L’insaisissabilité de la résidence principale et des biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel

Parce que la personnalité juridique est indivisible et que le patrimoine est une émanation de cette personnalité, une même personne ne peut, par principe, être titulaire que d’un seul patrimoine. Aussi, parle-t-on, d’unicité ou d’indivisibilité du patrimoine.

  • Positivement, il en résulte que le passif répond du passif et que l’ensemble des dettes sont exécutoires sur l’ensemble des biens, conformément aux articles 2284 et 2285 du Code civil
  • Négativement, il se déduit qu’il est interdit d’isoler certains éléments du patrimoine, pour constituer une universalité distincte du reste du patrimoine

Ainsi, une personne qui affecterait certains biens à l’exercice d’une activité professionnelle n’aurait, par principe, pas pour effet de créer un ensemble de biens et de dettes séparé de son patrimoine personnel, sauf à créer une personne morale ou à accomplir les formalités aux fins de constituer un patrimoine professionnel.

Le principe d’unicité du patrimoine est assorti de plusieurs exceptions qui tiennent :

  • Au régime juridique de la fiducie
  • Au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée
  • A l’insaisissabilité des biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel
  • Au statut de l’agent des sûretés

Nous nous focaliserons ici sur l’insaisissabilité dont font l’objet certains biens détenus par l’entrepreneur individuel.

I) Principe de l’insaisissabilité

A partir de 2003, le législateur a adopté plusieurs textes qui visent à rendre insaisissable de la résidence principale et plus généralement les biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel.

Les biens couverts par cette insaisissabilité sont, en effet, exclus du gage général des créanciers, ce qui revient à créer une masse de biens protégée au sein même du patrimoine de l’entrepreneur individuel.

Cette protection patrimoniale dont jouit ce dernier a été organisée par une succession de lois qui, au fil des réformes, ont non seulement assoupli les conditions de l’insaisissabilité de la résidence principale, mais encore ont étendu son assiette aux autres biens immobiliers non affectés à l’activité professionnelle.

  • Première étape : la loi n° 2003-271 du 1er août 2003 sur l’initiative économique avait permis à l’entrepreneur individuel de rendre insaisissables les droits qu’il détient sur l’immeuble lui servant de résidence principale.
  • Deuxième étape: la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, dite loi de modernisation de l’économie (LME) a étendu le bénéfice de l’insaisissabilité aux droits détenus par l’entrepreneur individuel sur tout bien foncier bâti ou non bâti non affecté à un usage professionnel.
  • Troisième étape: la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a limité les effets de la déclaration d’insaisissabilité en prévoyant que celle-ci n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsqu’elle relève, à l’encontre du déclarant, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales au sens de l’article 1729 du code général des impôts.
  • Quatrième étape: la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a rendu, de plein droit, insaisissable la résidence principale de l’entrepreneur individuel

Ainsi, cette dernière loi a-t-elle renforcé la protection de ce dernier qui n’est plus obligé d’accomplir une déclaration pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité.

Reste que cette insaisissabilité, de droit, ne vaut que pour la résidence principale. S’agissant, en effet, des autres biens immobiliers détenus par l’entrepreneur et non affectés à son activité professionnelle, leur insaisissabilité est subordonnée à l’accomplissement d’un acte de déclaration.

II) Domaine

En application de l’article L. 526-1 du Code de commerce le dispositif ne bénéficie qu’aux seuls entrepreneurs immatriculés à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante.

Il convient ainsi d’opérer une distinction entre les entrepreneurs individuels pour lesquels le texte exige qu’ils soient immatriculés et ceux qui ne sont pas assujettis à cette obligation

  • Les entrepreneurs assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les commerçants doivent s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés
    • Les artisans doivent s’immatriculer au Répertoire des métiers
    • Les agents commerciaux doivent s’immatriculer au registre national des agents commerciaux s’il est commercial.
    • Concomitamment à cette immatriculation, l’article L. 526-4 du Code de commerce prévoit que « lors de sa demande d’immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l’exercice de sa profession. »
  • Les entrepreneurs non assujettis à l’obligation d’immatriculation
    • Les agriculeurs n’ont pas l’obligation de s’immatriculer au registre de l’agriculture pour bénéficier du dispositif d’insaisissabilité
    • Il en va de même pour les professionnels exerçant à titre indépendant, telles que les professions libérales (avocats, architectes, médecins etc.)

 Au total, le dispositif d’insaisissabilité bénéficie aux entrepreneurs individuels, au régime réel comme au régime des microentreprises, aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée propriétaires de biens immobiliers exerçant une activité commerciale, artisanale, libérale ou agricole, ainsi qu’aux entrepreneurs au régime de la microentreprise et aux entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL).

III) Régime

Désormais, le régime de l’insaisissabilité des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel diffère, selon qu’il s’agit de sa résidence principale ou de ses autres biens immobiliers.

==> L’insaisissabilité de la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 1er du Code de commerce dispose désormais en ce sens que « les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité de la résidence principale est de droit, de sorte qu’elle n’est pas subordonnée à l’accomplissement d’une déclaration.

Le texte précise que lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu’un état descriptif de division soit nécessaire.

==> L’insaisissabilité des biens immobiliers autres que la résidence principale

L’article L. 526-1, al. 2e du Code de commerce prévoit que « une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. »

Ainsi, si les biens immobiliers autres que la résidence principale peuvent bénéficier du dispositif de l’insaisissabilité, c’est à la double condition que l’entrepreneur individuel accomplisse, outre les formalités d’immatriculation le cas échéant requises, qu’il accomplisse une déclaration d’insaisissabilité et qu’il procède aux formalités de publication.

  • Sur l’établissement de la déclaration d’insaisissabilité
    • L’article L. 526-2 du Code de commerce précise qu’elle doit être reçue par notaire sous peine de nullité.
    • C’est donc par acte notarié que la déclaration d’insaisissabilité doit être établie
    • En outre, elle doit contenir la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis.
    • Par ailleurs, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que lorsque le bien foncier n’est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l’objet de la déclaration qu’à la condition d’être désignée dans un état descriptif de division.
  • Sur la publicité de la déclaration d’insaisissabilité
    • Une fois établie, la déclaration d’insaisissabilité doit faire l’objet de deux formalités de publicité
      • En premier lieu, elle doit être publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation.
      • En second lieu, elle doit :
        • Soit, lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, y être mentionnée.
        • Soit, lorsque la personne n’est pas tenue de s’immatriculer dans un registre de publicité légale, être publié sous la forme d’extrait dans un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel est exercée l’activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du bénéfice de l’insaisissabilité.

Enfin, il convient d’observer que la déclaration d’insaisissabilité ne peut porter que sur les biens immobiliers non affectés à l’usage professionnel.

Aussi, elle se distingue de la déclaration d’affection du patrimoine du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, laquelle porte obligatoirement sur les biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle et facultativement sur les biens, droits, obligations ou sûretés utilisés dans ce cadre (cette dernière, permet d’exclure du patrimoine professionnel tous les biens mobiliers et les droits qui ne peuvent être protégés par la déclaration d’insaisissabilité).

Il en résulte que, l’entrepreneur d’une EIRL peut limiter l’étendue de la responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, destiné à l’activité professionnelle, sans constituer de société, étant précisé que les deux déclarations peuvent être cumulées.

IV) Effets

S’agissant de la résidence principale de l’entrepreneur individuel, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que l’insaisissabilité, qui est ici de droit, ne produit ses effets qu’à l’encontre des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne.

Dès lors que la dette est contractée dans le cadre de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, il bénéficie du dispositif d’insaisissabilité de sa résidence principale. La date de la créance est ici indifférente.

 S’agissant des biens immobiliers autres que la résidence principale, l’article L. 526-1 du Code de commerce prévoit que la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant.

Il en résulte que les dettes à caractère professionnel contractées antérieurement à la publication de la déclaration d’insaisissabilité, elles demeurent exécutoires sur l’ensemble des biens immobiliers détenus par l’entrepreneur individuel, y compris sur sa résidence principale.

En toute hypothèse, seules les dettes contractées dans le cadre d’une activité professionnelle autorisent l’entrepreneur individuel à se prévaloir de l’insaisissabilité de ses biens  immobiliers.

En outre, en application de l’article L. 526-1, al. 3 du Code de commerce, l’insaisissabilité n’est jamais opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l’article 1729 du code général des impôts.

Par ailleurs, les effets de l’insaisissabilité et ceux de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque l’entrepreneur est attributaire du bien. Ils subsistent également en cas de décès jusqu’à la liquidation de la succession.

Enfin, en cas de cession des droits immobiliers sur la résidence principale, le prix obtenu demeure insaisissable, sous la condition du remploi dans le délai d’un an des sommes à l’acquisition par l’entrepreneur individuel d’un immeuble où est fixée sa résidence principale.

V) La renonciation

À l’analyse le dispositif d’insaisissabilité mis en place par le législateur peut avoir un impact sur l’accès au crédit, dans la mesure où la résidence principale ne fait plus d’emblée partie du gage de l’ensemble des créanciers.

C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu que l’entrepreneur individuel puisse, afin de ne pas limiter ses capacités de financement, d’y renoncer.

==> Principe

L’article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que « l’insaisissabilité des droits sur la résidence principale et la déclaration d’insaisissabilité portant sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, non affecté à l’usage professionnel peuvent, à tout moment, faire l’objet d’une renonciation soumise aux conditions de validité et d’opposabilité prévues à l’article L. 526-2 ».

Il ressort de cette disposition que l’insaisissabilité qui protège les biens immobiliers de l’entrepreneur individuel peut, sur sa décision, être levée à la faveur de créanciers avec lesquels il aurait contracté dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette faculté de renonciation dont jouit l’entrepreneur individuel peut porter sur tout ou partie des biens.

Elle peut également être faite au bénéfice d’un ou de plusieurs créanciers désignés par l’acte authentique de renonciation.

Afin d’obtenir un prêt, il est donc possible à l’entrepreneur individuel de renoncer au profit d’une banque à l’insaisissabilité de sa résidence principale.

==> Conditions

Tout d’abord, la renonciation au dispositif d’insaisissabilité doit être effectuée au moyen d’un acte notarié à l’instar de la déclaration d’insaisissabilité.

Ensuite, l’article R. 526-2 du Code de commerce prévoir que cette renonciation doit dans un délai d’un mois, faire l’objet d’une demande d’inscription modificative au registre du commerce et des sociétés.

Enfin, lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci.

==> Révocation

La renonciation peut néanmoins, à tout moment, être révoquée dans les mêmes conditions de validité et d’opposabilité que celles prévues pour la déclaration d’insaisissabilité.

Il s’agit là d’une faculté qui peut être exercée discrétionnairement par l’entrepreneur individuel, sans que les créanciers puissent former opposition.

Cette révocation n’aura toutefois d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à sa publication.

L’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL): régime juridique

==> Ratio legis

Lorsqu’un entrepreneur individuel exerce, en nom propre, son activité professionnelle, il s’expose à ce que la totalité de son patrimoine – professionnel et personnel – soit saisie en cas de difficultés financières.

Jusque récemment, le seul moyen pour un entrepreneur de préserver son patrimoine personnel en limitant le gage des créanciers aux biens exploitées à titre professionnel était de créer une société.

En effet, le recours à la forme sociétale répond parfaitement au souci de distinguer patrimoine professionnel et patrimoine personnel, dettes professionnelles et dettes personnelles.

Une société, personne morale distincte de l’entrepreneur, dispose d’un patrimoine propre et répond des dettes résultant de son activité. Quant au patrimoine personnel de l’entrepreneur, il demeure extérieur à l’activité professionnelle et, par conséquent, est protégé de ses aléas.

La création d’une personne morale se révèle néanmoins parfois inadaptée à l’exercice d’une activité professionnelle à titre individuel en raison de la lourdeur du formalisme et des obligations qui pèsent sur le chef d’entreprise.

Par ailleurs, des études ont révélé que la vulnérabilité de leur statut ou plutôt de leur absence de statut, ne suffisait pas à inciter les entrepreneurs individuels à faire le choix systématique de la forme sociétale. Ils sont en proie à des « freins psychologiques », que l’on peut résumer en une réticence de l’entrepreneur à constituer une personne morale distincte.

==> De l’EURL à l’EIRL

Fort de ce constat, le législateur a cherché à encourager les entrepreneurs à se tourner vers la forme sociale en simplifiant les règles de création et de fonctionnement des sociétés :

  • La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée a rompu avec le principe de l’affectio societatis, selon lequel une société résulte de la volonté de collaborer d’au moins deux associés, en permettant à un entrepreneur individuel de constituer seul une société ;
  • La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle a procédé à une refonte des formalités et obligations auxquelles étaient soumises les entreprises, dans le but de les simplifier ;
  • La loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique a d’abord institué le mécanisme d’insaisissabilité de la résidence principale aux articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce, constituant une entorse au droit de gage général posé aux articles 2284 et 2285 du code civil. Elle a ensuite supprimé le capital minimum dans les SARL, rompant ainsi avec le principe de capitalisation des sociétés ;
  • La loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a procédé à de nouvelles simplifications dans le fonctionnement des entreprises et étendu l’insaisissabilité à tous les biens fonciers non affectés à l’usage professionnel.

Nonobstant ces réformes successives qui visaient à encourager l’exercice de l’entreprenariat individuel au moyen d’une forme sociale, ni l’EURL ni l’insaisissabilité n’ont attiré les entrepreneurs.

Le législateur en a tiré la conséquence, qu’il convenait de changer de paradigme et d’ouvrir une brèche dans le sacro-saint principe de l’unicité du patrimoine.

Par souci de justice social et de protection de la famille des entrepreneurs exerçant en nom propre, la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a créé le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

La particularité de ce statut, et c’est la révolution opérée par ce texte, est qu’il permet à l’entrepreneur individuel qui exerce en nom propre de créer un patrimoine d’affectation.

==> Notion de patrimoine d’affectation

L’article L. 526-6 du Code de commerce dispose que « pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7. »

Ce texte autorise ainsi l’entrepreneur individuel, qui adopte le statut d’EIRL, à affecter un patrimoine à l’exercice de son activité professionnelle de façon à protéger son patrimoine personnel et familial, sans créer de personne morale distincte de sa personne.

La création d’un patrimoine d’affectation déroge manifestement aux règles posées aux articles 2284 et 2285 du Code civil, en établissant que les créances personnelles de l’entrepreneur ne sont gagées que sur le patrimoine non affecté, et les créances professionnelles sur le patrimoine affecté.

L’admission de la constitution d’un patrimoine d’affectation opère une rupture profonde avec le dogme de l’unicité du patrimoine organisé jusqu’alors par le droit civil français.

==> Conditions de création d’un patrimoine d’affectation

En application de l’article L. 526-6 du Code de commerce, la création d’un patrimoine d’affectation est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • Première condition : exigence de déclaration d’affectation
    • L’article L. 526-7 prévoit que la constitution du patrimoine affecté résulte d’une déclaration effectuée :
      • Soit au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur individuel est tenu de s’immatriculer ;
      • Soit au registre de publicité légale choisi par l’entrepreneur individuel en cas de double immatriculation ; dans ce cas, mention en est portée à l’autre registre ;
      • Soit, pour les personnes physiques qui ne sont pas tenues de s’immatriculer à un registre de publicité légale, à un registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal ;
      • Soit, pour les exploitants agricoles, au registre de l’agriculture tenu par la chambre d’agriculture compétente.
    • L’article L. 526-8 précise que « lors de la constitution du patrimoine affecté, l’entrepreneur individuel mentionne la nature, la qualité, la quantité et la valeur des biens, droits, obligations ou sûretés qu’il affecte à son activité professionnelle sur un état descriptif déposé au registre où est effectuée la déclaration prévue à l’article L. 526-7 pour y être annexé. »
    • La composition du patrimoine affecté est alors opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration d’affectation
  • Seconde condition ; exigence de tenue d’une comptabilité séparée
    • L’article L 526-13 du Code de commerce prévoit que « l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté fait l’objet d’une comptabilité autonome»
    • Il en résulte que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tenu de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l’activité à laquelle le patrimoine a été affecté.

==> Effets de la création d’un patrimoine d’affectation

La constitution d’un patrimoine d’affectation a pour effet la création d’un patrimoine professionnel séparé et distinct du patrimoine personnel de l’entrepreneur.

Ce patrimoine professionnel comportera alors un actif et un passif dont la délimitation sera déterminée par la déclaration d’affectation de l’entrepreneur individuel.

  • S’agissant de l’actif du patrimoine d’affectation
    • Il comprend l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaire à l’exercice de son activité professionnelle.
    • Il peut comprendre également les biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour l’exercice de son activité professionnelle, qu’il décide d’y affecter et qu’il peut ensuite décider de retirer du patrimoine affecté.
  • S’agissant du passif du patrimoine d’affectation
    • Il comprend l’ensemble des dettes contractées par l’entrepreneur individuel dans le cadre de l’exercice de son activité professionnel.
    • L’article L. 526-12 du Code de commerce invite néanmoins à distinguer selon que les dettes contractées sont nées postérieurement à la déclaration d’’affectation ou antérieurement.
      • S’agissant des dettes nées postérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la condition que la déclaration d’affectation leur soit opposable, ce qui implique que les formalités requises par l’article L. 526-7 du Code de commerce aient été valablement accomplies
      • S’agissant des dettes nées antérieurement à la déclaration d’affectation
        • Elles sont exécutoires sur les biens affectés par l’entrepreneur individuel à son activité professionnelle à la double condition que :
          • D’une part, elles aient été mentionnées dans la déclaration
          • D’autre part, que cette déclaration ait été portée à la connaissance des créanciers concernés afin qu’ils soient en mesure d’exercer leur droit de former opposition
        • S’agissant des créanciers auxquels la déclaration d’affectation n’est pas opposable, ils ont, en application de l’article L. 526-12 du Code de commerce « pour seul gage général le patrimoine non affecté. »

Si, la création d’un patrimoine d’affectation permet à l’entrepreneur de circonscrire le gage général de ses créanciers professionnels, les textes n’interdisent nullement que des sûretés soient constituées sur son patrimoine personnel, et en particulier des établissements de crédit que l’entrepreneur solliciterait en vue du financement ou de la trésorerie de son activité.

Ainsi, une banque peut toujours exiger, par exemple, une sûreté réelle sur la résidence principale ou la caution personnelle du conjoint de l’entrepreneur. Ce type de garanties ne s’exerce pas à la demande des fournisseurs.

Dans ces conditions, l’étanchéité des patrimoines ne peut pas être complète et les patrimoines sont distincts et non étanches l’un pour l’autre, sauf à ce que l’entrepreneur n’ait pas besoin de crédit ou bien soit en mesure de présenter des garanties suffisantes au sein de son patrimoine affecté.

Aussi, cette circonstance plaide-t-elle en faveur de la possibilité d’affecter plus que les seuls biens nécessaires, de façon à offrir aux créanciers le gage le plus étendu possible, de sorte que celui-ci puisse se suffire à lui-même.

Sûretés judiciaires: la publicité définitive

L’article L. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que, une sûreté judiciaire peut être constituée à titre conservatoire sur :

  • Les immeubles
  • Les fonds de commerce
  • Les actions, parts sociales et valeurs mobilières.

Il convient d’observer que la sûreté judiciaire peut être constituée sur un bien frappé d’indisponibilité telle qu’une créance faisait l’objet d’une saisie conservatoire.

==> Conditions de constitution des sûretés judiciaires

  • Les conditions de fond
    • L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.»
    • Il ressort de cette disposition que l’inscription d’une sûreté judiciaire est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :
      • Une créance paraissant fondée dans son principe
      • Des circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement
  • Les conditions procédurales
    • Le principe
      • Dans la mesure où des mesures conservatoires peuvent être prises, alors même que le créancier n’est en possession d’aucun titre exécutoire, le législateur a subordonné leur adoption à l’autorisation du juge ( L.511-1 du CPCE).
      • S’agissant des sûretés judiciaires, l’article R. 531-1 du Code des procédures civiles d’exécution prévoit que « sur présentation de l’autorisation du juge ou du titre en vertu duquel la loi permet qu’une mesure conservatoire soit pratiquée, une sûreté peut être prise sur un immeuble, un fonds de commerce, des parts sociales ou des valeurs mobilières appartenant au débiteur.»
      • L’article L. 511-3 du Code des procédures civiles d’exécution désigne le Juge de l’exécution comme disposant de la compétence de principe pour connaître des demandes d’autorisation.
      • La saisine du Juge de l’exécution peut être effectuée, tant avant tout procès, qu’en cours d’instance.
      • La compétence du Juge de l’exécution n’est, toutefois, pas exclusive
      • Il peut, à certaines conditions, être concurrencé par le Président du Tribunal de commerce.
    • Les exceptions
      • Par exception, l’article L. 511-2 du CPCE prévoit que, dans un certain nombre de cas, le créancier est dispensé de solliciter l’autorisation du Juge pour pratiquer une mesure conservatoire.
      • Les cas visés par cette disposition sont au nombre de quatre :
        • Le créancier est en possession d’un titre exécutoire
        • Le créancier est en possession d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
        • Le créancier est porteur d’une lettre de change acceptée, d’un billet à ordre ou d’un chèque
        • Le créancier est titulaire d’une créance de loyer impayé

==> Mise en œuvre de la constitution des sûretés judiciaires

La mise en œuvre de la constitution d’une sûreté judiciaire comporte deux phases :

  • La phase de publicité provisoire de la sûreté
  • La phase de publicité définitive de la sûreté

Nous ne nous intéresserons ici qu’à la seconde phase.

L’article L. 533-1 du CPCE prévoit que la publicité provisoire doit être confirmée par une publicité définitive après quoi elle donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière.

I) Délai

La publicité définitive doit être effectuée dans un délai de deux mois.

Le point de départ de ce délai est différent, selon que la procédure a été mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution ou avec un titre exécutoire (Art. R. 533-4 CPCE).

Ce délai est calculé comme le sont les délais de procédure, c’est-à-dire selon les dispositions des articles 640 et suivants du CPC.

En particulier, il expire le dernier jour du mois qui porte le même quantième que le jour de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir.

À défaut d’un quantième identique, il expire le dernier jour du mois (art. 641 CPC).

==> Procédure mise en œuvre après autorisation du juge de l’exécution

Le délai de deux mois pour procéder à la publicité définitive court du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée.

À cet égard, il est rappelé qu’une décision rendue par une juridiction civile est considérée comme passée en force de chose jugée lorsque les voies de recours ordinaires (opposition et appel) sont épuisées.

==> Procédure mise en œuvre avec un titre exécutoire

II résulte de la combinaison de l’article R. 532-6 et de l’article R. 533-4 du CPCE que le délai de deux mois est décompté de la manière suivante :

  • Délai minimum à respecter : la publicité définitive ne peut être effectuée avant l’expiration du délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de dénonciation prévu à l’article R. 532-5 du CPCE destiné à informer le débiteur de la réalisation de la publicité provisoire ( R. 532-6 CPCE) ;
  • Le point de départ du délai de deux mois est donc l’expiration du délai d’un mois
  • Par conséquent, le délai maximum dont dispose un créancier muni d’un titre exécutoire pour procéder à la publicité définitive est de trois mois à compter de la notification de l’acte informant le débiteur de l’accomplissement de la publicité provisoire (Art. R. 532-5 CPCE).

Toutefois, lorsque le débiteur a demandé la mainlevée de la publicité provisoire, le délai de deux mois court du jour de la décision rejetant la contestation (Art. R. 533-4, al. 2 CPCE).

Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai a pour point de départ le jour où le titre est passé en force de chose jugée.

II) Procédure

Pour procéder à la publicité définitive de la sûreté conservatoire, le créancier doit démontrer que les conditions requises sont réunies, c’est-à-dire, dans le cas le plus fréquent, présenter son titre exécutoire en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE.

II convient d’envisager deux situations.

A) Le bien objet de la sûreté n’a pas été vendu

==> Inscription d’hypothèque

L’article art. R. 533-2, al. 1 du CPCE prévoit que les formalités de publicité définitive de l’hypothèque judiciaire provisoire sont effectuées conformément à l’article 2428 du Code civil.

L’inscription provisoire prise par un créancier est confirmée par une inscription définitive, sans qu’il y ait lieu d’obtenir du juge une décision au fond, dans les deux mois de la décision passée en force de chose jugée rendant exécutoire la créance.

Sous réserve de l’appréciation des tribunaux, il y a lieu de considérer que ce délai de deux mois court à compter de la notification au redevable de la décision passée en force de chose jugée.

Il est calculé comme le sont les délais de procédure, selon les dispositions des articles 640 et suivants du Code de procédure civile.

Par ailleurs, en application du dernier alinéa de l’article R. 533-4 du CPCE le créancier doit présenter au responsable du service de la publicité foncière le document attestant du respect des conditions de délai qui lui sont imparties pour requérir l’inscription définitive.

Le défaut de production de cette pièce est sanctionné par le refus de dépôt, sans que le créancier ne puisse régulièrement s’y opposer.

En outre, l’inscription initiale devient caduque et sa radiation peut être demandée par l’intéressé au juge de l’exécution, en l’absence de confirmation de l’inscription dans le délai de deux mois.

En revanche, l’inscription définitive effectuée dans le délai rétroagit à la date de la formalité de l’inscription provisoire initiale dans la limite des sommes visées par cette dernière (Art. R. 533-1 CPCE).

L’inscription définitive conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans.

==> Inscription de nantissement du fonds de commerce

L’article R. 533-2, al. 1er du CPCE prévoit que la publicité définitive du nantissement provisoire du fonds de commerce est opérée conformément à l’article L. 143-17 du code de commerce et à l’article 24 de la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et au nantissement du fonds de commerce c’est-à-dire par le dépôt de deux bordereaux établis sur papier libre dans les mêmes formes que ceux utilisés pour requérir l’inscription provisoire, accompagnés d’un original ou d’une expédition du titre exécutoire.

==> Nantissement des parts sociales et valeurs mobilières

L’article R. 533-3, al. 1er du CPCPE prévoit que la publicité définitive du nantissement des parts sociales et valeurs mobilières est effectuée dans les mêmes formes que la publicité provisoire, c’est-à-dire par la signification d’un acte à la société ou d’une déclaration à l’une des personnes mentionnées aux articles R. 232-1, à R. 232-4 du CPCE.

S’il s’agit d’une société civile immatriculée, l’acte de nantissement devra être publié au registre du commerce et des sociétés.

Après accomplissement de cette formalité, le créancier peut, le cas échéant, demander l’agrément du nantissement.

B) La vente du bien objet de la sûreté est intervenue

Lorsque la vente du bien grevé est intervenue avant que le créancier ait été en mesure de procéder à la publicité définitive, cette dernière est remplacée par la signification du titre exécutoire à la personne chargée de la répartition du prix.

En application de l’article R. 533-5 du CPCE, cette signification doit intervenir dans le délai de deux mois prévu à l’article R. 533-4 du CPCE.

III) Effet

L’article R. 533-1 du CPCE prévoit que la publicité définitive donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale, dans la limite des sommes conservées par cette dernière.

L’inscription définitive se substitue alors rétroactivement à l’inscription provisoire.

II en résulte que l’ouverture d’une procédure collective ne met pas obstacle à la confirmation de la sûreté lorsque cette dernière a été publiée à titre conservatoire avant la cessation des paiements et le jugement déclaratif.

Cette position est conforme à la jurisprudence rendue par la Cour de cassation en matière d’hypothèque judiciaire provisoire (Cass. com. 17 novembre 1992, n° 90-22058).

L’article L. 632-1 du Code de commerce précise que la publicité définitive prise après la cessation des paiements est nulle, à moins que la publicité provisoire ne soit antérieure à la date de cessation des paiements.

L’inscription définitive de l’hypothèque judiciaire confère au créancier un droit de préférence et un droit de suite qui sont exercés dans les conditions prévues en matière d’hypothèque légale.

L’inscription conserve l’hypothèque judiciaire pendant dix ans. Pour conserver la garantie, le créancier doit procèder au renouvellement de l’inscription avant l’expiration de ce délai.

IV) Conséquence du défaut de publicité définitive

À défaut de confirmation dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE, la publicité provisoire est caduque (art. L. 533-1 et R. 533-6, al. 1 du CPCE). Elle cesse donc de produire effet et entraîne la radiation de l’inscription.

Lorsque l’inscription provisoire est devenue caduque car n’ayant pas été confirmée dans le délai prévu à l’article R. 533-4 du CPCE la demande de radiation est portée devant le juge de l’exécution.

L’article R. 533-6, al. 1er du CPCE prévoit encore que, en cas d’extinction de l’instance introduite par le créancier ou de rejet de sa demande, la demande de radiation est portée devant le juge saisi du fond ou, à défaut, devant le juge de l’exécution.

Lorsque le juge saisi du fond a statué sur la demande de mainlevée de la publicité provisoire, la radiation est effectuée sur présentation de la décision passée en force de chose jugée (Art. R. 533-6, al. 3 CPCE).

Les frais de radiation sont à la charge du créancier.

Enfin, si le bien grevé a été vendu, la part du prix revenant au créancier titulaire de la sûreté conservatoire, qui a normalement été consignée, est remise, selon le cas, aux créanciers en ordre de la recevoir ou au débiteur.

Si la publicité provisoire a été effectuée pour un nantissement de parts sociales ou de valeurs mobilières, il ne peut y avoir de radiation.

Faute de disposition particulière du décret visant cette hypothèse, il y a lieu de considérer que l’acte de nantissement ou la déclaration est devenue rétroactivement sans effet, ce que le juge de l’exécution constatera en prononçant la mainlevée de la mesure.

La mise en oeuvre des mesures conservatoires

Lorsque le créancier aura obtenu l’autorisation du Juge ou qu’il sera muni de l’un des titres visés à l’article L. 511-2 du CPCE, il pourra mandater un huissier de justice aux fins de faire pratiquer une mesure conservatoire sur le patrimoine de son débiteur.

Reste que pour que la mesure conservatoire soit efficace, un certain nombre de diligences doivent être accomplies par l’huissier instrumentaire, faute de quoi la mesure sera frappée de caducité.

I) Les phases de mise en œuvre des mesures conservatoires

En substance, la mise en œuvre d’une mesure conservatoire comporte quatre phases bien distinctes :

  • Première étape
    • L’huissier mandaté par le créancier doit procéder
      • Soit à la réalisation de l’acte de saisie
      • Soit à l’accomplissement des formalités d’inscription de la sûreté
  • Deuxième étape
    • La mesure conservatoire pratiquée par l’huissier de justice doit être dénoncée au débiteur si elle n’a pas été effectuée entre ses mains
  • Troisième étape
    • En l’absence de titre exécutoire, le créancier poursuivant devra engager une procédure aux fins d’en obtenir un
  • Quatrième étape
    • Lorsqu’un titre exécutoire aura été obtenu ou que la décision dont était en possession le créancier sera passée en force de chose jugée, la mesure conservatoire pratiquée pourra être convertie en mesure d’exécution forcée

II) Les délais de mise en œuvre des mesures conservatoires

Les quatre phases décrites ci-dessus sont enfermées dans des brefs délais, dont le non-respect est sanctionné par la caducité de la mesure conservatoire prise.

==> L’exécution de la mesure conservatoire dans un délai de trois mois

L’article R. 511-6 du CPCE prévoit que « l’autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n’a pas été exécutée dans un délai de trois mois à compter de l’ordonnance. »

Ainsi, en cas d’inertie du créancier au-delà du délai de trois mois, l’ordonnance rendue par le Juge saisi est frappée de caducité.

Ce délai court à compter du prononcé de la décision du Juge et non de sa signification, laquelle n’a pas besoin d’intervenir dès lors que l’ordonnance est exécutoire sur minute.

À cet égard, l’article 640 du Code de procédure civile prévoit que « lorsqu’un acte ou une formalité doit être accompli avant l’expiration d’un délai, celui-ci a pour origine la date de l’acte, de l’événement, de la décision ou de la notification qui le fait courir. »

Il peut, par ailleurs, être observé que si la mesure conservatoire initiée en exécution de l’ordonnance est devenue caduque, ladite ordonnance ne peut, en aucun cas, servir de fondement pour pratiquer une nouvelle mesure conservatoire, quand bien même le délai de trois mois n’aurait pas expiré. (V. en ce sens CA Paris, 22 oct. 1999).

S’agissant, enfin, du coût de la mesure, l’article L. 512-2 du CPCE prévoit que « les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge. »

==> La dénonciation de la mesure conservatoire pratiquée entre les mains d’un tiers dans un délai de huit jours

Lorsque la mesure conservatoire est pratiquée entre les mains d’un tiers, il échoit au créancier de dénoncer cette mesure dans un délai de huit jours au débiteur à qui l’acte constatant la mesure conservatoire et, le cas échéant, l’ordonnance, doivent être communiquées.

Lorsque, en revanche, la mesure est accomplie directement entre les mains du débiteur, cette dénonciation est inutile puisqu’elle vise à informer le débiteur, d’une part, sur le contenu de l’ordonnance et, d’autre part, sur la réalisation de la mesure.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au débiteur, elle est frappée de caducité.

==> L’engagement d’une procédure ou l’accomplissement de formalités en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans le délai d’un mois

  • Principe général
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire.
    • Ainsi, si le créancier ne possède pas de titre exécutoire lors la réalisation de la mesure conservatoire, il lui appartient d’entreprendre toutes les démarches utiles aux fins d’en obtenir un.
    • La formule « accomplir les formalités nécessaires» vise le cas où un jugement a déjà été rendu mais n’a pas encore le caractère exécutoire.
    • Il suffira alors d’attendre l’écoulement du délai de la voie de recours suspensive et de solliciter un certificat de non-appel.
    • La formule vise encore toutes les procédures précontentieuses préalables, mais obligatoires, aux fins d’obtenir un titre exécutoire.
    • En tout état de cause, le créancier dispose, pour ce faire, d’un délai d’un mois.
    • La procédure sera réputée engagée, dès lors que l’acte introductif d’instance aura été signifié avant l’expiration de ce délai d’un mois
    • L’examen de la jurisprudence révèle qu’il est indifférent que la procédure engagée soit introduite au fond ou en référé
    • Dans un arrêt remarqué du 3 avril 2003, la Cour de cassation a encore considéré qu’en délivrant une assignation, même devant une juridiction incompétente, dans le délai d’un mois, le créancier satisfait à l’exigence de l’article R. 511-7 du CPCE ( 2e civ. 3 avr. 2003).
    • Cette incompétence ne constituera, en conséquence, pas un obstacle à la délivrance d’une nouvelle assignation au-delà du délai d’un mois, dès lors que l’action se poursuit et que le lien d’instance entre les parties n’a jamais été interrompu
  • L’ordonnance portant injonction de payer
    • L’article R. 511-7 du CPCE prévoit que « en cas de rejet d’une requête en injonction de payer présentée dans le délai imparti au précédent alinéa, le juge du fond peut encore être valablement saisi dans le mois qui suit l’ordonnance de rejet. »
    • Ainsi, le délai d’un mois est, en quelque sorte, prorogé par l’ordonnance de rejet, à la condition néanmoins qu’une instance au fond soit introduite consécutivement au rejet.
    • Dans un arrêt du 5 juillet 2005, la Cour de cassation a estimé qu’une assignation en référé ne permettait pas de proroger le délai d’un mois ( 2e civ. 5 juill. 2005).

==> La dénonciation des diligences accomplies en vue de l’obtention d’un titre exécutoire dans un délai de huit jours

L’article R. 511-8 du CPCE dispose que lorsque la mesure est pratiquée entre les mains d’un tiers, le créancier signifie à ce dernier une copie des actes attestant les diligences requises par l’article R. 511-7, dans un délai de huit jours à compter de leur date.

En cas d’inobservation de ce délai de huit jours pour dénoncer la mesure conservatoire au tiers entre les mains duquel la mesure est pratiquée, elle est frappée de caducité.

Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Cour de cassation a néanmoins estimé que l’article R. 511-8 n’avait pas lieu de s’appliquer lorsque les diligences requises ont été effectuées avant la réalisation de la mesure conservatoire (Cass. 2e civ. 30 janv. 2002).

Tel sera notamment le cas lorsque le créancier a fait signifier une décision qui n’est pas encore passée en force de chose jugée et qu’il n’a pas reçu le certificat de non-appel sollicité auprès du greffe de la Cour.

Dans l’hypothèse où il ferait pratiquer une mesure conservatoire, il ne disposerait alors d’aucun acte à dénoncer au tiers entre les mains duquel la mesure est réalisée.

Dans un arrêt du 15 janvier 2009, la Cour de cassation a néanmoins précisé que, en cas de concomitance, de la réalisation de la mesure conservatoire et de l’accomplissement de diligences en vue de l’obtention d’un titre exécutoire, ces dernières doivent être dénoncées au tiers dans le délai de 8 jours, conformément à l’article R. 511-8 du CPCE (Cass. 2e civ. 15 janv. 2009).

III) La conversion des mesures conservatoires

Lorsqu’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible aura été obtenu par le créancier poursuivant, la mesure conservatoire pratique pourra faire l’objet d’une conversion.

Autrement dit, elle pourra être transformée :

  • Soit en mesure d’exécution forcée
  • Soit en sûreté définitive

Reste que le régime juridique de cette conversion est sensiblement différent selon que la mesure conservatoire initialement pratiquée consiste en une saisie conservatoire ou en l’inscription d’une sûreté judiciaire.

==> S’agissant des saisies conservatoires

Pour opérer la conversion d’une saisie conservatoire en saisie définitive, il n’est besoin, pour le créancier, que d’obtenir un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE.

Aussi, cette conversion peut-elle être pratiquée alors que la décision obtenue n’est pas passée en force de chose jugée. Elle devra, néanmoins, être assortie de l’exécution provisoire.

La conversation s’opérera alors au moyen de la signification d’un acte de conversion signifié au tiers saisi et dénoncé au débiteur.

Aucun délai n’est prescrit pour procéder à cette conversion une fois le titre exécutoire obtenu.

==> S’agissant des sûretés judiciaires

Pour convertir une sûreté judiciaire en sûreté définitive, l’article R. 533-4 du CPCE exige que le créancier obtienne une décision passée en force de chose jugée.

Ainsi, l’obtention d’un titre exécutoire au sens de l’article L. 111-3 du CPCE n’est pas suffisante. La décision obtenue doit ne plus être soumise à une voie de recours suspensif ni être assorti d’un délai de grâce.

Quant à la réalisation de la conversation, elle se fait au moyen d’une publicité définitive propre à chacune des sûretés susceptibles d’être constituée à titre conservatoire.

Les formalités doivent être accomplies auprès de l’organe qui a reçu la publicité provisoire.

Surtout, l’article R. 533-4 du CPCE prévoit que la publicité définitive est effectuée dans un délai de deux mois courant selon le cas :

  • Du jour où le titre constatant les droits du créancier est passé en force de chose jugée ;
  • Si la procédure a été mise en œuvre avec un titre exécutoire, du jour de l’expiration du délai d’un mois mentionné à l’article R. 532-6
    • Si une demande de mainlevée a été formée, du jour de la décision rejetant cette contestation
    • Si le titre n’était exécutoire qu’à titre provisoire, le délai court comme il est dit au 1° ;
  • Si le caractère exécutoire du titre est subordonné à une procédure d’exequatur, du jour où la décision qui l’accorde est passée en force de chose jugée.

Le délégué à la protection des données à caractère personnel (DPO): désignation, fonction et missions

Dans le cadre de la mise en œuvre du principe d’accountability, le RGPD prévoit la désignation, obligatoire, dans certains cas, d’un délégué à la protection des données (DPD ou DPO pour Data Protection Officer).

Le DPD joue un rôle clé dans la promotion d’une culture de la protection des données au sein de l’organisme et contribue à mettre en œuvre des éléments essentiels du RGPD, tels que les principes relatifs au traitement des données, les droits des personnes concernées, la protection des données dès la conception et la protection des données par défaut, le registre des activités de traitement, la sécurité du traitement ainsi que la notification et la communication des violations de données.

Le DPD est présenté par le Groupe de l’article 29 comme « l’une des pierres angulaires du régime de responsabilité » institué par le législateur européen.

Plus précisément, il a pour finalité :

  • D’une part, de faciliter le respect des règles grâce à la mise en œuvre d’outils de responsabilité (comme la facilitation d’analyses d’impact relatives à la protection des données et la facilitation ou la réalisation d’audits relatifs à la protection des données)
  • D’autre part, d’agir comme un intermédiaire entre les acteurs concernés (par exemple, les autorités de contrôle, les personnes concernées et les entités économiques au sein d’un organisme).

Au vrai, la désignation d’une personne chargée de veiller au respect de la conformité des procédures internes de l’entreprise avec les principes édictés par les textes n’est pas nouvelle.

La directive du 24 novembre 1995 prévoyait déjà la possibilité pour les États membres de désigner une personne détachée à la protection des données, laquelle sera connue, en France, sous le nom de Correspondant Informatique et Libertés (CIL).

Autant dire que le DPD a vocation à remplacer ce CIL, à la nuance près néanmoins, que la désignation du DPD est, dans certains cas, rendue obligatoire par le RGPD.

Étonnement, tandis que le RGPD détaille le statut du DPD, la loi française de transposition du 20 juin 2018 se limite à prévoir sa désignation. Pour le reste, elle renvoie au règlement européen qui, bien qu’il soit d’application directe, comporte de nombreuses zones d’imprécision.

Aussi, c’est à la CNIL et à la jurisprudence qu’il reviendra de préciser le statut juridique du DPD.

Pour l’heure, il convient de se reporter au RGPD et aux lignes directives du Groupe de l’article 29 afin d’appréhender le régime juridique du DPD.

I) La désignation du délégué à la protection des données

A) Les cas de désignation d’un DPD

Il ressort du RGPD qu’il convient de distinguer les cas où la désignation d’un DPD est obligatoire et ceux où la désignation est facultative.

  1. La désignation d’un DPD est obligatoire

A titre de remarque liminaire, il peut être observé que l’article 37 du RGPD s’applique à la fois aux responsables du traitement et aux sous-traitants en ce qui concerne la désignation d’un DPD.

En fonction de la personne qui remplit les critères de désignation obligatoire, dans certains cas, seul le responsable du traitement ou le sous-traitant est tenu de désigner un DPD, dans d’autres, le responsable de traitement et le sous-traitant sont tenus de désigner chacun un DPD (les deux DPD devant alors collaborer entre eux).

Il est important de souligner que, quand bien même le responsable du traitement remplit les critères de désignation obligatoire, son sous-traitant n’est pas nécessairement tenu de désigner un DPD.

Pour déterminer si la désignation est obligatoire, il convient de se reporter à l’article 37, 1. du RGPD qui énonce trois cas.

Dans le silence de la LIL et de la jurisprudence qui n’a pas encore eu l’opportunité de se prononcer, le champ d’application de ces trois cas doit être appréhendée à la lumière Lignes directrices concernant les délégués à la protection des données adoptées par le Groupe de l’article 29 en date du 13 décembre 2016.

  • Premier cas: le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public, à l’exception des juridictions agissant dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle
    • Le G29 considère que cette notion doit être définie en fonction du droit national.
    • Bien qu’il n’y ait pas d’obligation dans ce cas, le G29 recommande, à titre de bonne pratique, que les organismes privés chargés d’effectuer des missions de service public ou exerçant l’autorité publique désignent un DPD. Les activités de ce DPD couvrent l’ensemble des opérations de traitement effectuées, y compris celles qui ne sont pas liées à la réalisation d’une mission de service public ou à l’exercice d’une charge officielle (par exemple, la gestion d’une base de données des employés).
  • Deuxième cas: les activités de base du responsable du traitement ou du sous-traitant consistent en des opérations de traitement qui, du fait de leur nature, de leur portée et/ou de leurs finalités, exigent un suivi régulier et systématique à grande échelle des personnes concernées
    • Sur la notion d’« activité de base »
      • Les « activités de base » peuvent être considérées comme les opérations essentielles nécessaires pour atteindre les objectifs du responsable du traitement ou du sous-traitant.
      • Toutefois, les « activités de base » ne doivent pas être interprétées comme excluant les activités pour lesquelles le traitement de données fait partie intégrante de l’activité du responsable du traitement ou du sous-traitant.
      • Par exemple, l’activité de base d’un hôpital est de fournir des soins de santé.
      • Toutefois, un hôpital ne peut fournir de soins de santé de manière sûre et efficace sans traiter des données concernant la santé, telles que les dossiers médicaux des patients.
      • Par conséquent, le traitement de ces données doit être considéré comme l’une des activités de base de tout hôpital, et les hôpitaux doivent donc désigner un DPD.
    • Sur la notion de suivi régulier et systématique
      • La notion de suivi régulier et systématique des personnes concernées n’est pas définie dans le RGPD, mais celle de « suivi du comportement des personnes concernées » est mentionnée au considérant 24 et inclut clairement toutes les formes de suivi et de profilage sur l’internet, y compris à des fins de publicité comportementale.
      • Toutefois, la notion de suivi n’est pas limitée à l’environnement en ligne et le suivi en ligne ne doit être considéré que comme un exemple de suivi du comportement des personnes concernées.
        • Sur le terme « régulier»
          • Le G29 interprète le terme « régulier » comme recouvrant une ou plusieurs des significations suivantes
            • Continu ou se produisant à intervalles réguliers au cours d’une période donnée
            • Récurrent ou se répétant à des moments fixes
            • Ayant lieu de manière constante ou périodique.
        • Sur le terme « systématique»
          • Le G29 interprète le terme « systématique » comme recouvrant une ou plusieurs des significations suivantes
            • Se produisant conformément à un système
            • Préétabli, organisé ou méthodique
            • Ayant lieu dans le cadre d’un programme général de collecte de données
            • Effectué dans le cadre d’une stratégie.
          • Exemples d’activités pouvant constituer un suivi régulier et systématique des personnes concernées:
            • Exploitation d’un réseau de télécommunications
            • Fourniture de services de télécommunications
            • Reciblage par courrier électronique
            • Activités de marketing fondées sur les données
            • Profilage et notation à des fins d’évaluation des risques (par exemple, aux fins de l’évaluation du risque de crédit, de l’établissement des primes d’assurance, de la prévention de la fraude ou de la détection du blanchiment d’argent)
            • Géolocalisation, par exemple, par des applications mobiles
            • Programmes de fidélité
            • Publicité comportementale
            • Surveillance des données sur le bien-être, la santé et la condition physique au moyen de dispositifs portables
            • Systèmes de télévision en circuit fermé
            • Dispositifs connectés tels que les voitures et compteurs intelligents, la domotique, etc.
  • Troisième cas: les activités de base du responsable du traitement ou du sous-traitant consistent en un traitement à grande échelle de catégories particulières de données visées à l’article 9 et de données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales et à des infractions visées à l’article 10
    • Si le RGPD ne définit pas la notion de traitement à « grande échelle », le considérant 91 fournit toutefois certaines orientations.
    • En effet, il n’est pas possible de donner un chiffre précis, que ce soit pour la quantité de données traitées ou le nombre d’individus concernés, qui soit applicable dans toutes les situations.
    • Cela n’exclut toutefois pas la possibilité qu’au fil du temps, une pratique courante puisse émerger, permettant de déterminer en des termes plus spécifiques ou quantitatifs ce qui constitue un traitement « à grande échelle » pour certains types d’activités de traitement courantes.
    • En tout état de cause, le G29 recommande que les facteurs suivants, en particulier, soient pris en considération pour déterminer si le traitement est mis en œuvre à grande échelle :
      • Le nombre de personnes concernées, soit en valeur absolue, soit en valeur relative par rapport à la population concernée
      • Le volume de données et/ou le spectre des données traitées
      • La durée, ou la permanence, des activités de traitement des données
      • L’étendue géographique de l’activité de traitement

2. La désignation d’un DPD est facultative

L’article 37, 4. du RGPD prévoit que « le responsable du traitement ou le sous-traitant ou les associations et autres organismes représentant des catégories de responsables du traitement ou de sous-traitants peuvent désigner ou, si le droit de l’Union ou le droit d’un État membre l’exige, sont tenus de désigner un délégué à la protection des données ».

Cette désignation résultera d’une évaluation du niveau de risque de non-conformité auquel est exposé le responsable du traitement ou le sous-traitant.

A cet égard, il peut être observé que le G29 recommande que les responsables du traitement et les sous-traitants documentent l’analyse interne effectuée afin de déterminer si, oui ou non, il y a lieu de désigner un DPD, afin qu’ils soient en mesure de démontrer que les facteurs pertinents ont été correctement pris en considération.

Cette analyse fait partie de la documentation requise au titre du principe de responsabilité. Elle peut être exigée par l’autorité de contrôle et doit être tenue à jour le cas échéant, par exemple si les responsables du traitement ou les sous-traitants exercent de nouvelles activités ou s’ils proposent de nouveaux services susceptibles de correspondre aux cas énumérés à l’article 37.

B) Les modalités de désignation du DPD

  1. La désignation d’un DPD externe

Le Groupe de l’article 29 prévient : lorsqu’un organisme désigne un DPD sur une base volontaire, les conditions prévues aux articles 37 à 39 s’appliquent à la désignation, à la fonction et aux missions de celui-ci comme si la désignation avait été obligatoire.

Rien n’empêche un organisme qui n’est pas tenu légalement de désigner un DPD et ne souhaite pas en désigner sur une base volontaire d’employer du personnel ou des consultants extérieurs chargés de missions liées à la protection des données à caractère personnel.

En pareil cas, il importe de veiller à ce qu’il n’y ait pas de confusion quant à leur titre, leur statut, leur fonction et leurs missions.

Ainsi, il convient d’indiquer clairement, dans toute communication au sein de l’entreprise ainsi qu’avec les autorités chargées de la protection des données, les personnes concernées et le public au sens large, que cette personne ou ce consultant ne porte pas le titre de délégué à la protection des données (DPD).

2. La désignation d’un DPD unique pour plusieurs organismes

L’article 37, 4 du RGPD prévoit que « un groupe d’entreprises peut désigner un seul délégué à la protection des données à condition qu’un délégué à la protection des données soit facilement joignable à partir de chaque lieu d’établissement ».

Pour le Groupe de l’article 29 la notion de joignabilité renvoie aux missions du DPD en tant que point de contact pour les personnes concernées, pour l’autorité de contrôle, mais également en interne au sein de l’organisme, compte tenu du fait que l’une des missions du DPD consiste à « informer et conseiller le responsable du traitement ou le sous-traitant ainsi que les employés qui procèdent au traitement sur les obligations qui leur incombent en vertu du présent règlement ».

Afin de veiller à ce que le DPD, qu’il soit interne ou externe, soit joignable, il est important de

s’assurer que ses coordonnées sont mises à disposition conformément aux exigences du RGPD.

Il doit donc être en mesure, avec l’aide d’une équipe si nécessaire, de communiquer efficacement avec les personnes concernées et de coopérer avec les autorités de contrôle compétentes, ce qui implique également que cette communication s’effectue dans la ou les langues utilisées par les autorités de contrôle et les personnes concernées en question.

La disponibilité d’un DPD (qu’il se trouve physiquement dans le même lieu que les employés ou qu’il soit joignable à travers un service d’assistance téléphonique ou d’autres moyens de communication sécurisés) est essentielle pour que les personnes concernées puissent prendre contact avec lui.

En outre, l’article 37 du RGPD autorise la désignation d’un seul délégué à la protection des données pour plusieurs autorités publiques ou organismes publics, compte tenu :

  • De leur structure organisationnelle
  • De leur taille.

Les mêmes considérations en matière de ressources et de communication s’appliquent.

Étant donné que le DPD est chargé d’une série de missions, le responsable du traitement ou le sous-traitant doit s’assurer qu’un seul DPD peut, avec l’aide d’une équipe si nécessaire, s’acquitter efficacement de ces missions en dépit du fait qu’il soit désigné par plusieurs autorités publiques et organismes publics.

C) La publicité de la désignation du DPD

L’article 37, 7 du RGPD met à la charge du responsable du traitement une obligation de publier « les coordonnées du délégué à la protection des données et les communiquent à l’autorité de contrôle ».

Ces exigences visent à garantir que les personnes concernées (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’organisme) et les autorités de contrôle puissent aisément et directement prendre contact avec le DPD sans devoir s’adresser à un autre service de l’organisme.

==> Sur la communication des coordonnées du DPD

Les coordonnées du DPD doivent contenir des informations permettant aux personnes concernées et aux autorités de contrôle de joindre celui-ci facilement (une adresse postale, un numéro de téléphone spécifique et/ou une adresse de courrier électronique spécifique).

Le cas échéant, aux fins de la communication avec le public, d’autres moyens de communication pourraient également être prévus, par exemple, une assistance par téléphone spécifique, ou un formulaire de contact spécifique adressé au DPD sur le site web de l’organisme.

==> Sur la communication du nom du DPD

L’article 37, 7 n’exige pas que les coordonnées publiées incluent le nom du DPD.

Toutefois, la communication du nom du DPD à l’autorité de contrôle est essentielle pour que le DPD puisse faire office de point de contact entre l’organisme et l’autorité de contrôle.

II) La fonction de délégué à la protection des données

A) Les conditions d’éligibilité à la fonction de DPD

L’article 37, 5. du RGPD prévoit que « le délégué à la protection des données est désigné sur la base de ses qualités professionnelles et, en particulier, de ses connaissances spécialisées du droit et des pratiques en matière de protection des données, et de sa capacité à accomplir les missions visées à l’article 39 ».

Le considérant 97 précise que le niveau de connaissances spécialisées requis doit être déterminé notamment en fonction des opérations de traitement de données effectuées et de la protection exigée pour les données à caractère personnel traitées par le responsable du traitement ou le sous-traitant. L’appréciation doit, autrement dit, être effectuée au cas par cas.

En tout état de cause, pour être éligible à la fonction de DPD, la personne désignée doit justifier :

  • D’un niveau adéquat expertise
    • Bien que le niveau d’expertise requis ne soit pas défini, il doit être proportionné à la sensibilité, à la complexité et au volume des données traitées par un organisme.
    • Par exemple, lorsqu’une opération de traitement de données est particulièrement complexe, ou lorsqu’une grande quantité de données sensibles est concernée, il est possible que le DPD doive disposer d’un niveau plus élevé d’expertise et de soutien.
  • De qualités professionnelles suffisantes
    • Pour le Groupe de l’article 29, il est nécessaire il est nécessaire que le DPD dispose d’une expertise dans le domaine des législations et pratiques nationales et européennes en matière de protection des données, ainsi que d’une connaissance approfondie du RGPD.
    • Il doit encore disposer d’une bonne compréhension des opérations de traitement effectuées, ainsi que des systèmes d’information et des besoins du responsable du traitement en matière de protection et de sécurité des données
  • D’une aptitude à exercer ses missions
    • L’aptitude à exercer les missions qui incombent au DPD doit être interprétée tant au regard des qualités personnelles et connaissances du DPD que de sa fonction au sein de l’organisme.
    • Parmi les qualités personnelles figurent par exemple l’intégrité et un haut niveau de déontologie, la préoccupation première du DPD doit être de permettre le respect du RGPD.

B) La fonction du DPD

L’article 38 du RGPD prévoit que « le responsable du traitement et le sous-traitant veillent à ce que le délégué à la protection des données soit associé, d’une manière appropriée et en temps utile, à toutes les questions relatives à la protection des données à caractère personnel ».

Il ressort de cette disposition que, dès lors qu’une situation intéresse le traitement de données à caractères personnel, le DPD doit, a minima, en être informé par le responsable du traitement, voire être consulté pour avis.

C) Les ressources du DPD

L’article 38 du RGPD met à la charge du responsable du traitement une obligation de fourniture, au DPD :

  • Des ressources nécessaires pour exercer ces missions
  • De l’accès aux données à caractère personnel et aux opérations de traitement, et lui permettant d’entretenir ses connaissances spécialisées.

Le Groupe de l’article 29 précise que, d’une manière générale, plus les opérations de traitement sont complexes ou sensibles, plus les ressources octroyées au DPD devront être importantes. La fonction de protection des données doit être effective et dotée de ressources adéquates au regard du traitement de données réalisé.

D) Les garanties d’exercice de la fonction

L’article 38 du RGPD pose un certain nombre de règles qui sont destinées à permettre au DPD d’exercer ses missions en toute indépendance.

A cet égard, le considérant 97 précise que le DPD soit ou non employé du responsable du traitement, il doit, en tout état de cause, être en mesure d’exercer ses fonctions et missions en toute indépendance.

Cette indépendance est garantie par :

  • L’autonomie dont jouit le DPD dans l’exercice de ses missions
    • A cet égard, le responsable du traitement et le sous-traitant doivent veiller à ce que le délégué à la protection des données ne reçoive aucune instruction en ce qui concerne l’exercice des missions.
    • Cela signifie que, dans l’exercice de ses missions, en application de l’article 39 du RGPD, le DPD ne doit pas recevoir d’instructions sur la façon de traiter une affaire, par exemple, quel résultat devrait être obtenu, comment enquêter sur une plainte ou s’il y a lieu de consulter l’autorité de contrôle.
    • LE RGPD précise que le délégué à la protection des données fait directement rapport au niveau le plus élevé de la direction du responsable du traitement ou du sous-traitant.
  • L’immunité dont il jouit quant au licenciement et aux sanctions disciplinaires
    • Le DPD ne peut être relevé de ses fonctions ou pénalisé par le responsable du traitement ou le sous-traitant pour l’exercice de ses missions.
    • Cette exigence renforce l’autonomie des DPD et contribue à garantir que ceux-ci agissent en toute indépendance et bénéficient d’une protection suffisante dans l’exercice de leurs missions relatives à la protection des données.
    • Par exemple, si un DPD considère qu’un traitement particulier est susceptible d’engendrer un risque élevé et conseille au responsable du traitement ou au sous-traitant de procéder à une analyse d’impact relative à la protection des données, mais que le responsable du traitement ou le sous-traitant n’est pas d’accord avec l’évaluation du DPD, ce dernier ne peut être relevé de ses fonctions pour avoir formulé cet avis.
  • La prévention du conflit d’intérêts
    • Si le RGPD autorise le DPD à exercer d’autres missions et tâches au sein de l’entreprise, le responsable du traitement ou le sous-traitant doivent veiller à ce que ces missions et tâches n’entraînent pas de conflit d’intérêts.
    • Pour le Groupe de l’article 29 cela signifie que le DPD ne peut exercer au sein de l’organisme une fonction qui l’amène à déterminer les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel.
    • S’agissant d’un DPD externe, il peut y avoir conflit d’intérêt s’il est appelé à représenter le responsable du traitement ou le sous-traitant devant les tribunaux dans des affaires ayant trait à des questions liées à la protection des données.

III) Les missions du délégué à la protection des données

Les missions qui doivent être confiées au DPD sont énoncées, non exhaustivement, à l’article 39 du RGPD.

Cette disposition prévoit en ce sens que le DPD a pour mission :

  • D’informer et conseiller le responsable du traitement ou le sous-traitant ainsi que les employés qui procèdent au traitement sur les obligations qui leur incombent
    • Le DPD se voit ainsi confié une mission pédagogique auprès des différents acteurs de l’entreprise.
    • Cette mission peut se traduire par la mise en place de formation et de notes informatives
  • De contrôler le respect du RGPD
    • Le contrôle du respect du RGPD ne signifie pas que le DPD est personnellement responsable en cas de non-respect de celui-ci.
    • Le RGPD établit clairement que c’est le responsable du traitement, et non le DPD, qui est tenu de mettre « en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour s’assurer et être en mesure de démontrer que le traitement est effectué conformément au présent règlement» (article 24).
    • Le respect de la protection des données relève de la responsabilité du responsable du traitement des données, et non du DPD.
  • De dispenser des conseils, sur demande, en ce qui concerne l’analyse d’impact relative à la protection des données et vérifier l’exécution de celle-ci
    • Conformément à l’article 35, il incombe au responsable du traitement, et non au DPD, d’effectuer, si nécessaire, une analyse d’impact relative à la protection des données.
    • Le G29 recommande que le responsable du traitement demande conseil au DPD sur les questions suivantes notamment :
      • La question de savoir s’il convient ou non de procéder à une analyse d’impact relative à la protection des données ;
      • La méthodologie à suivre lors de la réalisation d’une analyse d’impact relative à la protection des données ;
      • La question de savoir s’il convient d’effectuer l’analyse d’impact relative à la protection des données en interne ou de la sous-traiter ;
      • Les mesures (y compris des mesures techniques et organisationnelles) à appliquer pour atténuer les risques éventuels pesant sur les droits et les intérêts des personnes concernées ;
      • La question de savoir si l’analyse d’impact relative à la protection des données a été correctement réalisée et si ses conclusions (opportunité ou non de procéder au traitement et garanties à mettre en place) sont conformes au RGPD.
    • Si le responsable du traitement est en désaccord avec l’avis fourni par le DPD, la documentation de l’analyse d’impact relative à la protection des données devrait expressément justifier, par écrit, la raison pour laquelle l’avis n’a pas été pris en considération.
  • De coopérer avec l’autorité de contrôle et de faire office de point de contact
    • Selon le Groupe de l’article 29, ces missions ont trait au rôle de « facilitateur » du DPD.
    • En effet, celui-ci fait office de point de contact pour faciliter l’accès de l’autorité de contrôle aux documents et informations nécessaires à l’exécution de ses missions, ainsi qu’à l’exercice de ses pouvoirs d’enquête, de ses pouvoirs d’adopter des mesures correctrices, de ses pouvoirs d’autorisation et de ses pouvoirs consultatifs

L’exigence de communication du taux effectif global (TEG/TAEG) dans les différentes phases du contrat de prêt

L’une des principales contraintes dont est assortie l’exigence de communication du TEG/TAEG est qu’elle ne se limite pas à la mention écrite portée sur le contrat de prêt.

L’obligation qui pèse sur le prêteur intervient aux trois stades de sa relation avec l’emprunteur, l’objectif poursuivi par le législateur étant que les principes de loyauté et de transparence président à la stipulation du taux d’intérêt.

I) La phase précontractuelle

Dès la phase précontractuelle, le coût du crédit doit être communiqué à l’emprunteur, à tout le moins lorsqu’il s’agit d’un prêt consenti à un consommateur.

Cette phase précontractuelle se scinde en deux étapes qu’il convient de distinguer, l’obligation de communication du taux comportant des exigences différentes d’une étape à l’autre.

Au stade de la publicité, il pèse sur le prêteur des obligations en termes d’affichage du taux. Le contenu de ces obligations varie selon que la publicité porte sur un crédit à la consommation ou un crédit immobilier.

Pour les crédits à la consommation, l’article L. 312-5 du Code de la consommation dispose que « toute publicité, à l’exception des publicités radiodiffusées, contient, quel que soit le support utilisé, la mention suivante : “Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager” »

Dans l’hypothèse où la publicité indique un taux d’inintérêt, ou des informations chiffrées liées au coût du crédit, conformément à l’article L. 312-6 du Code de la consommation, elle doit mentionner les principales caractéristiques du crédit, dont le TAEG, ce à l’aide d’un exemple représentatif.

L’article L. 312-8 précise que « dans toute publicité écrite, quel que soit le support utilisé, les informations relatives au taux annuel effectif global, à sa nature fixe, variable ou révisable, au montant total dû par l’emprunteur et au montant des échéances, ainsi que la mention indiquée à l’article L. 312-5, figurent dans une taille de caractère plus importante que celle utilisée pour indiquer toute autre information relative aux caractéristiques du financement, notamment le taux promotionnel, et s’inscrivent dans le corps principal du texte publicitaire. »

Pour les crédits renouvelables, l’exemple représentatif au moyen duquel ces informations sont communiquées doit nécessairement porter sur les montants imposés par l’article D. 312-21 du Code de la consommation, outre l’indication de la durée de remboursement maximale prévue par l’offre commerciale sur laquelle porte la publicité.

Plus contraignant encore, l’article L. 312-9 exige, lorsqu’une publicité est adressée par voie postale ou par courrier électronique distribuée directement à domicile ou sur la voie publique, que les informations obligatoires énoncées à l’article L. 312-8 figurent sous forme d’encadré, en en-tête du texte publicitaire.

Pour les crédits immobiliers, l’examen des textes révèle que les obligations qui pèsent sur les établissements bancaires sont allégées en matière de publicité.

L’article L. 313-4 du Code de la consommation prévoit seulement que lorsque la publicité « comporte un taux d’intérêt ou des chiffres relatifs au coût du crédit pour l’emprunteur, elle précise également de façon claire, concise et visible les informations complémentaires sur les caractéristiques du crédit, fournies, le cas échéant, à l’aide d’un exemple représentatif ».

Au nombre de ces informations figure, entre autres, le TAEG, lequel doit être fourni à l’aide d’un exemple représentatif répondant à deux exigences posées à l’article R. 313-2 du Code de la consommation.

Cet exemple doit, en effet, porter, d’une part, sur « un montant total du crédit accordé égal à 50 000 euros ou à un multiple de cette somme qui ne peut excéder 500 000 euros » et, d’autre part, sur « une durée de remboursement égale à cinq ans ou à un multiple de cette durée qui ne peut excéder trente ans. »

En dehors de la fourniture d’un exemple représentatif, aucune autre mention n’est exigée en matière de crédit immobilier. Cet allégement de la réglementation s’explique par la nature de l’opération envisagée. Le crédit immobilier est, en soi, moins susceptible d’engendrer des comportements déraisonnables sinon impulsifs chez les consommateurs. Qui plus est, en raison des montants en jeu, les professionnels du crédit sont bien plus précautionneux lorsqu’il s’agit d’octroyer un tel crédit.

En toute hypothèse, les obligations que le législateur a mis à la charge des établissements bancaires en matière de publicité visent à protéger les emprunteurs contre les pratiques déloyales et trompeuses en ce qui concerne la promotion des crédits à la consommation.

L’objectif ainsi poursuivi se justifie, selon le considérant 19 de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, parce qu’il « convient, pour que le consommateur puisse prendre sa décision en pleine connaissance de cause, que celui-ci reçoive, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, des informations adéquates qu’il peut emporter et examiner, sur les conditions et le coût du crédit, ainsi que sur ses obligations ».

Cette bienveillance dont fait montre le législateur à l’endroit des emprunteurs ne bénéficie néanmoins pas à tous. Lorsque la publicité porte sur des crédits consentis à des professionnels, l’exigence d’affiche du TEG n’est prévue par aucun texte. Au contraire, l’article 10 de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure, aux prêts d’argent et à certaines opérations de démarchage et de publicité, qui posait cette exigence, a été abrogé par l’ordonnance no 2000-1223 du 14 décembre 2000. Est-ce à dire que les établissements bancaires sont dispensés de toute mention s’agissant du TEG lorsque la publicité est diffusée à l’attention des professionnels ?

En application du principe de prohibition des pratiques déloyales, au sens de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, on est légitimement en droit de penser que, dans l’hypothèse où la publicité indique un taux intérêt, ou des informations chiffrées liées au coût du crédit, l’annonceur a l’obligation de mentionner le TEG.

Au stade de l’offre, le constat est sensiblement le même. Par offre, il faut entendre l’acte par lequel le prêteur formule une proposition ferme et précise à l’endroit de l’emprunteur. Le formaliste qui entoure cette étape du processus de formation du contrat de prêt diffère selon qu’elle concerne un crédit à la consommation ou un crédit immobilier.

Pour les crédits à la consommation, l’article L. 312-12 du Code de la consommation dispose que « préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sous forme d’une fiche d’informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement ».

Au nombre des informations qui doivent être communiquées à l’emprunteur au moyen de cette fiche précontractuelle d’information, doit notamment figurer « le taux annuel effectif global, à l’aide d’un exemple représentatif mentionnant toutes les hypothèses utilisées pour le calcul de ce taux ».

La communication du TAEG au stade de l’émission de l’offre du crédit est également exigée pour les crédits immobiliers.

L’article L. 313-7 du Code de la consommation prévoit en ce sens que « au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, sous la forme d’une fiche d’information standardisée européenne, les informations personnalisées permettant à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponibles sur le marché, d’évaluer leurs implications et de se déterminer en toute connaissance de cause sur l’opportunité de conclure un contrat de crédit. »

Parmi les informations qui doivent figurer sur cette fiche d’information standardisée européenne, doit être communiqué à l’emprunteur, conformément à l’article R. 313-4 du Code de la consommation « le taux d’intérêt et les autres frais »

Pour les crédits destinés à financer une activité professionnelle, bien que le Code monétaire et financier ne prévoit pas d’obligation pour l’établissement bancaire de fournir à l’emprunteur une fiche précontractuelle d’information, il est difficilement envisageable que le TEG ne lui soit pas communiqué préalablement à la conclusion du contrat, ne serait-ce que pour des considérations qui tiennent du droit commun des obligations.

Une offre ne peut conduire à la conclusion d’un contrat, qu’à la condition qu’elle soit ferme et précise. À défaut, elle s’assimile à une simple invitation à entrer en pourparlers. L’observance de ce principe est d’autant plus importante en matière de contrat de crédit que depuis un arrêt du 7 avril 2009 la Cour de cassation considère que « le prêt consenti par un professionnel du crédit n’est pas un contrat réel »[1].

Pour être valablement formé, le contrat de crédit doit, en conséquence, avoir pour assise la formulation d’une offre comportant les éléments essentiels de l’opération au premier rang desquels figure le TEG.

Au total, il apparaît que, tant au stade de la publicité, qu’au stade de l’offre de crédit, il échoit à l’établissement de bancaire de communiquer le TEG/TAEG à l’emprunteur.

II) La conclusion du contrat

Au stade de la conclusion du contrat l’obligation de mention du TEG/TAEG dans l’acte constatant l’octroi du crédit s’impose encore à l’établissement bancaire, quelle que soit la nature du prêt consenti.

Cette exigence est prescrite aux articles L. 314-5 du Code de la consommation et L. 313-4 du Code monétaire et financier.

Dans un arrêt du 20 février 2007, la Cour de cassation a précisé que la mention à titre indicatif sur un document non contractuel contemporain de l’ouverture d’un compte ne suffisait pas à satisfaire l’obligation ainsi posée[2].

Cass. com. 20 févr. 2007
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, qu'estimant que la Banque nationale de Paris intercontinentale "BNPI" (la BNPI) aux droits de laquelle se trouve la BNP Paribas, lui réclamait, au titre du fonctionnement débiteur des différents comptes dont il avait été titulaire dans ses livres tant à titre personnel qu'au titre de son activité professionnelle et des prêts qu'elle lui avait consentis, des intérêts sans convention préalable ou à taux usuraire, M. X... a demandé restitution des agios ainsi prétendument irrégulièrement perçus, et réparation du préjudice économique qu'il disait avoir subi du fait de ces irrégularités ; que, se fondant notamment sur les conclusions du rapport d'une expertise judiciaire précédemment ordonnée, la cour d'appel a, tout en observant qu'une procédure pénale était en cours du chef d'usure contre la BNPI, rejeté toutes les prétentions de l'intéressé aux motifs qu'aucun crédit ne pouvait être accordé au "contre-rapport" qu'il produisait, que son préjudice économique n'était pas établi, qu'il n'était pas fondé, s'agissant de son compte personnel, à revendiquer le bénéfice des règles protectrices du droit de la consommation ni à contester les agios qui lui avaient été facturés, l'absence de convention d'ouverture de compte n'interdisant pas à la banque de percevoir des intérêts conventionnels dès lors que leur taux était mentionné dans les relevés de compte qui lui avaient été adressés ;

Et sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1907 du code civil, ensemble les articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 et R. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu qu'en cas d'ouverture de crédit en compte courant, l'obligation de payer dès l'origine des agios conventionnels par application du taux effectif global exige non seulement que soit porté sur un document écrit préalable à titre indicatif le taux effectif global mais aussi que le taux effectif global appliqué soit porté sur les relevés périodiques, reçus par l'emprunteur sans protestation ni réserve ; qu'à défaut de cette première exigence, les agios ne sont dus qu'à compter de l'information régulièrement reçue, valant seulement pour l'avenir, et qu'à défaut de la seconde exigence, la seule mention indicative de ce taux, ne vaut pas, s'agissant d'un compte courant, reconnaissance d'une stipulation d'agios conventionnels ;

Attendu que pour rejeter les contestations de M. X... relativement aux agios qui lui avaient été facturés sur son compte personnel, l'arrêt retient que la circonstance que l'ouverture de ce compte n'ait pas fait l'objet de convention écrite ne privait pas la banque de la faculté de percevoir des intérêts conventionnels dès lors que le taux de ces intérêts était mentionné dans les relevés de compte ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir qu'en dépit de l'absence de convention d'ouverture de compte, les agios inclus, pour le compte en cause dans la créance de la BNPI, avaient été comptabilisés, dès l'origine et pour leur totalité, par application d'un taux effectif global qui aurait figuré à titre indicatif sur un document contemporain de cette ouverture et dont M. X... aurait eu alors connaissance à défaut de quoi ils ne pouvaient être dus au taux conventionnel qu'à compter de l'information régulièrement reçue par l'intéressé et pour l'avenir, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes formées par M. X... au titre des intérêts usuraires et dit que, s'agissant du découvert lui ayant bénéficié sur son compte personnel, M. X... n'était fondé ni à revendiquer l'application des dispositions protectrices du code de la consommation ni à contester les agios qui lui avaient été facturés, l'arrêt rendu le 15 septembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Le TEG/TAEG doit, a minima, figurer dans tout document contenant les caractéristiques essentielles du prêt.

S’agissant de la simple prorogation du contrat de crédit, la Cour de cassation a estimé, dans un arrêt du 9 juillet 2002, que la survenance de cet événement n’impliquait pas la fixation, par écrit, du taux appliqué, dès lors que celui-ci n’était assorti d’aucune modification contractuelle.

Plus précisément, elle a affirmé que « l’absence de toute modification du taux d’intérêt stipulé dans l’accord initial, dont il n’est pas discuté qu’il s’agissait d’un taux effectif global, l’exigence d’un écrit mentionnant ce taux n’avait pas lieu de s’appliquer aux accords de prorogations successivement intervenus »[3].

Cass. com. 9 juill. 2002
Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2000), que, par acte du 22 juillet 1987, la Banque générale du commerce a consenti à la société Exart une ouverture de crédit, qui était garantie par le cautionnement solidaire de M. X..., et dont le terme était fixé au 16 juin 1988 ; que le compte bancaire de la société Exart est demeuré débiteur postérieurement à cette date et jusqu'en 1994 ; que la Banque générale du commerce, qui n'obtenait pas le remboursement de sommes qu'elle estimait lui être dues, a fait alors assigner sa cliente et sa caution en paiement ; que M. X... a contesté le montant de la créance en faisant valoir, notamment, qu'il ne devait pas les intérêts au taux conventionnel postérieurement à l'expiration de la convention initiale, faute pour les accords de prorogation d'avoir mentionné par écrit le taux d'intérêt applicable à l'avenir ; que la cour d'appel a rejeté ces prétentions et a accueilli les demandes de la Banque générale du commerce, sous la seule déduction des intérêts conventionnels afférents aux années où celle-ci ne justifiait pas avoir respecté les prescriptions de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 relatif à l'information de la caution ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, que l'accord portant prorogation d'un contrat de prêt doit comporter, comme le contrat initial, la mention écrite du taux des intérêts conventionnels ; qu'il faisait valoir, qu'en l'occurrence aucun acte relatif à la prorogation de la convention d'ouverture de crédit ne contenait la stipulation d'un taux d'intérêt ; qu'en se bornant, pour le condamner au paiement des intérêts conventionnels afférents à la période 1991 à 1993, à relever que l'ouverture de crédit avait continué à produire ses effets après la date prévue initialement aux conditions d'origine avec l'accord exprès du représentant habilité de la société Exart, sans rechercher si cet accord comportait une clause écrite relative aux intérêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1907 du Code civil et de l'article 4 de la loi du 28 décembre 1966 ;

Mais attendu qu'ayant relevé, dans des motifs qui ne sont pas critiqués par le pourvoi, que la convention d'ouverture de crédit conclue en 1987 avait continué à produire ses effets après la date prévue initialement, aux conditions d'origine, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en l'absence de toute modification du taux d'intérêt stipulé dans l'accord initial, dont il n'est pas discuté qu'il s'agissait d'un taux effectif global, l'exigence d'un écrit mentionnant ce taux n'avait pas lieu de s'appliquer aux accords de prorogations successivement intervenus ;

qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi;

La chambre commerciale a reconduit cette solution dans un arrêt du 31 mai 2011, aux termes duquel elle a jugé que « l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global ne s’applique pas à un avenant, dont l’objet est d’assurer l’étalement du remboursement d’un prêt, sans modification des conditions initiales »[4].

Lorsque, en revanche, le contrat de prêt fait l’objet d’une modification, en particulier d’une augmentation de son taux, l’article L. 312-31 du Code de la consommation prévoit, pour les crédits à la consommation, que « l’emprunteur en est informé sur support papier ou sur un autre support durable, avant que la modification n’entre en vigueur ».

Quant aux crédits immobiliers, l’obligation qui pèse sur l’établissement bancaire est renforcée. L’article L. 313-27 du Code de la consommation dispose que « toute modification des conditions d’obtention d’un prêt dont le taux d’intérêt est fixe, notamment le montant ou le taux du crédit, donne lieu à la fourniture à l’emprunteur d’une nouvelle offre préalable sur support papier ou sur un autre support durable ».

Il ne s’agit donc pas ici de se limiter à informer l’emprunteur sur la révision du taux, mais de lui adresser une nouvelle offre de crédit.

III) L’exécution du contrat

Pour ce qui concerne la phase d’exécution du contrat de crédit, dès lors que l’exigence de mention du TEG/TAEG a été satisfaite au moment de la régularisation de l’acte, l’obligation est réputée éteinte.

Reste que, par exception, cette obligation subsiste pour deux catégories de crédits : le crédit renouvelable et les autorisations de découvert en compte.

S’agissant des opérations de crédits renouvelables, l’article L. 312-71 du Code de la consommation dispose que « le prêteur porte à la connaissance de l’emprunteur, par tout moyen, mensuellement et dans un délai raisonnable avant la date de paiement, un état actualisé de l’exécution du contrat de crédit renouvelable, faisant clairement référence à l’état précédent et précisant [notamment] le taux de la période et le taux effectif global ».

La mention du TAEG doit de la sorte figurer sur chaque relevé mensuel adressé à l’emprunteur, aux côtés de « la fraction du capital disponible », « le montant des remboursements déjà effectués depuis le dernier renouvellement » ou encore « le montant de l’échéance, dont la part correspondant aux intérêts ».

L’article L. 312-80 du Code de la consommation ajoute que « si, pendant un an, le contrat d’ouverture de crédit ou tout moyen de paiement associé n’a fait l’objet d’aucune utilisation, le prêteur qui entend proposer la reconduction du contrat fournit à l’emprunteur, sur support papier ou tout autre support durable, à l’échéance de l’année écoulée, un document annexé aux conditions de cette reconduction ».

Le texte précise que « ce document indique l’identité des parties, la nature de l’opération, le montant du crédit disponible, le taux annuel effectif global ainsi que le montant des remboursements par échéance et par fractions de crédit utilisées ».

S’agissant des autorisations de découvert, cette obligation de communication a posteriori du TEG/TAEG qui pèse sur les établissements bancaires en matière de crédit renouvelable est également prévue.

L’article L. 312-88 du Code de la consommation prévoit, en effet, que « pour les opérations consenties sous la forme d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai supérieur à un mois, le prêteur est tenu d’adresser régulièrement à l’emprunteur, sur support papier ou sur un autre support durable, un relevé de compte comprenant les informations dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’État ».

Au nombre des informations visées par l’article R. 312-34 du Code de la consommation figure, entre autres, « le taux débiteur appliqué depuis le relevé précédent ».

Cette obligation est à rapprocher de celle énoncée, sensiblement dans les mêmes termes, à l’article L. 312-1-1, III, al. 2 du Code monétaire et financier qui prévoit, que « lorsqu’un relevé de compte est fourni en application des stipulations de la convention visée à l’alinéa précédent et que celui-ci indique, à titre d’information, qu’un montant de découvert est autorisé, il mentionne immédiatement après, dans les mêmes caractères, le taux annuel effectif global au sens des articles L. 314-1 à L. 314-4 du code de la consommation, quelle que soit la durée du découvert autorisé considéré ».

En dehors du crédit renouvelable et de l’autorisation de découvert, les professionnels du crédit n’ont pas l’obligation de communiquer aux emprunteurs le TEG/TAEG postérieurement à la conclusion du contrat.

Si, dans un arrêt du 19 octobre 2004, la Cour de cassation a semblé vouloir étendre cette exigence aux prêts à taux variable[5], elle est revenue dans sur sa position trois ans plus tard.

Dans une décision du 20 décembre 2007, la première chambre civile a estimé, au visa de l’ancien article L. 313-2 du Code de la consommation devenu l’article L. 314-5, que « s’il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d’intérêt originel selon l’évolution d’un indice objectif, d’informer l’emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d’une telle révision »[6].

Cass. 1ère civ. 20 déc. 2007
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 313-2 du code de la consommation ;

Attendu que le texte susvisé, s'il impose la mention du taux effectif global dans tout écrit constatant un prêt, ne fait pas obligation au prêteur, en cas de stipulation de révision du taux d'intérêt originel selon l'évolution d'un indice objectif, d'informer l'emprunteur de la modification du taux effectif global résultant d'une telle révision ;

Attendu que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de l'Anjou et du Maine (la banque) a consenti un prêt à la société civile immobilière Le Brasseur (la SCI) en vertu d'un acte sous seing privé fixant le taux d'intérêt à 10,950 % l'an et le taux effectif global à 11,053 % l'an ; que ce même acte contient aussi la mention suivante : "nature du taux : révisable index TRBO 9,020" ; qu'en raison de la défaillance de la SCI, la banque a assigné celle-ci et M. X..., qui s'était porté caution solidaire du remboursement du prêt, en paiement du solde de celui-ci ;

Attendu que pour accueillir la demande reconventionnelle de la SCI et de M. X..., qui sollicitaient l'annulation de la stipulation d'intérêts et la substitution du taux légal au taux conventionnel, et surseoir à statuer sur la demande de la banque, la cour d'appel, après avoir énoncé que tout contrat de prêt doit non seulement fixer le taux de l'intérêt conventionnel mais encore faire mention du taux effectif global, a retenu que la stipulation d'un taux d'intérêt variable ne dispensait pas le prêteur du respect de cette dernière exigence, de sorte qu'il incombait à la banque de prouver qu'elle avait informé la SCI du taux effectif global résultant de chaque variation du taux d'intérêt et que la banque n'apportait pas cette preuve ;

En quoi, elle a violé le texte susvisé, par fausse application ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions autres que celles relatives à la déchéance du droit aux intérêts de la caisse régionale de crédit agricole de l'Anjou et du Maine à l'égard de M. X... et à la réimputation, à cet égard, des sommes payées par le débiteur principal, l'arrêt rendu le 27 septembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers, autrement composée ;

Ainsi, pour la haute juridiction, les établissements bancaires ne sont pas tenus, pour les prêts à taux variable, de communiquer le TEG/TAEG aux emprunteurs postérieurement à la conclusion du contrat, en cas d’évolution du taux.

Dès lors que l’exigence est satisfaite au stade de la conclusion de l’acte, le prêteur ne saurait se voir reprocher un manquement à ses obligations.

[1] Cass. com. 7 avr.2009, n°08-12192.

[2] Cass. com. 20 févr. 2007, n°04-11989 :  Banque et droit 2007, n° 114, p. 18.

[3] Cass. com. 9 juill. 2002, n°00-22512.

[4] Cass. com. 31 mai 2011, n°10-15854 : JCP E 2011, 1882, obs. N.-M

[5] Cass. com., 19 oct. 2004, préc. ; JCP E 2004, 1862 ; D. 2004, p. 2932, note A. V. R. ; JCP G 2004, II, 10194, note S. Raby

[6] Cass. 1re civ., 20 déc. 2007, n°06-14690 : JCP E 2008, 1226, note A. Gourio ; RD bancaire et fin. 2008, comm. 1, obs. F. Crédot et T. Samin ; JCP E 2008, 1768, obs. C. Lassalas-Langlais.

La convention de divorce par acte d’avocat: conditions, effets et révision

Pour mémoire, l’article 229-1 du Code civil dispose que « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

Ainsi, la convention de divorce a-t-elle pour fonction de formaliser l’accord des époux sur le principe et les effets du divorce.

I) Les conditions de validité de la convention de divorce

Pour valable, la convention doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

A) Sur le fond

==> Application du droit des contrats

  • Principe
    • En ce que la convention de divorce s’analyse en un contrat, le sous-titre Ier du titre III du Livre III du code civil relatif au contrat lui est, par principe, applicable ( 1100 à 1231-7 C.civ.)
    • En conséquence, la convention doit satisfaire aux conditions de formation du contrat
    • En particulier, l’article 1128 du Code civil lui est applicable.
    • Cette disposition prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat :
      • Le consentement des parties
      • Leur capacité de contracter
      • Un consentement licite et certain.
    • La convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • En cas d’inexécution de la convention, le droit des contrats devrait également être applicable à la convention de divorce, à la condition que la mesure sollicitée ne remette pas en cause le principe même du divorce
  • Exception
    • Si le caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.
    • En effet, les dispositions qui sont inconciliables par nature avec le divorce sont inapplicables.
    • Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce serait déclarée nulle car contraire à l’ordre public.
    • La deuxième hypothèse d’une action en résolution fondée sur l’inexécution suffisamment grave après une notification du créancier au débiteur ne paraît pas non plus être valable dès lors qu’elle remettrait également en cause le principe du divorce.

==> Contenu de la convention

Le contenu du contrat est régi aux articles 1162 à 1171 du Code civil. Ainsi, le contenu de la convention de divorce ne doit pas porter atteinte à ces dispositions.

  • L’exigence d’un contenu licite
    • Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toute les parties».
    • En matière familiale, la jurisprudence a une appréciation plutôt extensive de l’ordre public.
    • Relèvent notamment de l’ordre public familial :
      • l’autorité parentale (il n’est pas possible de renoncer ou de céder ses droits en dehors des cas prévus par la loi)
      • l’obligation alimentaire (qui est indisponible et non susceptible de renonciation).
    • Ainsi, il appartient à l’avocat de s’assurer que la convention ne comporte pas de clauses qui contreviendraient à l’ordre public.
    • Une clause qui, par exemple, exonérerait un époux de toute responsabilité en cas de non-paiement de la pension alimentaire serait réputée non écrite.
    • Surtout, la convention de divorce ne doit donc pas contenir de clauses fantaisistes qui risqueraient d’entraîner la nullité du contrat.
  • Exclusion du droit des clauses abusives
    • le divorce par acte d’avocat paraît exclu du champ du contrôle des clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil.
    • En effet la prohibition des clauses qui créent « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» ne s’applique que dans les contrats d’adhésion.
    • Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1110 du code civil comme étant « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties».
    • La qualification de contrat d’adhésion suppose donc la prédétermination unilatérale de conditions générales par l’une des parties et l’absence de négociation de ces conditions générales par l’autre partie.
    • Or l’intervention d’un avocat auprès de chacune des parties a pour objet de garantir l’effectivité d’une négociation des clauses de la convention de divorce et de la prise en compte des intérêts de chacun des époux.

B) Sur la forme

==> Un acte sous seing privé contresigné

L’article 229-1 du Code civil exige que la convention prenne la forme d’un acte sous seing privé contresigné par l’avocat de chacune des parties.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé contresigné par un avocat, dit acte d’avocat ?

Cette forme d’acte a été instituée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Le législateur est parti du constat que de nombreux actes sous seing privé sont conclus sans que les parties, et notamment celles qui souscrivent les obligations les plus lourdes, n’aient reçu le conseil de professionnels du droit.

Cette manière de procéder, de plus en plus répandue en France notamment par l’utilisation de formulaires pré-imprimés ou disponibles sur internet, présente deux risques principaux.

  • Premier risque
    • Il peut arriver que les conséquences de cet acte ne soient pas celles que les parties attendaient :
      • soit parce que le but recherché en commun n’est pas atteint (le bail n’est pas valable par exemple)
      • soit parce que la convention est illicite.
  • Second risque
    • L’une des parties peut être tentée de contester ultérieurement l’existence du contrat ou l’un de ses éléments.
    • Les autres parties se heurtent alors à un problème de preuve.
    • L’assistance d’un avocat est insuffisante pour parer complètement à ces risques : les parties pourront éprouver des difficultés à établir que l’acte est le produit de ses conseils et aucune force probante particulière n’en résultera.

Afin de remédier à ces deux difficultés, le législateur avait bien cherché par le passé à y remédier. Elles étaient toutefois très insuffisantes.

Certes, les parties peuvent s’adresser à un notaire : l’acte authentique reçu par celui-ci engage sa responsabilité et fait foi jusqu’à inscription de faux des faits qu’il y aura énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence.

En outre cet acte bénéficie d’une caractéristique exceptionnelle attachée à la qualité d’officier public du notaire : la force exécutoire.

Cette force exécutoire permet, dans certaines circonstances, d’en assurer la réalisation sans avoir besoin au préalable de recourir à une décision de justice.

Mais, s’il est admis sans difficulté que la force exécutoire ne peut être attachée qu’à l’acte authentique, il a été jugé souhaitable que l’implication d’un avocat dans la réalisation d’un acte juridique emporte des effets plus significatifs que ceux qui lui étaient reconnus jusqu’alors.

Dans une perspective d’accès au droit, de protection de l’acte juridique et de sécurité des individus comme des entreprises, il est apparu au législateur utile d’encourager le recours aux conseils de l’avocat à l’occasion de la négociation, de la rédaction et de la conclusion des actes sous seing privé.

Il a donc été envisagé de permettre aux parties de renforcer la valeur de l’acte sous seing privé qu’elles concluent en demandant à un avocat, pouvant ou non être commun à plusieurs d’entre elles, de le contresigner.

Ce contreseing – qui existe déjà pour le mandat de protection future – entraîne deux conséquences.

  • Première conséquence
    • L’avocat ayant contresigné l’acte est présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a rédigé lui-même, et avoir conseillé son client
    • À ce titre, il assume pleinement la responsabilité qui en découle.
  • Seconde conséquence
    • L’avocat atteste, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que celui-ci a signé l’acte et en connaissance de cause, ce qui empêche celui-ci de contester ultérieurement sa signature
    • L’acte contresigné par un avocat possède alors, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

Appliqué au divorce par consentement mutuel, l’acte sous seing privé contresigné par avocat offre à la convention de divorce un cadre juridique adapté et sécurisé.

Il présente, en effet, deux avantages par rapport à un acte sous seing privé classique.

  • D’une part, il confère une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause.
  • Ensuite, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

==> Les mentions

  • Mentions relatives à la civilité des parties
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun des enfants du couple
  • Mentions relatives aux avocats
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux
      • Le barreau auquel ils sont inscrits
  • Mentions relatives au notaire instrumentaire
    • L’article 1144-1 du code de procédure civile ajoute que les époux doivent mentionner le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office notarial chargés du dépôt de la convention au rang de ses minutes.
    • Le cas échéant, rien ne s’oppose à ce que ce notaire soit le même que celui qui aura dressé l’acte liquidatif de partage en la forme authentique.
  • Mentions relatives à l’accord des époux
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention
      • Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire
      • L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
  • Mentions relatives à la pension alimentaire et à la prestation compensatoire
    • Compte tenu de l’importance des conséquences de la prévision d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire, l’article 1444-4 du Code de procédure civile prévoit que la convention doit contenir les informations des parties sur les modalités de recouvrement, les règles de révision et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance.
    • L’article 1144-3 précise que lorsque des biens ou droits, non soumis à la publicité foncière, sont attribués à titre de prestation compensatoire, la convention précise la valeur de ceux-ci.
    • En cas de biens soumis à publicité foncière, un acte authentique devra être rédigé par un notaire.
    • Il peut, en outre, être prévu un paiement direct entre les mains, par exemple, de l’employeur du débiteur de ladite pension ou prestation.
    • Dans ce cas, le débiteur doit indiquer dans la convention le tiers débiteur saisi chargé du paiement
  • Mentions relative à l’information de l’enfant
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
    • L’article 1144-2 du code de procédure civile précise que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement, ce qui facilitera les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt.

En pratique, ces mentions peuvent apparaître dans un paragraphe distinct ou en annexe afin que les informations délivrées soient suffisamment lisibles et identifiables par le créancier (cf. annexe 2 de la présente circulaire).

==> La régularisation de la convention

  • Délai de réflexion
    • L’article 229-4 du code civil fixe un délai de réflexion de quinze jours pour chacun des époux, à compter de la réception de la lettre recommandée contenant le projet de convention, pendant lequel les parties ne peuvent signer la convention.
    • Il appartient donc aux avocats et aux parties de définir une date de rendez-vous de signature qui soit fixée à plus de quinze jours à compter de la réception du dernier courrier recommandé, signé personnellement par chacune des parties. En effet, la signature de l’un des époux ne vaut pas réception de la convention par l’autre ni ne présume celle-ci.
    • Les avocats respectifs des parties doivent donc s’assurer de la signature personnelle de l’époux sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
  • La signature et le contreseing
    • La convention est établie selon l’acte d’avocat prévu à l’article 1374 du code civil, qui fait foi de l’écriture et de la signature des parties.
    • En contresignant l’acte, les avocats attestent du consentement libre et éclairé de leur client.
    • L’article 1145 du code de procédure civile précise que la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature.
    • En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention.
    • En effet, l’article 1175-1° du code civil exclut la possibilité d’établir et conserver sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs aux droits de la famille de sorte qu’en l’absence de dérogation expressément prévue dans la loi du 18 novembre 2016, la signature par la voie électronique de la convention visée à l’article 229-1 du code civil est impossible.
    • La convention et ses annexes doivent être signées en trois exemplaires afin que chaque époux dispose d’un original et qu’un exemplaire soit déposé au rang des minutes du notaire désigné.
    • Lorsque la convention ou ses annexes doivent être soumises à la formalité de l’enregistrement, un quatrième exemplaire original devra être signé pour être transmis aux services fiscaux.
    • En cas de modification de la convention par rapport au projet initial, un nouveau délai de réflexion de quinze jours doit être laissé aux époux à compter de ces modifications, ce qui suppose, si celles-ci interviennent lors d’un rendez-vous de signature, d’organiser une seconde rencontre au moins quinze jours après.
  • Transmission de la convention au notaire
    • L’archivage de la convention étant déjà assuré par son dépôt au rang des minutes d’un notaire, il n’est pas nécessaire d’en prévoir un à la charge des avocats.
    • L’avocat le plus diligent, ou mandaté par les deux parties, transmet la convention de divorce accompagnée de ses annexes au notaire mentionné dans l’acte dans un délai maximum de sept jours suivant la date de la signature de la convention (article 1146 CPC).
    • À défaut de respecter ce délai, il engage sa responsabilité professionnelle.
    • Ce délai est un délai indicatif maximal qui ne constitue pas un délai de rétractation dans la mesure où les époux ont déjà bénéficié d’un délai de réflexion antérieurement à la signature de la convention.
    • Enfin, l’original de la convention devant être transmis, l’envoi ne peut être dématérialisé.
  • Frais d’acte
    • L’article 1144-5 du Code de procédure civile prévoit que la convention règle le sort des frais induits par la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, sous réserve des règles spécifiques en matière d’aide juridictionnelle et qu’à défaut, ils sont partagés par moitié.
    • Ces frais devraient être détaillés pour comprendre, l’ensemble des frais prévisibles (en particulier, les frais de transmission de la convention au notaire et de dépôt, ceux de partage et, le cas échéant, de traduction de la convention).
    • Conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocats, les honoraires sont exclus de ces frais puisque l’avocat ne peut percevoir d’honoraires que de son client ou d’un mandataire de celui-ci.

==> L’intervention du notaire

  • La compétence territoriale des notaires
    • Conformément aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, les notaires ne sont pas assujettis à des règles de compétence internes.
    • En outre, les règles de compétence du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne concernent que les juridictions appelées à rendre une décision.
    • Or, dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, les notaires doivent, après un contrôle formel, déposer au rang de leurs minutes la convention constituant l’accord des époux et ils ne rendent de ce fait aucune décision, de sorte qu’ils ne sont pas des juridictions au sens de ce règlement.
    • Par conséquent, les notaires, qui ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce, sans préjudice des effets que les règles de droit international privé applicables aux parties, à raison de leur nationalité par exemple, pourraient entraîner dans un autre État, en termes de reconnaissance du divorce et de ses conséquences notamment.
    • Enfin, l’article 8 du décret du 28 décembre 2016 a expressément exclu les fonctions notariales des agents consulaires du dispositif.
    • Ces derniers ne peuvent donc procéder au dépôt de la convention de divorce.
  • Le contrôle exercé par le notaire
    • Si le notaire n’a pas à contrôler le contenu ou l’équilibre de la convention, il doit, avant de pouvoir effectuer le dépôt de la convention au rang de ses minutes, vérifier la régularité de celle-ci au regard des dispositions légales ou réglementaires.
    • Pour autant, s’il est porté manifestement atteinte à l’ordre public (une clause qui évincerait les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation ou une clause de non-remariage par exemple), le notaire, en sa qualité d’officier public, pourra alerter les avocats sur la difficulté.
    • Ni les époux, ni les avocats n’ont en principe à se présenter devant le notaire.
      • Le contrôle du respect du délai de réflexion
        • L’article 229-1 du code civil donne expressément au notaire compétence pour s’assurer que le délai de réflexion de quinze jours entre la rédaction de la convention et la signature prévue à l’article 229-4 du même code a bien été respecté.
        • À cette fin, la convention pourra comporter utilement en annexe la copie des avis de réception des lettres recommandées envoyées à chacune des parties et contenant le projet de convention.
        • Si le délai de réflexion de quinze jours n’a pas été respecté, le notaire ne peut procéder au dépôt de la convention.
      • Le contrôle des exigences formelles
        • Le dernier alinéa de l’article 229-1 du code civil rappelle le rôle du notaire.
        • Celui-ci doit vérifier le respect des exigences prévues aux 1° au 6° de l’article 229-3 du code civil.
        • Si la convention ne contient pas l’ensemble de ces mentions, le notaire doit refuser de procéder à son dépôt.
        • Les époux devront rédiger une nouvelle convention avec les mentions manquantes et respecter le délai de réflexion de quinze jours avant de pouvoir procéder à la signature de celle-ci et de la transmettre au notaire en vue de son dépôt.
  • Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire
    • L’article 1146 du Code de procédure civile prévoit que le notaire dispose d’un délai maximal de quinze jours pour procéder au contrôle susmentionné de la convention et de ses annexes et déposer l’acte au rang de ses minutes.
    • Ce délai ne constituant pas un délai de rétractation, le notaire peut procéder à ce contrôle et au dépôt dès réception des documents.
    • Le dépassement de ce délai ne constitue pas une cause de caducité de la convention mais peut être de nature à engager la responsabilité professionnelle du notaire.
    • Le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire ne confère pas à la convention de divorce la qualité d’acte authentique mais lui donne date certaine et force exécutoire à l’accord des parties et entraîne la dissolution du mariage à cette date.
    • Les effets du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, prennent effet à la date du dépôt, à moins que la convention n’en dispose autrement (article 262-1 du code civil).
    • Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l’obligation d’assurer la conservation de l’acte pendant une durée de 75 ans et le droit d’en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques.
    • L’article 14 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit les conditions de conservation en cas de suppression ou de scission d’un office de notaire, à titre provisoire ou définitif, ce qui permet d’assurer la continuité de la conservation.
    • Le notaire doit délivrer une attestation de dépôt à chacun des époux qui contient, outre ses coordonnées, notamment :
      • la mention du divorce
      • l’identité complète des époux
      • leurs lieu et date de naissance
      • le nom de leurs avocats respectifs et le barreau auquel ils sont inscrits
      • la date de dépôt. U
    • Une attestation est également délivrée, le cas échéant, à l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, à sa demande, afin que celui-ci puisse solliciter le paiement de la contribution de l’État (article 118-3 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).
    • Cette attestation permettra aux ex-conjoints ou à leurs avocats de faire procéder à la mention du divorce sur les actes de l’état civil et de justifier du divorce auprès des tiers.

==> Publicité : la mention du divorce sur les actes d’état civil

Dès réception de l’attestation de dépôt de la convention de divorce et de ses annexes, les époux ou les avocats doivent en principe transmettre celle-ci à l’officier d’état civil de leur lieu de mariage aux fins de mention du divorce sur l’acte de mariage selon les modalités prévues à l’article 1147 du code de procédure civile.

Le mariage est dissous à la date de l’attestation de dépôt qui lui donne force exécutoire.

Conformément aux dispositions de l’article 49 du code civil, l’officier d’état civil qui a apposé la mention du divorce en marge de l’acte de mariage, transmet un avis à l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance de chacun des époux aux fins de mise à jour de ces actes par la mention de divorce.

Si le mariage a été célébré à l’étranger et en l’absence d’acte de mariage conservé par un officier d’état civil français, la mention du divorce sera portée sur les actes de naissance et à défaut, l’attestation de dépôt sera conservée au répertoire civil annexe détenu au service central d’état civil à Nantes.

Toutefois, si le mariage a été célébré à l’étranger à compter du 1er mars 2007, sa transcription sur les registres de l’état civil français sera nécessaire avant de pouvoir inscrire la mention du divorce sur l’acte de naissance d’un Français.

II) Les effets de la convention

A) Opposabilité de la convention

==> À l’égard des parties

  • Principe
    • L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire»
    • Ainsi, ce n’est donc pas la signature de la convention qui la rend opposable entre les parties, mais son dépôt
  • Exception
    • L’article 262-1, al. 1er du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement»
    • Les parties peuvent ainsi décider de modifier la date des effets du divorce, s’agissant de leurs rapports patrimoniaux.
    • Les effets du divorce pourront donc être reportés à une date antérieure au jour du dépôt au rang des minutes du notaire.
    • Ils pourront ainsi faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation effective.

==> À l’égard des tiers

L’article 262 du Code civil prévoit que le divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de mention en marge des actes d’état civil ont été effectuées.

Tant que cette mesure de publicité n’est pas accomplie par les époux, le divorce leur sera inopposable.

Ils seront donc toujours fondés à se prévaloir du principe de solidarité des dettes ménagères par exemple.

B) Étendue des effets de la convention

==> Irrévocabilité du principe du divorce

Le caractère conventionnel de la convention de divorce devrait permettre aux époux de révoquer leur accord en cas d’inexécution de leurs obligations respectives.

Toutefois, si ce caractère conventionnel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.

Dès lors, il est des dispositions qui, par nature, sont inconciliables par nature avec le divorce

Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce devrait être déclarée nulle car contraire à l’ordre public.

De la même manière, l’époux qui engage une action en résolution judiciaire sur le fondement de l’inexécution suffisamment grave après une notification au débiteur devrait être débouté de sa demande.

Dans le cas contraire, une telle action pourrait conduire à remettre en cause le principe du divorce.

Or une fois l’accord des époux scellé, cet accord est irrévocable.

==> Rétractation des époux

Il convient de distinguer selon qu’un seul des époux ou les deux se rétractent.

  • Un seul époux se rétracte
    • Dans l’hypothèse où l’un des époux se rétracterait entre la signature de la convention et son dépôt au rang des minutes, le notaire doit quand même procéder à l’enregistrement de la convention.
    • En effet, la convention de divorce constitue un contrat à terme au sens de l’article 1305 du code civil, qui engage les parties de manière irrévocable, sauf consentement mutuel des parties pour y renoncer ou pour les causes que la loi autorise (article 1193 C. civ.), en l’espèce la demande d’audition de l’enfant (article 229-2 C. civ.).
    • Seuls les effets de la convention, et donc l’exigibilité des obligations de chacun des époux, sont différés jusqu’au dépôt de l’acte au rang des minutes du notaire mais la force obligatoire de la convention s’impose aux parties dès la signature.
    • En conséquence, il est interdit à un seul des époux de “faire blocage” et de bénéficier de ce fait d’une faculté de rétractation non prévue par la loi.
  • Les deux époux se rétractent
    • Lorsque, d’un commun accord, les deux époux renoncent au divorce, ils peuvent révoquer la convention jusqu’au dépôt de celle-ci au rang des minutes du notaire en application de l’article 1193 du code civil.
    • Le notaire doit être informé de la renonciation au divorce par tous moyens, aucune condition de forme n’étant imposée.
    • Dans le cas d’un renoncement à cette voie du divorce par consentement conventionnel, l’article 1148-2, alinéa 2 du code de procédure civile, rappelle que la juridiction est saisie dans les conditions des articles 1106 et 1107 du même code.
    • La convention peut aussi être modifiée entre la signature et le dépôt d’un commun accord entre les époux (article 1193 C. civ.).
    • Dans ce cas, une nouvelle convention devra être rédigée et les avocats devront veiller à informer le notaire de ce changement afin que celui-ci ne procède pas au dépôt. Le délai de réflexion de quinze jours courra à nouveau entre la rédaction du projet et la signature de celui-ci par les parties en présence de leurs avocats.

==> Exécution forcée de la convention

La loi du 18 novembre 2016 a ajouté à la liste des titres exécutoires de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil.

Les époux peuvent donc solliciter l’exécution forcée de la convention dès lors que celle-ci a été déposée au rang des minutes du notaire.

Dès son dépôt, la convention de divorce a des effets identiques à ceux d’un jugement de divorce.

À cette fin, certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 18 novembre 2016, le décret du 28 décembre 2016 et l’article 115 de la loi de finances rectificative pour 2016.

  • Pension alimentaire
    • En application de l’article L. 213-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 1er de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 la convention de divorce permet d’engager une procédure de recouvrement de la pension alimentaire
    • En complément, Le code général des impôts a été modifié pour que les pensions alimentaires et prestations compensatoires fixées par la convention de divorce bénéficient du même régime fiscal que celles fixées par un jugement de divorce
  • Prestations sociales
    • Pour les mêmes raisons, l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une modification afin de permettre au créancier d’une pension alimentaire fixée par une convention de divorce établie par acte d’avocats ou par un acte authentique de bénéficier de l’allocation de soutien familial ou de l’allocation de soutien familial différentielle.
    • L’article L.581-2 du même code a en conséquence été modifié afin de permettre à la CAF qui a versé cette allocation, au lieu et place du parent débiteur défaillant, de recouvrer les sommes versées.

Toutefois, la convention ne constitue pas un titre permettant d’obtenir l’expulsion de l’époux qui se maintient illégitimement dans le logement dans la mesure où l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution restreint cette possibilité à la production d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation, qui est toujours signé par un juge compte tenu de l’atteinte aux libertés individuelles que constitue cette mesure.

==> La révision de la convention

  • Principe
    • L’article 1193 du Code civil prévoit de façon générale la révision des conventions par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
    • Il en résulte que la convention de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocat pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat.
    • L’acte sous seing privé simple ou contresigné par avocat portant révision de la convention n’aura toutefois ni date certaine, ni force exécutoire, sauf à ce que les parties en fassent ultérieurement constater la substance dans un acte authentique pour lui conférer date certaine, en application de l’article 1377 du code civil.
  • Tempéraments
    • En raison de la soumission de la convention de divorce à l’ordre public familial, certaines clauses de la convention ne peuvent être révisées selon le droit commun des contrats.
    • Tel est le cas du principe du divorce en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes, ou des clauses portant sur la prestation compensatoire, dont la révision fait l’objet de dispositions spécifiques prévues à l’article 279 du code civil.
    • Les parties pourront toujours solliciter l’homologation de leur nouvel accord portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant devant le juge aux affaires familiales, par requête conjointe, en application des dispositions de l’article 373-2-7 du code civil.
    • Depuis le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016, le juge peut homologuer cette convention sans audience à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
    • Enfin, le juge aux affaires familiales pourra toujours être saisi par les deux parents, ensemble ou séparément sur le fondement de l’article 373-2-13 du code civil, aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

==> Le contentieux de l’inexécution de la convention par l’un des ex-époux

En cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations résultant de la convention de divorce ayant force exécutoire, l’autre pourra toujours saisir le tribunal de grande instance de la difficulté.

L’exception d’inexécution prévue à l’article 1209 du code civil ne pourra toutefois être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire due pour l’éducation et l’entretien de l’enfant ne pourra refuser de verser cette contribution au motif que l’enfant ne lui est pas représenté.

La date des effets du divorce

En apparence, la détermination de la date des effets du divorce ne soulève pas de difficultés particulières.

L’article 260 du Code civil prévoit que le mariage est dissous :

  • Soit « par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire»
  • Soit « par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »

Ainsi, conviendrait-il de distinguer selon que le divorce est contentieux ou selon qu’il est conventionnel pour déterminer la date de ses effets.

  • Si le divorce est contentieux, le divorce produit ses effets à la date à laquelle le jugement est passé en force de chose jugée
  • Si le divorce est conventionnel, le divorce produit ses effets à la date la convention contresignée par les avocats des époux est déposé chez le notaire

À l’examen, les choses ne sont toutefois pas aussi simples qu’il y paraît.

Si, en effet, l’on rentre dans le détail des dispositions qui régissent la date des effets du divorce, il apparaît que, en réalité, cette date ne sera pas la même selon que l’on envisage

  • les effets du divorce à l’égard des époux et à l’égard des tiers
  • les effets personnels du divorce et les effets patrimoniaux du divorce

À cela s’ajoute, la possibilité pour les époux de solliciter, en certaines circonstances, le report de la date des effets du divorce, en ce qui concerne le règlement des conséquences pécuniaires.

Très vite, on s’aperçoit alors que la date des effets du divorce n’est pas unitaire, mais plurale, de sorte qu’il convient d’opérer un certain nombre de distinctions, à commencer par celle qui commande d’envisager différemment les effets personnels du divorce et ses effets patrimoniaux.

I) Les effets relatifs à la personne des époux

Les effets relatifs à la personne des époux ne sont autres que les conséquences du mariage qui sont attachées à la qualité d’époux.

Au nombre des effets d’ordre personnel nés du mariage on compte notamment :

  • L’obligation de communauté de vie
  • Le devoir de cohabitation
  • Le devoir de fidélité
  • L’obligation de respect
  • L’obligation d’assistance
  • Le devoir de secours

S’agissant des conséquences du mariage attachées à la qualité d’époux, il convient de distinguer selon que le divorce est prononcé par un juge ou selon que le divorce est purement conventionnel.

==> Le divorce est prononcé par un juge

L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la décision qui prononce le divorce, à la date à laquelle elle prend force de chose jugée. »

Ainsi, lorsque le divorce est prononcé par un juge, il produit ses effets à la même date : la date à laquelle la décision est pourvue de la force de chose jugée.

Cette règle s’applique :

  • Au divorce par consentement mutuel homologué par le juge
  • Au divorce accepté
  • Au divorce pour altération définitive du lien conjugal
  • Au divorce pour faute

La question qui alors se pose est de savoir ce que l’on doit entendre par décision passée en force de chose jugée.

L’article 500 du Code de procédure civile prévoit que possède la « force de chose jugée le jugement qui n’est susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution »

L’alinéa 2 de cette disposition précise que « le jugement susceptible d’un tel recours acquiert la même force à l’expiration du délai du recours si ce dernier n’a pas été exercé dans le délai. »

Il convient alors de distinguer selon que le divorce par consentement mutuel homologué par un juge des autres cas de divorce :

  • Le divorce par consentement mutuel homologué par un juge
    • Dans la mesure où le jugement qui homologue la convention des époux est insusceptible de faire l’objet d’un appel, le jugement de divorce acquiert la force de chose jugée au jour de son prononcé
  • Les divorces contentieux
    • Les jugements de divorce rendus dans le cadre d’une procédure contentieuse sont susceptibles de faire l’objet d’un recours suspensif
    • Il en résulte que le divorce produira ses effets à l’expiration du délai d’appel d’un mois ouvert aux époux qui court à compter du jour de la signification de la décision par exploit d’huissier

==> Le divorce par acte d’avocat

L’article 260 du Code civil prévoit que « le mariage est dissous […] par la convention de divorce conclue par acte sous signature privée contresigné par avocats, à la date à laquelle elle acquiert force exécutoire »

Ainsi, lorsque le divorce se réalise sans recours au juge, il produit ses effets au jour du dépôt chez le notaire de la convention contresignée par les avocats.

L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit en ce sens que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire ».

II) Les effets relatifs aux biens des époux

Tandis que la date de dissolution du mariage est unitaire, la date de dissolution du régime matrimoniale est plurale.

En effet, s’agissant des conséquences pécuniaires, la date à laquelle le divorce produira ses effets est différente selon que l’on envisage :

  • Les rapports entre époux
  • Les rapports avec les tiers

A) Les rapports entre époux

  1. Principe : la pluralité de dates des conséquences pécuniaires

L’article 262-1 du Code civil prévoit que la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens :

  • Lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement ;
  • Lorsqu’il est prononcé par consentement mutuel dans le cas prévu au 1° de l’article 229-2, à la date de l’homologation de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, à moins que celle-ci n’en dispose autrement ;
  • Lorsqu’il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute, à la date de l’ordonnance de non-conciliation.

Il ressort de cette disposition qu’il convient de distinguer selon les cas de divorce pour déterminer la date de ses conséquences pécuniaires.

  • Pour le divorce par acte d’avocat, celui-ci produit ses effets au jour du dépôt de la convention contresignée chez le notaire
  • Pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, celui-ci produit ses effets à la date de l’homologation par le juge de la convention
  • Pour les divorces contentieux, le divorce produit ses effets, non pas au jour où la décision du juge est passée en force de chose jugée, mais à la date de l’ordonnance de non-conciliation, soit avant l’acte introductif d’instance

2. Exception : le report de la date des conséquences pécuniaires

==> Principe

L’article 262-1, al. 5 prévoit que « à la demande de l’un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer. Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. »

Il ressort de cette disposition que sur demande des époux, il peut être procédé à un report de la date des effets du divorce antérieurement à l’ordonnance de non-conciliation.

Le législateur a souhaité tenir compte de l’éventualité que la rupture soit consommée avant l’audience de conciliation, ce qui, en pratique, sera toujours le cas.

Aussi, afin de tenir compte de cette réalité, il est permis aux époux de faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation, à tout le moins de s’en rapprocher.

Spécialement, ce report pourra avoir un intérêt pécuniaire, lorsque l’un des époux séparé de fait avant la tentative de conciliation aura perçu des sommes importantes au titre de gains et salaires économisés ou qu’il se sera porté acquéreur d’un bien qu’il souhaite ne pas voir tomber en communauté.

==> Conditions

La possibilité pour les époux de solliciter le report de la date du divorce est subordonnée à la réunion de deux conditions cumulatives :

  • La cessation de la cohabitation des époux
  • La cessation de la collaboration entre les époux

Il ressort de la formulation de l’article 262-1 qui comporte la conjonction de coordination « et » que la cessation doit être double, de sorte que la persistance d’un seul de ces deux éléments fait obstacle au report de la date des effets du divorce (V. en ce sens Cass. 1ère civ., 28 févr. 2006).

La question qui alors se pose est de savoir comment apprécier les deux conditions que sont la cession de cohabitation et la cession de la collaboration.

Si, la cessation de la cohabitation ne soulève pas de difficulté dans l’établissement de la preuve, il en va autrement s’agissant de la cessation de la collaboration.

En particulier, quid lorsque des mouvements de valeurs font continuer à se réaliser après l’ordonnance de conciliation et durant l’instance en divorce ?

Afin de faciliter la preuve de la cessation de la collaboration entre époux, la jurisprudence a posé une présomption en cas de cessation de la cohabitation.

Dans un arrêt du 14 mars 2012, la Cour de cassation a ainsi affirmé que « la cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration » (Cass. 1ère civ., 14 mars 2012).

La conséquence en est que c’est à l’époux qui conteste le report de la date des effets du divorce de démontrer l’absence de cessation de la collaboration.

Aussi, est-ce seulement dans cette configuration-là que la question de la définition de la collaboration se posera.

Il ressort de la jurisprudence que la collaboration suppose que « les époux ont ajouté une activité commune aux devoirs légaux nés du mariage »[1].

Ainsi, n’est pas constitutif d’un acte de collaboration :

  • La contribution aux charges du mariage
  • Le maintien du fonctionnement d’un compte joint
  • Le maintien d’une donation au dernier vivant
  • Le paiement d’une dette commune

En revanche, peut s’apparenter en un acte de collaboration :

  • Acquisition de biens communs
  • Versement de sommes au conjoint qui excèdent la contribution aux charges du mariage

==> Effets

En cas de réunion des conditions exigées par l’article 262-1 du Code civil se pose immédiatement la question de la date du report.

Dans un arrêt du 18 mai 2011, la Cour de cassation a répondu à une partie de cette question en affirmant, au visa de l’article 262-1 « qu’il résulte du premier alinéa de ce texte qu’à défaut d’accord des époux, le jugement de divorce prend effet dans leurs rapports patrimoniaux à la date de l’ordonnance de non-conciliation ; que, dès lors, si, selon l’alinéa deux du même texte, le juge peut, à la demande de l’un d’eux, fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer, cette date ne peut qu’être antérieure à celle de l’ordonnance de non-conciliation » (Cass. 1ère civ., 18 mai 2011).

Il ressort de cette décision que le report ne peut conduire à retenir qu’une date antérieure à l’ordonnance de non-conciliation.

En pratique, la date retenue correspondra au jour de la séparation effective des époux.

B) Les rapports avec les tiers

==> Principe

L’article 262 du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce est opposable aux tiers, en ce qui concerne les biens des époux, à partir du jour où les formalités de mention en marge prescrites par les règles de l’état civil ont été accomplies. »

Autrement dit, le divorce ne produira ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de l’accomplissement des formalités de publicité.

C’est donc l’inscription du divorce en marge de l’acte d’état civil des époux qui rendra le divorce opposable aux tiers.

En l’absence de cette formalité de publicité, les époux seront réputés mariés à l’égard des tiers qui donc pourront toujours se prévaloir des règles qui gouvernent le régime matrimonial des époux.

Il convient de préciser que ces règles pourront seulement être invoquées par les tiers contre les époux, et non dans le sens inverse.

==> Exception

L’article 262-2 du Code civil prévoit que « toute obligation contractée par l’un des époux à la charge de la communauté, toute aliénation de biens communs faite par l’un d’eux dans la limite de ses pouvoirs, postérieurement à la requête initiale, sera déclarée nulle, s’il est prouvé qu’il y a eu fraude aux droits de l’autre conjoint. »

Ainsi, en cas d’accomplissement par un époux, postérieurement à la requête initiale, d’un acte en fraude des droits de son conjoint, ledit acte est nul, ce qui dès lors affectera la situation du tiers contractant, peu importe sa bonne ou mauvaise foi.

[1] F. Terré et D. Fenouillet, Droit civil – La Famille, éd. Dalloz, 2011, n°273, p. 234.

Le divorce par consentement mutuel par acte d’avocat (sans juge): conditions et procédure

==> Ratio legis

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a institué une nouvelle procédure de divorce, aux côtés de celles déjà existantes.

La particularité de cette procédure est qu’elle ne requiert plus l’intervention du juge, mais seulement celle de deux professions réglementées : les avocats et les notaires.

Il s’agit du divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.

Le Conseil national des barreaux avait fait valoir, au soutien de cette réforme, que dans son Livre blanc sur la justice du XXIème siècle, que « le rôle [du juge] est de trancher des contentieux. Or nous parlons de divorce par consentement mutuel, pas de contentieux ».

La création d’une procédure conventionnelle de divorce, placée sous la vigilance des avocats était donc, selon lui, pour le moins opportune.

C’est opinion était, cependant, loin de faire l’unanimité. De nombreuses critiques ont été émises à l’encontre de l’adoption de ce nouveau cas de divorce.

En particulier, des réserves ont été exprimées quant à son application aux couples avec des enfants mineurs, le risque étant que leurs intérêts soient lésés, tout autant que l’époux se trouvant en situation de faiblesse.

Céline Bessière, maître de conférences en sociologie à l’université Paris-Dauphine, a résumé cette idée en soulignant que si les magistrats ne disposent, en pratique, que de peu de temps pour auditionner les époux qui souhaitent divorcer par consentement mutuel, « il arrive qu’ils signalent à une femme qui renonce à une prestation compensatoire qu’elle aurait pu y avoir droit. Ils peuvent aussi mettre en garde les conjoints sur les arrangements complexes ou farfelus susceptibles de nuire à l’intérêt de l’enfant, et ordonner des renvois. Sans ce droit de regard du juge sur les conventions, que se passera-t-il ? ».

==> Divorce par consentement mutuel judiciaire et divorce par consentement mutuel conventionnel

La procédure de divorce par consentement mutuel conventionnel se distingue du divorce par consentement mutuel judiciaire sur trois points.

  • Première différence
    • Il est fait obligation aux deux époux de prendre chacun un avocat.
    • Cette obligation est présentée comme une garantie pour les intéressés.
    • En effet, la partie la plus faible ne pourrait plus escompter que le juge veille à ses intérêts et refuse, comme l’article 232 du code civil lui en fait l’obligation, d’homologuer une convention qui préserve insuffisamment lesdits intérêts ou ceux de ses enfants.
  • Deuxième différence
    • La convention de divorce n’a plus à être homologuée par un juge.
    • Il suffit qu’elle soit signée par les parties, puis contresignée par leurs avocats, avant d’être ensuite déposée par ces derniers au rang des minutes d’un notaire.
    • Ce dépôt confère une date certaine à la convention et force exécutoire, ce qui évite alors à chacun des époux d’avoir à revenir devant le juge pour le faire exécuter en cas d’inexécution de la part de l’autre.
  • Troisième différence
    • La convention de divorce est soumise au respect de plusieurs exigences formelles :
      • des renseignements relatifs aux époux, à leurs enfants et à leurs avocats
      • des mentions relatives à l’accord des époux pour le divorce, les modalités de son règlement, pour tous ses effets, patrimoniaux et extra-patrimoniaux, ainsi qu’à l’état liquidatif éventuel du régime matrimonial.

I) Le principe

Aux termes de l’article 229-1 du Code civil « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

À l’instar du divorce par consentement mutuel judiciaire, le divorce par consentement mutuel contresigné par un avocat suppose que les époux soient d’accord sur tout.

Plus précisément, ils doivent être d’accord :

  • Sur le principe même de divorcer (rupture du lien conjugal)
  • Sur les effets du divorce (sort des biens et des enfants)

En cas de désaccord des époux sur l’un de ses deux points, ils n’auront d’autre choix que de recourir au juge.

II) Domaine d’application

==> Principe

Lors de l’adoption de la loi du 18 novembre 2016, il ressort des travaux parlementaires que ce nouveau cas de divorce a vocation à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.

Plus encore, l’article 229 du Code civil peut désormais être lu comme érigeant au rang de principe le divorce par consentement mutuel conventionnel.

Il s’infère de sa rédaction que, ce n’est que par exception que le recours au Juge est envisagé.

À cet égard, la circulaire du 26 janvier 2017 confirme cette interprétation en indiquant que « le nouveau divorce par consentement mutuel extrajudiciaire n’est pas un divorce optionnel. »

Si donc les époux s’accordent sur le principe de la rupture du lien conjugal et l’ensemble des conséquences du divorce, la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel ne leur est, sauf exception, désormais plus ouverte.

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est possible que dans les deux cas d’exclusions énoncés à l’article 229-2 du Code civil.

==> Exclusions

En application de l’article 229-2 du Code civil, le recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est expressément exclu dans deux cas :

  • Premier cas
    • Lorsque, l’enfant mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge, demande son audition par le juge
  • Second cas
    • Lorsque l’un des époux se trouve placé sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice.

De toute évidence, ces deux exclusions visent à protéger des personnes irréfragablement présumées comme faibles, dont les intérêts ne doivent pas être lésés.

La garantie instituée par l’article 229-2 du Code civil est toutefois en retrait par rapport à celle conférée par la procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire.

Cette dernière prévoit expressément un contrôle du juge sur le sort réservé à l’enfant (et à l’autre conjoint).

L’article 232 du code civil dispose en ce sens que le juge « peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux ».

Ce contrôle ne joue, désormais, qu’à la condition que l’enfant ait lui-même demandé à être entendu : d’une protection systématique on est passé à une protection hypothétique, laissant à l’enfant seul le soin de veiller à ses intérêts, pour que le juge soit ensuite en mesure d’en assurer le respect.

Il a été objecté, la faible portée, en pratique, du contrôle du juge, puisque rien n’oblige ensuite les parents à se tenir à la convention homologuée sur le sort des enfants : cette garantie serait donc illusoire.

En toute hypothèse, subordonner la saisine du juge à la demande préalable de l’enfant d’être entendu fait porter sur ses épaules le poids du renoncement à la procédure non judiciaire que souhaitaient ses parents.

En outre se posent la question de l’information de l’enfant et celle de la prise en compte de son souhait, puisqu’il n’entre pas dans le mandat des avocats de veiller aux intérêts du mineur.

==> Les passerelles

  • Du divorce conventionnel vers le divorce judiciaire
    • En vertu de l’article 1148-2 du code de procédure civile, si les époux ne parviennent pas à trouver un accord sur l’ensemble des conséquences du divorce ou si l’un d’eux ne souhaite plus divorcer, le fait d’avoir tenté de régler leur différend par la voie amiable ne les empêche pas de saisir le juge aux fins de divorce contentieux ou de séparation de corps.
  • Du divorce judiciaire vers le divorce conventionnel
    • L’article 247 du code civil prévoit que les époux qui seraient engagés dans une procédure contentieuse peuvent toujours, à tout moment de la procédure, divorcer par consentement mutuel.
    • Dans cette hypothèse, s’il n’y a pas de demande d’audition d’enfant, les parties doivent recourir au divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire. Il appartient aux avocats dans cette hypothèse de solliciter un retrait du rôle ou de se désister de l’instance en cours pour le divorce contentieux.
  • Dispositions transitoires
    • Seules les requêtes en divorce par consentement mutuel déposées avant le 1er janvier 2017 ainsi que les requêtes en passerelle fondées sur l’article 247 ancien et enregistrées avant cette date avec une convention datée et signée par chacun des époux et leur(s) avocat(s) portant règlement complet des effets du divorce, conformément à l’article 1091 du code de procédure civile, sont traitées selon les règles en vigueur avant le 1er janvier 2017.
    • En dehors de ces deux hypothèses, c’est donc uniquement dans le cas prévu à l’article 229-2 du code civil, c’est-à-dire en présence d’une demande d’audition formulée par un enfant du couple, que les époux demandent au juge de constater leur accord pour voir prononcer le divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les conséquences de celui-ci.

III) Les conditions

A) Les conditions relatives aux époux

==> La capacité

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre. »

Ainsi, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel il faut jouir de sa pleine et entière capacité juridique.

Plus précisément, il ne faut pas que l’un des époux fasse l’objet d’une mesure de protection.

L’article 425 du Code civil prévoit qu’une mesure de protection peut être instituée au bénéfice de « toute personne dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté ».

Les mesures de protection sont au nombre de cinq :

  • La sauvegarde de justice
    • L’article 433 du Code civil prévoit que le juge peut placer sous sauvegarde de justice une personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés.
    • Il s’agit de la mesure de protection la moins légère dans la mesure où la personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits
  • La curatelle
    • Aux termes de l’article 440 du Code civil, la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée en curatelle.
    • La curatelle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit d’une mesure de protection intermédiaire, en ce sens que la personne placée sous curatelle perd la capacité d’exercer les actes de disposition les plus graves
  • La tutelle
    • L’article 440 du Code civil dispose que la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.
    • La tutelle n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante.
    • Il s’agit de la mesure de protection la plus lourde, car elle prive son bénéficiaire de l’exercice de tous ses droits
  • Le mandat de protection future
    • L’article 477 du Code civil prévoit que toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l’objet d’une mesure de tutelle ou d’une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l’une des causes prévues à l’article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.
    • À la différence de la sauvegarde de justice, de la curatelle et de la tutelle qui sont prononcées par le Juge, le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé.
    • Il s’agit donc d’une mesure de protection conventionnelle et non judiciaire
  • L’habilitation familiale
    • Aux termes de l’article 494-1 du Code civil lorsqu’une personne est hors d’état de manifester sa volonté, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi ses ascendants ou descendants, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin à la représenter ou à passer un ou des actes en son nom.
    • L’habilitation familiale ne peut être ordonnée par le juge qu’en cas de nécessité et lorsqu’il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne par l’application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, en particulier celles prévues aux articles 217,219,1426 et 1429, ou par les stipulations du mandat de protection future conclu par l’intéressé.

Au bilan, dès lors que l’un des époux fait l’objet de l’une des mesures de protection précitées, la voie du recours au divorce par consentement mutuel conventionnel est fermée.

Le recours au juge est alors la seule alternative qui s’offre aux époux.

==> Le consentement

  • L’exigence d’un consentement exprès
    • L’article 229-3 du Code civil dispose que « le consentement au divorce et à ses effets ne se présume pas »
    • Cela signifie qu’il ne peut valablement être exprimé qu’au moyen de la conclusion d’une convention.
  • L’observation d’un délai de réflexion
    • L’article 229-4 prévoit que « l’avocat adresse à l’époux qu’il assiste, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un projet de convention, qui ne peut être signé, à peine de nullité, avant l’expiration d’un délai de réflexion d’une durée de quinze jours à compter de la réception. »
    • Ainsi, est-il interdit aux époux de régulariser la convention de divorce avant l’expiration du délai de réflexion instauré par le législateur
  • Les vices du consentement
    • En contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.
    • Est-ce à dire que les époux sont à l’abri de voir leur consentement vicié lors de la signature de la convention ?
    • On peut en douter
    • En tout état de cause, la remise en cause de la convention de divorce peut être remise en cause en cas de vice du consentement.
    • La circulaire du 26 janvier 2017 a précisé en ce sens que « l’article 1128 du code civil qui prévoit que « sont nécessaires à la validité du contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un consentement licite et certain.» est applicable au divorce par consentement mutuel extrajudiciaire.
    • Elle en déduit que la convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • Tel n’est pas le cas de la convention de divorce homologué par le juge qui bénéficie de l’autorité de la chose jugée.
    • Ainsi, une action en nullité, sur le fondement des vices du consentement, pourra être engagée à l’encontre de la convention de divorce contresignée par un avocat.
    • En particulier, les époux pourront invoquer l’article 1143 du Code civil qui, au nombre des cas de violence, vise l’hypothèse où « une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif. »

B) Les conditions relatives aux enfants

Aux termes de l’article 229-2 du Code civil « les époux ne peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats lorsque […] le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1, demande son audition par le juge ».

Il ressort de cette disposition que, pour être éligibles au divorce par consentement mutuel conventionnel, les époux doivent, au préalable, avoir consulté leurs enfants mineurs.

Le législateur a prévu que la consultation de l’enfant se fait au moyen d’un formulaire.

  1. Le formulaire informant le mineur de son droit à être entendu

Aux termes de l’article 1144 du Code de procédure civile, « l’information prévue au 1° de l’article 229-2 du code civil prend la forme d’un formulaire destiné à chacun des enfants mineurs, qui mentionne son droit de demander à être entendu dans les conditions de l’article 388-1 du même code ainsi que les conséquences de son choix sur les suites de la procédure. »

Le formulaire d’information poursuit un double objectif :

  • donner aux enfants les informations pratiques pour assurer l’exercice effectif de leur droit
  • permettre aux avocats ainsi qu’au notaire de vérifier l’effectivité de l’information du mineur

==> L’exigence de discernement de l’enfant

Le choix a été fait de ne pas fixer d’âge minimum pour l’information de l’enfant mineur dans le cadre de cette procédure à l’instar de ce qui existe pour les autres procédures le concernant.

Le discernement devra donc faire l’objet d’une appréciation personnelle de la part des parents, prenant en compte plusieurs critères, à savoir, l’âge, la maturité et le degré de compréhension de leur enfant au regard de l’objectif d’information de ce formulaire.

Pour cette raison, le formulaire d’information doit être daté et signé par l’enfant.

En l’absence de discernement, aucun formulaire ne sera remis à l’enfant

L’article 1144-2 du code de procédure civile impose alors aux parents de mentionner dans la convention que l’information prévue au 1° de l’article 229 du code civil n’a pas été donnée en l’absence de discernement de l’enfant mineur concerné.

En ce qui concerne le cas particulier des mineurs dotés de discernement mais incapables physiquement de signer le formulaire, les deux parents signeront le formulaire en précisant que leur enfant est dans l’incapacité physique de le faire.

==> Le contenu du formulaire

Outre la date et la signature, l’enfant complète le formulaire en cochant une case, afin d’indiquer s’il souhaite, ou non, être entendu par le juge.

Les informations relatives à son identité peuvent être remplies par l’enfant lui-même ou par ses parents.

Dès lors, il existe deux hypothèses pour l’enfant capable de discernement :

  • soit il sait lire et le formulaire complète alors l’information dispensée par les parents ;
  • soit il ne sait pas lire et il revient alors à ses parents de le lui lire et de lui expliquer les mentions en termes compréhensibles, en fonction de sa maturité.

La signature du mineur, qui n’est pas prévue à peine de nullité et dont la valeur est analogue à celle apposée sur les règlements scolaires par exemple, n’aura pas de force probante quant à la capacité de discernement de ce dernier, de sorte que cet élément reste, dans ce nouveau dispositif, soumis à l’appréciation du seul juge en cas de demande d’audition.

L’arrêté du 28 décembre 2016 précise que le formulaire remis à l’enfant comporte les champs suivants :

Je m’appelle [prénoms et nom]

Je suis né(e) le [date de naissance]

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être entendu(e), par le juge ou par une personne désignée par lui, pour que mes sentiments soient pris en compte pour l’organisation de mes relations avec mes parents qui souhaitent divorcer.

Je suis informé(e) que j’ai le droit d’être assisté(e) d’un avocat.

Je suis informé(e) que je peux être entendu(e) seul(e), avec un avocat ou une personne de mon choix et qu’il sera rendu compte de cette audition à mes parents.

J’ai compris que, suite à ma demande, un juge sera saisi du divorce de mes parents.

Je souhaite être entendu(e) :

OUI NON

Date

Signature de l’enfant

==> Le rôle de l’avocat

Il appartient à l’avocat de s’assurer que l’ensemble des formulaires d’information destinés aux enfants mineurs capables de discernement sont annexés à la convention lors de la transmission au notaire, ce dernier ne pouvant procéder à ce dépôt, ne serait-ce qu’en l’absence d’un seul formulaire dans le cas d’une fratrie.

Afin d’éviter toute pression sur l’enfant qui demande à être entendu, la procédure prévue par l’article 229-1 du code civil n’est plus possible dès que cette demande est faite dans les conditions de l’article 1148-2 du code de procédure civile, ce qui inclut l’hypothèse où l’enfant reviendrait ensuite sur son souhait d’être entendu pour y renoncer.

2. L’audition du mineur

La voie du divorce par consentement mutuel judiciaire n’est en effet possible qu’en cas de demande d’audition formée par un enfant mineur.

La demande d’audition rouvrira la voie judiciaire du divorce par consentement mutuel quelle que soit la décision du juge sur la demande d’audition.

==> La demande d’audition

  • Le moment de la demande
    • La demande d’audition du mineur peut être formée à tout moment de la procédure jusqu’au dépôt de la convention de divorce au rang des minutes d’un notaire. Dès qu’une telle demande est formée, le divorce ne peut se poursuivre sur le fondement de l’article 229-1 du code civil.
    • Les époux peuvent alors :
      • soit engager une procédure de divorce par consentement mutuel judiciaire dans les conditions visées aux articles 230 à 232 du code civil et 1088 à 1092 du code de procédure civile, la requête devant alors être accompagnée du formulaire de demande d’audition en plus des pièces actuellement exigées à l’article 1091
      • soit introduire une requête contentieuse en divorce.
  • La forme de la demande
    • Lorsque le mineur demande à être auditionné par le Juge, la situation est régie par l’article 1148-2 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 1088 à 1092 du même code, soit aux règles procédurales relatives au divorce judiciaire par consentement mutuel.
    • Les époux pourront ainsi faire le choix, dans le cadre du divorce par consentement mutuel judiciaire, d’être assisté par un seul conseil.
    • La requête devant le juge aux affaires familiales comprend à peine d’irrecevabilité outre la convention de divorce et l’état liquidatif ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation.
    • Les époux sont en conséquence convoqués à l’audience devant le juge aux affaires familiales aux fins d’homologation de leur convention de divorce après l’audition du mineur ou refus d’audition par le juge.

==> Le déroulement de l’audition

Le juge peut réaliser lui-même l’audition ou désigner une personne pour y procéder. Le mineur peut être assisté par un avocat, choisi ou spécialement désigné, ou par la personne de son choix.

Le compte-rendu de l’audition est soumis au principe du contradictoire. Tout comme dans les autres procédures, le juge aux affaires familiales peut refuser d’entendre le mineur s’il estime que celui-ci n’est pas capable de discernement. Les motifs du refus doivent être mentionnés dans la décision.

C) Les conditions relatives à la convention

Pour mémoire, l’article 229-1 du Code civil dispose que « lorsque les époux s’entendent sur la rupture du mariage et ses effets, ils constatent, assistés chacun par un avocat, leur accord dans une convention prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par leurs avocats et établi dans les conditions prévues à l’article 1374. »

Ainsi, la convention de divorce a-t-elle pour fonction de formaliser l’accord des époux sur le principe et les effets du divorce.

Pour valable, la convention doit satisfaire à des conditions de fond et de forme.

  1. Sur le fond

==> Application du droit des contrats

  • Principe
    • En ce que la convention de divorce s’analyse en un contrat, le sous-titre Ier du titre III du Livre III du code civil relatif au contrat lui est, par principe, applicable ( 1100 à 1231-7 C.civ.)
    • En conséquence, la convention doit satisfaire aux conditions de formation du contrat
    • En particulier, l’article 1128 du Code civil lui est applicable.
    • Cette disposition prévoit que sont nécessaires à la validité du contrat :
      • Le consentement des parties
      • Leur capacité de contracter
      • Un consentement licite et certain.
    • La convention de divorce peut donc être attaquée en cas de vice du consentement, de défaut de capacité ou encore de contrariété à l’ordre public.
    • En cas d’inexécution de la convention, le droit des contrats devrait également être applicable à la convention de divorce, à la condition que la mesure sollicitée ne remette pas en cause le principe même du divorce
  • Exception
    • Si le caractère purement conventionnel du divorce par consentement mutuel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.
    • En effet, les dispositions qui sont inconciliables par nature avec le divorce sont inapplicables.
    • Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce serait déclarée nulle car contraire à l’ordre public.
    • La deuxième hypothèse d’une action en résolution fondée sur l’inexécution suffisamment grave après une notification du créancier au débiteur ne paraît pas non plus être valable dès lors qu’elle remettrait également en cause le principe du divorce.

==> Contenu de la convention

Le contenu du contrat est régi aux articles 1162 à 1171 du Code civil. Ainsi, le contenu de la convention de divorce ne doit pas porter atteinte à ces dispositions.

  • L’exigence d’un contenu licite
    • Aux termes de l’article 1162 du Code civil « le contrat ne peut déroger à l’ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toute les parties».
    • En matière familiale, la jurisprudence a une appréciation plutôt extensive de l’ordre public.
    • Relèvent notamment de l’ordre public familial :
      • l’autorité parentale (il n’est pas possible de renoncer ou de céder ses droits en dehors des cas prévus par la loi)
      • l’obligation alimentaire (qui est indisponible et non susceptible de renonciation).
    • Ainsi, il appartient à l’avocat de s’assurer que la convention ne comporte pas de clauses qui contreviendraient à l’ordre public.
    • Une clause qui, par exemple, exonérerait un époux de toute responsabilité en cas de non-paiement de la pension alimentaire serait réputée non écrite.
    • Surtout, la convention de divorce ne doit donc pas contenir de clauses fantaisistes qui risqueraient d’entraîner la nullité du contrat.
  • Exclusion du droit des clauses abusives
    • le divorce par acte d’avocat paraît exclu du champ du contrôle des clauses abusives prévu à l’article 1171 du code civil.
    • En effet la prohibition des clauses qui créent « un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat» ne s’applique que dans les contrats d’adhésion.
    • Le contrat d’adhésion est défini à l’article 1110 du code civil comme étant « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties».
    • La qualification de contrat d’adhésion suppose donc la prédétermination unilatérale de conditions générales par l’une des parties et l’absence de négociation de ces conditions générales par l’autre partie.
    • Or l’intervention d’un avocat auprès de chacune des parties a pour objet de garantir l’effectivité d’une négociation des clauses de la convention de divorce et de la prise en compte des intérêts de chacun des époux.

2. Sur la forme

==> Un acte sous seing privé contresigné

L’article 229-1 du Code civil exige que la convention prenne la forme d’un acte sous seing privé contresigné par l’avocat de chacune des parties.

Qu’est-ce qu’un acte sous seing privé contresigné par un avocat, dit acte d’avocat ?

Cette forme d’acte a été instituée par la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées.

Le législateur est parti du constat que de nombreux actes sous seing privé sont conclus sans que les parties, et notamment celles qui souscrivent les obligations les plus lourdes, n’aient reçu le conseil de professionnels du droit.

Cette manière de procéder, de plus en plus répandue en France notamment par l’utilisation de formulaires pré-imprimés ou disponibles sur internet, présente deux risques principaux.

  • Premier risque
    • Il peut arriver que les conséquences de cet acte ne soient pas celles que les parties attendaient :
      • soit parce que le but recherché en commun n’est pas atteint (le bail n’est pas valable par exemple)
      • soit parce que la convention est illicite.
  • Second risque
    • L’une des parties peut être tentée de contester ultérieurement l’existence du contrat ou l’un de ses éléments.
    • Les autres parties se heurtent alors à un problème de preuve.
    • L’assistance d’un avocat est insuffisante pour parer complètement à ces risques : les parties pourront éprouver des difficultés à établir que l’acte est le produit de ses conseils et aucune force probante particulière n’en résultera.

Afin de remédier à ces deux difficultés, le législateur avait bien cherché par le passé à y remédier. Elles étaient toutefois très insuffisantes.

Certes, les parties peuvent s’adresser à un notaire : l’acte authentique reçu par celui-ci engage sa responsabilité et fait foi jusqu’à inscription de faux des faits qu’il y aura énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence.

En outre cet acte bénéficie d’une caractéristique exceptionnelle attachée à la qualité d’officier public du notaire : la force exécutoire.

Cette force exécutoire permet, dans certaines circonstances, d’en assurer la réalisation sans avoir besoin au préalable de recourir à une décision de justice.

Mais, s’il est admis sans difficulté que la force exécutoire ne peut être attachée qu’à l’acte authentique, il a été jugé souhaitable que l’implication d’un avocat dans la réalisation d’un acte juridique emporte des effets plus significatifs que ceux qui lui étaient reconnus jusqu’alors.

Dans une perspective d’accès au droit, de protection de l’acte juridique et de sécurité des individus comme des entreprises, il est apparu au législateur utile d’encourager le recours aux conseils de l’avocat à l’occasion de la négociation, de la rédaction et de la conclusion des actes sous seing privé.

Il a donc été envisagé de permettre aux parties de renforcer la valeur de l’acte sous seing privé qu’elles concluent en demandant à un avocat, pouvant ou non être commun à plusieurs d’entre elles, de le contresigner.

Ce contreseing – qui existe déjà pour le mandat de protection future – entraîne deux conséquences.

  • Première conséquence
    • L’avocat ayant contresigné l’acte est présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a rédigé lui-même, et avoir conseillé son client
    • À ce titre, il assume pleinement la responsabilité qui en découle.
  • Seconde conséquence
    • L’avocat atteste, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que celui-ci a signé l’acte et en connaissance de cause, ce qui empêche celui-ci de contester ultérieurement sa signature
    • L’acte contresigné par un avocat possède alors, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

Appliqué au divorce par consentement mutuel, l’acte sous seing privé contresigné par avocat offre à la convention de divorce un cadre juridique adapté et sécurisé.

Il présente, en effet, deux avantages par rapport à un acte sous seing privé classique.

  • D’une part, il confère une force probante renforcée puisqu’il fait pleine foi de l’écriture et de la signature des parties tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayant cause.
  • Ensuite, en contresignant l’acte, l’avocat atteste de par la loi avoir éclairé pleinement la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte.

==> Les mentions

  • Mentions relatives à la civilité des parties
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux
      • La date et le lieu de mariage
      • Les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun des enfants du couple
  • Mentions relatives aux avocats
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • Le nom, l’adresse professionnelle et la structure d’exercice professionnel des avocats chargés d’assister les époux
      • Le barreau auquel ils sont inscrits
  • Mentions relatives au notaire instrumentaire
    • L’article 1144-1 du code de procédure civile ajoute que les époux doivent mentionner le nom du notaire ou de la personne morale titulaire de l’office notarial chargés du dépôt de la convention au rang de ses minutes.
    • Le cas échéant, rien ne s’oppose à ce que ce notaire soit le même que celui qui aura dressé l’acte liquidatif de partage en la forme authentique.
  • Mentions relatives à l’accord des époux
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention de l’accord des époux sur la rupture du mariage et sur ses effets dans les termes énoncés par la convention
      • Les modalités du règlement complet des effets du divorce conformément au chapitre III du présent titre, notamment s’il y a lieu au versement d’une prestation compensatoire
      • L’état liquidatif du régime matrimonial, le cas échéant en la forme authentique devant notaire lorsque la liquidation porte sur des biens soumis à publicité foncière, ou la déclaration qu’il n’y a pas lieu à liquidation
  • Mentions relatives à la pension alimentaire et à la prestation compensatoire
    • Compte tenu de l’importance des conséquences de la prévision d’une pension alimentaire ou d’une prestation compensatoire, l’article 1444-4 du Code de procédure civile prévoit que la convention doit contenir les informations des parties sur les modalités de recouvrement, les règles de révision et les sanctions pénales encourues en cas de défaillance.
    • L’article 1144-3 précise que lorsque des biens ou droits, non soumis à la publicité foncière, sont attribués à titre de prestation compensatoire, la convention précise la valeur de ceux-ci.
    • En cas de biens soumis à publicité foncière, un acte authentique devra être rédigé par un notaire.
    • Il peut, en outre, être prévu un paiement direct entre les mains, par exemple, de l’employeur du débiteur de ladite pension ou prestation.
    • Dans ce cas, le débiteur doit indiquer dans la convention le tiers débiteur saisi chargé du paiement
  • Mentions relative à l’information de l’enfant
    • L’article 229-3 du Code civil prévoit que la convention comporte expressément, à peine de nullité
      • La mention que le mineur a été informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge dans les conditions prévues à l’article 388-1 et qu’il ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
    • L’article 1144-2 du code de procédure civile précise que la convention doit mentionner, le cas échéant, que le mineur n’a pas reçu l’information relative à son droit d’être entendu par un juge en raison de son absence de discernement, ce qui facilitera les vérifications formelles du notaire devant procéder au dépôt.

En pratique, ces mentions peuvent apparaître dans un paragraphe distinct ou en annexe afin que les informations délivrées soient suffisamment lisibles et identifiables par le créancier (cf. annexe 2 de la présente circulaire).

==> La régularisation de la convention

  • Délai de réflexion
    • L’article 229-4 du code civil fixe un délai de réflexion de quinze jours pour chacun des époux, à compter de la réception de la lettre recommandée contenant le projet de convention, pendant lequel les parties ne peuvent signer la convention.
    • Il appartient donc aux avocats et aux parties de définir une date de rendez-vous de signature qui soit fixée à plus de quinze jours à compter de la réception du dernier courrier recommandé, signé personnellement par chacune des parties. En effet, la signature de l’un des époux ne vaut pas réception de la convention par l’autre ni ne présume celle-ci.
    • Les avocats respectifs des parties doivent donc s’assurer de la signature personnelle de l’époux sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
  • La signature et le contreseing
    • La convention est établie selon l’acte d’avocat prévu à l’article 1374 du code civil, qui fait foi de l’écriture et de la signature des parties.
    • En contresignant l’acte, les avocats attestent du consentement libre et éclairé de leur client.
    • L’article 1145 du code de procédure civile précise que la convention doit être signée par les époux et leurs avocats ensemble, ce qui signifie une mise en présence physique des signataires au moment de la signature.
    • En pratique, un rendez-vous commun aux deux époux et aux deux avocats devra être organisé en vue de la signature de la convention.
    • En effet, l’article 1175-1° du code civil exclut la possibilité d’établir et conserver sous forme électronique les actes sous signature privée relatifs aux droits de la famille de sorte qu’en l’absence de dérogation expressément prévue dans la loi du 18 novembre 2016, la signature par la voie électronique de la convention visée à l’article 229-1 du code civil est impossible.
    • La convention et ses annexes doivent être signées en trois exemplaires afin que chaque époux dispose d’un original et qu’un exemplaire soit déposé au rang des minutes du notaire désigné.
    • Lorsque la convention ou ses annexes doivent être soumises à la formalité de l’enregistrement, un quatrième exemplaire original devra être signé pour être transmis aux services fiscaux.
    • En cas de modification de la convention par rapport au projet initial, un nouveau délai de réflexion de quinze jours doit être laissé aux époux à compter de ces modifications, ce qui suppose, si celles-ci interviennent lors d’un rendez-vous de signature, d’organiser une seconde rencontre au moins quinze jours après.
  • Transmission de la convention au notaire
    • L’archivage de la convention étant déjà assuré par son dépôt au rang des minutes d’un notaire, il n’est pas nécessaire d’en prévoir un à la charge des avocats.
    • L’avocat le plus diligent, ou mandaté par les deux parties, transmet la convention de divorce accompagnée de ses annexes au notaire mentionné dans l’acte dans un délai maximum de sept jours suivant la date de la signature de la convention (article 1146 CPC).
    • À défaut de respecter ce délai, il engage sa responsabilité professionnelle.
    • Ce délai est un délai indicatif maximal qui ne constitue pas un délai de rétractation dans la mesure où les époux ont déjà bénéficié d’un délai de réflexion antérieurement à la signature de la convention.
    • Enfin, l’original de la convention devant être transmis, l’envoi ne peut être dématérialisé.
  • Frais d’acte
    • L’article 1144-5 du Code de procédure civile prévoit que la convention règle le sort des frais induits par la procédure de divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocat, déposé au rang des minutes d’un notaire, sous réserve des règles spécifiques en matière d’aide juridictionnelle et qu’à défaut, ils sont partagés par moitié.
    • Ces frais devraient être détaillés pour comprendre, l’ensemble des frais prévisibles (en particulier, les frais de transmission de la convention au notaire et de dépôt, ceux de partage et, le cas échéant, de traduction de la convention).
    • Conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur national de la profession d’avocats, les honoraires sont exclus de ces frais puisque l’avocat ne peut percevoir d’honoraires que de son client ou d’un mandataire de celui-ci.

==> L’intervention du notaire

  • La compétence territoriale des notaires
    • Conformément aux termes de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat, les notaires ne sont pas assujettis à des règles de compétence internes.
    • En outre, les règles de compétence du règlement CE n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ne concernent que les juridictions appelées à rendre une décision.
    • Or, dans la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel, les notaires doivent, après un contrôle formel, déposer au rang de leurs minutes la convention constituant l’accord des époux et ils ne rendent de ce fait aucune décision, de sorte qu’ils ne sont pas des juridictions au sens de ce règlement.
    • Par conséquent, les notaires, qui ne sont pas assujettis à des règles de compétence, ont vocation à recevoir tout acte, émanant de parties françaises comme étrangères, qu’elles soient domiciliées en France ou à l’étranger dès lors que le droit français s’applique à leur divorce, sans préjudice des effets que les règles de droit international privé applicables aux parties, à raison de leur nationalité par exemple, pourraient entraîner dans un autre État, en termes de reconnaissance du divorce et de ses conséquences notamment.
    • Enfin, l’article 8 du décret du 28 décembre 2016 a expressément exclu les fonctions notariales des agents consulaires du dispositif.
    • Ces derniers ne peuvent donc procéder au dépôt de la convention de divorce.
  • Le contrôle exercé par le notaire
    • Si le notaire n’a pas à contrôler le contenu ou l’équilibre de la convention, il doit, avant de pouvoir effectuer le dépôt de la convention au rang de ses minutes, vérifier la régularité de celle-ci au regard des dispositions légales ou réglementaires.
    • Pour autant, s’il est porté manifestement atteinte à l’ordre public (une clause qui évincerait les règles d’attribution de l’autorité parentale découlant de la filiation ou une clause de non-remariage par exemple), le notaire, en sa qualité d’officier public, pourra alerter les avocats sur la difficulté.
    • Ni les époux, ni les avocats n’ont en principe à se présenter devant le notaire.
      • Le contrôle du respect du délai de réflexion
        • L’article 229-1 du code civil donne expressément au notaire compétence pour s’assurer que le délai de réflexion de quinze jours entre la rédaction de la convention et la signature prévue à l’article 229-4 du même code a bien été respecté.
        • À cette fin, la convention pourra comporter utilement en annexe la copie des avis de réception des lettres recommandées envoyées à chacune des parties et contenant le projet de convention.
        • Si le délai de réflexion de quinze jours n’a pas été respecté, le notaire ne peut procéder au dépôt de la convention.
      • Le contrôle des exigences formelles
        • Le dernier alinéa de l’article 229-1 du code civil rappelle le rôle du notaire.
        • Celui-ci doit vérifier le respect des exigences prévues aux 1° au 6° de l’article 229-3 du code civil.
        • Si la convention ne contient pas l’ensemble de ces mentions, le notaire doit refuser de procéder à son dépôt.
        • Les époux devront rédiger une nouvelle convention avec les mentions manquantes et respecter le délai de réflexion de quinze jours avant de pouvoir procéder à la signature de celle-ci et de la transmettre au notaire en vue de son dépôt.
  • Le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire
    • L’article 1146 du Code de procédure civile prévoit que le notaire dispose d’un délai maximal de quinze jours pour procéder au contrôle susmentionné de la convention et de ses annexes et déposer l’acte au rang de ses minutes.
    • Ce délai ne constituant pas un délai de rétractation, le notaire peut procéder à ce contrôle et au dépôt dès réception des documents.
    • Le dépassement de ce délai ne constitue pas une cause de caducité de la convention mais peut être de nature à engager la responsabilité professionnelle du notaire.
    • Le dépôt de la convention de divorce au rang des minutes du notaire ne confère pas à la convention de divorce la qualité d’acte authentique mais lui donne date certaine et force exécutoire à l’accord des parties et entraîne la dissolution du mariage à cette date.
    • Les effets du divorce entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, prennent effet à la date du dépôt, à moins que la convention n’en dispose autrement (article 262-1 du code civil).
    • Le dépôt au rang des minutes du notaire emporte l’obligation d’assurer la conservation de l’acte pendant une durée de 75 ans et le droit d’en délivrer des copies exécutoires et des copies authentiques.
    • L’article 14 du décret n° 71-942 du 26 novembre 1971, prévoit les conditions de conservation en cas de suppression ou de scission d’un office de notaire, à titre provisoire ou définitif, ce qui permet d’assurer la continuité de la conservation.
    • Le notaire doit délivrer une attestation de dépôt à chacun des époux qui contient, outre ses coordonnées, notamment :
      • la mention du divorce
      • l’identité complète des époux
      • leurs lieu et date de naissance
      • le nom de leurs avocats respectifs et le barreau auquel ils sont inscrits
      • la date de dépôt. U
    • Une attestation est également délivrée, le cas échéant, à l’avocat désigné au titre de l’aide juridictionnelle, à sa demande, afin que celui-ci puisse solliciter le paiement de la contribution de l’État (article 118-3 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991).
    • Cette attestation permettra aux ex-conjoints ou à leurs avocats de faire procéder à la mention du divorce sur les actes de l’état civil et de justifier du divorce auprès des tiers.

==> Publicité : la mention du divorce sur les actes d’état civil

Dès réception de l’attestation de dépôt de la convention de divorce et de ses annexes, les époux ou les avocats doivent en principe transmettre celle-ci à l’officier d’état civil de leur lieu de mariage aux fins de mention du divorce sur l’acte de mariage selon les modalités prévues à l’article 1147 du code de procédure civile.

Le mariage est dissous à la date de l’attestation de dépôt qui lui donne force exécutoire.

Conformément aux dispositions de l’article 49 du code civil, l’officier d’état civil qui a apposé la mention du divorce en marge de l’acte de mariage, transmet un avis à l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance de chacun des époux aux fins de mise à jour de ces actes par la mention de divorce.

Si le mariage a été célébré à l’étranger et en l’absence d’acte de mariage conservé par un officier d’état civil français, la mention du divorce sera portée sur les actes de naissance et à défaut, l’attestation de dépôt sera conservée au répertoire civil annexe détenu au service central d’état civil à Nantes.

Toutefois, si le mariage a été célébré à l’étranger à compter du 1er mars 2007, sa transcription sur les registres de l’état civil français sera nécessaire avant de pouvoir inscrire la mention du divorce sur l’acte de naissance d’un Français.

IV) Les effets

A) Opposabilité de la convention

==> À l’égard des parties

  • Principe
    • L’article 229-1, al. 3 du Code civil prévoit que le dépôt de la convention au rang des minutes du notaire « donne ses effets à la convention en lui conférant date certaine et force exécutoire»
    • Ainsi, ce n’est donc pas la signature de la convention qui la rend opposable entre les parties, mais son dépôt
  • Exception
    • L’article 262-1, al. 1er du Code civil dispose que « la convention ou le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens lorsqu’il est constaté par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, à la date à laquelle la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce acquiert force exécutoire, à moins que cette convention n’en stipule autrement»
    • Les parties peuvent ainsi décider de modifier la date des effets du divorce, s’agissant de leurs rapports patrimoniaux.
    • Les effets du divorce pourront donc être reportés à une date antérieure au jour du dépôt au rang des minutes du notaire.
    • Ils pourront ainsi faire coïncider la date du divorce avec la date de leur séparation effective.

==> À l’égard des tiers

L’article 262 du Code civil prévoit que le divorce est opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de mention en marge des actes d’état civil ont été effectuées.

Tant que cette mesure de publicité n’est pas accomplie par les époux, le divorce leur sera inopposable.

Ils seront donc toujours fondés à se prévaloir du principe de solidarité des dettes ménagères par exemple.

  1. Étendue des effets de la convention

==> Irrévocabilité du principe du divorce

Le caractère conventionnel de la convention de divorce devrait permettre aux époux de révoquer leur accord en cas d’inexécution de leurs obligations respectives.

Toutefois, si ce caractère conventionnel emprunte au droit des contrats, il s’en détache en raison de son caractère familial.

Dès lors, il est des dispositions qui, par nature, sont inconciliables par nature avec le divorce

Ainsi, sous réserve de l’appréciation des juridictions, une clause résolutoire portant sur le principe du divorce devrait être déclarée nulle car contraire à l’ordre public.

De la même manière, l’époux qui engage une action en résolution judiciaire sur le fondement de l’inexécution suffisamment grave après une notification au débiteur devrait être débouté de sa demande.

Dans le cas contraire, une telle action pourrait conduire à remettre en cause le principe du divorce.

Or une fois l’accord des époux scellé, cet accord est irrévocable.

==> Rétractation des époux

Il convient de distinguer selon qu’un seul des époux ou les deux se rétractent.

  • Un seul époux se rétracte
    • Dans l’hypothèse où l’un des époux se rétracterait entre la signature de la convention et son dépôt au rang des minutes, le notaire doit quand même procéder à l’enregistrement de la convention.
    • En effet, la convention de divorce constitue un contrat à terme au sens de l’article 1305 du code civil, qui engage les parties de manière irrévocable, sauf consentement mutuel des parties pour y renoncer ou pour les causes que la loi autorise (article 1193 C. civ.), en l’espèce la demande d’audition de l’enfant (article 229-2 C. civ.).
    • Seuls les effets de la convention, et donc l’exigibilité des obligations de chacun des époux, sont différés jusqu’au dépôt de l’acte au rang des minutes du notaire mais la force obligatoire de la convention s’impose aux parties dès la signature.
    • En conséquence, il est interdit à un seul des époux de “faire blocage” et de bénéficier de ce fait d’une faculté de rétractation non prévue par la loi.
  • Les deux époux se rétractent
    • Lorsque, d’un commun accord, les deux époux renoncent au divorce, ils peuvent révoquer la convention jusqu’au dépôt de celle-ci au rang des minutes du notaire en application de l’article 1193 du code civil.
    • Le notaire doit être informé de la renonciation au divorce par tous moyens, aucune condition de forme n’étant imposée.
    • Dans le cas d’un renoncement à cette voie du divorce par consentement conventionnel, l’article 1148-2, alinéa 2 du code de procédure civile, rappelle que la juridiction est saisie dans les conditions des articles 1106 et 1107 du même code.
    • La convention peut aussi être modifiée entre la signature et le dépôt d’un commun accord entre les époux (article 1193 C. civ.).
    • Dans ce cas, une nouvelle convention devra être rédigée et les avocats devront veiller à informer le notaire de ce changement afin que celui-ci ne procède pas au dépôt. Le délai de réflexion de quinze jours courra à nouveau entre la rédaction du projet et la signature de celui-ci par les parties en présence de leurs avocats.

==> Exécution forcée de la convention

La loi du 18 novembre 2016 a ajouté à la liste des titres exécutoires de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution les accords par lesquels les époux consentent mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresignée par avocats, déposés au rang des minutes d’un notaire selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil.

Les époux peuvent donc solliciter l’exécution forcée de la convention dès lors que celle-ci a été déposée au rang des minutes du notaire.

Dès son dépôt, la convention de divorce a des effets identiques à ceux d’un jugement de divorce.

À cette fin, certaines dispositions ont été modifiées par la loi du 18 novembre 2016, le décret du 28 décembre 2016 et l’article 115 de la loi de finances rectificative pour 2016.

  • Pension alimentaire
    • En application de l’article L. 213-1 du code des procédures civiles d’exécution et de l’article 1er de la loi n° 75-618 du 11 juillet 1975 la convention de divorce permet d’engager une procédure de recouvrement de la pension alimentaire
    • En complément, Le code général des impôts a été modifié pour que les pensions alimentaires et prestations compensatoires fixées par la convention de divorce bénéficient du même régime fiscal que celles fixées par un jugement de divorce
  • Prestations sociales
    • Pour les mêmes raisons, l’article L. 523-1 du code de la sécurité sociale a fait l’objet d’une modification afin de permettre au créancier d’une pension alimentaire fixée par une convention de divorce établie par acte d’avocats ou par un acte authentique de bénéficier de l’allocation de soutien familial ou de l’allocation de soutien familial différentielle.
    • L’article L.581-2 du même code a en conséquence été modifié afin de permettre à la CAF qui a versé cette allocation, au lieu et place du parent débiteur défaillant, de recouvrer les sommes versées.

Toutefois, la convention ne constitue pas un titre permettant d’obtenir l’expulsion de l’époux qui se maintient illégitimement dans le logement dans la mesure où l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution restreint cette possibilité à la production d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation, qui est toujours signé par un juge compte tenu de l’atteinte aux libertés individuelles que constitue cette mesure.

==> La révision de la convention

  • Principe
    • L’article 1193 du Code civil prévoit de façon générale la révision des conventions par consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise.
    • Il en résulte que la convention de divorce par acte sous signature privée contresigné par avocat pourra être révisée d’un commun accord des parties, par simple acte sous seing privé ou par acte sous signature privée contresigné par avocat.
    • L’acte sous seing privé simple ou contresigné par avocat portant révision de la convention n’aura toutefois ni date certaine, ni force exécutoire, sauf à ce que les parties en fassent ultérieurement constater la substance dans un acte authentique pour lui conférer date certaine, en application de l’article 1377 du code civil.
  • Tempéraments
    • En raison de la soumission de la convention de divorce à l’ordre public familial, certaines clauses de la convention ne peuvent être révisées selon le droit commun des contrats.
    • Tel est le cas du principe du divorce en raison de l’indisponibilité de l’état des personnes, ou des clauses portant sur la prestation compensatoire, dont la révision fait l’objet de dispositions spécifiques prévues à l’article 279 du code civil.
    • Les parties pourront toujours solliciter l’homologation de leur nouvel accord portant sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et fixant le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant devant le juge aux affaires familiales, par requête conjointe, en application des dispositions de l’article 373-2-7 du code civil.
    • Depuis le décret n° 2016-1906 du 28 décembre 2016, le juge peut homologuer cette convention sans audience à moins qu’il n’estime nécessaire d’entendre les parties.
    • Enfin, le juge aux affaires familiales pourra toujours être saisi par les deux parents, ensemble ou séparément sur le fondement de l’article 373-2-13 du code civil, aux fins de statuer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

==> Le contentieux de l’inexécution de la convention par l’un des ex-époux

En cas d’inexécution par l’un des ex-époux de ses obligations résultant de la convention de divorce ayant force exécutoire, l’autre pourra toujours saisir le tribunal de grande instance de la difficulté.

L’exception d’inexécution prévue à l’article 1209 du code civil ne pourra toutefois être invoquée dès lors qu’elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.

Ainsi, le débiteur d’une pension alimentaire due pour l’éducation et l’entretien de l’enfant ne pourra refuser de verser cette contribution au motif que l’enfant ne lui est pas représenté.

La dissolution du pacs

I) Les cas de dissolution

Il ressort de l’article 515-7 du Code civil qu’il existe quatre causes de dissolution du pacs :

  • Le décès de l’un des partenaires
  • Le mariage de l’un ou des partenaires
  • La déclaration conjointe des partenaires
  • La décision unilatérale de l’un des partenaires

Si les trois premiers cas de dissolution du pacs ne soulèvent pas de difficultés, il n’en a pas été de même pour le quatrième cas qui autorise les partenaires à rompre leur union unilatéralement.

Lorsque la loi du sur le pacs a été déférée à l’examen du Conseil constitutionnel, les requérants ont, en effet, fait valoir que ce mode de rupture s’apparenterait à une répudiation (Décision n° 99-419 DC du 9 novembre 1999).

Aussi, ont-ils avancé que cette faculté offerte aux partenaires méconnaîtrait le principe du respect de la dignité de la personne humaine et qu’elle serait contraire au principe d’égalité entre les contractants, le pacte prenant fin, dans ce cas, immédiatement et les obligations qu’il a produites cessant sur le champ.

Le Conseil constitutionnel n’a toutefois pas fait droit à leur grief, en leur opposant quatre arguments :

  • Le pacte civil de solidarité étant un contrat étranger au mariage, sa rupture unilatérale ne saurait être qualifiée de « répudiation »
  • Dans la mesure où le pacs est un contrat à durée indéterminée, il est propre à cette catégorie de convention de pouvoir faire l’objet d’une résiliation unilatérale
  • La cessation immédiate du pacte en cas de mariage de l’un des partenaires répond à la nécessité de respecter l’exigence constitutionnelle de la liberté du mariage, de sorte que les partenaires ne sauraient rester enfermés dans leur union
  • Le partenaire auquel la rupture est imposée pourra toujours demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture

Ainsi, la faculté pour les partenaires de rompre leur union unilatéralement a-t-elle été maintenue.

II) Les modalités de la dissolution

A) Dissolution du PACS par le décès ou le mariage de l’un ou des partenaires

Le PACS se dissout par la mort de l’un des partenaires, ou par le mariage des partenaires ou de l’un d’eux (article 515-7 du code civil alinéa 1er).

Dans ces hypothèses, l’officier de l’état civil qui a enregistré la déclaration de PACS est informé du décès ou du mariage des partenaires ou de l’un d’eux par l’officier de l’état civil détenteur de l’acte de naissance du ou des partenaires concernés (article 3 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

Ainsi informé, il lui reviendra d’enregistrer la dissolution du PACS puis d’en informer le partenaire survivant ou, en cas de mariage, les deux partenaires.

B) Dissolution par déclaration conjointe des partenaires

Les partenaires peuvent mettre fin au PACS, d’un commun accord, en remettant ou en adressant à l’officier de l’état civil une déclaration conjointe en ce sens (article 515-7 alinéas 3 et 4 du code civil).

Les formalités à respecter seront alors identiques à celles requises pour l’enregistrement d’une convention modificative de PACS

À l’instar de la possibilité introduite par le décret du 6 mai 2017 pour un partenaire de se présenter seul en mairie aux fins d’enregistrement de la convention modificative de PACS conclue avec l’autre partenaire, une telle possibilité est également prévue en cas de dissolution d’un PACS, que celle-ci soit enregistrée en mairie ou devant notaire (article 2 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006 et article 2 du décret n° 2012-966 du 20 août 2012).

À l’issue, l’officier de l’état civil remettra aux partenaires ou au seul partenaire présent, ou enverra à ceux-ci par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, un récépissé d’enregistrement de la déclaration conjointe de dissolution

C) Dissolution par décision unilatérale d’un partenaire

L’un des partenaires peut également prendre l’initiative de la dissolution, en faisant procéder à la signification de sa décision unilatérale à l’autre partenaire (article 515-7 alinéas 3 et 5 du code civil).

Sans délai, l’huissier de justice qui a effectué la signification remet, ou adresse par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie de l’acte signifié à l’officier de l’état civil qui a enregistré la déclaration de PACS (article 5 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

À réception, l’officier de l’état civil se reportera au numéro d’enregistrement déjà attribué aux partenaires et enregistrera la dissolution du PACS.

Il informera alors les ex-partenaires, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, de cet enregistrement.

L’adresse à laquelle ces avis sont envoyés est celle figurant sur la copie de l’acte notifié par huissier de justice.

III) La publicité de la dissolution

À l’instar de la publicité organisée dans le cadre d’une déclaration conjointe de conclusion d’un PACS, la dissolution d’un PACS fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de naissance de chaque partenaire, ou, lorsque l’un d’eux est né à l’étranger et de nationalité étrangère, d’un enregistrement sur le registre tenu par le service central d’état civil.

Il est relevé que l’avis de mention devra être adressé aux officiers de l’état civil compétents même dans l’hypothèse où l’un des officiers de l’état civil détenant l’acte de naissance d’un partenaire serait également celui qui a établi ou transcrit l’acte de décès ou de mariage. En effet, l’officier de l’état civil concerné ne pourra apposer la mention marginale de la dissolution du PACS qu’après avoir été requis en ce sens par l’officier de l’état civil ayant procédé à l’enregistrement de la dissolution du PACS.

Lorsque l’un des partenaires est de nationalité étrangère et né à l’étranger, le service central d’état civil enregistrera par ailleurs, dans les trois jours suivant la réception de cet avis, en sus des informations précitées enregistrées par l’officier de l’état civil, la date d’effet de la dissolution du PACS à l’égard des tiers (article 4 du décret n° 2006-1806 du 23 décembre 2006).

Une fois cet enregistrement effectué, il en informera l’officier de l’état civil l’ayant requis à cette fin.

Cet avis sera alors classé par l’officier de l’état civil au dossier contenant les autres pièces relatives au PACS.

Il est rappelé l’importance de transmettre sans délai les avis de mention correspondants, au regard des enjeux éventuels liés à la dissolution d’un PACS.

IV) Les effets de la dissolution

A) La date d’effet de la dissolution

La date à laquelle la dissolution du PACS produit ses effets, entre les partenaires et à l’égard des tiers, diffère selon qu’elle intervient consécutivement au mariage ou au décès d’un ou des partenaires, ou bien qu’elle résulte d’une décision conjointe ou unilatérale de ces derniers.

  • Dissolution du PACS par mariage ou décès
    • Dans ces hypothèses, la date d’effet de la dissolution du PACS correspond à la date du mariage ou du décès.
    • La dissolution du PACS est opposable aux tiers à compter de cette date (article 515-7 alinéa 1er du code civil).
  • Dissolution du PACS par déclaration conjointe des partenaires ou par décision unilatérale d’un partenaire
    • Le PACS prend fin, à l’égard des partenaires, au jour de son enregistrement par l’officier de l’état civil (article 515-7 alinéa 7 du code civil).
    • La dissolution du PACS est en revanche opposable aux tiers à partir du jour où les formalités de publicité ont été accomplies (article 515-7 alinéa 8 du code civil).

B) Les conséquences de la dissolution

  1. La liquidation du pacs

L’article 515-7 du Code civil prévoit qu’il revient aux partenaires de procéder à la liquidation des droits et obligations issus du PACS.

  • Chacun des partenaires reprend ses biens personnels.
  • Les biens indivis sont partagés par moitié, sauf modalités conventionnelles contraires.
  • Les créances entre les partenaires sont réglées, sous l’empire des règles de calcul des récompenses entre époux communs en biens édictées à l’article 1469 du Code civil

Le régime de la prestation compensatoire ne s’applique pas aux partenaires de PACS

2. La rupture fautive

La question s’est posée de savoir si, en cas de rupture fautive, le partenaire victime de cette rupture était fondé à réclamer l’octroi de dommages et intérêts ?

La lecture de l’article 515-7, al. 10 du Code civil révèle qu’une réponse positive peut être apportée à cette interrogation.

Celui-ci dispose, en effet, que « les partenaires procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité. À défaut d’accord, le juge statue sur les conséquences patrimoniales de la rupture, sans préjudice de la réparation du dommage éventuellement subi ».

Lors de son examen de la loi sur le pacs, le Conseil constitutionnel avait affirmé qu’il résultait de cette disposition que le partenaire auquel la rupture est imposée peut demander réparation du préjudice éventuellement subi, notamment en cas de faute tenant aux conditions de la rupture.

Deux enseignements peuvent être tirés de la décision du 9 novembre 1999 :

  • Premier enseignement
    • la rupture du pacs ne saurait constituer en elle-même une faute.
    • Et pour cause, admettre le contraire reviendrait à vider de sa substance la faculté conférée par la loi aux partenaires de rompre unilatéralement le pacs sur simple déclaration à l’officier d’état civil
  • Second enseignement
    • À l’instar du concubinage, pour qu’un partenaire soit fondé à obtenir des dommages et intérêts du fait de la rupture du pacs, il doit établir une faute indépendamment de la rupture
    • Autrement dit, si la rupture ne saurait constituer en elle-même une faute, les circonstances qui l’entourent peuvent fonder une action en responsabilité

Deux fondements juridiques peuvent alors être envisagés :

  • La responsabilité délictuelle
    • Dans cette hypothèse, conformément à l’article 1240 du Code civil, il conviendra de démontrer l’existence
      • D’une faute
      • D’un préjudice
      • D’un lien de causalité
    • Ces éléments doivent être établis séparément et cumulativement
  • La responsabilité contractuelle
    • Parce que le pacs est un contrat, les partenaires sont susceptibles d’engager leur responsabilité contractuelle
    • Pour ce faire, il conviendra de prouver qu’il a manqué à l’un des devoirs résultant du statut patrimonial et personnel du pacs
    • En particulier, il conviendra de se reporter à l’article 515-4 du Code civil qui édicte les principales obligations qui pèsent sur les partenaires
      • Communauté de vie
      • Assistance
      • Aide matérielle et morale
      • Loyauté