiaire d’une société de bourse, qui a le monopole de la négociation des valeurs mobilières admises aux négociations par le conseil des bourses de valeur.