Qu’est-ce qu’un meuble? Les notions de meuble par nature, par anticipation et par détermination de la loi

L’article 527 du Code civil dispose que « les biens sont meubles par leur nature ou par la détermination de la loi. »

À la différence des immeubles, il n’existe donc pas de meubles par destination, ce qui n’est pas sans simplifier leur classification.

Reste que la jurisprudence a consacré une troisième catégorie de meubles, aux côtés des meubles par nature et par détermination de la loi : les meubles par anticipation.

I) Les meubles par leur nature

L’article 528 du Code civil prévoit que « sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre. »

Ainsi les biens meubles par nature ne sont autres que les choses qui sont mobiles et qui, donc ne sont ni fixées, ni incorporées au sol.

Tout ce qui donc n’est pas attaché au sol, est un bien meuble. Le code civil inclut notamment dans cette catégorie qui embrasse une grande variété de choses :

  • Les bateaux, bacs, navires, moulins et bains sur bateaux, et généralement toutes usines non fixées par des piliers, et ne faisant point partie de la maison ( 531 C. civ.)
  • Les matériaux provenant de la démolition d’un édifice, ceux assemblés pour en construire un nouveau jusqu’à ce qu’ils soient employés par l’ouvrier dans une construction ( 532 C. civ.)
  • Les meubles meublants qui comprennent :
    • Les biens destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature.
    • Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.
    • Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d’un appartement sont comprises sous la dénomination de “meubles meublants”.
  • Les meubles immatriculés, tels que les aéronefs ou les navires. L’immatriculation de ces biens leur confère un statut particulier qui les rapproche des immeubles, notamment s’agissant des actes de disposition dont ils sont susceptibles de faire l’objet.

II) Les meubles par anticipation

La catégorie des meubles par anticipation est pure création jurisprudentielle. Cette catégorie comprend tous les biens qui sont des immeubles par nature, mais qui, dans un futur proche, ont vocation à être détachés du sol (V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 juill. 1968).

Par anticipation, ils peuvent ainsi d’ores et déjà être qualifiés de biens meubles. Tel est le cas notamment des récoltes vendues sur pied, des coupes de bois avant abattage ou encore des matériaux à provenir de la démolition d’une maison.

Tout dépend de la volonté des parties qui déterminent, à l’avance, le statut que le bien aura à l’avenir.

L’intérêt d’anticiper la qualification de biens initialement immobiliers est de dispenser le propriétaire, s’il souhaite vendre, d’accomplir toutes les formalités exigées en matière de vente d’immeuble.

La vente d’un immeuble ne peut, en effet, être réalisée qu’au moyen d’un acte authentique. Elle doit encore faire l’objet de formalités de publicité.

Parce que le régime juridique attaché à la vente des immeubles est particulièrement lourd, la jurisprudence a considéré que certains biens pouvaient ne pas y être assujettis ; d’où la création de la catégorie des meubles par anticipation.

III) Les meubles par détermination de la loi

L’article 529 du Code civil prévoit que sont meubles par la détermination de la loi :

  • Les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers,
  • Les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies.
  • Les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l’État, soit sur des particuliers.

Le point commun partagé entre tous ces biens qui, sous l’effet de la loi, endossent le statut de meuble est qu’ils sont tous dépourvus de matérialité.

Il s’agit, en effet, de choses incorporelles qui donc, par hypothèse, sont insusceptible de répondre au critère physique qui caractérise les meubles : la mobilité.

Aussi, est-il classiquement admis que la catégorie des biens meubles par détermination recouvre tout ce qui n’est pas immeuble, par nature, par destination ou par objet.

Cette catégorie est donc très large puisqu’elle regroupe :

  • Les valeurs mobilières
  • Les droits personnels
  • Les droits réels mobiliers principaux et accessoires (usufruit, droit d’usage, sûretés mobilières etc.)
  • Les actions relatives à l’exercice des droits personnels et réels mobiliers
  • Les choses incorporelles tels que la clientèle, les œuvres de l’esprit, les marques, les brevets,
  • Tous les droits exercés sur les choses incorporelles
  • Les actions relatives à l’exercice des droits portant sur des choses incorporelles

Qu’est-ce qu’un immeuble? Les notions d’immeuble par nature, par destination et par objet

L’article 517 du Code civil dispose que « les biens sont immeubles, ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l’objet auquel ils s’appliquent. »

Ainsi existe-t-il trois catégories d’immeubles dont il ressort, à l’analyse, que l’immeuble se caractérise par sa fixité, en ce sens qu’il ne peut pas être déplacé contrairement aux meubles qui se caractérisent par leur mobilité.

I) Les immeubles par nature

L’article 518 du Code civil dispose que « les fonds de terre et les bâtiments sont immeubles par leur nature. »

La catégorie des immeubles par nature, qui repose sur le critère physique, comprend donc le sol et tout ce qui est fixé au sol :

  • Le sol: par sol il faut entendre le fonds de terre, ce qui comprend, tant la surface du sol, que le sous-sol
  • Tout ce qui est fixé au sol: il s’agit de :
    • D’une part, toutes les constructions qui sont édifiées sur le sol ou dans le sous-sol (bâtiments, canalisations, les piliers ou poteaux fixés par du béton, ponts, barrage etc.)
    • D’autre part, tous les végétaux (arbres, plantes, fleurs etc), avec cette précision que s’ils sont détachés du sol ils deviennent des meubles (art 520 C. civ.)

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser qu’il est indifférence que la chose soit fixée au sol à titre provisoire ou définitif. En tout état de cause, dès lors qu’elle adhère au sol elle est constitutive d’un immeuble par nature.

II) Les immeubles par destination

À la différence des immeubles par nature qui sont déterminés par un critère physique, les immeubles par destination reposent sur la volonté du propriétaire.

Il s’agit, plus précisément, de biens qui, par nature, sont des meubles, mais qui sont qualifiés fictivement d’immeubles en raison du lien étroit qui les unit à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire.

Tel est le cas, par exemple, du bétail affecté à un fonds agricole et qui donc, par le jeu d’une fiction juridique, est qualifié d’immeuble par destination.

L’objectif recherché ici est de lier le sort juridique de deux biens dont les utilités qu’ils procurent sont interdépendantes.

Par la création de ce lien, il sera, dès lors, beaucoup plus difficile de les séparer ce qui pourrait être fortement préjudiciable pour leur propriétaire.

Ainsi, des biens affectés au service d’un fonds, devenus immeubles, ne pourront pas faire l’objet d’une saisie par un tiers indépendamment du fonds lui-même.

A) Conditions de l’immobilisation par destination

L’immobilisation par destination d’un bien est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • D’une part, les deux biens doivent appartenir au même propriétaire
  • D’autre part, le meuble doit être affecté au service de l’immeuble

==> Sur l’appartenance du meuble et de l’immeuble au même propriétaire

Pour que l’immobilisation par destination d’un meuble puisse s’opérer, il est nécessaire qu’il appartienne au même propriétaire de l’immeuble.

L’opération repose, en effet, sur la volonté du propriétaire d’affecter un bien au service d’un autre de ses biens. L’immobilisation par destination ne peut donc se concevoir que si les deux biens relèvent du même patrimoine.

Il en résulte dans l’hypothèse où le locataire d’un immeuble, affecte un meuble au service de cet immeuble, l’immobilisation par destination ne sera pas possible.

==> Sur l’affectation d’un meuble au service d’un immeuble

Pour que l’immobilisation du meuble puisse s’opérer, il doit exister un rapport de destination entre ce meuble et l’immeuble.

Plus précisément, il est exigé que le meuble affecté au service de l’immeuble soit indispensable à son exploitation, de sorte que la seule volonté du propriétaire, si elle est nécessaire, ne suffit pas à réaliser l’immobilisation par destination.

À cet égard, il ressort de l’article 524 du Code civil que le lien de destination qui existe entre un meuble et un immeuble peut être soit matériel, soit économique, de sorte qu’il convient de distinguer deux sortes d’immobilisation d’un meuble par destination.

  • L’affectation d’un bien au service d’un fonds
    • Le bien est ici affecté à l’exploitation économique du fonds, de sorte que le meuble et l’immeuble entretiennent un rapport de destination objectif entre eux.
    • Le meuble est, en effet, utile à l’immeuble auquel il est affecté.
    • Il en résulte qu’il n’est pas besoin qu’existe un lien matériel entre les deux biens, soit que le meuble soit incorporé ou fixé physiquement à l’immeuble.
    • Ce qui importe, et c’est là une condition qui a été posée par la jurisprudence qui ne ressort pas d’une lecture littérale du Code, c’est que le bien qui fait l’objet d’une affectation soit indispensable à l’exploitation du fonds (V. en ce sens Req. 31 juill. 1879, DP 1880. 1. 273, S. 1880. 1. 409, note C. Lyon-Caen).
    • Par indispensable, il faut comprendre que si le bien n’était pas affecté au service de l’exploitation du fonds, sa valeur s’en trouverait diminuée.
    • À cet égard, l’article 524 du Code civil établit une liste de meubles qui sont présumés être indispensables à l’exploitation de l’immeuble.
    • Il s’infère de cette liste, dont le contenu est pour le moins désuet que peuvent être qualifiés d’immeubles par destination
      • Les biens affectés à un fonds agricole, tels que :
        • Les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture ( 522 C. civ.) ainsi que ceux que le propriétaire d’un fonds y a placés aux mêmes fins (art. 524, al. 2 C. civ.), y compris les ruches à miel (art. 524, al. 6 C. civ.)
        • Les outils et le matériel agricole et autres ustensiles aratoires, pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes ( 524, al. 4 et 7 C. civ.)
        • Les semences données aux fermiers ou métayers ( 524, al. 5 C. civ.) ou encore les pailles et engrais (art. 524, al. 9 C. civ.)
      • Les biens affectés à une exploitation industrielle
        • L’article 524 du Code civil prévoit que « sont immeubles par destination, quand ils ont été placés par le propriétaire pour le service et l’exploitation du fonds […] les ustensiles nécessaires à l’exploitation des forges, papeteries et autres usines».
        • Il ressort de cette disposition que sont ici visés tous les biens susceptibles d’être affectées à l’exploitation d’une activité industrielle, soit plus précisément à des immeubles au sein desquels sont fabriqués des produits et des marchandises.
      • Les biens affectés à une exploitation commerciale
        • La liste établi par l’article 524 du Code civil n’est pas exhaustive de sorte d’autres cas sont susceptibles d’être envisagés.
        • Il en va notamment ainsi de l’affectation d’un bien au service d’un fonds à des fins commerciales
        • Les outils ou les machines affectées à l’exploitation d’un fonds de commerce peuvent ainsi être qualifiés d’immeubles par destination.
        • Peuvent également être qualifiés d’immeubles par destination les meubles garnissant un hôtel ou un restaurant.
  • L’attache à perpétuelle demeure d’un bien à un fonds
    • Le lien qui existe ici entre le bien immobilisé et l’immeuble n’est pas de nature économique, en ce sens qu’il est indifférent que le bien soit utile ou indispensable à l’exploitation du fonds.
    • Ce qui est déterminant ici c’est l’existence d’un lien matériel (une attache) entre le meuble et l’immeuble qui exprime la volonté du propriétaire de créer un rapport de destination.
    • Dans un arrêt du 18 octobre 1950, la Cour de cassation a précisé que l’attache doit se manifester par « des faits matétiels d’adhérence et durable» ( civ., 18 oct. 195)
    • Quant au Code civil, il précise à l’article 525 les différentes modalités d’attache qui présument l’intention du propriétaire d’affecter un bien à un fonds
    • Cette disposition prévoit en ce sens que le propriétaire est censé avoir attaché à son fonds des effets mobiliers à perpétuelle demeure, quand :
      • Soit ils y sont scellés en plâtre ou à chaux ou à ciment
      • Soit lorsqu’ils ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés
      • Soit quand il s’agit de glaces, de tableaux ou d’ornements fixées dans un appartement lorsque le parquet sur lequel elles sont attachées fait corps avec la boiserie.
      • Soit quand il s’agit de statues, lorsqu’elles sont placées dans une niche pratiquée exprès pour les recevoir, encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration.
    • Au bilan, l’attache à perpétuelle demeure se déduit de la nature du lien matériel qui existe entre le bien affecté et l’immeuble.
    • La question qui est alors susceptible de se poser est de savoir à quel niveau se situe la frontière entre les biens attachés à perpétuelle demeure et les immeubles par nature.
    • Deux différences sont classiquement relevées par la doctrine
      • Première différence : l’attache à perpétuelle demeure consiste un en lien moins intense que le rapport d’incorporation
        • Tandis que les biens immobilisés par nature sont indissociablement liés, les biens immobilisés par destination conservent leur individualité propre
      • Seconde différence: l’immobilisation par destination procède de la volonté du propriétaire des deux biens
        • Lorsque le bien est immobilisé par nature, la cause de cette immobilisation est indifférente : il importe peu que les propriétaires du bien immobilisé et de l’immeuble soient des personnes différentes
        • Tel n’est pas le cas pour les immeubles par destination qui, pour être qualifiés ainsi, doivent relever du même patrimoine que celui dans lequel figure le fonds au service duquel ils sont affectés.

C) Cessation de l’immobilisation par destination

S’il peut être mis fin à l’immobilisation d’un bien par destination, cette opération est subordonnée à l’observation de deux conditions cumulatives.

  • Première condition : la volonté du propriétaire
    • La cessation de l’immobilisation par destination doit être voulue par le propriétaire
    • Il en résulte qu’elle ne peut pas être subie dans le cadre, par exemple, d’une saisie ou encore consécutivement à l’action d’un tiers
  • Seconde condition : l’accomplissement d’un acte
    • Si la volonté du propriétaire est nécessaire à la cessation de l’immobilisation d’un bien par destination, elle n’est pas nécessaire.
    • La jurisprudence exige, en effet, que cette volonté se traduise :
      • Soit par l’accomplissement d’un acte matériel qui consistera à séparer le meuble immobilisé de l’immeuble
      • Soit par l’accomplissement d’un acte juridique qui consistera en l’aliénation séparée des deux biens (V. en ce sens 1ère civ. 11 janv. 2005).

III) Les immeubles par l’objet

L’article 526 du Code civil prévoit que sont immeubles, par l’objet auquel ils s’appliquent:

  • L’usufruit des choses immobilières ;
  • Les servitudes ou services fonciers ;
  • Les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.

Le point commun entre ces trois catégories est qu’elles recouvrent toutes des biens incorporels. Plus précisément, il s’agit de biens envisagés comme des droits, lesquels droits portent sur des immeubles.

Le législateur a ainsi considéré que lorsqu’un droit a pour objet un immeuble, il endosse également, par contamination, le statut d’immeuble. On parle alors de droit réel immobilier.

À cet égard, l’article 526 du Code civil étend la catégorie des immeubles par l’objet aux actions de justice qui sont relatives aux immeubles.

À l’examen, au nombre des biens immobiliers par l’objet figurent :

  • Les droits réels immobiliers principaux
    • Les droits réels immobiliers principaux comprennent notamment :
      • L’usufruit immobilier
      • Les servitudes ou services fonciers
      • Le droit d’usage et d’habitation
      • L’emphytéose
      • Le bail à construction, à réhabilitation ou réel immobilier
  • Les droits réels immobiliers accessoires
    • Les droits réels immobiliers accessoires comprennent notamment :
      • L’hypothèque
      • Le gage immobilier
      • Les privilèges immobiliers
  • Les actions réelles immobilières
    • L’article 526 du Code civil que sont des immeubles par l’objet « les actions qui tendent à revendiquer un immeuble.»
    • Le périmètre envisagé par cette disposition est ici trop restreint.
    • En effet, doivent plus généralement être qualifiées d’immobilières toutes les actions en justice qui visent à exercer un droit réel immobilier principal ou accessoire.
    • Tel est le cas de l’action confessoire d’usufruit ou de servitude ou bien de l’action hypothécaire.

La saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières

==> Généralités

Les articles L. 521-1 et R. 521-1 du CPCE prévoient qu’une saisie conservatoire peut être pratiquée sur tous les biens mobiliers, corporels ou incorporels, appartenant au débiteur, même s’ils sont détenus par un tiers ou s’ils ont fait l’objet d’une saisie conservatoire antérieure.

A la différence des sûretés judiciaires, une saisie conservatoire a pour effet de rendre indisponible le bien ou la créance sur lesquels elle porte.

Pour rappel, une sûreté judiciaire peut être prise à titre conservatoire sur les immeubles, les fonds de commerce, les actions, parts sociales et valeurs mobilières appartenant au débiteur (Art. L. 531-1 du CPCE).

S’agissant de la procédure de saisie pratiquée à titre conservatoire elle diffère peu de la procédure applicable aux saisies proprement dites, en ce qu’elles comportent des actes de saisie exécutés par des huissiers de justice en vertu de l’article L. 122-1 du CPCE.

Reste qu’il s’agit de mesures conservatoires, de sorte qu’elles comportent quelques spécificités.

==> Conditions d’accomplissement de la saisie conservatoire

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

Lorsque ces conditions de fond et procédurales sont réunies, le créancier peut saisir un huissier de justice aux fins de procéder aux opérations de saisie.

Le CPCE organise quatre procédures de saisie à titre conservatoire portant sur les biens dont l’énumération suit :

  • La saisie conservatoire sur les biens meubles corporels ( R. 522-1 à R. 522-14 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des créances ( R. 523-1 à R. 523-10 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières ( R. 524-1 à R. 524-6 CPCE) ;
  • La saisie conservatoire des biens placés dans un coffre-fort ( R. 525-1 à R. 525-5 CPCE).

Nous ne nous préoccuperons ici que de la saisie conservatoire des droits des associés et des valeurs mobilières.

Cette saisie a pour objectif de rendre indisponible l’intégralité des droits d’associé et valeurs mobilières détenus par le débiteur sans pour autant conférer au créancier saisissant un droit préférentiel sur les titres saisis.

I) Les opérations de saisie

Les opérations de saisie conservatoire des droits d’associé et des valeurs mobilières comportent la signification d’un acte de saisie au tiers et sa dénonciation au débiteur.

A) Signification d’un acte de saisie au tiers

  1. Détermination du tiers saisi

La détermination de la personne à laquelle l’acte de saisie doit être signifié, dépend de l’objet de la saisie.

a) Principe

L’article R. 232-1 du CPCE prévoit que les droits d’associé et les valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire doivent être saisis auprès de la société ou de la personne morale émettrice.

Ce principe, intangible en ce qui concerne les droits d’associé, souffre plusieurs exceptions lorsque la saisie porte sur des valeurs mobilières.

Il peut être observé que les droits incorporels autres que les droits d’associés et valeurs mobilières sont en principe saisissables en vertu de cette disposition en l’absence d’interdiction.

Mais le décret n°92-755 du 31 juillet 1992 codifié au code des procédures civiles d’exécution n’a pas prévu de procédure de saisie appropriée.

b) Exceptions

==> Cas des valeurs mobilières nominatives

Les valeurs mobilières nominatives dont les comptes sont tenus par un mandataire de la société (banque, établissement financier, avocat, notaire…) sont saisies auprès de celui-ci.

La société est tenue de faire connaître à l’huissier l’identité de son mandataire (art. R. 232-2 CPCE).

Toutefois, si le titulaire de valeurs nominatives a chargé un intermédiaire habilité (banque, société de bourse) de gérer son compte, la saisie est opérée auprès de cet intermédiaire (art. R. 232-3, al. 2 CPCE).

==> Cas des valeurs mobilières au porteur

Les valeurs mobilières au porteur sont obligatoirement gérées par un intermédiaire habilité chez qui l’inscription a été prise.

C’est donc à ce dernier que l’acte de saisie doit être signifié (art. R. 232-3, al. 1 CPCE).

==> Cas de l’existence d’un seul intermédiaire habilité

Le débiteur titulaire de valeurs mobilières nominatives et de valeurs mobilières au porteur peut confier l’ensemble de ces valeurs à un seul intermédiaire habilité auprès duquel la saisie devra donc être opérée (art. R. 232-4 CPCE).

Aux fins de faire connaître ces personnes, lorsque la saisie ne peut être pratiquée auprès d’elle, la société émettrice est tenue d’informer l’huissier du nom du mandataire ou de l’intermédiaire habilité qui tient ses comptes.

L’huissier qui connaît ainsi l’intermédiaire pratique la saisie entre ses mains et lui signifie directement l’acte de saisie.

2. Forme

L’article R. 524-1 du CPCE prévoit que la saisie est pratiquée au moyen d’un acte d’huissier qui contient, à peine de nullité :

  • Les nom et domicile du débiteur ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
  • L’indication de l’autorisation ou du titre en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
  • Le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée ;
  • L’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs mobilières dont le débiteur est titulaire ;
  • La sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies.

3. Effet

Le 1er alinéa de l’article R. 232-8 du CPCE, auquel renvoie l’article R. 524-3 du même Code en ce qui concerne la saisie conservatoire, prévoit que l’acte de saisie rend indisponible les droits pécuniaires du débiteur.

II en résulte que celui-ci ne peut plus, à compter de la signification de l’acte de saisie au tiers détenteur des titres, ni percevoir les dividendes ou intérêts, ni céder ou nantir les valeurs et droits saisis.

B) Dénonciation de l’acte de saisie au débiteur

Les modalités de cette dénonciation prévues à l’article R. 524-2 du CPCE sont les mêmes que pour les saisies-conservatoires des créances.

Le débiteur peut obtenir la mainlevée de l’acte de saisie en consignant une somme suffisante pour désintéresser le créancier, laquelle est spécialement affectée au profit de ce dernier (art. R. 232-8, al. 2 CPCE auquel renvoie l’article R. 524-3 CPCE).

II) La conversion en saisie-vente

A) Procédure

La conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente suppose que le créancier ait obtenu un titre exécutoire qui constate l’existence de sa créance.

Un acte de conversion est signifié au débiteur puis dénoncé au tiers.

  1. Signification au débiteur

L’article R.524-4 du CPCE prévoit que l’acte de conversion signifié au débiteur doit contenir, à peine de nullité :

  • La référence au procès-verbal de saisie conservatoire ;
  • L’énonciation du titre exécutoire ;
  • Le décompte distinct des sommes à payer en principal, frais et intérêts échus, ainsi que l’indication du taux des intérêts ;
  • Un commandement d’avoir à payer cette somme, faute de quoi il sera procédé à la vente des biens saisis ;

Le procès-verbal de conversion comporte, outre la référence au titre exécutoire, celle de la mise en demeure, soit :

  • L’indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des valeurs saisies dans les conditions prescrites soit à l’article R. 233-3 du CPCE, soit, s’il s’agit de droits d’associés ou de valeurs mobilières non admises à la cote officielle ou à celle du second marché, à l’article R. 221-30 du CPCE, à l’article R. 221-31 du CPCE et à l’article R. 221-32 du CPCE ;
  • Si la saisie porte sur des valeurs mobilières cotées, l’indication qu’il peut, en cas de vente forcée et jusqu’à la réalisation de celle-ci, faire connaître au tiers saisi l’ordre dans lequel elles devront être vendues ;
  • La reproduction des articles R. 221-30 à 233-3 du CPCE.

2. Dénonciation au tiers saisi

L’article R. 524-5 du CPCE prévoit qu’une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au tiers saisi.

B) Modalités de la vente

La vente des droits d’associés et des valeurs mobilières intervient selon des modalités semblables à celles qui existent en matière de saisie-vente des mêmes biens (art. R. 233-3 à R. 233-9 du CPCE auxquels renvoie l’article R. 524-6 du CPCE).

  1. La vente volontaire

Dans le mois de la signification qui lui a été faite, le débiteur peut donner l’ordre de vendre les valeurs mobilières saisies.

Le produit de la vente est alors indisponible entre les mains de l’intermédiaire habilité pour être affecté spécialement au paiement du créancier saisissant.

Si les sommes provenant de la vente suffisent à désintéresser le ou les créanciers, cette indisponibilité cesse pour le surplus des valeurs saisies (art. 233-3 CPCE).

Jusqu’à la réalisation de la vente forcée, le débiteur peut indiquer au tiers saisi l’ordre dans lequel les valeurs mobilières seront vendues.

A défaut, aucune contestation n’est recevable sur le choix effectué (art. R233-4 CPCE).

2. La vente forcée

La vente forcée est effectuée à la demande du créancier saisissant sur présentation d’un certificat, délivré par le secrétariat-greffe du tribunal de grande instance ou établi par l’huissier qui a procédé à la saisie, attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou, le cas échéant, d’un jugement ayant rejeté la contestation soulevée par le redevable (art. R233-1 CPCE).

Une fois en possession du certificat délivré par le greffe ou l’huissier, le créancier transmet ce document au tiers saisi en lui demandant de faire procéder à la vente des valeurs saisies.

Celle-ci s’effectuera par l’intermédiaire de la société de bourse opérant habituellement pour le compte du tiers saisi, dès lors qu’il s’agit de titres cotés.

Le CPCE ne prévoit pas que cette demande doive présenter la forme d’une signification par voie d’huissier.

Toutefois, afin de limiter les possibilités de contestation par le débiteur, ce mode de notification est privilégié.

En revanche, l’intervention de l’avocat du créancier ne se justifie pas en l’absence de contentieux devant le juge judiciaire.

Le créancier se tient informé de la vente auprès du tiers saisi qui doit bloquer les fonds provenant de la vente des titres et les lui verser à réception.

Qu’elle soit volontaire ou forcée, la vente des valeurs mobilières admises à la cote officielle ou à celle du second marché est réalisée par l’intermédiaire d’une société de bourse, qui a le monopole de la négociation des valeurs mobilières admises aux négociations par le conseil des bourses de valeur.

Naissance de la créance de dividendes au jour de la décision de distribution (Cass. com. 13 sept. 2017)

Par un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation a estimé que la créance de dividende naissait au jour de la délibération statuant sur leur distribution.

  • Faits
    • Le trésor public entend saisir entre les mains d’une SCI les dividendes susceptibles d’être distribués à son gérant et associé au titre d’une dette fiscale dont il était personnellement redevable.
    • La SCI refuse de déférer à la demande de l’administration fiscale, arguant que les dividendes dont cette dernière se prévalait ne pouvaient faire l’objet d’aucune saisie, dans la mesure où ils n’avaient pas été distribués, mais affectés au compte « report à nouveau »
    • La SCI oppose, en somme, au Trésor public qu’il n’est titulaire d’aucune créance à l’encontre de son gérant et associé.
  • Demande
    • Le Trésor public assigne la SCI aux fins d’obtenir un titre exécutoire à son encontre.
  • Procédure
    • Par un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour d’appel de Nîmes fait droit à la demande de l’administration fiscale
    • Les juges du fond considèrent que dès lors que le gérant et associé de la SCI avait déclaré dans ses revenus fonciers avoir touché des dividendes, il était indifférent qu’aucune distribution n’ait été effectuée par la société
  • Solution
    • Par un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation casse et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes
    • Elle considère que dans la mesure où « les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé […] en l’absence d’une telle décision, la SCI n’était pas débitrice de M. Y… et ne pouvait être condamnée aux causes de la saisie pour avoir méconnu son obligation de renseignement, la cour d’appel a violé les textes susvisés»
    • Ainsi, pour la chambre commerciale, la créance de dividendes naît au jour de la délibération de l’organe social statuant sur leur distribution
  • Analyse
    • La position adoptée par la Cour de cassation est conforme à sa jurisprudence antérieure.
    • Dans un arrêt du 23 octobre 1993 la chambre commerciale avait par exemple affirmé que « la décision de l’assemblée générale de distribuer tout ou partie des bénéfices réalisés au cours de l’exercice sous forme de dividendes […] confère à ceux-ci l’existence juridique» (Cass. com. 23 oct. 1993).
    • Cette solution a été réitérée dans un arrêt du 10 février 2009 où la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que « les bénéfices réalisés par une société ne participent de la nature des fruits que lors de leur attribution sous forme de dividendes, lesquels n’ont pas d’existence juridique avant l’approbation des comptes de l’exercice par l’assemblée générale, la constatation par celle-ci de l’existence de sommes distribuables et la détermination de la part qui est attribuée à chaque associé» (Cass com. 10 févr. 2009).
    • La position adoptée par la Cour de cassation se justifie notamment en raison du droit dont est titulaire la personne morale, dont la volonté est exprimée par l’assemblée générale, de ne pas affecter ses bénéfices à la distribution de dividendes.
    • Elle peut parfaitement décider, par mesure de précaution, d’incorporer les bénéfices dans les réserves.
    • Aussi, tant que la décision de distribution des dividendes n’a pas été prise par l’organe social délibérant, les associés sont susceptibles de se prévaloir d’une créance à l’encontre de la personne morale.

Cass. com. 13 sept. 2017
Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 211-3 et R. 211-15 du code des procédures civiles d’exécution, ensemble les articles 1842 et 1852 du code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y..., gérant et associé de la SCI SM Patrimoine (la SCI), est débiteur à l’égard du Trésor public de la somme de 53 570,49 euros ; que le comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon-Est a fait pratiquer une saisie-attribution des sommes dues par la SCI à M. Y... ; qu’estimant que la SCI avait manqué à ses obligations de tiers saisi, le comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon-Est l’a assignée pour demander la délivrance d’un titre exécutoire à son encontre ; que la SCI a contesté être débitrice de M. Y... au motif que ses bénéfices n’avaient pas été distribués mais affectés au compte « report à nouveau » ;

Attendu que pour condamner la SCI à payer au comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon-Est la somme de 53 570,49 euros, l’arrêt retient que l’argument de la SCI, selon lequel l’absence de preuve de sa qualité de débitrice de M. Y... résulte de l’affectation des revenus fonciers déclarés au compte « report à nouveau » sans distribution, est inopérant dès lors que la créance de M. Y... sur elle résulte de la déclaration des revenus fonciers 2011 de ce dernier ;

Qu’en statuant ainsi, alors que les dividendes n’ont pas d’existence juridique avant la constatation de sommes distribuables par l’organe social compétent et la détermination de la part attribuée à chaque associé, de sorte qu’en l’absence d’une telle décision, la SCI n’était pas débitrice de M. Y... et ne pouvait être condamnée aux causes de la saisie pour avoir méconnu son obligation de renseignement, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il infirme le jugement rendu le 22 janvier 2015 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Avignon en ce qu’il a rejeté la demande du Trésor public tendant à se voir délivrer un titre exécutoire à l’encontre de la SCI SM patrimoine, en ce qu’il condamne la SCI SM patrimoine à payer au comptable du service des impôts des particuliers d’Avignon-Est la somme de 53 570,49 euros, et en ce qu’il statue sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile, l’arrêt rendu le 14 janvier 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;